Les sportifs hésitent généralement à l’avouer pour ne pas ...

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SPORT&VIE n o 133 14 Les sportifs hésitent généralement à l’avouer pour ne pas alimenter les préjugés selon lesquels ils forment une belle bande de masochistes. Mais le fait est que la plupart d’entre eux adorent les douleurs musculaires au lendemain d’un gros effort. Et vous savez quoi? Ils ont bien raison! SEV133_14_Inflammation_Mise en page 1 03/07/12 15:55 Page14

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Les sportifs hésitent

généralement à l’avouer pour ne

pas alimenter les préjugés selon

lesquels ils forment une belle bande

de masochistes. Mais le fait est que

la plupart d’entre eux adorent les douleurs

musculaires au lendemain d’un gros effort.

Et vous savez quoi? Ils ont bien raison!

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maginez une voiture dont les pneus,les pistons et les bielles se régénére-raient d’eux mêmes aussitôt lemoteur éteint. Ce serait beau, non?Chaque matin, on retrouverait sonvéhicule pratiquement remis à neuf.

Eh bien, figurez-vous que c’est à peu près cequi se passe au sein de notre organisme.Chaque jour, les muscles se renouvellent àraison de +/- 280 grammes de protéines, cequi, compte tenu de la teneur en eau destissus, correspond à la fabrication d’environun kilo de bidoche. Ce «turnover» incessantpermet aux muscles de guérirdes microlésions encourueslors des efforts. Pour cela, ontrouve autour des muscles ungrand nombre de «cellulessatellites» dans un état de stasecryogénique, ce qui signifiequ’elles se reposent en atten-dant leur heure. Lorsque lebesoin se fera sentir, elless’ébroueront et migreront ausein des cellules musculairespour venir en aide à leursconsœurs amochées. Surplace, elles entreront en phase

Ide prolifération par divisions successives.Les cellules filles fusionneront avec descellules musculaires saines, ce qui entraîneraà la longue un grossissement du muscle(hypertrophie) ou alors elles se contenterontde remplacer les cellules endommagées.C’est ainsi que se reconstruit tout unsystème musculaire dès lors que l’on coupele contact ou plus exactement que l’onquitte les baskets après une séance d’exer-cices. A force de répéter les efforts et deremplacer les anciennes cellules par lesnouvelles, ne risque-t-on pas de tomber à

court de satellites? Cette crainte habitait denombreux physiologistes. On se posaitnotamment la question pour les culturistesqui poussent le renouvellement musculaireau rang d’art de vivre. Mais on vient dedécouvrir que l’entraînement ne se contentepas de favoriser la régénération musculaire.Il permet aussi d’augmenter le nombre decellules satellites comme si des planètestoujours plus nombreuses gravitaientautour de leur étoile. Voilà pour unedescription sidérale de la situation. Du pointde vue biochimique à présent, retenez quece renouvellement débute avec l’activationd’un système enzymatique (celui descalpaïnes) responsable du désassemblagedes myofibrilles. Cela réveille la grosseBertha (le système ubiquitine-protéasome)et les tontons flingueurs (le système auto-phagique-lysosomal) qui entrent en scèneavec une puissance de dégradation à nulleautre pareille. En d’autres termes, le musclese bouffe lui-même, ou plus exactement, ilse régénère lui-même! On récupère ainsi lescomposants d’une foultitude de protéinescytosoliques et d’organelles comme lesmitochondries pour en extraire les acidesaminés qui serviront ensuite de briques dansle processus de reconstruction des nouvellesprotéines mieux adaptées aux contraintes.Traduit en langage familier: on a mal auxguibolles. Mais c’est le signe qu’on prend dumuscle. Et du bon!

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Vive lescourbatures!

PHYSIOLOGIE

La pliométrie a gagnétous les sports à sa cause.

Démonstration parAlastair Cook, capitaine de

l’équipe d’Angleterre de cricket.

