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Institut Régional de Formation aux métiers de Rééducation et de Réadaptation des Pays de Loire 54, rue de la Baugerie 44230 St Sébastien Sur Loire DIRECTION REGIONALE DES AFFAIRES SANITAIRES ET SOCIALES DES PAYS DE LA LOIRE M.A.N. 6, rue René Viviani 44062 NANTES LES POSSIBILITÉS DE PRISE EN CHARGE PLURIPROFESSIONNELLE DU PATIENT AMPUTÉ TRANS-FÉMORAL : UNE LIGNE DE SUIVI OPTIMALE ET DEUX CAS CLINIQUES HERVÉ Anne-Laure 2011-2012

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Institut Régional de Formation aux métiers de Rééducation et de

Réadaptation des Pays de Loire

54, rue de la Baugerie

44230 St Sébastien Sur Loire

DIRECTION REGIONALE DES AFFAIRES SANITAIRES ET SOCIALES DES PAYS DE LA LOIRE

M.A.N. 6, rue René Viviani

44062 NANTES

LES POSSIBILITÉS DE PRISE EN CHARGE PLURIPROFESSIONNELLE

DU PATIENT AMPUTÉ TRANS-FÉMORAL : UNE LIGNE DE SUIVI

OPTIMALE ET DEUX CAS CLINIQUES

HERVÉ Anne-Laure

2011-2012

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Résumé :

L’amputation résulte de différentes étiologies, bien que les origines vasculaire et traumatique

soient les principales. Suite à cette opération chirurgicale une prise en charge

pluriprofessionnelle est mise en place immédiatement, elle évolue et s’intensifie avec les

possibilités d’appareillage. Sur le long terme, la prise en charge peut se faire régulière et, ou,

s’adapter à un changement possible de la prothèse. Différents professionnels de santé

interviennent au cours de cette rééducation, chacun utilise ses compétences pour un objectif

commun car, bien que la physiopathologie de l’amputation traumatique soit différente de

l’amputation vasculaire, les stratégies de réhabilitation vont dans les deux cas être orientées

dans le but de maximiser l’autonomie et la qualité de vie des personnes amputées.

Mots clés :

- Pluriprofessionnel

- Amputation trans-fémoral

- Recommandations

- Etiologies

- Comparaison

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Sommaire :

1 Introduction ........................................................................................................................ 1

2 L’amputation du membre inférieur et l’équipe pluriprofessionnelle ................................. 1

2.1 Epidémiologie .................................................................................................................. 1

2.2 Niveaux d’amputation ...................................................................................................... 2

2.3 Equipe pluriprofessionnelle .............................................................................................. 3

3 Prise en charge pluriprofessionnelle .................................................................................. 5

3.1 Prise en charge préprothétique ......................................................................................... 5

3.1.1 Le rôle du masseur-kinésithérapeute ......................................................................... 5

3.1.2 Le rôle des autres professionnels de santé .............................................................. 10

3.2 Prise en charge prothétique ............................................................................................ 12

3.2.1 Mise en place de la prothèse ................................................................................... 12

3.2.2 Le rôle du masseur-kinésithérapeute ....................................................................... 14

3.2.3 Le rôle des autres professionnels de santé .............................................................. 17

4 Comparaison de deux cas cliniques ................................................................................. 18

4.1 Présentation des patients ................................................................................................ 18

4.2 Anamnèse des pathologies ............................................................................................. 20

4.3 Examen des déficiences ................................................................................................. 21

4.4 Bilan kinésithérapique .................................................................................................... 25

4.4.1 Cas clinique de Mr L ............................................................................................... 25

4.4.2 Cas clinique de Mme A ........................................................................................... 26

4.5 Les grandes lignes de prise en charge kinésithérapique ................................................. 27

5 Discussion ........................................................................................................................ 29

6 Conclusion ........................................................................................................................ 30

Bibliographie…………………………………………………………………………………….

Annexes………………………………………………………………………………………….

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1 Introduction

En France, près de 10 000 amputations du membre inférieur sont pratiquées chaque année [1].

Il s’agit de l’ablation, d’une partie ou de la totalité, d’un membre effectuée en urgence lorsque

le pronostic vital est mis en jeu. On retrouve dans 70% des cas une origine vasculaire à

l’amputation et des patients de plus de 60 ans. Une amputation peut diminuer fortement

l’espérance de vie, ceci en fonction de l’âge du patient, du niveau de l’amputation et des

possibilités d’appareillage. Elle est réduite à deux ans en moyenne chez la personne amputée

vasculaire.

Il existe différentes causes d’échec à la rééducation d’un patient amputé. Il peut s’agir d’une

mauvaise estimation du handicap par l’équipe soignante, d’un isolement social, d’une absence

de prise en charge des problèmes psychologiques ou encore d’une mauvaise prise en charge

des douleurs. Comment peut-on optimiser la prise en charge des personnes amputées ? Y-a-t-

il une seule rééducation précise et spécifique à suivre ?

La première partie de ce mémoire regroupe les bonnes pratiques face au patient amputé du

membre inférieur. Elle est fondée sur des recommandations spécifiques [2], sur des

observations lors des stages et sur des entretiens avec chaque professionnel de santé pour la

prise en charge non kinésithérapique.

La deuxième partie présente la prise en charge de deux patients amputés. Elle met en

comparaison les deux types de population le plus souvent rencontrés, une amputation

d’origine vasculaire et une amputation d’origine traumatique.

2 L’amputation du membre inférieur et l’équipe pluriprofessionnelle

2.1 Epidémiologie

D’après la Haute Autorité de Santé (HAS), « l’amputation est indiquée en cas de lésions

tissulaires irréversibles ou d’ischémie permanente chronique sans revascularisation possible,

qui ne réagit pas favorablement au traitement médical et dont les répercussions générales font

courir un risque vital au patient ». Différentes études ont été réalisées sur les étiologies et la

répartition des amputations, en Grande Bretagne, le Limbless Statistics (anciennement le

National Amputee Statistical Database, NASDAB) [3] a publié ses résultats en 2009 basés sur

les amputations du membre inférieur de 2006/2007. Il en ressort que la plus grande population

d’amputées des membres inférieurs est masculine, 72%, que les amputations sont à 72%

d’origine vasculaire contre 7% d’origine traumatique (figure 1).

Le sauvetage du genou influence fortement le devenir fonctionnel des patients, c’est pourquoi

on retrouve une majorité d’amputation trans-tibial, suivent en seconde place les amputations

trans-fémorale (figure 2).

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Figure 1 : Les causes d’amputation en

2006/2007 (Limbless Statistics) [3]

Figure 2 : Les niveaux d’amputation en

2006/2007 (Limbless Statistics) [3]

Trans-tibial 53%

Autre 4% Double amputation 4%

Trans-fémoral 39%

La prévalence et l’incidence des amputations peuvent être variable d’un pays à l’autre,

cependant on ne retrouve pas d’étude concernant l’épidémiologie de cette pathologie, avec

des données fondés sur une population française, puisque les chiffres sont le plus souvent

extrapolés d’études anglo-saxonne ou américaines.

D’après les renseignements de la caisse nationale d’assurance maladie, le risque d’amputation

est 14 fois plus important chez un sujet diabétique. L’étiologie traumatique constitue la

première cause d’amputation chez les 25-50 ans, cependant grâce aux avancées en chirurgie

conservatrice ainsi qu’à l’adaptation des lieux de travail et aux progrès en matière de sécurité

routière, le nombre d’amputations d’origine traumatique tend à diminuer.

2.2 Niveaux d’amputation

Le niveau d’amputation (figure 3) a un retentissement important sur les possibilités

d’autonomisation du patient. Différentes études montrent que ce niveau influence la

consommation en oxygène, Esquenazi et Digiacomo [4] retrouvent un coût énergétique de

60% supplémentaire lors de la marche chez l’amputé trans-fémoral par rapport à un individu

non amputé. L’étude de Schmalz (et coll.) [5], comparant la consommation d’oxygène en

fonction de la vitesse de déplacement, révèle pour une même vitesse (de 25km/h) une

consommation deux fois plus importante chez l’amputé trans-fémoral face au sujet non

amputé (25 contre 12ml d’O2/min/Kg).

Il est important de garder un grand bras de levier afin de fournir un effort physique moins

couteux.

Selon la HAS « le niveau d’amputation est déterminé en fonction de l’étendue de l’ischémie

et des possibilités de cicatrisation, ainsi que de la préservation fonctionnelle du membre en

vue d’un appareillage ».

Pas de cause

prouvée 4%

Autre 5%

Traumatique 7%

Neurologique 1%

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L’amputation est un acte de dernier recours et souvent entrepris dans un contexte d’urgence.

Cependant différentes chirurgies, chez l’amputé vasculaire et traumatique, peuvent être

effectuées avant cette ultime décision.

Dans la situation traumatique, malgré une évolution tissulaire pouvant sembler défavorable, le

sauvetage du membre reste primordial et un traitement conservateur est, dans la plupart des

cas, envisagé (de type fixateur externe, greffe). Celui-ci, lorsqu’il échoue, amène l’amputation

du membre à distance de l’accident.

Dans un contexte vasculaire différentes techniques peuvent également précéder l’amputation,

on retrouve régulièrement des antécédents de pontage ou d’angioplastie ayant pour but la

revascularisation du membre inférieur. Ces antécédents pourraient permettre de mettre en

place une rééducation avant l’amputation.

2.3 Equipe pluriprofessionnelle

Les soins qui doivent être dispensés au patient sont complexes et nécessitent plusieurs

spécialités médicales, chirurgicales et de réadaptation.

Chaque personnel de santé joue un rôle dans la prise en charge du sujet amputé, trouve sa

place et présente des devoirs et obligations retrouvés pour certains dans les définitions de la

HAS :

Le médecin/chirurgien : il « assure la prévention, le dépistage, le diagnostic, le

traitement et le suivi des maladies ». Il précise également l’étiologie et les différentes

stratégies thérapeutiques.

