Les pretres deportes dans la rade de Rochefort en 1793 &...

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?fl3JÎS £2 LES PRÊTRES DÉPORTÉS DANS LA RADE DE ROCHEFORT EN 1793 & 1794. I1 1 TTIIE DE SIMON GUILLORFIL&(J A Pierre l-Iesmivv 1'Auribeau, j )( ( ENT INÉ1S)1 Publié par le R. P. dom Paul PIOLIN. CiTL M A MER S IMPRTMF.RTE G. FLETJRY & A. D\NGtN 1876. Document 1111111111 III /1111/1/ Ili 1111!! 0000005543625

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LES PRÊTRES

DÉPORTÉS DANS LA RADE DE ROCHEFORT

EN 1793 & 1794.

I1 1 TTIIE DE SIMON GUILLORFIL&(JA Pierre l-Iesmivv 1'Auribeau,

j )( (ENT INÉ1S)1

Publié par le R. P. dom Paul PIOLIN.

CiTL

M A MER S

IMPRTMF.RTE G. FLETJRY & A. D\NGtN

1876.

Document

1111111111 III /1111/1/ Ili 1111!!0000005543625

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LES PRF'1'flES

DÉPORTÉS DANS LA RADE DE ROCHEFORT

EN 1793 & 1794.

LETTRE DE SIMON GIJILLOI{EUJ

A Pierre Hesrnivy 41'Auribeau

Ce n'est pas la première fuis que l'on public des relationsdes souffrances endurées par les prêtres déportés polit' la fui

dans la rade de Rochefort au cours de la Révolution de. 1790.Le récit inédit, (pie nous donnons ici ne sera pas le dernier11011 pLus, du moins nuits l'espérons. Chacun des témoignagesqui ut été produits jusqu'iL ce jour ajoute quelques traitsau ti1.le;tii instructif autant que doti loti roux, (les tourments

suip.iiiitèrent avec une si héroïque patience cette troupede Irètres venus ile toutes les contrées du territoire français.C'est. ce qui rend si précieux chacun de ces récits. Leurcaractère uniforme de sinipl icité et de bonne foi ne permetpas la moindre liesitatiun au suilet de la confiance que l'ondoit accorder aux faits rapl:urtés, et l'atïi'tittiur avec laquellecertains historiens des plus i'ellonms passtnt Sous silence4'1-5 douloureux épisodes liC prouvent iii'une seule choseleur sympathie secrète pour les bourreaux eu nième temps(111e leur haine invétérée pour les principes représentés parles victimes.

Il suffit de jeter les veux sur la lettre (le. Simon Guilloreaupour apprécier le caractère de ce vénérable prêtre. Poursupporter avec cette calme résignation une suite aussi longuede privations et de tourments pour affronter la mort avec

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cette simplicité et raconter des faits poignants avec Unenaïveté aussi candide, il faut posséder une im fortementtrempée et une élévation (l'esprit supCtieui'e aux facultéspurement naturelles. On sent que le doigt de Dieu est là.

II suffira de (tire deux mots pour faire Connait te lauteur

de la lettre, celui auquel elle était adressée, et le moyen P'lequel elle nous est parvenue. itnûn Gui Iloi'eau. l 790,était desservant (le lit paroisse (le Sa int-Rémy_du_Plain, lecuré, Malhieu Duclos, qui jouissait, tic c e bénéfice depuis476L, étant vieux et inliri i. ( s deux excellents pi'ètresdonnèrent eostamineiit à la Ituttiun qui leur était confiéel'exemple de touts tes \ertus, (t sunti t V Inaintettir l'esprit.de foi et la pratique assittue les devoirs que l'Fglise catho-lique impose à scs ètifàtits. Aux jours de la persécution, lapopulation de Saiiit-Réiny_du_llniu se montra fidèle en grande

partie aux enseignements qu'elle avait reçus des (leux Véllé-

rables 1)i'êtl't's placés à sa tète. MatIt eu l)uclos mourut le3 septembre 1801, n'ayant prêté itucuit des serments que l'onexigeait alors des ecclésiastiques, Pour Simon Guittoreau . ilrefusa avec le méitie courage toutes les formules qui pouvit ienlcauser quelque inqni'luid te enhuscience néanmoins, il fitla promesse de soumission aux lois de la république. Oit saitque cette promesse était auwrose par beaucoup l'adininis-trations diocésaines : ai .i Man', on suivait des principes PILiSrigoureux, et dès que Siniùut GuiIlu'eau contint les règlesdonnées par son éré pi . ' sut' ce sujet, ils'empressa (le S'soumettre avec cette filétik' dont. il avait donné des preuvesdurant sa dêportatio ii.

C'est le récit de cette déportation que nous publions icipour la première fois. Ce mémoire ne nous était connu quepar la mention qu'en fait À imé Guillon dans son ouvrageintitulé Les tMclyrs de la .Foi, L. I. P. 357. 11 le regardecomme l'un des meilleurs parmi tous ceux qu'il avait reçussur la déportation à Iiochefui't. C" nïtait point néanmoinspour Aimé Guillon, que le cuté (le Saint-Itém -du-Plain

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écrivit la relation de ses souffrances, mais pour PierreHesmivy d'Auribeau qu'il avait probablement connu dutemps que celui-ci professait la rhétorique au Mans, aucollège de l'Oratoire.

