Les thérapeutiques innovantes dans le diabète de type 1

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84 Ann. Endocrinol., 2006 ; 67, 1 : 84-85 © Masson, Paris, 2006 SEPTIÈMES RENCONTRES NATIONALES DES INTERNES EN ENDOCRINOLOGIE LES THÉRAPEUTIQUES INNOVANTES DANS LE DIABÈTE DE TYPE 1 Natacha Germain Service d’Endocrinologie-Diabète-Maladies Métaboliques (Prof. B. Estour), CHU de Bellevue, Saint-Étienne. D’après les présentations de G. Slama, T. Berney et E. Renard lors du Forum clinique « Les thérapeutiques innovantes dans le diabète de type 1 », animé par B. Charbonnel et X. Martin — Congrès annuel de l’ALFEDIAM « Diabète-Lyon 2005 », 22-26 mars 2005. INSULINOTHÉRAPIES INTENSIVES (G. SLAMA, PARIS) L’insulinothérapie intensive s’inscrit dans l’histoire du traitement du diabète de type 1, de 1922 (découverte de l’insuline par Best et Banting) aux années 2000 avec l’analogue de l’insuline glargine, en passant par 1993 et l’étude DCCT (Diabetes Control and Complications Trial). L’insulinothérapie intensive correspond aux objectifs que l’on vise, et non aux divers moyens mis en œuvre pour y parvenir : pompe, schéma basal-bolus, boucle fermée… La relation étroite entre le but et le moyen nous oblige à savoir augmenter les moyens lorsque le but n’est pas atteint. Elle doit cependant rester acceptable par le pa- tient mais aussi par la société. Il faudra donc trouver un bon équilibre entre l’hémoglobine glyquée (HbA 1c ) et les hypoglycémies dont on sait depuis le DCCT qu’elles augmentent en même temps que baisse l’HbA 1c . Pour cela il est important de bien doser le nombre des injec- tions, la surveillance et les visites aux médecins… L’insulinothérapie fonctionnelle est une forme de traitement intensifié puisque l’objectif en est la normo- glycémie. Il s’agit de mettre en place un schéma basal- bolus vrai mimant totalement le pancréas, en commençant par une période de jeûne sous couverture hospitalière pour appréhender le niveau basal d’insuline du patient, et ensuite de fournir l’insuline rapide juste nécessaire à chaque repas. Cette technique a comme défaut de se baser sur une situation hospitalière donc « horizontale », éloignée de la réalité de la vie de tous les jours où la situation est « verticale ». En conclusion, le traitement intensifié s’impose actuel- lement chez tous les diabétiques de type 1 et de plus en plus chez les diabétiques de type 2. Ses obstacles sont principalement le choix conscient ou inconscient du pa- tient et de son médecin et les imperfections de nos outils. GREFFES D’ÎLOTS OU DE PANCRÉAS ? (T. BERNEY, GENÈVE, SUISSE) Il s’agit de deux modalités de remplacement de la fonc- tion endocrinienne dans le diabète de type 1, dont le but est de supprimer l’insulinothérapie. D’où deux grandes indications : 1. La prévention des complications dégénératives du diabète, simultanément ou après greffe de rein. 2. La prévention des complications aiguës du diabète, à savoir les hypoglycémies sévères fréquentes et mal res- senties. C’est une transplantation solitaire induisant une immunosuppression spécialement pour cette procédure. Les principales caractéristiques techniques, résultats et risques de ces deux procédures sont rappelées dans le tableau I. Le diabétique instable aura plutôt une greffe seule. Le diabétique présentant une néphropathie diabétique et déjà transplanté rénal, aura plutôt une greffe d’îlots si le risque chirurgical est important, et plutôt une greffe de pancréas si le risque chirurgical est faible. S’il est déjà en dialyse, il bénéficiera plutôt d’une double greffe rein-pancréas en l’absence de risque chirurgical, et d’une greffe d’îlots seule en présence d’un risque chirurgical. INDICATIONS ACTUELLES DES POMPES IMPLANTABLES (E. RENARD, MONTPELLIER) La pompe implantable trouve sa justification dans le désir toujours constant d’une amélioration de la qua- lité de vie, ce qui n’est pas toujours obtenu avec l’insulinothérapie intensifiée. La voie intrapéritonéale semble plus physiologique, plus stable, générant moins d’hypoglycémie et libérant le patient d’un dis- positif externe. C’est encore un traitement peu utilisé puisqu’il n’y a que 450 patients traités dans le monde, dont 80 % en France, pionnière dans la technique (réseau EVADIAC). Il n’existe qu’un seul modèle de pompe et qu’une seule solution d’insuline stabilisée utilisable. Bénéfices escomptés Une amélioration de l’HbA 1c (étude du Groupe EVA- DIAC) ; une réduction de la variabilité glycémique et des hypo- glycémies sévères grâce à la cinétique intrapéritonéale de l’insuline [1, 2] ;

