Les Stages d Observation en Milieu Scolaire - Quelles Opportunites Pour Le Developpement Des...
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Les stages dobservation en milieu scolaire :
quelles opportunits pour le dveloppement des tudiants PE1 ?
Pauline Delpoux et Philippe Veyrunes
GPE-CREFI-T
Universit de Toulouse, UT2,
Toulouse, France
Cette contribution vise analyser lactivit dtudiants lors dun stage dit
dobservation en classe, dans le cadre de la prparation au Concours de Recrutement des
Professeurs des Ecoles (CRPE), au cours de lanne de PE1 1 lIUFM. Ces stages
dobservation sont appels se dvelopper avec la rforme dite de la masterisation de la
formation des enseignants2 : les tudiants des masters Mtiers de lenseignement et de la
formation devraient en effectuer au moins deux au cours des deux annes de master. Ils vont
donc concerner les trs nombreux tudiants inscrits dans ces masters.
La question de lobservation a donn lieu de nombreux travaux en sciences humaines
et sociales en tant que mthode de recherche (e.g. Van der Maren, 1996). Cependant, parmi les
rares auteurs avoir abord la question de lobservation en formation des enseignants, Postic
(1977) prconisait llaboration de grilles dobservation applicables la formation des
enseignants partir de recherches consistant en lobservation denseignants et de situations de
classe. Il considrait que lobservation objective de situations denseignement, notamment
dans le cadre de la formation initiale des enseignants, devait permettre aux chercheurs dtablir
un diagnostic pouvant aboutir la modification des comportements de lenseignant. Ce
diagnostic devait permettre de porter une apprciation [] sur les comportements des
professeurs en cours dapprentissage, pour quils se situent rgulirement, dirigent leur effort
dans le but dvoluer et pour quils valuent les progrs accomplis (Postic, 1977, p.231).
Concernant plus spcifiquement lobservation par les lves-enseignants pendant les stages,
Postic et de Ketele (1988) faisaient le constat que celle-ci tait le plus souvent sans vise
1 PE1 : Professeur des coles 1re anne. Terme employ pour dsigner les tudiants prparant le Concours de Recrutement des Professeurs des coles (CRPE), dans le cadre de lIUFM. Ce terme dsigne aussi lanne de formation elle-mme. 2 Ce texte a t rdig alors que la rforme dite de la masterisation de la formation des enseignants tait fortement conteste dans le monde universitaire, et que lon ignorait encore sa forme dfinitive.
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prcise et rarement encadre. leurs yeux, lobservation objective des comportements des
enseignants et lves, de leurs interactions et du contexte devait aider la dcision et laction.
(Bandura, 1976) a dvelopp une conception de lapprentissage par observation-modlisation
ou modelage : lobservation dun modle permet de prlever des informations importantes
pour lexcution de laction. Dans la thorie de l'apprentissage social, le modelage dtermine
l'apprentissage, principalement grce sa fonction d'information. Durant l'exposition, les
observateurs acquirent surtout des reprsentations symboliques des activits modles qui
servent de guide pour le comportement correct. Ces informations sont ensuite codes et
mmorises, constituant un modle interne qui guidera la performance de lobservateur. Pour
Bandura, ces apprentissages par exprience directe surviennent le plus souvent sur une base
vicariante, cest--dire en observant le comportement des autres et les consquences qui en
rsultent pour eux. L'apprentissage vicariant ne dispense pas de l'exprience directe, mais il
permet de la faciliter et incite s'y investir si les consquences observes sont positives.
Lchec d'un observateur reproduire le comportement d'un modle peut rsulter d'un manque
d'observation des activits pertinentes du modle, d'une mmorisation insuffisante de ce qui a
t appris, ou encore d'un manque danticipation des bnfices attendus.
La question du rle ou de lintrt de lobservation en formation na t aborde ni par
les auteurs qui tentent un panorama des situations dobservation (Peneff, 2009), ni en tant
quobjet de recherche dans des contextes de formation. Elle constitue cependant un dispositif
trs utilis dans la formation des enseignants : de trs nombreux tudiants ou enseignants
stagiaires sont envoys dans les classes denseignants expriments des fins dobservation.