Durant longtemps, nous avions fait, sans résultat, (lenombreuses démarches pour découvrir ce mémoire. Eni87'2, Mr Charles-Jean Fillion, évêque du Mans, nousapprit que ce manuscrit se trouvait entre les mains deM. L. Barrandè, inspecteur des trêts de la Sarthe. Commentce document se trouvait-il revenu ainsi au Mans? M. JosephBarrande, du diocèse du Puy, premier vicaire honoraire dela paroisse Saint-Sulpice à Paris, l'avait reçu des mains dePierre Hesmivv d'Àuribeau, mort à Paris, en janvier '1844.Lui-même, en mourant au mois de mai 187e, l'avait laissé àson neveu et légataire universel, M. Joachim Barrandeancien sous-précepteur de M. le comte de Chambord. Cesavant, dont les découvertes et les ouvrages de paléontologiesont l'une des gloires de notre siècle, n'eut pas plutôt connunotre désir qu'il s'empressa de se dessaisir de son manuscriten faveur de la bibliothèque de l'abba ye de Solesmes, déjàenrichie par lui du recueil de ses oeuvres. Nous sommesheureux de lui cii témoigner notre profonde gratitude.

Dont PAUL PIOLIN.

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MOS1EUII ET RESPECTABLE DOCTEUR,

Monsieur le curé de Mamers m'a fait part de votre lettredu 22 mai, par laquelle vous lui demandez des rensei-gnements sur les prétres de ce pays-ci qui ont souffert lapersécution. M. Ilourgine, Vicaire (1L1 Lude, (JUi a passé chezmoi le 2 du courant, m'a aussi dit pque vous l'aviez chargé denie demander la même chose et de vous l'envo yer ; et pourrépondre à vos désirs et procurer il M. Cai'ron des matériauxà son histoire, je vais vous faire le récit de ce que j'ai su et vusur ce sujet dans ce pays-ci et partout où j'ai été dans laPersécution.

J'ai resté à Saint-flémv-du-Plajnjusqu'au commencementde mai 1702, époque à laquelle les prétendus patriotes deMamers vinrent pour m'en chasser ainsi que plusieurs autresecclésiastiques qui étaient venus s'y réfugier. Chacun futobligé de prendre son parti, les uns plus tôt, les autres P1L1stard, (le sorte (IUC de six prêtres que nous étions daims laparoisse, il n'y en avait. p]us du tout au commencement deseptembre 1792.

Je pris, avec l'abbé Dupliini ('1), chassé (le. oit il était vicaire, le parti d'aller me cacher à

Alcuçon, où nous avons été inconnus au public pendant dix-Sept mois environ, confinés av tC quatre autres ecclésiastiquesclans un grenier. Dans cet intervalle, au comrrieiieemnent deseptembre 1792, nous avons été un jour alarmés et effrayésdes hurlements populaires que nous entendions dans la ville;c'était une troupe (le léopards envoyés, qui venaient d'égorgerle pére Valframbert (2, caj.ucin, et qui promenaient sa tête

(1) Etien e-C}lal'Ies-t_nt)j,[e IJiiplain. \'oit' l'Eq/i.e du %Ians durot laRéro/ution, t. II. p. 62; t. tif, p. 139, 4, 5.

(2) Charles-Jean-Louis \'alframbirt , eu religion Père Dorothèe.V. !'Egiise du Mans dvronl la Rt'olution, t. Il. p. 115-i3.

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dans les rues. Quelques jours après, on iiuus apprit encorequ'on avait assassiné dans le bourg de Gacé, cri Normandie,MM. L? Lièvre et Loiseau, vicaires du diocèse du Muas, etMM. Martin (lit frères, l'un curé et l'autre. vicairedu diocèse de Séez, qui allaient en déportation (l

Le 20 septcmhi'e 1793, nous, avons été vendus pal' qLLelquunqui connaissait notre retraite, et tirés de itotre grelliel' pat'utile garde et accom pagnês des membres du comité iL.surveillance d'Alencon, et conduits en prison d'oit iu'iisoii'iines sortis cinq jouis après pour être niellés dans la vil kde Chartres, où nous avons arrivé au nombre tic trois centsprisonniers ecclésiastiques ; et tous, hommes et !ituunes, liéscieux h deux pal' le bras. Notre arrivée clans cette ville futtrès-bruyante, on avait préparé l'esprit publie h nous fuii'eune mauvaise réception niais les administrations civiles quin'étaient pi-, ullauvaises employèrent tous les moyens iiéi'ts-saire.s pour nous gi';uuitii' de la fureur populaire. ouscènes pour prison un' ancienne maison religieuse(lui fui,encombrée d'environ huit ceu,t prisonniers de plusieursdépartements ().