Figure 3 : Les différents niveaux d’amputation du membre inférieur

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Le masseur-kinésithérapeute : il « réalise, de façon manuelle ou instrumentale, des

actes fixés par décret, notamment à des fins de rééducation sur prescription médicale, dans le

but de prévenir l’altération des capacités fonctionnelles, de concourir à leur maintien et,

lorsqu’elles sont altérées, de les rétablir ou d’y suppléer. Ils sont adaptés à l'évolution des

sciences et des techniques ». Il a un rôle de rééducateur physique et physiologique.

L’ergothérapeute : il intervient par une « approche thérapeutique tournée vers le

patient dans sa globalité et non pas orientée vers sa pathologie […] permettant de maintenir,

de récupérer ou d'acquérir une autonomie individuelle, sociale ou professionnelle ». Il a en

fait un rôle d’adaptation fonctionnelle du patient, par l’action (mise en situation réelle ou

simulé) il agit sur les situations de handicap rencontrées en fonction des facteurs

environnementaux, matériels et humain.

L’infirmier : ses devoirs « comporte l'analyse, l'organisation, la réalisation de soins

infirmiers et leur évaluation, la contribution au recueil de données cliniques et

épidémiologiques et la participation à des actions de prévention, de dépistage, de formation et

d'éducation à la santé ». Il surveille quotidiennement les soins donnés au patient et l’évolution

de la pathologie.

L’aide-soignant : il est présent quotidiennement en milieu hospitalier et en centre, il a

pour rôle de soutenir le patient et de l’aider dans les gestes de la vie quotidienne durant

l’obtention de son autonomie.

Le psychologue : il a un rôle d’écoute du patient, il doit amener des conseils éclairant

le sujet.

L’orthoprothésiste : il est le spécialiste des prothèses et des orthèses. Il conçoit,

fabrique et adapte des appareils réalisés sur mesure, son rôle n’est pas seulement technique

mais aussi psychologique et relationnel. Sa mission est de compenser les handicaps pour

apporter un mieux-être aux patients.

Le professeur d’activité physique adapté : il est le "spécialiste" du muscle, le

professeur De Potter rappelle en 2004 la définition initiale de l’activité physique adaptée

(APA) qui est « tout mouvement, activité physique et sport, essentiellement basé sur les

aptitudes et les motivations des personnes ayant des besoins spécifiques qui les empêchent de

pratiquer dans des conditions ordinaires ». Il identifie les caractéristiques des populations

prises en charge pour faire une proposition de programme intégré au projet.

L’assistante sociale : elle voit régulièrement le patient, son rôle et de favoriser sa

réinsertion sociale et son autonomie au sein de la société. Pour y arriver elle soutient le patient

dans les démarches administratives, l’aide à avoir accès ou à maintenir un logement.

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Le nutritionniste : il intervient pour informer, conseiller le patient sur un équilibre

alimentaire. Il prend en compte les différentes pathologies de ce dernier (diabète) et ses

besoins de perte ou de gain de poids afin d’améliorer sa qualité de vie.

Ces différents professionnels de santé interviennent tout au long du processus de rééducation,

de réadaptation et de réinsertion des personnes en situation de handicap. Chaque

professionnel vise le même objectif, ce sont les moyens qui diffèrent.

L’équipe pluriprofessionnelle, avec tous ses acteurs, va jouer un rôle essentiel dans le cadre

d’une prise en charge raisonnée. Des réunions de synthèse sont alors indispensables et vont

permettre une communication entre les services afin de confronter et échanger sur l’évolution

du patient. Une bonne coordination est obligatoire car elle amène une efficacité et une

crédibilité par rapport au patient [6]. Il faut aussi noter qu’il est important d’intégrer le patient

et son entourage (famille, amis proche) à cette équipe pluriprofessionnelle de réadaptation.

3 Prise en charge pluriprofessionnelle

A la suite de la décision du chirurgien, plus ou moins rapide suivant le contexte, d’effectuer

une amputation, une prise en charge immédiate est mise en place. Dans un premier temps il

s’agit d’une préparation à la prothétisation du membre lésé, puis suit la rééducation et

réadaptation avec la prothèse.

3.1 Prise en charge préprothétique

Cette phase consiste à préparer le moignon et le patient à l’appareillage. Le médecin, par la

prescription médicale, fixe une ligne de conduite commune, des objectifs à court terme et une

orientation thérapeutique pour le long terme. En relation avec le kinésithérapeute il adapte le

traitement antalgique suivant le ressenti du patient pendant les soins de rééducation (déprime,

plaies).

L’éducation de la famille et de l’entourage est primordiale afin d’aider le patient à évoluer.

3.1.1 Le rôle du masseur-kinésithérapeute

La douleur :

Après la chirurgie, on rencontre différents types de douleurs : des douleurs du membre

résiduel, des douleurs du membre fantôme, des douleurs musculo-squelettiques.

La douleur du membre résiduel (la partie du membre qui n’a pas été amputé) post-opératoire

immédiate comme après toute intervention chirurgicale. Cette douleur, due à la section de la

peau, des muscles, des os et des nerfs, est maîtrisée par les antalgiques et disparait rapidement

lorsque la cicatrisation des différents tissus est stabilisée.

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Figure 4 : Placement des électrodes d’après

Locqueneux (Attention aux contre-indications) [10].

La douleur du membre fantôme que l’on retrouve dans la partie amputé du membre (plus ou

moins diffusée), est liée à son intensité et à sa durée préopératoire. Il s’agit de la douleur la

plus difficile à traiter, en effet comme le souligne Mazaltarine et ses collaborateurs [7], plus le

traitement est différé, plus elle devient difficile à soulager. Ils ajoutent également qu’elle est

présente en post-opératoire dans 70% des cas et qu’elle se chronicise dans 50%, c’est

pourquoi il est important de la prévenir par une analgésie préopératoire, afin d’éviter son

intégration au niveau cortical.

Les douleurs musculo-squelettiques sont retrouvées dans les autres régions du corps et

peuvent être dues à la comorbidité ou aux blessures associées dans le contexte traumatique.

Différentes techniques ou principes sont à la disposition du masseur-kinésithérapeute afin de

diminuer les informations nociceptives :

- Stimulation électrique transcutanée (TENS) (figure 4)

- Mobilisation de la cicatrice

- Techniques de détente comme le massage mobilisation

- Mise en place précoce du manchon afin d’avoir une contention permanente

Le TENS (Transcutaneous electrical nerve stimulation) est mis en

place face aux douleurs neuropathiques et utilise l’effet gate control,

développée par Melzack et Wall. La stimulation des fibres de gros

diamètre entraîne une inhibition des fibres de petit diamètre qui

véhiculent les messages douloureux au niveau de la moelle épinière.

La revue de Mulvey et coll. [8], sur la pratique du TENS face aux

douleurs du membre fantôme, conclut qu’il n’y a pas assez de preuves

parmi les études réalisées pour juger de l’efficacité de ce traitement.

Ils recommandent tout de même la technique de Bjordal [9] qui

préconise une largeur d’impulsion forte, indolore et adapté aux

sensations du patient, et une fréquence pour des résultats optimisés de

85Hz. Les contre-indications au TENS vont être un trouble de la

sensibilité du moignon ou une peau fragile et non cicatrisée.

Des techniques de désensibilisation sur le membre résiduel sont enseignées au patient afin

qu’il puisse diminuer les messages nociceptifs (gate control) lorsque des douleurs

apparaissent, mais ces exercices permettent également de retrouver un meilleur schéma

corporel [2] :

- Appuyer sur le moignon

- Masser la partie proximale du moignon en y associant des points de pression

- Bouger le membre controlatéral dans une position de confort pour imiter la position

du membre fantôme lorsque des douleurs apparaissent dans celui-ci.

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Il est également important de signaler au patient que ces douleurs se retrouvent après chaque

amputation. Pour l’aider à y faire face il est intéressant de lui proposer un soutien

psychologique et des séances de relaxation.

Diminuer les douleurs est un objectif primordial en période post-opératoire immédiate, puis

tout au long de la prise en charge. Elles peuvent influencer les possibilités d’appareillage et

d’autonomisation du patient.

Le moignon :

Durant les premiers mois et jusqu'à un an la morphologie du moignon ne cesse d’évoluer. Ces

changements sont dus à l’évolution de l’œdème et des masses musculaires.

Le masseur-kinésithérapeute lutte contre l’œdème, notamment par la mise en place de

bandage rigide (figure 5) en y associant des exercices actifs sous tension, ceux-ci permettent

de comprimer les réseaux lymphatiques et veineux.

D’autres techniques peuvent être associées :

- DataVein®

- DLM (Drainage Manuel Lymphatique)

Le DataVein® délivre un micro courant spécifique qui agit sur la circulation sanguine,

accélère et facilite le retour veineux et lymphatique.

Des massages cicatriciels sont effectués, dans un premier temps à distance de la cicatrice puis

de plus en plus rapprochés, ils permettent d’orienter la cicatrisation et de diminuer les

informations nociceptives par l’effet gate control.

Le membre résiduel :

Les exercices de contraction simultanée des muscles antagonistes du moignon dit

« globulisation » sont désormais abandonnés car trop difficile à réaliser par certains patients,

de plus ils réveilleraient des douleurs fantômes [11].

Figure 5 : Les différentes étapes du bandage de l’amputation trans-fémorale [11].

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Le renforcement se fait dans un premier temps de façon analytique (quadriceps, muscles

fessiers), à l’aide d’exercices actifs dynamiques, en évitant les exercices qui entretiennent les

mauvaises positions du moignon. A la suite de l’amputation, certains muscles perdent leurs

insertions terminales et sont à l’origine d’un déséquilibre agoniste-antagoniste participant à la

création d’attitudes vicieuses du moignon, en flexum et abductum de hanche. Pour lutter

contre celles-ci on privilégie la mobilisation analytique associée aux postures, comme le

décubitus ventral pour favoriser l’extension de hanche, les étirements musculaires ainsi que

les techniques myotensives pour relâcher les muscles hypertoniques.

