Les moulins au Maghreb musulman médiéval
-
Upload
nejmeddine-hentati -
Category
Documents
-
view
227 -
download
4
Transcript of Les moulins au Maghreb musulman médiéval
Maisonneuve & Larose
Les moulins au Maghreb musulman médiévalAuthor(s): Nejmeddine HentatiSource: Studia Islamica, No. 98/99 (2004), pp. 157-182Published by: Maisonneuve & LaroseStable URL: http://www.jstor.org/stable/20059214 .
Accessed: 21/12/2014 15:52
Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at .http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp
.JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range ofcontent in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new formsof scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected].
.
Maisonneuve & Larose is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Studia Islamica.
http://www.jstor.org
This content downloaded from 128.235.251.160 on Sun, 21 Dec 2014 15:52:14 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions
Studia Isl?mica, 2004
Les moulins au Maghreb musulman
m?di?val
Les donn?es bibliographiques fournies par D. Lohrmann dans ses
r?flexions sur le moulin ? eau, montrent que l'attention des cher
cheurs est focalis?e sur l'empire romain et l'Europe m?di?vale chr?
tienne l. Les ?tudes, ? ce propos relatives ? l'Occident musulman
m?di?val, demeurent rares, mise ? part l'Espagne musulmane sur
laquelle un bon nombre de chercheurs comme Patrice Cressier, Andr?
Bazzana, Thomas Glick, Miquel Barcel et Vincent Lagard?re, ont tra
vaill?. Dans son ?tude, ce dernier a consult? principalement les archi
ves administratives et eccl?siastiques qui datent de la p?riode qui vient
apr?s la Reconqu?te. C'est pour cela qu'il a dispos? d'informations
originales et riches relatives aux moulins en
Espagne musulmane. Il a
consult? ?galement les ouvrages juridiques malikites fournissant des
informations de seconde main. C'est principalement ? partir de ce
genre de source que nous allons d?velopper cette ?tude qui concerne
les moulins destin?s ? moudre les c?r?ales panifiables au Maghreb musulman m?di?val2.
1. Lohrmann, Dietrich, ? L'histoire du moulin ? eau avant et apr?s Marc
Bloch ?, dans Marc Bloch aujourd'hui. Histoire compar?e et sciences sociales,
Paris, 1990, pp. 339-347. 2. Dans son ?tude sur le moulin ? eau au Maroc contemporain, Jeanne Chi
che ?crit que l'histoire de cet instrument ? reste ? faire ? (? Description de
l'hydraulique traditionnelle ?, dans Bouderbala (N.), Chiche (J.), Herzenni
(A.) et Pascon (P.), La question hydraulique. 1. Petite et moyenne hydraulique
au Maroc, Rabat, 1984, pp. 283-306, p. 302. La m?me remarque est valable
pour l'Ifriqiya et le Maghreb central.
157
This content downloaded from 128.235.251.160 on Sun, 21 Dec 2014 15:52:14 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions
Nejmeddine Hentati
Nous parlerons d'abord de la place des questions des moulins dans
les ouvrages juridiques, ainsi que de leur r?partition dans cet ensem
ble g?ographique. Nous ?tudierons ensuite le statut foncier des mou
lins et les pr?judices qu'ils occasionnaient aux voisins; et nous exami
nerons, enfin, la nature des relations entre les meuniers et les usagers
de tels instruments.
La place des moulins dans les ouvrages juridiques malikites et leur r?partition g?ographique
La place des moulins dans ces ouvrages
Dans les deux recensions connues du Muwatta, M?lik b. Anas (m.
179/795) ne parle pas des moulins, bien que quelques rares hadith/s
attribu?s au Proph?te fassent allusion aux moulins ? bras et aux mou
lins ? traction animale. Un nombre tr?s restreint defiatw?/s, consulta
tions juridiques, attribu?es ? M?lik, nous sont parvenues principale ment gr?ce ? la Mudawwana de Sahn?n (m. 240/854)3.
Dans ce recueil juridique, Sahn?n ne consacre pas aux questions
des moulins un chapitre ? part ; en effet ces
questions sont diss?mi
n?es entre les chapitres suivants : chapitre au ju'let de Yij?ra, r?mu
n?ration (T. XI), chapitre de la sharika, soci?t? (T. XII), chapitre de la
qisma, partage et celui de la shufia, pr?emption (T. XIV). Dans sa
Mudawwana, Sahn?n emploie le terme rah?, moulin ; ce dernier y est de deux types ; rah? al-m?, moulin ? eau, et rah? al-daw?b, mou
lin ? traction animale. Dans le trait? de h isba, Ahk?rn al-s?q, de Yahy? b. 'Umar (m. 289/901), nous signalons la pr?sence du terme mith?na,
? cot? de rah?, mais la nature de l'?nergie qui actionne ce moulin n'y est pas d?termin?e 4.
3. ?d. Egypte, 1905. 4. Vincent Lagard?re (? Moulins d'Occident musulman au
Moyen Age
(IXe au XVe si?cle ?) : al-Andalus ?, Al-Qantara, vol. XII, fase. I, 1991, pp. 59
118, p. 61) distingue rah? (moulin ? eau) de tah?na (moulin actionn? par les
b?tes de somme), ce qui est valable pour l'Espagne musulmane. Cette distinc
tion est absente dans Ibn Manz?r (Lis?n al-Arab, Beyrouth, 1998, T. Ill,
pp. 53-54, T. IV, p. 162) et dans Muhammad Hasan (Al-Madna wa al
b?diya bi-Ifi?qiya, Tunis, 1999, T. I, p. 170). D'apr?s l'article de L. Geslin
158
This content downloaded from 128.235.251.160 on Sun, 21 Dec 2014 15:52:14 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions
Les moulins au Maghreb musulman m?di?val
Dans les Naw?dir d'Ibn Ab? Zayd (m. 386/996), c'est le terme
rah? qui pr?valait peut-?tre parce que cet auteur s'est largement docu
ment?, dans son recueil juridique, ? des sources andalouses. C'est vrai
semblablement pour cela qu'il consacre un chapitre aux moulins,
appel? kit?b al-arhiya5. Signalons qu'il encha?ne ce chapitre ? certai
nes questions qui concernent l'eau, ce qui d?note le lien ?troit entre les
questions des moulins et celles de l'eau, surtout si l'on rappelle qu'un certain nombre de moulins au
Maghreb est actionn? par l'eau ; c'est
pour cette raison, semble-t-il, que les questions des moulins, dans al
Bay?n wa al-Tahsild'Ibn Rushd (m. 520/1126) sont diss?min?es ? tra
vers les passages du chapitre des sad?d, barrages et anh?r, cours d'eau 6.
La m?me remarque peut ?tre appliqu?e au Miy?r de Wanshar?s? (m.
914/1508) ; ces questions sont ?parpill?es parmi les passages du chapi tre intitul? baqiyat mas? 'ilal-miy?h, le reste des questions de l'eau 7.
Le chapitre des moulins dans les Naw?dir d'Ibn Abi Zayd, est com
pris entre celui cXal-qad? 'fi nafyi al-darar, la juridiction de l'interdic
tion du dommage, et celui cXal-qad??'fi al-buny?n, juridiction de la
construction, ce qui souligne le lien ?troit entre les moulins et les ques tions urbaines. La m?me remarque est valable pour la Tabs ira d'Ibn
Farh?n (m. 799/1397), puisque ce dernier aborde les questions des
moulins au chapitre XIII relatif au qad? ' bi-nafyi al-darar wa sadd al
(? Le moulin ? main en Afrique du Nord ?, Bulletin de la Soci?t? de G?ogra phie et d'Arch?ologie de la province d'Oran, T. LXII, fase. 216, mars juin 1941,
pp. 1-16) et celui de L. Brunot (? Le moulin ? man?ge ? Rabat-Sal? ?, dans M?morial H. Basset, pub. I.H.E.M. XVII, Paris, 1928, pp. 91-117, p. 107) le
rah?, en Afrique du Nord, signifie moulin ? main. Il est appel? aussi par al M?liki (Ri?d al-Nu?s, ?d. Bashir al-Bakk?sh, Beyrouth, 1983, T. I, p. 483) mathana. Pour l'Orient musulman, voir E. L, 2, X, T?h?n, D. Waines,
pp.123-124.
5. Ibn Ab? Zayd, Naw?dir, Beyrouth, 1999, T. XI, pp. 69-91. 6. Ibn Rushd, al-Bay?n
wa al-Tahs?l, ?d. Ahmad al-Sharq?wi Iqb?l, Beyrouth,
1984, T. X. 7. Wansharisi, Miy?r, Beyrouth, 1981, T. VIII. Dans le J?mV al-Ahk?m de Burzuli (?d. Beyrouth, 2002), ces
questions sont rassembl?es principalement dans les chapitres de l'ij?ra
wa al-akriya
wa nahwah?, r?mun?ration, location
et semblables (T. III, pp. 601-602, 617-618, 638-641), de la qisma, partage et de la shufa, pr?emption (T. V, pp. 30-32, 106-107), et celui des mas? 'ilal
darar wa jaryu al-miy?h
wa al-buny?n, questions des pr?judices
et de
l'?coulement de l'eau et de la construction (T. IV, pp. 419-420, 422-424).
159
This content downloaded from 128.235.251.160 on Sun, 21 Dec 2014 15:52:14 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions
Nejmeddine H ENTATI
dhar?i\ juridiction de l'interdiction du dommage et de la prohibition des pr?textes 8. Elle est ? appliquer aussi ? Y Fan bi-Ahkam al-buny?n d'Ibn al-R?mi (m. 734/1334), bien que ce dernier s?pare entre les pro bl?mes des moulins ? traction animale et ceux des moulins ? eau ; en
effet, il examine ceux-ci dans les derniers chapitres de son livre.
Signalons aussi qu'un grand nombre des probl?mes des moulins
date de la premi?re p?riode relative ? la fondation du malikisme. Ils
sont attribu?s principalement ? Ibn al-Q?sim (m. 191/806), Ibn al
M?jish?n (m. 212/827), 'Isa b. Dinar (m. 212/827), Asbagh b. al
Faraj (m. 225/839), 'Abd al-Malik b. Habib (m. 238/853), Mutarrif
al-Yas?r? et autres, d'ailleurs qui ne sont pas des Ifriqiyens.