On ne tarda pis ii voir d'ttii mauvais wil la iu't queprenaient les honnêtes gens h notre situation. Cinq semainesaprès uotu'e activée dans cette ville, le coniité de surveillance,qui dominait dans I'e ti raps 1h, décida (le nous transférer hRainbouilli't. et nous 11'ti1nes de Chartres environ deuxcents et quelques prêtres, et soixante et quelques laïques des

plus suspects aux J icd dits. On ne I1()IIS cachait v (tue leurbut était de nous coutduii'e eiitiui h Paris pont' subir le soitdes septembrisés niais la divine Providence nous u conservés

(I)Sur ces quatre martyrs, ou put eon.ulter les détails- que flOUS avonsdonnés dans l'ouvrage cité, 1. 11 1 p. 163-167. Le nom véritable des deuxderniers est Martin du Pisex'ot.

u:2) (Je récit est d';,<ao'd avec la relation 'uerLt' par j ulien-.lac,1iTccotuier-'Villrneuve. 0', rit., I . li p. 31G-373.

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dans cette circonstance et a arrèté. leurs complot sangui-naires.

Nous arrivfiines à Rambouillet h dix heures du soir, noustruuvfurtes la ville illuminée et le peuple frémissant Je ragecontre nous, et disant hautement (lue nous étions desbrigands puis les arme s h la main. Pour donner plus detemps au Peuple de nous examiner, on faisait faire h chaquecharrette sur laquelle nous étions montés, le tour d'une placeà travers une foule immense de peuple, et enfin, on arrivaità la grande porte de l'église oit l'on devait nous déposer.Deux champions nous tiraient par le bras de la charrette oitflOUS étions engourdis et gelés, et nous lançaient dans l'église.Un vieillard d'environquatre-vingts ans, prètre (le Falaise,autant que je puis m'en souvenir, fut tiré si violemmentqu'on lui cassa la cuisse, et., daii cet état., ou le porta il (luatilet on le jeta sur le pavé de. l'église ; le lendemain il tut poiLéà l']ui'ipital où il niourul quelques jours après. Nous nerestâmes que cieux ou trois jouis dans cette église ; on nousdonna pour prison (lite maison appelée le Grand-Corridor oitl'on IIOUS faisait payer environ 1 fr. '20 par mois, pourl'entretien des lampes qui étaient allumées la nuit autoni denotre prison, et payer, disait-ou, ceux (lui nous gardaientjour et nuit.

Ou 110115 zmiit fait partit' d'Alençon pour nous soustraire hl'armée (les \'endècuis qui était à Lavai, dans la craintequ'elle ne vint lu \ leui'on et nous mit en liberté, ce qui fuit lacause que plusieurs prisonniers ne purent être jugés ; niaisle tribunal ré.volutioineii'e qui tic nous perdait pas de vuenous fit revenir de Tiainljouillet, et nous arrivâmes h Alençonle 27 nuars h 794, et, on nous jugea les uns à la réclusion, cesont les sexagénaires et les iuuliirnes, et les aul tes h ladéportation sur les cotes d'Afrique oh nous aurions trouvé àla place des léopards français, les léopards féroces de cespays brûlants (lui flOUs auraient cicvorés, niais encore unefois la divine Providence itous sauva rie ce danger.

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Nous partîmes d'Alençon vers le 20 avril 47Ç)4 Arrivés auMans, nous trouvâmes clans la prison, car c'était notrelogement ordinaire, l'abbé Rousseau, vicaire du llisot (1),(lui n'était pas encore jugé, et qui n'est venu nous rejoindreavec l'abbé Jumeau, sous-diacre, que environ quinze joursaprès (2). Et le Vendredi-Saint, nous partimes du Mans pourRochefort, et oit nous donna pour surcroît de compagnie labonne soeur Pavé, bénédictine, qui était comme nous,condamnée i la déportation (3). Nous n'éprouv(imes aucunrevers dans notre voyage. Arrivés ii. Rochefort, oui nousSépara de notre religieuse, car sa destination était Po'Lorient. On nous ilaa à. bord (l'un vieux vaisseau, nomméle Bonhomme-flichord, (lui était dans le port de Bocliefoutet servait de 1)risOfl d'état.

Nous étions ]es premiers arrivés, mais bientôt nous noustrouvâmes cii grand nonulw'. car il en venait presque tousles jours du tous côtés. Le premier jour de notre arrivée,nous mainj ta) unes d 'éprouver un grand revers par l'impru-dence (Fun de nos camarades, qui donna c un matelot pont-le partager avec les autres cent vingt livres qui nousrestaient (les frais de. notre voyage ; et s'il n'y avait eu uncapitaine liuinaiui nous aurions été mis en jugement commeayant voulu corrompre l'équipage, Mais le capitaine voulutbien écouter nos représentations et refusa (le flOUS dénoncer,malgré les demandes réitérées de l'équipage qui voulait

(L) Plus exactement Michel Rousseau, vicaire à Montbizot. L'EqOse duMous diii'u?t la Rvoluiion, t. I, p. t63 ; t. Il. p. 273-275; t. III, p. 420,

50), 43, 5'4) (t 519.

() Ceci corrige et cnmpl'te le document que riotis avons publié, loc. cit..I . T li. P. 290, da près une piice originale des Pu-drives de la Sartite. L. 10.

