Les Strophes

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Etude sur des formes strophiques du vers francais.

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  • LES STROPHESTUDE HISTORIQUE ET CRITIQUE

    SUR

    LES FORMES DE LA POSIE LYRIQUE EN FRANCEDEPUIS LA RENAISSANCE

  • DU MME AUTEUR M

    I. TRADUCTIONS EN VERS, couronnes deux fois par l'Acadmiefranaise. (Librairie Fontemoing) :

    Les lgies de Tibulle.Les Amours d'Ovide.

    Chaque vol., in-8 cu, avec texte et commentaire, sur papier de fil lo fr.

    Les Drames d'Eschyle (tirage 3oo), in-8 6 fr.

    Les Drames de Sophocle. (OEdipe roi, dipe Colone, Antigone).Un vol. petit in-8 . .

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    Les Drames d'Euripide :

    I. Alcesle, Hcube, Hippolyle, in-8 2 fr. 5o

    II. Les deux Iphifjnics, Mdc'e, in-8 2 fr. 5o

    II. DICTIONNAIRE complet, mthodique et pratique des Rimesfranaises, prcd d'un trait de versification. Ouvrage compos sur unplan tout fait nouveau. Un volume in-2, de 3oo pages. (LibrairieLarousse) 2 fr. 5o

    m. TUDES SUR LE VERS FRANAIS :L'Hiatus [Revue des poles, juin, juillet, aot 1907).Le Trimtre (Mercure de France, fvrier-mars 1909).La Gense des rgles de Jean Lemaire Malherbe [Rev. d'Imt. lut. de la

    France, janvier 1909).Notes sur Maynard et Ur {Ibid., juillet rgoS et octobre 1910).

    E7i prparation

    Histoire de la Versification franaise depuis la Renaissance :

    La Quantit syllabiquc.

    Le Rythme,

    La Rime.

    Versification des classiques.

    Versification moderne.

  • 4 ^^ PH. MARTINON

    LES STROPHESTUDE HISTORIQUE ET CRITIQUE

    SUR

    LES FORMES DE LA POSIE LYRIQUE EN FRANGEDEPUIS LA RENAISSANCE

    AVEC UNE

    BIBLIOGRAPHIE CHRONOLOGIQUEET UN

    RPERTOIRE GNRAL

    4911293. 5. 4-3

    PARIS

    LIBRAIRIE ANCIENNE HONOR CHAMPION. DITEUR5. QUAI MALAQUAIS, 5

    1912

  • /'^

    zsosM3

  • PREFACE

    Il faudrait, disait Banville, un Homre ou une patienced'ange pour numrer toutes les strophes d'odes connues, mmeen ne comptant que celles qui sont solides et belles. Les ru-

    dits s'en seraient-ils jusqu' prsent rapports Banville ?Toujours est-il qu'en effet la question n'a point encore ttraite avec l'ampleur ncessaire. Depuis le chapitre de Qui-cherat (1), je ne vois signaler que celui de Kastner, dans sonHistory of french Versification. Des chapitres, ai-je dit, et non

    des livres, bien entendu. C'est dire assez que les dpouillementsde ces deux auteurs n'ont pu tre trs considrables, ni leur^numrations fort longues; et d'autre part, pour des numra-tions si rduites, ils n'ont pas cru devoir se proccuper de mettrebien rigoureusement en ordre les formes que le hasard de leurslectures leur faisait connatre. Ce sont en effet deux points ca-pitaux, et je crois bien que des deux ce n'est pas le premierqui est le plus important.

    Sans doute les dpouillements trs tendus sont indispen-sables, non seulement pour pouvoir dcouvrir peu prs toutes

    les formes qu'ont employes les potes, et savoir peu prsquels en sont les premiers exemples, dtail qui est souvent d'une

    importance capitale, mais encore et surtout pour pouvoir jugeren connaissance de cause de la frquence ou de la raret rela-

    tive de chacune d'elles, et ne pas s'exposer, comme Quichcratet Kastner, donner pour des spcimens de formes usites desstrophes dont il n'y aurait en ralit qu'un seul exemple. Mais

    aprs Lout,ces dpouillements ne requirent jamais qu'un peu de

    (1) Auquel on peut joindre la seconde partie des Vers franais de F. de Gra-mont.

  • VI P l t F A C F,

    patience (1); car enfin on n'est pas oblig de lire intgralement

    plusieurs milliers de potes ; c'est bien assez d'en lire quelques

    centaines. Le plus difficile n'est donc pas l : il est plutt dans

    la classification.

    On sait que le principe logique de toute classification^ c'estla subordination des caractres, et c'est l le problme difficile rsoudre^ car la solution peut varier suivant les circonstances^

    et je ne crois pas qu'une rgle uniforme soit bien pratique.

    C'est ce que je vais essayer de montrer par quelques dtails.

    Et d'abord quel sera le premier de tous les caractres ?

    Quelques mtriciens^ comme Kastner^ ont cru devoir mettred'un ct toutes les strophes de vers gaux_, dites isomtriques,

    de l'autre toutes les strophes de vers ingaux, dites htrom-

    triques. Cette distinction est certainement importante, mais ne

    saurait passer avant toutes les autres : un sixain est toujoursun sixain, qu'il soit sur une mesure ou sur deux, et il y a tou-

    jours plus de rapport entre deux sixains quelconques, au moinssi l'ordre des rimes est le mme, qu'il ne peut y en avoir entreun sixain et un quatrain. On ne peut nier que le premier carac-tre, et par suite le premier lment du rythme, se trouve treici prcisment le plus manifeste, Ife plus extrieur, savoir lenombre de vers. Toute classification des strophes doit doncd'abord les diviser en quatrains, quintilsj sixains, etc.

    Cela fait, passerons-nous la distinction des strophes isom-triques ou htromtriques, comme on le fait d'ordinaire ?Pas encore, car il y a un second caractre principal, qui est, luiaussi, plus important que cette distinction, et c'est l'ordre desrimes, facteur essentiel du rythme. Toutefois il m'a sembl-qu'une rgle uniforme aurait ici plus d'inconvnients qued'avantages, et qu'il fallait tenir compte des circonstances. Leprincipe n'est pas douteux : le rythme d'une strophe de lon-gueur donne dpend bien plus de l'ordre des rimes que de lalongueur des vers, gaux ou non. Mais ij est des cas o un chan-gement dans l'ordre des rimes change peu de chose au rythme.

    (1) Et une certaine complaisance de la part des bibliothcaires, je dois re-mercier ici particulirement de leur obligeance M. Bonnefon et M. d'Auriac.

  • PREFACE VII

    Dans le quatrain par exemple_, que les rimes soient croises,embrasses ou suivies, cela passe au second plan ; ou plutt lesquatrains rimes embrasses et suivies ne sont que des va-riantes des quatrains pareils rimes croises : il n'y a pas icirellement deux rythmes distincts^ et il et t fastidieux derecommencer trois fois, en trois chapitres diffrents_, les mmesdveloppements ou les mmes numrations. Mais ailleurs;,pour le quintil, par exemple, et plus encore pour le strophes

    longues, il a sembl plus pratique en mme temps que plus lo-gique de considrer d'abord l'ordre des rimes, qui donne letype mme de la strophe, dans la catgorie laquelle elle ap-partient par sa longueur, et de ne passer qu'ensuite la dis-

    tinction des strophes isomtriques ou htromtriques.Ce troisime caractre peut suffire pour achever la classifi-

    cation des stro=phes longues, o l'htromtrie joue un rletrs rduit. L, en effet, les strophes isomtriques sont natu-rellement classes d'aprs la longueur de leur vers unique, et

    les strophes htramtriques elles-mmes, quand elles sont peunombreuses, se classent aisment d'aprs la longueur de leurvers le plus long : on mettra donc ensemble celles qui ont desalexandrins, puis celles qui n'en ont pas, dans l'ordre dcrois-sant. Mais, quoique les auteurs s'en tiennent l gnralementpour toutes les catgories de strophes, une classification aussi

    rudimentaire, et purement extrieure, ne saurait certainementsuffire pour des strophes aussi usites et aussi varies que le

    quatrain et le sixain. Il y a dans ces strophes des parents tablir ou reconnatre. Par exemple, les quatrains qui ont

    trois alexandrins suivis d'un vers de huit syllabes ou d'un vers

    de six, ce que nous appelons quatrains clausules, ont beautre faits de vers diffrents, ils sont videmment de mme es-pce ; et l'on peut dire que 12.12.12.8, pour parler plus brive-ment, est plus voisin de 12.12.12.6 que de 12.8.12.8, qui est

    pourtant compos des mmes mesures. On peut aller plus loin,car il y a parent certaine entre des strophes qui n'ont pas unseul vers de mme mesure : le croisement des alexandrins avecles octosyllabes, disons plus commodment 12.8.12.8, estapparent non seulement avec 12.6.12.6, mais avec 8.4.8.4 ou

  • PRE F A C E

    7.3.7.3^ qui pourtant n'a pas un vers commun avec lui^ beau-

    coup plus qu'avec 12.12.12.8, qui pourtant a trois vers pareils

    sur quatre. H y a donc, dans les strophes htromtriques, un

    caractre qui est plus important que la longueur absolue des

    vers de la strophe : c'est la position respective des mesures

    diffrentes, autrement dit le schma de la strophe. Partout o

    il y a des strophes symtriques, ces strophes forment un groupe

    part, parfois aussi important que celui des strophes isom-

    triques. Les strophes clausule elles-mmes, quand elles sontassez nombreuses, doivent tre spares des autres strophes

    dissymtriques. Celles-ci enfin doivent tre classes suivant la

    place qu'occupent les vers courts, qui le plus souvent sont les

    moins nombreux, et pour ce motif donnent la strophe son

    caractre propre.

    Voil pour la classification. Une dernire distinction pour-

    tant reste faire. Etant donn un quatrain crois, par exemple,les rimes paires peuvent tre masculines et les impaires fmi-

    nines, ou inversement. De toute combinaison de rimes et de

    mesures, quelle qu'elle soit, il peut y avoir deux formes, sansparler de celles o les rimes sont toutes de mme sexe. Pourqualifier et distinguer ces formes, j'ai considr leur rime

    finale, qui est la plus importante, et j'ai appel l'une de ces

    formes masculine, l'autre fminine, d'aprs le vers final, de

    mme que les vers sont qualifis de masculins ou de fminins,suivant leur syllabe finale ; mais il est bien entendu que cettedistinction n'est qu'un dtail secondaire de forme, et n'appar-

    tient pas la classification proprement dite : elle achve seu-lement de caractriser chaque forme de strophe individuelle-

    ment.

    J'ai appliqu ces principes de classification tout le long dulivre. Je les ai appliffus plus encore dans le Rpertoire, qui enest le complment ; car, dans le livre, les ncessits de l'expo-sition obligent parfois runir certains groupes qui sontspars dans le Rpertoire ; mais ces diffrences lgresne peuvent dpayser personne : il suffit qu'elles soient si-gnales.

    En vertu des mmes principes de classification, j'ai d em-

  • P r, E ! A C. E IX

    ployer pour marquer l'ordre des rimes, la notation la plus

    simple, par les lettres ahcd..., qui est aussi la meilleure (1).Pourtant Becq de Fouquires^ et aprs lui tous ceux qui ont

    tudi spcialement l'uvre de quelques potes classiques, ontcru devoir rserver cette notation aux potes ou aux uvres

    o ne se rencontre pas encore l'alternance des rimes. Pour lesautres, il leur a sembl qu'une notation faite au moyen deslettres m et / aurait un sens plus complet. Il est certain que

    ffmf'f'm, par exemple, en dit plus que aabccb. Mais cette no-tation a de graves inconvnients pour la classification. D'abord

    elle mlange deux caractres de valeur et d'importance trsingale : que le premier vers d'une strophe rime avec le second

    Ou avec le troisime, c'est un point capital pour le rythme ; c'estmme le caractre qui, aprs le nombre de vers, occupe le pre-mier rang dans la srie ; mais que ce mme vers soit masculinou fminin, cela est tout fait secondaire, et cette distinction

    n'arrive qu'en dernier lieu. En mettant ces deux caractresensemble, on s'expose et mme on s'oblige tout mlanger ettout confondre, outre qu'on met de simples variantes d'une

    forme donne (par exemple ffmf'f'm et mmfmm'f) sur le mmepied que des formes diffrentes : mauvais principe de classi-fication. J'ajoute que ces deux variantes d'une forme donne,ont une importance trs ingale. Nous verrons que nos premiers

    potes de la Renaissance ne faisaient entre elles aucune diff-

    rence (et beaucoup de potes contemporains n'en font pas da-

    vantage) ; mais du jour o on en a fait une, c'a t presquetoujours au profit de la forme masculine, devenue peu peula seule forme normale dans la plupart des cas. S'ensuit-il qu'il

    ne faille pas faire de distinction entre les deux formes ? Nulle-ment. Mais il ne faut pas que cette distinction usurpe la place

    des autres. Pour la noter exactement en proportion de son

    importance, il suffit de marquer d'un signe diacritique quel-

    conque les formes fminines, qui, en principe, ne sont pas les

    formes normales. C'est ce qu'on trouvera dans le livre mme

    {!) Sur les origines de cette notation, voir l'Appendice I.