Types de moulins et r?partition g?ographique
Types de moulins
Les moulins ?taient diff?rents en fonction de la mati?re qu'ils trans
formaient, soit olive, soit ?pices ou c?r?ales et m?me papier. Ils l'?taient
aussi en fonction des sources d'?nergie par lesquelles ils ?taient actionn?s, ce qui entra?ne une diversit? sur le plan technique. Afin de moudre les
c?r?ales, l'homme a utilis? dans une premi?re phase deux pierres ordinai
res, puis le mortier et pilon, et depuis le n?olithique il a utilis? la meule
plate et le broyeur9. C'est aux deux ou trois si?cles avant notre ?re, qu'ap
paraissent le moulin ? bras ,() et le moulin ? traction animale. Le plus ancien moulin hydraulique a ?t? d?couvert en Asie Mineure ? Cabire
8. Ibn Farh?n, Tabs ira, Egypte, 1884. Cet auteur parle aussi des moulins
dans le chapitre de tadmin al-sunn? \ responsabilisation des artisans (T. II,
pp.244-245). 9. Amouretti, M.-C, ? La diffusion du moulin ? eau dans l'Antiquit?
un pro bl?me mal pos? ?, dans L'eau et les hommes en M?diterran?e, sous la responsa
bilit? d'Andr? de Reparaz, Paris, 1987, pp. 13-23, p. 16 ; Lagard?re, V., art.
cit, p. 61 ; voir aussi P. Racine, ? Du moulin antique au moulin m?di?val ?,
dans P. Galetti et P. Racine (dir.), I mulini nelT Europa m?di?vale, Bologne, 2003, pp. 1-15.
10. Il est possible que cet ?v?nement ait eu lieu en Italie (M. Bloch, ? Av?ne
ment et conqu?te du moulin ? eau ?, Annales d'histoire ?conomique et sociale,
T. VII, 1935, pp. 538-563, p. 538).
160
This content downloaded from 128.235.251.160 on Sun, 21 Dec 2014 15:52:14 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions
Les moulins au Maghreb musulman m?di?val
pr?s du palais de Mithridate ; d'ailleurs, il a ?t? d?crit par Strabon (m. entre 21 et 25 apr. J.-C.) n. M. Bloch estime que l'apparition du moulin
hydraulique a eu lieu en Orient m?diterran?en au Ier si?cle av. J.-C.12. C'est au cours du IVe si?cle apr. J. C, dit-il, que l'usage de ce genre de
moulin s'est ?largi pour conna?tre ? sa v?ritable expansion ? au cours du
Moyen Age 13, th?se de plus en plus contest?e ? la suite des d?couvertes
arch?ologiques r?centes H. ? c?t? de ces types de moulins, on peut citer
le moulin ? vent et le moulin ? mar?e. D'apr?s notre documentation, on
peut distinguer trois types de moulins : -
moulins ? bras, cit?s dans les ouvrages des classes de savants mal
ikites, Tabaq?t\ - moulins ? traction animale, cit?s partiellement dans la Mudaw
wana de Sahn?n (m. 240/854) et dans Xl't?n bi-?hk?m al-buny?n d'Ibn al-R?mi (m. 734/1334). Pour sa part, Ibn al-Shamm?* fournit
des informations int?ressantes concernant leur nombre ? Tunis ?
l'?poque hafside l5 ;
- moulins hydrauliques, largement cit?s dans nos sources juri
diques ? savoir la Mudawwana de Sahn?n, et les Naw?dir d'Ibn Abi
Zayd (m. 386/996). Les ouvrages de g?ographie en parlent ?galement.
La r?partition g?ographique
Les informations relatives ? ce probl?me sont ?quivoques aussi
bien dans les ouvrages juridiques que dans les ouvrages de g?ographie.
D'apr?s ces derniers, les moulins hydrauliques ?taient presque absents
en Ifriqiya, alors qu'ils devenaient plus nombreux ? mesure qu'on
avan?ait vers l'ouest du Maghreb ; et c'est en Espagne musulmane que leur nombre devenait beaucoup plus important.
Al-Bakr? signale que les moulins hydrauliques se localisaient sur les
cours d'eau ? Msila, Mustghan?m, al-Mad?na al-Khadra pr?s de Tanas,
11. M. Bloch, art. cit, p. 541.
12. Art. cit, pp. 538-539.
B.Art, cit, p. 545.
14. Lohrmann (D.), art. cit, pp. 340-343.
15. Ibn al-Shamm?', Al-Adillaal-Bayina, ?d. T?hir al-Mam?ri, Tunis-Tripoli,
1984, p. 91.
161
This content downloaded from 128.235.251.160 on Sun, 21 Dec 2014 15:52:14 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions
Nejmeddine Hentati
la ville de Fakk?n 16 ?Tlemcen et la ville d'Oran 17. Il pr?cise aussi que des Taw?hin ma 'iya, moulins ? eau existaient pr?s de Mitidja ; sur ce
point, il s'accorde avec al-Muqaddasi. Il rappelle aussi, suivi par al
Idris?, que des moulins ? eau ?taient pr?sents dans les deux villes de
Tlemcen et de Miliy?na 18.
Au Maghreb extr?me, le nombre de ce type de moulins augmente ; on les trouve m?me dans les villages comme Baly?nish qualifi? par al
Bakri de ? grand village ?, pr?s de Tanger ,9, et dans la ville de Nak
k?r 20. On les trouve aussi, d'apr?s al-Idrisi, ? Mikn?sa et ? Aghm?t21.
Pourtant, F?s demeurait la ville la plus connue par ses moulins hydrau
liques ; al-Muqaddasi, ainsi qu'al-Bakri, en
parlent22, alors qu al-Idrisi
pr?cise que les moulins ? F?s ?taient nombreux et qu'on y moulait le
froment moyennant un prix non ?lev? (bit? thaman lahu khatar)23. Pour sa part, al-Jazinn?'i, estime que le nombre de moulins hydrau
liques dans cette ville s'?levait ? 472 aux environs de 585/1189 24, alors
qu'ils ?taient au nombre de 103 ou plus ? Ceuta au XVe si?cle 25.
16. D'apr?s al-Idris?, il s'agit de Afk?n {Al-Maghrib al-Arabi min Nuzhat al-Mush
t?q, ?d. Muhammad H?jj S?diq, Alger, 1983, p. 103). 17. Pour Oran, voir aussi al-Istibs?r, ?d. Sa'd Zaghl?l Abd al-Hamid, Bagdad, 1986, p. 134.
18. Dans Tlstibs?r (p. 130), il est dit que sur un grand oued, pr?s de Bougie, des
naw? tr (pour l'irrigation) ?taient implant?es. 19. Al-Bakri, Al-Mas?lik wa-1-Mam?lik, ?d. A P Van Leeuwen et Andr? Ferr?,
Tunis, 1992, T. II, p. 783. J. Chiche (art. cit, pp. 297, 302) signale la pr?sence jus
qu'? nos jours d'un certain nombre de moulins ? eau dans les r?gions du Rif, du
Moyen Adas et du Haut Adas.
20. Al-Bakri, Al-Mas?lik, T. II, p. 764.
21. Al-Idrisi, Al-Maghrib, pp. 82, 96.
22. Al-Muqaddasi, Ah san al-laq?slm, ?d., M. J. De Goeje, Brill, Leiden, 1906, p. 229.
23. Al-Idrisi, Al-Maghrib, p. 94. Rappelons ici que rah? ? F?s, comme en
Espagne musulmane, d?signait moulin ? eau (L. Brunot, art. cit, p. 107).
24. Al-Jazinn?'i, fanyu zahrat al-as, ?d. Abd al-Wah?b Mans?r, Rabat, 1967,
p. 44. Cette information est absente dans l'?dition de Madiha al-Sharq?wi
(Egypte, 2001, p. 80). Cette ?dition, ? vocation commerciale, est pleine d'er
reurs (voir par exemple p. 68 o? l'?ditrice ?crit arj? ? la place de arh?, ou al
khatab ? la place d'al-hatab). En outre, elle ne cite pas les ?ditions qui ont
pr?c?d? la sienne, sans parler de l'absence d'index et de bibliographie. Signa
lons d'un autre c?t?, qu'Ibn Abi Zar* (Al-An?s al-Mutrib, Rabat, 1972, p. 48)
qui ?crit aux environs de 726/1325, avance le m?me chiffre propos? par al
Jazinn?'?, tout en pr?cisant qu'il concerne seulement les moulins intra-muros.
25. Lagard?re, V., art. cit, p. 102.
162
This content downloaded from 128.235.251.160 on Sun, 21 Dec 2014 15:52:14 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions
Les moulins au Maghreb musulman m?di?val
Les ouvrages de g?ographie, d'al-Muqaddas?, d'al-Bakri et d'al
Idr?si, nous permettent de constater que les moulins hydrauliques sont
absents en Ifriqiya. Cette constatation est en partie confirm?e par les
ouvrages des classes de savants malikites. Ces ouvrages renferment des
allusions aux moulins ? bras. Al-M?liki rapporte que l'?pouse d'Ab?
al-Ahwas (m. 284/897), l'asc?te de Sousse, moulait avec la math ana26.
Ibn N?j? rapporte ?galement que Ar?s al-Mu'adhdhin (m. 307/919) ? moulait au bras ?, en signe de modestie 27. Pour l'?poque hafside,
Adorne et L?on l'Africain signalent l'importance de la pr?sence des
moulins actionn?s par la force animale ? Tunis 28. D'ailleurs, ce der
nier ?tait plus explicite ; il affirme qu'il n'existait pas de moulin
hydraulique ni ? l'int?rieur de Tunis ni ? l'ext?rieur29. Les sources juri
diques confirment, du moins en partie,
cette observation, puisque la
plupart des consultations juridiques relatives aux moulins en Ifriqiya, concernent ceux
qui ?taient ? traction animale 30.
Mais les nombreuses questions pos?es par Sahn?n ? Ibn al-Q?sim (m. 191/806), dans la Mudawwana concernant les moulins hydrau
liques 31, nous incitent ? nuancer, du moins en partie,
cette observation.
26. Al-M?liki, Riy?d, T. I, p. 483 ; Q?di lyad, Tartib al-Mad?rik, ?d. Ahmad
Bakir, Beyrouth-Tripoli, 1967, T. Ill, p. 265. 27. Ibn N?ji, Ma?lim al-?man, ?d. Muhammad M?d?r, Tunis, 1993, T. Ill,
p. 3. Dans les ouvrages des classes de savants malikites, des allusions sont faites
au mihr?s, mortier destin? au III7IXe si?cle au broyage des ?pices (Al-M?l?k,
Riy?d, T. I, p. 429). Al-M?liki rapporte aussi que H?shim b. Masr?r (m. 307/919) a vendu un mortier pour environ trois dinars (Riy?d, T. II, p. 149). 28. Brunschvig, R? La Berb?rie orientale sous les Hafiides des origines ? la fin du XV si?cle, Paris, 1940-1947, T. II, p. 209. Le nombre de ce type de mou
lin en cette ville a atteint au d?but du Vnr/XTV* si?cle environ 120, ils mou
laient 400 qafizls de bl? par jour (Ibn al-Shamm?\ Al-Adilla, p. 91). Signa lons que le qafiz ?quivalait, ? Tunis aux environs de 1330 apr?s J.-C, ? 16
way bal s soit au total 201,877 litres (Walter Hinz, Al-makay?l wa al-awz?n al
isl?miya, trad. K?mil al-Asli, Amman, 1970, p. 68). D'apr?s Adorne, le nombre de moulins avait augment? ; il atteignait
au DC/XV* si?cle 200, puis il
a chut? de moiti? lors de la conqu?te espagnole (Muhammad Hasan, Al
Madina, T. I, p. 170, note 2).