On postule que ces stages vont leur tre utiles dans leur prparation au concours et/ou au
mtier. Or la recherche semble ignorer ce quil se passe rellement dans cette activit
dobservation, lors des interactions enseignant-stagiaire et des divers travaux que ces derniers
conduisent en classe. Notre tude prend pour objet lobservation et la considre en tant
quactivit, cherchant mettre en vidence sa dynamique propre. Deux tudiantes de PE1 ont
t suivies lors dun stage dobservation, effectu dans une cole lmentaire (12 classes) en
rgion parisienne, dans une classe de CE1, conduite par une enseignante exprimente (15 ans
danciennet) qui recevait occasionnellement des stagiaires.
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Cadre pour lanalyse de lactivit dobservation
Notre tude adopte des bases pistmologique, thorique et mthodologique qui
accordent un primat, sans exclusivit, au point de vue des acteurs. Trois prsupposs
essentiels fondent la description et lanalyse de lactivit dobservation : 1) lactivit est
couple lenvironnement dans lequel elle se droule et ne peut tre tudie indpendamment
de la situation ; 2) lactivit est accompagne chez lacteur, de conscience prrflexive
comme conscience immdiate, effet de surface de notre rapport au monde, qui permet
daccder partiellement la dynamique du couplage de lacteur avec son environnement ; 3)
lactivit est intrinsquement cognitive et toute action participe de lactualisation,
construction ou transformation de connaissances. Cet apprentissage est situ (Lave, 1988 ;
Rogoff, 1990) et les connaissances sont spcifiques des contextes ou des communauts de
pratiques (Lave et Wenger, 1991) ; apprendre consiste donc tre engag dans un
environnement particulier et stabiliser des types dinteraction avec cet environnement.
Cette tude adopte le programme dit du cours daction (Theureau, 2004, 2006). Le
cours daction peut tre dfini comme tant lactivit dun acteur, significative pour lui,
cest--dire montrable, racontable et commentable par lui, moyennant des conditions
favorables (Theureau, 2004, p.48). La notion de signe hexadique, adapt partir de la
smiologie de Peirce, permet de reconstituer la signification construite par les acteurs dans
leur action. Les composantes du signe permettent de dcrire et danalyser lactivit
dobservation. Parmi celles-ci, lEngagement (E) dpend de la dynamique de la situation
jusqu linstant t. Il indique lorientation gnrale de laction, partir de laquelle, en fonction
de la situation, se dgagent les proccupations de lacteur. Le Representamen (R) correspond
ce qui, un instant donn, est significatif pour lacteur. Il relve dun processus dattribution
de signification aux lments perus, rappels ou interprts. Le Rfrentiel (sR) est construit
en fonction de lEngagement et du Representamen. Il se rapporte la culture de lacteur, un
ensemble de situations rencontres par lui. Enfin, lInterprtant (I) traduit la dimension
cognitive de lactivit : cest la dynamique cognitive qui accompagne chaque instant toute
Unit du cours daction. Elle se traduit par des transformations des connaissances, sous la
forme dactualisation, de construction ou de modification (qui peut se traduire par la
consolidation ou la diminution de sa validit). Il y a consolidation de la validit dune
connaissance lorsque, dans laction en cours, la rgle construite antrieurement est vrifie et
diminution dans le cas inverse. Lactualisation correspond au fait de rendre prsente une
connaissance du rfrentiel.