  • IMl- FACE

    et surtout dans le Rpertoire (1). Cet usage des sigiies diacri-

    tiques ou de certaines abrviations analogues m'a permis degrouper ensemble, sans aucun inconvnient pour le lecteur,beaucoup de formes diffrentes ayant entre elles une troiteparent : sans cette mthode, le lecteur courait risque de seperdre dans un fouillis de divisions et de subdivisions parfai-

    tement inutiles. Il y a toujours profit simplifier.Ce mme systme de simplification a permis aussi d'excuter

    de la manire la plus pratique un tai)leau comparatif des formeslyriques employes par Marot, Ronsard, Desportes et V. Hugo.Strophes masculines, strophes fminines, strophes alternes,,

    strophes irrgulires, y sont marques trs suffisamment pourles rudits qui voudront aller jusqu' ce dtail, mais sans gnerles lecteurs ordinaires, sans encombrer nullement les cadresde la classification, sans empiter et se confondre avec les di-visions importantes. Il serait impossible de dresser un tel

    tableau avec les procds qu'on emploie d'ordinaire ; et sans

    doute on en conclura que les tableaux destins faire connatreles formes lyriques d'un seul pote pourraient tre la foisplus mthodiques et surtout beaucoup plus simples que ceuxqu'on trouve habituellement dans les livres, puisque dans le

    mme espace, ou presque, j'en fais tenir quatre.l n mot encore sur la forme extrieure du Rpertoire. J'ai

    tenu, pour faciliter le travail du lecteur, donner pour exe-mplesde chaque forme, quand je le pouvais, trois ou quatre auteurs dechacune des trois poques importantes : le xvi sicle, le xvii^,et la premire moiti du xix^, sans ngliger la seconde, mais sansdpasser 1900, sauf exceptions justifies (2). Ces exemples sont

    (1) Au moyen du signe {/.). Il est probable que je l'ai oubli plus d'une fois^surtout au xvi'^ sicle

    ; mais je ne pense pas que l'inconvnient soit bien grave. Un autre critique a trouv que la notation par les lettres m et f tait encoretrop simple : il emploie les lettres a, i, o, pour les rimes masculines, e seul ouaccompagn d', i, pour les rimes fminines. Il arrive ainsi des notationstelles que e a e a e e i ie ie i ou a e a e i i e o o e l Qui croirait que ce son*l deux variantes de la mme strophe ?

    (2) Cela ne m'a pas empch de donner parfois des listes plus longues, quandles listes prsentaient par elles-mmes un intrt littraire : telle la liste desodes pindariques, celle des rimes tierces du xvi^ sicle, celles des pomes en

  • PUi;j'ACE XI

    disposs autant que possible dans l'ordre chronologique, sans

    cependant couper l'uvre d'un pote en deux ou trois mor-ceaux. Je ne pouvais d'ailleurs songer les dater tous^ et c'et

    t parfaitement inutile. J'ai mis seulement quelques dates certaines formes_, pour justifier^ quand il y avait lieu^ l'attri-bution du premier exemple (1). Et naturellement^ quand unedes quatre poques n'est pas reprsente dans une liste^ c'estqu'elle ne m'a fourni aucun exemple ; si je n'en donne qu'unpetit nombre d'une forme quelconque^ c'est que ce sont lesseuls que je connaisse ; et si je n'en donne qu'un^ soit pour unepoque, soit pour les quatre, ce qui n'est pas rare, c'est que jen'en ai pas rencontr d'autre (2). Naturellement aussi, quand j'aile choix, c'est l'importance des potes ou l'intrt de la citatiort

    qui en dcide. J'ai mme donn le dpouillement complet, ou peu prs, des potes principaux, d'o il rsulte que les formes

    pour lesquelles je ne les cite pas sont des formes qu'ils n'ont

    point employes. Les noms des potes cits sont ainsi un cri-trium de l'importance des formes, autant que le nombre descitations (3).

    Pour rendre visible du premier coup d'oeil la diffrencequ'il y a souvent entre les formes d'autrefois et celles duXIX sicle, au lieu d'employer comme d'habitude les carac-

    tres italiques pour distinguer les titres des ouvrages des noms

    de leurs auteurs, je m'en suis servi pour distingur les uvres

    dizains du xvii^ sicle, classes rigoureusement suivant les dtail de leursformes, etc.

    (1) On datera ceux qu'on voudra, dans beaucoup de cas, au moyen de laTable et de la Bibliographie.

    (2) Il doit y en avoir aussi dont je n'ai pas rencontr d'exemple, et qui ontpourtant t employes : je n'ai pas tout vu ; mais celles-l du moins doiventtre extrmement peu importantes, et de plus on trouverait facilement leurplace dans les cadres du Rpertoire.

    (3) On s'tonnera peut tre de ne pas trouver cits au Rpertoire les noms detels ou tels potes, parmi tant d'autres qui peut-tre ne les valent pas. C'estque les citations ici ne sont pas ncessairement proportionnelles l'a valeur despotes, mais plutt l'tendue de leur uvre lyrique, et plus encore au plus oumoins de raret des formes qu'ils ont employes. Ceux qui n'ont employ, dansune uvre d'ailleurs courte, que des formes courantes, employes par de pluiS'grands qu'eux, n'ont pas pu tre cits.

  • XII rnnFACE

    du xix^ sicle de toutes les uvres antrieures : on verra ainsi

    des pages entires dont les formes appartiennent uniquement

    la posie contemporaine^ d'autres dont toutes les formessont exclusivement d'usage ancien_, ailleurs des mlanges^ et

    dans toutes les proportions ; ces renseignements d'ensemble

    seront prcieux non seulement pour donner d'un seul coup

    d'oeil une ide sommaire des faits^ mais aussi pour faciliter les

    recherches.

    Les rfrences du Rpertoire sont de diverses sortes^ parce

    qu'on s'est efforc partout de les faire les plus pratiques pos-

    sibles. Quand il n'y a qu'une seule dition^ la page ou le foliosuffisent. Quand il y en a plusieurs^ on indique laquelle^ s'il ya lieu ; mais on renvoie gnralement aux modernes de prf-

    rence^ parce qu'elles sont plus accessibles. Pour la Pliade no-

    tamment^ les renvois se rfrent aux ditions de Marty-La-

    veaux^ sauf pour Ronsard^ l'dition Blanchemain tant plus

    rpandue (1). On remarquera que^ pour la commodit du lec-teur et la facilit des recherches^ il y a souvent deux rf-rences pour le mme texte^ soit qu'il y ait deux ditions^ soitqu' l'dition originale ou principale on ait cru devoir joindre^surtout dans les notes du livre^ l'indication de recueils connus^plus rpandus que les ditions elles-mmes : par exemple,pour le xvi^ sicle, les quatre volumes si commodes de Becqde Fouquirs (2) ; pour le xvii^, le recueil de Barbin (3) ;j)our le XIX, les Poles de Crpet, les Souvenirs potiques de

    V'Ecole Romantique de Fournier, les Muses franaises d'A. S-

    ch, les Anthologies de Lemerre et de Delagrave (Walsch), les

    (1) Aux ditions de la Bibliothque elzvirienne, il faut joindre celles de Le-merre [Bihl. d'un curieux), de Jouaust [Cabinet du bibliophile), de Willemfpour Jean de la Taille, Guy de Tours et Jamyn), etc.

    (2) uvres choisies de Ronsard, de Du Bellay, de Baf, et les Potes duXVI^ sicle.

    (3) Je le cite d'aprs la seconde dition, qui est de 1752. Benserade notam-ment y tient beaucoup de place, ses uvres ayant t runies l (en partie)pour la premire fois. Il faut y joindre aussi le Recueil de 1671, publi par Lo-mnie de Brienne, sous le titre de Posies chrtiennes et diverses, avec une ddi-cace et sous le nom de La Fontaine. Ces deux recueils, fort diffrents '^" '-euxdu commencement du sicle, sont de vritables anthologies.

  • P I? i; F A ( E

    Potes d'aujourd'hui de van Bever et Lautaud, etc. Pour lesuvres trs connues^ dont les ditions sont nombreuses^ on

    a prfr donner des indications moins prcises^ mais qui valent

    pour toutes les ditions : tous les rudits n'ont pas toujourssous la main la Collection des Grands crivains, et c'est assezd'y renvoyer pour les uvres secondaires qui ne sont pas par-

    tout. Ainsi on trouvera V

    I

    mitation de Corneille dsigne par

    livres et chapitres^ tandis que pour les posies diverses on sera

    renvoy au tome IX de Marty-Laveaux. De mme les uvresde Marot sont dsignes par numros d'oeuvres et non parpages (1).

    J'ai dit tout l'heure que le Rpertoire tait le complmentdu livre. On pourrait dire plus justement encore qu'il en est labase ; car lui seul a pu fournir les renseignements sur lesquels

    sont fondes les affirmations du livre^ en ce qui concernel'usage plus ou moins tendu qu'on a pu faire de chaque stropheou groupe de strophes aux diffrentes poques, et par suite en

    ce qui concerne leur valeur lyrique probable. Et non seulement

    le Rpertoire est la base du livre, mais on est en droit d'estimerqu'il est plus important que le livre mme, car les thories dulivre, interprtations du Rpertoire, peuvent tre discutes etcontestes, mais non pas le Rpertoire. Je dois dire pourtant

    que j'ai vit avec le plus grand soin les discussions mtaphy-siques, et que j'ai tch d'appuyer les thories expressmentet uniquement sur les faits. Et sans doute je n'ai pas pu medispenser de juger ; mais les jugements qui ont un caractrepersonnel, je veux dire qui ne sont pas appuys expressmentsur les faits, ne concernent jamais que des dtails ou des formessecondaires, o il a sembl qu'il y avait parfois du caprice de]a part des potes. Pour tout ce qui est essentiel, ce sont les

    faits qui parlent, et ils ne viennent pas propos pour justifier

    la thorie : la thorie ne vient qu'aprs, pour essayer de les

    (1) On pense bien que, dans un tel nombre de rfrences, les erreurs ne sau-raient manquer ; mais on songera qu'il en faudrait un nombre considrablepour atteindre seulement la proportion de 1 ou 2 /O, qu'on peut encore con-

  • XIV PRKFACK

    expliquer. Je vais plus loin : me permettra-t-on de dire que-

    j'offre ici pour la premire fois aux critiques un critrium em

    matire de strophes ? Que se passe-t-il ordinairement^ quandon veut apprcier une strophe ? Il suffit qu'elle soit rare pour

    qu'on la trouve ingnieuse : on ne voit pas que sa raret mmeest une prsomption de mdiocrit^ tandis qu'une forme fr-quemment employe^ au moins par les bons potes, a toutesles chances d'tre excellente (1). Or c'est le Rpertoire qui ren-seigne sur ce point d'une manire indiscutable. Ainsi, quandmme il ne resterait rien des thories du livre;, le Rpertoireserait toujours l ; et comme il est peu probable qu'on recom-mence de longtemps un travail de ce genre, avec ses neuf ou

    dix mille rfrences pour deux ou trois mille formes destrophes (2), il restera du moins l'auteur le plaisir de fournirdes matriaux ceux qui feront mieux que lui, ou qui sim-plement voudraient faire autrement que lui.

