Les Râfidites. Textes spirituels d’Ibn Taymiyya. Nouvelle Série, XVII

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Première traduction intégrale en une langue européenne, avec introduction et notes, du "Fetwa des Râfidites" par Yahya Michot (Hartford, Avril 2014)

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    Textes spirituels dIbn Taymiyya. Nouvelle srie XVII. Les Rfiites

    Au dbut doctobre 2010, un fetwa de lyatollh Khmeneh interdit de porter atteinte aux symboles de nos frres sunnites, tout comme il est interdit de porter prjudice aux pouses du noble Prophte de lIslam . Linitiative fut positivement accueillie par les autorits sunnites, dont le Shaykh dal-Azhar, Amad al-ayyib : Cette fatwa montre bien la sensibilit du Guide suprme de la Rvolution islamique lunit inter-islamique et limportance quil octroie la solidarit du monde musulman1. Lenthousiasme vis--vis de la dmarche du Guide suprme de la Rvolution islamique dIran fut par contre moins grand dans certains forums : Oui, il a mis ce fetwa il y a quelques jours Juste comme il a mis un fetwa en 93 ou 94 dclarant que se taillader (tabr), se flageller avec des chaines (zinjr) et se frapper est non-islamique Personne cependant ne la suivi. Et si vous allez sur les forums shites, vous verrez quils ignorent compltement son fetwa. Donc, fondamentalement, il a dit quil est prohib (arm) dattaquer quelque icne que ce soit du rite sunnite (Ab Bakr, Umar, etc.) et il a dit spcialement les femmes des Prophtes . Nous, Musulmans, saluons ce pas en avant sil est sincre et nest pas de la dissimulation (taqiyya). Esprons-le, nous ne les verrons plus maudire et insulter de pieux Musulmans et de chastes femmes [en les accusant] dactions horribles2

    Les yatollhs al-Sstn et Khmeneh et le fetwa du premier

    interdisant dinsulter les Compagnons et les femmes du Prophte3

    1. Voir La fatwa du Guide suprme de la Rvolution islamique, 3/10/2010, sur http://french.irib.ir/info/guide-supreme/item/102559-la-fatwa-du-guide-suprme-de-la-rvolution-islamique.

    2. TripolySunni, 4/10/2010, sur http://www.sunniforum.com/forum/ archive/index.php/t-63775.html.

    3. Numro de la demande de fetwa : 100644. Sujet : Insulter (sabb) les Compagnons et les pouses du Prophte Dieu prie sur lui et sur sa famille et leur donne la paix ! Question : Sur vous soient la paix, la misricorde de Dieu et Ses barakas ! Sur les sites des rseaux sociaux circule un clip vido montrant un dfil le jour du martyre de lImm Jawd sur lui la paix ! Un groupe de gens y apparaissent, dans la zone dal-Aamiyya [de Baghdd], en train de crier des insultes lencontre de Umar, de isha, et dautres. Agir ainsi est-il condamn par lautorit (marjaiyya) religieuse suprme, dautant plus

    Le 7 octobre 2013, un fetwa de lyatollh dIraq Al al-Sstn condamna semblablement les insultes contre les Compagnons et les femmes du Prophte. Il suffit cependant de surfer sur la toile pour constater que son autorit, pas plus que celle de Al Khmeneh, nest illimite, et que les vieux dmons ont la vie dure. Un exemple stupfiant est fourni par le shaykh asan Allhyr4. Les nombreux extraits de ses vidos dapologtique shite ont sur YouTube des titres aussi prometteurs que Preuve de la mcrance dAb Bakr et de Umar partir du Noble Coran , tablissement de la mcrance dAb Bakr et de Umar partir des livres des Sunnites , Umar est un mcrant et quiconque doute de sa mcrance est un mcrant ou Les chiens sont meilleurs quAb Bakr et Umar . Et la dcence interdit de reproduire ici les maldictions et insultes dont il couvre les trois premiers califes bien-guids et isha5 Lcumnisme intra-islamique a donc encore de beaux jours devant lui !

    Principale leon retenir de la distance sparant le fetwa du leader iranien des anathmes de lodieux mollah afghan : il y a Shisme et Shisme. En dautres termes, limmisme est une ralit aussi com-plexe et plurielle, dans le temps et lespace, que nimporte quelle autre idologie religieuse. Il est impratif de garder le fait lesprit en abordant le fetwa dIbn Taymiyya traduit ci-dessous, de manire viter les identifications htives et les gnralisations indues, les tlescopages entre les sicles et les drapages intercommunautaires. La question se posera dailleurs, plus loin, de savoir de qui il parle effectivement dans ce Fetwa des Rfiites.

    La demande adresse au mufti damascain est claire et concise : faut-il combattre et juger mcrants, ou non, les croyants partisans de Al qui anathmisent les Compagnons pour injustice son encontre lors de la succession du Prophte ? Bien que longue et peu clairement structure, la rponse dIbn Taymiyya se dveloppe en trois temps. I. Les sources canoniques de lIslam et la pratique des premiers califes font un devoir de la lutte contre les Khrijites et autres groupes saffranchissant (khrij an) peu ou prou des obligations de la religion. II. De maints points de vue, les Rfiites passent au travers de la religion et en sortent dune manire bien pire que les Khrijites. III. Il convient donc encore plus de les combattre. Le syllogisme est limpide, mais reste en documenter la majeure et en dmontrer la mineure. Le thologien sy emploie avec lnergie et la tenacit quon lui connat. Avant de voir de quelle manire, une tche paradoxale mais essentielle simpose cependant nous : lire sa conclusion. On y apprendra en effet que toute sa dmonstration est mene dans labsolu, le devoir dun ulema tant de raffirmer la Norme religieuse avant toute autre considration. Quant appliquer cette norme des cas que cela revient insulter les symboles (ramz) religieux de nos frres les gens de la Sunna, et que cela peut son tour allumer la mche dune dissension (fitna) aveugle entre les enfants du peuple iraqien ? La paix [soit sur vous] ! [Fetwa] : Au nom de Dieu, le Misricordieux, Celui Qui fait misricorde. Un tel comportement est condamnable, trs rprhensible, et contraire ce que les Imms des gens de la maison [du Prophte] sur eux la paix ! ont command leur parti (sha). Et Dieu est Celui Qui guide. Le 2/12/1434[/7/10/2013]. Sceau : Bureau du Sayyid al-Sstn, Najaf la plus Noble ; voir Al-Sistani strongly condemns insulting the companions of the Prophet and his wives, 10/10/2013, sur http://www.shafaaq.com/en/archive/7565-al-sistani-strongly-condemns-insulting-the-companions-of-the-prophet-and-his-wives-.html.

    4. Dorigine afghane Hazara, ce ojjatalislm nest plus, il est vrai, en odeur de saintet Thran et est parfois accus dtre au service des tats-Unis, o le canal de tlvision Ahl-e-Bait quil a fond en 2009 est situ (avec des studios en Iraq) ; voir http://en.wikipedia. org/wiki/Ahl-e-Bait_TV.

    5. Voir par exemple R. MAQSOODI, Best of Allahyari, 7/03/2013, sur http://www.youtube.com/watch?v=lOaybM4tNT0&list=PLcvDszb0iGl2uQZd_EeboO-uLo_GxInCi.

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    concrets en passant du gnral au particulier, notamment pour accuser un individu prcis de mcrance, le vouer ternellement lenfer et ly prcipiter en sen prenant physiquement lui et le tuant, il sagit l, explique Ibn Taymiyya, dun exercice diffrent, obligeant de prendre en compte de nombreux paramtres et auquel il apparat vrai dire impossible de se livrer, sinon en ultime ressort, et seulement aprs avoir exhaustivement puis toutes les autres approches.

    Mais comment tre jamais certain davoir procd une analyse complte de la situation dun individu, et notamment de navoir nglig aucune des circonstances invalidant a priori de le condamner de la sorte ? On renoncera bien sr une telle condamnation quand elle entranerait plus de mal que de bien. Ainsi le Prophte, rappelle le mufti damascain, sabstint-il de tuer un Khrijite pour quil ne soit pas dit que Muammad tuait ses compagnons. Avant de sen prendre quiconque, on sassurera par ailleurs, non seulement davoir toutes les raisons de le faire, mais galement davoir rduit rien tout ce quil pourrait y avoir comme objection le faire. Ce quIbn Taymiyya appelle dans sa conclusion La rgle de laccusation de mcrance sarticule donc pour lui en fonction de deux lments aussi importants lun que lautre : le caractre intangible de la Norme religieuse en sa possible rigueur mme et une prise en compte la fois pragmatique et misricordieuse du vcu des hommes, linstar du Prophte et de Dieu. La cohrence de lIslam nat ainsi de la tension dynamique que la misricorde divine introduit entre les deux ples, apparemment contraires mais en fait complmentaires, de la souverainet de la Loi et de la faiblesse de lhumain. Et le thologien de terminer ce Fetwa des Rfiites en citant le adth du pcheur qui se fit incinrer pour chapper au chtiment de lau-del mais que Dieu pardonna, cest--dire en appelant communiquer le message de lIslam et duquer plutt qu excommunier.

    Sans doute nest-il pas frquent de prsenter un texte en commen-ant par sa conclusion. Si je procde ici de la sorte, cest eu gard au monde fl daujourdhui, en guise de garde-fou (au sens littral du terme) contre toute msutilisation de ce fetwa taymiyyen des fins de division sectaire de lUmma1. Malgr le nombre de combats et dappels au meurtre qui y sont voqus, ce Fetwa des Rfiites nest en effet pas un fetwa de thologie de la guerre2 , cest--dire inci-tant prendre les armes contre lun ou lautre groupes ou peuples ennemis et apportant une lgitimation religieuse de tels jihds. Il est de la responsabilit dun mufti de rpondre aux appels de guidance religieuse manant de sa communaut, en cas de conflit, effectif ou potentiel, comme en temps de paix. Lavis alors mis est modul selon le contexte vnementiel et peut grandement varier dun fetwa donn en dautres circonstances au sujet des mmes groupes ou peuples. Il pourrait donc tre intressant de tenter dtablir une typologie systmatique des genres informatif ou performatif, acadmique ou militant, doctrinal ou pratique sous lesquels ranger les fetwas dun mufti aussi prolifique quIbn Taymiyya. ma connaissance, aucune tude de son uvre na encore t entreprise en ce sens. Cela dit, il est possible dapprcier la nature du Fetwa des Rfiites par comparaison quelques autres. Les fameux fetwas anti-mongols3 dIbn Taymiyya

    1. Le prsent travail est situer dans le cadre dune entreprise de traduction et dexploration de plusieurs textes taymiyyens relatifs au Shisme mayant notamment conduit publier Textes spirituels dIbn Taymiyya (Nouvelle srie). III. Le jour de shr, sur www.mus-limphilosophy.com, octobre 2009, p. 111 ; Textes spirituels dIbn Taymiyya (Nouvelle srie). XVI. Ghadr Khumm, sur www.muslim philosophy.com, novembre 2013, p. 1-11 ; Ibn Taymiyyas Critique of Sh Immology. Translation of Three Sections of his Minhj al-Sunna, in The Muslim World, 104/1, janvier-avril 2014, 41 p. ( paratre).

    2. Jemprunte cette expression J. J. G. JANSEN, De radicaal-islamitische ideologie: Van Ibn Taymiyya tot Osama ben Laden, Oratie 3 februari 2004, Utrecht, Universiteit Utrecht, Faculteit der Letteren, 2004, p. 9. Selon J. J. G. Jansen, Ibn Taymiyya dveloppe, dans ses fetwas anti-mongols, een oorlogstheologie die deel uitmaakte van een specifiek militair conflict .

