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L’Etat, le Droit, la politique et la justice

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L’Etat, le Droit, la politique et la justice

Droit : ensemble des règles juridiques (lois, décrets, règlements), soit les règles « sanctionnées » (dont la transgression est

punie)

Introduction1/notion de Droit

-Cas n°1: X refuse à Y le droit de passer sur son terrain. Transgression d’une loi (droit de passage : code civil, art. 682)

Ici critère de ce qui est juste / injuste : la loi ou le Droit.1er sens de la justice : la justice « légale », le Droit .

Par ext., les institut° judiciaires chargées de sanctionner les infract°

Sur quelle norme se baser ? Les normes sont hiérarchisées :

Thèse : Hans Kelsen : tout jugement sur ce qui est juste ou injuste est subjectif s’il ne se base pas sur les lois et autre normes juridiques→ « positivisme juridique » (du mot Droit positif : posé, institué)

-cas n°2: coca-cola s’approprie les ressources d’eau du Kerala (Inde)acte apparemment injuste, mais légal*

Ici critère du juste / injuste : des principes non écrits qui semblent raisonnables,et qui doivent guider les décisions des juges et des législateurs.

Mais : quelles sont ces normes ? Et même : Existent-elles ?

« Droit naturel » : l’ensemble des normes de justice non écrites qui nous permettraient de juger si les lois, les institutions, l’Etat est juste ou injuste (ex: DH)≠ « Droit positif » : le Droit écrit

2/ notions d’Etat et de politique

À quoi reconnait l’Etat ? policiers, juges, douaniers, armée, huissiers, … qui ont autorité sur des individus et organisations présentes sur un territoire

L’Etat est une organisation des pouvoirs politiques, caractérisée par: -Un territoire déterminé-La centralité (concentration des pouvoirs politiques)-La souveraineté

dans les pouvoirs législatifexécutifjudiciaire puissance de coercition, de contrainte

politique :

- activité qui consiste à conduire l’Etat et les pouvoirs publiques- établir et faire appliquer les règles du droit- conduire les actions publiques (ex : affaires etrangères)

- l’activité ayant pour but l’accès aux postes d’autorité politique.

« La politique est un métier bizarre. Parce qu’elle présuppose deux capacités qui n’ont aucun rapport intrinsèque. La première, c’est d’accéder au pouvoir (…) La seconde capacité, c’est, une fois qu’on est au pouvoir, de savoir gouverner. Rien ne garantit que quelqu’un qui sache gouverner sache pour autant accéder au pouvoir, et réciproquement. »

C.Castoriadis (1996)

L’Etat n’a pas toujours existé. Il ne se confond donc ni avec la société, ni avec le politique, ni avec l’ordre du Droit. Dès lors, qu’est-ce qui justifie cet ordre hiérarchique et autoritaire ?

3/ notion de Justice

À quelles conditions ce pouvoir coercitif peut-il être juste?

Droit romain : la justice (jus) consiste à « rendre à chacun ce qui lui est dû ».

Mais qu’est-ce que ce dû ? qu’est-ce que les citoyens (nous) pouvons attendre d’un Etat ?

Remarque : obligations légales ≠ obligations morales

vertu de justice

• L’Etat doit respecter certains droits et répartir des avantages → lesquels ? /les citoyens doivent des charges → lesquelles ?

= pbl de « justice distributive » : Qu’est- ce que l’Etat doit ‘distribuer’ et à qui ?

→ Protections ? Libertés ? Richesses ? Reconnaissance? → Faire le bien des citoyens ?

• L’Etat doit aussi sanctionner → pourquoi et comment ? = pbl de « justice correctrice », pénale :

→ Pourquoi punir? Pour le bien des criminels ? Des victimes ? De la société ? →Qu’est-ce qu’une bonne sanction ?

qu’est-ce que ce dû selon la loi ?

I- l’Etat juste est celui qui garantit la sécurité

1- société sans Etat et état de nature

• des sociétés sans Etat (P.Clastres, anthropologue)

• théories anarchistes

• le concept d’« état de nature » dans la philosophie moderne

version de Thomas Hobbes

- inspiré de certaines réalitésrelations internationales guerre civile (GB 1641-1649)insécurité et violence ouverte

- mais conçu à partir de la nature humaineindividuelle (selon H.)

