Les OUVELLEs moitié de la population. Et maintenant? "Ça me fait mal au cœur, toute cette...

31
1 SOMMAIRE A la Une L'UE en péril Actualité Vie internationale Politique Economie Social Echos Photos d'actualité Société Santé, Religion Destins Insolite, Page photos Connaissance et découverte Musique et poésie Cinéma Littérature Photographie Mémoire Traditions et échanges Tourisme Humour, Pratique Coup de coeur Numéro 101 - mai - juin 2017 Lettre d’information bimestrielle L e phénomène n'est pas nouveau, mais les empoignades suscitées par tous les grands débats qui agitent et divisent actuellement le monde lui ont donné une acuité particulière et inquiétante. De tous les côtés, c'est "Haro sur les médias!" et les journalistes sont devenus les personnages les plus décriés de la société. Ils mentent, ils déforment, ils exagèrent, ils caricaturent, ils cherchent le sen- sationnel… Il est de bon ton de les montrer du doigt, surtout, et presque exclusive- ment, si les faits qu'ils rapportent dérangent. Pourtant, le magazine télé d'Elise Lucet sur France 2, "Cash Investigation", qui s'efforce d'aller au fond des choses est deve- nue une des émissions préférée des téléspectateurs. En Turquie, Erdogan les met en prison pour qu'ils n'entravent plus sa marche vers l’installation de sa dictature. S'il a failli échouer, lors de son plébiscite, c'est bien parce que des voix non-conformistes, relayés par les derniers journaux indépendants, se sont fait entendre. En Chine, où aucun média libre n'existe, une poignée de contes- tataires prend des risques insensés sur internet pour dénoncer le régime abominable imposé par le Parti communiste depuis 70 ans, refusant de se taire. Pourchassés, tra- qués, dénoncés, emprisonnés, battus et parfois éliminés, ils sont le dernier relais capa- ble d'alerter sur l'imminence éventuelle d'un nouveau massacre, "façon Tien An Men". La Russie de Poutine sait aussi faire taire ses opposants. Après l'assassinat de la journaliste Anna Politkovskaïa, dénonçant les exactions de "l'Armée rouge" en Tchétchénie, c'est le leader démocrate, Boris Nemtsov, qui a été abattu au pied même du Kremlin. En 2015, après l'attentat de Charlie Hebdo, un jeune Moscovite se pro- menant avec une pancarte "Je suis Charlie" avait été condamné à 5 ans de prison. Le plus grave c'est que le “grand frère”, si honni autrefois, suscite des émules à sa porte même. Ainsi le délire nationaliste et raciste qui s'est emparé de la Pologne de Jaroslaw Kaczynski et de la Hongrie de Viktor Orban s'accompagne-t-il de la ferme- ture ou de la prise de contrôle des médias qui ne se montrent pas dociles. Dans les plus vieilles démocraties, comme les USA, la société doit pour partie d'avoir échappé aux mesures de Donald Trump, mettant en péril la liberté et la santé des citoyens, à la mobilisation des grands journaux, comme le New-York Times. Qu'en est-il en France? Une récente enquête menée par "Reporter sans Frontières" la classe au 43ème rang dans le monde pour la liberté effective de la pres- se. Au cours de la campagne présidentielle, des journalistes ont été pris à partie, mena- cés, voire battus, au cours des meetings de Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon ou même François Fillon. Certes, les médias doivent se montrer particulièrement exi- geants dans l'accomplissement de leur tâche… mais il ne faut pas oublier que, où la liberté de la presse recule, la démocratie recule ! Henri Gillet Haro sur les médias ! 2 à 8 28 à 31 32 à 35 36 et 37 38 et 39 40 et 41 42 43 44 à 53 54 et 55 56 et 57 58 et 59 60 NOUVELLEs ROUMANIE Les de 9 à 18 19 et 20 21 22 à 25 26 27 Prochain numéro juillet 2017

Transcript of Les OUVELLEs moitié de la population. Et maintenant? "Ça me fait mal au cœur, toute cette...

Page 1: Les OUVELLEs moitié de la population. Et maintenant? "Ça me fait mal au cœur, toute cette énergie civique qui s'évapore." Carmen, psychologue, la quarantaine, est attablée avec

1

SOMMAIRE

A la Une

L'UE en péril

Actualité

Vie internationalePolitiqueEconomie SocialEchos Photos d'actualité

Société

Santé, ReligionDestinsInsolite, Page photos

Connaissance et découverte

Musique et poésie CinémaLittérature Photographie Mémoire Traditions et échangesTourisme Humour, PratiqueCoup de coeur

Numéro 101 - mai - juin 2017

Lettre d’information bimestrielle

Le phénomène n'est pas nouveau, mais les empoignades suscitées par tousles grands débats qui agitent et divisent actuellement le monde lui ontdonné une acuité particulière et inquiétante. De tous les côtés, c'est "Haro

sur les médias!" et les journalistes sont devenus les personnages les plus décriés de lasociété. Ils mentent, ils déforment, ils exagèrent, ils caricaturent, ils cherchent le sen-sationnel… Il est de bon ton de les montrer du doigt, surtout, et presque exclusive-ment, si les faits qu'ils rapportent dérangent. Pourtant, le magazine télé d'Elise Lucetsur France 2, "Cash Investigation", qui s'efforce d'aller au fond des choses est deve-nue une des émissions préférée des téléspectateurs.

En Turquie, Erdogan les met en prison pour qu'ils n'entravent plus sa marche versl’installation de sa dictature. S'il a failli échouer, lors de son plébiscite, c'est bienparce que des voix non-conformistes, relayés par les derniers journaux indépendants,se sont fait entendre. En Chine, où aucun média libre n'existe, une poignée de contes-tataires prend des risques insensés sur internet pour dénoncer le régime abominableimposé par le Parti communiste depuis 70 ans, refusant de se taire. Pourchassés, tra-qués, dénoncés, emprisonnés, battus et parfois éliminés, ils sont le dernier relais capa-ble d'alerter sur l'imminence éventuelle d'un nouveau massacre, "façon Tien An Men".

La Russie de Poutine sait aussi faire taire ses opposants. Après l'assassinat de lajournaliste Anna Politkovskaïa, dénonçant les exactions de "l'Armée rouge" enTchétchénie, c'est le leader démocrate, Boris Nemtsov, qui a été abattu au pied mêmedu Kremlin. En 2015, après l'attentat de Charlie Hebdo, un jeune Moscovite se pro-menant avec une pancarte "Je suis Charlie" avait été condamné à 5 ans de prison.

Le plus grave c'est que le “grand frère”, si honni autrefois, suscite des émules àsa porte même. Ainsi le délire nationaliste et raciste qui s'est emparé de la Pologne deJaroslaw Kaczynski et de la Hongrie de Viktor Orban s'accompagne-t-il de la ferme-ture ou de la prise de contrôle des médias qui ne se montrent pas dociles.

Dans les plus vieilles démocraties, comme les USA, la société doit pour partied'avoir échappé aux mesures de Donald Trump, mettant en péril la liberté et la santédes citoyens, à la mobilisation des grands journaux, comme le New-York Times.

Qu'en est-il en France? Une récente enquête menée par "Reporter sansFrontières" la classe au 43ème rang dans le monde pour la liberté effective de la pres-se. Au cours de la campagne présidentielle, des journalistes ont été pris à partie, mena-cés, voire battus, au cours des meetings de Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon oumême François Fillon. Certes, les médias doivent se montrer particulièrement exi-geants dans l'accomplissement de leur tâche… mais il ne faut pas oublier que, où laliberté de la presse recule, la démocratie recule ! Henri Gillet

Haro sur les médias !2 à 8

28 à 3132 à 35

36 et 37

38 et 39 40 et 41

42 43

44 à 53 54 et 55 56 et 5758 et 59

60

NOUVELLEs

ROUMANIE

Les

de

9 à 1819 et 20

2122 à 25

26 27

Prochain numéro

juillet 2017

Page 2: Les OUVELLEs moitié de la population. Et maintenant? "Ça me fait mal au cœur, toute cette énergie civique qui s'évapore." Carmen, psychologue, la quarantaine, est attablée avec

Les NOUVELLES de ROUMANIE

2

A la Une Les NOUVELLES de ROUMANIE A la Une

UE

3

La nouvelle classe moyenne et pro-européenne roumaine, qui veut endécoudre avec la corruption et l'autoritarisme, se cherche des représen-tants politiques. Mais Le parti social-démocrate, héritier du Parti commu-niste roumain et de ses pratiques, garde la main sur le monde rural où vitla moitié de la population.

Et maintenant? "Ça me fait mal au cœur, toute cette énergie civiquequi s'évapore." Carmen, psychologue, la quarantaine, est attabléeavec d'autres femmes à une terrasse du vieux Bucarest. Il y a peu

encore, elles se connaissaient au travers de leur groupe de femmes surFacebook. Grâce à l'information qui s'est répandue comme une traînée de pou-dre sur les réseaux sociaux, elles se sont ruées dans la rue cette fameuse nuitdu 31 janvier, puis les soirs et les week-ends qui ont suivi la décision des diri-geants roumains de remettre en cause la lutte contre la corruption.

Dimanche 5 mars, plusieurs milliers de personnes ont cherché à maintenirla flamme de la mobilisation en brandissant le slogan "#rezist" et en scandant:"Nous ne voulons pas devenir une nation de voleurs".

Carmen s'égaie, émue encore de l'audace de la société civile émergente quia contraint le gouvernement et le Parlement roumains à abroger, le 21 février,un décret d'urgence pris en catimini le 31 au soir pour partiellement dépénali-ser la corruption.

"On a des droits, on peut agir! On commence à le comprendre"

"C'était violent, comme un coup de poing dans l'estomac", se souvientConstantin Stancescu. Cet enseignant à la retraite de 71 ans est lui aussi allécrier sa colère contre ce projet de blanchir des personnalités politiques, à com-mencer par Liviu Dragnea, président de la Chambre des députés et chef duParti social-démocrate (PSD) au pouvoir, lui-même condamné pour fraudeélectorale et poursuivi pour corruption. "On a des droits, on peut agir! On com-mence à le comprendre", se réjouit Elena Ghioc, de la jeune ONG "InitiativeRoumanie", qui milite pour la bonne gouvernance et ne compte pas lâcher leshommes politiques.

Pourtant, le printemps, qui vient d'arriver à Bucarest, a une odeur de len-demains de fête. Le Parlement discute déjà d'un projet de loi sur la grâce et lesréductions de peine pour désengorger les prisons, sans qu'il ne soit tranché sicertains délits pour corruption seront concernés.

"Dès qu'on tourne la tête, la classe politique menace d'agir contre la loi.On ne peut pas être sur le qui-vive en permanence et surveiller chaque docu-ment, soupire Anda. Si seulement le mouvement pouvait renforcer l'oppositionpolitique et inciter les jeunes à aller voter…" La jeune femme de 35 ans, quidirige une boutique de mode en ligne, fait partie de cette Roumanie urbaine quivote et se révolte, les yeux et le cœur tournés vers Bruxelles.

80% des manifestants avaient voté aux législatives de décembre

D'après un sondage, 80 % des manifestants s'étaient déplacés aux urnespour les élections législatives qui s'étaient déroulées deux mois auparavant, endécembre, alors que le taux de participation n'avait pas atteint 40 % au niveaunational. "Depuis quelques années, on voit poindre une culture de la révoltecontre l'autoritarisme populiste et contre ceux qui estiment qu'ils peuvent fairece qu'ils veulent dès lors qu'ils accèdent au pouvoir", estime l'anthropologueVintila Mihailescu. "Les manifestants ne sont que le sommet de l'iceberg. Sil'on ajoute tous ceux qui les soutiennent tacitement, cela fait beaucoup demécontents. L'énergie existe, c'est certain, mais on ne sait pas où elle mène".

En Roumanie, le rêveLa société civile demeure sans tête et sans véritable relais

politique pour porter ses idéaux. "Le PSD n'a pas de concur-rents, analyse le politologue Cristian Pirvulescu. Le parti libé-ral est en crise; le nouveau parti USR (Union sauvez laRoumanie), qui a remporté 8,9 % des voix et auxquels croientde nombreux manifestants, est en fait très hétéroclite. Le PSDgarde la main sur le monde rural".

Loin des grandes villes, une autre Roumanie en état de quasi-servage

C'est là que vivent la moitié des Roumains, que le PSDmaintient "en état de quasi-servage", affirme un diplomate quiexplique: "Il y a eu de la croissance et de la course au consu-mérisme en Roumanie depuis l'adhésion du pays à l'UnionEuropéenne en 2007, mais pas de développement. L'indice dedéveloppement humain stagne depuis 2011".

Cette Roumanie d'un autre âge n'est qu'à quelques dizai-nes de kilomètresde la capitale et deses cafés branchés.Sur la route du sud,le département ruralde Teleorman, fiefde Liviu Dragnea,est une successionde villages auxmasures branlantes,aux ruelles boueu-ses non asphaltées,aux cabanons enguise de latrines -36 % de la population rurale n'a pas de toilettes modernes - etoù parfois une carriole à cheval se fraye un chemin. En pour-suivant jusqu'à Alexandria, le chef-lieu de 50 000 habitants, onplonge dans cette autre Roumanie, sous l'emprise du parti aupouvoir.

Manifester le visage caché par crainte du PSD

Razvan, 37 ans, a lui aussi battu le pavé dans la rued'Alexandria la nuit du 31 janvier. Ils étaient vingt-deux, puiscinquante le deuxième soir, cent cinquante le troisième. "Deshéros", souligne Carmen Dumitrescu, jeune journaliste quitient tête à la nomenklatura locale.

"Les gens nous regardaient par la fenêtre la lumière étein-te pour ne pas être vus. Ceux qui nous soutenaient avaientallumé leur lampe, raconte Razvan. Beaucoup de gens sonteffrayés. Mon père, très perturbé, avait en mémoire les répres-sions passées. Il m'a encouragé à aller manifester à Bucarest.Mon frère, lui, s'est caché le visage pour ne pas subir ensuitede représailles pour son business. Vous savez, le PSD dirigetout ici, les administrations comme les entreprises privées".

Razvan, lui, est éleveur d'abeilles et producteur de miel. Ils'est senti libre et à l'abri des salves hostiles sur Facebook: "LePSD crée régulièrement des faux comptes, mais heureusement

j'ai aussi gagné de nombreux nouveaux amis qui viennentd'ailleurs. Avec ces bulles qui se créent partout dans le pays,on ne se sent pas seul".

Oana, réceptionniste dans un restaurant, a aussi fait partiedu groupe des vingt-deux. Mais elle n'aborde pas ce sujet sen-sible au travail ni en famille: ses frères et sa mère votent PSD,ce qui leur procure des avantages, admet-elle, acceptant detémoigner alors que tant redoutent de s'exprimer à Alexandria.

Le pays se vide de ses compétences

Le PSD a remporté 62 % des suffrages dans le départe-ment (45,5 % au niveau national). "Même s'ils ne sont pas descommunistes, ils se comportent comme des communistes. Ilsont tout vendu, mais où est l'argent, où sont les hôpitaux, lesécoles et les autoroutes?", tempête Mihai venu de Bucarest. Ily a bien une rutilante antenne universitaire construite en 2007à Alexandria, mais on ne voit pas un seul étudiant sur le cam-

pus…Mihai tente en

vain de convaincreDaniel autour d'uncafé. Pompier mili-taire, Daniel défendle PSD qui "votedes bons budgetspour l'armée" et"veut améliorer lavie des gens".Samedi dernierencore, la ministredu travail a promis

un doublement des bas salaires, une annonce décriée comme"purement politique", alors que la Roumanie continue à sevider de ses habitants et de ses compétences. Trois millionssont partis en une vingtaine d'années. Selon le syndicat Sanitasdu secteur de la santé, 14 000 médecins et 28 000 infirmièresont quitté le pays entre 2009 à 2015.

Une "maturation durable et irréversible" de la société

"À Alexandria, heureusement les gens ne sont pas mobili-sés et tout rentre dans l'ordre", se réjouit Daniel. Il y a des bul-les d'espoir et beaucoup de fatalisme dans les rues. "Les genssavent que s'ils contestent, eux ou leurs proches en paieront leprix, quand toute l'agitation sera retombée et que les regardsse seront détournés", s'attriste Carmen Dumitrescu qui se pro-met d'aller poursuivre sa vie ailleurs.

Pour Vintila Mihailescu, le décalage entre les deuxRoumanie, l'urbaine et la rurale, "est colossal et ne cesse degrandir". Pourtant l'anthropologue pressent une "maturationdurable et irréversible" d'une société qui réclame un état dedroit. Oana croit que ce temps viendra "quand on changera degénération".

Marie Verdier (La Croix)

européen de la classe moyenne

L'UE et la Roumanie

contre la fraude fiscaleL'Europe à deux vitesses existe bel et

bien: seize Etats membres de l'UnionEuropéenne sur vingt-huit ont décidé, lundi 3avril, de coopérer pour créer un parqueteuropéen, spécialisé dans la lutte contre lesfraudes aux intérêts financiers de l'UE. Laprocédure dite de "coopération renforcée" uti-lisée pour mener à bien ce projet permettrade surmonter l'opposition de certaines capita-les. Elle autorise le lancement d'une initiative,si neuf pays au moins adoptent des décisionsqui ne s'appliquent qu'à eux. Quitte à ce qued'autres décident de les rejoindre plus tard.La France figure parmi les pays concernés,avec l'Allemagne, la Belgique, la Bulgarie, laCroatie, Chypre, l'Espagne, la Grèce, laFinlande, la Lituanie, le Luxembourg, lePortugal, la République tchèque, laRoumanie, la Slovaquie, la Slovénie. LaSuède, la Pologne, les Pays-Bas - où lesdéputés ont voté non - et la Hongrie condui-saient le peloton des récalcitrants à ce projet,rendu possible par le traité de Lisbonne,adopté en 2009.

La Roumanie, membre de l'Otan, compteacheter des missiles Patriot au groupe améri-cain Raytheon pour renforcer la défense deson espace aérien. Ils devraient s'intégrerdans un système de défense anti-aériennecomprenant six chasseurs F-16 récemmentacquis pour remplacer les vieux MiG achetéssous l'ère communiste. La Roumanie, quiappartient à l'Alliance atlantique depuis 2004,abrite une station du bouclier de défenseantimissile américain en Europe et a fournides contingents en Irak et en Afghanistan. Lebudget de la défense de la Roumanie s'éle-vait à 1,7% du produit intérieur brut en 2016et devrait atteindre 2,0% cette année.

Missiles Patriot

-Si l’Europeva à plusieursvitesses, nous on y va à laquelle ?-En marche arrière!

Page 3: Les OUVELLEs moitié de la population. Et maintenant? "Ça me fait mal au cœur, toute cette énergie civique qui s'évapore." Carmen, psychologue, la quarantaine, est attablée avec

4

Les NOUVELLES de ROUMANIE A la Une Les NOUVELLES de ROUMANIE A la Une

Faire porter le chapeau

Commençons par un mea culpa: je devrais éviterd'utiliser trop souvent "Bruxelles" pour qualifierles institutions de l'Union Européenne. La métony-

mie est très pratique pour éviter les répétitions et les titres lour-dingues du genre: "la Commission européenne a proposé" ou"les dirigeants de l'UE ont décidé", etc. Mais cette facilité delangage est devenue dangereuse par ces temps de critique anti-européenne hystérisée.

Explication: bien souvent, "Bruxelles" désigne moins laCommission censée défendre l'intérêt général européen que leConseil européen ré-unissant les dirigeants des Etats membres,déroulant tous, a contrario, des agendas nationaux voire natio-nalistes (en Hongrie, en Pologne).

A entretenir l'ambiguïté entre ces institutions essentiellesde l'UE, considérées par les spécialistes comme les deux"têtes" de l'exécutif européen, on entretient le doute sur lesvéritables responsables deséchecs de l'UE.

La Commission dispose depouvoirs conséquents: celui delancer les législations de l'UE,celui de faire respecter les traitéseuropéens (en allant jusqu'à saisirla Cour de justice de l'UE). Ellepeut aussi sanctionner, dans ledomaine de la concurrence, lesabus de position dominante ou lesaides d'Etat illicites. Pour le reste,elle n'a aucun moyen d'imposerses décisions au Conseil, dont lesprérogatives ont encore été ren-forcées par le traité de Lisbonne de2009 (il y a gagné une présidencepermanente). "La dictature deBruxelles"…De qui, de quoi parlent exactement les critiques?

Qui bloque ?... Au niveau du Conseil, une dizaine de gouvernements de l'Est

Prenons l'exemple du pacte de stabilité et de croissance(PSC) et de ses fameuses règles d'un plafond de 3 % du pro-duit intérieur brut (PIB) pour les déficits et de 60 % du PIBpour les dettes publiques.

Chaque année, à l'automne, la Commission évalue lesbudgets prévisionnels des Etats membres. Elle émet des"recommandations" (feu vert, mise sous surveillance oudemande de nouvelles mesures d'économies), qu'elle transmetà l'Ecofin, la réunion des ministres des finances de l'UE, l'unedes nombreuses émanations du Conseil. A lui de trancher.

Autre exemple: la Grèce. Qui valide, depuis maintenant

sept ans les mesures d'austérité que les créanciers imposent aupays en échange de leurs prêts ? L'Eurogroupe, la réunion desministres des finances de l'union monétaire, largement sousinfluence allemande depuis le début de la crise financière.

"Bruxelles" reste coupablement passive face au dumpingsocial? C'est pourtant Marianne Thyssen, la commissaire belgeaux affaires sociales, qui a mis sur la table, le 8 mars 2016, uneproposition de révision de la directive sur les travailleurs déta-chés, en vigueur depuis 1996. Le but? Sanctuariser une mêmerémunération pour tous les travailleurs sur un même chantier,quelle que soit leur nationalité. Qui bloque? Au niveau duConseil, une dizaine de gouvernements de l'Est.

Qui freine la lutte contre l'évasion fiscale des multinationales ?

La fraude fiscale ? Aprèsdes années d'inaction, acculéepar un scandale retentissant (les"LuxLeaks") ayant sali l'imagede son président, Jean-ClaudeJuncker - dix-huit ans durantpremier ministre duLuxembourg -, la Commissioneuropéenne multiplie depuisdeux ans les propositions de loipour lutter contre l'évasion fis-cale des multinationales.Devinez qui freine des quatrefers ?

Les dirigeants irlandais etluxembourgeois ou maltais neveulent pas entendre parler deson projet d'un calcul standardi-

sé de l'impôt sur les sociétés dans l'UE, pourtant efficace pourpriver les entreprises de moyens de contourner les taxes.

Rappelons au passage que la Commission dispose de com-pétences limitées en ces matières sur lesquelles les Etats ontjusqu'à présent veillé jalousement. Elle n'a aucun moyen nilégitimité pour imposer un salaire minimal européen ou fixerun taux plancher pour l'impôt sur les sociétés.

Faire porter le chapeau à "Bruxelles" est un gros défauttrès bien partagé dans l'UE: le premier ministre hongrois,Viktor Orban, ne s'en est pas privé en lançant il y a quelquessemaines une consultation baptisée "Stop Bruxelles", auxquestions particulièrement orientées contre les institutions del'UE. Il venait, quelques jours plus tôt, le 25 mars, de signercomme les autres dirigeants européens une "Déclaration deRome" réitérant leurs valeurs et leur destin communs. Plusc'est gros, plus ça passe?

UE à l'UE est un gros défaut très bien partagé

5

Le pantouflage de José Manuel Barroso

A qui la faute, encore, si l'Europe est "incapable" derésoudre la crise migratoire ? Utiliser "Bruxelles" à toutes lessauces sert le discours fallacieux desanti-européens, qui accusent l'Europede tous les maux au lieu de désignerles vrais coupables: les gouverne-ments, qui se cachent derrière cetécran de fumée rhétorique. L'heureest grave: l'Europe risque de mourirde ces approximations.

Un dernier exemple ? Le référen-dum de 2005 sur la Constitutioneuropéenne, rejetée par une majoritéde Français. Un vrai traumatismenational, à la base d'une grande partiedu ressentiment hexagonal à l'égardde l'UE.

A Bruxelles, les gouvernements ont négocié un nouveautexte, le traité de Lisbonne, reprenant l'essentiel de laConstitution. Qui aurait le plus contourné le vote initial des

citoyens? "Bruxelles" ou, à l'époque, le président Sarkozy etles parlementaires hexagonaux, qui auraient pu refuser de rati-fier le traité ou le soumettre à un nouveau référendum ?

Ne nous méprenons pas. La Commission n'a pas tout bon,loin de là. Elle a trop tendance à êtredure avec les faibles (la Grèce) et fai-ble avec les forts (l'Allemagne). Etpourquoi M. Juncker a t-il hésitédeux mois, en 2016, avant de dénon-cer le pantouflage de José ManuelBarroso, son prédécesseur, chezGoldman Sachs ?

Le plus paradoxal dans cette his-toire: les spécialistes bruxelloisreprochent surtout à l'institution d'a-voir perdu de l'ascendant sur leConseil. D'avoir donné les clés de lagestion de la crise financière à la"Merkozy" (Sarkozy et Merkel) et

trop timidement tenté, depuis, de reprendre les rênes de l'UE.Cécile Ducourtieux (Bruxelles, bureau européen du Monde)

Un épouvantail commode nommé "Bruxelles""C'est la faute à Bruxelles": utiliser cette facilité de langage à toutes les sauces crée un écran de fumée derrière lequel

se cachent les vrais responsables des échecs de l'UE: les gouvernements, explique Cécile Ducourtieux, correspondante du"Monde" à Bruxelles.

L’image que les adversaires de l’Europe essaient de colporter:une Allemagne dominatrice qui impose sa loi à tous

ses partenaires, intimidant la France, les autres se taisant.

La Roumanie qui a enregistré lemeilleur taux de croissance del'UE l'année dernière, pourrait

devenir l'État au déficit budgétaire le plusconséquent de l'Union. Si le gouverne-ment roumain a assuré à la Commissionqu'il n'y avait aucune raison de s'inquié-ter, l'exécutif européen n'a pas sembléêtre totalement rassuré par la présentationdu "Rapport économique 2017 pour laRoumanie".

Le 15 mars, la chef de la représenta-tion de l'exécutif européen en Roumanie,Angela Cristea, a en effet partagé lesappréhensions de la Commission, selonlaquelle le pays pourrait enregistrer ledéficit le plus élevé de l'UE cette année.

"En 2016, la Roumanie a enre-gistré le meilleur taux de crois-sance économique en Europe(4,9 %). Pour autant, le rapportfait également état du risque quela Roumanie ne subisse cetteannée l'augmentation de déficitpublic la plus conséquence ausein de l'UE", a-t-elle averti. "Legouvernement affirme qu'il n'y apas de raison de s'inquiéter à cesujet, mais nous sommes préoc-

cupés. Il vaut mieux avoir des craintes etque rien ne se passe, puis en concluredans le rapport de l'année suivante queçà n’a pas été le cas.".

3,9 % de déficit en 2018 ?

D'après Angela Cristea, laCommission a reçu des garanties de lapart de Bucarest, qui s'est engagé à conte-nir son déficit en dessous de la barre des3 % du PIB, le seuil autorisé par l'UE.

Elle a également souligné les fortesinégalités sociales en Roumanie, une ten-dance qui persiste depuis 2012: "Nousobservons que la pauvreté gagne du ter-rain, tout comme les inégalités sociales.

Ce n'est pas un phénomène nouveau,mais une tendance qui dure depuis 2012.Cela ne concerne pas seulement laRoumanie, mais aussi d'autres Étatseuropéens".

D'après les dernières prévisionspubliées par la commission mi-février, ledéficit public de la Roumanie devraitatteindre 3,6 % du PIB en 2017, contreles 3,2 % estimés dans les prévisions del'automne dernier. En 2018, celui-ci pour-rait même dépasser les 3,9 %, en raisond'une augmentation des pensions deretraite prévue pour juillet 2017.

Le ministre roumain des Finances,Viorel Stefan, s'est toutefois montré pru-dent. Il a en effet déclaré que le gouver-nement envisageait des mesures visant àréduire les dépenses si l'État s'éloignaittrop de ses objectifs.

D'après les prévisions du Fondsmonétaire international publiées en octo-bre, la Roumanie a enregistré le meilleurtaux de croissance d'Europe en 2016,suivi de près par l'Irlande. Le FMI pré-voyait un taux de croissance de 2 % pourl'UE dans son ensemble, contre 3,3 %pour les pays émergents d'Europe, dont laRoumanie fait partie.

Le déficit roumain préoccupe Bruxelles

José Manuel Barosso est un des grands responsablesde la mauvaise image de l’Union Européenne.

Angela Cristea est la représentante de la Roumanieauprès de la Commission européenne à Bruxelles.

Page 4: Les OUVELLEs moitié de la population. Et maintenant? "Ça me fait mal au cœur, toute cette énergie civique qui s'évapore." Carmen, psychologue, la quarantaine, est attablée avec

A la UneLes NOUVELLES de ROUMANIE

76

Les NOUVELLES de ROUMANIE A la Une

"On a plutôt envie d'être à Bucarest

Mirel Bran: "Les Roumains seUE

-Lepetitjournal.com/Bucarest: À la frontière del'Orient et de l'Occident, entouré de pays slaves, qu'est-ce quicaractérise, selon vous, le peuple roumain?

-Mirel Bran: Les Roumains sont un peuple de frontièresqui a longtemps vécu en marge des grands empires. Ils ontdéveloppé des stratégies de survie quipeuvent étonner les Européens de l'Ouest.Le système D est roi dans ce pays qui atraversé une des dictatures les plus féro-ces de l'ancien bloc communiste.L'avantage de ce profil psychologique estde montrer une grande flexibilité face auxproblèmes de la vie quotidienne et unecertaine légèreté de l'être. Les Roumainsexcellent dans l'art de perdre du temps.C'est une qualité rare et un atout impor-tant dans un monde qui va de plus en plusvite vers quelque chose qui nous échappe.Être en paix avec sa paresse est une qua-lité précieuse pour les temps à venir.

"Qu'est-ce qui vous fait croire que ça va mieux àBudapest, Prague ou Varsovie ?"

-D'autres pays de l'Europe de l'Est ou de l'EuropeCentrale, comme la Pologne, la République Tchèque ou laHongrie ont connu, comme la Roumanie, le joug du commu-nisme. Pourtant aujourd'hui, ces pays se portent mieux que laRoumanie. Croyez-vous que ce soit de la seule faute de sesdirigeants ?

-J'entends souvent cette question. Il faut simplifier pourcomprendre. On a décidé de créer des frontières imaginaires enEurope. On a l'Europe occidentale, riche, développée, puissan-te, civilisée, etc., et on a l'Europe centrale - Pologne, Répu-blique Tchèque et Hongrie -, une Europe qui a intégré le modè-le occidental, donc fréquentable. Et on a la Roumanie, laBulgarie et cette nébuleuse qu'on appelle les Balkans. Là oncommence à s'y perdre, on avance sur du sable mouvant.

Au niveau géographique la Roumanie est située auxconfins orientaux de l'Union européenne. Au niveau des men-talités elle se trouve au carrefour entre l'Occident et l'Orient.

Vous me demandez pourquoi les pays de l'Europe centra-le se portent mieux que la Roumanie. À mon tour je vousdemande: qu'est-ce qui vous fait croire que ça va mieux àBudapest, à Prague ou à Varsovie qu'à Bucarest ? Quand onvoit le sursaut démocratique de la société civile roumaine quidit "non" à la corruption en manifestant jour et nuit sur la placepublique, on a plutôt envie d'être à Bucarest aujourd'hui.

-En tant que correspondant du journal Le Monde enRoumanie vous avez suivi de près la vague des manifesta-

tions dans le pays. Croyez-vous que cet évènement a changél'image que l'on a des Roumains à l'étranger ?

-Cette histoire d'image des Roumains à l'étrangerm'exaspère un peu. Tout le monde m'en parle, surtout lesFrançais qui viennent investir et vivre en Roumanie. Ils me

demandent: "Que faut-il faire pour chan-ger l'image des Roumains à l'étranger ?"Et je leur dis: "rien". L'image de laRoumanie à l'étranger changera quand lesRoumains eux-mêmes changeront leurimage. C'est comme ça que ça marche.Vous pouvez mettre tout le PIB de laRoumanie dans une campagne publicitai-re pour améliorer l'image du pays à l'é-tranger, ça ne marchera pas.

Nous n'avons pas besoin d'argentpour ça, il suffit d'un déclic, et seuls lesRoumains en sont capables.

Les manifestations contre la corrup-tion que l'on constate depuis début févrierdans toute la Roumanie sont le signe

qu'un tel processus a commencé. Ces mouvements de protes-tations ne posent pas des questions politiques mais des ques-tions identitaires. En sortant dans la rue les Roumains se défi-nissent eux-mêmes comme un peuple exemplaire. C'est unphénomène historique dans un monde en perte de repères.

"Créer l'enfer sur terre au nom du paradis, c'est celaque nos parents ont vécu"

-Beaucoup d'intellectuels parlent du fatalisme qui serait untrait caractéristique des Roumains. Pensez-vous que la nouvel-le génération peut se défaire de ce trait de caractère ?

-J'ai 53 ans. Ma génération a vécu le fatalisme dont vousparlez comme une maladie. Que dire de la génération de mesparents qui s'était jetée corps et âme dans l'utopie commu-niste ? Le communisme et le fatalisme qu'il a engendré ont étéune tragédie pour les Roumains.

Créer l'enfer sur terre au nom du paradis, c'est cela que nosparents ont vécu. Ma génération a tenté d'échapper à cette mal-édiction, mais nous n'avons pas réussi. C'est la génération demon fils qui y parviendra. Je fais confiance à ces jeunesRoumains qui sont en train de donner une leçon de démocratieà une Europe en proie aux nationalismes et aux extrémismes.

-Justement, pensez-vous que les vagues de repli identitai-re et de nationalisme qui déferlent sur l'Europe et le mondeaujourd'hui, arriveront aussi en Roumanie ?

-Le nationalisme et le repli identitaire que l'on constateaujourd'hui en Europe et dans le monde ont été vécus enRoumanie dans les années 1990.

aujourd'hui que dans les autres capitales de l'Est"

sont définis comme un peuple exemplaire"C'était une réaction prévisible dans un pays qui a connu

l'une des dictatures les plus dures dans le monde. Aujourd'huila Roumanie est à l'abri de ces phénomènes. En 2014 lesRoumains ont élu un président d'origine allemande. Est-cequ'on peut imaginer les Français installer Angela Merkel àl'Elysée? Les Roumains ont connu la folie de la dictature puisils ont senti les bénéfices d'une société ouverte. L'adhésion àl'Union Européenne a été une véritable révolution pour un peu-ple qui avait du mal à retrouver ses repères. Évidemment per-

sonne n'est à l'abri du repli identitaire et du nationalisme dansun monde qui déraille chaque jour un peu plus. C'est justementdans cette cacophonie mondialisée que la Roumanie tente defaire entendre la voix de la raison. Qu'elle y parvienne ou nonest une autre histoire, mais je crois que ça vaut la peine d'es-sayer. C'est cela qui permettra à nos enfants d'être fiers de leursparents.

Propos recueillis par Grégory Rateau et Sarah Taher(www.lepetitjournal.com/Bucarest)

Lepetitjournal est allé à la rencontre du correspondant en Roumanie du journal Le Monde, le journaliste et écrivainMirel Bran, pour nous éclairer sur ce qui fait l'essence du peuple roumain. Mirel Bran est aussi l'auteur des livres "LesRoumains", "Bucarest, le dégel" et "La Roumanie, 20 ans après".

Qui en aurait douté ? Malgré letrès mauvais exemple venud'en haut et leurs difficultés

dans la vie quotidienne, les Roumainssont d'une honnêteté foncière. Débutavril, dans la même semaine, les médiasont rapporté trois évènements particuliè-rement éloquents.

Une jeune fille de 22 ans, d'Aninoasaa ramené à la police locale de Petrosani,dans la vallée des mineurs, la somme de12 000 euros que la caissière d'un bureaude change lui avait remise, alors qu'ellene devait en recevoir que 1200, neconservant que l'argent dû. Elle ne s'étaitrendu compte de l'erreur que, lorsqueretournée chez elle, elle avait compté sesbillets avec son copain.

Le même jour, Cristian, 42 ans, unchauffeur de taxi d'Uber, originaire dePloiesti, prenait en charge un client à l'aé-roport de Bucarest pour une très courtecourse de 3 kilomètres qui lui rapportait 2

euros et repartait aussitôt. Moins d'uneheure après il recevait un coup de télé-phone de sa centrale, lui indiquant qu'unde ses passagers, affolé, venait de signa-

ler qu'il pensait avoir laissé tomber sonportefeuille, contenant environ 10 000euros. Cristian, qui avait pris trois autresclients depuis, s'arrêtait immédiatementet le retrouvait glissé sous un siège, avecla somme intégrale. Il prévenait aussitôtson passager étourdi et lui rapportait sonbien à domicile, dans la foulée.

Plus saisissant encore est le cas d'unejeune femme tsigane quia trouvé un portefeuillecontenant l'équivalent de1300 euros devant lacathédrale d'Arad, ainsique des papiers d'identité,qui avait glissé de lapoche de son propriétaire.

Elle est allée le porterimmédiatement à la poli-ce, laquelle a alerté toutde suite l'intéressé. Celui-ci, soulagé, a voulu larécompenser… mais C.B.

(elle voulaitgarder l'anonymat), a refu-sé, préférant qu'il donneune petite somme à l'orphe-linat pour rendre plusjoyeuses les fêtes de Pâquesdes enfants.

… Voici quatre ans,Henri Gillet qui suivait letour de Roumanie cycliste,quittait la course, prenantune autre direction qu'ilrejoignait en auto-stop. Sonconducteur, un automobilis-te d'une soixantaine d'an-

nées le déposait à son hôtel. Quelquesinstants plus tard, notre journaliste,embarrassé par tous ses bagages, se ren-dait compte qu'il avait égaré le plus pré-

cieux, contenant tous son argent (3000euros), ses papiers, sa carte bleue, sonbillet d'avion retour. Dans l'affolement,incapable de se remémorer avec précisionla scène où cela avait pu se passer pourcommencer des recherches, il interrogeaitla réception de l'Hôtel pour lui demanderconseil. Celle-ci prit un air mi navré, mi-rieur: "Vous savez, on est en Roumanie,

ne vous faites pas d'illusions… c'est toutbénéfice pour celui qui aura mis la maindessus".

Il ne lui restait plus qu'à s'arracher lescheveux… quand, sur le seuil de l'entrée,il vit réapparaître son chauffeur qui s'em-pressa de lui remettre son bien, s'excusanten outre de ne pas avoir fait attentionquand il était descendu de son véhicule,puis disparaissant aussi vite, refusantmême une invitation à dîner (une com-pensation aurait été déplacée).

Pas étonnant, devant tous ces témoi-gnages, que l'on ait vu des centaines demilliers de Roumains descendent dans larue, ces derniers mois, pour stipendier cesvoyous qui leur font honte et prétendentles représenter.

Des citoyens qui donnent des leçons aux corrompus

Cristian, chauffeur de taxi d’Uber.

Le beau geste d’une jeune femme de 22 ans à Aninoasa.

Page 5: Les OUVELLEs moitié de la population. Et maintenant? "Ça me fait mal au cœur, toute cette énergie civique qui s'évapore." Carmen, psychologue, la quarantaine, est attablée avec

Actualité

De fait, l'empire du Milieu s'emploie à renforcer saprésence dans la région depuis plusieurs années."Celle-ci passe beaucoup par le développement

d'infrastructures", explique Dragan Pavlicevic, spécialiste desrelations entre la Chine et les Balkans à l'université deSingapour. En 2014, Pékin a ainsi créé un fonds de coopéra-tion qui investira 10 milliards d'euros en Europe centrale etorientale, y compris la Roumanie.