    3. Ces trois fetwas sont publis in IBN TAYMIYYA, Majm al-Fatw [MF], ed. A. R. b. M. IBN QSIM, 37 t., Rabat, Maktabat al-

    et son fetwa sur les Nuayrs4 participent incontestablement dune thologie de la guerre. Cest cependant moins de ces textes militants que du Fetwa des calenders5, ces soufis dviants, anti-conformistes et libertaires, que le Fetwa des Rfiites apparat proche. Lun et lautre se terminent en effet en voquant semblablement le pardon divin du pcheur incinr. Plus gnralement mme, la structure de ces deux fetwas est identique: commencer par redire plus ou moins longuement la Norme puis conclure en soulignant le danger de la mettre en uvre de manire inconsidre et prfrer lenseignement lanathme. Bref, pratiquement, la tolrance plutt que la guerre

    Guerriers mongols6

    Force est malheureusement de le constater, la subtilit de la position taymiyyenne est frquemment ignore de ses lecteurs, quil sagisse de militants ou dacadmiques. Le jihdiste jordanien Ab Muab al-Zarqw (1966-2006) et le professeur irano-amricain Vali Nasr en fournissent une parfaite illustration. Dans une lettre aux leaders dal-Qida de janvier 2004, al-Zarqw cita de brefs passages du Fetwa des Rfiites et dautres textes taymiyyens pour justifier son combat contre les Shites dIraq7. En aucun endroit de cette missive il nvo- Marif, 1401/1981, t. XXVIII, p. 501-553. Ils sont tudis et partiellement traduits in Y. MICHOT, Textes spirituels dIbn Taymiyya. XI-XIII : Mongols et Mamlks : ltat du monde musulman vers 709/ 1310, in Le Musulman, 24-26, Paris, A.E.I.F., 1994-1995, p. 26-31, 25-30, 25-30 ; Th. RAFF, Remarks on an anti-Mongol Fatw by Ibn Taimya (Publication prive), Leyde, 1973. Voir aussi Y. MICHOT, IBN TAYMIYYA. Mardin : Hgire, fuite du pch et demeure de lIslam . Textes traduits de larabe, annots et prsents en relation certains textes modernes. Prface de J. PISCATORI, Beyrouth, Albouraq, Fet-was dIbn Taymiyya, 4 , 1425/2004, p. 51-59.

    4. Sur ce fetwa, voir infra, p. 8, n. 6. 5. Ce fetwa des calenders est traduit et tudi in Y. MICHOT, IBN

    TAYMIYYA. Mcrance et pardon. Textes traduits de larabe, introduits et annots, Beyrouth, Albouraq, crits spirituels dIbn Taymiyya, 2 , 1426/2005.

    6. Dtail dune miniature du Jmi al-tawrkh du vizir lkhnide Rashd al-Dn Fal Allh (m. 718/1318), Tabriz, vers 730/1330 (Paris, Bibliothque Nationale, MS. Supplment persan 191, fol. 27).

    7. Une traduction anglaise de cette lettre est lisible sur http://www. au.af.mil/au/awc/awcgate/state/31694.htm. Voir aussi G. STEINBERG, Jihadi-Salafism and the Shiis. Remarks about the Intellectual Roots of

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    qua cependant ni la dualit des niveaux de lapproche taymiyyenne dans le Fetwa des Rfiites la Norme et le vcu , ni sa dernire partie. Ainsi que le thologien mamlk lcrit alors, on pourrait cependant imaginer que les Shites qual-Zarqw voulait combattre, les textes contraires ce quils pensent ne leur ont peut-tre pas t communiqus, et ils ne savent pas que le Messager a t envoy avec cela. Et si, les combattre, il y avait par ailleurs quelque chose de prponderamment corrupteur ?

    Ab Muab al-Zarqw, Vali Nasr

    Dans The Shia Revival, Vali Nasr donne des extraits de la lettre dal-Zarqw, y voit la trace de plusieurs fetwas anti-shites dIbn Tay-miyya et explique que, sagissant de donner une lgitimit religieuse aux prjudices populaires, de ciseler dans la pierre des arguments, des accusations et des insinuations contre le Shisme, personne na t aussi important que ce juriste sunnite prominent [] De fait, ce pourrait ne pas aller trop loin que dire que la vague de Sunnisme extrmiste qui trouble aujourdhui le monde musulman et, partant, le globe, est inimaginable sans ce juriste mort de longue date1. La prose de Vali Nasr est brillante ; quant simplement se demander, en analyste critique de la mtamorphose des textes au cours des sicles, si lintolrante resuce zarqwiyyenne du Fetwa des Rfiites est encore fidle lesprit de celui-ci, tel que manifeste dans sa structure et sa conclusion, lminent universitaire nen a cure. Ainsi le matre se voit-il une fois de plus accus des mfaits dun mauvais disciple

    Ibn Taymiyya na pas de difficult tablir le bien-fond de la majeure de son syllogisme. Il le fait au dbut de son fetwa en citant divers versets coraniques et adths et, par ailleurs, en voquant le combat dAb Bakr contre ceux qui refusaient de lui verser laumne canonique et contre Musaylima, celui de Al contre les Khrijites et deux sanctions infliges par Umar. la fin de la partie thorique de son fetwa, le thologien damascain revient par ailleurs sur les diverses versions du adth des Khrijites qui passent au travers de la religion comme une flche passe au travers dune proie , son but tant alors de confirmer la valeur transhistorique de cette tradition : il y aura des traverseurs de la religion combattre jusqu la fin des temps.

    Pour valider sa mineure, Ibn Taymiyya doit prouver que les Rfiites sont pires que les Khrijites, dans labsolu, de manire gnrale. Il raisonne alors par induction, sans plus sinterroger sur la force dmonstrative du procd que nommer prcisment les groupes et individus dont il dnonce les vues et les agissements. Parmi les spcificits rfiites quil incrimine, on notera une thologie de tendance mutazilite ; une interprtation fantaisiste des textes canoni-ques ; lattribution du statut de Prophte un homme et sa divinisa-tion, donc aussi lassociationnisme ; lanathmisation non seulement des trois premiers califes, des pouses du Prophte et de la plupart de ses Compagnons mais des sommits de la religion et du commun des Sunnites ; un usage rituel consistant les maudire et les insulter ; lautorisation de verser leur sang ; une ressemblance aux Juifs ou aux Nazarens en certaines de leurs ides et pratiques religieuses respec- anti-Shiism, in R. MEIJER (d.), Global Salafism. Islams New Reli-gious Movement, New York, Columbia University Press, 2009, p. 107-125 ; p. 110-111.

    1. V. NASR, The Shia Revival. How Conflits within Islam Will Shape the Future, New York - Londres, W. W. Norton & Company, 2007, p. 206-207, 94. Quand, p. 95-96 de ce mme livre, V. Nasr prsente le Minhj al-sunnat al-nabawiyya, il ne dit mot du contexte anti-mongol dans lequel Ibn Taymiyya rdigea luvre. Frquente sous la plume dactivistes, une telle intemporalit dapproche est dconcertante de la part dun acadmique.

    tives ; lirrationalit et labsence dune tradition authentique ; le secta-risme et la divergence ; la croyance fanatique en un imm infaillible, inexistent et inutile ; la libre-pense (zandaqa) ; le rejet de adths pourtant bien authentifis et une prfrence pour des potes ; un dsin-trt pour les mosques ; la vnration des tombeaux de personnalits, vrais ou fictifs, parfois mme de prfrence au plerinage mecquois ; la mdisance, linsinuation et la diffamation ; lhypocrisie, la dissimu-lation et le mensonge ; labandon de plusieurs prescriptions de lIslam, dont le jihd ; lamiti pour les Juifs, les Nazarens et les associateurs de prfrence aux Musulmans ; la collaboration avec les Mongols et les Francs contre les Musulmans ; le pillage dune arme mamlke en retraite ; lhostilit, la rancur et la fureur vis--vis des Musulmans

    Selon Ibn Taymiyya, ces turpitudes rfiites sont de loin plus graves que les tares des Krijites, qui il trouve mme certaines vertus, telles la fidlit au Coran et au Prophte, ou la vracit. Pour lui, la conclusion simpose donc delle-mme : il est encore plus obligatoire de combattre les Rfiites quil le fut pour Al de lutter contre les Khrijites. lintention de ceux qui pourraient encore en douter, et alors mme quil reconnat explicitement qu un fetwa ne permet quune vocation abrge des choses , il apporte trois complments sa dmonstration.

    Le premier complment sadresse particulirement aux juristes ne saisissant pas la ralit des choses et tents dassimiler la lutte contre les Rfiites celle mene par Al contre ses adversaires politiques hedjaziens et syriens, notamment lors des batailles du Chameau (36/656) et de iffn (37/657). Pour le thologien mamlk, ce serait confondre soulvement contre lautorit (khurj al) et sortie de lIslam, affranchissement de ses prescriptions (khurj an). Plutt quavec isha, al-Zubayr, ala et Muwiya, cest avec deux autres groupes de rebelles que la comparaison simpose : les Arabes qui refusrent de payer Ab Bakr laumne canonique quils avaient verse au Prophte et les Khrijites vaincus par Al Nahrawn (38/658). Le soulvement de isha et de ses allis contre le qua-trime calife rsultait dune divergence dinterprtation comme il peut en advenir entre les croyants. Le refus de certains Arabes de continuer verser laumne canonique aprs la mort du Prophte et le refus dun arbitrage entre Al et Muwiya ayant men la scession des Khrijites ne pouvaient en revanche se revendiquer daucune lecture particulire admissible de la religion et constiturent des abandons de celle-ci. La chose tait videmment plus grave ; do la ncessit dans laquelle Al se trouva de les combattre. Et comme les Rfiites saffranchissent encore plus largement de la religion, lobligation de lutter contre eux est encore plus imprieuse.

    De ce point de vue, renchrit Ibn Taymiyya, les Rfiites sont non seulement inassimilables de simples opposants politiques ainsi que suggr par certains juristes mais ils ne devraient mme pas tre rapprochs des Khrijites. Une tradition du Prophte rapporte par Muslim lui parat en effet fournir deux un portrait plus prcis : Qui-conque saffranchit [de lobligation] dobir et se spare de la commu-nion, puis meurt, meurt dune mort de lge de lIgnorance. Quicon-que tue sous une bannire daveugles, se met en colre par esprit de clan et combat par esprit de clan, nest pas des miens. Quiconque se soulve contre ma communaut, en frappe le pieux et le dprav, nen pargne pas le croyant ni ne mnage celui dont elle sest engage assurer la scurit, nest pas des miens. Dsobissance et dsunion de type prislamique, sectarisme clanique, agressivit et violence illimites Ce sont ces trois types de comportement explicitement condamns par le Prophte qui, pour Ibn Taymiyya, dcrivent le mieux les Rfiites. Ainsi quil lexplique avec un certain dtail, ils runissent en effet ces trois caractristiques, plus dautres encore.

    Deuxime complment : une leon dhistoire. On vient de voir Ibn Taymiyya souligner lincapacit de certains juristes distinguer les enjeux respectifs des divers combats mens par Al durant son califat. Peut-tre est-ce l la raison pour laquelle il consacre ensuite quelques pages retracer les origines et le dveloppement du Khrijisme, du Rfiisme et dautres courants idologiques durant les quatre premiers sicles de lHgire. Pour le mufti mamlk, plus long est le temps coul depuis la priode prophtique, plus grave deviennent les inno-vations. En vertu de cette rgle, le Rfiisme lui apparat nouveau pire que le Khrijisme. Il considre en effet celui-ci comme la pre-

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    mire innovation apparue en Islam, durant le califat de Al, tandis que le Rfiisme, explique-t-il, napparut quaprs le meurtre dal-usayn (60/680) ou, plus exactement mme, lors du soulvement de son petit-fils, Zayd, contre le rgime umayyade (122/740). Les sicles passant, la doctrine des Rfiites immites en arriva selon Ibn Taymiyya constituer un ramassis dinnovations garantes et de fantaisies tholo-giques profondment marques par le Jahmisme et prnant notamment une ngation des attributs et du dcret divins. Il attribue un rle central dans cette volution au calife abbside al-Mamn (m. 218/833), quil prsente comme linstigateur et de linquisition (mina) muta-zilite et du mouvement bien connu de traduction du grec vers larabe.

    Le calife al-Mamn recevant un ambassadeur byzantin1

    Quant prciser lidentit de ces Rfiites qui il consacre son fetwa, Ibn Taymiyya ne le fait pas plus en ces quelques pages dhis-toire que dans le reste du texte. Certes, il parle nommment des Qada-rites, des Murjiites, des Mutazilites, des Jahmites, des Khurramites, des Qarmaes, des Binites, des Ismliens et des Immites. Tout ceci reste cependant vague et confirme que son fetwa, plutt que de viser quelque groupe shite particulier que ce soit, approche effecti-vement les choses dans labsolu ainsi quil laffirmera lui-mme par la suite. Le Rfiisme critiqu par le mufti damascain nest vrai dire quune sorte didal-type au sens weberien.