Depuis 12 ans, le triple sauteursuédois Christian Olsson réussit

l’exploit d’enchaîner les saisons dansune des disciplines les plus

traumatisantes de l’athlétisme.Pour tenir, il faut se renouveler !

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Allumez le feu!On l’a compris, les courbatures ne sont pasnéfastes à la progression de l’athlète. Aucontraire! Beaucoup de programmes d’en-traînement sont d’ailleurs conçus dans lebut de déclencher leur survenue. Pour cela,il existe différents moyens. Le plus évidentconsiste à incorporer des exercices de typeexcentrique: courir en descente parexemple ou réaliser des séances dites depliométrie qui consistent à sauter de diffé-rentes hauteurs et rebondir sur le sol avecforce. Les fibres les plus fragiles sont alorsendommagées sous l’effet de la doublecontrainte (étirement et contraction) etlibèrent de ce fait un tas de substances pro-inflammatoires qui mettent le feu auxmuscles. Autre possibilité: on prolongel’effort au-delà des durées habituelles. Tôtou tard, le muscle se trouve confronté à unproblème d’approvisionnement énergé-tique. Il n’a alors d’autre choix que dedégrader les protéines de sa propre struc-ture pour les utiliser comme carburant. Encas de casse musculaire ou d’épuisement

des réserves énergétiques, les muscles libè-rent une substance bien connue des spécia-listes des maladies inflammatoires: l’inter-leukine 6 (ou IL-6) (4,10). Celle-ci possèdele pouvoir de stimuler la production deglucose par le foie et donc de relever le tauxde sucre dans le sang de façon à poursuivrel’effort. S’éloignerait-on un peu de laproblématique de reconstruction muscu-laire? Pas du tout! Une équipe de cher-cheurs espagnols a démontré récemmentque les muscles de souris dont le gène del’IL-6 est absent ne pouvaient plus s’hyper-trophier sous l’effet d’un gros travailmusculaire (12). En décortiquant les méca-nismes, on s’est aperçu alors que cetteinterleukine 6 était absolument nécessaire àl’entrée en scène des fameuses cellulessatellites. En résumé: les exercices excen-triques et l’effort de longue durée provo-quent entre autres une libération d’inter-leukine 6 qui possède la double mission derelever la glycémie et de renouveler lescellules de réserve. Comme quoi, il n’y apas que du mauvais dans l’inflammation!

Un dimanche à Pearl HarborPlus on s’entraîne et plus il est difficile d’at-teindre les niveaux d’effort qui provoquentcette grande mise en chantier de la massemusculaire. Une personne parfaitementsédentaire sera totalement raide au lende-main d’un simple déménagement alors quecertains cyclistes assidus ne ressententaucun symptôme ou guère plus que d’habi-tude, même après six heures de selle encompétition. L’explication? Les muscles dusportif sont plus robustes. Son corps aappris à secréter spontanément ses propresanti-inflammatoires à l’effort. Le cortisolnotamment. On comprend mieux de ce faitles sensations paradoxales que ressententbeaucoup de sportifs vieillissants, atteintsd’arthrose par exemple: les douleurs sontplus intenses les jours où ils ne s’entraînentpas! Ainsi le corps s’adapte merveilleuse-ment à presque toutes les contraintes! Enmême temps, il faut veiller à ne pas exagérerla dose. Des sollicitations extrêmes et répé-tées sans récupération suffisante peuventainsi déborder les mécanismes de régulation

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L’exercice est lui-même un puissantanti-inflammatoire. Si bien qu’il arrive

qu’on souffre de ne pas en faire !