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Cette contribution sappuie sur lanalyse de lactivit dobservation dune stagiaire
(Stphanie) lors dune sance de lecture en CE1. La sance a dur 45 minutes. Elle a t
filme laide de deux camras, lune dirige vers la classe et lenseignante, lautre vers les
stagiaires assises au fond de la classe. Stphanie a ensuite t confronte aux images vido au
cours dun entretien dautoconfrontation, lui-mme film. La chercheure lui demandait de
montrer, raconter et commenter son activit. Le questionnement accompagnait le droulement
chronologique des enregistrements et lincitait dcrire ce quelle faisait, pensait, ressentait et
prenait en compte dans la situation. Lobjectif de ce type dentretien est daccder au niveau
prrflexif de la conscience de lacteur, c'est--dire ce qui est significatif pour lui dans son
activit. Un pisode de 20 minutes a t choisi dun commun accord entre la chercheure et la
stagiaire. Une partie de cet pisode est analyse ici. Lintgralit des verbalisations de
lenseignante et des lves en classe ainsi que les commentaires enregistrs lors des entretiens
dautoconfrontation ont t retranscrits verbatim. Ces donnes ont t mises en vis--vis
laide dun protocole deux volets comprenant dune part une description des comportements
de la stagiaire et les verbalisations en classe des lves et de lenseignante et dautre part les
commentaires en autoconfrontation. partir de ces donnes, les diffrentes composantes du
signe ont t documentes (Tableau 1).
Signe 3 Engagement (E) : Comprendre la manire dont lenseignante utilise les tableaux. Representamen (R) : Lenseignante recopie au tableau ce qui est crit sur la photocopie des lves. Engagement (eR) : Comprendre pourquoi lenseignante recopie les questions au tableau alors
quelles sont crites sur la photocopie. Actualit potentielle (aR) :
Attentes lies la comprhension des raisons pour lesquelles lenseignante recopie les questions au tableau.
Rfrentiel (sR) : La consigne crite de lexercice doit permettre aux lves de comprendre ce quil faut faire.
Unit lmentaire (U) : Se demande pourquoi lenseignante recopie les questions au tableau alors que les lves les ont sur la photocopie.
Interprtant (I) : Construction du type : Recopier les questions au tableau permet daider les lves rpondre.
Construction du type : Le travail collectif oral avec lenseignant prpare le travail individuel lcrit.
Tableau 1 : Extrait de la construction locale du cours daction de Stphanie.
Rsultats
La sance observe portait sur la lecture dun passage dun album jeunesse3. Les lves
ont lu tour de rle le passage dont il allait tre question, dans lequel tait dcrite une recette
de cuisine. partir de cette lecture, lenseignante a demand aux lves de dfinir les
3 Cabrol, E. & Richard, L. (2000). Comment cuisiner un cochon. Toulouse : Milan.
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ingrdients et ustensiles de la recette et les a nots au tableau. Lpisode analys porte sur la
suite de la sance : lenseignante a distribu une photocopie sur laquelle figuraient des
questions relatives au passage lu. Le travail a commenc loral avec toute la classe, puis sest
poursuivi en autonomie lcrit. Les rsultats mettent en vidence les proccupations de
Stphanie, les lments significatifs pour elle dans la situation observe, ainsi que
lactualisation et/ou la construction de connaissances au cours de lobservation. Ces
composantes sont prsentes partir des cinq proccupations principales identifies.
Comprendre les ractions des lves lors du lancement de lexercice.
Lagitation des lves pendant que lenseignante distribuait la photocopie (R 1) tait
significative pour Stphanie. En rfrence ses souvenirs dlve, elle considrait que les
lves doivent rester assis pendant la classe (sR 1). Aussi a-t-elle t tonne de lattitude des
lves qui se dplaaient frquemment : la validit de cette connaissance a t diminue.
Cependant, lorsque la distribution a t termine, Stphanie a remarqu, sur lenregistrement
vido de la sance, que les lves taient concentrs sur le travail quils avaient faire (R 4).