Il est également important de surveiller l’installation du patient au lit et au fauteuil roulant :

- Fauteuil roulant avec repose moignon (et anti-bascule)

- Absence de coussin sous la cuisse en position allongée (favorise le flexum et/ou

abductum)

- Cependant une serviette roulée le long de la face latérale de la cuisse peut aider à

prévenir l’abductum (technique préventive) [2]

- Éviter la position assise prolongée

Esquenazi et Digiacomo préconisent la mise en place d’auto-étirements, notamment sur les

fléchisseurs de hanche (psoas, droit fémoral). Chaque étirement doit être effectué

bilatéralement pendant 30 secondes, avec au moins cinq répétitions. Trois à cinq séances

doivent être effectuées de façon indépendante tout au long de la journée [4]. Ceci reste une

pratique difficile pour la personne âgée et est donc à adapter en fonction du patient.

Le membre controlatéral :

Chez le patient traumatique on entretient la force musculaire globale de ce membre en le

faisant travailler en béquillage unipodal. Il se verticalise ainsi plus précocement et stabilise

ses capacités musculaires.

D’autre part, lors de la prise en charge des patients amputés pour des troubles vasculaire, il y

a un fort risque de retrouver la même pathologie du côté opposé, il est donc intéressant de

débuter précocement des exercices préventifs. Dans le cas des Artériopathies Oblitérantes des

Membres Inférieurs (AOMI), la HAS recommande une activité physique quotidienne [12]. Un

programme de travail musculaire actif est mis en place afin de développer des collatéralités

vasculaires, notamment si ce membre controlatéral présente des plaques athéromateuses.

L’étude de Villemur et coll. [13] propose un programme d’exercices sous-lésionnel, rencontré

sur les lieux de stage tel qu’il va être présenté. Tant que le patient ne se verticalise pas, il

effectue en position assise la griffe d’orteils ; cet exercice s’effectue en position assise pied au

sol, le patient réalise une flexion des orteils tout en gardant le pied au sol. Une fois que le

patient se verticalise, on donne deux exercices supplémentaires, le premier est appelé

« tampon-buvard » et consiste, en position debout avec un appui des membres supérieurs, à

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effectuer des mouvements de va et vient sur le talon puis la pointe de pied. Lors du deuxième

exercice le patient réalise des mouvements de va et vient entre la position assise et debout, cet

exercice est plus difficile à réaliser.

Afin que ce programme soit plus facile pour le patient il est possible d’attendre la

prothétisation, notamment pour les deux derniers exercices. Le nombre de répétition du

mouvement et le nombre de série sont calculé en fonction du nombre maximale de

mouvements (M max) que le patient peut réaliser successivement. Le patient doit alors

effectuer quotidiennement trois séries de chaque exercice :

- Première série : 50% de M max

- Deuxième série : 50% de M max

- Troisième série : 75% de M max

Le corps en globalité :

Dans les premiers temps, lorsque le patient est alité, le rééducateur lutte contre les troubles du

décubitus. Le premier levé a été effectué vers le troisième jour après accord médical.

Au niveau des membres supérieurs, le kinésithérapeute insiste, en fonction des capacités de

chacun, sur le renforcement musculaire afin de préparer le patient à la déambulation avec une

aide technique :

- Travail des muscles suspenseurs du tronc, notamment le grand dorsal par le « push-

up » (surtout chez le sujet jeune, avec des altères..), le patient est assis en bord de table une

main de part et d’autre de son bassin, l’exercice consiste à venir décoller les fesses (avec plus

ou moins d’appui sur le membre sain selon l’âge).

- Travail de répulsion, on peut mettre le patient en situation avec une canne anglaise

pour qu’il imite le mouvement recherché.

Ce travail musculaire est essentiel pour la propulsion en fauteuil roulant et les transferts. Il

vise principalement : les muscles stabilisateurs, adducteurs et abaisseurs de l’épaule, les

extenseurs du coude, ainsi que les muscles stabilisateurs et extenseurs du poignet [4]. Il est

également important de renforcer les muscles du tronc afin de faciliter la tenue assise et la

marche.

En fonction des besoins, des exercices d’équilibre, assis puis debout en appui unipodal (avec

aide dans un premier temps), sont répétés :

- Travail de l’équilibre-action (le patient sait ce qu’il va se passer, vers où va se diriger

notre poussée...)

- Travail de l’équilibre-réaction (on surprend le patient)

- Travail des réactions parachutes (la poussée est plus forte et le patient se rattrape par

les membres supérieurs, assis ou dans un coin de mur)

Echauffement

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Figure 6 : Cycloergomètre à bras

Un reconditionnement à l’effort, pour les personnes âgées avec

une pathologie vasculaire, ou en entretien chez les amputés

traumatiques, débute précocement. Il est réalisé à l’aide d’un

cycloergomètre à bras, dans le cas où aucune pathologie du

membre supérieur ne le contre-indique (figure 6).

Pour les personnes amputées d’origine vasculaire et âgées, une

capacité d’effort supérieure ou égale à 50% de la VO2 max

théorique représente le niveau physique nécessaire afin de

marcher, à terme, plus de 100 mètres avec une prothèse [14].

L’éducation thérapeutique :

Dans ce premier temps de la prise en charge, le kinésithérapeute et toute l’équipe soignante

sensibilisent le patient à une bonne hygiène de son moignon. Il faut éviter le risque infectieux

lors de la cicatrisation et le risque de blessure, la peau du moignon étant plus fragile.

En cas d’artériopathie oblitérante des membres inférieurs, les recommandations de la HAS

préconisent un changement de mode de vie, lié aux facteurs de risques cardio-vasculaire [12] :

- Arrêt du tabac

- IMC (Indice de masse corporel) < 25 kg/m2

- Équilibre glycémique

- Régime adapté en cas de dyslipidémie

- Traitement antihypertenseur

Un IMC bas et une stabilisation pondérale facilite la mise en place de l’appareillage.

L’autonomie :

L’amélioration de la qualité de vie et la lutte contre les troubles psychologiques, chez les

patients amputés, occupent une majeure partie de la prise en charge pluridisciplinaire. Le

kinésithérapeute va dans ce sens. Il adapte, avec l’ergothérapeute, l’espace de vie dans la

chambre du patient, pour qu’il puisse se déplacer librement en fauteuil roulant. Le rééducateur

insiste sur l’autonomie du patient pour les transferts en les répétant à l’aide de mises en

situations : transferts lit-fauteuil, fauteuil-lit, la toilette, entrer dans un véhicule.

3.1.2 Le rôle des autres professionnels de santé

Le médecin/chirurgien, après avoir réalisé l’amputation, met en place le traitement

pharmacologique en fonction des besoins du patient. Il peut lutter contre les troubles

psychologiques ou diminuer les douleurs : antiinflammatoires non stéroïdiens (AINS),

inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS), antalgiques, morphiniques...

Cependant le rôle de l’analgésique sur les douleurs fantômes n’a pas montré de bénéfice

significatif par rapport au placebo [2].

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La prise en charge psychologique immédiate mais surtout sur le long terme tient un

rôle important, en effet le patient est en état de choc émotionnel. Le psychologue amène le

patient à verbaliser ses émotions, faire exprimer ce qu’il ressent au plus profond, son vécu de

la situation. Il a besoin d’être rassuré, le doute et la peur de l’avenir peuvent freiner son

évolution, il se demande ce qu’il va devenir, dans la vie personnelle et professionnelle, se

questionne sur la relation aux autres et ses futurs moyens de déplacements.

Certains patients réagissent par l’agressivité, d’autres ressentent un soulagement. Ces

réactions propres à chacun dépendent du contexte de prise en charge, certains patients se

réveillent amputés sans s’y être préparés (traumatisme grave, tentative de revascularisation

qui échoue) tandis que d’autre se réveillent soulagés de ne plus ressentir les douleurs parfois

insupportables que leur procurait le membre pathologique.

Cette prise en charge psychologique parait indispensable, cependant elle n’est pas

systématiquement proposée au patient et beaucoup la refuse. Elle peut être plus facilement

mise en place lorsque le patient se trouve au centre de rééducation, à l’hôpital l’amputation est

trop récente, le patient a plus de mal à l’évoquer.

L’ergothérapeute trouve une place fondamentale dans l’autonomisation du patient par

rapport à son handicap, qui est majeur dans cette première phase. Il intervient dans le choix du

fauteuil roulant manuel le mieux adapté, ainsi que dans l’installation du patient dans celui-ci

et dans sa chambre afin d’améliorer sa qualité de vie.

Afin d’orienter une cicatrisation optimale les infirmières surveillent les plaies et

cicatrisations, les pansements sont réalisés régulièrement et cela en fonction de l’évolution

des cicatrices.

Les patients non autonome sont aidés dans les activités de la vie quotidienne (toilette,

transfert, habillage, repas) par les aides-soignants. Pour une prise en charge optimale, il est

important que chaque personnel de santé expose aux autres membres de l’équipe les progrès

que le patient a fait dans son domaine. Ceci permet la répétition des compétences acquises

avec chaque professionnel, ainsi qu’une intégration des exercices dans le fonctionnel. C’est

pourquoi il est important que le kinésithérapeute informe l’aide-soignant de ses résultats.

Le nutritionniste ajuste, avec le patient, les repas quotidiens en fonction des objectifs

posés. Dans la population des patients amputés vasculaire on retrouve un grand nombre de

diabétiques, son objectif est alors de stabiliser le diabète qui peut être déréglé suite à

l’opération chirurgical. D’autre part, le patient peut avoir besoin de perdre du poids afin de

faciliter la prise en charge prothétique et la déambulation.

L’assistante sociale débute rapidement les démarches administratives qui peuvent

paraitre lourde au patient.

