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COUR DES COMPTES L LE Et ta at t e et t l le e f fi in na an nc ce em me en nt t d de e l lé éc co on no om mi ie e Juillet 2012 Avertissement Synthèse du Rapport public thématique C ette synthèse est destinée à faciliter la lecture et l’utilisation du rapport de la Cour des comptes. Seul le rapport engage la Cour des comptes. Les réponses des administrations et des organismes concernés figurent à la suite du rapport.

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Juillet 2012

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Cette synthèse est destinée à faciliter la lecture etl’utilisation du rapport de la Cour des comptes.

Seul le rapport engage la Cour des comptes.Les réponses des administrations et des organismesconcernés figurent à la suite du rapport.

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Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

1 Des fragilités sous-jacentes dès avant la crise . . . . . .7

2 Les conséquences de la crise financière . . . . . . . . . .13

3 Les leviers d’action de l’Etat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .19

4 Les orientations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .77

Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .34

Principales orientations et recommandations . . . . . . . .35Sy

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La situation du financement de l’économie française peut paraître paradoxale :alors que le taux d’épargne des ménages se situe depuis plusieurs années à un niveauélevé, de nombreux acteurs économiques (entreprises et collectivités territoriales) mettenten avant leur difficulté à se financer. Au-delà de ce paradoxe, les conditions de finan-cement ne sont pas sans influence sur le rythme de la croissance économique. Elles sontessentielles à la réussite des projets des Français, qu’il s’agisse pour eux d’acquérir unbien immobilier, de fonder une entreprise, de développer un nouveau produit ou d’inves-tir une épargne.

Malgré l’internationalisation croissante des flux financiers, l’Etat continue d’occu-per une place majeure dans le financement de l’économie. La Cour a donc souhaité dres-ser un diagnostic global des instruments utilisés par l’Etat, tout en examinant les effetsdes déficits publics sur le financement de l’ensemble des agents économiques.

Cette réflexion s’inscrit dans un contexte où de nouveaux développements de la criseont touché les établissements financiers, les Etats et plus généralement les économies dela zone euro, et qui se caractérise par de nombreuses incertitudes. Les constats effectuéss’insèrent dans une analyse plus large, tenant compte d’une double préoccupation : laperte de compétitivité de l’économie française et les difficultés soulevées par l’accroisse-ment persistant de l’endettement public du pays. �

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Un besoin de financementcroissant

En 2011, l’investissement total del’économie française (entreprises,ménages, administrations) s’est élevé à

411,8 Md€. Ces investissements ont étéfinancés grâce à l’épargne des agentséconomiques nationaux (360,8 Md€),mais aussi grâce à l’apport de finance-ment par le reste du monde (51 Md€).

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Md€ Revenu dis-ponible brut

Consommation finale

Epargnebrute Investissements Solde

Administrationspubliques 457,0 489,3 -32,4 71,2 -103,6

Sociétés non-financières 136,0 136,0 201,2 -65,2

Société financières 42,6 42,6 13,9 28,7

Ménages 1365,9 1151,3 214,6 125,5 89,1

Economie nationale 2001,5 1640,6 360,8 411,8 -51,0

Capacité ou besoin de financement des différents secteurs institutionnels en 2011

Source : INSEE – comptes nationaux

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Depuis 2005, le recours récurrent etcroissant à des financements extérieurs aplacé l’économie française en positionfinancière nette débitrice vis-à-vis dureste du monde. La différence entre sesactifs et ses passifs financiers, qui étaitpositive en 2001, approchait en 2010 -233 Md€, soit 12 % du PIB. Cette situa-tion traduit sa perte de compétitivitémais aussi le besoin de financementmassif des administrations publiques. Atitre de comparaison, la position finan-cière nette de l’Allemagne était en 2010positive, avoisinant +518 Md€.

Les administrations publiques neparviennent ni à épargner, ni même àrenouveler le capital public dont ellesont la charge.

Un équilibre apparentreposant sur les banqueset sur l’Etat

Les banques françaises, dont lastructure est très concentrée et interna-tionalisée, occupent une place prépon-dérante dans le financement de l’écono-mie. Leurs concours à l’économie s’éle-vaient à 2 008 Md€ fin 2010. Elles opè-rent l’essentiel de la transformationfinancière de passifs courts en actifslongs.

Les solutions alternatives au créditbancaire sont faiblement développées etne concernent souvent que les grandesentreprises. Le marché actions est trèsconcentré sur les entreprises du CAC 40qui totalisent l’essentiel de la capitalisa-tion de NYSE Euronext Paris

(1 197 Md€ fin 2011). De même, le mar-ché obligataire est essentiellement animépar les grandes entreprises. Les PME etles entreprises de taille intermédiaire nerassemblent que 5,8 % de la capitalisa-tion et recourent peu aux obligations. Lecapital-investissement, c’est-à-dire l’ap-port de fonds propres à des sociétés noncotées, est également limité (9,4 Md€ en2011) et concerne souvent les entre-prises les plus matures. Les opérationsde capital-risque et de capital-dévelop-pement, qui interviennent en début decycle de vie, restent très faibles (600 M€en 2011 pour le capital-risque et 2,94Md€ pour le capital-développement).

L’Etat, par les garanties qu’ilaccorde, porte dans son bilan desrisques qu’il est le mieux à même decouvrir. Il assure également des fonc-tions structurelles d’incitation àl’épargne, de collecte, de gestion de tré-sorerie, de redistribution des finance-ments et de garantie. Enfin, les diversinstruments dont il dispose lui confèrentune capacité à intervenir conjoncturelle-ment ou ponctuellement, s’il le jugeutile, dans le financement de l’économie.

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L’impact de la situation desfinances publiques

La dette publique française – essen-tiellement portée par l’Etat – a considé-rablement augmenté en trente ans. De

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20,7 % du PIB en 1980, elle était passéeà 35,2 % en 1990, 57,5 % en 2000,82,3 % en 2010. En 2011, elle s’élevait à1 717 Md€ soit 86 % du PIB, dont205,2 Md€ de dette sociale, figurantprincipalement au bilan de la Caissed’amortissement de la dette sociale(CADES).

La baisse des taux d’intérêt et l’ingé-nierie financière publique ont permisque la charge de la dette n’augmente pasaussi rapidement que son volume. Cesévolutions, ainsi que la profondeur dumarché financier en zone euro, qui aévité les effets d’éviction sur le finance-ment privé, n’ont pas incité les pouvoirspublics à ralentir la croissance desdépenses, y compris de fonctionnement.

Le niveau de la dette publiqueexpose l’Etat à un risque de retourne-ment des taux, qui alourdirait considéra-blement la charge des intérêts. Unehausse de taux de cent points de basel’aggraverait de 1,9 Md€ la premièreannée et de 12,9 Md€ la dixième, selonl’Agence France Trésor. En outre, ladégradation se répercuterait sur l’ensem-ble des acteurs de l’économie, y comprisles bénéficiaires de la garantie de l’Etat.

Une hausse de la prime de risque surles emprunts à long terme français pour-rait entraîner une baisse de l’investisse-ment et de la croissance : d’après lemodèle INSEE-direction générale duTrésor, une hausse de 50 points de baseentraînerait une baisse de 0,3 % de l’in-vestissement et de 0,1 % du PIB au boutde deux ans. En outre, anticipant desbesoins de financement futurs plus éle-

vés, les ménages et les entreprises pour-raient spontanément accroître leurépargne. Cette augmentation se tradui-rait alors par un repli de la demande glo-bale de biens et de services.

La détention à hauteur de 65,4 % findécembre 2011 de la dette négociable del’Etat par des non-résidents constitueune source d’incertitudes supplémen-taires. Cette part – qui a triplé en 13 ans,mais qui se stabilise depuis 2008 – est lesigne de la confiance des investisseursétrangers. Toutefois, dans une périodede tension sur les marchés des empruntspublics, elle pourrait être interprétéecomme une vulnérabilité.

