Les théories de la décroissance : enjeux et limites de Jean-Marie Harribey

11

Click here to load reader

Transcript of Les théories de la décroissance : enjeux et limites de Jean-Marie Harribey

Page 1: Les théories de la décroissance : enjeux et limites de Jean-Marie Harribey

1

Les théories de la décroissance :enjeux et limites

Jean-Marie Harribey

Cahiers français, « Développement etenvironnement »,

n° 337, mars- avril 2007, p. 20-26 1

Depuis le dernier quart du XXe siècle –et le début du XXIe a confirmé cemouvement – s’est imposée progressivementla conscience d’une crise écologiqued’origine anthropique inédite. Les multiplespollutions, de l’air, de l’eau, des sols, ladiminution de la diversité biologique,l’épuisement à brève échéance des ressourcesnaturelles non renouvelables, notamment desressources énergétiques d’origine fossile, leréchauffement climatique à cause d’une tropgrande émission de gaz à effet de serre, ontatteint un point tel que les équilibres naturelssont perturbés et que les conditions de la viesont hypothéquées. Ces menaces sontglobales mais visent en premier lieu lespopulations les plus pauvres, qui seront lespremières touchées par l’élévation du niveaudes océans et qui sont déjà contraintesd’accueillir sur leur sol nombre de déchets enprovenance des pays industrialisés.

La simultanéité de cette criseécologique avec une crise sociale renforce lecaractère inédit de la situation : chômage,précarisation de la force de travail, mise enconcurrence des systèmes sociaux par lalibéralisation des services publics et de laprotection sociale, semblent bien résulter dunouveau régime d’accumulation à dominantefinancière qu’impulse le capitalismeaujourd’hui mondialisé.

Ainsi la croissance économique infinieest-elle mise en cause pour sonproductivisme dévastateur, mais, au-delà, lespromesses du développement dont pourraientprofiter tous les êtres humains n’ayant pas ététenues, celui-ci est à son tour mis en

1 . Les Cahiers français ont raccourci légèrement letexte, supprimé l’encadré sur la thermodynamique,réduit celui sur la démographie et supprimé unepartie de la bibliographie.

question. Se saisissant de la problématique dela conciliation entre les objectifs dedéveloppement et ceux de préservation del’environnement, l’ONU a fait adopter partous les Etats l’objectif de développementdurable (soutenable en anglais) défini par laCommission mondiale sur l’environnement etle développement [Rapport Brundtland,1987]. Equité intra-générationnelle et équitéinter-générationnelle sont au cœur de cettedéfinition qui a fait le tour du monde :« répondre aux besoins du présent sanscompromettre la capacité des générationsfutures de répondre aux leurs » [1987, p. 10].

Cependant la notion de soutenabilité seprête à deux interprétations diamétralementopposées. L’une, dite faible, postule lasubstituabilité continue entre les facteurs deproduction, qui sera permise par le progrèstechnique, à condition que l’on internalise leseffets externes, soit par le biais d’unetarification, soit par celui de l’instauration dedroits de propriété sur les biens naturels pouren permettre ensuite l’échange libre sur unmarché ad hoc. La maximisation de l’utilitéde toutes les générations est fondée sur unerelation de préférence invariante dans letemps et est identifiée à une croissanceperpétuelle de la consommation par tête.L’autre conception, dite forte, postule lacomplémentarité des facteurs, renonce àl’hypothèse de rationalité d’individus isolés etautonomes et envisage une régulationpolitique à la place de celle du marché. Lapremière conception étant largementdominante, aussi bien parmi les économistesde l’environnement que parmi les décideurspolitiques et économiques, le développementdurable est récusé par ceux qui pensent qu’ilne sert que de paravent à la poursuite d’unecroissance économique sans fin, d’autant quele rapport Brundtland la déclare nécessaire[1987, p. XXIII].

Cela explique l’émergence ou laréémergence de critiques du développementallant bien au-delà de la vision dudéveloppement durable, devenue au fil desans largement consensuelle. Parmi elles, ladécroissance, alliée le plus souvent au refusdu développement, occupe aujourd’hui uneplace originale, à défaut d’être pleinementconvaincante. Sur fond de crise écologique

Page 2: Les théories de la décroissance : enjeux et limites de Jean-Marie Harribey

2

avérée, cette thèse a repris et renouvelé uneproblématique ancienne et atteint maintenantune audience qui, tout en restant modeste, l’afait sortir de la marginalité. Nous proposonsici de revenir sur les origines de laproposition de décroissance, d’en préciser lecontenu et d’en cerner les enjeux et leslimites.

Les origines de la décroissance

La notion de décroissance a troissources d’inspirat ion principales,correspondant à trois moments de l’histoiredes sciences et des idées économiques etpolitiques : l’économie politique, l’écologieet la thermodynamique associée à lacomplexité.

L’économie politique et la décroissance

Dès la naissance de l’économiepolitique, ses concepteurs avaient attirél’attention sur le risque d’« état stationnaire »qui guettait le capitalisme. En particulier,David Ricardo [1817], beaucoup pluspessimiste que son prédécesseur AdamSmith, pronostiquait que, en raison de ladiminution des rendements agricolesconsécutive à la mise en culture de terres demoins en moins fertiles pour répondre auxbesoins d’une population croissante, lesrentes versées aux propriétaires fonciersaugmenteraient, les prix agricoles et lessalaires ouvriers également, et au bout ducompte les profits capitalistes seraiententraînés à la baisse : les capacitésd’investissement se raréfiant, le capitalismeétait condamné à l’état stationnaire.