(3) Louise Pavet de Courteille, religieuse lériidictine de l'abbaye deSainte-Ceneviêve de Monsort. Sur cette admirable servante de Dieu, onpeut ok l'Eqlise du Mous drrran t la Révolution, t. T, P. 260, 54)1 t. III.p. lk2-tflS, 527, 528 et 530 et Pcrs,eutitrn endurée pendant la llét'olulionpar ha religieuses hospitalières di' Beau fort-en- Vallée, p. 72 et lOt.

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nous perdre malgré le présent, 41110 1101(5 lui aViaits làil, ànotre arrivée.

Notre logement sur ce vaisseau ôtait la cale., oitnuitsavions pour liLs des cations, des torches de cercles de fer etautres choses qui étaient ramassées dans cette cale. Nousavons vécu ilaits (et endroit du Peu que nous donnait ]egouvernement, et de te ((tE' chacun de nous pouvait, seprocurer à itiuina sa bourse eau noue bon capitaine flous

avertit lui-Mine que quand nous serions à bord du vaisseauqu'on flous préparait pour la déportatiait, ou nous dépouillerait(le tous nos elteLs et pendant que nous serions à son bordnous pouvions faire venir tic la ville. ce que nous voudrionsavec l'argent que chacun avait. Ou profitait rie l'impossibilitéOÙ nous él ims d'aller i toits-i ttt'i n es faire i uts petites provisiol 15,

(t nos commissionnaires, qui ôtaient des soldais, lieusfaisaient paver les choses le tictiible de ce qu'elles cr)ûiaieiIl.et exigeaient encore ni e réc( )r ii

Deux vaisseaux nommés, le premier Les Deux-Associés etIl- secûtiil Le Wos/t in fJ101t, étaieiit, (lèstiilés à nous transportersur les côtes brûlantes de l'Afrique. Le premier était (l(jà ciirade garni de plus do quatre cents prêtres, et le sP('ti)l)(I tefut prêt à nons recevoir quo vers le. 15 juin 171M, époque ounous y avons été transportés. Notre bon temps ôtait posé.Nous y iu'rivi'rnes à la brune, et on nous faisait niniler àbord seul à seul ; on nous plarait au milieu du capitaine,deux lieutenants et d'une dixai ne de matelots avec plusii'imousses. On commencait par iremulie le sac ou la malle quirenfermait nos effets ; ensuite les matelots nous Iouiliu,-iitde toutes les iL'iitiuércs et nous ôtaient tout ce que nousPouvions avoir (laits nos poches 011 tic caché dans noshabits. Voilà la lnanime dont les trois premiers furent reçusà bord. Ensuite on nous montrait une porte par (01 Ofl nousuordonnait tic .lesceuidre dans l'eiiti'eitont, oit il fallait allerl'indre sa place soi un lit de (0 1111) salis voir à s'y conduire.(e1,\ qui p:iss'i'eiit tins les trois pmemuiems lie fument pa ,4 si

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heureux ; car on commeneait par les faire déshabiller Ionsnus, ensuite on examinait scrupuleusement leur dépouille,on Poussait nième l'impudeur jusqu'à mettre, les mains dansles endroits les plus cachés, pour y chercher, disait-on, deslouis et l'on accompagnait cette recherche (les plus infâmespropos. Cette rechercbe dura jusqu'à six heures du mat Iii.Il y en avait parmi nous qui avaient quatre-vingts amis. (luine marchaient qu'à l'aide d'un mauvais bâton qu'on leurôta ; d'autres avaient des vésicatoires et des cautères, onleur prit leurs linges et pommades qu'on jeta à la nier: avecun fer traruhant on sépara les semelles des souliers pour ytrouver des louis ; plusieurs ont marché pieds nus pendantpresque tout le temps qu'ils ont été à bord.

Le matin, sur les huit heures, on nous appela sur le pont,on nous donna pour déjecuner un biscuit, de mer cassé parpetits moree.aux, avec un demi vt-'ure de vi ii , et l)C5Oflte (lenous n'avait niangi depuis iii il j précédent. Pendant notrerepas le capitaine, avec les lk'ut nauts, descendit dans l'entre-polit pour y faire la rerliemhue des effets qui auraient puéchapper à leur activité, et que nous aurions laissés dansnos places ou cachés dans quelques coins, ils en trouvèrentet s'en emnpar'rent . Ensuite on nous fit venir, un à un,devant le capitaine qui flous fit délivrer à chacun deuxchemises, deux mouchoirs et nui bonnet de coton, Ceux quiavaient (le beaux chapeaux on les prenait et on leur donnaitune mauvaise toque (le matelot. On prenait aussi le bellestabatières, et on en donnait une en bois de sapin

Te pont était divisé par une rambarde percée en toussens, afin qu'on put nous voir dans tous les coins de la partieque nous habitions. Deux canons chi:iig('i mitraille étaienttoujours braquits Sur flous. Deux fmsceanx de fusils chargésétaient toujours du côté de l'équipage, prêts à tirer sur nouspar les trous (juj étaient à la rambarde. il y avait aussi deuxpoiles à la rambarde où il y avait jour et nuit deux faction-haires pour nous observer. Une ordonnance de la marine

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était. alililtée à la ri(IT1I)al'(lC (le notre côté (l ui i'nfermai ungi'uud nombre, d'articles, dont voici ceux que. j'ai pu literappeler

1 0 Il était défendu aux déportés, c'était. ainsi qu'on nousappelait, de jxuier à (lui que ce soit de l'équipage, souspeine d'èlre mis aux fers pendant huit jours.

