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Les Notes de la Fondation Jean-Jaurès Un acteur engagé J ean François Vallin est un acteur engagé : militant socialiste dans l’Essonne ; conseiller municipal à Brétigny sur Orge ; responsable national des chemi- nots socialistes, il n’a jamais ménagé sa peine pour affirmer ses convictions et les traduire en acte. Mais c’est aussi un observateur privilégié : admi- nistrateur du Groupe socialiste au Parlement Euro- péen depuis 1981, il est devenu secrétaire général du Parti des Socialistes européens en 1995. A ce titre, comme il le raconte ici avec simplicité, il assiste depuis quatre ans à toutes les rencontres des leaders des partis socialistes et sociaux démocrates européens ; il anime les groupes de travail du PSE ; assure le secrétariat du bureau et prend en charge la plupart des relations extérieures de ce parti, en liai- son étroite avec son Président Rudolph Scharping. LES NOTES DE LA FONDATION JEAN-JAURÈS - N° 11 - AVRIL 1999 - 1

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Les Notes de la Fondation Jean-Jaurès

Un acteur engagé

Jean François Vallin est un acteur engagé : militantsocialiste dans l’Essonne ; conseiller municipal à

Brétigny sur Orge ; responsable national des chemi-nots socialistes, il n’a jamais ménagé sa peine pouraffirmer ses convictions et les traduire en acte.

Mais c’est aussi un observateur privilégié : admi-nistrateur du Groupe socialiste au Parlement Euro-péen depuis 1981, il est devenu secrétaire général duParti des Socialistes européens en 1995.

A ce titre, comme il le raconte ici avec simplicité,il assiste depuis quatre ans à toutes les re n c o n t res desleaders des partis socialistes et sociaux démocrateseuropéens ; il anime les groupes de travail du PSE ;assure le secrétariat du bureau et prend en charge laplupart des relations extérieures de ce parti, en liai-son étroite avec son Président Rudolph Scharping.

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du marché et la nécessaire régulation macro-écono-mique, qui s’eff o rce de donner à la Démocratie euro-péenne un contenu véritable et à l’Europe sociale unobjectif prioritaire de réduction du chômage.

L’ambition de ce texte est donc plus grande qu’iln’y paraît : en s’adressant à tous ceux “qui ne

comprennent pas toujours ce que font les socialistesdans la construction européenne” Jean-François Va l-lin fait à la fois œuvre militante et œuvre pédagogique.La Fondation Jean-Jaurès est bien dans son rôle endonnant à ce document une large diffusion et il fauten remercier son Président Pierre Mauroy : l’Europeest bien aujourd’hui “sous la responsabilité des socia-listes européens”.

Henri NALLETAncien Ministre

Secrétaire NationalChargé des Affaires

Européennees

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Et il a vu l’Europe changer. Ce témoignage estessentiel pour compre n d re l’évolution de l’Union

depuis trois ans. En ce début de campagne pour lesélections européennes, les images se superposent etse brouillent : Europe fédérale ; fédération d’EtatsN a t i o n s ; coopération interg o u v e rn e m e n t a l e ; zone del i b re échange ; politiques communes réform é e s ; uniondes peuples ; culture européenne spécifiq u e : tout celaest vrai et n’est pas vrai, et donne à chacun son idéede l’Europe sans qu’il y ait une claire perception deschoix opérées et des nouvelles priorités de l’Union.

Co-rédacteur avec Robin Cook du manifeste du PSEpour les élections européennes et des vingt et un

engagements pris à cette occasion par nos partis, jen’ai pas été surpris par ce récit : chacun des chapitre sde cette brochure reprend des thèmes du manifesteet ce n’est pas un hasard. Depuis qu’au sein de l’Union,les socialistes et sociaux démocrates sont présents, dansles gouvernements de treize des quinze pays, les prio-rités ont changé et Jean-François Vallin le montremieux que quiconque.

C’est comme il le dit, “D’abord l’emploi” mais c’estaussi une économie raff e rmie par la monnaie com-

m u n e ; une Europe plus grande et plus forte qui entendpromouvoir sa dimension sociale et agir pour la paixet la solidarité en Europe.

Ces lignes de force qui sont celles de notre pro-gramme sont aussi nos valeurs de référence, celles

qui dessinent, à travers tout le continent, un nouveaumodèle social démocrate qui tend à concilier les règles

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Jean-François Vallin

L’Europesous la responsabilité

des socialisteseuropéens

N°11 - avril 1999

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Jean-François Vallin est secrétaire général du Parti des Socialistes européens depuis

1995, il a été réelu à ce poste au congès de Milan en février 1999

Jean-François Vallin

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Introduction❖ ❖ ❖ ❖ ❖ ❖ ❖ ❖ ❖ ❖ ❖ ❖ ❖ ❖

Pörtschach, Autriche, 24 octobre 1998 : réuniondu Parti des Socialistes Européens afin de pré-

parer la réunion “informelle” des chefs d’Etats et deg o u v e rnements de l’Union européenne qui doit se tenirquelques heures plus tard.

Sur la photo de famille, puis autour de la table,le Président du Parti des Socialistes Européen, RudolfScharping, la Présidente du Groupe parlementaireeuropéen, Pauline Green, pour la première fois onzePremiers ministres membres du PSE...et moi, toutémerveillé de vivre pareil moment historique, peut-être le plus fier de tous d’être là.

Ce n’est pas pour leur éviter d’être treize à tableque je suis parmi eux.

La pre m i è re réunion de coordination des “part i-cipants au Conseil” membres du PSE, remonte àmoins de quatre ans, juste avant le Conseil euro p é e nde Cannes. Rudolf Scharping et moi-même venionsde pre n d re nos responsabilités respectives de Prési-dent et de Secrétaire Général du Parti des Socialistese u ro p é e n s .

Le seul Premier ministre déjà présent lors de cet-te réunion de 1995, toujours en fonction aujourd ’ h u i ,est le danois Pol Nyrup Rasmussen.

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La Grèce, l’Autriche, la Suède avaient déjà un Pre-mier ministre membre du PSE. Costas Simistis, Vik-tor Klima, Göran Persson ont remplacé AndreasPapandréou, Franz Vranitsky et Ivar Carlson.

Et puis, Paavo Liponen a gagné les élections enFinlande, Antonio Gutterrès au Portugal, Wim Kokau Pays-Bas, la coalition de l’“Olivier” en Italie. Leschoses commençaient à prendre tournure, l’espoir àchanger de camp.

La victoire de Tony Blair 1 était attendue, ardem-ment souhaitée de notre part, quasiment program-mée, en tout cas bien préparée. Les événements sesont précipités avec la victoire de la gauche pluriel-le en France. Lionel Jospin, devenu Premier Ministretrois jours plus tôt, a été accueilli en héros à notreCongrès. Il faut toujours se méfier des sondages. Nousavons attendu avec un peu d’appréhension les résul-tats des législatives allemandes. Au même moment,les communistes italiens faisaient tomber le gouver-nement de Romano Prodi et Massimo D’Alema 2 d e v e-nait Premier ministre.

Le compte y est : ils sont onze. On ne reste paslongtemps le “petit dernier” dans ce club. Tous sontdécidés à remporter d’autres victoires afin de ne pasêtre le premier à le quitter.

Les partis du PSE participent au gouvernementdans deux autres pays (Belgique et Luxembourg). Neufmembres de la Commission européenne (sur vingt)sont issus de partis du PSE et notre Groupe parle-mentaire européen, fort de ses 214 députés, consti-tue le groupe politique le plus important du Parle-ment européen 3, le seul ayant des représentants venantde tous les pays de l’Union européenne.

Et pourtant, le Parti des Socialistes Européens estpeu connu. Lors de notre dernier Congrès, en juin1997, plus de cinq cents journalistes étaient présents.Il était question de réunion de socialistes européens,v o i re du groupe parlementaire socialiste européen, deréunion européenne de l’Internationale socialiste,4mais il ne semblait pouvoir être question de Parti desSocialistes Européens.

Toutefois ce n’est pas seulement pour faireconnaître le PSE que j’ai écrit ce texte. FrançoisM i t t e rrand a déclaré, sur France inter en octobre 1991:“je suis européen parce que socialiste”. Pour moi c’estune évidence, mais je sais que ce ne l’est pas pourtout le monde. J’ai écrit ce texte pour mes amis, pourles militants, sympathisants, électeurs socialistes quine comprennent pas toujours ce que font les socia-listes dans la construction européenne. Ils compren-nent parfois d’autant moins que des critiques sévère ss’élèvent, de nos propres rangs, demandant, parexemple, de dire “non” à l’Euro ou de refuser de rati-fier le Traité d’Amsterdam. J’ai eu une pensée par-

(1) Le 2 mai1997, TonyBlair est devenule plus jeune desPremiersministres duRoyaume-Unidu XXe siècle.

(2) Fausto Bertinotti, leaderde RefondationCommuniste, amis fin au gouvernement,de centre-gauche, emmenédepuis 1996 parRomano Prodi,par un vote dedéfiance enversla coalition deL’Olivier. Le 23octobre 1998, lenouveau prési-dent du ConseilMasimo D’Ale-ma a obtenu unvote favorable àla question deconfiance, aprèsson discours-programmatiquedevant laChambres desdéputés.

(3) Cf tableau

(4) Mauroy Pierre, Voyageau cœur de l’In -ternationalesocialiste, LesNotes de la Fon-dation Jean-Jaurès, Paris,1996.

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ticulière pour les socialistes de l’Essonne dont plu-sieurs parlementaires se distinguent sur ce sujet. J’aipensé très fort à tous ces électeurs du Nord-Pas-de-Calais qui votent toujours pour les socialistes, à toutesles élections, mais ont majoritairement voté “non” auréférendum sur le Traité de Maastricht5.

A tous j’ai voulu raconter, expliquer.Cette note n’a rien d’un “Verbatim”. Il est basé sur

mes notes personnelles, aucun compte-rendu, aucunprocès verbal n’étant dressé à l’issue des dizaines deréunions, à huis clos, auxquelles j’ai eu le privilèged’assister.

Les amateurs de secrets seront déçus, je ne dévoi-le rien, j’essaie de mettre en perspective ce qui se pas-se dans une Union européenne qui a changé et qui,il y a deux ans, concentrait ses débats sur le “pactede stabilité monétaire” et prépare aujourd’hui prio-ritairement un “pacte pour l’emploi”.

Pour citer, une fois de plus, François Mitterrand,j’ai voulu livrer “ma part de vérité”.6 ❖

1 1 n o v e m b re 1995 : pour la pre m i è re fois, en tantque Secrétaire Général du PSE, je dois organiser un“Conclave” de réflexion des Leaders socialistes euro-péens, une réunion sans lien direct avec la prépara-tion d’un Conseil européen mais consacrée à uner é flexion approfondie sur l’avenir de l’Union euro-péenne. Cette re n c o n t re se tenant à Madrid, peu detemps après la réunion informelle des Chefs d’Etat etde Gouvernements à Fomentor, le secrétariat du PSEp r é p a re tous les documents d’analyse permettant uner é flexion approfondie avant le début de la Confére n-ce Inter- G o u v e rnementale. Mais nos Leaders, en par-ticulier les Premiers ministres, balaient d’un revers demain l’ord re du jour proposé ; ils n’entendent pas selaisser enfermer dans des débats institutionnels sansparler en premier lieu, de ce qui compte le plus poureux, à savoir les politiques en faveur de l’emploi.

7 avril 1998 : conclave des Leaders au fameux 10,Downing Street, à l’invitation de Tony Blair. A en cro i-re la presse, surtout française, le sujet à l’ordre du

(5) Les deuxdépartements dela région Nord-Pas-de-Calaisont voté“non” au référendum de1992 : oui 44,29 %, non 55,71 %.

(6) FrançoisMitterrand, Ma part de vérité, Fayard,Paris, 1972.

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1-D’abordl’emploi

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jour serait l’éventualité de la création d’une Inter-nationale de centre gauche. En réalité, sauf entre lapoire et le fromage, les Leaders socialistes ne parle-ront ce jour-là que de la seule question qui les pré-occupe vraiment : l’emploi.

Ces deux exemples, à eux seuls, sont suffis a m m e n tsignificatifs pour démontrer que nous avons tort derépéter à l’infini que nos responsables politiques nese préoccupent pas assez du problème du chômage.S’il est une chose dont je peux témoigner, c’est que,pour tous les socialistes européens et à commencerpar les plus importants d’entre eux, il n’existe pas desujet plus important et dont ils parlent plus souvent,pas de préoccupation qui les hante davantage... quele chômage, comme pour l’ensemble des Européensd’ailleurs. Cela est vrai non seulement pour nos Pre-miers ministres et nos Leaders, mais également pourtous nos Ministres et pas seulement pour les Ministre sde l’Emploi. Même les Ministres de la Défense,membres du PSE, parlent des problèmes d’emploislors de leurs rencontres. Nos Ministres des Finances,qui passent souvent pour avoir une pierre à la placedu cœur parce qu’ils tiennent les cordons de la bour-se et veillent à ce que nous ne dépensions pas troppar rapport aux revenus, se réunissent très réguliè-rement au sein du PSE avec la même obsession demettre en place les politiques économiques les pluscréatrices d’emplois.

L’emploi est le talon d’Achille de la société euro-péenne, une bombe à retardement pour la démocra-tie et l’Union européenne a longtemps été considé-

rée comme incapable de faire face à ce problème.Quand Oskar Lafontaine 7 constate avec regret que:«le chômage alimente le sentiment anti-européen»,le Premier ministre finlandais lui répond en écho...«et nos électeurs n’attendent rien de bon de l’Unioneuropéenne». Les décisions étant prises à l’unanimi-té, l’opinion publique met effectivement tout le mon-de “dans le même sac”. Et domine, le sentiment quel ’ E u rope, non seulement ne protège pas des effets néga-tifs de la mondialisation de l’économie, mais aucontraire fragilise les plus faibles et impose des car-cans qui freinent la croissance.

Les pays de l’Union européenne ont perdu un mil-lion et demi d’emplois en trois ans, la rapidité desgains de productivité en étant la cause essentielle.Les études de la Commission européenne sont for-melles : pour être compétitifs, il faut sans cesse gagneren productivité. Quoiqu’en pensent certains, lesemplois sont positivement et directement liés aux inves-tissements. La phrase du Chancelier allemand,social-démocrate, Helmut Schmidt reste toujoursvalable : “les profits d’aujourd’hui font les investis-sements de demain et les emplois d’après demain”.Malgré les craintes que l’avenir peut éveiller en nous,et chez les plus faibles d’entre nous, il faut savoirqu’une société qui ne prépare pas l’avenir en s’adap-tant est condamnée à la dépendance et menacée dedisparition. De plus, le sens du progrès de l’Histoireveut que chaque eff o rthumain gagne en effi-cacité mais l’Europes o u ff re actuellement

(7) OskarLafontaine, présidait le partisocial-démocrateallemand (SPD)depuis 1995 etincarnait unetraditionéconomique degaucheredistributive–néokeynésienne-, proche dessyndicats.Ministre desfinances dugouvernement deG. Schröder, il adémissionnéjeudi 11 mars1999 de sonposte de ministreet de présidentdu SPD.

«Une société qui ne prépare pas l’aveniren s’adaptant est condamnée à ladépendance et menacée de disparition.»

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d’un certain re t a rdtechnologique sur lesUSA et le Japon. Pour-tant, chacun reconnaît

que les nouvelles technologies modifient la concep-tion du travail et donc les relations sociales. Faut-ilrappeler que les socialistes souhaitent une émanci-pation de l’Homme à l’égard des travaux pénibles etdéqualifiés ?

Face au phénomène européen du chômage, deuxattitudes sont possibles :

- soit considérer que le problème n’est pas du res-sort de l’Union européenne mais de chaque Etat (leChancelier Kohl était la figure la plus emblématiquede cette thèse),

- soit, et le PSE est unanime sur le sujet, consi-dérer que les Etats membres ont tout intérêt à com-battre ensemble et de façon cohérente et croient enl’existence d’une “valeur ajoutée” européenne.

A la théorie “libérale” du “chacun pour soi”, lessocialistes préfèrent considérer que nous serons tousgagnants à travailler ensemble.

C’est pourquoi, dès 1985, le Premier ministredanois, Pol Nyrup Rasmussen, proposera de faire del’emploi le thème central de la Conférence Inter Gou-v e rnementale et son homologue suédois, Göran Pers-son, sera l’initiateur du chapitre “emploi” dans le Tr a i-té d’Amsterdam. Le Chancelier autrichien, FranzVranitsky, proposera même la création d’une Union“emploi” parallèle à l’Union économique et monétaire ,

ouvrant ainsi la voie aux décisions du Conseil euro-péen de Luxembourg deux ans plus tard.

La grande nouveauté du Conseil européen deL u x e m b o u rg 8, spécial “emploi”, voulu par Lionel Jos-pin alors tout nouveau Premier ministre, est la miseen place d’un ensemble d’instruments qui puissentd é t e rminer des “cibles”, des objectifs chiffrés et doncvérifiables, une méthode et des lignes d’action avec“contrôle” annuel des progrès réalisés. Parallèlementaux fameux “critères” de Maastricht sont donc défi-nis les “objectifs” du Conseil européen de Luxembourgtournés vers l’emploi et, parallèlement au “Comitém o n é t a i re”, se met en place un “Comité emploi”. Nousretrouvons ainsi la “Méthode Delors”, expérimentéeavec succès, pour atteindre l’objectif de la créationdu “marché unique” en 1992 : avoir des objectifs pré-cis, quantifiés et adaptés aux réalités nationales, avecun calendrier rigoureux. Elle permet de concentrerl’attention et les énergies sur des centres d’intérêt sélec-tionnés et de provoquer une mobilisation européen-ne et nationale pour parvenir au but. Bien sûr, l’idéalvisé est le plein emploi mais, en attendant, des cri-tères de convergence sont dégagés, prenant commeréférence les meilleurs ratios : quotient de la popu-lation vivant de l’aide sociale, quotient de la popu-lation au chômage à long terme (un, deux, trois ans),chômage des jeunes (21, 23, 25 ans), rapidité de l’in-tervention, quotient de la population en formation,quotient des chômeurs en formation (objectif : 25 % ) .La marche vers la monnaie unique n’a pas été réa-lisée autrement.

Les responsables socialistes veulent prouver que

(8) Le 21novembre 1997a marqué l’his-toire de l’Unioneuropéenne :pour la premièrefois, s’est tenuun Conseil euro-péen extraordi-naire, consacréexclusivementaux questionsd’emploi. A l’ini-tiative de laFrance, il a étéprévu que les“ objectifs deLuxembourg ”fassent l’objetd’un suivi etd’une évaluationannuels.

«Au “chacun pour soi” libéral, lessocialistes considérent que nous ser o n stous gagnants à travailler ensemble.»

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tout cela est également possible pour lutter contre lechômage.

Deux idées reviennent de façon récurrente dansles réunions du PSE :

1) il ne devrait pas y avoir de jeunes chômeurs :les jeunes doivent poursuivre leurs études ou être enformation s’ils ne travaillent pas encore ;

2) il doit y avoir une relation claire entre revenuet emploi ou formation : tout le monde a droit à unrevenu minimum pour vivre mais, en échange de cerevenu, il y a obligation à se former pour travailler.La passivité, la marginalisation ne doivent pas êtrefavorisées.

Ces idées étaient présentes lors du Conseil euro-péen extraordinaire de Luxembourg, fin 1997.

Un an plus tard, lors de la réunion du PSE à l’oc-casion du Conseil européen de Vienne, le Pre m i e rm i n i s t re danois a cru pouvoir annoncer que son paysserait le premier à ne plus avoir de jeunes de moinsde vingt-cinq ans au chômage...sous les pro t e s t a t i o n sde ses homologues finlandais et suédois lui disputantle label. Tony Blair a pu souligner, sans être contre-dit, le handicap légué par les conservateurs et LionelJospin a pu rappeler les “emplois jeunes” mis en pla-ce en France. Personne au PSE ne conteste que lesm e s u res en faveur de l’emploi doivent d’abord êtrenationales et locales et nos Premiers ministres se plai-sent à mettre en avant leur réussite en ce domaine.Les plus anciens dans leur poste, le Danois Rasmussenet le Néerlandais Kok peuvent légitimement pro p o-ser en exemple leurs expériences et résultats.

L’échange de “bonnes pratiques” (ce qui a bien réus-si sans coûter trop cher) et les projets pilotes fin a n-cés par l’Union européenne font incontestablementp a rtie de la “valeur ajoutée” apportée par l’Euro p e .

En raison du m a r ché unique , il y a une évidentenécessité de règles communes, d’ailleurs prévues parles articles 92 et 93 du Traité de Maastricht. Nos éco-nomies étant de plus en plus intégrées, les solutionsaux problèmes ne peuvent être uniquement nationales.La création de la monnaie unique re n f o rce cette inté-gration au sein d’un champ macro-économique com-m u n .

Sans aller jusqu’à la caricature du communismealbanais, l’Histoire a montré qu’il était impossiblede constru i re le socialisme dans un seul pays et celaest également vrai pour la social-démocratie. Aussi,le PSE s’est-il toujours montré favorable à la sup-p ression des obstacles au libre échange... et à uner é p a rtition équitable des bénéfices à en tire r. Le mar-ché unique est pro fitable à l’expansion économique,mais les règles de concurrence doivent être équitableset empêcher les dumpings dans les domaines de lafiscalité, de l’environnement, de la protection socia-le et des salaire s .

Dès lors, la question se pose de savoir si les dire c-tives européennes doivent être plus contraignantespour éviter les concurrences déloyales ou, auc o n t r a i re, plus souples afin de perm e t t re des aidesponctuelles dont la nécessité est mieux évaluée auplus près de la réalité ?

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Cette totale ouverture des frontières au sein del’Union européenne fait que les politiques néo-key-nésiennes de relance ne sont envisageables aujourd ’ h u iqu’à la condition d’être coordonnées au niveau euro-péen. C’est pourquoi, il a été proposé d’endetter l’Eu-rope dans son ensemble par un grand emprunt euro-péen ou des “euro-obligations” afin de réaliser degrands travaux d’utilité publique. Il y a cinq ans déjà,Jacques Delors, au nom de la Commission euro p é e n n equ’il présidait, en avait démontré dans un “livreblanc”9 les avantages en détaillant les projets d’in-frastructures ayant un intérêt européen : autoroutes,liaisons ferroviaires et portuaires, réseaux de gaz etd’électricité, câbles sous-marins. Tous ces réseaux amé-nageant le terr i t o i re avaient jusque là été conçus uni-quement dans un cadre strictement national. Je mesouviens d’autoroutes, le long des côtes belge et fran-çaise, s’arrêtant à quelques kilomètres de part etd’autre de la frontière. Ces “maillons manquants”méritaient, et méritent encore, d’être réalisés. Nousne devons pas construire des infrastructures uni-quement pour donner du travail aux entreprises detravaux publics ; les socialistes européens pensent quela collectivité publique peut et doit effectuer desdépenses qu’aucun autre acteur économique ne peutr é a l i s e r, si celles-ci sont génératrices de richesses nou-velles et si elles permettent d’améliorer la compéti-tivité et d’éviter les gaspillages.