Thomas Robert Malthus [1798, 1820]aboutit à une conclusion identique. En partiepour la même raison que Ricardo, qui s’enétait d’ailleurs inspiré : la rente foncière nepeut qu’augmenter. Cependant, loin dereprésenter une menace, la limitequ’engendre cette hausse est salutaire car,ainsi, un frein est mis à la tendance à lacroissance démographique exponentielle.« De l’utilité de la misère » qui ralentit lapropension des hommes à procréer, alorsque, à l’inverse, les lois sur les pauvres sont

néfastes. Malthus avance une raisonsupplémentaire du blocage vers lequel tend lesystème économique : l’insuffisance de lademande de consommat ion e td’investissement, à cause de la concentrationde la richesse et du manque de débouchés –contrairement à l’affirmation de la loi deJean-Baptiste Say –, condamne à long termela croissance économique.

Tant chez Ricardo que chez Malthus, onsent le regret d’avoir à faire ce constat. Ondevra attendre John Stuart Mill [1848] pour seréjouir d’une telle perspective. Loin d’adhérerà une vision utilitariste sommaire, il affirme :« J’espère sincèrement pour la postéritéqu’elle se contentera de l'état stationnairelongtemps avant d'y être forcée par lanécessité. » [1953, p. 300]. Mill, de façonprémonitoire, dissocie le progrès humain de lacroissance économique, fustige ledéveloppement illimité de l’agriculture etassigne à l’industrie l’objectif de diminuer letemps de travail : « Il n’y a pas grand désir àconsidérer un monde [...] où il resterait àpeine une place où pût venir un buisson ouune fleur sauvage, sans qu’on vînt aussitôt lesarracher au nom des progrès de l’agriculture.[...] Il n’est pas nécessaire de faire observerque l’état stationnaire de la population et de larichesse n’implique pas l’immuabilité duprogrès humain. [...] Les arts industriels eux-mêmes pourraient être cultivés aussisérieusement et avec autant de succès, aveccette seule différence qu’au lieu de n’avoird’autre but que l’acquisition de la richesse, lesperfectionnements atteindraient leur but, quiest la diminution du travail. » [1953, p. 300].

Réduire le temps de travail est l’un desenjeux les plus directs de la lutte des classesdepuis l’aube du capitalisme industriel. Etc’est aussi, jusqu’à nos jours, l’une despommes de discorde, d’une part, entre leskeynésiens se référant au Keynes desPerspectives économiques pour nos petits-enfants [1930] pronostiquant une semaine de15 heures de travail et ceux plus enclins à secontenter du Keynes régulateur de la Théoriegénérale [1936], et, d’autre part, au sein del’écologie politique moderne partagée entre lemythe de la « fin du travail » rendant illusoiretoute recherche du plein emploi et au

Page 3: Les théories de la décroissance : enjeux et limites de Jean-Marie Harribey

3

contraire l’ambition du partage du travail aufur et à mesure des gains de productivité.

L’économie politique est donc, dèsl’origine, traversée par les contradictionsqu’engendre le développement ducapitalisme. Marx, lui-même, sera à la foisadmirateur du « développement des forcesproductives » et contempteur des rapportssociaux dans lesquels il se produit. Louant,avec Engels, dans le Manifeste communiste[1848], les mérites de la bourgeoisie d’avoirfait sortir l’humanité de l’état de nécessité, iln’en écrira pas moins : « La vraie richesseétant la pleine puissance productive de tousles individus, l’étalon de mesure en sera nonpas le temps de travail, mais le tempsdisponible. » [1968, p. 308], et « L’économievraie, l’épargne, consiste à économiser dutemps de travail. » [1968, p. 310].

Les questionnements de l’économiepolitique au sujet de l’avenir de la croissances’arrêtèrent là. Ensuite, ils ne furent reprisqu’aux marges de l’orthodoxie dont le noyaudevint au XXe siècle la théorie néoclassique.Les économistes qui osèrent mettre en douteles bienfaits de la croissance comme JohnKenneth Galbraith [1975] ou la pertinence del’indicateur PIB comme Bertrand deJouvenel [1968] furent rares.

Une place à part doit être faite auRapport au Club de Rome préparé par uneéquipe de chercheurs du MassachusettsInstitute of Technology dirigée par DennisMeadows [1972]. Publié en France sous letitre Halte à la croissance ?, les limitesmatérielles de la planète y étaient affirméeset le rapport se prononçait pour un étatd’équilibre global et stable après que les paysriches auraient arrêté leur croissance et queles pays pauvres auraient accompli la leurpour satisfaire leurs besoins essentiels.Critiqué par les tenants d’une croissanceperpétuelle, le rapport fut accusé demalthusianisme. La crise économique dudébut des années 1970 le fit passer au secondplan.

L’écologie et la décroissance

Les théories actuelles de ladécroissance trouvent également leurs

sources chez quelques ancêtres de l’écologiepolitique et, pour une part, sont inspirées parle courant de l’écologie profonde.

Sur le plan philosophique, l’auteurmajeur est sans conteste Hans Jonas qui athéorisé le « principe de responsabilité »[1979] à l’égard des générations futures.Reformulant l’impératif catégorique kantien,il indique que « l’existence une fois donnéeréclame légitimement la continuation de sonexistence » [1990, p. 76]. L’« heuristique depeur » [1990, p. 49] doit hâter les prises deconscience en « prêtant davantage l’oreille àla prophétie du malheur qu’à la prophétie dubonheur [1990, p. 54]. Jean-Pierre Dupuy[2002] a prolongé cette idée dans une théoriedu « catastrophisme éclairé ». Jonas récuse lanotion d’utopie, notamment l’utopie marxisteselon laquelle l’abondance ferait passerl’humanité du « règne de la nécessité » au« règne de la liberté ». Il préconise donc uneattitude de « renoncement » pour les paysdéveloppés dont le style de vie est« dilapidateur » [1990, p. 217-218].

