Les savoirs de la pêche à la mouche

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LES SAVOIRS DE LA PÊCHE A LA MOUCHE

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Du même auteur aux mêmes éditions : La chasse La pêche sportive en mer Drôle de pêche

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TONY BURNAND

Les savoirs de la pêche à la mouche

DENOËL 19, rue de l'Université, Paris 7e

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© by Éditions Denoël, Paris 1979.

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Beaucoup de gens, la plupart de ceux aux- quels on demande pourquoi ils ne pêchent pas à la mouche, qui est « tellement plus ceci », « tellement mieux que cela », répondent : « J'ai essayé, mais le lancer est trop difficile. » Rares sont ceux qui répondent : « Ce doit être un mode de pêche merveilleux, mais il y a trop de choses à savoir ! »

Oui, il y en a beaucoup, en effet, auxquelles on ne pense pas, dont les traités ne parlent pas. Elles ne sont pas toutes essentielles, on peut s'amuser et même réussir, certains jours et dans certaines eaux, sans les connaître, mais c'est leur connaissance, la possession de ces savoirs, qui fait le bon pêcheur à la mouche, et qui fait de cette spécialité la véritable reine des pêches.

Après quelque soixante-dix ans de pratique sur tous les genres d'eaux, j'ai cherché à les déterminer, ces savoirs essentiels, à les expli- quer, à en expliquer l'utilité. Dans l'impossi- bilité de les classer en un ordre logique corres- pondant à l'importance que je leur attribue, je les ai simplement classés par ordre alpha- bétique, laissant au lecteur-utilisateur le soin de les noter dans l'ordre de ses préférences per- sonnelles et de sa physiologie.

JEAN VICTORIEUX

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Les savoirs essentiels

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● Savoir accepter. ● Savoir s'adapter. ● Savoir analyser. ● Savoir s'abstenir. ● Savoir attendre. ● Savoir s'avouer. ● Savoir comprendre. ● Savoir compter. ● Savoir confectionner une mouche. ● Savoir copier. ● Savoir déchiffrer. ● Savoir dissimuler. ● Savoir s'étudier. ● Savoir grimper. ● Savoir insister. ● Savoir interpréter. ● Savoir lire. ● Savoir observer. ● Savoir prévoir. ● Savoir présenter. ● Savoir souffrir.

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Savoir accepter : Dans la pratique d'aucun sport et d'aucun jeu de précision il n'est indiqué de se mettre en colère, d'invectiver contre la fatalité, les mauvais génies, l'incompréhension, les mauvais ins- tincts et la mauvaise foi des adversaires et parte- naires. Dans la pratique de la mouche, c'est plus contre-indiqué que dans aucune autre, et en même temps plus tentant, car on y a affaire à un joli nombre d'éléments qui pourraient être des parte- naires et se révèlent huit fois sur dix être de sournois adversaires ; les aériens : vent, pluie, neige, froid ; les semi-aériens : taons, moustiques, fourmis ailées ; les terrestres : fils barbelés et téléphoniques, arbres, ronces et fils de fer rampants, orties, trous de rats ; enfin et surtout les aquatiques : poissons, eau, her- biers, joncs. Ah les s... ! Mais non, on arrive à les amadouer, à faire ami avec eux, à s'en servir même ! Comment ? En les acceptant.

Les Anglais, dont le flegme est proverbial et pour qui le pire juron est God damn ! ont moins de mal que nous, Latins, à maîtriser leur impatience, à

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avaler leurs bouffées de colère (car ils en ont, j'en jurerais). Plus vieux que nous dans le métier, ils ont appris ou compris que piétiner sa canne, retour- ner au-dessus de l'eau sa boîte à mouches en criant : « Servez-vous, saloperies de truites ! », ne servait à rien ; mieux que personne ils savent que la célèbre réaction de Cambronne n'a pas assuré la victoire à ses troupes.

Savoir se maîtriser, savoir accepter d'un cœur serein les affronts des objets inanimés, c'est tirer traite sur la victoire : il n'est pas d'exemple que ces effets-là ne soient pas finalement payés avec les intérêts... un jour ou l'autre !

Savoir s'adapter : Voilà un mot dont l'envergure est beaucoup plus grande qu'il ne semble. S'adapter à quoi ? A toutes sortes de choses qui se trouvent rarement conjuguées : genre et état de l'eau, niveau, vent, soleil, activité ou passivité du poisson, présence ou absence de mouches naturelles, heure solunaire (bien sûr, j'y crois !), etc. Il n'est pas du tout facile à un habitué des chalk streams normands de s'adap- ter à une rivière caillouteuse du Massif central, à un torrent des Alpes ou à un fleuve, comme le Lech bavarois ou la Drina yougoslave : coutumier des grands lancers en coup droit, il devra se mettre aux roulés continuels sous le dais des branches, aux revers horizontaux, à l'attelage noyée-sèche et autres impératifs sine quos non. Comment réaliser cette adaptation ? Je ne parle pas ici de technique, mais de capacité d'adaptation, qui doit être spontanée, naturelle, immédiate, automatique. Elle s'apprend,

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s'acquiert sur les terrains correspondants, mais elle n'est pas superflue ; il est faux, il est puéril de dire : « Je n'ai que faire de vos lancers acrobatiques et de vos reptations ; je ne pêche pas de près, ma rivière coule dans des prairies nues... » Je réponds : « Vous êtes un pêcheur incomplet, presque un infirme, puis- que certains mouvements vous sont interdits, que la pêche sur votre terrain familier vous rendrait utiles : même pour ne pêcher que votre chalk stream vous devez savoir approcher le poisson et lui pré- senter votre mouche de tout près, au lancer horizon- tal, en revers, en roulé. » Bon, je n'insiste pas, car c'est vraiment de toute évidence.