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et aboutir à des situations inflammatoirescarrément pathologiques. Le problème vientsouvent du délai trop court entre deuxséances intenses. On peut comparer cela àl’impact des feux de forêt à répétition. Tousles sylviculteurs savent bien qu’un incendieisolé ne représente pas une catastropheécologique majeure. Au contraire, il favorisela repousse de jeunes plantes et participe à samanière au maintien de l’écosystème. Enrevanche, il faut redouter le deuxième feuqui surviendrait trop rapidement après lepremier. Celui-là pourrait bien être fatal à labiodiversité! L’analogie devrait parler à tousles amoureux de la nature. Pour ceux quipréfèrent l’histoire guerrière, on prendra unautre exemple: le bombardement de PearlHarbor pendant la Seconde Guerremondiale. Là encore, les dégâts furent consi-dérables en raison d’une attaque en deuxvagues. Les avions japonais soumirent leport à une première salve de bombes. Puisils revinrent quelques heures plus tard alorsque l’armée américaine n’avait pas eu letemps de se réorganiser. Et ce fut le carnage!Bref un stress intense trop proche du précé-dent empêche le retour à la situation initiale.Si on ne tient pas compte des signauxd’alerte, on risque de s’engager dans unespirale dramatique. Attention aussi à ne pasmultiplier les sources d’inflammation. Ilarrive parfois que des courbatures survien-

nent de façon tout à fait anormale au lende-main d’une séance d’intensité modérée, toutsimplement parce que les messagers muscu-laires de l’inflammation se sont additionnésà d’autres, en provenance par exemple dedents cariées ou en raison de problèmesdigestifs, ce qui décuple évidemment leseffets sur les tissus de l’appareil locomoteur.Une hygiène dentaire irréprochable et uneflore intestinale équilibrée sont de mise pourpouvoir résister aux lourdes charges d’en-traînement. D’ailleurs lorsqu’un grand clubrécupère un joueur prometteur issu d’unmilieu modeste, il arrive très souvent qu’enmarge des premiers entraînements, on luiprogramme un tas de rendez-vous chez lenutritionniste et chez le dentiste!

L’aspirine rend fragileVous l’avez compris, l’inflammation quebeaucoup de gens considèrent encore defaçon péjorative constitue en réalité une étapeindispensable au renforcement de l’orga-nisme. Ses symptômes sont bien connus:douleur, chaleur, rougeur, gonflement etimpotence relative. En réalité, toutcommence avec un changement de laperméabilité vasculaire. L’eau filtre hors duréseau d’irrigation sanguine et les tissus semettent à gonfler dans des proportionsparfois spectaculaires. Les globules blancsentrent en scène afin d’éliminer en quelques

jours les corps étrangers et les débris cellu-laires. Quant à la douleur, elle provientsurtout de la libération de prostaglandines etautres substances en «ine» (sérotonine,bradykinine, etc.). Dans ces cas-là, il faut fairepreuve de patience et surtout ne pas recouriraux médicaments comme le font malheureu-sement un grand nombre de sportifs, parfoismême sous le conseil de leur entraîneur. C’estbien simple, cette prise d’anti-inflammatoiresconstitue la norme dans des sports de contactcomme le foot ou le rugby; comme les injec-tions de botox chez les stars du show-busi-ness ou les implants de silicone chez les Brési-liennes. Pour les consommateurs, elle viseévidemment à supprimer la douleur induite

par l’exercice et à reprendre plus vite lecollier. Mais ceux-ci ignorent sans doutequ’elle empêche de ce fait le déroulementnormal des processus nécessaires à la régéné-ration tissulaire, ce qui revient à contrecarrerles effets de l’entraînement. De plus, ces médi-caments produisent toutes sortes d’effetssecondaires désastreux. Certains produits (lesglucocorticoïdes) copient les effets du cortisoldans l’organisme. Ils sont considérés à justetitre comme des dopants en compétitiondans la mesure où ils inhibent la douleur,produisent artificiellement un état eupho-rique et boostent le métabolisme énergétique.On les trouve dans une multitude de prépara-tions avec des modes d’administration trèsvariés et leur usage dans le milieu sportif reste

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SOS fibres en détresse !