André Gorz [1975, 1988] a montré que,dans la mesure où le travail a pour finalitél'échange marchand, l'individu n'est plusmaître de déterminer lui-même le niveau deses besoins et celui de l'effort qu'il est prêt àfournir. La rationalité capitaliste reculetoujours la limite de la nécessité : elle exclutla notion de « suffisant » [1988, p. 142] qui,dans la société traditionnelle, était unecatégorie centrale parce qu’elle réglait« l’équilibre entre le niveau de satisfaction etle volume de travail pour soi » [1988, p.142] ; une norme du suffisant est devenueincompatible avec la recherche du rendementmaximum.

La décroissance trouve aussi dans lapensée anti-institutionnelle d’Ivan Illich[1971, 1973, 1975] l’une de ses sources lesplus importantes. Illich s’est livré à unecritique en règle des institutions commel’école et la médecine, coupables de priverl’individu de son autonomie et de provoquerune perte de convivialité. L’usage démesuréde la technique engendre une « contre-productivité », dont l’exemple le plus fameuxest celui de la vitesse permise par l’outilautomobile : la vitesse réelle est dérisoire sil’on additionne les temps de fabrication,

Page 4: Les théories de la décroissance : enjeux et limites de Jean-Marie Harribey

4

d’entretien, d’embouteillages et decirculation. Illich s’oppose donc à lacroissance économique à cause des menacesqu’elle fait peser sur l’environnement, surl’autonomie des individus, sur leur créativité,sur leur capacité d’intervention politique etsur leur enracinement dans une culture.

Le sociologue et théologien protestantJacques Ellul [1954] – auquel on associesouvent son ami Bernard Charbonneau[1973] – a développé une critique duphénomène technique dans lequel il voit uneobjectivation de la volonté humaine demaîtriser le monde qui l’entoure. Mais laRaison, au nom de laquelle cette entrepriseest menée, n’est qu’une forme de déraisonvidant de leur sens les actions humaines. Lasortie du système technicien ne pourra alorsse faire que par une conversion spirituelle carla médiation politique est impuissante àredonner l’« espérance ». Le refus duproductivisme découle de cet appel au retourde la spiritualité.

Bien que l’ensemble de l’écologiepolitique recouvre une réalité beaucoup pluscomplexe et différenciée, une fraction en sonsein est influencée par le courant de la deepecology. Fondée par le philosophe norvégienArne Naess [1973], cette notion d’ « écologieprofonde » s’est surtout répandue aux Etats-Unis. Elle prône un radicalisme écologique etoppose un « biocentrisme » à une écologieanthropologique, car toutes les espècesvégétales et animales ont droit à la vie, àl’égal de l’espèce humaine. L’ordre naturelest le point de départ et le point d’arrivée detoute réflexion. Le biophysicien JamesLovelock [1979] soutient l’hypothèse selonlaquelle la Terre est un être vivant qu’ilappelle « Gaia », du nom grec de la déesseTerre. Cette hypothèse plus proche du newage que de l’écologie politique est assez peureprise en Europe et en France. Toutefois, parl’intermédiaire d’Edward Goldsmith [2002],de sa revue The Ecologist et de l’éditionfrançaise de celle-ci L’Ecologiste, nombrede théoriciens et de militants de ladécroissance se retrouvent au carrefour del’écologie fondamentaliste, de la critique dela modernité et du retour à la spiritualité.

La thermodynamique, la complexité et ladécroissance

C’est au mathématicien-économisted’origine roumaine Nicholas Georgescu-Roegen que l’on doit la propositiond’appliquer à l’économie les lois de lathermodynamique (voir encadré). Dans unesérie d’articles publiés pendant la décennie1970 et rassemblés dans un ouvrage portant letitre Demain la décroissance [1979],Georgescu-Roegen s’est attaché à montrerque « l’entropie d’un système clos augmentecontinuellement (et irrévocablement) vers unmaximum ; c’est-à-dire que l’énergieutilisable est continuellement transformée enénergie inutilisable jusqu’à ce qu’elledisparaisse complètement » [1995, p. 81-82].Selon lui, les activités économiques s’insèrentdans un univers physique soumis à la loi del’entropie. Le développement économique estdonc fondé sur l’utilisation inconsidérée dustock terrestre d’énergie accumulé au cours dutemps. Si des progrès peuvent être réaliséspour diminuer l’intensité de la production enressources naturelles et en énergie, ils sont leplus souvent annihilés par un « effet rebond »,c’est-à-dire par l’augmentation plus queproportionnelle de la production. De même, ladématérialisation de l’économie n’est querelative puisque les productions agricole etindustrielle continuent de croître de manièreabsolue. Le système économique étant unsous-système de la biosphère, Herman Daly[1992] confirme que la croissanceéconomique ne peut être durable.

Parallèlement à la thèse de Georgescu-Roegen, une approche systémique, prenant encompte la complexité – celle-ci est théoriséenotamment par Edgar Morin [2001] – et lesinteractions des phénomènes, rompt avec lavision de l'univers en termes de répétitivité,d'immuabilité, de déterminisme et deréversibilité. Elle inaugure une vision entermes d'évolution et d'irréversibilité. Letemps est réintroduit car, au lieu de secantonner aux seules lois éternelles, la sciencephysique travaille aujourd’hui de plus en plussur l’histoire de l’univers et de la matière.Associées, l’approche systémique et celle dela décroissance redéfinissent l'activitééconomique qui, par essence, provoque des

Page 5: Les théories de la décroissance : enjeux et limites de Jean-Marie Harribey

5

rejets, bouscule les rythmes naturels, réduit ladiversité biologique et ne peut qu'accélérer leprocessus d'entropie, au terme duquel toutedifférence génératrice de mouvement et devie aura disparu.