Elle a consolid la validit des connaissances suivantes : a) lorsque les lves ont un travail
faire, ils sont plus concentrs et b) lorsque lenseignante a nonc la consigne, les lves
savent ce quils ont faire (I 4). Par ailleurs, les questions poses aux lves propos de
lexercice faire taient significatives pour Stphanie (R 94). propos des ractions des
lves, elle a construit la connaissance : il est difficile danticiper les rponses des lves sans
avoir assist aux sances prcdentes. Elle a aussi constat que les lves reprenaient une de
leurs camarades qui stait trompe (R 13) et a alors construit des connaissances relatives la
manire dont les lves interagissaient dans cette classe : a) quand un lve se trompe les
autres lves le reprennent et b) les lves de cette classe ne sont pas mchants entre eux (I
13). Enfin, observant les ractions des lves face au travail qui leur tait demand, Stphanie
a constat que certains lves taient plus motivs que dautres par lexercice (R 19). Elle
consolidait la validit des connaissances : a) devant un mme exercice, les lves peuvent
avoir des attitudes diffrentes et b) tous les lves ne sont pas intresss de la mme manire
par toutes les disciplines (I 19). Elle construisait une nouvelle connaissance : les lves
4 (R 9) correspond au Representamen du Signe 9, indiqu titre dexemple ; (I) correspond lInterprtant et (sR) au Rfrentiel.
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adoptent diffrentes stratgies devant lexercice faire, certains sont trs appliqus, dautres
font le minimum (I 19).
Tps Comportements Verbalisations en classe Entretien dautoconfrontation de
Stphanie 21
Enseignante : Alors, je vais vous donner la feuille, on va lire les questions ensemble, puis on va voir Ce quil faut se dire. Brouhaha Lenseignante distribue la photocopie Elve : Matresse, a fait longtemps quon la pas fait a Brouhaha Enseignante : Euh Tout le monde a sa feuille ?
Chercheur : Tu te souviens l ce que tu tais en train de faire ? Stphanie : Ben Je regardais, l, ce moment-l les lves Parce quelle distribue les copies donc, euh Les lves taient assez dissips Ils bougeaient un peu partout Ce qui ma tonne, [] Donc, cest vrai que pendant quelle distribuait ils taient assez mouvements, les petits Et cest a qui ma un peu interpelle ce moment-l.
Tableau 2 : Extrait du protocole deux volets (Min. 21).
Comprendre la manire dont lenseignante lance et mne lexercice.
Ayant le souvenir des enseignements reus lIUFM sur la faon de donner des
consignes (R 2), Stphanie cherchait vrifier leur conformit avec les pratiques de
lenseignante observe. Elle a consolid la validit des connaissances : a) noncer les
consignes oralement permet de recadrer les lves avant de travailler et b) permet aux lves
de savoir ce quil y a faire (sR 2). Stphanie constatait par ailleurs que lenseignante faisait
rappeler aux lves ce quils avaient fait lors de la sance prcdente (R 8). La validit de la
connaissance il est difficile de comprendre un exercice sans avoir vu les sances prcdentes
(I 8) tait consolide. Constatant que lexercice tait fait oralement, puis lcrit (R 12),
Stphanie consolidait la validit de la connaissance en CE1, il est utile de faire les exercices
collectivement loral puis individuellement lcrit (I 12). Dautre part, pendant lexercice
de lecture, lenseignante faisait des rappels de connaissances relatives la grammaire et la
conjugaison (R 14), ce qui a permis Stphanie de consolider la validit de la connaissance :
un exercice de lecture peut tre loccasion de rappeler des connaissances lies dautres
disciplines (I 14). Enfin, constatant que lenseignante faisait chercher aux lves
lorthographe de certains mots dans le texte (R 17), elle consolidait la validit de la
connaissance : le texte de lecture et lexercice peuvent aider les lves orthographier
correctement leurs rponses crites (I 17). Et construisait de nouvelles connaissances : a) il
est important de prciser aux lves quils doivent orthographier correctement leurs rponses
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et b) vrifier lorthographe de leurs rponses en recherchant les mots est un exercice utile
pour progresser en orthographe (I 17).
Comprendre la manire dont lenseignante utilise les tableaux.
Stphanie pensait que la consigne crite devait permettre aux lves de comprendre
ce quil faut faire (sR 3). Or lorsquelle a vu que lenseignante recopiait au tableau ce qui
tait crit sur la photocopie des lves (R 3), la validit de cette connaissance a t diminue.