L’adhésion de nouveaux pays à l’Union euro p é e n n ereposera de façon accrue le problème des infra-structures d’intérêt européen. Ce programme d’in-vestissements ne doit pas se limiter au “béton”, mais

c o n c e rne également lessatellites et toutes lesautres technologies del ’ i n f o rmation, domainedans lequel la compétition est sévère et l’Europe plu-tôt en retard sur ses concurrents. Plus largement, ilne doit pas se limiter au “hardware” ; le PSE consi-dère que le premier investissement est humain etconcerne donc la formation et la recherche.

Les propositions de Jacques Delors, adoptées parle Conseil européen d’Essen dans ses conclusions, endécembre 1994, se sont en fait trouvées un peu blo-quées par les réticences des Ministres des Finances,soucieux des déficits publics et attentifs à ne pas fai-re monter les taux d’intérêt. Il a donc été fait appelà la Banque Européenne d’Investissements dont c’est,après tout, le rôle. Personne ne propose de financerl’emploi durablement par le déficit public, mais nefaut-il pas faire la distinction entre un emprunt faitpour couvrir des dépenses courantes, donc «condam-nable» et un emprunt fait pour investir ? N’est-il pasn a t u rel d’étaler sur plusieurs années le paiement d’in-frastructures profitant à plusieurs générations ? Al’époque où il était Chancelier, Franz Vranitsky s’étaitfait l’avocat inlassable de l’émission d’ «Eurobonds”auprès des Leaders du PSE. Signe d’une évolutionsensible du rapport des forces politiques, Lionel Jos-pin a été écouté avec un succès remarqué, lors duConseil européen informel de Pörtsach, lorsqu’il a pro-posé la relance de ces grands travaux. Rurari Quinn,aujourd’hui Leader du parti travailliste irlandais, sesouvient que lorsqu’il était Ministre des Finances, le

(9)Pour entrerdans la XXIesiècle : le livreblanc de laCommission desCommunautéseuropéennes(emploi, crois -sance, compéti -tivité), Commis-sion desCommunautéseuropéennes,MichelLafon/Ramsay,Paris, 1994.

«Les politiques néo-keynésiennes de relance ne sont envisageables qu’au niveau eur o p é e n . »

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Conseil “Ecofin” 10 n’avait effectivement pas déga-gé les re s s o u rces nécessaires à ces “grands travaux”...et avait refusé de porter la responsabilité de l’échecpuisque, dans le même temps, une enveloppe bud-gétaire comparable avait été trouvée pour faire faceà la crise de la “vache folle”. Aujourd’hui encore, plu-sieurs Premiers ministres socialistes préféreraient queces infrastru c t u res soient financées par des économiesréalisées dans le cadre budgétaire actuel plutôt quepar un emprunt qui risquerait de faire repartir à lahausse les taux d’intérêt... dont tous les re s p o n s a b l e séconomiques demandent la baisse tant ils condi-tionnent la croissance. Reste que le principe de l’uti-lité des “grands travaux” figure en bonne place dansle Manifeste du PSE pour les prochaines élections euro-péennes.

Sans re m e t t re en cause l’indépendance desbanques centrales en général et de la Banque Cen-trale Européenne en part i c u l i e r, les Premiers ministre set les Ministres des Finances se considèrent autori-sés à souhaiter la baisse des taux d’intérêt. En effet,l ’ i n flation n’a jamais été aussi basse. La naissance del ’ E u ro nous met à l’abri des spéculations monétaire s ,le pacte de stabilité est un gage de stabilité contre lesfluctuations monétaires et surtout, les populations sou-haitent légitimement connaître enfin le résultat dess a c r i fices consentis pour diminuer les déficits publics.Les Ministres des Finances, appartenant au PSE, tra-vaillent régulièrement ensemble et tous sont d’accordpour une politique budgétaire stricte...tout en sou-haitant qu’elle soit assortie d’une baisse des taux d’in-térêt aidant ainsi à la relance économique.

Chacun s’accorde pour dire que la création d’em-plois dépend d’abord de la croissance économique.Bien sûr, les socialistes souhaitent mener des politiquesd’augmentation de la demande en élevant le niveaude vie, mais il est devenu évident qu’aucun pays euro-péen ne peut conduire seul une politique de relancealors que nos fro n t i è res sont ouvertes, qu’environ 90 %de la production européenne est consommée à l’in-térieur de ces frontières et que personne ne proposede les re f e rm e r. Les coord i n a t i o n s m a c ro - é c o n o m i q u eet budgétaire au sein de l’Union demeurent d’unei m p o rtance vitale. Les budgets nationaux ont été cor-setés pour atteindre les “critères” conduisant à la mon-naie unique et, “pacte de stabilité” oblige, le laxis-me budgétaire n’est pas près de revenir à l’ordre duj o u r. Cette rigueur budgétaire permet à l’Europe d’êtreune zone de stabilité. Elle demeure une zone de cro i s-sance économique malgré la crise asiatique et face auxmenaces qui pèsent sur l’Amérique Latine. Pour lapremière fois depuis 1992, le taux de chômage vientde re d e s c e n d re en dessous de la barre des 10 %. Pourque le mouvement puisse continuer, il faut que la cro i s-sance persiste. Il est peu coûteux et sans doute déci-sif d’organiser une coordination macro-économiquepar le biais de concertations au moment de l’élabo-ration des budgets nationaux. Ainsi l’UEM sera vrai-ment économique et pas seulement monétaire.

Cette coordination est d’autant plus nécessaire quele budget communautaire ne représente que 1,5 %du Produit National Brut de l’Union (la politique stru c-turelle 0,3 %). Il n’est donc pas possible de parler destructure “fédérale” comparable à celle des USA et

(10) Le Conseil«Ecofin» est laréunionmensuelle desministres desfinances et del’économie des15 Etatsmembres del’Unioneuropéenne.

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il est peu réaliste d’espérer une augmentation sensibledu budget européen alors que tous les Etats membre sc h e rchent à réduire leur déficit...et leur contribution.P o u rtant, la politique régionale favorise l’emploi nonseulement dans les pays qui reçoivent des subventionse u ropéennes mais également dans les pays “forts” carce sont souvent leurs entreprises qui réalisent les plusgrands travaux d’infrastructures, qui facilitent leséchanges au sein du marché unique et qui bénéfic i e n t ,par les biais des export a t i o n s / i m p o rtations, de l’aug-mentation du niveau de vie des pays destinataires desfonds structurels européens. Ils récupèrent ainsi lar-gement leur mise initiale.

Pour les responsables du PSE, les investissementsles plus importants, les plus porteurs de croissanceet d’avenir, les plus directement productifs sont lesinvestissements humains et donc les investissementsdans le domaine de la formation. Ce sont, de plus,les investissements les plus populaires car l’éducationet la formation sensibilisent tous les citoyens euro-péens. L’éducation, la formation sont des traditionssocial-démocrates. En Norvège, au temps du gou-vernement travailliste, l’essentiel des bénéfices dupétrole était réinvesti dans l’éducation, la formationet les nouvelles technologies. En Finlande, ce sont lesrevenus des privatisations qui sont ainsi réinvestis.C’est aussi à l’époque où Lionel Jospin était Ministrede l’Éducation Nationale que la formation est deve-nue le premier poste budgétaire 1 1 de la Nation. Mal-gré les restrictions budgétaires générales, tous les gou-vernements socialistes ont augmenté ces dernièresannées leurs budgets “éducation” et ”formation”.

Même si le chômage existe pour les universitaires auxdiplômes mal adaptés au marché de l’emploi, toutesles statistiques 1 2 c o n v e rgent en Europe pour affir-mer que plus la formation est longue, plus le tempsd’attente pour trouver un emploi est court. Ce sontles jeunes sans formation qui connaissent les taux dechômage les plus élevés et qui, pendant trop longtemps,sont à la re c h e rche d’un emploi. Il est donc nécessaireque tous ces jeunes jusqu’à 25 ans, tant qu’ils n’exer-cent pas d’activité professionnelle, suivent un stagede formation. Mais la formation initiale dispensée àl’école, au collège, au lycée, a surtout pour objectifde donner la capacité intellectuelle d’adaptation parle biais de la formation continue. 80 % des techno-logies ont moins de dix ans alors que 80 % des sala-

(11) La réformeJospin (1988-92) a proposé larénovation des1ers cycles, lacréation depostes,l’autonomie desuniversités et lePlan U3M(Université du3e millénaire).Cette réformereposait sur unpartenariatEtat/collectivitéslocales en vued’une carteuniversitairenationaledécentralisée etcontractualisée.En 1991, septnouvellesuniversitésfurent créées :Artois, Cergy-Pontoise, Evry-Val d’Essonne,Littoral, Marne-la-Vallée, LaRochelle,Versailles-St-Quentin-en-Yvelines.

(12) Cf tableau

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riés ont été formés depuis plus de dix ans et ce mou-vement va en s’accélérant. La formation devra doncse faire tout au long de la vie, inclue dans le tempsde travail. Ceux qui viennent de perd re leur emploidoivent donc être au plus vite formés aux nouvellestechnologies pour éviter le chômage de longue durée,sans tomber dans le travers des stages à répétition nemenant nulle part et qui ne font que décourager lespersonnes qui ont la volonté de se form e r.

Ce n’est pas sur les travailleurs que doit être re j e-tée la “faute de l’inemployabilité”, considère le Chan-celier autrichien Viktor Klima et Göran Persson, lePremier ministre suédois, se demande même s’il nefaut pas obliger les employeurs à payer la formationde ceux qu’ils souhaitent licencier.

Face à la mondialisation, l’avenir de l’Europe n’estpas dans le dumping social ou salarial, comme le répè-te souvent Viktor Klima. Il y aura toujours des payspour pro d u i re à moindre prix, à moindre salaire, dansdes conditions de travail abominables. L’avenir ne peutêtre que de s’en sortir “par le haut” comme aime àle démontrer Pol Nyrup Rasmussen, le Premierministre danois qui rappelle que la Renaissance estvenue, après le Moyen Age, de la diffusion des connais-sances. L’Europe a besoin de créatifs pour sortir de

nouveaux pro d u i t s(industriels ou de ser-vices), de nouvellesmachines pour les pro-d u i re, de nouveaux pro-cédés pour les com-

mercialiser. Quand less o c i a u x - d é m o c r a t e ssont revenus au pou-voir au Danemark, leurbudget de la re c h e rc h ea augmenté de 40 %. Les Pays-Bas, quant à eux,consacrent 1 % de leur Produit National Brut à lare c h e rche publique. Nos amis de ces deux pays se plai-sent à souligner les répercussions visibles que leur poli-tique a sur l’emploi aujourd’hui.

La seule façon d’être compétitif n’est donc pas dec h e rcher la dérégulation sociale mais d’être sans ces-se à la pointe de la recherche et d’avoir la force detravail la mieux formée, la mieux éduquée, la pluscapable d’adaptation. Les travailleurs seront ainsimieux à même de participer à la vie et aux prises dedécisions de leur entreprise. Tel est le modèle euro-péen de société que nous, socialistes européens, vou-lons constru i re. Et la cohésion de cette société impliqueque personne ne soit laissé au bord du chemin.

D’où l’importance de préparer aux nouvelles tech-nologies les jeunes générations, dès l’école primaire.Il s’agit d’une mesure égalitaire. Tout le monde n’apas la chance d’avoir un ordinateur à la maison, ilest donc important d’en disposer à l’école, comme lesouligne Wim Kok, le Premier ministre néerlandais.

L’égalité des chances consiste à donner à chacunplusieurs chances. Ceux qui sortent de l’école, sansles connaissances de base permettant de se débro u i l l e rdans la vie, doivent pouvoir bénéficier d’autres

« 8 0 % des technologies ont moins de dix ans alors que 80 % des salariés ont été formés depuis plus de dix ans. La formation devra être inclue dans le temps de travail.»

« L’avenir de l’Europe n’est pas dans le dumping social ou salarial mais dans une force de travail la mieuxf o rmée, la plus capable d’adaptation.»

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méthodes pour ne pas se re t rouver marginalisés. D’oùl ’ i m p o rtance des “écoles de la deuxième chance” misesen place avec l’aide de la Commission européenne,sous l’impulsion d’Edith Cresson.

Dans certains pays comme le Portugal, où le tauxde chômage est actuellement peu élevé, le faible niveaud’éducation des travailleurs comporte un risque stru c-turel très grand pour la décennie à venir. L’Irlande,à l’époque du gouvernement à participation travailliste,l’a bien compris. Elle a porté prioritairement l’effortd’aide de l’Union européenne, via les fonds structu-rels, sur la formation. Dans le même ordre d’idée, denombreux experts considèrent que la crise asiatiqueest née de l’incapacité à passer à un stade supérieurde développement, l’immense majorité de la popu-lation ne recevant pas d’éducation secondaire et tech-nologique.

La problématique de la diminution du temps detravail est étroitement liée à cette nécessité de la for-mation qui doit être comptée dans le temps de tra-vail, hebdomadaire, annuel, tout au long de la vie.Les autres socialistes européens ne comprennent pastoujours bien pourquoi, en France, il nous faut légi-f é rer en la matière. Chez eux, en effet, les part e n a i re ssociaux jouent pleinement leur rôle de concertation

et de négociation et lepatronat ne prend passystématiquement despositions idéologiquesde combat politique.Göran Persson, le Pre-

mier ministre suédois, avance l’idée selon laquelle ladurée de travail devrait pouvoir varier tout au longde la vie : nous sommes plus disponible pour le tra-vail à nos débuts, moins lorsque l’enfant paraît (etcela ne devrait pas être valable seulement pour lesfemmes), de nouveau davantage quand les enfantsvont à l’école mais moins quand l’heure de la retrai-te arrive. S’attaquer aux heures supplémentaires, lescompenser en temps plutôt qu’en rémunération, contri-bue également à la création d’emplois. Le gouver-nement travailliste des Pays-Bas a fait sensiblementreculer le chômage en généralisant le travail à tempspartiel. Pour qu’il ne soit pas synonyme de précari-té, comme c’est largement le cas en France, le codedu travail pour les salariés à temps partiel y est plusfavorable que pour les autres. Dans un monde enmutation si rapide, il faut concilier l’indispensable“adaptabilité” sur le marché du travail (mobilité pro-fessionnelle grâce à la formation, mais aussi mobili-té géographique -qui ne date pas d’hier- malgré ledésir légitime de “vivre au pays”) avec la sécurité indi-viduelle à laquelle tout le monde aspire bien natu-rellement. Il faut donc plus de protection pour les tra-vailleurs intérimaires, pour les parents qui prennentdes congés, pour ceux qui veulent se former en dehorsde l’entreprise, pour ceux qui travaillent à temps par-tiel. Comme l’explique le Premier ministre danois PolNyrup Rasmussen : “si les gens n’ont pas la sécuri-té, ils ne veulent pas bouger ; la sécurité doit être lacompensation naturelle à la mobilité”.

Les socialistes ne croient pas à la sagesse du mar-ché, même s’ils tiennent compte de ses règles éco-

«Il faut concilier l’indispensable“adaptabilité” du marché du travail avec la sécurité individuelle du travail, compensation naturelle de la mobilité.»

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nomiques. Il faut toujours être à la re c h e rche de nou-veaux emplois, préparer et accompagner les re s t ru c-turations industrielles. Les fonds stru c t u rels euro-péens ont été créés en partie pour cela (objectif n°1pour les régions en re t a rd de développement,objectif n°2 pour les re s t ructurations industrielles).Nous pouvons, dès à présent, prévoir pour les re s t ru c-turations dans le secteur automobile (Vi l v o rde en futun prémisse) un plan équivalent à ceux mis en pla-ce pour le charbon et pour l’acier.

Nos responsables politiques ont, bien entendu,re m a rqué que la majorité des emplois créés l’étaitactuellement par les petites et moyennes entre p r i s e s .M a l h e u reusement, chez nous, leur “mortalité” est plusgrande qu’aux USA. Les socialistes euro p é e n sc o n s i d è rent donc qu’il est de la responsabilité despouvoirs publics (Collectivités locales, Etat etUnion européenne) de fournir un cadre perm e t t a n tla réussite (“pépinières” d’entreprises, serv i c e scommuns, prêts bonifiés...). Comment ne pas voirqu’il est préférable de dépenser l’argent public enm e s u res actives d’aides à la création d’emplois plu-tôt qu’en allocations sociales ? Dans le même esprit,il vaut mieux financer les emplois non marc h a n d s ,d’utilité collective et répondant à des besoinssociaux évidents sans être économiquement solvables.La difficulté est d’agir en ce sens sans faire explo-ser les budgets donc sans multiplier les nouveauxpostes de fonctionnaires. Mais il ne faut pas non plusre m e t t re en cause le statut des travailleurs de la fonc-tion publique. Les “emplois jeunes” sont une répon-se. Des programmes semblables sont en train d’être

mis en place en Grande-Bretagne et en Allemagne.

Les Leaders du PSE s’accordent également surla nécessité de mettre en place une fiscalité plus favo-rable à l’emploi. Il n’est pas question de tomber dansla démagogie de la droite libérale qui, sous prétex-te de faire la guerre à l’impôt, défend les intérêts desprivilégiés. Les recettes fiscales sont indispensablesà l’existence même d’un cadre collectif. Chacun serend bien compte que les coûts non salariaux du tra-vail, les fameuses “charges”, freinent la créationd’emplois. Quand un entre p reneur veut créer de nou-veaux emplois, il calcule non pas ce que le salariéva toucher sur sa feuille de paie -son salaire net- maisce que lui-même devra sortir de sa trésorerie. D’oùla nécessité de glisser vers une fiscalisation des“ c h a rges” sociales. En France, la création de la CSGva dans le sens de ce qui se fait dans tous les payssociaux-démocrates. Encore faut-il que la fiscalité nepèse pas essentiellement sur les salariés. Toutes lesétudes européennes sont formelles : ces dern i è re sannées ont vu augmenter la pression fiscale sur le tra-vail alors que, parallèlement, s’allégeaient lesc h a rges sur le capital. L’essentiel de l’épargne estinvesti au sein de l’Union européenne, il y a donc peude risques de fuites à l’extérieur, même vers des para-dis fiscaux très proches. Les vrais risques de concur-rence se trouvent au sein même de notre marc h éunique, d’où la nécessité de règles communes. Un“code de bonne conduite” ne semble pas suffis a n t .Là encore, la coordination est indispensable, avec destaux minimum d’imposition des capitaux comme celaa été fait pour la TVA. L’ a rticle 101 13 du Traité doit

(13) M. HenriNallet, Présidentde la Délégationpour l’Unioneuropéenne, Larévision destraitéseuropéens par letraitéd’Amsterdam -Textescomparés-,Rapportd’informationn°336,Assembléenationale, 1998.

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ê t re utilisé pour éviter le “dumping “ fiscal. Les légis-lations concernant la fiscalité sur les capitaux des“non résidents” devraient considérer comme “rési-dents” tous les citoyens de l’Union européenne. Deplus, en Europe, quasiment tous les gouvern e m e n t sà participation socialiste réfléchissent à la mise enplace d’une fiscalité taxant l’utilisation des matière sp re m i è res et des énergies renouvelables ainsi que lapollution. Les taxes sur les mouvements spéculatifsde capitaux ont également été évoquées lors deréunions du PSE mais semblent difficiles à mettreen place. La zone Euro semble cependant être à l’abride ces tourmentes que chacun souhaite voir appar-tenir au passé.

Nous considérons également que de nombre u xemplois peuvent encore être créés pour protéger l’en-v i ro n n e m e n t . En Allemagne, avant même l’arr i v é eau gouvernement des sociaux-démocrates associésavec les Ve rts, un million d’emplois (2,7 % de l’em-ploi total) étaient liés à l’environnement. Les tro i smillions d’emplois que compte le secteur dans l’Unione u ropéenne (2 % de l’emploi total) peuvent donce n c o re augmenter même s’ils représentent déjà autantque les emplois dans l’industrie automobile. Dese x p e rts ont estimé à trois millions et demi d’emploispar an, dans l’Union européenne, les créations d’em-plois qui résulteraient de l’équipement à grande échel-le d’installation économisant l’énergie dans les habi-tations (double vitrage, isolation). De plus, letourisme, directement lié à la qualité de l’enviro n-nement, est devenu une source essentielle de re v e-nus et d’emplois dans de nombreux pays, notam-

ment en France. Enfin, face au défi formidable queconstitue l’élargissement de l’Union européenne à denouveaux pays, les socialistes se posent légitimementla question de son incidence sur l’emploi. Cependant,le sentiment majoritaire est que ces nouveaux paysreprésentent de nouveaux marchés pour nos pro d u i t s ,qu’il y aura une interaction positive entre leursbesoins et les nôtres, et donc que leur intégrationau sein de l’Union européenne ne pourra que favo-riser la croissance de tous. ❖

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Mai 1998 : à Bruxelles, le Conseil européen déci-de, dans les délais prévus, avec l’appui enthousiastedu Parlement européen, la mise en place d’une mon-naie non seulement commune mais également uniquepour onze des quinze pays de l’Union européenne.Ceux qui restent sur le bord du chemin se promet-tent de rejoindre les autres à la première occa-s i o n . . . s u rtout si la preuve est faite que cela peut mar-cher.

En France, parmi les socialistes, seuls quelques par-lementaires, refusent cette avancée historique.

TOUT LE TRAITÉ, RIEN QUE LE TRAITÉ ?Septembre 1992 : La France adopte par référen-

dum 1 4, à une courte majorité, le Traité que les Chefsd’Etats et de Gouvernements avaient conclu en févrierdans une ville des Pays-Bas dont le nom impronon-çable n’en est pas moins devenu célèbre : Maastricht.Dans ce Traité, l’article 109, ou plutôt les articles 109-jusqu’au 109M- au centre de la controverse de la cam-pagne électorale référendaire, prévoyait ce qui allaitdevenir l’Euro.

Entre ces deux dates - 1992 et 1998 -, il n’étaitpas évident pour tout le monde que ce qui avait étéadopté et ratifié se réaliserait vraiment et, optimistesou pessimistes, les sceptiques étaient nombreux, peut-être même secrètement majoritaires.

Ce n’est qu’au Conseil européen de Dublin, endécembre 1996, que fut pris le tournant psycholo-gique décisif et que ce qui, jusqu’alors, n’était pas évi-dent devint certain. La seule question encore ouver-te était de savoir qui ferait finalement partie du “club”.Ce n’est pas non plus un hasard si, à ce même Conseileuropéen, fut adopté le principe d’un “pacte de sta-bilité et de croissance” qui donnait l’assurance d’unecontinuité dans les politiques suivies permettant lamise en place de l’instrument monétaire commun.

La veille du Conseil européen, au cours de notreréunion préparatoire habituelle, les Leaders socialistesaccueillaient favorablement les propositions du PSfrançais, alors dans l’opposition pour quelques moisencore : pas d’exclusion a priori (tout le monde pen-sait à l’Italie et répondait que chaque pays serait jugéselon ses résultats), pas de surévaluation par rapportau dollar (le marché se chargerait de modifier la pari-té de la monnaie américaine dans les mois suivants),affirmation d’un pouvoir politique face au pouvoirmonétaire de la Banque Centrale Européenne.

Les socialistes européens s’étaient unanimementp rononcés en faveur du “marché unique” pro p o s épar la Commission européenne présidée par JacquesDelors. Pour les entreprises européennes, il était e s s e n-

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2-Hip hip hipEuro!