Il était, défendu aux (léportés de parler une autre langueque le français; notez tu iii y avait toujours parmi nousquelques matelots ou mousses comme espions.

3' 1l était défendu de laisser à bord aucun déporté aprèsun troisième accès de fièvre ; notez qu'après le troisièmeaccèS, il n'y avait l)resque plus d'espérance (le guérir ; ontransportait le malade sur un petit vaisseau au milieu de larade qui, par son roulis et ses halanremejiLs, rendait maladesceux ittêmes qui se l)Oi'taieflt bien Pi, on déposait le maladesur tin titatelat de tuasse sans draps, (lalis liii entrepontrempli d'infection et oit l'on ne pouvait être qu'à genoux. Ony faisait passer deux déportés non malades Potil' soigner lesautres, qui ne tardaient pas à y devenu' malades, et mèmo ymourir ; assez réguliereineïit il en mourrait trois ou quatrepal' jour des deux vaisseaux. 11 y avait aussi, sur ce petitvaisseau ou chasse-marée, des matelots pour surveiller lesdéportés, mais ils avaient une petite cabane sur le pont o(iils se retiraient de peur d'ètre infectés p'' les malades del'entrepont: un officier (le santé allait visiter ce vaisseau etporter des remèdes tons les quatre ou cinq jours. LONqLi'Undéporté mourait., un matelot, hissait pavillon blanc ait haut ditmût et criait : Vive- la Montagne Ï C'était le signal qui avertissaitle capitaine du grand vaisseau d'etivover quatre déportéspont' enlever le corps et le porter eut terre, et tli'tix soldats, labayonnette au bout du fusil, ac con'ipagi u dcii t tntij 'uts ceconvoi. Si l'on voulait réciter quelques prières, il tallait queles soldats mie s'en aperçussent pas, car oit aurait été puni.

C'était à 111e (l'Aix, h mi quart de lieue du vaisseau, qu'onportuflt le cadavre aru'ivut lieu de Li sépulture oit faisait

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une fosse de six pieds de profondeur, on dépouillait lecadavre de toutes ses hardes et linges, et on le descendaittout nu dans la fosse, ensuite on rapportait sa dépouilledans la chambre du capitaine.

4° Il ôtait défendu d'administrer aucun malade ii bord ditgrand vaisseau.

Nous fômes donc entassés dans l'entrepont du asIiii1;tn.

seulement pelant la nuit, et obligés d'être toujours lit-Jilai1tle jour sur le pont. Nous ôtions si presses que nous fCunesobligés (le nous coucher sur des lits dee camp de façon queles cieux qui étaient è nies côtés avaient les pieds à ma têteet moi de môme- è leur égard et de môme tous les autres.Enfin, nous nous trouvâmes tellement entassés par le tionibrades déportés qui arrivaient presque toutes les semaines,qu'à la li t , nous tïiiiies obligés de coucher clans les trottoirs;mais coninie on nous %. trop bien, ciii eût soin defaire venir des barriques de farine ii bord, et de les placerdans nos trottoirs, et nous fûmes obligés de coucher trois àcôté l'un de l'autre sur deux barriques ; et il y avait aumoins cent. cinquatite déportés clatis ce cas, mais, pur la suite,Ili mort nous donna du large.

Li première nuit se passa salis repos la seconde, nouscrtmes que nous pourrions en avoir ; point du tout. Nousne fômes Pas IITUig5 sur nos planches que voilà le capi-taine avec ses satellites lui descendent avec des lieutenants,dans notre. cachot, le sabre è la main, pour nous obliger denous serrer davantage l'un contre l'autre, et de nous tenircouchés sur le côté pour occuper moins de place ; il y eûtquelques coups de plat (te sabre donnés, et beaucoup demenaces cl'ôtrc plus sévères si nous ne nous soumettionspas. Enfin, nos cerbères sortis, lions crû nies avoir du reposmais à peine les portes de notre euutrôe lurent-elles ferméesà double serrure, que voilà tout l'équipage, matelots, soldatset mousses qui viennent sur le pont chanter, frapper avecdes baguettes sur les planches, danser, proférer les plus