• le droit naturel selon H.

- une fin naturelle qui serait un droit- Le « conatus »

- Instincts et rationalité

- Conséquence : étendue du D.N.

Le DROIT DE NATURE, que les auteurs nomment couramment jus naturale, est la liberté que chaque

homme a d'user de son propre pouvoir pour la préservation de sa propre nature, c'est-à-dire de sa propre vie; et, par conséquent, de faire tout ce qu'il concevra, selon son jugement et sa raison propres,

être le meilleur moyen pour cela

• Problème : incompatibilité des « droits » de chacun

→ violence nécessaire

• agression préventive

… si deux hommes désirent la même chose, dont ils ne peuvent cependant jouir tous lesdeux, ils deviennent ennemis; et, pour atteindre leur but (principalement leur propreconservation, et quelquefois le seul plaisir qu'ils savourent ), ils s'efforcent de se détruire oude subjuguer l'un l'autre. Et de là vient que, là où un envahisseur n'a plus à craindre que lapuissance individuelle d'un autre homme, si quelqu'un plante, sème, construit, ou possèdeun endroit commode, on peut s'attendre à ce que d'autres, probablement, arrivent, s'étantpréparés en unissant leurs forces , pour le déposséder et le priver, non seulement du fruit deson travail, mais aussi de sa vie ou de sa liberté. Et l'envahisseur, à son tour, est exposé aumême danger venant d'un autre.Et de cette défiance de l'un envers l'autre, [il résulte qu'] il n'existe aucun moyen pour un

homme de se mettre en sécurité aussi raisonnable que d'anticiper , c'est-à-dire de se rendremaître, par la force ou la ruse de la personne du plus grand nombre possible d'hommes,jusqu'à ce qu'il ne voit plus une autre puissance assez importante pour le mettre en danger;et ce n'est là rien de plus que ce que sa conservation exige, et ce qu'on permetgénéralement. (…) par conséquent, une telle augmentation de la domination sur les hom-mes étant nécessaire à la conservation de l'homme, elle doit être permise .

Nous trouvons dans la nature humaine trois principales causes de querelle : premièrement, la rivalité ; deuxièmement, la défiance; et troisièmement la fierté. La première fait que les hommes attaquent pour le gain , la seconde pour la sécurité, et la troisième pour la réputation .

- chacun fait ce raisonnement

L’état de nature → état de guerre de tous contre tous

Et parce que la condition de l'homme est d'être dans un état de guerre de chacun contre chacun, situation où chacun est gouverné par sa propre raison, et qu'il n'y a rien dont il ne puisse faire usage dans ce qui peut l'aider à préserver sa vie contre ses ennemis, il s'ensuit que, dans un tel état , tout homme a un droit sur toute chose, même sur le corps d'un autre homme. Et c'est pourquoi, aussi longtemps que ce droit naturel de tout homme sur toute chose perdure, aucun homme, si fort et si sage soit-il, ne peut être assuré de vivre le temps que la nature alloue ordinairement aux hommes . Et par conséquent, c'est un précepte , une règle générale de la raison, que tout homme doit s'efforcer à la paix, aussi longtemps qu'il a l'espoir de l'obtenir, et, que, quand il ne parvient pas à l'obtenir, il peut rechercher et utiliser tous les secours et les avantages de la guerre. La première partie de cette règle contient la première et fondamentale loi de nature, qui est de rechercher la paix et de s'y conformer . La seconde [contient] le résumé du droit de nature, qui est : par tous les moyens, nous pouvons nous défendre .

De cette guerre de tout homme contre tout homme résulte aussi que rien ne peut être injuste. Les notions de bien et de mal , justice et injustice, n'ont pas leur place ici. Là où n'existe aucun pouvoir commun, il n'y a pas de loi. Là où n'existe pas de loi, il n'y a aucune injustice.