    J'ajoute que le livre lui-mme renferme autre chose que del'histoire et des thories, savoir des strophes. J'ai apport leplus grand soin au choix que j'en ai fait. Pour chaque formede strophe, j'ai pris la peine de comparer les exemples que j'enavais, pour fournir au lecteur autant que possible le spcimenle plus intressant, parmi les strophes qui pouvaient se suffire elles-mmes. On possde ainsi une vritable anthologie destrophes, qu'il et t peu prs impossible d'tablir sans faire

    une grande partie des recherches que j'ai faites (3). De plus,j'ai cit dans le texte ou en note les exemples les plus remar-quables de toutes les strophes importantes, et voil de quoirenouveler toutes les anthologies courantes.

    (1) Je signalerai, l'occasion, d'autres jugements, qui sont fonds sur la.considration d'une symtrie simplement apparente, et o l'on ne tient au-cun compte des principes mme suivant lesquels la strophe s'est forme, etdes lments essentiels qui la constituent.

    (2) Sans tenir compte de la distinction entre masculines et fminines.(3) Environ six cents formes diffrentes, empruntes cent vingt potes.

    Comme il ne s'agit pas ici de langue, mais uniquement de form,es lyriques,>e la'ai pas voulu drouter le lecteur, ni distraire son attention de l'objet prin-cipal par la multiplicit des orthographes. Sauf pour le vieux Jean Lemaire,quej ai cit deux fois, toutes mes strophes sont en orthographe moderne.

  • PREFACE

    Une autre partie de ce travail est destine aussi rendre desservices en dehors du livre mme : c'est la Bibliographiechronologique des principaux recueils de vers contenant desstrophes : elle commence avec les Psaumes de Marot^ quicrent presque de toutes pices le systme lyrique moderne^et va jusqu' la fin de notre premire cole lyrique^ qui meurtaux environs de 1660^ l'aurore du classicisme proprementdit. La plupart des volumes contenus dans cette Bibliographiesont cits au Rpertoire, qu'elle compltera en fournissant lesdates^ quand celles du Rpertoire ne paratront pas suffisantes.Que j'aie signal dans cette partie des uvres de peu de valeur,et qui eussent pu tre remplaces par de meilleures, cela estinfiniment probable : je n'ai pas pu tout voir, et je n'ai pas lutout ce que j'ai vu ; s'il ne manque rien d'important, je pensec|ue cela peut suffire. J'ai rectifi l un assez grand nombre dedates, qui sont fausses dans les dictionnaires ; mais naturelle-ment je n'ai pas pu connatre toutes les ditions des livresrares, et d'autre part les ditions que j'ai eues entre les mains,et que j'ai prises pour originales, en l'absence d'indications

    contraires, ont pu quelquefois tre prcdes par d'autres,comme elles peuvent aussi n'avoir t que la remise en circu-lation d'une dition antrieure sous une date nouvelle et quel-

    quefois un titre nouveau pour tromper l'acheteur. Il doit doncrester plus d'une erreur dans une quantit si considrable d'in-dications bibliographiques. Je n'ai pas besoin de dire que cettepartie du travail doit beaucoup M. Lachvre, qui elle estddie. J'ai pourtant lu ou feuillet moi-mme presque tousles volumes que je signale : le plus grand nombre se trouvent la Bibliothque de l'Arsenal, beaucoup plus riche que la Bi-Ijliothque Nationale en potes du xvi^ et du xvii sicles.

    Pour le xix^ sicle, on a le Rapport de Mends, qui est suivid un Dictionnaire alphabtique des potes du sicle entier, Avrai dire, ce dictionnaire laisse singulirement dsirer, etl'on se demande quelle part Mends a pu y prendre, en dehorsde Tarticle qui le concerne (1). Par exemple, il n'tait pas pos-

    (1) Musset a cinq colonnes, Lamartine neuf, Mends dix-neuf, presque au-tant que V. Hugo.

  • XM vn i: F A c. E

    sible que Mends ignort Hippolyte Lucas : or Lucas est classparmi les potes qui ont dbut en 1891. cause de la 5 di-tion d'un volume de vers qui remontait 1834 ! Mais surtoutquel manque d'quilibre ! Les annes qui prcdent 1900 nousrvlent jusqu' trente ou quarante potes nouveaux par an,et dans la priode romantique certaines annes en font con-natre peine deux ou trois. Les secrtaires qui ont fait cetravail semblent n'avoir mme pas consult les Souvenirs po-tiques de l'Ecole Romantique de Fournier ; car des cent potesque cite Fournier, plus du tiers manque dans Mends, notam-ment Edouard d'Anglemont, objet pourtant d'une tude sp-ciale d'Eug. Asse, et Beauchesne, l'historien de Louis XYII,et H. de Latouche, l'diteur de Chnier, et les potes ouvriers,

    Lebreton, Poney, Magu, et les femmes-potes, M^* Les-guillon, Menessier-Nodier, Waldor, etc. Or il et fallu doublerau moins le chiffre de Fournier

    ; dans Fournier comme dansMends, on ne trouve ni Belmontet, fort dcri sans doute,mais qu'on ne saurait liminer, car il a jou son rle, ni H. deLa Morvonnais, que le centenaire de Maurice de Gurin vientde remettre un peu en lumire, ni Hortense de Cr-Barb, .queM. Alph. Sch a nglige aussi dans ses Muses franaises, niGabrielle Soumet, ni beaucoup d'autres. Cette insuffisance de-vait m'obliger faire le mme travail pour la priode propre-ment romantique que pour la priode classique. On le trouveradans les Annales Romantiques de mai-juin 1911 (1).

    Quelques lecteurs regretteront peut-tre que notre biblio-graphie ne soit pas alphabtique. Qu'ils se rassurent : la tabledes noms propres est imprime de telle sorte qu'ils y trouverontune bibliographie alphabtique toute faite ou peu prs. Onaura donc les deux, ce qu'on n'aurait pas eu avec une autremthode. De plus, la mthode chronologique m'a permis dejoindre chaque anne quelques notes contenant, le cas chant,l'indication des grandes uvres en prose parues dans le mme

    (1) La plupart des volumes de cette poque se trouvent la BibliothqueNationale, malgr de graves lacunes, notamment pour les potes trangers, parexemple les potes de la Suisse romande, dont je n'ai pu dpouiller plusieursqu'en Suisse.

  • - m: F A CE XVII

    temps, celle aussi de quelques uvres en vers non lyriques, et

    celle des vnements historiques qui ont pu avoir leur chodans les uvres des potes, ou exercer une influence quel-

    conque sur la production potique : ce synchronisme intres-sera sans doute quelques lecteurs. J'ajoute cjue cette bibliogra-phie est faite un point de vue littraire, ce qui m'a permisd'en carter les indications exclusivement bibliographiques,

    cj[ui l'eussent grossie outre mesure.

    La bibliographie des recueils de vers lyriques est proprement

    la seule bibliographie qui convienne au sujet, puisqu'il n'a pasencore t trait. Il tait parfaitement inutile de dresser uneliste des traits de versification, qui tous ont consacr quelquespages sommaires la question des strophes. On trouvera ce-pendant la suite de cette prface la liste des principaux ou-vrages que j'ai pu consulter utilement.

    Si la critique et le public accueillent favorablement cettetude, ce sera le premier volume d'une srie que l'auteursouhaite de pouvoir consacrer l'histoire complte de la versi-fication franaise depuis la Renaissance. Un second volume,concernant la Quantit syllahique, est assez avanc ; maisquand je pense au temps que le premier m'a cot, je me de-mande si, avec d'autres occupations, il me sera possible demener bien une telle entreprise (1).

    (1) Je ne terminerai pas sans remercier l'Imprimerie Bussire, des soinsattentifs qu'elle a donns la composition d'un livre dont certaines partiestaient fort difficiles : elle s'en est tire plus qu'honorablement. Malheu-reusement, les lois de la typographie s'opposent, parat-il, ce que lesgrands vers soient au milieu des lignes ; et comme les vers trs courts ysont toujours, il arrive que dans les strophes htromtriques, les vers trscourts ne sont jamais au milieu des autres. Si quelques lecteurs trouventcette disposition choquante et dsagrable, qu'ils soient bien assurs que jel'ai trouve telle avant eux

    ;qu'ils s'en prennent aux lois sacro-saintes,

    car ces chosesl se font mcaniquement et mathmatiquement , et c'esten vain que j'ai lutt : j'tais trop loin! Il y a encore d'autres perfectionne-ments typographiques que je n'ai pu donner.

  • LISTE DES PRINCIPAUX OUVRAGES CITS

    La vritable bibliographie de ce livre est constitue par les milliers de re-'Cueils qui ont t dpouills pour l'tablir (500 potes de Marot Boileau seu-lement). Leur numration et t inutile : on les trouvera tous la Table4ilphabtique, sans parler de la Bibliographie chronologique. Outre les potes quiont fait des strophes depuis la Renaissance, on a dpouill aussi, pour avoir

    des termes de comparaison, une grande partie du moyen-ge, notamment laplupart des potes qui ont t dits rcemment et quelques autres (voir latable Adam de la Haie, Alexis, Beaumanoir, Bertrand de Born, Bozon, Charlesd'Orlans, Chartier, Chastelain, Christine de Pisan, Coucy, Froissart, GaceBrl, Arnoul Greban, Hlinant, 01. de La Marche, Lescurel, Martial d'Au-vergne, Meschinot, Molinet, les Mystres, Rutebeuf, Thibaut IV, Thomasd'Aquin, etc.), les recueils de Tarb, Bartsch, Brakelmann, Ernest Caupain,Scheler (voir Audefroi le Btard, Bernard de Ventadour, Blondel de Nesie,'Conon de Bthune, Gautier d'Epinal, Hues d'Oisy, Jean de Brienne, O^ deLa Marche, Morisses de Cron, etc.), enfin le Recueil de posies franaises duXV^ et du XVI^ sicles, de Montaiglon, les Chansons duXV^ sicle, de G. Paris,et divers recueils de chansons du XVI^ sicle.On a pens pouvoir aussi faire descomparaisons utiles avec bon nombre de potes trangers, qui ont t galementdpouills (voir la table Arioste, Boccace, Brome, Browning, Carducci,Chaucer, Coleridge, Donne, Dryden, Gay, Gthe, Gray, Keats, Longfellow,Milton, Moore, Parini, Ptrarque, Rossetti, Schiller, Shelley, Spenser, Surrey,Swinburne, Tennyson, Wordsworth, Wyat, Young, ete, et le recueil d'Anconaet Comparetti, Antiche rime volgari, Bologae, 1875).

    Quant aux auteurs proprement dits qui ont plus ou moins parl de la strophe,ls ne sont pas fort nombreux, et a plupart n'en ont pas dit grand'chose. On a-cit particulirement les suivants :

    Banville, Petit trait de posie franaise.Becq de Fouquires, Trait gnral e ^versification franaise.Benot, Prosodia castellana, tome III.

    BoissiRE (Claude de), Art potique, 1555, rimp. plus, fois la suite de celui de Sibilet.

    Chtelain (H.), Recherches sur le vers franais au XV^ sicle,thse.

  • XX LISTE DES PRINCiPAUX OUVRAGES CITES

    CoLLETET (G.), Le Parnasse franais ou l'Ecole des Muses,1664 (1).

    Delaudun d'Aigaliers (P.)^ ^^t potique franais, 1598.Fabri^ Le grand et vrai Art de pleine rhtorique, 1521 (d. Hron).Faguet^ cours de la Sorbonne [Rev. des cours et confrences,

    depuis l'origine).Gramont (F, de), Les Vers franais et leur prosodie.Jeanroy^ Les Origines de la posie lyrique en France au Moyen

    ge.

    Kastner, History of french Versification.Kaufmann (Friedrich), Deutsche Metrik, Marburg, 1897.La Harpe, Cours de littrature (d. de 1822).Lancelot^ Principes de versification franaise ( la suite de

    la Mthode latine de Port-Royal, 2 d., 1650, et dd. sqq.,pendant plus d'un sicle).