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12

Afin d’évoluer vers la deuxième phase de la prise en charge, le patient doit présenter des

conditions d’appareillage qui sont :

- Une diminution des douleurs compatible avec la prothétisation

- Une capacité à se verticaliser seul

- Une absence de trouble psychologique majeur et une participation active

3.2 Prise en charge prothétique

Cette étape de la rééducation doit être le plus précoce possible pour une récupération des

capacités fonctionnelles la plus optimale possible, elle débute normalement au plus tard le

21ème

jour. De plus l’appareillage rapide permet de lutter efficacement sur les douleurs

fantômes [7].

3.2.1 Mise en place de la prothèse

Le médecin et l’orthoprothésiste ont ici des rôles importants. Le médecin met en place la

prescription tout d’abord d’un appareillage provisoire puis définitif. Lorsque le volume du

moignon est stabilisé, l’orthoprothésiste et le kinésithérapeute donne leur avis pour la

prothèse définitive. Ils choisissent le type de prothèse le plus adaptée au patient.

L’appareilleur retravaille la prothèse lorsqu’elle est mal ajustée, en fonction des changements

morphostatiques, du stade de cicatrisation et des possibilités du patient. Il vérifie la prothèse

une fois par an : état, adaptation. Lors des premières utilisations, il est intéressant que

kinésithérapeute et appareilleur soient présents ensemble.

L’orthoprothésiste transmet au kinésithérapeute les plaintes du patient et les possibilités de

l’appareillage mis en place. L’appareilleur a besoin de connaître l’état général du patient, du

membre controlatéral, les déficits musculaires ainsi que la personnalité (état psychologique)

et l’histoire du patient qui peuvent parfois expliquer certains échecs.

Dans un premier temps la prothèse provisoire ou d’entrainement est mise en place. Il s’agit

d’une prothèse fémorale plâtrée comportant une emboiture quadrangulaire avec appui

ischiatique permettant une stabilité dans le plan transversal, une remise en charge et une

reprise de la marche précoce [1].

Pour une amputation au niveau trans-fémorale, la prothèse présente trois pièces principales :

l’emboiture, le genou et le pied.

L’emboiture :

L’emboiture a trois rôles principaux : la suspension ou accrochage de la prothèse, la

transmission des forces et l’activation contrôlée de la prothèse. Elle doit être adaptée pour une

bonne répartition des contraintes.

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13

Selon la cicatrisation l’appui sera uniquement sous ischiatique pour ne pas solliciter la partie

distale du moignon. Les appuis les plus importants retrouvés vont être au niveau de l’ischion

et de l’extrémité du moignon.

Le port de la prothèse peut limiter les mouvements d’abduction et d’extension. Une étude

récente, de Klotz et coll. [15], démontre que ces limitations sont diminuées par le choix de

l’emboiture. Pour ce critère étudié il ressort que l’emboiture à branche ischiopubienne incluse

est plus intéressante que les emboitures quadrangulaire et à ischion intégré.

Le genou :

Il existe de multiples types de genou prothétiques. Ils peuvent être raides, facultatifs ou libres.

Le genou raide à l’avantage d’être sécurisant car toujours verrouillé, il présente un dispositif

pour le plier lorsque le patient s’assoit.

Lorsque le genou est facultatif, le patient peut choisir de le verrouiller ou de le laisser libre

suivant les terrains, les conditions de marche. Ce genou est intéressant chez la personne âgée.

Le genou libre permet une phase d’appui et une phase oscillante plus naturelle avec un

déverrouillage du genou en fin de phase portante. Les genoux déverrouillés peuvent être

mono-axiaux, plus rapide avec assistance hydraulique permettant le freinage (permet de

monter les marches), poly-axiaux (figure 7), plus sécurisant. Il existe également les nouvelles

technologies de genoux avec micro-processeur régulés : C Leg®

, Rheo Knee® (figure 8).

Le pied :

Le pied peut être articulé et mono-axial ou à restitution d’énergie avec une lame carbone. Le

deuxième pied est celui qui est le plus souvent mis en place, il en existe trois classes :

- Classe I : périmètre de marche supérieur à 500m, 3km/h.

- Classe II : périmètre de marche supérieur à 500m, 3km/h.

- Classe III : périmètre de marche supérieur à 1km, 4,5km /h (figure 9).

Figure 7 : Exemple de genou 4 axes [16]. Figure 8 : Exemple de genou Rhéo Knee® [18].

RHEO KNEE® : Il interprète chaque mouvement de l’utilisateur permettant son adaptation aux variations de la vitesse de marche et du terrain [17].

Figure 9 : Pied à restitution d’énergie de classe III [16].

Genou mécanique 4 axes : raccourcissement du segment jambier pendant la phase pendulaire [16].

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14

Ces prothèses permettent une pratique du sport seulement en loisir et à petite quantité. En

courant avec, il y a un risque de l’abimer voir même de briser la lame carbone qui ne

supportera pas les contraintes.

Des prothèses spécifiques à la pratique du sport existent. Elles ont un coût très élevé et aucune

prise en charge (sécurité sociale) puisqu’elles ne sont pas prévues à la nomenclature ni à la

LPPR (Liste des Produits et Prestations Remboursable) [19]. Il est rare que les patients en

obtiennent. Il existe également des prothèses de bain.

Une prothèse définitive va pouvoir durer 3 à 5 ans en fonction de l’usage qui en est fait. Les

genoux à microprocesseur ne peuvent être prescrits que tous les quatre ans, cependant à partir

de 18 ans, le patient peut avoir une deuxième prothèse de « secours » qui n’aura pas les

mêmes fonctionnalités.

3.2.2 Le rôle du masseur-kinésithérapeute

Les différentes techniques utilisées précédemment se poursuivent, la rééducation est

intensifiée.

La douleur :

A cette période, la douleur peut résulter d’un mauvais ajustement de la prothèse. La bonne

adaptation de l’appareillage est primordiale à l’apprentissage du nouveau schéma de marche.

La douleur doit être évitée pour limiter l’installation de compensation, pouvant elles-mêmes

entrainer des douleurs musculo-squelettiques (bas du dos, membre controlatéral).

Le membre résiduel ou le controlatéral peuvent également présenter des douleurs de type

ischémique. On retrouve ces douleurs dans le cas des amputés vasculaires dont les membres

inférieurs sont mal perfusés.

Pour diminuer les douleurs du membre fantôme, le neurochirurgien Thièbaut et ses

collaborateurs [20] de l’institut Adolphe Rothschild utilisent l’effet des stimulations

magnétiques transcraniennes (annexe 1). Cette pratique est en cours d’évaluation, mais

montre de bons résultats, les patients ressentent le « relâchement » de leur membre manquant

suite à ces séances. Ils préconisent également la stimulation médullaire qui délivre un courant

de faible intensité. Elle bloque la sensation de la douleur par un contrôle inhibiteur sur les

neurones convergents impliqués dans le syndrome douloureux chronique.

La mise en charge :

La mise en charge se réalise progressivement en passant de la position assise à debout.

Une fois debout, le patient travaille le transfert du poids d’avant en arrière, de gauche à droite

et dans les mouvements de circumduction [2]. Ces exercices sont réalisés avec le bassin qui

reste en inclinaison neutre.

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15

Figure 10 : Exemple d’exercice à réaliser en fin

de prise en charge.

La mise en charge débute en appui bipodal, on recherche dans un

deuxième temps l’appui unipodal avec un transfert complet du

poids du corps sur le membre appareillé. La progression est faite

à l’aide de step (pour diminuer l’appui sur la jambe saine) ou de

ballon (figure 10).

La posturographie permet de travailler la mise en charge, la

stabilisation et le transfert d’appui en alliant le principe du

biofeedback (essai, information par l’écran, ou le soignant, qui

précise s’il y a une erreur puis correction par le patient).

L’apprentissage de la marche :

La marche débute entre les barres parallèles, puis à l’aide d’une ou deux cannes anglaises,

accompagné ou seul. La condition d’aide minimale, au plus tôt, entraine des premiers pas

difficile mais de meilleurs résultats. « Les barres parallèles ou le déambulateur, procurent au

patient une sensation de confort telle qu’il risque de refuser de poursuivre la progression

initialement prévue » [21], notamment chez le patient amputé âgé.

Pour une marche adéquat, le rééducateur insiste sur :

- La symétrie et la continuité des pas

- La longueur, la largeur et la hauteur des pas à l’aide de marquages au sol

- La stabilité du tronc

- La dissociation des ceintures à l’aide de deux bâtons, un dans chaque main du patient

et du rééducateur permettant de mobiliser les membres supérieurs du patient selon les

mouvements du kinésithérapeute. Un guidage manuel peut également être réalisé.

Les défauts de marche le plus souvent retrouvés sont : esquive d’appui, absence de pas

postérieur, fauchage, déséquilibres transversaux [22].

L’esquive d’appui peut provenir d’un appui ischiatique douloureux, dans quel cas un

rembourrage de l’emboiture est réalisé. Le travail de transfert du poids diminue ce défaut.

L’absence de pas postérieur peut découler d’un flexum de hanche ou d’une

appréhension du patient. Un travail répétitif est réalisé pour augmenter la longueur du pas et

amener une extension de la hanche. Il peut être réalisé sur place avec un marquage au sol, le

patient ne sollicite pas son membre appareillé mais effectue un pas avant puis arrière avec le

membre sain. L’exercice est répété plusieurs fois et ne doit pas solliciter le tronc (salutation),

un miroir peut être placé devant le patient.

Le fauchage peut être dû à une prothèse trop longue. Il se retrouve également lorsque

le genou est verrouillé.

Les déséquilibres transversaux, au niveau du bassin, peuvent résulter d’un mauvais

alignement du segment de cuisse avec la prothèse. Afin de les diminuer, un renforcement

latéral et des exercices de stabilisations sont réalisés.

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16

Bouchet [22] propose différents exercices permettant d’améliorer le contrôle de la prothèse :

- Arrêt de marche, changement de direction, demi-tour, déplacement latéral

- Se lever d’un siège ou s’asseoir

- Monter et descendre un escalier, si le genou mis en place le permet

- Se déplacer à l’extérieur sur différents terrains

- Progressivement, le patient garde sa prothèse de plus en plus longtemps au cours de

la journée et augmente son autonomie

On peut ajouter en progression : la marche sur une ligne, contre résistance, le passage

d’obstacle. On vérifie le contrôle du genou, et l’utilisation correcte de l’aide technique.