2- sortir de l’état de nature : l’invention du pouvoir souverain

• pour atteindre sa fin, l’individu doit sortir de cet état de guerre

• pacte de non-agression

De cette fondamentale loi de nature qui ordonne aux hommes de s'efforcer à la paix, dérive la seconde loi : qu'un homme consente, quand les autres consentent aussi, à se démettre de ce droit sur toutes choses, aussi longtemps qu'il le jugera nécessaire pour la paix et sa propre défense; et qu'il se contente d'autant de liberté à l'égard des autres hommes qu'il en accorderait aux hommes à son propre égard.

• Désignation d’un tiers, garant du pacteaura seul le droit d’utiliser la violence

pacte de soumission :

chacun s’oblige à se soumettre aux décisions du tiers.

les individus sont donc les auteurs du souverain, chose publique (res publica)

mais le souverain devient le seul acteur du pouvoirreprésentant l’intérêt du peuple

• justification d’un pouvoir concentré et fort

Le pouvoir souverain est composé de personnes physiques.

tout le peuple → une assemblée →un individu → monarchie élective

Hobbes : seule la monarchie peut être assez forte pour contenir la

violence des sujets et des partis.

Monopole de la violence « légitime »

Utiliser la peine comme puissance de dissuasion.

L’Etat est comparé au monstre biblique, le Léviathan

non est potestat super terram comparateur quae ei

William Blake, Léviathan

3. Les droits exclusifs et l’injustice n’existent pas sans l’Etat (Hobbes)

• sans pouvoir de punir, il n’y a ni juste ni injuste

avant que les dénominations de juste et d'injuste puissent avoir place, il faut qu'il y ait quelque pouvoir coercitif pour contraindre également les hommes à exécuter leurs conventions, par la terreur de quelque châtiment plus grand que le bénéfice qu'ils comptent tirer de la violation de la convention, et pour rendre sûre cette propriété que les hommes acquièrent par contrat mutuel, en compensation du droit universel qu'ils abandonnent. Un tel pouvoir, il n'en existe aucun avant l'érection d'une République. (…) où il n'y a rien à soi, c'est-à-dire, nulle propriété, il n'y a aucune injustice, et là où aucun pouvoir coercitif n'a été érigé, c'est-à-dire là où il n'y a pas de République, il n'y a pas de propriété, tous les hommes ayant droit sur toutes choses. C'est pourquoi là où il n'y a pas de République, rien n'est injuste

• les droits exclusifs de chacun, les libertés individuelles naissent avec l’Etat qui les protège :

- droit au respect de l’intégrité de son corps- garantie de la liberté physique- droit de propriété

Etant donné qu'il n'existe pas au monde de république où l'on ait suffisamment derègles pour présider à toutes les actions et paroles des hommes (car cela seraitimpossible), il s'ensuit nécessairement que, dans tous les domaines d'activité queles lois ont passé sous silence, les gens ont la liberté de faire ce que leur propreraison leur indique comme leur étant le plus profitable. Car si nous prenons le motde liberté en son sens propre de liberté corporelle, c'est-à-dire de n'être nienchaîné ni emprisonné, il serait tout-à-fait absurde de crier comme ils le font pourobtenir cette liberté dont ils jouissent si manifestement. D'autre part, si nousentendons par liberté le fait d'être soustrait aux lois, il n'est pas moins absurde dela part des hommes de réclamer comme ils le font cette liberté qui permettrait àtous les autres hommes de se rendre maîtres de leurs vie. Et cependant aussiabsurde que ce soit, c'est bien ce qu'il réclament, ne sachant pas que leurs loissont sans pouvoir pour les protéger s'il n'est pas un glaive entre les mains d'unhomme (ou de plusieurs) pour faire exécuter ces lois.Par conséquent, la liberté des sujets réside seulement dans les choses qu'enréglementant leurs actions, le souverain a passées sous silence, par exemple laliberté d'acheter, de vendre, et de conclure d'autres contrats les uns avec lesautres, de choisir leur résidence, leur genre de nourriture, leur métier, d'éduquerleurs enfants comme ils le jugent convenable et ainsi de suite"

Hobbes, Léviathan

3. Critiques :

• conception contestable de la nature humaine

• justifie un pouvoir fort→ pas de justification a priori. dépend du contexte

• justifie une monarchie absolue : - Pouvons-nous renoncer ainsi à nos D.N. et s’en remettre ainsi au

pouvoir ? - N’y a-t-il aucune règle au dessus du pouvoir ?