(14) La Francea voté auréférendum deseptembre1992 : 50,82 %oui (soit 12 964 102votants), 49,18 % non(soit 12 548 095votants).

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tiel de se trouver en situation de réa-liser des économies d’échelle grâce àla création d’un marché unique deplus de trois cents millions de consom-mateurs. S’adresser à un marché plusvaste allait donner aux entrepriseseuropéennes la possibilité de mieuxrentabiliser leurs investissements et demieux diminuer les coûts de revientunitaires donc d’être plus compéti-tives. Tout ceci ne pouvait être queprofitable pour l’emploi. Les autrescontinents n’ont-ils pas eu depuis lors,la même tendance de chercher à créereux aussi des marchés élargis : Ale-na en Amérique,15 Asean en Asie duSud-Est?16

Les libéraux peuvent se contenter dum a rché unique puisque le marché est

leur credo, pas les sociaux-démocrates qui ne peu-vent que souhaiter la coordination économique qu’im-plique la mise en place de l’Euro .

LA COORDINATION ECONOMIQUEPour les socialistes, il n’est pas question de se

contenter d’une Europe monétaire sans Europe éco-nomique et donc politique. L’ E u ro y oblige par sesm e s u res de convergence qui entraînent une coord i-nation des politiques économiques, budgétaires, fis-cales, sociales, d’emploi, d’aménagement du terr i-t o i re. Les pays qui n’adhérent pas à l’Euro ne peuventet ne veulent pas être exclus de cette coord i n a t i o n ,

elle seule peut leur perm e t t re de répondre aux aléasde la vie économique.

Les articles 102, 103 et 109 du Traité de Maas-tricht peuvent servir de base à cette coordination éco-nomique même si certains pays, bien que favorablesà la coordination, préfèrent ne pas mentionner l’ar-ticle 109, celui-ci servant de base à la création del ’ E u ro .

Bien que son pays se soit exclu dès le début de lamarche vers la monnaie unique, le Premier ministredanois, Pol Rasmussen, a été le premier et un des plusconstants à demander cette coordination économiqueallant jusqu’à la convergence des budgets nationauxpour la croissance et donc pour l’emploi. A Londres,au printemps 98, cinq Leaders se prononceront éga-lement dans ce sens sans qu’aucune voie discordan-te ne se fasse entendre. Lionel Jospin, en présentanten Autriche un rapport introductif sur la question, arencontré l’assentiment de ses homologues, en par-ticulier des deux “nouveaux” (Schröder et D’Alema),tous décidés à réagir ensemble face à la menace d’unecrise mondiale. La possibilité de pre n d re des décisionsà la majorité dans ce domaine a même été sérieuse-ment envisagée.

LA MONNAIE POUR L’EMPLOILes socialistes ne seraient pas en faveur de l’Eu-

ro s’ils pensaient que celui-ci pouvait être un facteuraggravant du chômage. Ils ont bien conscience quesi l’Europe reste marquée par les problèmes d’emploi,les gens rejetteront l’Euro même si son arrivée reste

(15) L’ A c c o rd de libre - é c h a n g en o rd-américain a été signé le 18d é c e m b re 1992 entre le Canada, le Mexique et les Etats-Unis. Le but de l’A l e n a est de réduire etéliminer en 15 ans les barr i è re st a r i f a i res entre les trois pays (zonede libre-échange depuis le Ierjanvier 1994). La populationc o n c e rnée par cet accord re p r é s e n t e364 millions (dont Etats-Unis 250,Mexique 88, Canada 26).

( 16) L’Association des nations dusud-Est asiatique, dont le siège està Jakarta, a été créée le 8 aôut1967. Les membres de l’Aseansont Brunéi (depuis janvier 1984),Indonésie, Laos, Malaisie,Myanmar (depuis juillet 1997),Philippines, Singapour, Thaïlande,Viêt-Nam (depuis juillet 1995). La coopération régionale pro p o s é epar l’Asean projette à terme decréer une zone de libre - é c h a n d eAfta (Asian Free Trade Area). Les pre m i è res réductionsd o u a n i è res de 1994 visent 5 % detaux maximal pour 2008.

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l a rgement postérieure à la crise. Les socialistes euro-péens espèrent bien que l’Euro entraînera la confia n-ce des investisseurs et que les investissements à venirseront créateurs d’emplois. La non-création de l’Eu-ro aurait inévitablement provoqué une montée duDeutschmark et pour défendre la valeur de leur mon-naie, les autres pays auraient été amenés à relever leurtaux d’intérêt, mesure néfaste pour l’emploi.

Le débat avait été le même à propos des célèbre sc r i t è res de Maastricht (toujours l’article 109) visantà la réduction des déficits publics. Des campagnesactives avaient été orchestrées, surtout à gauche ety compris au sein de certains partis socialistes, pourexpliquer le chômage par la volonté de chercher àrespecter ces critères. Même les pays n’ayant pas l’in-tention, ou la possibilité, de re j o i n d re la monnaieunique dans un premier temps (Danemark, Suède,Royaume-Uni, Grèce) ont tous mené des politiquesvisant à réduire les déficits publics : le fardeau de ladette pèse sur le présent et l’avenir, il favorise le capi-tal et la rente contre le travail, tout le contraire d’unepolitique socialiste. Le déficit entraîne des taux d’in-térêt élevés, ce qui pénalise les investissements ain-si qu’une fiscalité plus lourde pour pouvoir re m b o u r s e rla dette, ce qui freine la demande. Réduire le défi-cit public favorise donc l’emploi. Felipe Gonzalez lec o n firme à la lumière de ses quinze années d’expé-rience en tant que Président du Gouvernement espa-gnol. Il n’est pas le seul à considérer que “la réduc-tion des déficits publics est la pré-condition d’undéveloppement durable permettant la créationd’emplois”. Diminuer les dépenses n’est jamais popu-

l a i re, mais la dette ne pèse pas seulement sur le futurimmédiat mais également sur les générations à venir,au moment où les courbes démographiques de nospays laissent à penser que ces générations auront àf a i re face au problème du coût généré par l’allon-gement de l’espérance de vie. Inutile donc de les acca-b l e r, en plus, de nos dettes.

FICHUS CRITÈRESIl est vrai que tout a été fait pour rendre l’Euro-

pe impopulaire. De sérieuses coupes ont été faites dansles budgets sociaux pour réduire les déficits budgé-t a i res. Le consensus en faveur de l’Europe, traditionneldans beaucoup de pays fondateurs, a disparu à cet-te occasion. Pour parvenir au respect des critères, lesg o u v e rnements ont procédé à des restrictions bud-g é t a i res qui faisaient d’autant plus courir de risquesd é flationnistes que les actions européennes anti-cycliques proposées par le Livre blanc de JacquesDelors n’étaient pas mises en œuvre. Les budgetssociaux ont souvent été remis en cause lors de cettepériode d’assainissement et, dans le même temps, lafiscalité s’alourdissait sur le dos des salariés et doncsur leur pouvoir d’achat. Ces critères budgétaire ss é v è res, sans compensation sociale, pouvaient êtreinterprétés comme une défaite de la social-démocratie.Wim Kok et Göran Persson, Ministres des Financesavant de devenir Premiers ministres, ont mené cet-te politique au risque d’une grande impopularité. Lesélecteurs socialistes ont montré leur mécontentementaux élections législatives (Suède) ou municipales (Grè-ce). Wim Kok et le PvdA néerlandais après avoir faitdes choix budgétaires difficiles, ont obtenu aux élec-

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tions locales le plus mauvais score de leur histoireavant de gagner triomphalement les élections légis-latives quand les résultats positifs, en termes d’em-plois, ont été évidents.

Aucune autorité européenne n’a obligé les diffé-rents gouvernements à cette orientation. Ces dern i e r sl’ont prise en considérant qu’elle représentait lam e i l l e u re orientation possible pour leur pays. Chaquepays a choisi dans quels secteurs il souhaitait rédui-re ses dépenses pour résorber son déficit. Lionel Jos-pin, lors du mouvement des chômeurs au début del’année 1998, a eu le courage, contrairement à beau-coup de ses prédécesseurs, de ne pas mettre sur le dosde l’Europe son refus de payer par le déficit l’aug-mentation des prestations sociales. Mais c’est cetteexplication par l’Europe qui a sans doute aidé le Gou-vernement italien à mener une politique courageu-se, soutenue par l’attitude responsable de la classe diri-geante, en particulier le PDS et les syndicats. Lesre g a rds critiques portés sur l’Italie n’étaient pas sansfondement et, jusqu’à la fin 1997, il n’était pas évi-dent que ce pays fondateur de l’Europe puisse rem-plir les critères lui permettant de faire partie des “pre-miers” de l’Euro. Certains considéraient, non sansraison, que chaque pays ayant des capacités écono-miques différentes, il était normal qu’ils rencontrentplus ou moins de difficultés pour remplir les condi-tions imposées. Des campagnes de presse incessantescritiquaient les critères ou émettaient de sérieux doutessur la capacité des pays candidats à les remplir entemps voulu, y compris l’Allemagne. Et tout le mon-de de se demander s’il fallait faire appel à la souplesse

d’interprétation permise par le Traité, souplesse pou-vant dépendre des performances de l’Allemagne.

Les Leaders socialistes européens considéraientcomme malsain cette remise en question permanen-te de ce qui avait été décidé d’un commun accord etratifié, les critères comme le calendrier, opinant à lasagesse de Felipe Gonzalez, le plus ancien d’entre eux: en parler le moins possible et faire ce qu’il faut pourles respecter.

Au bout du compte, il n’a pas été nécessaire d’in-terpréter les résultats “en tendance”. Les chiff res par-laient d’eux-mêmes.

Pour atteindre le port, l’Europe a pu enfin pro-fiter d’un vent de reprise économique, pro b a b l e m e n tfavorisé par la politique de réduction des défic i t spublics. Tous les pays ayant fait des sacrifices poury arr i v e r, personne n’aurait pu accepter l’idée quela monnaie unique ne se fasse pas. Quelle crise ter-rible en Europe si l’Euro ne s’était pas fait, dans quel-le spirale d’échec la construction européenne serait-elle entrée ?

STABILITÉ ET CROISSANCEL’adoption d’un “pacte” de stabilité et de crois-

sance ne pouvait être compris qu’avec, en arr i è re plan,ce doute qui planait sur la possibilité de remplir àtemps les critères. Dans la perspective d’une éven-tuelle interprétation “souple” des résultats, face auxcritiques les plus sévères, principalement venant d’Al-lemagne, il était indispensable de donner des garan-

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ties pour l’avenir. Même ceux qui ne souhaitaient pasfaire partie du premier convoi considéraient que lepacte de stabilité renforçait la crédibilité de l’Euro.C’est au Conseil européen de Dublin que fut décidéle principe du pacte de stabilité, c’est à partir de cemoment-là que la naissance de l’Euro devint une cer-titude. Les socialistes européens n’étaient pas contre ,a priori, ce pacte de stabilité, considérant que l’éco-nomie européenne avait besoin de stabilité pour atti-rer l’épargne, y compris les investisseurs étrangers,vers des investissements productifs créateurs d’em-plois. Felipe Gonzalez démontrait ainsi que la stabi-lité ne pouvait être l’ennemie de l’emploi et de la cro i s-sance et demandait que nous soyons offensifs endémontrant que l’Euro serait un instrument de cro i s-sance. Et puisqu’il ne peut y avoir de continuité del ’ E u ro sans stabilité garantie, il y aura besoin de sta-bilité en 2005 comme en 1997. Mais le problème dela stabilité des prix ne se pose plus vraiment, main-tenant que l’inflation est jugulée partout dansl’Union européenne. Certains, qui trouvent le corsetproposé trop serré, n’osent pourtant pas demanderun pacte de stabilité moins contraignant, de peur deperdre de leur crédibilité pour faire partie du grou-pe des sélectionnés.

Lionel Jospin, accueilli en héros au Congrès du PSEà Malmö (Suède), quelques semaines avant leConseil européen d’Amsterdam, bénéficiera sur ce dos-sier de la plus grande solidarité de tous les gouver-nements socialistes, sociaux-démocrates et tra-vaillistes, tous décidés à aider le nouveau Premierm i n i s t re français et à pro fiter de l’occasion pour re v o i r

la copie. Bien sûr, il n’était pas question de repartirde zéro, comme le rappelait Wim Kok qui assuraitalors la Présidence de l’Union européenne: «le pac-te de stabilité fait partie d’un “deal général” et lesAllemands n’accepteraient pas sa disparition». Maisle projet initial fut assez profondément modifié pourque soit prise largement en compte la dimension“emploi”, ce qui permit au Conseil européen extra-ordinaire de Luxembourg de fixer, à l’image des cri-t è res monétaires de Maastricht, des critères de conver-gence en matière de lutte contre le chômage.

LE MEILLEUR ANTIDOTE CONTRE LA SPÉCULATION

Cette monnaie unique est le complément natureldu “marché unique” mis en place en 1992. Quandles marchandises, les services et les capitaux circu-lent librement d’un pays à l’autre, les entrepreneurs,les consommateurs veulent naturellement être à l’abrides manipulations monétaires. Ils veulent être cert a i n sque ce qu’ils paieront, ou ce qu’ils re c e v ront en paie-ment de leurs marchandises ou de leurs prestations,c o rrespondra à la somme convenue au moment de lasignature du contrat. Ils veulent éviter également lesfrais de change qui alourdissent les prix.

Adhérer à la monnaie unique, c’est renoncer auxmanipulations monétaires, à ses dévaluations soi-disant“compétitives” qui, par un ajustement de la monnaie,sont censées compenser le manque de compétitivitédes produits. Mais ces “ajustements” ne sont que pas-sagers, suivis immanquablement d’une montée des

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prix et d’une perte du pouvoir d’achat. L’existencede l’Euro changera nos rapports de forces économiquesavec les Etats-Unis et le Japon, sur un pied d’égali-té avec le dollar et le yen pour créer un nouveau sys-tème monétaire mondial basé sur la stabilité et la non-dépendance par rapport aux Etats-Unis.

Le débat sur les avantages et les inconvénientsd’avoir une monnaie forte n’est pas prêt de s’éteindre .Il faut, bien entendu, veiller à ce que l’Euro ne soitpas art i ficiellement surévalué, en particulier par rap-p o rt au dollar, pour ne pas pénaliser nos export a t i o n s .Mais les économies des pays possédant une monnaieforte ne se portent pas si mal. Le niveau de vie deleurs habitants est le plus élevé de la planète. Avoirpour monnaie une devise utilisée comme réserve par-tout dans le monde, et un grand marché intérieur pouramortir les chocs, n’a pas si mal réussi à l’économieaméricaine. Nous pouvons espérer raisonnablementpartager ce type d’avantages.

Le marché joue un rôle prépondérant pour fixerla valeur des monnaies...et provoquer des spéculations.L’existence de l’Euro permettra d’éviter ces jeux des-tructeurs entre les monnaies de nos pays. Un Eurostable, re flet d’une économie connaissant la cro i s s a n c e ,p e rmettra d’investir de façon productive les énorm e sréserves nationales actuellement gelées pour luttercontre la spéculation.

RETROUVER LA SOUVERAINETÉLes adversaires les plus déterminés de l’Euro, de

gauche et de droite, le sont au nom de la souverai-neté nationale dont la monnaie est, ou serait, le sym-bole le plus évident. L’analyse des socialistes euro-

péens est que cettesouveraineté devenaitlargement illusoire etqu’il était plus faciled’influencer les déci-sions de la Banquecentrale 17 que celles de la Bundesbank dont dépen-dait largement le sort de leur monnaie “souveraine”.Tous s’accordent pour considérer que lorsque la Bun-desbank décidait de relever ses taux d’intérêt, leurm a rge de manœuvre, et donc leur souveraineté, étaitde l’ordre de quarante-huit heures, sous peine d’êtresanctionnés par les marchés. L’ E u ro, c’est le refus delaisser les marchés financiers imposer leurs fluctua-tions aux économies des pays européens. L’ E u ro per-met donc de récupérer une part de souveraineté, unemise en commun des souverainetés des Etatsm e m b res, une possibilité de peser de nouveau sur lesdécisions, non seulement celles de la Banque Centralemais aussi celles de l’autorité politique.

Tout le monde constate le poids croissant pris parle Conseil Ecofin, composé des Ministres de l’Economieet des Finances qui participent de plus en plus sou-vent aux Conseils européens, aux côtés des Chefsd’Etats et de Gouvernements et qui, eux-mêmes, sesaisissent prioritairement, et de plus en plus conjoin-tement à leurs ministres, de ces questions condition-nant la croissance et l’emploi. L’Euro contribue ain-si puissamment à la construction d’une Europepolitique placée sous la responsabilité des Chefs d’Etatset de Gouvernements qui se réunissent de plus en plusfréquemment. Tous les pays, même ceux qui ne par-ticipent pas pour l’instant à l’Euro, souhaitent par-

(17) La Banquec e n t r a l ee u ropénne etl ’ I n s t i t u tm o n é t a i ree u ropéen ontété créés par letraité deMaastricht. Le Conseile u ropéen deB ruxelles le 2mai 1998, adésigné Wi mD u i s e n b e rgpour diriger laBanque centralee u ro p é e n n e .D u i s e n b e rg s’estengagé à cédersa place en2002, en raisonde son âge, à unc a n d i d a tf r a n ç a i s .

« L’ E u ro, c’est une mise en commun des souverainetés refusant de laisser les marchés financiers imposer leurs fluctuations aux économies des Etats membr e s . »

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UN NOUVEL ÉLAN VERS UNE EUROPE PLUS UNIE

“N’a-t-on jamais imaginé l’Europe sans Praguel ’ a rtiste, sans Budapest l’industrieuse, sans Tallin l’han-séatique et sans Bucarest la poète ? Dans leur diver-sité, ces capitales exaltent chacune un fragment del’identité continentale” a joliment écrit un jour la jour-naliste Solveig Godeluck.

Pour les Leaders du PSE, l’élargissement est le plusgrand projet politique de notre génération, “la déci-sion politique la plus importante pour l’Europe depuisMunich et Yalta” (Enrique Baron, ancien Présidentdu Parlement européen). “L’Union européenne n’estpas l’Europe, il est donc logique de l’élargir” (LenaLem Wallem, Vice Premier Ministre de Suède). Cha-cun a bien consciencequ’il s’agit de clore undemi-siècle d’une divi-

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ticiper à la coord i n a t i o néconomique.

Sur les sujets concernant directement la vie de l’Eu-ro et ses conséquences sur la vie des citoyens, lesmembres du Conseil Ecofin représentants des paysqui ne sont pas encore dans la zone Euro devront lais-ser décider leurs onze collègues ayant déjà franchi lepas de la monnaie unique. Les pays concernés doi-vent pouvoir se concert e r, échanger leurs expériencesface aux problèmes qui surg i ront. Les pays qui ne par-ticipent pas à cette grande aventure ne peuvent par-ticiper aux décisions avec ceux qui la vivent. Ainsila naissance de l’Euro 11 n’est qu’une étape et cec h i ff re est destiné assurément à grandir. Noussommes aujourd’hui dans une période intérimaire.L’opinion publique a basculé quand elle a eu le sen-timent que l’Euro allait vraiment se mettre en pla-ce. Elle a constaté l’efficacité de l’Euro avant mêmeque celui ne soit en place comme “bouclier” face àla crise. ❖

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3-Une Europeplus grande,

plus forte

«La naissance de l’Euro 11 n’est qu’uneétape et ce chif f re est destinée à grandir . »

« L’UE n’est pas l’Europe, il est donc logique de l’élar g i r. »

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ration dont les avan-tages économiquesbénéficieront d’abordaux pays économique-ment les plus puis-sants. Pour des raisonspolitiques, les pays du sud sont favorables à l’élar-gissement, mais il ne saurait être question pour euxde se laisser “déshabiller” pour cause d’élarg i s s e m e n t .

• Avoir un marché plus grand, c’est avoir une Euro-pe plus forte économiquement, comme le fait re m a r-quer Robin Cook. Nous ne pouvons oublier que c’estpar l’intégration économique que s’est construite, etcontinue de se construire, l’Union européenne. L’in-tégration économique des pays candidats constituedonc un enjeu essentiel et difficile car l’importancede l’écart économique entre les pays membres et lespays candidats n’a jamais été aussi grand. Il faut quandmême noter, comme le fait le Premier ministre danoisPol Nyrup Rasmussen que l’élargissement ne consti-tuera pas un tremblement de terre économique, ni parle nombre d’habitants concernés, ni par la produc-tion totale qui, tous pays candidats confondus, cor-respond aujourd’hui à la production des Pays-Bas.

• Il y a donc exigence de se doter des instrumentsadaptés pour maintenir la cohésion de l’Union euro-péenne.

BIEN PRÉPARER L’ÉLARGISSEMENT“ Quelle union européenne pour accueillir les

nouveaux pays ?” demande à juste titre JoachinAlmunia. Wim Kok répond : “qu’il faut préparerl’Union européenne à l’élargissement sans attendre

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sion art i ficielle de notrecontinent. La chute desrégimes communistesn’a rien d’un accident

de l’Histoire et l’unification de l’Europe, trop souventdéchirée, constitue un devoir autant qu’un défi.François Hollande a raison de considérer le proces-sus comme “irréversible”. Comme aime à le répéterJan Marinus Wiersma, Vice-Président du PSE, char-gé de notre groupe de travail sur la question : “chaqueproblème doit être considéré comme une opportuni-té”. “Il faut élargir l’Union européenne, pour des rai-sons historiques et culturelles, mais aussi pour des rai-sons politiques et économiques” (Lionel Jospin).

Faire le choix de l’élargissement de l’Union euro-péenne, c’est faire le choix de la stabilité du conti-nent et donc de la garantie de la paix. Nos camaradesde Grèce, d’Espagne et du Portugal aiment à rappe-ler le rôle essentiel qu’a joué la perspective d’adhé-sion à la Communauté européenne dans la re n a i s s a n c ede la démocratie dans leurs pays. Ainsi, Felipe Gon-zalez considère-t-il que “l’élargissement constitue unegrande opportunité historique ; il faut marquer notreaccord politique et moral” ; Joachin Almunia que“l’adhésion est garantie de démocratie, paix et sécu-rité” et Antonio Gutterrès que “l’élargissement estessentiel au projet européen et à la consolidation dela démocratie”. A l’image de Felipe et d’Antonio, leP remier ministre grec Costas Simitis s’est toujours re f u-sé à faire le moindre chantage à l’encontre du coûtde l’élargissement, même si tous considèrent que cen’est pas aux plus pauvres de payer le coût d’une opé-

«Il faut élargir l’UE, pour des raisonshistoriques et culturelles, mais aussi politiques et économiques.»

« L’ é l a r gissement ne constituera pas un tremblement de terre économique, la production totale de tous les payscandidats confondus correspond à la production des Pays-Bas.»

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pour assurer à ces pays un développement durable.

Gulya Horn, ancien Premier ministre hongro i s ,demande à ceux qui ont peur du coût trop élevé del ’ é l a rgissement de réfléchir au coût, économique etpolitique, qu’aurait le non-élargissement et de ne pasf a i re comme si l’Union et ses Etats membre sn’avaient aucun avantage à tirer de l’opération.