    Langlois, Recueil d'Arts de seconde rhtorique.Laumonier, Ronsard pote lyrique, thse.Marmonel, Potique franaise, 1763.

    id. Elments de littrature, (d. Didot, en trois vol.).Maus, Peire CardenaVs Strophenbau, Leipzig.Mnage, Observations sur Malherbe, 1666 (Malherbe, d. de

    1727, 3 vol.).

    MouRGUEs, Trait de la posie franaise, 1684 (nombr. dd.,au moins jusqu'en 1754).

    Peletier, Art potique, 1555.QuiCHERAT, Trait de versification franaise, 2^ d., 1850.RiCHELET, La Versification franaise, 1671 (reproduite avec

    quelques suppressions dans les nombreuses ditions duDictionnaire des rimes, jusqu'en 1751, et mme 1810).

    SibiLET, Art potique franais, 1549 (d. Gohin, 1910).

    Voir encore la table Bonheurs, Buffier, Chlons, Douen, Joannet (abb Cl.)

    ,

    Renouvier, Saint-Marc, Vianey, etc.

    (1) Les premires ditions, depuis 1652, s'appelaient simplement l'Ecole desMuses. Ne pas confondre cet ouvrage avec l'Art potique, du mme CoUetet,recueil factice publi en 1658, et contenant divers traits sur le Sonnet, surl'Epigramme, sur la Posie morale, etc. Ces ouvrages sont l'un et l'autre deGuillaume Colletet, quoique Brunet ait tenu attribuer le premier Franois.

  • LES STROPHES

    INTRODUCTION

    LA GENESE ET L HISTOIRE GENERALE DES STROPHES

    I. Aant Marot.

    Presque toutes les formes de la posie lyrique moderne^ dumoins toutes les dispositions possibles de rimes^ sinon de me-sures, ont t dj ralises par le Moyen ge, soit dans la posiepopulaire, soit dans la posie courtoise ou savante. Et d'abordles plus anciennes posies franaises, antrieures mme auxpopes, sont, comme en Grce, des posies lyriques chantes.Aussi sont-elles crites en couplets qui se rptent. Si la can-tilne de Sainte-Eulalie est en stances de deux vers, d'autres,peu postrieures, sont dj en couplets de quatre, cinq et sixvers, qui assonent, comme assoneront les vers de la laisse dansl'pope, avec ou sans refrains. Plus tard, quand la rime eutsuccd l'assonance, on eut des couplets luonorimes, puis descouplets sur deux rimes, et particulirement les strophes ditescoues, c'est--dire queues, de la forme aahaah, prototypes dusixain classique troisime et sixime vers plus courts. La diff-rence principale entre ces couplets et les strophes modernes,c'est qu'on n'y voit jamais l'alexandrin ; dans la strophe coucparticulirement, les vers sont toujours trs courts (1).

    (1) Voir A. Jeanroy, Origines de la posie lyrique en France au Moyen Age.Que d'ailleurs ces formes de la posie populaire aient leurs prototypes dans laposie populaire latine, cela est assez probable, tout comme le franais n'estque du latin populaire de plus en plus altr : rien ne se cre de rien. Mais outreque ces questions d'origine sont fort obscures, elles ne sont peut-tre pas d'unintrt considrable, au moins pour le sujet particulier de ce livre, pour la rai-son que voici : quand les prototypes latins eussent t autres qu'ils ne furent,

    Martinon. Les strophes. 1

  • IL INTRODUCTION

    Les couplets de plus de six vers se rencontrent d'abord dansla posie courtoise, issue plus ou moins de la posie provenale.Dans les chansons de Gace Brl, par exemple (1), et aussibien dans celles de Thibaut de Champagne (2), ou du Chte-lain de Coucy (3), et de leurs contemporains, les couplets com-mencent presque toujours par un quatrain rimes croises,base essentielle du lyrisme franais, de prfrence au quatrain rimes embrasses, si frc|uent chez les troubadours. A la suitede ce quatrain crois, qui sert de base au couplet, viennentd'autres vers, en nombre variable, rptant les mmes rimes

    ;

    souvent aussi une troisime rime s'y ajoute, ou remplace l'unetdes deux premires. On obtient ainsi, dans des combinaisonsde rimes et de mesures infiniment varies, des couplets de six,

    sept ou huit vers, voire de neuf et dix. Ces formes innombrablesne sont pas toujour,s proprement lyriques, tant s'en faut ; lamusique tait l pour compenser l'insuffisance de la forme.Toutefois, si beaucoup, si la plupart mme de ces combinai-sons de rimes et de mesures, dues simplement au pur hasard,taient assurment sans avenir, ce mme hasard avait faitraliser bien souvent, sans que leurs auteurs en eussent cons-cience, quelques , formes suprieures, celles-l mme que lelyrisme moderne devait adopter dfinitivement, en mme tempsque les strophes plus courtes, comme tant les formes nces-saires du lyrisme.Dans ces conditions, il semble que, pour crer le lyrisme mo-

    .derne il n'y avait ds lors qu' choisir, toutes les formes ou peu prs tant ralises dj. Mais ce choix, personne ne sut lefaire au Moyen ge. Les deux sicles de dcadence, le xiv etle xv^, qui sparent le vrai Moyen ge de la Renaissance, vin-rent encore retarder et rendre plus difficile l'closion du ly-risme moderne. Les danses anciennes, les chansons courtoises,jusque-l libres et personnelles, furent remplaces par desformes fixes, o l'art consistait essentiellement triompher dedifficults accumules plaisir. Ballades, serventois et chants

    notre posie syllabique n'en serait pas moins ce qu'elle est, par la force deschoses, aussi bien dans la forme des strophes que dans celle du vers lui-mme ;quelles que fussent les origines, l'aboutissement et t le mme.

    (1) Publies rcemment par la Socit des Anciens textes (d. Huet, 1902).(2) Voir les publications de Tarb.(3) Ed. Fath (Heidelberg).

  • AVANT MAROT

    royaux, lais, virelais et villanelles, rondeaux, rondels et ronde-lets, sans parler du fatras simple et double, possible et impos-sible, c'est quoi se rduit cette poque toute la posie ly-rique ou prtendue telle. Les ballades surtout ! Un EustacheDeschamps en compose plus de mille ! Un Villon mme^ simoderne parfois par le fond de sa posie, ne fera gure que desballades^ ou des huitains, dans la forme prcisment des cou-plets de ballades. Car la ballade ne se contente pas d'elle-mme : elle fournit leurs formes aux pomes de toute espcede la posie artiste. Nous ne connaissons aujourd'hui que deuxformes de la ballade^ mais il y en a vingt et plus^ et le serven-tois, comme le chant royal, n'en sont que des variantes. Ellecommence presque toujours par un cjuatrain rimes croises,comme la chanson courtoise_, quelquefois par un sixain ; en-suite viennent des combinaisons fixes, qui, partant du qua-train, deviennent de plus en plus complexes ; il y a des coupletsde ballades depuis huit vers, quelquefois sept, jusqu' quinzeet mme dix-huit ; et partir de neuf ou dix, ce sont presquetoujours des dcasyllabes (1). C'est avec ces couplets massifs,presque toujours isomtriques, qu'on crit des pomes de toutedimension, rcits, complaintes, satires, etc., pendant tout leXV sicle et mme un bon tiers du xvi (2). Quant aux formessimples, on doit les chercher presque uniquement cettepoque dans la posie populaire, qui seule les ayait conserves travers les sicles. Or ce sont les formes simples qui sont lesvraies formes lyriques, parce qu'elles ne sont pas convention-nelles. Et c'est ce que les potes ont fini par comprendre,

    (1) Car la longueur des vers ne diminue pas quand leur nombre augmente,comme dans la posie moderne ; au contraire, le principe gnral est quenombre des syllabes gale pour le moins celui des vers. Ainsi les vers de sept ethuit syllabes ne sont admis en principe qu'avec les couplets de sept et huitvers, de neuf parfois, quand le refrain octosyllabe est fminin, car on lui comptealors neuf syllabes, et le couplet de neuf vers maintient la correspondance. Lesouplets plus longs n'admettent gnralement que le dcasyllabe, l'alexandrintant inusit dans cette posie ; mais il y a encore des nuances : les couplets duChant royal qui sont de onze vers, se terminent de prfrence par un refrain rime fminine (onze syllabes), tandis que ceux de la ballade ordinaire de dixvers ont un refrain masculin (dix syllabes).

    (2) On en trouvera de nombreux exemples dans le Recueil de posies fran-aises du XV^ et du XVI^ sicles publi par An. de Montaiglon dans la BibLelzvirienne. Nous en signalerons quelques-uns en leur lieu.

  • INTRODUCTION

    quand vint la Renaissance. C'est donc en dfinitive dans laposie populaire qu'ils allrent chercher les lments du sys-tme strophique moderne^ non sans les ttonnements et leserreurs invitables du dbut (1).

    /'

    Ainsi la premire besogne et le premier mrite des potesde la Renaissance fut^ non pas prcisment d'inventer il n'yavait rien inventer^ ou presque rien^ mais de dgager les-vraies formes lyriques du fatras du Moyen ge expirant^ no-tamment les strophes courtes^ de quatre six vers^ isom-triques ou non_, et de s'affranchir une fois pour toutes de cesternels couplets isomtriques de ballades^ en vers dcasyllabes^qui ressemblaient des strophes peu prs comme les l-phants ressemblent des aigles.

    1 La seconde besogne et le second mrite des potes du-1/ xvi^ sicle fut d'affranchir les formes simples elles-mmes du

    vain cliquetis des rimes^ dans lequel se complaisait le Moyenge son dclin. Pour le Moyen ge_, la posie lyrique est,avant tout, un jeu de rimes. On se contente bien de la rimedouble, ou douhlette, comme on disait, dans les longs pomesd'octosyllabes rimes plates

    ;partout ailleurs il la faut qua-

    druple, pour le moins, surtout dans les derniers sicles. Le qua-train lui-mme n'chappe pas ce ftichisme de la rime qua-druple, non seulement le quatrain monorime en alexandrins,cher Rutebeuf, mais aussi le quatrain sur deux rimes, c{uiest presque toujours enchan : aaah, hhhc, cccd, etc., ou bienahah, bcbc, cdcd, etc. Et quand les quatrains ne sont pas en-chans par sries, on les groupe pour le moins deux deux,,sur trois rimes : ahahhchc, ce qui est exactement le huitain deballade ; avec le refrain, c'est la ballade elle-mme, dans saforme la plus simple.

    Le sixain du Moyen ge est exactement dans le mme cas-que le quatrain. D'abord il est construit non sur trois rimes,mais sur deux, dont une est quadruple : aahaah. Mais cela nesuffit pas. Ou bien les sixains sont enchans, tout comme les,quatrains : aahaah, hhchhc, ccdccd, etc., ce qui fait que chaquerime est sextuple, sauf la premire et la dernire ; ou bien ilssont combins deux deux sur deux rimes, le second l'in-

    (1) Mais, bien entendu, la simplicit n'exclut pas I7/e/'07??e//i>, c'est--direle mlange des vers de longueur diffrente, pourvu que ce mlange lui-mmesoit simple et corresponde celui des rimes.

  • AVANT MAROT 5

    verse du premier : aahaah hhahha, douzain cher encore Rutebeuf_, et qui^ par sa disposition symtrique^ tait aussifatalement un couplet de ballade (1).La rforme consista ici faire de chaque strophe un tout^ en

    lui donnant ses rimes propres^ qui ne seront plus rptes, cequi excluait le refrain, et en construisant le sixain sur troisrimes : aabccb. Plus de rimes quadruples. Il n'y aura mme d-sormais de rimes triples que par ncessit, dans les strophesimpaires, et encore la condition que les trois rimes ne soientpas conscutives (2). La rime est ainsi rduite son rle normal,indispensable, mais dont elle ne doit pas sortir. C'est ce qu'onpeut appeler mettre la rime la raison.