    Le troisime complment ajout par Ibn Taymiyya sa dmons-tration que les Rfidites sont pires que les Khrijites et, partant, mritent encore plus dtre combattus que ces derniers consiste en un examen de la fameuse tradition prophtique des deux choses de poids (adth al-thaqalayn) : les gens ! Je laisse parmi vous les deux choses de poids : le Livre de Dieu et ma famille. Il y a accord, expli-que Ibn Taymiyya, des gens de la Sunna et de la communion sur lobligation et de suivre le Coran et dhonorer les droits des Compa-gnons et des proches de Muammad. Les Khrijites et les Rfidites ont quant eux en commun de ne suivre quune de ces deux choses de poids : le Coran pour les premiers, les gens de la maison du Prophte pour les seconds. LIslam des deux sectes est donc dficient. Le message coranique tant plus important que la famille du Messager, les Rfidites apparaissent nanmoins, une fois encore, pires que les Khrijites. CQFD

    La maestria scholastique dploye par Ibn Taymiyya dans son Fetwa des Rfiites laisse pantois. Retourner le adth al-thaqalayn contre ceux qui en font une des principales justifications canoniques de leur immisme est particulirement habile ; tout comme dailleurs lest, plus gnralement, le fait de fonder une bonne part de sa rfuta-tion du Rfiisme sur laction de Al. Sans doute cependant ne rptera-t-on jamais assez la mise en garde formule plus haut : tout

    1. Dtail dune miniature de la Chronique de lhistorien byzantin Jean Skylitzs (XIe s.), Sicile, vers 1150-1175 (Madrid, Bibliothque Nationale dEspagne, MS. Vitr. 26-2, fol. 47r). Le calife est identifi (en grec) comme amr al-muminn, le commandeur des croyants .

    ceci nest que thorie, exercice acadmique, prouesse doctrinale, variation sur un idal-type, et nest donc en rien suffisant pour fonder quelque action que ce soit, a fortiori violente, contre quelque frre, sur ou communaut shites que ce soient.

    Un dernier point reste examiner dans la prsente introduction : la date du Fetwa des Rfiites. Il est heureusement possible de la fixer avec un certain degr de prcision. Ibn Taymiyya fournit explicite-ment le terminus post quem de 700/1300 en parlant de loccultation mineure du douzime imm, intervenue en 260/873-4, comme stant produite plus de quatre cent quarante annes lunaires plus tt. Ce terminus post quem est confirm par son vocation du sac mongol du faubourg damascain dal-liiyya quon sait stre produit au prin-temps 699/1300.

    Ce terminus post quem peut sans trop de risque derreur tre avanc jusquen Raman 702 / fin avril 1303. Ibn Taymiyya appelle en effet lattaque de la Syrie par llkhn Ghzn en fin Rab I 699 / dcembre 1299 la premire invasion ; ce qui implique quil crit aprs quil sen est au moins produit une seconde. On le sait, Ghzn envahit nouveau le nord de la Syrie au dbut de 700 / octobre 1300 mais se replia la mi-700 / fvrier 1301 sans mme tre 0u jusqu Damas. Commence la mi-702 / fvrier 1303, la troisime invasion de la Syrie par llkhn parut dabord russir puisquil parvint jusqu Damas. Les 2-3 Raman 702 / 20-21 avril 1303, elle se solda cepen-dant par une cinglante dfaite de larme tatare lors de la bataille de Shaqab laquelle Ibn Taymiyya participa en personne. La deuxime invasion ayant t beaucoup moins grave que la troisime, il est permis de juger que cest celle-ci que le thologien pense. Il est par ailleurs permis de croire que la victoire de lIslam laquelle il fait allusion quelques lignes aprs avoir parl de la premire invasion tatare est la victoire des Mamlks sur Ghzn Shaqab. Do le report suggr plus haut pour le terminus post quem de ce fetwa.

    Quant au terminus ante quem, il semblerait possible de le fixer en fonction de la manire dont Ibn Taymiyya voque dans ce fetwa les mesures adopter contre les mcrants Nuayrs, Ismliens, et autres : Sils vivent [ensemble] dans les villages des Musulmans, on les dispersera, les fera habiter entre les Musulmans aprs leur repentir et les forcera de sen tenir aux prescriptions de lIslam, qui sont obli-gatoires pour les Musulmans. Comme il lavait dj fait en Shawwl 699 / juillet 1300, le Shaykh de lIslam participa au dbut de 705 / t 1305 une nouvelle campagne militaire mamlke contre les sectes shites de la montagne libanaise le Jurd et le Kasrawn qui avaient collabor avec les Tatars et les Croiss de Chypre durant la premire attaque de Ghzn contre la Syrie. Citant lhistorien druze li b. Yay (m. 1436), H. Laoust crit que, lors de cette campagne, un grand nombre de notables furent mis mort, les populations dis-perses, et lamn ne fut accord qu ceux des montagnards qui sen-gagrent migrer2. Selon Ibn Kathr, Ibn Taymiyya et ses compa-gnons appelrent beaucoup de monde se repentir et les forcrent sen tenir aux prescriptions de lIslam3. Si le prsent fetwa avait t crit aprs cette campagne, on peut imaginer quIbn Taymiyya, dont luvre comprend de frquents passages autobiographiques, laurait voque comme il y voque par exemple la victoire mamlke de Shaqab. Son silence conduit donc penser ce fetwa antrieur ladite campagne ; do un terminus ante quem de 705/1305.

    2. H. LAOUST, Remarques sur les expditions du Kasrawan sous les premiers Mamlks, in Bulletin du Muse de Beyrouth, Paris, Adrien Maisonneuve, t. IV, dc. 1940, p. 93-115 ; p. 106.

    3. IBN KATHR, Bidya, t. XIV, p. 37 ; H. LAOUST, Remarques, p. 103. Sur cette campagne, voir aussi la lettre quIbn Taymiyya envoya au sultan mamlk al-Nir Muammad pour linformer de ses rsultats : Rislat al-shaykh il l-suln al-malik al-Nir, in Ab Abd Allh B. ABD AL-HD (m. 744/1343), al-Uqd al-durriyya min manqib Shaykh al-Islm Amad b. Taymiyya. dition M. . AL-FIQ, Le Caire, Mabaa ijz, 1357/1938, p. 182-194 ; A. HOTEIT, Les expditions Mamloukes de Kasrawn : critique de la Lettre dIbn Taymiya au sultan an-Nir Muammad bin Qalwn, in Aram 9 & 10: The Mamluks and the Early Ottoman Period in Bilad al-Sham: History and Archaeology, Oxford, 1997-1998, p. 77-84.

  • 5

    TRADUCTION 1 Le Shaykh de lIslam Taq l-Dn fut interrog au sujet des

    gens qui prtendent avoir foi en Dieu Puissant et Majestueux est-Il ! , en Ses anges, en Ses Livres, en Ses Messagers et au Jour dernier, et croient que le vritable (aqq) imm aprs le Messager de Dieu Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! fut Al b. Ab lib, que le Messager de Dieu Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! le dsigna textuellement (naa al) comme imm, que les Compagnons furent injustes son gard, le privrent de [ce qui tait] son droit et devinrent par l des mcrants : faut-il combattre ces gens et seront-ils ou non tenus pour des mcrants en raison dune telle croyance ?

    Il nest pas de preux except Al, ni dpe except Dh l-Faqr2.

    Louange Dieu, le Seigneur des mondes ! rpondit-il. Il y a l-dessus consensus des ulmas des Musulmans, tout groupe se refusant de [mettre en uvre] une des prescriptions (shara) extrieures (hir) de lIslam, rcurrentes [dans les sources canoniques] (mutawtir)3, il faut le combattre jusqu ce que la religion soit tout entire pour Dieu4.

    Combattre quiconque saffranchit de la religion Nous prierons mais ne verserons pas laumne (zakt).

    Nous prierons les cinq [prires journalires] mais ne prierons 1. IBN TAYMIYYA, MF, d. IBN QSIM, t. XXVIII, p. 468-501. 2. Poster iranien (Thran, fin du XXe s. Coll. part.). 3. Cest--dire, par exemple, les cinq prires, le jene du mois de

    Raman et le plerinage de la Maison Antique ; voir le texte taymiyyen traduit in Y. MICHOT, Mcrance, p. 62.

    4. Voir Coran, al-Baqara - II, 193.

    pas la [prire du vendredi], ni les [prires] collectives. Nous mettrons en uvre les cinq fondements (mabn) de lIslam mais ne tiendrons pour prohibs ni le sang des Musul-mans, ni leurs biens. Nous nabandonnerons ni lusure, ni le vin, ni les jeux de hasard. Nous suivrons le Coran mais ne suivrons pas le Messager de Dieu Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! ni nagirons selon les adths tablis comme provenant de lui. Nous croyons que les Juifs et les Nazarens sont meilleurs que la masse des Musulmans, que les gens de la Qibla ont mcru en Dieu et en Son Messager et quil ne reste deux, comme croyants, quun groupe peu nombreux. [469] Sils disent lune ou lautre de ces choses, ou quils disent Nous, nous ne mnerons pas le jihd contre les mcrants avec les Musulmans , ou quelque autre affaire oppose la Loi (shara) du Messager de Dieu Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! , sa Sunna et ce qui fait lobjet de la com-munion (jama) des Musulmans, il faut mener le jihd contre lensemble de ces groupes comme les Musulmans menrent le jihd contre ceux qui refusaient [de payer] laumne5, menrent le jihd contre les Khrijites [en] leurs [diverses] sortes et menrent le jihd contre les Khurramites6, les Qarmaes7, les Binites8 et les autres sortes dadeptes des fantaisies (haw) et des innovations qui saffranchissent (khrij an) de la Loi de lIslam.

    [Il en va] ainsi parce que le Dieu Trs-Haut dit dans Son Livre : Combattez-les jusqu ce quil ny ait plus de trouble (fitna), et que la religion soit tout entire pour Dieu9 ! Quand une partie de la religion est pour Dieu et une [autre] partie pour un autre que Dieu, il faut combattre [ces gens] jusqu ce que la religion soit tout entire pour Dieu. Le Trs-Haut a aussi dit : Sils se repentent, accomplissent la prire et donnent laumne, dgagez-leur le chemin10. Il na command de leur dgager le chemin quaprs quils se soient repentis de lensemble des espces de mcrance, quils aient accompli la prire et donn laumne. Le Trs-Haut de dire aussi : ceux qui croient ! Craignez Dieu et laissez l ce que vous [pratiquez] encore de lusure, si vous tes croyants. Si vous ne le faites pas, recevez lannonce dune guerre de la part de Dieu et de Son

    5. Aprs la mort du Prophte, certains refusrent de payer laumne lgale Ab Bakr et furent combattus par lui ; voir AL-BUKHR, a, Itim (Boulaq, t. IX, p. 113) ; MUSLIM, a, mn (Cons-tantinople, t. I, p. 38) ; notre Textes spirituels XI, p. 29, n. 20.

    6. Khurramiyya, ou Khurramdniyya (du persan khurram-dn, religion joyeuse, agrable ), rfra originellement au mouvement religieux rvolutionnaire de Mazdak en gnral (Ve sicle, Iran ssnide). Plus tard, lappellation fut utilise pour plusieurs sectes iraniennes, anti-arabes et frquemment rebelles, influences par des croyances mazdakiennes et manichennes ainsi que par des doctrines shites extrmistes. Les Khurramites ont souvent t identifis aux Muslimiyya, les partisans du leader anti-Umayyade Ab Muslim (m. 137/755), qui regardaient ce dernier comme leur imm, un prophte ou une incarnation de lesprit divin. Voir W. MADELUNG, EI2, art. Khurramiyya.

    7. Une des branches du Shisme ismlien ; voir W. MADELUNG, EI2, art. Karma.

    8. Pour Ibn Taymiyya, tous ceux qui, Shites, soufis ou philosophes, rejettent le sens manifeste des textes canoniques en faveur dun sens sotrique (bin) ; voir M. G. S. HODGSON, EI2, art. Biniyya.