Rappel problème : Que pouvons-nous attendre, nous, citoyens, d’un Etat ?

La sécuritéLes droits-libertés La prospérité ? La santé ? L’éducation ?

Thèse n°1 : la sécurité (des personnes, des biens, du respect des contrats)Thèse n° 2 : les droits-libertés, d’abord politiques, ensuite civils

II- Un Etat juste a la liberté pour principe (liberté politique des

citoyens) et pour fin (les droits civils)

1- le pouvoir souverain appartient à la nation, en tant que communauté politique

« si l’opposition des intérêts particuliers a rendu

nécessaire l’établissement des sociétés, c’est l’accord

de ces mêmes intérêts qui l’a rendu possible. C’est ce

qu’il y a de commun dans ces différents intérêts qui

forment le lien social, et s’il n’y avait pas quelque

point dans lequel tous les intérêts s’accordent, nulle

société ne saurait exister. Or, c’est uniquement sur

cet intérêt commun que la société doit être

gouvernée » (II, 1)

• le lien social ne repose pas sur la non-agression, mais sur des intérêts communs (ES/L : de même qu’il ne repose pas seulement sur le marché : Dkheim contre Smith)

- les sujets ne sont pas qu’égoïstes; ils sont capables de « pitié » (R.), d’empathie

- sont capables de coopération, pas que de compétition

• les individus partagent une culture commune : un héritage commun, mais surtout des valeurs communes, qui peuvent déboucher sur des projets communs. = concept politique de nation ≠ concept ethnique

Article 4. - Tout homme né et domicilié en France, âgé de vingt et un ans accomplis ;

- Tout étranger âgé de vingt et un ans accomplis, qui, domicilié en France depuis une

année - Y vit de son travail - Ou acquiert une propriété - Ou épouse une Française -

Ou adopte un enfant - Ou nourrit un vieillard ; - Tout étranger enfin, qui sera jugé

par le Corps législatif avoir bien mérité de l'humanité - Est admis à l'exercice des

Droits de citoyen français.

Constitution de 1793, art 4.

Basé sur les liens de « sang »Basé sur la volonté departager des valeurs, unprojet de « vivre-ensemble »

Une nation est une âme, un principe spirituel. Deux

choses qui, à vrai dire, n'en font qu'une, constituent

cette âme, ce principe spirituel. L'une est dans le passé,

l'autre dans le présent. L'une est la possession en

commun d'un riche legs de souvenirs ; l'autre est le

consentement actuel, le désir de vivre ensemble. (…).

L'homme n'est esclave ni de sa race, ni de sa langue, ni

de sa religion, ni du cours des fleuves, ni de la direction

des chaînes de montagnes. Une grande agrégation

d'hommes, saine d'esprit et chaude de cœur, crée une

conscience morale qui s'appelle une nation

Ernest Renan (1882)

• Rousseau utilise le concept de contrat social pour penser cette communauté politique

c’est comme si nous faisions un pacte, par lequel chacun, en tant qu’individu, se soumet au corps des citoyens (dont lui-même)

par ce pacte le peuple se constitue en « peuple »,

Moi commun (nous) → doté de« la volonté générale » qui visent « l’intérêt général »

[Le pacte social] se réduit aux termes suivants: «Chacun de nous met en commun

sa personne et toute sa puissance sous la suprême direction de la volonté générale; et

nous recevons en corps chaque membre comme partie indivisible du tout.»

• l’Etat n’est légitime que s’il se fonde non seulement sur la soumission à

une autorité capable d’instaurer la paix (Hobbes) mais sur la volonté

d’une nation, dotée d’une identité politique commune.

De fait, des puissants ont pris le pouvoir… mais « la force ne fait pas droit »

Contrainte factuelle / contrainte légale

Contrainte légale illégitime : contrainte factuelle / contrainte légitime

Obéissez aux puissances. Si cela veut dire cédez à la force, le précepte est bon mais superflu : il ne sera jamais violé (…). Qu’un brigand me surprenne au coin d’un bois : non seulement il faut par force donner la bourse, mais quand je pourrais la soustraire suis-je en conscience obligé de la donner ? Car enfin le pistolet qu’il tient est aussi une puissance. Convenons donc que la force ne fait pas droit, et qu’on est obligé d’obéir qu’aux puissances légitimes.