    Cette double besogne une fois accomplie, il ne restait plus, Jpour achever l'uvre, qu' hausser le quatrain et le sixain jus-qu'au lyrisme le plus lev, en y introduisant l'alexandrin, quele quatrain monorime avait seul connu jusque-l, et ce fut letroisime mrite des potes de la Renaissance.

    Et sans doute il faudra encore prs de trois sicles avantqu'il naisse des potes lyriques vritablement suprieurs, etcapables de faire rendre l'instrument tous les sons qu'il con-tenait en puissance ; mais ds cette poque l'instrument taitprt.

    Quel fut le premier ou le principal artisan de cette rnova-tion, qui tait presque une cration ? Disons-le tout de suite :contrairement l'opinion de Sainte-Beuve, devenue l'opiniongnrale, et soutenue encore par tous les critiques, notammentpar M. Laumonier, malgr des restrictions trs apprciables, qui je rends pleine justice, cet artisan principal ne fu^: pasRonsard. Et je ne veux pas dire par l que Ronsard ait eu seu-lement des prcurseurs, de ces gens qui ttonnent et frayentle chemin aux v.itables inventeurs. Non : quand vint Ronsard,l'essentiel tait fait, et Ronsard n'eut qu' le perfectionnerdans la mesure de ses moyens, qui ne furent pas si tendus

    (1) La superstition de l'enchanement des rimes tait telle qu'on le pratiquaitmme au thtre, dans le simple dialogue en octosyllabes rimes plates, o ledernier vers d'une rplique rimait rgulirement avec le premier de la rpliquesuivante : Voir les Mystres ou la Farce de Patelin, ou Gringore, et tous lesautres. C'est exactement le contraire que feront gnralement les classiques.

    (2) Il n'y eut d'exception que pour certains huitains symtriques, aaab cccb,d'origine ancienne, et qui d'ailleurs furent peu employs.

  • 6 INTRODUCTION

    qu'on le croit volontiers depuis Sainte-Beuve. Ronsard restetoujours assurment le reprsentant principal du lyrisme auXVI sicle_, le Prince de l'Ode, comme disait Du Bellay^ autantpar la varit des rythmes que par le nombre des pices,comme par la valeur intrinsque et l'influence de l'uvre ly-

    ,rique. Mais l'initiateur vritable fut Marot^ Clment Marot^

    . auteur fameux et ddaign de ballades et autres pisseries ))^comme disait encore Du Bellay (1).Et Marot lui-mme eut des prcurseurs en cette voie^ com-

    mencer par Jean Lemaire de Belges_, un /?i^^oriueur cependant^mais un Rhtoriqueur d'espce particulire^ qui_, sauf ses d-buts^ laissa aux Molinet et autres Crtin les rimes quioquesou haleles, emprunta aux Italiens les rimes tierces (terzarima), jusqu'alors inconnues en France^ ou peu s'en faut, ets'ingnia chercher les rythmes les plus simples parmi ceuxqu'on employait de son temps (2), Lemaire fut un prcurseur- la fois pour le fond et pour la forme, et la Pliade s'en rendaitbien compte. Il s'est servi, dans les formes du Moyen ge, ilest vrai, du huitain rimes triples (aaahaaah), du sixaindouble (aahaah hhahha), et du septain double (3) : formesd'une simplicit au moins relative, auxquelles il faut joindreun neuvain sur trois rimes, qui est peut-tre de son inven-tion (4). Et puis il faut aussi savoir quelque gr Jean Lemaire '

    d'avoir invent le nom mme de Vode, sinon la chose, du moin&jusqu' preuve du contraire. On sait avec quel orgueil Ronsard,dans les premires ditions de ses Odes, revendiquait la pater-nit et du nom et de la chose, non sans amertume, semble-t-il,

    (1) (: Puis me laisse toutes ces vieilles posies franoises aux Jeux floraux deToulouse et au puy de Rouen : comme rondeaux, ballades, virelais,... et autrestelles psseries... (Dfense, II, 4).

    (2) Crtin lui-mme, et aussi Collerye, avaient dj commenc simplifierles formes, car tout mouvement littraire a dans le pass des racines extrme-ment profondes.

    (3) Ce septain double, aabaaab cchccch, donnera le septain classique, aahcccb.

    (4) C'est ahaah bcbc, d'o drive abaab cdcd, sur quatre rimes. Voir cesformes dans l'dition Stecher (Louvain), t. III, pp. 90, 168 et 187., Voici un sp-cimen du huitain, en dcasyllabes :

    Mettez-vous y trestous, jeunes et vieux,Priez de cur et larmoyez des yeuxPour la meilleur qu'on ait vu sous les cieux,

  • AVANT MAROT

    l'gard de ceux qui la lui contestaient. Pour ce qui, est de lachose^ nous en reparlerons

    ;quant au nom, il est vrai. qu'il

    est le premier c{ui l'ait mis en tte d'une pice de vers lyriques,celle qui fuL insre dans le recueil de Peletier de 1547 ; maisc'est cela que se borne son invention, car le nom est djdans Lemaire, avec le nom saphique tout ct, dans, une piceen rimes tierces (1).

    Aprs Jean Lemaire, nous trouvons encore chez d'autres,comme Jean Marot, le mme souci de rechercher des rythmessimples. Dans La vray disant Avocate des Dames (2), parmi des -rondeaux et des couplets de dcasyllabes de formes complexes,empruntes aux Mystres, on remarque avec surprise une pr-dominance tout fait inattendue du sixain, sur deux rimes sans -doute (aahaah), mais du simple sixain, en vers de cinq, sept,et surtout huit syllabes, ce sixain isomtrique de la Mignonnede Ronsard, qui sera, sur trois rimes, la forme essentielle etcapitale du lyrisme au xvi sicle, et ciue certains potes mmeemploieront presque aussi souvent que toutes les autres formes -runies.

    Depuis qu'Hlne engendra Constantin.Si or la prend le puissant dieu des dieux,Vous nous verrez advenir des maux tieux (teh).Que de clair sang courront aval les rieux (ruisseaux),'Par ce meschef soudain et rpentin.

    (1) La rcite-on d'invention sapphiqueMaint noble dit, cantilnes et odes.

    (uvres, t. III, p. 92).

    Etant donn que La Pliade se rattachait volontiers Jean Lemaire par-dessus Marot, je ne dirai pas en haine, mais en mpris de Marot, Ronsard de-vait avoir lu et relu les pomes de Jean Lemaire, peine quelques milliersde vers. Cela n'est pas douteux, quand mme nous n'aurions pas l'affirmationde Cl. Binet, biographe suspect. On est donc surpris de le voir mettre uneprtention dont la fausset ne pouvait pas chapper tout le monde. Peut-tre tait-il sincre ; mais comment ne s'est-il trouv aucun Sibilet, aucunBarthlmy Aneau, pour divulguer le mensonge ou l'erreur. Cela est d'autantplus surprenant, qu'Aneau lui-mme avait employ le mot, associ au mot'pindarique, dans un ouvrage de 1541 (V. Chamard, Revue d'hist. litt., 1899).D'ailleurs le mot oda n'tait-il pas d'usage courant pour intituler les uvresdes potes latins de cette poque ? Quand Ronsard serait le pTemier avoir"francis oda, il faut avouer que le mrite serait mince.

    (2) Voir le recueil de Montaiglon, X, 225.

  • INTRODUCTION

    II. Marot.

    Ainsi^ au milieu mme des pires excs des Grands Rhtori-queurs et de leurs disciples immdiats^ le got des formessimples se rpand peu peu. On ne sera donc pas surpris dele trouver aussi_, plus marqu encore^ dans les Chansons deMarot^ malgr son got pour la rime quivoque. Mais c'est sur-tout dans l'uvre de ses dernires annes (1534-1543)^ c'estdans ses Psaumes, au nombre de cinquante^ qu'il cre vrita-blement le yrisiue nouveau.

    Ce ne fut pas sans ttonner un peu d'abord^ car rien ne sefait d'un seul coup. Les premiers psaumes contiennent encorequelques formes qui sont du pur Moyen ge, le quintil dupsaume 13, le quatrain enchan du psaume 22, le septain dupsaume 10, auquel on peut joindre celui du psaume 11, inven-tion malheureuse. Je ne parle pas des quatrains et sixains iso-mtriques rimes suivies : on les retrouve encore dans les der-niers psaumes, et aussi bien dans Ronsard, en abondance.

    ;

    c'est l'erreur du sicle entier. Mais ds ces premiers psaumeson voit paratre dj les formes dfinitives du lyrisme classique,notamment le quintil ahaah, des psaumes 4 et 15, si suprieur tous les autres et probablement inusit au temps de Marot :

    Jusques quand, gens inhumaines,Ma gloire abattre tcherez ?Jusques quand emprises vaines,Sans fruit, et d'abusion pleines,Aimerez-vous et chercherez ?

    Sachez, puisqu'il le convient dire,Que Dieu pour son roi gracieuxEntre tous m'a voulu lire

    ;

    Et si lui crie et soupire,Il m'entendra de ses hauts cieux (1).

    Mme quand il emploie le quintil ahhaa, si mdiocrementlyrique, il en corrige l'insuffisance et le rend presque bon, saufla discordance du fond et de la forme, en rduisant le derniervers quatre syllabes, ce qui le transforme en un quatrain em-brass, suivi d'un cho :

    (1) Cf., dans V. Hugo, La Fiance du Timbalier ou la Sultane favorite.

  • MAROT y

    Jamais le fol et tmraireN'ose apparoir devant tes yeux,Car toujours te sont odieuxCeux qui prennent plaisir faire

    Mauvaise affaire.

    Ta fureur perd et extermineFinalement tous les menteurs

    ;

    Quant aux meurtriers et dcepteurs,Celui qui terre et ciel domine

    Les abomine (1).

    Mais c'est surtout partir du psaume 24 (2) que Marot prendune pleine conscience de sa rforme_, et supprime dfinitive-ment les formes surannes des Rhtoriqueurs^ pour les remplacerpar d'autres^ dont il n'y a pas une de mawy^aise, liminationfaite^ si Ton veut^ des rimes suivies. C'est un loge qu'on nepourra pas adresser Ronsard_, car parmi la multitude desessais qu'il a faits^ les mauvais sont plus nombreux que lesbons. Et l'on peut regretter vivement que Marot n'ait pasachev son Psautier : il nous et donn une uvre aussi varieque celle de Ronsard_, et probablement trs suprieure pour lehoix des formes. Voyons donc ce qu'il a su mettre dans lacourte tendue de trente psaumes.

    D'abord il a compris la haute valeur du quatrain crois,abandonn depuis longtemps la posie populaire, et telle-ment ddaign des Rhtoriqueurs, que si, par hasard, on entrouve la mention dans un Art de rhtorique du commencementdu sicle, on ne peut retenir un mouvement de surprise. Sansdoute il a mconnu la valeur lyrique de l'alexandrin, et l'onpeut s'en tonner, puisqu'il avait employ ce vers dans quelquespigrammes ou pitaphes. Il a pourtant une excuse : c'est queses psaumes taient destins tre chants, comme le seront

    |1) Ps. 5 ; cf. le ps. 14, base de dcasyllabes. Marot n'a certainement pastraduit tous ses psaumes dans l'ordre numrique, car le psaume 6 remonte 1533, et les psaumes 18 et 23 n'ont paru qu'en 1542 ; mais il a srement com-menc par les quinze premiers (qui se suivent sans interruption) avec le desseind'aller jusqu'au bout, et tous ceux-l, ainsi que 19 et 22, appartiennent l'di-tion incomplte de 1539. Il est probable qu'il n'a traduit les autres qu'ensuite,mme ceux qui ont paru en 1539.

    (2) Le vingtime de ceux qu'il a traduits.

