Les tumeurs fibreuses solitaires de l’orbite : une entité pouvant récidiver à long terme

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Les tumeurs fibreuses solitaires de l’orbite : une entite ´ pouvant re ´cidiver a ` long terme Solitary fibrous tumor of the orbit: Possibly recurrent in the long-run A. Rougeot a, *, R. Barnoud b , J. Ferri a , J.-L. Be ´ziat c a De ´partement universitaire de chirurgie maxillo-faciale et stomatologie, ho ˆpital Roger-Salengro, CHRU de Lille, boulevard du Professeur-E ´ mile-Laine, 59037 Lille cedex, France b Service d’anatomie et de cytologie pathologiques, ho ˆpital de la Croix-Rousse, 103, grande rue de la Croix-Rousse, 69317 Lyon cedex 04, France c Service de chirurgie maxillo-faciale, ho ˆpital de la Croix-Rousse, 103, grande rue de la Croix-Rousse, 69317 Lyon cedex 04, France Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Introduction La tumeur fibreuse solitaire (TFS) a e ´te ´ de ´crite initialement au niveau pleural par Klemperer et Rabin en 1931. L’origine me ´senchymateuse primitive de ces tumeurs est actuellement admise [1]. Les localisations sont ubiquitaires et l’e ´volution clinique reste peu pre ´visible, aussi bien au niveau local qu’a ` distance. La TFS est classe ´e dans les tumeurs (myo)fibroblas- tiques be ´nignes ou de faible degre ´ de malignite ´ [2]. Sa particularite ´ est sa tendance a ` la re ´cidive locale, parfois tre `s tardive, alors que les me ´tastases sont exceptionnelles. La nouvelle classification OMS des tumeurs des tissus mous de 2002 regroupe, sous la de ´nomination de TFS, plusieurs entite ´s : la TFS proprement dite, l’he ´mangiope ´ricytome (HPC) et l’HPC lipomateux, l’angiofibrome a ` cellules ge ´antes (GCA) Summary Solitary fibrous tumor (SFT) is a rare etiology of progressive unila- teral exophthalmia. The tumor is of mesenchymal origin and it is usually well defined. But recurrences can occur despite of complete surgical resection. Metastases have been observed. Tumors of the SFT spectrum are considered as benign or low-grade malignant. Histological features do not currently allow any prognosis. The most important prognostic factor is complete surgical resection. Cranio- facial approaches provide a good view of the tumor extensions and orbital contents. Recurrent tumors must be surgically removed when possible. Complementary treatments have not proved effective. A very long-term follow-up is mandatory. ß 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Solitary fibrous tumor, Orbit, Treatment Re ´sume ´ La tumeur fibreuse solitaire (TFS) est une cause rare d’exophtalmie unilate ´rale progressive. D’origine me ´senchymateuse, elle est ge ´ne ´- ralement bien limite ´e mais peut re ´cidiver malgre ´ une chirurgie d’exe ´re `se totale. Des me ´tastases ont e ´te ´ de ´crites. Les tumeurs du spectre des TFS sont conside ´re ´es comme be ´nignes ou de bas-grade de malignite ´. A ` l’heure actuelle, aucun caracte `re anatomopatholo- gique ne permet de pre ´dire leur comportement qui reste incertain. Le caracte `re complet de l’exe ´re `se est le principal facteur pronostique. Les voies d’abord sont cranio-faciales pour bien exposer les limites tumorales et les structures orbitaires. Les re ´cidives doivent, si possible, e ˆtre ope ´re ´es. Les traitements comple ´mentaires n’ont pas prouve ´ leur efficacite ´. Une surveillance a ` tre `s long terme est ne ´cessaire. ß 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits re ´serve ´s. Mots cle ´s : Tumeur fibreuse solitaire, Orbite, Traitement * Auteur correspondant. e-mail : [email protected] Rec ¸u le : 24 juillet 2012 Accepte ´ le : 16 mai 2013 Disponible en ligne 17 juillet 2013 Mise au point 366 2213-6533/$ - see front matter ß 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits re ´serve ´s. http://dx.doi.org/10.1016/j.revsto.2013.05.003 Rev Stomatol Chir Maxillofac Chir Orale 2013;114:366-371

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A. Rougeota,*, R. Barnoudb, J. Ferria, J.-L. Beziatc