Mais dautres ont t construites : a) recopier les questions au tableau permet de montrer aux
lves comment rpondre ; b) le travail collectif oral avec lenseignante prpare le travail
individuel lcrit (I 3) et c) crire les phrases au tableau permet aux lves de comprendre
les mots utiles pour faire lexercice (I 5). Dautre part, sur lenregistrement vido de la
sance, Stphanie a constat que les dplacements de lenseignante dun tableau lautre
semblaient coordonns avec les questions quelle posait (R 10). Elle a consolid la validit de
connaissances telles que : lenseignante peut se servir des deux tableaux en fonction de ce
quelle a montrer aux lves (sR 10). Elle a aussi construit la connaissance : les lments
diffrents crits sur chaque tableau peuvent donner des indices aux lves pour rpondre aux
questions (I 10). Enfin, Stphanie constatait que lenseignante navait crit que le dbut de la
rponse au tableau (R 11). Ce qui lui a permis de consolider la validit des connaissances : a)
crire le dbut de la rponse au tableau permet daider les lves poursuivre en
autonomie ; b) lenseignante peut ncrire que le dbut de la rponse au tableau et c) le
travail collectif au tableau avec lenseignante prpare le travail individuel lcrit (sR 11).
Comprendre la manire dont lenseignante exerce son autorit.
La demande adresse par lenseignante un lve inattentif de se remettre au travail
(R 6) et le fait quelle fasse participer cet lve (R 15) taient significatifs pour Stphanie.
Elle considrait que lenseignante doit veiller maintenir les lves au travail (sR 6 et 15).
La situation a permis de consolider la validit de cette connaissance. Elle en a aussi construit
de nouvelles : a) en faisant participer un lve inattentif, lenseignante peut le recadrer dans
lactivit (I 6 et 15). Enfin, constatant que lenseignante rprimandait un lve qui avait
commenc lexercice sans permission (R 16), Stphanie consolidait la validit des
connaissances : a) lorsquun lve ne respecte pas la consigne, il faut le rprimander, b)
lenseignante doit faire respecter les consignes et c) la sanction doit tre proportionnelle la
faute de llve (sR 16).
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Comprendre la manire dont lenseignante interroge les lves.
Stphanie a t surprise que lenseignante sollicite une lve en difficult, plutt
quune lve qui levait la main (R 7). Elle a consolid la validit des connaissances : a)
lorsquun lve en difficult essaie de participer, lenseignante doit le soutenir et b)
lenseignante choisit les lves quelle interroge en fonction de leurs difficults. La situation
lui a aussi permis de construire la nouvelle connaissance : lenseignante est plus attentive ce
que dit un lve en difficult. La validit de la connaissance lenseignante interroge les lves
qui lvent la main (sR 7) a par contre t diminue.
Discussion
Lors de lobservation de la classe par Stphanie, des lments de lactivit de
lenseignante et des lves taient significatifs pour elle ; cette observation tait galement
loccasion dapprentissages. La discussion propose a) de caractriser lactivit dobservation
comme une activit exploratoire, b) de questionner les liens entre les apprentissages construits
durant lobservation et la conduite de la classe et c) de mettre en avant le dveloppement
de lactivit lors de lentretien dautoconfrontation.
Des apprentissages au cours de lobservation
Sve et Leblanc (2003) se sont intresss lapprentissage dans les contextes du sport
de haut niveau et de linteraction avec des systmes multimdia. Ils ont repr des phases
dobservation et daction. Ils ont caractris lengagement de lacteur comme tant de type
exploratoire lorsque ses proccupations sont relatives la comprhension de la situation, quil
fait preuve dune intense activit interprtative, et quil agit de faon consolider ou
construire de nouvelles connaissances. Bandura (1976) a dcrit lapprentissage comme un
phnomne social dans lequel, selon les contextes, l'observation d'autrui peut jouer un rle
important, lorsque par exemple, lobservateur se fait une ide sur la faon dont les nouveaux
comportements sont produits. Les individus sont capables d'apprendre ce qu'il faut faire
partir d'exemples vus, au moins de faon approximative avant de produire le comportement.