En 2016, l'entreprise publique chinoise China EverbrightLimited a racheté l'aéroport de Tirana, en Albanie. La banquepublique China Exim Bank finance la construction d'autorou-tes en Macédoine et au Monténégro, tandis qu'en Serbie, laChina Road and Bridge Corporation a bâti le pont de Pupin au-dessus du Danube, à Belgrade. Inauguré en 2014, ce "pont del'amitié sino-serbe" a coûté 170 millions d'euros, financés à85 % par un prêt de la China Exim Bank.

Une ligne de train à haute vitesse entre Athènes et Budapest

Mais le projet le plus sym-bolique est la constructiond'une ligne de train à hautevitesse entre Athènes etBudapest, la capitale hongroi-se, passant par la Macédoine etBelgrade, la capitale de laSerbie. Le tronçon Budapest-Belgrade devrait être inauguréau mois de juin. A terme, ilpermettra de faire circuler desmarchandises depuis le portgrec du Pirée, passé souspavillon chinois en 2010, jusqu'à l'Europe centrale.

"Pour Pékin, ce corridor entre la mer Egée et le cœur duVieux Continent est stratégique, explique BarthélémyCourmont, chercheur à l'Institut des relations internationales etstratégiques. Il s'agit de la partie occidentale de sa nouvelleroute de la soie, également appelée One Belt, One Road ("uneceinture, une route")". Lancé en 2013, ce projet pharaoniquereliera la Chine à l'Europe par les voies ferroviaires et mariti-mes. Grâce aux milliers de ponts, gares et chemins de fer cons-truits, le géant asiatique pourra acheminer plus rapidement sesmarchandises vers l'ouest.

Au sein des Balkans, la Serbie et ses 7,1 millions d'habi-tants sont le partenaire pivot de l'empire du Milieu. "Les deuxpays entretiennent des liens d'amitié depuis 1949, qui se sontpoursuivis tout au long de l'ère yougoslave", rappelle

Barthélémy Courmont. En 2009, ils ont signé un partenariatstratégique, à la suite duquel leurs relations se sont intensi-fiées. "Politiquement, la Chine soutient également la positionde la Serbie, qui ne reconnaît pas l'indépendance du Kosovo",note Florent Marciacq, spécialiste des Balkans à l'universitédu Luxembourg.

Des Chinois peu regardants sur la destination des financements

Pour Belgrade et ses voisins, les investissements chinoissont l'opportunité de financer les infrastructures dont ils ontcruellement besoin. Certes, la Croatie et la Roumanie, memb-res de l'Union européenne (UE), bénéficient aussi des fondsstructurels européens.

De même, les pays non membres mais candidats, commela Serbie, l'Albanie ou le Monténégro, profitent de soutienseuropéens pour construire routes et voix ferrées dans des paysparticulièrement gangrénés par la corruption. Mais ces der-

niers sont assortis de condi-tions de transparence, normeset de procédures complexes.

"Les Chinois, eux, nedemandent rien, tout va plusvite: pragmatiques, les gou-vernements de la région enprofitent", commente M.Pavlicevic. "Nous sommes unpetit pays: attirer de telsinvestissements est pour nousessentiel", détaille VladimirKrujl, conseiller économiqueauprès du gouvernement serbe

pour l'intégration à l'UE.Reste une question-clé: cette omniprésence chinoise peut-

elle nuire à la candidature de la Serbie, du Monténégro, del'Albanie et de la Macédoine à l'UE, ou permettra-t-elle, aucontraire, de l'accélérer? "64 % de nos échanges commerciauxse font avec l'UE, nous fournissons beaucoup d'efforts afin deremplir les critères exigés pour l'adhésion", assure M. Krujl.

Si le développement des infrastructures favorise laconvergence vers les standards européens, l'opacité des finan-cements des Chinois, peu regardants sur leur destination etleur utilisation, peut en revanche se révéler problématique,soulignent les experts. "Dans tous les cas, l'UE devra appren-dre à dialoguer avec ce partenaire chinois, de plus en plusprésent dans la région", conclut M. Marciacq.

Marie Charrel (Le Monde)

Les NOUVELLES de ROUMANIE

9

Une nouvelle route de la soie aux portes de la Roumanie

Les NOUVELLES de ROUMANIE

8

A la Une

L’itinéraire du TGV que Pékin prévoit de construire dans les Balkans.

La Chine se renforce dans les Balkans Des bobards qui alimentent l'euroscepticisme UE

La tentative fin janvier du gouvernement de gauchede brider la lutte contre la corruption a suscité uneénorme vague de contestation mais également

débridé l'imagination de chaînes de télévision acquises à lamajorité. Le coup d'envoi a été donné dès décembre: deuxjours avant des législatives, la chaîne Romania TV n'a pashésité à affirmer que le milliardaire hongrois George Soros(85 ans), bête noire des populistes, avait "financé" le drama-tique incendie qui avait tué 64 personnes dans une discothèquede Bucarest fin 2015.

L'incendie - et le nombre record de victimes - sont bienréels et avaient conduit à l'éviction de l'ancien gouvernementsocial-démocrate. Mais l'enquête a démontré que des normesde sécurité non respectées, et non une main étrangère, avaientété à l'origine du drame.

Dans un paysage télévisuel dominé par cinq chaînes d'in-formation en continu, dont Romania TV, pour vingt millionsd'habitants, une partie de la concurrence n'a pas été en restedurant l'hiver.

"Même les chiens étaient payés pour manifester"

Alors que jusqu'à 500 000personnes ont manifesté pacifi-quement à travers le pays, desreportages ont évoqué une "gue-rre des rues", voire même un"coup d'Etat" en cours. Et desmultinationales "contraignant"leurs salariés à défiler contre legouvernement. La palme restecependant à Romania TV, qui aassuré que certains protestatai-res avaient été payés pour mani-fester. "Les adultes ont touché100 lei (22 euros), les enfants 50lei et les chiens 30 lei", a affirméla chaîne.

Dans cette jeune démocratieencore traumatisée par l'époquecommuniste, les réactions n'ont pas tardé. Le Conseil nationalde l'audiovisuel (CNA) a ainsi recueilli 2163 plaintes pour lesseuls mois de janvier et de février, "soit près de dix fois plusque pendant la même période de 2016", selon l'une de sesmembres, Dorina Rusu. Romania TV s'est vu infliger en retourune amende de 6600 euros pour ses affirmations concernantGeorge Soros et de 11 000 euros pour ses "fausses informa-tions" sur le paiement de manifestants.

L'association de défense de la liberté de la presseActiveWatch et l'Art Directors Club, qui réunit des publicitai-res roumains, ont également dénoncé des "dérapages" sansprécédent. Avec des conséquences concrètes: les deux chaînesd'informations en continu à l'origine des couvertures les plus

biaisées, Romania TV et Antena 3, ont perdu deux tiers desannonceurs début février, selon le site spécialisé IQads.

La propagande russe à l'œuvre

Ces chaînes traînent un pedigree chargé. Le fondateurd'Antena 3, Dan Voiculescu, ancien président d'un petit partimembre de la majorité de gauche et informateur de laSecuritate sous Ceausescu, purge une peine de 10 ans de pri-son pour blanchiment de fonds. Quant au patron de RomaniaTV, l'ancien député social-démocrate Sebastian Ghita, il estvisé par quatre procédures pour corruption, blanchiment etévasion fiscale et est en fuite depuis décembre.

Plusieurs magnats de l'audiovisuel roumain "ont desdémêlés avec la justice ou des penchants politiques évidents",note Petrisor Obae, du site de veille des médias Pagina deMedia.

L'offensive anticorruption menée par le parquet a renducertains oligarques nerveux, suscitant de "fortes attaquesmédiatiques", selon les mots de la Commission européenne.

Comme dans plusieurs autres pays, la Russie est aujourd'-hui soupçonnée d'être elle aussi à la manœuvre, alors que se

multiplient de fausses informa-tions à propos de l'appartenancedu pays à l'Union Européenne etl'Otan.

Des exemples: la Rou-manie, qui a bénéficié de 26milliards d'euros de fonds decohésion depuis son entrée dansle bloc européen en 2007, seraitune "contributrice nette" ("ellepaierait beaucoup plus qu'ellene recevrait"). Et "70% des ter-res agricoles du pays" seraientaux mains d'investisseurs étran-gers. Si le taux de confiance desRoumains dans l'UE reste l'undes plus élevés parmi les 28pays membres (50%, contre une

moyenne européenne de 35%), le doute semé par certainsmédias se reflète dans une multiplication des discours souve-rainistes, qui étaient jusqu'alors marginaux.

Corina Rebegea, du Centre d'analyse de la politique euro-péenne (CEPA), basé aux Etats-Unis, n'hésite pas à voir uneentreprise de "propagande russe" derrière ce phénomène.

"Le but est d'affaiblir la confiance dans l'UE et dansl'Otan afin de vulnérabiliser la Roumanie sur le plan interna-tional", estime-t-elle.

Une opinion partagée par Corneliu Bjola, professeur à l'u-niversité britannique d'Oxford, selon qui la Roumanie est "vuecomme un maillon faible du projet européen".

Andrei Pungovschi (AFP)

Des chiens "payés" pour renverser le gouvernement, le milliardaire américain George Soros commanditant un incen-die mortel: les "fake news" (bobards) prospèrent en Roumanie aussi, nourrissant une montée des discours eurosceptiques.

Même derrière les barreaux, le fondateur d'Antena 3, Dan Voiculescu, “colonel Felix” dans la Securitate

est toujours un champion de la désinformation.

Le symbole est fort. Entre le 29 et le 31 mars, le président de Serbie, Tomislav Nikolic, s'est rendu en Chine pour sadernière visite officielle, trois jours seulement avant que les électeurs serbes se rendent aux urnes pour désigner son succes-seur, dimanche 2 avril. L'homme politique s'est vu remettre le titre de "citoyen d'honneur" de la ville de Pékin. Le prési-dent chinois Xi Jinping et lui ont rappelé leur volonté de renforcer la coopération économique entre leurs deux pays et, pluslargement, l'ensemble des Balkans, tout en ayant déjà un pied en Roumanie.

Vie internationale

Page 6: Les OUVELLEs moitié de la population. Et maintenant? "Ça me fait mal au cœur, toute cette énergie civique qui s'évapore." Carmen, psychologue, la quarantaine, est attablée avec

Actualité

"Orban a commencé à venir aux matchs et ils se sont misà parler d'un grand tour en montagne que le Premier ministresouhaitait organiser pour l'anniversaire de son épouse.Garancsi a réglé l'affaire en tant que président de laFédération hongroise des promeneurs, il a partagé la baladeet les deux hommes sont devenus les meilleurs amis du monde.Récupérant Market grâce à l'appui du gouvernement, il aempoché entretemps un maroquin de commissaire gouverne-mental. Son titre est trop long pour être prononcé, mais il aévidemment un rapport avec la randonnée", raconte 24.hu.

Casinos et blockbusters

Seize kilomètres demarche séparent Felcsut desstudios Korda d'Etyek, véri-table Hollywood d'EuropeCentrale où se sont récem-ment déroulés les tournagesde Blade Runner 2048 et duprochain Robin des Bois,avec Jamie Fox dans le rôlede Petit Jean.

Ryan Gosling, HarrisonFord et consorts n'auraientsans doute jamais foulé laHongrie sans la gouaillenotoire du producteur amé-ricano-magyar Andy Vajna. L'argentier de Rambo, Terminator,Die Hard et Evita, ne crachant jamais sur un bon havane, s'estmis en tête d'amener une plâtrée de stars sur son territoire d'o-rigine à coups de ristournes fiscales.

Une mission qu'il accomplit au quotidien avec la bénédic-tion de Viktor Orban, qui lui a confié les clés du développe-ment cinématographique du pays, poste ministériel pompeux àl'appui. Le mordu de cigares s'est également emparé du grou-pe audiovisuel privé TV2, comprenant onze chaînes de télévi-sion, et de la radio musicale Radio 1, sur laquelle il a recrutéBalazs Sebestyen, qui est une star indiscutable des matinalesmaison. Marié avec une ex-reine de beauté de 38 ans sa cadet-te, le sulfureux Vajna s'est taillé une réputation de tycoonredoutable assortie d'un CV mêlant blockbusters, jeux dehasard, postiches et jeans blanchis.

"Andy Vajna n'est pas qu'une filmographie. Il est de ceshommes habiles, mais impatients, qui se fatiguent très vite deleur réussite, toujours en quête de nouveaux dépassements",observe Philippe Garnier dans un excellent portrait de VanityFair consacré au nabab. "Vajna est aussi l'homme qui possèdeun quart de Budapest.

C'est du moins ce que l'on dit pour faire court. Disonsqu'il possède presque tous les circuits de distribution et de pro-duction audiovisuels de Hongrie, la moitié des casinos, sansparler de la franchise du roi du sushi Nobu au coeur de Pest,près du Méridien et du Kempinski."

La "famille" avant tout

Ce goût du clinquant, Vajna le partage avec Arpad Habonyet Istvan Tiborcz, respectivement spin doctor en chef et gend-re de celui que ses plus féroces contempteurs baptisent"Viktator". L'un, créateur en parallèle du pure-player progou-vernemental 888.hu et du tabloïd Lokal, pâle copie du Sun,s'est imposé dans le microcosme des éminences grises et a,selon la presse hongroise, glissé quelques conseils à NicolasSarkozy. L'autre s'est enrichi en éclairant l'académie demusique Franz-Liszt à Budapest ainsi que de nombreusesvilles Fidesz incitées à solliciter le beau-fils. Les deux prospè-rent dans l'immobilier de luxe.

Tiborcz a vendu sesparts puis investi dans lapierre suite à l'investigationdu gendarme européen anti-corruption OLAF contre sesprojets lumineux mobilisantdes fonds communautaires.En juillet, il est allé discuterpétrole et gros sous àBahreïn accompagné de sonépouse avec le ministrelocal de l'Énergie. Et ce,sans aucun motif officiel.

Lui et Habony cherche-raient d'ailleurs à récupérer

leur part du gâteau dans la rénovation de la centrale nucléairede Paks, engagée avec l'aide de Vladimir Poutine. Un nomsouvent cité par les observateurs pointant une proximité diplo-matique et systémique à la fois.

"Orban s'entoure d'oligarques, qui, au-delà de faire fortu-ne, renforcent considérablement son pouvoir. Il choisit quidevient riche en Hongrie. [...] En 2015, Forbes Hongrie esti-mait les avoirs de la tribu Orban à 6,9 milliards de forints, soitplus de 22 millions d'euros. La "famille" n'a pas grand choseà craindre lorsque que quelqu'un enquête sur ses finances. Leparti d'Orban a placé de nombreux hommes dans les organis-mes de contrôle et les tribunaux", constatait Jan Puhl, de l'heb-domadaire allemand Der Spiegel, lors d'un reportage à Felcsut.Difficile de mieux résumer cette confiscation inique desrichesses. Lorsque la dynastie Meiji restaura l'empire au Japonà la fin du XIXe siècle, sa classe dirigeante voulut instaurer unnouvel ordre au même titre que les fondateurs légendaires del'archipel du Soleil Levant. L'accroissement des inégalités etl'état calamiteux des caisses du pays, vidées par les nombreuxconflits, forcèrent une réforme du système mais les réflexes decaste guidèrent durablement la vie politique.

D'après Machiavel, l'oligarchie serait incapable de résou-dre la question sociale. Le régime Orban, diminuant artificiel-lement le chômage et confronté à une pauvreté importante,confirme ce diagnostic.

Joël Le Pavous (Slate.fr)

Les NOUVELLES de ROUMANIE

1110

Les NOUVELLES de ROUMANIE Actualité

Du football au BTP en passant par l'industrie du cinéma et les médias, le lea-der souverainiste hongrois s'appuie sur un bataillon d'obligés confortant sasuprématie au-delà d'une arène politique qu'il étouffe.

Enfant, Viktor Orban rêvait d'une maison jouxtant un magnifique stade etd'un petit train desservant son village de Felcsut, 1500 habitants. Les troissont sortis de terre en une dizaine d'années, dont la Pancho Aréna dédiée au

"Major galopant" Ferenc Puskás, icône de l'"équipe d'or" hongrois de football des fif-ties (voir notre numéro 97). En Roumanie, Ceausescu avait lui aussi footballisé sabien-aimée Scornicesti, dotée d'une enceinte de 30 000 sièges alors que trois fois moinsd'âmes se serraient dans le berceau du Conducator. Deux folies comparables.

Depuis 2011, Felcsut est administré par Lorinc Mészaros, élu sous la bannièreFidesz, le parti d'Orban, à la faveur d'une révolution de palais. Un édile singulier, répa-rateur de gaz dans le passé, aujourd'hui 31e fortune magyare adoubée par l'exécutif.Ses revenus ont été multipliés par mille en une décennie et son patrimoine flirteraitavec les 12 milliards de forints (38 millions d'euros). Outre la mairie et la présidencede l'académie Puskas finan-cée par le contribuable etl'Union Européenne, sonempire compte une trentainede branches, dont une chaîned'hôtels de luxe ainsi qu'uneflotte de véhicules agricoles.

"Pas une semaine ne s'é-coule sans que LorincMészaros ne rachète ou necrée une nouvelle société.Lorsque le Fidesz est revenuaux affaires en 2010, il n'enpossédait qu'une. L'ombre decet épouvantail du businessse dissimule derrière de nombreuses opérations, modestes comme suspectes. Unechose est sûre: l'ancien entrepreneur villageois est devenu l'un des hommes les pluspuissants du pays. L'ampleur de ses actifs mesurables reflète à peine son rôle fonda-mental dans l'économie hongroise actuelle", commente le site d'infos d'oppositionIndex.hu, qui s'est fendu d'une étude de cas détaillée.

Stades et bon sens paysan

Comme Orban, Mészaros aime sincèrement le foot, qu'il a transformé en gagne-pain, ajoutant récemment le club croate d'Osijek à son tableau de chasse. Et commeOrban, il est né à Székesfehérvar, le fief du club de Videoton piloté par IstvanGarancsi, également à la tête du géant du BTP Market ZRT. Profitant de la disgrâce dubusinessman Lajos Simicska, chouchou d'antan d'Orban désormais blacklisté,Garancsi est devenu le pape de la construction made in Hungary en lieu et place deKozgep. Stades, immeubles de bureaux, rien n'échappe à ce courtier revendiquant unevie puritaine. Les installations des prochains Mondiaux de natation, prévus du 12 au28 juillet, sont aussi estampillées Market ZRT. Un contrat à 38,6 milliards de forints(124,77 millions d'euros) s'ajoutant notamment au juteux chantier de la GroupamaAréna, l'impressionnant jardin du Ferencvaros inauguré en août 2014.

Franc du collier, provincial, bourreau de travail, mordu de ballon rond.... Pourséduire Orban le footeux de la campagne, ce fut une simple formalité pour Garancsi.Le rachat progressif du Videoton, entamé en décembre 2007 via son fonds d'investis-sement "Futball Invest", alluma la flamme née en tribune VIP.

son pays à ses amis avec l'argent de l'UEComment Orban a vendu

Le parlement de Strasbourg aapprouvé par 521 voix contre 76 et36 abstentions, l'accord avec Kiev quipermet aux citoyens ukrainiens decirculer sans visa à l'intérieur desfrontières de Schengen pour unepériode de 90 jours dans un intervallede 6 mois, sans avoir toutefois lapossibilité d'y travailler.

Cette disposition ne concerne pasla Grande Bretagne, l'Irlande, laNorvège, la Suisse, le Liechtensteinet l'Islande. Elle entrera en vigueur àpartir du 20 juin.

Facilités de visas

pour les Ukrainiens

Voisins

Régulièrement critiqué pour sespropos xénophobes et ses attaquescontre la presse et la société civile, lepremier ministre hongrois fait facedepuis début avril à un vaste mouve-ment de protestation. A quelquesjours de l'adoption programmée d'unenouvelle législation anti-ONG, desmilliers de manifestants ont pris part,samedi 22 avril à Budapest, à unemanifestation destinée à tourner endérision les politiques autoritaires dupremier ministre hongrois ViktorOrban. Brandissant des afficheshumoristiques, les manifestants ontscandé "Encore plus de démagogie!A bas la presse! A bas l'éducation!"et réclamé la construction d'une liai-son de train directe avec Moscou etla Corée du Nord.

Qualifié de "manifestation la plusdrôle de la Hongrie" par des médiashongrois, le défilé, organisé par leparti parodique du "Chien à deuxqueues " (MKKP), a rassemblé de2000 à 3000 personnes dans le cent-re-ville de la capitale hongroise, selonles différentes estimations.

Orban sous le signe

de la dérision

"Viktator" choisit qui devient riche en Hongrie

L’ancien contestataire est devenu un populiste, transformantpeu à peu la Hongrie en “démocrature”, proche de Moscou.

Page 7: Les OUVELLEs moitié de la population. Et maintenant? "Ça me fait mal au cœur, toute cette énergie civique qui s'évapore." Carmen, psychologue, la quarantaine, est attablée avec

ActualitéLes NOUVELLES de ROUMANIE

1312

Les NOUVELLES de ROUMANIE Actualité

Le cabinet du premier ministre hongrois Viktor Orban a annoncé une coopéra-tion nucléaire inédite avec la République islamique d'Iran. Et confirmé,le 6 avril, le démarrage du chantier d'un réacteur de basse intensité, dans le

cadre de sa politique d'ouverture à des marchés extraeuropéens. Le réacteur, à viséesscientifiques, sera destiné à être vendu en Asie et en Afrique. Sa conception et sa fabri-cation seront effectuéesen Iran, selon Téhéran.Sa puissance d'abordlimitée à 25 mégawattsserait portée à une centai-ne de mégawatts.

Le lancement d'unecoopération nucléaireentre l'Iran et le petitpays d'Europe centrale(moins de 10 millionsd'habitants), membre del'Union Européennedepuis 2004, avait étédécidé quelques moisseulement après la signa-ture de l'accord historiquede juillet 2015 entre l'Iran et les pays du "P5 + 1" (Etats-Unis, Russie, Chine, France,Royaume-Uni et Allemagne). Le chef de l'exécutif hongrois avait été l'un des premiersdirigeants européens reçu à Téhéran, en novembre 2015.

Prendre de vitesse la concurrence

Selon Ali Akbar Salehi, patron de l'Organisation de l'énergie atomique d'Iran (OEAI)cité par l'agence Mehr, des banques hongroises seraient prêtes à allouer 85 millions d'eu-ros au développement des investissements dans la coopération nucléaire civile entre lesdeux pays. Mais Budapest refuse à avancer les coûts de ce projet ainsi que ses modalitésde financement, et déclare juste avoir signé un "cadre d'agrément" pour la coopérationnucléaire avec l'Iran, avec pour priorité la sûreté nucléaire, en conformité avec les nor-mes de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et de l'UE.

La Hongrie veut gagner du temps sur d'éventuels concurrents, dans un marché quisouffre des incertitudes économiques. Car aux Etats-Unis, l'administration Trump vou-drait réviser le texte ayant mené à la levée d'une grande partie des sanctions internatio-nales frappant l'Iran et qui interdisaient notamment le commerce de biens ou de servicesliés aux activités atomiques iraniennes. Toutes ces sanctions tomberont à condition queles règles aient été respectées par l'Iran. Les observateurs de l'AIEA font état de la bonnevolonté de Téhéran. Mais le Conseil de sécurité n'abrogera les résolutions punitives à sonencontre qu'en 2025. Le refroidissement des relations irano-américaines coïncide, deplus, avec une irritation du premier ministre populiste hongrois à l'égard de Washington.Soutien du candidat Trump, Viktor Orban semble ne pas vouloir s'aligner sur la positiondu président américain sur tous les sujets. Blaise Gauquelin

La droite bulgare gagne les élections législativesLa Hongrie et l'Iran vontcoopérer dans le nucléaire

Interpellation record

de migrants à Nadlac

Le jeu dangereux d’Orban avec l’Iran “nucléaire” de Mahmoud Ahmadinejad commence à irriter Donald Trump .

Voisins

Boïko Borissov a gagné son pari. Dimanche26 mars, il a remporté une nouvelle fois les élec-tions législatives et peut ainsi devenir pour la troi-

sième fois le premier ministre de son pays. Mais le dirigeantde Citoyens pour le développement européen de la Bulgarie(GERB, convervateur) a évité tout triomphalisme en commen-tant cette nouvelle victoire. Son parti a obtenu 32,5 % desvoix, devant le Parti socialiste bulgare (PSB) de KorneliaNinova, qui double pratiquement son scorede 2014 avec 27 % des suffrages.

S'il y a une chose que sait faire M.Borissov, c'est bien gagner les élections. Ilest à l'aise dans la compétition électorale,plus sans doute que dans l'art de gouverner.Après avoir voté, il a usé d'une métaphoresportive en se réjouissant de la victoire de laBulgarie contre les Pays-Bas en football, laveille: "Les Bulgares sont meilleurs quandils sont sous-estimés". Les sondages ont eneffet longtemps donné le PSB en tête.

Il a reconnu que "le combat avait étédifficile", en félicitant avec insistance lessocialistes et en rappelant que le pays, qui prendra la présiden-ce du Conseil de l'Union Européenne en janvier 2018, devaitrester "uni". Pendant la campagne, l'hypothèse d'une grandecoalition entre les deux principales formations avait été évo-quée. Mais Kornelia Ninova avait clairement rejeté cette pos-sibilité le soir des élections.

Ceinture noire de karaté, garde du corps et colonel des pompiers

Boïko Borissov s'affirme, depuis dix ans, comme la per-sonnalité incontournable du paysage politique bulgare.Premier ministre de 2009 à 2013, puis de 2014 à 2016, il a àchaque fois abrégé son mandat pour créer un choc électoral. Sison parti était arrivé légèrement en tête en 2013, il avait étédans l'incapacité de former une coalition. Il était revenu aupouvoir à l'automne 2014.

Son récent succès électoral lui permet d'effacer la lourdedéfaite de la candidate de son parti à l'élection présidentiellede novembre, face à son adversaire soutenu par le PSB,Roumen Radev. Alors qu'il avait, à l'époque, dû démissionner,il montre que le GERB reste ainsi un parti qui gagne.

A 57 ans, Boïko Borissov est une personnalité hors du

commun dans le monde politique. Avec sa carrure imposante,il cultive l'image de l'homme fort du pays, qui ne craint per-sonne avec sa ceinture noire de karaté. Colonel des pompierspendant le régime communiste, il se reconvertit dans la sécu-rité après 1989 en créant une société de protection qui le metau contact de la police, des VIP et des truands. Il devientnotamment le garde du corps de l'ancien dictateur TodorJivkov, puis de l'ex-roi Siméon II, revenu d'exil. Ce dernier,

devenu premier ministre, le nomme secré-taire général au ministère de l'intérieur, où ilsupervise la police.

En 2005, il s'impose comme maire deSofia, jouant d'autant plus la carte de la lutteantimafia qu'il traîne une réputation sulfu-reuse. En 2006, il crée le GERB, qui sup-plante rapidement les autres partis de droite.

Alliance avec le "Trump bulgare"

La mauvaise nouvelle de cette électionpour Boïko Borissov a été la disqualificationde son partenaire de gouvernement, le Bloc

réformiste (centre), qui n'est pas parvenu à franchir le seuildes 4 % nécessaires pour entrer au Parlement. Le GERB doitdonc faire alliance avec les Patriotes unis, une coalition detrois partis ultranationalistes - dont l'extrême droite prorusseAtaka -, qui obtient un score d'environ 9 %, en retrait par rap-port à la présidentielle de novembre (15 %). Ils devraient d'au-tant plus faire monter les enchères qu'ils avaient claironné êtreprêts à soutenir aussi bien le GERB que le PSB.

Le parti de Boïko Borissov devait également pouvoir s'en-tendre avec le populiste Vesselin Marechki, autoproclamé le"Trump bulgare", qui a fait fortune dans les stations-service etles pharmacies. Ce dernier a obtenu 5 % des voix. Avec 9 %des suffrages, le parti turc Mouvement des droits et des liber-tés arrive à limiter les dégâts, après la création d'une formationconcurrente, soutenue par Ankara, qui n'a pas atteint 4 %. EnBulgarie, des élections législatives étaient aussi sous influencede Moscou et d'Ankara.

"Nous ne nous allierons pas avec un parti ethnique. Sinous ne parvenons pas à faire une coalition, nous gouverne-rons en minorité", a assuré le député Dimitar Glatchev. Le troi-sième mandat de Boïko Borissov a de bonnes chances, commeles deux précédents, de s'arrêter avant son terme.

Alain Salles (Le Monde)

Une interpellation record demigrants a eu lieu à la frontière rou-mano-hongroise dans la nuit devendredi à samedi 22 avril. Ceux-citentaient de passer en Hongriedans la remorque d'un camion aupassage de frontière de Nadlac àl'ouest de la Roumanie.

Il s'agissait d'un groupe de 111migrants originaires de plusieurspays, interpellé lors d'un contrôlede routine au passage. C'est le plusimportant groupe de personnes ten-tant de passer illégalement la fron-tière dans un même véhicule arrêtéà ce jour à ce point de passageimportant entre les deux pays.

Les forces de l'ordre ont ainsidécouvert 45 hommes, 24 femmeset 42 enfants, entassés les uns surles autres dans la remorque d'uncamion roumain. Ces migrants ontdéclaré vouloir se rendre dansl'espace Schengen, dont fait partiela Hongrie à la différence de laRoumanie.

Il s'agirait, selon la Police desfrontières, de 76 citoyens irakiens,15 Syriens, 9 Iraniens, 8 Afghans,2 Indiens et de 1 Pakistanais, âgésentre 2 et 53 ans.

Tous avaient déjà effectué unedemande d'asile en Roumanie. Lechauffeur a déclaré qu'il n'était pasau courant de leur présence à l'ar-rière de son camion.

Jusqu'à présent, la Roumanien'a pas constitué un point de pas-sage sur la route des migrants endirection de l'Europe de l'Ouest.Cependant, plusieurs interpellationsont eu lieu ces dernières semainesà proximité des frontières ouest dupays.

Voisins

Boïko Borissov, inamovible 1er ministre

Sur les vingt-huit pays de l'Union Européenne, seuls quatre affichent encore undéficit supérieur ou égal à 3 %: l'Espagne (4,5 %), la France (3,4 %), leRoyaume-Uni (3 %) et la Roumanie (3 %), la Hongrie est parvenue à rentrer

dans le rang. "Pour le reste, douze pays européens affichent un solde budgétaire à l'équi-libre ou excédentaire, y compris la Grèce [+ 0,7 % du PIB], tandis que les autres affi-chent de faibles déficits", expliquent les experts d'Eurostat.

Déficit : la Hongrie bon élève Les Français de Roumanie ont voté pour Emmanuel Macron, lors du 1er tour de l'élection présidentielle (52,76 % de tauxde participation, suivi de près par François Fillon, rejetant massivement Marine Le Pen, à l'image de leurs compatrio-tes installés à travers les cinq continents. Les résultats : Emmanuel Macron 39,37 %, François Fillon 32,16 %, Jean-Luc

Mélenchon 13,45 % (2ème à Cluj et Iasi, où l'on compte beaucoup d'étudiants) Marine Le Pen 6,09 %, Benoît Hamon 5,26 %,Nicolas Dupont Aignan 1,73 %, François Asselineau 0,90 %, Jean Lassalle 0,52 %, Philippe Poutou 0,37 %, Jacques Cheminade0,15 %, Nathalie Arthaud 0,00 %. La tendance était identique dans les pays voisins (Hongrie, Bulgarie, Serbie, Ukraine). AChisinau (Moldavie), l'ordre était le même qu'à Bucarest en ce qui concerne les qualifiés pour le deuxième tour, mais Marine LePen arrivait 3ème alors qu'en Roumanie elle oscillait entre la 4ème et la 5ème place selon les villes.

Macron préféré des Français de Roumanie

Page 8: Les OUVELLEs moitié de la population. Et maintenant? "Ça me fait mal au cœur, toute cette énergie civique qui s'évapore." Carmen, psychologue, la quarantaine, est attablée avec

Actualité

Son existence était connue: la justice moldave, quiétait l'un des maillons centraux de ce schéma,enquête sur le sujet depuis 2014, en collaboration

toute théorique avec son homologue russe. La "laverie" a aussifait l'objet de plusieurs publications de l'Organized Crime andCorruption Reporting Project (OCCRP), un collectif de jour-nalistes d'investigation est-européen soutenu notamment par ledépartement d'Etat américain.

L'OCCRP et le journal russe Novaïa Gazeta ont eu accèsil y a plusieurs mois à des documents dévoilant près de 70 000transactions bancaires impliquant 120 comptes bancaires etstructures offshores. Ils se sont associés à des journalistesd'une trentaine de pays pour exposer de façon détaillée le fonc-tionnement de cette machine à blanchiment.

Dette fictive et créanciers prête-noms

Le schéma utilisé était relativement simple. En règle géné-rale, une société écran accordait à une autre un prêt fictif, quecelle-ci se disait incapable de rembourser avant de se mettre enfaillite. Grâce à la complicité de juges en Moldavie, la justiceautorisait le remboursement, par des sociétés russes, de cettedette fictive à des créanciers prête-noms. Pourquoi laMoldavie? Tout simplement, répond la Novaïa Gazeta, "parceque les juges russes sont devenus trop chers".

L'argent poursuivait sa "transformation miraculeuse",selon l'expression du quotidien britannique The Guardian, enétant envoyé vers des banques lettones, soit bien à l'abri ausein de l'Union Européenne, avec toutes les apparences de lalégalité. Enfin, l'argent achevait son parcours dans desbanques ayant pignon sur rue, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en Suisse, en Estonie ou aux Etats-Unis… La Sociétégénérale et BNP Paribas Fortis (la banque belge du groupeBNP Paribas) sont également citées par le Guardian, pour desopérations plus modestes.

Toutes sont suspectées, au minimum, d'avoir été peu

regardantes sur l'origine des fonds ayant transité chez elles.Après les premières publications de l'OCCRP en 2014, les

autorités moldaves, lettones et russes ont ouvert des enquêtes,mais Chisinau accuse régulièrement Moscou d'entraver lesrecherches. Ces dernières semaines, des dizaines d'officielsmoldaves ont fait l'objet de harcèlement lors de leur passagesur le territoire russe, notamment par le biais d'interrogatoiresà répétition. Des incidents que des officiels moldaves cités le15 mars par l'agence Reuters attribuent clairement aux déve-loppements de l'enquête sur le "Russian Laundromat".

Compagnies offshore et cousin de Poutine

Il faut dire que les bénéficiaires de l'immense fraudeappartiennent à l'élite des affaires moscovites - environ500 personnes, dissimulées derrière des structures opaques,mais que les journalistes ont partiellement réussi à identifier.

La majorité d'entre elles ont fait fortune grâce à leurs rela-tions avec les autorités et des contrats passés avec l'Etat russedans des domaines aussi divers que la construction, l'ingénie-rie, la banque, les hautes technologies… Des membres du FSBapparaissent également, notamment au sein des 19 banquesrusses ayant organisé le schéma de blanchiment. L'une d'elles,la RZB, dirigée par la femme de l'ancien maire de Moscou,comptait parmi les membres de son conseil d'administration lecousin de Vladimir Poutine, Igor Poutine.

Une grande partie des milliards blanchis se sont évaporésdans le monde opaque des compagnies offshores. Les journa-listes associés à l'enquête ont toutefois pu retracer un certainnombre de transactions, principalement des achats de biens deluxe: fourrures, diamants, montres, frais de scolarité enEurope, vacances… Une partie semble avoir eu un usage pluspolitique. Des paiements atterrissent ainsi dans une organisa-tion prorusse polonaise, dirigée par Mateusz Piskorski, unhomme politique arrêté en mai 2016 pour espionnage au pro-fit de Moscou. Benoît Vitkine (Le Monde)

Les NOUVELLES de ROUMANIE

1514

Les NOUVELLES de ROUMANIE Actualité

Cinq personnes faisant partie du gang des Moldaves ont été écrouées mi-marspour avoir trafiqué depuis septembre dernier une quarantaine de distribu-teurs de billets dans toute l'Ile-de-France. L'aventure s'est terminée pour les

pirates moldaves. Cinq personnes faisant partie de ce gang ont été écrouées mi-marspour avoir trafiqué depuis septembre une quarantaine de distributeurs de billets danstoute l'Ile-de-France. Le préjudice n'est pas encore chiffré. Mais il pourrait se révéler"monstrueux", selon une source proche du dossier. Aucune banque ne faisait peur à cesescrocs d'un nouveau genre, tous domiciliés dans le Val-de-Marne où vit une forte com-munauté moldave.

Le système employé par les membres du gang fonctionnait à tous les coups. A l'a-bri des regards, un membre de l'équipe avait pour mission de "travailler" à la perceusele distributeur de billets. L'objectif: reconstituer à l'identique une partie de l'appareil,notamment sur les côtés, en plaçant une caméra discrète. De cette façon, le code confi-dentiel de chaque personne venant retirer de l'argent était relevé.

Mais ce n'est pas tout. L'ingénieur du gang parvenait également à trafiquer la fentede la carte bancaire pour récupérer toutes ses données. Avec ces dernières, il réussissaità réencoder des cartes vierges. Certaines ont d'ailleurs été récupérées lors des perquisi-tions. Avec le code confidentiel des victimes, ils pouvaient ainsi retirer de l'argent là oùils voulaient sans se faire remarquer. Dans l'équipe, il y avait celui qui perçait, celui quiposait la partie trafiquée du distributeur, celui qui faisait le guet… Chaque membreavait son rôle bien défini. Tous faisaient également des allers-retours réguliers enMoldavie. Le système a fonctionné six mois jusqu'à ce que les policiers de la sûreté ter-ritoriale du Val-de-Marne, qui pistaient les escrocs, repèrent un jour un distributeur tra-fiqué. "Ils ne travaillaient jamais très longtemps sur un distributeur. Un jour ou deuxmaximum", précise un enquêteur. Surveillances discrètes, filatures…

En peu de temps, le gang est démantelé. Les cinq membres ont été interpellés le13 mars. L'enquête n'est toutefois pas terminée et l'instruction est toujours en cours."Cette méthode n'est pas nouvelle, a indiqué un policier. Mais là on avait atteint unniveau de technologie et d'organisation assez impressionnant".

piraté 40 distributeurs parisiens

La Moldavie, sans avoir lancé desfusées dans l'espace, a eu unecontribution assez importante audéveloppement de la cosmonautiquesoviétique. Plusieurs usines molda-ves ont fabriqué des micro-schémasintégraux et d'autres équipementsutilisées dans la construction desfusées spatiales. C'est en Moldaviequ'était produite la nourriture que lescosmonautes soviétiques consom-maient dans l'espace - des tubes aujus, des soupes en sachets, desconserves en poudre, tout cela, bienévidemment, avec le label bio. A partces produits consommés d'habitudedans l'espace, les savants moldavesont créé des bâtons de fruits secs,grâce auxquels les astronautes neperdaient pas les réflexes buccaux.On dit aussi que les cosmonautessoviétiques étaient "munis" desachets de vin moldave en poudre !

Mais les liens de la Moldavie avecl'astronautique ne s'arrêtent pas là !Dans le village moldave de Pauloestis'élève, comme s'il se dressait versl'espace, un chêne dit "le chêne deGagarine". C'est un arbre avec unehistoire intéressante, dont le "gland-père" a voyagé … dans le cosmos.Le premier astronaute, YouriGagarine, a emmené, dit-on, dansl'espace plusieurs semences de plan-tes, d'arbres et d'arbustes censéesconstituer ensuite l'objet des recher-ches. Parmi ces semences-là, ungland de chêne qui est finalementarrivé en Moldavie, à Paulesti.