  • 10 INTRODUCTION

    aussi les odes de Ronsard ; son lyrisme n'tait pas un lyrisme-purement littraire comme le ntre. Or l'alexandrin se prte-videmment moins bien que les vers courts la musique etau chant, et surtout au chant populaire_, qui taient destins

    les psaumes : c'est au moins une circonstance trs attnuante.A dfaut de l'alexandrin, il a fait du moins des quatrains dedcasyllabes, et il y a joint des quatrains en vers de huit, desept et de six (1). Pour nous cela n'a l'air de rien : des quatrains !

    mais cette poque, c'tait une restauration vritable, sinoiLune cration. Et il perfectionna le quatrain populaire, car enmme temps qu'il croisait les rimes, il les alternait gnrale-ment, masculines et fminines, ce qu'il n'avait pas fait dans sesautres uvres (2 . Mme quand il emploie les rimes suivies, illui arrive d'en corriger l'insuffisance par le procd que nousvenons de signaler dans un quintil, et qu'il emprunte la posiepopulaire ; le dernier vers, rduit quatre syllabes, n'est plus

    qu'un cho de l'avant-dernier :

    Qui s'tudie user de fallaceEn ma maison point ne trouvera place

    ;

    De moi n'aura mensonger ni baveurBien ni faveur.

    Ains du pays chasserai de bonne heureTous les mchants, tant qu'un seul n'y demeure,Pour du Seigneur nettoyer la cit

    D'iniquit (3).

    (1) Pss. 25, 51, 107, 110, 118, 128, 130.

    (2) Ceci tait d en partie la ncessit d'avoir des strophes identiques, pour-la mlodie. Si les rimes taient de mme sexe dans la premire strophe, ellesrestaient telles jusqu'au bout (on avait dj vu cela dans le 3 psaume pnit.de Gringore, paru en 1525) ; si elles taient alternes, ce qui tait l'ordinaire,elles l'taient de mme jusqu'au bout, et dans le mme ordre. Toutefois il sepouvait que la mlodie ft faite pour deux strophes, quand c'taient des qua-trains ; en ce cas, Marot ne s'astreignait les faire identiques que deux deux,,et les strophes paires pouvaient tre d'une autre espce que les impaires. C'estainsi que la Pliade elle-mme l'entendra pendant longtemps ; si bien quel'alternance rigoureuse des rimes fut pratique en fait dans les rimes plates,avant de l'tre dans les strophes. L'alternance des rimes dans la posie chanten'tait d'ailleurs pas chose nouvelle, puisque les exigences de la mlodie y con-duisaient naturellement. Voir sur ce point Langlois, Recueil d'Arts de seconderhtorique, pp. lxxvii sqq.

    (3) Ps. 101. Ce rythme pourrait bien driver du quatrain des rhtoriqueurs-

  • MAROT 11;

    On verra plus loin le parti que Ronsard a su tirer de ce pro-cd.

    En mme temps^ Marot inaugure^ dans les psaumes 72 et 91^le quatrain crois la fois de rimes et de mesures^ dont les clas-siques et les modernes sauront tirer un si merveilleux parti : ,

    Tes jugements, Dieu vritable,Baille au Roi pour rgner,

    Veuille ta justice quitableAu fils du Roi donner.

    Il tiendra ton peuple en justice,Chassant iniquit.

    A tes pauvres sera propice.Leur gardant quit.

    Les peuples verront aux montagnesLa paix crotre et mourir,

    Et par coteaux et par campagnesLa justice fleurir.

    Les successeurs de Marot trouveront videmment^ surtoutavec Talexandrin^ des combinaisons suprieures celle queMarot a r^alise^ je n'ose dire invente ; mais celle mme deMarot_, Ronsard l'a utilise dans son ode A la fort de Gastine^plusieurs fois imite par Banville ; et toutes les autres driventde celle de Marot. Je tiens bien prciser ds prsent monopinion sur ce point^ car elle a une porte gnrale. De la formede Marot (association des vers de 8 et 6) drivent directement^au xvi^ sicle^ les associations des vers de 10 et 6_, puis de 12et 6^ et d'autre part de 8 et 4

    ;puis, par extension, au xvii^,

    de 12 et 8, au xix, de 12 et 4 ou de 12 et 3. Il y a encore beau-coup d'autres associations de mesures, qu'il est inutile d'nu-mrer ici, et qui ont t ralises surtout au xix sicle. Il vasans dire que la ralisation de ces formes secondaires, aprsles principales, tait la porte de tout le monde, et je ne sau-

    que Marot lui-mme avait employ antrieurement, dans les Chants divers, etencore au ps. 22 ; mais la caractristique de ce quatrain tait la rime qua-druple : aaah, bbbc, etc. ; aussi est-il compltement transform dans ce psaumeo le quatrime vers sert d'cho au troisime, au lieu d'amorcer la strophe sui-vante. Et surtout il n'y a plus d'enjambement.

  • 12 INTRODUCTION

    rais y voir qu'un mrite fort mince ; je ne saurais surtout meservir propos d'elles du mot invention . Mais mme pourles autres^ y a-t-il lieu de le faire ? Sans doute il y a un certainintrt savoir que ceux qui ont ralis les premiers les asso-ciations principales et essentielles, 12 et G, 12 et 8, 8 et 4, s'ap-

    pellent Ronsard, Desportes ou Robert Garnier ; mais celamme est d'un intrt en somme assez secondaire, d'abordparce qu'il est assez rare cju'on soit absolument certain d'avoirtrouv le premier exemple d'une forme de strophe, d'autrepart et surtout parce qu' dfaut de ces potes, d'autres au-raient aussi bien ralis ces formes, qui s'imposaient, aprscelle de Marot, dont elles ne sont que des variantes. D'inven-tion proprement dite, j'estime qu'il n'y en a pas beaucoup nonplus dans ces combinaisons. Sans doute le mrite de ceux quiralisent les premiers des variantes aussi importantes n'est pasabsolument ngligeable, surtout quand il s'est pass longtempssans que personne songet les raliser, mais ce mrite restetoujours infrieur celui de l'initiateur, qui, dans le cas parti-culier, est Marot : c'est l le point essentiel que je tiens bienmettre en relief, une fois pour toutes.

    J'ai dit tout l'heure un mot du quintil. A la forme essen-tielle ahaah, il faut joindre ici la forme aahah, du psaume 143,qui est la meilleure aprs l'autre.

    O Seigneur Dieu, mon esprance,Donne-moi pleine dlivranceDe mes poursuivants ennemis.Puisque chez toi pour assuranceJe me suis refuge mis.

    Enseigne-moi comme il faut fairePour bien ta volont parfaire,Car tu es mon vrai Dieu entier

    ;

    Fais que ton esprit dbonnaireMe guide et mne au droit sentier.

    Mais c'est le sixain classique surtout qui fleurit dans lestrente derniers Psaumes ; non plus le sixain mdival sur deuxrimes, aahaah, mais uniquement le sixain dfinitif sur troisrimes, qu'on pourrait presque considrer comme une crationde Marot, tellement il est rare avant lui.

    Ce sont d'abord les sixains isomtriques : celui de dcasyllabes

  • MAROT 13

    naturellement^ selon le got du, temps, celui d'octosyllabes,que Ronsard emploiera cinquante fois Mignonne, allons oirsi la rose , et mme celui d'hexasyllabes ; il ne restera plus raliser Ronsard que les sixains en vers de douze ou sept,ce qui, on l'avouera, ne prsentait pas de grandes difficults (1).

    Ensuite Marot a fait pour le sixain ce qu'il avait fait pour lequatrain ; il a crois les mesures en mme temps que les rimes,et ressuscit, en la perfectionnant, la vieille strophe coue duMoyen ge populaire, la forme peut-tre la plus parfaitementlyrique que Ton puisse trouver dans toutes les littratures,celle qui se compose de deux tercets symtriques, dont le troi-sime vers est plus court que les deux autres. Il donna ainsid'abord, dans le psaume 36, le sixain d'octosyllabes clausulesde six, que je dsignerai commodment par la formule 8.8,6 :le Moyen ge pouvait en fournir des exemples, au moins surdeux rimes. Aprs quoi il largit le sixain en remplaant l'octo-syllabe par le dcasyllabe, suivant la formule 10.10.6, et ceci

    tait probablement nouveau :

    Bouche elles ont, sans parler ni mouvoir ;Elles ont yeux, et ne sauraient rien voir ;

    C'est une chose morte.

    Oreilles ont, et ne sauraient our ;Elles ont nez, et ne sauraient jouir

    L'odeur douce ni forte (2).

    On voit quelle ampleur prend dj ce sixain. Ronsard nefera que le perfectionner en y mettant l'alexandrin, nglig

    par Marot. Plus tard, au sixain 12.12.6, d Ronsard, se join-dra le sixain 12.12.8, si cher V. Hugo, et dont la ralisationne semble pas remonter au-del de Godeau. Quant au sixain8.8.4, il tait connu depuis longtemps sur deux rimes, en atten-

    (1) Voir les Pss. 103 et 113, et le Cantique de Simon. Cf. les Pss. 3, 6 et 19, le-dernier en rimes masculines, procd qu'imitera encore Ronsard, l ou ailleurs.

    (2) Pss. 114-115, en strophes fminines, comme le psaume 36. A ce pro-pos' je dois dire que je ne saurais non plus considrer comme une invention

    le fait de remplacer une strophe fminine par une strophe masculine,ou inver-

    sement : cela tait videmment la porte de tout le monde. Et si entre deuxstrophes de mme type, l'une masculine, l'autre fminine, il y a une diffrencerelle, cette diffrence tait sans importance cette poque, et notamment

    pour Ronsard ; cela rsulte de ses propres aveux, aussi bien que de sa pratique.

  • 14 INTRODUCTION

    dant que Robert Garnier le construist sur trois. Ce sont l lestrois sixains symtriques essentiels _,inais il y en a une infinitd'autres ; or tous^ quels qu'ils soient^ tous ont pour origine et

    pour point de dpart les deux combinaisons retrouves ouinventes par Marot.

    C'est encore au Moyen ge que Marot emprunta le sixainfameux dont chaque tercet enferme un vers de trois syllabesentre deux de sept^ 7.3.7 (1) ; c'est le rythme bien connu del'Airil de Belleau, et de Sarah la Baigneuse, peu convenabled'ailleurs un psaume :

    Or tout ce que je dsire,Trs cher Sire,

    Tu le vois clair et ouvert :Le soupir de ma pense

    TransperceNe t'est cach ne couvert (2).

    Je ne sais si ce rythme mritait bien la fortune extraordi-naire qu'il a faite (car son succs dure encore)^ et je pensequ'on en a fort abus, tant au xvi^ sicle que de nos jours

    ;

    toujours est-il qu'il tait fort nglig au temps de Marot,quoique les rhtoriqueurs en eussent fait le rythme du lay, etqu'il y eut un certain mrite le restaurer (3).

    (1) C'est surtout avec des formes comme celle-ci qu'apparatra clairement,

    j'espre, l'avantage des formules employes dans ce livre. Qu'on se rappelleun instant les dfinitions si compliques, et en mme temps si peu logiques,que l'on trouve partout d'une forme qui esten ralit si claire et si simple,quand on considre seulement l'hmistrophe, 7.3.7.

    (2) Ps. 38. Dans son dition de Ronsard, qu'il publia en mme temps que sonSeizime sicle, et qui est encore en librairie,Sainte-Beuve attribuait ce rythme son pote. Il attribuait d'ailleurs Ronsard la paternit de plusieurs formesqui ne sont pas davantage de Marot, mais qui sont dans Marot. A-t-il donccrit son livre sur le Seizime sicle avant d'avoir lu Marot ? Pour ce qui estdu sixain 7.3.7, il s'est rtract depuis, averti par d'autres, mais on n'a riencorrig dans son dition de Ronsard. Et sur la foi de Sainte-Beuve, on continue prendre Ronsard pour un inventeur incomparable.

    (3) On voit s'il est douteux qu'un tel rythme convint des psaumes, etl'appropriation de la forme au fond est assurment fort contestable chezMarot: nous venons de le voir, p. 9. Elle le sera aussi chez Ronsard, commel'a montr M. Laumonier. Mais il s'agit ici uniquement de la forme, et cepoint de vue le mrite de Marot reste entier. N'oublions pas d'ailleurs queces psaumes taient destins au chant populaire.

  • MAROT 15

    Je ne citerai que pour mmoire le sixain 8.4.4, du }3S. 138^combinaison d'ordre secondaire^ mais amusante et ingnieuse^qui se retrouve dans une chanson de Musset^ et d'o drivedirectement celle de Barherine, du mme Musset :

    Beau chevalier, qui partez pour la guerre,Qu'allez-vous faireSi loin d'ici'?