    9. Coran, al-Baqara - II, 193. 10. Coran, al-Tawba - IX, 5.

  • 6

    Messager1. Le Trs-Haut [nous] a donc informs que, si le groupe qui se refusait [de Lui obir] ne finissait pas de [prati-quer] lusure, il serait en guerre contre Dieu et Son Messager. Or lusure est la dernire chose que Dieu ait prohibe dans le Coran. [Cela vaut donc encore] plus srement pour ce quIl prohiba avant elle. Le Trs-Haut a galement dit : La rtribu-tion de ceux qui sont en guerre contre Dieu et Son Messager et se dmnent [semer] la corruption sur la terre sera seulement dtre tus, ou dtre crucifis ou davoir les mains et les pieds coups en diagonale, ou dtre bannis de la terre2. [470]

    Tout individu qui, parmi les dtenteurs de la force arme (ahl al-shawka), se refuse dentrer dans lobissance Dieu et Son Messager est en guerre contre Dieu et Son Messager. Quicon-que agit sur la terre selon autre chose que le Livre de Dieu et la Sunna de Son Messager se dmne [semer] la corruption sur la terre. Voil pourquoi les Anciens ont interprt ce verset comme [visant la fois] les mcrants et les gens de la Qibla. Cest tel point que le commun des imms ont inclus, parmi les individus viss par ce [verset], les coupeurs de route qui dgainent une arme pour simplement semparer de biens : du [seul] fait que ces [voleurs] semparent des biens des gens en combattant, les [imms] les ont considrs en guerre contre Dieu et Son Messager, et comme se dmenant [semer] la corruption sur la terre, quand bien mme ils croiraient en la prohibition de ce quils font et affirmeraient avoir foi en Dieu et en Son Messager.

    Quelquun qui croit licite [de verser] le sang des Musulmans, [de semparer de] leurs biens, et juge licite de les combattre, mrite dtre [considr] en guerre contre Dieu et Son Mes-sager, et comme se dmenant [semer] la corruption sur la terre, plus encore que ces [gens voqus prcdemment]. Sem-blablement, le mcrant dun pays de guerre (arb) qui juge licites le sang des Musulmans et leurs biens, et considre permis de les combattre, mrite plus de faire lobjet dune guerre que le pervers (fsiq) qui croit en la prohibition de cela. Ainsi aussi linnovateur qui saffranchit (kharaja an) partiel-lement de la Loi du Messager de Dieu Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! et de sa Sunna, et juge licites le sang et les biens des Musulmans sattachant la Sunna du Messager de Dieu Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! et sa Loi mrite plus de faire lobjet dune guerre que le pervers, quand bien mme [cet innovateur] prendrait cela comme une religion par laquelle se rapprocher de Dieu ainsi que les Juifs et les Nazarens prennent faire la guerre aux Musulmans comme une religion par laquelle se rapprocher de Dieu3.

    Cest pour cela quil y a eu accord des imms de lIslam sur le fait que ces innovations paissies (mughalla) sont pires que les pchs dont les auteurs croient [effectivement] que ce sont des pchs. Cest aussi cela que la Sunna du Messager de Dieu

    1. Coran, al-Baqara - II, 278-279. 2. Coran, al-Mida - V, 33. 3. Ibn Taymiyya oppose parfois la nature religieuse des guerres

    menes contre lIslam par les Chrtiens (et, ici aussi, les Juifs) labsence de motivation religieuse dans lexpansionnisme mongol ; voir le texte taymiyyen traduit in Y. MICHOT, IBN TAYMIYYA, Les Saints du Mont Liban. Absence, jihd et spiritualit, entre la montagne et la cit. Cinq fetwas traduits de larabe, introduits et annots. Prface de N. EL-BIZRI, Beyrouth, Albouraq, Fetwas dIbn Taymiyya, 5 , 1428/2007, p. 106-107.

    Dieu prie [471] sur lui et lui donne la paix ! a tabli. Il a en effet command de combattre ceux qui saffranchissent de la Sunna tandis quil a command dtre patient face loppres-sion (jawr) des imms et leur injustice, ainsi que de prier derrire eux malgr leurs pchs4. De lun de ses Compagnons qui persistaient [commettre] certains pchs il a par ailleurs tmoign quil aimait Dieu et Son Messager et il a interdit de le maudire. Concernant Dh l-Khuwayira5 et ses compagnons [le Prophte nous] a aussi informs que, malgr leur dvotion (ibda) [de Dieu] et leur ferveur (wara), ils passent au travers de lIslam comme une flche passe au travers dune proie6. Et le Trs-Haut de dire dans Son Livre : Mais non, par ton Seigneur ! ils nauront pas la foi jusqu ce quils te prennent pour juge dans ce qui fait conflit entre eux, sans trouver ensuite en eux-mmes aucune gne ce que tu auras dcid et en se soumettant pleinement7. Dieu a donc jur par Son Soi sanctifi (bi-nafsi-hi l-muqaddasa) que tout individu saffranchissant de la Sunna du Messager de Dieu Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! et de sa Loi na pas la foi jusqu ce quil soit satisfait du jugement du Messager de Dieu Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! en lensemble des affaires, relatives la religion et la vie ici-bas, qui font conflit entre eux, et jusqu ce quil ne demeure plus en leurs curs aucune gne vis--vis de son jugement. Multiples sont les preuves coraniques de ce fondement et cest cela que la Sunna du Messager de Dieu Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! a apport, ainsi que la Sunna de ses califes bien-guids.

    Ab Bakr. propos dAb Hurayra8, [on lit] dans les deux as quil a dit : Quand le Messager de Dieu Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! trpassa et que, des Arabes, apostasirent ceux qui apostasirent, Umar b. al-Khab dit Ab Bakr : Comment combattras-tu les gens alors que le Messager de Dieu a dit Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! : Il ma t command de combattre les gens jusqu ce quils tmoignent quil nest pas de dieu sinon Dieu et que Muammad est le Messager de Dieu. Quand ils le font, ils sassurent, en ce qui me concerne, [la prservation de] leur sang [472] et de leurs biens moins dun droit [entran par ce

    4. Voir ce sujet les textes taymiyyens traduits in Y. MICHOT, Textes spirituels X, p. 29-30 ; Textes spirituels, N.S. IV ; V, p. 4 ; XIII, p. 2-3, 6.

    5. Amr Dh l-Khuwayira l-Tamm, connu pour son insolence lgard du Prophte lors dun partage de butin ; voir AL-BUKHR, a, Manqib (Boulaq, t. IV, p. 200). Il est parfois identifi au Compagnon du Prophte, devenu plus tard khrijite, ur b. Zuhayr (mort lors de la bataille dal-Nahrawn, en 38/658) ; voir L. VECCIA VAGLIERI, EI2, art. ur b. Zuhayr al-Sad ; IBN AJAR AL-ASQALN, Shihb al-Dn (m. 852/1449), al-Iba f tamyz al-aba, d. A. A. AL-TURK & A. S. YAMMA, 16 t., Le Caire, 2008/ 1429, t. III, p. 420-421, n 2459 ; t. II, p. 504, n 1671. Voir aussi infra, p. 22.

    6. Voir AL-BUKHR, a, Manqib (Boulaq, t. IV, p. 200) ; Fail al-Qurn (Boulaq, t. VI, p. 197) ; MUSLIM, a, Zakt (Constantinople, t. III, p. 112, 114, 115) ; IBN ANBAL, Musnad (Boulaq, t. I, p. 131) ; IBN MJA, Sunan, Muqaddima (d. ABD AL-BQ, t. I, p. 59-61, n 168-172). Voir aussi IBN TAYMIYYA, MF, t. XXVIII, p. 512, trad. MICHOT, Textes spirituels XI, p. 5 ; Y. MICHOT, Textes spirituels, N.S. III, p. 5.

    7. Coran, al-Nis - IV, 65. 8. Ab Hurayra l-Daws al-Yamn (m. 58/678 ?), Compagnon ; voir

    J. ROBSON, EI2, art. Ab Hurayra.

  • 7

    tmoignage] et leur compte incombe Dieu1 ? Ab Bakr lui dit : [Le Prophte] na-t-il pas dit : moins dun droit [en-tran par ce tmoignage] ? Laumne est dentre ce quoi [lIslam] a droit [de par ce tmoignage]. Par Dieu, sils me refusaient une chevrette quils apportaient au Messager de Dieu Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! je les combattrais du fait quils me la refusent. Umar de dire alors : Par Dieu, je vis directement que Dieu avait ouvert la poitrine dAb Bakr [la ncessit de] combattre2 et je sus que ctait la vrit. Il y a eu accord des Compagnons du Messager de Dieu Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! sur le fait de combattre des groupes qui prient et jenent quand ils se refusent d[obir ] certaines des obligations que Dieu leur a imposes, dont laumne purificatrice de leurs biens.

    Al dcapitant al-Nar b. al-rith devant le Prophte3

    Cette dduction fut faite par le [calife] vridique4 de la communaut, et il la rendit explicite. Dans les deux as, [il est aussi rapport] de Abd Allh b. Umar5 Dieu soit satisfait deux deux ! quil a dit : Le Messager de Dieu a dit Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! : Il ma t command de combattre les gens jusqu ce quils tmoignent quil nest pas de dieu sinon Dieu et que Muammad est le Messager de Dieu, quils clbrent la prire et donnent laumne. Quand ils le

    1. Voir AL-BUKHR, a, Istitba (Boulaq, t. IX, p. 15) ; Iti-m (Boulaq, t. IX, p. 93-94) ; MUSLIM, a, mn (Constantinople, t. I, p. 38-39). Voir aussi les textes traduits in Y. MICHOT, Textes spirituels XIII, p. 29-30.

    2. Cest--dire avait inspir Ab Bakr de combattre . 3. Dtail dune miniature du Siyar-i Neb de Muaf al-arr

    dErzurum (VIIIe/XIVe s.), Istanbul, vers 1002/1594 (Copenhague, David Collection, 5/1985).

    4. Le vridique , titre traditionnellement reconnu Ab Bakr. 5. Fils du second calife (m. en 73/693) ; voir L. VECCIA VAGLIERI,

    EI2, art. Abd Allh b. Umar b. al-Khab.

    font, ils sassurent, en ce qui me concerne, [la prservation de] leur sang et de leurs biens moins dun droit [entran par ce tmoignage] 6.

    Il [nous] a donc informs Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! quil lui avait t command de les combattre jusqu ce quils sacquittent de ces obligations.

    Ceci est conforme au Livre de Dieu. Cest par ailleurs rapport du Prophte Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! de manire rcurrente (tawtara), de multiples faons. Les auteurs des as ont retenu dix de ces faons, Muslim les mentionnant [toutes] dans son a tandis qual-Bukhr en retenait quelques-unes [seulement]. Et limm Amad7 [b. anbal] de dire Dieu lui fasse misricorde : Le adth concernant les Khrijites est authentique de dix faons. [Le Prophte] a dit Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! : Chacun de vous trouvera ddaignables sa prire en com-paraison de leur prire, son jene [473] en comparaison de leur jene et sa rcitation du Coran en comparaison de leur rcitation. Ils le rcitent cependant sans quil dpasse leurs gosiers ! Ils passent au travers (maraqa) de lIslam comme une flche passe au travers dune proie8. Si ceux qui [les] combattront savaient ce qui leur [a t promis] par la langue de Muammad, ils sabstiendraient de [toute autre] action9. Et dans une [autre] relation : Si je vivais jusqu leur poque, je les tuerais assurment comme les d10 furent tus11. Dans une [autre] relation encore : [Ce sont] les pires victimes [quon puisse] tuer sous ltendue du ciel, la meilleure victime tant celui quils tuent12.

    Al. Le premier qui combattit ces [gens]-l, ce fut le commandeur des croyants Al b. Ab lib, ainsi que ceux des Compagnons du Messager de Dieu Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! qui taient avec lui. Il les combattit arr13

    6. Voir AL-BUKHR, a, mn (Boulaq, t. I, p. 14) ; MUSLIM, a, mn (Constantinople, t. I, p. 39).

    7. Amad b. anbal (m. Baghdd, 241/855), clbre thologien, jurisconsulte et traditionniste, fondateur dun des quatre rites juridi-ques du sunnisme ; voir H. LAOUST, EI2, art. Amad b. anbal.

