Lettre hebdomadaire n°233

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N°233 - semaine du 21 au 27 septembre 2010 2012 : les cinq chocs en stock

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Les 5 chocs en stock pour 2012

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N°233 - semaine du 21 au 27 septembre 2010

2012 : les cinq chocs

en stock

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A 18 mois de la prochaine élection présidentielle, Ni-colas Sarkozy semble confronté à cinq chocs majeurs : • son propre style, • l’éclatement de la

droite, • le retour en force de

l’idéal d’égalité donc une gauche en for-me,

• le coup de poing américain du 2 no-vembre 2010,

• le nouveau populis-me et la mode des « gens ordinaires ».

2012 : l’élection entre Sarkozy et … Sarkozy ? Les fondamentaux de Ni-colas Sarkozy en matière de communication repo-sent sur quatre règles. 1ère règle : la permanence de la communication : jusqu’en 2004, les coutu-mes étaient aux campa-gnes thématiques ponc-tuelles organisées sur une

séquence temps précise. Pendant 1 mois, un res-ponsable politique com-muniquait sur un thème donné. Puis, il «disparaissait» de la scène pendant deux ou trois mois avant de reve-nir sur un autre dossier. A l’opposé de cette tradi-tion, Nicolas Sarkozy substitue la «campagne permanente» à l’améri-caine. Presque chaque jour, une campagne de commun i c a t i on e s t conduite ( déplacements, i m a g e s , f o r m u l e s chocs…). 2ème règle : incarner «l’énergie rebelle» et ce, alors même que l’intéres-sé est au pouvoir : Nico-las Sarkozy a rapidement perçu les problèmes ma-jeurs de la société Fran-çaise. Face aux problè-mes rencontrés, l’offre politique est décevante. Les élites, dont les ex-

perts, ne sont plus aptes à apporter des réponses efficaces. Des efforts sont deman-dés pour des résultats lointains alors que le «citoyen-consommateur» veut des satisfactions «ici et maintenant». Sur la base de ce constat, tout est donc réuni pour un divorce profond entre la demande des citoyens et l’actuelle ou tradition-nelle offre politique. Alors même qu’il est dé-sormais pleinement au pouvoir, Nicolas Sarkozy a tenté de capitaliser en-core la fonction de «rebelle» mais avec moins de succès qu’entre 2004 et 2007. 3ème règle : créer son pro-pre espace politique : son traitement des crises ne répond à aucune des frontières politiques clas-siques.

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Dominique de Ville-pin : recours ou divi-sion ? Avec la création de son Mou-vement, l’ancien Premier Mi-nistre s’installe au cœur de la présidentielle 2012. Il peut faire revivre à la droite ses heures les plus sombres des divisions rudes. Mais il peut aussi devenir le recours pour une nouvelle majorité désireuse de vivre le change-ment sans aller jusqu’à un re-tour de la gauche au moment où cette dernière se radicalise manifestement.

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Pendant la campagne présidentielle 2007, il in-carnait l’approche libérale et 17 mois plus tard il met en place un dispositif digne d’une approche so-cial-démocrate pour af-fronter une crise financiè-re profonde. 4ème règle : le salut est dans l’action : en 1974, la maladie du Président Pompidou avait créé une aspiration en faveur d’un Président jeune et dyna-mique. La fin de mandat du Pré-sident Chirac a été domi-née par un enjeu d’image sur «la génération du ca-pitaine». 40 ans de pou-voir auraient cassé toute faculté de modernité. La lecture de la presse étrangère grouillait de ré-férences assassines no-tamment dans les compa-raisons entre J. Chirac et T. Blair. Au cours des dernières années, un élément ma-jeur est apparu. Les Fran-çais considèrent qu’ils re-cèlent une énergie qui n’est pas canalisée par sa représentation politique. Nicolas Sarkozy choisit donc l’action. L’opinion le récompense pour ce choix. Les groupes qualitatifs montrent que les mots qui reviennent le plus souvent à son sujet

c’est : «il se décarcasse», «il se démène», «il se ba-garre», «il mouille la che-mise» …