    De mme le sixain du psaume 43^ d'une forme moins heu-"reuse avec sa rime finale double^ mais qu'on peut prendre pourun quintil rgulier d'octosyllabes, ahaah, accompagn d'unsixime vers plus court, faisant l'cho du cinquime.

    Reste le sixain du psaume 37 ; mais celui-l, fort peu degens se sont aviss que c'taient tout simplement les rimestierces de Jean Lemaire, dont les tercets taient accoupls envue de la mlodie. A la vrit, ce rythmie, avec ses strophesenchanes, appartient au plus pur Moyen ge, et nullement ausystme nouveau de strophes indpendantes, instaur parMarot ; aussi est-il d'un lyrisme fort contestable ; mais laPliade l'accepta, au moins en partie, et il eut la chance, auxix^ sicle, d'tre adopt par deux grands potes, Gautier etLeconte de Lisle (en des pomes qui, d'ailleurs, ne sont paslyriques), ce qui fait qu'aujourd'hui encore les potes l'appli-quent tout. On ne saurait donc le reprocher Marot. Sonemploi, ainsi que celui des sixains prcdents, montre simple-ment quelle varit Marot a su raliser dans un espace aussicourt, sans jamais commettre les erreurs de choix qu'on re-lve en si grand nombre dans Ronsard.

    Est-ce tout ? Pas encore. Si nous ne trouvons ici ni septains,

    ni huitains, ni neuvains, on reconnatra que ce ne sont pas lles strophes essentielles du lyrisme. Mieux encore : nous loue-rons Marot de son abstention en ce qui concerne le huitain. Ilet pu tre tent d'introduire dans ses Psaumes le huitainballadique rime quadruple, qui lui tait si familier : Ron-sard le mettra bien dans ses Odes ! Mais Marot, outre qu'il neveut plus de la rime quadruple, a fort bien compris que cehuitain n'tait pas lyrique du tout. H et pu tout au moinsfaire des huitains en joignant deux quatrains : Ronsard estplein de ces huitains-l. Mais Marot a compris sans doute aussique deux quatrains juxtaposs font toujours deux quatrains.

  • 16 INTRODUCTION

    tant donn que la csure serait toujours aprs le quatrimevers, ne ft-ce que pour la mlodie. Aussi les quatrains sont-ilstoujours spars chez lui. Et cjuand deux quatrains successifsdiffrent, il les alterne simplement, sans les joindre. Il a doncencore montr sur la question du huitain un sens des formeslyriques bien plus sr que n'a fait Ronsard.

    Il ne reste plus que le dizain, la troisime forme essentielledu lyrisme franais, faite de la runion des deux autres, qua-train et sixain. Eh bien ! il y a des dizains dans les Psaumesde Marot, comme dans Ronsard, non pas des dizains balla-diques (il y en a deux dans Ronsard !) mais seulement des di-zains de la forme classique. Ils ne sont d'ailleurs pas de l'inven-tion de Marot. On avait ralis avant lui les formes qu'ontrouve chez lui, o le sixain est en vers de cinq ou six syllabes, la suite d'un quatrain de mesure plus longue. Cette htro-mtrie n'est pas parfaite assurment ; elle montre que la sou-dure entre les lments n'est pas encore acheve ; mais c'est ledizain. Ronsard, venu aprs Marot, fera comme lui d'abord, etmieux que lui, ensuite ; mais Ronsard aussi fera des essais,sans arriver trouver la forme dfinitive, et surtout sans re-connatre la puissance lyrique du dizain. En somme, ici en-core, Marot est l'initiateur. Qu'on en juge :

    II aime d'amour souveraineQue droit rgne et justice ait lieu

    ;

    Quand tout est dit, la terre est pleineDe la grande bont de Dieu.

    Dieu par sa paroleForma chacun pleEt ciel prcieux

    ;

    Du vent de sa boucheFit ce qui attoucheEt orne les cieux.

    Il a les grands eaux amassesEn la mer comme en un vaisseau,Aux abmes les a mussesComme un trsor en un monceau.

    Que la terre touteCe grand Dieu redoute.Qui fit tout de rien

    ;

    Qu'il n'y ait personneQui ne s'en tonneAu val terrien.

  • MAROT 17

    Le rythme est parfait^ avec double csure^ ainsi qu'il conve-nait pour la musique. Et en vrit Ronsard a-t-il fait beaucoupmieux que cela ? (1)On voit que les Psaumes de Marot contiennent l'essentiel,

    tout l'essentiel de la lyrique moderne. Qu'y a-t-il de propre-ment invent dans la trentaine de combinaisons rythmiquesqu'on y trouve ? Pas grand chose assurment au sens rigou-reux du mot invention, d'autant plus que Marot crivit peut-tre quelques-uns de ses psaumes pour les faire chanter surdes airs dj connus. Ce qui est de Marot, c'est l'ensemble sys-tmatique, c'est le choix des formes, c'est le sens naissant etdj presque parfait du lyriSme, l'affranchissement des formeslyriques, l'orientation vers des directions nouvelles qui serontdfinitives. Sans doute cette orientation nouvelle tait fatale :on la voyait venir. Mais le chemin a t brusquement largi, etl'on peut dire que toute la rforme lyrique du :x.y\^ sicle estl, en puissance, et mme en ralit. Ce n'est donc pas Ronsardqui l'a faite, puisque Marot l'avait faite avant lui.Au surplus, je ne saurais mieux faire que de citer ici quel-

    ques pages toutes rcentes, dont l'auteur me pardonnera, sij'en fais usage un peu mon gr. J'y fais des coupures, mais jene retranche que des dtails d'importance secondaire.

    Deux grands principes nous semblent l'avoir guid dans sarythmique : celui de la libert et par suite de la varit dansl'art, celui de la rgvdarit, et par suite de l'unit dans l'art (2).

    Il s'agissait d'abord pour lui de briser les entraves d'uneversification tyranniqvie, de rendre la pense et au sentimentleur libert d'allure..., et en mme temps d'viter la monotonieen variant les sons la rime dans le systme strophique toutentier et dans chaque strophe prise part... Il rejeta donc...:

    l*' Les rimes quivoques, couronnes, annexes, fratrises...et autres inventions puriles, qui sacrifiaient la pense et lesentiment un vain cliquetis de mots, de syllabes ou de lettres...

    (1) C'est le ps. 33 ; cf., au ps. 79, un quatrain de dcasyllabes,- suivi d'unsixain d'hexasyllabes. C'est bien tort que M. Laumonier veut dcomposer cesdizains en strophes distinctes. Si les lments n'en sont pas aussi bien soudsque dans le dizain isomtrique de Malherbe, ils sont dj insj^arables, commeils l'taient dj dans les exemples antrieurs Marot.

    (2) Ces deux principes ne sont pas contradictoires , mme en apparence :^'est simplement ce qu'on appelle en esthtique l'unit dans la i^arit.

    Martinon. Les Strophes, 2

  • 18 INTRODUCTION

    2^ Les systmes strophiques forme fixe^ c'est--dire ayantlin nombre dtermin d'avance de strophes^ galement dter-mines d'avance dans tous leurs lments.

    3^ Non seulement les anciennes strophes monorimes, maiscelles qui prsentaient ses yeux un trop petit nombre derimes eu gard leur longueur_, les sixains qui n'taient cons-

    truits que sur deux rimes, les dizains qui n'taient construitsque sur deux ou trois rimes,.., et aussi les systmes dont lesstrophes taient enchanes par le 4^ vers (1)... : l'unit quedonne l'ode entire cet enchanement des strophes par unerime ne compensait pas ses yeux la monotonie ou la raideurqui peut en rsulter ; et surtout cet enchanement ne laissaitpas la strophe assez d'indpendance rythmique...

    Par contre il prconisa... la plus grande libert dans la

    structure de la strophe initiale, qui devait servir de patron aux

    autres. Elle pouvait tre courtre ou longue, en petits vers et en

    grands vers, isomtrique ou htromtrique, en rimes suivies,embrasses ou croises (2). Mme libert quant au genre desrimes, qui pouvait tre unique ou double, la volont dupote ; toutefois le souci de la varit, et par suite du plaisir del'oreille, l'emporta ici : il prfra de beaucoup la strophe pr-sentant les deux genres de rimes... ;)

    Voil pour le premier point, la varit. Voici pour le second,l'unit : c'est toujours le mme critique qui parle.

    S'il tait ncessaire de librer le sentiment et la pense, de

    leur donner de l'espace et de l'air, de les sortir des geles o ils-touffaient et se mouraient, cela n'tait pas suffisant.. Il fallait

    que cette libert ne dgnrt pas en licence et et des limitesraisonnables, pour viter qu' un mal n'en succdt un pire,l'anarchie la tyrannie. Il fallait organiser...; il fallait trouver

    une rgle qui sauvegardt et assurt l'unit strophique. Non seulement la strophe ne devait pas tre trop longue ;

    non seulement les vers de la strophe ne devaient tre ni trop

    courts ni trop longs (trois syllabes pleines lui parurent un mi-

    nimum, et encore la condition que les vers de trois, de quatre,

    (1) aab, bbc, ccd, etc., aaab, bbbc, cccd, etc. Marot fit exception une fois pourles rimes tierces, aba, bcb, cdc, mais il rejeta abab, bcbc, etc., tout aussi bienque le huitain balladique, et d'autres formes enchanes qu'on trouve encore-dans Ronsard.

    (2) Ici c'tait peut-tre un peu trop de libert : je parle des rimes suwies^

  • MAROT ta

    de cinq syllabes fussent accompagns de vers plus longs); non

    seulement la strophe devait tre nettement perue par l'oreille;

    mais encore et surtout, toutes les strophes d'un mme systmedevaient tre construites sur le patron de la strophe initiale...A l'unit strophique de son, trs monotone et gnante, taitsubstitue l'unit strophique de rythme, et cette unit derythme tait intgrale, car toutes les strophes d'un mme sys-tme taient exactement superposables (1).

    Qui donc parle si bien ? Et comment puis-je me plaindre-qu'on ait mconnu le rle de Marot ? Hlas ! Celui qui parleainsi, c'est M. Laumonier, et naturellement c'est de Ronsardqu'il parle, et c'est la conclusion mme de son livre au point devue de la forme. Mais dans tout ce que j'ai cit, et je n'ai rienretranch d'essentiel, il n'y a pas un mot, je dis pas un, qui nes'applique exactement et rigoureusement aux trente derniersPsaumes de Marot. Puis-je mieux prouver l'importance uniquede ce mince recueil ? Certes on peut encore numrer complai-samment les formes qui sont dans Ronsard et qui ne sont pas,identiquement, dans Marot. Qu'on en trouve plus de cent (2),j'y consens, l'uvre lyrique de Ronsard tant fort considrable

    ;

    mais que ce soient des intentions, j'ai dit ce qu'il en fallaitpenser. Et la preuve, c'est qu'un critique qualifi, ayant tudi fond les formes lyriques de Ronsard, et voulant rsumerl'uvre dfinitivement en quelques pages, le fait ncessaire-ment en des termes qui caractrisent dfinitivement celle deMarot, et plus exactement encore que celle de Ronsard.

    Pour conclure, j'oserai dire qu'on n'exagrera jamais, qu'on /ne peut' pas exagrer le rle de Marot au point de vue desformes lyriques. Si l'on admet qu'il y ait l'poque de la Re- !naissance un pote qui, en cette matire, mrite vritablementle nom de crateur, ce pote, c'est Marot. Les rvolutions sontrares en littrature, tant toujours prpares de longue mainpar des prcurseurs nombreux ; mais les Psaumes de Marotsont une vritable rvolution dans le lyrisme. Entre les dernierspsaumes de Marot et l'uvre des Rhtoriqueurs, il y a presqueun abme : entre ces mmes psaumes et l'uvre lyrique de

    (1) Sauf que les strophes courtes pouvaient tre superposables par groupes

    de deux, les strophes paires n'tant pas ncessairement identiques aux strophesimpaires.

    (1) En tenant compte desmoindres diffrences de rimes.