Pékin 2008. La Jamaïcaine Melaine Walkerdécroche le titre olympique sur 400 mètreshaies. Vingt-cinq ans et 32 dents !

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malheureusement très fréquent ainsi qu’enatteste le nombre élevé de cas de dopage avéré(environ un tiers des cas positifs) et les résultats d’enquêtes épidémiologiques. Ceseffets favorables à court terme induisentdes séquelles gravissimes à plus longueéchéance: fonte osseuse, perte de massemusculaire, dépression, insuffisance rénale,hypertension, diabète, fragilité immunitaire,retard de cicatrisation, gonflement du visage,perte de poids… N’en jetez plus! Face à cedescriptif apocalyptique, on pourrait croirequ’on court moins de risque en consom-mant les médicaments de l’autre famillepharmacologique, ceux que l’on désignesouvent par leurs initiales AINS (pour Anti-Inflammatoires Non Stéroïdiens). Là encore,on se trompe. Prenons l’aspirine, parexemple. Elle agit en inhibant l’enzyme COX(pour cyclo-oxygénase). En empêchant lasynthèse des prostaglandines, elle bloque leprocessus inflammatoire. Problème! Cettemême enzyme COX permet la productiondu mucus qui protège les parois de l’estomacde l’action des sucs gastriques extrêmementacides. On risque dès lors de remplacer unedouleur (courbatures) par une autre(ulcère). De plus, la prise d’aspirine pour desproblèmes musculaires entraîne desséquelles à plus long terme. Si l’on repro-gramme une séance très dure quinze joursplus tard, on constate normalement que lessujets qui n’ont pas pris de médicamentressentent moins de douleurs que la foisprécédente. Mais qu’on perd l’effet protec-

ment la vasodilatation induite par l’inflam-mation et donc estompe l’œdème et ladouleur. Le froid peut aussi être appliquélocalement avec une «ice-vest» (veste réfrigé-rante) ou un «ice-pack» (poche à glaçons).Ces protocoles rencontrent-ils les mêmesdésagréments que les médicaments anti-inflammatoires? En partie oui si l’on en croitun article récent qui montre que lorsque lesbains glacés sont trop rapprochés de la fin del’entraînement, ils bloquent la majeure partiedes adaptations positives induites par l’en-trainement (14). Tim Noakes, le grandphysiologiste de l’exercice, doute égalementdes vertus des bains froids (8). Pour lui, cegenre de traitement revient à masquer transi-toirement un problème, sans véritablement

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La bière aurait-elle des vertus particu-lières qui expliquent son succès dans

les ravitaillements après l’effort? Cette question posée lors d’une tablée entre sportifs vousvaudra sûrement un tas de réponses affirmatives, toujours ponctuées de sonores éructations.Dans la réalité, les choses sont moins monolithiques. Certes, la bière comporte de la levure dotéed’extraordinaires qualités nutritionnelles. Elle est en effet très riche en acides aminés essentiels,dont la leucine qui participe directement aux processus de régénération musculaire. Problème:elle apporte aussi de l’alcool qui, à fortes doses, bloque précisément le processus de synthèseprotéique initié par la leucine. De plus, la bière favorise l’excrétion urinaire. Or la réhydratationaprès un effort est cruciale pour rétablir l’équilibre de l’organisme. Avis aux amateurs de troi-sième mi-temps! Et cela d’autant plus que l’alcool est toxique pour le muscle comme entémoigne la myopathie la plus répandue et la moins glorieuse… celle due à l’alcoolisme. C’estpourquoi on dit généralement qu’une cuite après l’effort double pratiquement la période de récu-pération! Surtout si l’on empiète sur son temps de sommeil. Rappelons que l’hormone de crois-sance nécessaire au remodelage musculaire est sécrétée pendant la nuit et que donc seul unsommeil de qualité permet de récupérer des efforts de la journée.