Mais ces règles se sont accompagnées de révolu-tions qui ont placé son style au centre de débats très controversés. Pendant des décennies, le Président devait être un exemple de sagesse, de prudence, de quasi-chasteté, autant de quali-tés supposées caractéri-ser les élites politiques, intellectuelles et religieu-ses au moins dans la théorie. En trois ans, tous ces cli-chés ont implosé. Bon nombre des qualités qui

lui sont reconnues incar-nent le «soufre» : divor-ce, plaisirs, défis, voca-bulaire, provocations … De 2004 à 2007, il avait changé la donne du chal-lenger qui n’était plus le dauphin mais le rebelle. Depuis 2007, il change aussi la donne en étant le Président qui assume mais parfois pour le pire. Le Président au-dessus des partis dont «le sien» : c’est fini. Le Prési-dent est le patron de son parti qui est toujours en ordre de marche sous son autorité et à son service. Le Président qui donne l’image du partage des décisions : c’est fini. Il y

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a un patron et un seul. Ceux qui n’obéissent pas doivent aller voir ailleurs. Le Président qui se consacrerait exclusive-ment au «sacerdoce de sa fonction» dans une posture quasi religieuse : c’est fini aussi. Il assume voire développe l’image d’un couple fusionnel conduisant ainsi le passa-ge en cinquante ans d’u-ne Première Dame qui hier était «tante Yvonne» et qui aujourd’hui est Carla Bruni. Autant de révolutions in-contestables.

Des révolutions qui font naître la génération sand-wich pour les concurrents qui ont compris que le politiquement correct d’hier était périmé mais qui n’ont pas le souffle pour poser aussi loin les frontières du «nouveau politiquement correct». Ils ne vivent plus la politi-que d’hier mais ils ne vi-vent pas davantage celle d’aujourd’hui avec les nouvelles règles posées par la communication présidentielle qui accepte la rupture permanente. A ce jeu, les concurrents du Chef de l’Etat sont toujours les suiveurs et donc les potentiels bat-tus. Le premier acquis de la Présidence Sarkozy c’est

en effet d’avoir rangé au magasin des accessoires la «bonne vieille vertu bourgeoise» avec son moralisme permanent. Il est significatif de cons-tater que les autres per-sonnalités à la mode sont actuellement Cohn-Bendit et Chirac qui bat des re-cords de buzz quand il fait la cour à sa séduisan-te voisine pendant que son épouse fait un dis-cours... A ce jeu, la compétition n’est plus entre l’UMP, le PS, le Modem mais entre trois nouvelles familles politiques : le DLVV, le PID et le RC. Le DLVV, c’est la famille «Dans La Vraie Vie» : ses membres bougent, réus-sissent, ratent, se trom-pent, repartent, aiment, cherchent le bonheur … bref, vivent comme main-tenant. Le PID, c’est le parti de la Peur, de l’Incertitude et du Doute. C’est l’actuel espace du Modem qui doute entre la droite et la gauche, qui multiplie les nuances témoignant une incertitude contagieuse et qui semble avoir tout simplement peur d’assu-mer. Quant au RC, ce sont les Retardataires Chroniques. Ils disent aimer le clic mais pratiquent le «clic arrière» : un pas d’avan-

Une opinion ? Non : 5 opinions ! En réalité, il n’y a pas une opinion mais 5 opinions : • les «hors jeux so-ciaux» : ils ne veulent pas voir la réalité é cono-mique telle qu’elle est,

• les «survivants pas-sagers» : ils font appel à l’Etat ou aux collectivités publiques pour repousser les échéances,

• «l’auto-défense tri-bale» : pour défen-dre les acquis, c’est le retour à la force comme les salariés de Sony o u Caterpillar,

• la «ruche endor-mie» : la grande ma-jorité qui observe, qui attend que la crise passe et qui donne les bons et mauvais points en espé-rant ne jamais être impac-tée par la crise,

• les combattants : ils retroussent les manches et disent non. Ils veulent mettre la crise en crise et se battent pour survivre.

Derrière ces composantes aux réflexes et aux valeurs très différenciés, il y a un rapport de forces permanent entre deux valeurs clefs : l’égalité et la liberté. La pre-mière (l’égalité) mène ac-tuellement très largement sur la seconde (la liberté) et cette tendance devrait im-pacter significativement les prochains programmes pour 2012.