  • 20 INTRODUCTION

    Ronsard^ il n'y a mme pas un foss. Encore une fois_, je j^arlede la forme, dont je m'occupe uniquement (1).

    Ainsi Marot, avant de mourir, a prpar ses successeursl'instrument dfinitif du lyrisme moderne. C'tait un instru-ment fait de pices anciennes, mais les pices seulement taientanciennes, l'agencement ne l'tait pas : l'instrument tait tout

    neuf, et il sert encore. D'autres sauront en tirer de plus beauxsons^ mais ce sera toujours le mme instrument ; ils ajouterontpeut-tre quelques cordes la harpe, mais ce sera toujours lamme harpe.

    III. Entre Marot et Ronsard.

    Plus d'un lecteur s'tonnera sans doute que le mince recueildes Psaumes de Marot ait pu jouer un rle si considrable. Est-ce donc une uvre si importante ? Qui lit aujourd'hui lesPsaumes de Marot ? On connat de Marot quelques ptres,quelques chansons, quelques pigrammes, et c'est tout, etc'est l-dessus seulement qu'on le juge. Mais ce n'est pas l'opi-

    (1) M. Laumonier a d'ailleurs montr qu'au point de vue du fond, Ron-sard, pote lyrique, malgr ses prtentions ambitieuses, n'avait gure faitque continuer Marot, non pas le Marot des Psaumes, mais celui des Chansons.Quant au Marot des Psaumes, mme pour le fond, c'est encore, nous le verrons,le prcuiseur de toute notre cole lyrique classique, qui, en dehors de la posieerotique, n'a gure connu et pratiqu que la traduction ou la paraphrase desPsaumes et des Livres Saints, et cela depuis Desportes et Malherbe jusqu'Corneille et Racine, jusqu' Rousseau et Lefranc de Pompignan

    ;que l'on

    songe qu'un La Fontaine s'est cru en devoir de traduire au moins un psaumeou deux en vers lyriques, et que Piron lui-mme a traduit les sept Psaumes dela Pnitence ! On trouvera dans O. Douen, Cl. Marot et le Psautier huguenot(I, 265), une liste de plus de deux cents potes (et il en manque beaucoup), quiont traduit ou paraphras des psaumes. Les traducteurs des Psaumes de laPnitence notamment sont innombrables, et aussi ceux du ps. 136 (Super flu-mina Babylonis, ps. 137 chez les protestants), et il y a bien une trentaine detraductions compltes, sans compter celles qui n'ont pas t imprimes.J'ajoute que le xvii sicle met en strophes non seulement les Psaum.es et leslivres de la Bible, mais toute espce de prires ou de formules pieuses : le Pateret \'Ave, le Credo et les Litanies, tout y passe, et en des formes de strophes bieninattendues : les notes fourniront sur ce point des renseignements curieux etbizarres.

  • ENTRE MAROT ET RONSARD 21

    nion d'aujourd'hui qu'il favit considrer : c'est celle des con-temporains. Or_, avant mme que les Psaumes de Marot fussentimprims_, ds 1539, ils taient dj chants la cour, trsoccupe, comme on sait, des choses de religion, et trs partageentre catholiques et rformateurs

    ;quelques-uns de ces psaumes

    furent mme imprims Strasbourg ds 1539. Les trente pre-miers parurent Paris en 1541 (1542, nouveau style), le resteen 1543 ; de 1539 1550, on n'en a pas compt moins de vingt-sept ditions (1). Voil des faits caractristiques. Et comme cesPsaumes taient chants^ la mlodie contribuait autant que lesparoles la diffusion du nouveau systme lyrique dans les ui^resprofanes. Les disciples les plus dociles des Rhtoriqueurs intro-duisent eux-mmes dans leurs uvres les rythmes nouveauxou renouvels, et beaucoup de potes ne connaissent plus queceux-l. C'est le succs immdiat et gnral (2). Et ainsi cen'est pas seulement Marot que Ronsard aura pour modle : cesont tous les potes qui crivirent entre Marot et lui, notam-ment tous ceux qui faisaient cercle et gravitaient autour deMarguerite de Navarre.

    Ds avant la publication des derniers Psaumes de Marot, en1542, Corrozet publiait ses cent premires fables (3), et s'ing-niait y mettre une extrme varit, mlangeant toutes lesformes connues, anciennes ou nouvelles, avec quelques formesnon encore employes. Pour soixante-dix fables qui ne sont pascrites en rimes suivies, il a bien employ une soixantaine deformes diffrentes : c'est dire qu'il ne se rpte presque jamais,et cela relve un peu leur platitude. Il emploie mme les rimes

    (1) O. DouEN, op. cit., I, 447 sqq., et II, 504 sqq., (bibliographie qui com-porte plus de sept cents numros). Les psaumes de Marot ont t pendant dessicles comme une seconde Bible pour les protestants. On les chanta en France,avec ceux de Bze, jusqu' la rvocation de l'Edit de Nantes, ainsi que leprouvent les nombreux rajeunissements dont ils ont t l'objet, notammentceux de Conrart et (^ G. Gilbert. Que dis-je ? on les chante encore ! Et l'ori-gine les catholiques les chantaient aussi, malgr l'interdiction de la Sorbonne.

    (2) Sans doute les successeurs de Marot n'ont pas fait tout de suite la distinc-tion entre sa dernire uvre et les autres, entre les formes nouvelles et les an-

    ciennes : les unes et les autres ont coexist quelque temps, et nous retrouveronsles anciennes chez Ronsard et du Bellay, comme chez les autres ; elles n'ontpas tard pourtant disparatre, sauf une ou deux.

    (3) Rimp. en 1882 dans le Cabinet du bibliophile (avec celles de 1583, quisont moins intressantes).

  • J22 INTRODUCTION

    tierces (1). Sans doute^ ces formes rappellent en majorit cellesdes Rhtoriqueurs^ et comme il ne les destinait pas au chant^ les

    rimes n'y sont presque jamais alternes. Pourtant^ on y trouve

  • ENTRE MAROT ET RONSARD 23

    Car s'il atteintVotre teint

    Il en teindra la grce.

    Mesdames fraches,Les flches

    D'Apollon ne vous nuiront :De celles

    D'amour cruellesJe ne sais qu'elles feront.

    Sus, allons,

    Si nous voulons,

    Tandis que la fracheur dure.Le plaisant lieu !

    H mon Dieu 1Qu'il fait bon voir ta verdure !

    Toute la plaineEst pleine

    D'hommes et femmes marchant;

    A dextreEt senestre

    Oyez des oiseaux les chants (1).

    Cette jolie pice fut fort clbre cette poque_, et c'est

    cause d'elle que Guillaume des Autels^ au moment mme oijparatront les Odes de Ronsard_, revendiquera pour son compa-

    triote des Priers la paternit de l'Ode, au moins de l'ode pro-fane. Et Des Autels reproduira le rythme au complet dans sespropres uvres.

    Enfin^ on trouve encore dans le recueil de Des Priers un

    ixain de forme mdiocrement lyrique^ abab ce, mais qui estassez joli en vers trs courts_, et qui eut chez Ronsard et soncole un succs remarquable^ surtout dans la mme mesure queDes Priers^ en vers de six syllabes. C'est dans cette mesure que

    Ronsard a crit une pice fameuse Cassandre :

    (1) On reconnat facilement dans le premier sixain une modification du typeancien 3.3.7, que nous venons de citer. Le second des deux vers courts d'abord,et ensuite le premier, est port de 3 4, ce qui donne 3.4.7 4.3.7 ; dans le deu-

    xime sixain, les deux vers courts sont remplacs successivement par 4.2 et2.4, ce qui fait 4.2.7 2.4.7. Ce dernier sixain, qui ne vaut pas le premier, se

    retrouve ailleurs, dans le mme recueil (p. 75).

  • 24 INTRODUCTION'

    La lune est coutumireRenatre tous les mois (1).

    I/anne suivante_, 1545^ paraissent les Rymes de Pernette duGuillet^ potesse lyonnaise. Ses formes n'ont rien de nouveau,mais elle fut peut-tre la premire mettre l'alexandrin dansune strophe (2).A la mme poque, 1544-45, Jean Martin traduisait en prose

    mle de vers VArcadie de Sannazar et les Azolains de Bembo,et fournissait de nouveaux modles Ronsard, peut-tre biencelui du sixain d'alexandrins (3).

    C'est encore la mme poque que parat, en ditions succes-sivement augmentes, la Dploration de Vnus sur la mort du belAdonis. Ce recueil emprunte son titre la premire pice, quiest une chanson de Saint-Gelais, ainsi que la plupart des autres.L encoreRonsard trouvera glaner d'abord (4). Mais il y lais-sera le quintil 8.8.4.8.4, que V. Hugo rinventera plus tard (5).

    Il est vrai que l'cole de Ronsard commena par professer un

    (1) Des Priers, p. 87 ; Ronsard, II, 5. Nous allons retrouver ce rythmedans les Chansons de Saint-Gelais, qui circulaient la mme poque ; c'estprobablement un rythme populaire, quoique on lui prte une origine italienne.

    (2) Un quintil, d'ailleurs bien mauvais, aabbb (f 31). Elle a mis le sixainabab ce en heptasyllabes (fos 19, 23, 28).

    (3) Dans des quatorzains composs de deux sixains rguliers (mais sans al-ternances de rimes), suivis d'un distique. On voit que si Ronsard n'a pas in-vent le nouveau systme lyrique, il n'a mme pas le mrite d'avoir introduitle premier l'alexandrin dans la strophe .Plusieurs l'ont prcd : d'abord Per-nette du Guillet et J. Martin, puis Peletier, Marguerite de Navarre, Pontus deTyard, et peut-tre d'autres. On pourrait croire qu'il lui reste au moins l'avan-tage d'avoir le premier employ ce vers en longues sries de rimes plates, dansses Hymnes, qui sont de 1555. Il n'en est rien. Dj on a soutenu que le Potecourtisan de du Bellay tait antrieur aux Hymnes ; mais la question est oi-seuse pour l'objet de cette note : il y a plus de deux cents alexandrins dans lesAzolains de Jean Martin. Il est vrai qu'ils sont plus ou moins croiss ; mais ilreste encore les cinq ou six cents alexandrins en rimes plates de Vlphigne deSibilet, dont nous parlerons plus loin, sans compter ceux de Tahureau.

    (4) Assez mal propos d'ailleurs : il s'agit d'une pice retranche (II, 386).(5) Dans une Chanson des Chtiments (VII, 3) :

    Qu'es-tu, passant ? Le bois est sombre.Les corbeaux volent en grand nombre.

    Il va pleuvoir. Je suis celui qui va dans l'ombre,

    Le Chasseur Noir !

  • ENTRE MAROT ET RONSARD 25

    grand mpris pour les chansons de Saint-Gelais. Une pice deRonsard ayant t insre^ comme nous l'avons dit^ dans le re-cueil de Peletier de 1547_, sous le nom d'Ode, remis ainsi en cir-culation pour la premire fois^ Sibilet^ dans son Art potique,paru l'anne suivante^ avait dsign les chansons de Saint-Ge-lais sous ce mme nom 'Odes, et cit en entier comme exempleune chanson fameuse chante partout cette poque : O com-bien est heureuse. Mais Ronsard et du Bellay ne l'entendirent pasde cette oreille-l. Il faut voir, dans la Dfense (11,4), le beau d-dain avec lequel du Bellay parle des chansons de Saint-Gelais,Laissez la i>erde couleur, Amour ai^ecques Psych, combien estheureuse, (t et autres tels ouvrages (1). L'ode, d'aprs du Bellay,n'est pas la chanson. Elle chante les louanges des dieux et deshommes vertueux, le discours fatal des choses mondaines, lasollicitude des jeunes hommes, comme Vamour, les ins libres (!),et toute bonne chre (2). Mais alors, quelle diffrence si norme ya-t-il donc? Aneau, dans le Quintil (1550), qui est une rplique la Dfense, Guillaume des Autels, dans la Rplique Meigret(mme anne), refuseront d'en voir aucune, et nous avons ditque Des Autels, sans mconnatre la supriorit de Ronsard, re-vendiquait la paternit de l'ode pour Des Priers. C'est qu'eneffet la limite est bien difficile