LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

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ÉCOLE NATIONALE VÉTÉRINAIRE D’ALFORT Année 2017 LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L’HOMOCHROMIE VARIABLE DANS LE RÈGNE ANIMAL THÈSE Pour le DOCTORAT VÉTÉRINAIRE Présentée et soutenue publiquement devant LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE CRÉTEIL par Pierre-Louis FISZMAN Né le 31 décembre 1991 à Saint-Germain-en-Laye (Yvelines) JURY Président : Pr Professeur à la Faculté de Médecine de CRÉTEIL Membres Directeur : Dr PILOT-STORCK Fanny Maître de conférences à l’École Nationale Vétérinaire d’Alfort Assesseur : Dr GILBERT Caroline Maître de conférences à l’École Nationale Vétérinaire d’Alfort

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ÉCOLE NATIONALE VÉTÉRINAIRE D’ALFORT

Année 2017

LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES

RESPONSABLES DE L’HOMOCHROMIE

VARIABLE DANS LE RÈGNE ANIMAL

THÈSE

Pour le

DOCTORAT VÉTÉRINAIRE

Présentée et soutenue publiquement devant

LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE CRÉTEIL

par

Pierre-Louis FISZMAN

Né le 31 décembre 1991 à Saint-Germain-en-Laye (Yvelines)

JURY

Président : Pr

Professeur à la Faculté de Médecine de CRÉTEIL

Membres

Directeur : Dr PILOT-STORCK Fanny

Maître de conférences à l’École Nationale Vétérinaire d’Alfort

Assesseur : Dr GILBERT Caroline

Maître de conférences à l’École Nationale Vétérinaire d’Alfort

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Liste des membres du corps enseignant

Directeur : M. le Professeur Gogny Marc Directeurs honoraires : MM. les Professeurs : Cotard Jean-Pierre, Mialot Jean-Paul, Moraillon Robert, Parodi André-Laurent, Pilet Charles, Toma Bernard.

Professeurs émérites : Mme et MM. : Bénet Jean-Jacques, Chermette René, Combrisson Hélène, Courreau Jean-François, Deputte Bertrand, Niebauer Gert, Paragon Bernard, Pouchelon Jean-Louis.

Département d’élevage et de pathologie des Équidés et des Carnivores (DEPEC)

Chef du département : Pr Grandjean Dominique - Adjoint : Pr Blot Stéphane

Unité pédagogique de cardiologie - Pr Chetboul Valérie* - Dr Gkouni Vassiliki, Praticien hospitalier Unité pédagogique de clinique équine - Pr Audigé Fabrice - Dr Bertoni Lélia, Maître de conférences - Dr Bourzac Céline, Maître de conférences contractuelle - Dr Coudry Virginie, Praticien hospitalier - Pr Denoix Jean-Marie - Dr Giraudet Aude, Praticien hospitalier * - Dr Jacquet Sandrine, Praticien hospitalier - Dr Mespoulhès-Rivière Céline, Praticien hospitalier - Dr Moiroud Claire, Praticien hospitalier Unité pédagogique de médecine interne - Dr Benchekroun Ghita, Maître de conférences - Pr Blot Stéphane* - Dr Canonne-Guibert Morgane Maître de conférence contractuel - Dr Freiche-Legros Valérie, Praticien hospitalier - Dr Maurey-Guénec Christelle, Maître de conférences

Discipline : imagerie médicale - Dr Stambouli Fouzia, Praticien hospitalier

Unité pédagogique de médecine de l’élevage et du sport - Dr Cléro Delphine, Maître de conférences - Dr Fontbonne Alain, Maître de conférences - Pr Grandjean Dominique* - Dr Maenhoudt Cindy, Praticien hospitalier - Dr Nudelmann Nicolas, Maître de conférences Unité pédagogique de pathologie chirurgicale - Pr Fayolle Pascal - Dr Mailhac Jean-Marie, Maître de conférences - Dr Manassero Mathieu, Maître de conférences - Pr Moissonnier Pierre - Pr Viateau-Duval Véronique* Discipline : anesthésie, réanimation, urgences, soins intensifs - Dr Zilberstein Luca, Maître de conférences Discipline : ophtalmologie - Dr Chahory Sabine, Maître de conférences Discipline : nouveaux animaux de compagnie - Dr Pignon Charly, Praticien hospitalier