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Ann. Endocrinol., 2006 ; 67, 1 : 84-85 © Masson, Paris, 2006

SEPTIÈMES RENCONTRES NATIONALESDES INTERNES EN ENDOCRINOLOGIE

LES THÉRAPEUTIQUES INNOVANTES DANS LE DIABÈTE DE TYPE 1

Natacha Germain

Service d’Endocrinologie-Diabète-Maladies Métaboliques (Prof. B. Estour), CHU de Bellevue, Saint-Étienne.

D’après les présentations de G. Slama, T. Berney et E. Renard lors du Forum clinique « Les thérapeutiques innovantes dans le diabètede type 1 », animé par B. Charbonnel et X. Martin — Congrès annuel de l’ALFEDIAM « Diabète-Lyon 2005 », 22-26 mars 2005.

INSULINOTHÉRAPIES INTENSIVES

(G. SLAMA, PARIS)

L’insulinothérapie intensive s’inscrit dans l’histoire dutraitement du diabète de type 1, de 1922 (découvertede l’insuline par Best et Banting) aux années 2000 avecl’analogue de l’insuline glargine, en passant par 1993 etl’étude DCCT (

Diabetes Control and ComplicationsTrial

).L’insulinothérapie intensive correspond aux objectifs que

l’on vise, et non aux divers moyens mis en œuvre pour yparvenir : pompe, schéma

basal-bolus

, boucle fermée…La relation étroite entre le but et le moyen nous oblige

à savoir augmenter les moyens lorsque le but n’est pasatteint. Elle doit cependant rester acceptable par le pa-tient mais aussi par la société. Il faudra donc trouver unbon équilibre entre l’hémoglobine glyquée (HbA

1c

) et leshypoglycémies dont on sait depuis le DCCT qu’ellesaugmentent en même temps que baisse l’HbA

1c

. Pourcela il est important de bien doser le nombre des injec-tions, la surveillance et les visites aux médecins…

L’insulinothérapie fonctionnelle est une forme detraitement intensifié puisque l’objectif en est la normo-glycémie. Il s’agit de mettre en place un schéma

basal-bolus

vrai mimant totalement le pancréas, en commençantpar une période de jeûne sous couverture hospitalièrepour appréhender le niveau basal d’insuline du patient,et ensuite de fournir l’insuline rapide juste nécessaire àchaque repas. Cette technique a comme défaut de sebaser sur une situation hospitalière donc « horizontale »,éloignée de la réalité de la vie de tous les jours où lasituation est « verticale ».

En conclusion, le traitement intensifié s’impose actuel-lement chez tous les diabétiques de type 1 et de plus enplus chez les diabétiques de type 2. Ses obstacles sontprincipalement le choix conscient ou inconscient du pa-tient et de son médecin et les imperfections de nos outils.

GREFFES D’ÎLOTS OU DE PANCRÉAS ?

(T. BERNEY, GENÈVE, SUISSE)

Il s’agit de deux modalités de remplacement de la fonc-tion endocrinienne dans le diabète de type 1, dont le

but est de supprimer l’insulinothérapie. D’où deux grandesindications :1. La prévention des complications dégénératives dudiabète, simultanément ou après greffe de rein.2. La prévention des complications aiguës du diabète, àsavoir les hypoglycémies sévères fréquentes et mal res-senties. C’est une transplantation solitaire induisant uneimmunosuppression spécialement pour cette procédure.

Les principales caractéristiques techniques, résultats etrisques de ces deux procédures sont rappelées dans le

tableau I

.Le diabétique instable aura plutôt une greffe seule.

Le diabétique présentant une néphropathie diabétiqueet déjà transplanté rénal, aura plutôt une greffe d’îlotssi le risque chirurgical est important, et plutôt unegreffe de pancréas si le risque chirurgical est faible. S’ilest déjà en dialyse, il bénéficiera plutôt d’une doublegreffe rein-pancréas en l’absence de risque chirurgical,et d’une greffe d’îlots seule en présence d’un risquechirurgical.