Les villageois en sont très fiers etprennent soin avec abnégation del'arbre de Gagarine.

Le chêne de Gagarine

Moldavie 19 milliards d'euros d'argent sale blanchis

grâce à la complicité de juges moldaves

La "laverie russe", une incroyable machine à blanchiment d'argent

Le 12 avril, l'Union Européenne a déblo-qué pour la Moldavie 100 millions d'eu-ros de prêts et de subventions sur deux

ans. Le nouveau Président pro-russe Igor Dodon,élu en décembre 2016, clame pourtant son intentionde se rapprocher de Moscou et vient de signer unaccord de coopération avec la Communauté écono-mique eurasienne, le "petit marché commun" dirigéparla Russie, regroupant la Biélorussie, leKazakhstan, le Kirghizistan et le Tadjikistan.

En janvier dernier, le chef de l'État s'était pour-tant prononcé pour son annulation, lors d'une visite à Moscou. Le Premier ministre mol-dave pro-européen Pavel Filip ne s'est pas fait attendre pour critiquer cette décision,selon lui contraire aux engagements pris par la Moldavie lors de la signature de l'ASAavec Bruxelles. "Ces mesures folles sont susceptibles de porter atteinte à la stabilitésociale et politique de notre pays", a-t-il souligné, en expliquant que le mémorandumde coopération était illégal tant que qu'il n'avait pas été ratifié par le Parlement. L'aidede l'UE devrait permettre selon Bruxelles de participer à la stabilisation économique dupays et de mener des réformes ces deux prochaines années. En juillet 2016, les autori-tés de Chisinau et le FMI avaient déjà conclu un prêt de 178,7 millions de dollars surtrois ans. "Les deux tiers de nos exportations se font dorénavant vers l'UE", rappelaitfin mars le président du Parlement Andrian Candu au journal La Croix.

Moldavie

Un brutal retour de l'hiver a paralysé la Moldavie à la mi-avril. Rafales de neige, verglas, tempêtes, inondations ont sinis-tré pratiquement toutes les régions. En quelques jours, les températures ont varié de 20°. De nombreuses communesont été privées d'électricité et de chauffage. Des hôpitaux ont été concernés. La circulation a été rendue très difficile.

Pour permettre aux gens de se déplacer ou de se rendre au travail, des compagnies de taxi ont décidé d'offrir gratuitement leurs ser-vices dans la capitale. Un service qui a été particulièrement apprécié par les Chisinautes. Le retour à la normale ne s'est effectuéqu'au bout d'une semaine.

Dodon penche à l'Est mais l'argent vient de l’Ouest

Derrière un nom de code un peu barbare - "The Russian Laundromat","la laverie russe" - se cache l'un des schémas de blanchiment d'argent lesplus importants de l'histoire. Entre 2011 et 2014, ce système a permis à desdizaines de personnalités russes de sortir de Russie plus de 19 milliardsd'euros d'argent sale et de les mettre à l'abri en Europe, le tout avec la com-plicité apparente de responsables du FSB, les services de sécurité russes.

Brutal retour de l'hiver à la mi-avril

Le gang des Moldaves avait

Page 9: Les OUVELLEs moitié de la population. Et maintenant? "Ça me fait mal au cœur, toute cette énergie civique qui s'évapore." Carmen, psychologue, la quarantaine, est attablée avec

ActualitéLes NOUVELLES de ROUMANIE

1716

Les NOUVELLES de ROUMANIE Actualité

d'asile ont été formulées en 2016

Andreea Lupascu a 27 ans. Sontravail auprès des réfugiés l'oblige àune certaine confidentialité pour proté-ger les demandeurs d'asile dont ledossier est en cours de jugement, par-

ticulièrement ceux en provenance deTurquie. En effet, de nombreux Turcsont fui leur pays après le putsch man-qué par peur de subir la purge encours et les servicesturcs sont actifs à l'é-tranger pour localiserles "fuyards". De l'autrecôté, Andreea Lupascuest aussi tenue à uncertain devoir de réser-ve vis-à-vis de l'Étatroumain pour ne pascompromettre la coopé-ration du CNRR avecles autorités, dont peutdépendre le sort desréfugiés. Cette positionde médiatrice et d'équi-libre requiert délicates-se et diplomatie. C'estla raison pour laquelleaucun nom ni aucuncas particulier n'ontété mentionnés ci-dessus.

Mais il y a plein de réfugiés qui s'établissent en Roumanieet arrivent à s'intégrer. On les rencontre quotidiennement et onest satisfaits d'apprendre qu'ils sont heureux avec leur travailet qu'ils apprécient l'ambiance roumaine.

C.d.B.: Le sujet des migrants et des réfugiés semble com-plètement absent des informations et du débat public.Comme si ce n'était pas un sujet ici, même après la menacedu président turc Erdogan de laisser passer 15 000 réfugiéspar mois. Comment l'expliquer ? Les gens s'en fichent ? Oupeut-être que ce n'est pas un problème pour eux d'accueillirdes réfugiés dans leur pays ?

A.L.: Je ne crois pas. Une étude faite en 2016 indique que60% des Roumains n'aimerait pas avoir un musulman commevoisin, contre 30% pour la même étude en 2012. Si on regar-de les réseaux sociaux ou les forums sous les articles de jour-naux consacrés aux réfugiés, laplupart des commentaires sontislamophobes. Évidemmentles "cons" sont plus bruyantsque les gens tolérants. Mais s'iln'y a pas de débat ici autourdes menaces d'Erdogan parexemple, c'est sans doute parceque les Roumains ont confian-ce dans le fait que la Roumanien'est pas prête de devenir unedestination prisée des réfugiés.Autrement, je pense que ceserait l'hystérie autour du sujet.

Dans les tous les cas,menace ou pas menaced'Erdogan, ce qu'il se passeaujourd'hui en Turquie devrait amener les pays de l'EU àreconsidérer si elle remplit les critères d'un "pays sûr", commeétabli dans l'accord entre les deux parties. C'est particulière-ment important dans les cas de demandes d'asile de citoyensturcs. Ici, on peut seulement espérer que les liens diploma-tiques avec la Turquie n'entrent pas en jeu dès lors qu'il s'agitde traiter ces dossiers.

Certains finissent par falsifier des documents juste pourfournir ces preuves, falsifications qui les mènent à des rejetsalors que les liens familiaux sont réels.

Tests ADN du Pakistan envoyés en Roumanie

C.d.B.: Combien y a-t-il de camps de réfugiés enRoumanie? Dans quel état sont-ils ?

A.L.: Il y a six camps et les conditions de logement sontvariables. Certains sont accueillants avec un bel environne-ment naturel autour. D'autres, comme celui de Bucarest, nesont pas des endroits dans lesquels on aimerait rester troplongtemps...

Certains sont dans des villages, avec une vie sociale et cul-

turelle et des opportunités d'emplois limités, ce qui peut êtreun facteur démotivant pour l'intégration. La plupart des cent-res de réception, comme on les appelle, n'ont pas été conçuspour l'hébergement mais pour l'administration. Voilà pourquoià Giurgiu par exemple, près de la frontière bulgare, certainsréfugiés doivent cohabiter à huit par chambre. L'an dernier, lescentres étaient saturés alors que les statistiques indiquent untaux d'occupation inférieur à 50%.

C.d.B.: À quelles difficultés êtes-vous confrontée dans letravail quotidien ?

A.L.: D'abord, la difficulté d'attirer l'attention des autori-tés sur le sujet. S'occuper de l'intégration des réfugiés n'est paspolitiquement payant donc les responsables politiques préfè-rent se tenir à distance. Ça complique la défense des droits desréfugiés ou la promotion de lois nécessaires dans le domaine.

Il y a aussi une confusiongénérale entre migrants etréfugiés qui empêche desindividus qui ont droit à uneprotection internationale depouvoir effectivement faireprévaloir leurs droits dans lesmêmes conditions que lescitoyens roumains.

Ensuite, il y a différentsacteurs privés qui sont diffici-les à approcher - par exempleles banques qui la plupart dutemps refusent d'ouvrir descomptes aux réfugiés, arguantqu'elles violeraient les loiseuropéennes anti-terroristes

ou des embargos. Et puis il y a ces histoires individuelles quipeuvent être difficiles à "filtrer", comme les familles déchi-rées.

Une chose dont j'aime particulièrement m'occuper: les ras-semblements familiaux. C'est une procédure parfois dure poury accéder parce que les gens n'ont pas les documents adminis-tratifs nécessaires. Par exemple, on a aidé des réfugiés syriensqui avaient fondé une famille en Turquie mais n'avaient pas eule droit d'accéder au registre civil pour enregistrer les évène-ments comme une naissance ou un mariage. Ou des réfugiésafghans qui ne peuvent généralement pas fournir les preuvesde filiation à cause du manque d'infrastructures institutionnel-les dans leur pays, des mères n'ayant pas de certificat de nais-sance de leur enfant, etc.

Certains falsifieent des documents pour fournir ces preu-ves, falsifications qui les mènent à des rejets alors que les liensfamiliaux sont réels. Dans un cas, on a réussi à prouver cesliens par tests ADN, au tribunal. On a dû collecter et transpor-ter les échantillons de la famille du Pakistan à la Roumanie...

Propos recueillis par Florentin Cassonnet (Le Courrier des Balkans)

Moins de 2000 demandes

Fin mars, 40 migrants ont été arrêtés alors qu'ils essayaient de traverser la fron-tière roumaine à partir de la Serbie. Une nouvelle route s'ouvre-t-elle à tra-vers la Roumanie? Le point sur la situation des réfugiés en Roumanie avec

Andreea Lupascu*, aide juridique au Centre national roumain pour les réfugiés (CNRR)qui a répondu aux questions de Florentin Cassonnet pour Le Courrier des Balkans.

C.d.B. : Il y a 10 jours, 40 migrants ont été arrêtés alors qu'ils essayaient de tra-verser la frontière roumaine à partir de la Serbie. Qu'est-ce que nous dit cette infor-mation ? Une nouvelle route des migrants s'ouvre-t-elle à travers la Roumanie ?

Andreea Lupascu (A.L.) : Oui mais avec une nuance. Le nombre de migrants quisont entrés en Roumanie par la frontière serbe a effectivement augmenté dès lors que laHongrie a construit un mur entre elle et la Serbie à l'été 2016, mais il reste limité.L'accord entre la Turquie et l'UE signé il y a un an a contrebalancé les potentiels chan-gements de routes migratoires, pour commencer en réduisant drastiquement le nombrede migrants entrant en Europe. J'ai appris cette information des 40 migrants arrêtés parune chaîne de télévision roumaine qu'on peut considérer comme fiable. Les journalistesfaisaient état d'une "augmentation inquiétante du nombre de migrants essayant de tra-verser notre frontière, avec 40% de demandes d'asile en plus en 2016 par rapport à2015". Traduit en statistiques, en 2015, la Roumanie a enregistré 1200 demandes d'asi-le et 1886 en 2016. Personne ne devrait appeler ça "inquiétant".

"La Roumanie a une réputation de pays pauvre"

C.d.B. : Plus généralement, qui sont les réfugiés en Roumanie? D'où viennent-ils? Restent-ils ou sont-ils juste de passage?

A.L.: La plupart viennent de Syrie, Irak, Pakistan et Afghanistan. Beaucoup sontentrés légalement avec un visa - touristique, académique, de rassemblement familial -après quoi ils ont fait leur demande d'asile. Certains avaient une connexion avec laRoumanie dans le passé : ils ont été diplômés ou ont de la famille ici, et ils ont choiside revenir en Roumanie après un changement de situation dans leur pays d'origine. Il ya aussi les réfugiés arrivés dans le cadre du mécanisme de relocalisation. En 2016, ilsreprésentaient environ 600 personnes, transférées de Grèce et d'Italie.

La plupart d'entre eux trouvent difficile de survivre en Roumanie. Comme ils n'onten général pas de preuve de leursqualifications et ne parlent pas oupas assez bien roumain, ils luttententre des emplois à faible salaireou pas d'emploi du tout. J'airécemment parlé à des réfugiéstransférés de Grèce. Ils disaientqu'ils se sentaient trompés d'avoirété amenés ici. Ils pensaient quel'UE avait des conditions d'accueiluniformes en termes d'aide finan-cière et de logement et des stan-dards économiques comparables.Et la première chose qu'ils décou-vrent ici, c'est que le salairemoyen n’est que de 350 euros.

Bien sûr on peut gagner plus,mais la Roumanie a une réputa-tion de pays pauvre, raison pourlaquelle certains réfugiés aban-

donnent avant même d'avoir essayé et décident de partir pour un autre pays européen.

Vie internationale

Il y a une confusion générale entre migrants et réfugiés.

n

BUCAREST

ORADEA

SATU MAREl

TIMISOARA

ARAD

lIASI

BRASOV

CONSTANTA

TARGU

MURES

BRAILAl

l

l

l

l

SUCEAVA

l

PITESTI

l

TARGOVISTEl

VASLUIBACAU

CRAIOVA

TULCEA

l

l

l

l

GIURGIU l

l

l

Protéger

la confidentialité

ce n'est pas (encore) un sujetEn Roumanie, les réfugiés

La plupart des réfugiés trouvent difficile de survivre en Roumanie, pensant à tort y découvrir une forme d’Eldorado occidental .

Page 10: Les OUVELLEs moitié de la population. Et maintenant? "Ça me fait mal au cœur, toute cette énergie civique qui s'évapore." Carmen, psychologue, la quarantaine, est attablée avec

ActualitéLes NOUVELLES de ROUMANIE

19

Les NOUVELLES de ROUMANIE

18

Actualité

Des rêves liés

au sang,

aux bombardements

Le copain mafieux de Victor Ponta a disparu des radars

C'est le 19 décembre2016 que SebastianGhita a été aperçu

pour la dernière fois enRoumanie. Les élections législa-

tives avaient eu lieu quelques jours plus tôt et son partiRoumanie unie (PRU, droite nationaliste), qu'il a créé avecd'anciens membres du PSD, n'a pas recueilli assez de voix pourqu'il retrouve sa place au Parlement.

Ce jour-là, Sebastian Ghita célèbre donc la fin de son man-dat de député avec ses collègues de la Commission parlemen-taire de contrôle des Services de renseignements intérieurs(SRI) et avec les directeurs de l'agence de renseignement.Deux jours plus tard, il doit être entendu par les juges dans ledossier "Ponta-Blair", une affaire de corruption qui impliquel'ancien Premier ministre roumain Victor Ponta.

Dans ce dossier embrouillé, la Direction nationale anti-corruption (DNA) suspecte un échange de bons procédés entreVictor Ponta et son ami Sebastian Ghita. Ce dernier auraitfinancé à hauteur de 220 000 euros la visite de Tony Blair enRoumanie, par l'intermédiaire d'une fondation à but non lucra-tif, en échange d'une place sur la liste de l'alliance électoraleentre le PSD et le Parti national-libéral (PNL) pour les législa-tives de 2012. Pour Victor Ponta, il s'agissait de bénéficierpolitiquement de la visite de Tony Blair, qui se fait grassementrémunéré, sans apparaître comme l'homme l'ayant fait venir.

Une croix sur ses 18 millions d'euros de caution

Jusqu'à la fin de son mandat, c'est son immunité parlemen-taire qui l'avait protégé. Cette fois, pour échapper à la convo-cation des juges, Sebastian Ghita disparaît dans la nature. Ilperd ainsi la caution de 18 millions d'euros qu'il avait dû ver-ser à la justice roumaine pour rester en liberté. Une semaineplus tard, l'homme apparaissait à la télévision. Pas sur n'impor-te quelle chaîne, sur sa chaîne, Romania TV, qu'il a créée en2010. Dans plusieurs épisodes diffusés sous la forme d'unfeuilleton de révélations et sans apporter aucune preuve à sesaccusations, Sebastian Ghita dénonçait principalement FlorianColdea, le n° 2 du SRI (-Service Roumain d'Information).

Il l'accusait d'être à l'origine de l'ouverture de l'enquêtedans le dossier "Ponta-Blair" après une dispute entre eux. Ilillustrait même leur ancienne proximité en avouant qu'ilsétaient partis en vacances ensemble, que Victor Ponta avaitnommé Laura Codruta Kovesi à la tête de la DNA suite à unchantage de Florian Coldea. Il accusait aussi Florian Coldea etLaura Codruta Kovesi de faire tous deux partie d'un servicesecret étranger... Florian Coldea a démenti catégoriquement,

mais il a choisi de démissionner, officiellement pour ne pas"attirer une attention inutile" sur le SRI.

"Il n'a révélé que 2% de ce qu'il sait"

Derrière ces accusations, Sebastian Ghita vise la puissan-te DNA: "Antena 3 et RTV ont décrit en détails les abus danscette soi-disant croisade anti-corruption fondée sur des dos-siers falsifiés. Le système n'aime pas les juges indépendants etles journalistes qui posent des questions qui dérangent. EnRoumanie, les projets sont bloqués, […] les fonctionnaires ontpeur de prendre la moindre décision et de signer le moindredocument".

Ce dernier argument, non dénué de fondement, fait mou-che. Il est d'ailleurs repris par les leaders du PSD, à commen-cer par Liviu Dragnea, le président du parti, pour justifier ledémantèlement en règle de la lutte anti-corruption dont il étaitquestion avec les ordonnances d'urgence.

Mais comme avec Liviu Dragnea, les attaques deSebastian Ghita contre la DNA sont loin d'être désintéressées.Car en plus du dossier "Ponta-Blair", l'homme d'affaires estpoursuivi dans quatre autres dossiers. Il est soupçonné d'avoirmis en place un minutieux montage de sociétés-écrans baséesdans des paradis fiscaux pour mieux bénéficier de l'attributionde marchés publics. Ainsi entre 2012 et 2014, alors queSebastian Ghita était député, les entreprises Ghita, désormaisdirigées par son frère et son avocat ont signé 370 contrats avecl'État roumain, dont près de 300 sans appel d'offres public.

Le tout pour un montant de plus de 80 millions d'euros.Pratiquement la moitié de cette somme provient de contratsavec le Service spécial des télécommunications qui organisentet coordonnent les activités de télécommunications spécialespour les autorités publiques en Roumanie, c'est-à-dire de nom-breux ministères et plus particulièrement le SRI, dontSebastian Ghita était membre de la Commission de contrôle.

Au fil de ces enquêtes pour pots-de-vin, chantage, traficd'influence, etc., se dessine l'image d'un homme au comporte-ment mafieux qui se sert de sa position politique pour consoli-der le monopole économique et soigner les affaires judiciairesde sa "famille". Des rumeurs le disaient en Moldavie, enTurquie, et maintenant en Serbie. Aucune n'a été confirmée.

À 38 ans, Sebastian Ghita ne semble pas décidé à s'enremettre aux institutions du pays pour lequel il a pourtant étédéputé. S'il devait être appréhendé, Victor Ponta a dit en jan-vier de son ami qu'"il n'a révélé que 2% de ce qu'il sait". Voilàune affaire qui est loin d'être terminée.

Laura-Maria Ilie et Florentin Cassonnet (Le Courrier des Balkans)

Les personnes avec lesquellesKhouloud Rahmouni a travaillé sontdes personnes qui ont vécu desexpériences traumatisantes (mortde proches, kidnapping, …), etsouffrent de troubles de stress post-traumatique (TSPT). Il en parle:"Quand tu as perdu ta mère, tonfrère, un enfant, ça te marque la vieet un jour tu craques. Il y a beau-coup de personnes qui essayent depenser de façon positive et d'oublierce côté sombre mais la nuit ellesont des cauchemars.

Ces personnes souffrent d'unniveau très élevé de stress, d'anxié-té, et d'idées criminogènes. Lagrande majorité d'entre elles souffred'insomnie, avec des rêves liés ausang, aux bombardements,…

C'est comparable à ce dont souf-frent les soldats qui reviennent de laguerre sauf que ces derniers sontpréparés dans une certaine mesure.Ce qui m'a frappé, c'est la violencedes enfants, qui sont impolis, sefoutent de tout.

Lors d'un entretien avec unenfant, si jamais quelque chose lecontrarie, il insulte, menace, … Il ya une perte de repères totale, quiest inquiétante pour l’avenir.

Le problème c'est qu'on ne leurfait même pas de test psycholo-gique pour évaluer leur situation. Iln'y a pas de suivi de ces person-nes, et si elles ne sont pas enca-drées, elles peuvent être dangereu-ses. Heureusement qu'elles sontaidées par des organisations, pardes bénévoles syriens installés ici,ou des Roumains...".

La rédaction du PetitJournal.com de Bucarest a rencontré Khouloud Rahmouniqui, dans le cadre de ses études à l'Université de Psychologie et des Sciencesde l'éducation Spiru Haret (Bucarest) a consacré sa thèse aux réfugiés syriens

arrivés en Roumanie. En 2016, environ 1850 personnes ont demandé l'asile enRoumanie, 50% de plus par rapport à l'année précédente, selon un rapport rendu publicce mois-ci par l'office européen des statistiques Eurostat. Néanmoins, la Roumaniecompte parmi les pays de l'UE les moins attrayants pour les migrants.

-Lepetitjournal.com/Bucarest : Comment se passe l'accueil des Syriens émigrés?-A leur arrivée, les réfugiés sont placés dans des centres d'asile dans lesquels ils peu-

vent rester au maximum 6 mois. Les conditions dans ces centres sont très précaires:manque d'hygiène et même pas de cuisine dans certains cas. Ils reçoivent de l'état 50 lei(12 euros) par personne toutes les deux semaines, alors que l'aide sociale légale serait de560 lei (135 euros) par mois et par personne. Pendant ce temps ils doivent faire 3 entre-tiens dans le but de vérifier s'ils sont bien Syriens. Il y a beaucoup de personnes qui men-tent pour obtenir le statut de réfugiés. Il y avait même des russes qui parlaient quelquesmots d'arabe ! En général, les autorités ont du mal à déceler les imposteurs.

-Au-delà des six mois, comment font-ils pour survivre ?-Dépassé le délai des 6 mois, ils doivent trouver un travail, un logement. S'ils n'en

trouvent pas, ils restent dans la rue. Les jobs qu'ils trouvent le plus souvent sont dans lesfast-food (shish kebab). J'ai parlé avec un réfugié syrien qui a un doctorat en économieet qui aujourd'hui s'occupe de changer les charbons des narguilés dans un café. A part çails n'ont rien. Un autre Syrien m'expliquait l'importance du travail quel qu'il soit: "si tu

ne travailles pas tu n'es pas un homme". Il y a aussi des personnes qui ont de

l'argent de côté et dont le voyage a coûtéentre 5000 et 10 000 euros par exem-ple... Dans tous les cas, le gouvernementn'a rien mis en place de plus depuis lacrise des réfugiés, il a repris bien sûr lesmesures imposées par l'UE mais sans quecelles-ci soient respectées. A part cela,l'Etat leur offre des cours gratuits de lan-

gue roumaine, et des ateliers artistiques... Les réfugiés que j'ai rencontrés ont été surprispar l'accueil des Roumains qui les ont aidés sans à priori. Il y a aussi des organisationsqui les prennent en charge, comme par exemple l'organisation de Abou Fares qui les aidepour trouver un logement, des vêtements, un emploi,…

-Comment interagissent-ils entre eux?-La majorité des réfugiés syriens tombent dans la paranoïa et préfèrent ne pas trop

s'épancher car ils ont peur. Il y a deux camps, ceux qui sont avec Bachar El Assad et ceuxqui sont contre. Ici en Roumanie, ils craignent qu'un autre Syrien ne les dénonce au payspar rapport à leur position politique et que leur famille puisse être en danger. De plus, ily a les différentes confessions, les sunnites, les chiites, les alaouites,... donc il y a beau-coup d'enjeux. Quant à leurs liens avec les Arabes provenant d'autres pays (Libanais,Saoudiens, …), l'entente n'est pas toujours bonne, car certains pays arabes n'ont pas aidéles réfugiés, n'ont pas été solidaires ou ont alimenté la guerre… Quand tu vis l'expérien-ce de la guerre, la politique ne peut avoir qu'une résonance personnelle.

-Quel est leur rapport aux autorités ?-Ils ne veulent pas tout faire légalement, car ils n'ont plus d'espoir et ils préfèrent ne

rien avoir à faire avec les autorités. En plus, ici, les autorités les traitent comme despotentiels terroristes.

Propos recueillis par Sarah Taher et Grégory Rateau(www.lepetitjournal.com/Bucarest)

n

BUCAREST

ORADEA

SATU MAREl

TIMISOARA

ARAD

lIASI

BRASOV

CONSTANTA

TARGU

MURES

BRAILAl

l

l

l

l

SUCEAVA

l

PITESTI

l

PLOIESTIl

VASLUIBACAU

CRAIOVA

TULCEA

l

l

l

l

GIURGIU l

l

l

Le désarroi des réfugiés

syriens en Roumanie

Sebastian Ghita, hier député, aujourd'hui fugitif"Si tu ne travailles pas tu n'es pas un homme"

Vie internationale Politique

Il est recherché par Europol pour "corruption et blanchiment des produits du crime".Sebastian Ghita a construit sa fortune dans l'informatique avant de devenir député. Aprèsavoir rompu avec son ami Victor Ponta, il a disparu corps et âme en décembre, avant d’êtreretrouvé et arêté en Serbie. Plongée dans les méandres d'une affaire complexe où se mêlent lesservices de renseignement, le Parquet anti-corruption et le Parti social-démocrate.

Page 11: Les OUVELLEs moitié de la population. Et maintenant? "Ça me fait mal au cœur, toute cette énergie civique qui s'évapore." Carmen, psychologue, la quarantaine, est attablée avec

ActualitéLes NOUVELLES de ROUMANIE

2120

Les NOUVELLES de ROUMANIE Actualité

n

BUCAREST

ORADEA

SATU MAREl

TIMISOARA

ARAD

lIASI

BRASOV

CONSTANTA

TARGU

MURES

BRAILAl

l

l

l

l

SUCEAVA

l

PITESTI

l

TARGOVISTEl

VASLUIBACAU

CRAIOVA

TULCEA

l

l

l

l

GIURGIU l

Ioan Stanomir: "La lutte

l

l

Les conséquences des manifesta-tions de janvier n'ont pas fini de sefaire sentir. Le nouveau ministre de laJustice a rendu un projet de loi adap-tant les ordonnances d'urgence aban-données suite à la révolte populaire.Aucun seuil de préjudice n'y est men-tionné. Ce que déplorent les dirigeantsde sa propre majorité, en particulier lechef du Parti social-démocrate (PSD),Liviu Dragnea, actuellement en procèspour des emplois présumés fictifs.Après les manifestations monstres dudébut de l'année, la coalition forméepar le Parti social-démocrate (PSD) etl'Alliance des libéraux et démocrates(ALDE) a sacrifié le ministre de laJustice Florin Iordache et l'a remplacépar Tudorel Toader, doyen de laFaculté de droit de Iasi et ancien jugede la Cour constitutionnelle roumaine.Choisir quelqu'un hors du sérail despartis politiques comportait le risqueque ce dernier ne réponde pas audoigt et à l'œil des chefs de parti. C'estce que le PSD et ALDE apprennentavec Tudorel Toader.

Le nouveau ministre de la Justicevient en effet de terminer un projet deloi modifiant le Code pénal et le Codede procédure pénale "pour mettre enaccord la législation avec les directivesde la Cour constitutionnelle roumaine".Ce nouveau texte est censé prendre lerelais du décret qui assouplissait lalégislation anti-corruption - notammenten introduisant un seuil minimum depréjudice de 44 000 euros, décretabandonné sous la pression de la rueen février dernier. Si elle est votée enl'état par le Parlement, cette loi n'ab-soudrait plus les politiciens soupçon-nés de corruption, même si le montantdu préjudice est faible.

L'immunité totale

en question

Ioan Stanomir, historien à l'université de Bucarest, ancien président de la com-mission présidentielle pour l'analyse du régime politique et constitutionnel, estimeque le Parti social-démocrate au pouvoir est organiquement intéressé au maintiende la pauvreté. Il répond pour La Croix aux questions de Marie Verdier.

La Croix: La menace d'assouplissement de la législation anticorruption est-elleécartée ?

Ioan Stanomir: Des manifestantsont brandi des banderoles "PSD =PC". Ils ont compris qu'il y avait unefiliation entre l'actuel Parti social-démocrate au pouvoir et l'ancien Particommuniste roumain. Ils ont revu lesimages de la répression des manifesta-tions étudiantes de juin 1990 par lesmineurs, qui avaient été acheminés partrains spéciaux, et ont réalisé que ceuxqui gouvernent aujourd'hui sont ceuxqui étaient aux commandes à l'époque.Le 31 janvier, quand le gouvernementa légiféré pendant la nuit, il a utiliséune vieille pratique non démocratique des régimes communistes. Et s'il a dû opérer uneretraite stratégique, il n'a pas renoncé. Il cherchera un moyen pour parvenir à ses fins.

Le PSD a le même logiciel de pensée que Ceausescu

Quelles sont les motivations du gouvernement actuel ?I. S.: Protéger des poursuites judiciaires des personnalités politiques, et conserver

intact un système corrompu. Dans les années 1990, le démantèlement de l'État et ledétournement des ressources publiques à des fins personnelles ont donné naissance àune véritable oligarchie économique et politique. Laquelle se nourrit avec les marchéspublics. La corruption est une formule qui couvre l'héritage du communisme. Elle estaujourd'hui garante du maintien d'une société dans le sous-développement. LaRoumanie est divisée d'un point de vue économique et anthropologique: elle est un payssous-développé et un pays occidental. Mais l'essor d'une société de consommation nesaurait se confondre avec une société démocratique. Le PSD, parti conservateur dénuéde toute idéologie de gauche - même s'il a rejoint le groupe socialiste européen -, estorganiquement intéressé à la préservation de la pauvreté. Il garde ainsi les habitants àsa disposition. Et dans une société captive, l'émergence d'une société civile est plus dif-ficile. Le gouvernement mise sur le fait que les Roumains vont finir par s'épuiser.

La mobilisation était forte. Est-ce crédible ?I. S.: La corruption est un problème politique, moral et de mémoire. Or la

Roumanie a un problème d'amnésie. Le communisme reste une nostalgie pour certainset une parenthèse méconnue pour beaucoup. Ce passé n'est pas une préoccupation pourun large public. Pourtant la lutte contre la corruption et pour la transformation de l'Étatn'est que la continuité de la lutte contre le communisme. Affronter le PSD, c'est renoueravec la lutte contre le communisme. Les personnalités politiques de premier plancomme Dragnea, président du PSD, ont le même logiciel de pensée que Ceausescu. Lepays leur appartient. L'équation est simple à leurs yeux: le secrétaire général du Partiincarne le Parti, le parti se confond avec le pays, donc le pays c'est eux. Finalement, lepassé est responsable du présent. Pour en finir, il faut en finir avec le passé.

Recueilli par Marie Verdier (La Croix)

Les retraites mettent à mal le budget d'État

Pour ceux qui ne sont pas des économistes, cettequestion peut paraître anodine. Mais, en réalité,cette problématique devrait susciter un maximum

d'intérêt, car elle pose la question de ce que fait l'État avec l'ar-gent public et surtout de ce qu'il fait quand il n'en a plus.

Le déficit budgétaire représente l'argent dont l'Étatmanque mais qu'il dépense grâce aux emprunts. Or, en ayantrecours à des emprunts, année après année, l'État accumuleune dette qui, à un certain moment, devra être acquittée. Cettesituation peut devenir très grave avec le temps et ressembler àce qui se passe en Grèce. Les Grecs sont aujourd'hui révoltéspar les sacrifices qui leur ont étés imposés (coupes salariales,taxes élevées, économie au point mort entraînant un manqued'offres d'emploi) et beaucoupd'entre eux se demandent pour-quoi cela leur arrive. La réponseest assez simple: ils payentaujourd'hui pour ce qu'ont dépen-sé leurs compatriotes, il y a 20 -30 ans. Les jeunes grecs assu-ment la dette de leurs parents etde leurs grands-parents, car onhérite des biens mais, malheureu-sement, des emprunts aussi.

Voilà pourquoi quand le gou-vernement y a recours, lescitoyens devraient se poser laquestion de savoir qui rembour-sera les dettes et dans quel but legouvernement les fait.

Le déficit du fond des retraites représente 3,5 % du PIB

Dans le cas de la Roumanie, un court examen met en évi-dence une réalité, bien cachée dans les statistiques pour lemoment, mais qui finira par exploser un jour: le déficit budgé-taire lié aux retraites est devenu, depuis trois ans, supérieur audéficit budgétaire total du pays. Autrement dit, tout l'argentque la Roumanie emprunte, augmentant ainsi sa dette publiqueavec 2-3% du PIB chaque année, ne suffit plus pour couvrir lemanque dans le budget public pour les retraites. Malgré tout,le gouvernement a augmenté cette année les retraites, bien au-dessus des majorations acceptées par la loi (l'indexation desretraites avec le taux de l'inflation et une majoration qui repré-sente 50% de la croissance économique annuelle).

D'autre part, il est vrai que les retraites en Roumanie sonttrès basses, une retraite moyenne étant aux alentours de230 euros. D'autre part, l'effort imposé au budget à travers cesmajorations est immense: en 2017, le déficit du fond desretraites va atteindre les 28 milliards de lei (6,2 milliards d'eu-ro, ce qui équivaut à 3,5% du PIB), ce qui est déjà au-dessus

de la somme prévue pour le déficit budgétaire, de 24 milliardsde lei (5,3 milliards d'euro), et dont la limite a été établie à2,96% du PIB.

En pratique, tous les emprunts effectués par la Roumaniecette année, ont principalement comme but de couvrir le défi-cit lié aux retraites. C'est ce qu'ont fait les Grecs il y a 30 ans:ils ont emprunté pour pouvoir majorer les retraites et les salai-res, mais l'addition est supportée aujourd'hui par d'autresGrecs qui payent ce qu'ils n'ont pas décidé.

Augmenter les cotisations et le nombre de cotisants

Il existe beaucoup d'explica-tions quant à cette situation diffi-cile dans laquelle se trouve lesystème des retraites roumaines.Premièrement, en Roumanie, il ya trop peu de contribuables quipayent pour le système desretraites. Dans une populationactive de plus de 9 millions depersonnes, les salariés, doncceux qui payent des contribu-tions standard pour les retraites,sont seulement la moitié. Il y aaussi les 380 000 personnes quitravaillent en régime indépen-dant et qui bénéficient d'un régi-me fiscal plus souple, ce qui

signifie moins d'argent pour le fond des retraites. Enfin, il fautrajouter les retraites dites "spéciales" qui ne se basent pas surles contributions, mais qui sont beaucoup plus élevées que lesretraites moyennes, et augmentent fortement le déficit.

L'année passée, dans les dépenses de 58 milliards de lei(13 milliards d'euros) du système public des retraites, les sub-ventions du budget d'État (à travers les emprunts) étaient de21 milliards de lei (4,7 milliards d'euros), c'est-à-dire 36% dufond des retraites. Cette année, le déficit du fond des retraitesva atteindre les 28 milliards de lei. Si les choses ne changentpas, dans un futur imminent, les retraites vont briser la colon-ne vertébrale du budget d'État.

Le gouvernement doit rester attentif quant à la situationdes retraités, mais doit aussi couvrir les manques, soit par desmesures qui augmentent la masse des personnes qui payent lescontributions aux retraites, ou, même si cela peut paraître dur,en augmentant les contributions aux retraites.

Le gouvernement roumain n'a pas le droit de répéter l'er-reur commise par la Grèce et ainsi obliger les enfants d'aujour-d'hui à payer demain ce qu'ont dépensé leurs grands-parents.

Iulian Anghel, Ziarul Financiar (www.lepetitjournal.com/Bucarest)

Augmenter les retraites... chacun l’espère, mais qui remboursera la dette, se demandent les économistes ?

Economie

Tous les économistes sont d'accord pour dire que le gouvernement risque de dépasser cette année le seuil des 3% dudéficit budgétaire (limite admise par les réglementations européennes), mais la question est de savoir de combien cettenorme va être dépassée.

Politique

contre la corruption est la continuation de celle contre le communisme"

Une femme brandit une pancarte grimant enStaline Liviu Dragnea, leader du Parti Social

Démocrate, au pouvoir, pendant une manifestation le 1er février.

Page 12: Les OUVELLEs moitié de la population. Et maintenant? "Ça me fait mal au cœur, toute cette énergie civique qui s'évapore." Carmen, psychologue, la quarantaine, est attablée avec

ActualitéLes NOUVELLES de ROUMANIE

2322

ActualitéLes NOUVELLES de ROUMANIE

Selon l'INS (Institutul Nationalde Statistica), le salaire net moyenen Roumanie, en décembre 2016,a atteint la somme de 2354 lei (520euros), soit une progression de11,4% par rapport à l'année précé-dente, ce qui représente le niveaumaximum historique en Roumanie.

Cependant, de grandes dispari-tés existent suivant les zones géo-graphiques, allant du simple audouble.

Bucarest offre, sans surprise, lesalaire moyen le plus élevé, avec3219 lei par mois (713 euros), suivipar les départements de Ilfov (2743lei, 607 euros), Cluj (2605 lei, 577euros), Timis (2512 lei, 556 euros)et Sibiu (2375 lei, 526 euros).

A l'inverse, les plus bas niveauxde salaires moyens nets se retro-uvent dans les départements deTeleorman (Alexandria, 1628 lei,360 euros), Bistritsa-Nasaud (1653lei, 366 euros), Harghita (1671 lei)et Suceava (1672 lei, 370 euros).

A noter que la plus forte crois-sance en 2016 a eu lieu dans leszones géographiques dans lesquel-les le salaire moyen est le plusélevé: Bucarest (de 2852 à 3219lei), Ilfov (de 2294 à 2743) et Cluj(de 2284 à 2605 lei).

n

BUCAREST

ORADEA

BAIA

MAREl

TIMISOARA

ARAD

SIBIU

l

l

IASI

BRASOV

CONSTANTACRAIOVA

TARGU

MURES

GALATI

l

l

l

l

l

l

l

TULCEA

BOTOSANI

FOCSANI

l

l

l

PITESTI

l

l

Salaire moyen

à 520 euros

Début avril, le gouvernement expliquait que l'introduction de la "déclaration durevenu global" et de "l'impôt sur le revenu global", à partir de 2018, ne signifient nimajoration des taxes, ni renoncement à la côte unique d'imposition. Les nouveauxprojets prévoient que les revenus mensuels en dessous de 2000 lei (444 euros) neseront plus imposés, les autres revenus étant imposés de façon "globale" de 10%,moins que le taux actuel qui est de 16%. Une simple secrétaire pourra se flatter d'ê-tre imposée sur la même base que le milliardaire Gigi Becali.

Se trouvant dans une recherche désespérée de fonds - suite à la majoration dessalaires dans le secteur public et des retraites - le gouvernement semble se pré-parer à renoncer à une de ses recettes budgétaires, en baissant l'impôt sur les

revenus de 16% à 10%. Cette mesure sur le revenu global signifie l'addition de tous lesrevenus d'une personne ou d'un foyer et leur imposition en une seule fois. Mais le program-me du gouvernement n'anticipe pas les coûts immenses pour le budget suite à la réductiondes taxes et des impôts, déjà entrée en vigueur et qui conduira cette année à un déficit bud-gétaire d'au moins 3% du PIB (5,5 milliards d'euros). De plus, l'économiste Ion Dumitru,président du Conseil Fiscal, organisme indépendant dont la mission est d'analyser la poli-tique fiscale et budgétaire du gouvernement, craintdéjà que le gouvernement actuel ne prenne pas encompte les coûts du projet de loi sur la grilleunique des salaires dans le secteur public qui pous-sera le déficit budgétaire vers les 5-6% du PIB.