Des engagements concrets sont également indis-pensables notamment concernant l’avenir de la Poli-tique Agricole Commune. Certains, qui pro fitent peude la PAC, ne cachent pas leur souhait de payer l’élar-gissement en économisant dans ce domaine qui, ilest vrai, mobilise la moitié du budget européen. Ilest certain que l’application de ces mêmes mécanismesaux pays candidats aurait des conséquences. Il estimpossible de faire comme si le problème n’existaitpas car sa solution conditionne la réussite de l’élar-gissement. Il est difficile d’oublier que 25 % de lapopulation polonaise se consacre encore aujourd ’ h u ià l’agriculture, contre une moyenne de 2,5 % dansl’Union et que dans l’Est de l’Allemagne,après la réunification, quatre cinquièmedes travailleurs de l’agriculture ont per-du leur emploi...sans qu’aucun autre nepuisse leur être proposé. Les socialistesfrançais sont de ceux qui considèrent queles politiques communes (et la politiqueagricole en est une des trop rares) doi-vent non seulement continuer mais êtrere n f o rcées. Mais de nouveaux critère sd e v ront être définis pour la PAC 1 8 c o m-

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que les pays candidatsremplissent les condi-tions». Et Viktor Kli-ma, le Chancelier autri-

chien ajoute : “il n’y aura pas d’élargissement sansréformes ; il faut savoir et reconnaître que l’élargis-sement ne sera possible que lorsque l’Union aura régléses propres problèmes institutionnels et financiers”.

Le Produit National étant, dans les pays candi-dats, du tiers de la moyenne européenne, le septiè-me de celui des Pays-Bas, les mécanismes de re d i s-tribution indispensable pour assurer la cohésiond e v ront être re n f o rcés. Mais l’Union n’est pas prêtecar elle doit régler ses problèmes de mécanismes fin a n-ciers, à la fois de contribution et de financement despolitiques communes, sans parler des problèmes ins-titutionnels. Il ne peut y avoir d’élargissement sansengagements financiers concrets. Si les dispositionsb u d g é t a i res n’étaient pas à la hauteur de l’enjeu, celas i g n i fierait que les pays les plus pauvres de l’Uniondevraient supporter de fait le coût de l’élarg i s s e m e n t .

“ On ne peut pas être pour l’élargissement etc o n t re l’augmentation du budget européen” décla-rait le socialiste allemand Klaus Hänsch lorsqu’il étaitPrésident du Parlement européen. Le budget envi-sagé pour préparer l’adhésion correspond à deux foisla valeur du Plan Marshall que les Américains avaientmis en œuvre après la guerre pour aider l’Europe àse relever de ses ruines. Cela ne représente en faitque 0,13 % de notre Produit intérieur, le dixièmedu budget communautaire. Cela parait bien peu

(18) La création de la politiqueagricole commune date de 1962.Elle visait à accroître laproductivité et la productionagricoles, afin d’assurerl’indépendance alimentaire del’europe, et un niveau de viedécent aux agriculteurs. Dans lecadre des discussions del’Agenda 2000 (années 2000-2006), la France propose que laPAC soit réorientée dans un sensplus favorable à l’emploi, àl’aménagement du territoire, àl’environnement et aux petites etmoyennes exploitations.

«On ne peut pas être pour l’élargissement et contrel’augmentation du budget eur o p é e n . »

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de l’Est, il faut rappe-ler que la même crain-te existait avant l’ad-hésion de l’Espagne etdu Portugal ; de longues périodes de transition avaientd’ailleurs été prévues. Dix ans plus tard, le flux migra-toire entre ces pays et les autres pays membres del’Union était inversé. Grâce aux Fonds européens, cespays se sont développés et Espagnols et Portugais, toutn a t u rellement, ont préféré “vivre et travailler au pays”.

Nos amis des pays candidats souhaitent, et celaest bien compréhensible, être impliqués dans les dis-cussions sur les réformes des institutions qu’ils devro n tadopter le jour de leur adhésion et qu’eux aussi sou-haitent plus claires, plus compréhensibles, plus démo-cratiques. C’était d’ailleurs le cas également pour lespays candidats lors du dernier élargissement. Ces payssouhaitent être considérés comme des part e n a i res plusque comme des clients et encore moins comme desobligés. Il est certain qu’une Europe réformée et élar-gie sera plus forte politiquement et économiquement.

UN CHEMIN ENCORE SEMÉ D’EMBÛCHES Les socialistes français ne sont pas les seuls à

c o n s i d é rer que l’ “acquis communautaire” ne sau-rait être remis en cause. Se sont exprimés part i c u-l i è rement fermement dans ce sens, le Premier Ministredanois Rasmussen, et les Ministres des Aff a i res étran-g è res britannique, Robin Cook et luxembourg e o i s ,Jacques Poos. Quand, lors d’une réunion des Lea-ders du PSE, le représentant de la Pologne a souli-gné que l’adhésion signifiait pour son pays la modi-

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me pour les Fonds régionaux. 19 Beau-coup, au sein du PSE vont plus loin et,à l’image de Wim Kok, considèrent qu’ilfaudra de toute façon réformer la PAC,élargissement ou pas.

Lionel Jospin a été le premier à insistersur le fait qu’il n’était pas envisageabled ’ é l a rgir l’Union sans procéder auxr é f o rmes institutionnelles indispensables.Cette analyse est devenue consensuelle,y compris parmi les plus chauds parti-sans de l’élargissement. Il est déjà diffi-cile de décider à l’unanimité à Quinze.

Cela serait quasiment impossible à vingt-cinq. Il estdonc impératif d’élargir le champ de décisions à lamajorité... et de se mettre d’accord, à l’unanimité, surune nouvelle clé de répartition des voix. Certains nesont prêts à accepter ces modifications qu’à condi-tion qu’il y ait véritablement élargissement. Lesréformes n’entreraient alors en vigueur que le jourde l’élargissement.

Il est possible que l’élargissement à un grandn o m b re de nouveaux pays membres entraîne, en réac-tion, un retour vers un “noyau dur” de pays souhai-tant aller plus loin ensemble, ainsi que cela est amor-cé dans le Traité d’Amsterdam. L’élargissementimpliquera probablement plus de passerelles entre lecommunautaire et l’intergouvernemental.

A tous ceux qui craignent que l’élargissemententraîne chez nous un afflux de travailleurs venant

(19) Les fonds qui financentl’action régionale de l’Unions o nt : le Fonds européen dedéveloppement régional pourr é d u i re les écarts dedéveloppement entre les régionsde la Communauté euro p é e n n e(FEDER), le Fonds sociale u ropéen pour améliorer lespossibilités d’emploi (FSE), leFonds européen d’orientation etde garantie agricole contribue àla fois au cofinancement desrégimes d’aides nationaux àl ’ a g r i c u l t u re, au développementet à la diversification des zonesrurales (FEOGA), l’Institutfinancier d’orientation de lapêche pour aider à lare s t ructuration du secteurpêche (IFOP).

« L’ é l a r gissement impliquera plus de passerelles entre le communautaire et l’interg o u v e rn e m e n t a l . »

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que “l’élargissement ne doit pas freiner les progrèsde l’Europe sociale”. “Il faut trouver des modalitésnouvelles pour constru i re l’Europe sociale et de l’em-ploi” insiste François Hollande. Personne au PSE nepropose que l’Union ne devienne une simple zone delibre-échange.

L’Union est basée sur des politiques communes.

Tout le monde, à commencer par le PSE, consi-dère comme important de veiller à la sécurité à l’in-térieur de l’Union. L’ o u v e rt u re des fro n t i è res intérieure soblige à un contrôle plus strict aux frontières exté-rieures de l’Union qui seront celles des pays actuel-lement candidats. Ils auront un rôle essentiel à jouerdans la lutte contre le crime organisé et contre lesmigrations illégales. Il faudra les aider à poursuivrel’effort considérable qui a été entrepris pour garan-tir le contrôle des migrations venant de l’extérieur del’Union. C’est indispensable pour garantir la libertéde circulation à l’intérieur de notre espace commun.

Poser des conditions trop draconiennes ou abru p t e s ,demander des eff o rts insurmontables sans apporter lesaides indispensables représente quelques risques. Ladésillusion chez les candidats entraînerait, avec descrises sociales, un risque de populisme, accompagnép robablement de nationalisme, visant à mettre sur ledos de l’Union européenne les difficultés re n c o n t r é e s ,selon un mécanisme bien connu dans nos pays. Lam é fiance gagnera probablement du terrain au fur età mesure que l’échéance se rapprochera et que les“ e u ro-sceptiques” pourront “jouer” sur la peur d’être“dissous” au sein d’une Union très vaste.

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fication de vingt-deuxmille lois et règlements,il s’est attiré une répon-se ferme et que per-

sonne n’a contredite : aucun pays ne pourra adhé-rer avant d’avoir intégré dans sa législation et saréglementation nationale les directives et les norm e sde l’Union européenne, ainsi que les mécanismes enassurant l’application effective. Personne, au PSE,n’a cherché à vendre des illusions aux candidats, nisur les eff o rts à accomplir, ni sur le calendrier.

Pe t re Roman est un des hommes politiques les plusconscients du décalage entre l’espoir des peuples despays candidats et la réalité des efforts qui les atten-dent pour remplir les conditions requises. Peut-êtreson pays, la Roumanie, est-il un de ceux où lesréformes seront les plus douloureuses pour rejoindrel’Union européenne. L’adhésion ne sera pas “tout béné-fice” pour les nouveaux adhérents, ne serait-ce qu’enraison de la compétition qui règne à l’intérieur du mar-ché unique. Quand les protections étatiques tombent,la règle de la concurrence profite d’abord aux pluscompétitifs. Elle dessert les plus faibles si le marchén’est pas régulé de façon consensuelle. Le déséqui-l i b re défic i t a i re actuel de la balance commerciale desfuturs pays membres ne peut pas s’expliquer uni-quement par les restrictions qui s’imposent à l’ou-verture du marché de l’Union européenne.

Compenser cet handicap compétitif par un dum-ping social et salarial n’est pas acceptable pour lessocialistes. A l’instar de Wim Kok, le PSE considère

«Il faut trouver des modalités nouvelles pour constr u i re l’Euro p esociale et de l’emploi.»

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Mais il a été décidé, au sein du PSE, de ne pas sepolariser sur cette distinction afin “de ne pas créerune nouvelle division de l’Europe” (Massimo d’Ale-ma). Göran Persson en tête, tout le monde a insistépour qu’aucun candidat ne soit exclu du processus.Notre volonté est, selon le mot de Lazlo Kovac, de“différencier sans diviser”. L’exemple de l’Estonieprouve que tout pays a un potentiel de progrès rapi-de. Tout le monde doit continuer à se pré-p a rer sans se sentir rejeté. La décision del’OTAN 20 d’accepter certaines candida-tures et pas d’autres a créé bien sûr lerisque que certains se sentent laissés surle bord de la route. Il y a donc volontéde la part du PSE de garder ensemble tousles pays candidats dans le processus d’in-tégration, sous un “parapluie” commun,la diff é renciation se faisant dans la vites-se du processus. Le PSE considère quechaque négociation doit être individuel-le et que chacun doit avoir les mêmeschances face à des critères objectifs. Com-me l’a dit Lionel Jospin : “l’égalité des droits ne réduitpas l’inégalité des faits”. Etre guidé par les mêmesc r i t è res d’appréciation conduit en effet à constater queles pays candidats ont des capacités différentes.

L’ a rticle O du Traité oblige à faire uned i ff é rence car avec les pays candidats du“premier groupe” doit se mettre en pla-ce une “Conférence Inter Gouvern e m e n-t a l e ” 2 1 c h a rgée de mener le processus denégociation d’adhésion.

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DEUX GROUPESLes conditions d’adhésion à l’Union euro p é e n n e

ont été définies par le Conseil européen de Copen-hague voici bientôt dix ans. Elles sont politiques(démocratie pluraliste) et économiques (librec o n c u rrence). Tous les pays candidats sont aujour-d’hui engagés dans cette voie.

Si l’unification allemande avait été dépendantede critères purement économiques, elle ne se seraitpas faite. D’ailleurs, chacun sait que la “Buba”, labanque centrale allemande, était contre .

L’Union a prouvé à la Slovaquie, alors qu’elle étaitdirigée par Vladimir Méciar, qu’elle était autant sen-sible au respect de la démocratie qu’à l’économie dem a rché. Personne ne conteste Lionel Jospin lorsqu’ilrappelle qu’ : «il faudra vérifier pour tous les payscandidats la situation des Droits de l’Homme et les o rt des minorités dans chacun de ces pays».

Et re guidé par les mêmes critères conduit à consta-ter que les pays candidats ont des capacités diff é-rentes. “Certains font plus d’eff o rts que d’autres pourpouvoir adhérer”, souligne G. Horn, alors Pre m i e rm i n i s t re hongrois et son Ministre des Aff a i res étran-g è res, Lazlo Kovac, demande de ne pas attendre quetout le monde soit prêt, ni pour commencer, ni pourc o n c l u re .

Il s’est trouvé, de fait, deux groupes résultant dur a p p o rt d’évaluation demandé à la Commission euro-p é e n n e .

(20) L’ O rganisation du traité del’Atlantique Nord, créée par letraité de Washington le 4 avril1949, a pour but de défendre let e rr i t o i re des pays membre s .Depuis 1991-94, un pro g r a m m e«P a rtenariat pour la paix » decoopération militaire a été misen place en raison deschangements géopolitiques enE u rope de l’Est. Le 27 mai1997, à Paris, l’Acte fondateura été signé entre l’OTA N( é l a rgie à certains paysd ’ E u rope centrale) et la Russie,qui établit un conseil perm a n e n tau sein duquel la Russie seraassociée à toutes décisions sur lasécurité en Europe.

(21) La CIG, négociation entreles gouvernements des Etatsmembres, a pour but de modi-fier les traités. Les changementsintervenus dans les traités onttoujours été les fruits de confé-rences inter-gouvernementales(Acte unique européen, traité deMaastricht…).

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les pollutions ne connaissent pas de fro n t i è res maiségalement pour éviter le “dumping” dans les norm e sde protection, qui serait inacceptable.

Le soutien aux pays candidats se fait par l’ar-gent mais surtout par l’exemple de pratiques, deméthodes, de savoir faire. Les futurs Etats membre sé p rouvent ce besoin et réclament ces transferts detechnologies. Tout le monde a bien consciencequ’après l’adhésion, la période de transition seralongue malgré la phase de préparation intense. Feli-pe Gonzalez rappelle volontiers que les transitionspeuvent être plus longues que les négociations d’ad-hésion. Il prend pour exemple son pays : sept annéesde négociations, dix-huit années de transition pourle secteur de la pêche.

Depuis, s’est créé le “marché unique” dont la miseen place est délicate, si nous en croyons les Suédoisrécemment arrivés. Milos Zeman, Premier Ministretchèque, s’attend à ce que la transition dure au moinsdix ans.

Il est possible d’en conclure qu’il est pro b a b l eque tout le monde n’adhérera pas, qu’il est quasi-ment certain que tout le monde n’adhérera pas enmême temps et que les périodes de transitions sero n td i ff é rentes selon les problèmes et selon les pays.

ET LA TURQUIE ?La Tu rquie veut être traitée sur le même plan

que les autres, ce qui est compréhensible... mais dif-ficile à cause des atteintes aux Droits de l’Homme,de l’occupation du Nord de Chypre au mépris des

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C’EST POUR QUAND ?Quand Jacques Chirac s’en est allé annoncer aux

Parlements polonais et tchèque qu’ils entre r a i e n tdans l’Union européenne en l’an 2000, personne nel’a cru. Et heureusement ! Nous parlons aujourd ’ h u ide 2003, 2004, voire 2006, et les problèmes à négo-cier ont été divisés en trente chapitres. Comme ledit Costas Simitis : “le processus sera long, lesconclusions se feront selon les possibilités et au ry t h-me de chaque pays”. Tout le monde insiste sur lapériode de pré-adhésion que personne ne veut bâcleret pendant laquelle il est indispensable de re n f o r-cer le partenariat dans tous les domaines. Il n’estpas indispensable d’attendre l’élargissement pourm e t t re en place de grands projets communs com-me les réseaux trans-européens ou les “autoro u t e sde l’information”... Le “Livre blanc” proposé parJacques Delors allait déjà au-delà des fro n t i è res del’Union européenne. La coopération transfro n t a l i è repeut être re n f o rcée en utilisant un programme com-parable au programme européen “Interreg” qui aobtenu un grand succès pour les fro n t i è res intern e sde l’Union actuelle. La création d’ “Euro r é g i o n s ”va également dans ce sens. Entre le statut actuel etl’adhésion complète, une “association re n f o rc é e ”p o u rrait se mettre en place. Pour assurer à ces paysun développement durable, un fonds spécifique d’as-sistance économique devrait peut-être être créé. Lesbesoins de coopération dans le domaine de la lut-te contre le crime organisé, contre le trafic de dro g u eet d’êtres humains sont impérieux. La protection del ’ e n v i ronnement est un autre domaine dans lequella coopération est urgente non seulement parce que

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l’Union européenne, en ayant une stratégie de rap-p rochement avec des conditions claires, pour ten-ter de faire bouger la Tu rquie vers la voie de la démo-cratie et du respect des règles de droit. Ceci passepar le refus de laisser la Tu rquie pre n d re Chypreen otage. Ce pays, le seul reconnu par la commu-nauté internationale, ne doit pas être puni d’être mili-t a i rement occupé.

LA RESPONSABILITÉ DES SOCIALISTESL’ E u rope est de notre responsabilité. Puisque

l ’ é l a rgissement constitue le prochain défi, nous nousdevons d’être “leaders” du processus. Malheure u-sement, la situation est un peu déséquilibrée. Au seinde l’Union européenne, les socialistes re p r é s e n t e n tonze Premiers ministres et participent à deux autre sg o u v e rnements. Dans les pays candidats, la situa-tion actuelle est très diff é rente : un seul Pre m i e rM i n i s t re (République tchèque) et une part i c i p a t i o ndans deux autres gouvernements (Slovaquie et Rou-m a n i e ) .

Comme nous croyons à la pertinence des idéessocial-démocrates, nous ne doutons pas que nos par-tis frères, qui partout sont des partis de gouvern e-ment, se verront de nouveau confier par les élec-teurs des responsabilités gouvernementales commecela a déjà été le cas en Hongrie, Pologne et Slo-v é n i e .

Pour offrir à leur pays une alternative social-démocrate, nous ne faisons plus guère de distinc-tion au sein du PSE entre les sociaux-démocrates

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résolutions de l’ONU,du refus de traiter deses diff é rends terr i t o-riaux avec la Grècedevant le Tr i b u n a l

i n t e rnational de La Haye.

L’Union douanière de 1994 entre l’Union et laTu rquie fonctionne mal. Certes, le commerce a consi-dérablement augmenté, mais les deux parties s’ac-cusent de ne pas respecter ce qui a été signé. La Grè-ce, constatant que la Tu rquie ne respecte pas lesa c c o rds, freine l’application des protocoles finan-ciers engageant l’ensemble de l’Union euro p é e n n e .A l’image de Massimo d’Alema, la volonté du PSEest de “ne pas rejeter la Tu rquie”. Chez nous, quisommes laïcs, personne n’accepte l’argument démo-crate-chrétien d’un refus de la Tu rquie pour cau-se d’Europe “chrétienne”. Il existe une véritablevolonté de notre part, en particulier du PrésidentRudolf Scharping, de ne pas isoler la Tu rquie, d’évi-ter qu’elle ne tourne le dos à l’Europe, non seule-ment en raison de la présence de millions de Tu rc sdans l’Union européenne, mais aussi parce qu’à tra-vers son appartenance à l’OTAN la Tu rquie joue unrôle essentiel dans la défense de l’Europe et parc eque sa coopération est indispensable pour lutterc o n t re les trafics de drogue et d’êtres humains versnos pays.

Après le refus de la Tu rquie de participer à laC o n f é rence européenne, il faut trouver des solutionsa l t e rnatives pour stru c t u rer ses relations avec

«Nous n’acceptons pas l’ar g u m e n tdémocrate-chrétien d’un refus de la T u rquie pour caused ’ E u rope “chrétienne”.»

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1 6 mars 1997, “euromanif”. “Robert Hue est là,où doit-il se mettre ?” viennent me demander mescamarades communistes du Parlement euro p é e n .R o b e rt se sent un peu seul dans cette marée humai-ne. Il est resté avec nous le temps de quelques pho-tos, avant de se re t rouver au coude à coude avec unreprésentant de ce qui reste du communisme italienet Krivine, l’éternel manifestant.

Mais la vedette indiscutable du défilé, c’est LionelJospin, pressé de toute part pendant deux heures parles journalistes, les photographes, les porteurs de microet de caméra. A ses côtés s’accroche Elisabeth Gui-gou que j’ai bien du mal à sauver de l’étouff e m e n t .Une bonne dizaine de hauts responsables du PS françaisse maintiennent tant bien que mal dans le sillage. Lab a n d e role du PSE, suivie par nos camarades italiens,espagnols, britanniques, se trouve à quelques enca-b l u res. Les Présidents des deux partis socialistes belges,le Francophone et le Flamand, ont été happés par lesleurs. Les socialistes européens, dans leur diversité,

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“historiques”, comme les Tchèques et les Lithua-niens et les ex-communistes réformateurs (dès avant1989) comme les Hongrois, les Slovènes et les Polo-n a i s .

Au sein du PSE, nous attachons beaucoup d’im-p o rtance à nos relations avec ces partis, nous vou-lons les aider politiquement. A l’image d’AntonioG u t t e rrès, nous considérons que le meilleur moyende les soutenir est de réussir à la fois là où noussommes au gouvernement et collectivement dans lac o n s t ruction européenne. Avec eux, nous voulonsc o n s t ru i re l’Europe sociale, l’Europe de la sécuri-té, intérieure et extérieure, l’Europe de la sécuritéa l i m e n t a i re et de la prospérité. Avec eux, nousveillons à ce que la préparation soit optimale de façonà éviter les échecs. ❖

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4 - P ro m o u v o i rl ’ E u rope sociale

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“ Sans justice socia-le pour tous, l’intégra-tion européenne re s t e-ra un château enEspagne” est-il écritdans la résolution duCongrès des socialistese u ropéens en 1973. Le ton est donné. Pour nous l’in-tégration sociale est prioritaire. Que l’Europe des six,toujours dénoncée par le mouvement socialiste, aitd ’ a b o rd été voulue par des banquiers et des capita-listes est probablement vrai. Cependant, les socialisteset sociaux-démocrates européens ont fini par s’y ral-l i e r, les socialistes français en tête parce qu’ils pen-saient qu’un vaste marché de consommateurs allaitfaciliter la relance économique et l’amélioration géné-rale du niveau de vie, deux conditions ainsi réuniespour pouvoir entre p re n d re un vaste programme der é f o rmes sociales. Et c’est ce qui s’est produit !

Depuis lors, des progrès indéniables ont été accom-plis. Le seul fait que John Major, alors Premier ministre ,ait refusé l’inclusion du chapitre social dans le Tr a i-té de Maastricht en prouve son utilité et, récipro q u e-ment, nous avons tous salué le premier geste de poli-tique internationale de Tony Blair après sa victoireélectorale : inclure le protocole social dans le Tr a i t éet entériner les Directives qui avaient été adoptées surla base de leur non-application au Royaume-Uni.