2- la volonté générale ne peut pas être représentée (Rousseau)

• La souveraineté ne peut être transférée à un représentant. Elle est « inaliénable » .

Les lois sont justes dans la seule mesure où elle sont voulues par les citoyens eux-mêmes.

Les députés ne sont que les « commissaires » des citoyens

« La souveraineté ne peut être représentée, par la même raison qu'elle ne peut être aliénée; elle consiste

essentiellement dans la volonté générale, et la volonté ne se représente point (…).

Les députés du peuple ne sont donc ni ne peuvent être ses représentants, ils ne sont que ses commissaires; ils ne

peuvent rien conclure définitivement. Toute loi que le peuple en personne n'a pas ratifiée est nulle; ce n'est point une loi. Le peuple Anglais pense être libre, il se

trompe fort; il ne l'est que durant l'élection des membres du parlement: sitôt qu'ils sont élus, il est esclave, il n'est

rien. »

Jean-Claude Juncker, président de la commission européenne

Le « Souverainisme » s’oppose à la construction européenne pour ces raisons

• Nul n’est au-dessus des lois:

- ne peut échapper à la justice

- ne peut faire les lois dans son intérêt particulier (déf tyrannie)

Il n’y a donc point de liberté sans Lois, ni où quelqu’un est au dessus des Lois (…).

Un peuple libre obéit, mais il ne sert pas ; il a des chefs et non pas des maîtres ; il obéit aux Lois, mais il n’obéit qu’aux Lois, et c’est par la force des lois qu’il n’obéit pas aux hommes. Toutes les barrières qu’on donne dans les Républiques au pouvoir des Magistrats ne sont établies que pour garantir de

leurs atteintes l’enceinte sacrée des Lois : ils en sont les Ministres, non les arbitres ; ils doivent les garder, non les enfreindre. Un peuple est libre,

quelque forme qu’ait son Gouvernement, quand dans celui qui le gouverne il ne voit point l’homme, mais l’organe de la Loi.

Rousseau

De fait, des puissants ont pris le pouvoir… mais la force ne fait pas droit

Contrainte factuelle / contrainte légale

Contrainte légale illégitime = contrainte factuelle / contrainte légitime

Obéissez aux puissances. Si cela veut dire cédez à la force, le précepte est bon mais superflu, je réponds qu’il ne sera jamais violé (…). Qu’un brigand me surprenne au coin d’un bois : non seulement il faut par force donner la bourse, mais quand je pourrais la soustraire suis-je en conscience obligé de la donner ? Car enfin le pistolet qu’il tient est aussi une puissance. Convenons donc que la force ne fait pas droit, et qu’on est obligé d’obéir qu’aux puissances légitimes.

3- comment concilier souveraineté populaire et pouvoir législatif ?

a- La distribution des pouvoirs selon Rousseau

• nécessité d’une séparation des pouvoirs (Montesquieu)

• l’exécutif doit être délégué : impossibilité d’une démocratie directe dans un

vaste Etat.

• le pouvoir judiciaire aux citoyens (comme dans les cours d’assises)

• le pouvoir législatif appartient aux citoyens

Mais comment déterminer les intérêts communs ?

Problème de l’ignorance politique

nécessité d’une éducation citoyenne → école de la république 1881

une demi solution selon R. :

- Propositions de lois : un « législateur » sage

- vote citoyen (référendum). (modèle : république romaine)

Idéal d’unanimité mais majorité acceptable

Celui qui rédige les lois n'a donc ou ne doit avoir aucun droit législatif

[Une] difficulté qui mérite attention. Les sages qui veulent parler au vulgaire leur langage au lieu du sien

n'en sauraient être entendus. Or, il y a mille sortes d'idées qu'il est impossible de traduire dans la langue du peuple. Les vues trop générales et les objets trop éloignés sont également hors de sa portée : chaque

individu, ne goûtant d'autre plan de gouvernement que celui qui se rapporte à son intérêt particulier, aperçoit

difficilement les avantages qu'il doit retirer des privations continuelles qu'imposent les bonnes lois.