29. AI-Hasan al-Wazz?n (L?on l'Africain), Wasf Ifriqiya, trad. Muhammad
Hajj? et Muhammad al-Akhdar, Beyrouth, 1983, 2e ?d., T. II, p. 76.
30. Voir par exemple Ibn al-R?m?, Al-H?n bi-ahk?m al-buny?n, ?d. Farid
b. Sl?man, Tunis, 1999, pp. 63,231, 233-240 ; Wansharisi, Mi y?r, T. IX, p. 9. 31. Mudawwana, T. XI, pp. 415, 471, T. XIV, p. 432.
163
This content downloaded from 128.235.251.160 on Sun, 21 Dec 2014 15:52:14 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions
Nejmeddine Hentati
Ajoutons ? cela, qu'au moins deux consultations attribu?es ? Sah
n?n, concernent ce type de moulins. La premi?re touche ? un diff?rend
qui a oppos? ceux qui charriaient le bois par voie fluviale ? ceux qui
poss?daient des barrages am?nag?s aux moulins sur les cours d'eau.
Sahn?n donne raison aux propri?taires de bois, m?me si l'am?nage
ment des barrages avait ?t?
plus ancien 32. La seconde traite d'un
contrat relatif ? l'?tablissement d'une soci?t? entre deux tiers, portant
sur un moulin ? eau. Sahn?n proc?de au
qiy?s, raisonnement par ana
logie, quand il compare ce genre de soci?t? ? la soci?t? mugh?rasa, bail
? complant33. Son disciple Muhammad b. Abd?s (m, 260/873) s'est
int?ress? ?galement, dans sa Majmua, ? des questions relatives ? ce type de moulins, qu'Ibn Ab? Zayd rapporte dans ses Naw?dir^. Ibn al
R?m? en parle aussi, mais bri?vement, tout en
compilant g?n?ralement
des textes anciens, du genre Naw?dir et autres sources andalouses.
Mais les deux informations explicites et directes qui attestent la
pr?sence de moulins hydrauliques en Ifriqiya sont rapport?es par l'au
teur anonyme de XIstibs?r et par al-Tij?ni (m. apr. 717/1317) dans sa
Rihla. L'auteur de ITstibs?moxxs informe que l'eau des sources ? Gafsa
actionne un grand nombre de moulins ; il note aussi la pr?sence de
moulins hydrauliques ? Sbiba 35. Quant ? al-Tij?n?, il note que plu sieurs moulins ? sont implant?s sur l'eau ? ? Tozeur ; il parle ?gale
ment de moulins sur le cours inf?rieur de l'oued Mezessar pr?s de
Gab?s 3f\
Toutes ces donn?es nous permettent d'enregistrer la pr?sence de
moulins hydrauliques au sud de l'Ifriqiya. Alors qu'on ne dispose pas
32. Wanshar?si, Miy?r, T. IX, p. 52, voir aussi Ibn Rushd, (Bay?n, T. X,
pp. 289-291) o? l'on pourrait peut-?tre percevoir chez Sahn?n une opinion
personnelle relative ? une question de moulin hydraulique. 33. Naw?dir, T. VII, p. 400.
34. T. XI, pp. 69-70.
35. Al-Istibs?r, pp. 152, 161.
36. Al-Tij?ni, Rihla, ?d. H.H. Abd al-Wah?b, Lybie-Tunisie, 1981, pp. 133, 157 ; Brunschvig, R., Hafiides, T. II, p. 20. Al-Tij?ni rappelle que le lieu o? se trouvaient ces moulins s'appelait Taw?hin Mjassar, ce qui veut dire qu'il existe un lien entre les moulins hydrauliques
et la toponymie. D'ailleurs ce
ph?nom?ne est d?j? d?montr? par S. Aguad? Nieto quand il a ?tudi? la r?gion de Cuenca en
Espagne musulmane ; il s'y trouvait 121 toponymes en relation
avec la nature des moulins qui s y pr?sentaient (V. Lagard?re,
art. cit?, p. 74).
164
This content downloaded from 128.235.251.160 on Sun, 21 Dec 2014 15:52:14 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions
Les moulins au Maghreb musulman m?di?val
d'informations concernant les r?gions du nord et du centre, au moins
depuis le VT/xir si?cle.
Une question s'impose : peut-on appliquer
cette r?partition rela
tive ? rifriqiya du bas Moyen ?ge, ? l'Ifriqiya du haut Moyen ?ge, surtout si l'on tient compte de l'importance du nombre de la popula tion ? Kairouan durant cette p?riode, et si l'on tient aussi compte de
la pr?sence de tels instruments au nord de l'Afrique pr?islamique ?37
Il va sans dire que les Kairouanais employaient au haut Moyen ?ge les moulins ? bras ainsi que les moulins ? traction animale. Quant aux
moulins hydrauliques, il est difficile de supposer qu'ils existaient ?
Kairouan ou ? ses environs. La fatw? rapport?e dans les Naw?dir
d'Ibn Ab? Zayd (m 386/996), qui ?voque une question relative ? des
moulins implant?s sur des cours d'eau ? ?coulement intermittent,
puisqu'il est dit que l'eau s'est absorb?e nadaba al-m? * waqta nud?
bihiy et puisqu'on parle aussi de rah? shitwiya, moulin hivernal, ne
suffit pas pour parler de la pr?sence de moulins hydrauliques ? Kai
rouan 38. D'un autre c?t?, al-Bakr? fait allusion aux taw?hin ?risiya, moulins perses ? Monastir39. Si l'on identifie ces taw?hin aux mou
lins ? vent, puisque la d?couverte de ce genre de moulin a eu lieu,
semble-t-il, ? la Perse musulmane 40, on peut d?duire qu'ils ?taient en
usage en Ifriqiya du haut Moyen ?ge. On peut appuyer cette d?duc
tion en rappelant que le vent r?gne d'une fa?on continue sur tout le
littoral de l'Ifriqiya41, et que les c?tes de l'Espagne musulmane, notamment entre Gibraltar et Tarragone, ?taient jalonn?es de ce type
37. La pr?sence de moulins ? eau sur le pont Chemtou au nord ouest de la
Tunisie est attest?e par les arch?ologues. Ils ont ?t? d?truits par un tremble
ment de terre avant 350 apr?s J.-C. (D. Lorhmann, art. cit, p. 342).
38. Naw?dir, T. XI, p. 79 ; Burzul?, f?mi, T. III, p. 640. 39. Al-Bakr?, Mos?lik, T. II, p. 692. 40. E. L 2, X, T?h?n, D. Waines, p. 124. De leur c?t?, Ahmad Y. ai-Hassan
et Donald R. Hill {Sciences et techniques en Islam, Paris, 1991, p. 212) parlent de la pr?sence de moulins ? vent au Sist?n, en Iran, depuis le milieu du Iir/lX* si?cle. Cette donn?e nous permet vraisemblablement de nuancer la
th?se de L. Geslin (art. cit, p. 12) qui attribue la d?couverte de ce genre de moulin ? la culture ? occidentalo?de ?.
41. R. Gagey, ? Les moulins ? vent leur travail- leurs applications
en Tuni
sie ?, brochure sans nom de lieu, s. d., pp. 1-32, p. 1.
165
This content downloaded from 128.235.251.160 on Sun, 21 Dec 2014 15:52:14 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions
Nejmeddine Hentati
de moulin 42. Leur pr?sence sur ces c?tes n'emp?chait pas, ? notre sens,
leur existence en Ifriqiya
surtout qu'ils ?taient d'origine orientale 43.
Statut foncier des moulins et pr?judices occasionn?s aux
voisins
Statut foncier
D'apr?s les ouvrages juridiques, les propri?taires des moulins au
Maghreb musulman m?di?val appartenaient ? des cat?gories sociales
vari?es : riches, classe moyenne, paysans et parfois des collectivit?s vil
lageoises 44. Ce ph?nom?ne est d?j? d?montr? par V. Lagard?re quant ?
l'Espagne musulmane et par J. Chiche quant au Maroc contempo
rain. Le moulin pouvait ?tre pris en
possession comme tout bien
foncier : on peut l'affermer, le habousser 45, le partager parfois entre
des associ?s ou des h?ritiers 46, ou m?me le donner en dot47.
42. V. Lagard?re, art. cit, pp. 61, 101.
43. D'apr?s M. Bloch (art. cit, p. 549), ce type de moulin a ?t? probablement
emprunt? par l'Occident au monde arabe vers la fin du XIIe si?cle.
44. Pour la propri?t? de moulin par une communaut? villageoise, voir par
exemple Naw?dir, T. XI, p. 79.
45. Naw?dir, T XI, p. 87 ; Wanshar?s?, Miy?r, T. VIII, p. 294. A Oman, on
parle de waqfal-rah?, biens de mainmorte d?pendant du moulin. Gr?ce aux
revenus de ce waqfi
on peut implanter un moulin et payer les salaires des
ouvriers qui s'en occupent. Ce sont les pauvres en particulier qui y moulent
gratuitement leurs c?r?ales. Le sel qu'on met aux c?r?ales pendant la mouture
afin qu'elles ne soient pas attaqu?es par la teigne, est aussi servi gratuitement
(S?lim b. Sal?m al-Jh?fi, ,Al-athar al-had?ri li-al-waqf bi-Saltanat 'Um?n,
m?moire de magist?re (dactylographi?), sous la direction de Anas All?n?, Universit? al-Zayt?na, Tunis, 2003-2004, p. 44).
46. Ashhab b. Abd al-Aziz (m. 204/819) estime qu'il est possible de partager le moulin entre les h?ritiers suivant ce
qu'ils se sont convenus (Naw?dir,
T. XI, p. 228), alors qu'Ibn al-Q?sim (m. 191/806) parle de la possibilit? du
partage des manasib (plur. de mans ab) al-arh?', assises ou socles des moulins
[Naw?dir, T. XI, p. 78 ; voir aussi Burzuli, fam?, T V, pp. 32, 106).