L’application de la loi de l’entropie à laplanète Terre a cependant été contestée parles physiciens car la Terre n’est pas unsystème isolé, grâce au flux d’énergie solairequi permet la reproduction et lacomplexification de la vie. René Passet[1979] reprend à son compte la notion de« destruction créatrice » de Schumpeter et entire la conclusion qu’il est possible de limiterles dégâts de croissance économique tout enpromouvant un développement durable qui sedéfinit moins par la durabilité des choses quepar la reproduction des fonctions. Plusencore, c’est le renouvellement des chosesqui permet la reproduction des fonctions.

Il n’en reste pas moins que Georgescu-Roegen reste la principale référencescientifique des théoriciens actuels de ladécroissance. Ils y puisent l’idée juste qu’unecroissance économique matérielle infinie estimpossible dans une Terre limitée, puisque lareproduction et la complexification de la viese font sur une échelle de temps qui n’a riende commun avec le temps de la décisionhumaine. Ils y trouvent également unfondement de la construction de l’indicateurappelé « empreinte écologique » élaboré parWilliam Rees et Mathis Wackernagel[1996] qui mesure la surface nécessaire pouraccueillir toutes les activités humaines. Selondes calculs de l’organisation RedefiningProgress, il faudrait aujourd’hui quatre àcinq planètes si toute la population mondialeconsommait comme un habitant des Etats-Unis d’Amérique.

La thermodynamique

La thermodynamique est une partie de laphysique qui étudie les relations entre lesphénomènes mécaniques et thermiques. Leslois de la thermodynamique énoncées parSadi Carnot (1796-1832), Rudolf Clausius(1822-1888) et William Thomson (1824-1907) au XIXe siècle établissent deuxprincipes essentiels. Le premier, appeléprincipe de conservation de l'énergie,

indique que la quantité d'énergie dansl'univers reste constante ; le second, appeléprincipe de dégradation ou entropie, établitque la quantité d'énergie, bien que constante,se transforme de plus en plus en chaleurirrécupérable, non réutilisable. Au cours desannées 1960, le mathématicien et économisted’origine roumaine Nicholas Georgescu-Roegen (1906-1994) a tenté d’appliquer àl’économie ces principes. […].

Or la Terre n’est pas un système isolé :c’est un système qui reçoit un flux permanentd’énergie solaire. Les lois de lathermodynamique de Carnot, valables pourun système isolé, ne sont plus applicablesdans les systèmes où se déroule un processusde « destruction-création-complexification »,selon les travaux du physicien belged’origine russe Ilya Prigogine (1917-2003) etde l’économiste René Passet. Ce processusnaît du flux d’énergie solaire qui rendpossible la s t ructurat ion e t lacomplexification du vivant. Il existe alors unepossibilité d’insérer des activités humainesqui n’aboutissent pas inéluctablement à ladestruction de la biosphère à condition de nepas dépasser les flux de reconstitution. Resteun dernier point, sans doute indépassable,mais qui alimente les discussionsscientifiques : si la Terre est un systèmeouvert en termes d’énergie, elle ne l’est pasen termes de matière et la loi de l’entropies’appliquerait donc à cette dernière au fur et àmesure que l’activité humaine en utiliseraitles ressources. En effet, le processus destructuration et de complexification se faitsur une échelle de temps (centaines demillions d’années) incommensurable aveccelle à l’intérieur de laquelle l’homme penseson activité (quelques décennies) : lacontrainte de rareté de certaines ressourcesnaturelles et l’impossibilité d’un recyclagetotal s’imposent alors.

Extraits de Attac [2006, p. 335-336].

Le contenu de la décroissance : refus dudéveloppement et du progrès

Il n’existe pas un corpus unique etcohérent théorisant la décroissance, entenduecomme une diminution de la production. Desauteurs d’origines diverses s’expriment sur cesujet en occupant des champs différents qui

Page 6: Les théories de la décroissance : enjeux et limites de Jean-Marie Harribey

6

s’adressent à des publics eux-mêmesdifférents : on y trouve des universitairesrenommés et aussi des organes de pressemilitants (Silence, L’Ecologiste, LaDécroissance), dans un environnementsouvent constitué en réseaux, l’ensemblepouvant être considéré comme l’une desmultiples facettes de la grande mouvance« altermondialiste », très partagée sur lesquestions posées par le développement.

On peut néanmoins dégager un axeprincipal et fédérateur du courant de ladécroissance, tout au moins chez sesprincipaux théoriciens qui bénéficient enFrance d’une certaine audience médiatique.C’est celui de la critique radicale dudéveloppement et du progrès, allant mêmejusqu’à récuser définitivement ces notions.

Le premier argument invoqué,notamment par François Partant [1988],Serge Latouche [1989, 2001, 2003, 2006] etGilbert Rist [1996], est de constater que ledéveloppement fut, au cours de l’histoiremoderne, le vecteur de la dominationoccidentale sur le reste du monde.Domination économique, politique, souventmilitaire, et surtout culturelle. Elle s’estsoldée par la désintégration des économies etdes sociétés traditionnelles, sans même queles populations ainsi déstructurées etacculturées aient pu, dans leur grandemajorité, accéder aux bienfaits supposés dudéveloppement.