UNE QUESTION EXISTENTIELLE

teur avec la prise d’AINS. Cette observationest cohérente avec une moindre hypertro-phie et un ralentissement de la régénérationsuite à un exercice traumatisant chez lerongeur (7). On gagne donc à court terme,mais pas sur la durée.

L’âge de glaceD’autres techniques sont prisées des athlètespour éteindre l’inflammation. La cryothé-rapie par exemple. Après l’effort, nombred’entre eux plongent ainsi dans des bainsd’eau froide (moins de 16 degrés) ou mêmecarrément glacée (moins de 5 degrés). Leprincipe de la cryothérapie est simple. Lefroid appliqué sur la zone enflammée produitune vasoconstriction qui annihile transitoire-

La grande illusion !

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procurer de bénéfices. Par rapport aux médi-caments anti-inflammatoires, la cryothérapieprésente néanmoins quelques avantages. Pasde risque d’ulcère. Pas de danger non plus dedépression, de diabète, de fonte osseuse etmusculaire. Les personnes fragiles du cœurveilleront seulement à ne pas soumettre leurarbre artériel à une gymnastique trop extrême(*). Attention aussi aux rhumes. On est géné-ralement vulnérable aux microbes dans lesminutes qui suivent la fin de l’effort. L’expo-sition au froid pourrait compliquer encore lasituation! Le débat a récemment rebondi avecla banalisation des caissons de cryothérapie.La technique consiste à se glisser quasiment àpoil dans une sorte de grand congélateurpendant 3 à 4 minutes. On descend alors latempérature à -110°! Certains s’exposentmême à des températures de -140° avec despetits cache-nez, cache-tétons et cache-sexe… car tout ce qui dépasse risque de gelerà ces températures extrêmes! Une séried’études menées par l’Italien Giuseppe Banfia mis en évidence que ce traitement de chocentraînait une diminution de la perméabilitémembranaire, de l’œdème musculaire et del’inflammation après un exercice intense (1).Il semblerait également que ce type d’exposi-tion au froid possède un impact salutaire surle système immunitaire et faciliterait lecontrôle des radicaux libres par les antioxy-

dants. Une amélioration de la capacité anaé-robie a même été observée après une série dedix expositions au froid grâce à une accéléra-tion des activités enzymatiques impliquéesdans la glycolyse. Bref, un tas d’évènementspositifs semblent s’enclencher avec l’exposi-tion courte au froid intense. Mais quid de lareconstitution musculaire? Une étude récentea tenté de répondre à cette question. Uneéquipe de volontaires a effectué un ultra-trailde 24 heures en laboratoire en simulant unesuccession de côtes de 10% et de descentes de15%. Les courageux! A la fin de la séance, untiers des sujets passaient en chambre froide,un autre tiers entrait dans un sauna à base derayons infrarouges, le dernier tiers récupéraitde façon passive (5). Une heure plus tard, ontestait la récupération de la force musculairechez tous les sujets. La cryothérapie aprésenté les résultats les plus probants! Lestraileurs «refroidis» avaient mieux récupérédu point de vue musculaire et éprouvaientmoins de problèmes de courbatures que lesautres. Est-ce que cela signifie que la récupé-ration à long terme est également amélioréeou bien est-elle détériorée au contrairecomme avec la prise de médicaments? Laquestion reste ouverte.

(*) Sous la douche froide après un sauna, on a déjà enre-gistré des poussées très violentes de pression artérielle,jusqu’au-delà de 300 millimètres de mercure!

Le cycliste Jean-Christophe Péraud prend le frais !