47. Mudawwana, T XI, pp. 414, 432 ; Naw?dir, T. XI, p. 87 ; Ibn Salm?n,
Al-'Iqdal-Munazzam, Egypte, 1884, T I, pp. 281-282 ; Wanshar?s?, Miy?r, T VIII, p. 294, T. IX, p. 52 ; voir aussi V. Lagard?re, art. cit, p. 117.
166
This content downloaded from 128.235.251.160 on Sun, 21 Dec 2014 15:52:14 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions
Les moulins au Maghreb musulman m?di?val
Ces donn?es relatives au Maghreb prouvent l'inexistence de bana
lit?s seigneuriales quant ? l'exploitation des moulins, contrairement ?
l'Europe f?odale48. Elles ont permis ?galement aux diff?rents types de
moulins au Maghreb musulman de coexister et de persister jusqu'? une p?riode assez proche : moulin ? bras, moulin ? traction animale,
moulin hydraulique, moulin ? vent et autres, ce qui d?note un autre
point de diff?rence avec la soci?t? f?odale europ?enne. M. Bloch cons
tate, en effet, que les seigneurs f?odaux ont interdit ? leurs m?tayers
d'employer des moulins particuliers, y compris le moulin ? bras, pour les obliger ? employer les moulins seigneuriaux. Ce ph?nom?ne a
contribu? ? la disparition de certaines cat?gories de moulins en
Europe49.
Les ouvrages juridiques renferment aussi des exemples d'?tablisse
ment d'associations relatives ? des moulins hydrauliques. Mais la
question qui a fait ? couler tant d'encre ?, dans ce domaine, concerne
le moulin en association d?fectueux, tout particuli?rement lorsque l'un des associ?s refuse de contribuer ? sa restauration. Les malikites
divergent50 quant ? la r?partition de ses revenus une fois que l'un des
associ?s s'?tait charg? de sa restauration. En traitant cette
question,
Ibn al-Q?sim (m. 191/806) fait appel au qiy?s, raisonnement par ana
logie ; il la compare ? celle du puits, qui ?tant en association, conna?t
un tarissement des eaux 51.
Ce type d'association concerne aussi les moulins ? traction ani
male. Sahn?n (m. 240/854) interroge Ibn al-Q?sim sur une associa
tion entre trois tiers : ? je poss?de bayt al-rah?, la salle du moulin,
48. Cette th?se est d?j? d?montr?e par V. Lagard?re quand il parle de l'Espa gne musulmane (art. cit, p. 60). Rappelons aussi que M. Bloch signale qu'?
partir du Xe si?cle, un grand nombre de seigneurs ?taient parvenus ? instituer
? leur profit certains monopoles dont celui du moulin (art. cit, p. 554).
49. M. Bloch, art. cit., pp. 551, 554, 555 ; Amouretti, art. cit, pp. 19-21.
50. ? titre d'exemple, voir al-Kalbi, al-Qaw?mn al-Fiqhiya, Beyrouth, 1984,
p. 332) o? il ?nonce qu'Ibn al-Q?sim et Ibn al-M?jish?n divergent sur ce
point. Concernant Ibn al-Q?sim, voir aussi Naw?dir, T. XI, p. 86.
51. Naw?dir, T. XI, p. 85 ; Ibn al-R?mi, Tl?n, p. 233. De son c?t?, Ibn al
M?jish?n compare cette question ? celle de la maison en copropri?t? et
qui est en ?tat d'?croulement.
167
This content downloaded from 128.235.251.160 on Sun, 21 Dec 2014 15:52:14 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions
Nejmeddine Hentati
mon copain poss?de le moulin, et le baghl, mule 52 appartient ? un
autre ?. Cette question d?voile les ?l?ments constitutifs d'un moulin
? traction animale. Ceux du moulin ? bras, d'apr?s al-M?lik?, sontjild al-rah?, peau de l'animal sur lequel on d?pose le moulin et autres ;
alors que ceux du moulin hydraulique, d'apr?s les sources juridiques, sont mawd? al-rah?, l'emplacement du moulin ou son assise d'apr?s
V. Lagard?re ; mansab al-rah?, ou
q? 'at al-rah?, assise ou socle du
moulin 53 ; le h ajar, meule meuni?re ; les anq?d (sing, naqd) ? savoir
le khashab, planche et pieux ; le bayt, salle abritant le moulin ; al-sadd,
barrage ; les man?hib, aubes ou palettes de la roue sur
lesquelles l'eau
retombe pour actionner la roue qui
transmet son mouvement aux
meules ? grain ; al-dul?b, roue
hydraulique ; 'ayn al-t?h?na, trou cen
tral de la meule 54 ; al-ghuns ou q?d?s al-tahn 55, tr?mie 56 ; le minq?sh,
52. Il est appel? aussi dans la Mudawwana (T. XI, p. 414, T. XII, p. 45) d?bbat al-rah?, la b?te de somme du moulin ; voir aussi T XI, p. 471 o? est ?voqu?e la question de la location de la b?te de somme
pendant un mois afin de mou
dre du bl?. Ibn al-Q?sim opte pour ne pas d?terminer, dans le contrat de loca
tion, la quantit? de bl? ? moudre par jour, ce
qui d?note l'exploitation ? fond
de la b?te. D'ailleurs, Ibn al-Ikhwa (Ma a lim al-Qurba, ?d. Muhammad Mah
mud Sha'b?n et Siddiq Ahmad al-Mati'i, Egypte, 1976, p. 152) rappelle qu'il est recommand? aux muletiers de laisser leurs b?tes se reposer chaque jour ; elles
ne doivent pas moudre plus d'un quart de wayba sans se reposer (wayba ?qui
valait en Egypte
aux XJV^-XV* si?cles, ? 15 litres, W. Hinz, al-Mak??l, p. 80).
53. D'apr?s la '
Utbiya, il n'y a pas de distinction entre mansab al-rah? et
q? 'at
al-rah? (Wanshar?s?, Miy?r, T. VI, p. 211). Mais cette distinction existe dans
Naw?dir, T XI, p. 70 et dans Kit?b al-Wath? 'iq de Ibn al-Atta r, ?d. P. Chal
meta et E Corriente, Madrid, 1983, p. 201.
54. Abu S?lih (m. 302/914) a ?t? interrog? ? propos d'une souris qui est tom b?e dans
' ayn rah? al-ma, trou central de la meule du moulin hydraulique,
et qui
a ?t? broy?e dans la farine, peut-on manger cette derni?re ? Abu S?lih
lie sa r?ponse ? la quantit? de farine moulue ; ainsi si elle est
grande on peut
en manger (Wansharis?, Miy?r, T. I, p. 12), voir aussi p. 18, et voir Ibn Sah
n?n (Ajwiba, ?d. Hamid al-Alwin?, Tunis, 2000, p. 295) o? a ?t? soulev?e la
question du p?trissage de la farine dans une eau o? une souris est tomb?e.
55. Ibn al-Ikhwa (Maalim al-Qurba, p. 153) recommande de ne pas m?lan
ger les grains d'un client avec ceux d'un autre dans q?d?s al-tahn, jusqu'? ce
que le meunier d?gage ceux du premier. Il doit aussi balayer ? l'aide d'une
miknasa le grain (ou la farine) qui se trouve autour de la meule, afin que les
biens des hommes ne se m?lent pas.
56. Les tr?mies des moulins ? eau au Maroc contemporain sont faites en
m?tal, bois ou vannerie (doum ou alfa) (J. Chiche, art. cit, p. 287).
168
This content downloaded from 128.235.251.160 on Sun, 21 Dec 2014 15:52:14 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions
Les moulins au Maghreb musulman m?di?val
lime par lequel on repolit la meule us?e 57; mahattu w? rid al-rah? ou
istabU ?curie, destin?e au stationnement des b?tes des clients et autres.
'Abd al-Malik b. Habib (m. 238/852) ?num?re d'autres ?l?ments, dont la restauration est aux frais du locataire du moulin 58 : le shahm,
suif, le maghzal et le musht60.
Le mawdt al-rah?, emplacement, recouvre une
grande impor
tance lorsqu'on implante un moulin hydraulique. Il doit offrir les
conditions favorables ? la construction des barrages. Cette entreprise ne pouvait ?tre situ?e ?
qu'en des lieux de grande profondeur ou pro ches de ponts et de gu?s
? 61. Pour d?montrer l'importance de l'em
placement du moulin, nous rappelons qu'une fiatw? ?voque une asso
ciation entre un tiers qui a offert mawdt al-rah? et un autre qui y a
implant? un moulin, sachant que le deuxi?me a eu, en
contrepartie,
droit au revenu du moulin durant seulement un jour
et une nuit par
semaine. L'effet de cette association a perdur? pendant
une trentaine
d'ann?es 62.
57. D'apr?s Abd al-Malik b. Habib (m. 238/852), c'est al-mutaaraf,\e consa
cr? par un long usage, qui d?termine celui qui doit se
charger des frais de repo
lissage de la meule du moulin afferm?, sinon cette charge incombe au
propri? taire du moulin (Burzuli, f?m?, T. III, p. 640). 58. Puisque leur valeur est d?risoire ne
d?passant pas deux ou trois dirham/s
(Burzuli, f?m?, T. III, p. 640, T. V, p. 106). 59. Vis de pressoir, d'apr?s Dozy (Suppl?ment
aux dictionnaires arabes, Bey routh, 1981, T. II, p. 212) ou fer de meule, d'apr?s L. Brunot (art. cit, p. 112).
En traitant de la noria ? traction animale, Abd al-Hakim al-Gafs? parle de
maghzal w?qif, traverse verticale et de maghzal r?qid,
traverse horizontale (? Al
N?ura bi-T?nis?, dans Al-Naq?'ish wa al-kit?b?t al-qaatma fi al-watan al
Arabi, Tunis, AJesco, 1988, pp. 201-218, p. 207). 60. Dent dans une roue, d'apr?s Dozy (Suppl?ment, T. II, p. 602) et L. Brunot (art.
cit, p. 115). Terme hispano-marocain, il correspond ? dams en Tunisie et en Egypte
et d?signe, d'apr?s A al-Gafsi, l'?peron dans la roue verticale de la noria qui
actionne la traverse horizontale et de l? la roue verticale (art. cit, pp. 207, 214). 61. V. Lagard?re,
art. cit, p. 99. Les ouvrages juridiques nous informent ?gale
ment qu'on proc?de parfois
au creusement d'une s?qiya ou
qan?t, canal, sur
lequel on implante un moulin (Naw?dir, T. XI, pp. 90, 115 ; Wansharis?,
Miy?r, T. VIII, p. 407). 62. Ibn al-Q?sim s'oppose ? ce type d'association (Naw?dir, T. XI, pp. 83-84,
86 ; Ibn Rushd, Bay?n, T. X, pp.289-290). C'est pour cela, peut-?tre, que Abu
S?lih (m. 302/914) s'oppose ? ce que les associ?s se partagent les revenus du
moulin suivant le nombre de jours (Wansharis?, Miy?r, T. VIII, p. 294 ; Bur
zuli, f?m?, T. V, pp. 30-31).