La cote unique: une mesure inique

L'impôt sur le revenu global est appliqué dansde nombreux pays et en Roumanie cette mesureexistait déjà jusqu'en 2005 quand a été introduitela côte unique d'imposition. Sauf que dans les paysoù il est appliqué, cela se fait par tranches.Actuellement en Roumanie ce système ne peut fonctionner, à cause de l'absence d'uneinfrastructure prévue pour cet effet. L'imposition y suit un schéma simple: indifféremmentdes revenus, chacun acquitte 16% d'impôts. De plus, ce dernier est payé à la source, étantdirectement retenu sur le salaire. Le fisc ne peut savoir que difficilement de quels revenusglobaux disposent une personne, car cette dernière ne complète aucune déclaration. Si legouvernement mettait en place un mécanisme à travers lequel chaque personne ou foyerpuisse déclarer tous ses revenus dans un seul formulaire, alors le gouvernement pourraitadapter le niveau d'imposition en fonction des revenus de chacun.

Est-ce cela le but de l'introduction de l'impôt sur le revenu global et de la déclarationdu revenu global? Le gouvernement le nie mais sans fournir une explication claire sur sonprojet, ni sur l'embauche de 30 000 consultants fiscaux nécessaires pour gérer les comptesglobaux des citoyens, alors qu'il se trouve dans une situation extrêmement difficile et abesoin de plus de revenus.

L'impôt sur le revenu global, sur la base d'une déclaration du revenu global, qui a fonc-tionné jusqu'en 2005, prévoyait une imposition par tranches - celui qui gagnait moinspayait moins d'impôts, celui qui gagnait plus en payait proportionnellement plus. Le gou-vernement n'a pas annoncé d'impôts par tanches alors que justement l'introduction d'unedéclaration sur le revenu global rendrait possible un tel système. Ce système n'est pas pos-sible car le fisc ne connait pas les revenus de chacun. Après autant de réductions de taxeset d'impôts, la suite est prévisible: de nouveaux impôts à venir.

Iulian Anghel (Ziarul Financiar et www.lepetitjournal.com/Bucarest)

L'augmentation des salaires et retraites

devrait conduire à l'augmentation des taxes Social

l

BUZAU

Si en Italie, où beaucoup deRoumains travaillent, le taux d'em-ploi des femmes de 15-64 ans estde 47,2 % ; il est de 53,3 % enRoumanie (56,6 % en Pologne). Letaux d'emploi des femmes enEurope est de 60,4 %, de 74 % enSuède et de 70,4 % au Danemark.

53 % des Roumaines

travaillent

L'Etat donne d'une main… pour reprendre plus de l'autre

Le système de santé compte 231 000 salariés dont 14 000 praticiens

Depuis 2015, très peu de médecins ou d'infirmiers ont quitté le pays

AGERPRES : Quels sont les principaux problèmes aux-quels est confronté le système de santé roumain et commenty remédier, à court et long terme ?

Viorel Husanu (V.H.): Jusqu'en 2015, à côté de la faibles-se des salaires, le principal problème était la politisation exces-sive du système. Chaque changement de gouvernement ou deministre de la Santé entraînait un renouvellement des direc-teurs d'hôpitaux, des chefs de service et de leurs adjoints.Depuis deux ans, la situation commence à s'améliorer: lessalaires ont augmenté et les nominations politiques se sontraréfiées. À l'heure actuelle, certains chefs de service sont enposte depuis trois ou quatre ans.

Autre problème majeur, jusqu'en 2015, les personnels desanté étaient confrontés au blocage des postes et au gel de leursalaire suite à une ordonnance passée par le gouvernement Bocen 2009. Cette ordonnance a précipitél'exode des médecins et des infirmiers.Pour donner un ordre de grandeur, lesystème de santé compte aujourd'hui231 000 salariés, parmi lesquels 14 000médecins, soit l'équivalent du nombrede médecins qui a quitté la Roumanieentre 2009 et 2015. Les pays étrangersnous fauchent les meilleurs médecinspour les faire travailler dans leur systè-me de santé, tandis que ceux qui sontmoins bons ou qui n'ont pas trouvé deposte exercent dans d'autres domaines. Certains sont devenusaides-soignants ou serveurs alors que l'État roumain a investipour les former. Mais depuis 2015, très peu de médecins oud'infirmiers ont quitté le pays.

La revalorisation des salaires incite à rester

AGERPRES: Qu'est-ce qui explique la fin de cet exode?V.H. : C'est difficile à déterminer. Peut-être qu'il y a moins

de postes attractifs à l'étranger. Sans doute aussi que les méde-cins sont plus satisfaits des conditions financières qui se sontconsidérablement améliorées depuis 2015. Par exemple, lesinternes se sont vus octroyer une bourse en complément deleurs revenus. Puis le salaire de tous les professionnels de lasanté a augmenté, de 100 lei seulement (environ 20 euros),mais c'est un premier pas. Les salaires ont ensuite été rehaus-sés pour récupérer la baisse de 25% voulue par le gouverne-ment Boc en 2010. Et sous la pression de SANITAS, le gou-vernement Ponta a accordé une nouvelle augmentation de25%. Si l'on se réfère à l'année 2009, les salaires ont doublé

entre 2015 et 2017. Je crois que c'est l'une des raisons pour les-quelles le personnel médical reste en Roumanie. D'ailleurs,parmi les médecins qui avaient commencé les démarches pourpartir en 2015, nombreux ont renoncé en cours de route.

AGERPRES: Que pensez-vous de l'augmentation dusalaire minimum des personnels de santé à 380 euros ?

V.H. : Le salaire minimum actuel étant de 1450 lei (envi-ron 320 euros), ce sera bénéfique pour l'ensemble du systèmede santé. Mais certains membres d'autres syndicats s'y oppo-sent parce qu'ils craignent que cela affecte le secteur privé.Cette inquiétude est infondée puisque dans le privé, les salai-res sont négociables.

"Il faut dépolitiser le système de santé"

AGERPRES: De quels aspectsdes autres systèmes de santé euro-péens pourrions-nous nous inspirer?

V.H.: Il faudrait tout d'abord finirde dépolitiser le système. Seuls lesministres et les secrétaires d'Étatdevraient être choisis dans la classepolitique. Les directeurs d'hôpitaux etles chefs de service devraient être nom-més par intérim, pour leurs compéten-ces et parmi les professionnels de lasanté. Il faudrait également revoir le

financement des hôpitaux. Il existe encore des écarts entre lessalaires du personnel selon les établissements. La Caisse natio-nale d'assurance santé (CNAS) impose que les hôpitaux éta-blissent en avance chaque année le nombre de patients qu'ilstraiteront. Si le nombre prévu est dépassé, les financements nesuivent pas et, à l'inverse, si moins de patients sont soignés, lebudget est revu à la baisse. Ce système est trop rigide pour êtreefficace. Il faudrait laisser aux directeurs d'hôpitaux le soind'engager le nombre d'employés nécessaires, leur laisser gérerles fonds selon les besoins et rémunérer les hôpitaux qui onttraité plus de patients que prévu.

AGERPRES : Quand pensez-vous que le fléau des pots-de-vin disparaîtra des hôpitaux roumains ?

V.H. : Ce n'est pas facile. En 27 ans, je n'ai pas trouvé desolution. Mais j'imagine que cette pratique tendra à disparaîtreà mesure que le personnel médical sera mieux rémunéré. Ilappartient également aux patients de se défaire de cet étatd'esprit typiquement roumain et de perdre cette habitude.

Propos recueillis par Catalin Trandafir(Traduction Anna Marquer-Passicot)

Social

Plus de 14 000 médecins et 28 000 infirmiers ont quitté la Roumanie entre 2009 et 2015. Mais depuis, la situation s'estaméliorée. À l'heure où la majorité gouvernementale PSD-ALDE veut revenir sur la réforme de dépolitisation de la fonc-tion hospitalière mise en place par le gouvernement technique en 2015-2016, le point sur la situation avec Viorel Husanu,le président du syndicat des médecins SANITAS Bucarest.

“Je cherche un pays”... Une image qui serait moins vraie, aujourd’hui.

-Ce n‘est pas un vol, mon frère, mais une collecte !

Page 13: Les OUVELLEs moitié de la population. Et maintenant? "Ça me fait mal au cœur, toute cette énergie civique qui s'évapore." Carmen, psychologue, la quarantaine, est attablée avec

ActualitéLes NOUVELLES de ROUMANIE

2524

ActualitéLes NOUVELLES de ROUMANIE

Les échanges commerciaux bilaté-raux ont augmenté de 9,3% en 2016par rapport à 2015, à 7,4 Mds(milliards) d'euros. La France enregis-tre un solde commercial déficitaireavec la Roumanie (157 millions d'eu-ros), pour la première fois depuis2011, en raison de l'accélération desimportations françaises en provenan-ce de ce pays (+11,7% à 3,8 Mdsd'euros), notamment dans les maté-riels de transport (+21,2% à 1,1 Mdd'euros), malgré le rebond enregistrépar les exportations françaises vers laRoumanie (+6,9% à 3,6 Mds d'euros)dans un contexte de forte demandeinterne. La Roumanie est le 28èmeclient de la France et son 27ème four-nisseur. La France est le 3ème clientde la Roumanie et son 4ème fournis-seur. Les matériels de transport et lesbiens d'équipement constituent l'es-sentiel des ventes et des achats fran-çais avec la Roumanie.

n

BUCAREST

ORADEA

BAIA

MAREl

TIMISOARA

ARADSIBIU

l

l

IASI

BRASOV

CONSTANTACRAIOVA

TARGU

MURES

GALATI

l

l

l

l

l

l

l

TULCEA

BOTOSANI

ORASTIEl

l

l

PITESTI

l

l

Echanges

commerciaux

français déficitaires

Une enquête de l'Observer a révélé que des milliers d'ouvrières agricoles rou-maines étaient abusées sexuellement par leurs employeurs italiens. Un scandalequi a poussé les deux pays à collaborer contre cette exploitation sexuelle.

Une délégation de ministres roumains envoyés par le Premier ministre, SorinGrindeanu, a rencontré des représentants provinciaux et des organisationsde défense des droits des migrants dans la province de Raguse pour discu-

ter de la condition des femmes roumaines et trouver des solutions aux problèmes abor-dés. "Les travailleuses roumaines sont confrontées aux risques du travail non déclaré,et l'exploitation sexuelle est réelle", a déclaré Andreea Pastarnac, ministre en chargedes Roumains expatriés, au cours de la rencontre. "Dénoncer ces abus est un pasimportant pour les victimes. Mais nous devons aussi empêcher les abus de se produi-re. Pour ce faire, nous allons collaborer avec les autorités italiennes" .

Cachées dans des tentes en plastique dans les champs de la province de Raguse,quelque 5000 Roumaines travaillent en tant que saisonnières agricoles, s'attelant à larécolte de cultures dans une région qui est actuellement le troisième producteur delégumes d'Europe.

Or, la maltraitancede ces travailleuses,perpétrée en touteimpunité, suscite unvéritable scandale dupoint de vue des droitsde l'Homme. Les asso-ciations de protectiondes immigrés, les auto-rités et les syndicatsestiment que près de lamoitié des Roumainestravaillant dans les serres sont forcées à avoir des relations sexuelles avec leur patron,et qu'elles sont presque toutes victimes de travaux forcés et d'une grave exploitation.

Trop effrayées pour parler

Pourtant, elles sont nombreuses à avoir déclaré à l'Observer être trop effrayéespour parler, par peur de perdre leur emploi et d'être renvoyées dans leur pays.

Le gouvernement ne sait pas exactement combien de Roumaines sont employéesdans la province de Raguse, ni combien d'entre elles sont exploitées. Cependant, lesautorités italiennes soulignent que le niveau d'abus déjà connu contre ces travailleusesest inacceptable. Le gouvernement a donc décidé d'élaborer un plan de soutien aux vic-times, qui permettra également d'avertir les autres travailleuses des risques qu'ellesencourent dans la province. Un programme visant à construire un centre de réfugiéspour ces victimes est également envisagé.

"Nous essayons de faire du mieux que nous pouvons mais… l'exploitation est belet bien présente dans notre province", a déploré Maria Carmela Librizzi, la représen-tante provinciale du ministère de l'Intérieur. "Les femmes ont peur de parler car ellescraignent d'être renvoyées en Roumanie, où la situation économique est dramatique.Quant à la légalité du travail, nous avons mené de nombreuses enquêtes. Il en ressortqu'effectivement, la plupart de ces femmes sont embauchées avec des contrats illégaux.La première étape est d'aider ces femmes à sortir de l'isolement dans laquelle elles sontenfermées. Nous devons bâtir une relation de confiance avec elles. Si elles nous fontconfiance, elles nous parleront et dénonceront les abus".

Certaines organisations ont salué la rencontre intergouvernementale, vue comme lepotentiel point de départ d'une évolution de la situation. "La présence d'une délégation

La Sicile et Raguse Social

Travailleuses roumaines

l

BUZAU

roumaine est un signal important", a déclaré DomenicoLeggio, président local de Caritas, une association caritativecatholique, qui tente depuis des années d'aider les Roumainesemployées dans la région. "J'espère qu'une mesure sans précé-dent sera adoptée cette fois". Sous les pressions de l'UE, despoliciers italiens ont eu recours à des pratiques "assimilables àde la torture" pour obtenir les empreintes digitales demigrants, affirme Amnesty International.

On ne connaît que la partie emergée de l'iceberg

D'autres organisations de protection des immigrés dans larégion ne se sont cependant pas montrées aussi optimistes.Beniamino Sacco, le prêtre catholique qui avait dénoncé avanttout le monde l'exploitation sexuelle à Raguse, était présent àl'événement et a déclaré à l'Observer: "Ils se réunissent tou-jours après la révélation d'une information, et le jour d'aprèsils agissent comme si rien ne s'était passé. J'appelle lesRoumaines de la région les femmes invisibles. Nous dénon-çons depuis des années ces abus, et rien n'est fait pour lesarrêter. Les autorités roumaines elles-mêmes ont dans le passéqualifié le problème d'insignifiant, prétendant que les abusn'avaient jamais eu lieu". "Les autorités italiennes attendentque les femmes signalent les abus à la police", déplore-t-il."Parfois, elles nous attaquent quand nous essayons de publierdes statistiques. Nous ne pouvons qu'estimer la portée généra-le du phénomène, et je peux vous dire qu'il est de grandeenvergure. Et ce n'est que la partie immergée de l'iceberg".

Les autorités ne comprennent pas que ces femmes ontpeur. Elles ont honte de ce qu'elles ont subi. Elles se sententcoupables. C'est une torture aussi bien physique que moralepour elles", poursuit-il. "J'ai rencontré ces femmes, je les aivues de mes propres yeux, des femmes menacées pour avoirdes relations sexuelles avec les propriétaires de fermes etacceptant [les abus] par peur de perdre leur emploi. J'ai vudes Roumaines abandonner leurs enfants dans les hôpitaux

locaux parce qu'elles savaient qu'elles n'auraient pas assezd'argent pour les nourrir ou qu'elles pouvaient perdre leuremploi à tout moment. Des femmes enceintes sont venues medemander de l'aide, et je peux vous dire qu'il ne s'agit pas denouveaux cas d'immaculée conception! J'espère que les auto-rités italiennes et roumaines feront quelque chose. Mais jereste sceptique", tempête l'ecclésiastique.

Une police qui doit se montrer plus active

Giuseppe Scifo, un dirigeant syndical du CGIL, le plusgrand syndicat italien, a exprimé son accord avec les propos duprêtre. "Ce n'est pas la première fois que, après la publicationd'un article de journal soulevant la question des abus, lesautorités demandent une réunion. Cela s'est déjà produit parle passé et nous sommes encore en train de parler de ces abus.Nous avons besoin de forces opérationnelles sur le terrain sinous voulons résoudre le problème".

Tina Alfieri, présidente du département de travail fémininauprès de la Coldiretti, l'une des organisations agricoles lesplus importantes d'Italie, s'est également exprimée: "LesRoumaines doivent être soutenues dans ce combat. Nousdevons les convaincre de parler et de dénoncer les propriétai-res des entreprises agricoles à la police. Nous ne pouvons pasaccepter ces crimes. Nous espérons vraiment que les autoritésitaliennes mettront fin [à ces abus] le plus vite possible".

Annie Kelly et Lorenzo Tondo (The Guardian) Traduction Emilie Buffet

particulièrement touchées

abusées en Italie et loi du silence

La branche hélicoptères d'Airbus aannoncé avoir signé un accord decoopération avec l'hélicoptéristepublic roumain IAR en vue de la pro-duction de super-Puma H 215M.Cette alliance se fait en anticipationd'une probable commande de l'ar-mée roumaine pour remplacer sa flot-te vieillissante. IAR (34 millions d'eu-ros de chiffre d'affaires et 316employés) a déjà construit environ360 hélicoptères sous licenced'Airbus, a précisé la direction d'IAR,en soulignant que l'accord marqueune avancée dans la construction del'Europe de la défense.

Airbus construira des

hélicoptères roumains

Qui aurait cru que laRoumanie comptait le plusd'exploitations viticoles dans

l'UE? Eurostat, l'office statistique del'Union européenne, collecte tous les5 ans des données permettant de sur-veiller le marché des produits vitivinico-les, ainsi que le potentiel de productiondes vignobles dans l'UE. Une récenteétude compile les informations sur lesdifférents pays producteurs de l'UE.

Ainsi l'on apprend qu'en 2015,l'Union européenne (UE) comptait2,4 millions d'exploitations cultivant

3,2 millions d'hectares (ha) de vignes.Plus de 3/4 des vignobles sont

dédiés à la production de raisins destinésà la production de vins de qualité. Lesvins de qualité sont aussi bien des vinsd'appellation d'origine protégée(2,1 millions d'ha, 83% du total de la pro-duction de vins de qualité dans l'UE) quedes vins sous indication géographiqueprotégée (0,4 million d'ha, soit 17%).

A noter aussi que la surface moyennepar exploitation se situait ainsi à 1,3 hec-tare, avec néanmoins d'importants écartsd'un État membre à l'autre. La France est

le pays avec les plus importantes surfacespar exploitation avec 10,5 ha/EA; maisn'en compte que 76 500. Si la France,l'Espagne et l'Italie sont sur le podium entermes de surface c'est la Roumanie quirécupère la médaille d'or pour le nombred'exploitations viticoles.

En recensant 855 000 exploitations,soit 36% du total de l'UE, la Roumaniedépasse l'Espagne (518 000 exploitations,soit 22%), l'Italie (299 000 exploitationsen 2010, soit 12%), le Portugal (212 000exploitations, soit 9%) et la Grèce(189 000 exploitations, soit 8%).

Un tiers des exploitations viticoles de l'UE en Roumanie

Le curé Benamio Saco: “Il y a eu 80 naissances dans maparoisse, souvent après à ce qui s’apparente à des viols”.

Page 14: Les OUVELLEs moitié de la population. Et maintenant? "Ça me fait mal au cœur, toute cette énergie civique qui s'évapore." Carmen, psychologue, la quarantaine, est attablée avec

L’actualité en imagesLes NOUVELLES de ROUMANIE

2726

Les NOUVELLES de ROUMANIE Actualité

La Haute Cour de Cassation et de Justice a condamné l'ex commandant ducamp de travail de Périprava, Ion Ficior à 20 ans de prison ferme pour crimescontre l'Humanité. Agé de 80 ans, Ion Ficior avait été déféré à la Justice en

août 2014, étant accusé d'avoir mis en place et coordonné, entre 1958 et 1963, un régi-me de détention répressif, abusif, inhu-main et discrétionnaire contre les détenuspolitiques. Durant cette période, 103décès ont été enregistrés à Periprava. IonFicior avait déjà été condamné en pre-mière instance à 20 ans de prison ferme.

Une affaire similaire est celled'Alexandru Visinescu, ex commandantde la prison de Râmnicu Sarat, condamnédéfinitivement à 20 ans de prison ferme,une première judiciaire en Roumanie.Visinescu a été le premier ressortissant

roumain à être condamné pour des faits commis il y a plus de 50 ans.

Condamnation du tortionnaire Ion Ficior

Mars-AvrilJustice

n

BUCAREST

ORADEA

SATU MAREl

TIMISOARA

ARAD

lIASI

BRASOV

CONSTANTA

TARGU

MURES

BRAILA

l

l

l

l

l

SUCEAVA

l

PITESTI

l

RM. SARAT

l

BISTRITA

BACAU

CRAIOVA

PERIPRAVA

l

l

l

l

GIURGIU l

l

l

"La loi ne fait référence à aucunseuil, c'est au juge d'apprécier si unabus est une infraction ou non. Lejuge prend en compte le préjudicecausé, la personnalité du malfaiteur,la gravité du fait, le contexte, s'il y arécidive, le but et le mobile de l'a-bus", a expliqué Tudorel Toader.Une sortie qui ne risque pas defaire les affaires du président duPSD, Liviu Dragnea, actuellementen procès dans une affaire d'em-plois fictifs pour un préjudice estiméà 24 000 euros.

Au congrès du PSD, jeudi 6 avril,certaines voix se sont déjà élevéespour remplacer Toader. Mais cedernier est toujours en place. Pourl'heure, tout le monde semble faireprofil bas et préparer son prochaincoup sur l'échiquier de la scènepolitique roumaine.

Liviu Dragnea

dans le collimateur

Ford recrute

en masse à Craiova

Le constructeur américain Ford recru-te en masse en Roumanie pour produire lesEcoSport dédiés au marché européen surle site de Craiova, proposant 976 offresd'emploi. Cette usine de pointe portera lenombre total de personnes à plus de 3650.Ford a investi près de 200 millions d'eurospour assembler le petit SUV en Europe.Aujourd'hui, le site de Craiova produitdéjà le B-Max ainsi que le fameux moteur3 cylindres 1.0 litre EcoBoost. Ford conti-nuera également la production del'EcoSport en Inde, dans l'usine deChennai.

Carrefour-Roumanie associé

à des producteurs locaux

Carrefour Roumanie crée pour la pre-mière fois dans le pays la CoopérativeAgricole Carrefour Varasti. Il s'agit de lapremière structure adossée à un distribu-teur. Ce projet rapproche les clients et lesproducteurs agricoles roumains en propo-sant des produits de qualité et permet unedémarche plus équitable entre ces acteurs.

La coopérative se trouve à moins de30 de km de Bucarest, et a une surface de60 hectares de terrain (dont 15 hectares desolariums), avec une production annuellede 5000 tonnes de légumes: tomate, sala-

de, poivron, courgette, haricot, aubergine,choux, céleri, oignon, ail, aneth, persil,livèche, épinard, arroche, ail des ours,ortie, radis, oignon frais, ail frais, radiaire.5 membres fondateurs sont à l'initiative dece projet: Carrefour et 4 producteurslocaux. La Coopérative rassemble leslégumes cultivés par 80 familles d'agricul-teurs de la région proche. Les clients pour-ront trouver les produits de la coopérativedans tous les magasins Carrefour enRoumanie.

Carrefour met également à la disposi-tion des producteurs des caisses en plas-tique, pliables et retournables, pour qu'ilsn'achètent plus à chaque fois des caisses encarton ou en bois.

Auchan ouvre des magasins

d'ultra-proximité dans les

stations OMV-Petrom

OMV Petrom, le plus important pro-ducteur d'hydrocarbures du sud-est del'Europe, et Auchan retail Roumanie, filia-le roumaine d'Auchan Retail, ont signé unpartenariat commercial portant sur l'ouver-ture de magasins d'ultra-proximité dans lesstations-service Petrom. Ces magasins(une quinzaine) seront exploités sous lamarque myAuchan. C'est une premièredans ce format pour Auchan déjà très pré-sent avec 33 hypermarchés en Roumanie.

A savoir

A l'initiative du PSD, une proposi-tion législative accorderait des droitssupplémentaires à la gendarmerie,comme le droit de procéder à desfouilles corporelles ou de véhicule,sans mandat, ou de conduire lessuspects aux unités de gendarmerieet non plus uniquement aux postesde police. La gendarmerie pourraitdevenir un organe d'enquête judi-ciaire à part entière. Il s’agirait d'as-surer aux mieux la sécurité descitoyens. Cinq parlementaires duParti National Libéral, co-initiateursdu projet, ont récemment retiréleurs signatures. D'autre part, desspécialistes critiquent cette initiativecar elle pourrait entrainer des abusde pouvoir.

Plus de pouvoir

à la gendarmerie ?

Pâques, tombait cette année à la même date pour les orthodoxes et catholiques... Une coïncidence qu’on ne retrouvera qu’en 2025 et qui a généré une forte affluence dans les grandes surfaces.

Cluj, le 20 avril: le retour brutal du “général hiver” a surpris et perturbé tout le centre et l’est de la Roumanie.

Les traditions des fêtes pascales ne se perdent pas, notamment au Maramures.

Les basketteuses d’Arad ont disputé des matchs au bénéfice des enfants abandonnés des maternités, illustrant aussi

la naissance de la société civile roumaine.

Le stand de la Roumanie au salon du Livre de Paris a été très fréquenté, trois ans après en avoir été l’invité d’honneur.

A Constantsa, 750 resquilleurs qui faisaient la queue depuisquatre ans pour bénéficier gratuitement de la cantine sociale

sont priés de rembourser.

Devenue mèrepour la premièrefois à 66 ans,la BucarestoiseAdriana Iliescu,79 ans, est laplus vieillemaman dumonde. Sa fille, Eliza,va sur ses 13 ans, et ses problèmes d’adolescencelui causent biendes tourments.

Page 15: Les OUVELLEs moitié de la population. Et maintenant? "Ça me fait mal au cœur, toute cette énergie civique qui s'évapore." Carmen, psychologue, la quarantaine, est attablée avec

SociétéLes NOUVELLES de ROUMANIE

2928

SociétéLes NOUVELLES de ROUMANIE

Du 31 mars au 1er avril 2017, la Société pourl'étude de la neuroprotection et la neuroplas-ticité (SSNN) et la Société de neurologie de

Roumanie ont organisé, à Poiana Brasov, la 6e édition duséminaire médical intitulé Movement DisordersTeaching Course. De nombreux chercheurs y ont échan-gé sur les solutions les plus innovantes pour permettre lediagnostic et le traitement de la maladie de Parkinson.

En Roumanie, cette maladie affecte près de 73 000 personnes, un nombre appe-lé à s'accroître, ce qui explique l'intérêt de la corporation locale pour le sujet.L'événement, relayé par la presse, a accueilli 300 participants venus non seulementde Roumanie, mais également d'Allemagne, d'Israël, de Suède, des Pays-Bas, duRoyaume-Uni, de Slovaquie ou encore d'Italie. Il a permis de mettre en valeur lacompétence des neurologues locaux et de tordre le coup à certains préjugés à l'égardde la qualité de la médecine dans les pays d'Europe de l'Est. En effet, d'éminents spé-cialistes internationaux ont fait son apologie lors de ces deux journées.

Le Dr Peter Jenner, spécialiste de renommée mondiale dans le diagnostic préco-ce et la prévention de la maladie de Parkinson et d'autres maladies neurologiques anotamment confié avoir été "fasciné" par le niveau d'instruction médicale ainsi quepar l'"habileté extraordinaire" de ses collègues locaux, tout en notant une particula-rité: dans beaucoup de pays, et notamment en Grande-Bretagne, la neurologie estprincipalement exercée par des hommes, ce qui peut s'expliquer par la vulnérabilitéparticulière de ce sexe à certaines maladies neurologiques, telles que Parkinson.

Les Roumaines au premier rang

Ce n'est pas le cas en Roumanie, où les femmes médecins sont également trèsnombreuses à choisir de faire carrière dans ce domaine. Cela permet à ce pays d'êt-re en ordre de bataille contre la maladie de Parkinson, avec un dépistage moyen desmalades entre 40 et 50 ans. Cet investissement dans la lutte contre les maladies dégé-nératives et la qualité des praticiens roumains s'expliquent par l'héritage de l'écoleGheorghe Marinescu (photo), célèbre neurologue roumain ayant vécu de 1863 à1938. On constate aussi une tendance des études de neurologie clinique anatomiqueet neurophysiologique roumaine à aborder aussi bien la neurochimie que la neuro-génétique et la neuropsychologie. Le savoir-faire ainsi acquis a fait l'excellence pro-fessionnelle, aujourd'hui reconnue sur la scène internationale.

Il est également à noter que la forte émigration des personnels de santé vers lespays occidentaux depuis 25 ans a permis à ces derniers de prendre acte du niveau decompétence médicale de leurs collègues initialement formés en Europe de l'Est.

Maladie de Parkinson:

Le contenu des nouveaux cours de religion pour lescollégiens s'apparente-t-il à du prosélytisme? C'esten tout cas ce que dénonce le spécialiste en éduca-

tion Marian Stas, qui a lu les nouveaux programmes scolaires,encore en attente d'approbation du ministère. Un programmequi s'oppose aux recommandations du Conseil de l'Europeselon lesquelles seule l'histoire des religions devrait être ensei-gnée. Selon ces programmes, à la fin de cet enseignement, lesélèves devront avoir acquis certaines compétences, comme"faire preuve d'un comportement moral en accord avec lesvaleurs religieuses", "faire valoir l'actualité des principes del'Ancien Testament dans le monde actuel" et "faire correspon-dre les expérience de la vie quotidienne aux principes reli-gieux, en respectant l'identité et la diversité religieuse".

Les moyens donnés pour l'acquisition de cette dernièrecompétence restent obscurs, puisque le programme ne traiteque de l'identité du culte orthodoxe et évoque à peine cette"diversité religieuse".

L'ancien député écologiste Remus Cernea, engagé contreles discriminations religieuses et partisan d'une plus stricteséparation de l'Eglise et de l'Etat, rappelle à quel point lesenfants sont vulnérables et peuvent être facilement endoctrinéssi on ne les prévient pas du danger du fondamentalisme reli-gieux. "Les cours de religion devraient présenter toutes lesgrandes religions de l'humanité, permettre l'éveil à l'histoiredes religions et au dialogue entre les cultures, mais aussiinformer des dangers du fondamentalisme religieux", estime-t-il. "Cet extrémisme représente une menace pour le mondedans lequel nous vivons, comme cela a été le cas tout au longde l'histoire. On devrait aider les enfants à développer desanticorps mentaux pour les protéger des différentes formesque peut prendre le fondamentalisme religieux".

Des professeurs de catéchisme payés illégalement

Il y a quelques années, une loi sur l'éducation débattue à laChambre des députés prévoyait de proposer un cours d'histoi-re des religions aux élèves qui ne souhaiteraient pas assister àcelui de religion. Le patriarche Daniel est intervenu la veille dela réunion des députés, en adressant une lettre à la présidentede la Chambre exprimant ses réserves face à cette initiative,craignant qu'elle ne discrédite les cours de religion et génèredes abus.

Contacté pour commenter le nouveau programme et lesavis des experts, le ministre de l'Éducation Pavel Nastase asèchement répondu qu'il ne l'avait pas lu en détails. Les coursde religion sont facultatifs depuis 2015, mais ils n'ont pas étéretirés du tronc commun. Plus précisément, fin 2014, à l'initia-tive d'Emil Moise, un professeur de Buzau, la Cour constitu-tionnelle de Roumanie a modifié la procédure de participationaux cours de religion. Désormais, pour y assister, une deman-de doit être faite par les élèves ou leurs parents, et non pour enêtre exemptés comme c'était le cas auparavant.

Quelques mois plus tard, un arrêté ministériel statuait quela demande pour participer aux cours de religion devait êtrefaite chaque année et que l'inscription ne se renouvelait pasautomatiquement.

Emil Moise a fait remarquer que s'ils ne s'inscrivent pas endébut d'année scolaire, les élèves participent aux cours de reli-gion de manière illégale. "Les professeurs qui dispensent ainsices cours sont donc payés tout en étant hors la loi", a-t-ildémontré.

Enfin, si 18 cultes sont reconnus en Roumanie, sur le sitede l'Institut de sciences de l'éducation, le seul programme decours de religion présenté concerne le culte orthodoxe.

Nicoleta Onofrei (Adevarul)Traduit par Anna Marquer-Passicot

Santé

Le barrage de Fed Cup entre laGrande-Bretagne et la Roumanie a viréau scandale à Constan-ta. Après la victoi-re de Simona Halep lors du premier sim-ple, Johanna Konta était bien partie pourramener le point de l'égalisation, domi-nant Sorana Cirstea (6-2, 1-3)... jusqu'aumoment où la Britannique a fondu en lar-mes. D'abord déstabilisée par les crishostiles du public, la joueuse, très émue,s'est ensuite tournée vers l'arbitre dechaise pour se plaindre des propos lan-cés par Ilie Nastase, le capitaine roumain.

Hors de lui, ce dernier a insulté l'arbit-re, puis la capitaine britannique AnneKeothavong et Konta elle-même de"putain de salope". Il a été immédiate-ment exclu du court et escorté jusqu'auxvestiaires, le match a été interrompu. Il aétrangement repris une demi-heure plustard: Konta, remise de ses émotions, aalors déroulé son tennis et remporté cinqjeux d'affilée pour s'imposer (6-2, 6-3).

L'ancien champion de tennis roumainavait fait en effet l'objet d'une enquête dela Fédéra-tion internationale de tennisaprès des propos déplacés au sujet de lagrossesse de Serena Williams. Les jour-nalistes l'avaient entendu dire à un mem-bre de son équipe: On va voir de quelcouleur il est. Chocolat au lait?"

Ilie Nastase fait

encore des siennes

les spécialistes roumains salués pour leurs résultats

Un programme qui s'oppose aux recommandations du Conseil de l'Europe

A l'école, le catéchisme orthodoxe n'est que virtuellement facultatif

Le Conseil de la concurrence deRoumanie a démarré uneinvestigation sur le marché

des carburants, afin de vérifier pourquoiles prix à la pompe ont dépassé la moyen-ne de l'UE. Le président du Conseil de laconcurrence, Bogdan Chiritoiu affirmeque l'évolution des prix a été surprenante

et qu'il fallait clarifier s'il s'agissait deproblèmes relatifs à la législation ou aucomportement des entreprises présentessur ce marché, qui seraient ainsi passiblesde sanctions.

La Roumanie compte parmi lesquelques pays européens extracteurs depétrole, dispose de vastes capacités de

raffinage et exporte des carburants sur lemarché régional.

En échange, sur le marché roumain,le prix de l'essence et du diesel est supé-rieur à la moyenne européenne, même sien début d'année, une accise supplémen-taire a été éliminée et la TVA a égalementété réduite.

Carburants plus chers que la moyenne européenne

n

BUCAREST

ORADEA

SATU MAREl

TIMISOARA

ARAD

lIASI

BRASOV

CONSTANTA

TARGU

MURES

BRAILAl

l

l

l

l

SUCEAVA

l

PITESTI

l

TARGOVISTEl

VASLUIBACAU

CRAIOVA

TULCEA

l

l

l

l

GIURGIU l

l

l

La Roumanie a l'intention de soumettre une offre pour accueillir l'Agence européenne des médicaments (EMA) àBucarest après la sortie du Royaume-Uni de l'UE. La Roumanie, qui a adhéré à l'UE en 2007, a vu depuis lors des dizai-nes de milliers de médecins, d'infirmières, de dentistes et de pharmaciens partir vers les pays plus riches d'Europe occi-

dentale. Le pays d'Europe de l'Est reste cependant un des États membres de l'UE comptant le plus de diplômés en médecine.Contrai-rement à d'autres pays et dix ans après son adhésion à l'UE, la Roumanie n'accueille aucune agence européenne sur sonterritoire. L'EMA emploie 890 personnes et fonctionne comme un guichet unique pour l'approbation des médicaments dans l'UE.Parmi les autres pays souhaitant accueillir l'agence, figurent le Danemark, la Suède, l'Espagne, la France, l'Irlande et la Pologne.En plus de créer de l'emploi, l'EMA a également le potentiel d'agir comme un carrefour pour l'industrie pharmaceutique, l'une desplus importantes d'Europe. La rémunération mensuelle nette pour les professionnels de la santé en Roumanie était en moyenne de2 609 lei (574 euros) à la fin de l'année dernière, soit un montant deux fois plus élevé qu'il y a 3 ans.

En lice pour l'Agence européenne des médicaments

Religion

En théorie, les cours de religions sont facultatifs depuis 2015, maisles élèves sont le plus souvent tenus d'y assister. En théorie, ces coursdoivent présenter la diversité des religions, mais les programmes neparlent guère que du culte orthodoxe, et relèvent plus du prosélytis-me que de la formation à la tolérance.

Vie quotidienne

Page 16: Les OUVELLEs moitié de la population. Et maintenant? "Ça me fait mal au cœur, toute cette énergie civique qui s'évapore." Carmen, psychologue, la quarantaine, est attablée avec

SociétéLes NOUVELLES de ROUMANIE

3130

SociétéLes NOUVELLES de ROUMANIE

La rencontre du patriarche orthodoxe russe Kirill avec le pape François, le 12février 2016, a cristallisé depuis une campagne contre lui au sein de son propresynode. L'Église orthodoxe russe, poids lourd démographique du monde ortho-doxe avait annoncé le 13 juin suivant, au dernier moment, son refus de participerau concile panorthodoxe convoqué en Crête par le patriarche Bartholomée deConstantinople (photo ci-dessous). Comment comprendre cette attitude s'interro-ge Jean-François Colosimo, intellectuel orthodoxe et historien des religions, dansLa Croix, ainsi que les atermoiements de cette Église sur son retour dans la sphè-re orthodoxe, après 70 ans de glaciation soviétique.

Jean-François Colosimo: Il faut impérativementse situer sur le temps long. La rivalité entre les deuxsièges patriarcaux remonte au XVe siècle avec la prisede Constantinople par les Ottomans (1453). Voyantdans cette chute la sanction des péchés deConstantinople, l'orthodoxie moscovite se sent dèslors investie du salut de la foi orthodoxe. Il est vraique Moscou représente alors la seule orthodoxie libre.C'est donc à partir de là que se forge l'idéologie de laTroisième Rome.

D'abord mimétique, cette rivalité devient égale-ment géopolitique. L'histoire de l'Église russe est inséparable des relations entre l'em-pire tsariste et l'empire ottoman. La politique russe d'avancée vers les mers chaudes etle démembrement de l'empire ottoman (Crimée, Caucase…) depuis Catherine II jusqu'àVladimir Poutine alimentent la défiance et l'hostilité du Patriarcat Constantinople à l'é-gard des Russes. C'était aussi vrai sous l'empire ottoman que dans la Turquie actuelleoù le patriarche Œcuménique - aujourd'hui basé à Istanbul, où ne vivent plus qu'une poi-gnée de grecs-orthodoxes - est prisonnier d'une situation qu'il n'a pas choisie.

Enfin, la rivalité entre les deux sièges est ecclésiastique. Cela se traduit par le faitque les Russes ont longtemps aidé les chrétiens arabes du Patriarcat d'Antioche à sedéfaire de la tutelle grecque de Constantinople. Emerge ainsi, au cours du XIXe siècle,un véritable axe Damas-Moscou qui s'est maintenu durant la période soviétique etdemeure opérationnel aujourd'hui à travers une solidarité financière et logistique entreles deux patriarcats.