Département des Productions Animales et de la Santé Publique (DPASP) Chef du département : Pr Millemann Yves - Adjoint : Pr Dufour Barbara

Unité pédagogique d’hygiène, qualité et sécurité des aliments - Pr Augustin Jean-Christophe - Dr Bolnot François, Maître de conférences * - Pr Carlier Vincent Unité pédagogique de maladies règlementées, zoonoses et épidémiologie - Pr Dufour Barbara* - Pr Haddad/Hoang-Xuan Nadia - Dr Praud Anne, Maître de conférences - Dr Rivière Julie, Maître de conférences

Unité pédagogique de pathologie des animaux de production - Pr Adjou Karim* - Dr Belbis Guillaume, Maître de conférences - Pr Millemann Yves - Dr Ravary-Plumioën Bérangère, Maître de conférences - Dr Plassard Vincent, Praticien hospitalier

Unité pédagogique de reproduction animale - Dr Constant Fabienne, Maître de conférences* - Dr Desbois Christophe, Maître de conférences (rattaché au DEPEC) - Dr El Bay Sarah, Praticien hospitalier - Dr Mauffré Vincent, Assistant d’enseignement et de recherche contractuel Unité pédagogique de zootechnie, économie rurale - Dr Arné Pascal, Maître de conférences - Pr Bossé Philippe* - Dr De Paula Reis Alline, Maître de conférences - Pr Grimard-Ballif Bénédicte - Dr Leroy-Barassin Isabelle, Maître de conférences - Pr Ponter Andrew - Dr Wolgust Valérie, Praticien hospitalier

Département des sciences biologiques et pharmaceutiques (DSBP) Chef du département : Pr Chateau Henry - Adjoint : Dr Pilot-Storck Fanny

Unité pédagogique d’anatomie des animaux domestiques - Pr Chateau Henry - Pr Crevier-Denoix Nathalie - Pr Degueurce Christophe - Pr Robert Céline* Unité pédagogique de bactériologie, immunologie, virologie - Pr Boulouis Henri-Jean* - Pr Eloit Marc - Dr Le Poder Sophie, Maître de conférences - Dr Le Roux Delphine, Maître de conférences - Pr Quintin-Colonna Françoise Unité pédagogique de biochimie - Pr Bellier Sylvain* - Dr Lagrange Isabelle, Praticien hospitalier - Dr Michaux Jean-Michel, Maître de conférences Discipline : éducation physique et sportive - M. Philips Pascal, Professeur certifié Unité pédagogique d’histologie, anatomie pathologique - Dr Cordonnier-Lefort Nathalie, Maître de conférences - Pr Fontaine Jean-Jacques* - Dr Laloy Eve, Maître de conférences - Dr Reyes-Gomez Edouard, Maître de conférences

Unité pédagogique de management, communication, outils scientifiques - Mme Conan Muriel, Professeur certifié (Anglais) - Dr Desquilbet Loïc, Maître de conférences (Biostatistique, Epidémiologie) * - Dr Fournel Christelle, Maître de conférences contractuelle (Gestion et management) Unité de parasitologie, maladies parasitaires, dermatologie - Dr Blaga Radu, Maître de conférences (rattaché au DPASP) - Dr Cochet-Faivre Noëlle, Praticien hospitalier (rattachée au DEPEC) - Dr Darmon Céline, Maître de conférences contractuelle (rattachée au DEPEC) - Pr Guillot Jacques* - Dr Polack Bruno, Maître de conférences - Dr Risco-Castillo Véronica, Maître de conférences Unité pédagogique de pharmacie et toxicologie - Pr Enriquez Brigitte, - Dr Perrot Sébastien, Maître de conférences * - Pr Tissier Renaud Unité pédagogique de physiologie, éthologie, génétique - Dr Chevallier Lucie, Maître de conférences (Génétique) - Dr Crépeaux Guillemette, Maître de conférences (Physiologie, Pharmacologie) - Dr Gilbert Caroline, Maître de conférences (Ethologie) - Pr Panthier Jean-Jacques (Génétique) - Dr Pilot-Storck Fanny, Maître de conférences (Physiologie, Pharmacologie) - Pr Tiret Laurent, (Physiologie, Pharmacologie) *

* responsable d’unité pédagogique

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REMERCIEMENTS

Au Président du jury

Professeur à la Faculté de Médecine de Créteil,

Qui a bien voulu nous faire l’honneur de présider notre Jury de Thèse.