Le patient doit réapprendre à marcher, le kinésithérapeute l’aide à trouver un nouveau schéma

de marche, économique et naturel.

L’équilibre :

Les personnes amputées ressentent de l’insécurité lors du transfert du poids du corps sur le

membre appareillé. Ceci est dû à la perte de l’entrée proprioceptive et de la rétroaction

sensorielle du pied. Ce manque d’information peut entrainer des réponses insuffisantes ou

excessives au niveau de la hanche. Une bonne perception du moignon permet un meilleur

contact entre l’interface (l’emboiture) et le sol.

Le patient apprend à contrôler sa prothèse et à ressentir lorsqu’elle est verrouillée ou

déverrouillée. La prothèse va faire partie intégrante de son image corporelle et de son schéma

moteur. Il doit pouvoir contrôler son équilibre les yeux ouverts et fermés.

La Wii FitTM est une console de jeu développée par Nintendo®, elle permet de travailler

l’équilibre mais également la musculation et les étirements globaux. Il s’agit d’un outil que le

patient peut intégrer par la suite à sa rééducation autonome à la sortie du centre. Nintendo®

et

Össur ont écrit en collaboration un livret présentant les exercices spécifiques pour les

personnes amputées du membre inférieur, avec les commentaires d’un kinésithérapeute [23].

Autonomie :

Lorsque le patient est en fauteuil roulant, le kinésithérapeute s’assure qu’il est indépendant

pour se déplacer et qu’il arrive à ouvrir les portes.

Si le patient marche avec sa prothèse, on vérifie la descente au sol, le relevé du sol et le

ramassage d’objet. Le patient s’entraine à chuter sur des tapis, il doit penser à protéger sa tête

et à s’enrouler lors de la chute, il doit éviter de se rattraper sur les poignets en supination

(lésions secondaires). Le relevé du sol s’apprend par séquençage sur un plan de Bobath, on

travaille au sol les différents transferts pour accéder aux niveaux d’évolution motrice. Chez

certaines personnes, la prothèse gêne le redressement il faudra penser au déchaussage [24].

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17

Figure 11 : Résultats de l’étude de Villemur montrant la distance de

marche avant et après rééducation [9].

Reconditionnement cardio-vasculaire :

En raison de l’étiologie fréquemment vasculaire, un test d’effort doit être effectué et les

protocoles doivent être relatifs aux coronariens et artéritiques. On privilégie leur niveau de

capacité aérobique pour répondre à la demande accrue d’énergie associée à la marche

prothétique. Les patients amputés d’origine traumatique sont souvent jeunes et ont de fortes

exigences professionnelles ou de loisirs. Dans le cas de pathologie artérielle méconnue il faut

rester vigilent face au risque ischémique [14].

Villemur et coll. [13] ont étudié un nouveau

programme de réentrainement intensif et fractionné de

la marche sur tapis roulant. Le programme comporte

deux séances de 30 minutes par jour dont l’intensité

est progressivement croissante. Les résultats (figure

11) montrent une amélioration nette de la distance de

marche chez onze patients présentant une

artériopathie oblitérante des membres inférieurs. Cette

étude doit encore être confirmée par un essai clinique.

Il s’agit d’une bonne piste de rééducation chez

l’amputé qui a bien récupérer avec sa prothèse, mais

qui présente toujours des risques cardio-vasculaire.

L’éducation thérapeutique :

Une brochure est remise au patient avant sa sortie pour lui rappeler les points importants [2] :

- Porter la prothèse ou la contention

- Mise en place de la prothèse : avec des schémas ou des repères osseux si besoin

- Contrôle quotidien de la peau et du membre restant (miroir à long manche)

- Conseils en cas de blessure : arrêt du port de la prothèse, mettre une contention

- Conseils d’hygiène de vie : une variation du poids de 5 kilos retentit sur le moignon

- Nécessité du suivi kinésithérapique et médical

Pour la sortie, le kinésithérapeute donne son avis sur l’autonomie du patient par rapport à son

handicap : la marche, le type d’aide technique. Un suivi tous les trois mois lors des 18

premiers mois est conseillé [4].

3.2.3 Le rôle des autres professionnels de santé

Le médecin suit le patient après sa sortie du centre de rééducation, une visite tous les 6

mois est recommandée [4]. Il prescrit de nouvelles prothèses et de nouvelles séances de

rééducation si l’amputé en a besoin. C’est à lui de prévenir le patient des nouvelles

technologies permettant d’améliorer sa qualité de vie.

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18

L’ergothérapeute privilégie les petits déplacements avec la prothèse, pour confronter

le patient à des situations de la vie quotidienne : tel que cuisiner. D’autre part il renforce

l’équilibre et le transfert du poids du corps à l’aide de moyen comme la Wii. Afin de soulager

la réadaptation du patient, l’ergothérapeute favorise le maintien à domicile en mettant en

place les aides techniques nécessaires (tiers personnes, fauteuil roulant, rollator, cannes

anglaises…). Dans le but de faciliter les déplacements, il propose, selon le patient, de passer

un permis de conduire adapté à sa situation ou lui suggère d’effectuer ensemble des mises en

situations dans les transports en commun (bus, tramway..). Avant le retour à domicile,

l’ergothérapeute peut effectuer une visite au domicile du patient afin de proposer des

adaptations facilitant la vie quotidienne (WC, baignoire..).

En fonction du profil des patients, un nouveau professionnel intervient à la fin de cette

phase : il s’agit du professeur d’activité physique adapté (APA). Il insiste sur

l’autonomisation par rapport à l’extérieur. Il axe sa rééducation sur l’endurance, la marche à

grand périmètre, la prise de confiance. Il indique au kinésithérapeute les activités physiques

que peut pratiquer le patient, les distances parcourues, les gènes ressentis, les particularités du

schéma de marche observé.

L’assistante sociale règle les difficultés administratives et prépare le retour à domicile.

Cette première grande partie reprend les étapes de la prise en charge du patient amputé. Elle

présente différentes techniques qu’il faut en permanence adapter à la situation et au patient. Il

n’existe pas une seule pratique mais un ensemble de moyens à prendre en compte pour une

rééducation optimale.

4 Comparaison de deux cas cliniques

Cette partie développe la prise en charge de deux patients représentant les deux populations

couramment rencontrées chez les patients amputés. Il s’agit d’une dame âgée étant amputée

suite à une artériopathie oblitérante des membres inférieurs et d’un jeune homme amputé dans

un contexte d’accident de la voie publique.

4.1 Présentation des patients

Mr L :

Mr L est âgé de 41 ans. En arrêt de travail depuis son accident, il est marin d’état, 1er maitre

dans la spécialité de détecteur anti sous-marins, l’accident ne s’est pas produit sur son lieu de

travail. Marié, il a deux enfants et il vit en appartement avec un ascenseur.

Sur le plan chirurgical et médical ce patient ne présente aucun antécédent, à la période où

débute la prise en charge il n’est pas sous traitement médical.

Page 23: LES POSSIBILITÉS DE PRISE EN CHARGE ......3 Prise en charge pluriprofessionnelle A la suite de la décision du chirurgien, plus ou moins rapide suivant le contexte, d’effectuer

19

Figure 12 : Le genou prothétique de Mr L.

Mr L, amputé trans-fémoral dans un contexte

traumatique, est appareillé par un genou

polycentrique, 6 axes (figure 12), un pied à

restitution d’énergie de classe trois avec une lame

carbone et une emboiture contact à ischion

intégré.

Mme A :

Mme A est âgée de 90 ans, pèse 66 kg et mesure 1m53 son indice de masse corporel (IMC)

est de 28.2 kg/m2 ce qui indique une surcharge pondérale. Veuve, elle est en maison long

séjour depuis le 29 juin 2009, en effet suite à son amputation, et constaté son manque

d’autonomie, un retour à domicile n’était pas envisageable. Cependant, son fils et un de ses

petits-fils habitent à proximité. La patiente est dynamique et participe quotidiennement aux

activités proposés par la structure (sortie, animation, spectacle, jeux de société…).

Sur le plan médical, de nombreux antécédents sont à prendre en compte. Effectivement, la

patiente présente un diabète ancien traité sous insuline lantus® en 2007, une insuffisance

rénale chronique stable découverte en 2002, une hypertension artérielle ancienne, des souffles

systoliques carotidiens bilatéraux ainsi qu’un infarctus du myocarde en 2006, une

artériopathie oblitérante des membres inférieurs, mais également une polyarthrose. On note

également qu’elle fut fumeuse occasionnelle avant 1980. Ceci nous amène à constater une

grande comorbidité chez cette patiente.

Sur le plan chirurgical, Mme A présente également de nombreux antécédents. La première

intervention chirurgicale est un pontage fémoro-poplité gauche (sous articulaire avec saphène

interne controlatérale) en septembre 2000. Par la suite une angioplastie endoluminale

percutanée avec pose d’un stent sur l’artère rénale gauche a été réalisée en janvier 2001, une

autre intervention de pontage en avril 2008 qui regroupe un pontage ilio-fémoral profond

ainsi qu’un pontage fémoro-tibial antérieur tous deux à gauche, un nettoyage du triangle de

Scarpa et une plastie de recouvrement par le fascia lata est réalisé en mars 2009 pour infection

de la prothèse ilio-fémoral ayant entrainé une fistulisation. Cette dernière intervention est

suivi 36h plus tard par une désoblitération du pontage fémoro-tibial antérieur et mise en place

d’une endoprothèse. Par la suite elle sera amputée trans-fémoral dans ce contexte vasculaire.

Le traitement médical actuel de la patiente comprend, du LODOZ® , du ZANIDIP

® et du

LOXEN LP® pour la tension artérielle, du KARDEGIC

® contre les troubles cardiaque lié à

l’athérosclérose, du SEROPRAM® pour les fluctuances psychologiques, du MOVICOL

®

pour les troubles digestifs, du LANTUS® pour son diabète, de l’ATARAX

® avant de se

coucher, du DOLIPRANE®, du SPASFON

® et enfin de l’IXPRIM

® en cas de besoin contre

les douleurs fantômes.