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a Departement universitaire de chirurgie maxillo-faciale et stomatologie, hopitalRoger-Salengro, CHRU de Lille, boulevard du Professeur-Emile-Laine, 59037 Lille cedex, Franceb Service d’anatomie et de cytologie pathologiques, hopital de la Croix-Rousse, 103,grande rue de la Croix-Rousse, 69317 Lyon cedex 04, Francec Service de chirurgie maxillo-faciale, hopital de la Croix-Rousse, 103, grande rue de laCroix-Rousse, 69317 Lyon cedex 04, France

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

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SummarySolitary fibrous tumor (SFT) is a rare etiology of progressive unila-

teral exophthalmia. The tumor is of mesenchymal origin and it is

usually well defined. But recurrences can occur despite of complete

surgical resection. Metastases have been observed. Tumors of the

SFT spectrum are considered as benign or low-grade malignant.

Histological features do not currently allow any prognosis. The most

important prognostic factor is complete surgical resection. Cranio-

facial approaches provide a good view of the tumor extensions and

orbital contents. Recurrent tumors must be surgically removed when

possible. Complementary treatments have not proved effective.

A very long-term follow-up is mandatory.

� 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Keywords: Solitary fibrous tumor, Orbit, Treatment

ResumeLa tumeur fibreuse solitaire (TFS) est une cause rare d’exophtalmie

unilaterale progressive. D’origine mesenchymateuse, elle est gene-

ralement bien limitee mais peut recidiver malgre une chirurgie

d’exerese totale. Des metastases ont ete decrites. Les tumeurs du

spectre des TFS sont considerees comme benignes ou de bas-grade

de malignite. A l’heure actuelle, aucun caractere anatomopatholo-

gique ne permet de predire leur comportement qui reste incertain. Le

caractere complet de l’exerese est le principal facteur pronostique.

Les voies d’abord sont cranio-faciales pour bien exposer les limites

tumorales et les structures orbitaires. Les recidives doivent, si

possible, etre operees. Les traitements complementaires n’ont pas

prouve leur efficacite. Une surveillance a tres long terme est

necessaire.

� 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.

Mots cles : Tumeur fibreuse solitaire, Orbite, Traitement

Introduction

La tumeur fibreuse solitaire (TFS) a ete decrite initialement auniveau pleural par Klemperer et Rabin en 1931. L’originemesenchymateuse primitive de ces tumeurs est actuellementadmise [1]. Les localisations sont ubiquitaires et l’evolution

* Auteur correspondant.e-mail : [email protected]

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2213-6533/$ - see front matter � 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.http://dx.doi.org/10.1016/j.revsto.2013.05.003 Rev Stomatol Chir Maxillofac Chir Orale 2013;114:3

clinique reste peu previsible, aussi bien au niveau local qu’adistance. La TFS est classee dans les tumeurs (myo)fibroblas-tiques benignes ou de faible degre de malignite [2]. Saparticularite est sa tendance a la recidive locale, parfois trestardive, alors que les metastases sont exceptionnelles. Lanouvelle classification OMS des tumeurs des tissus mousde 2002 regroupe, sous la denomination de TFS, plusieursentites : la TFS proprement dite, l’hemangiopericytome (HPC)et l’HPC lipomateux, l’angiofibrome a cellules geantes (GCA)

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[2]. Concernant la localisation orbitaire, certains auteurs yassocient egalement l’histiocytofibrome [3]. Les localisationsorbitaires de la TFS sont rares.

Figure 1. a et b : exophtalmie unilaterale gauche chez le patient no 3.

Epidemiologie

Conformement a leur nature histologique, ces tumeurs sontubiquitaires et de nombreuses localisations extrapleurales sontdecrites dans la litterature [4,5]. Au niveau cervico-facial, endehors de l’orbite, on retrouve des localisations sous-cutanees,buccales, naso-sinusiennes et laryngees, mais aussi au niveaudes glandes salivaires et des espaces profonds de la face.Les premieres localisations orbitaires ont ete decrites en1994 et depuis, moins de 230 cas ont ete rapportes, dont14 cas francais, sous la terminologie de TFS, de GCA ou d’HPC[1,6–11].Cette tumeur comporte les memes caracteristiques clini-ques, histologiques, immuno-histochimiques, ultrastructu-rales et radiologiques quelle que soit la localisation [12]. Iln’y a pas de sexe ratio significatif [4,12]. Les ages extremesvont de cinq mois a 94 ans avec une moyenne d’age rap-portee de 43,6 ans [13].La TFS est localisee dans toute l’orbite [3] sans lateralisation,en intra- ou extra-conique, y compris dans la gaine du nerfoptique. On retrouve des localisations palpebrales, conjoncti-vales bulbaires ou caronculaires, lacrymales glandulaires etsacculaires. La croissance des TFS est le plus souvent lente etprogressive [12].Les tailles des tumeurs sont variables, allant du centimetre aplusieurs dizaines de centimetres par extension d’autreslocalisations [4]. Les tumeurs developpees dans l’orbite mesu-rent jusqu’a plus de 50 mm de grand axe [3]. Elles peuvents’etendre aux structures adjacentes, notamment en intracra-nien, par la fissure sphenoıdale, ou a l’etage moyen par lescavites sinusiennes jusqu’a la loge pituitaire.