Dans notre tude, lengagement de la stagiaire peut tre qualifi dexploratoire : beaucoup de
ses proccupations sont relatives la comprhension de la situation. Pour cela elle mobilisait
des connaissances acquises en formation ou tires de son exprience dlve et en construisait
de nouvelles. Selon Sve et Leblanc, lactivit exploratoire saccompagne de la construction
de nouvelles connaissances, partir dun nombre limit dobservations (Leblanc, Saury, Sve,
Theureau & Durand, 2001) qui ont une validit dans la situation prsente. Par exemple,
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partir dune seule occurrence de ce comportement, Stphanie semblait construire la
connaissance lenseignante est plus attentive ce que dit un lve en difficult . Par
ailleurs, Sve et Leblanc (2003) considrent que dans une activit de type exploratoire, les
acteurs sappuient sur la familiarit des situations rencontres. Cette familiarit tait lie, pour
Stphanie, ses souvenirs dcolire et aux connaissances acquises en formation. En
observant la manire dont lenseignante donnait la consigne aux lves, Stphanie a pu
consolider la validit de connaissances acquises en formation. Elle a galement t surprise
que les lves puissent se dplacer librement en classe : elle avait en effet le souvenir de sa
scolarit au cours de laquelle ce ntait pas autoris. La validit de cette connaissance a donc
t diminue. Les phases exploratoires sont aussi loccasion de construire de nouvelles
connaissances relatives la situation prsente. Ces connaissances ont un caractre
hypothtique car elles sont construites sur la base dun nombre limit dobservations.
Lanalyse de son cours daction montre que Stphanie avait peu de connaissances propos
des relations entre les lves et de leur attitude face au travail. Lengagement de Stphanie
permet alors de dire quelle tait dans une situation dapprentissage dans le sens o apprendre
consiste capitaliser des expriences singulires (Sve & Leblanc, 2003).
Au fil de lanalyse, lactivit de Stphanie sapparente une enqute, dont lissue
serait la comprhension de ce que font lenseignante et les lves. Selon Dewey (1938/1993),
toute enqute trouve son origine dans une situation indtermine : lenqute dbute par le
constat fait par lacteur que la situation exige une enqute. Il cherche alors comprendre la
situation. La recherche dindices est coordonne dans le temps, dans une logique denqute
pragmatique. Le raisonnement procde de manire itrative par slection et construction
dune cohrence des ides de solution et des faits observables. La proccupation de Stphanie
de comprendre lusage des tableaux par lenseignante illustre cette notion. Elle a dabord t
surprise que lenseignante recopie au tableau ce qui tait crit sur la photocopie des lves.
Elle considrait que la consigne crite sur la photocopie devait suffire aux lves pour raliser
lexercice. Mais elle a constat ensuite que cette aide de lenseignante permettait aux lves
de comprendre comment rpondre aux questions : les mots utiles pour faire lexercice taient
mis en avant. Elle constatait aussi que lenseignante pouvait se servir des deux tableaux en
fonction de ce quelle avait montrer aux lves : les lments diffrents crits sur chaque
tableau pouvaient donner des indices aux lves pour rpondre aux questions. Enfin,
remarquant que lenseignante crivait le dbut des rponses au tableau, Stphanie considrait
que cela permettait daider les lves poursuivre en autonomie, mais aussi que lenseignante
navait pas crire la rponse en entier, que ctait aux lves de poursuivre seuls. Ces
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lments allaient dans le sens dune consolidation progressive de la validit des connaissances
construites durant lobservation. Cette enqute lui a permis de comprendre dune manire plus
gnrale comment le travail collectif au tableau prparait le travail individuel crit.