Des entreprises dépendantes du crédit

Contrairement à celles des entre-prises d’autres pays européens, lesmarges des entreprises françaises n’ontpas augmenté plus vite que leurs chargesentre 2000 et 2009. La France présentela part de profits dans la valeur ajoutéedes sociétés non financières la plus fai-ble de l’Union européenne en 2010.

Le plus souvent, les entreprises fran-çaises ont mobilisé leurs résultats pourrenforcer leurs fonds propres : la part deceux-ci dans leur passif est passée de 30à 35 % entre 1997 et 2010. Même si lessituations individuelles sont hétéro-gènes, l’autofinancement des entreprisesfrançaises – c’est-à-dire le ratio del’épargne sur les investissements – s’estdégradé depuis la fin des années 1990 :de 100 % en 1998 et 1999, il est tombé

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à 70 % en 2008 et 2011. En 2011, lebesoin de financement des sociétés nonfinancières s’est creusé, atteignant65,2 Md€, sous l’effet de la hausse desinvestissements (+14,5 Md€) et de laréduction de l’épargne (-17,7 Md€).

Dans ces conditions, les entreprisesfrançaises ont eu recours au crédit ban-caire pour réaliser leurs investissements.L’endettement des sociétés non finan-cières approche 60 % du PIB. Les PMEsont les principales consommatrices decrédit bancaire (72 % des lignes de cré-dit entre janvier 2009 et juillet 2010,représentant 27 % du volume des prêtsaccordés sur cette période) mais elles yaccèdent à des conditions moins favora-bles que les grands groupes (150 à 200points de base de plus). Cet écart s’estcreusé depuis 2008. Par ailleurs, si lefinancement des investissements s’estmaintenu, les crédits de court terme sesont raréfiés avec une part dans l’endet-tement des entreprises de 4,2 % en 2010contre 6,1 % en 2008.

Les stratégies mises en place par lesentreprises pour réduire leur dépen-dance au secteur bancaire ne sont passans effets défavorables. L’adossement àun groupe, qui permet d’accéder à unfinancement interne, réduit la part desPME indépendantes dans le tissu entre-preneurial français. Le recours au créditinterentreprises est souvent non-colla-boratif : le besoin de fonds de roulements’établit à trente-cinq jours de chiffred’affaires en moyenne pour les PME,contre un seul pour les grands groupes,

malgré les dispositions prises par lespouvoirs publics.

L’investissement des entreprises esttrès corrélé aux conditions de refinance-ment des établissements de crédits surles marchés financiers et au fonctionne-ment du marché bancaire. Un cerclevicieux de sous-investissement est àcraindre où, faute de rentabilité, lesentreprises présentent un autofinance-ment insuffisant et sont dépendantes dusystème bancaire ; faute de financement,elles rencontrent des difficultés à inves-tir dans les projets de modernisation etde développement qui leur seraientnécessaires ; faute de ces investisse-ments, elles demeurent peu rentables. Leratio entre endettement et valeur ajoutéedes sociétés non financières se situaitainsi fin 2010 à 131,5 %, en deçà desvaleurs anglaise, italienne ou espagnole,mais bien au-delà du ratio allemand(82,7 %) après avoir augmenté de20 points depuis juin 2007.

Les problèmes d’orienta-tion de l’épargne

L’épargne des ménages est tradition-nellement forte en France, de l’ordre de15 à 17 % de leur revenu disponiblebrut. Depuis le déclenchement de lacrise, son allocation reflète des motifs deprécaution. Les supports non risquésont représenté 87,4 % du total des fluxd’épargne de 2011. Parmi ces flux,32,5 Md€ ont été placés en assurance-vie – dont les encours sont de1 375,6 Md€ fin 2011 – et 36,5 Md€ en

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livrets et comptes épargne logement –les encours cumulés du livret A et dulivret de développement durable s’éta-blissant à 276,4 Md€ fin septembre2011.

La comparaison des flux avec lestock, c’est-à-dire la structure du patri-moine financier des ménages, montreune tendance à des placements moinsrisqués et plus liquides qu’antérieure-ment. Dans le contexte de 2010, seuls14,5 % des flux d’épargne s’orientaientvers des supports risqués alors que32,2 % des stocks d’actifs financiers desménages demeuraient placés sur de telssupports. En outre, l’épargne desménages est principalement confiée àdes gestionnaires financiers (notammentles assureurs-vie) qui ont internationa-lisé son allocation : 44 % des actifsfinanciers détenus par les ménages sontinvestis dans le reste du monde ; 9 % duportefeuille des ménages sont destinésaux administrations publiques rési-dentes, contre encore 20 % en 1995.

La détention d’OPCVM est en recul,avec un encours total qui a diminuéentre 2007 et fin 2010 de 286 Md€ à265 Md€. Il n’existe pas d’objectif géné-ral d’orientation de l’épargne réglemen-tée vers les entreprises, même si la bana-lisation de la distribution du livret As’est accompagnée de la fixation, pourles banques, d’une cible en termes dedistribution de crédits aux PME et si lesressources centralisées au Fondsd’épargne financent des prêts à Oséo(5 Md€ entre 2009 et 2011) et au Fondsstratégique d’investissement, (1,5 Md€

d’ici 2015) ainsi qu’un portefeuille detitres de grandes entreprises françaises(38,2 Md€). En définitive, l’épargne desménages finance de moins en moins lesentreprises.

Les évolutions du patrimoine finan-cier des ménages ont été fortementinfluencées par la hausse des prix del’immobilier. Il représente 60 % dupatrimoine des ménages en 2010. Alorsque, de 1965 à 2000, les prix immobiliersavaient suivi le revenu des ménages, ilsont augmenté de 70 % de plus entre2000 et 2010. L’immobilier, notammenten raison d’importantes incitations fis-cales, a progressivement absorbé unepart croissante de l’épargne et de la dis-tribution de crédit. Entre 1997 et 2010,la part des actifs immobiliers dans l’actifnet total des ménages est passée de 46 %à 60 %. Si leur valorisation est demeuréequasiment stable de 2007 à 2010, elleavait triplé au cours des 10 ans précé-dents (2 020,8 Md€ en 1997 contre6 347,2 Md€ en 2007).

Des dispositions fiscalesaggravant les fragilités etles déséquilibres

L’épargne des ménages fait l’objetde nombreuses dispositions fiscales pri-vilégiant l’épargne sans risque et l’immo-bilier. L’épargne non risquée profite de9 Md€ de dépenses fiscales, contre2,4 Md€ pour les placements risqués(plan d’épargne en actions ou investisse-ments en fonds propres). De même, lesplacements les plus liquides se trouvent

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avantagés alors que les ménages tendentspontanément à y souscrire. Les prélève-ments obligatoires sur les revenus finan-ciers ont rapidement augmenté alorsmême que l’investissement immobilierrestait encouragé.

Le système fiscal influence aussi lesstratégies de financement des entre-prises : la déductibilité des intérêts d’em-prunt, alors que les dividendes sontimposables, introduit un biais en faveurdu financement par endettement audétriment d’un modèle de fonds pro-pres. Les PME sont, dans les faits, pluslourdement imposées que les grandesentreprises, avec un taux explicite d’im-

pôt sur les sociétés de 39 % pour lesPME comptant entre 10 et 249 salariés,et 19 % pour les entreprises de plus de5 000 salariés. Ces dispositions fiscalescontribuent à maintenir un autofinance-ment faible.

Accumulés sur une période longue,ces éléments ont, insensiblement, inflé-chi le financement de l’économie et ontcontribué à le rendre vulnérable à unchoc externe, tel celui provoqué par lacrise financière internationale.