Pour qu'un peuple naissant pût goûter les saines maximes de la politique et suivre les règles

fondamentales de la raison d'État, il faudrait que l'effet pût devenir la cause ; que l'esprit social, qui doit être

l'ouvrage de l'institution, présidât à l'institution même ; et que les hommes fussent avant les lois ce qu'ils

doivent devenir par elles

Reste le probleme de l’ignorance du peuple…

b- deux conceptions du vote majoritaire

Le suffrage est :

- ou un moyen de déterminer une moyenne à partir des volontés particulières des individus

Conception de J. Bentham (père de l’utilitarisme)

- ou un moyen d’interpréter la « volonté générale » (Rousseau)

concept de citoyen→ une volonté collective → un bien commun

Le sujet doit devenir citoyen : dépasser son intérêt particuliers’élèver à la volonté universelle

Prendre le point de vue du commun cela suppose une éducation

- de la sensibilité

- de l’intellect

4- l’ universalité de la loi, principe républicain

• définition de la loi selon R. : acte de la « volonté générale », qui donne une règle pour tout le corps politique

→ la loi est doublement universelle ≠ un décret est particulier(par sa source et souvent par son objet)

≠ conception de H. et du positivisme juridique : « loi » = décret = acte d’une autorité habilitée (chef d’Etat, parlement)

J’appelle donc république tout État régi par des lois, sous quelque forme

d'administration que ce puisse être : car alors seulement l'intérêt public gouverne, et

la chose publique est quelque chose. Tout gouvernement légitime est républicain

• base de l’auto-nomie collective

Autonomie morale : le sujet individuel (moi) suit les règles qu’il a choisies

Autonomie collective : un sujet collectif (nous) suit les lois qu’il a voté

• conséquences sur l’attribution des droits :

- égalité de droit → non discrimination (négative / positive)

- principe de compatibilité des droits les plus grands

• Conséquence sur l’obéissance :

- le citoyen n’obéit qu’à lui-même. L’obéissance est donc juste / la désobéissance

injuste.

- La transgression appelle légitimement une peine

L’emploi de la force publique est alors juste : « forcer le citoyen à être libre » (Rousseau)

6- l’importance des droits individuels : apports du libéralisme politique

• tendance de Rousseau à minorer l’importance des droits individuels.

admire la liberté des « Anciens » : dévouement pour les affaires publiques

(Grecs, Romains)

On va lui attribuer les excès de Robespierre

(la Terreur)

B. Constant :

« transportant dans nos temps modernes une étendue de pouvoir social, de souveraineté collective qui appartenait à d'autres siècles, ce génie sublime [Rousseau] qu'animait l'amour le plus pur de la liberté, a fourni néanmoins de funestes prétextes à plus d'un genre de tyrannie »

« Rousseau avait, suivant les anciens, pris l'autorité du corps social pour la liberté »

a- une sphère privée que le politique doit préserver

• Paternalisme

• Libéralisme politique

• Conception morale et politique des Anciens • Conception morale et politique des Modernes

• des sociétés individualistesdes sociétés multiculturelles

• distinction Droit / morale

→ distinguer sphère privée ≠ sphère publique sphère éthique ≠ sphère politique

Exemple de la famille

b- justification de John Locke

• par nature, l’homme a des droits.

- En effet: des devoirs naturels de respect envers autrui (principe de réciprocité)

- donc droits naturels

• L’Etat aurait été historiquement institué par les individus pour voir leurs droits

respectés

• si l’Etat ne remplit pas cette fonction, alors nous avons droit de lui désobéir.

droit naturel de résistance.

Cf. Déclaration d’indépendance et Bill of Rights

Les partisans des Droits naturels (Locke ou les défenseurs des DH) ne considèrent pas ces droits comme relatifs, mais comme absolus.

≠ relativisme culturel

• le droit de propriété est-il un droit purement individuel ?

John Locke : Dt nat de propriété de soi → droit nat sur le produit de son travailmême si on s’approprie des ressources rares à l’exclusion des autres. ..

An eighteenth century surveyor at work on enclosure, at Henlow, Bedfordshire, 1798

III- la question de la justice sociale

L’Etat ne doit-il pas aussi œuvrer pour plus d’égalité réelle dans l’accès aux ressources

aux servicesaux responsabilités privées et publiques ?