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1/ Le massage fait du bien!Indéniable! Plusieurs auteurs se sont penchés sur des paramètres subjec-tifs tels que l’humeur ou l’anxiété grâce à l’utilisation de questionnairescomme le fameux POMS (Profile Moods Of State). Leurs conclusions sontunanimes. Les athlètes se sentent apaisés après une séance de massage.Certains esprits (un peu tordus?) ont néanmoins émis l’hypothèse que ceteffet bénéfique pourrait avoir des conséquences délétères à long terme(2). Ils ont imaginé qu’un athlète épuisé pourrait se sentir mieux qu’il nel’est réellement grâce au massage, et sur la base de ces bonnes sensa-tions, il pourrait être tenté de reprendre trop vite le cours intense de sesentraînements au risque de se blesser gravement ou même de sombrerdans le surentraînement.

2/ Le massage avant l’effort améliore la performanceNon! Le massage induit un relâchement qui n’est pas nécessairementfavorable à la performance. Plusieurs études ont démontré une régres-sion des résultats dans des exercices très brefs et très intenses du typesprint, sauts, haltérophilie. Pour les efforts longs, l’impact négatif estmoins évident. Certains prétendent même qu’un massage préventifpourrait être bénéfique s’il participe à diminuer la charge de stress.C’est possible. Mais on se trouve là dans le domaine des croyances. Etnon plus de la science.

3/ Le massage permet de revenir plus vite en forme La plupart des expériences menées dans cette direction ne montrent pasgrand-chose. Ainsi les sportifs massés ne sont pas plus performants queles autres dans le cadre de deux prestations rapprochées, du moins lors-qu’il s’agit d’efforts intenses et plutôt courts (de 5 secondes à quelquesminutes). Pour les exercices de plus longue durée, c’est moins clair!Cependant l’étude très récente de Crane apporte des éléments decompréhension qui manquaient jusqu’à présent (3). Le massage atténuel’inflammation et surtout, fait surprenant, stimule la formation denouvelles mitochondries. Intéressant non?

4/ Le massage améliore le retour sanguinTout le monde en est persuadé! D’ailleurs ne dit-on pas qu’il faut masserdepuis les extrémités en direction du cœur pour favoriser précisément leretour veineux. Pourtant, là encore, les résultats expérimentaux sont loinde confirmer la croyance populaire. Aucune amélioration du débit sanguinmusculaire n’est observable après un massage. Certains auteurs ont enre-gistré une augmentation de l’irrigation cutanée, ce qui pourrait même sous-traire du muscle quelques millilitres de sang. Mais il s’agit de quantitésnégligeables. Quant aux expériences de dosages de lactates, pris commetémoin de l’irrigation musculaire, elles n’ont pas été couronnées de succès.En résumé, la thèse d’une meilleure irrigation sanguine qui permettrait unerégénération plus rapide des forces grâce au massage fait long feu.

5/ Le massage élimine les toxinesLà encore, cela fait partie des idées reçues les plus communément répan-dues. Le problème consiste alors à déterminer ce que l’on entend véritable-ment sous le vocable «toxine». Il apparaît d’ailleurs que celui-ci revêt dessignifications très différentes selon les usages. Dans les dictionnaires, lestoxines sont définies comme des «substances toxiques élaborées par unorganisme vivant (bactérie, champignon vénéneux, insecte ou serpent veni-meux), auquel elles confèrent son pouvoir pathogène». En physiologie del’effort, il arrive qu’on injecte certaines toxines directement dans le muscleafin de détruire les cellules pour mieux étudier leur pouvoir de régénéra-tion. Mais ces recherches n’ont pas grand-chose à voir avec celles menéessur les bienfaits du massage. Le problème provient de ce que, dans le grandpublic, le mot «toxine» évoque plutôt des scories de l’effort dont il convientde se débarrasser au plus vite car elles menacent d’empoisonner l’orga-nisme. Or s’il est exact que des déséquilibres ioniques et l’accumulation decertaines substances contribuent à l’impression de fatigue musculaire ainsiqu’aux douleurs post-exercice, la plupart de ces ions et métabolites ne sontpas nocifs à proprement parler et ne méritent pas de ce fait le nom detoxines. De plus, le massage reste sans effet sur leur éventuel drainage. Enconclusion, non, le massage n’élimine pas les toxines!