"C'est la Russie qui envoie des missions à travers le monde"

-Pour autant, Constantinople jouit toujours d'une primauté symbolique sur l'en-semble de l'orthodoxie…

-J-F.C. : C'est la question qui sous-tend cette rivalité multiséculaire: qui, au fond,a le véritable pouvoir ? Il va de soi qu'à partir du XVème siècle, Constantinople a perdude sa force missionnaire. C'est la Russie qui envoie des missions en Amérique du Nordvia l'Alaska, mais aussi en Chine, au Japon et dans toute l'Asie…

D'où la question cruciale: qui accorde l'autocéphalie (NDLR : indépendance totaled'une Église en langage orthodoxe) ? Constantinople, c'est-à-dire l'Église mère de tou-tes les Églises, ou celle qui conduit effectivement la mission ?

-Moscou se livre donc à une démonstration de puissance ?-J-F.C. : Ravivée après la chute du bloc communiste, la vieille rivalité qui l'oppo-

se à Constantinople n'autorise pas pour autant Moscou à remettre en cause l'autorité dupatriarche œcuménique.

Aussi Moscou joue-t-elle sur son poids démographique. Avec ses 150 millions decroyants, elle représente certes la moitié de l'orthodoxie mondiale, mais c'est un colos-se aux pieds d'argile : la moitié des orthodoxes russes sont en Ukraine où la guerre faitrage depuis plus de deux ans et menace de faire exploser l'Église orthodoxe d'Ukraine…

À cette situation s'ajoute un autre problème d'ordre théo-logique. N'oublions pas que l'Église orthodoxe russe étaitavant la révolution de 1917 la plus progressiste du mondeorthodoxe. C'est elle, via l'émigration d'intellectuels commeVladimir Lossky et leur rencontre avec les grands penseurscatholiques (Lubac, Daniélou…), qui a fécondé sur les bordsde la Seine la grande tradition théologique et Œcuméniqueoccidentale, laquelle a rendu possible le concile Vatican II.Seulement voilà, au sortir de la longue parenthèse soviétique,l'Église orthodoxe russe est devenue une Église réactionnaireavec des réflexes d'appareil.

Nous assistons donc à un formidable renversement del'histoire: l'esprit d'ouverture aujourd'hui porté par les Grecsest dénoncé par les Russes, alors que ces derniers en ont été lesinventeurs…

"Une Église russe en pleine dérive intellectuelle"

-Que gagne l'Église russe dans ce boycott ?-J-F.C. : Sa posture fondée sur la puissance cache en réali-

té un affaiblissement de l'institution. Paradoxalement, la nonvenue du patriarche Kirill de Moscou au concile est une consé-quence de sa rencontre avec le pape François. Cet événement,longtemps repoussé pour ne pas fâcher l'aile droite ultranatio-

naliste de son Église et risquer un schisme, a finalement cris-tallisé une campagne contre Kirill au sein de son propre syno-de (assemblée des évêques). Voilà donc une Église russe enpleine dérive intellectuelle, oublieuse de ses propres leçonsd'ouverture, contrainte de s'emparer des revendications rétro-grades et nationalistes de petites Églises comme la Bulgarie etla Géorgie pour compenser ses fragilités internes.

Cela aboutit à une chaise vide qui consacre l'Église russecomme la championne d'une orthodoxie minoritaire et intrans-igeante. En simulant une sorte de contre-pouvoir momentané,l'Église orthodoxe russe joue la seule carte qui lui reste pourexister et pour ne pas avoir à plier devant Bartholomée. À cetitre, elle apparaît plus marginalisée que renforcée.

Recueilli par Samuel Lieven (La Croix)

Religion Un véritable axe Damas-Moscou existe depuis le XIXème siècle

L'église orthodoxe russe à

Le patriarche orthodoxe russe Kirill a rencontré le pape François en 2016

n

BUCAREST

ORADEA

SATU MAREl

TIMISOARA

ARAD

lIASI

BRASOV

CONSTANTA

TARGU

MURES

BRAILAl

l

l

l

l

SUCEAVA

l

PITESTI

l

TARGOVISTEl

VASLUIBACAU

CRAIOVA

TULCEA

l

l

l

l

GIURGIU l

l

l

Brico Dépôt se fâche

avec le numéro un

du bois en RoumanieLa filiale roumaine de Brico Dépôt

ne veut plus travailler avec lesAutrichiens de Schweighofer, numéroun du bois en Roumanie. Accusésd'acheter du bois coupé illégalement,les Autrichiens se voient reprocherleurs pratiques non respectueuses del'environnement.

Brico Dépôt est la deuxième ensei-gne de magasins de bricolage queles Autrichiens de Schweighofer per-dent en quelques mois en Roumanie.Fin 2016, c'était les Allemands deHornbach qui avaient pris la mêmedécision. Dans les deux cas, ce quil'a motivé ce sont les filières douteu-ses du numéro un du marché du boisen Roumanie.

De nombreuses ONG accusentdepuis plusieurs années le groupeautrichien d'acheter en connaissancede cause du bois issu de coupes illé-gales. Schweighofer a réalisé un chif-fre d'affaires de 444 millions d'eurosen Roumanie en 2015.

Il y a trois semaines, l'organismeForest Stewardship Council lui a retirésa certification, garantissant une ges-tion durable des forêts et de l'approvi-sionnement en bois. Les autoritésroumaines estiment que 80 millionsde mètres cubes de bois ont été cou-pés illégalement entre 1993 et 2013en Roumanie, pour un préjudice decinq milliards d'euros.

Fin février, une trentaine de mili-tants, scientifiques et alpinistes ontbloqué des camions chargés de boissur la Transfagarasan, une des routestraversant les Carpates, afin d'attirerl'attention des autorités sur la des-truction des dernières forêts vierges àproximité d'un grand lac de la région.

la botte du pouvoir politique

Le Saint-Synode de l'Égliseorthodoxe russe a décidé, audébut du mois de mars 2017,

d'introduire dans son calendrier plusieurssaints occidentaux antérieurs au schismede 1054. Blandine de Lyon (illustration),Germain d'Auxerre, Geneviève de Parisou encore Patrick d'Irlande figurent dansla liste des quinze premiers élus.

Selon le métropolite Hilarion deVolokolamsk, chef des relations ecclésia-les extérieures du Patriarcat de Moscou,cette liste pourra encore être complétée àl'avenir. Ces saints ont été inclus surdemande des diocèses orthodoxes russesen Europe occidentale, mais il ne faut pasy voir un rapprochement avec l'Églisecatholique, a-t-il précisé.

La quinzaine d'Églises qui compo-sent la galaxie orthodoxe révèrent chaquejour des saints selon un calendrier com-mun. Mais en plus, chaque Église locale(en Roumanie, en Bulgarie, en Grèce,etc.) a ses propres saints. Dans le cas del'Église orthodoxe russe, il s'agit d'incor-porer des saints vénérés par les importan-tes diasporas présentes à l'étranger, enparticulier en France et en Allemagne.

"Un fonds commun de plus d'un millénaire"

À la demande des diocèses occiden-taux, la commission chargée de l'établis-sement du ménologe (recueil de vies desaints) de l'Église orthodoxe russe a ainsiconstitué sa liste de saints occidentauxsur la base d'une série de critères précis.

Ils doivent avoir vécu avant le schismeentre catholiques et orthodoxes de 1054.Ils doivent être vénérés par les ortho-doxes des diocèses d'Europe occidentalede l'Église russe, ou par d'autres Églisesorthodoxes locales. Ils doivent enfin nepas avoir été mentionnés dans des ouvra-ges polémiques contre les Églisesd'Orient. Cette première série comprend

essentiellement des saints de l'Église desGaules: les martyrs de Lyon (177) Pothin,Blandine, Ponthique, Epipode etAlexandre, Saturnin de Toulouse, Victorde Marseille, Honorat d'Arles, Germaind'Auxerre, Vincent de Lérins, Loup deTroyes, Geneviève de Paris, Germain deParis. Pour les îles britanniques ce sontAlban et Patrick et enfin pour la BohèmeProcope de Sazava.

"Certes, ces questions de calendriern'ont pas d'implications œcuméniques,mais cela rappelle tout de même que lescatholiques et les orthodoxes ont unfonds commun de plus d'un millénaire",rappelle le théologien orthodoxe Jean-Claude Larchet.

Quant aux saints qui font directementleur entrée au calendrier orthodoxe, àl'instar de la famille impériale russe deNicolas II massacrée par les révolution-naires bolcheviques en 1918, ils font l'ob-jet d'un procès en canonisation similaire àcelui de l'Église catholique. Avec cepen-dant une différence importante: aucunmiracle n'est exigé et le candidat doit déjàfaire l'objet d'une vénération populaire.

Samuel Lieven

Des saints occidentaux dans le calendrier orthodoxe russe

Page 17: Les OUVELLEs moitié de la population. Et maintenant? "Ça me fait mal au cœur, toute cette énergie civique qui s'évapore." Carmen, psychologue, la quarantaine, est attablée avec

SociétéLes NOUVELLES de ROUMANIE

3332

SociétéLes NOUVELLES de ROUMANIE

Destins

Lepetitjournal a fait la connaissance du peintre français Maurice Boulognequi exposait ses toiles à Gallery (str. Leonida n° 9-11, Bucarest). Maurice racon-te qu'il a fait un choix qui a surpris tous ses proches à l'âge de la retraite, il y ade ça une dizaine d'années: venir s'installer en Roumanie avec sa femmeJacqueline. Ce qui, au début, devait être une simple découverte d'un pays peuconnu, est devenu une passion qui a inspiré le peintre et lui a permis de retro-uver son âme d'enfant.

Le cœur sur la main, Maurice est très ému de présenter sa famille et sonexposition "Boulogne une famille d'artiste", dans laquelle 4 générationsde Boulogne y présentent leurs œuvres, soit un éventail de 77 ans de pra-

tique artistique, traversant les différents courants artistiques contemporains. Ce quifrappe immédiatement, c'est de constater que dans la famille Boulogne, jusqu'aupetit dernier âgé de tout juste 16 ans, tous semblent avoir reçu l'art en héritage et unebelle ouverture sur les autres. Lepetitjournal est allé poser quelques questions aupatriarche qui les a tous réuni, pour essayer de comprendre d'où vient sa passion pourson nouveau pays d'accueil.

-LePetitJournal.com: Pourquoi la Roumanie ?-Maurice Boulogne : Au début, il s'agissait d'un simple projet d'échange entre

un lycée de Landrecies dansLavesnois (département du nord dela France) et la ville de Bistri?a enRoumanie. J'ai accompagné les élè-ves de CM1-CM2 là-bas alors que cen'était pas vraiment prévu, il y avaitjuste une place ou deux de libresdans le bus. Je n'avais aucun à priori.J'avais bien sûr entendu parler de laRoumanie à travers la "Révolution"qui fut un épisode marquant pourmoi à l'époque, en 89, mais j'avaisperdu de vue depuis longtemps ce àquoi pouvait bien ressembler un paysde l'Est, jusqu'à ce jour, en 2007.

"J'ai pris dans la figure des tas de souvenirs qui étaient enfouis"

-Et à l'arrivée, quel sentiment ?-Çà a été un choc émotionnel très puissant pour moi. Dès que j'ai passé la fron-

tière entre Budapest et Oradea, j'ai vu des charrettes, des nids de cigogne suspendussur des poteaux électriques, des poules en liberté, des grand-mères assisses au bordde la route; il n'y avait pas encore de route, elles étaient en plein travaux. J'ai prisdans la figure des tas de souvenirs d'enfance qui étaient enfouis, des sensations queje n'avais pas réactivé dans ma période adulte.

-Quelles sont précisément ces sensations ?-L'odeur des chevaux, la vue des chevaux, les chiens errants… Mon grand-père

était maréchal ferrant, il ferrait les chevaux dans les années 50, j'avais une tante quiélevait des moutons et tout ça c'est remonté d'un coup. Le choc culturel a été vrai-ment incroyable. Je me suis alors posé la question mais pourquoi? J’'en parle avec lerecul mais sur le coup, je ne comprenais pas immédiatement d'où cela pouvait venir.Au jour d'aujourd'hui, j'ai mis toute ma période adulte entre parenthèses car ici enRoumanie je continue à vivre mes années d'enfance.

a trouvé l'authenticité en Roumanie

Plus à l'aise avec un bergerdes Carpates qu'avec son voisin de palier

-Justement, en tant que peintre, en quoi la Roumanie a-t-elle pu être une source d'inspiration ?

-Je me suis essentiellement concentré sur des portraits,mon inspiration est donc venue du contact avec les gens, despersonnalités que j'ai rencontrées. A certains moments quandje repartais en France, on me disait: "Mais qu'est-ce que tu vasfaire là-bas?". Je leur répondais qu'il se passait quelque choseen Roumanie de particulier. Je suis plus à l'aise avec un bergerdes Carpates alors que je parle mal la langue, qu'avec mon voi-sin de palier que j'ai du voir en trois ans, deux fois. Cette fra-ternité humaine, j'avais l'impression de l'avoir perdue enFrance. Elle doit exister mais elle est souvent forcée, pourcréer du lien social c'est spontané. Je me suis immédiatementattaché à ces personnes, avec des caractères très marqués, desfemmes très courageuses.

De temps en temps, on accompagnait des paysans tra-vailler dans les champs, et au bout d'une journée de travail, onvoyait arriver les femmes qui continuaient le travail alorsqu'elles avaient passé leur journée à faire la cuisine, le ména-ge et s'occuper des enfants. Le soir, elles venaient aider leursmaris et se rencontrer pour partager l'effort collectif. Un cou-rage phénoménal ! Sans faire de comparaison, je n'ai jamais vuune telle vitalité autour de moi en France, le confort a endor-mi les corps et les esprits avec la télévision. On pouvait mêmeplus leur donner un âge. Tu pouvais parler de tout et de rien, tusentais qu'il y avait au-delà de la langue, un vrai langage ducœur. Que ça s'exprime par des gestes ou uniquement par dessourires, on arrivait à une compréhension unique et très belle.

-La Roumanie a-telle beaucoup changé?-Déjà entre 2007 et 2008 j'ai vu les choses changer. Les

routes en construction prenaient forme, et cela va paraître unpeu naïf, mais la Roumanie que j'aime c'est celle des sentiers,celle où je sens la terre sous mes pieds. Je m'installais sur unbanc, je voyais les étoiles et je ne me souvenais plus avoir vules étoiles depuis longtemps.

Lorsque je me suis décidé de venir m'installer avec mafemme à Bistrita, déjà les choses étaient différentes, il y a eu

un plan de réhabilitation de la ville et l'actuelle petite place oùj'avais les pieds sur la terre et la tête dans les étoiles, et bienmaintenant il y a des dalles en béton et il y a tellement de lam-pes que tu ne vois même plus le ciel.

J'ai déjà la nostalgie d'un lieu que j'ai perdu et ça changetellement vite que l'on va être obligé d'aller chercher les petitscoins romantiques de plus en plus loin, allant même jusqu'à seperdre pour les toucher à nouveau. On sentait en passantdevant la petite citadelle, le poids de l'histoire, alors qu'aujour-d'hui, les lumières produisent un artifice qui t'éblouis, t'en metplein la vue mais t'empêche de voir vraiment ce qu'elle nousracontait hier encore.

"Bucarest, c'est une ville chaotique mais qui a un je ne sais quoi de poétique"

-Après vous être beaucoup déplacé en Roumanie vousêtes finalement revenu à Bucarest, pourquoi ?

-Et bien Bucarest, c'est une ville chaotique mais qui a unje ne sais quoi de poétique. Malgré le bruit et l'agitation, onpeut prendre le temps de regarder les gens aux terrasses, pren-dre le temps, même en semaine, de converser entre amis.

La vie nocturne et culturelle de Bucarest est enivrantemais ce tourbillon me donne rapidement envie de retourner àla campagne. Cette sérénité que j'ai retrouvée là-bas me per-met de profiter de la ville encore un temps.

J'ai d'ailleurs dans le projet de trouver un petit endroit ànous, pas trop loin de la Capitale, pour pouvoir vivre cesmoments plus souvent car Jacqueline et moi n'avons jamais étédes propriétaires, on préfère être libres et pouvoir se déplacer.

-Quelles sont les différences entre ici et la France?-On est un jour tombé en panne, une roue crevée. Il pleu-

vait comme pas possible et un jeune est immédiatement sortide sa voiture pour m'aider. Il y a passé deux heures.

Quand on est revenus du réparateur, il m'a changé la roueen me demandant d'attendre au sec dans ma voiture et quandj'ai voulu lui donner de l'argent, il l'a catégoriquement refusé,j'ai jamais vu ça ailleurs. Il était prêt à se fâcher si je lui don-nais de l'argent.

Grégory Rateau (www.lepetitjournal.com/Bucarest)

Maurice, un peintre français

mes années d'enfance"

n

BUCAREST

ORADEA

SATU MAREl

TIMISOARA

ARAD

lIASI

BRASOV

CONSTANTA

TARGU

MURES

BRAILA

l

l

l

l

l

BOTOSANI

l

PITESTI

l

RM. SARAT l

FOCSANI

BACAU

CRAIOVA

TULCEA

l

l

l

l

GIURGIU l

l

l

Depuis le 23 décembre dernier,Nectaire Mocanu tient une épicerie deproduits d'Europe de l'Est et de Grèce,au 31 rue Néricault-Destouches àTours. Responsable de la paroisse rou-maine de la cité ligérienne et deChâteauroux, il rénove la chapelle desLazaristes, rachetée en 2012 à la Villepar la métropole orthodoxe roumaine etqui ne permet pas de recevoir dupublic, encore moins d'y faire l'office.Pour vivre et entretenir l'édifice, il tientune épicerie, l'épicerie Anica, qui aquelque chose de spécial: le tenancierest prêtre?!

Les parents de Nectaire tiennent unesupérette à Bucarest depuis 26 ans. Unchoix d'activité qui semblait évidentpour le fils. "On a pu ouvrir l'épiceriegrâce à la vente de terres en Roumanieappartenant à mon arrière-grand-mèreAnica", assure-t-il.

Travailler n'effraie pas le prêtre de40 ans, lui qui est arrivé à Paris en2001 pour ses études et qui a été aide-soignant quatre ans, puis traducteur autribunal de grande instance de Paris.

La boutique a ouvert le 23 décembrerue Néricault-Destouches. Nectaire estépaulé par sa mère, les produits sontexpédiés par le père depuis laRoumanie.

Le bio et le respect de la nature ysont élevés au rang de religion. Le ryth-me est infernal: ouvert du lundi ausamedi, à midi, Nectaire prépare dessandwichs, des jus pressés, fait le tourdu propriétaire avec tous les nouveauxclients. Pas question pour lui de mélan-ger la robe et le tablier. Seul signe dis-tinctif, accroché sur sa chemise: unemédaille de saint Martin, un saint com-mun entre catholiques et orthodoxes.

(Suite page 34)

Nectaire, épicier

le jour, prêtre le soir

Le jeu très controversé sur lesréseaux sociaux "la baleinebleue", populaire en Russie, a

commencé à se propager dans d'autrespays, dont la Roumanie. Le principe est

d'inciter des adolescents à réaliser 50défis durant 50 jours, dont certains quiles poussent à des actions extrêmescomme des scarifications, ou le fait deretenir sa respiration.

Le dernier défi serait de se donner lamort. Depuis un certain temps, nombred'enfants et d'adolescents roumains ontété hospitalisés ou sont même décédés,ces faits étant visiblement liés aux défis

lancés par les meneurs du jeu.Ce jeu fait l'objet d'une analyse de la

part de la commission de contrôle duService roumain de renseignements, l'u-nique organisme habilité à contrôler lesdérapages du milieu virtuel. La policevient t de démarrer une campagne de pré-vention, afin d'attirer l'attention du publicsur les dangers auxquels les jeunes sontexposés dans le milieu virtuel.

Jeux morbides sur les réseaux sociaux

"Ici, je continue à vivre

A l’âge de la retraite, Maurice a changé de vie.

Page 18: Les OUVELLEs moitié de la population. Et maintenant? "Ça me fait mal au cœur, toute cette énergie civique qui s'évapore." Carmen, psychologue, la quarantaine, est attablée avec

Société

-Quels sont vos plats signatures?-Je n'en ai pas vraiment car j'aime la cuisine de saison, ça

peut être du poisson, de la viande, des légumes... Quand jemange j'ai juste envie de prendre du plaisir, de me sentir libre.Souvent les gens me demandent quel est le plat le plus impor-tant que j'aime cuisiner, je leur fais toujours la même réponse:ce qui est important pour moi, c'est de vous entendre me direque vous n'aimez pas tel plat et faire en sorte de vous le cuisi-nier d'une manière si particulière que vous reveniez ensuite medire que vous avez aimé. C'est un défi et un réel plaisir pourmoi de donner envie aux autres.

"En France, on va au resto à deux… en Roumanie, à douze"

-Voyez-vous des différences culturelles entre la manièred'apprécier la nourriture en France et en Roumanie ?

-Quand on va manger au restaurant en France, on peut yaller à deux. Ici en Roumanie, c'est plus familial, on prend degrandes tablées de 12 personnes. C'est beau, festif, beaucoupplus convivial. Les Roumains peuvent rester une journéeentière autour d'une table. En France cela arrive une ou deuxfois dans l'année, là c'est chaque week-end pour un grandnombre de familles. C'est le partage, la base de la cuisine pourmoi. En France on a un passif énorme, on est très pointus dansnotre culture gastronomique mais la Roumanie apprend à unrythme incroyable. En France, on a le caviar d'aubergine, enRoumanie ils ont la "salata de vinete", c'est quelque chose detrès bon. On a le tarama, ils ont la "salata de icre", qui est faitemaison par les grand-mères, et a un goût incroyable. On nedoit pas passer son temps à comparer les deux cultures, mais

essayer de tirer le meilleur parti des produits que l'on trouve iciet les promouvoir car ils gagnent vraiment à être connus.

-Y-a-il de grandes écoles de cuisine ici en Roumanie?-C'est ce qui manque beaucoup ici, il n'y a pas d'écoles

hôtelières. C'est pour moi la question la plus importante. Jeviens d'être contacté pour en monter une justement. C'estindispensable de former des talents ici, même s'ils vontapprendre ensuite la cuisine dans d'autres pays, c'est mêmerecommandé de le faire, mais il faut leur donner la possibilitéde développer un savoir-faire propre à leur culture. C'est de làque tout part, de l'éducation.

C'est un métier qui devient petit à petit professionnel maisne l'est pas encore comme dans le reste de l'Europe. Les men-talités commencent à évoluer et je crois que le potentiel de cecorps de métier est en train d'exploser. La télévision a joué unrôle, c'est indiscutable.

Les jeunes ont besoin d'une base pour ensuite développerleur créativité. Les grands chefs doivent les accompagner pourqu'ils puissent ensuite, à leur tour, transmettre et partager auxfutures générations. J'aimerais également aider les enfants endifficulté, en utilisant ma nouvelle notoriété, et sensibiliser lesgens. Lors de mes voyages avec l'équipe de Masterchef j'aivraiment été touché par tous ces gamins que je croisais sur maroute et à qui manquait le minimum. Je crois que le devoir dequelqu'un qui est reconnu publiquement, est d'utiliser sonpotentiel de sympathie auprès des gens pour les accompagnerdans de nobles causes. La transmission doit passer par monmétier mais si je peux utiliser mon métier pour faire plus, je leferai.

Propos recueillis par Sarah Taher et Grégory Rateau(www.lepetitjournal.com/Bucarest)

Les NOUVELLES de ROUMANIE

35

SociétéLes NOUVELLES de ROUMANIE

"J'étais venu en Roumanie pour 3 jours, j'y suis resté 10 ans" Destins

Rencontre avec Samuel Le Torriellec, un chef français de renom d'originenormande installé depuis 10 ans en Roumanie. Avec plus de 25 ans de carrièrederrière lui, Samuel a travaillé dans plusieurs restaurants avec deux ou troisétoiles au guide Michelin dont La Tour d'Argent, Le Fouquet's, Café Vendôme,Hôtel Meurice, Prunier... Les bras tatoués, charpenté par sa pratique des sportsextrêmes, Samuel est également un amoureux de la Roumanie dont il veut valo-riser la gastronomie. Lepetitjournal l'a rencontré dans son restaurant gastrono-mique "l'Atelier" dans le cadre de l'hôtel Epoque à Bucarest. Il fait aussi partiede l'aventure Masterchef, l'émission culinaire qui, en quelques semaines, l'a faitadopter par tous les Roumains.

Lepetitjournal.com/Bucarest : Pourquoi êtes-vous venu en Roumanie ?Chef Samuel Le Torriellec: J'ai travaillé avec un Roumain en France, il était

responsable de salle dans un restaurant étoilé. Il m'a dit " viens on va passer un week-end en Roumanie, on va s'amuser !". Arrivés sur place, on a rencontré une personnequi nous a dit qu'elle aimerait ouvrir un restaurant. J'étais chef dans un restaurantavec une étoile au Michelin qui allait fermer, il n'y avait donc plus rien qui me rete-nait en France. Au final, j'étais venu en Roumanie pour trois jours, j'y suis resté10 ans. Pendant la construction de l'établissement j'ai travaillé 6 mois dans un res-taurant sur les bords de la mer noire avec une clientèle des plus exigeantes, ce quim'a permis de comprendre les attentes des gens. Dès le début de l'aventure, le res-taurant a eu un immense succès puis l'entente avec le patron s'est dégradée petit àpetit. Mais la bonne nouvelle, c'est que dès que j'ai démissionné j'ai été embauché lejour même. Mes nouveaux patrons étaient des fidèles de l'établissement.

-Vous faites partie dede l'émission culinaireMasterchef. Est-ce que cetype d'émission a permis,selon vous, de redorer leblason de l'art culinaire?

-Masterchef a été,pour moi, une expérienceincroyable car elle m'adonné la chance de voya-ger dans toute laRoumanie, de faire desrencontres magnifiques. Je me sens vraiment roumain aujourd'hui. Ce que je souhai-te avec cette émission c'est promouvoir la gastronomie et donner envie aux parentsde mieux éduquer leurs enfants quant à l'alimentation. J'aimerais vraiment promou-voir les produits roumains de saison: l'été on a des tomates magnifiques, des melons,de la très bonne viande, des poissons délicieux... Ils sont très différents de ceux quel'on trouve en France, mais tout aussi intéressants. J'aimerais montrer autre choseque tout ce que les grands distributeurs vendent pour des prix plus bas mais de moinsbonne qualité. A la piata (marché) on peut vraiment échanger avec les commerçants,goûter leurs produits. Avant même de passer à la télé, je connaissais tout le mondelà-bas, ce qui me permettait de bien choisir mes produits.

-Quel plat français vous manque le plus?-Aucun ! Je peux cuisiner tout ce que je veux. Pour les fromages, je peux tout

commander en France. Ce qui va par contre le plus me manquer, ayant égalementvécu en Bretagne, ce sont les fruits de mer. Ce que j'aime là-bas c'est que si l'on déci-de de manger des huîtres avec une bonne bouteille de vin blanc, on peut faire ça dansles 10 minutes. Quand je commande, ici, je dois attendre une semaine.

n

BUCAREST

ORADEA

SATU MAREl

TIMISOARA

ARAD

lIASI

BRASOV

CONSTANTA

TARGU

MURES

BRAILAl

l

l

l

l

BOTOSANI

l

PITESTI

l

TARGOVISTEl

VASLUIBACAU

CRAIOVA

TULCEA

l

l

l

l

GIURGIU l

l

l

"Je ne porte jamais la soutane ici,c'est une question de respect, de laïcité,juge l'homme. Mais c'est important queles gens comprennent que le prêtren'est pas qu'un homme d'Église, qu'ilpeut écouter hors des églises".

Pas de prosélytisme, au point que lamajorité des clients ignorent sa doublevie. "Je ne le savais pas au départ,reconnaît Nahuel. Depuis, je lui posedes questions sur les sujets religieux,sur son pays. Ce qui m'attire ici, c'est lebrassage de cultures et la générosité dulieu, ici tu goûtes tout avant de manger".

Depuis l'ouverture, Nectaire a prisdeux jours de congés?: Noël et le Jourde l'an. Après la fermeture, il file à lachapelle. "J'ai besoin de me retrouverseul, de prier pour retrouver de l'éner-gie"… Et recommencer dès le lende-main, un sacerdoce. Le toit de la chapel-le des Lazaristes, consacrée à… saintNectaire, est ajouré, les vitraux cassés,la végétation sauvage… Pas plus dedouze personnes peuvent venir ensignant une décharge. Nectaire nettoieet défriche les lieux, quasi seul.

"On manque de bras pour restaurerce bijou", souffle le religieux. Il manque300 000 euros pour les travaux. Le prêt-re tente de réunir les fonds, en vendantdes bougies, en organisant desconcerts... Alexandre Salle

(La Nouvelle République)

(Suite de la page 32)

Samuel Le Torriellec :

La Roumanie a été choquée par la tragédie du mont Retezat(2482 mètres) dans les Carpates méridionales qui aendeuillé le monde l'alpinisme, à la mi-avril. Une avalanche

a emporté un groupe de 7 skieurs, faisant plusieurs victimes, dont deuxmorts. Parmi ceux-ci, Geta Popescu, une adolescente de 13 ans, deve-nue avec sa soeur, Crina-Coco, la plus jeune et célèbre alpiniste dumonde après avoir escaladé six des sept plus haut volcans du monde,en 2016, sous la conduite de son père et mentor, Ovidiu Popescu, àcommencer par le mont Glowe (4367 mètres) en Papouasie.

Encore enfant, elle avait enchainé avec l'Aconcagua dans lesAndes, l'Orizaba au Mexique, le Mc Kinlay, en Amérique du nord, leMont Lénine (Pamir, 7134 m). La deuxième victime est un jeune ado-lescent de 12 ans, Erik Gulacsi qui, lui, détenait le record de plus jeunealpiniste, ayant vaincu le Mont Elbrouz (5642 m) dans le Caucase. Les

corps des deux victimes n'ont pu être descendus immédiatement. Le père de Geta Popescu, blessé, a été hospitalisé. Le chef dessauveteurs a indiqué que les alpinistes, qui faisaient partie d'un groupe plus important de 50 personnes, n'avaient pas tenu comptedes avertissements de risques extrêmes qui leur avaient été communiqués avant leur expédition, mettant en cause l'entêtement deparents qui veulent à tout prix que leur progéniture sorte du lot.

Geta Popescu, plus jeune et célèbre

alpiniste du monde,

emportée par une avalanche

le chef normand cuisine roumain

34

300 000 euros à trouver

Geta (à gauche) avec Erik et son père.

Page 19: Les OUVELLEs moitié de la population. Et maintenant? "Ça me fait mal au cœur, toute cette énergie civique qui s'évapore." Carmen, psychologue, la quarantaine, est attablée avec

SociétéLes NOUVELLES de ROUMANIE

36

SociétéLes NOUVELLES de ROUMANIE

Insolite

Cristian Rizea si George Ciprian Târdea, deuxanciens députés du Parti Roumanie Unie (mélangede PSD Iliescu et d'extrême droite Romania Mare),

dont le principal credo est la lutte contre la corruption, sontaccusés par un hôtelier de Vaslui d'avoir couché, mangé et bupendant un mois dans son établissement, au moment de lacampagne des législatives de novembre dernier… et de s'êtreéclipsés sans payer la note, laquelle se monte à environ 10 000euros, la nuit même des élections, quand ils ont vu qu'ils n'é-taient pas réélus. Le propriétaire avait repéré leur manège, vers

3 heures du matin, quand ils rangeaient leurs valises dans leurcoffre. Les appelant au téléphone, il s'était entendu répondreque c'est l'autre qui allait passer payer, avant de disparaîtretous feux éteints, en direction du siège de leur parti à Bucarest.Le malheureux hôtelier ne pouvait plus que s'arracher les che-veux, constatant en outre qu'ils avaient vidé le mini-bar deleurs chambres. Saisi, le procureur de la DNA a relevé queCristian Rizea avait déjà un dossier en cours, portant sur uneescroquerie de 300 000 euros, concernant un terrain de la ban-lieue de Bucarest.

Par ici la bonne soupe !

37

Plus de 750 habitants de Constantsa vont devoirrembourser le prix des repas qu'ils ont prix frau-duleusement à la cantine sociale de la ville, ces

quatre dernières années, alors qu'ils n'y avaient normale-ment pas accès, celle-ci étant réservée aux personnes dispo-sant de ressources mensuelles inférieures à 30 euros. Lamoyenne des remboursements attendus est de 300 euros,mais elle peut monter au double. La majorité des res-quilleurs affirme ne pas avoir les moyens de s'acquitter decette dette.

Resquilleurs à Constantsa

La compagnie russe de téléphone portable "Caviar" alancé trois nouveaux modèles à l'occasion de Pâques. Ilssont gravés avec une croix en or et comporte des prières

au dos. Leur prix s'étale de 199 999 à 219 999 roubles, soit l'équi-valent de 3000 à 3400 euros. Une ligne directe avec le ciel n'estcependant pas garantie pour ce prix… ni avec Poutine.

Portable pour prières

La frontière de Nadlac (Arad)vers la Hongrie, comportedésormais 10 bandes de cir-

culation, permettant au trafic de s'écou-ler rapidement. Mais à chaque grandemigration, des files infernales d'attentede plusieurs heures se reconstituent.Miracle à l'occasion de Pâques… LeBon Dieu ayant à faire par ailleurs…c'est la ministre de l'Intérieur, CarmenDan qui est tombée du ciel pour unevisite surprise et se rendre compte de lasituation. Touchés par la grâce, lesdouaniers ont retrouvé toute leur éner-gie et les automobilistes ont pu franchirle point de contrôle en moins de dixminutes

De l'utilité d'un ministre

Pour la deuxième année consécutive, le roumainTiberiu Useriu a remporté l'ultra-marathon leplus difficile au monde, le 6633 Arctic Ultra, qui

est organisé au Cercle Polaire: 556 km et une températuremoyenne de -30°C. Malgré les mises en gardes des méde-cins suite à des gelures au niveau des pieds, le coureur n'apas voulu abandonner et a réussi cet exploit en 159 heures.Peu avant son départ, il a rédigé son étonnante autobiogra-phie, dans laquelle il fait partager son existence hors-norme, ses huit ans de prison, ses braquages armés enAllemagne et en Autriche, ses tentatives d'évasions et sesmultiples professions.

Et de deux pour

l'ultra-marathonien Tiberiu Useriu

Rencontres roumaines

La route entre Sântana etPâncota, dans le judet d'Arad,la voie la plus directe pour

rejoindre la nationale reliant cette dernièreville à Oradea, comporte plus de 400 trouset on ne peut guère y circuler à plus de 40km/h. Mi-sérieux, l'aéro-club CharlieBravo, situé à 16 km, a proposé d'organiser des vols spéciaux pour s'y rendre et ainsiéviter d'abimer sa voiture. Ce sujet de plaisanterie a tourné au drame quand une jeunefemme de 24 ans, a fait un écart pour en éviter un, voici deux ans, rentrant en collisionavec un camion venant en face et trouvant la mort. Depuis, rien n'a été fait, le trou estmême devenu cratère. Devant ce scandale, le judet a décidé de le combler au cours del'année, mais les usagers sont sceptiques.

Des trous qui deviennent

des cratères

Je vous en prie...Ne touchez pas à mes oeufs !

Page 20: Les OUVELLEs moitié de la population. Et maintenant? "Ça me fait mal au cœur, toute cette énergie civique qui s'évapore." Carmen, psychologue, la quarantaine, est attablée avec

Connaissance et découverteLes NOUVELLES de ROUMANIE

3938

Connaissance et découverteLes NOUVELLES de ROUMANIE

Musique Bela Bartók puisait aux sources

Béla Bartók est né le 25 mars 1881 àNagyszentmiklós, dans le Banat, à l'époque oùcette province faisait partie intégrante de la

Hongrie. Aujourd'hui désignée sous son appellation roumaine,Sânnicolau Mare, petite ville propre et tranquille, est située enRoumanie, à une dizaine de kilomètres de la frontière hongroi-se et à 65 km au nord-ouest de Timisoara.

Bartók a vu le jour dans une maison paysanne au n°3 de laStrada Cerbului. La commune faisait partie du comté deTarantal où Bartók retournera plus tard pour y collecter desairs de danses populaires. Lapopulation y était majoritairementroumaine. Selon les statistiquesde 1890, on comptait 39% deRoumains, 34% d'Allemands,15% de Hongrois et 12% deSerbes. Officiellement, la villes'appelait Szerbnagyszentmiklos(Sannicolau Mare Sârbesc) parceque l'administration royale n'ad-mettait pas de noms de lieux iden-tiques même dans des comtéséloignés les uns des autres, ycompris ceux des vieilles localitéshongroises placée sous la protec-tion de Saint-Nicolas. Près deSannicolau Mare Sârbesc, on trouvait aussi Sannicolau MareNemtesc. Sannicolau Mare est née de la fusion de ces deuxcommunes et elle est la ville située la plus à l'ouest de laRoumanie.

Un père directeur d'école, une mère institutrice

Le père du grand musicien,Bela Bartók Senior (1855 -1888), était un agronome diplô-mé d'études supérieures de lafaculté de Cluj. Il est nommé en1876 professeur à l'école agri-cole de sa commune pour endevenir ensuite directeur en jan-vier 1877. Membre du conseilmunicipal, il écrivait des arti-cles agronomiques et éditait sapropre revue d'enseignementagricole. Bela Bartók pèrepubliait aussi dans la presselocale des articles littéraires. Ilétait violoncelliste amateur et composait à ses heures, A cetitre, il avait été le promoteur de la Société philarmonique dela localité. Bartók fils fut impressionné par les activités de sonpère. En 1924, quand il se rendit à Bucarest à l'invitation de la

Société des compositeurs roumains, il découvrit qu'il s'étaitimpliqué dans des démarches laborieuses pour la créationd'une société des compositeurs hongrois. Bela Bartók pèremourut à l'âge de 33 ans. Il est enterré au cimetière du quartierallemand de sa commune.

Compositeur dès l'âge de neuf ans

Paula Bartók, sa mère (1857-1939), était institutrice.Après son mariage, elle abandonna son travail pour se consa-

crer pleinement à sa vie defamille. Restée veuve en 1888,Paula avait aussi une fille de troisans. Elle éleva ses enfants en don-nant pendant un temps des leçonsde piano mais un an après la mortde son mari, elle trouva un posted'institutrice dans la commune deNagyszollos dans le nord de laHongrie, aujourd'hui Vinogradoven Ukraine subcarpathique.

Bartók reçut un premierenseignement de la part de samère puis il entra en classe dequatrième à l'école romano-catho-lique de la commune. A 5 ans, sa

mère commença à lui enseigner le piano. En 1899, il partit étu-dier à Presbourg - devenu Bratislava. Il rejoindra ensuitel'Académie royale de musique de Budapest où il travailleracomme professeur de piano entre 1908 et 1934.

Il commença à composer en 1890, à l'âge de 9 ans, àNagyszollos. Le registre chronologique de ses compositions

de jeunesse a été dressé parDenis Dille - un prêtre flamandérudit qui a consacré sa vie àl'œuvre de Bartók. Il comporteune pièce intitulée "Olahdarab op. 6" transcrite par samère. Cette composition estaussi sa première œuvre décla-rée comme étant d'inspirationroumaine.

A partir de 1905, BelaBartók se consacrera surtout àla musique populaire hongroi-se, roumaine et tzigane. Il col-lectera des pièces musicalestirées du folklore roumain qu'il

réunira de 1913 à 1935 dans quatre recueils: "Chansonspopulaires roumaines du comté de Bihor", "Chansonspopulaires du Maramures", "Colinde" (chants de Noël) et"Le dialecte musical des Roumains de Hunedoara".

de la musique populaire roumaineEn 1931, Bartók affirma: "Pendant mon enfance à

Sannicolau Mare, je n'ai eu aucune occasion d'écouter de lamusique populaire roumaine. Je n'ai aucun souvenir de folklo-re musical ni à Sannicolau Mare, ni àBistrita ni à Nagyszollos".