“ Le défi central, la tâche historique de la social-démocratie est de promouvoir notre modèle de socié-té humaniste, de lutter contre l’idée réactionnaire selon

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étaient nombreux à cette manifestation bruxelloise pourune Europe de l’emploi. Renault Vi l v o o rde avait four-ni l’étincelle, mais le moteur, à l’époque, était enco-re sacrément grippé.

Ce même dimanche à Rotterdam, Pays-Bas, paysexerçant la Présidence tournante de l’Union euro-péenne, se réunissaient les Ministres des Aff a i res socialessans que la presse se soucie de le mentionner. LaM i n i s t re belge, socialiste, s’est faite port e - p a role desmanifestants en réclamant de lourdes sanctionsc o n t re les multinationales ne respectant pas les dire c-tives sociales européennes. Celle sur l’information etla consultation des travailleurs a demandé vingt ansd ’ e ff o rts de la part des syndicats et des socialistes euro-péens, quinze ans de négociations avec le patro n a t . . .et seulement quelques minutes de mépris pour êtrebafouée. A Rotterdam, le représentant du Gouvern e-ment français, alors dirigé par Alain Juppé, s’élèvec o n t re la proposition belge. Il refuse toute contrain-te européenne ; il refuse que des instances euro p é e n n e spuissent juger les infractions aux dire c t i v e s .

Tant que toutes les décisions en matière sociales e ront prises à l’unanimité, il ne faudra pas s’éton-ner que l’Europe des travailleurs avance si lentement.Il nous est facile de prédire le blocage irr é m é d i a b l equi se produirait si l’application de cette règle de l’una-nimité se pratiquait encore après l’élargissement del’Union européenne. Le pas fait par le Traité d’Am-s t e rdam, qui a supprimé l’exigence d’unanimité pourla sécurité et la santé des travailleurs, va dans la dire c-tion où nous souhaitons aller.

«Le défi, la tâche historique de la social-démocratie est de lutter contrel’idée réactionnaire selon laquelle le coût du bien-être des travailleurs est trop élevé et doit être sacrifié au nomd’intérêts économiques.»

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gent encore plus vite depuis que Kohl n’est plus là pourc o n s i d é rer que l’Europe n’a pas à se mêler de ce pro-b l è m e .

• La s o l i d a r i t é se traduit essentiellement (un tiersdu budget communautaire) par les Fonds stru c t u re l sd’aide aux régions qui en ont le plus besoin notam-ment par le Fonds social européen qui, comme sonnom ne l’indique pas forcément, est un fonds d’aideà la formation. Mais, il n’est actuellement pas enco-re envisageable que la solidarité s’exprime par des sys-tèmes communs de sécurité sociale ou de retraites. D’unpays à l’autre, les systèmes sont trop disparates, lesniveaux de vie et donc de cotisations trop inégaux,même si les problèmes de financement, sur lesquelsse penchent avec attention le groupe de travail de nosM i n i s t res socialistes et sociaux-démocrates (PSE) desFinances, sont similaires. Le sens de communauté d’in-térêts qui permettrait cette solidarité est loin d’avoiratteint ce stade de développement.

• La bataille pour les d roits sociaux consiste à éta-blir des normes minimales, mais les plus hautes pos-sibles, dans le champ immense du droit du travail, afind’établir un “socle” commun pour les conditions detravail, d’hygiène et de sécurité. Malheureusement jus-qu’à présent, la règle de l’unanimité a plutôt tiré versle bas toutes les tentatives, principalement à l’époqueoù les conservateurs gouvernaient la Grande Bre t a g n eet les syndicats préféraient parfois ne pas avoir den o rmes minimales plutôt que de les avoir trop bassesavec le risque de spirale vers le bas. Aujourd’hui, leP remier ministre britannique, Tony Blair, plaide pourque l’Europe adopte des normes minimales de pro-tection, pour l’adoption des conventions de l’Org a n i-

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laquelle le coût du bien-être des travailleurs est tro pélevé et doit être sacrifié au nom d’intérêts écono-miques” (Rudolf Scharping, Président du PSE).

La population tient au modèle social issu des lutteset de nos principes largement mis en place après lag u e rre par les sociaux-démocrates. Elle sent ce modè-le menacé, en particulier à cause du chômage de mas-se. La défense de ce modèle social passe par de bonnesrègles de compétitivité, pour éviter les délocalisationset parce qu’il n’y a pas de progrès social sans écono-mie perf o rmante. “C’est l’emploi qui finance le social”a coutume de dire Pol Nyrup Rasmussen, le Pre m i e rm i n i s t re danois.

Cette compétitivité ne passe ni par le dumping socialni par le dumping salarial mais par la qualific a t i o net la capacité d’innovation des salariés, donc par lare c h e rche et la formation. Pour les socialistes, l’Eu-rope ne peut être réduite à un marché unique car celui-ci n’est qu’un instrument pour parvenir à la cro i s s a n c eéconomique. Et la croissance économique est égale-ment conditionnée par le respect de la justice socia-le, par la protection des droits des travailleurs, par ledialogue avec les part e n a i res sociaux. Nous sommesconvaincus que les économies sont d’autant plus fort e sque les sociétés sont justes.

Pour Jacques Delors, les quatre éléments de l’Eu-rope sociale sont : emploi, solidarité, droits sociaux,dialogue social.

• Concernant l’e m p l o i , les choses ont beaucoupbougé au niveau européen ces dern i è res années, et bou-

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e n c o re faire la pre u v equ’elle peut apport e rune “valeur ajoutée”dans la mise en place deces dispositifs de protection devant les aléas de la vie.

• Le PSE, qui a des contacts suivis et amicaux avecla Confédération Européenne des Syndicats 2 3, en par-ticulier sur toutes les questions sociales, s’engage à favo-riser le dialogue entre par t e n a i re s s o c i a u x . N o u ssouhaitons une officialisation du dialogue social, maisil faut bien dire que le patronat joue rarement le jeu.Généralement, il récuse le dialogue européen global aunom de la subsidiarité tout en l’acceptant dans des caslimités, branche par branche. Nous voudrions pour-tant montrer aux employeurs combien ils seraientgagnants s’ils fonctionnaient autrement. Nous sou-haitons empêcher un autre “Vi l v o o rde”, éventuellementavec l’application d’une nouvelle législation.

Nous nous battons pour les droits des travailleurs,mais n’oublions pas les exclus, les marginaux. Noscamarades irlandais ont fait un gros travail dans cedomaine à l’époque où ils étaient au gouvern e m e n t .A la fin de leur Présidence, à Dublin, Alain Juppé avaitconsidéré leurs propositions concernant la luttec o n t re l’exclusion sociale comme “inacceptables pourle Gouvernement français”. Heureusement, six moisplus tard, à Amsterdam, Jospin avait remplacé Jup-pé et le nouveau Tr a i-té n’ignore plus le pro-blème. Je garde précie-usement la lettre quem’a envoyée la Ministre

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sation Internationale du Tr a v a i l 2 2 et favorise le com-m e rce avec les pays qui les respectent en interd i s a n t ,par exemple, le travail des enfants. Les Pays scandi-naves, aux lois sociales développées pro p o rt i o n n e l l e-ment au temps de maintien au pouvoir des gouver-nements sociaux-démocrates, s’opposent vigou-reusement au “dumping social”, une des préoccupa-tions constante du Premier ministre danois, Pol Nyru pRasmussen. Les Belges font re m a rq u e r, je pense à jus-te titre, que le dumping fiscal peut également être consi-déré comme un dumping social car une fois les re c e t t e sfiscales coupées, les dépenses sociales sont générale-ment les pre m i è res victimes. C’est dans ce contexteque la mise en place de l’Euro a pu parfois servir deprétexte à une remise en cause des droits sociaux.

Mais la réflexion s’inverse aujourd’hui, en raison dela présence socialiste dans de nombreux gouvern e m e n t sau sein de l’Union européenne. Comme pour l’emploi,des critères sont fixés, des objectifs quantifiés sont àa t t e i n d re, des “normes sociales européennes”, pourre p re n d re l’expression lancée par Wim Kok et le pointest fait pour voir qui va vers le haut, dans le sens fix é .

Tony Blair, qui a vu les effets dans son pays d’unepolitique réactionnaire, considère que “le modèle sociale u ropéen n’a d’avenir qu’à condition d’être modern i-sé par les sociaux-démocrates”. Pol Nyrup Rasmus-sen pense que “seuls les sociaux-démocrates peuventc o n v a i n c re le peuple que l’Union européenne peut lesp rotéger en sauvant la “welfare society”. Tr a d i t i o n-nellement, c’est l’Etat qui apporte un “filet de sécuri-té” en cas de difficulté. L’Union européenne doit donc

(22) L’OIT estassociée à l’ONUdepuis 1946.Cetteorganisation, quireprésente 174Etats, a pourbut decontribuer à lapaix par leprogrès social etl’améliorationdes conditionsde travail. Sesactivités sontl’élaborationd’un droitinternational dutravail par desconventions queles pays sontinvités à ratifier ;la coopérationtechnique ; destravaux derecherche. Sonbudget pourl’année 1998-99est de 481millions de $.

(23) La CES aété créée en1973. Elleregroupe 46organisations de22 pays et 16comitéssyndicaux desecteurs. Les 48organisationssyndicalesadhérentesreprésentent45,5 millions desalariés dont laCFDT, FO laCFTC et depuis1999, la CGT.

«Le modèle social européen n’a d’avenir qu’à condition d’être moder n i s épar les sociaux-démocrates.»

«A Amsterdam, Jospin a remplacé Juppé :le nouveau Traité n’ignore plus le problème de la lutte contre l’exclusion sociale.»

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14 octobre 1997 : Réunion des Ministres socia-listes et sociaux-démocrates (PSE) de l’Environne-ment dans le but de préparer le Sommet de Kyoto.

Il est impératif de pre n d re des mesures pour limi-ter les rejets dans l’atmosphère des gaz provoquantun effet de serre. Le seuil critique est atteint. L’ U n i o neuropéenne doit donner l’exemple. La discussion estfranche entre les Ministre danois et portugais. Les Etatsen retard de développement ont besoin d’une marged’augmentation de leur consommation d’énergie plusimportante que les Etats qui ont dépassé un certainstade de développement. Ceci est indiscutable cepen-dant, ils doivent être incités à utiliser des énergies nonpolluantes, renouvelables. Sous la présidence duM i n i s t re luxembourgeois, un compromis sera tro u v é ,adopté par le Conseil, et défendu à Kyoto comme étantla position commune de tous les Etats membres del’Union européenne.

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irlandaise des Aff a i re ssociales, travailliste,re m e rciant le PSEd’avoir fait adopter sesp ropositions pour quel’Union euro p é e n n e

traite la question dans son Traité. Chacun connaît lad i fficulté qu’il y a à insére r, ou réinsérer les marg i-naux. Tony Blair pense qu’il faut des programmes spé-c i fiques. Comme lui, Paavo Lipponen, le Pre m i e rm i n i s t re finlandais considère qu’il faut éviter la dépen-dance à l’égard des aides sociales et qu’il ne doit pasy avoir d’aides sociales sans contre p a rtie d’apport àla société. L’éradication de la grande pauvreté est prio-r i t a i re. L’Union européenne peut favoriser l’échanged’expériences dans ce domaine. Les socialistesfrançais sont de ceux qui insistent le plus sur le dro i taux services publics, indispensables pour les plusp a u v res ; ces services sont partie prenante d’une poli-tique redistributive et contribuent à l’égalité des chanceset à la cohésion sociale. Nos camarades néerlandaisinsistent beaucoup sur la sécurité à donner aux per-sonnes en marge du marché habituel du travail.

Tous nos Premiers ministres considèrent que le tra-vail n’est pas seulement un facteur de production etune source de revenus, il donne également droit à unstatut social et ils s’inquiètent part i c u l i è rement du sort ,et donc de la protection, des travailleurs entre cinquanteet soixante ans, exclus de leur emploi. C’est l’âge dequasiment tous nos Premiers inistres de l’Union euro-péenne et aucun n’oublie leurs amis de jeunessec o n f rontés à ces situations. ❖

«Les socialistes français sont ceux qui insistent le plus sur le droit aux services publics, partie pr e n a n t ed’une politique redistributive contribuant à la cohésion sociale.»

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5-Assurer unenvironnement

equilibré

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Sous l’impulsion des socialistes, l’Union euro-péenne a commencé à développer des politiques dep rotection de son patrimoine naturel afin de préserv e rle capital génétique non renouvelable des nombre u s e sespèces animales et végétales menacées d’extinctionet donc de préserver la bio-diversité de notre conti-nent.

Cependant, il faut savoir que la fameuse dire c-tive européenne sur la limitation de la chasse desoiseaux migrateurs, adoptée par le Conseil (composée n t re autres de ministres français) avec l’avis favo-rable du Parlement européen et de son Groupe socia-liste, a récemment été rejetée par l’Assemblée natio-nale, celle-ci refusant sa transcription dans la loifrançaise. Pouvons-nous vraiment nier que la pro-tection des oiseaux migrateurs menacés de dispari-tion n’est pas exclusivement du re s s o rt d’un seul despays qu’ils survolent ?

Le PSE se félicite de la pro g ression des politiquese u ropéennes qui sont passées de la protection desespèces vers la protection de leurs habitats, puis decette dern i è re protection à celle des éco-systèmesn a t u rels dont les espèces sont dépendantes. (Ce quipeut provoquer des contraintes comme le prouve lad i fficulté de mettre en place dans notre pays le pro-gramme “Natura 2000» 2 4)

La protection de la nature est maintenant inté-grée comme une composante de la gestion de tousles projets économiques. Nous sommes arrivés au sta-de où la protection de la nature et de la bio-diver-

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“ L’ e n v i ronnement doit être une des priorités del’Union européenne”, aime à répéter le Premier ministresuédois Göran Person, mais ce souci n’est plus l’apa-nage des seuls Nordiques et c’est à l’invitation d’An-tonio Gutterrès et du Parti Socialiste portugais ques’est tenue la Table Ronde sur l’Environnement du PSE.Au moins au sein du PSE, le clivage Nord/Sud sur lesp roblèmes environnementaux a disparu .

L’ e n v i ronnement est tout naturellement une despriorités du PSE. Pour la défense de la qualité devie des citoyens bien sûr mais également parce qu’ils’agit d’un domaine où nos valeurs sont parf a i t e m e n tillustrées :

• il n’est pas possible de faire confiance aux seuleslois du marché pour assurer un développement durableparce que “soutenable” par la nature ;

• les pouvoirs publics ont un rôle essentiel à jouerpour définir des priorités et mettre en place des norm e set des moyens (infrastru c t u res, éducation, form a t i o n);

• l’intérêt collectif doit prévaloir sur l’intérêt indi-viduel ;

• l’accès à la qualité de vie doit être égalitaire etnon réservé aux privilégiés ;

• tout en respectant la subsidiarité, tout le mon-de comprend facilement que les frontières n’arrêtentpas les pollutions et qu’il est nécessaire que les prisesde décisions dépassent le niveau national ;

• la solidarité, en particulier la solidarité entre géné-rations, doit pouvoir s’exercer.

Tout ceci prouve que l’environnement ne se situepas en dehors du champ politique.

(24) Natura2000 est unedirective qui apour objet laconservation deshabitats naturelsde la faune et dela flore sauvage.Ces zones sontlistées par les 15pays de l’UE.

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communes également appliquées (mais il fautre c o n n a î t re que l’Europe de l’environnement a pro-g ressé davantage que l’Europe sociale). D’où l’im-possibilité d’accepter l’adhésion à l’Union euro p é e n n ede pays qui ne respecteraient pas les réglementationscommunes. D’où la nécessité d’aider les pays can-didats pour qu’ils puissent rapprocher leurs politiquese n v i ronnementales de l’acquis communautaire dansles meilleurs délais. ❖

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sité est considérée comme partie prenante de la qua-lité de la vie et comme élément moteur de dévelop-pement durable et de création d’emplois.

Au j o u rd’hui, les technologies “pro p res” et les éner-gies renouvelables sont créatrices d’emplois, de mêmeque l’est le tourisme dans les zones pro t é g é e s .

Le Traité de Maastricht établit le principe de l’in-tégration de l’environnement dans les autres poli-tiques. Ainsi, les infrastru c t u res financées par leFonds Européen de Développement Régional doivent-elles se préoccuper de l’impact sur l’enviro n n e m e n tet être “écologiquement compatibles”. Dans le NordPas-de-Calais, les fonds européens ont contribué defaçon décisive à réhabiliter, ou à faire disparaître ,les trop nombreuses friches industrielles.

Le Traité réaff i rme également le principe “pol-lueur = payeur” auquel les socialistes sont très atta-chés. L’ a rme financière ne doit pas se contenter d’êtredissuasive. De nombreux gouvernements de l’Unione u ropéenne, à majorité socialiste, tout en étudiantla possibilité de faire glisser la répartition de leursrecettes fiscales en taxant moins le travail et davan-tage l’utilisation des matières pre m i è res et des éner-gies non renouvelables, re n f o rcent les incitations fis-cales.

Enfin, dans le grand marché unique qui est len ô t re, le dumping environnemental, même par le biaisd’un dumping fiscal, n’est pas acceptable. D’où lanécessité d’harm o n i s e r. D’où la nécessité de norm e s

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victimes n’a pu être identifiée, dont mon grand-oncle.Je n’ose imaginer dans quel état se trouvaient leursdépouilles. En face, autant de jeunes Allemands dontnous évoquons peu la mémoire. Ils n’étaient pro-bablement pas tous amoureux de leur Kaiser qui luis’entendait si bien avec les fabricants de canons. Cet-te “grande” guerre devait être la dern i è re. Elle nel’a pas été. Cette région, envahie par les Pru s s i e n sen 1870, s’est trouvée placée sous un régime part i-c u l i e r, très strict en 1940.

L’Union européenne a bien des défauts, mais aumoins est-il enfin possible de dire de façon crédible :“plus jamais ça !”

Aujourd’hui, les Européens attendent davantage.Puisque la guerre n’est plus heuresement envisageableau sein de l’Union, il faut penser à assurer la paixdans notre voisinage par une politique européenne desécurité commune. Cela passe d’abord par une p o l i -tique étrangèr e commune basée sur une coopéra-tion politique re n f o rcée. Car, traditionnellement, il estdu rôle de la diplomatie de résoudre les conflits et ain-si d’éviter les guerres. Il est certain que nous obte-nons de meilleurs résultats dans les négociations inter-nationales si nous parlons d’une seule voix. Mais ilfaut bien re c o n n a î t re que, pour l’instant, notre diplo-matie commune est essentiellement contributive etd é c l a r a t o i re. Pour re n d re l’Europe plus présente dansla politique internationale, moins dépendante desEtats-Unis, il faudrait probablement moins de décla-rations communes non suivies d’effets et plus de posi-tions communes menant à des actions communes.

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Novembre 1998 : pendant que je visite le mémo-rial national, dans le Pas-de-Calais, consacré à lap re m i è re guerre mondiale, il tombe un crachin tris-te et froid. Les élus socialistes voudraient y bâtir un“ c e n t re européen de la paix”, avec l’aide de sub-

ventions de l’Union euro p é e n n e .L’ o s s u a i re national est couvert demilliers de petites croix blanches re s-semblant aux milliers de petites cro i xblanches des cimetières anglais,écossais, canadien, australien dese n v i rons immédiats. Sur cette seulecolline d’Artois, 40.000 jeunesFrançais ont trouvé la mort endeux mois de temps, lors de la gran-de offensive du printemps de 1915,un an avant que quelques-uns desrescapés ne se mutinent au “Chemindes Dames”2 5. Plus de la moitié des

(25) Entre le 16 avril et le 10 mai1917, le Général Nivelle lança unevaste offensive afin d’emporter lefront adverse. Précédée d’une offensi-ve de fixation en Artois (9 avril), l’at-taque du Chemin des Dames se soldapar un échec, selon un communiquémilitaire «les unités françaises sem -blent fondre sous le feu de l’artillerieennemie» et la condamnation à mortde nombreux mutins. Lionel Jospin, àl’occasion des commémorations del’armistice de 1918, a souhaité rendrehommage à tous les soldats de laRépublique du Chemin des Dames:«Que ces soldats, «fusillés pourl’exemple», (mutins) au nom d’unediscipline dont la rigueur n’avaitd’égale que la dureté des combats,réintègrent aujourd’hui, pleinement,notre mémoire collective nationale».

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6. La paix. AGIR ENSEMBLE DANS LE MONDE,

RENFORCER LA SOLIDARITÉAVEC LES AUTRES NAT I O N S

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verbale. Il est vrai que dans la création des Etats,la constitution des armées est historiquement tou-jours venue après la naissance de la monnaie...

L’utilisation de la force armée, et même la possi-bilité de menacer d’y avoir recours, est un des signesles plus tangibles de la s o u v e r a i n e t é . Celle-ci est plusdifficile à partager, surtout dans le cas de forcesn u c l é a i res. Chacun sait que notre force de dissuasionne peut être dissuasive que si elle est crédible et qu’uneseule personne possède la décision finale de son uti-lisation. Dans le domaine de la sécurité, il est essen-tiel d’avoir un processus décisionnel qui ne soit pasparalysant pour ceux qui veulent agir, ni astreignantpour ceux qui ne le souhaitent pas. Comme le sou-ligne Antonio Gutterrès la possibilité d’un “opt-out”est indispensable.

C’est ainsi que sont apparues l’idée d’ «absten-tion constructive» permettant des décisions devant êtreprises à l’unanimité et l’idée de se contenter de prisesde décisions à la majorité pour l’application de ce quia été décidé à l’unanimité mais avec, là encore, la pos-sibilité d’ «opt-out”. Selon le Traité d’Amsterdam lesabstentions n’empêchent pas l’adoption des décisions.Dans ce cas, les Etats membres concernés ne sont pasobligés d’appliquer la décision, mais acceptent quela décision engage l’Union européenne.

La Politique Européenne de Sécurité Communesera-t-elle plus visible avec la nomination d’un “mon-s i e u r- ou madame- PESC” prévue dans le Traité d’Am-sterdam ?

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Sur le plan économique, l’Union européenne pèsebien plus que la somme des Etats qui la compose.Il y a une incontestable “valeur ajoutée” euro p é e n-n e .

Sur le plan diplomatique, l’impression est inver-s é e .

Les membres du PSE sont persuadés que nouspouvons accro î t re notre influence sur la scène mon-diale et mieux promouvoir des normes intern a t i o-nales de respect des Droits de l’Homme, des dro i t ssociaux et de protection de l’environnement si nouspoursuivons une politique étrangère communeambitieuse. Mais pour chaque grand dossier, mal-gré une coopération politique re n f o rcée entre les Etatsm e m b res, il a été clair que les plus grands d’entreeux ont mené leur pro p re politique étrangère sansg u è re se soucier de suivre une éventuelle politiqueé t r a n g è re commune. Il est tout aussi évident que lesEtats plus petits ont peur d’un “dire c t o i re” des grandsEtats sur la Politique Européenne de Sécurité Com-m u n e .