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20

DIFFERENCES Mr L Mme A

Caractéristiques personnelles - jeune homme

- poids stable et normal

- dame âgée

- IMC élevé, poids instable

Situation familiale, sociale et

professionnelle

- marié, deux enfants

- en arrêt de travail

- veuve, un fils

- retraité

Antécédents médicaux et

chirurgicaux - aucun

- sept antécédents médicaux

- cinq interventions de revascularisation

Traitement médical - aucun - poly médicamenté

Amputation et prothèse - contexte traumatique

- prothèse fémorale

- contexte vasculaire

- aucune prothèse mise en place

POINTS COMMUNS - amputation trans-fémorale

- dynamiques, bonne situation sociale, bon soutient familial

On remarque une grande différence entre ces deux patients, celle-ci influencera sur la prise en

charge, la fatigabilité et les capacités d’autonomie.

4.2 Anamnèse des pathologies

Mr L :

Le patient est pris en charge en rééducation fonctionnelle le 09/01/2012, à l’hôpital des

armées de Brest, pour le préparer à un changement de prothèse de genou.

Le 23 aout 2010, Mr L est victime d’un accident de la voie publique, à ce moment le patient

est en moto et a eu un accident contre une voiture entrainant un polytraumatisme associant

fracture stable de T12-L1, fracture de la clavicule gauche, ainsi que fracture complexe du tibia

droit et délabrement majeur des parties molles.

A l’hôpital, il bénéficie de la mise en place d’un fixateur externe Hoffmann 2 fémoro-tibial de

réalignement et d’un VAC (Vacuum-Assisted Closure). Malgré une antibiothérapie et une

couverture du foyer proximal tibial par un lambeau d’hémi soléaire médial à J4, l’évolution

spontanée est défavorable et se fait vers une nécrose des tissus et une infection des parties

molles adjacente, ceci conduisant à une amputation trans-tibiale le 13 septembre 2010. Cette

intervention a été réalisée dans l’optique de pouvoir lui conserver l’articulation du genou,

malheureusement une amputation en tiers distal de cuisse droite a dû être réalisée le 20

septembre 2010. L’évolution se fait ensuite vers une amélioration rapide de l’état clinique.

Malgré un moral fluctuant Mr L ne souhaite pas rencontrer de psychologue ou de médecin

psychiatrique, il quitte le service hospitalier le 11 octobre 2010 pour se rendre dans un centre

de rééducation. La consolidation de la clavicule s’est acquise naturellement et il lui est

prescrit un corset de 3 mois concernant les fractures vertébrales.

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21

Figure 13 : Le moignon de Mr L avec cicatrice en « gueule de requin »

Pratiquement un an et demi après son amputation, il revient en rééducation dans l’optique de

mettre en place un genou Rhéo Knee®

(confère page 13).

Mme A :

A chaque suite d’intervention, la patiente présente un important œdème de revascularisation

(témoignant de la sévérité de l’ischémie antérieure), une cicatrisation lente, parfois un

érysipèle cutané ainsi que de mauvaises réactions à la prise d’antibiotique (infection urinaire).

Après exploration locale le 22 avril 2009 montrant un fort risque de faux anévrisme (la paroi

n'étant plus celle de l'artère native dilatée, mais les tissus environnant l'artère contiennent

alors l'hémorragie) et de thrombose il est décidé d’une amputation crurale. La patiente passe

deux mois en centre de rééducation avant d’arriver en maison long séjour. Malgré une bonne

évolution de la cicatrisation et les progrès de la patiente, l’appareillage reste contre-indiqué en

raison de l’apparition de trois foyers infectieux et d’un manque de force global. La patiente

sort alors du centre en fauteuil roulant manuel. Par la suite un fauteuil roulant électrique est

mis à disposition de la patiente, en effet l’arthrose de Mme A au poignet et à l’épaule réduit

son autonomie en fauteuil roulant manuel (trop douloureux). Retour à la résidence le 26 juin.

La prise en charge débute le 16/01/2012 pour une surveillance et un entretien global.

4.3 Examen des déficiences

L’évaluation masso-kinésithérapique va s’intéresser particulièrement aux bilans fonctionnels.

Les différents examens sont réalisés lors de la première prise en charge des patients. Mr L est

alors à 1an et 20 semaines de son amputation et Mme A en est à 2 ans et 38 semaines.

Mr L :

L’examen algique ne va donner aucun résultat chez ce patient, en effet Mr L ne ressent

aucune douleur (mise à part lorsqu’il reste trop longtemps en appui unipodal avec la

prothèse). Ce patient n’a d’ailleurs jamais ressenti de douleur fantôme depuis son amputation

ce qui a permis une première prise en charge efficace.

L’examen cutané-trophique-vasculaire montre une

amputation au tiers distal du fémur avec un moignon de 35

cm (figure 13), la mesure s’effectue de l’épine iliaque

antéro-supérieure à l’extrémité osseuse du moignon. Cette

longueur de moignon amène un grand bras de levier

facilitant les capacités fonctionnelles du patient. A

distance de l’amputation, on ne remarque aucune anomalie

si ce n’est un renfort cutané (peau plus épaisse et plus

sombre) au niveau de l’appui interne de l’emboiture.

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22

Figure 14 : Mr L mettant sa prothèse avec le « parachute ».

L’examen articulaire est effectué par la mobilisation passive de la hanche droite de Mr

L. Ce patient ne présentant aucune anomalie au niveau de la hanche gauche, le bilan peut être

fait de manière comparative. Les mesures sont réalisées en décubitus dorsal ou en procubitus

à l’aide d’un goniomètre. La mobilisation sans la prothèse n’indique aucune limitation

comparée au côté sain. Avec port de la prothèse, on remarque de légères limitations en fin de

flexion et extension dues aux bords de la prothèse qui viennent buter sur les reliefs osseux.

L’examen musculaire du moignon est fait sous la forme de break test. Il permet de

différencier les cotations 4 et 5 de la cotation de Daniels et Worthingham [25], réservée aux

sujets présentant des déficits neurologiques de type périphérique (annexe 2). Le break test

consiste à positionner le muscle en course moyenne et de demander au patient une contraction

statique contre forte résistance. Il est effectué dans le cas de sujet musclé, n’y présentant

aucune contre-indication. Cet examen est exécuté sur les fléchisseurs, les extenseurs, les

abducteurs et les adducteurs de la hanche droite. Il ne montre pas de déficit de force et des

résultats à 5 selon la cotation. Le membre inférieur controlatéral ne révèle aucun déficit.

L’examen neurologique montre une bonne

perception du moignon. Ceci améliore l’équilibre

postural et la prise de contact entre l’interface et le sol.

Mr L est autonome et indépendant dans la vie de

tous les jours. Il met sa prothèse à l’aide d’un chausse-

prothèse appelé « parachute » (figure 14). Il vient en

rééducation avec un véhicule adapté :

- Boîte de vitesse automatique

- Pédales d’accélération et de frein pour le pied gauche

Le patient marche avec une légère bascule des épaules, vers la droite, lors de la phase d’appui

sur le membre inférieur appareillé. On remarque également que le patient ne déverrouille pas

sa prothèse lors des petits déplacements. Au niveau de son équilibre statique, il présente un

appui unipodal sur le membre appareillé de deux secondes. On ne retrouve aucun trouble lors

des appuis bipodal ou unipodal sur le membre inférieur gauche. Mise à part la boiterie

d’épaule lors de la marche, l’équilibre dynamique n’est pas perturbé. Sa prothèse ne lui

permet pas de descendre ou monter des escaliers, et ne s’adapte pas à sa vitesse de marche.

Mr L confie qu’il n’ose pas marcher en pente et sur terrains variés (herbe, cailloux).Son

médecin lui a prescrit une nouvelle prothèse qui présente plus de possibilités.

Mme A :

L’examen algique met en évidence des douleurs du membre fantôme ou «

algohallucinose » toujours présentes et ressenties la nuit. Ces douleurs nocturnes, brèves, sont

évaluées à l’aide de l’Echelle Visuelle Analogique (EVA) et estimées à 3/10.

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23

Figure 15 : Le moignon de Mme A

L’examen cutané-trophique-vasculaire présente

une amputation au tiers moyen de cuisse avec un moignon

de 30 cm (figure 15). On remarque les différentes

cicatrices liées aux chirurgies de revascularisation, sur le

trajet de l’artère ilio-fémorale ou de l’artère rénale. La

patiente ne présente pas de troubles cutanés mais une peau

fragile limitant ses possibilités.

L’examen articulaire est réalisé suivant les mêmes principes que pour Mr L.

L’amplitude active des membres supérieurs est fortement diminuée par l’arthrose touchant

principalement les épaules de la patiente. La ligne horizontale passant par ses épaules n’est

pas dépassée lors de l’élévation des membres supérieurs. L’amplitude passive n’est

sensiblement pas affectée. Au niveau des membres inférieurs on retrouve une extension

difficile, de la hanche gauche, avec un flessum de 5°.

Les autres mouvements du moignon ne sont pas limités par rapport au côté sain :

Hanche droite : Flexion : 110° Genou droit : Flexion : 125°

Extension : 5° Extension : 0°

Abduction : 40°

Adduction : 10° Cheville droite (talo-crurale) : Flexion D : 5°

Rotation interne : 30° Flexion P : 30°

Rotation externe : 35°

Pour le membre inférieur droit, on relève un déficit de l’extension de hanche et de la flexion

dorsale de cheville. Ces diminutions d’amplitudes s’expliquent par l’âge de Mme A.

L’examen musculaire des membres supérieurs et inférieurs est fait de manière

comparative. On ne relève pas de déficit de force d’un côté par rapport à l’autre, mais une

musculature globale faible. Les mouvements contre la pesanteur ne peuvent se faire dans

toute l’amplitude, on côte donc la musculature globale à 3-.