    8. Voir notamment AL-BUKHR, a, Fail al-Qurn (Boulaq, t. VI, p. 197) ; MUSLIM, a, Zakt (Constantinople, t. III, p. 112) ; IBN ANBAL, Musnad (Boulaq, t. I, p. 131). Sur les diverses versions de ce adth, voir A. J. WENSINCK, Concordance, t. III, p. 7 ; IBN TAYMIYYA, MF, trad. MICHOT, Musique, p. 130 ; Textes spirituels XI, p. 30 ; Textes spirituels, N.S. III, p. 5.

    9. Voir notamment AL-BUKHR, a, Anbiy (Boulaq, t. IV, p. 137) ; Tawd (Boulaq, t. IX, p. 127) ; MUSLIM, a, Zakt (Cons-tantinople, t. III, p. 115 ; trad. SIDDIQI, a, t. II, p. 515, n 2333) ; AB DD, Sunan, Sunna (d. ABD AL-AMD, t. IV, p. 244, n 4768 ; trad. HASAN, Sunan, t. III, p. 1335, n 4750).

    10. Peuple post-noachique et pr-abrahamique de la pninsule arabe plusieurs fois mentionn dans le Coran, qui maltraita le Prophte Hd et fut presque entirement annihil par une tornade mugissante ; voir F. BUHL, EI2, art. d.

    11. Voir notamment MUSLIM, a, Zakt (Constantinople, t. III, p. 110) ; AB DD, Sunan, Sunna (d. ABD AL-AMD, t. IV, p. 243, n 4764 ; trad. HASAN, Sunan, t. III, p. 1334, n 4746).

    12. Voir notamment AB DD, Sunan, Sunna (d. ABD AL-AMD, t. IV, p. 243, n 4765 ; trad. HASAN, Sunan, t. III, p. 1334, n 4747) ; IBN ANBAL, Musnad (Boulaq, t. V, p. 31, 253, 256) ; IBN MJA, Sunan, Muqaddima (d. ABD AL-BQ, t. I, p. 62, n 176).

    13. Localit iraqienne proche dal-Kfa, o des milliers de partisans de Al opposs son acceptation dun arbitrage durant la bataille de iffn se rebellrent contre lui (37/657) ; voir L. VECCIA VAGLIERI,

  • 8

    quand ils saffranchirent de la Sunna et de la communion et jugrent licite [de verser] le sang des Musulmans et [de sem-parer de] leurs biens. Ils avaient tu Abd Allh b. Khabbb1 et avaient attaqu les troupeaux des Musulmans. Le commandeur des croyants Al b. Ab lib se leva et adressa un discours aux gens. Il rappela le adth et mentionna quils avaient tu et pris les biens [de Musulmans]. Il dclara donc licite de les com-battre et prouva une joie insigne les tuer. Durant son califat, il ne fit rien de gnral qui, selon lui, ait t plus insigne que combattre les Khrijites. Ils traitaient en effet de mcrants la plupart (jumhr) des Musulmans, au point mme de traiter de mcrants Uthmn et Al ! Ils agissaient selon le Coran, pr-tendaient-ils, et ne suivaient pas la Sunna du Messager de Dieu Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! dont ils pensaient quelle sopposait au Coran, ainsi que le font le reste des au-teurs dinnovations, malgr lintensit de leur dvotion et de leur ferveur.

    Dans le a dal-Bukhr et dautres [recueils de traditions, il est tabli] au sujet de Al, denviron quatre-vingts faons, quil a dit : Le meilleur [membre] de cette communaut aprs son Prophte est Ab Bakr, ensuite Umar2. Le concernant, il est aussi tabli [474] quil brla les exagrateurs (ghliya) rfiites qui croyaient son propos quil tait Dieu (ilhiyya). Il est en outre rapport de lui, par dexcellentes chanes de transmetteurs, quil a dit : Aucun [individu] me donnant plus dminence qu Ab Bakr et Umar ne vient vers moi sans que je le fouette comme on sanctionne le forgeur [de men-songes]. De lui, [il est par ailleurs rapport] quil fit recher-cher Abd Allh b. Saba3 quand il lui fut communiqu que ce dernier insultait Ab Bakr et Umar ; [cela], afin de le tuer, mais [Ibn Saba] prit la fuite.

    Umar b. al-Khab Dieu soit satisfait de lui ! commanda quun homme qui lui reconnaissait plus dminence qu Ab Bakr soit fouett pour cette raison. Umar Dieu soit satisfait de lui ! dit par ailleurs abgh b. Isl, quand il le pensa tre dentre les Khrijites : Si je tavais trouv [le crne] ras, je taurais frapp l o se trouvent tes deux yeux4. EI2, art. arr. Lanne suivante (38/658), Al vainquit les mutins de arr et en massacra un grand nombre durant la bataille dal-Nahrawn, aussi en Iraq.

    1. Abd Allh b. Khabbb b. al-Aratt (m. 37/657), Compagnon assassin, en mme temps que sa femme enceinte, par des Khrijites ; voir IBN AL-ATHR, Usd, t. III, p. 150.

    2. Voir notamment AL-BUKHR, a, Fail al-aba (Boulaq, t. V, p. 7, selon le fils de Al, Muammad b. al-anafiyya).

    3. Juif ymnite considr comme le fondateur de laile la plus extrme du Shisme. Il est dit avoir proclam la divinit de Al ou, du moins, avoir ni sa mort et enseign que, la fin des temps, il revien-drait des nuages. Des sources sunnites voient aussi en lui linstigateur des premires dissensions entre les Compagnons du Prophte et laccusent davoir foment lopposition Uthmn au prtexte de droits spciaux de Al ; voir M. G. S. HODGSON, EI2, art. Abd Allh b. Saba. Ibn Taymiyya laccuse ailleurs davoir essay de corrompre lIslam naissant comme Paul de Tarse corrompit lenseignement de Jsus ; voir le texte taymiyyen traduit in Y. MICHOT, Ibn Taymiyya on Astrology, p. 177-178 ; voir aussi infra, p. 14.

    4. Quand abgh b. Isl al-Tamm vint chez Umar b. al-Khab Dieu soit satisfait de lui ! , lui posa les questions quil lui posa sur les [versets] ambigus [du Coran] en recherchant la dissension et en leur cherchant une interprtation, et que Umar le frappa rudement, il lui dcouvrit la tte et remarqua quil avait deux nattes. Il lui dit : Si je

    Telle fut la manire dagir (sunna) du commandeur des croyants Al et dautres que lui. Il commanda de fait de punir les Shites des trois sortes5, dont ceux [lui] donnant plus dminence [qu Ab Bakr et Umar] (mufail) sont la plus lgre. Lui et Umar commandrent en effet de les fouetter. Quant aux exagrateurs (ghliya), ils seront tus il y a l-dessus accord des Musulmans. Ce sont ceux qui croient propos de Al et dautres quils sont Dieu (ilhiyya) et Pro-phtes (nubuwwa), tels les Nuayrs6 et les Ismliens ceux quon appelle la maison du d et la maison du Sn ainsi que ceux qui sont inclus parmi eux : les rductionistes7 (muail) qui nient lexistence de lArtisan, ou nient la rsurrection, ou nient les [obligations] extrieures (hir) de la Loi telles les cinq prires, le jene du mois de Raman, le plerinage de la Maison objet dinterdits8, interprtent cela comme [signifiant respectivement] connatre leurs secrets, celer (kitmn) leurs secrets, visiter leurs shaykhs, et sont davis que le vin est licite pour eux et que marier les femmes canoni-quement interdites est licite pour eux.

    Lensemble de ces mcrants sont plus mcrants que les Juifs et les Chrtiens. Si ces choses ne transparaissent pas [475] de lun deux, il est dentre les hypocrites qui sont dans le fond le plus bas du Feu tandis que celui qui laisse apparatre ces choses est dune plus forte mcrance que les mcrants. Il ne lui est donc pas permis de stablir parmi les Musulmans, ni de par un impt de capitation (jizya), ni de par un accord de protection (dhimma). Il nest pas licite de marier leurs femmes, ni de manger des btes quils gorgent, parce que ce sont des apostats, dentre les pires apostats. Sil sagit dun groupe [de gens] se refusant [de suivre lune ou lautre prescription de lIslam], il est ncessaire de les combattre comme on combat les apostats, ainsi qu[Ab Bakr] le vridique et les Compa-gnons combattirent les compagnons de Musaylima9 larchimen-teur. Sils vivent [ensemble] dans les villages des Musulmans,

    tavais trouv [le crne] ras, je taurais frapp l o se trouvent tes deux yeux. En effet, sil lavait trouv [le crne] ras, il aurait par l eu une indication quil tait dentre les Khrijites saffranchissant [de lIslam] ; or il les tuait du fait de lordre de les combattre [donn] par le Prophte Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! (IBN TAYMIYYA, Istiqma, t. I, p. 258). Voir aussi Y. MICHOT, Mardin, p. 92-94.

    5. Cest--dire les Khrijites partisans (sha) de Al jusqu larbitrage de iffn , les mufaila le prfrant Ab Bakr et Umar et les exagrateurs (ghliya) le divinisant.

    6. Secte shite extrmiste tirant son nom de Muammad b. Nuayr al-Fihr l-Numayr, un disciple du 10e ou du 11e imms duodcimains, et encore existante aujourdhui (Alawites de Syrie) ; voir AL-SHAH-RASTN, Milal, trad. GIMARET - MONNOT, Religions I, p. 542, n. 225 ; Y. FRIEDMAN, The Nuayr-Alaws: An Introduction to the Religion, History, and Identity of the Leading Minority in Syria, Leyde, Brill, 2010. Ibn Taymiyya voque et rfute les doctrines nuayries en maints textes, dont divers fetwas ; voir S. GUYARD, Le Fetwa dIbn Tay-miyyah sur les Nosairis, in Journal Asiatique, 6/18, Paris, Imprimerie Nationale, 1871, p. 158-198 ; Y. FRIEDMAN, Ibn Taymiyyas Fatw against the Nuayr-Alaw Sect, in Der Islam, 82,2, 2005, p. 349-363 ; The Nuayr-Alaws, p. 299-309.

    7. Les penseurs qui rduisent Dieu une pure abstraction en niant, ou rduisant rien, Ses attributs.

    8. Cest--dire la Kaba. 9. Musaylima b. abb, faux prophte des Ban anfa, tu durant la

    bataille dal-Aqrab, sous le califat dAb Bakr ; cf. W. MONTGO-MERY WATT, EI2, art. Musaylima.

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    on les dispersera, les fera habiter entre les Musulmans aprs leur repentir et les forcera de sen tenir aux prescriptions de lIslam, qui sont obligatoires pour les Musulmans.

    Al-Khair coutant un sermon de Jall al-Dn Rm1

    Ceci ne vise pas exclusivement les exagrateurs rfiites mais, bien plutt, quiconque exagre au sujet dun des shaykhs et dit que celui-ci subvient ses [besoins] ou fait tomber de lui [lobligation de] prier, ou que son shaykh est plus minent que le Prophte, ou quil est dispens de [suivre] la Loi du Prophte Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! et quil a, [pour aller] vers Dieu, une autre voie que la Loi du Prophte Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! , ou quun des shaykhs est vis--vis du Prophte Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! comme al-Khair2 tait vis--vis de Mose. Tous ces gens sont des mcrants : il est obligatoire de les combattre il y a l-dessus consensus (ijm) des Musulmans et de tuer lindividu parmi eux sur qui on a pouvoir (maqdr alay-hi).

    Des gens pires que les Khrijites Lindividu sur qui on a pouvoir parmi les Khrijites et les

    Rfiites, il est rapport des deux [commandeurs des croyants] je veux dire Umar et Al quil [faut] aussi le tuer. Alors mme que les juristes ont controvers sur [lobligation de] tuer lindividu [476] sur qui on a pouvoir parmi ces gens-l, ils nont pas controvers sur lobligation de les combattre quand ils se refusent [de suivre la Loi]. Combattre est en effet [une obligation] plus large que tuer. Ainsi combat-on les assaillants ennemis (il adw) et les aggresseurs impudents (mutad bgh) alors mme que, lorsquon a pouvoir sur lun dentre

    1. Dtail dune miniature du Terjume-i Thewqib-i Menqib, version turque de la biographie de Mevln Rm par Shams al-Dn Amad Aflk (m. 761/1360), Baghdd, vers 1590 (New York, Pierpont Morgan Libray, MS. M. 466, fol. 15r). Conformment au sens de son nom, al-Khair, le personnage assis au visage entour dun flam-boiement prophtique, est habill de vert sombre. Maints matres soufis prtendent tirer leur inspiration dal-Khair. On a ici la situation inverse, le guide de Mose se mettant lui-mme lcoute de Mevln.