Hommage respectueux.

Au Docteur Fanny Pilot-Storck,

Maître de Conférences à l’Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort,

Pour avoir accepté la direction de cette thèse,

Pour le temps passé à la correction de ce manuscrit et ses précieux conseils,

Pour sa disponibilité, ses encouragements et sa gentillesse,

Sincères remerciements.

Au Docteur Caroline Gilbert,

Maître de Conférences à l’Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort,

Qui nous a fait l’honneur d’accepter d’être l’assesseur de cette thèse,

Sincères remerciements.

À ma famille et à mes amis,

Merci pour tout !

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SOMMAIRE

LISTE DES FIGURES ...................................................................................................................................................... 5

LISTE DES TABLEAUX ................................................................................................................................................... 9

TABLE DES ABRÉVIATIONS ........................................................................................................................................ 11

INTRODUCTION ......................................................................................................................................................... 13

PREMIÈRE PARTIE : PRÉSENTATION DES STRUCTURES INTERVENANT DANS L’HOMOCHROMIE VARIABLE ............... 15

1. Quelques définitions ........................................................................................................................................... 15

1.1. Les différents types d’homochromie ........................................................................................................ 15

1.2. L’homochromie variable ........................................................................................................................... 16

2. Présentation phylogénétique des espèces douées d’homochromie variable .................................................... 16

2.1. Espèces connues et étudiées pour leur capacité d’homochromie variable .............................................. 16

2.2. Principales fonctions du changement de couleur ..................................................................................... 19

2.2.1. Intérêts chez les squamates ................................................................................................................................... 20

2.2.2. Intérêts chez les amphibiens .................................................................................................................................. 21

2.2.3. Intérêts chez les céphalopodes .............................................................................................................................. 22

2.2.4. Intérêts chez les poissons ....................................................................................................................................... 24

2.2.5. Intérêts chez les crustacés ..................................................................................................................................... 25

3. Le tégument, support de l’homochromie variable ............................................................................................. 25

3.1. L’épiderme ................................................................................................................................................ 26

3.2. Le derme ................................................................................................................................................... 26

4. Description des différents chromatophores ....................................................................................................... 26

4.1. Classification des chromatophores ........................................................................................................... 28

4.1.1. Mélanophore ......................................................................................................................................................... 28

4.1.2. Iridophore .............................................................................................................................................................. 30

4.1.3. Leucophore ............................................................................................................................................................ 32

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4.1.4. Lipophore .............................................................................................................................................................. 33

4.1.5. Cyanophore ........................................................................................................................................................... 35

4.1.6. Chromatophores mixtes ........................................................................................................................................ 36

4.2. Les pigments des chromatophores ........................................................................................................... 36

4.2.1. Mélanines .............................................................................................................................................................. 36

4.2.2. Ommochromes ...................................................................................................................................................... 38

4.2.3. Purines et ptéridines .............................................................................................................................................. 39

4.2.4. Caroténoïdes ......................................................................................................................................................... 40

4.2.5. Pigments bleus ...................................................................................................................................................... 42

4.3. Associations cellulaires ............................................................................................................................. 42

4.3.1. Epidermal Melanin Unit, unité fonctionnelle des mélanophores épidermiques .................................................... 42

4.3.2. Dermal Chromatophore Unit, unité fonctionnelle des chromatophores dermiques .............................................. 43

4.3.3. L’organe chromatophore des céphalopodes ......................................................................................................... 48

DEUXIÈME PARTIE : MÉCANISMES CELLULAIRES RESPONSABLES DES CHANGEMENTS DE COULEURS ....................... 51

1. Coloration pigmentaire et coloration structurelle ............................................................................................. 51