Un deuxième argument consiste àrécuser la distinction traditionnelle faite parles économistes du développement entrecroissance et développement, la premièreétant la condition nécessaire mais nonsuffisante du second, celui-ci intégrant lesaspects qualitatifs de l’amélioration du bien-être. Le motif est que, historiquement, onn’aurait jamais constaté l’une sans l’autre, etque les dégâts de l’une sont aussi les dégâtsde l’autre. Les théoriciens de la décroissanceassimilent l’ensemble de l’économie dudéveloppement au paradigme de WilliamRostow [1960] selon lequel le schéma des« cinq étapes de la croissance » conduitnécessairement au bien-être. Ils assimilentdonc ainsi toutes les théories et les stratégiesde développement, aussi hétérodoxes qu’ellesaient prétendu être, à ce modèle linéaire dans

lequel il est impossible de distinguercroissance et développement, pour le meilleuret pour le pire, le bilan étant nettementdéfavorable.

Il en résulte une dénonciationcatégorique du développement « durable »,« soutenable », « humain » ou associé à unquelconque autre qualificatif, car il s’agit,selon le mot de Latouche, d’un oxymore. Ledéveloppement ne peut être autre que ce qu’ila été, comme naguère certains parlaient du« socialisme réellement existant ». Et s’il n’ya pas d’autre développement que celui-ci,c’est parce que l’Occident a « inventél’économie », entendue comme activitéséparée du reste de la société et lui imposantsa logique de rationalisation. Autrement dit,les théoriciens de la décroissance reprennentla notion de désencastement de Karl Polanyi[1944], mais en la prolongeant de manièreinattendue, tantôt en proposant de réencastrerl’économie dans le social, tantôt en proposantde « sortir de l’économie » pour se défairedéfinitivement de l’économisme. Ladécroissance serait alors, selon Paul Ariès, un« mot obus », afin de « décoloniserl’imaginaire », ajoute Latouche en reprenantun concept de Cornelius Castoriadis [1990].

La thèse décroissanciste entend donc sesituer au niveau de la philosophie politique,puisque nombre de ses théoriciens remettenten cause la philosophie des Lumières qui nousa légué une conception du progrès qu’il nesuffit pas de considérer comme dépassée carelle contient en elle la domestication de lanature et un universalisme des valeurs et desdroits qui fait fi de la diversité culturelle dansle monde. Ce versant relativiste estrevendiqué avec plus ou moins de force àl’intérieur du courant de la décroissance ; eneffet, il constitue l’un des différends en sonsein et l’une des principales raisonsconduisant à s’en démarquer.

Les limites de la thèse de la décroissance

Les critiques adressées à la thèse de ladécroissance et du refus du développementn’invalident pas celles qui sont portées contrele productivisme. Mais elles visent à poserdans toutes leurs dimensions les termes d’un

Page 7: Les théories de la décroissance : enjeux et limites de Jean-Marie Harribey

7

débat qui n’est à ce jour qu’amorcé. Les unesrelèvent du registre économique, les autres,plus complexes, relèvent de la philosophiepolitique.

Quelles bornes à la décroissance ?

Si ce mot d’ordre était appliquéindistinctement, et a fortiori sans limite, àtous les types de productions et à toutes lespopulations du monde, il omettrait deuxéléments essentiels : les tendancesdémographiques et les besoins humains.

Selon les projections moyennesaujourd’hui réalisables, la populationmondiale augmentera de moitié dans les 50ans à venir (voir encadré). La croissancedémographique n’est plus exponentiellepuisqu’elle tendra à se stabiliser, mais lathèse de la surpopulation est tout de même,au moins implicitement, répandue parmi lespartisans de la décroissance. Selon Naess, ladiminution de la population mondiale estimpérative. Jusqu’où ? La question n’a pasde réponse nette : Latouche [2006, p. 144]évoque le nombre de 3 milliards, celui de lapopulation en 1960, date à laquellel’humanité aurait dépassé une empreinteécologique de 100%. Mais personne ne serisque à dire comment y parvenir, tellementle principe même de cette proposition va au-delà du malthusianisme, remis au goût dujour par Paul Ehrlich [1972], pour rejoindreles thèses eugénistes.

Les partisans de la décroissance restentégalement évasifs sur le point jusqu’où ilfaudrait faire décroître la production. SeulLatouche [2006, p. 261] avance l’idée derevenir à « une production matérielleéquivalente à celle des années 60-70 ». S’ils’agit du niveau atteint à cette date par lespays riches, cela signifie que les payspauvres auraient le droit de les rejoindre à ceniveau ; or Latouche récuse le principe mêmede cette imitation, synonyme selon luid’acculturation. Sans parler du fait que c’estle productivisme débridé enclenché pendantles Trente Glorieuses dont nous payons leprix aujourd’hui.

Démographie et décroissance de laproduction

La population mondiale augmenteravraisemblablement de moitié dans les 50 ans àvenir et plus de 96% de cette hausse seproduira dans les pays pauvres dont lapopulation augmentera de 60%, tandis quecelle des pays riches augmentera de 10%. Lapart des premiers dans la population mondialepassera de 83% à 88%. Pour fixer les idées,que donnerait sur le plan quantitatif une faiblebaisse annuelle de la production dans les paysriches et une hausse de la productionsimplement mineure dans les pays pauvres ?

Si le PIB par tête diminuait de 1% par anpendant 50 ans dans les pays riches, celadonnerait une baisse de 39,5% (x 0,605).

Avec une population dans les paysriches augmentant de 10% en 50 ans, le PIBtotal serait multiplié par :

0,605 x 1,1 = 0,665Leur PIB total diminuerait de 33,5%.

Si dans le même temps, le PIB par têtedes pays pauvres et émergents augmentait de1% par an, il augmenterait de 64,5% en 50 ans(x 1,645).

Avec une population dans ces paysaugmentant de 60% en 50 ans, le PIB totalserait multiplié par :

1,645 x 1,6 = 2,63Leur PIB total augmenterait de 163%.