Clinique

Cliniquement, la symptomatologie de la TFS est non speci-fique, surtout liee a la taille de la tumeur et a son effet demasse sur les structures adjacentes. Les localisations orbitai-res se manifestent essentiellement par une exophtalmieunilaterale [13], axile ou non (fig. 1), non pulsatile, plus oumoins accompagnee d’une diplopie binoculaire, lentementprogressive, puis douloureuse. Cela explique que les patientsne consultent qu’apres plusieurs mois ou annees d’evolution[3]. Les baisses d’acuite visuelle surviennent pour des tumeursde plusieurs centimetres de diametre, par ulceration cor-neenne, compression nerveuse ou vasculaire (surtout vei-neuse) avec parfois une cecite. Les autres manifestationssont l’epiphora, les douleurs a type de pression, le ptosis etl’œdeme palpebral, voire l’abces (par extension sinusienne).

Certaines TFS secretent des facteurs insuline-like (DoegePotter syndrome), responsables d’hypoglycemies refractaires,disparaissant apres exerese tumorale [4,12]. Ces tumeurs sontgeneralement volumineuses et de localisation profonde,retroperitoneale par exemple. Aucun syndrome paraneopla-sique n’est rapporte au niveau orbitaire.

Imagerie

L’imagerie des TFS orbitaires est aspecifique, evoquant plutotune tumeur benigne. Les radiographies standards ne sont pasutiles au diagnostic.L’echographie Doppler couleur retrouve une masse ferme,d’echogenicite faible a moyenne, avec une structure internereguliere [14], et dont la vascularisation est plus ou moinsmarquee [4]. On peut mettre en evidence des composanteskystiques ou une deformation du globe oculaire.La tomodensitomerie (TDM) retrouve des tumeurs bienlimitees, compactes, isodenses au muscle ou au cerveau,et se rehaussant a l’injection de produit de contraste demaniere diffuse ou focale (fig. 2). Il peut exister des rema-niements osseux, erosion ou empreinte osseuse, sans lien

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Figure 2. Coupes sagittales tomodensitometriques (TDM) (a) et axiale enimagerie par resonance magnetique (IRM) (b) d’une meme tumeurfibreuse solitaire (TFS).

avec l’evolution clinique ulterieure [15]. Une infiltration desmuscles oculomoteurs ou du nerf optique peut etre mise enevidence. On peut trouver des composantes kystiques ou descalcifications. La TDM est utile pour la caracterisation, lamesure et la systematisation de la tumeur par quadrant. Ellepermet de choisir la voie d’abord chirurgicale.En imagerie par resonance magnetique (IRM), la majorite(80 %) [4] des TFS montre un iso- ou hyposignal par rapport aumuscle en T1. Les sequences en T2 sont souvent heterogenes.Elles permettent d’identifier les composantes fibreuses etcellulaires, ainsi que l’œdeme et la vascularisation peri-tumo-rale. Le rehaussement au produit de contraste est constant.L’extension intracranienne peut etre etudiee precisement, ycompris l’atteinte intradurale.

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La tomodensitometrie par emission de positon (TEP), quelleque soit la localisation, retrouve, selon les publications, del’absence de fixation a une hyperfixation du marqueur, homo-gene ou heterogene.