169
This content downloaded from 128.235.251.160 on Sun, 21 Dec 2014 15:52:14 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions
Nejmeddine Hentati
Les malikites divergent ? propos de la mise en propri?t? de la val
l?e du cours d'eau en cas de dess?chement. Si 'Isa b. Dinar (m.
212/827), comme Ibn al-M?jish?n, voit qu'il est possible au riverain
de s'en approprier, Sahn?n prend la vall?e pour un terrain qui n'a pas
de propri?taire (maw?i), et dont le statut ressemble ? celui de la rue,
pour dire qu'on
ne peut pas la prendre en
possession 63.
D'apr?s certains juristes, le moulin hydraulique n'est pas concern?
par le principe de pr?emption. Afin de justifier ce point de vue, Ibn
al-Q?sim (m. 191/806) voit que le moulin ne fait pas partie des cons
tructions, on le prend plut?t pour un hajar mulq? fi al-d?r, pierre (meule) d?pos?e dans la maison 64. Cette justification nous donne id?e
sur la simplicit? de ce type de moulin au ir/viir si?cle, ce qui nous
permet de supposer qu'il ?tait muni d'une roue horizontale. Il est pos
sible que ce moulin se soit transform? ult?rieurement, notamment en
Espagne musulmane et au Maroc, pour ?tre approvisionn? d'une roue
verticale65. Q?d? 'Iy?d (m. 544/1149) parle de grosses sommes d'ar
gent d?pens?es afin de construire des moulins 66, alors que l'une des
63. Naw?dir, T. XI, p. 71 ; Ibn Rushd, Bay?n, T X, pp. 285-286 ; Ibn al
R?mi, Vlan, pp. 228-229, 237. Lors de la constitution d'une association qui concerne un moulin hydraulique, d'autres juristes distinguent ?galement le
cours d'eau qu'on peut poss?der de celui qu'on ne peut pas poss?der (Ibn al
R?mi, Tl?n, p. 235). D'autres encore distinguent le cours d'eau ma'm?n, celui
? qui l'on se fie, du cours d'eau ghayr ma'm?n, auquel on ne se fie pas. Le pre
mier fait partie des anh?r sigh?r, petits cours d'eau du genre canal. Le mou
lin implant? au-dessus de ce dernier est mamun-, sa prescription,
en cas de
pr?emption ou de location, ne diff?re donc pas de celle des propri?t?s fonci?
res du genre ard?n, terres et dur, maisons ; il est possible par exemple de sti
puler la condition de payer le loyer en avance, en cas de location. Ceci,
contrairement au moulin implant? sur les anh?r kib?r, grands
cours d'eau
(Burzuli, J?rni', T III, p. 641, T. V, p. 107).
64. Mudawwana, T. XIV, p. 432 ; voir aussi Burzuli (J?mi, T. V, pp. 106
107) o? le moulin ? eau est compar? au shajar mulq?, arbres d?pos?s.
65. M. Bloch (art. cit, p. 544) pr?cise que la roue horizontale est plus rudi
mentaire que la roue verticale.
66. Wanshar?s?, Miy?r, T. VIII, p. 389, voir aussi Naw?dir, T. XI, p. 80. On
nous informe, d'un autre c?t?, qu'Ab? al-Fadl b. al-Sams?r al-Hamdh?n? (m.
384/994) a vendu un moulin pour 700 dinars qu'il a distribu?s aux gens du
hadith, tradition du Proph?te (Maws?'at al?m al-Maghrib, ?d. Muhammad
Hajji, Beyrouth, 1996, T. I, p. 275).
170
This content downloaded from 128.235.251.160 on Sun, 21 Dec 2014 15:52:14 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions
Les moulins au Maghreb musulman m?di?val
fatw?ls parle de l'eau retomb?e sur man?hib al-arh? \ palettes des
roues des moulins 67. Les roues hydrauliques, daw?kb, sont fabriqu?es de bois. D'ailleurs une fiatw? stipule l'emploi d'un genre bien d?ter
min? de bois, dans le cadre d'une association entre un tiers qui cons
truit le moulin et un autre qui offre son
emplacement68. Une autre
fatw? stipule l'emploi d'un genre bien d?termin? de pierre pour la
meule 69. Si Ibn Rushd fait allusion aux pierres extraites des carri?res
d'Axnata en Espagne musulmane 70, al-Bakr?, ainsi que l'auteur ano
nyme d'al-Istibs?r, vantent la renomm?e de la carri?re de Majj?na en
Ifriqiya au point qu'on appelait cette r?gion Majj?nat al-Mat?hin. La
meule extraite de cette carri?re ? n'exigeait, parfois, ni repiquage ni
restauration, durant une p?riode qui ?quivalait ? la dur?e de la vie
d'un homme ?71.
Le moulin hydraulique n?cessite un entretien permanent exprim? par
Asbagh b. al-Faraj (m. 225/839) en ces termes : md?nat 'amai al-rah? n.
Ibn Fath?n (m. 520/1126) estime que le locataire du moulin n'a pas le
droit de pr?cipiter la r?siliation du contrat de location, en cas de panne,
puisque le moulin tombe souvent en panne, al-rah? kathirat al-inkhi
r?qn. L'une des raisons de l'arr?t du fonctionnement du moulin est le
comblement du canal par des alluvions, ce qui n?cessite sa purge74.
67. Wanshar?s?, Miy?r, T. VIII, p. 385.
68. Le ch?ne (ball?t), le pistachier th?r?binte et le caroubier sont les plus appr?ci?s comme bois (Mas?'il Abi al-Wa?d Ibn Rushd, ?d. Muhammad ai
Habib al-Tajuk?n?, Beyrouth-Maroc, 1993, T. II, p. 1061 ; J. Chiche, art. cit,
pp. 296, 300). 69. Naw?dir, T. XI, p. 86.
70. Masa ilAk al-Watd Ibn Rushd, T. II, p. 1061. L'?diteur a lu Arbada ? la
place de Arnata.
71. Al-Bakri, Mas?lik, T. II, p. 710; al-Istibs?r, p. 161 ; al-Idr?si, Al
Maghrib, p. 156. L. Geslin cite d'autres carri?res au Maghreb,
comme celles
d'El-Mtimrat ? Rabat, et de Lalla Setti aux environs de Tlemcen (? Le mou
lin ? main ?, p. 9). Pour l'Orient musulman, on peut citer celle de Amid sur
le Tigre sup?rieur et celle de Khollar qui fournissait la Perse jusqu'? nos jours (Ahmad Y. ai-Hassan et Donald R. Hill, Sciences, p. 212).
72. Naw?dir, T. XI, p. 69.
73. Contrairement au locataire d'un moulin, le locataire d'une maison ou
d'un bain ou autre peut r?silier imm?diatement le contrat (Burzuli, f?m?,
T. III, pp. 617-618). 74. Wanshar?s?, MVy?r, T. VIII, pp. 400-401.
171
This content downloaded from 128.235.251.160 on Sun, 21 Dec 2014 15:52:14 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions
Nejmeddine Hentati
G?n?ralement, les informations d'ordre technique relatives aux
moulins et fournies par les ouvrages juridiques, se distinguent par le
manque de pr?cision. Nous n'avons pas pu rencontrer un texte qui
d?crit le moulin ? la mani?re de la description faite par Vitruve du mou
lin ? eau par exemple75, si l'on excepte peut-?tre \& fatw? d'Ibn Rushd
(m. 520/1126) o? on rel?ve une description originale du moulin
hydraulique en Espagne musulmane. D'ailleurs, le texte de cette fatw? a ?t? mal reproduit par Burzuli et
soigneusement traduit par V. Lagar
d?re 76. Dans cette fiatw?, Ibn Rushd fait allusion aussi aux ?normes pro fits que le propri?taire de moulin peut en tirer. Mais l'implantation de ce
genre d'instrument cause parfois des pr?judices
aux voisins
Les pr?judices caus?s par les moulins aux voisins
Le moulin peut porter pr?judice aux voisins ? cause de son bruit.
S'il est de type hydraulique, il peut occasionner d'autres dommages, dans la mesure o? il d?tourne l'eau aux d?pens des cultures irrigu?es.
D'apr?s la Mudawwana de Sahn?n, le bruit des moulins ne peut pas ?tre pris pour pr?judice, m?me s'il se produit la nuit. Seulement, s'il
engendrait l'?branlement du mur du voisin, il serait interdit77. La majo rit? des juristes malikites optent pour ce
point de vue, bien qu'un certain
nombre d'eux, notamment les tardifs, voient que le bruit peut ?tre pris
pour pr?judice m?me s'il nuit seulement ? la tranquillit? du voisin 78.
Deux exemples attirent notre attention. Le premier, rapport? par
Abu al-Aj-ab, concerne l'asc?te Abu Yazid Rab?h b. Yaz?d (m.
183/799). La nuit, quand il entendait la servante du voisin moudre,
75. V Lagard?re, art. cit?, p. 59.
76. Mas?'ilAbi al-Wahd Ibn Rushd, T. II, pp. 1060-1063 ; Burzuli, J?mi, T. III, pp. 638-639 ; V. Lagard?re,
art. cit, pp. 108-109. D'un autre c?t?,
quand Ibn Salm?n (Al-'Iqd, T. I, pp. 281-282) reproduit un mod?le de contrat de location d'un moulin hydraulique, il ?num?re un certain nombre
d'?l?ments constitutifs de ce genre de moulin. Pour l'Orient musulman,
Ahmad Y. ai-Hassan et Donald R. Hill signalent qu'il existe ? une terminolo
gie minutieuse des diff?rentes parties de l'installation de meunerie comme de
ses produits ? (Sciences, p. 212).
77. Mudawwana, T XI, p. 515, T. XIV, p. 529 ; voir aussi Ibn al-R?m?, Vlan,
pp. 62-64 ; Ibn Farh?n, Tabsira, T. II, pp. 258, 265-266 ; Al-KaJb?, Qaw? n?n, p. 333 ; Wanshar?s?, Miy?r, T. IX, pp. 7-9, 27, 59-60.
78. Ibn Rushd, Bay?n, T. IX, pp. 263-264.
172
This content downloaded from 128.235.251.160 on Sun, 21 Dec 2014 15:52:14 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions
Les moulins au Maghreb musulman m?di?val
il franchissait la cl?ture de la maison et se chargeait de la mouture ? la
place de la servante qui profitait de l'occasion pour aller s'endormir.