Avec ces deux hypothèses, par combienle PIB mondial serait-il multiplié en 50 ans ?En choisissant de mesurer le PIB mondial enparité de pouvoir d’achat, il est aujourd’huiréparti approximativement ainsi : 60% pour lespays riches et 40% pour tous les autres, doncune fois et demie de plus pour les pays riches1.Le coefficient multiplicateur du PIB mondials’écrirait alors :

0,665 x 1,5 PIBpauvres + 2,63 PIB pauvres1,5 PIB pauvres + PIB pauvres

= 1,45

Le PIB mondial augmenterait de 45%. Si l’onavait retenu l’hypothèse – qui ne paraît pasdémesurée – d’un taux de croissance du PIBpar tête de 2% par an dans les pays pauvres, onaurait obtenu une hausse du PIB des payspauvres de 330% en 50 ans et une hausse duPIB mondial de 112%.Si l’intensité de la production en ressourcesnaturelles et en énergie restait stable, lesbeso ins de ce l l e s -c i c ro î t r a i en tproportionnellement au produit. La

Page 8: Les théories de la décroissance : enjeux et limites de Jean-Marie Harribey

8

décroissance des riches ne résout donc pas àelle seule le problème posé.

1. Estimation effectuée à partir de Banque mondiale[2004, tableau 1, p. 290-291].

L’opinion renvoyant l’extrêmepauvreté à une simple projection des valeursoccidentales ou à un pur registre imaginaire[Latouche, 2003, p. 131] est-elle recevable ?Dans l’état de dénuement d’une grande partiede la population mondiale, sans eau potable,sans écoles, sans hôpitaux, il est fauxd’opposer la qualité du bien-être à la quantitéde biens disponibles si l’on appelledéveloppement la possibilité pour tous leshabitants de la terre d’accéder à l’eaupotable, à une alimentation équilibrée, auxsoins et à l’éducation. En récusant le conceptde développement, les théoriciens de ladécroissance s’éloignent d’ailleurs de leurinspirateur Georgescu-Roegen qui ne leconfondait pas avec la croissance [1995,p. 104]. De même, la déconnexion dudéveloppement de la croissance est envisagéepar Daly [1996]2 ou par les économistesd’Attac [2004]3. Par ailleurs, les dégâts, entermes de dégradations et de pollution,occasionnés par le productivisme sont telsqu’ils nécessiteront des activités deréparation très importantes qui constituerontune occasion de croissance du PIB, sansqu’elle puisse être considérée comme uneamélioration du bien-être par rapport à lasituation précédant les dégâts, mais sanslaquelle la diminution du bien-être seraitindiscutable. La question des transitions pour

2 Daly [1996, p. 11] : « Le développement durabledoit être un développement sans croissance. »3 Attac [2004, p. 205-206] : « L’orientation adoptéeici est donc celle du refus du développement actueltotalement disqualifié et d’un choix en faveur d’undéveloppement radicalement requalifié autour de :1) la priorité donnée aux besoins essentiels et aurespect des droits universels indivisibles ; 2)l’évolution vers une décélération progressive etraisonnée de la croissance matérielle, sousconditions sociales précises, comme première étapevers la décroissance de toutes les formes deproduction dévastatrices et prédatrices ; 3) unenouvelle conception de la richesse réhabilitant lavaleur d’usage en lieu et place de lamarchandisation capitaliste ».

modifier les sources énergétiques, lessystèmes de transports, les modes dechauffage, l’habitat, l’urbanisme, etc., estévacuée. De plus, si la décroissanceintervenait de manière globale dans les paysriches, l’impasse serait faite sur laprécarisation du salariat intervenue au coursdes trente dernières années et sur larecrudescence d’une pauvreté de masse.

Enfin, bien que le PIB soit critiquableen tant qu’indicateur de bien-être, il contientle produit non marchand (éducation, santé,etc.), vecteur d’une socialisation d’une partiede la richesse produite et d’une redistribution,même si elle est modeste, des revenus. EnFrance, un quart du PIB est socialisé sousforme de services non marchands et près d’unautre quart est redistribué sous forme detransferts sociaux. La réflexion sur l’utilitésociale de la production, c’est-à-dire sur soncontenu, devrait s’inscrire dans unprogramme de recherche visant à réhabiliter ladistinction entre valeur d’usage et valeurd’échange [Harribey, 2005]. Dans ce cadre,Daly [1996], les économistes d’Attac [2004]peuvent envisager de déconnecter ledéveloppement de la croissance. Au contraire,sortir de l’économie monétaire, comme lelaissent entendre certains partisans de ladécroissance, ne pourrait déboucher que surun recul des solidarités collectives et unrefuge dans les assistances individuelles,familiales ou communautaires, pendant queles compagnies d’assurances prospèreraientsur fond de désocialisation de la richesse.

Quelle épistémologie ?

A trop répéter que l’économie a étéinventée par l’Occident, on risque deconfondre l’acte de production – qui est unecatégorie anthropologique – et les conditionssociales de sa réalisation – catégoriehistorique –, ou le « procès de travail engénéral » et le « procès de travail capitaliste »,comme disait Marx. D’où les assimilationspar certains théoriciens de la décroissanceentre l’économie et le capitalisme, leuraffirmation qu’avant le capitalisme il n’y avaitpas d’économie, leur refus de considérer avecattention les expériences d’ « économie

Page 9: Les théories de la décroissance : enjeux et limites de Jean-Marie Harribey

9

solidaire » et plus généralement tout projetd’économie non capitaliste. Car toutraisonnement économique est jugééconomiciste ; ainsi, l’opprobre est jeté surtous les économistes, accusés d’avoir« bousillé la planète » [Ariès, 2005, p. 83].Selon cette thèse, l’« effondrementenvironnemental n’est que la conséquence del’effondrement symbolique et institutionnelde la société » [Ariès, 2005, p. 35] : tout sejoue donc au niveau des représentations,tandis que les logiques matérielles et lesrapports de force disparaissent.