    2. Nom traditionnel du guide rencontr, suivant le Coran (al-Kahf - XVIII, 60-82), par Mose et qui, aprs avoir commis plusieurs actes apparemment rprhensibles, en expliqua les raisons au Prophte impatient ; voir A. J. WENSINCK, EI2, art. al-Khair ; IBN TAYMIYYA, MF, trad. MICHOT, Musique, p. 137-139.

    eux, on ne le punit quau moyen de ce que Dieu et Son Mes-sager ont command.

    Quil sagisse de la formulation ou du sens, les ulmas ont inclus, dans ces textes abondamment rcurrents (mutawtir) provenant du Prophte Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! au sujet des Khrijites, quiconque quivaut ces derniers parmi les adeptes des fantaisies qui saffranchissent de la Loi du Messager de Dieu Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! et de la communion des Musulmans. Ou plutt mme, certains de ceux-ci sont pires que les Khrijites arrites, tels les Khurramites, les Qarmaes et les Nuayrs. Tout individu croyant au sujet dun humain que cest un dieu ou, propos de quelquun dautre que les Prophtes, que cest un Prophte, et combat pour cela les Musulmans, est pire que les Khrijites arrites. Le Prophte Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! mentionna seulement les Khrijites arrites parce quils furent la premire sorte des adeptes des innovations apparatre aprs lui. Ou plutt, le premier dentre eux apparut de son vivant et il les mentionna parce quils furent proches de son temps. Ainsi Dieu et Son Messager ont-ils mentionn spcifiquement certaines choses du fait de leur production en ce temps-l. Il y a par exemple Ses paroles Ne tuez pas vos enfants pas crainte dune pnurie3 ! et Ses paroles Quicon-que parmi vous apostasie sa religion Dieu fera venir des gens quIl aimera et qui Laimeront4 , etc. Un [autre] exemple est le fait que le Prophte Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! a prcis lidentit (tayn) de [certaines] tribus parmi les Auxi-liaires, quil a spcifiquement [impos certains] jugements aux Aslam, aux Ghifr, aux Juhayna, aux Tamm, aux Asad, aux Ghaafn et dautres du fait de [certaines] particularits (man) quil y avait en eux. Tout individu en qui les parti-cularits de ces [tribus] existent leur est [cependant] rattach parce que [477] le fait de les mentionner spcifiquement navait pas pour raison de leur destiner ces jugements elles exclusive-ment mais, bien plutt, le besoin que ceux qui [le Prophte] sadressait ce moment-l avaient de les voir identifies pr-cisment ; cela, quand les termes quil [utilisait] ne les englo-baient pas.

    Si ces Rfiites ne furent pas pires que les Khrijites viss par les textes, ils ne se siturent [cependant] pas en de deux. Ces derniers ont en effet trait de mcrants Uthmn et Al seule-ment, ainsi que ceux qui avaient suivi Uthmn et Al seule-ment, non pas ceux qui staient abstenus de combattre ou taient morts avant cela. Les Rfiites, [par contre], ont trait de mcrants Ab Bakr, Umar, Uthmn et le commun (mma) des migrs, des Auxiliaires et de ceux qui les suivirent en bel-agir, de qui Dieu fut satisfait et qui furent satisfaits de Lui. Ils ont aussi trait de mcrantes les masses (jamhr) antrieures et postrieures de la communaut de Muammad Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! Ils traitent de mcrants tout individu qui croit [quil y avait] de la probit (adla) en Ab Bakr et en Umar, dans les migrs et dans les Auxiliaires, ou est satisfait5 deux comme Dieu est satisfait deux, ou demande pardon pour eux comme Dieu a command

    3. Coran, al-Isr - XVII, 31. 4. Coran, al-Mida - V, 54. 5. yar : tar F

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    de demander pardon pour eux. Cest pourquoi ils traitent de mcrants les sommits (alam) de la religion (milla), tels Sad b. al-Musayyab1, Ab Muslim al-Khawln2, Uways al-Qaran3, A b. Ab Rab4, Ibrhm al-Nakha5 ; tels aussi Mlik6, al-Awz7, Ab anfa8, ammd b. Zayd9, ammd b. Salama10, al-Thawr11, al-Shfi12, Amad b. anbal, Fuayl b. Iy13, Ab Sulaymn al-Drn14, Marf al-Karkh15, al-Junayd b. Muammad16, Sahl b. Abd Allh al-Tustar17 et dautres. Ils dclarent licite [de verser] le sang de ceux qui sont issus de ces derniers et nomment leur doctrine la doctrine du peuple (jumhr) , semblablement ce que font les philoso-pheurs18 et leurs pareils [478] et tout comme les Mutazilites la

    1. Sad b. al-Musayyab b. azn al-Makhzm (m. 94/713), Suivant, un des sept juristes de Mdine, marchand dhuile de son tat ; voir Kh. D. AL-ZIRIKL, Alm, t. III, p. 102.

    2. Ab Muslim Abd Allh b. Thuwb al-Khawln (m. 62/682), Suivant ymnite, traditionniste et ascte ; voir G. H. A. JUYNBOLL, EI2, art. al-Khawln, Ab Muslim.

    3. Uways b. mir al-Qaran (m. 37/657 iffn ?), contemporain du Prophte dorigine ymnite, clbre pour son mode de vie frustre et solitaire, et dont la figure, devenue lgendaire, eut une grande influence sur certaines formes de soufisme ; voir IBN AL-ATHR, Usd, t. I, p. 151 ; J. BALDICK, EI2, art. Uways al-aran.

    4. A b. Ab Rab (m. 114/732 ou 115/733), minent juriste mecquois dorigine ymnite, dont Ab anfa suivit les cours ; voir J. SCHACHT, EI2, art. A b. Ab Rab.

    5. Ibrhm b. Yazd b. Qays al-Nakha (m. 96/715), Suivant, traditionniste Kfa ; voir Kh. D. AL-ZIRIKL, Alm, t. I, p. 80.

    6. Mlik b. Anas (m. Mdine, 179/795), thologien et juriste fon-dateur dun des quatre rites juridiques sunnites ; voir J. SCHACHT, EI2, Mlik b. Anas.

    7. Ab Amr Abd al-Ramn b. Amr al-Awz (m. Beyrouth, 157/774), juriste ; voir J. SCHACHT, EI2, art. al-Awz.

    8. Ab anfa l-Numn b. Thbit (m. 150/767), thologien et juriste fondateur dun des quatre rites juridiques sunnites ; voir J. SCHACHT, EI2, art. Ab anfa.

    9. ammd b. Zayd b. Dirham al-Azd (m. Bara, 179/795), tradi-tionniste, shaykh de lIraq en son temps, aveugle ; voir Kh. D. AL-ZIRIKL, Alm, t. II, p. 271.

    10. ammd b. Salama b. Dnr al-Raba (m. 167/784), tradi-tionniste, grammairien et mufti de Bara ; voir Kh. D. AL-ZIRIKL, Alm, t. II, p. 272.

    11. Sufyn b. Sad al-Thawr (m. Bara, 161/778), traditionniste, juriste et ascte ; voir M. PLESSNER, EI2, art. Sufyn al-Thawr.

    12. Ab Abd Allh Muammad al-Shfi (m. au Caire, 204/820), Imm fondateur dun des quatre rites juridiques de lIslam sunnite ; voir W. HEFFENING, EI2, art. al-Shfi.

    13. Ab Al l-Tlaqn l-Fuayl b. Iy (m. 187/803), un des premiers soufis, originaire de Samarcande ; voir M. SMITH, EI2, art. al-Fuayl b. Iy. Ibn Taymiyya lappelle matre (sayyid) des Mu-sulmans en son temps (MF, t. XI, p. 600).

    14. Ab Sulaymn Abd al-Ramn b. Aiyah al-Drn (m. 215/ 830), soufi de Syrie rattach lcole de Bara ; voir L. MASSIGNON, Essai, p. 219-222.

    15. Ab Maf b. Fayrz Marf al-Karkh (m. 200/815-6), ascte et soufi clbre de lcole de Baghdd ; voir R. A. NICHOLSON, EI2, art. Marf al-Karkh.

    16. Ab l-Qsim b. al-Junayd (m. 298/910), soufi modr de Baghdd, disciple dal-Sar l-Saqat et matre du clbre al-allj ; voir A. J. ARBERRY, EI2, art. al-Djunayd.

    17. Ab Muammad Sahl b. Abd Allh al-Tustar (m. Bara, 283/ 896) , thologien et mystique, galement matre dal-allj ; voir G. BWERING, EI2, art. Sahl al-Tustar.

    18. Cest le cas dAvicenne, pour qui tout Prophte doit sexprimer de manire sadresser lensemble du peuple (al-jumhr kffa) ;

    nomment la doctrine du verbiage19 (ashw), du commun (mma) et des gens du adth .

    Shaykh asan Allhyr : Preuve de la mcrance dAb Bakr et de

    Umar partir du Noble Coran. 20 [Les Rfiites] le voient, pour les habitants de la Syrie, de

    lgypte, du Hedjaz, du Maghreb, du Ymen, de lIraq, de la Haute-Msopotamie (al-jazra) et du reste des contres de lIslam, il nest pas licite de marier des gens tels [queux], ni [de manger] des btes quils gorgent, et les liquides quil y a chez eux eaux, huiles, etc. sont impurs. Ils le voient aussi, leur mcrance est plus paisse que la mcrance des Juifs et des Nazarens. Ces derniers sont en effet, aux yeux des [habitants de ces contres], des mcrants originels tandis que ces [Rfiites]-l sont des apostats ; or la mcrance par apostasie est plus paisse il y a consensus l-dessus que la mcrance originelle.

    Cest pour cette raison que les [Rfiites] collaborent avec les mcrants contre le peuple (jumhr) des Musulmans. Ils collaborent avec les Tatars contre le peuple. Ils furent dentre les raisons les plus importantes de lattaque des contres de lIslam par Gengis Khn21, le roi des mcrants, de lavance voir le commentaire dIbn Taymiyya sur son ptre de la Fte du sacrifice (al-Rislat al-Aawiyya) in Y. MICHOT, Mamlk Theolo-gian, I, p. 173.

    19. Injure gnralement utilise pour les savants de bas tage , surtout les traditionnistes ; voir EI2, art. ashwiyya. Voir aussi les textes shites et autres traduits in A. S. HALKIN, The ashwiyya, in Journal of the American Oriental Society, 54,1, 1934, p. 1-28.

    20. Tir de http://www.youtube.com/watch?v=tt38c3Gk9wQ le 10/ 01/2014.

    21. Le mongol chamaniste Temjin (Sibrie, 1167 - Kansu, 1227), dit Gengis Khn , cest--dire Khn ocanique ou souverain universel , fonda avec ses fils, en trente ans, un des plus grands empires de lhistoire humaine, couvrant une grande partie de lAsie. Lexcution dun ambassageur mongol par le Khwrizmshh Muammad Al al-Dn fournit Gengis Khn le prtexte dattaquer la Transoxiane en 618/1219. Linvasion mongole du Moyen-Orient musulman culmina en 656/1258 avec la prise de Baghdd et lexcution du dernier calife abbside, al-Mustaim, par un petit-fils de Gengis Khn, Hlg b. Toluy (m. 663/1265). Pour lopinion dIbn Taymiyya sur Gengis Khn, voir les textes traduits in Y. MICHOT, Textes spirituels XII, p. 25-26 ; XIII, p. 25-26 ; XIV, p. 26-27 ; Pages spirituelles XVIII, p. 22-23.

    Comme exemples de collaborateurs rfiites des Mongols, Ibn Taymiyya cite ailleurs les noms suivants :

    a. Muayyad al-Dn Muammad b. al-Alqam (m. 656/1258), vizir shite dal-Mustaim, qui correspondit avec les Mongols avant leur attaque de Baghdd et contribua par sa trahison la victoire de Hlg

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    de Hlg vers les contres de lIraq, de la prise dAlep1 et du pillage dal-liiyya2 et dautres [localits], avec leur mali-gnit et leur fourberie, quand certains dentre eux qui taient devenus vizirs des Musulmans et dautres que ceux dentre eux qui taient vizirs y entrrent3.