Abu al-'Arab pr?cise encore que les servantes des voisins avaient eu
l'habitude de se d?charger de cette besogne quand elles voyaient notre
asc?te se diriger vers leurs demeures 79. Cet exemple n'?voque pas le
probl?me du bruit du moulin pendant la nuit. Le deuxi?me exemple, connu, concerne l'expertise que le q?d? Ibn Abd al-Raf?' (m.
766/1364) a recommand?e, afin de voir si le moulin ? traction ani
male nuisait au mur du voisin80. D'ailleurs, Ibn al- R?mi (m.
734/1334) voit que la distance minimale fixe ? maintenir entre le mur
de la maison et le point du circuit de l'animal tracteur qui est le plus
rapproch? est de 8 empans soit 1,92 m. Signalons encore, que cette
distance doit ?tre occup?e par une construction comme une chambre
ou un magasin
ou un corridor 81.
La pr?sence du moulin ? traction animale ou hydraulique peut nuire au voisin autrement. Elle peut rendre la rue tumultueuse par le
fait de la fr?quentation du moulin par les clients, ce qui peut contri
buer ? la baisse de la valeur des maisons voisines 82. Cette baisse peut
79. Ab? al-Arab, Tabaq?t ulam Ifriqiya, Tunis, 1968, p. 123. Cet exemple nous permet de d?voiler l'importance de la main-d' uvre servile dans la
mouture des grains en Ifriqiya aux ir/viir si?cle. Nous ne savons pas si l'abon
dance de cette main-d' uvre a contribu? au maintien de ces instruments
rudimentaires. Mais cette main-d' uvre a connu un fl?chissement depuis la
crise ?conomique et sociale qu'a connue
l'Ifriqiya depuis 395/1004. Il est pos sible que ce ph?nom?ne ait incit? les Ifriqiyens ? faire appel de plus en plus au service de moulins plus perfectionn?s, ? traction animale ou
hydraulique ou ? vent. Des fatw?/s
nous informent d'un autre c?t? que des hommes
employaient leurs femmes dans la mouture des grains (Wanshar?s?, Miy?r, T. IV, p. 417) ce qui veut dire que les femmes ont
peut-?tre aussi contribu? ?
combler le manque des services de la main-d' uvre servile. Pour comparer avec l'Occident chr?tien, voir M. Bloch, art. cit, pp. 546, 551.
80. Ibn al-R?m?, Tl?n, pp. 63-64 ; Wanshar?s?, Mi y?r, T. IX, p. 7 ; Brunsch
vig, R., ? Urbanisme m?di?val et droit musulman ?, Revue des ?tudes Isla
miques, XV, 1947, pp. 127-155, p. 148. 81. Signalons que les malikites ne fixent pas la distance minimale d'une telle
entreprise (Ibn al-Rlm?, Flan, pp. 51, 63 ; Brunschvig, R., art. cit, p. 148).
82. Naw?dir, T. XI, pp. 73-74 ; Wanshar?s?, Miy?r, T. VIII, p. 462. Rappe lons que le musulman opte g?n?ralement pour une habitation qui
est en
retrait pour ?viter la curiosit? des passants (voir notre article ? La rue dans la
ville de l'Occident musulman m?di?val d'apr?s les sources juridiques maliki
tes ?, Arabica, T. L, fase. 3, juillet 2003, pp. 273-305).
173
This content downloaded from 128.235.251.160 on Sun, 21 Dec 2014 15:52:14 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions
Nejmeddine Hentati
concerner les revenus du moulin hydraulique, dans la mesure o? un
autre est implant? ? proximit?. Ce ph?nom?ne peut avoir lieu soit en
affaiblissant le flux de l'eau 83, soit en causant un darar qillat al-ma ash,
pr?judice li? ? la diminution des revenus du propri?taire du moulin le
plus ancien par le fait de la concurrence84.
C'est dans ce cadre qu'a ?t? pos?e la question de l'implantation d'un moulin ? proximit? d'un autre, soit en amont, soit en aval. Les
propos rapport?s par Muhammad b. Abd?s (m. 260/873) ont suscit?
des divergences entre les juristes malikites. Si ces propos admettent le
fait d'interdire l'implantation de moulin ? proximit? d'un autre, ils
divergent quant ? la justification de ce point de vue : est-ce que pour le darar qillat al-maash ou pour la possibilit? de la perturbation du
fonctionnement du moulin le plus ancien ?85
Si la majorit? des juristes malikites s'accordent ? ne pas tenir
compte du pr?judice de la diminution des revenus dans la question de
la cr?ation d'un four (ou d'un kutt?b, ?cole coranique) ? proximit? d'un autre 8r\ d'autres dont surtout Ibn al-Q?sim voient qu'on doit en
tenir compte dans le cas du moulin 87. On attribue ?galement ? ce
juriste d'avoir permis la construction d'un nouveau moulin pr?s d'un
autre ; ceci dans le cas o? ahl al-ma'rifa bi al-arhiya, les experts des
83. Dans une fiatw? rapport?e par Muhammad b. Abd?s (m. 260/873), on note qu'une rah? muhdatha, moulin nouvellement implant?,
a accapar? l'eau
aux d?pens d'une rah? qadlmo, moulin ancien, ce qui
a entra?n? l'arr?t de ce
dernier, khanaqat al-m? '
'ala rah? qadima, fialam tadur (Naw?dir, T. XI,
p. 70). Cette situation peut engendrer l'augmentation du co?t de l'entretien
de l'ancien moulin. Ce type de justification est approuv? par le q?d? Abu
'Umar (Abu Bakr ?) b. Manz?r (m. 750/1349), mais il est r?fut? par Wansha r?s? (Miy?r, T. VIII, pp. 162, 461, 469) puisqu'il a ?t? ?labor? sans m?dita tion, et
puisque les moulins ne peuvent pas en amont retenir l'eau, d'autant
plus que l'eau par laquelle il est actionn? va elle-m?me couler vers le moulin
en aval.
84. Burzuli, ]?mi\ man 4851, biblioth?que nationale de Tunis, T II, f 289 a ; Wanshar?s?, Miy?r, T. IX, p. 22.
85. Naw?dir, T. XI, pp. 69, 70, 72, 76 ; Wanshar?s?, Miy?r, T VIII, pp. 380 381, 402, 458, 459, 461, 463, 469 ; Ibn al-R?m?, Flan, p. 235. 86. Abu al-Mutarrif b. al-Faraj, al-Mazar? (m. 536/1141) et Ibn Ab? Za'bal, ne sont pas de cet avis (Burzul?, f?mi, man. no 4851, T. II, f. 289a ; Wans
har?s?, Miy?r, T. VIII, pp. 458-459).
87. Ibn Farh?n, Tabs ira, T. II, p. 261.
174
This content downloaded from 128.235.251.160 on Sun, 21 Dec 2014 15:52:14 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions
Les moulins au Maghreb musulman m?di?val
moulins ne peuvent pas pr?voir s'il va nuire ? l'autre. Si cette nuisance
devenait une r?alit?, le propri?taire du nouveau moulin serait appel? ? le d?placer. L'int?r?t de cette fatw? consiste au fait de d?voiler l'exis
tence d'une cat?gorie de ? fonctionnaires ?, genres d'experts, qui assistent le q?d? et l'aident ? r?soudre les litiges d'ordre technique
engendr?s par les moulins. Ils sont appel?s aussi ahl al-nazan ahl ai
bas ar bi-al-arhiya88.
Les moulins hydrauliques peuvent parfois nuire aux propri?taires de jardins ? culture irrigu?e. En effet, des conflits ont eu lieu entre les
propri?taires de ces deux modes de production, surtout quand la
s?qiya, canal, se situe entre des qawm a(hn, gens en amont et d'autres
asfa?n, en aval89.
Plusieurs juristes ont trait? cette question ? savoir Ibn al-M?jish?n, Ibn al-Q?sim, 'Isa b. Dinar, Ibn Habib, Mutarrif, Asbagh b. al-Faraj, Ibn Rushd, et Q?d? 'Iy?d 90. Les opinions qui retiennent l'attention
dans cette question sont attribu?es ? l'andalou Ibn Rushd (m.
520/1126) et au ceutien Q?di 'Iy?d (m. 544/1149). Une dizaine de
consultations ont ?t? livr?es par ce dernier91, ce qui met ? l'?vidence
l'existence de moulins hydrauliques ? Ceuta au haut Moyen Age. L'une des r?ponses du Q?d? 'Iy?d (m. 544/1149) consid?re que les
propri?taires des jardins ont la priorit? sur les propri?taires des mou
lins pour irriguer leurs jardins, m?me si l'implantation des moulins est
plus ancienne que l'am?nagement des jardins. Si les fruits n'?taient pas arros?s au
temps opportun, ils seraient compromis, alors que les mou
lins ne seraient pas compromis ? la suite de l'interruption de l'eau.
C'est le profit tir? de ces instruments qui serait interrompu momen
tan?ment 92. Ce point de vue relatif ? ce cas montre que des malikites
88. Naw?dir, T. XI, pp. 69, 70 ; Ibn Farh?n, Tabsira, T. II, pp. 260-261 ; Ibn
al-R?mi, Tl?n, p. 235 ; Wanshar?s?, Miy?r, T. VIII, p. 469. 89. V Lagard?re (art. cit, p. 113) et Muhammad Fatha (Al-Naw?zil al-fiq hiya, Rabat, 1999, pp. 366-369) ont d?j? parl? de ce probl?me. 90. Naw?dir, T. XI, pp. 74, 79 ; Wanshar?s?, Miy?r, T. VIII, pp. 16-18, 389 ; Ibn Rushd, Bay?n, T. X, pp. 283-284. Ibn Rushd note que cette question peut ?tre trait?e de sept mani?res. Signalons aussi que Muhammad Fatha (Al
Naw?ziU p. 367) a d?j? remarqu? que les juristes ifriqiyens n'ont pas ?tudi? cette question qu'il
a tent? lui-m?me d'interpr?ter. 91. Wansharis? (m. 914/1508) reproduit cesfiatw?/s
tout en les commentant.
92. Muhammad Ibn al-H?jj (m. 529/1134), ainsi que Wanshar?s? ont
confirm? ce point de vue (Miy?r, T. VIII, pp.16, 385-386, 389, 392).
175
This content downloaded from 128.235.251.160 on Sun, 21 Dec 2014 15:52:14 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions
Nejmeddine Hentati
ne tiennent pas compte du principe de l'anciennet? dans la propri?t? du moulin. Il traduit vraisemblablement une partialit? de la part des
juristes ? l'?gard des meuniers, peut-?tre parce que ces
juristes ?taient
principalement des propri?taires terriens 93 et rarement des propri?tai
res de moulins 94.