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Un environnement profondément déstabilisé

Au long de ses différentes étapes, lacrise a mis en évidence des faiblessesdans le système de financement : risquesde la titrisation, ineffectivité des pro-duits de couverture, interdépendance

entre stabilité de la sphère financière etsituation budgétaire de la sphèrepublique et insuffisance des mécanismesde supervision et de régulation. Plusgénéralement, elle est venue sanctionnerles limites d’un modèle de financementexcessivement fondé sur l’endettement.

Entre 2000 et 2011, l’endettementdes acteurs privés est passé en France de150 % à près de 210 % du PIB. Dans lemême temps, il est demeuré stable,autour de 180 % du PIB, en Allemagne.

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Face à la crise, les Etats ont été ame-nés à intervenir pour soutenir aussi bienle secteur financier – en France, par desprêts au secteur bancaire, des prises departicipation, l’octroi de garanties oudes dispositifs de rehaussement de cré-dits – que l’économie réelle. En France,la relance de la commande publique, lahausse des crédits d’intervention et cellede la dépense fiscale ont atteint 34 Md€en 2009 et 2010, dont 17,5 Md€ demesures fiscales. Ces apports au finan-cement de l’économie ont soutenu lacroissance mais dégradé l’état desfinances publiques.

Progressivement, l’accumulation dedettes publiques et privées de nombreuxpays, et notamment des pays européens,a favorisé l’émergence d’une crise de ladette souveraine. Dans un contexte deméfiance des investisseurs, les écarts detaux se sont accrus et les notes attri-buées aux dettes souveraines de payseuropéens ont été abaissées, y compris,début 2012, celle de la France par unedes agences de notation. Des dégrada-tions en cascade ont suivi : entreprisespubliques, Caisse des dépôts et consi-gnations, organismes sociaux, collectivi-tés territoriales, grandes banques.

La dégradation des financespubliques a eu des conséquences enretour sur le secteur financier du fait dela détention de dettes souveraines deve-nues risquées par les établissementsfinanciers. L’exposition aux dettes sou-veraines de la zone périphérique desquatre plus grandes banques françaisess’élevait au 30 septembre 2011 à

63,3 Md€, dont 7,7 Md€ de dettegrecque.

Malgré les opérations exception-nelles de la Banque centrale européenne,la distribution du crédit à l’économiepourrait être menacée. En outre, unmouvement de renationalisation desmarchés de capitaux s’est engagé, dansle contexte duquel l’emprunt publicpourrait désormais exercer un effetd’éviction sur le financement privé.

Le resserrement descontraintes prudentielles

La crise financière a montré lanécessité d’un nouveau cadre internatio-nal de régulation. La volonté du G20d’encadrer mieux l’activité bancaire s’esttraduite par « l’accord de Bâle III »visant à renforcer la solvabilité bancaire.La liquidité et l’effet de levier desbanques – ratio minimal exigé entrefonds propres et expositions de bilan ouhors bilan – sont également réglemen-tés. Alors que la pleine entrée en vigueurdes normes n’était prévue qu’à l’horizon2019, un accord européen d’octobre2011 prévoit que les banques doiventrespecter un niveau de 9 % de fondspropres dès le 30 juin 2012. Cette accé-lération du calendrier pourrait néan-moins renchérir le coût de mise enœuvre des normes prudentielles etaccroître les risques de déstabilisationqu’elles induisent, notamment en inci-tant les banques à détenir des titres dedette souveraine, considérés dans lesnormes comme sans risque et liquides.

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La directive Solvabilité II imposeaux assureurs de nouvelles exigences enmatière de gestion des risques. Elle pré-voit en outre que certains risques,jusqu’alors couverts par les provisionstechniques des assureurs, doivent l’êtrepar leurs fonds propres. Deux ratios desolvabilité sont instaurés à cette fin.Enfin, Solvabilité II généralise l’évalua-tion dite à la « juste valeur » pour l’en-semble des éléments du bilan.

Ces évolutions sont accélérées parles normes comptables (IFRS) qui,depuis le début de la crise financière,amplifient les mouvements de déstabili-sation financière. En effet, la valorisa-tion dite à la « juste valeur » qui prescritaux établissements financiers de comp-tabiliser leurs actifs suivant le montantdes transactions de marché, soumetleurs bilans à une forte volatilité, notam-ment à la baisse en cas de crise systé-mique.

Le cumul de cette prescription avecles normes prudentielles pourrait inciterles établissements à sur-respecter lesratios prudentiels pour se prémunircontre les variations de la valorisation deleurs actifs et passifs. L’injonction detransparence pourrait les inciter à secouvrir encore davantage pour éviterdes perturbations potentielles.

En définitive, les nouvelles normesprudentielles pourraient avoir pour effetde renchérir le coût du crédit, de dissua-der l’investissement long et d’inciter lesentreprises à se reporter sur les marchés.

UUnn nnoouuvveeaauu mmooddèèllee ddeeffiinnaanncceemmeenntt

Le renouvellement dumodèle d’affaires desbanques et des assurances

En France, les crédits consentis parles banques sont très supérieurs auxdépôts, notamment en raison de la partimportante des dépôts longs réalisésauprès des compagnies d’assurance-vie(1 375 Md€) ou des gestionnaires defonds (265 Md€), de la centralisation desdépôts des livrets réglementés auprès dela Caisse des dépôts et consignations(260 Md€) et de l’obligation pour denombreuses entités publiques de dépo-ser leur fonds au Trésor (123 Md€).

En conséquence, les banques fran-çaises font face à un besoin structurel derefinancement. Leur situation netteétait, fin 2010, emprunteuse à hauteurde 914 Md€. Les exigences des prêteurssur le marché interbancaire les contrai-gnent de plus à plus à rechercher desactifs gageables en garantie de leur refi-nancement (collatéralisation).

Afin de satisfaire les futures exi-gences prudentielles de liquidité, lesbanques cherchent à collecter désormaisplus de dépôts afin de diminuer leurratio crédits sur dépôts. Celui-ci s’estréduit de 129 % à 112 % entre 2007 et2010. Dans le même temps, elles sontcontraintes de mobiliser leur résultatd’exploitation pour augmenter le niveau

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de leur fonds propres sans recourir auxaides de l’Etat et pour ne pas restreindreleur offre de crédit.

Ces exigences nouvelles modifientles stratégies financières et commer-ciales des banques, qui ne reprendrontvraisemblablement pas une activité definancement comparable à celle desannées 2000.

Sur le plan financier, les banquescherchent à limiter leur consommationde fonds propres. A cette fin, certainsétablissements ont commencé à réduirela taille de leur bilan pour augmenterleur ratio de fonds propres par diminu-tion du dénominateur. Par ailleurs, lemouvement de titrisation est vraisem-blablement appelé à reprendre, pourlimiter les couvertures en fonds propresexigées.

Sur le plan commercial, les établisse-ments tendront vraisemblablement àaccroître leurs marges opérationnelles, àraccourcir l’horizon des prêts accordéset à rechercher de la liquidité en intensi-fiant leur concurrence en termes derémunération de l’épargne, au bénéficede l’épargnant et au détriment de l’em-prunteur.

Les assureurs-vie, premiers concer-nés en France par la directive SolvabilitéII, vont devoir adapter leur stratégie deplacement en vue d’optimiser le rende-ment de leurs actifs sous contrainte defonds propres assortis. Les produitsjugés sûrs par les normes prudentielles,d’horizon court ou offrant des gainsréguliers, seront favorisés dans le bilandes assureurs, y compris les titres de

dettes souveraines. En revanche, lesactions, les interventions en capital-investissement ou via des fonds de ges-tion alternative continueront à diminuer.