Diagnostics differentiels

Au niveau clinique, toutes les causes d’exophtalmie unilate-rale, axile ou non, constituent les diagnostics differentiels desTFS. Sur le plan radiologique, il n’existe pas de caracteristiquespermettant de distinguer les TFS des autres tumeurs intra-orbitaires a contours limites. Les diagnostics differentielshistologiques sont nombreux, comprenant [2] des :� formes fibreuses : histiocytome fibreux profond, menin-giome orbito-pteryonique, schwannome ;� formes cellulaires : schwannome cellulaire, fibrosarcome,tumeur maligne meningee, sarcome synovial monophasiquea cellules fusiformes, metastase d’un carcinome a cellulesfusiformes ou d’un melanome a cellules fusiformes ;� formes a vascularisation importante : angiome caverneux.C’est l’aspect microscopique aux colorations standards,l’etude immuno-histochimique et parfois l’etude en biologiemoleculaire qui permettront le diagnostic.

Caracteristiques anatomopathologiques

Les caracteres anatomopathologiques ne comportent pas despecificite liee a la localisation [4]. En macroscopie, les TFSsont bien limitees, a bord lisse, plus ou moins lobulees, decouleur jaune a brune. Leur consistance est elastique. Unepseudo-capsule fine et translucide est parfois retrouvee. Ilpeut exister des adherences aux tissus adjacents, ainsi quedes engainements des nerfs et des vaisseaux en peripherie [4].Certaines TFS, meme bien delimitees macroscopiquement,peuvent presenter une infiltration des marges (10 %) [4].Microscopiquement, leurs caracteristiques reposent surl’association de trois composants dans des proportions varia-bles (fig. 3a) : un contingent cellulaire, du tissu fibreux et desvaisseaux dilates de diametre variable [4].La majorite des tumeurs sont organisees en alternance deplage d’hyper- et d’hypocellularite. Les cellules forment desfaisceaux courts entrecroises autour de capillaires ramifies,decrits « en bois de cerf », ou autour de vaisseaux a paroifibrohyaline plus epaisse. Les cellules tumorales sont fusifor-mes ou ovalaires, au cytoplasme peu abondant, aux limitescytoplasmiques floues, munies de noyaux arrondis parfoisondules ou en accent circonflexe. La chromatine est pale,vesiculaire, avec parfois des inclusions intranucleaires [2].Les cellules sont tressees autour des fibres de collagenes,avec parfois des remaniements myxoıdes [3].Des variantes a cellules geantes sont decrites a l’orbite ainsique d’autres cas a composante epithelioıde, kystique, ade-nofibromateuse. Des amas adipocytaires peuvent egalement

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Figure 3. Coupes histologiques montrant les composants cellulaires,fibreux et vasculaires architecturaux d’une tumeur fibreuse solitaire(TFS) en coloration HES standard (grossissement � 20) (a) et avecimmunomarquage positif au CD34 (grossissement � 10) (b).

etre retrouves (lesion anciennement appelee HPC lipoma-teux) [2].En immuno-histochimie, les cellules sont le plus souventpositives vis-a-vis du CD34 (90 a 100 % des tumeurs)(fig. 3b), du CD99 (70 %) et du Bcl2 (environ 30 %) dansles localisations orbitaires [3]. Une reactivite focale estparfois observee avec l’EMA et l’actine musculaire lisse[2]. L’immunomarquage au CD31 souligne l’intense vascu-larisation de la lesion alors que les cellules tumorales sontnegatives [16].A l’heure actuelle, la denomination de TFS regroupe sous lameme entite les TFS proprement dites, mais egalementd’autres tumeurs [16] comprenant les HPC, les angiofibromesa cellules geantes, et pour certains, les histiocytomes fibreuxorbitaires [3]. La frequence des TFS serait donc sous-evaluee.Les HPC sont consideres comme des variantes cellulaires encomparaison aux TFS conventionnelles assimilees a unevariante fibreuse [3].

Aucun critere anatomopathologique ne permet actuellementde prevoir le comportement de la TFS, qui reste donc incertain.Les principaux criteres de mauvais pronostic rapportes dans lalitterature sont [4,5] : l’hypercellularite, l’index mitotique(> 4 pour dix champs a fort grossissement), le pleomorphismenucleaire, les plages de necrose, l’infiltration des marges [2] eteventuellement l’index de proliferation evalue a l’aide del’anticorps anti-Ki67 [17]. D’autres etudes incluent la taille(� 5 cm pour l’orbite [3]). L’absence d’immunomarquage duCD34 dans les recidives pourrait etre associe a une augmenta-tion de la malignite [18].Il n’y a pas d’anomalie sur les etudes de caryotype et decytogenetique tumorale exploitable en pratique cliniqueactuellement [13].La TFS est consideree comme benigne ou de bas-grade demalignite, quelle que soit la localisation. Les formes de mau-vais pronostic sont evaluees de 11 a 22 % [4,12].