    Cest aussi pour cette raison quils pillrent larme des Musulmans quand elle passa par chez eux, lors de son repli vers lgypte, au cours de la premire invasion4. Cest pour cette raison quils coupent les routes aux Musulmans. Cest pour cette raison que parmi eux est apparu ce qui est apparu comme collaboration avec les Tatars et les Francs5 contre les Mu-sulmans, et comme intense dtresse lors de la victoire de sur larme califale ; voir Y. MICHOT, Textes spirituels XIII, p. 25 ; Vizir hrtique, p. 204.

    b. Nar al-Dn al-s (m. 672/1274), astronome, philosophe et thologien shite qui fut le conseiller de Hlg pendant la conqute de Baghdd, puis ministre, et conserva une position importante la cour mongole jusqu sa mort ; voir Y. MICHOT, Vizir hrtique, p. 204-210 ; Mamlk Theologian, II, p. 340-341.

    c. Rashd al-Dn Fal Allh al-Hamadhn (m. 718/1318), mdecin, historien et polygraphe qui fut vizir des lkhns Ghzn et ljyt ; voir Y. MICHOT, Textes spirituels XI, p. 27 ; XII, p. 27-30.

    1. Ibn Taymiyya fait sans doute allusion au rle jou par un certain mir Sayf al-Dn Hfidi (= al-Rfi ?) dans la politique hsitante de layybide al-Malik al-Nir al al-Dn Ab l-Muaffar Ysuf, matre dAlep et de Damas, face linvasion de Hlg, politique qui conduisit au trs meurtrier sac dAlep par les Mongols au dbut de 658/1260, quelques mois avant leur dfaite de Ayn Jlt ; voir Y. MICHOT, Textes spirituels XIII, p. 25, n. 2 ; p. 27, n. 28.

    2. Llkhn Ghzn attaqua une premire fois la Syrie en fin Rab I 699 / dcembre 1299. Aprs avoir vaincu larme du jeune sultan mamlk al-Nir au Wd l-Khaznadr (Majma al-Murj, entre amt et Homs), il occupa Damas jusquau dbut du printemps 699/1300, sans cependant tre capable den rduire la citadelle (voir Y. MICHOT, Roi crois, p. 35-49 ; S. SCHEIN, Gesta Dei per Mongolos 1300. The Genesis of a Non-Event, in The English Historical Review, XCIV, n 373, Harlow, Longman, octobre 1979, p. 805-819). Cette occupation saccompagna de massacres et de pillages al-liiyya, sur les pentes du mont Qsiyn, et en dautres faubourgs de la ville, par la soldatesque tatare et ses allis chrtiens, gorgiens et arm-niens ; voir les tmoignages taymiyyens et autres runis in Y. MICHOT, Roi crois, p. 39, 41-42 ; Textes spirituels XI, p. 30-31. Voir aussi J. SOMOGYI, Adh-Dhahabs Record of the Destruction of Damascus by the Mongols in 699-700/1299-1301, in J. SOMOGYI & S. LWINGER (ds.), Ignace Goldziher Memorial Volume, Budapest, 1948, t. I, p. 353-386, surtout p. 369-370 ; R. AMITAI, The Mongol Occupation of Damascus in 1300: A Study of Mamluk Loyalties, in M. WINTER & A. LEVANONI (ds.), The Mamluks in Egyptian and Syrian Politics and Society, Leyde - Boston, Brill, 2004, p. 21-41.

    3. Cest--dire les deux vizirs de Ghzn Rashd al-Dn Fal Allh et Sad al-Dn ainsi que les troupes auxiliaires chrtiennes des Tatars, dont celles du roi de Petite Armnie Hthum II, directement impliques dans les massacres perptrs autour de Damas.

    4. Ainsi quindiqu dans lintroduction, linvasion de la Syrie par Ghzn en 699/1299 fut suivie de deux autres, en 700/1300-1301 et en 702/1303 (voir Y. MICHOT, Roi crois, p. 35-62). Aprs sa dfaite au Wd l-Khaznadr en fin Rab I 699 / dcembre 1299, larme du sul-tan al-Nir fut oblige se se replier sur lgypte. Ce repli fut dautant plus pnible que larme mamlke fut harcele en chemin par les Chrtiens de la cte libanaise et les Shites du Kasrawn et du Mont Liban, tous allis objectifs des Tatars ; voir les textes taymiyyens et autres traduits in Y. MICHOT, Roi crois, p. 83-84.

    5. Cest--dire avec les Croiss. Sur la collaboration des Shites du Kasrawn et du Mont Liban avec les Croiss de Chypre aprs la dfaite mamlke du Wd l-Khaznadr, voir les textes taymiyyens et autres traduits in Y. MICHOT, Roi crois, p. 83-84.

    lIslam. Semblablement, quand les Musulmans conquirent la cte Acre6 et dautres [villes] , parmi eux apparurent des choses, pour ce qui tait daider les Nazarens vaincre et de les prfrer aux Musulmans, que les gens ont entendues de leur [bouche]. Et tout ce que jai ainsi dpeint, ce sont seulement quelques-unes de leurs actions. Laffaire est en effet plus grave que cela [479] et il y a accord des gens connaissant les situations (l) [des hommes] sur ceci : les pes le plus gravement dgaines contre les gens de la Qibla le furent par des gens se rattachant ce [groupe] et la corruption la plus grave qui ait touch les Musulmans en provenance de ceux qui se rattachent aux gens de la Qibla provint seulement des groupes se ratta-chant eux.

    lkhn trnant entre un gnral mongol et un vizir musulman7

    Les [Rfiites] sont plus fortement nuisibles pour la religion et ses adeptes, et plus loin des prescriptions de lIslam, que les Khrijites arrites. Voil pourquoi ils sont la plus mensongre des divisions de la communaut. Parmi les groupes se ratta-chant la Qibla, il ny en a pas de plus mensonger queux, ni qui considre plus le mensonge comme vrai et le vrai comme mensonger. La marque de lhypocrisie est en eux plus appa-rente quelle ne lest dans le reste des gens. Cest celle dont le Prophte Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! a dit : Il y a trois signes de lhypocrite : quand il parle, il ment ; quand il fait une promesse, il ne la tient pas ; quand il lui est fait confiance, il dupe8. Et dans une [autre] relation : [Il y a]

    6. Principal port fortifi des Croiss en Palestine. Sa reconqute par le sultan mamlk al-Ashraf Khall en 690 / mai 1291 entrana durant lt la chute des villes ctires de Tyr, Sidon, Beyrouth, Tortose, et est gnralement considre comme marquant la fin des Croisades ; voir A. DSOUZA, The Conquest of Akk (690/1291). A comparative analysis of Christian and Muslim sources, in The Muslim World, LXXX, Hartford, 1990, p. 234-249.

    7. Dtail dune tapisserie en soie et fil dor, Iran, 1re moiti du VIIIe/XIVe s. (Copenhague, David Collection, 30/1995).

    8. Voir AL-BUKHR, a, mn (Boulaq, t. I, p. 16) ; MUSLIM, a, mn (Constantinople, t. I, p. 56).

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    quatre [caractristiques telles que] celui en qui elles [se trouvent] est un hypocrite pur et [telles qu]il y a, en celui en qui lune delles se trouve, une caractristique de lhypocrisie, jusqu ce quil sen dfasse : quand il parle, il ment ; quand il fait une promesse, il ne la tient pas ; quand il prend un engage-ment, il le trahit ; quand il se querelle, il le fait en crapule1. Toute [personne] qui a fait lexprience des [Rfiites] sait quils runissent [en eux] ces caractristiques, et cest pourquoi ils utilisent la dissimulation (taqiyya), laquelle est la marque des hypocrites et des Juifs, et ils lutilisent avec les Musulmans. Ils disent de leurs langues des choses ne se trouvant pas en leurs curs2. Ils jurent ne pas avoir dit [quelque chose] alors quils [l]ont dit3. Ils jurent par Dieu pour satisfaire les croyants alors que Dieu ainsi que Son Messager serait plus en droit quils Le satisfassent4.

    Les [Rfiites] ressemblent aux Juifs en de multiples affaires, surtout aux Samaritains5 dentre les Juifs. Ils leur ressemblent plus quaux autres sortes [de gens]. Ils leur ressemblent en ceci quils prtendent que la qualit dimm (imma) se trouve en [480] un individu ou un ventre didentit prcise (bi-ayni-hi), quils traitent de menteur toute personne venant avec une vrit autre que ce6 quils prtendent, quils suivent [leurs] fantaisies ou dplacent les paroles de leurs lieux (tarf)7, quils retardent la rupture [du jene] et la prire du coucher du soleil, etc., et quils prohibent [de manger] les btes gorges par dautres queux. Ils ressemblent [par ailleurs] aux Nazarens en ceci quils exagrent sagissant de lhumain (bashar), des actes dadoration innovs, de lassociationnisme, etc.

    Les [Rfiites] ont de lamiti (wl) pour les Juifs, les Naza-rens et les associateurs plutt que pour les Musulmans et telles sont les marques des hypocrites. Le Dieu Trs-Haut a dit : ceux qui croient, nadoptez pas les Juifs et les Nazarens comme amis ; ils sont amis les uns des autres. Quiconque den-tre vous les prendrait comme amis (tawall) serait des leurs8. Le Trs-Haut a aussi dit : Tu vois beaucoup dentre eux prendre comme amis ceux qui mcroient. Srement mauvais est ce que leurs mes leur ont propos, si bien que Dieu est courrouc leur encontre et queux seront dans le tourment, ternels. Sils croyaient en Dieu, au Prophte et en ce qui a t fait descendre vers lui, ils ne les adopteraient pas comme amis. beaucoup dentre eux cependant sont des pervers9.

    1. Voir AL-BUKHR, a, mn (Boulaq, t. I, p. 16) ; MUSLIM, a, mn (Constantinople, t. I, p. 56).

    2. Coran, al-Fat - XLVIII, 11. 3. Variation sur Coran, al-Tawba - IX, 74 : Ils jurent par Dieu

    navoir [rien] dit alors quils ont dit une parole de mcrance. 4. Variation sur Coran, al-Tawba - IX, 62 : Ils vous jurent par Dieu

    pour vous satisfaire alors que Dieu ainsi que Son Messager serait plus en droit quils Le satisfassent.

    5. Partie du peuple dIsral ne sidentifiant pas avec le Judasme et nacceptant de la Loi que le Pentateuque ; voir S. NOJA NOSEDA, EI2, art. al-Smira.

    6. ghayr m : ghayri-hi F 7. Sur le tarf, voir Y. MICHOT, IBN TAYMIYYA. Lettre Ab l-Fid.

    Traduction de larabe, prsentation, notes et lexique, Louvain-la-Neuve, Universit Catholique de Louvain, Publications de lInstitut Orientaliste de Louvain, 44 , 1994, p. 65-66.

    8. Coran, al-Mida - V, 51. 9. Coran, al-Mida - V, 80-81.

    Le sanctuaire du XIIe imm Jamkarn (Qum)10

    Les [Rfiites] nont ni rationalit ni tradition, ni religion authentique ni vcu victorieux ici-bas. Ils ne prient ni la prire du vendredi ni les prires collectives, alors que les Khrijites priaient la prire du vendredi et les prires collectives. Ils nenvisagent pas de mener le jihd contre les mcrants avec les imms des Musulmans, ni de prier derrire eux, ni de leur obir dans lobissance Dieu, ni de mettre en uvre aucun de leurs jugements (ukm), du fait de leur croyance que cela nest permis que derrire un imm infaillible (mam)11. Or ils pensent que [cet imm] infaillible est entr dans un souterrain il y a plus de quatre cent quarante ans12 ! Il nen est pas sorti jusqu maintenant et personne ne la vu. Il na enseign la religion personne. Rien [481] dutile nest arriv de par lui, non plus que de nuisible. Et malgr cela, selon eux, la foi nest valide quen [croyant en] lui : nul nest croyant sinon quelquun qui croit en lui et nentreront dans le Jardin que ceux qui le suivent linstar de ces ignorants gars dentre les habitants des montagnes et des steppes, ou de ceux qui les subjuguent au moyen daffaires vaines, tels Ibn al-d13 et ses semblables

    10. Photo : Y. Michot, 2008. 11. Sur la doctrine duodcimaine de linfaillibilit des imms, voir

    les textes traduits in Y. MICHOT, Textes spirituels XII, p. 30, n. 36. Pour une explication shite moderne, voir A. A. SACHEDINA, Islamic Messianism. The Idea of Mahdi in Twelver Shiism, Albany, State University of New York Press, 1981, p. 2123, 137138.