Des acteurs économiquesdont l’accès au finance-ment pourrait se réduire

Les PME indépendantes ont peu desolution alternative à l’emprunt ban-caire. Elles sont donc exposées au ren-chérissement du coût du crédit toutcomme à une contraction de sonvolume ou de sa durée. Depuis janvier2012, elles font face à un repli des cré-dits mobilisés qui leur sont accordés.Malgré la volonté des pouvoirs publicsde les y inciter, les assureurs nedevraient pas augmenter leur contribu-tion au financement des PME.

Les exportateurs, en particulier lesPME exportatrices, sont égalementaffectés par la difficulté des banqueseuropéennes à se refinancer en dollar.Malgré les interventions des banquescentrales, l’accès aux liquidités danscette devise s’annonce plus rare et pluscoûteux.

L’horizon des financements de pro-jet s’est raccourci à une durée n’excédantpas 10 ans, en particulier du fait de ladisparition des rehausseurs de crédit etde l’effet des nouvelles normes pruden-tielles. La rentabilité dégradée des pro-jets décourage les partenaires privés.Compte tenu des contraintes budgé-taires, la sphère publique rencontre desdifficultés à augmenter le montant de

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ses subventions initiales, à octroyer defaçon plus large sa garantie à ses parte-naires et à solliciter de nouveaux inter-venants en cofinancement.

Les collectivités territoriales, pre-miers acteurs de l’investissement public,pourraient rencontrer des problèmes dumême ordre, leur financement reposantà 97 % sur les banques. Les nouvellesrègles prudentielles, les effets de larestructuration de Dexia et plus généra-lement de la crise financière pourraienten effet conduire à un renchérissement,voire à une contraction des volumes desprêts qui leur sont accordés. Enréponse, les collectivités territorialestendent à réexaminer leurs besoins (15-16 Md€ en 2011 contre 18-20 Md€ anté-rieurement), notamment en rationalisantet en hiérarchisant leurs projets d’inves-tissements. Parallèlement, elles cher-chent à diversifier leurs ressources, enlevant directement des fonds sur lesmarchés ou auprès des épargnants.

Les enjeux de la nouvelledonne pour l’Etat

Durant la crise, l’Etat a cherché àn’intervenir que de manière temporaire.Les mesures de soutien qu’il a adoptéesont reposé sur l’hypothèse que le finan-cement de l’économie retrouverait, àlongue échéance, les conditions quiétaient les siennes avant la crise.

Cette hypothèse semble désormaiscontredite par la nature structurelle desévolutions en cours. L’Etat est de plusen plus amené à agir pour renforcer lastabilité du secteur financier commepour répondre aux besoins de finance-ment d’acteurs qui dépendaient précé-demment presque exclusivement desbanques. Il dispose, pour y parvenir, denombreux leviers d’action, mais il doitcomposer avec les contraintes nouvellesauxquelles ils sont désormais soumis.

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LL’’éérroossiioonn ddeess iinnssttrruummeennttss ddiirreeccttss

L’effacement de l’Etat dansles aides directes à l’inves-tissement

Depuis une dizaine d’années, lemontant global des subventions d’inves-tissement versées par les administrationspubliques aux entreprises et auxménages s’est maintenu. En revanche,leurs modalités de distribution ont pro-fondément changé.

L’Etat lui-même distribue moinsd’aides directes que par le passé. Il s’ap-puie sur les organismes divers d’admi-nistration centrale (ODAC) dont lacontribution, si on la rapporte à l’en-semble des aides versées par les admi-nistrations centrales (Etat et ODAC), estpassée entre 2000 et 2010 de 23 % à91,8 % pour les ménages et de 5,3 % à47 % pour les entreprises.

Dans le même temps, il a augmentéses concours aux collectivités territo-riales : ceux-ci ont progressé de 5,7 Md€à 8,7 Md€, via le fonds de compensationde la TVA, la dotation globale d’équipe-ment et les dotations aux régions etdépartements pour l’équipement sco-laire. Alors que les collectivités territo-riales versaient cinq fois moins d’aides

que les administrations centrales en2000, l’écart a été pratiquement effacéen 2010, avec 3,0 Md€ d’aides provenantdes premières et 3,1 Md€ des secondes.

En définitive, si les aides à l’investis-sement versées par l’Etat se sont main-tenues autour de 0,75 point de PIB, ellesne bénéficient aux entreprises et auxménages que de façon indirecte, si bienque l’Etat en a progressivement perdu lamaîtrise, tant en termes de pilotage quede délai d’octroi.

L’Etat actionnaire et sesdifficultés financières

L’intervention directe de l’Etat dansle capital d’entreprises publiques ou pri-vées s’est raréfiée sous l’effet conjointde la dégradation des conditions de mar-ché, qui décourage les cessions, et duresserrement des contraintes budgé-taires, qui limite les possibilités d’opérerdes dotations en capital ou de nouveauxinvestissements.

Dans ce contexte, l’Etat a été amenéà faire appel à des co-investisseursexternes, la Caisse des dépôts et consi-gnations pour le renforcement desfonds propres de La Poste, mais aussi,par exemple, le fonds souverain koweï-tien pour ceux d’Areva. En outre, l’Etata dû recourir à l’endettement, dans lecadre du plan de relance ou des investis-sements d’avenir, pour financer des opé-

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rations, dont certaines, comme le « planCampus », ne relevaient pas du champd’intervention normal de l’Etat action-naire.

Les entreprises dont l’Etat estactionnaire ont dû de façon croissantese financer par le crédit, pour maintenirle niveau de leur investissement.Certaines ont même dû s’endetter poursatisfaire les exigences élevées de l’Etaten matière de dividendes. Le taux de dis-tribution moyen des entreprises relevantde l’Agence des participations de l’Etats’élevait à 55,7 % au titre de l’exercice2010 (et même 59,5 % pour l’exercice2009), au-delà du taux moyen du CAC40 qui se situe autour de 50 %.

DDee nnoouuvveelllleess ffoorrmmeessdd’’iinntteerrvveennttiioonn

Les dépenses fiscales faceau butoir des déficitspublics

Le souci de respecter la norme dedépenses budgétaires, celui d’alléger lesprélèvements obligatoires et celui d’ob-tenir des effets de levier ont entrainé àpartir de 2005 un recours croissant auxdépenses fiscales. Celles en faveur dufinancement de l’économie ont vu leurcoût total presque doubler entre 2005 et2010, s’établissant à plus de 20 Md€ paran, dont un quart en faveur de l’épargnefinancière, un quart en faveur de l’inves-tissement immobilier et une moitié en

faveur de l’autofinancement des entre-prises.

Toutefois, la dynamique de crois-sance des dépenses fiscales s’est révéléeni soutenable, ni maîtrisable. Leur coûtimportant, la difficulté à les maîtriserdans le temps et à en assurer un suiviadministratif aussi étroit que celui descrédits budgétaires ont amené les pou-voirs publics à commencer à en réduirel’usage.

De nouveaux outils : cofi-nancements, investisse-ments d’avenir et octroi degaranties

La contrainte budgétaire, les limitesde l’expansion des dépenses fiscales et larecherche d’effets de levier encoreaccrus ont entrainé la recherche d’autresmoyens d’action.

Le cofinancement public-privé s’estnettement développé : entre 2004 et2011, l’Etat a signé 24 contrats de parte-nariat pour un montant total de 9,2 Md€et un investissement initial de 2,8 Md€.La défense, la santé, les transports etl’environnement sont les secteurs lesplus concernés par ces investissements.Sous l’effet de la crise, toutefois, lesfinanceurs privés se sont désengagés despartenariats public-privé. En consé-quence, l’Etat a dû y intervenir plusintensément par des garanties, par l’oc-troi de prêts et par des subventions ini-tiales.