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affreux juremerits, les iitipiét.és les PRIS abominables et lesplus dégoûtantes ; quelques-uns de nos confrères, cro yant losattendrir sur notre soit, les supplièrent d'avoirpitié (le nouset surtout de malheureux vieillards citri étaient malades desfatigues de la veille. Tout fut inutile et rie servit qU'à lesanimer davantage ; et le ménic fracas se prolongea jusqu'àce que nos ennemis fussent enfin lus et fatigués. A peitieavions-nous fermé l'oeil, qu'à quatre heures les matelotsdescendent dans le carré de noire entrée, y placent deuxbaquets (le brai ou poix dans laquelle ils mirent deux bouletsrouges, ce qui occasionna une si horrible fLirnée (lue nouscrûmes être à notre dernh'i'e heure, et de. peur (lue la fuméene sortit au dehors, ils étendirent sur l'écoutille ou entr(:'e,un drap goudronné, et cette manoeuvre a duré aumoins pendant un mois, époque où la mort comrnenea ànous visiter ; r'i.Iail vers la ini-juillet. J'eus la douleur ilevoir IIIOLIIir, dans l'espace d'environ trois mois, quai le denies compagnons de voyage : MM. Regnard, Perrault,1)uplaiii et Le Landais (1). Eritin, nous avons été embarquéshuit cents prétres et un laïque, officier dc la maison deMonsieur le courte. d'Artois (i). Il en est mort six cents dansla rade de liucliefori ; et des deux cents qui ont débarqué, lamoitié. au moins a succombé des suites de la maladie qu'ilsavaient prise sui' les vaisseaux.

La manière dont on nous nourrissait dans notre captivitéétait aussi dure que la captivité même. Oit nous avait distribuépar bandes de dix lotis les matins, on nous ouvrait notrecachot, et mus ilionhions sur le Po li t où il fallait, rester toutle jour, quelque temps qu'il fit, exposés à la neige, au vent

(t) Il est probable que les deu premiers noms Ont été mal transcritsnous ne pouvons les reconnaitre. Nous avons dj.i parlé d'Etiennc-Charies-Antoiiie Duplain, \ieait e.'i Gltoinil-é-le-Gaudin, qui était âgé de quarante-quatre ans au moment de la iléportation. Pour Ilétni Landais, il étaitvicaire â Coulerne LI iiavait que trente-huit ans en 1703.

(2) Depuis le roi Charles X.

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et au froid qui fut des plus rigoureux cette année, puisquemalgré le flux et reflux, la Charente, qui ne gèle presquejamais, était tous les jours fermée parla glace; et nous étionstous fort mal habillés, car étant arrivés à bord dans l'été,nous avions des habits de la saison. En nous ôtant nos sacset nos malles, on IIOUS avait ôté nos habits d'hiver qu'onne nous rendit pas. On donnait à déjeûner à huit heures,c'était un biscuit de mer réduit en petits morceaux, et ou enmettait dix dans un petit baquet que nous partagions. Cepetit baquet s'appelait gamelle ; on nous donnait aussi dixverres de vin dans un autreautre vase de bois appelé bidon, maiscomme nos bidons étaient ii la disposition des matelots, nousn'y trouvions quelquefois que cinq rations au plus. Nousremplissions le bidon d'eau afin de pouvoir boire à notre soif.A midi, la méme ration tic vin et de biscuit, on y joignait unpetit morceau de salaison ou (le morne sans assaisonnement,on faisait même cuire la morue et le lard sans les dessaler.Le soir, inène ration encore de vin et de biscuit, avec gamellepleine de majvuis bouillon, dans lequel nageaient des fèvesmal cuites et remplies de cossons, et qui avaient au moinstrois ou quatre ans on mcl mit tremper des morceaux (lebiscuit dans ce bouillon. Deux lois par décade, on nousdonnait de la viande fraiche, muais qui était, quelquefois sigâtée qu'on la jetait à la mer en prenant des prècaLitions,car si on s'en tut aperçu. nous aurions été punis. On flousdonnait pour dix cinq cuillers de bois, deux mauvais couteauxqu'il fallait rendre aussitôt après le repas, deux petits pots(le fei' blanc pour boire. Les fèves étaient dans (les caisses tiesapin, que les rats, qui étaient à bord en aussi grand nombreque nous, perçaient et y faisaient leur demeure; on mettaitces fèves dans la chaudière sans les netto yer et lorsqu'onnous donnait nos gamelles, il fallait ôter les crottes de ratqui surnageaient, avant d'en faire usage.

Un mousse s'avisa un jour de voici' un de nos couteauxavant qu'ils fussent comptés ; alors le capitaine condamna

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tous les déportés être livs de vin jusqu'à ce que lecouteau fut retrouvé, et il ne fut remis avec les autres quedeux jours après. Le mousse ne fut point puni, ni les déportésdédommagés, le capitaine en fil son profit.

Un Génovéfain tomba un joui' dans un état convulsif sieffrayant qu'il fallait Je tenir à deux de peur qu'il ne semassacrât ; cela dura environ six jours, après quoi il repritconnaissance et cleniaiida un peu de nourriture j'allaimoi-méme prier le factionnaire d'envoyer titi caporal dire auca l) itaine (JUC je désirais lui parler. II vint. Je lui demandaiun peu de bouillon glas pui' cc malheureux moribond ; voicisa réponse : « Dis-lui que s'il veut un bouillon iii- morue jelui en ferai passer. » Je le quittai, et je pris diis Un petitpot ile l'eau fraîche que je lui portai ; il cii but et trépassae moment d'après. Ceu x qui étaient auprès de lui dirent

tout haut: « Le voilà mort, il faut avertir le capitaine. » Deuxmatelots (liii entendirent cela, se mirent il « Vive laRépublique! » Un déporté nommé Lecarnus, chanoine deGuéret, (lit tout haut : « Voilà bien de quoi l'enrichir, unmalheureux prètre qui n laisse pour héritage que desbaillons et des poux. » Un des matelots alla aussitôt dénoncerle chanoine qui fut condamné à être jour et nuit, pendanthuit jours, cramponné sur le pont. Ou le déferrait le matinet le soir pour ses besoins, il n'avait que le pain et l'eaupendant ce temps, excepté ce que nous lui donnions sur nosrations.