Parlant plus de dix langues

Bartók parlait et lisait plus de dixlangues. Il était un bon latiniste. Desétudes d'arabe, d'italien, d'ukrainien, debulgare et de turc sont attestées. Hormisle hongrois, sa langue maternelle, le rou-main fut la seule langue qui lui inspiraun texte poétique qu'il mit en musique,Il s'agit du livret "Cantata profana", éla-boré sur la base de deux textes de "colin-de" et versifié plus tard par Bartók en anglais et en hongrois.

Selon sa biographie, Bartók aurait pris des leçons de rou-main auprès de Gheorghe Alexici, professeur de roumain à laSociété "Petru Maior" de Budapest. Bartók lira beaucoup delittérature roumaine. Cette langue lui était précieuse. Grâce àelle, il pouvait communiqueravec les paysans roumains etprendre seul des notes, conditionindispensable à son activité decréation. Puis, il apprendra leroumain à sa première épouse,Marta Bartók, afin qu'elle l'aidedans son travail, y compris sur leterrain. Une lettre de travailadressée à Marta commenceainsi en roumain: "Iubita sotiamea !" (Mon épouse adorée).

En collaboration avec sonami, le compositeur ZoltanKodaly, il élabora une compila-tion de musique folklorique hon-groise, roumaine, serbe, croate,turque et nord-africaine, publiée en douze volumes.

En 1932. Il acheta une machine à écrire - qu'il garderatoute sa vie - capable de remplacer au moment de la frappe cer-taines lettres ou signes par les caractères spécifiques de l'al-phabet roumain.

Accompagné au piano par Enesco

Bartók rédigera une ample étude consacrée aux textespopulaires qu'il a collectés, les classantselon une méthode scientifique. Il s'agitde plus de 2000 textes provenant dansleur grande majorité de régions où le fol-klore n'était plus transmis systématique-ment de bouche à oreille comme avant lapremière guerre mondiale. Cette collec-te de documents en roumain, écrite à lamain et prête à être éditée, contenait:1752 textes, 16 100 vers et 690 refrainscouchés sur vélin dont l'ethnologue etmusicologue roumain, ConstantinBr?iloiu, disait "qu'elle rappelait la cal-ligraphie d'un élève sage".

Entre 1922 et 1936, il se produira dans plus de 40 concertsen Transylvanie, dans le Banat et à Bucarest. En 1924, lasociété des compositeurs roumains organisa un concert dédié àpresque touteson oeuvre. Enescu joua à cette occasion, accom-pagné au piano par Bartók lui-même, la 2ème sonate pour vio-

lon et piano écrite par celui-ci.Deux ans plus tard, le composi-teur hongrois revint à Bucarestpour jouer comme pianiste solis-te sa propre rapsodie pour pianoet orchestre - l'une de ses pre-mières œuvres - et il offrit aussien supplément deux autres opuspianistiques "Allegro barbaro"et "Les danses roumaines".

En 1940, il émigra auxEtats-Unis. Il travaillera jusqu'en1941 pour la ColumbiaUniversity, pour des revenus trèsmodestes. Bartók mourut de leu-cémie le 16 septembre 1945 àNew York. En hommage, le

lycée hongrois de Timisoara a été baptisé du nom du grandmusicien. Une étoile lui est aussi dédiée sur l'allée des musi-ciens en face de la philarmonique du Banat, à Timisoara.

Yves Lelong

Bartók est né dans une maison paysanne, à Sannicolau Mare.

Après la collecte de pièces musicales, Bartók les retranscrivait.

Le compositeur et pianiste hongrois Bela Bartók est l'une des grandes personnalités du Banat, ce dont ses habitants nemanquent pas de s'enorgueillir. Il fait partie sans aucun doute du cercle restreint des plus grands compositeurs et pianis-tes de son époque.

En hommage à l'enfant du pays, le buste ducompositeur dans sa ville natale.

La revue Poésie/Première présente dans sa livraison n° 66 de décembre 2016 un dossier "Poésie de la République deMoldavie", qui occupe sur 55 pages la moitié de la publication. Seize poètes contemporains ont été choisis, introduitset traduits par notre collaborateur Jan H. Mysjkin en tandem avec Doina Ioanid (voir Les Nouvelles de Roumanie, n°

99, janvier-février 2017). Entre le doyen Arcadie Suceveanu, né en 1952, et les benjamins Aura Maru, Victor Tvetov et Ion Buzu,tous nés en 1990, on découvre les œuvres de Teo Chiriac, Eugenia Bulat, Vasile Gârnet, Nicolae Popa, Grigore Chiper, NicolaeSpataru, Irina Nechit, Emilian Galaicu-Paun, Diana Iepure, Maria Pilchin, Anatol Grosu et Ana Dontu. La critique littéraire mol-dave Lucia Turcanu ouvre le dossier avec une introduction générale relatant les péripéties historiques de la Bessarabie en ce quiconcerne la littérature. Dans l'hebdomadaire roumain Observator Cultural du 31 mars 2017, le dossier a été salué par Bianca Burta-Cernat comme "un moment de référence dans la réception et la promotion de la poésie roumaine 'de l'autre côté du Prut'". On peutcommander la revue sur le site-web de la revue (www.poesiepremiere.fr) ou en librairie.

Poésie de la République de Moldavie

Page 21: Les OUVELLEs moitié de la population. Et maintenant? "Ça me fait mal au cœur, toute cette énergie civique qui s'évapore." Carmen, psychologue, la quarantaine, est attablée avec

Connaissance et découverteLes NOUVELLES de ROUMANIE

4140

Connaissance et découverteLes NOUVELLES de ROUMANIE

Café des Roumains : Comment êtes-vous devenu le pro-tagoniste du documentaire "Cinéma, mon amour" ?

Victor Purice : J'ai rencontré Alexandru Belc lors de sonarrivée à Piatra Neamt. Il était là pour filmer les salles de ciné-ma du réseau RomaniaFilm, qui sont tombées en ruine. A l'é-poque, j'avais déjà décidé de démarrer des travaux au cinémaDacia. Nous n'avions reçu aucune aide financière. Mon espoirétait que si notre histoire allait être racontée dans un long-métrage, d'autres gens se sentiraient touchés par cette problé-matique et l'on pourrait réunir nos énergies.

Café des Roumains : Quels genre de cinéma vous pro-posez et quel profil pour vos spectateurs ?

Victor Purice : Nous choisissons principalement des pro-ductions roumaines et européennes. Nous organisons souventdes rencontres avec les acteurs et les réalisateurs, ce qui attireun public enthousiaste. Nous comp-tons parmi les spectateurs les plusfidèles beaucoup de jeunes. Et aussides "nostalgiques" qui n'ont pasoublié leurs années d'enfance pas-sées dans cette salle.

Nous avons collaboré étroite-ment avec cette nouvelle générationde cinéphiles pour monter le projetSALVAM DACIA (Nous sauvonsDacia) - une série de trois specta-cles et projections de films rou-mains. Grâce à la mobilisation desjeunes sur les réseaux sociaux, nousavons accueilli pour cet événement pas moins de 1500 person-nes. L'argent des entrées a été utilisé pour la rénovation desprincipaux halles d'accès du cinéma.

Le prochain événement SALVAM DACIA est prévu pourfin mai, notre but étant de récolter les fonds pour moderniserla salle de projection.

Café des Roumains : Qui sont vos concurrents à PiatraNeamt ? Combien de salles de cinéma existent dans la ville ?

Victor Purice: Avant 1990, nous avions trois salles decinéma à Piatra Neamt, aujourd'hui il ne reste que Dacia. Lecinéma Pietricica a été vendu et transformé en boîte de nuit,tandis que Cozla a été repris par la Mairie et ensuite laissétomber en ruine. Aujourd'hui, cette salle est totalement détrui-te. Notre concurrent actuel est un cinéma de type multiplex(Cinema City), ouvert en décembre 2016 au sein d'un centrecommercial. Pourtant, je ne le considère pas comme un vraiconcurrent, car nous attirons des publics différents.

“Cà fait 13 ans que ma famille me dit d’arrêter”

Café des Roumains : Quelle relation avez-vous entrete-nue avec les autorités locales ?

Victor Purice: Je n'ai jamais eu une appartenance poli-tique, ma seule doctrine est l'amour du cinéma et de la cultu-re. Je suis ami avec tous ceux qui n'essaient pas de nous mett-re des bâtons dans les roues.

Café des Roumains: Vous avez choisi de rester enRoumanie, alors que votre famille est installée à l'étranger,en Italie. Pensez-vous encore aujourd'hui que c'était unebonne décision ?

Victor Purice : Cela fait 13 ans que ma famille essaie deme convaincre d'arrêter cette lutte pour le cinéma Dacia…Selon eux, c'est un combat sans fin. Mais ce qui nous a donné

un peu d'espoir sont les derniersprojets réalisés avec l'aide des jeu-nes de Piatra Neamt et de la nou-velle direction de RomaniaFilm:nous avons installé un système deprojection en 3D et de son multi-canal. Nous avons également misdu chauffage dans la salle de pro-jection. Cette évolution a étédéclenchée par le lancement dudocumentaire "Cinéma, monamour".

Café des Roumains : Pensez-vous que la projection du documentaire en Roumanie et àl'étranger pourrait contribuer à l'amélioration de cette situa-tion en Roumanie ?

Victor Purice : Ce que j'attends de ce film est de voir sonmessage confédérer du monde, de vrais amis, autour de notreprojet. Nous avons envie de montrer que si l'on veut redonnerune vie à la culture et au cinéma roumain, cela est possible. Ilfaut juste être motivé et aimer ce que l'on fait.

Pour le réalisateur Alexandru Belc, il s'agit d'une histoirerévélatrice du combat mené à travers le pays pour sauver lescinémas "Art et Essai": "J'ai la conviction que, petit à petit, lasituation va s'améliorer. Ces salles sont les seuls endroits où lepublic peut visionner des productions roumaines et européen-nes, et notamment des films d'auteur".

Angela Ilie Bednarovschi et Madalina Alexe (Café des Roumains)

"Cinéma, mon amour" de Alexandru Belc, sortie ensalle en France, le 17 mai.Distribué par Outplay Films

La fusée du cinéma bulgare est en train de décoller.Au Festival de Locarno 2016, deux de ses filmsétaient en compétition, Glory, de Kristina Grozeva

(photo) et Petar Valchanov, et Godless, de Ralitza Petrova, quia remporté le Léopard d'or. Stephan Komandarev a été sélec-tionné au Festival de Cannes, dans la section Un certainregard, pour son film Directions, un an après Dogs, deBogdan Mirica. Le délégué général du Festival, ThierryFrémaux, a salué la présence de ce "pays rare" à Cannes.

L'idée de famille de cinéma s'incarne dans Glory. Lacinéaste Ralitza Petrova y fait une apparition sous les traitsd'une policière. Elle n'est pas la seule. Un autre policier estinterprété par Nikolaï Todorov, auteur de plusieurs courts etmoyens-métrages, tout comme Dimitar Sardjev, qui joue uncameraman. Cette collaboration et ce goût de travailler avecles moyens du bord rappelle un peu l'époque de la NouvelleVague française. "Nous n'avons pas eu d'aide pour TheLesson, le premier volet de la trilogie, avant Glory. On a prisl'habitude de travailler avec une petite équipe. Tout le mondea l'impression de faire partie du projet artistique", expliquePetar Valchanov.

Profiter du succès du voisin roumain

Ces cinéastes, qui ont pour la plupart entre 30 et 45 ans, sesont connus à l'Ecole nationale du théâ-tre et du cinéma à Sofia

La plupart se sont connus à l'Ecolenationale du théâtre et du cinéma àSofia. C'est de cette même pépinièrequ'est sorti Kamen Kalev, l'un des pré-curseurs de cette nouvelle vague bulga-re (Eastern Plays, The Island) qui apoursuivi ses études à la Fémis. Ils ontpour la plupart entre 30 et 45 ans etvoient leur nom s'inscrire dans plu-sieurs festivals internationaux, decourts-métrages d'abord, puis de plus en plus pour les longs-métrages. Le cinéma bulgare espère profiter du succès de sonvoisin roumain. Quand Petar Valchanov, en 2001, est allé enRoumanie, dans le cadre de ses études de cinéma, ce fut unchoc. " On faisait nos films en VHS, les Roumains comme lesGrecs travaillaient sur de la pellicule ", se souvient-il.

Mais il insiste sur la différence de style entre les membresde cette école bulgare. Le groupe de Rocket se veut pluralisteet revendique des styles différents. Les cinéastes comprennentqu'ils doivent se serrer les coudes pour faire leurs films, maisaussi faire bouger l'industrie.

"Sans aide de l'Etat, la nouvelle vague bulgare ne pourra

pas durer, souligne Valchanov, qui a obtenu le soutien duCentre national du cinéma bulgare pour Glory. Rocket peut-être utile pour lutter contre l'administration et permettre qu'ily ait plus de financement de l'Etat". La plupart d'entre eux tra-vaillent pour la télévision nationale, qui diffuse aussi leursfilms. Mais le réseau de distribution est très faible en Bulgarie,et les rares écrans sont monopolisés par les blockbusters amé-ricains. "Les gens ne vont plus beaucoup au cinéma. Le réseaua été détruit en province", déplore Petar Valchanov.

"Un film ne peut pas faire le printemps du cinéma bulgare"

Un circuit de ciné-clubs commence à se développer enprovince grâce au soutien d’ONG, aidées par l'UE.Le Centredu cinéma et le Festival international du film de Sofia fontbeaucoup pour le développement du cinéma bulgare, maisleurs moyens ne sont pas illimités, et il est difficile de trouverdes financements privés. Pas de riches armateurs comme enGrèce. Et les oligarques bulgares semblent peu intéressés parl'art et en tout cas peu enclins à aider un cinéma qui dénonceles travers de la société bulgare, à commencer par la corrup-tion, l'emprise de la mafia et ses liens avec l'Etat.

Godless est le portrait d'une infirmière qui fait du trafic decartes d'identité dans une maison de retraite. Glory est inspiré

de deux histoires vraies, celle d'un tra-vailleur des chemins de fer qui trouvede l'argent sur une voie ferrée et celled'un architecte qui dénonçait un cas decorruption dans la presse, mais a dûaller présenter ses excuses à la télévi-sion, après avoir subi des pressions."On vit dans cette réalité, dans cetteabsurdité", constate Petar Valchanov,qui l’a décrit avec un rire grinçant etrevendique une proximité avec sonvoisin des Balkans, Yorgos

Lenthimos, le cinéaste grec de Canines et The Lobster.Pour sortir de la condition économique du pays le plus

pauvre de l'Union européenne, le cinéma bulgare joue la cartedes coproductions. Godless a des producteurs français etdanois, Dogs a bénéficié de financements roumains, français etmême qataris. Les films de Kamen Kalev sont également fran-co-bulgares. Mais ils restent ancrés dans cette réalité bulgare,qu'ils veulent continuer à explorer. "Il y a beaucoup de talents,insiste Petar Valchanov. Mais, si on n'arrive pas à financerplus de quatre ou cinq films par an, on ne pourra pas parlerde nouvelle vague. Un film ne peut pas faire le printemps ducinéma bulgare". Alain Salles (Le Monde)

Le combat d'un cinéphile militant du 7ème art à Piatra NeamtCinéma

"Cinéma, mon amour" de Alexandru Belc

Bulgarie : Le cinéma émerge dans le pays le plus pauvre de l'UECinéma

Un goût de "Nouvelle Vague française"Le 17 mai prochain, le documentaire roumain "Cinéma, mon amour", réalisé par Alexandru Belc, sort dans les salles

de cinéma en France. C'est l'histoire d'un combat, celui que Victor Purice (notre photo), directeur de cinéma à Piatra Neamt(Moldavie roumaine) mène depuis plus de 40 ans. Avec ses deux employées, il se bat quotidiennement pour tenter de sau-ver sa salle - Cinematograful Dacia - l'une des dernières de Roumanie. Ce cinéphile militant rêve d'ouvrir dans sa ville uncentre culturel qu'il appellerait "CINEMA MON AMOUR". Le café des roumains l'a rencontré.

Sélectionnée dans de nombreux festivals, de Cannes à Locarno, une nouvelle vague de cinéastes décolle en Bulgarie,grâce à l'entraide. Le nouveau cinéma bulgare est une histoire de famille, celle d'une petite communauté qui se soutientpour créer des films avec peu de moyens. "On s'aide en se prêtant des caméras, des objectifs, on peut collaborer sur les scé-narios, explique Petar Valchanov, le coréalisateur de Glory. On forme un groupe informel qu'on a appelé Rocket".

Page 22: Les OUVELLEs moitié de la population. Et maintenant? "Ça me fait mal au cœur, toute cette énergie civique qui s'évapore." Carmen, psychologue, la quarantaine, est attablée avec

Connaissance et découverteLes NOUVELLES de ROUMANIE

4342

Connaissance et découverteLes NOUVELLES de ROUMANIE

J'ai quitté Bucaresten décembre 1973.J'aurai vécu dix-

neuf ans en roumain et deuxfois plus en langue française, que ce soit en Suisse romande ouen France. Disons que mon écorce-peau, la plus récente, estfrançaise et même parisienne: surface lisse de style maîtriséeavec une langue châtiée, émaillée ici et là d'audaces insolentespour agacer la dent du lecteur et le surprendre. La pulpe de malangue est romande, mûrie dans ce merveilleux pays de lacs et

de montagnes, qui charriedans mes textes des helvétis-mes comme les nonante, hui-

tante, septante. Quant au noyau, lui le plus ancien, celui d'oùtout est sorti, celui sur lequel tout repose, il est bien roumain,forgé dans cette langue magnifique, bien plus modulable quele français, bien plus jeune donc plus libre.

"Dire que j'ai choisi le françaispour me faciliter la tâche !"

Bientôt sera rejouée à Paris, ma pièce fétiche "Toujoursensemble", et là, j'entendrai une comédienne française redireces mots que j'ai écrits, que j'ai entendus déjà en allemand, enanglais, en italien, lors des productions à l'étranger, mots quej'assume:

La journaliste, auteur de piècesLittérature

Anca Visdei : "Le français

Auteur et journaliste roumain,Eugen Chirovici, en s'instal-lant en Angleterre, a écrit son

premier polar dans la langue deShakespeare, déjà traduit en une trentainede langues.

La littérature se nourrit d'imaginationet de souvenirs - vrais ou faux. Il y aquelques années, Eugen Chirovici expli-quait à sa famille se rappeler avec nettetéun enterrement où un ballon avait étéplacé sur la poitrine du défunt, un joueurde foot de leur ville de Roumanie,Fagaras, près de Brasov. Mère et frèrebalaient ces souvenirs : même si le détaildu ballon est exact, Eugen, trop petit, n'apas assisté à la cérémonie. "Et pourtant,je le vois encore !" De cette conversation,naît l'écriture de Jeux de miroirs, un polarcaptivant où se succèdent plusieurs éclai-rages sur la même affaire.

Premier roman en anglais d'un auteurroumain jusqu'alors inconnu hors de sonpays, Jeux de miroirs a été traduit en tren-te-huit langues. Un coup de tonnerre inat-tendu dans la vie d'Eugen Chirovici, âgéde 52 ans. Fils d'économistes deTransylvanie, il écrit des histoires depuis

qu'il a 9 ans. "C'est sans doute une exten-sion du plaisir de lire", explique sobre-ment l'écrivain de passage à Paris.

Conscient des difficultés de vivre desa plume dans une dictature où il fautprêter allégeance au régime pour publier,il a mené des études en économie et estdevenu journaliste. Après la chute durégime de Ceausescu, ses deux premierspolars se vendent à plus de 100 000exemplaires chacun. Recruté dans le pre-mier quotidien privé du pays, il n'écritque des essais pendant dix ans, avant derevenir aux romans à partir de 2005 avecsept livres qui ont pour cadre laRoumanie, mais aussi l'Italie, le Brésil etl'Amérique. "En tant que journaliste, j'aivoyagé dans environ soixante-dix pays.Mais l'imagination est bien plus impor-tante que l'expérience".

L'intrigue du prochain roman en France

En 2012, il s'installe avec sa femmeen Angleterre où vit leur fils. "J'ai décidéd'écrire à plein-temps pour ne pas avoirdes regrets pour le restant de ma vie".Passer du roumain à l'anglais qui luiouvre une audience plus large ne lui

cause pas d'états d'âme. "Pour les gens dema génération, c'est la langue émotion-nelle liée aux chansons et aux livres.Mais pour écrire en anglais, vous devezchanger votre disque dur, reformatertoute la machine, parce que l'on pensedifféremment selon la langue qu'on utili-se. En roumain, Jeux de miroirs auraitété complètement différent, jusqu'à l'in-trigue".

De nombreux agents refusent lemanuscrit. Un modeste éditeur, prêt à lepublier à petit tirage, conseille à EugenChirovici, au vu de la qualité de sontexte, de tenter à nouveau sa chanceauprès d'agents. Et là, contre toute atten-te, il décroche en quelques jours uneréponse positive. S'ensuivent des dizainesde traductions et un projet d'adaptation aucinéma. De bonnes nouvelles qui ne tour-nent pas la tête d'Eugen Chirovici. "Si j'a-vais voulu écrire pour de l'argent, j'au-rais abandonné depuis longtemps. Ce quim'intéresse maintenant, c'est le livre sui-vant, déjà terminé, qui se passe en partieen France dans les années 1970".

Corinne Renou-Nativel (La Croix)* Jeux de Miroirs, d'Eugen Chirovici,

Traduit de l'anglais par Isabelle Maillet, LesEscales, 324 p., 21,90 euros

L'ouvrage de l'auteur roumain a été traduit en 38 langues

"Mon Dieu, le français, quelle langue ! Je me suis atteléeà la traduction de mes pièces. Dire que j'ai choisi le françaispour me faciliter la tâche ... Dès que j'ai une idée à exprimer,pas de problème: les mots sont là, limpides et précis.C’est unelangue cartésienne. Mais dès que je m'attaque au moindre sen-timent, le vocabulaire se dérobe. Pour traduire "dor de tara",je n'ai trouvé que "mal du pays".

Et si on n'a précisément pas mal ... Si c'est plus insidieuxque ça, précisément comme le "dor" ? Nostalgie, mélancolie,ça existe encore mais pour "dor", cette tristesse de l'âme qui selanguit, au-delà même de la souffrance, va chercher ... Ondirait la langue d'érudits essayistes qui n'ont ni boyaux ni cœurqui chavire. Nous, nous avons un langage de fibres, de tripes,de nerfs mis à vifs ... Le français n'est qu'une langue du cer-veau. Faudra-t-il que je m'ampute de tout le reste pour pouvoirréentendre ma voix?".

J'écrivais ces lignes à mon arrivée en Suisse, du temps apassé…, j'ai compris, je suis arrivée à opérer la synthèse, plu-tôt elle s'est opérée en moi. J'ai le don et le devoir de la trans-mission des expériences, la capacité de mettre toujours en évi-

dence ce qui est commun, ce qui relie et non ce qui sépare. Unedouble richesse intellectuelle et sensuelle à transmettre et àpréserver.

Il y a l'auteur dont la langue est le français, il y a la femmequi n'est jamais arrivée à rire autant que lors des lectures,même in petto, de Caragiale, si… peut-être à certains passagesd'Anouilh. Les deux coexistent dans le même être, le temps dela même vie. Je suis de passage. Mais je suis une passeuse. J'aitraduit en français des textes de Caragiale, pour relier mesdeux muses. Il y a toujours des passerelles, il suffit de lesemprunter. A chaque coin de rue, à chaque retour à la ligne.

Dans le cosmos et dans la vie de tous les jours. Dans lagrandeur du rêve et dans l'infiniment petit. La fleur symbo-lique de la Suisse, rare et protégée, l'edelweiss des Alpes, l'é-toile des neiges, n'est-elle pas tout aussi veloutée que sa jumel-le agreste des Carpates: Floarea de colt?

C'est cela être écrivain d'origine étrangère en France etpartout ailleurs: chercher le lien, le faire vivre et chanter.

Propos recueillis par Dan Burcea (lepetitjournal.com/bucarest)

L'exposition consacrée auphotographe, qui se tient aumusée du Jeu de paume a été

ainsi annoncée par les journaux rou-mains: "Exposition à Paris du fils deTudor Arghezi" - c'est rien moins que leBaudelaire roumain, auteur des Fleurs demoisissure. Lotar aussi a quelque chosede baudelairien: "Tu m'as donné ta boueet j'en ai fait de l'or", comme le poète l'a-vait lancé à la gueule de Paris, capitale dela douleur, de la venelle venteuse et durecoin interlope.

Il y a du Eugène Atget chez Lotar,témoin si effacé qu'il peut faire croire àson absence, comme sur cette fameusephoto des abattoirs de la Villette, contrele mur desquels patientent, comme onattend le bus, des pieds de bovins. Il feraune série sur ces abattoirs, non pas à lafaçon critique de l'association L214, maisanimé d'une sorte de pulsion scopique quile rapprocherait plutôt d'un Léontios, cet

Athénien décrit par Platon qui croise unjour sur son chemin un monceau de cada-vres. Après s'être fâché contre ses propresyeux concupiscents, il finit par céder et seprécipite vers le charnier en criant: "Voilàce que vous avez à regarder, maudits !Emplissez-vous de ce beau spectacle !"

Aubervilliers, à l'époque du Bucarest de Ceausescu

Né à Paris en 1905, Lotar passe sonenfance et son adolescence à Bucarestavant de retourner hanter sa ville nataleen 1924. C'est l'année où un certainBreton publia son Manifeste du surréalis-me; en rencontrant Germaine Krull, Lotarrencontrera aussi le mouvement le pluspassionnant du XXe siècle ; ses premiè-res photos s'en ressentent, photomontagesd'avant Photoshop qui dépeignent unParis utopique, pas si éloigné parfois desspéculations d'un Le Corbusier quant audestin de la Ville lumière. Il ouvre un stu-

dio avec Jacques-André Boiffard, aliasmonsieur le photographe de Nadja deBreton. Il voyage et semble pour untemps avoir fait de l'errance son mode devie, dévoué au hasard objectif. Lancé enreportage sur un sujet précis, il divague,se promène, sort des sentiers battus - dansles boucles des arabesques se niche lapoésie. Un oursin, une montre à goussetsur une main tendue : jeux de paume.

Répondant à une commande de sonmaire communiste, il filme Aubervilliers,à l'époque pas si dissemblable duBucarest de Ceausescu. Il voyagera enEspagne, sera modelé par Giacometti,mourra. Sa passion pour la modernitéreste, transmissible. Immortalisée àl'Icarette, elle traverse le temps avec l'agi-lité d'une pirogue, comme si ce présentpourtant révolu était encore à venir.

Clément Bénech Eli Lotar (1905-1969) jusqu'au 28

mai, au Jeu de paume, 1, place de laConcorde, Paris .

Eli Lotar, le fils (illégitime) du poète Arghezi, s'expose à Paris

de théâtre s'est fixée à Paris

est une langue de cerveau"

"Jeux de Miroirs" d'Eugen Chirovici, suspense à facettesL'image vagabonde d'un photographe de la douleur

Essayez un peu, pour voir, de demander à un Roumain ce qu'il pense du photographeEli Lotar. Sauf exception, on haussera les épaules. Connais pas. Ajoutez alors que c'est lefils (illégitime) du poète Tudor Arghezi: soudain, le regard s'éclaire. Arghezi, bien sûr ! L'undes trois grands poètes roumains, aux côtés d'Eminescu et de Blaga.

Peu de gens savent que la première et la plus complète biographie de Jean Anouilh aitété écrite par une Roumaine. Anca Visdei (63 ans... plus jeune sur notre photo !) vit à Paris,étant elle-même romancière, biographe et auteur de nombreuses pièces de théâtre jouées surles scènes françaises et étrangères. Comme journaliste, elle a croisé la route des grandes figu-res de la littérature, comme Ionesco, Durrenmatt, Cioran, Garcia-Marquez, Kundera. Elletémoigne sur ce que veut dire pour elle être écrivain roumain de langue française.

Page 23: Les OUVELLEs moitié de la population. Et maintenant? "Ça me fait mal au cœur, toute cette énergie civique qui s'évapore." Carmen, psychologue, la quarantaine, est attablée avec

Connaissance et découverteLes NOUVELLES de ROUMANIE

4544

Connaissance et découverteLes NOUVELLES de ROUMANIE

No ë lBernard,né le 25

février 1925 àBucarest d'un pèrejuif et d'une mère d'o-rigine allemande, aété nommé à la fin de1954 directeur dudépartement de lan-gue roumaine deRadio Europe Libre.

Il fut et restera le plus jeune directeur de département de RadioEurope Libre.

"Il est celui qui, par son talent, son dévouement, sonpatriotisme, son sacrifice a fait qu'une station de radio situéeà 2000 km de la Roumanie, financée par des capitaux améri-cains, guidée par un esprit de solidarité jamais démenti à l'é-gard de celles et de ceux auxquels elle s'adressait, est parve-nue à leur fournir soir après soir des "bulletins d'analyse" surnotre pays. C'était l'histoire de notre vie […]", explique EmilHurezeanu, l'un des successeurs de Noël Bernard à la directionde Free Europe.

Un coup de génie : le tremblement de terre de 1977 en direct

Lors du tremblement de terre du 4 mars 1977, RadioEurope Libre a fait ce que ni la Télévision roumaine ni RadioBucarest n'ont eu le droit de faire. Elle s'est montrée tout aulong de ces soirées et nuits d'alerte proche des Roumains endétresse et de ceux qui n'avaient aucune nouvelle de leurs pro-ches ou de leurs amis se trouvant dans les zones sinistrées.

L'une des dernières images que Noël Bernard avait gardéede son pays natal était celle de l'effondrement du Carlton, lorsdu tremblement de terre du 10 novembre 1940.

L'établissement se trouvait dans le voisinage de l'immeu-ble où il habitait. Ce souvenir a probablement été à l'origine dela décision de faire de Radio Europe Libre dont le siège sesituait à Munich, le canal d'information le plus complet et leplus fiable sur ce qui se passait dans le pays à ce moment-là.

Le couple Ceausescu, lui, avait décidé de mettre cette tra-gédie au service de son propre culte de la personnalité en s'ap-puyant sur les médias de Bucarest. Quoiqu'il en soit, la déci-sion prise le vendredi 4 mars au soir par Noël Bernard fut uncoup de génie.

Deux interviews réalisées par Noël Bernard ont enrichidernièrement les archives sonores de la radio - aujourd'hui

transférées à Prague - l'une de Yehudi Menuhin et l'autre del'ex-ministre des Affaires étrangères roumain, GrigoreGafencu témoignant sur l'affaire de la légation de Roumanie àBerne (1). Dans ces deux documents sonores, Noël Bernarddémontre qu'il faisait déjà preuve d'un esprit fondamentale-ment intègre et démocratique alors que la déontologie des nor-mes éditoriales n'avait pas encore été édictée. Elles devaientl'être seulement après la Révolution hongroise de 1956.

Fervent anticommuniste, le jeune patron du départementroumain savait que ni la violence, ni les actes terroristes nepourraient délivrer la Roumanie du communisme. C'est pour-quoi, Noël Bernard condamna fermement sur les ondes la célè-bre attaque terroriste du groupe Beldeanu à la légation roumai-ne de Berne en Suisse.

La hantise des extrémistes et de la Securitate

Si l'attitude de Bernard a été un acte de courage et desagesse, elle n'était pas tout-à-fait du goût des diverses liguesd'exilés roumains qui se caractérisaient, surtout à cette époque,par un esprit extrémiste et des convictions autoritaires, certai-nes étant nostalgiques de l’époque du maréchal Antonescu.

En fait, la relation avec ces exilés, regroupés au sein d'as-sociations délabrées aux penchants radicaux, obsédées par lapeur d'être contaminées par des éléments extérieurs aux inté-rêts divergents ou d'être infiltrées par la Securitate, a été, pen-dant toute cette période, un problème difficile à gérer. Ce quidonna de nombreux maux de tête non seulement à NoëlBernard mais aussi à ses successeurs: Mihai Cismarescu, VladGeorgescu, Nicolae Stroescu-Stinisoara. Les services secretsdu pouvoir communiste surent exploiter au maximum cettedélicate situation, inventant même ou simulant des conflits àl'intérieur de la station.

Aujourd'hui encore, il est difficile de savoir pourquoi NoëlBernard a quitté Radio Europe Libre en 1958. En fait, il n'y eutpas que lui: l'intégralité des instances directionnelles de la sta-tion, à commencer par les directeurs américains, avaient étéremplacée. La famille de Noël Bernard, établie aujourd'hui auxEtats-Unis, garde les lettres dans lesquelles les dirigeants amé-ricains reconnaissaient les immenses mérites de l'ancien direc-teur. Et il ne s'agissait pas seulement d'une reconnaissance for-melle ou de complaisance.

Quelques années plus tard, une direction aux vues pluslibérales fut rétablie à la tête de Radio Europe Libre. Le nou-veau directeur, Ralph Walter, un Américain, qui connaissaitbien Noël Bernard, usa de tout son pouvoir pour ramener legrand journaliste à la tête de la section roumaine, au printempsde l'année 1966.

Le journaliste exilé était la voix de la Roumanie qui espérait

Radio Europe Libre""Ici Noël Bernard…L'histoire de Radio Free Europe se confond avec celle de la guerre froide. Elle en

est devenue le symbole. Cette station de radio financée par le Congrès américain avu son influence s'accroître après la nomination de Noël Bernard à la tête de la sec-tion roumaine. Son audience fut telle que Nicolae Ceausescu ordonna l'éliminationdu journaliste, devenu sa bête noire.

Mémoire

"Le seul véritable opposant au régime de Ceausescu"

Une fois revenu à Munich, Noël Bernard s'attacha à fairedu département roumain une radio à part entière, une alterna-tive aux mensonges déversés quotidiennement sur les stationsradiophoniques officielles roumaines. Radio Europe Libreallait évoluer et se convertir en une tribune authentiquementroumaine, capable d'offrir à ses auditeurs non seulement desinformations mais aussi des émissions exemplaires et de hautniveau sur l'actualité politiqueinterne et internationale.

Le département roumain,poids lourd de l'activité de la sta-tion, fut reconfiguré et renforcé.Le rêve était devenu réalité: NoëlBernard avait créé la formemoderne de Radio Europe Libre.

La première des réussites deNoël Bernard fut celle d'avoir pro-grammé des émissions culturelles.En 1962, il s'attacha la collabora-tion de Monica Lovinescu et deVirgil Ierunca, exilés roumains à Paris depuis 1947 qui, depuisla France, animèrent des chroniques intitulées "Teze si entitezela Paris". Alors que les relations franco-américaines n'étaientpas au beau fixe surtout à cause de la décision du général deGaulle de sortir la France des structures militaires de l'OTAN,on peut imaginer qu'il ne lui fut sûrement pas facile deconvaincre ses supérieurs américains d'assumer les dépensessupplémentaires qu'impliquaient la réalisation et la transmis-sion des programmes parisiens dans de bonnes conditions édi-toriales et techniques. Les émissions rencontrèrent un énormesuccès et auront un impact considérable à tel point que RadioEurope Libre est devenue le principal sinon le seul véritableopposant au régime de Ceausescu.

En 1969, Noël Bernard recruta Cornel Chiriac, réfugié enOccident depuis peu, lui offrant ainsi une chance inespérée depouvoir continuer sur les ondes courtes son émission musica-le "Métronome" qu'il avait lancée à Bucarest. A la mort ducélèbre réalisateur, assassiné en 1975, Bernard réalisa uneémouvante émission en sa mémoire (disponible sur le site deRadio Europe Libre).

Décédé (ou assassiné ?) dans des conditions suspectes

Si Noël Bernard rencontra au cours de sa mission de nom-breux problèmes éditoriaux et administratifs, il fut pourtantsouvent présent sur les ondes comme réalisateur de nombreuxdébats et tables rondes ayant pour thème la Roumanie et lesdroits de l'homme. Mais surtout, c'était son éditorial hebdoma-daire qui le distinguait de tous, un véritable événement radio-phonique dans lequel, à la fin de chaque semaine et en l'espa-

ce de dix minutes, il analysait au scalpel la vie politique inté-rieure et extérieure de la semaine écoulée.

Noël Bernard est mort le 23 décembre 1981, à 56 ans, dessuites d'un cancer des poumons. Les deux grands intellectuelsauteurs des chroniques "Teze si antireze la Paris" MonicaLovinescu et Virgil Ierunca, n'oublièrent jamais sa lutte etmanifestèrent leur respect en écrivant une émouvante nécrolo-gie. Monica Lovinescu annonça que désormais toutes ses thè-ses seraient dédiées à sa mémoire. Son décès intervenu dansdes conditions suspectes, non encore complètement élucidées,

laisse penser qu'il aurait été victi-me, sur ordre de NicolaeCeausescu, des agissements de lapolice secrète. Quelques indices leprouveraient.

Un an après le décès de NoëlBernard, paraîtra aux éditions "IonDumitru" de Munich, sous ladirection de Ioan Magura-Bernard,un ouvrage regroupant une sélec-tion de ses éditoriaux les plussignificatifs intitulé "Ici, RadioEurope Libre", et dans lesquels il

livrait son intime conviction: celle qu'une Europe libre finirapar exister et que, tôt ou tard, la Roumanie en fera partie.

Prédisant la fin du communisme

On trouvera ce livre en Roumanie après la chute du régi-me fin 1989. Mais ceux qui ont la curiosité de relire aujourd'-hui ces textes datant d'il y a plusieurs dizaines d'annéesseraient sans doute surpris de la qualité, de la justesse voire dela bienveillance des analyses. Il avait pressenti parmi les pre-miers comment Nicolae Ceausescu allait se forger ce cultemalsain de sa personnalité et mettre la Roumanie à la botte deson pouvoir personnel. Il avait aussi entrevu comment le paysallait se diriger vers le désastre et l'impact des événementspolonais du début des années 80. Dans l'un de ses derniers édi-toriaux de l'été 1981, il laissait entendre que la "maladie polo-naise" signifiait le début de la fin pour l'ensemble du systèmecommunisto-stalinien est-européen.

Mais aujourd'hui encore, les autorités roumaines n'ont tou-jours pas rempli leur promesse de donner son nom à une ruede la capitale.

Synthèse de Yves Lelong(1) Dans la nuit du 14 au 15 février 1955 des individus

d'origine roumaine pénétraient de force dans l'hôtel de lalégation de Roumanie à Berne. Quelques instants plus tard, lechauffeur de la légation était abattu. La police, alertée par deshabitants du quartier, arrivait sur les lieux et arrêtait l'un desagresseurs qui tentait de s'enfuir. Il était porteur de documentsprovenant de la chancellerie de la légation. Ceux-ci furentimmédiatement restitués au chargé d'affaires de Roumanie quela police avait aidé à s'échapper de la légation.

Page 24: Les OUVELLEs moitié de la population. Et maintenant? "Ça me fait mal au cœur, toute cette énergie civique qui s'évapore." Carmen, psychologue, la quarantaine, est attablée avec

Connaissance et découverteLes NOUVELLES de ROUMANIE

4746

Connaissance et découverteLes NOUVELLES de ROUMANIE

David Korner, natif de Bacau, est à l'origine de "Lutte ouvrière" Mise aux enchères sur un marché aux esclaves de Vidin

David Korner, plus connu sous le pseudonymeBarta (alias aussi M. Gauthier, A. Mathieu,Albert), est né en 1914 à Buhusi, près de Bacau,

dans le nord-est de la Roumanie et mort en 1976. Ce militanttrotskiste roumain, fondateur et dirigeant de l'Union commu-niste (1939-1950) est à l'origine du mouvement Lutte ouvriè-re, considéré généralement comme une secte, plus radicale queles autres mouvances trotskystes, ses dirigeants n'ayant, parexemple, pas le droit de se marier.