Le programme des investissementsd’avenir a mobilisé 34,7 Md€ en vue

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d’obtenir un effet de levier de 25 Md€. Ilprésente toutefois des limites spéci-fiques liées à son financement par l’em-prunt, à la difficulté à identifier des pro-jets rapidement finançables ou suffisam-ment rentables. Il pourrait en outre voirses objectifs se dénaturer pour servir àune débudgétisation de dépenses defonctionnement.

L’octroi de garanties est devenu unoutil privilégié de l’Etat du fait de soneffet de levier et de l’absence de sortiebudgétaire associée. L’encours de ladette garantie a plus que doublé depuis2006, s’établissant à 124 Md€ en 2011après un maximum de 150 Md€ en2009, sous l’effet de la participation del’Etat au refinancement de la société definancement de l’économie française, dufonds européen de stabilité financièremais aussi au soutien apporté à larestructuration de Dexia.

Des risques nouveaux àgérer

Grâce à ces nouvelles formes d’in-tervention, l’Etat a pu partiellementcontourner les contraintes que sa situa-tion budgétaire faisait peser sur lui.

Cependant, en mobilisant une partiede ses recettes actuelles, de ses recettesfutures, de sa capacité d’emprunt etjusqu’à sa garantie, l’Etat s’est, de fait,exposé à des risques nouveaux. Unelarge part d’entre eux s’inscrit hors-bilanet appelle une réflexion sur l’effet delevier global de l’Etat et l’identificationdes aléas auxquels il est soumis. En

effet, la surveillance de la soutenabilitéde ses finances, qu’elle émane desorganes communautaires ou des mar-chés, se fait de plus en plus exigeante.

LLaa rreecchheerrcchhee ddee rreellaaiissddaannss llaa sspphhèèrree ffiinnaann--cciièèrree ppuubblliiqquuee

Les acteurs du secteurfinancier public

Le groupe Caisse des dépôts estcomposé d’un établissement public et defiliales, associant des missions d’intérêtgénéral et des activités concurrentielles.Il gère sous mandat le Fonds d’épargne,le Fonds de réserve des retraites et par-ticipe de fait au financement de la sécu-rité sociale. Ces dernières années, sesparticipations conjointes avec l’Etat,directes ou indirectes, se sont multi-pliées : Banque Postale, Oséo, Fondsstratégique d’investissement, CNPAssurances.

Le Fonds d’épargne centralise unepartie des ressources de l’épargne régle-mentée (222,5 Md€ fin 2011) afin definancer, le logement social et la poli-tique de la ville (118 Md€) mais aussi, defaçon croissante, de « nouveauxemplois » (15 Md€) : collectivités territo-riales, infrastructures de long terme,prêts à Oséo et au FSI. Le reste de sesressources alimente un portefeuille detitres, dont le rendement est devenuindispensable à son équilibre financier,

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en raison de la marge négative sur l’es-sentiel des nouveaux prêts au logementsocial, situation qui n’est pas financière-ment saine et présente des risques.

Le Fonds stratégique d’investisse-ment est un investisseur en fonds pro-pres doté de 20 Md€ de capital créé en2008 par la Caisse des dépôts et l’Etat.Structure récente et initialement ambi-tieuse, il a repris certains engagementsdu groupe Caisse des dépôts (pro-gramme « FSI Investissement ») et s’em-ploie à augmenter sa visibilité locale, viale dispositif « FSI Régions ».L’indépendance de sa gouvernance etles synergies qu’il développe avec CDCEntreprises ou Oséo restent toutefois àconsolider.

Oséo soutient l’innovation etapporte des crédits et des quasi-fondspropres aux PME, notamment dans lesphases de création, de transmission oude développement. Il est le principalintervenant en garantie (85 % des dos-siers). En 2011, Oséo a soutenu 84 000entreprises contre 55 000 en 2005.L’effet de levier de ses interventions estfort mais nécessite une vigilance sur sastructure financière, son modèle pru-dentiel et les conditions de son refinan-cement.

CNP Assurances domine le marchéde l’assurance-vie avec 17,4 % des partsde marché en 2011. Malgré un bénéficeannuel stabilisé à 1 Md€, elle n’est pasexempte de fragilités pour la Caisse desdépôts (40 % du capital) en raison de satrès forte dépendance au marché de l’as-surance-vie (85 % de sa collecte).

La Banque Postale est un établisse-ment de crédit récent détenu par le

groupe La Poste. Disposant d’une liqui-dité importante, elle s’est adresséedepuis 2005 à une clientèle de plus enplus diversifiée : ménages, entreprises et,plus récemment, collectivités territo-riales, mais sa croissance demeure à justetitre prudente.

Créé en 2001, le Fonds de réservepour les retraites a été doté de 87 Md€en vue de soutenir, à compter de 2020,le financement des régimes obligatoires.Depuis 2010 toutefois, il doit liquiderprogressivement ses actifs (36,8 Md€)pour contribuer au remboursement dela dette sociale.

Filiale du groupe Natixis, la Cofacegère des procédures publiques de garan-ties aux entreprises qui exportent ousouhaitent le faire. Ses assurances inves-tissement et ses garanties ont fortementprogressé depuis 2007 mais restent àorienter plus largement vers les PME.Contrairement à l’Eximbank américaine,elle ne contribue pas au financementmême des exportations.

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Des relais précieux maisnon sans limites

En mobilisant de façon croissante lesecteur financier public, l’Etat a puconserver des moyens d’action, s’ap-puyer sur une expertise financière pré-cieuse et développer des instruments àfort effet de levier. Il a significativementélargi l’éventail des dispositifs de soutienà l’offre de financement : opérationsd’endettement, de capital-investisse-ment, quasi fonds propres, garanties etassurances.

Toutefois, l’augmentation desrisques portés par le secteur financierpublic ne s’est pas suffisamment accom-pagnée de progrès en matière de gou-vernance, de niveau de fonds propres etde supervision prudentielle. A l’intersec-tion des sphères financière, industrielleet immobilière, la Caisse des dépôts etconsignations concentre une partie dés-ormais centrale des enjeux. Le Fondsd’épargne, la Banque Postale et CNPAssurances connaissent des insuffi-sances de fonds propres, partiellementaggravées par les exigences de l’Etat enmatière de versement de dividendes.

Tous les dispositifs auxquels l’Etatest, directement ou indirectement, par-tie, l’exposent à des risques financiers(faible rentabilité, projets plus risqués).Leur développement ne doit pasconduire à fausser les conditions deconcurrence ou, s’ils devenaient perma-nents, à déresponsabiliser les acteurs pri-vés, offreurs ou demandeurs de finance-

ments. Plus généralement, l’implicationdu secteur financier public ne peut à elleseule satisfaire l’ensemble des besoinsde financement de l’économie.

LLeess rreellaattiioonnss ddee ll’’EEttaattaavveecc llee sseecctteeuurr ffiinnaanncciieerr

La supervision financière etses limites

Si la réglementation applicable ausecteur financier est pour l’essentiel éla-borée au niveau européen, voire mon-dial, sa supervision, c’est-à-dire lecontrôle de son niveau de risque, restetrès largement exercée dans un cadrenational.

Depuis 2010, le système français estdual : l’Autorité de contrôle prudentielest chargée du secteur financier dansson ensemble (banques et assurances) ;l’Autorité des marchés financiers assurela protection de l’épargne investie dansles instruments financiers, l’informationdes investisseurs et le bon fonctionne-ment des marchés.

L’une et l’autre disposent de préro-gatives renforcées, notamment la capa-cité de formuler des recommandations,leur permettant d’apprécier la situationfinancière, les conditions d’exploitation,le respect des normes prudentielles et lacorrecte commercialisation des produitsfinanciers. En période de crise systé-

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mique, elles peuvent faire usage de pou-voirs exceptionnels.