La divine Piovidenec vint enfin à notre secours ; l'Amanfrançais tomba sous la hache vengeresse, mais nous fûmesencore jusqu'au commencement de septembre à lions enapercevoir (1). Un jour, nous finies attention qu'après lachanson marseillaise qui se disait toujours avant le repas,les matelot.s ne crièrent pas comme t l'ordinaire « Vive la

(I) Rohe'spiu Lre twcotriIta te S juillet 179 1k, et lis su Pl Aices continu aunt('Ticore 411irint Plis d'un mets datte qttelqtie, parties du tm'ruttnire 'ratituis.

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Montagne! » Nous en augurâmes quelque chose de favorable,et quelques jours après, les déportés qui étaient allés enterrerà l'île (l'Aix, nous rapportèrent qu'un officier et quelquesparticuliers avaient appris que Rohei's-pierre (1) était guillo-tiné, que vraisemblablement notre sort allait changer. Peude temps après, on ne nous cacha plus qu'on allait nous faireun hôpital dans l'ue Madame, qu'ils appelaient lIe Citoyenne.F;nèetiveieiit, on commença à y transporter les malades aucommencement de septembre 179 .1 . On y dressa vingt tentesdans chacune Ilesiluelles 011 mit vingt lits qu'on ne tardapas à remplir tus malades des deux vaisseaux. On enVoadans chaqttt' tonte deux prêtres non malades pour avoir soind'eux ; 011 V i't;il lit une pharmacie, et deux prêtres quiavaient quelques e tiinaissances dans cette partie (,illes administrat'lIrs. Nous commençâmes alors il respirer,les malades étaient gouvernés et les autres élaient traitésmoins durement à bord.

Tout ce qui vient d'être dit s'est passé sur le Wahiitg(on,et ce fut à peu près la ittème chose sur les Deux-Assoeis,excepté qu'ils ne furent pas enfumés comme flous, Ili

dépouillés aussi rigoureusement. Cependant, il arriva unfait (Jul l'emporta en cruauté sur tout ce que itous avons-éprouvé sut' le lVasli huqlon.

Un chanoine de Liiuioges, nommé Rouillach (e), fut dénoncé

(t) I.e nom de Fi'ançois-Joseph-Maxiinilien-Joseph Robespierre, rouédésormais ii l'exécration (le tous les siècles, fut longtemps défiguré pat' ungrand nombre (le contemporains et de victimes de ses crimes. On le trouveécrit de différentes manières dans les mémoires du temps. Comme ce futle 28juillet 1701(10 thermidor) qu'il succomba. on voit;'oit exactement la datedes événements ici relatés,

('2) Antoine Rouihac, chanoine de la collégiale de Saint-Martial, NéSaint-Léonard (liante-Vienne, arrondissement de l.imoges, ce con-

fesseur de la foi rel'usa le serment de la constitution civile du clergé,mais prtita celui de liberté et égalité, que certains docteurs regardaientcomme permis ; il se rétracta néanmoins plus laid, lorsqu'il était déj;idans la geôle. Son supplice, qu'il endura ave,' une grande fermeté

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par un matelot pour avoir demandé de combien d'hommesétait composé l'équipage des Deux-Associés, et sur le nombrequ'on lui déclara, il dit que si les prêtres roulaient, ils serendraient bien maîtres du vaisseau, mais que ce n'était pasleur intention. Cette dénonciation fut jugée pat un conseil demarine composé de différents capitaines de plusieursvaisseaux, et le malheureux chanoine fut condamné à êtrefusillé sur le polit. Il a toujours nié le fait jusqu'à sa mort.Cependant, quelques-uns do ses confrères disent qu'il poliraitavoir dit les choses dont on l'accusait, car ils s'apercevaientdepuis quelque temps que sa tète était dérangée. Quelquesmoments après sa mort, un lieutenant dont la rage étaitexcessive défonça le cadavre (l'un coup de pistolet, maisDieu ne tarda pas à cmi tirer vengeance., car un jour, élantallé h Rochefort, il se iréeipita de désespoir d'un troisièmeétage et se brisa la tète sur le pavé.