Nature des relations entre meuniers et clients
Le r?le des moulins recouvre une grande importance, puisqu'ils
contribuent ? offrir la mati?re premi?re (farine, semoule) de la base de
l'aliment de l'homme, c'est-?-dire le pain. La mouture du bl? et de
l'orge repr?sente, d'un autre c?t?, la fonction la plus importante des
moulins hydrauliques 95.
Yahy? b. 'Umar (m. 289/901) parle de deux genres de bl? : qamh al-dun al-n?zil, bl? de qualit? m?diocre et qamh tayyib ou qamh
fayyid, bl? de bonne qualit?, tout en avisant le boulanger de ne pas les
m?langer 96 De son c?t?, al-Saqat? parle d'autres genres de bl? d'o?
sont extraits le madh?n, le darmak^7, et le alomar. Il bl?me les boulan
gers qui, par souci de gagner plus, les m?langent98.
93. ? propos de ce point, voir notre ouvrage le malikisme dans l'Occident
musulman jusqu'au v/xf si?cle (en arabe), Tunis, 2004, pp. 142-143.
94. Q?d? 'Iy?d (Tar?b al-Mad?rik, T. IV, p. 577) nous informe que le juriste cAbd al-Rahm?n b. 'Isa dit Ibn Mad?rij (m 363/973) poss?dait une part dans
un moulin qu'il a vendue pour acheter des bijoux pour sa femme. Rappelons
d'un autre c?t?, que le principe de l'anciennet? est pris en consid?ration, ainsi
que le principe de la '?da qad?ma, l'ancienne coutume, s'il s'agit de conflits
entre propri?taires de moulins anciens et propri?taires de moulins nouvelle
ment implant?s (Muhammad Fatha, Al-Naw?zil, pp. 368-369).
95. B. I. 2, X, T?h?n, p. 124.
96. Yahy? b. ?Umar, Ahk?m al-s?q, ?d. H.H. 'Abd al-Wah?b, Tunis, 1975, p. 59.
97. Nous ne savons pas si le terme darm?k a un lien avec dam?k (darm?k ?),
type de moulin implant? sur les petits cours d'eau (Burzuli, f?m?, T. V,
p. 107, voir aussi la note de l'?diteur). Si notre hypoth?se
est plausible, et
qu'une erreur des copistes est ? l'origine de la nuance
phon?tique, nous pou vons dire que darmak est un genre de farine produit par le dam?k. Pourtant,
il est difficile de confirmer cette hypoth?se puisque le terme dam?k existe. Il
signifie, d'apr?s Kazimirski (Dictionnaire arabe fran?ais, Beyrouth, 1944, T I,
p. 734), roue d'une machine ? irrigation. Il parle aussi de damakmak, mou
lin qui tourne avec rapidit? et moud fin.
176
This content downloaded from 128.235.251.160 on Sun, 21 Dec 2014 15:52:14 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions
Les moulins au Maghreb musulman m?di?val
Si al-Saqat? se montre tr?s intransigeant ? l'?gard des boulangers et
des meuniers ", Yahy? b. 'Umar fait montre de plus de mod?ration.
Le premier souligne la mauvaise foi du boulanger et du meunier
quand on trouve des cailloux ou du sable dans le pain ou dans la mou
ture 10?, alors que Yahy? b. 'Umar justifie ce ph?nom?ne par un fac
teur d'ordre technique : ces cailloux proviennent de la meule, surtout
quand on moud les bl?s juste apr?s son repiquage. Il souligne ?gale ment le devoir de cribler 101 les c?r?ales 102 avant la mouture, charge qui
incombe aux hann?t?n, marchands de c?r?ales 103, ce qui veut dire que la responsabilit? de la pr?sence de cailloux dans le pain est partag?e.
98. Al-Saqat?, R ?d?b al-Hisba, ?d. G. S. Colin et E. L?vi-Proven?al, Paris, 1931, p. 26. Dans les Naw?dir (T. VI, pp. 5-6), M?lik b. Anas parle de hinta
samr?\ froment noir qui produit plus de farine que la hinta bayd?\ froment blanc.
99. Al-Saqat?, R ?d?b al-Hisba, pp. 22, 25, 26. Il semble que V. Lagard?re (art. cit, pp. 84-86) ait pris tr?s au s?rieux les exag?rations d'al-Saqat?'
et les
histoires rapport?es par ce dernier et dont un certain nombre font partie du
domaine de l'imaginaire. 100. Ainsi parle-t-on de khubz marm?l, pain m?l? de sable, et de mathana
mutraba, moulin poudreux qui rend la mouture m?l?e de sable (Burzuli,
f?m?, T. IV, p. 157). 101. Yahy? b. 'Umar, Ahk?m, pp. 48-49. Al-Mliki (Riy?d, T. II, p. 162) nous informe qu'Ab? al-Ghusn Naf?s al-Sus? (m. 309/921), disciple de Sahn?n, ? vivait de la fabrication des tamis ?.
102. C'est l'orge qui constitue la base de l'alimentation du commun en Ifri
qiya. Abd al-Rahim b. Abd Rabbu (m. 247/861) signale que les habitants du rib?t de Monastir ? se nourrissaient d'un peu d'orge qu'ils conservaient dans
des jarres et d'un peu d'huile ? (al-M?liki, Riy?d, T. I, p. 429). L'orge s'adapte mieux que le bl? aux conditions naturelles en
Ifriqiya ; son prix est moins
cher de moiti? (H. R. Idris, La Berb?rie Orientale sous les Zirides (xe-XIIe si?
cles), Paris, 1962, T. II, p. 627). En ce qui
concerne le r?gime alimentaire des
habitants de l'Afrique du Nord ? l'?poque romaine, voir Amouretti, art. cit,
p. 16.
103. En plus des hann?t?n, les sources parlent des samm?din, marchands de
semoule. L'une des inscriptions fun?raires ? Kairouan fait allusion ? un sam
m?d, il s'agit de Sulaym?n b. Khal?f b. Muhammad- al-Qays? al-Samm?d
(m. 434/1043). Si B. Roy et P. Poinssot (Inscriptions arabes de Kairouan, Paris, 1958, Vol. II, fase. II, p. 529, voir aussi fase. I, p. 385) traduisent samm?d
par marchand de semoule, les ?diteurs du trait? d'al-Saqat? le traduisent par ? celui qui pr?pare la semoule ? (Glossaire, p. 37).
177
This content downloaded from 128.235.251.160 on Sun, 21 Dec 2014 15:52:14 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions
Nejmeddine Hentati
Ibn 'Umar, ainsi que Him?s b. Marw?n (m. 303/915), tiennent aussi
pour responsables les boutiquiers qui vendent le pain, si ce dernier
comporte un vice m.
Le meunier est assist? par un ouvrier appel? par al-Saqat?, al
mutaallim, apprenti, et qualifi? aussi dans l'une de ses histoires de 5ab?
qa?b al-bul?gh, enfant qui a atteint la pubert? ou presque 105. Il arrive
qu'un clienr se charge lui-m?me de la mouture de ses c?r?ales, ou du
moins, il y contribue ,06. Il y a m?me des clients qui insistent sur le fait
d'?tre pr?sents lors de la mouture. Ibn Zarb (m. 381/991) a ?t? inter
rog? ? propos d'un client qui a amen? des grains ? un meunier tout en
lui disant : ? vous ne le moudrez qu'en ma
pr?sence, mais le client
s'en est all? ? 107. Pour sa part, Ibn Lub?ba (m. 314/926) a ?t? inter
rog? ? propos de celui qui am?ne des grains au meunier et se charge lui-m?me de leur mouture, mais le moulin yusaffi, ne moud pas
convenablement, est-ce que le meunier est tenu pour responsable de
quelque chose ou non ? ,08
104. Yahy? b. 'Umar, Ahk?m, pp. 57-59. L'on s'?tait demand? aussi si le
p?trissage du pain sans sel constitue un vice et entra?ne la punition de celui
qui le fait (Al-Mujaylid?, Al-Taysirfi ah kam al-tas'?r, ?d. M?s? Liqb?l, Alger, 1981, 2e ?d., p. 84). De son c?t?, M?lik b. Anas fait allusion ? une habitude
qui vient de dispara?tre ; il s'agit de pr?ter ? son voisin de la p?te p?trie afin
qu'il l'utilise comme levure. M?lik autorise sa restitution ? la pes?e (Naw?dir,
T. VI, p. 7)
105. Al-Saqat?, R ?d?b al-Hisba, p. 24. Concernant ceux qui s'occupaient de
la noria en tant qu'ouvriers
et autres, A. Gafi? (art. cit, p. 211) a pu d?voiler
une certaine hi?rarchie parmi eux.
106. Al-Saqat?, R ?d?b al-Hisba, p. 24 ; bn Farh?n, Tabsira, T. II, pp. 244
245.
107. Wanshar?s?, M?yar, T. VIII, p. 322. Si Ibn Farh?n ( Tabsira, T. II, p. 245) soul?ve le probl?me de la perte, chez le meunier, des ustensiles qui conte
naient les grains moulus, Ibn al-Ikhwa (Maalim, p. 153) recommande au
meunier de mettre sur chaque couffin une yaqt?na, signe o? est
indiqu? le
nom du propri?taire et son lieu (adresse).
108. Ibn Farh?n, Tabsira, T. II, pp. 323-324. Cette fatw? et celle qui la pr?
c?de, indiquent que le client se charge du transport de ses c?r?ales au meu
nier. En Orient, d'apr?s Ibn al-Ikhwa (Maalim, p. 153), et dans certains cas,
c'est le meunier qui s'en charge. D'ailleurs, cet auteur recommande que ce
dernier soit un homme de confiance, puisqu'il fr?quente les maisons des
clients et engage la discussion avec leurs enfants.
178
This content downloaded from 128.235.251.160 on Sun, 21 Dec 2014 15:52:14 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions
Les moulins au Maghreb musulman m?di?val
Si le client tient parfois ? assister ? la mouture de ses grains, c'est
qu'il n'a pas, vraisemblablement, confiance dans le meunier. Il se
pourrait que ce dernier les moule sans tenir compte des prestations du
client, ou peut-?tre aussi qu'il en vole une partie 109. Il semble qu al
Saqat? ait exag?r? quand il a soulign? les vols du meunier. On lui
racontait qu'un homme pauvre s'?tait fait employ? dans un moulin en
qualit? d'ouvrier ; c'est gr?ce aux vols qu'il faisait aux d?pens des
clients lors de la mouture, qu'il ?tait parvenu ? se faire construire un
autre moulin no.
Il est possible que le vol d'une partie de la mouture contribue ?
permettre au meunier de d?velopper son
entreprise en construisant
par exemple un four ? pain, ce qui lui donne l'occasion d'associer deux
genres de professions diff?rentes. Une question adress?e ? Yahy? b.