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2012 : la course à la proximité La tradition du discours français reposait sur l'intellectualisation. Comment intellectualiser ce que l'on ne connaît pas quand l'avenir est perçu comme inconnu ? Les citoyens s'en remettent moins aux mots. Ils aspirent à connaître l'identité de l'indivi-du : ses expériences c'est-à-dire son histoi-re, ses échecs, ses succès, sa façon de vi-vre. Tout ce qui est "impliquant" et qui permet de se faire une idée sur un être. Il importe donc de répondre à cette attente. La conception péjorative de cette évolution consiste à la qualifier "d'infos people". La réalité, c'est que le citoyen attend un nouveau style d'expression et de communi-

cation qui lui permette de mieux connaître celui qui le représente ou qui aspire à le re-

présenter. C'est une revendication de sens au-delà des "discours officiels". "Par sa vie, cet individu peut-il comprendre la mienne, mes questions, mes doutes, mes aspirations ?" : c'est ce rapport impliquant qui est attendu. Dans un monde complexe et contradictoire, cette observation est un vrai facteur d'expli-cation d'un être que les citoyens cherchent à d'autant plus comprendre que les idéologies sont vides de sens. Parce que la société d'aujourd'hui et a for-tiori de demain est faite de menaces géné-ralisées à un point tel qu'il est aujourd'hui admis qu'elles viendront de domaines inima-ginables à ce jour, les citoyens ont besoin de repères nouveaux.

cée pour deux pas de tra-dition donc le blocage. Nicolas Sarkozy a le mé-rite de la lisibilité. Mais cette lisibilité est perçue comme un style flam-boyant qui provoque, qui clive, qui suscite les polé-miques. L’appréciation sur le style de Nicolas Sarkozy sera l’un des dossiers les plus chauds de la présidentiel-le 2012. La droite éclatée com-me aux pires heures de la Vème République

Avec la poussée de Domi-nique de Villepin, c’est le retour de la droite éclatée

comme aux pires heures de la Vème République. Depuis le premier trimes-tre 2008, la droite compte un leader alternatif qui répond à 4 évolutions dans les rapports entre Nicolas Sarkozy et l’opi-nion publique : De la confiance à la supi-cion : les éléments affec-tifs de confiance se sont peu à peu transformés en éléments «scientifiques» de crainte. Au début, face à Nicolas Sarkozy, l’opi-nion se disait «il va me séduire». Maintenant, elle dit «il va me manœuvrer, me tromper». De la joie à l’amertume : l’engouement du départ se transforme en ambi-

tions inachevées : pouvoir d’achat, ordre, réforme … Plus il a grimpé dans la hiérarchie pour atteindre le sommet national, moins ses capacités sem-blent évidentes à remplir ses engagements. De l’union à la jalousie : toutes les relations sem-blent s’être altérées. L’homme qui montait pour porter le nouvel es-poir est devenu l’homme qui «encombre». De la cohérence à l ’ éc la -tement : l’absence de message fort principal met Nicolas Sarkozy en position défensive. Il y a donc un espace pour une réelle concur-rence.

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Avec la création en juin 2010 du Mouvement, Ré-publique Solidaire, il paraît établi que la ten-dance naturelle est désor-mais à la primaire lors du premier tour de 2012. Une primaire qui s’annon-ce très sportive tant les relations personnelles en-tre ces deux leaders ren-voient aux heures som-bres de sourdes rivalités au début des années 80 entre deux tendances concurrentes de la droite républicaine d’alors. La crise économique change la donne

Avec la crise économique puis la multiplication de révélations mettant en évidence des relations privilégiées entre le pou-voir politique et des puis-sants économiques, l’opi-nion s’est réfugiée dans son appel à l’égalité. Cette évolution a corres-pondu à un retour en for-ce des idéaux de gauche. Mais ce phénomène reste à préciser car la gauche n’est pas parvenu à re-conquérir sa légitimité de gouvernance comme un large pouvoir de séduc-tion. A son tour, elle est balkanisée avec des com-posantes radicales qui

vont peser très lourd dans la finalisation d’un pro-gramme commun de Gou-vernement. La «gauche de la gauche» se radicali-se au point de mettre en difficulté le PS en l’expo-sant au double risque de ressouder la droite face à une gauche trop radicale mais aussi de l’éloigner du centre qui demeure toujours un enjeu déter-minant pour la victoire. Le coup de poing amé-ricain Le 2 novembre annonce des élections gagnées par