    12. Selon la doctrine shite duodcimaine officielle, le douzime et dernier imm, Muammad b. al-asan al-Askar, entra en occultation (ghayba) mineure en 260/873-4 en se cachant dans un souterrain (sirdb) Smarr, et en occultation majeure quand le dernier des quatre safr prtendant le reprsenter mourut, en 329/941. Les Duod-cimains le croient encore vivant et attendent son retour ; voir J. G. J. TER HAAR, EI2, art. Muammad al-im ; H. HALM, Le chiisme. Traduit de lallemand par H. HOUGUE, Paris, Presses Universitaires de France, Islamiques , 1995, p. 41-47 ; A. A. SACHEDINA, Messia-nism.

    13. Ab l-Qsim al-usayn b. al-d Najb al-Dn al-Asad (581/ 1185-677/1279), shaykh, savant, et pote shite dal-illa. Ibn Kathr (Bidya, t. XIII, p. 304, an 677) lui consacre quelques lignes de ncrologie en lappelant Ibn al-d le Rfiite et avec cette conclusion : Et Dieu est plus savant des tats de Ses serviteurs, de leurs secrets et de leurs intentions.

    Jai vu un groupe de shaykhs des Rfiites, tels Ibn al-d al-ill, dire : Quand les Immites divergent en disant deux choses, une chose dont on sait qui la dite et une autre dont on ne sait pas qui la

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    dentre ceux qui ont transcrit de leur criture ce que1 nous avons mentionn comme vils agissements leur sujet et qui ont ouvertement fait tat de ce que nous avons mentionn leur sujet, et de plus encore.

    Les [Rfiites], de surcrot, traitent de mcrant quiconque croit aux noms de Dieu et en Ses attributs [mentionns] dans le Livre et la Sunna, quiconque croit au dcret de Dieu et en Sa dcision, croit donc en Son pouvoir parfait et en Sa volont englobante, et quIl est le Crateur de toute chose. La plupart de ceux dentre eux qui selon eux ralisent [les choses] (muaqqiq) considrent quAb Bakr et Umar, la plupart des migrs et des Auxiliaires, les pouses du Prophte Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! , telles isha et afa, et le reste des Musulmans imms et commun ne crurent pas le temps dun clin dil en Dieu, jamais ! Selon eux, la foi laquelle la mcrance fait suite est en effet vaine ds le dpart, ainsi que le disent certains des ulmas de la Sunna. Il en est aussi parmi eux qui considrent que le sexe avec lequel le Prophte Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! conjoignit isha et afa devra immanquablement tre touch par le Feu pour tre par l purifi davoir fait lamour (wa) ce quils prtendent des mcrantes. Selon eux, faire lamour des mcrantes est en effet prohib (arm).

    Les [Rfiites], avec cela, rejettent les adths du Messager de Dieu Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! bien tablis [comme provenant] de lui, en des [formulations] abondamment rcurrentes (mutawtir), selon les gens [en] possdant la science, tels les adths dal-Bukhr et de Muslim. Ils rapportent que [482] la posie des potes des [Rfiites] tels al-imyar2, Kshiyr al-Daylam3 et Umrat al-Yaman4 est meilleure que les adths dal-Bukhr et de Muslim. Comme mensonges et forgeries lencontre du Prophte Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! , de ses Compagnons et de ses proches, nous avons vu dans leurs livres plus de choses que ce que nous avons vu comme mensonges dans les livres des gens du Livre la Torah et lvangile. dite, la chose dont on ne sait pas qui la dite est la parole vraie, quil faut suivre. [Limm] infaillible que lon attend est en effet dans ce groupe. Il sagit l du point ultime de lignorance et de lgarement (IBN TAYMIYYA, Minhj, t. I, p. 89-90).

    1. m : mim-m F 2. Isml b. Muammad al-Sayyid al-imyar, Ab Hshim (vers

    105/723 - Baghdd, entre 173/789 et 179/795), pote shite kaysnite fcond, proche des premiers califes abbsides. Il est lauteur de lOde dore en louange du Commandeur des croyants Al b. Ab lib (al-Qadat al-mudhahhaba f mad amr al-muminn Al b. Ab lib) et est connu pour ses attaques contre les Compagnons et les pouses du Prophte, ainsi que contre les Umayyades ; voir W. KADI, EI2, art. al-Sayyid al-imyar.

    3. Kshiyr b. Labn b. Bashahr, Ab l-asan al-Jl, astronome et mathmaticien persan qui atteint lapoge de sa carrire Baghdd vers 390/1000 ; voir K. JAOUICHE, EI2, art. Kushiyr ; Y. MICHOT, Contre lastrologie [Pages spirituelles dIbn Taymiyya. XIII], in Action, 41, Port-Louis (Maurice), janvier 2001, p. 10-11, 26 ; p. 26.

    4. Ab amza b. Al al-akam, Najm al-Dn Umrat al-Yaman (m. 569/1174), homme de lettres et pote ymnite. Dabord faqh shfiite, il sadapta lIsmlisme aprs stre install au Caire (549/1155) et mit sa plume au service des derniers califes fimides. la chute des Fimides (566/1171), il ne russit pas sattirer la faveur de al al-Dn, fut accus de mcrance et condamn la cruci-fixion ; voir P. SMOOR, EI2, art. Umra al-Yaman.

    Les [Rfiites], en outre, rduisent rien (aala) les mosques que Dieu a command dlever et dans lesquelles [Il a command] de se rappeler Son nom5 : ils ny clbrent ni la prire du vendredi, ni les prires collectives. Sur les tombes mensongrement [attribues des personnalits], ou non mensongrement [identifies], ils construisent des lieux de prosternation quils adoptent comme martyriums (mashhad). Or le Messager de Dieu Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! a maudit ceux qui adoptent des lieux de prosternation sur les tombes et il a interdit cela sa communaut. Cinq [jours] avant de mourir, il dit : Ceux qui ont vcu avant vous adoptaient les tombes comme lieux de prosternation. Oh non, nadoptez pas les tombes comme lieux de prosternation. Moi, je vous interdis cela6 ! Les [Rfiites] rapportent qualler en plerinage (ajj) ces martyriums, mensongrement [identifis] ou non, est dentre les actes dadoration majeurs. Il y a mme certains de leurs shaykhs qui prfrent cela au plerinage de la Maison que Dieu a command [daccomplir], ainsi que Son Messager7 . Et longue serait la description de leur situation !

    Le mausole dal-usayn Karbal8

    Les [Rfiites], cest ainsi devenu clair, sont pires que le commun des adeptes des fantaisies et mritent plus dtre combattus que les Khrijites. Telle est la raison de ce [jugement] rpandu dans lopinion publique (urf mm) : les adeptes des innovations sont les Rfiites. Dans le public sest en effet rpandue [lide] que le contraire du Sunnite est seulement le Rfiite. Ils sont en effet en opposition plus ouverte la Sunna du Messager de Dieu Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! et aux prescriptions de Sa religion que le reste des adeptes des fantaisies. [483]

    5. Voir Coran, al-Nr - XXIV, 36. 6. Voir MUSLIM, a, Masjid (Constantinople, t. II, p. 68). Sur la

    doctrine taymiyyenne de la visite des tombes, voir notamment Y. MICHOT, Pour une tombe, Damas, 21 sept. 2006, sur http://www.saphirnews.com/Pour-une-tombe-a-Damas_a4483.html.

    7. Cest--dire le plerinage de la Mecque. 8. Miniature de Marq NA (m. 971/1564), Beyn- menzil-i

    sefer-i Irqayn, Istanbul, 944/1537 (MS. Istanbul Universit TY 5964, folio 57r).

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    Les Khrijites, de plus, suivaient le Coran selon ce que la comprhension quils en avaient exigeait tandis que ces [Rfiites]-l suivent seulement un imm, selon eux infaillible, qui na pas dexistence. Ce sur quoi les Khrijites se fondent est donc meilleur que ce sur quoi les [Rfiites] se fondent.

    De plus, il ny avait parmi les Khrijites ni libre-penseur (zindq) ni exagrateur (ghl) tandis que, parmi ces [Rfi-ites]-l, il y a un nombre de libres-penseurs et dexagrateurs que nul ne connat sinon Dieu ! Et les gens de savoir de rappeler que lorigine du Rfiisme est seulement due un libre-penseur : Abd Allh b. Saba. Il donnait lapparence dtre musulman, pratiquait intrieurement le Judasme, et chercha corrompre lIslam comme Paul le Nazaren, qui tait juif, avait agi pour corrompre la religion des Nazarens.

    De plus, la plupart des imms des [Rfiites] sont des libres-penseurs qui donnent lapparence dtre rfiites pour la seule raison que cest une voie menant la destruction de lIslam. Ainsi agirent les imms des hrtiques (mulid) qui se soulevrent en terre dAdharbayjn lpoque dal-Mutaim1 avec Bbak2 le Khurramite et qui furent appels les Khurramites et les Muammira3 . [Ainsi aussi agirent] les Qarmaes sotristes qui se soulevrent par aprs en terre dIraq et ailleurs, qui emportrent la Pierre Noire et avec qui elle demeura un certain temps4, tels Ab Sad al-Jannb5 et ses suivants ; ceux aussi qui se soulevrent en terre du Maghrib, puis passrent en gypte, btirent le Caire et prtendirent tre fimides6. Il y a cependant accord des gens possdant la science des lignages7 sur ceci : [ces prtendus Fimides] sont dpourvus du lignage du Messager de Dieu Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! et leur lignage remonte aux Mages et aux Juifs. Il y a par ailleurs accord des gens possdant la science de la religion du Messager de Dieu Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! sur ceci : [ces prtendus Fimides] sont plus loin de sa religion que les Juifs, les Nazarens et, mme, les exagrateurs qui croient en [484] la divinit de Al et des imms. Parmi les suivants de ces

    1. Al-Mutaim bi-Llh, Ab Isq b. Hrn al-Rashd, huitime calife abbside (r. 218/833-227/842).

    2. Leader de la secte khurramite (voir plus haut, p. 5, n. 6) qui diri-gea une violente insurrection en Adharbayjn denviron 201/816-7 jusqu 222/837, fut combattu par le calife abbside al-Mamn et finalement vaincu sous son successeur al-Mutaim. Il fut cruellement excut par ce dernier Smarr en 223/838 ; voir D. SOURDEL, EI2, art. Bbak.

    3. Autre nom parfois donn au mouvement religieux de Mazdak ; voir W. MADELUNG, EI2, art. Khurramiyya.

    4. Les Qarmaes du Barayn attaqurent la Mecque en Dh l-ijja 317 / janvier 930, massacrrent les plerins et les habitants et emportrent la Pierre Noire pour marquer dune faon tangible la fin de lre musulmane (W. MADELUNG, EI2, art. arma, p. 688). La Pierre Noire fut restitue quelque vingt ans plus tard.

    5. Ab Sad asan b. Bahrm al-Jannb, leader qarmae qui contrla lArabie orientale, vainquit larme du calife abbside al-Mutaid et fut assassin en 301/913 ; voir B. CARRA DE VAUX - M. G. S. HODGSON, EI2, art. al-Djannb, Ab Sad.

    6. Cest--dire des descendants de Fima, la fille du Prophte. Allusion la dynastie fimide fonde en 297/909 par lismlien Ubayd Allh al-Mahd en Afrique du Nord. Jawhar, gnral du quatrime calife fimide, al-Muizz, conquit lgypte et commena la construction du Caire en 358/969-359/970.

    7. bi-l-ansb : bi-l-insn F

    hrtiques-l il y a aussi eu les adeptes des maisons de propagande (dr al-dawa) qui se trouvaient au Khursn, en Syrie, au Ymen et ailleurs.

    Profession de foi shite de Bb al-Nar, Le Caire8

    Ces [Rfiites]-l sont parmi ceux qui ont le plus gravement aid les Tatars contre les Musulmans, de la main et de la langue, en les soutenant, en les ayant comme amis9, etc., du fait que ce quils disaient tait distinct de ce que disaient les Musulmans, les Juifs et les Nazarens. Cest pourquoi H