Traitements

Le traitement en premiere intention des TFS est la chirurgie,quelle que soit la localisation, et pour tous les auteurs. Lefacteur pronostique favorable le plus souvent retrouve estl’exerese totale a marge negative [2,4,8,12,19–21]. Au niveaude l’orbite, on note generalement une amelioration voireune disparition complete de la symptomatologie apres exe-rese tumorale. Un geste radical, de type exenteration, peutetre necessaire.Des techniques de cryoexerese ou endoscopique sont rappor-tees pour minimiser la voie d’abord. Plusieurs temps opera-toires peuvent etre necessaires pour les lesions d’extensionintracranienne. L’exerese chirurgicale peut etre hemorra-gique, liee a la vascularisation peri-tumorale, pouvantcompromettre l’exerese tumorale totale. Une embolisationpreoperatoire peut etre realisee.Certains auteurs proposent une radiotherapie externeadjuvante, associee ou non a une chimiotherapie, en casd’exerese impossible ou incomplete. Leur efficacite n’estpas prouvee [8].La radiochirurgie stereotaxique a egalement ete utilisee pourdes recidives locales de TFS intracraniennes [22]. Elle nediminuerait pas le taux de metastase, mais ralentirait lacroissance tumorale.Differentes chimiotherapies sont rapportees en cas de decou-verte au stade metastatique ou de recidives non operables[12,17], ou en neoadjuvant [12].

Evolution

La majorite des TFS a un comportement non invasif et nerecidive pas apres une exerese complete, qui apparaıtcomme le meilleur facteur pronostique [4,12]. Les recidivessurviennent entre quelques mois a 20 ans, posant la

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question de la qualite de l’exerese initiale dans certains cas.Compte tenu de l’heterogeneite histologique de cettetumeur peu connue et du faible nombre d’etude a longterme, le taux de recidive est difficile a evaluer. Il serait de10 % toute localisations confondues [23], avec un tauxde survie a dix ans de 54 a 89 % apres chirurgie d’exeresecomplete [24]. Sur les 231 (227 de la litterature et quatre denotre experience) localisations orbitaires colligees, 45(42 de la litterature et trois de notre experience) recidiveslocales ou a distance sont retrouvees, en incluant les caspresentes. Notre serie n’a retrouve que le compte mitotiqueeleve comme critere de mauvais pronostic. La majorite desrecidives fait l’objet d’une nouvelle exerese. Les recidivesauraient tendance au niveau de l’orbite a s’etendrelocalement et a envahir les tissus adjacents, y comprisl’os, pouvant rendre l’exerese secondaire plus difficile.La nature lentement evolutive de ces tumeurs oriente versune chirurgie conservatrice. Les voies d’abord orbitaires cra-nio-faciales offrent une bonne exposition, avec une morbi-dite reduite par l’utilisation de la Piezosurgery� [25]. Nousavons utilise les voies laterale et trans-sinusienne frontale demaniere separee ou synchrone, selon la localisation destumeurs. Les recidives peuvent survenir plusieurs anneesapres une exerese complete, comme le montre notre serie.La dissemination a distance se fait par voie sanguine [4]. Lesmetastases rapportees, pour toutes les localisations des TFS,sont pulmonaires, hepatiques, surrenaliennes, osseuses,cerebrales, sous-cutanees, musculaires, intestinales, retro-peritoneales et orbitaire (deux cas) [4,5,12]. L’analyse anato-mopathologique des metastases montre des caracteristiquesbenignes ou une evolution maligne. L’exerese des metasta-ses augmenterait la survie [4].

Conclusion

Les TFS sont un spectre de tumeurs benignes ou a bas-gradede malignite. Les TFS sont generalement bien limitees, acaractere plus ou moins vascularise, mais infiltrant parfoisles structures adjacentes intra- voire extra-orbitaires. Elles necomportent pas de criteres cliniques, radiologiques ou ana-tomopathologiques predictifs de leur evolution. L’exeresetumorale complete apparaıt actuellement comme le meilleurfacteur pronostique. Une surveillance a tres long terme estnecessaire, a la fois clinique et radiologique.

Declaration d’interets

Les auteurs declarent ne pas avoir de conflits d’interets enrelation avec cet article.

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