→ justice sociale?

libertarianism / Rawls / socialisme

1-La théorie libertarienne : seule la répartition des biens produite par les échanges est juste

• les principes

I- l’homme n’est homme que pour autant qu’il est libre et indépendant de la volonté d’autrui

II- (…) libre de n’entretenir avec autrui d’autres rapports que ceux qu’il établit de son plein gré et dans son intérêt personnel

III- l’individu n’est absolument pas redevable à la société de sa personne ou de ses facultés, dont il est par essence le propriétaire exclusif (… ). Le droit de propriété sur les biens est l’expression de cette propriété de soi et de ses propres facultés, et n’est donc en rien redevable à la société.

IV – l’individu (…) a le droit d’aliéner sa force de travail.

V- la société humaine consiste en une série de rapports de marché

VI- (…) la liberté de chaque individu ne peut être légitimement limitée que par les obligations et les règles nécessaires pour assurer à tous la même liberté.

VII- la société politique est d’institution humaine : c’est un moyen destiné à protéger les droits de l’individu sur sa personne et sur ses biens, et par conséquent de faire régner l’ordre dans les rapports d’échange

La société n’existe pas. Il existe des individus masculins et féminins, et il

existe des familles. Et aucun gouvernement ne peut rien faire, sinon à

travers les gens, et les gens doivent s’occuper d’abord d’eux-mêmes.

• l’argument du basketteur - R.Nozick- situation 1 (début de saison) supposée juste- situation 2 (fin de saison): la prime de Chamberlain s’élève à 250 000 dollars. → S2 est juste, du fait qu’elle résulte de transferts d’argent chaque fois informés et consentis

un Etat minimal, étroitement limité aux

fonctions de protection contre la

violence, le vol, la fraude, et de garantie

du respect des contrats, est justifié ; toute

extension ultérieure des fonctions de

l’Etat violerait les droits des individus à

ne pas faire certaines choses ; et serait

donc injustifiée

Donc toute politique de redistribution des richesses ou avantages sociaux (santé, éducation, …) est injuste, si la répartition initiale est juste et les échanges informés et consentis

• donc les inégalités (propriétés, protection sociale…) peuvent être justes

si constituées par des dons ou échanges justesousi résultat du travail personnel (talents et efforts)

• l’assistance (pauvres, handicapées, etc. ) doit être purement privée→ pratique du don, fondation, etc.

JD Rockefeller (1839-1897)JD Rockefeller junior (1874-1960)

Nelson Rockefeller (1908 – 1979), Homme politique républicain.

Chamberlain peut être généreuxMais l’Etat ne peut le forcer à « donner »Ça serait injuste.

Est-ce vrai ?A-t-il un droit exclusif sur sa « propriété » ? Serait-ce injuste d’en redistribuer une partie ?

2- une justification de mesures de justice sociale : John Rawls.

• certains partent avec des avantages dans la vie et sur le marché du travail : - Héritage économique / culturel / social- talents immérités- même le mérite est relatif :

La mesure dans laquelle les capacités naturelles se développent et

parviennent à maturité est affectée par toutes sortes de conditions sociales et

d’attitudes de classe. Même la disposition à faire un effort, à essayer d’être méritant, au sens ordinaire, est

dépendante de circonstances familiales et sociales heureuses.