A la Toussaint 179 , les vaisseaux des déportés revinrentau Port-aux-Ban ues, (lui est l'embouchure de la Charcute,et nous y avons resté jusqu'au commencement de févriersuivant. Nous n'éprouvions plus de mauvais traitements.Nous faisions même, tous les soirs, des 1iti'i'es publiques ; onchantait le Miserere; I)omine non secuiuium et Salve Reginaet les oraisons relatives, saris que le capitaine ni autres letrouvassent mauvais, au lieu que, (tans la rade, si un déportéeut fait la moindre priée, il aurait été aux fers pe11(h11tquinze jours si on s'en 'tait. ;perçu. Nous avons vu, aucontraire, plusieurs fois deux matelots, descendre dans lecarré de notre entrée, qui était entouré d'une claire-voie.pour s'unir à nos prières; nous les avons vus Pleut-Or et seprosterner pendant la prière, après laquelle on dia niait ilescantiques spirituels pendant une demi-heure.

Enfin, le 6 1vrier. oit nous fit passer h bord d'une goItte,et l'on nous conduisit de Rochefort ii Tonuav - Cliartute

.se, trouve reentdans (ois les i'iejts stir la d * pcitOoiilarade de Rochefort.

â-,.

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petite ville sut' la rivière de ce nom, polir flOUS iemlie àSaintes, à pied, plusieurs sans chaussures, et tout le restemal chaussés au nombre, de deux cents. Il y eut quatorze ouquinze infirmes qui ne pouvaient aller à pied on lei rprocura deux charrettes itoiw les transporter. La pluie tombapendant tout le jour avec abndance, de sorte que vingtgendarmes, qui nous escortaient, nous abantloirntent dans laroute, et nous nous rendîmes le soir h Saint-Porchaire, grosbourg, oh nous fûmes reçus par les habitants avec les liusgrandes démonstrations de tendresse et de générosité.

Le lendemain, sur les neuf heures du matin. nous Imir(hiwspour irons rendre à Saintes, où nous arrivâmes dans l'après-midi. Les autorités civiles nous recuretit avec toute la bontépossible, et un grLnul nombre de bourgeois, avant obtenu laliberté de nous emmener chez eux pour nous sécher, flOUS

ilonnérent tous les seroni's né essairès dans la circonstance,à condition (lue nous nous rendrions le soir dans la maison(lUi était destinée à nous recevoir. 011 flOUs V procura (leslits, (lu litige et toutes les autres clioss nécessaires, jusqu'àdu bois pour faire ilu feu.

Pendant que nous avons été clatis cette ville de bénédictionles liotinétes gens rrIaicnt tous les jours, et en grandnombre, nous visiter et n' venaient point les mains vides.

Nous ne savions pas jusqu'à quand nous resterions danscette bonne ville cela était à la disposition du comité desûreté générale séant à Paris.

lIn respectable prétre de Chartres, qui logeait il côtéde nous , et qui venait souvent nous visiter dans notrechambre, nous proposa iuuu jour (le faire une pétition à cecomité, teiidante 't obtoilir notre liberté, motivée sur lemauvais état de (((fie santé et sur l'utilité (le reprendrenotre air natal. Le iïiédecin et le chirurgien nomméspour rions visiter (l;ms UOS maladies signértnt cettepétition , et ilotre ('onfrere la fit passer ii Paris, à unde ses amis qui l'a présentée au roint ié (le sûreté

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générale (t). Quinze jours après, nous reçûmes laliberté de retourner dans nos foyers nous fûmes les sixpremiers qui partirent de Saintes. Nous quittâmes Saintes àregret, quoique nous eussions un grand désir de retournerchez nous. Les honnêtes gens qui nous invitèrent, eurentaussi les plus grands regrets de nous voir partir. Nous nousrendimes d'abord à St-Jeaii-d'Àngély, à six lieues de Saintes,où nous passâmes six jouis. Nous fines faire la Pâque àbeaucoup d'honnètes gens de cette ville qui nous avaient.obtenu des pouvoirs des grand-vicaires de Saintes qui étaienteu r(lLision avec nous. De lei, nous nous retidiines au Matis,atuès une marche d'environ douze jouis. Rendu citez moi,j'ai travaillé dans le saint ministère Pendant trois ans, maiscaché. Au mois de sel)temnl)me 1798, je fus pris de nouveau etconduit à l'ue de Rhé (a), oit j'ai passé en réclusion dix-huitmois avec onze cents prêtres de tous les départements, d'oùje suis revenu une seconde fois dans mes foyers sain et sauf.

Voilà, Monsieur, les principaux faits de la persécution quema mémoire a pu me rappeler, un plus grand nombre lui aéchappé ; s'il n'y a pas beaucoup d'ordre, c'est le temps quim'a manqué. Je vous prie d' y suppléer, et de mue croire avecles sentiments les plus respectueux.

Monsieur et respectable docteur,

Votre très-humble et très-obéissant serviteur,

G UILLOREAU,

CULd de.-servant de Saint-Rémy-du-Plain.

Saint-Rérnv-du-Plain, 12 juillet 1817.

(I) Nous ne connaissons pas le texte de cette pétition, mais nouspouvons ncn$ cri fihire une Idée d'après deux documents analogues queruas avons publiés dans l'Eglisc du Mans durant la Révolution, t. III.p. I8-t3I.

(2) V. Mémoires sur la R,olation et le premier Empire, patJa'que-Pierre Fleury, p. I7.