Leur action rencontre toutefois deslimites : la gestion des ressourceshumaines et les modalités de contrôle sesont adaptées trop lentement à lasophistication des techniques d’ingénie-rie financière, telles que les chambres decompensation privées (dark pools), letrading haute fréquence, la titrisation oul’intervention des fonds alternatifs(hedge funds). La coordination dessuperviseurs à l’échelle européenne restelargement à mettre en œuvre et la pré-sence française dans les structures com-munautaires demeure insuffisante.

La conciliation entreoffreurs et demandeurs definancement : un enjeuencore actuel

Les services de l’Etat, à l’écheloncentral ou dans les territoires, en parti-culier sous l’impulsion de l’autorité pré-fectorale, travaillent à rapprocherdemandeurs et offreurs de financement.Au travers de structures comme lecomité interministériel de restructura-tion industrielle ou les comités départe-mentaux d'examen des difficultés definancement des entreprises, ils assurentnotamment l’accompagnement desentreprises en difficultés.

Durant la crise, ce rôle traditionnel,souvent informel, a été institutionnaliséau sein d’un mécanisme original : laMédiation du crédit. En lien avec laBanque de France, Oséo, les services del’Etat ainsi que certaines organisationssocioprofessionnelles et consulaires, elleassiste les entreprises rencontrant desdifficultés pour obtenir un crédit. Entreson lancement en novembre 2008 et lafin août 2011, près de 32 000 entreprisesont saisi la Médiation. Plus de 80 %d’entre elles ont été aidées, 3,6 Md€d’encours de crédits ont ainsi été déblo-qués. Si le nombre de dossiers a décruprogressivement depuis 2009, les petitesentreprises, souvent fragiles, continuentde solliciter la Médiation du crédit, dontle dispositif a, en conséquence, étémaintenu jusqu’en décembre 2012.

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Accroître les interventions finan-cières publiques peut paraître, à courtterme, une solution permettant derésoudre les difficultés de financementde certains acteurs économiques. Ceserait sans doute vain sur le moyenterme. L’action de l’Etat doit principale-ment viser à pallier les défaillances demarché caractérisées.

Certains instruments sont inopé-rants dans le contexte actuel, tels que lerecours accru à la dépense fiscale, larecherche, à grande échelle, de partena-riats public-privé ou bien l’apport de lagarantie de l’Etat à une « agence » definancement des collectivités territo-riales, et doivent donc être écartés.

L’Etat n’en conserve pas moins desmoyens d’agir, par exemple en réduisantla dépense fiscale et en la ciblant mieuxvers l’investissement productif ou parl’intermédiaire du secteur financierpublic, en particulier du groupe Caissedes dépôts, qui dispose encore demarges de manœuvre.

Il doit, dans un environnement éco-nomique, financier et réglementaire quidemeure très instable, mettre en placeune stratégie d’ensemble dans le butd’assurer une allocation efficace des fluxfinanciers. Les principaux objectifs decette stratégie pourraient être les sui-vants.

FFaavvoorriisseerr lleess ffiinnaannccee--mmeennttss ddee lloonngg tteerrmmee

Alors que le cadre prudentiel appli-cable aux établissements financiersrisque de les contraindre à réduire ladurée des prêts qu’ils distribuent, il estindispensable de maintenir l’accès à desfinancements de long terme, nécessairespour financer à la fois des projets d’in-frastructures, les investissements descollectivités territoriales et des entre-prises, et l’innovation.

Orienter l’épargne finan-cière vers le long terme

L’épargne financière doit êtreréorientée vers le long terme afin defournir une source de financementpérenne pour l’économie et de permet-tre aux ménages de se constituer uneépargne à même de contribuer à répon-dre à leurs besoins de long terme(notamment la retraite et la dépen-dance).

Un redéploiement des mécanismesd’incitation financière en faveur del’épargne de long terme doit donc êtreengagé, dans le cadre en particulier del’assurance-vie, afin d’encourager lesépargnants à détenir leur épargne pluslongtemps sur ces produits.

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Pour être efficaces, ces réaménage-ments impliquent de maintenir une hié-rarchie des rémunérations entre leslivrets d’épargne réglementée, qui repré-sentent une épargne liquide de courtterme, et l’épargne longue. Le double-ment des plafonds du livret A et dulivret de développement durable (LDD),envisagé par le gouvernement, pourraitentraîner des transferts depuis l’assu-rance-vie, dans un contexte où il estnécessaire d’encourager l’épargnelongue, et des mouvements à partir deslivrets bancaires fiscalisés, alors que lesystème bancaire français se caractérisedéjà par un déséquilibre entre l’encoursdes prêts et les dépôts collectés. Pourlimiter ces contre-effets, il pourrait êtreenvisagé de répartir sur plusieurs annéesce relèvement. En tout état de cause, lerelèvement des plafonds devrait, dans lesouci de préserver le financement de laprotection sociale, conduire à soumettreaux prélèvements sociaux les revenustirés des dépôts pour leur partie supé-rieure aux plafonds actuels des livrets.

L’encouragement à une épargnefinancière longue doit égalementconduire à reconsidérer et redéployer lesincitations publiques résiduelles dontbénéficie l’immobilier (hors logementsocial). Dans un contexte de raréfactionde la ressource publique, l’actionpublique devrait être réservée aux zonesqui connaissent une pénurie de loge-ments.

Mieux utiliser les res-sources du Fondsd’épargne

Favoriser les financements de longterme suppose également de mieux uti-liser les ressources du Fonds d’épargne(222,5 Md€ à fin 2011).

Ce dernier dispose aujourd’hui d’unsurplus de liquidité qui serait de l’ordrede 52 Md€.

Ce chiffrage fait débat entre laCaisse des dépôts et consignations etl’Etat, ce qui montre la nécessité de pré-ciser le modèle prudentiel du Fondsd’épargne sur la liquidité afin de biencalibrer les possibilités d’utilisation decette ressource.

En tout état de cause, compte tenude l’incertitude du contexte financier, ilest opportun, à ce stade, de préserverune marge de manœuvre sur les res-sources du Fonds d’épargne afin d’êtreen mesure de les mobiliser pour pallierdes défaillances de marché constatées. Ilest, par ailleurs, essentiel de viser uneallocation optimale de ces ressources.En particulier, la distribution des prêtsaux organismes de logements sociauxpar le Fonds d’épargne devrait être réso-lument ciblée, y compris avec unemodulation des taux, au profit des zonesqui connaissent une situation tendue.L’équilibre financier à terme de l’activitéde prêts au logement social doit être glo-balement assuré. S’agissant des nou-veaux emplois, leur croissance nécessite-rait d’être maîtrisée et justifiée par l’inté-

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rêt socio-économique des opérations etl’existence d’une réelle carence de mar-ché pour leur financement.

TTiirreerr lleess ccoonnssééqquueenncceessdduu nnoouuvveeaauu ccoonntteexxtteeppoouurr llee ffiinnaanncceemmeennttddeess eennttrreepprriisseess eett ddeessccoolllleeccttiivviittééss tteerrrriittoorriiaalleess

Améliorer les conditions definancement des entre-prises par un redéploie-ment de leur fiscalité

Dans un contexte où il est exclud’augmenter la dépense fiscale, des redé-ploiements devraient être opérés afind’améliorer la capacité des entreprises àse financer en fonds propres et de sou-tenir davantage les PME. L’une desvoies possibles serait de plafonner ladéductibilité des intérêts d’emprunts,qui crée aujourd’hui un biais en faveurdu financement par dette plutôt que parfonds propres. Un tel plafonnementpermettrait, par les économies réalisées,la mise en place de mesures fiscalesfavorables aux PME, qu’il s’agisse dutaux ou de l’assiette de l’impôt sur lessociétés, ou de l’allègement des chargesqui pèsent sur les facteurs de produc-tion.