INDICATIONS ACTUELLES DES POMPES IMPLANTABLES

(E. RENARD, MONTPELLIER)

La pompe implantable trouve sa justification dans ledésir toujours constant d’une amélioration de la qua-lité de vie, ce qui n’est pas toujours obtenu avecl’insulinothérapie intensifiée. La voie intrapéritonéalesemble plus physiologique, plus stable, générantmoins d’hypoglycémie et libérant le patient d’un dis-positif externe.

C’est encore un traitement peu utilisé puisqu’il n’y aque 450 patients traités dans le monde, dont 80 % enFrance, pionnière dans la technique (réseau EVADIAC). Iln’existe qu’un seul modèle de pompe et qu’une seulesolution d’insuline stabilisée utilisable.

Bénéfices escomptés

— Une amélioration de l’HbA

1c

(étude du Groupe EVA-DIAC) ;— une réduction de la variabilité glycémique et des hypo-glycémies sévères grâce à la cinétique intrapéritonéale del’insuline [1, 2] ;

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Vol. 67, n° 1, 2006 Septièmes rencontres nationales des internes en endocrinologie

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— une amélioration de la qualité de vie sur les troisétudes.

Risques encourus

— Au site d’implantation (2 à 3 % années pompe) dontles facteurs de risque sont une reprise de l’activité phy-sique trop précoce après implantation et l’absence decouverture antibiotique lors des gestes sur la pompe ;— syndrome des anticorps anti-insuline, surtout chezles sujets répondeurs (40 à 60 %) ayant un taux initialélevé entraînant le « relargage » de l’insuline en hypo-glycémie, vecteur d’hypoglycémies nocturnes, rendantl’implantation peu conseillée ;— encapsulation du cathéter à répétition ; exception-nelle, mais parfois fréquente chez le même sujet, demécanisme mal connu et donc non résolu. Le traitementen est simple par cœlioscopie ;— agrégation et précipitation de l’insuline à l’intérieur de lapompe, pouvant diminuer son flux de délivrance. D’où uneprocédure ambulatoire simple et courte de rinçage de lapompe par de l’hydroxyde de sodium tous les 9 à 12 mois.

Indications : patients se prenant très bien en charge !…

1. Le diabète instable avec mauvaise HbA

1c

malgré untraitement intensifié bien mené et bien suivi.2. Le diabète bien équilibré, mais souvent au prix d’hypo-glycémies sévères fréquentes.

Une transplantation rénale préalable et le désir dupatient aideront à choisir par rapport à une greffe. Laperspective qui élargira l’indication reste la bouclefermée avec couplage au CGMS (

Continuous GlucoseMonitoring System

) permettant d’optimiser au mieux lesglycémies et la qualité de vie.

RÉFÉRENCES

1. Saudek CD, Duckworth WC, Giobbe-Hurder A

et al.

Implantableinsulin pumps

vs

multiple dose insulin for non-insulin-dependentdiabetes mellitus: a randomized trial. JAMA 1996 ; 276 : 1322-7.

2. Selam JL, Micossi P, Dunn FL, Nathan DM. Clinical trial of pro-grammable implantable insulin pumps for type 1 diabetes.Diabetes Care 1992 ; 15 : 877-85.

Tableau IPrincipales caractéristiques techniques, résultats et risques des greffes d’îlots ou de pancréas.Table IMain technical features, results, and risk of pancreas islet grafts.

Greffe de pancréas Greffe d’îlots

Technique pour obtenir le greffon SimpleUn seul donneur

Complexe et longueDe 1 à 4 donneurs

Fréquence Première en 196410 000 greffes déjà effectuées

Première en 1974Rare (100 greffes/an en 2000)

Technique d’implantation Chirurgicale par laparotomie.En fosse iliaque en miroir du rein sur les vaisseaux iliaques et drainage de la sécrétion exocrine dans une anse digestive.

Radiologie interventionnelle par cathétérisation de la veine porte. Infusion intra-portale percutanée et embolisation des cellules injectées dans le foie.

RésultatsInsulino-indépendance (Iind)Néphropathie diabétique : (NPD)

Rein et pancréas :IInd : 85 % à 1 an ; 80 % à 5 ansAméliore la survie vs greffe rein seul ou pancréas seulRéversibilité de la NPD à 10 ans

Iind : 80 % à 1 an, mais 25 % à 5 ans seulementRéduction de la NPDÉchecs liés à peptide C bas

Risques Chirurgicaux… et liés à l’immunosupressionMAIS grande expérience des centres greffeurs

Saignements (8 %) Thrombose portale (3 %)Ceux de l’immunosupressionET… Explosion des centres avec des résultats inégaux !(d’où le réseau franco-suisse GRAGIL depuis 1997)