Le paradoxe est que le courant de ladécroissance adopte une posture très critiqueà l’égard du capitalisme. Mais la critique decelui-ci se fait le plus souvent au nom dupassé. Les communautés traditionnelles sontmagnifiées alors qu’elles connaissaient pourla plupart des phénomènes de domination,notamment des hommes sur les femmes.Bien que plusieurs théoriciens de ladécroissance les plus en vue, notamment lesthéoriciens français, ne soient aucunementliés au courant de l’écologie profonde, lesthèses de celle-ci voisinent avec celles de ladécroissance. Si la Terre est un être vivantressortissant à un ordre cosmique autonomeet supérieur à l’espèce humaine, elle estsacralisée et l’ordre social est biologisé. Lasociété est un corps biologique qui sedécompose sous les coups del’occidentalisation, rongée par le cancer de lamodernité. Il y aurait donc une essencehumaine dont la science et la modernité nousauraient dépossédés, en même temps qu’ellesnous auraient fait quitter un ordre naturelqu’il s’agit de retrouver. Cyril Di Méo[2006, p. 26] accuse cette vision biologisantede correspondre à une « rhétoriqueréactionnaire » [Hirschman, 1991] ou à une« pensée louche » [Bourdieu, 1988] dont laquestion démographique est une illustration :certains prônent un retour à Malthus, voire àl’eugénisme d’Alexis Carrel [1935]. Di Méoavance l’hypothèse que la recherche d’unordre supposé naturel rassurant est latransposition des angoisses devant le tragiquede l’existence tel que le définit le philosopheClément Rosset [1993] : le refus de lafinitude de l’Homme dans un univers quiapparaît comme infini conduit à se réfugier

dans des arrière-mondes religieux.L’un des sous-courants de l’écologisme

appelé « écoféminisme » associe la fertilitéféminine à la fertilité biologique ; ainsi, lesfemmes sont-elles les mieux à même derespecter la nature malmenée par le systèmepatriarcal et d’aller vers la décroissance. Cettevision naturalise la position de dominé(e) etest à l’opposé de l’idée de genre qui vise àanalyser les constructions socio-culturellesdes rapports entre les sexes.

La naturalisation des conditions socialeset le retour du religieux vont de pair avec ladélégitimation du politique. L’espacepolitique comme lieu de médiation et detransformation est répudié au nom d’uneradicalité l ibertaire ou religieuse[Charbonneau, Ellul] et la méfiance s’installevis-à-vis de l’Etat-providence et de sesinstitutions [Illich]. L’espace individuel estconçu comme le seul espace possible detransformation sociale et nourrit ladépolitisation des sociétés individualistes,c’est-à-dire la crise du politique.

Sur quoi fonder l’écologie demandeGoldsmith [2002] ? Pas sur la science maissur la foi, répond-il. Il s’agit donc deréenchanter le monde. Alors que la modernitéavait laïcisé la société, confinant la religion àla sphère privée, le religieux est réintroduitdans l’ordre politique pour détruire celui-cicomme lieu de construction de la cohabitationentre les humains. Nous sommes à l’opposéd’une conception tendant à concilier« écologie et politique » [Gorz] ou bien àredéfinir la notion de progrès comme essaiede le faire Christian Coméliau [2006].

Pour les théoriciens de la décroissanceet du refus du développement, la coupable estfinalement la Raison, confondue avec larationalité capitaliste, qui a désacralisé,« désenchanté » le monde. La nécessairecritique de l’instrumentalisation de la Raisontombe alors dans un relativisme qui met sur lemême plan la science et la croyance. Or, s’ilexiste des croyances au sein de la science –l’économie en est un bel exemple –, la sciencepossède des garde-fous – la Raisonprécisément et la vérification – qui lui évitentde se perdre dans la crédulité. Derrière lacritique de la Raison, il y a le rejet desLumières et de l’idée même que puissent être

Page 10: Les théories de la décroissance : enjeux et limites de Jean-Marie Harribey

10

construits des droits universellementrespectés pour tous les humains.

Le début de succès des thèses en faveurde la décroissance est dû, au moins en partie,aux échecs des expériences du XXe siècle etnotamment à la difficile prise en compte parles mouvements sociaux et le marxismetraditionnel de la dimension de l’écologie.Celle-ci est devenue un impératif. Soninscription dans le champ social et politiqueen est un autre. Mais elle implique l’abandonde l’idée qu’il existe un ordre social naturel.La synthèse entre des objectifs sociaux (undéveloppement au service de tous) et despréoccupat ions écologiques (unesoutenabilité de ce développement) est à ceprix. La nature ne peut être ni objet, commedans le capitalisme productiviste, ni sujet,théorisé par l’écologie profonde, mais unprojet puisque l’Homme porte seul laresponsabilité de le penser. Tel serait unhumanisme renouvelé à propos d’undéveloppement véritablement soutenable,socialement et écologiquement, alliantl’équité intra-générationnelle et l’équitéinter-générationnelle.

Bibliographie

A r i è s P . [2005], Décroissance oubarbarie,Villeurbanne, Ed. Golias.

Attac (dir. J.M. Harribey) [2004], L edéveloppement a-t-il un avenir ? Pour unesociété solidaire et économe, Paris, Mille et unenuits.

(dir. J.M. Harribey) [2006], Le Petit Alter,Dictionnaire altermondialiste, Paris, Mille et unenuits.

Banque mondiale [2004], Rapport sur ledéveloppement dans le monde, « Des servicespour les pauvres », Paris, Ed. Eska.