Une exigence : ne pas incarner l’élite «Même l’avenir n’est plus ce qu’il était». Cette formule de Paul Valéry est probable-ment le résumé le plus saisissant de l’état d’esprit actuellement le plus répandu. L’opinion publique Française est en mal de vengeance pour s’émanciper de fractures qu’elle ne supporte plus. La première fracture est d’abord entre les Français et l’avenir. L’avenir était tra-ditionnellement porteur d’améliorations. Il est désormais le symbole d’un monde dé-boussolé sans sortie de tunnel déjà percepti-ble. L’avenir est perçu comme un demain où il ne serait plus question de bien vivre mais seulement de survivre. Ce sentiment, pour partie irrationnel, a fait naître une seconde fracture entre les élites et les citoyens. Les élites ont

dégagé l’image de ne pas être soumises aux mêmes contraintes que celles du grand nombre. Elles bénéficient de protections particulières qui leur épargnent les pires embûches. Au moment même où la crise ne les frappe donc pas «comme tout le monde», les élites sont manifestement incapables de régler les principaux dossiers de nature à permettre au plus grand nombre de mieux vivre. Ces deux facteurs ont créé un nouveau «besoin de vengeance». Là est la vraie fracture majeure. Depuis «l’idéal révolutionnaire», l’inconscient collec-tif français est structuré autour de l’image du peuple qui peut faire «tomber la tête du Roi». C’est à ce jour la réalité du «climat citoyen» en France. Malheur au candidat qui incarnera l’élite. Il risque de subir la sanction de la monarchie républicaine : le «vote guillotine».

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pas la continuité finissan-te. Il y a danger pour Obama mais bien au-delà en créant une nouvelle tendance : elles sont les «championnes des gens ordinaires». Les champions des gens ordinaires Elles louent l’héroïsme au quotidien : faire vivre sa famille en respectant des valeurs fortes. Ce parti pris de proximité crée la valeur à la mode : le choix affinitaire. Le vo-te est désormais un choix d’appartenance : le candi-dat qui peut le mieux connaître donc compren-dre ses enjeux. Celui-là seul mérite la confiance. C’est probablement cette tendance lourde là qui est la plus redoutable pour Nicolas Sarkozy car elle porte la vague du «sortez les sortants» si caracté-ristiques des périodes de crises économiques. Si cette vague devait s’ins-taller en France, elle ou-vrirait une course au peu-ple susceptible de réser-ver bien des surprises avec une certitude : être le pouvoir sortant devient un handicap quasi-insurmontable.

une opposition présiden-tielle avec le phénomène du Tea Party et de la «team Sarah». Sarah Pa-lin a désormais acquis une notoriété forte sur l’ensemble des Etats. Elle construit un maillage des Etats qui devrait s’avérer redoutablement efficace lors des primaires républi-caines. Dans ce maillage, les «nouvelles Républicai-nes» occupent une place privilégiée. C’est la génération de la «maman grizzly» : celle qui lutte de toutes ses forces contre l’environne-ment hostile pour sauver les siens.

Cette génération est en passe de changer la don-ne en cumulant le tempé-rament de fer et le char-me de feu. Les campagnes publicitai-res occupent à fond un positionnement séduc-teur. Elles viennent de changer l’image du Parti Républi-cain et de lancer le Parti Démocrate dans l’élitisme intellectuel. La donne des élections du mid term évolue comme celle de 2006 : l’opposi-tion au pouvoir présiden-tiel incarne le neuf et non

Editeur : Newday www.exprimeo.fr

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2 novembre 2010 : la politique change de sexe ? 9

A moins de 40 jours des élections du 2 novembre 2010, la première démo-cratie au monde s’appro-che d’un ouragan électo-ral de force 5. Ce n’est pas seulement une probable victoire ré-publicaine mais un chan-gement de génération à l’intérieur même du Parti Républicain. Parution le : 28 sept. 2010