Des liens problmatiques avec la conduite de la classe
Les approches psycho-sociale (Bandura, 1976) et situe (Sve & Leblanc, 2003) qui
ont trait des liens entre observation et apprentissage se rejoignent pour considrer que
lactivit dobservation peut dboucher sur des apprentissages lorsquelle est suivie par une
action qui en constitue la vise. Selon ces auteurs, il ne peut donc y avoir rellement
apprentissage par observation que dans la mesure o celle-ci est finalise par une action
raliser. Or, les stages dobservation lcole se distinguent des stages de pratique
accompagne par le fait quils sont en principe exclusivement consacrs lobservation et que
les stagiaires ne prennent pas la classe en charge5. Cette question de la mobilisation dans
laction des connaissances construites lors de lobservation, est pose partir de la notion
dactivit exploratoire : selon Sve et Leblanc (2003) toute activit exploratoire est suivie
dune phase excutoire qui saccompagne de la modification de la validit de connaissances
construites lors de la phase exploratoire. De plus, selon Dewey, lenqute sachve lorsque
lide de solution est dtermine, quelle est effectivement mise en uvre. Lanalyse conduite
ici montre que Stphanie trouve des solutions aux enqutes successives quelle mne comme
le montre lexemple de lusage du tableau, mais elle ne peut mettre en uvre les solutions
quelle apporte aux questions quelle se pose. Il sagirait donc ici dune enqute visant
linterprtation de laction observe et non laction future. De mme, dans une perspective de
formation, comme le signalaient dj Postic et De Ketele (1988), on observe surtout pour
prparer sa propre action ou la rguler (p. 253). La description des faits ne suffit pas : il
faut en connatre le sens. Ces auteurs considraient que le stagiaire devait dvelopper en lui la
capacit dobserver, danalyser les situations, puis entreprendre un travail sur lui-mme en
fonction de la singularit de celles-ci. Dans la mesure o lactivit est limite lobservation,
bien que lanalyse montre que des apprentissages sont effectivement raliss, la question de
leur utilisation dans la conduite de la classe reste entire. On peut alors se demander : dans
quel but de formation observe-t-on ? Quels dispositifs permettraient aux stagiaires de
construire des apprentissages en vue de laction lors de ces stages ?
5 Cet objectif unique dobservation est en ralit souvent transgress par les stagiaires et par les enseignants qui les accueillent. En dpit des consignes de se limiter lobservation, les stagiaires effectuent frquemment dans ce contexte leurs premires expriences de prise en main de la classe.
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Le dveloppement de lactivit lors de lentretien dautoconfrontation
La mthode utilise suscite une nouvelle activit dobservation lors de lentretien en
autoconfrontation, qui permet un dveloppement de lactivit (Clot, 1999). La stagiaire a t
confronte lenregistrement vido de la sance quelle venait dobserver, et le visionnement
de cet pisode la conduite raliser une deuxime observation, et/ou complter la premire.
Cette deuxime observation est diffrente de la premire car stimule par la situation
dentretien et les questions de la chercheure qui conduisent la stagiaire une attention plus
importante, des focalisations plus prcises. Mais elle est en mme temps similaire cette
premire observation car consistant toujours observer la classe. Cette nouvelle observation
est mdie par lartefact que constitue lenregistrement vido de la sance observe. Lors de
cette tape, certains lments sont devenus significatifs, alors quils ne ltaient pas lors de
lobservation en classe. Lartefact permettait darrter le dfilement de lenregistrement, de
revenir en arrire, de se focaliser sur des lments non observs directement. La stagiaire
prcisait par exemple : a je ne lavais pas vu en fait. Parce que Quand tu regardes un
lve prcisment, tu regardes son comportement [], tu ne vois pas forcment ce que la prof
fait ce moment-l [] alors que a peut tre intressant. Elle a constat que lors dune
observation en classe, il tait difficile dobserver lattitude de lenseignante et des lves en
mme temps. Elle prcisait au cours de lentretien : cest dur davoir les yeux partout et
trouvait intressant de faire une deuxime observation grce la vido. Cet intrt sest en
outre traduit par la demande dune copie des enregistrements, afin de visionner nouveau les
sances observes pour rdiger son rapport de stage ou encore prparer les preuves orales du
CRPE. Ces constats permettent de se demander si on rend compte, dans la recherche
prsente ici, de lactivit qui sest effectivement droule en classe ou bien dune activit
diffrente de lobservation naturelle , en situation de stage ? Ils ouvrent aussi des pistes
pour la rflexion propos du rle des artefacts mdiateurs de lobservation qui pourraient la
rendre plus efficace dans des contextes de formation.
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Rfrences
Bandura, A. (1976). Lapprentissage social. Bruxelles : Mardaga.
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