MASSAGE

ET VÉRITÉSUn grand nombre d’idées

reçues courent sur

le massage. Certaines sont

vraies, d’autres sont

fausses. Faites le tri!

Guillaume Hoarau, en chair et en os

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La vérité sur le massage La plupart des sportifs sont persuadés qu’unmassage après l’effort se révèle lui aussi trèsefficace pour contenir l’inflammation etlimiter ainsi les risques de courbatures dansles jours qui suivent. Cette opinion résiste-t-elle à l’épreuve de la science? Les avis sontpartagés. Certaines études n’ont rien trouvédu tout. D’autres lui attribuent bel et bienun effet bénéfique, surtout lorsque lemassage intervient deux ou même troisheures après la fin d’un effort traumatisant.Mais elles se basent le plus souvent sur desparamètres subjectifs. Les travaux attestantd’avantages objectifs semblent plus difficilesà récolter. Quelques rares expériences ontnéanmoins mis en évidence une moindreélévation des taux de créatine kinase plas-matique (un marqueur des dommagesmusculaires) ainsi qu’une réduction del’œdème musculaire et des sensationsdouloureuses lorsque la personne se faitmasser après l’effort. Deux hypothèses riva-lisent pour expliquer cette fonction antal-gique. L’hypothèse mécanique repose surune chaîne de réactions relativementbanales que l’on expérimente chaque foisqu’on se cogne le genou ou la tête. Immé-diatement, on porte sa main au niveau de lazone douloureuse et on frotte vigoureuse-ment. Ce faisant, on active les mécanorécep-teurs cutanés, ce qui permet de noyer lecerveau d’un flot d’informations inutiles quimasquent efficacement la douleur du trau-matisme. Il se pourrait que le massage agissevia des filières comparables. Quoiqu’oncomprendrait mal dans ces conditions qu’ilconserve une efficacité au-delà de la périoded’exécution. L’autre hypothèse stipule que lepétrissage des muscles modifie la concentra-tion de certains messagers impliqués dans ladouleur. Le massage empêcherait l’arrivéedes globules blancs sur le site de l’inflamma-tion. Or ces globules produisent des prosta-glandines. Moins de globules blancs signifiemoins de prostaglandines et in fine moins dedouleurs. Cela paraissait cohérent. Mais onmanquait d’éléments pour étayer l’explica-tion. Récemment, des auteurs canadiens ontprocédé à des biopsies de sujets ayant réaliséun exercice d’endurance sur bicyclette et àl’issue duquel une jambe seulement avait étémassée à la fin de l’effort (3). L’analyse debiopsies musculaires a confirmé la réduc-tion de plusieurs messagers impliqués dansl’inflammation (NFκB, TNFα et interleu-kine-6) grâce au massage. Tous ces éléments

vont donc bien dans le sens d’une atténua-tion de la réponse inflammatoire aprèsl’exercice et par conséquent une diminutiondes symptômes. Après des siècles depratique, le massage apporterait enfin lapreuve scientifique de sa valeur. Cette mêmeétude vient de démontrer que l’on stimuleaussi la formation de nouvelles mitochon-dries. Détail intéressant, l’effet bénéfique aété obtenu pour un massage opéré dixminutes après l’effort et ce dernier n’a duréque dix minutes. Gageons que cette étude vafaire des émules et que l’on verra bientôt deskinés à la manœuvre directement dans lesaires d’arrivées du Tour de France. Ensuite,il faudra déterminer si cet effet anti-inflam-matoire contrarie d’une quelconque façonun processus dont nous avons appris àreconnaître l’importance déterminante enmatière de reconstruction musculaire. Brefil reste du pain sur la planche de massage!

Anthony MJ Sanchez, François Favier,

Guillaume Py, Robin Candau

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RÉFÉRENCES

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