Bernard M., Cheynet V., Clémentin B. (coord.)[2003], Objectif décroissance, Vers une sociétéharmonieuse, Silence, Paris, Ed. Parangon.

Bourdieu P. [1988], L’ontologie politique deMartin Heidegger, Paris, Ed. de Minuit.

Carrel A. [1935], L'Homme, cet inconnu, Paris,Plon.

Charbonneau B. [1973], Le système et le chaos,Paris, Anthropos, rééd. Economica, 1990.

Coméliau C. [2006], La croissance ou leprogrès  ?, Croissance , décroissance ,développement durable, Paris, Seuil.

Commission mondiale sur l’environnement et ledéveloppement [1987], Rapport Brundtland, Notreavenir à tous, Montréal, Ed. du Fleuve.

Daly H.E. [1992], « Il n’y a pas de croissancedurable », Transversales Science/Culture, n° 13,janvier-février, p. 10-11.

[1996], Beyond growth, The economics ofsustainable development, Boston, Beacon Press.

De Jouvenel B. [1968], Arcadie, Essais sur lemieux-vivre, Paris, Gallimard, 2002.

Di Méo C. [2006], La face cachée de ladécroissance, La décroissance : une réellesolution face à la crise écologique ?, Paris,L’Harmattan.

Dupuy J.P. [2002], Pour un catastrophismeéclairé, Quand l’impossible est certain, Paris,Seuil.

Ehrlich P.R. [1972], La bombe P, Paris, Fayard.

Ellul J. [1954], La technique ou l'enjeu du siècle,Paris, A. Colin, rééd. Paris, Economica, 1990.

Galbraith J.K. [1975], L’ère de l’opulence, Paris,Calmann-Lévy.

Georgescu-Roegen N. [1979], La décroissance:Entropie-Ecologie-Economie, 2e éd. fr., Paris,Sang de la terre, 1995.

Goldsmith E. [2002], Le Tao de l’écologie,Monaco, Ed. du Rocher.

Gorz A. [1975], Ecologie et politique, Paris, Seuil.[1988], Métamorphoses du travail, Quête

du sens, Critique de la raison économique, Paris,Galilée.

Harribey J.M. [1997], L’économie économe, Ledéveloppement soutenable par la réduction dutemps de travail, Paris, L’Harmattan.

Page 11: Les théories de la décroissance : enjeux et limites de Jean-Marie Harribey

11

[2005], « La richesse au-delà de lavaleur », Revue du MAUSS, n° 26, secondsemestre, p. 349-365.

Hirschmann A.O. [1991] Deux siècles derhétorique réactionnaire, Paris, Fayard.

Illich I. [1971], Une société sans école, Paris,Seuil.

[1973], La convivialité, Paris, Seuil.[1975], Némésis médicale, Paris, Seuil.

Jonas H. [1979], Le principe responsabilité, Uneéthique pour la civilisation technologique, éd. fr.Paris, Ed. du Cerf, 1990.

Keynes J.M. [1930], Perspectives économiquespour nos petits-enfants, in Essais sur la monnaieet l’économie, Paris, Payot, 1971, p. 127-141.

[1936], Théorie générale de l’emploi, del’intérêt et de la monnaie Paris, Payot, 1969.

Latouche S. [1989], L'occidentalisation dumonde, Essai sur la signification, la portée et leslimites de l’uniformisation planétaire, Paris, LaDécouverte.

[ 2 0 0 1 ] , «  L e s m i r a g e s d el’occidentalisation du monde : En finir, une foispour toutes, avec le développement », Le Mondediplomatique, mai.

[2003], « Il faut jeter le bébé plutôt quel’eau du bain », in C. Comeliau (sous la dir. de),« Brouillons pour l’avenir, Contributions audébat sur les alternatives », L e s NouveauxCahiers de l’IUED, n° 14, Paris, PUF, p. 123-134.

[2006], Le pari de la décroissance, Paris,Fayard.

Malthus T.R. [1798], Essai sur le principe depopulation, Paris, Flammarion, 1992.

[1820], Principes d’économie politique,Paris, Calmann-Lévy, 1994.

Marx K. [1857-1858], Principes d'une critique del 'économie pol i t ique , in Oeuvres , Paris,Gallimard, La Pléiade, 1968, tome 2.

Marx K., Engels F. [1848], Manifestecommuniste, in Oeuvres, Paris, Gallimard, LaPléiade, 1965, tome 1.

Meadows D. [1972], Halte à la croissance?,Paris, Fayard.

Mill J.S. [1848], Principes d’économie politique,éd. fr., Paris, Dalloz, 1953, Textes choisis etPréface par F. Trevoux.

Morin E. [2001], La méthode, 5. L’humanité del’humanité, L’identité humaine, Paris, Seuil.

Naess A. [1973], « The shallow and the deep longrange ecology movement, A summary », Inquiry,n° 16, p. 95-100.

Partant F. [1988], La ligne d'horizon, Essai surl'après-développement, Paris, La Découverte,Cahiers Libres.

Passet R. [1979], L'économique et le vivant, Paris,Payot, 2e éd. Paris, Economica, 1996.

Polanyi K. [1944], La grande transformation, Auxorigines politiques et économiques de notretemps, Paris, Gallimard, 1983.

Ricardo D. [1817], Des principes de l'économiepolitique et de l'impôt, 1992, Paris, GF-Flammarion.

Rist G. [1996], Le développement, Histoire d’unecroyance occidentale, Paris, Presses de SciencesPolitiques, 2e éd. 2001.

Rosset C. [1993], Logique du pire, Paris, PUF,Quadrige.

Rostow W.W. [1960], Les étapes de la croissanceéconomique, Un manifeste non communiste, Paris,Seuil.