• l’argument de la position originelle sous voile d’ignorance« Imaginez qu’un jour vous vous réveilliez en ayant perdu l’usage de vos sens. Vous ne voyez ni n’entendez rien ; aucune odeur ne vous renseigne sur ce qui vous entoure. Vous semblez également privé de l’usage de vos membres ; vous ne pouvez effectuer aucun mouvement ; la sensation même de l’existence de votre corps vous manque. Rapidement vous vous rendez compte également que vous ne savez plus qui vous êtes. Aucun souvenir, même par bribes, de l’époque ou de la société qui sont les vôtres, de la personne que vous êtes, jeune ou vieille, croyante ou agnostique, riche ou pauvre, femme ou homme, faible ou fort, ayant ou non le goût de l’effort, un talent ou un don particulier, ne parviennent à votre conscience.Pourtant, ailleurs, votre esprit semble se mouvoir sans effort. Vous pouvez envisager certaines caractéristiques des sociétés humaines. Vous pouvez, par exemple, concevoir l’altruisme limité des hommes par opposition à l’attitude entièrement désintéressée des saints. Il vous apparaît aussi que les intérêts varient d’une personne à l’autre, tout comme diffère la représentation que chacune se forme de l’intérêt des autres. Enfin, vous avez conscience de la rareté modérée des ressources terrestres, qui pose constamment la question des normes selon lesquelles ces ressources sont possédées et réparties.Une voix vous parvient alors, qui vous dit : « Prenez votre temps et réfléchissez bien. Lorsque vous sortirez des limbes dans lesquels vous êtes à présent, vous allez vivre toute une vie dans la société dont vous aurez vous-même choisi les principes politiques essentiels. Vous ne pourrez, par contre, pas choisir votre place dans cette société. Il est donc dans votre propre intérêt de bien envisager les conséquences de l’adoption des normes fondamentales que vous allez énoncer, pour chacune des personnes de cette société. Vous serez en effet l’une d’entre elles, n’importe laquelle d’entre elles ». Véronique Munoz-Dardé, La justice sociale

• dans la position originelle, nous sommes conduits à

1/Refuser des règles « totalitaires », qui sacrifieraient des libertés fondamentales au profit du bonheur commun. *

→ un être rationnel adopte un « principe d’égales libertés »

2/Refuser des règles qui ne seraient qu’au bénéfice de privilégiés dans la distribution initiale.

→ principe d’égalité réelle des chances- égalité juridique des chances = condition nécessaire mais insuffisante- éducation publique- discrimination positive ?

→ les inégalités sont acceptables si utiles à tous… par les mécanismes « naturels » du marché, … par une intervention de l’Etat (impot / allocations)

3/Refuser une égalité stricte si elle abaisse le niveau de tous.

« principede

différence »

Remarque : l’Etat n’a qu’un rôle limité ici :

- offrir les mêmes chances d’accès à l’emploi et aux ressources. Le marché seul décide de l’attribution des postes

≠ communisme : offre les emplois.

- Les interventions de l’Etat notamment dans le domaine économique, doivent être compatbles avec une économie de marché, système optimal de production des richesses

• Objections :

Rawls réduit l’Etat à un simple instrument de satisfaction des intérêtsindividuels (rendus certes impartiaux par le voile d’ignorance)

Une société n’est pas qu’un ensemble d’individus qui s’associe parintérêt. partagent culture et valeurs communes

La politique porte aussi sur ces biens communs : pas que sur lesmoyens d’optimiser l’intérêt particulier de chacun

Justice → bien commun → il y a une communauté, pas qu’une société

3- la propriété privée n’est que relative. Le bien commun prime sur les biens individuels. Une politique égalitariste est donc défendable.

-la propriété privée n’est pas de droit naturel . … Sans institution humaine, tout appartient à tout le monde.… on a institué le droit de propriété pour des raisons d’utilité… en conséquence, si un tel droit devient contraire au bien commun, alors il devient illégitime.

Exemple de la gestion de l’eau privée redevenue publiqueExemple de la découverte des antirétroviraux retardant l’apparition du sida début 90’s; Exemple des faucheurs d’OGM

- En conséquence, on peut justifier des mesures égalitaristes plus fortes. L’argument du camping (Gérald Cohen)

En conclusion: Un Etat, sa politique, et le Droit qu’il institue, pour être justes, doivent non seulement assurer la sécurité, mais ils doivent surtout être établis par les citoyens (pouvoir législatif), et pour les citoyens. Les lois doivent protéger les droits civils et politiques des citoyens. Ils doivent protéger notamment le droit de propriété. Mais celui-ci n’a pas de valeur absolue: c’est la communauté qui institue le droit de propriété, et qui peut le relativiser si celui-ci nuit à l’intérêt général. Or, une trop forte protection de la propriété privée est nuisible lorsque les ressources appropriées sont rares (exemple de l’eau), et lorsque les inégalités s’accroissent, au point de menacer l’ordre social.