L’examen neurologique est normal. On retrouve une bonne sensibilité cutanée du

moignon superficielle (voie extra-lémniscale) et profonde (voie lémniscale).

L’examen des grandes fonctions révèle un état général altéré par les multiples

interventions subies. La prise en charge doit être adaptée à la patiente et à sa fatigabilité

(pause régulière). On remarque sur le plan respiratoire un léger encombrement.

Sur le plan psychologique, Mme A présente quelques variations du moral bien traité par les

médicaments. Depuis l’amputation, aucune prise en charge psychologique n’a été proposée à

la patiente. Elle n’avait pas été prévenue du risque d’amputation lors de la dernière tentative

de revascularisation. Ce manque d’aide psychologique n’a pas favorisé l’acceptation du

nouveau schéma corporel.

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24

Figure 16 : Le lève-personne de Mme A.

Au niveau du membre inférieur droit, le peu de mouvements actifs et

l’absence de marche ne favorise pas la circulation. Elle est surveillée afin

d’éviter des troubles vasculaires pouvant amener à une amputation.

Les capacités fonctionnelles de la patiente sont limitées par

l’absence d’appareillage. La fragilité de la peau et le manque global de

force empêchent le port d’une prothèse. Mme A est dépendante pour ses

transferts lit-fauteuil roulant, fauteuil roulant-toilette et fauteuil roulant-

lit. Ils se font à l’aide d’un lève-personne Maxi Sky 440®

(figure 16).

Elle a un bon équilibre en position assise. On note des réponses correctes

aux tests d’équilibre action, qui mettent en jeu des déstabilisations

intrinsèques (venir chercher un objet dans l’espace) et aux tests

d’équilibre réaction, qui mettent en jeu des déstabilisations extrinsèques

(on pousse légèrement la patiente sans la prévenir). Les réactions

parachutes sont également présentes et utilisées de façon efficace.

Le score à la MIF (Mesure d’Indépendance Fonctionnelle) de la patiente est de 87 (annexe 3).

Mme A se déplace à l’aide d’un fauteuil roulant électrique. Ce moyen de transport lui permet

d’être autonome et indépendante dans ses activités de vie quotidienne tel que :

- Se laver le haut du corps, prendre soin de son apparence

- Descendre manger, descendre en salle de loisirs

- Participer aux loisirs intérieurs (jouer aux cartes)

- Participer aux loisirs extérieurs (cinéma, ballades)

DIFFERENCES Mr L Mme A

Examen algique - aucune douleur - douleur du membre fantôme

Examen cutané-trophique-

circulatoire - amputation tiers distal

- amputation tiers moyen

- peau fragile

Examen articulaire - absence de limitation - flessum de hanche gauche

Examen musculaire - aucun déficit - absence de force globale

Examen des grandes

fonctions - aucun déficit

- fatigabilité

- trouble cardiaque

- trouble circulatoire

controlatéral

- encombrement léger

Capacités fonctionnelles - prothèse

- aucune limitation d’activité

- fauteuil roulant électrique

- lève-personne

POINTS COMMUNS - séances de rééducation

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4.4 Bilan kinésithérapique

Comme le préconise la Haute Autorité de Santé, le bilan regroupe le diagnostic, les objectifs

de rééducation ainsi que les moyens et techniques permettant de mettre en place la

rééducation. Le diagnostic comprend la mise en relation des déficits structurels et

fonctionnels les uns avec les autres, la mise en évidence des limitations d’activités qui en

découlent et enfin des restrictions de participation. Ceci étant établit selon la Classification

Internationale du Fonctionnement (CIF).

4.4.1 Cas clinique de Mr L

Déficits de structure et de fonction :

Le patient est appareillé à la suite d’une amputation du membre inférieur droit au niveau

trans-fémoral.

Il présente lors de la marche une bascule des épaules vers la droite. Cette attitude de marche

lui permet d’équilibrer son poids du corps de part et d’autre de la prothèse. Mr L n’ayant pas

de déficit au niveau de son moyen fessier, cette démarche provient d’une habitude ou d’un

mauvais alignement de la prothèse.

On remarque également un genou qui reste verrouillé lors des petits déplacements (petits pas),

ce qui augmente la boiterie du patient. Un mauvais transfert du poids du corps et une esquive

de l’appui sont à l’origine de l’absence de déverrouillage du genou. Il s’effectue lorsque le

patient appui sur le bout du pied prothétique en fin de phase portante.

Limitations d’activités :

Mr L se déplace, pour l’instant, à l’aide d’une prothèse avec un genou 6 axes. Cette prothèse

ne limite pas son périmètre de marche, cependant elle ne permet pas de monter ou descendre

des escaliers. Le patient est obligé de prendre un ascenseur ou de monter et descendre les

escaliers marche par marche (avec le membre inférieur gauche portant).

D’autre part, Mr L présente une appréhension face aux terrains en pente ou aux sols variés

(herbes, cailloux), il n’a donc jamais essayé de marcher avec sa prothèse dans ces

circonstances. Il se déplace uniquement avec sa voiture et a alors besoin de marcher que

quelques petites distances.

Restrictions de participation :

En raison des soins réguliers dont le patient a bénéficié, il est en arrêt de travail depuis son

accident. La profession de Mr L (détecteur anti sous-marin) demande pour la plupart des

postes de partir un à trois mois sous l’eau.

Le patient ne présente pas de restriction dans ses loisirs qui sont notamment : jouer avec ses

enfants, jouer à la pétanque. Il est autonome pour la conduite automobile et ne souhaite pas

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reprendre la conduite en moto. Le coût des prothèses sportives étant trop élevé, Mr L est

extrêmement limité dans la pratique d’activités physiques (seulement en loisir) : tennis de

table, marche prolongé et rapide, tir à l’arc…

Objectifs et moyens :

A ce niveau de la prise en charge, les objectifs sont plus restreints, ils sont axés sur le

fonctionnel et le confort du patient. L’objectif prioritaire et de préparer le patient à sa nouvelle

prothèse. Pour cela on cherche à corriger les défauts constatés lors de notre bilan et

développer certaines fonctions :

- Diminuer la boiterie d’épaule

- Améliorer l’équilibre : appui unipodal

- Récupérer la marche en terrain varié

- Lutter contre les appréhensions du patient (face à une pente..)

Différents moyens sont à notre disposition et on privilégie le travail en charge. Afin de lutter

contre la boiterie de Mr L des parcours de marche en extérieur sont mis en place, on utilise

également un miroir et un appareil vidéo pour lui faire prendre conscience de ce défaut. Afin

de favoriser l’équilibre on utilise des petits matériels tel que : ballons, tapis mousse, Wii fit...

4.4.2 Cas clinique de Mme A

Déficits de structure et de fonction :

Mme A présente des douleurs dans le membre fantôme dues à une confusion entre la

projection du membre au niveau du cerveau qui est active et l’absence de réponse motrice ou

sensitive dans ce membre manquant (annexe 1).

Le manque de force et de mobilité active met à la disposition de la patiente que deux types de

positions : allongée dans son lit ou assise dans son fauteuil roulant. Ces positions prolongées,

ne laissant place à une extension de la hanche, entrainent une rétraction musculaire et capsulo-

ligamentaire du plan antérieur, expliquant le flessum de la hanche gauche.

Le manque de force global que présente la patiente est dû à l’accumulation des opérations

chirurgicales, aux limitations d’activités physiques qu’entraîne l’absence d’appareillage et à

l’âge de Mme A (90 ans).

Limitations d’activités :

La patiente n’étant pas appareillée, ses activités sont fortement diminuées.

Ses déplacements nécessitent un fauteuil roulant électrique et ses transferts sont impossibles

sans l’aide d’une tierce personne ou du lève-patient. Elle reste autonome pour ce qui concerne

l’habillage supérieur, la toilette du visage et des membres supérieurs et le repas.

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La patiente présente également une diminution de l’espace de capture. L’utilisation des

membres supérieurs, au-dessus de la ligne horizontale passant par les épaules, est difficile et

douloureuse.

Restrictions de participation :

Mme A présente une forte invalidité, habite seule et a besoin d’une aide au quotidien. Un

retour à domicile après l’amputation n’étant pas envisageable, il a été décidé d’un placement

en maison long séjour.

Ses loisirs ont fortement diminués, mais Mme A a trouvé d’autres centres d’intérêts et a fait

beaucoup de connaissances dans cet établissement.

Objectifs et moyens :

Les objectifs pour la prise en charge de cette patiente vont être axés sur la sécurité, la

facilitation des soins quotidiens, le confort, l’autonomie et l’indépendance de la patiente :

- Surveiller les signes vasculaires : trouble circulatoire sur le membre inférieur

controlatéral

- Lutter contre les risques de plaies sur le moignon et les troubles de cicatrisation

- Lutter contre les douleurs

- Faciliter les transferts

- Entretenir la mobilité globale

- Renforcer/Entretenir la musculature globale

Les moyens les plus appropriés à ces objectifs vont être l’éducation et le séquençage des

transferts afin d’améliorer l’aide de la patiente. La mobilisation active-aidée et le travail

musculaire actif, en respectant la fatigabilité, pour améliorer les amplitudes et faciliter les

mouvements de la patiente. Le massage et des techniques de désensibilisation vont permettre

de diminuer les douleurs.

4.5 Les grandes lignes de prise en charge kinésithérapique

L’hôpital où je rencontre ces patients propose une prise en charge pluriprofessionnelle

comprenant seulement le médecin, le masseur-kinésithérapeute et l’ergothérapeute pour Mr L,

en hôpital de jour. On y intègre les infirmiers et aides-soignants pour Mme A. Le médecin

effectue une visite quotidiennement.

Mr L :

La prise en charge kinésithérapique se déroule avec deux séances, d’une durée d’une heure et

trente minutes, par semaine. Les différents objectifs vont permettre de réaliser des séances

différentes sur les cinq semaines de prise en charge. Cette variation lutte contre la lassitude et

l’impression de stagnation.