Avant la mise en place de l’Euro avait eu lieu ungrand débat pour savoir si la monnaie communedevait être unique ou s’ajouter aux monnaies exis-tantes. Il est clair que la monnaie ne peut être com-mune que si elle est unique. Ne doit-on pas se poserla même question à présent à propos de la politiquee x t é r i e u re ? Mais y a-t-il un seul grand pays qui ysoit prêt? D’autant plus que toute diplomatie s’ap-puie sur une puissance qui ne peut être uniquement

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de défense est l’Union de l’Europe Occidentale 26

(UEO), dont cinq pays de l’Union européenne ne sontpas membres. L’intégration de l’UEO dans l’Unioneuropéenne est impensable pour Göran Person alorsque 70 % des Suédois veillent jalousement à la neu-tralité de leur pays. Encore faudrait-il rendre l’UEOm i l i t a i rement opérationnelle mais la volonté politiquene semble pas être au rendez-vous.

Si l’UEO doit devenir le pilier européen de l’O TA N,dont elle dépend entièrement pour pouvoir agir, quelsera le statut du Danemark, membre de l’OTAN sansêtre membre de l’UEO ? Sera-t-il possible d’êtremembre européen de l’OTAN sans être membre del’UEO ? En janvier 1994, le Sommet de l’AllianceAtlantique à Bruxelles a décidé la création de Gro u p e sde Forces Inter- a rmées Multinationales pour perm e t t rel’utilisation des re s s o u rces de l’OTAN par l’UEO. Maisl’UEO est-elle capable d’appliquer les décisions poli-tiques de l’Union européenne ? Qui décide des actionsde l’OTAN ?

La division est claire parmi les Européens, entreceux qui considèrent que rien ne doit être fait sansmandat de l’ONU et ceux qui soutiennent les USAdans leur droit à l’action sans saisir le Conseil de sécu-rité. Les Européens peuvent-ils accepter que l’OTA Nsoit autre chose que le bras armé de l’ONU ? Mêmesi personne n’envisage sérieusement la sécurité et ladéfense de l’Europe sans l’OTAN...et donc sans lesUSA.

Antonio Gutterrès n’est pas le seul à souhaiter lemaintien de la présence militaire américaine en

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Quand il était Premier Ministre, Felipe Gonzalezconsidérait que c’était au Président “en exercice” dereprésenter l’Union européenne et il n’était pas le seulà penser que la Présidence doit parler plus fréquem-ment et clairement au nom de l’Union. Encore faut-il que l’Union ait une position unanime claire à fai-re entendre...d’autant plus que la PESC inclutl’ensemble des questions relatives à la sécurité del’Union, y compris la définition d’une politique dedéfense commune qui peut conduire à une défensec o m m u n e .

Les Européens, et c’est légitime, éprouvent un besoinde s é c u r i t é . Ils comprennent bien la nécessité de pas-ser d’une notion de défense de leur seul terr i t o i re (der-r i è re une nouvelle ligne Maginot) à un concept de sécu-rité régionale englobant l’ensemble du continent.Comme chacun sait qu’il vaut mieux prévenir que gué-r i r, il est important d’assurer la sécurité du centre del ’ E u rope par l’élargissement de l’Union européenne etd ’ a s s u rer la stabilité des Balkans par des accords d’as-sociation leur ouvrant la voie du développement... puisde l’adhésion. Il est possible de développer la sécuri-té indépendamment de l’aspect militaire, mais il n’estm a l h e u reusement pas toujours possible de prévenir sansl’appui de forces armées, et c’est sans doute pour celaque le Traité de Maastricht prévoit le passage de la sécu-rité à la défense. Le Traité d’Amsterdam facilite mêmece passage, “si le Conseil européen en décide ainsi”,ce qui veut donc dire qu’un nouveau Traité ne sera pro-bablement pas nécessaire .

Pour l’instant, la seule organisation européenne

(26) L’UEO estune organisationde défensecomme l’OTAN,née hors ducadre de l’Unioneuropéenne.Néanmoins, le“pilier” sur lapolitiqueétrangère et desécuritécommune dutraité deMaastricht apour la premièrefois établi unlien entre l’UEet cetteorganisation ;l’UEO est ainsiaujourd’huiconsidéréecomme le “brasarmé” del’Union.

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re de ses pays mem-b res. Si l’UEO se tro u-vait intégrée à l’Unione u ropéenne, chaqueEtat membre seraitainsi tenu de défendrele terr i t o i re de tous les autres ; ce dont les Etats neutre sne veulent pas entendre parler...et que la Grèce està peu près la seule à demander.

Le problème doit être vu également dans la pers-pective de l’élargissement. Pouvons-nous nous enga-ger à défendre l’Estonie comme nous défendrions notrepatrie ? Et pourtant, pouvons-nous constru i re une véri-table communauté sans cet engagement d’assistan-ce mutuelle ? Sans doute faudra-t-il attendre que lesEuropéens aient véritablement l’impression d’ap-partenir à la même communauté avec le sentimentque l’assurance de leur sécurité est réciproque, pourqu’émerge la volonté de défendre cette communau-té contre d’éventuels périls extérieurs.

Cet esprit de défense commune peut cependantse forger dans l’accomplissement des missions de paix(“peace making, peace keeping”) et des actions huma-nitaires définies à Petersberg pour l’UEO et qui ontété intégrées dans le Traité à Amsterdam. En réali-té, ces missions représentent la totalité des opérationsmilitaires menées sur le continent européen. La finde la guerre froide, la disparition de l’URSS commesuper-puissance, la fin de la division de l’Europe parun “rideau de fer” ont entraîné la spécialisation denos structures de défense dans la gestion des crises,hier en Bosnie, aujourd’hui au Kosovo. Pour préve-

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Europe. Sans remettreen cause la nécessité deliens transatlantiquesf o rts, les socialistesfrançais sont de ceuxqui souhaitent que

l ’ E u rope perde l’habitude de s’en re m e t t re aux Etats-Unis pour tout ce qui touche notre sécurité.

Il est vrai que la dépendance européenne à l’égarddes Etats-Unis se fait part i c u l i è rement sentir dans lesdomaines des renseignements (capacités d’analyse etde prévisions) et de l’approvisionnement, d’où la néces-sité de programmes communs comme Hélios (satel-lites) et Horus (radars). La capacité réelle à opérerde façon indépendante passe également par une agen-ce d’armement mettant fin aux dispersions actuelleset organisant une véritable coopération des industriesd’armement. Croire qu’un pays européen peut déve-lopper seul tous les systèmes de défense est une illu-sion dangereuse. Là encore, la véritable souveraine-té ne peut être que partagée si l’on veut sortir de ladépendance à l’égard des Etats-Unis. D’autant plusque la tendance, dans quasiment tous nos pays, està la baisse sensible des budgets de la défense...ce dontles socialistes se réjouissent généralement. De plus,une transparence accrue dans le domaine de l’arme-ment, réclamée par notre parti autrichien, aurait pro-bablement un impact positif sur la paix et la stabi-lité en Europe.

L’ a rticle 5 du Traité de l’UEO accentue le pro b l è m een obligeant les pays signataires à une assistancemutuelle donc à une défense collective du territoi-

« Cro i re qu’un pays européen peut développer seul tous les systèmes de défense est une illusion dangereuse. La véritable souveraineté ne peut être que part a g é e . »

« La fin de la division de l’Europe a entraîné la spécialisation de nos stru c t u res de défense dans la gestion des crises, hier en Bosnie, aujourd’hui au Kosovo.»

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qu’au Sud, et de les aider à trouver la prospérité éco-nomique

Miguel Angel Moratinos, envoyé spécial del’Union européenne au Proche-Orient, considère lep a r tenariat eur o - m é d i t e rr a n é e n lancé par laConférence de Barcelone de novembre 1995 comme“la première initiative en matière de politique étran-g è re commune”. Ce partenariat établit un cadre pournos relations politiques, économiques et sociales avecnos douze voisins du Sud, avec pour objectif l’éta-blissement d’une zone de paix et de stabilité, l’ins-tauration d’un dialogue social, culturel et humain etla mise en place d’une zone de libre-échange à l’ho-rizon 2010 préparée par une coopération financièresubstantielle dont les procédures ont été simplifiées.Une coopération re n f o rcée a également été prévue enmatière de lutte contre la drogue, le terrorisme et lesmigrations illégales.

Des accords d’association plus complets ont étésignés avec la Tunisie, Israël, le Maroc, la Jordanieet l’Autorité palestinienne. Comme le demande Rai-mon Obiols, Vice-Président catalan du PSE : “le Bas-sin Méditerranéen deviendra-t-il une mer de paix etde coopération ou un espace infernal si les conditionséconomiques et sociales continuent de diverger ?” Lasituation algérienne nous montre qu’il ne s’agit pasd’une question théorique.

Les Accords de Lomé 27 peuvent également êtreconsidérés comme des instruments d’une politiqueétrangère commune.

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nir les conflits, il est nécessaire d’avoir une analysecommune qui puisse conduire à une véritable poli-tique extérieure commune de prévention puis, si néces-saire, à de véritables actions communes.

No t re sécurité sera d’autant plus assurée que sero n tre n f o rcés nos liens de coopération avec la Russie q u idoit devenir un acteur positif de la sécurité euro p é e n n e .Certes, la Russie ne doit pas avoir un droit de vétosur l’appartenance de pays souverains à l’OTAN, maistout doit être fait pour lui fournir des garanties quilui donnent un sentiment de sécurité. Le PSE pré-conise la politique de la main tendue. La poursuitedu désarmement et la sûreté nucléaire exigent uneentente internationale. La Finlande, observateur pri-vilégié pour des raisons autant historiques que géo-graphiques -elle partage mille trois cent kilomètresde fro n t i è res communes avec la Russie-, contribue defaçon décisive à la stabilité de la Région, par la sages-se politique de ses dirigeants et par la mise en placede projets concrets d’intérêt mutuel comme l’instal-lation d’un gazoduc qui permettra aux quinze d’ac-croître leur sécurité énergétique en diversifiant leurss o u rces d’approvisionnement. Un accord de part e n a r i a tet de coopération - commerciale, économique et cul-turelle - a été signé entre l’Union européenne et sesEtats membres et la Russie en 1994. L’Union euro-péenne est devenue son premier part e n a i re commerc i a l ,comptant pour 40 % du commerce extérieur russe.

Nous considérons qu’il est, en effet, de la res-ponsabilité de l’Union européenne de nouer des re l a-tions étroites avec nos plus proches voisins, tant à l’Est

(27) Quelleefficacitééconomiquepour Lomé ?,Rapport auministre del’Economie, desFinances et del’Industrie, M.DominiqueBocquet, LaDocumentationfrançaise, juin1998 ; Livre vertsur les relationsentre l’UE et lespays ACP àl’aube du XXIesiècle, Défis etoptions pour unnouveaupartenariat ,Commissioneuropéenne,1996 ; Ensembledans le XXIesiècle, Groupeparitaire desparlementairessocialistesUE/ACP,Parlementeuropéen, 1999.

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n’ont conduit qu’à desimpasses. Le libre -échange généralisé, s’iln’est pas compensé pardes mesures spécifiques, ouvre la voie au rouleau com-presseur de la puissance commerciale des nationsriches. L’intégration dans le commerce mondial ne peutê t re que pro g ressive et équitable. Il nous paraît cepen-dant indispensable de mettre également en avant lesaspects sociaux de l’économie de marché.

A l’heure du déclin général de l’aide publique audéveloppement et de l’extension de la grande pau-v reté dans le monde, notre politique ne peut se conten-ter de stabiliser les prix des matières premières -cequi est indispensable-, mais devrait avoir égalementpour but de généraliser la scolarisation, la sécuritéalimentaire et la sauvegarde de l’environnement, enparticulier les forêts.

Dans toutes ces régions, dans tous ces pays d’Eu-rope, d’Afrique ou d’ailleurs, pour lesquels nous sou-haitons un développement durable, il est nécessaired’attirer des investisseurs dans des projets utiles( i n f r a s t ru c t u res et investissements humains). Mais celasuppose une stabilisation de ces pays en Etats de Dro i tcar la stabilité démocratique est le terreau de la re n a i s-sance économique garantissant, de façon contrôlable,les droits de l’Homme. “On ne construit pas la démo-cratie avec des ventres vides”, a dit Jaime Paz Zamo-ra, ancien Président de la République de Bolivie. Celasuppose également que nous garantissions un mini-mum ces capitaux contre les risques encourus (par

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Les socialistes, inter-nationalistes de tou-jours, veulent renfor -cer la solidarité avecles autres nations car

les conflits prennent souvent racines dans les consé-quences de la pauvreté. Vingt des trente pays les pluspauvres connaissent aujourd’hui des conflits armés.

L’Union européenne est le plus grand pourv o y e u rde f o n d s pour la Palestine et l’Europe centrale etorientale. Cela n’est pas valable uniquement pour sesvoisins immédiats mais aussi pour tous les Etatsd’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique avec lesquelselle a des accords de coopération. Les gouvern e m e n t s

socialistes et sociaux-démocrates donnentplus qu’aucun autre au monde

Il serait souhaitable que l’Union euro-péenne, qui assure 60 % des contribu-tions internationales de l’aide publiqueau développement, parle d’une seulevoix dans des instances internationalescomme l’Organisation Mondiale duC o m m e rc e 2 8, le Fonds Monétaire Inter-national 29 et la Banque Mondiale où sep rennent des décisions importantes pourune politique de développement. Seuleune PESC re n f o rcée pourrait éviterl’actuelle faiblesse de coordination.

En Russie comme en Afrique, l’ultra-libéralisme et son économie “de casino”,

(28) Née le 1er janvier 1995,l’organisation mondiale du com-merce a succédé au Gatt ; lacréation de l’OMC, à l’issue desnégociations de l’Uruguay Round(achevées en décembre 1993), amarqué une nouvelle étape dansl’organisation du commerceinternational. L’Organe de règle-ment des différends (ORD) metsur un pied d’égalité les 132 paysmembres. Au-delà des échangesde marchandises, les compétencesde l’Organisation portent sur lesdroits de propriété intellectuelleet les services.

(29) Le FMI a été créé endécembre 1945. 157 pays sontmembres du Conseil des gouver-neurs. Le but du FMI est faciliterl’expansion et l’accroissement ducommerce international, promou-voir la stabilité et la liberté deschanges et la création de liquidi-tés internationales sous forme dedroits de tirages spéciaux (DTS).

« Les conflits prennent racines dans les conséquences de la pauvreté :vingt des trente pays les plus pauvr e sconnaissent des conflits ar m é s . »

« L’UE assure 60 % des contributionsi n t e rnationales de l’aide publique au développement.»

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L’ E u rope a élargi les droits des citoyens euro p é e n sen complétant ceux qu’ils détiennent de leur citoyen-neté nationale. Là encore, l’Europe apporte une“valeur ajoutée”. Elle ne retranche rien, elle complète.Afin de construire une identité européenne plus for-te, nous proposons que tous les droits fondamentaux,civiques, économiques et sociaux obtenus par lescitoyens de l’Union européenne, soient rassemblés dansune Charte européenne des droits .

Certains droits, comme le droit de vote et d’éli-gibilité aux élections locales et européennes, sont pré-vus depuis le Traité de Maastricht. Pendant la pré-paration du Traité d’Amsterdam, nous proposionsd’aller plus loin, par exemple dans le droit de la famil-le (reconnaissance de l’exécution de jugements sur lagarde d’enfants), dans la protection des consomma-teurs (les standards européens se trouvent larg e m e n ten dessous des normes nordiques, et la “vache folle»

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des législations et desfonds appropriés). Unem e s u re très efficace est

notre appui aux «micro-projets», au profit d’entre-prises parfois très petites, financés par des “micro-crédits”, à l’image de ce qui se passe en Asie, sousl’impulsion de Muhammad Yunus, c’est-à-dire le prêtd’argent aux populations exclues du réseau bancai-re classique car trop pauvres, afin de leur permettrede développer des activités dans le secteur dit infor-mel de l’économie.

Il est indispensable de veiller à éviter les gaspillageset les corruptions qui découragent les donneurs et deveiller à ce que les populations les plus démunies soientprioritairement assistées. L’aide humanitaire immé-diate à ceux qui en ont le plus besoin doit s’accom-pagner d’une politique active d’éducation et de for-mation pour que se constitue une couche moyennegarante de développement et de démocratie. Il seraitsouhaitable d’aller dans le sens d’une conditionnali-té de l’aide. La démilitarisation et donc de la limi-tation des crédits destinés à l’armement sont indis-pensables car seule la voie démocratique permet auxpays de dépasser leurs crises. Non seulement nousaurions tout à y gagner pour assurer la stabilité, doncla paix et la prospérité sur notre planète, mais ainsila “politique étrangère” pourrait cesser d’être étran-gère aux citoyens européens. ❖

«On ne construit pas la démocratie avec des ventres vides.»

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7-Des dro i t sp o u r

les euro p é e n s

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strictement interg o u v e rnemental pour que le Par-lement européen et la Cour de justice euro p é e n n epuissent être impliqués et jouer chacun leur rôle dansces domaines.

Cette lutte dépasse les fro n t i è res de l’Union euro-péenne actuelle. Les pays candidats à l’adhésion doi-vent dès à présent être préparés à assurer la sécu-rité à l’intérieur de nos fro n t i è res intérieures. Al’époque où il était Premier ministre, le Hongro i sGulya Horn en était très demandeur.

Le Traité d’Amsterdam, qui crée un “espace del i b e rté, de sécurité et de justice” et communautari-se la coopération judiciaire et civile, facilite les chosesen prévoyant la possibilité de passer, dans cert a i n scas, à un processus de décision majoritaire. Celaparaît indispensable, par exemple, pour donner dela crédibilité au fonctionnement d’Europol qui este n c o re loin d’être opératoire dans son rôle de coor-dination des polices euro p é e n n e s .

De même que nous refusons l’amalgame entre lalutte contre le trafic de drogue et les politiques sani-t a i res menées à l’égard des toxicomanes, nous re f u-sons l’amalgame entre la lutte contre le trafic d’être shumains et la politique, indispensable, de c o n t r ô -le des flux migratoir e s p rovenant de l’extérieur del’Union euro p é e n n e .

La libre circulation au sein de l’Union euro p é e n n e ,que nous avons voulue, donne une dimension euro-péenne à toutes les décisions consistant à régulari-

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a démontré que la protection alimentaire n’était pase n c o re suffisamment assurée) et dans le droit d’ac-cès aux services publics.

L’évolution du rapport des forces politiques ausein de l’Union européenne nous permet d’espére rune évolution favorable de ce projet de charte quire n f o rcerait les droits des citoyens et ferait de l’Eu-rope un véritable espace de liberté, d’égalité et dejustice. Après consultation des associations et des par-t e n a i res sociaux, le nouveau Parlement euro p é e np o u rrait jouer un rôle essentiel dans son élaboration.

Les socialistes considèrent que vivre en s é c u r i -t é est un droit essentiel. Nous sommes trop nombre u xà avoir fait de désagréables expériences de vols etmême de menaces physiques. Assurer cette sécuri-té est une des préoccupations prioritaires de nos re s-ponsables, au premier rang desquels nos Pre m i e r sm i n i s t res, qui reviennent souvent sur le sujet lors lesréunions du PSE. Wim Kok, le Premier ministre néer-landais et Antonio Gutterrès, le Premier ministre por-tugais sont de ceux qui insistent le plus souvent surla nécessité de dépasser le niveau national pour lut-ter contre le terrorisme et le crime organisé car ceux-ci se jouent des fro n t i è res pour mettre en place leurstrafics de drogue et d’êtres humains. Il est donc néces-s a i re d’avoir au niveau européen des instruments delutte eff i c a c e s .

Les moyens nationaux, policiers et judiciaires, doi-vent être mieux coordonnés au niveau européen. Aus-si, nous souhaitons que ce processus sorte du cadre

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ser des normes euro-péennes minimales surles droits sociaux etciviques, sur les condi-tions d’entrée et de séjour afin d’éviter le “dumping”et la course vers le pays le moins-disant.

La mondialisation des échanges s’est traduite parune internationalisation et une mobilité accrue descommunications, des déplacements, mais malheu-reusement aussi de la criminalité. Pour les immigrésen situation régulière, le PSE s’engage à agir pour

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ser la situation d’immigrés en situation irr é g u l i è re .Même s’il n’y a pas encore de politique commune,les mesures communes sont assez significatives. LeTraité d’Amsterdam ouvre la perspective de régle-mentations communes relatives aux visas, à l’asile,à l’immigration, à tout ce qui suppose une coord i-nation poussée des politiques d’immigration des Etatsm e m b re s .

En 1990, dans une petite ville du Luxembourgnommée Schengen, a été signé un accord visant àcréer une zone de libre circulation des personnes,

sans contrôle aux fro n t i è res intérieure s ,e n t re les Etats adhérents. Le Tr a i t éd ’ A m s t e rdam contient un pro t o c o l eincorporant l’Accord de Schengen 3 0 a utexte du Tr a i t é .

A l’exception des partis des deux paysqui préfèrent rester à l’écart de l’“ E s p a-ce Schengen” (Royaume-Uni, Irlande),le PSE est globalement favorable à la“communautarisation” des chapitre s“asile” et “immigration”, même si cet-te pro g ression est difficile car elle toucheà la souveraineté et aux aff a i res inté-r i e u res des Etats. Dans ce domaine aus-si, il faudra quelques années pour par-venir au partage de la souveraineté et

pour l’exercer véritablement.

Comme dans le domaine social, dans le domai-ne de la fiscalité et de l’environnement, il faut impo-

(30) L’Accord de Schengen a étésigné par tous les membres del’UE, excepté l’Irlande et leRoyaume -Uni, à Schengen(Luxembourg) en 1985 et 1990.Avec le traité d’Amsterdam,«Schengen» est intégré dans letraité de l’Union européenne. AvecAmsterdam, les dispositionsrelatives aux frontières intérieureset extérieures, aux politiquesd’immigration, d’asile et de visas,ainsi que la coopération judiciairesont désormais définies encommun par les Etats membres.Parrallèlement, l’Union se donneles moyens de renforcer les droitsdu citoyen européen en rappelantl’importance de la Conventioneuropéenne des droits de l’Hommeet des libertés fondamentales,ainsi que le rôle de la Cour dejustice des Communautéseuropéennes.

« Si l’accès équitable à l’emploi ou à la participation démocratique n’est pasrespecté, la société en sera af f e c t é e . »

Montant des salaires

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L’ E u rope a besoin de souffle et de rêves. Lescitoyens sont préoccupés par le chômage, par la sécu-rité extérieure et intérieure. Pour imaginer un mon-de meilleur, ils ne doivent pas voir l’Europe que com-me un calcul économique. Seule la culture peut, enplus de ses autres missions, remplir ce rôle.

La culture est un terrain habituel de diff é re n-ciation de la gauche, en particulier d’avec l’extrê-me droite. La culture est un vecteur de diffusion deces valeurs de gauche que sont la priorité donnéeau développement humain, la promotion sociale pourtous, l’élaboration d’une identité collective, la cir-culation de l’information, l’augmentation desconnaissances et des savoir- f a i re, la liberté d’ex-p ression et de pensée.

Les socialistes européens attachent une grande

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une intégration réussie, avec des programmes euro-péens complétant les programmes nationaux. Noustenons à préserver les droits des migrants, des réfu-giés et des demandeurs d’asile.