'Umar nous informe qu'un meunier poss?dait un four ? pain 1H. Le
d?veloppement de cette entreprise peut ?tre expliqu? aussi par les
b?n?fices tir?s du droit de mouture des grains. Ils sont probablement
importants. La preuve en est que la modicit? des prix du droit de
mouture ? F?s a attir? l'attention d'al-Muqaddasi. D'apr?s lui, cette
situation repr?sente une exception. On peut l'expliquer par l'abon
dance de l'eau courante dans cette ville et de l?, l'importance du nom
bre des moulins hydrauliques. Ceci contrairement au reste des villes
du Maghreb musulman.
Les honoraires du meunier peuvent ?tre pay?s en
esp?ce ou en
nature ou parfois les deux en m?me temps. Sahn?n a interrog? Ibn al
109. Si M?lik b. Anas s'est montr? un peu laxiste ? l'?gard de tels vols, Ibn
al-Q?sim, ?tant fid?le ? un usage ?gyptien, pense que le meunier est tenu ?
restituer la farine vol?e apr?s sa
pes?e. C'est ce point de vue qui
a pr?valu chez
les juristes malikites (Naw?dir, T. VII, p. 69 ; Ibn Rushd, Bay?n, T. X,
p. 225 ; Ibn Farh?n, Tabsira, T. II, pp. 244-245). 110. Al-Saqat?, R ?d?b al-Hisba, pp. 25-26. Remarquons ici que la source
de cette information est orale.
111. Yahy? b. 'Umar, Abkam, pp. 59-60; voir aussi Amouretti (art. cit,
p. 18). Ce qui est probable, c'est que la dissociation entre les deux genres de
professions faisait la r?gle. Une inscription fun?raire ? Kairouan appuie ce
point de vue. Elle concerne Ahmad b. Hibat Allah al-Tahh?n (m. 415/1024)
(Roy et Poinssot, Inscriptions, Vol. II, fase. I, p. 357). D'un autre c?t?, une
question adress?e ? Ibn Lub?ba (m. 314/926) qualifie le meunier d'al-rahawi
(Wanshar?s?, Mi y?r, T. VIII, p. 324).
179
This content downloaded from 128.235.251.160 on Sun, 21 Dec 2014 15:52:14 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions
Nejmeddine Hentati
Q?sim sur celui qui prend ? gage un homme afin qu'il lui moule un
irdabbni de froment, moyennant un dirham et un qafiz de farine
extraite de ce froment n3. De cette fa?on, le meunier peut accumuler
de grandes quantit?s de farine qu'il pourrait panifier.
Conclusion
Nous soulignons que les juristes malikites n'ont presque jamais cit? de versets
coraniques ou des hadithls114, en traitant des probl?mes
des moulins. En effet, ces probl?mes font partie du profane
et rentrent
dans le cadre du rationnel. Les juristes se sont engag?s parfois dans des
subtilit?s ing?nieuses inspir?es d'une logique parfois irr?prochable ;
l'exemple de la classification des clauses de location des moulins en
fonction de la nature des cours d'eau sur lesquels ils sont implant?s, fait foi 1I5. Mais ces subtilit?s retombent parfois dans des m?ticulosit?s
qui ne manquent pas quelques fois d'exag?ration. Ainsi Ahmad al
Qabb?b (m. 779/1377) s'est mis ? ?num?rer les points de divergence entre les juristes, quand il a r?pondu ? une question relative au r?sidu
de la farine ou du bl? qu'on ne peut pas extraire du moulin apr?s sa
mouture nr\
C'est le urf, usage, et le qiy?s, raisonnement par analogie, qui ont
?t? souvent au secours des juristes abordant les probl?mes des moulins.
112. D'apr?s al-Muqaddas?, Tirdabb de la capitale ?gyptienne contenait
72,3 kg de bl? (E. /., 2, VI, Mak?yil, E. Ashtor, pp. 115-120, p. 117) ; voir aussi W. Hinz (Al-Mak?yil, p. 58) qui ?value Tirdabb, d'apr?s al-Muqaddas?, ? 73,125 kg. 113. Mudawwana, T. XI, pp. 406-407, 414. Pour le salaire du meunier, voir
aussi al-Saqati, R ?d?b al-Hisba, p. 29 ; V Lagard?re, art. cit, p. 82 ;
A. Gafs?, art. cit, p. 211 ; J. Chiche (art. cit, pp. 302-303) qui note que ce
salaire au Maroc contemporain se fait dans la quasi-totalit? des cas en nature
et correspond ? un dixi?me du produit moulu.
114. Peut-?tre ? l'exception de deux hadith/s, qui sont d'ailleurs d'ordre tr?s
g?n?ral. L'un d'eux concerne la notion de dir?r (Ibn Rushd, Bay?n, T. X,
p. 336 ; Wanshar?s?, Miy?r, T. VIII, p. 386).'
115. Voir supra note 63 ; voir aussi Joseph Schacht, Introduction au droit
musulman, trad. Paul Kempf et Abd al-Maj?d Turki, Paris, 1983, pp. 159-160.
116. Wanshar?s?, Miy?r, T. VI, pp. 135-136 ; voir aussi supra note 55.
180
This content downloaded from 128.235.251.160 on Sun, 21 Dec 2014 15:52:14 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions
Les moulins au Maghreb musulman m?di?val
L'usage est exprim? de plusieurs fa?ons : urfi sunnat al-baladn7, al
mutaarafi consacr? par un
long usage, al-ada al-qad?ma,
l'ancienne
coutume, amal Qurtuba, la pratique de Cordoue 118, al-'?da al-musta
qirra an qud?t al-waqt al-mutaqaddim 'at? waqtin?, l'usage ?tabli par les cadis d'antan, notion ?voqu?e dans la fatw? du q?d? Abu 'Umar
(Abu Bakr ?) b. Manz?r (m. 750/1349). Cette S??* entre parfois en
rivalit? avec la ada qui est de rigueur parmi le commun. B. Manz?r
donne raison ? cette derni?re pour justifier une opinion qu'il avance et
qui ne tient pas compte de l'usage ?tabli par les cadis 119.
Pour le qiy?s, on compare parfois certaines questions du moulin ?
celles de l'esclave ou de la b?te de somme en cas de location 12?, ou ?
celles de la j?riya, jeune esclave ou de la maison, en cas de litige entre
ses deux propri?taires m. Mais la comparaison la plus fr?quente est
celle du moulin au puits, indice manifeste de la corr?lation intime
entre le moulin d'un c?t? et l'eau de l'autre. Ces comparaisons et ces
raisonnements provenaient principalement soit de juristes ?gyptiens, soit de juristes andalous ; les juristes ifriqiyens s'en ?taient beaucoup
inspir?s. Ce ph?nom?ne d?voile une r?alit? : l'abondance des moulins
? eau en Egypte et en Espagne musulmane et leur raret? en Ifriqiya.
Nous disons raret? et non pas absence. En effet, durant le haut Moyen
?ge, le moulin ? bras et le moulin ? traction animale ?taient couram
ment employ?s en Ifriqiya m. Cette situation est rendue possible gr?ce ? l'abondance de la main-d' uvre servile. Mais cela n'emp?chait pas
l'usage d'autres types de moulins comme le moulin ? vent sur le littoral
117. En abordant la question de l'arrangement entre les clients pour que cha
cun d'eux prenne son tour lors de la mouture de ses c?r?ales, Sahn?n postule
que al-urfka al-shart, la prescription de l'usage ne difiere pas de la stipula
tion de clause (Wanshar?s?, Miy?r, T. VIII, p. 386). 118. 'Umar b. Abd al-Kar?m al-J?d?, Al-'urfwa al-amalfi al-madhhab al
m?lik, Maroc, 1984, p. 373. 119. Notre juriste
atteste ce qui suit : ?
qadtaqaddama naqlal-ijm?* al? anna
al-fat?w? takhtalifbi-ikhtil?fal-aw? /?/(Wanshar?s?, Miy?r, T. VIII, pp. 362
364). 120. Mudawwana, T. XI, p. 414, T. XII, p. 46.
121. Mudawwana, T. XII, p. 46 ; Naw?dir, T. XI, pp. 84, 87.
122. Lors d'une fouille arch?ologique ? Qasr al-T?b (? 5 km de Sousse, vers le sud), Fawz? Mahf?z et Ahmad Sa'd?w? ont exhum? un moulin ? bras qui revient au IIl7lXe si?cle.
181
This content downloaded from 128.235.251.160 on Sun, 21 Dec 2014 15:52:14 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions
Nejmeddine Hentati
ifriqiyen. ? partir de 395/1004, date de la crise ?conomique et sociale, le nombre de la main-d' uvre servile a connu un recul 123, ce
qui a
encourag? les Ifriqiyens ? long terme, notamment au bas Moyen Age, ?
employer les moulins hydrauliques notamment au sud de l'Ifriqiya. Si la pr?sence des juristes ifriqiyens ?tait tr?s timide dans les
consultations juridiques relatives aux moulins surtout hydrauliques,
celle des juristes du Maroc ne s'?tait affirm?e avec force qu'? partir du
VT/xir si?cle ; Q?d? 'Iy?d (m. 544/1149) et plus tard Wanshar?s? (m.
914/1508) appuient ce point de vue. Cela n'exclut pas l'importance de la pr?sence de tels instruments dans ce pays au haut Moyen ?ge.
D'ailleurs, ce ph?nom?ne s'est renforc? au fil des ann?es pour englo
ber ? toutes les r?gions favorables ? leur installation ? 124. Les Maro
cains, notamment ceux des r?gions montagneuses, s'y sont attach?s
avec acharnement en les maintenant jusqu'? nos
jours. Les probl?mes
engendr?s par ces moulins et ?voqu?s par J. Chiche trouvent leur ?cho
dans les fatw?/s qu'on a pu mettre ? profit dans cette ?tude : rivalit?
entre propri?taires de jardins et propri?taires de moulins, mise en
action du moulin par le client lui-m?me, probl?me de sa r?paration en
cas de location 125. Cette survivance, sinon cette continuit? souligne
une autre fois l'int?r?t des sources juridiques pour l'historien.
Nejmeddine HENTATI
(Universit? al-Zitouna, Tunis)
123. Talbi (M.), ? Droit et ?conomie en Ifriqiya
au Iir/ix* si?cle, le paysage
agricole et le r?le des esclaves dans l'?conomie du pays ?, dans Etudes d'his
toire ifriqiyenne et de civilisation musulmane m?di?vale, Tunis, 1982, pp. 185
229, pp. 227-229.
124. J. Chiche, art. cit, p. 302.
125. Art. cit, p. 303.
182
This content downloaded from 128.235.251.160 on Sun, 21 Dec 2014 15:52:14 PMAll use subject to JSTOR Terms and Conditions