Cibler les défaillances demarché pour le finance-ment des petites etmoyennes entreprises

Les difficultés que pourraient ren-contrer les PME à se financer ontconduit le gouvernement à prévoir lamise en place d’une banque publiqued’investissement. Pour être utiles, lesressources de cette banque devront êtreciblées sur les défaillances de marchéavérées.

Le financement en fonds propresdes entreprises en phase d’amorçage etde premiers développements constitue,aujourd’hui, un enjeu important. Deuxpistes pourraient être explorées, sansméconnaître leurs limites : l’améliora-tion des véhicules fiscaux destinés àencourager l’investissement dans le capi-tal des PME (notamment FCPI, FIP,FCPR), qui manquent de lisibilité etd’efficacité ; le redéploiement d’une par-tie des moyens de CDC Entreprises,aujourd’hui consacrés au capital inves-tissement.

Au-delà, il appartient aux pouvoirspublics de continuer à suivre l’évolutionde l’offre de crédit à destination des trèspetites entreprises et des PME. LaMédiation du crédit contribuant à cesuivi, sa prolongation serait, dans lecontexte actuel, la solution la plus pru-dente, sans pour autant institutionnaliserle dispositif.

En tout état de cause, les PMEseront conduites à rechercher une diver-

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sification de leurs sources de finance-ment. Cette évolution pourrait passerpar les financements de marché, mêmesi cela ne peut concerner qu’une partlimitée de leurs besoins et ne peut enaucun cas engager la garantie de l’Etat.Les réformes mises en œuvre à l’initia-tive des pouvoirs publics, qui visent àfavoriser l’accès des PME aux finance-ments de marché, doivent être poursui-vies. Il pourrait être envisagé de créerune structure de marché dédiée auxPME et aux entreprises de taille inter-médiaire (ETI), avec des équipes spéci-fiques, afin de permettre à ces entre-prises de lever des fonds en capital ousous forme obligataire.

Faire évoluer le modèle definancement des collectivi-tés territoriales

Compte tenu de la réduction destransferts de l’Etat, de la nécessité departiciper à l’effort de désendettementdu pays et de la diminution probable del’offre de financement bancaire à desti-nation des collectivités territoriales, lemodèle de financement de ces dernièresest appelé à évoluer.

Un axe majeur est de développerl’autofinancement de l’investissement.Les efforts de maîtrise de la dépenselocale devront être favorisés par la ratio-nalisation des compétences des diffé-rents niveaux de collectivités territo-riales. A cet égard, la réforme des lois dedécentralisation annoncée par le gouver-nement devrait intégrer un objectif

explicite de recherche de l’efficience del’organisation territoriale.

Les collectivités territoriales doiventégalement se préparer à diversifierdavantage leurs sources de financement.Plusieurs pistes, dont certaines sontcomplémentaires, peuvent être envisa-gées.

Une offre de prêts à court terme aété récemment mise en place par LaBanque Postale. La structure communeprojetée entre cette dernière et la Caissedes dépôts et consignations aurait voca-tion, à terme, à couvrir entre 20 % et25 % du marché. Elle ne répondrait pas,à elle seule, aux besoins de financementdes collectivités territoriales nés de larestructuration de Dexia.

La création d’une agence de finance-ment des collectivités territoriales estévoquée comme une solution supplé-mentaire. Dans un rapport auParlement, de février 2012, leGouvernement a cependant relevé lacomplexité du dispositif envisagé et lanécessité d’approfondir la réflexion surplusieurs points. Au-delà de l’ampleur etde la portée des sujets non encore réglés,la Cour souligne à nouveau la nécessitéque cet organisme n’engage pas lagarantie de l’Etat.

En tout état de cause, les collectivi-tés territoriales doivent se préparer àrecourir davantage au financement obli-gataire, qui constitue un axe possible dediversification pour les plus grandesmême s’il restera probablement limitépar rapport aux besoins à satisfaire.

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MMeettttrree eenn ppllaaccee lleessmmooyyeennss dd’’uunnee ssttrraattééggiieedd’’eennsseemmbbllee,, ddiivveerrssiiffiiééeeeett rrééaaccttiivvee

Pour mettre en œuvre efficacementune stratégie d’ensemble, plusieursconditions sont nécessaires.

Passer d’une économied’endettement à une économie de fonds propres

L’une des conditions est de réduirela ponction exercée sur l’économie parle besoin de financement des adminis-trations publiques, ce qui suppose deréduire l’endettement de toutes lesadministrations publiques. Il n’est pas debonne politique de financement del’économie sans bonne politique desfinances publiques. Ce n’est que dans cecadre que les réaménagements proposésen faveur de l’épargne financière de longterme, notamment de l’assurance-vie,pourront trouver leur signification, carils impliquent que le financement del’Etat n’évince pas les financements pri-vés dans les portefeuilles des agents éco-nomiques.

De manière plus générale, face à une« économie d’endettement » qui a atteintses limites, la réflexion de l’Etat doits’orienter vers la mise en place des fon-dements d’une « économie de fondspropres », et, pour ce qui concerne plus

particulièrement la sphère publique,d’autofinancement.

En outre, l’accroissement des inter-ventions à opérer et la raréfaction desmoyens disponibles exigent que l’Etat etle secteur public financier gagnent enefficacité, en gouvernance mais aussi enmaîtrise des risques à tous niveaux.

Renforcer le pilotageexercé par l’Etat

La responsabilité globale quiincombe à l’Etat d’assurer que le finan-cement de l’économie française s’effec-tue dans des conditions satisfaisantessuppose d’avoir en permanence une vued’ensemble de ce financement. Celle-cidoit permettre aux pouvoirs publics dechoisir les instruments les plus adaptésmais aussi d’intervenir de manière réac-tive. Afin d’atteindre cet objectif, l’Etatdoit enrichir les documents budgétairesannexés au projet de loi de finances etproduire un rapport annuel global surl’ensemble des mécanismes concourantau financement de l’économie, qui s’ap-puierait sur les données statistiques dis-ponibles ainsi que sur la consultationdes professionnels concernés.

Mieux assurer la cohérencede la sphère financièrepublique

L’existence de nombreux canaux definancement des entreprises (Oséo,Fonds stratégique d’investissement,CDC Entreprises, etc.) intervenant sur

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des segments souvent très proches,voire identiques, soulève la question deleur rationalisation. Si elle est nécessaire,celle-ci doit s’entourer de précautions.En particulier, le métier d’investisseuren fonds propres, pour lequel la Caissedes dépôts et consignations estaujourd’hui chef de file, et celui de prê-teur, rôle que joue l’actuel groupe Oséo,sont distincts et doivent le rester afind’éviter les conflits d’intérêts (qui semanifesteraient, par exemple, si unmême intervenant était simultanémentactionnaire et créancier d’une mêmeentreprise).

Adapter la Caisse desdépôts et consignations àla nouvelle donne

La Caisse des dépôts et consigna-tions représente aujourd’hui le principalrelais financier public de l’interventionde l’Etat au service du financement del’économie. Ce groupe a donc un rôlestratégique, compte tenu de sa positionau sein de la sphère financière publique,et une dimension systémique. La gou-vernance et la surveillance de la Caissedoivent être à la hauteur de ce doubleenjeu.

Le groupe doit, en premier lieu,définir une nouvelle stratégie adaptée aucontexte, son plan stratégique actueldatant de 2007. Il est, par ailleurs, indis-pensable de tirer pleinement les consé-quences du nouvel équilibre entre lacommission de surveillance, la directiongénérale et l’Autorité de contrôle pru-

dentiel, établi par la loi de modernisa-tion de l’économie. La Cour formuleplusieurs recommandations afin de ren-forcer la gouvernance interne de laCaisse des dépôts et consignations et duFonds d’épargne. La diversité accrue desactivités de la Caisse et leur niveau trèsinégal de rentabilité justifient un pilo-tage très resserré de la maîtrise desrisques. Enfin, la Caisse devrait procéderà une évaluation de ses filiales et partici-pations afin de vendre, le cas échéant,celles d’entre elles qui ne sont pas straté-giques ou pas rentables. En effet, denombreuses filiales et participations sesont progressivement sédimentées,mobilisent une part importante desfonds propres et peuvent, dans certainscas, présenter des risques et, dans d’au-tres cas, offrir des possibilités de plus-values en cas de cession.