Le PSE a adopté la Charte des partis politiquespour une société non raciale et s’engage à continuerà c o m b a t t r e les préjugés ethniques, le racisme,la xénophobie et toutes les autres formes de dis-c r i m i n a t i o n .

Le principe de l’égalité des chances est fonda-mental pour la démocratie et doit être appliqué danstous les domaines de la vie sociale. Si l’accès équi-table à l’emploi ou à la participation démocratiquen’est pas respecté, la société en sera affectée. C’estp o u rquoi les femmes doivent pouvoir bénéficier depolitiques européennes sociales et économiques leurp e rmettant l’application du nouvel article 13 du Tr a i-té d’Amsterdam aff i rmant “le principe de non-dis-crimination et de l’égalité homme/femme ” 3 1. ❖(31) Cf tableau

p 93.

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8 - F a l l a i t - i lc o m m e n c e r

par la culture ?

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Elle participe égale-ment à la pro m o t i o nde la compréhensione n t re les diff é re n t e sc u l t u res. La multi-polarité de la culture européenne évite les risquesde l’ethnocentrisme et favorise le respect des autre sc u l t u res, donc tout simplement le respect desa u t res et de leurs diff é rences. L’ a p p rentissage de lac u l t u re des autres, à commencer par les autres Euro-péens, le métissage sans hiérarchisation, re n f o rc e n tl’idée d’égalité dans la diversité qui permet d’accepterl ’ a u t re et ses diff é rences, sans racisme, sans xéno-phobie. Comment ne pas voir que les nettoyages “eth-niques” que vient de connaître l’ex-Yougoslavie ontd ’ a b o rd été des “nettoyages” culture l s .

L’ a rt est un moyen de réfléchir sur les pro b l è m e sde notre temps et la diffusion culturelle participe àl ’ é l a rgissement des savoirs et donc des compréhen-sions. Pour re p re n d re l’expression de Catherine Tr a u t-mann, la culture permet de “garder les peuples enéveil”. C’est incontestablement pour cela que tousles régimes totalitaires sont si soucieux de la contrô-l e r. Chaque fois qu’un artiste s’est trouvé emprisonnéou assassiné, c’est la liberté et la fraternité qui ontété meurt r i e s .

Ce qui distingue les socialistes européens des libé-raux c’est que, pour re p re n d re l’expression de LionelJospin, nous acceptons l’économie de marché, maispas une “société de marché”. Nous n’acceptons pasde nous en tenir à la loi du marché. Nous pensons

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i m p o rtance à la culture parce qu’elle participe à l’éla-boration de l’identité collective autant qu’ellecontribue au développement de chaque être humain.

Exemple de la richesse des diversités assumées,le modèle culturel eur o p é e n * est un acquis queles socialistes européens entendent bien préserver enle renouvelant face aux changements auxquels noussommes confrontés. L’identité européenne ne peutê t re aff i rmée que s’il est clair qu’elle n’est pas fai-te d’une uniformité mais d’un kaléidoscope où s’in-t è g rent toutes les couleurs de ce vaste ensemble,constituant un instrument de lutte contre la stan-d a rd i s a t i o n .

La diffusion artistique re n f o rce la connaissancede notre Histoire commune, elle valorise notre patri-moine commun et la connaissance de la culturecontemporaine de nos voisins forge notre identitécommune. L’ o u v e rt u re vers l’avenir, et aux influencesdes autres continents, ne doit pas re m e t t re en cau-se le pluralisme interne de l’Europe, en part i c u l i e rlinguistique. L’ i n t e r-disciplinarité artistique doit êtreà la hauteur de ce pluralisme.

La culture n’est pas une activité innocente, elleest étroitement liée aux modes de vie, aux menta-lités, au degré de respect mutuel.

Il n’est pas question de considérer les artistes com-me des “pompiers” face au désord re social mais lac u l t u re joue un rôle d’autant plus important pourla cohésion sociale que, par sa diversité, elle par-ticipe naturellement à la lutte contre l’intolérance.

(*) Europe : laforce de la cul -ture, FondationJean-Jaurès,mars 1999.

«Ce qui distingue les socialistese u ropéens des libéraux, c’est que nousacceptons l’économie de marché, mais pas une “société de mar c h é ” . »

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de Politique Agricole Commune ; l’Union prévoit dedépenser cent trente millions d’écus en cinq ans pourla culture... et un milliard d’écus par an pour aiderla culture du tabac ; la ville de Vienne consacre àla culture quatre fois plus que l’Union euro p é e n n e . . .Cependant, il faut ajouter à ces chiff res toutes lesactions qui passent non plus par les politiques cul-t u relles de l’Union européenne mais par les Fondss t ru c t u rels euro p é e n s 3 2, en particulier le FEDER 3 3

qui permet de nombreux investissements culture l s .

Une diminution du temps de travail et une parta c c rue du budget des ménages consacrée aux loisirsconduisent naturellement à une augmentation de lademande. Les socialistes européens souhaitent uneactive politique de soutien de cette d e m a n d e . Cet-te politique doit commencer par la généralisation del’éducation, de la sensibilisation artistique pour faci-liter l’accès de tous à la culture. Bien sûr, le prix del’accès à la culture ne doit pas être dissuasif ; il faut“aiguiser l’appétit” de connaissances culturelles pourcontinuer à accro î t re le besoin de culture tout en évi-tant que ces produits culturels soient banalisés enp roduits de grande consommation.

Il n’est donc pas question de se contenter de pra-tiques passives. La consommation doit conduire àl’action. Il faut dédramatiser la création art i s t i q u eet démocratiser les pratiques culturelles. La puis-sance publique doit soutenir l’of f re autant que lademande par une aide à la création donnée au plusgrand nombre et par un investissement dans le sec-teur immatériel de la création. Multiplier les média-

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que la puissancepublique (collectivitéslocales, Etat et main-tenant Union euro-péenne) doit jouer un

rôle incitateur et régulateur en créant le cadre néces-s a i re et favorable à la création. La culture nous paraîtdevoir être un service public, à l’image du transport ,de la santé, de l’éducation. Les investissements pri-vés ne doivent pas décourager les investissementspublics et de nombreux partenariats privé/public doi-vent être mis en place.

Le rôle de l’Union eur o p é e n n e doit entrer dansce cadre. Nous croyons que la diversité culturelle del ’ E u rope fait partie de sa force et que les intérêts com-muns des citoyens européens seront mieux servis parle re n f o rcement de leur identité culturelle. Il est dansn o t re intérêt commun de défendre nos industries cul-t u relles et de pre n d re en compte la dimension cul-t u relle de chacune des politiques de l’Union euro-péenne, comme le prévoit le paragraphe 4 de l’art i c l e151 du Traité d’Amsterdam. Comme le souci de lut-ter contre le chômage et celui de préserver l’envi-ronnement, la culture doit jouer un rôle transver-sal dans les politiques de l’Union euro p é e n n e .

C’est pourquoi il est souhaitable que le budgetqui lui est consacré cesse d’être de l’ord re du sym-bolique pour devenir effectif et visible par les citoyens.

Les comparaisons parlent d’elles mêmes et pour-raient être multipliées à l’infini : une année de poli-tique culturelle européenne équivaut à une journ é e

(32) Pour lapériode 1989-1993, l’impactdes FondsStructurels enFrance représen-te 47,7 milliardsde francs. Pourla période 1994-1999, cetteenveloppe s’élè-verait à 101milliards defrancs.

(33) La poli-tique régionalede l’Union euro-péenne constituele deuxième pos-te budgétaire del’UE. LeFEDER est l’undes fonds quifinancent l’ac-tion régionale del’Union. LeFonds européende développe-ment régional apour but deréduire lesécarts de déve-loppement entreles régions de laCommunautéeuropéenne. Cefonds est gérépar la DirectionGénérale XVI dela Commissionen charge de lapolitique régio-nale.

«Les comparaisons parlent d’elles mêmes : une année de politique cultur e l l ee u ropéenne équivaut à une journée de Politique Agricole Commune.»

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à la mondialisation économique et culturelle, l’ave-nir de nos pays, de nos peuples, de nos cultures n’estpas dans le dumping, dans la fuite vers le bas maisdans la créativité, l’inventivité. D’où l’import a n c edes créateurs, d’où l’importance de la généralisationde la culture. D’où l’importance qu’il y a àr é p o n d re à l’impérieux besoin de formation qui enrésulte pour éviter la naissance d’un “quart - m o n-de” culturel composé de ceux qui ne maîtrisent nil’anglais, ni les nouvelles technologies. D’où l’im-p o rtance de procéder à une “alphabétisation tech-nologique et culturelle” de masse. ❖

100 - LES NOTES DE LA FONDATION JEAN-JAURÈS - N° 11 - AVRIL 1999

thèques, aider lesa rtistes créateurs, sou-tenir les co-pro d u c-tions et les services dedistribution des œuvre s

cinématographiques et télévisuelles européennes per-mettra d’éviter la concentration monopolistique amé-ricaine sur le marché unique euro p é e n .

Les industries culturelles jouent un rôle écono-mique et social important ; elles créent un nombrec roissant d’emplois d’un type nouveau en raison del’apparition de nouvelles technologies de pro-duction et de distribution entraînant des changementsi m p o rtants dans les pratiques artistiques. Tout cecip rouve que la culture est contemporaine et bienvivante. Elle intègre de nouvelles formes d’art néesdans la rue et inventées par les nouvelles généra-tions. Les formes d’expression s’élargissent vers denouvelles libertés. Les lieux et les moyens de pro-duction deviennent plus accessibles. Il faut favori-ser ce circuit positif de la création, de la créativité,de l’innovation et considérer l’essor de nouvelles tech-nologies non comme une maladie mais comme uneo p p o rtunité pour rapprocher les hommes les uns desa u t res. Notre responsabilité est donc d’améliorer lesréseaux, humains et matériels, y compris avec lespays du Centre et de l’Est de l’Europe. Il faut mul-tiplier les projets communs, la coopération, les re n-c o n t res entre créateurs, mettre en place des pro-grammes européens d’échanges favorisant la mobilité.Le multimédia donne la possibilité de créer de nou-veaux produits et donc de nouveaux emplois. Face

«Pour éviter la naissance d’un “quart-monde” culturel, il fautp rocéder à une “alphabétisationtechnologique et culturelle” de masse.»

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se sent menacée, lahaine risque de se pro-p a g e r. L’ o b s e s s i o nrenaissante du parti-cularisme montre que les vraies frontières sont cellesqui traversent les cœurs et les esprits.

Il est donc de notre responsabilité de faire com-p re n d re aux citoyens européens que la disparition descontrôles aux fro n t i è res internes, l’existence d’un mar-ché unique, la mise en commun de nos souveraine-tés nationales, pour réelles qu’elles soient, ne mettentpas en péril leur spécificité identitaire.

Nous partageons le besoin de chaque être humaind’exister de façon spécifique, unique, irremplaçable,pour lui et pour les autres. Mais nous ne sommes pasde ceux qui ne peuvent se différencier que dans lahaine ou le mépris de l’autre, qui a une couleur depeau différente, qui pratique une autre religion, oun’en pratique pas, qui parle une langue différente,qui habite la banlieue voisine. Nous, au PSE, nousc o n s i d é rons que nos diff é rences, vécues dans un sen-timent d’égalité, bâtissent notre force.

Tout en se voulant unique, l’Homme est un ani-mal grégaire. L’identité collective se base sur une expé-rience commune, soit vécue, soit héritée de l’Histoi-re, et transmise par la mémoire collective. Elle peutse comparer à une poupée russe : on est de “la Pailla-de” donc on est de Montpellier, on est de Montpel-lier donc on est Languedocien, on est donc Français( s u rtout si notre pays gagne la Coupe du monde) donc

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Selon l’ «Euro b a ro m è t re» de la Commission euro-péenne, un tiers des européens ont peur que l’inté-gration européenne leur fasse perdre leur identité etcraignent la disparition de leur culture nationale. Laglobalisation, la mondialisation sont devenus desthèmes récurrents de cette fin de siècle. Dans le mêmetemps, la construction européenne se poursuit, abo-lissant la perception des fro n t i è res internes del’Union européenne, donnant l’impression qu’il exis-te des règles européennes décidées on ne sait com-ment, mais s’imposant à tous.

L’Union européenne, en effaçant les marques desdivisions héritées de l’Histoire, a probablement contri-bué à réveiller la peur ancestrale de l’uniformité, dela perte d’identité. Dans l’Union européenne 45 %des personnes déclarent avoir peur de coexister avecdes gens trop différents, 43 % trouvent qu’il y a tropd’étrangers dans leur pays. La spécificité identitaire

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9 - Vers unei d e n t i t é

e u ro p é e n n e ?

«Nous considérons que nos dif f é re n c e s ,vécues dans un sentiment d’égalité,bâtissent notre for c e . »

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“Le débat institutionnel n’a de sens que par rap-port au modèle de société que nous souhaitons”(Rudolf Scharping, Président du PSE). “Les institu-tions sont des instruments pour parvenir à nos objec-tifs de satisfaction des besoins européens” (Wim Kok,Premier ministre néerlandais).

J’ai eu l’occasion de rappeler, en particulier dansle chapitre sur l’emploi, l’importance respective accor-dée par les Leaders du PSE aux diff é rentes questions.Comme l’a déclaré Jean Aselborn, Président du Par-ti Socialiste Ouvrier luxembourgeois : “il ne faut passe focaliser sur les institutions, mais elles sont indis-pensables”.

L’union européenne a besoin d’institutions démo-cratiques et efficaces pour mettre en œuvre ses poli-tiques et faire fonctionner l’Europe élargie du siècleprochain.

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Européen. Cette identité collective est renforcée parles symboles qui la matérialisent : drapeau, hymne,équipes sportives communes.

Face à la mondialisation, les revendications régio-nalistes ont pris de l’ampleur.

L’Union européenne est encore loin du compte, ledrapeau bleu à douze étoiles commence à être connu,l’“Ode à la joie” 3 4 reconnu, mais il ne se fait pas enco-re entendre à l’occasion de victoires et de remises demédailles, ces événements qui forgent le sentiment devivre dans une même Communauté.

L’identité européenne ne peut être donnée paropposition à d’improbables “ennemis héréditaires”,même si le reste du monde nous re p roche parfois d’êtreune “Europe forteresse”.

La construction européenne modifie le rapport entrepouvoir central et périphérie et il faut re d é finir la pla-ce de l’Etat Nation face aux instances supra et infranationales. Nous sommes attachés à la préservation duc a d re national pour le fonctionnement des systèmes dep rotection sociale et de redistribution. Mais les solidaritéspeuvent être également locales et européennes. Et tousces niveaux de solidarité, peuvent donner naissance àdes sentiments identitaires. C’est par cette solidaritéque nous souhaitons créer une identité euro p é e n n e .

Le vrai passeport européen est celui qui trans-cendera nos différences, rassurera assez pour éviterle repli identitaire local, en soulignant la richesse dela diversité et l’intérêt de la transparence. ❖

(34) En 1972,le Comité desMinistres aadopté un hym-ne européen : unarrangementmusical sansparoles du pré-lude de l’ “Odeà la Joie”, de laNeuvième Sym-phonie de Bee-thoven, par Her-bert vonKarajan. L’hym-ne est joué lorsdes cérémonieseuropéennes.

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1 0 - R é f o rm e rles institutionse u ro p é e n n e s

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socialistes, ont réagi très vigoureusement à la pro-position de mettre fin à la règle donnant à chaquepays le droit à un Commissaire européen. LeRoyaume-Uni, quant à lui, était prêt à renoncer à sondeuxième Commissaire auquel ont droit les grandspays, à condition que soit revue la pondération desvoix au sein du Conseil. Sans accord sur la pondé-ration des voix au sein du Conseil, il devient diffici-le de multiplier les décisions se prenant à la majori-té et non plus à l’unanimité.

Or, Costas Simitis (Grèce) et Viktor Klima(Autriche) n’ont pas été contents de la nouvelle pon-dération proposée.

Tout le monde a bien conscience qu’une Europeélargie ne pourra fonctionner que si les décisions seprennent à la majorité et non à l’unanimité . Toutle monde est d’accord pour que cela devienne la règle.Mais tout le monde demande des exceptions. Et quandun tableau résume toutes les exceptions demandéespar les uns et par les autres, force est de constaterqu’il y aurait tellement d’exceptions que le vote majo-ritaire ne serait plus vraiment la règle.

Dans ce qu’on appelle le “ p remier pilier” du Tr a i-té de Maastricht 3 7, c’est-à-dire toute la politique com-mu n a u t a i re habituelle, Massimo D’Alema, Viktor Kli-ma, Lionel Jospin, Wim Kok ont été les plus “en pointe”pour considérer que la liste des sujets nécessitant l’una-nimité était trop longue et pour demander l’élarg i s-sement de la liste des décisions prises par vote majo-r i t a i re, considérant que la règle de l’unanimité ne

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Au cours des trois années de Conférence Inter Gou-vernementale menant au Congrès d’Amsterdam etaujourd’hui puisqu’il faut préparer la suite, le soucia été et reste triple :

• être le plus proche possible du citoyen et doncrespecter scrupuleusement la “subsidiarité” 3 5 (se règleau niveau supérieur que ce qui ne peut être réglé aus-si bien au niveau local), tout en sachant que ce n’estpas sur les questions institutionnelles que nous auro n sl’appui de la population en faveur de l’Union euro-péenne ;

• ne pas avoir de débats sur les mécanismes avantd’avoir un débat sur la substance ;

• conclure à temps pour pouvoir s’occuper de lamise en place de l’Euro à la date prévue.

“La question du fédéralisme n’a pas été tran-chée” accuse Gérard Gru n b e rg 3 6 et beaucoup d’autre s .

Ils ont raison, la question n’a pas été tranchée. LesLeaders du PSE ont même décidé de ne pas la sou-lever mais d’avoir une approche très pragmatique. Etêtre pragmatique, c’est constater que les petits pays,voulant que “le principe d’égalité des pays soit res-pecté”, ont peur d’un “Directoire” des grands paysqu’ils accusent “de ne pas arriver à sortir de leur égoïs-me national à courte vue” et que les grands pays n’ontpas envie de se laisser imposer des décisions par lespetits. C’est dans ce souci qu’a été proposé le systè-me compliqué de “double majorité” introduisant lanotion de “majorité de la population” dans les prisesde décisions du Conseil. C’est dans cet état d’espritque les petits pays, presque tous gouvernés par des

(37) Cf tableaup. 108

(36) GérardGrunberg, Versun socialismeeuropéen ?Hachette, Paris,1997.

(35) Le principede subsidiaritésignifie quel’Union n’agit -sauf dans lesdomaines de sacompétenceexclusive- quelorsque sonaction est plusefficace qu’uneaction entrepriseau niveau natio-nal, régional oulocal. Le Traitéd’Amsterdamconfirme que lasubsidiarité estun principe juri-dique suscep-tible d’êtreinterprété par laCour de justicedes Communau-tés européennes.L’Union euro-péenne peutétendre maisaussi mettre finà ces compé-tences lorsquecelles ci ne sejustifient plus.

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Britanniques pouvaienttomber sur “moinsdisant” qu’eux.

Co n c e rnant le“deuxième pilier” s u rla politique étrangère et de sécurité, j’ai expliqué dansle chapitre consacré à la paix que les socialistes avaientété unanimes pour approuver la mise en place d’uneunité d’analyse permettant une réaction plus rapideen cas de crise et l’intégration au Traité des missionsdites de “Petersberg” (aide humanitaire, maintien dela paix, voire pacification). Les mécanismes de prisesde décision n’ont été que marginalement changés, com-me tout le monde le souhaitait.

Les discussions concernant le “troisième pilier”du Traité de Maastricht (justice, affaires intérieures)ont été des plus intéressantes car très vite a été expri-mé le souhait de passer du domaine strictement inter-gouvernemental au fonctionnement communautaire(Antonio Gutterrès), avec la demande de voir le Par-lement européen et la Cour de Justice européenne jouerun rôle nouveau dans ces domaines. C’est dans cet-te perspective que Costas Simitis, Premier ministregrec, a proposé l’intégration des accords de libre cir-culation de “Schengen” dans le Traité. Ce que PolN y rup Rasmussen, Premier ministre danois considé-rait comme inacceptable. Tony Blair et Robin Cookont expliqué qu’ils ne pouvaient accepter des prisesde décision à la majorité concernant l’immigration etles politiques d’asile. Le Danemark et la Grande-Bre-tagne ont donc choisi un “opt-out” sur cette ques-

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p e rmettait pas d’atteindre les objectifs sociaux-démocrates. Philippe Busquin, Président du Parti bel-ge francophone demandait même la disparition pureet simple du droit de veto. Son homologue fla m a n d ,Louis Tobback, préférait bloquer tout plutôt que d’ac-cepter des avancées insuffisantes dans ce domaine.Comme le soulignait Klaus Hänsch, alors Présidentdu Parlement européen, «il ne sert à rien de fixer dansle Traité de nouveaux buts pour l’Union euro p é e n n e(l’emploi, le social), si on ne lui donne pas les ins-

t ruments nécessaires pour que les décisionssoient prises». Très logiquement, Lionel

Jospin demandait donc le vote à lamajorité pour le social, l’envi-

ronnement et le fiscal. To n yBlair s’est montré d’ac-

c o rd pour passer auvote majoritaire dansc e rtains domaines (pasla fiscalité). De nom-b reux Ministres “desa Gracieuse Majesté”assurant la Présidencesemestrielle de l’Unione u ropéenne ont décou-v e rt que le consensuso b l i g a t o i re re v e n a i tt rop souvent à s’alignersur le diktat de celuiqui veut le moins...etque les conserv a t e u r sbritanniques ayantquitté le pouvoir, les

«De nombreux Ministres, assurant la Présidence de l’UE, ont découvert que le consensus obligatoire revenait t rop souvent à s’aligner sur le diktat de celui qui veut le moins...»

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née aux débats et plus de transparence dans les méca-nismes de décisions. Le Traité d’Amsterdam, aprèscelui de Maastricht, leur apporte satisfaction avec plu-sieurs améliorations concrètes en la matière. La sim-p l i fication des pro c é d u res d’adoption des dire c t i v e se u ropéennes, dont Pol Nyrup Rasmusssen, Pre m i e rM i n i s t re danois, a été l’avocat, va également dans ces e n s .

La particularité de la construction européenne aconduit à un fonctionnement diff é rent de ce qui sepasse au niveau national.

François Mitterrand s’insurgeait quand le carac-t è re démocratique du Conseil était remis en cause ain-si que celui des Conseils des Ministres euro p é e n s ,réunis par spécialité. Il rappelait que les ministre squi décident à Bruxelles détiennent leurs pouvoirsde la volonté majoritaire des électeurs et qu’ils doi-vent re n d re compte devant les parlements nationaux.En fait, à l’image du Danemark, les parlements natio-naux doivent être impliqués davantage dans lesa ff a i res européennes. Cela pose le problème des re l a-tions dans chaque État membre, entre l’exécutif (lesM i n i s t res décident, y compris au niveau euro p é e n )et le législatif (les parlements, censés les contrôler).