Mais, à côté de la topographie et des divers types de présentation qu'elle requiert, il y a le compor- tement des poissons : celui-ci prend les mouches qui, amenées par un courant latéral, viennent buter contre un paquet d'herbes coupées et le longent ou passent dessous ; il va de soi que le poser et la manœuvre de l'artificielle ne peuvent être les mêmes que vis-à-vis de cet autre, posté dans un plat de faible profondeur sur lequel l'eau court avant de galoper dans un raide ; ni que de ce troisième, un bel ombre, se livrant à des montées en flèche suivies de descentes à même allure.

Différente devra être aussi la présentation de la mouche à un poisson bulging justiciable de la noyée et plus précisément d'une nymphe, d'un autre qui se promène dans un grand trou et prend au passage les moucherons qui y tournoient, ou de ce troisième, un gros, posté juste sous la surface et aspirant les mouches avec une discrétion qui vous fait croire à une sardine.

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Cette adaptation à tant et de si diverses conditions s'enseigne moins qu'elle ne s'inculque par l'expé- rience ; il faut, pour être à même de se défendre dans des cas aussi variés, avoir vécu chacun d'eux un bon nombre de fois, ce qui n'est pas donné à beaucoup d'amateurs ; mais il faut aussi avoir un tempérament de particulière plasticité, ce tempé- rament, plus naturel qu'acquis, grâce auquel un garçon est aussi à l'aise, et à sa place, et jugé de bonne compagnie, dans toute sorte de milieux tota- lement différents les uns des autres et du sien person- nel. Cela non plus n'est pas donné à tout le monde ; mais le don naturel peut être plus ou moins bien remplacé par l'expérience accompagnée d'une faculté particulière d'enregistrement, de notations intérieures de ce que l'on a vu, observé, compris, si abracada- brant que ce puisse être parfois... Je n'allonge pas avec les commentaires de ce premier terme, car plu- sieurs autres me fourniront l'occasion d'y revenir, le savoir présenter, en particulier.

Savoir analyser : La pêche en général étant l'affron- tement de deux êtres vivants, l'un terrien et l'autre aquatique, il y a là une première cause de malen- tendus entre eux, de mésentente ; la pêche à la mou- che étant l'affrontement de deux intelligences (je ne pense pas devoir choquer aucun lecteur en disant que la truite est le plus intelligent de nos poissons, et la pêche à la mouche l'une — soyons modeste ! — des plus intelligentes), ce n'est pas toujours la lumière qui surgit de leur choc, mais parfois un épais mystère. L'homo réputé sapiens que nous som-

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mes, si mal armé qu'il puisse être pour percer les mystères entourant la biologie de ses adversaires animaux, ne devrait jamais se contenter de penser, devant un insuccès, que « c'est comme ça et pas autrement », que le temps n'y était pas, ou l'eau, ou le vent, que la truite n'était pas disposée ou que, comme dit l'un de mes amis, elle ne comprend rien à la pêche ; au lieu de prendre notre parti du fait que son comportement nous est incompréhensible, nous devrions tenter de l'analyser, ce qui nous per- mettrait, au moins quelquefois, d'en déjouer les méfaits et nous ferait acquérir d'utiles connaissan- ces : nous avons, par exemple, repéré en nous appro- chant, bien dissimulé, de la rivière, un poisson nette- ment en position de chasse, évoluant de droite à gauche, montant, redescendant... Tout à coup, sans aucune raison apparente, il file comme une flèche. Pourquoi ? Il ne pouvait pas nous voir, puisque nous étions dans le quartier aveugle de son champ visuel, et nous n'avons pas fait un geste... Il n'est pas idiot : s'il a filé, c'est par peur de quelque chose ; demeurons immobile, et l'explication nous sera peut-être fournie : la grosse d'au-dessus est sortie de son antre et a esquissé un mouvement vers l'aval. Non ? il n'y a pas de grosse dans le secteur ? Alors, ce poisson a perçu quelque chose d'inquiétant pour lui : le passage d'un oiseau de proie ? (Mon ami l'Américain Knight dit, dans The Modern Angler, que les truites de chez lui redoutent les rapaces au point qu'une mouche artificielle à ailes ouvertes, passant au-dessus d'elles, les fait fuir...) Je croirais bien plutôt que quelque chose a permis à ce poisson de percevoir notre présence derrière lui, grâce sinon

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La pêche à la mouche est, pour le véritable pêcheur, ce qui se fait de mieux. « Mais il y a trop de choses. à apprendre », proteste le paresseux.

Effectivement, il y en a beaucoup, auxquelles on ne pense pas et dont les traités ne parlent pas. C'est la possession de ces connaissances qui fait le bon .pêcheur à la mouche et qui fait de cette spécialité la véritable reine des pêches.

Après quelque soixante-dix ans de pratique sur tous les genres d'eaux, Tony Burnand a cherché à déter- miner ces « savoirs essentiels ». De « savoir s'adap- ter » à « savoir comprendre », de « savoir confection- ner une mouche » à « savoir grimper », de « savoir observer» à «savoir souffrir», les différents chapitres de ce livre prodiguent au pêcheur des conseils judi- cieux. Tony Burnand en profite pour nous parler de son expérience personnelle. Après cette lecture pleine d'enseignement et qui est une sorte de guide exhaustif, le pêcheur à la mouche ne pourra plus se permettre de pêcher par omission.

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