Le Roumain est ainsi le “père putatif” des deux candida-tes successives à la présidentielle française,tout d’abordArlette Laguiller (de 1973 à 2008) et Nathalie Arthaud, depuis.

David Korner est né dans une famille juive de petits com-merçants de la Moldavie roumaine. Ayant acquis ses convic-tions trotskistes alors qu'il était étudiant à Paris, il constituadans les années 1930 le Groupe bolchevique-léniniste deRoumanie. Lorsque la Guerre civile espagnole éclata, il retour-na en France et devint membre du Parti ouvrier internationa-liste.

La technique bien rôdée de l’entrisme

Il rejoignit ensuite l'éphémère Parti socialiste ouvrier etpaysan qui éclata au début de la Seconde Guerre mondiale.Autour de lui, le groupe s'élargira sensiblement lorsqu'avecd'autres il entrera, sur l'indication de Léon Trotski, au Partisocialiste ouvrier et paysan (PSOP) de Marceau Pivert (c'estl'"entrisme", une technique bien rôdée pour infiltrer partis,syndicats et organisations démocratiques).

Avec Yvan Craipeau, Jean Rous et Daniel Guérin, il créale "Comité pour la IVe Internationale" qui diffusa, en parallè-le à La Voix de Lénine, L'Étincelle, de façon également confi-dentielle. Cegroupe prô-nait alors le"défaitismerévolution-naire", faceaux menacesdu nazisme.Il changerad ' a t t i t u d eaprès l'a-gression deHitler contrel'URSS etappellera àla mobilisa-tion pourdéfendre "lapatrie des travailleurs".

Exclu du Comité sur suggestion de son ami roumain

Spoulber (qui aurait eu une aventure avec sa femme avant qu'iln'arrive en France), il créa alors avec sa compagne Louise, lebulletin L'Ouvrier, qui n'aura que trois numéros.

C'est alors que David Korner fondera un petit groupetrotskiste (sous le nom d'Union communiste), parfois appelé"groupe Barta". Louise sera arrêtée en janvier 1940 par lesautorités françaises, puis libérée pendant l'exode de mai-juin1940.

“Voix ouvrière” devient après mai 68 “Lutte ouvrière”

Après guerre, le groupe Barta joua un rôle important dansles grèves de 1947 chez Renault, avant d'éclater en 1950.David Korner refusa de s'impliquer lorsque Robert Barcia aliasHardy le contacta pour reconstruire l'organisation révolution-naire. Il ne reprit pas sa place de dirigeant mais participa enadressant quel-ques articles.

Sans lui, mais en s'appropriant sa démarche, son exempleet en se revendiquant de ses textes, Pierre Bois, alias Vic,Hardy et quelques autres anciens du groupe Barta créèrent en1956 le mouvement (et journal) "Voix ouvrière", qui devientaprès mai 68 Lutte ouvrière. Mais Barta gardera toujours sesdistances, et s'en expliquera dans un texte paru en 1972, com-plété en 1975, intitulé “Mise au point concernant l'histoire dumouvement trotskiste” qui lui vaudra bien des inimitiés:

"Le contraste était complet entre l'audience considérableque rencontraient nos mots d'ordre quand il s'agissait de salai-res et de revendications et l'indifférence, sinon l'hostilité,quand il s'agissait de notre politique antiraciste, anticolonia-liste, internationaliste.

Voilà la raison essentielle pour laquelle nos forces, de lagrève à ladisparitionde l'organi-sation, ne sesont ni aug-mentées nirenouvelées:

l ' a rbreprolétarienrejetait enfin de com-pte la grefferévolution-naire.

Ce qui,devait deve-nir à terme,une con-

damnation pour notre mouvement, nonobstant l'attitude de telou tel militant".

Le "papa" de Nathalie Arthaud et Arlette Laguiller était Roumain

Mémoire

L'histoire deFlorica MariaSas, Roumaine

du XIXème siècle, sembletout droit sortie d'un contede fée. Les premièresannées de la vie de la jeunefille, née le 6 août 1841 àAiud, au sud de Cluj,

paraissent être placées sous de fâcheux auspices. Florica eutune enfance cauchemardesque. Orpheline de père et de mère àl'âge de 7 ans, la petite fille selon sa biographie a été élevéedans un harem de l'empire ottoman. En 1859, quand Floricaeut atteint 18 ans, le maître du harem la mit en vente auxenchères sur un marché aux esclaves de Vidin (aujourd'hui enBulgarie).C'est là que le destin intervint.

Samuel White Baker, 38 ans, britannique, ingénieur deschemins de fer et explorateur à ses heures, se trouvait aussi surle marché de Vidin. La légende veut qu'il ait été touché par labeauté de Florica, Il s'inscrivit aux enchères mais le Pacha deVidin emporta la vente. Le Britannique n'abandonna pas l'af-faire pour autant et graissa la patte de l'eunuque du Pacha.Baker repartit avec la jeune fille. Florica avait échappé auharem. Elle commença une nouvelle vie auprès de Baker,l'homme dont elle ne se séparera jamais.

Son mari anobli, elle devient Lady Florence Baker

Samuel Baker travaillait pour une compagnie anglaise quiconstruisait la ligne de chemin de fer Cernavoda-Constanta.Arrivé à Constanta avec Florica, Samuel demanda au consulbritannique d'établir un passeport pour la jeune fille dépourvuede papiers. Le Britannique choisit pour sa compagne un nomanglais et c'est ainsi que Florica devint Florence Barbara MariaFinnian. Ils partirent ensuite pour la Grande-Bretagne.

Malgré son enfance malheureuse, Florence était une jeunefemme instruite qui parlait, à l'âge de18 ans, quatre langues: leroumain, le hongrois, l'allemand et le turc. Auprès de Baker,elle apprendra encore trois langues: l'anglais, l'arabe et le kis-wahili, une langue africaine.

Passionnée d'aventures et avide de connaissances, elleparticipa, en 1861, à l'expédition organisée par Samuel Bakerà la recherche des sources du Nil. Ensemble, ils découvrirentle Lac Albert et les régions environnantes de cette partie del'Afrique équatoriale. L'expédition eut un retentissementimportant. Baker est anobli, devenant "Sir". En 1865, il pritFlorica pour femme. Elle devint alors Lady Baker.

Quand en 1869, à la demande du khédive turco-égyptien,Sam Baker partit dans une nouvelle expédition vers les régionséquatoriales du Nil avec, pour objectif, la suppression du com-merce des esclaves et l'ouverture d'une nouvelle voie commer-ciale. Florence l'accompagna à nouveau. Durant l'expédition,elle s'occupa de logistique, apporta ses connaissances enhygiène relatives aux affections tropicales, usa de diplomatiegrâce à sa connaissance des mentalités non-européennes et àson respect sincère des gens, indifférente à toute considérationde race, de religion ou d'appartenance.

Tout cela fut pour son mari un précieux et constantsecours, comme il l'a fréquemment mentionné. Au Caire, SirSamuel Baker reçut des autorités turco-égyptiennes le grade dePacha et de major général de l'armée ottomane. Il partit duCaire avec une troupe de 1700 soldats égyptiens.

Le khédive nomma l'explorateur gouverneur général dunouveau territoire Equatoria. L'expédition dura jusqu'en 1874.Les époux revinrent ensuite en Angleterre et s'installèrent dansleur manoir du Devon.

La reine Victoria refusait de la recevoir

Florence entra au bras de son célèbre mari dans l'aristocra-tie britannique. Malgré un passé peu conventionnel prêtant àcontroverse, ce fut la légitimité de sa naturalisation britan-nique qui engendra la suspicion. Mais la jeune Roumaine réus-sit à gagner le respect des Britanniques. Avec charme et persé-vérance, elle se construisit une image d'épouse modeste etattentive, et le couple finit par être intégré dans la haute socié-té victorienne. Seule, la Reine Victoria refusait de la recevoiret de la reconnaître comme une aristocrate à part entière.

Lady Baker mourut en 1916. Immédiatement après samort, le prestigieux quotidien "The Times" écrivit un articlesur le destin exceptionnel de l'esclave roumaine. "La nouvellede la mort de Madame Baker est passée inaperçue et a étéreléguée au second plan. En effet, le jour où Madame Baker arendu son âme à Dieu, huit de nos soldats ont été tués àVerdun. Malheureusement, l'histoire d'une ex-esclave échap-pée de son harem, qui a exploré l'Afrique, qui a voyagé dansle monde avec son bien-aimé, n'a pas suscité tout l'intérêtqu'elle méritait". Yves Lelong

Lady Baker est revendiquée comme allemande par lesAllemands (son patronyme signifie "allemand transylvain"),comme hongroise par les Hongrois (la Transylvanie étantalors liée à la couronne Hongroise) et comme roumaine parles Roumains (Aiud était alors la capitale des Roumains trans-ylvains et son prénom semble roumain), mais elle-même évitaitd'aborder le sujet.

Lady Florence Bakerroumaine d'Aiud, échappée d'un harem

Autour de leur “papa” roumain, Arlette Laguiller et Nathalie Arthaud, candidates successives de Lutte Ouvrière aux présidentielles françaises depuis 1973. David Korner ne leur a pas donné l’autorisation de se marier...

Mémoire

Emouvant et surprenant destin que celui de cette jeune fille d'Aiud, Florica, qui ven-due comme esclave, devint une extraordinaire figure de l'aristocratie britannique sous lenom de Lady Florence Baker

Page 25: Les OUVELLEs moitié de la population. Et maintenant? "Ça me fait mal au cœur, toute cette énergie civique qui s'évapore." Carmen, psychologue, la quarantaine, est attablée avec

Connaissance et découverte

Constatant le retard des négociations, cette coalition s'a-dressa à moi, par l'intermédiaire de R. Franasovici, pour sug-gérer que Benès assure Molotov qu'elle était prête à négocierseule le retrait de la guerre.

La réponse positive de Molotov m'est parvenue de la partde Benès le 26 juillet 1944. Il la remit immédiatement àFranasovici, qui la transmit à Bucarest. Mais, par suite d'uneerreur de routage, cette réponse parvint entre les mains du pré-sident du conseil des ministres, Antonesco, qui la transmit àManiu, tandis que Tataresco ne la reçut que vers la fin d'août1944. De ce fait, l'action de la coalition s'est trouvée paralysée,la décision de Maniu de renverser la situation n'en fut pasmoins accélérée.

Le signal du roi Michel pour un soulèvement armé

A cette époque, l'oncle du roi Michel, le prince Nicolas,qui vivait pendant la guerre en Suisse, me rendit visite pourdiscuter de la situation. Je ne pouvais qu'insister en faveur d'unalignement rapide de la Roumanie aux côtés des alliés. Aprèscette conversation, le prince Nicolas fit parvenir une lettreurgente au roi Michel, qui intervint alors de sa propre initiati-ve. De même, après avoir reçu le message de Benès adressé àTataresco et à sa coalition, Franasovici et Sonerio envoyèrent

des lettres insistantes à Tataresco et Rallea, ainsi que Gafencoà Maniu. Finalement, Maniu put annoncer, en août 1944, quele parti national paysan, le parti libéral de Dinu Bratiano, leparti communiste et le parti social-démocrate avaient forméune coalition pour que la Roumanie sorte enfin de la guerre.Cette coalition présenta aux alliés au Caire et aux Soviets àStockholm un plan d'action précis dont j'informai immédiate-ment Benès.

Les événements s'enchaînèrent rapidement. L'offensive del'armée soviétique, commencée le 20 août, hâta la décision del'opposition de procéder à un soulèvement armé. Le 23 août, leroi Michel ordonna l'arrestation du "Conducatorul statului", lemaréchal Ion Antonesco, et le remit au détachement des grou-pes patriotiques de combattants commandés par le communis-te Emile Bodnaras.

La proclamation du roi Michel sur la fin de la guerre cont-re les alliés fut le signal d'un soulèvement armé, qui se trans-forma en révolution populaire. Une nouvelle histoire de laRoumanie commençait. L'accord conclu entre le présidentBenès et les hommes d'Etat soviétiques sur le retour de laTransylvanie du Nord à la Roumanie trouva son applicationdans le traité de paix avec la Roumanie, élaboré en 1946 àParis à la conférence de la paix”.

Jaromir Kopecky (Le Monde diplomatique, décembre 1969)

Les NOUVELLES de ROUMANIE

4948

Connaissance et découverteLes NOUVELLES de ROUMANIE

Le Dr Jaromir Kopecky, ancien ministre plénipoten-tiaire de Tchécoslovaquie et collaborateur intimed'Edouard Benès, nous a adressé l'article ci-des-

sous, dans lequel il rappelle la part que le président Benès etlui-même avaient prise pour faciliter les contacts entre l'oppo-sition roumaine et le gouvernement soviétique, en 1943, dansle dessein d'aider la Roumanie à quitter le camp des puissan-ces de l'Axe et à se joindre aux alliés.

“C'est en raison des relations que j'a-vais entretenues avant guerre avec les hom-mes politiques roumains que les représen-tants des forces d'opposition roumaines s'a-dressèrent à moi, au printemps 1943.Grégoire Gafenco, ancien ministre roumaindes affaires étrangères, et RichardFranasovici, ancien ministre des finances,me demandaient de remettre un mémoire auprésident Benès en le priant de bien vouloirdiscuter son contenu avec Staline etMolotov, lors de sa prochaine visite àMoscou. Il s'agissait de connaître les condi-tions qui permettraient à la Roumanie de nepas rester dans la guerre du côté de l'Axe.

Bucovine du Nord et Bessarabie devaient rester soviétiques

Ce fut donc à Moscou, en décembre1943, que le président Benès discuta laquestion roumaine avec Staline et Molotov,et c'est au début de janvier 1944 que jereçus sa réponse, destinée à Gafenco et à Franasovici. Il y étaitdéclaré que le gouvernement soviétique observerait envers laHongrie la même attitude que le gouvernement tchécoslo-vaque, qui acceptait, en principe, que la Transylvanie du Nordsoit de nouveau rattachée à la Roumanie, mais considérerait laBukovine du Nord et la Bessarabie comme des parties inté-grantes de l'U.R.S.S. ; que l'U.R.S.S. aurait envers laRoumanie la même attitude qu'envers les autres Etats, à savoirqu'elle ne s'immiscerait aucunement dans les affaires intérieu-res, et, enfin, que c'était le dernier moment pour l'oppositionroumaine de démontrer qu'elle participerait activement à lalutte contre l'Allemagne et qu'elle était prête à collaborer, tantavec les puissances de l'Ouest qu'avec l'Union soviétique."Pour moi, écrivait Benès, il n'y a aucun doute qu'une pareilleactivité facilitera énormément la position de la Roumanie à laprochaine conférence de la paix".

Le message de Benès précisait également que la

Roumanie devait adresser sa demande d'armistice aux troisalliés simultanément, et traiter avec eux des conditions de sasortie de la guerre. Le 15 avril 1944, un messager de Bucarestapporta en Suisse un mémoire de l'opposition roumaineconcernant la sortie de la Roumanie de la guerre. Ce mémoirefut remis aux représentants des Etats-Unis d'Amérique et de laGrande-Bretagne, ainsi qu'à moi personnellement pour ce pré-

sident Benès, et également à V. Sokoline,ancien secrétaire général adjoint sovié-tique de la Société des nations, qui conti-nuait à vivre en Suisse pendant la guerre.

Le traité, rédigé par l'opposition,avait été approuvé par le roi Michel et parle président du conseil des ministres,Antonesco. Il portait sur les conditionspolitiques de la cessation des hostilités etsur la manière de procéder dans le cas oùles forces allemandes et roumaines setrouveraient entremêlées sur le front.

Tractations avec Molotov

Les négociations traînaient malheu-reusement en longueur, sous l'influencedes forces antisoviétiques. A Ankara et àLisbonne, on essaya de traiter séparémentavec les puissances de l'Ouest, mais cel-les-ci, manifestant une solidarité exem-plaire, repoussèrent ces tentatives. Entretemps, l'armée soviétique s'approchait desfrontières de la Roumanie. J'avertis

Gafenco du danger de ce retard.Les conditions d'armistice me sont parvenues le 25 avril

1944, de la part du président, qui les avait lui-même reçues desSoviétiques. Je les ai immédiatement communiquées àGafenco qui, le 29 avril 1944, a confirmé, par mon intermé-diaire, à Benès les avoir reçues. Il remerciait vivement notreprésident en demandant que les Anglais et les Américainsenvoient également ces conditions. Le 4 mai 1944, un messa-ger venu de Bucarest nous informa que ces conditions étaientbien arrivées.

Entre temps, à Bucarest, des désaccords au sein de l'oppo-sition aboutissaient à la constitution d'une "coalition nationa-le démocratique", groupant le parti national-libéral deTataresco, le parti ouvrier, présidé par Rallea, le parti socialis-te avec à sa tête Titel Petresco, le parti des ouvriers et paysansavec président Groza, le parti communiste de Patrascanu, ainsique le parti antifasciste Constantinescu-Jassy.

Le président tchécoslovaque Mémoire

Edouard Benès et

avait aidé Bucarest à sortir de l'Axe

la libération de la RoumanieJusqu'à la chute du communisme, "Le Monde diplomatique" constituait la seule référence crédible et régulière évo-

quant la situation en Roumanie et dans les pays de l'Est, même si ses articles de complaisance - comme les interviews desambassadeurs roumains en France ou des personnalités de la nomenklatura communiste de passage à Paris - se révélaientsans intérêt et parfaitement langue de bois. Les Nouvelles de Roumanie plongent dans ses archives pour rappeler uneépoque où les lecteurs français ne disposaient que de cette seule source d'information.

La Roumanie est connue pourses remèdes de grand-mère.Lorsque le beau temps s'ins-

talle, la nature regorge de petits trésorspour notre santé mais encore faut-ilsavoir les dénicher. Si vous faites un tourau marché vous verrez une multitude deplantes vertes, et il serait dommage depasser à coté de tous ces produits de sai-son qui nous aident à purifier notre orga-nisme et booster notre énergie. Nousavons donc choisi de vous présenter laleurda, en français, ail des ours, une plan-te puissante qui pourrait être un allié utilepour ce début de printemps.

Cette plante peut être reconnue à seslongues feuilles d'un vert foncé et présen-te des petites fleurs blanches. A ne pasconfondre avec le muguet dont lesfeuilles sont similaires. Une astuceinfaillible pour ne pas vous tromper: ilsuffit de froisser ses feuilles et une légèreodeur d'ail se dégage. Il est préférable decueillir cette plante avant sa floraison,comme les plantes aromatiques.

Cette plante est une cousine de l'ail

cultivé, mais ses principes actifs sont plusconcentrés. Ainsi elle est très riche envitamine C, A, un complexe de vitamineB, silicium, zinc, fer, allicine, huileessentielle sulfurée et d'autres substancesbénéfiques. La leurda est aussi connuepour son rôle dépuratif et diurétique. Ellenettoie le sang, le foie, les reins et la ves-sie, l'estomac et les intestinsElle est béné-fique pour:

- les intestins : excellent antiseptiquedigestif, la leurda désinfecte l'intestin etaide à combattre la diarrhée, les indiges-tions, les ballonnements. Il a aussi despropriétés vermifuges.

- les reins et la vessie : l'ail des oursest diurétique et aide à la purification des

reins et de la vessie.- les voies respiratoires : bénéfique

pour les personnes souffrant de bronchi-tes, rhumes, grippes, riche en allicine,cette plante peut être aussi utilisée en tantqu'antibiotique naturel pour soulager desinfections virales ou respiratoires.

- circulation sanguine: la leurda net-toie le sang des substances toxiques, sti-mule la circulation sanguine et diminue lapression artérielle, c'est recommandépour fluidifier le sang et lutter contre lesdépôts de cholestérol

Comment la consommer :Pour en bénéficier au maximum, il

est recommandé de la consommer dansdes cures de 3-4 semaines en l'ajoutant àvos plats quotidiens. Vous pouvez ajouterses feuilles fraîches dans vos salades, vossoupes, vos omelettes, ou différents plats.Une bonne idée d'apéritif: mélanger avecdu persil et du beurre et l'étaler sur destartines. Les plus courageux peuventaussi tenter une infusion.

Sarah Taher(www.lepetitjournal.com/Bucarest)

L'ail d'ours, puissant détoxifiant pour le printemps Recettes

Page 26: Les OUVELLEs moitié de la population. Et maintenant? "Ça me fait mal au cœur, toute cette énergie civique qui s'évapore." Carmen, psychologue, la quarantaine, est attablée avec

Connaissance et découverteLes NOUVELLES de ROUMANIE

5151

bien des interventions. De fait, en 1967, première année d'ef-fet de la nouvelle loi, il y eut encore 206 000 avortements, soit40 % des naissances et, en 1971, 332 000, soit 82 %.

Par ailleurs, il est significatif qu'en 1967 les trois quartsdes avortements ont été classés comme avortements sponta-nés, alors qu'on a tout lieu de penser que moins d'un quart pou-vaient relever de cette rubrique: incertains de leur interpréta-tion de la nouvelle loi, et soumis aux pressions de leurs clien-tes, de nombreux médecins ont sans doute voulu se mettre oumettre les responsables d'un avortement à l'abri de poursuiteséventuelles, en déclarant comme avortements spontanés desopérations qu'ils avaient pratiquées ou qu'ils ont eu à connaît-

re. Retenons de tout cela combien le motif d'ordre psychia-trique peut laisser grande ouverte la porte aux interventions.

Il convient de noter une hausse provisoire de la mortinata-lité et de la mortalité infantile précoce lors de la poussée denaissances qui a fait suite à la loi restrictive de 1966, ce quipeut légitimement être imputé, au moins en partie, aux nomb-reux avortements antérieurs de la plupart des femmes ayantaccouché après 1966. Fait plus grave, cette surmortalité n'estque la conséquence d'une augmentation de la fréquence desprématurés lors d'accouchements postérieurs à des interrup-tions de grossesse répétées.

Roland Pressat (Le Monde diplomatique, novembre 1973)

50

Connaissance et découverteLes NOUVELLES de ROUMANIE

On se réfère fréquemment aux ondoiements de lalégislation roumaine concernant l'avortement pourdénoncer les conséquences démographiques

néfastes qu'auraient des mesures libérales en la matière.Comme la totalité des pays socialisteseuropéens, la Roumanie a maintenuune législation très restrictive jusqu'àce que l'U.R.S.S., revenant par un déc-ret en date du 23 novembre 1955 surles mesures sévères édictées en 1936,libéralise complètement l'avortement.

Les mêmes facilités allaient êtreaccordées dès 1957 aux femmes rou-maines. Si, peu à peu, tous les pays del'Est (sauf l'Albanie) suivent l'exemplesoviétique, aucun n'ira si loin que la Roumanie, quant à l'aisan-ce avec laquelle l'avortement peut être obtenu : sur simple pré-sentation de l'intéressée à l'hôpital, et pour un prix modique(une journée du salaire moyen), l'opération est pratiquée; icidonc, aucune restriction quant à la durée de grossesse, ou à ladurée écoulée depuis une éventuelle intervention précédente ;aucune commission non plus qui s'interpose, comme c'estgénéralement le cas, entre la femme qui sollicite l'avortementet le médecin qui le pratique et qui essaie, éventuellement, dedissuader l'intéressée de mettre soit projet à exécution.

En 1965 quatre avortements pour une naissance

A la différence des autres pays socialistes (URSS excep-tée), la Roumanie ne publia jamais les chiffres d'avortementslégalement pratiqués, jusqu'à ce que les longs attendus justi-fiant la révocation du décret libéral de 1957 (révocation quiinterviendra le 1er novembre 1966) fassent état de 1 115 000avortements en 1965, soit quatre avortements pour une nais-sance. Cette fréquence dépassait sensiblement, et dépasseencore, tout ce qui a été observé dans ce domaine, le "record"paraissant alors détenu par la Hongrie (140 avortementslégaux pour 100 naissances).

La suppression brutale des facilités va entraîner une haus-se vertigineuse du taux de natalité qui, durant l'été 1967,atteindra près de 40 0/00, soit près de trois fois le taux de l'an-née 1966 (14,3 0/00); puis, il y aura diminution progressive,sans qu'actuellement le taux de l'année 1966 soit retrouvé; autotal, on peut estimer qu'à ce jour les modifications législativesde la fin 1966 sont responsables d'un surcroît de plus de unmillion de naissances, soit près de quatre fois le chiffre de l'an-née 1966.

L'Allemagne de l'Est offre une évolution exactementinverse. Contrairement aux autres pays socialistes européens,la République démocratique ne fut pas immédiatement attein-te par le vent de libéralisme qui fit suite au revirement sovié-tique de 1955. Il fallut attendre 1965 pour que la loi restrei-gnant le recours à l'avortement fût légèrement assouplie. Maisc'est avec le décret du 9 mars 1972 que ce pays entre dans un

climat de laxisme que la plupart de ses voisins ont instauréquelque quinze années plus tôt. Désormais, l'avortement estpermis à la femme sans autres restrictions qu'une durée degrossesse inférieure à trois mois et l'absence d'avortement dans

les six derniers mois.

A la place de la contraception

Une chute de natalité, importanteet subite, fit suite au décret de mars1972. Dès juillet 1972, donc quatremois après l'entrée en vigueur du déc-ret, la baisse est sensible; le point leplus bas est atteint en octobre (taux denatalité de 8,7 0/00): la natalité est

alors à 40 % au-dessous du niveau qui aurait été probablementle sien sans les nouvelles mesures. Une lente remontée faitsuite, trop récente pour que l'on puisse se prononcer sur leschances et le niveau d'une éventuelle stabilisation. A défaut depouvoir porter un jugement sur l'expérience allemande, rete-nons certains renseignements de l'expérience roumaine.

L'extrême facilité avec laquelle l'avortement pouvait êtreobtenu a conduit à une extension considérable de cette pra-tique ce qui, toutefois, n'a eu qu'un retentissement relativementmodéré sur la natalité; c'est probablement que les femmes rou-maines ont été très inégalement concernées par les interrup-tions de grossesse, une proportion importante de ces interrup-tions n'étant le fait que d'une fraction d'entre elles; bref, lenombre si élevé d'avortements parait devoir s'expliquer aussipar l'existence de femmes chez qui l'opération a été maintesfois répétée. Dans une population peu habituée à pratiquer lacontraception sous une forme moderne, l'avortement s'estrévélé souvent être le moyen le plus facile d'éviter des naissan-ces ; quand, après 1966, les interruptions de grossesse ont étéplus difficiles à obtenir, beaucoup de femmes avaient perdu oun'avaient pas encore pris l'habitude, s'agissant des plus jeunes,de recourir aux moyens contraceptifs qui avaient cours avantque l'avortement ne soit légalisé et se sont ainsi laissées sur-prendre par une conception; il s’en est suivi une hausse gigan-tesque du taux de natalité (hausse accrue par le fait qu'unefraction importante des femmes était immédiatement disponi-ble pour une grossesse, en raison de l'infécondité de la popula-tion à l'époque), conduisant à des drames.

Trois quarts des IVG classées comme avortements spontanés en 1967

On dit souvent hâtivement que l'avortement légal a étésupprimé en Roumanie ou, du moins, réduit considérablementen raison des conditions restrictives désormais imposées: fem-mes âgées de plus de 45 ans, mère de plus de trois enfants,viol, vie en danger, et une centaine d'affections médicales gra-ves, mais rares. Y figurent aussi les déficiences physiques,physiologiques ou affectives qui peuvent être à l'origine de

de pratiquer l'avortement… et de le réprimerMémoire Aucun pays n'ira si loin que la Roumanie, quant à la facilité

1er novembre 1965 : les autorités roumaines font un virage à 180 degrés

Les Nouvelles de Roumanie disposent désormais d'un site internet www.lesnouvellesderoumanie.eu sur lequel vous pouvezconsulter sans exception tous les numéros parus depuis le premier (septembre 2000), sauf ceux datant de moins d'un an - versionimprimée réservée aux abonnés - dont les internautes peuvent cependant retrouver la présentation.

Les articles parus dans nos colonnes peuvent être repris librement, sous réserve d'être ni dénaturés, ni utilisés dans un sens par-tisan ou à des fins commerciales, et en précisant bien leur source.

Les Nouvelles de Roumanie sur Internet !

Cette bâtisse construite sur lesplans de Ion D. Deridei, pourl'ingénieur et industriel Bazil

G.Assan, n'est pas sans rappeler d'autrestravaux du même architecte, notammentla fameuse maison du musicien roumainGeorge Enescu située sur calea Victoriei.

Ion D. Deridei (1871/1928) est unarchitecte roumain ayant fait sesétudes en France, comme beau-coup d'autres à cette époque.

Admis à l'école Nationale desBeaux Arts de Paris, il obtientaprès quelques années son diplômeet revient la même année enRoumanie, où, grâce à ses travauxd'architecte, il participera à faire deBucarest le "Petit Paris de l'Est".

Ses constructions, majoritaire-ment d'un style néoclassique fran-çais, sont surtout mises en valeurpar la ferronnerie. Cet art aujourd'-hui pratiquement perdu en Roumanie, futun jour la fierté des Roumains, comme entémoignent les nombreuses pergolas quiornent les monuments du début du 20èmesiècle.

"La Belle époque"au cœur de Bucarest

C'est dans cet état d'esprit queD.Deridei met en valeur ses travaux,notamment la casa Assan. En effet, cetarchitecte met à l'honneur cet art perduavec, dès l'entrée, ce fameux portail de 3

mètres de haut, toujours de style néoclas-sique avec des motifs simples et droits,orné de fleurs ornementales. Sa particula-rité est le toit qui le couvre, détail quin'est pas sans rappeler les portes en bois

que l'on retrouve encore aujourd'hui danscertains villages de Maramures et deTransylvanie.

Cependant, c'est dans l'arrière-courque l'architecte offre l'un des plus beauxexemples de l'importance qu'il attache àla ferronnerie, avec un double escaliermonumental donnant accès à une terrasse

et à une petite véranda. Ses ram-pes aux motifs floraux classiquesviennent renforcer le style du bâti-ment, résonnant avec les moulu-res qui encadrent chaque porte etfenêtre de la demeure.

Au jour d'aujourd'hui, ce bâti-ment est surtout connu pour lerestaurant qu'il abrite sous l'ensei-gne "Casa Oamenilor de Stiinta",la maison des hommes de science,recommandé déjà par "LesNouvelles de Roumanie". On ymange fort bien sous les tonnelles

du parc, qui lui donnent un aspect "Belleépoque", loin de la fureur de la capitale etpour un prix très raisonnable. On peutmême y garer sa voiture, ce qui n'est pasfacile dans le secteur.

"Casa lui Assan": le charme du "Petit Paris"

Ce bâtiment caché dans le dos de Piata Romana au numéro 9 Piata Lahovari , à Bucarest, et adjacent à un grand hôtelmoderne, est un petit bijou d'architecture. Malgré son imposant portail en fer forgé, on passe facilement à côté sans y faireattention à cause de la masse de végétation qui le recouvre.

Page 27: Les OUVELLEs moitié de la population. Et maintenant? "Ça me fait mal au cœur, toute cette énergie civique qui s'évapore." Carmen, psychologue, la quarantaine, est attablée avec

Connaissance et découverte

"Cela m'a aidé dans mon expérience de récitante, dans macarrière plus tard. J'ai appris à me mou-voir devant la caméra, comment medébrouiller dans chaque situation " confieDana Madlin, évoquant les queues qu'ellea faites pour décrocher un rôle dans lesfilms historiques et de propagande deSergiu Nicolaescu, le grand metteur enscène de l'époque et du régime… oubliantde dire que les émissions de faire-valoirauxquelles elle participait étaient dépour-vues d'originalité, connues pour leur rigi-dité, les récitant se contentant de débiter cequ'ils avaient appris par cœur et étant ser-monnés pour ne prendre d'initiative dansun protocole figé et rabâché chaque année.Andrei Durban, lui, retient qu'il a pu ainsicôtoyer des chefs d'Etat en visite, dont leCanadien Pierre Eliot Trudeau.

Dorina Chiriac:"Cela ne m'a servi à rien, mais au moins j'ai pu visiter la France et l'Allemagne"

Dorina Chiriac, une des grandes actrices roumaine actuel-les, jouant au théâtre de la Comédie, ayant tourné dans"Terminus Paradis" de Lucian Pintilie et dans un film deCosta-Gavras, a un sentiment bien différent. Alors qu'elle avaitsept ans, son école a reçu la visite de Poliana Cristescu à larecherche de récitants.

Elle fut retenue parce qu'elle n'exprimait pas d'émotion,donc paraissait contrôlable, et avait de l'aisance.

Ses parents ont donné leur accord; modestes, élevant avecdifficulté leurs trois enfants, ils n'avaientpas voulu refuser à leur fille le " luxe " demanger un sandwich au jambon accom-pagné d'un Pepsi (plus connu que Coca-Cola en Roumanie, où la firme concur-rente avait décroché le marché) et de par-tir bivouaquer avec ses camarades pion-niers. Des émissions auxquelles elle aparticipé, dont "Le monde des enfants",l'actrice ne garde que le souvenir de com-pliments ou de textes ternes qu'il fallaitapprendre par cœur et débiter sans aucu-ne intonation. "Cela ne m'a servi à riendans ma carrière ultérieure" reconnaît-elle, ajoutant " le plus important, c'estque cela m'a permis de visiter la Franceet l'Allemagne".

"Nous étions beaucoup plus sérieux"

Ancien responsable national des pionniers, dans lesannées 70, aujourd'hui conférencier et comédien, AdrianTitieni, regrette cette époque. Il estime que les valeurs despionniers étaient universelles, mais avaient été confisquées parle communisme. "Elles sont pérennes encore aujourd'hui"insiste-t-il, "elles permettent aux enfants et aux jeunes de par-tager des expériences, d'établir des relations humaines plusprofondes. Et d'ajouter: "Regardez les élèves d'aujourd'hui…Nous étions beaucoup plus sérieux". Un rêve à la BadenPowell… sans idéologie.

Les NOUVELLES de ROUMANIE

5352

Ils récitaient des poésies à Nicolae Ceausescu et remet-taient des fleurs à sa femme Elena. Aujourd'hui, ces"pionniers-vedettes" font carrière dans le monde du

spectacle. Leurs noms figurent en tête des affiches des grandsthéâtres de Bucarest, ils apparaissent dans les émissions lesplus populaires de la télévision comme " Surprise-surprise " ou tournent dans des films de LucianPintilie.

Repérés dès le jardin d'enfants pour leur talentnaissant, ils ne se posent guère de questions sur leurutilisation par la propagande de l'ancien régime, àquelques rares exceptions près, lui étant reconnais-sants de l'expérience professionnelle acquise.

Ces petites marionnettes, destinées à chanterles louanges des maîtres du pays, choisies au coursde pré-sélections dans les maternelles et écoles àl'occasion du concours national "CântareaRomaniei" ("Chanter la Roumanie"), grimpaientvite les échelons, passant du statut de "Soimi ai Patriei"("Aigles de la Patrie"), réservés aux plus petits, à celui de"Pionieri fruntasi" ("Pionniers d'élite").

Andrei Durban récompensé par Elena Ceausescu

Comédien au Théâtre nationalde Bucarest, Andrei Duban est,aujourd'hui, encore plus connu dupublic comme animateur de l'émis-sion télévisée "Bani la greu"("L'argent, çà compte") et du tiragedu loto. "J'apporte la prospérité auxRoumains " se flatte-t-il, prenantcomme modèle les acteurs améri-cains qui, en début de carrière, n'hé-sitent pas à travailler comme plon-geurs dans les restaurants, pour assurer leur subsistance.

De fait, "il fait des ménages", selon le jargon de la profes-sion, animant un spot publicitaire de dix minutes où, en ber-muda et l'air idiot, son rire ininterrompu doit provoquer celuides téléspectateurs.

Après sa participation remarquée à "Cîntarea Romaniei",Andrei Duban avait été recruté pour lesémissions télévisées "Bonjour les enfants","Le monde des enfants", et avait tournédans "Pistruiatul" ("Poil de carotte" rou-main devenant héros). Son emploi dutemps, auquel s'ajoutait des participations àdes festivals de jeunesse ou d'enfants et depropagande, était tellement chargé qu'on luiavait fourni une voiture avec un chauffeurqui n'était autre que son père, surnommé"Papa Taxi".

" J'aimais beaucoup Elena Ceausescu"se souvient l'acteur "et Poliana Cristescu(grande chef des pionniers et la femmes de

Nicu Ceausescu) était une seconde mère pour moi". Il connutla gloire, lorsqu'il fut chargé de remettre au couple de dicta-teurs les clés du palais des Pionniers, lors de son inauguration.Le cérémonial exigeant que ce soit un chef de l'organisationdes pionniers qui accomplisse ce geste, Andrei Durban fut

promu, la nuit précé-dente, adjoint dePoliana Cristescu. Ilfut récompensé parElena Ceausescu quilui offrit une petitevoiture qui faisait desétincelles en roulantpuis, plus tard, lorsde ses 16 ans, il reçutun "stylo présiden-tiel" qui avait servi àsigner des décrets…

et lui fut voler lors de la "Révolution".

Des prestations payées jusqu'à 7500 �

Pour en arriver là, le garçonnet avait payé desa personne. Après tout un parcours sélectif, com-mencé dès le plus jeune âge, avoir escaladé tousles rangs, fait preuve de zèle pendant des années,Andrei Durban avait été retenu à la suite d'uneépreuve d'un mois émaillée d'incessantes répéti-tions sous la conduite d'acteurs et de metteurs enscène préparant la grande cérémonie, suivie d'uncontrôle médical et d'une sorte de mise en quaran-taine… pour s'assurer qu'il ne contaminerait pasle "Conducator".

Ces efforts n'étaient pas vains; ses prestationsà la télévision ou dans les festivals de propagan-de étaient rémunérées, son cachet atteignant 14

000 lei de l'époque (50 000 F de 1985 ou 7500 €), sommeénorme, lorsqu'il s'agissait d'une cérémonie officielle impli-quant le chef de l'Etat.

Dana Mladin sélectionnée dès l'âge de trois ans

Dana Mladin, elle, est deve-nue après la "Révo- lution" pré-sentatrice ou productrice d'émis-sions de di-vertissement populai-res comme "Sur prise-Sur-prise","L'école des vedettes" ou "CiaoDar- win". Elle a commencé sacarrière à la télévision à l'âge detrois ans, étant sélectionnée dèsle jardin d'enfants, ses parentsprenant alors sa carrière de pro-pagandiste en main, les uns et lesautres grimpant dans la hiérar-chie des pionniers et du parti.

Les NOUVELLES de ROUMANIE Connaissance et découverte

Les pionniers-vedettes du couple Ceausescu ne regrettent pas leur "formation professionnelle"Mémoire

Agitprop " est l'abréviation deotdel agitatsii i propagandy,c'est-à-dire le Département

pour l'agitation et la propagande, organedes Comités centraux et régionaux duParti communiste de l'Union Soviétique.Ce département fut renommé plus tard enDépartement idéologique. Le terme "pro-pagande " ne porte, en russe, aucuneconnotation négative comme en françaisou en anglais. Il signifie simplement "dif-fusion d'idées". Aussi l'Agitprop devait-ildiffuser les idées du marxisme-léninisme,des explications de la politique menée parle parti unique. Dans d'autres contextes,la propagande recouvrait la diffusion detoutes sortes de savoirs utiles, comme parexemple des méthodes agronomes.

Quant à l'"agitation", elle pressait lescitoyens à agir conformément aux aspira-tions des dirigeants soviétiques.