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Les principes lors de cette prise en charge vont être la progressivité dans la difficulté des

exercices, prioriser le travail en charge et dynamique pour ce jeune patient.

La diminution de la boiterie d’épaule commence par la

prise de conscience de ce déséquilibre. Une vidéo du patient est

réalisée et un miroir est placé devant le tapis de marche lorsque

l’on travaille l’endurance et la vitesse de marche. Par le principe

du biofeedback, le patient rééquilibre son corps par lui-même.

Lors de la marche en extérieur, le patient marche le long du mur,

qui est à sa droite, sans que son épaule ne le touche (figure 17).

L’équilibre est travaillé sur tapis (figure 18) avec des

déstabilisations extrinsèques (lancer de ballon) et suivant une

progression de mise en charge (demi-assis, debout).

Afin de lutter contre les appréhensions du patient

différents parcours de marche sont réalisés. On travaille à

l’intérieur le passage d’obstacle. En extérieur, ils confrontent le

patient à la marche dans l’herbe, dans les cailloux, en pente

ascendante et descendante. Ces parcours obligent le patient à

adapter en permanence ses appuis et son transfert du poids du

corps. On travaille également la marche arrière et latérale.

En collaboration avec l’ergothérapeute, nous sensibilisons le

patient à la console Wii Fit et lui donnons un livret sur les

exercices d’entretien qu’il pourra effectuer seul à son domicile.

Le médecin est présent à chaque début de séance.

Mme A :

La prise en charge kinésithérapique se déroule avec une séance quotidienne d’une heure. Les

différents objectifs vont également permettre de réaliser des séances différentes tout au long

de la prise en charge.

Les principes lors de cette prise en charge vont être : la progressivité dans les exercices, la

répétition des différents exercices, le respect de la fatigabilité et l’adaptation permanente à la

patiente et à la situation (moment de la journée..)

Dans un premier temps une éducation sur les techniques de désensibilisation va être

instaurée. Permettant à la patiente de diminuer ses douleurs nocturnes (Confère page 6).

Afin de faciliter les soins et les transferts prodigués par les aides-soignants on travaille

la réalisation du ponte pelvien et les retournements de Mme A pour qu’elle puisse aider le

Figure 17 : Exercice en extérieur, la marche le long du mur.

Figure 18 : Exercice d’équilibre sur tapis avec lancer de ballon.

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personnel. Le ponte pelvien (flexion du membre inférieur sain et levé des fesses) est réalisé

avec l’aide du kinésithérapeute qui soulève le côté du membre amputé. Les retournements

sont répétés du côté du membre amputé donnant une possibilité d’appui sur le membre sain.

En position assise (dans le fauteuil roulant), on renforce les membres supérieurs par le push-

up (soulèvement des fesses).

Différentes techniques permettent de lutter contre les risques vasculaires de la jambe

saine. On mobilise quotidiennement en passif et en actif-aidée ce membre. Pour le travail

musculaire, les muscles triceps sural et quadriceps sont priorisés afin de faciliter le retour

veineux. De plus le renforcement du membre sain permet à Mme A d’apporter son aide lors

des transferts tel que : fauteuil roulant-toilettes.

Pour améliorer le confort de la patiente quelques

adaptations sont faites sur son fauteuil roulant

électrique (figure 19). Avec l’aide de l’ergothérapeute,

nous installons un renfort au niveau du repose coude

droit (membre qui conduit le fauteuil roulant). Ceci est

réalisé afin de soulager la patiente qui ressent des

douleurs dans l’épaule dû à un accoudoir mal adapté

(trop bas et légèrement en inclinaison).

L’absence d’appareillage chez Mme A nous amène vers une rééducation semblable à la phase

pré-prothétique du patient amputé. Tandis que la prise en charge de Mr L est très dynamique

et s’apparente, comme il se doit, à une fin de prise en charge prothétique. Dans ce cas on

optimise toutes les fonctionnalités du patient et cherche à en développer encore d’avantage.

Ces deux cas s’opposent sur de nombreux thèmes, cependant j’ai pu remarquer qu’aucun

d’eux n’avait encore réellement accepté ce nouveau corps. Ils présentent un bon soutien

familial et social, ce qui leur permet de pallier au manque de prise en charge psychologique.

5 Discussion

Une amputation est souvent le résultat final du processus d’une maladie et peut dans certains

cas être « prévu ». Pourtant on ne retrouve pas de prise en charge pré-opératoire sur le terrain.

Elle n’est bien sûr pas envisageable dans un contexte traumatique mais pourrait être mise en

place dans le cas de pathologie vasculaire aboutissant à une amputation. Différents bilans et

un début de traitement permettrait d’optimaliser la prise en charge du patient amputé. Il est

recommandé de débuter le contrôle de la douleur avant l’amputation afin que les messages

nociceptifs ne s’intègrent pas au niveau cortical. Ces messages enregistrés augmentent le

risque de douleurs fantômes en post-opératoire. D’autre part, une évaluation cognitive et

psychologique pourrait aider à déterminer les capacités du patient à apprendre, à s’adapter et à

utiliser une prothèse ; elle envisagerait également les capacités fonctionnelles pour le long

terme et les possibilités d’autonomie.

Figure 19 : Le fauteuil roulant électrique de Mme A

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Un grand nombre de patient refuse la prise en charge psychologique. Pour certains c’est le

terme « psychologue » qui les freine car ils n’ont « pas de problème dans leur tête » et donc

« pas besoin d’aide ». Ce refus de la prise en charge psychologique est dommageable car il

s’agit, pour ma part, d’une grande partie de la rééducation qui va permettre au patient

d’évoluer et de redoubler d’effort par l’acceptation. Dans ces cas un soutien psychologique

doit être réalisé par l’équipe, car tout amputé, même celui qui a été soulagé par l’opération,

doit faire en quelque sorte son deuil. La famille et l’entourage jouent un rôle important dans

cette étape qui peut parfois être difficile à accepter pour eux également []. Ils font partie

intégrante de l’accompagnement thérapeutique.

A la suite de l’écriture de ce mémoire, ma réflexion s’est portée sur un autre point : le devenir

du patient amputé sur le long terme. Le suivi est-il bien réalisé ? Le médecin prévient-il le

patient des avancées de la technologie, par exemple si une nouvelle forme de prothèse

pourrait faciliter son quotidien ? Le patient part avec un livret d’éducation thérapeutique et

des connaissances pour prolonger sa rééducation que seuls les plus motivés, et ceux qui le

peuvent physiquement, mettront en application. Malheureusement tous les patients ne

prennent pas conscience des facteurs de risques pouvant amener à une nouvelle amputation.

Ceci est difficile à prévenir et à surveiller, par le personnel soignant, surtout quand le patient

est retourné à son domicile.

Une dernier point me donne envie d’approfondir mes recherches : comment se passe une telle

« prise en charge » dans les pays sous-développés ? En France, il y a du personnel et du

matériel autour des patients. Mais dans ces pays qui peuvent être en guerre, où l’on retrouve

des étiologies différentes (congénital ou traumatique par des bombes, des mines..), quels sont

les moyens disponibles pour apporter un maximum d’aide, de connaissance et de soutien ?

6 Conclusion

La prise en charge des patients amputés présente des techniques spécifiques et implique

différentes étapes à suivre. L’amputation a de nombreuses étiologies, ce qui amène des

variations obligatoires de prise en charge. Chaque patient est différent et réagit à sa façon face

aux soins. Le kinésithérapeute et les autres professionnels de santé doivent faire des efforts

pour s’adapter en permanence aux progrès du patient et à la situation.

Pour rechercher une optimalisation des soins, le mot à retenir est pluriprofessionnalité. Ce

type de prise en charge englobe toutes les possibilités de rééducation et fait face, avec

beaucoup de rigueur et de précision, aux spécificités diverses et variées de cette prise en

charge. Il n’y a pas une technique précise à utiliser, c’est l’association de tous les moyens à

notre disposition qui donnera les meilleurs résultats.

Le nouveau schéma corporel, l’image du corps dégradé, les nouvelles sensations physiques

avec la prothèse font partie des points clés à améliorer afin de permettre le deuil de la perte du

membre. C’est cette acceptation qui permet de faire avancer au mieux la rééducation.

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juillet 2011, vol 54, p. 275-281.

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[26] Scoppen T. & al. Physcal, mental, and socialpredictors of functional outcome in

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Autres sources : (Photos, document complémentaire)

[16] http://www.proteor.fr/

[17] Össur. RHEO KNEE® walk your way. Life without limitations, Össur, août 2011.

[18] http://www.ossur.com/

[23] Össur en collaboration avec Nintendo®. Wii FitTM pour les amputés des membres

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Annexe 1 : Les représentations motrice et sensitif du corps au niveau du

cortex.

D’après le neurochirurgien Thiebaut, les douleurs du membre fantôme s’expliquent par la

représentation somesthésique et motrice des différentes parties du corps au niveau du cortex.

Ces représentations restent actives après l’amputation (grâce au vécu, aux souvenirs des

sensations) alors que les réponses et les informations sensitives et motrices du membre

amputé sont manquantes.

C’est ce déséquilibre qui amènerait une hyper-attention vers le membre absent et provoquerait

les douleurs ressentis par les patients.

Représentation sensitive au niveau de l’hémisphère droit.

Représentation motrice au niveau de l’hémisphère droit.

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Annexe 2 : La cotation du bilan musculaire de Daniels et Worthingham.

- Cotation 0 : absence de contraction

- Cotation 1 : perception d’une contraction musculaire sans mouvement

- Cotation 2 : le mouvement est possible sans pesanteur dans toute l’amplitude

- Cotation 3 : le mouvement est réalisé contre pesanteur, sans résistance

- Cotation 4 : le mouvement est réalisé contre pesanteur et une résistance légère

- Cotation 5 : le mouvement est réalisé contre pesanteur et une résistance importante

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Annexe 3 : Mesure de l’indépendance fonctionnelle de Mme A.