Adapter la surveillancefinancière au nouveaucontexte

L’adaptation de la surveillancefinancière au nouveau contexte passed’abord par une meilleure préventiondes risques systémiques liés au secteurfinancier.

En France, les encours de créditsexcèdent le montant des dépôts collec-tés. La mise en œuvre de nouveauxratios prudentiels devrait significative-ment, et de manière durable, accroîtreles besoins de liquidité. Compte tenu durôle central d’intermédiation des fluxd’épargne qu’exerce le système bancaire

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français et de ses spécificités en matièrede besoin de liquidité, il appartiendra àl’Etat, à la Banque de France et àl’Autorité de contrôle prudentiel dedemeurer particulièrement vigilants surle sujet de la liquidité bancaire afin qu’iln’ait aucun impact systémique.

Les développements de la crisefinancière, y compris les plus récents,ont mis en évidence la nécessité de dis-poser des outils de résolution indispen-sables à la bonne gestion des crises ban-caires. Des réflexions ont été récem-ment engagées, au niveau européen, surla possibilité d’instaurer une « unionbancaire ». Les modalités précises demise en œuvre de ce dispositif restent àdéterminer. Elles pourraient avoir desimplications majeures sur les financespubliques et sur les engagements horsbilan de l'Etat : en cas de crise systé-mique, les Etats resteraient en effetgarants, en dernier ressort et de manièredésormais solidaire, des dépôts au seinde la zone euro.

En tout état de cause, la supervisionfinancière demeure, encore aujourd’hui,principalement exercée au niveau natio-nal. Aussi est-il nécessaire que lesmoyens conservés par les autorités fran-çaises de supervision bancaire et finan-cière soient à la hauteur des enjeux pourgarantir la confiance du public et desmarchés dans les systèmes bancaires etfinanciers. Il est notamment essentiel decontinuer, au plan national, à adapter lespratiques et les moyens de la supervisionaux risques financiers actuels et à l’éven-tuelle progression des flux financiersgérés par le secteur non-régulé. La coo-pération des autorités nationales desupervision entre elles et avec leurshomologues européennes doit, par ail-leurs, être renforcée.

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Au-delà de ses effets sur l’activité du pays, le financement de l’économie repré-sente un enjeu collectif pour l’ensemble de la communauté nationale. Il inté-

resse tous les citoyens, que ce soit en tant que contribuables, épargnants, entrepreneursou investisseurs. Par bien des aspects, il concerne, en outre, les générations futures etengage l’avenir de notre société.

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Asseoir le financement de l’éco-nomie sur une épargne financièrede long terme

�rationaliser la dépense fiscaledans le domaine de l’assurance-vie afinde mieux inciter à la détention dans ladurée. En particulier :

- redéfinir la durée fiscale descontrats en fonction de l’historique desversements ;

- réaménager le profil des taux deprélèvements forfaitaires libératoiress’appliquant aux revenus de l’assu-rance-vie de façon à encourager plusefficacement la détention longue ;

- promouvoir une rémunérationdes contrats d’assurance-vie différen-ciée selon la durée de détention ;

�réserver l’action publique dansle domaine de l’immobilier (hors loge-ment social) aux zones qui connaissentune pénurie de logements ;

Mieux régler et orienter la liqui-dité du Fonds d’épargne

�en cas de doublement du pla-fond du livret A et du livret de déve-loppement durable, appliquer un prélè-vement social sur les revenus tirés desdépôts pour leur partie supérieure auxplafonds actuels des livrets et répartirpar paliers sur plusieurs années ce relè-vement ;

�préciser le modèle prudentiel duFonds d’épargne sur le plan de la liqui-dité pour bien calibrer sa marge demanœuvre ;

�assurer globalement l’équilibrefinancier à terme des prêts au loge-ment social ;

�moduler les taux des prêts duFonds d’épargne aux organismes delogements sociaux en fonction ducaractère tendu de l’offre de logement ;

Améliorer les conditions definancement des entreprises par unredéploiement de leur fiscalité

�redéployer la fiscalité des entre-prises dans un sens plus favorable àl’investissement et aux petites entre-prises ;

�plafonner la déductibilité desintérêts d’emprunt de l’impôt sur lessociétés ;

Cibler les défaillances de mar-ché pour le financement des PME

�soutenir la capitalisation desentreprises en phase de création,d’amorçage et de premiers développe-ments :

- améliorer les véhicules fiscauxexistants (FCPI, FIP, FCPR) ;

- redéployer une partie des moyensde CDC Entreprises ;

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�renforcer l’orientation des inter-ventions d’Oséo vers la compensationdes défaillances de marché, notam-ment l’innovation et le développe-ment ;

�maintenir une vigilance surl’évolution de l’offre de crédit à desti-nation des très petites entreprises etdes PME et, à cette fin, prolonger laMédiation du crédit ;

�engager une réflexion sur ledroit des faillites, notamment sur lanature du contrôle de l’entreprise pen-dant le processus précédant la liquida-tion ;

Faire évoluer le modèle definancement des collectivités terri-toriales

�mettre en place rapidement lastructure commune entre La BanquePostale et la Caisse des dépôts et consi-gnations ;

�éviter que la responsabilitéfinancière de l’Etat puisse être engagéepar la création éventuelle d’une agencede financement des collectivités terri-toriales ;

�interdire l’offre aux collectivitésterritoriales de produits financierscomplexes ou structurés ;

Adapter la surveillance finan-cière au nouveau contexte

�continuer à adapter les pratiqueset les moyens de la supervision auxrisques financiers actuels, et à l’éven-tuelle progression des flux financiersgérés par le secteur non-régulé ;

�renforcer la présence françaiseau sein des autorités européennes etinternationales de régulation finan-cière ;

Renforcer le pilotage exercé parl’Etat

�doter l’Etat des outils et procé-dures permettant une connaissanceplus fine des besoins de financementde l’économie :

- élaborer un rapport annuel surl’ensemble des problématiques dufinancement de l’économie ;

- présenter dans les documentsbudgétaires, et notamment sous formed’un document de politique transver-sale, une vue cohérente et homogènede l’ensemble des instruments concou-rant à une même politique, en faisantapparaître les effets respectifs dechaque aide ;

- élaborer des données agrégéessur la distribution sectorielle des aidesdes collectivités territoriales aux entre-prises ;

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�rationaliser les différents canauxde financement au sein du groupeCaisse des dépôts s’agissant du finan-cement des entreprises, notamment enétudiant la possibilité de regrouperCDC Entreprises et le Fonds straté-gique d’investissement au sein d’unestructure intermédiaire commune ;

�maintenir séparées, en cas deréorganisation de la sphère financièrepublique, les fonctions de prêteur etd’investisseur en fonds propres ;

Adapter la Caisse des dépôts etconsignations à la nouvelle donne

�élaborer un nouveau plan straté-gique ;

�améliorer la gouvernance dugroupe Caisse des dépôts :

- élargir les avis de la commissionde surveillance aux comptes du Fondsd’épargne et aux principales décisionsdu ministre de l’économie concernantles prêts du Fonds ;

- améliorer le processus de prise dedécisions du Fonds stratégique d’inves-tissement ;

- renforcer le rôle des comitésd’audit des filiales de la Caisse ;

�mettre en place une politiqueactive de gestion des participations dela Caisse.