En d'autres termes, la propagandeétait supposée agir sur les esprits quandl'agitation se jouait des émotions, bienque les deux furent utilisées ensemble,d'où le cliché "propagande et agitation ".

Le terme "agitprop" est aujourd'huiutilisé, en référence à toute forme de"mass media" qui vise à influencer l'opi-nion à des fins politiques, commerciales,etc., et particulièrement s'il tente de lespersuader en "agitant" leurs esprits à l'ai-de d'une rhétorique émotionnelle. Ilconcerne aussi l'art d'utiliser les mêmesmass média en se faisant remarquer pardes actions spectaculaires relevant de laprovocation.

Par ailleurs il désigne aussi certainesformes d'entrisme. C'est ainsi que, de nosjours, on accuse souvent d'agitprop :

- l'Internationale socialiste, car ellepallie son manque de présence dans les

milieux ouvriers par un grand activismedans les sphères universitaires ;

- les journaux, souvent détenus parde grands groupes multinationaux ou auxmains de mouvances idéologiques, etleurs journalistes, car ils diffusent lesidées qui leur sont soufflées par les lob-bies et pratiquent la désinformation ;

- les gouvernements bâtis sur desdoctrines politiques radicales et dirigéspar des leaders charismatiques tel HugoChavez, président du Venezuela, et cher-chant à propager cette doctrine pour élar-gir leur influence sur d'autres pays.

- mais aussi les mouvements intégris-tes chrétiens américains qui se servent dela musique ou de la littérature commemoyens d'évangélisation ;

Il est intéressant de noter qu'en dépitde ses origines russes, le terme est aujour-d'hui très rarement utilisé en ex-URSS.

"Agitprop" : propagande et agitation…

des universitaires communistes aux églises évangélistes

Dorina Chiriac, une belle carrière d’actrice.

Dana Mladin débitait par coeur ce qu’elle avait appris

Andrei Durban “fait des ménages” dans des spots publicitaires.

Poliana Cristescu, grande cheftaine des pionniers,est devenue la femme de Nicu Ceausescu.

Page 28: Les OUVELLEs moitié de la population. Et maintenant? "Ça me fait mal au cœur, toute cette énergie civique qui s'évapore." Carmen, psychologue, la quarantaine, est attablée avec

Connaissance et découverteLes NOUVELLES de ROUMANIE

55

Connaissance et découverteLes NOUVELLES de ROUMANIE

54

Les merveilles de ce monde sont souvent nées parhasard. C'est le cas du porc de chez nous". Ainsiparle Albert Binder en montant l'escalier qui mène

à l'église Saint Nicolas. Nous sommes à Bazna, un villagesaxon perdu en Transylvanie roumaine.

"L'année 1872 fut fantastique. La ligne de chemin de ferBudapest-Bucarest était en construction. Deux ingénieurs bri-tanniques sont venus se relaxer dans les bains de Bazna, où ilsont fait connaissance de Michael Herlich, le directeur de l'é-tablissement. La discussion est tombée sur les porcs laineux dela région, les Mangalita. De la bonne viande, mais de petitesbêtes". Nous voilà face au clocher, le moment de faire unepause. Albert sort d'une sacoche en cuir une grosse clé qui faitchanter la serrure de la porte.

"Avant de partir, continue-t-il, les ingénieurs ont promis àHerlich de lui envoyer un couple de porcs bershire, connuspour leur imposant gabarit. Les Anglais ont tenu leur promes-se, mais la femelle n'a pas survécu au voyage. Le mâle s'estdonc retrouvé avec les Mangalita. De cette union improbableest né le porc de Bazna".

La lourde porte ouverte,Albert nous guide à l'intérieur dubâtiment - un modèle d'architectu-re saxonne, avec ses toits en pentecouverts de tuiles colorées quidonnent à l'édifice une allure deserpent. Au pied du clocher s'étendles villages créés il y a plusieurssiècles par les Saxons deTransylvanie. Les façades couleurpastel se succèdent, suivant la per-spective harmonieuse des rues etdes rivières que dominent d'in-nombrables ponts.

La fin des Saxons et la hantise du cholestérol

Si le paysage ne semble pas avoir beaucoup changé depuisle départ des ingénieurs de Sa Majesté, la population du villa-ge est bien différente de ce qu'elle était autrefois. Bazna comp-te aujourd'hui 1600 habitants mais Albert sait être l'un des der-niers Saxons - ces fermiers germanophones, originaires duLuxembourg et de la vallée du Rhin, invités en Transylvanieau XIIe siècle par le roi Géza II de Hongrie.

"Bazna a été une île de culture germanique durant 800ans. Notre communauté a surmonté bien des cataclysmes,mais elle n'a pas survécu à ceux du XXe siècle. Dans lesannées 1940, 80% des habitants du village étaient encoresaxons. Mais vint la folie hitlérienne, qui fit beaucoup de vic-times parmi nos pères, puis l'oppression du régime communis-te. Alors, quand Ceausescu est tombé, tout le monde a vouluune nouvelle vie en Allemagne".

La diminution drastique de la présence saxonne enTransylvanie a mis en danger la survie du porc de Bazna. "Aumême moment, tout le monde s'est mis à parler des dangers ducholestérol", explique Ben Mehedin, membre de l'AdeptFoundation, partenaire du réseau Slow Food dans la région."Le porc de Bazna a une viande très riche et plus personne nevoulait la consommer. Il est donc devenu très rare".

Bojan est un autre village saxon, à quelques kilomètres deBazna.

"Aujourd'hui, le porc de Bazna a été réhabilité grâce auxchangements de mentalité sur le cholestérol : la viande de cecochon présente une forte densité de lipoprotéines, ce qu'onappelle le 'bon cholestérol'. Les autorités locales ont donc sou-tenu le premier festival dédié à ce porc, et une vingtaine deproducteurs se sont unis l'année dernière pour créer une asso-ciation de défense de cet animal".

Le "porc du pauvre", facile à élever

Aujourd'hui, nombreux sontles Roumains désireux de fairerevivre ce cochon, associé à l'héri-tage des Saxon. Une tâche loin d'ê-tre aisée, en raison des multiplescroisements connus par l'espèce aufil des années.

"On appelait ce cochon le'porc du pauvre' car il est facile àélever et a une croissance rapide",explique Adrian Scumpu, l'un deséleveurs engagés dans la préserva-tion de l'espèce. "Même sous lecommunisme, chaque famille de larégion possédait deux ou trois

bêtes. Ce n'était pas interdit par le régime. Aujourd'hui, etaprès la crise des années 1990, j'en vends entre 50 et 70 paran en Roumanie. Essentiellement sur Internet, avec l'aide demes enfants". Les Mangalita ont souvent le corps noir, striéd'une bande de pelage clair sur les épaules.

Après nous avoir fait visiter sa ferme, Adrian nous inviteà sa table où sont posés de la viande fumée, des oignons, dulichio (un pain typique de Transylvanie) et une bouteille depalinca. "Traditionnellement, la viande de porc est salée etfumée - c'était le meilleur moyen pour la conserver avant l'ar-rivée des réfrigérateurs. Chaque maison avait une pièce pré-vue pour cela. Certains préfèrent la viande préparée en gelée.Mais pour moi, il n'y a rien de meilleur que du jambon fumé,une tranche de pain et un oignon cru. Ceux qui sont nés et ontgrandi dans ces vallées n'ont pas besoin de recettes compli-quées pour faire revivre les arômes de leur terroir".

Francesco Martino (Traduction par Béranger Dominici)

Bucarest offre des lieux atypiques, porteurs d'unevraie philosophie humaniste: des cafés ou salonsde thé "solidaires", devenus lieux de mixité socia-

le. Bien sûr il y a différentes façons pour venir en aide à autruimais le temps manque parfois, alors voici un autre moyen deconcilier, lieu de vie, de détente, et bonnes actions. Tout lemonde a le droit de se mettre au chaud et de retrouver un sem-blant de dignité.

Sheida - Coffee and storiesCe café coloré et lumineux

se démarque par sa décorationd'inspiration orientale, et les tapispersans qui recouvrent ses murs,qui d'ailleurs peuvent être ache-tés à l'étage supérieur. Ici, chaquecafé, thé ou dessert savourésignifie une bonne action. Cecafé est une entreprise sociale quidirige ses revenus en totalité versla Fondation Fundatia PolicliniciSociale Regina Maria qui offre des services médicaux gratuitsaux personnes sans revenus et sans assurance sociale, maisaussi vers les enfants qui bénéficient des services d'éducationdu Centre Centrul Educational Baneasa et de l'AfterschoolClinceni.

Adresse: Str. Ion Câmpineanu nr. 23, Bucaresthttps://www.facebook.com/sheidacoffeeandstories/

Therapy BistroD'après un modèle reconnu à l'étranger nommé les "dry-

bars", le bar Therapy dit non aux "vices": dans ce lieu on nefume pas et on ne sert pas d'alcool. Ce bar aux allures hipsters,est une entreprise sociale, fondé par ALIAT, une ONG activedans le domaine du traitement des addictions. Une alternativeaux apéros arrosés vous sera proposée avec une sélection dejus de fruits frais, de boissons détox, de cocktails sans alcool,d'infusions. En cas de petites faims, Therapy Bistro sert aussibien des salades, des soupes, des desserts naturels, et une largegamme de fromages.

Le cadre est idéal pour travailler et se détendre! Un véri-table lieu de vie et de rencontres où sont régulièrement organi-sés divers ateliers thérapeutiques (psychothérapie, art-théra-pie, thérapie occupationnelle) pour aider les personnes dépen-dantes de drogues. Une partie des revenus de cette entreprise

est dédiée au sou-tien de ces pro-

grammes thérapeutiques.Adresse: Str. Sfintii Voievozi nr. 60, BucarestFacebook: https://www.facebook.com/TherapyBistro

SanThé FitoceainarieCe salon de thé assez coquet mérite d'être encouragé! La

plupart des produits sont à un prix unique de 8 lei (café, thé,jus de fruit, gâteaux, biscuits,...)et on y trouve une sélection de120 thés différents, parmi les-quels la majorité concoctés avecdes plantes médicinales locales.Ici on applique le principe du"café suspendu" (voir ci-des-sous), vous pourrez donc boireun café et en payer un autre d'a-vance (ou un gâteau, une soupe),et ainsi faire le bonheur d'uninconnu qui n'a pas les moyensde s'en payer un. Le plus, c'estque ce salon de thé est une struc-

ture d'économie sociale de la municipalité de Bucarest où lessix salariés proviennent de milieux défavorisés.

Adresse: Str. Lipscani nr. 104, Bucarest

"Le café suspendu", tradition venue de Naples: Pour les Napolitains, chez qui le café est sacré, cette tradi-

tion consistait à payer à l'avance pour un autre café destiné àquelqu'un qui ne pouvait pas se le permettre. Cette pratique estarrivée il y a quelques années en Roumanie aussi, et près de 70bars ou cafés l'ont repris dans tout le pays. Vous pourrez inté-grer ce petit geste de solidarité à votre quotidien et prolongerce réseau de partage avec des inconnus.

Une petite liste des bars :Ceainaria Serendipity - Str. Dumbrava Rosie, nr. 12Casa Margarit - str. Margaritarelor, nr. 7Cafeneaua Actorilor de Vara - Tineretului - Parcul TineretuluiBacania Veche - Bd. Barbu VacarescuClock's Pub - Vieux CentreJazz Book - Str. Carol Davila, nr. 1So Cafe - Bd Unirii, nr. 20 Rock n Regie - Str Ghe. Ranetti, nr. 23Subway Cora Pantelimon Subway Carrefour Orhideea Readers Cafe - Bd. Iancu de Hunedoara, nr. 56-60

Sarah Taher (www.lepetitjournal.com/Bucarest)

Cafés et salons de thé solidaires à Bucarest

Facile à élever et une croissance rapide.

Traditions Les cochons saxons de Transylvanie sont de retour

Le ministre de la Culture et de la Communication sénégalais s'est rendu àBucarest en Roumanie, sur invitation de son homologue roumain IoanVulpescu pour procéder à l'inauguration officielle du buste de Léopold Sédar

Senghor, à l'occasion de la Journée internationale de la Francophonie. La cérémonies'est déroulée sur la place de la Francophonie, en présence de plusieurs autorités rou-maines et sénégalaises. La statue a été réalisée par le sculpteur sénégalais Bara Diop.

Un buste pour Senghor

Depuis la Seconde Guerre mondiale et la chute du régime communiste, peu nombreux sont les Saxons a encore habiterles vallées de Transylvanie. Leur histoire, tout comme leurs traditions ont bien failli se perdre. Mais aujourd'hui, des éle-veurs tentent de remettre au goût du jour le fameux porc de Bazna.

Echanges

Le café Sheida est aussi une entreprise sociale.

Page 29: Les OUVELLEs moitié de la population. Et maintenant? "Ça me fait mal au cœur, toute cette énergie civique qui s'évapore." Carmen, psychologue, la quarantaine, est attablée avec

Connaissance et découverteLes NOUVELLES de ROUMANIE

57

Les NOUVELLES de ROUMANIE

56

Située au nr.50 du boulevard Primaverii, la villa deCeausescu appelée aussi Palais du Printemps,récemment transformée en musée, compte pas

moins de 80 pièces, parmi lesquelles unepiscine, un spa, une salle de cinéma, uneserre, ainsi qu'un bunker anti-atomique. Al'époque, le quartier Primaverii était réser-vé à la nomenklatura communiste et lescitoyens n'avaient pas le droit d'y pénétrer.Construite au milieu des années 60, aprèsavoir été une des résidences protocolairesde Gheorghe Gheorghiu Dej, le bâtimentdevint, en 1965, la résidence privée desépoux Nicolae et Elena Ceausescu et deleurs trois enfants. Entre les murs de cettebâtisse de 53000 m², Ceausescu auraitaccueilli Richard Nixon, le général deGaulles ainsi que Fidel Castro.

Les pièces y sont luxueuses, mêlantstyles Renaissance et Rococo. Chandeliersen cristal, tapisseries flamandes, tableauxappartenant à de grands peintres roumains: tout était entière-ment réalisé en Roumanie, hormis les cadeaux que le couple

dictatorial avait reçus. Sans oublier la célèbre "salle de bainsen or" qui avait fait les gros titres dans la presse locale, aprèsla Révolution, et dont le robinet, l'évier et la tuyauterie sont, en

réalité, en plaqué or. Elle aura valu auCeausescu le sort de Marie Antoinette "Lepeuple n'a plus de pain… qu'il mange de labrioche"

On visite aussi la salle de cinéma, quiétait une des pièces préférées de Ceausescuoù il se délectait en regardant des films…américains. Parmi ses préférés on comptaitles westerns, la série Kojak, et les films degangsters.

L'abri anti-atomique construit en sec-ret au sous-sol, plus précisément 10 mètressous terre, était censé accueillir la familleCeausescu en cas de bombardement, d'at-taque chimique ou nucléaire. L'entrée estdissimulée derrière une porte capitonnée.

Inspirée des orangeries anglaises du19ème siècle, la serre est riche en plantes

exotiques et méditerranéennes, notamment des petits palmierset des mandarins.

Connaissance et découverte

La villa de Ceausescu Tourisme

Elle est, de plus, équipée d'un plafond rétractable. La pis-cine, d'une surface de 70 m2, est décorée de façon extravagan-te avec une mosaïque colorée, tandis que le spa est tout équi-pé: appareils d'hydro-massage, salon de bronzage, sauna, salonde coiffure,...

Le fait que la villa ait été transformée en musée a fait cou-ler beaucoup d'encre : alors que certains apprécient le fait quel'ancienne résidence de Ceausescu est présentée de façon neu-tre, ce qui tendrait à "humaniser" la figure du dictateur, d'aut-res critiquent le fait qu'il y a trop peu d'informations sur lecontexte et les brutalités commises par le régime communiste

pendant la période de Ceausescu.La résidence peut-être visitée entre le mercredi et le

dimanche dans l'intervalle horaire de 10h -18h en 40 minutes(guide en roumain et anglais), dernière admission: 17 h. Prix:10 euros.

Sarah Taher (www.lepetitjournal.com/Bucarest) Palatul Primaverii: Primaverii Blvd., Nr. 50, District 1,

Bucarest 011975,Tel: +40 21 318 0989, e-mail: [email protected], site: palatulprimaverii.ro

divise les RoumainsGrande fut la colère des Roumains quand, après la révolution de 1989 et la chute du régime communiste, la presse

dévoila les intérieurs luxueux de la résidence du couple Ceausescu. A cette période, la Roumanie vivait une des périodes lesplus sombres du régime communiste, nombreux Roumains menant un combat quotidien pour la survie.

Daniel Mosser aime vivre desa passion. Il restaure lesroulottes puis il voyage avec.

Une histoire racontée dans son film, "?Aubout de l'Europe Asta è?".

Jupe tzigane pour elle, chapeau pourlui, sans occulter tous les éléments affé-rents à la vie en roulotte : pour faire vivresa passion, Daniel Mosser, cinéaste d'en-treprise à la retraite, a pris le chemin de laRoumanie pour élaborer un film avectoute une équipe de professionnels. Il asuivi la construction de sa troisième rou-lotte qu'il voulait la plus authentique pos-sible. Sur son terrain à Saivres, véritablepetit coin de paradis, il occupe avec sonépouse parfois l'une de ses trois roulottes

ou y invite copains ou voisins. "C'estJoseph Libner qui m'a incité à en fabri-quer. Mon idée était d'en avoir plu-sieurs", assure Daniel Mosser qui reven-dique le côté liberté." En roulotte, il n'y aaucune contrainte. On peut se baladercomme on le souhaite. C'est vrai quenous avons un succès pas possible".

Et de poursuivre: "J'ai essayé d'êtreauthentique en restaurant des roulottes1950-1960 avec un confort très relatif caril faut se rapporter à l'histoire tzigane quia construit son habitat. Le lit est toujoursen arrière et de travers. Le placard estdessous pour les enfants". L'histoire de lafabrication de la dernière en un mois,avec douze personnes en Roumanie estracontée dans le film. Pour compléter saculture, lors de la construction des deuxpremières, un voyage s'imposait auxSaintes-Maries-de-la-Mer.

"Quand je suis revenu, j'ai toutrepeint car ce n'est pas flashy comme jel'avais fait. Non?! Ils utilisent des fondsde peinture, c'est plutôt disparate. Depuis8 ans, Nicole les décore en apportant sa

touche féminine. La seule contrainte a étél'espace et du terrain qu'il a fallu trouverpour deux chevaux ".

Pour réaliser un film sur la construc-tion de sa roulotte en Roumanie, il amonté un financement participatif. " Avecmon esprit rigoureux, quand je m'engage,je le fais et mon projet a abouti, alorstous ceux qui m'ont aidé recevront lacompensation promise".

L'occasion de tempêter contre ceuxqui "usent de ce mode de financement etqui une fois leur capital engrangé, nerespectent pas les règles si leur projetn'aboutit pas en gardant la somme. Lespersonnes qui nous aident sont des relaiset on a pas le droit de les trahir car onprend le risque de tuer le financementparticipatif ". Mais actuellement que faitil? Comme il a terminé celle qui a été enpartie construite en Roumanie, il en com-mence une autre, "que j'ai retrouvée enforêt de l'Hermitain. Le propriétaire m'adit si vous la restaurez je vous la donne."Sa vie en roulotte se poursuit donc sur labonne voie.

Pour vivre en toute liberté Daniel choisit la roulotte

De quoi se plaindrait-on si tousles articles de journaux sur laRoumanie reflétaient la réali-

té ? Mais malheureusement cette réalitéest toute autre il n'y a qu'à vivre là-bas aucontact de la vie familiale quotidienne !C'est sûr que pour quelqu'un de passage,d'un court passage, tout semble idyllique,mais souvenons-nous de ce qu'est l'ac-cueil légendaire des Roumains : commeje disais à mes élèves au temps (1993-2003 ) où nous allions en stage dans leshôpitaux de Bucarest et de Iasi: "Vousêtes reçues dans des familles pour 3 ou 4semaines; ne soyez pas exigeantes, ilsferont tout pour vous être agréables ; ilsn'ont rien ou presque mais ils vous don-neront tout "! Evidemment les temps etles conditions ont un peu changé, maispas autant qu'il serait normal de l'espérersi tout le monde était honnête ! ! !

Je suis désolé de jeter ce pavé dans lamare, mais je n'ai pas pour habitude deme taire surtout pour essayer de rétablirun peu de vérité. Je connais et je fréquen-te la Roumanie depuis 36 ans maintenant,très exactement depuis août 1980, au

temps de Ceausescu. Depuis laRévolution du 21 décembre 1989 j'y vaistous les ans, plusieurs fois par an, et ilm'arrive même d'y séjourner plusieursmois de suite; là-bas je vis une vie defamille, avec les achats et les dépenses dechaque jour, le marché, les grandes surfa-ces, etc…

On se déplace de préférence avec lestransports en commun; l'essence est pluschère que chez nous, et trop chère pourune prof de physique et chimie qui fait100 kms par jour, par le train, pour aller àson travail !

"Soyons réalistes et cependant plein d'espoir"

Quand je suis là-bas c'est moi qui faisles dépenses et j'ai parfois honte d'y vivrecomme "un nabab" venu d'occident oud'une autre planète ! Il m'est même arrivéune année d'être accusé de faire partie dela mafia Moldave, ayant soi-disant descontacts douteux sur fond de fric ! ! !Pourriez-vous me dire combien il y aactuellement d'hommes politiques à tous

les niveaux qui se trouvent en prison pouravoir trafiqué dans beaucoup de domai-nes ? Si tout va si bien là-bas alors expli-quez-moi pourquoi ils continuent à nousdemander notre aide, pourquoi ils sonttoujours si nombreux à s'expatrier versune vie meilleure ?

Combien de "vieux" comme moi,m'ont dit et me disent encore: "On regret-te le temps de la dictature de Ceausescu,on avait du travail, on avait à manger eton était en sécurité". Venez voir les éco-les de campagne où il m'arrive d'interve-nir: les enfants viennent à pied générale-ment par des routes pas encore goudron-nées !

J'arrête ici mon discours. Vous allezme dire que je suis pessimiste mais je nefais que dire ce que je vois quotidienne-ment! Soyons réalistes et cependant pleind'espoir; le peuple roumain a beaucoupde ressources; ce qui lui manque ce sontdes hommes politiques honnêtes et fia-bles, qui n'essaient pas par tous lesmoyens de bloquer les réformes et d'em-pocher les bénéfices !

Michel Soulard

Point de vue "Non ! Tout le monde il est n'est pas beau,

tout le monde il n'est pas gentil"!

La nouvelle enquête de satisfac-tion que vient de publier l'as-sociation UFC-Que Choisir

situe Orly et Paris-CDG en queue depeloton des aéroports accueillant plus de15 millions de voyageurs dans le monde.En cause: la piètre qualité des restaurantset le manque de confort des zones d'atten-te. Réalisée auprès des passagers de huitpays et portant sur les aéroportsaccueillant plus de 15 millions de passa-

gers, elle place ainsi les aéroports deParis-Orly et de Paris-Charles-de-Gaulle(Paris-CDG) à la 29e place et 31e placesur 32, avec respectivement des notes de13,9 et 13,7 sur 20.

En cause? Le manque de qualité decertains services comme les bars et lesrestaurants. Le manque de confort deszones de repos ou d'attente, où le nombrede sièges est insuffisant, tout comme laprésence de prises électriques, sont égale-

ment pointés du doigt.Consolation: Roissy se démarque

néanmoins en figurant dans la catégoriedes plateformes ayant le plus progressédans le classement. En trois ans, il a ainsiprogressé de 62 places. L'aéroport figuremême en huitième position des meilleursaéroports du monde pour le shopping.Pas de quoi concurrencer cependant l'aé-roport de Singapour qui se place en têtedes meilleurs aéroports au monde.

Mauvaise note pour Orly et Roissy

Les robinets ne sont qu’en plaqué or.

Page 30: Les OUVELLEs moitié de la population. Et maintenant? "Ça me fait mal au cœur, toute cette énergie civique qui s'évapore." Carmen, psychologue, la quarantaine, est attablée avec

Infos pratiquesLes NOUVELLES de ROUMANIE

59

Connaissance et découverteLes NOUVELLES de ROUMANIE

58

BlaguesHumourCHANGE*

(en nouveaux lei, RON**)

Euro = 4,53 RON(1 RON = 0,22 euro)

Franc suisse = 4,18 RONDollar = 4,16 RONForint hongrois = 0,01 RON

(1 euro = 311 forints)*Au 27/04/2017 ** 1 RON = 10 000 anciens lei

Les NOUVELLES

de ROUMANIE

Lettre d'information bimestrielle surabonnement éditée par ADICA(Association pour le DéveloppementInternational, la Culture et l’Amitié)association loi 1901Siège social, rédaction : 8 Chemin de la Sécherie44 300 Nantes, FranceTel.: 02 40 49 79 94E-mail: [email protected] de la publicationHenri GilletRédactrice en chefDolores Sîrbu-GhiranOnt participé à ce numéro:Yves Lelong, Marie Verdier,Laurent Couderc, Grégory Rateau,Cécile Ducourtieux, Mirel Bran,Sarah Taher, Andrei Pungovschi,Marie Charrel, Joël Le Pavous,Blaise Gauquelin, Alain Salles,Florentin Cassonnet, Iulian Anghel,Laura-Maria Ilie, Catalin Trandafir, Anna Marquer-Passicot, Annie Kelly, Lorenzo Tondo, Emilie Buffet,Nicoleta Onofrei, Samuel Lieven,Alexandre Salle, Madalina Alexe,Angela Ilie Bednarovschi,Corinne Renou-Nativel, Dan Burcea,Clément Benech, Jaromir Kopecky,Roland Pressat, Vali, Mateo.Impression: Helio Graphic2 rue Gutenberg ZAC du Moulin des Landes44 981 Sainte-Luce sur Loire CedexNuméro de Commission paritaire:1117 G 80172; ISSN 1624-4699Dépôt légal: à parutionSite : www//lesnouvellesderoumanie.eu

Prochain numéro: juillet 2017

Les Nouvelles de Roumanie préparent leur nouvelle formule pour la rentrée

Les Nouvelles de Roumanie arrêteront leur publication sous leur formeactuelle à l'occasion de la sortie du numéro 102, en juillet prochain, après 17 ansd'existence. L'objectif était d'atteindre le numéro 100 (mars 2017), mais la rédac-tion tenait à terminer l'année 2016-2017, avec ses 6 parutions habituelles.

Les abonnés qui souhaitent renouveler leur abonnement pour le prochain etdernier numéro, le n° 102, se voient proposer par courrier un tarif dégressif.

Plusieurs raisons motivent cette décision d'arrêt de la publication en ver-sion imprimée:

-La baisse du nombre de lecteurs: l'intérêt pour la Roumanie a fortement dimi-nué depuis la "Révolution"et les années de transition qui ont suivi. Ceux qui sesont engagés alors ont souvent perdu les liens noués sur place, renonçant parfois,désabusés par le manque de répondant de leurs interlocuteurs et les désillusions.

-Avec l'entrée dans l'UE, la Roumanie s'est banalisée, n'éveillant plus lamême curiosité. Internet l’a rendue plus proche, même si analyse, synthèse, miseen perspective y font souvent défaut, n'en donnant qu'une vision fragmentaire.

-Tous ces éléments contribuaient à rendre la publication sous sa forme actuel-le financièrement intenable: impression, distribution, financement des reportageset déplacements dépendaient des seuls abonnements, la publicité étant bannie.

-L'autre raison, essentielle, tient à l'investissement de tous les instants exigépar la publication, dont la réalisation repose sur les épaules de ses deux anima-teurs, depuis près de 20 ans: de huit à quatorze heures de travail quotidien, sansle temps de souffler. sinon pour le consacrer intégralement aux reportages etenquêtes sur le terrain, avec toujours en tête cette course à mener contre le tempspour que la revue sorte à l'heure dite.

Sous la forme d'une NewsletterMais il serait tout aussi illusoire pour Henri Gillet et Dolores Sirbu-Ghiran d'i-

maginer pouvoir couper les ponts avec cette passion roumaine. Ce serait se retro-uver brutalement devant un grand vide… avec, en outre, le sentiment d'abandon-ner leurs lecteurs.

Finalement, Les Nouvelles de Roumanie ont décidé d'opter pour une nouvel-le formule, à partir de septembre 2017. Elles continueront à paraître sous la formed'une lettre d'information (Newsletter), uniquement sur Internet, en fonction del'importance de l'actualité. Cette version sera en outre facilement imprimable.

Si l'actualité est exigeante, sa parution pourra être rapprochée, et en général,d'une manière plus espacée, mais suivie. Et toujours avec le même regard distan-cié sur les évènements, en fonction de leur importance et concernant comme parle passé tous les thèmes (actualité, société, connaissance et découverte).

Les lecteurs y trouveront :-Tous les 2 mois (ou tous les mois) un dossier complet-Chaque mois : un pense-bête des faits à retenir du mois écouléDans l'intervalle, sans régularité précise :-Les faits d'actualité mis en valeur -Des reportages, récits au rythme de leur réalisation-Toujours des Insolites, photos et blaguesAinsi, libérés des contingences matérielles de fabrication et de délais, nous

espérons disposer de davantage de temps pour approfondir nos enquêtes et repor-tages, les réaliser depuis les endroits mêmes où nous nous trouverons.

Autre avantage : n'ayant plus à supporter les coûts d'impression, de distribu-tion et les frais annexes, le prix de l'abonnement s'en trouvera fortement diminué.

Seule contrainte donc pour les abonnés : disposer d'un ordinateur, d'une adres-se e-mail et d'une imprimante pour ceux qui préfèreront toujours la lecture papierà la version électronique. Henri Gillet et Dolores Sirbu-Ghiran

Bien informé

Ceausescu se rend à son bureau, lelundi de Pâques. Sa secrétaire le salued'un "Hristos a inviat (le Christ est res-suscité), camarade Ceausescu!". Sur sestalons, rentre le chef de la Securitate quilui rapporte son rapport de la nuit:"Hristos a inviat, camarade Ceausescu!".

-Je sais, je sais. Faites tout le néces-saire pour le retrouver !

Compassion

Un ivrogne monte dans un tramway,un journal à la main, et s'assoit à côté d'unpope

-Excusez moi mon Père… Pouvez-vous me dire comment çà sa fait qu'onattrape des rhumatismes ?

-Bien sûr répond avec compassioncelui-ci. Si tu mènes une vie de patachon,tu cours la nuit après les femmes, que tuvas au bordel, que tu bois, tu fumes…c'est sûr que tu attraperas des rhumatis-mes, comme deux et deux font quatre!Dieu te punit !

-Oh la la ! J'aurais jamais crû çà pos-sible !

-Excuse-moi mon fils, je ne voudraispas te vexer… Mais depuis quand tusouffres de rhumatismes ?

-Euh… c'est pas pour moi monPère… mais j'ai lu dans le journal que lepatriarche Daniel en faisait des crises ter-ribles.

La charrue avant les bœufs

Dans un disco, un jeune garçon timi-de s'approche d'une jeune fille:

-Mademoiselle, je peux ?-Oui, c'est possible, mais on com-

mence par danser.

Lumière

Un Moldave et un Oltène sont à lapêche. Le Moldave mange juste la têtedes poissons. Intrigué, son compagnonlui demande pourquoi:

-Comme çà, on devient plus intelli-gent !

-Ah bon ? Je ne savais pas.-Si tu veux, je te vends les miennes…

50 lei le kilo.

Marché conclu. Après avoir avalétous ses poissons, l'Oltène s'exclame :

-Qu'est-ce que tu m'as raconté ? Je nesuis pas plus intelligent !

-Mais si! Regarde! Tu t'en rendscompte…

Rêves

-Bula, qu'est-ce que tu veux fairequand tu seras grand ?

-Je rêve d'être milliardaire, commePapa.

-Quoi… Ton père est milliardaire ?!-Non… mais lui aussi il en rêve.

*** -Bula, est-ce que tu pourrais venir

bosser samedi, il y a plein de boulot enretard à l'atelier ?

-Pas de problème, chef. Mais avec lacirculation infernale qu'il y a ce jour là…il ne faut pas m'attendre avant lundi !

***-Ecoute Bula: je te donne 2000 lei

par mois au début, et dans 3 mois, 3000lei. Quand est-ce que tu peux commen-cer?

-Dans 3 mois, patron !

***Deux policiers discutent-Pour Pâques, ma femme m'a acheté

un œuf Kinder-La mienne aussi.-Tu as aimé ?-Le chocolat était excellent, mais sa

coquille avait gelé… J'ai eu du mal à l'a-valer !

Deux policiers, un vieux et un jeunefont des contrôles de vitesse. Arrive un4x4.

-T'as vu le monstre s'exclame l'aîné?!-Cà va à combien, chef ?-Au moins à 200 euros !

Paradis pour tous

Trois femmes se présentent à laconfession. Le pope demande à la pre-mière:

-Vous avez été sage ma fille ?-Oh mon Père, vous savez… après

dix ans de mariage, je suis toujours vier-ge!

-Bravo ma fille, je te donne la clé d'ordu paradis.

La seconde, elle aussi interrogée,répond :

-Je n'a jamais couché avant de memarier… après ce n’était plus pareil.

-C'est bien. Je te donne la clé d'argentdu paradis.

La troisième est plus délurée :-Vous savez mon Père, moi j'adore

les hommes…-Ah, bon… Alors, je te donne la clé

de ma chambre.

Omnibus

Deux gars d'Ardeal (Transylvainsbrocardés pour leur lenteur d'esprit) pren-nent le train. Après des hésitations, ils s'a-dressent à la guichetière:

-C'est ici que vous vendez desbillets?

-Oui… Où est-ce que vous allez ?-Pourquoi tu veux tout savoir ?

Donne-moi deux billets et fiche-moi lapaix!

-Si vous ne me dites-pas où vousallez, je ne peux pas vous donnez debillets !

Ion se tourne vers son copain, Ghio:-Tu peux lui dire… çà n'a pas d'im-

portance…-Bon ! Chère madame, puisque vous

voulez tout savoir… on va à la noce !-Bien… mais où çà ?-Eh ben à la noce !-Non mais, tu te fiches de moi ! A

quelle noce… où çà ?!-A la noce de mon frère ! Voilà, tu

sais tout… t'es contente maintenant ?

-La bureaucratie n’existe pas ! Courir d’unbureau à l’autre pour avoir une attestation faitpartie du programme de lutte contre l’obésité.

Page 31: Les OUVELLEs moitié de la population. Et maintenant? "Ça me fait mal au cœur, toute cette énergie civique qui s'évapore." Carmen, psychologue, la quarantaine, est attablée avec

60

Ces Roumains qui ont osédire "non" à la corruption

Jeune architecte roumain, Serban Marinescu (ci-contre) n'imaginait pas seconfronter de si près à la corruption politique. Mais quand un maire lui aréclamé un pourcentage sur un travail, il l'a dénoncé, bravant la peur. Policier,

Marian Godina (ci-dessous) a refusé d'obéir à ses supérieurs lui intimant l’ordre deretirer un PV infligé à un ami d'une responsable politique locale. Il a dénoncé l'affairesur Facebook, conduisant la responsable à démissionner et le chef de la police deBrasov à une retraite précipitée.

L'histoire de Serban et de Marian est celle de Roumains de plus en plus nombreux à refuser la corruption qui gangrène leurpays. Signe de ce réveil civique, des centaines de milliers de personnes ont manifesté depuisfin janvier pour s'opposer à une tentative du gouvernement social-démocrate d'assouplir lalégislation anticorruption. Une mobilisation d'une ampleur inédite depuis la chute du com-munisme en 1989. "La société roumaine a atteint un point de saturation sur la corruption etse mobilise très vite quand une affaire remonte à la surface", indique à l'AFP Marian Godina,30 ans. Il compte aujourd'hui plus de 500 000 fans sur Facebook et deux livres publiés par lamaison d'édition de référence Curtea Veche.

Refus d'obéir à ses supérieurs

Policier, Marian Godina a refusé d'obéir à ses supérieurs qui lui intimaient de retirer uneamende routière infligée à un ami d'une responsable politique locale. Pour lui, la nouvellegénération s'est libérée de l'idée "reste à ta place, tais-toi, tu ne pourras rien faire" dominan-te sous la dictature communiste et par la suite. La cheffe du parquet anticorruption, LauraKovesi, évoque elle aussi un "changement de mentalité". Près des 90% des enquêtes sontaujourd'hui ouvertes sur plaintes de fonctionnaires ou de particuliers.

Serban Marinescu, 37 ans, est l'un d'eux. En 2012, ce père de deux enfants gagne avecdes collègues un concours international d'architecture pour remodeler la place centrale de Râmnicu Vâlcea. Ils bouclent le projetmais au moment d'être payés, le maire Emilian Frâncu louvoie et leur propose d'"aller boire un café".

Que faire? Accepter de verser une "commission" comme le conseillent beaucoup de proches craignant la puissance des réseauxpolitiques, ou dénoncer? "Les deux variantes nous faisaient peur. Nous ne connaissions personne qui avait dénoncé, c'était un ter-ritoire inconnu", se souvient Serban. Mais il franchit le pas. Doté par le procureur d'une caméra et d'un micro cachés, un de sescollègues rencontre le maire dans un hôtel à Bucarest. L'édile lui fait passer une feuille stipulant qu'il veut 10% de leurs honorai-res. "C'était humiliant. Il se sentait comme un seigneur qui peut ponctionner les serfs sur ses terres", remarque Serban. Au rendez-vous suivant, l'élu est arrêté en flagrant délit. Il est condamné à quatre mois de prison avec sursis. Mais "le lendemain de sacondamnation, il était revenu à son poste de maire, c'était absurde", se souvient Serban. Après un appel du DNA, Emilian Frâncuest condamné à de la prison ferme et incarcéré. Pour l'architecte comme pour le policier, le professionnalisme des institutions delutte contre la corruption créées avec le soutien de l'Union européenne au début des années 2000 a été crucial pour oser dire non.

"La corruption tue" est devenu malheureusement concret

Marian raconte le temps où des policiers étaient appelés au poste durant leur temps libre par leur chef qui les forçait à présen-ter des excuses à des politiciens qu'ils avaient sanctionnés. "Aujourd'hui, plus personne ne se permettrait ça et c'est dû en grandepartie au DNA et à la Direction générale anticorruption du ministère de l'Intérieur", estime-t-il.

Un ancien Premier ministre, des ministres et des milliers de hauts responsables ont été condamnés à de la prison ferme pourcorruption ces cinq dernières années. "Ceux qui ont de hautes fonctions peuvent être traités comme les autres par la justice", uneévolution qui encourage les citoyens, remarque Laura Stefan, du centre de réflexion Expert Forum.

2015 marque aussi un tournant. L'incendie d'une boîte de nuit fait 64 victimes à Bucarest. L'établissement ne respectait pas lesnormes de sécurité. Dénonçant la corruption des autorités, des milliers de Roumains manifestent faisant chuter le gouvernement."Pour la 1ère fois, le cliché, - la corruption tue -, est devenu concret (...)", estime Elena Calistru, 31 ans, de l'ONG Funky Citizens.qui ouvre des sites comme banipublici.ro pour vérifier les dépenses publiques ou piatadespaga.ro, où chacun peut dénoncer lespots-de-vin demandés par des institutions. Elle forme des jeunes, conseille les lanceurs d'alerte. Mais, tempère Serban, la difficul-té est plus grande dans les campagnes où les barons locaux contrôlent toute l'économie. "C'est difficile de demander à un hommed'être courageux quand il risque de perdre son travail s'il dénonce". Marian s'exprime sur Facebook pour donner du courage. "Etdes gens de tout le pays me racontent comment ils ont dit non à la corruption, en pensant à ce que j'ai fait". afp

Les NOUVELLES de ROUMANIE