Le re n f o rcement du rôle du Parlement euro p é e n ,en particulier par l’extension de la co-décision entrele Conseil et le Parlement, doit beaucoup à la per-suasion de Wim Kok, le Premier ministre néerlan-dais, qui aurait souhaité également un re n f o rc e m e n tdu rôle de la Commission.

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tion, n’empêchant pas les autres d’aller plus loin.

“ La fle x i b i l i t é ne doit pas devenir l’Europe à lac a rte, mais personne ne doit pouvoir bloquer ceuxqui veulent avancer ensemble” (Wim Kok, Pre m i e rm i n i s t re néerlandais). Alors qu’il était encore Pre-mier ministre, Felipe Gonzalez soutenait qu’il fallaitplus de flexibilité dans les institutions, de passere l l e se n t re l’inter gouvernemental et le communautaire ,en particulier dans le troisième pilier. A Costas Simi-tis, très interrogatif et dubitatif, Jacques Poos, Ministrel u x e m b o u rgeois des Aff a i res étrangères, vieux ro u-tier de la diplomatie européenne, expliquait que s’iln’y avait pas de flexibilité dans le Traité, perm e t t a n tdes actions communes, celles-ci se développeraienten dehors du Traité, comme cela s’était déjà pro d u i tpour les Accords de Schengen. Massimo D’Alema vou-lait que des garanties soient données à ceux qui vou-laient re j o i n d re après coup les pionniers de telles outelles actions. A l’image de Viktor Klima, Chance-lier autrichien, tous nos Premiers ministres se sontsatisfaits de la formule “coopération re n f o rcée” re n-due possible par l’»abstention constructive” et quip e rmet de laisser agir ceux qui le souhaitent, sansimpliquer ceux qui ne le veulent pas, tout en ne leurf e rmant pas la port e .

S’est posé également et bien évidemment, le pro-blème du c o n t r ô l e d é m o c r a t i q u e sur les décisionsprises et sur le fonctionnement de l’Union euro p é e n n e ,par exemple l’accroissement des pouvoirs législatifsdu parlement européen. Depuis toujours, nos cama-rades nordiques demandent plus de publicité don-

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“ Am s t e rdam n’estpas la fin du pro c e s s u sde la constru c t i o ne u ropéenne” (PaavoLipponen, Pre m i e rm i n i s t re finlandais).C’est une étape qui améliore le Traité de Maastrichtet prépare les étapes suivantes. Si le Traité d’Am-s t e rdam n’était pas ratifié nous devrions nouscontenter de ce qui existe, c’est-à-dire le Traité deMaastricht. Est-ce cela que souhaitaient ceux qui pro-posaient le refus de ratifier Amsterdam?

Le PSE a porté un jugement positif sur ce Traitéà l’aune de ses critères habituels : place donnée à l’em-ploi, au social, à la spécificité des services publics dansla promotion de la cohésion sociale, à la lutte contreles discriminations, à la sécurité, à la protection dela santé, à la protection des consommateurs et de l’en-vironnement, à la transparence. Les socialistes n’ontpas pour vocation de devenir les ratificateurs honteuxdes Traités européens. Ils ne devraient plus être hon-teux de s’assumer réformistes. Le choix n’est pas entrele Traité d’Amsterdam et une Europe prétendumentidéale. Toute la construction européenne repose surdes avancées généralement jugées insuff i s a n t e s .Même s’il reste beaucoup à faire, pourquoi ne pas seréjouir de ce qui a été obtenu à Amsterdam grâce aupoids des socialistes européens au sein du Conseil ?

Le Traité d’Amsterdam, pour la pre m i è re fois, nonseulement inscrit la lutte pour l’emploi dans les textesfondamentaux de l’Union mais en fait officiellement

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Pour conclure positivement une Conférence InterG o u v e rnementale, il faut l’unanimité des re p r é-sentants des quinze Etats membres qui devro n tensuite faire ratifier cet accord par leurs électeursou leurs représentants. Nous pouvons d’ailleurs nousdemander s’il sera possible, dans le futur, d’avoirl ’ a c c o rd de trente parlements ou de trente référe n-dums pour apporter le moindre changement au Tr a i-té. Comme l’a dit Wim Kok, le Premier ministre néer-landais qui présidait à Amsterdam : “chacun veutson minimum, ce qui implique un compromis maxi-m u m ” .

Le sentiment général final était plutôt unmalaise, le désir de ne pas re v i v re tout de suite ceg e n re de situation, le souhait de changer deméthode préparatoire car tous restent persuadés qu’ilest indispensable de re p re n d re les questions insti-tutionnelles pour perm e t t re l’élargissement.

Comme tous les consensus difficiles à atteindre ,l ’ a c c o rd d’Amsterdam a multiplié les insatisfaits :ceux qui trouvent qu’il va trop loin dans le soi-disantabandon des “souverainetés nationales” et ceux quiauraient voulu aller plus loin dans la mise en com-munauté des politiques.

Nous sommes autant que d’autres défenseurs dela souveraineté nationale, mais notre diff é rence avecles conservateurs, de gauche comme de droite, estque nous croyons à la force du communautaire pourl ’ e x e rcice d’une véritable souveraineté, grâce à lamise en commun de celle-ci.

« N o t re diff é rence avec les conser v a t e u r s ,de gauche comme de droite, est que nous croyons à la force du communautaire pour l’exercice d’une véritable souveraineté.»

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Parler de socialisme européen laisse penser que cet-te notion n’est plus strictement européenne. Lors-qu’après la guerre il fut décidé de recréer l’Interna-tionale Socialiste, tous les partis présents ou presquevenaient de pays européens. Willy Brandt, Pierre Mau-roy, le Chilien Luis Ayala, Secrétaire Général de l’IS,ont beaucoup œuvré pour que l’“Internationale” soitune organisation véritablement mondiale. Mais lasocial-démocratie, le socialisme démocratique,concepts bien connus chez nous, restent des nouveautéssur d’autres continents.

Malheureusement, malgré d’importants progrès,la liberté et le pluralisme politiques ne sont pas enco-re généralisés en Afrique et en Asie. Le système poli-tique des Etats-Unis semble rester largement her-métique aux organisations se réclamant du socialisme.Et pourtant, les Américains font face à des situations

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sa priorité, grâce à la pugnacité des socialistes euro-péens. C’est la victoire travailliste en Grande-Bre t a g n equi permet, également, d’inscrire le protocole socialdans le Traité ainsi qu’une référence aux droits fon-damentaux. Sa clause sur l’anti-discrimination en faitle meilleur traité que les femmes aient jamais eu eny ajoutant la politique d’égalité des chances. La nou-velle assise donnée à la lutte contre l’exclusion socia-le, préparée par les Travaillistes irlandais pendant leurs e m e s t re de présidence, est aussi une de nos victoire s .Les nouvelles possibilités de contrôle de la légalité parla Cour Européenne de justice 3 8 ne peuvent que réjouirles défenseurs des Droits de l’Homme. ❖

(38) La Courest formée de 15juges assistés de9 avocats géné-raux momméspour six ansd’un communaccord par lesEtats membres.Elle vérifie si lesactes des institu-tions euro-péennes et desgouvernementssont compatiblesavec les traitéset se prononce, àla demande d’untribunal d’unEtat membres,sur l’interpréta-tion ou la validi-té du droit com-munautaire. laCour européen-ne de justice estassistée d’unTribunal de pre-mière instancequi gère lecontentieuxadministratifs.

❖ ❖ ❖ ❖ ❖ ❖ ❖ ❖ ❖ ❖ ❖ ❖ ❖ ❖

11-Y a-t-ilun socialisme

e u ro p é e n ?

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Pour transform e rréellement la société, lesdirigeants du PSE ontfait le choix de cet alleret retour perpétuel entre l’idéal et le réel (“aller àl’idéal, compre n d re le réel” disait Jaurès dans son dis-cours à la jeunesse”).

Nous veillons qu’à tout moment les citoyens puis-sent relier ce que nous disons, au niveau du PSE, etce que font nos camarades au Conseil européen, dansles Conseils des Ministres, à la Commission euro p é e n n e ,au Parlement européen.

Au risque de donner un éclairage peut-être tropfrançais, je ne résiste pas à la tentation de retrouver,dans les valeurs fondamentales de la social-démocratiee u ropéenne, toujours valables pour le siècle pro c h a i n ,les racines des principes fondateurs de la Républiquefrançaise : Liberté, Egalité, Fraternité.

Liberté d’abord parce que ce qui a distingué lasocial-démocratie au sein de la Gauche, depuis songrand déchirement des années 20, c’est son attache-ment à ces libertés que d’autres considéraient com-me formelles ou bourgeoises. La social-démocratie atoujours considéré la démocratie comme un élémentconstitutif du socialisme et a toujours pensé que lesocialisme réalisé constituait le point d’aboutissementde la Démocratie. C’est pour cela que la social-démo-cratie s’est intégrée dans les systèmes politiques re p r é-sentatifs, en particulier dans le système parlementaire .Elle a accepté les règles de pluralisme et d’alternan-

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ressemblant beaucoup aux nôtres. Les démocratesaméricains, ou au moins la partie la plus progressis-te d’entre eux, se posent des questions similaires auxnôtres en y apportant parfois des réponses compa-rables.

Les socialistes de l’Union européenne, presque tousen situation de responsabilité gouvern e m e n t a l e ,a ff rontent les mêmes problèmes : chômage, criminalité,attaques contre l’état social. Les réponses qu’ils ya p p o rtent, si elles ne sont pas totalement identiques,marquent généralement, par leur similitude, l’ap-p a rtenance au camp idéologique pro g ressiste marq u épar une Histoire commune, parfois heurtée, et parune identité basée sur la même volonté de chercherl’émancipation de l’Homme et son épanouissement.

Pour ce faire, le socialisme européen a abandon-né sa visée révolutionnaire messianique. Il a renon-cé à remplacer le capitalisme par le socialisme à l’oc-casion d’une rupture brutale.

C’est la fin du rêve d’un “grand soir” suivi de “len-demains qui chantent” qui auraient permis le para-dis sur terre grâce à l’apparition d’un Homme nou-veau bâtissant un monde de paix, de prospérité, dejustice. L’ H i s t o i re a tranché le débat sur les voies pos-sibles vers le socialisme. Les utopies radicales se sonttransformées en cauchemar. Le socialisme européenn’a pas renoncé à la paix, à la prospérité, à la justi-ce mais il a choisi la voie d’un réformisme assumé.S’il est permis d’imiter Kautsky, il est possible de dire:“le PSE est un parti révolutionnaire, il n’est pas unparti qui fait des révolutions”.

«Le socialisme européen a choisi la voied’un réformisme assumé : un aller - re t o u rperpétuel entre l’idéal et le réel.»

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C’est au nom de son combat pour la liberté quela social-démocratie a toujours voulu garantir lesd roits individuels, tel le droit de choisir sa sexua-lité, donc le droit à l’homosexualité, le droit desfemmes à disposer de leur corps, donc le droit àl ’ a v o rtement et le droit à l’égalité.

Pour les mêmes raisons, la laïcité est une desvaleurs traditionnelles de la social-démocratie. Ilne s’agit pas d’un sentiment anti-re l i g i e u x .A u j o u rd’hui personne ne ressent l’incompatibili-té à être croyant et social-démocrate, mais tousc o n s i d è rent que la religion relève du domaine pri-vé et que dans cette sphère privée, ne devant pasd é b o rder sur la vie publique, chacun a le dro i tde pratiquer sa religion ou de n’en pratiquer aucu-n e .

Les pères de l’Europe, majoritairement démo-crates-chrétiens, l’ont voulue laïque.

Les sociaux-démocrates sont choqués par lesa rguments se référant à la défense d’une Euro p echrétienne. Il est facile de percevoir que le chris-tianisme de ces nouveaux croisés exclut les musul-mans et n’inclut pas les “ort h o d o x e s ” .

Les horreurs de la guerre et du totalitarismeainsi que la montée de nouvelles couches salariées,représentées de plus en plus au sein des part i ssociaux-démocrates, ont re n f o rcé l’attachementaux valeurs humanistes et anti-racistes et ontencouragé les aspirations à la libéralisation desmoeurs, l’anti-autoritarisme, la défense de l’en-v i ronnement, la défense des minorités.

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ce, quitte à subir -avec tous les autres partis parti-cipant à ces systèmes- des critiques parfois justifiéescontre les dérives du parlementarisme et au risquede laisser les populistes et les tribuniciens séduire, tem-p o r a i rement, les couches populaires par des réponsessimplistes aux questions complexes.

Dès l’origine du mouvement ouvrier, l’action élec-torale et parlementaire a été considérée par les sociaux-démocrates comme l’un des modes d’action légitimeet même privilégié de l’action politique pour défendre ,par l’action parlementaire, l’amélioration de lacondition ouvrière.

Dans la plupart des pays, cette action s’est faiteen étroite liaison avec le mouvement syndical.

La France fait plutôt fig u re d’exception à côté desp a rtis sociaux-démocrates et travaillistes où il est cou-rant que les leaders syndicaux deviennent parle-mentaires ou ministres.

Il en est résulté une tradition de puissance desgroupes parlementaires qui se retrouve aujourd’huiau groupe parlementaire européen du PSE.

La crédibilité, dans l’organisation d’un système devie démocratique, acquise par la social-démocratielui permet de jouer depuis dix ans un rôle essentielde modèle désirable dans la construction de la démo-cratie en Europe Centrale et Orientale.

Elle lui permet aujourd’hui de parler haut et forten faveur d’une organisation plus démocratique del’Union européenne, avec plus de pouvoirs donnés auxparlements nationaux et au Parlement européen.

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continent américain montre que la leçon a été re t e-nue par d’autre s .

Mais même si l’eff o n d rement du système com-muniste a été interprété comme une condamnationde l’intervention de l’Etat dans l’économie, lessociaux-démocrates ont toujours considéré qu’il étaitde la responsabilité de l’Etat de veiller à ce que l’in-térêt du marché soit tempéré et régulé par l’intérêtgénéral. C’est pourquoi la social-démocratie a tou-jours pratiqué des politiques économiques anti-cycliques, keynésiennes ou néo-keynésiennes consis-tant en une relance économique par la consommationp o p u l a i re permise par la redistribution sociale.

Les sociaux-démocrates d’aujourd’hui ont tiré lesleçons des échecs ou des limites de ces politiquesmenées en Grande Bretagne par James Callaghan, enAllemagne par Helmut Schmidt et en France par Pier-re Mauroy. Dans un marché ouvert, ce sont surtoutles voisins les plus puissants, les plus perf o rmants éco-nomiquement, qui pro fitent de la relance de la consom-mation. C’est pour cela que dans un marché euro-péen, il faut chercher, au niveau européen, par lacoordination économique et budgétaire, les margesde manœuvre disparues au niveau national.

A la politique traditionnelle d’augmentation dela demande, permise par l’augmentation du niveaude vie, s’ajoute une véritable politique de l’off re baséesur la re c h e rche, les innovations technologiques, lare c h e rche d’une grande valeur ajoutée et la com-pétitivité, de façon à ne pas faire peser sur la col-

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Ces valeurs, synthèse entre le droit à la diff é re n c eet l’esprit de communauté, entre l’individualisme etla solidarité, ont permis la conquête électorale desclasses moyennes. La stabilité politique qui en a résul-té a permis à certains partis sociaux-démocrates derester suffisamment au pouvoir pour changer dura-blement les choses.

Le prix à payer pour se maintenir au gouvern e-ment se traduit souvent par la nécessité d’allianceavec d’autres formations politiques, généralementplus à dro i t e .

Les compromis qu’il a fallu, ou qu’il faut enco-re accepter, obligent à gommer la spécificité socia-liste, ce qui entraîne la déception des militants.

C’est ce qui s’est passé avec la construction euro-péenne qui n’a pu se faire qu’en passant des com-p romis avec les démocrates-chrétiens.

Li b e rté économique aussi, au moins depuis leCongrès du SPD à Bad Godesberg en 1959 qui accep-tait l’économie de marc h é .

Tous les partis socialistes, sociaux-démocrates ettravaillistes européens se sont prononcés à la fin desannées 80 en faveur du “marché unique euro p é e n ” .

Ils l’ont fait non par attraction du libéralisme maispar conviction que l’intérêt de leurs peuples, leurp rospérité, passaient par l’octroi de nouvelles pos-sibilités d’expansion aux entreprises européennes, enleur permettant des économies d’échelle.

La création de grands marchés en Asie et sur le

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qu’une troisième voie entre le capitalisme et le com-munisme, une troisième voie entre la loi de la jungleet le totalitarisme.

Egalité ensuite, égalité des chances surtout pourc o rriger les inégalités de naissance car, comme le disaitTony Blair dans sa campagne électorale, : “les tra-vaillistes ont trois priorités : éducation, éducation, édu-cation”. Pour parvenir à cette égalité, les sociaux-démocrates n’ont jamais hésité à préconiser et àappliquer des mesures de discrimination positive. Dansce contexte, je me garderai bien d’oublier de men-tionner la lutte pour l’égalité entre homme et fem-me qui n’a peut-être pas été partout un combat his-torique de la social-démocratie mais qui est en trainde le devenir. L’égalité c’est aussi l’égalité d’accès auxservices publics : éducation, transports, communi-cation, santé etc...

“ Last but not least”, la F r a t e rn i t é qui se concré-tise pour les sociaux- démocrates par l’org a n i s a t i o nde la solidarité. La social-démocratie est la force poli-tique qui, au cours de ce siècle, a inventé et org a n i-sé le “welfare state”, le filet de protection sociale indis-pensable pour institutionnaliser la re d i s t r i b u t i o nsociale. La mise en place s’est faite essentiellement aprèsla seconde guerre mondiale. L’ambitieux système dep rotection sociale réalisé en Grande Bretagne par letravailliste Beveridgeà partir de 1946 a ser-vi de modèle. Un sys-tème de pro t e c t i o nsociale de qualité ain-

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l e c t ivité le poids des déficits des entreprises non ren-tables.

La construction européenne n’est pas la victoiredu libéralisme mais au contraire la construction d’unepage nouvelle, social-démocrate, de l’Histoire et cen’est pas un hasard si Madame Thatcher, symbôle dulibéralisme économique, était farouchement oppo-sée à une construction européenne qui réglemente lemarché.

Les socialistes européens ne se sont pas ralliés aucapitalisme, mais ils ne croient plus que la solutionréside dans la collectivisation des biens de produc-tion. La disparition de la “clause n%4» dans les sta-tuts du Parti travailliste britannique en a été le signele plus spectaculaire. Tout paraissait probablementplus facile aux militants, du temps où il était possiblede dire que tout irait merveilleusement mieux le jouroù la propriété privée n’existerait plus.

Le socialisme européen d’aujourd’hui reconnaîtl’importance des entrepreneurs, n’hésite pas à lesdéfendre contre le capitalisme spéculatif car il veilleau respect de l’intérêt général et à ce que l’économiene soit pas contraire à la morale.

Le socialisme européen n’est pas le libéralisme caril ne perd pas de vue son but final : l’émancipationdes hommes des servitudes qui les empêchent de s’épa-nouir.

C’est en cela que le socialisme européen est plus

« Le socialisme européen est bien plus qu’une troisième voie e n t re le capitalisme et le communisme.»

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d ’ a u t re part, de luttec o n t re la criminalitémenée en dépassantles fro n t i è res dont legrand banditisme semoque bien.

Le socialisme européen et la gauche plurielle aveclui ont gagné presque- partout en Europe parce qu’ilsont su se re n o u v e l e r, répondre aux questions actuellesen privilégiant l’action concrète et pragmatique, sansrester enfermés dans les schémas du siècle passé, sansrien renier de l’Histoire du mouvement ouvrier et deson aspiration à une vie meilleure et plus juste.

Comme l’écrit Michel Dreyfus : “le passage au pou-voir des partis socialistes dans un certain nombre depays européens a permis la mise en oeuvre, de façonincomplète mais effective, d’une partie de leurs idéauxvers une société plus démocratique, plus juste et moinsdure aux plus démunis”.

Na t u rellement, je ne peux partager ni le sentimentde Gérard Grunberg quand il déclare que le “mou-vement socialiste est un acteur ni uni, ni efficace” etqui “manque de projets mobilisateurs”, ni celui deGuillaume Devin 40 qui écrit : “parler des socialistesc o m m u n a u t a i res comme d’une famille politiquehomogène est excessif même si l’Union des PS de laCE cherche naturellement à accréditer l’idée d’un“socialisme européen”.

La vision commune des socialistes européens est

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si qu’une redistribution des revenus assurant pros-périté et égalité caractérisent la social-démocratie scan-dinave.

Comme le souligne Michel Dre y f u s 3 9 : “depuis unsiècle, le socialisme a su œuvrer dans le sens d’uneextension de la protection sociale puis de sa généra-lisation”. Aujourd’hui, dans tous les pays euro p é e n s ,son financement est rendu difficile par le chômage etl’évolution démographique. Comment faire payer auxactifs les pensions des inactifs, chômeurs et re t r a i t és?Comment le faire tout en se débarrassant de l’imagede pression fiscale qui colle à la peau des sociaux-démo-crates ? Pouvons-nous, devons-nous aller vers plus deredistribution ? Comment éviter le démantèlement dusystème sans financer la solidarité par le déficit bud-g é t a i re et donc un endettement déraisonnable quedevraient payer les générations suivantes? Ces ques-tions sont au cœur des préoccupations actuelles de nosg o u v e rnants européens socialistes.

Le socialisme européen est une “force de pro g r è s ”qui pense qu’il n’y a pas de progrès sans solidarité,pas de progrès sans cohésion sociale passant par ladiminution de la pauvreté, de la précarité, de l’ex-clusion, de la paupérisation.

C’est dans ce contexte de refus de la “loi de lajungle” que les socialistes européens défendent le dro i tde chacun de vivre en sécurité, aspiration légitimequi ne peut être satisfaite en flattant le racisme maispar de véritables politiques d’une part, d’intégrationdans la société, de re n f o rcement du lien social et

(40) M.GuillaumeDevin,l’InternationaleSocialiste, FNSP,Paris, 1993.

(39) M. MichelDreyfus,L’Europe dessocialistes,Complexe, Paris,1991.

«Le passage au pouvoir des par t i ssocialistes dans l’UE a permis la mise en œuvre d’une partie de leurs idéauxvers une société plus démocratique, plusjuste et moins dure aux plus démunis.»

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Présentation :Henri Nallet 1

Introduction :Pörtschach, Autriche, 24 octobre 1998 9

1ère Partie : D’abord l’emploi 13

2ème Partie :Hip,Hip,Hip Euro 34

3ème Partie : Une Europe plus grande, plus forte 47

4ème Partie : Promouvoir l’Europe sociale 63

5ème Partie :Assurer un environnement équilibré 71

6ème Partie : La paix ; agir ensemble dans le monde, renforcer la solidarité avec les autres nations 76

7ème Partie : Des droits pour les Européens 89

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de faire de l’Union européenne un grand espace com-mun de souveraineté, de liberté, de sécurité, de pro s-périté, de justice où l’identité de chacun serait res-pectée.

Cela représente bien plus que la somme arithmé-tique de nos pays membres. ❖

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S o m m a i r e

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8ème Partie : Fallait-il commencer par la culture ? 95

9ème Partie :Vers une identité européenne ? 102

10ème Partie : Réformer les institutions européennes 105

11ème Partie : L’Europe des socialistes européens 115