1.1. Description de la synthèse additive et soustractive des couleurs ............................................................ 51

1.2. Biochromes, supports de la couleur pigmentaire ..................................................................................... 51

1.3. Schémochromes, supports de la couleur structurelle .............................................................................. 52

1.3.1. Effet Tyndall .......................................................................................................................................................... 53

1.3.2. Principe d’interférence .......................................................................................................................................... 53

1.3.2.1. Réseau unidimensionnel ............................................................................................................................. 54

1.3.2.2. Réseau tridimensionnel .............................................................................................................................. 55

1.4. Couleur résultant de l’association des différents chromatophores .......................................................... 56

2. Critères d’évaluation de la réponse des chromatophores à un stimulus ........................................................... 57

3. Changement de couleur dit « morphologique » ................................................................................................ 59

4. Changement de couleur dit « physiologique » ................................................................................................... 60

5. Migrations des organites pigmentaires au sein des mélanophores, des lipophores et des cyanophores ................................................................................................................................................................. 60

6. Variations des structures réfléchissantes au sein des iridophores..................................................................... 63

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6.1. Particularités des iridophores des céphalopodes ..................................................................................... 63

6.2. Particularités des iridophores des caméléons .......................................................................................... 67

TROISIÈME PARTIE : LE CONTRÔLE PHYSIOLOGIQUE, DE L’INTÉGRATION DES STIMULI À LA RÉPONSE

PHYSIQUE.................................................................................................................................................................. 75

1. Intégration des stimuli environnementaux ........................................................................................................ 75

1.1. Rôle de la vision ........................................................................................................................................ 75

1.2. Photorécepteurs cutanés .......................................................................................................................... 75

1.3. Effets de la température ........................................................................................................................... 76

2. Les voies effectrices ............................................................................................................................................ 76

2.1. Le contrôle hormonal ................................................................................................................................ 77

2.1.1. Les hormones des vertébrés .................................................................................................................................. 77

2.1.1.1. Les hormones hypophysaires et épiphysaires ............................................................................................ 77

2.1.1.1.1. Relation entre hypophyse et teintes de l’environnement .......................................................................... 77

2.1.1.1.1.1. La mélanocortine ........................................................................................................................................ 77

2.1.1.1.1.2. Implication de la pars intermedia dans le contrôle des mélanophores ...................................................... 79

2.1.1.1.1.3. Rôle de la mélanocortine dans le contrôle des autres chromatophores .................................................... 80

2.1.1.1.1.4. Rétrocontrôle de l'hypothalamus sur l'hypophyse ..................................................................................... 81

2.1.1.1.1.5. Mécanisme d'action de la mélanocortine sur ses récepteurs ..................................................................... 83

2.1.1.1.1.6. Second messager intracellulaire ................................................................................................................. 83

2.1.1.1.2. Relation entre épiphyse et luminosité de l’environnement ....................................................................... 84

2.1.1.1.2.1. La mélatonine ............................................................................................................................................. 85

2.1.1.1.2.2. Rôle de l’épiphyse ....................................................................................................................................... 86

2.1.1.2. Les hormones surrénaliennes ..................................................................................................................... 87

2.1.1.2.1. Effets des catécholamines sur les chromatophores .................................................................................... 87

2.1.1.2.2. Mécanisme d'action des catécholamines ................................................................................................... 90

2.1.1.2.3. Second messager intracellulaire ................................................................................................................. 91

2.1.2. Les hormones des invertébrés ............................................................................................................................... 91

2.1.3. Contrôle hormonal et conséquences ioniques ....................................................................................................... 92

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2.2. Le contrôle nerveux .................................................................................................................................. 93

2.2.1. Contrôle nerveux des vertébrés ............................................................................................................................. 93

2.2.2. Contrôle nerveux des invertébrés .......................................................................................................................... 94

2.3. Implication des deux voies de contrôle selon les espèces ........................................................................ 94

2.3.1. Contrôle majoritairement hormonal ou nerveux ................................................................................................... 94

2.3.1.1. Chez les amphibiens ................................................................................................................................... 94

2.3.1.2. Chez les crustacés ....................................................................................................................................... 94

2.3.1.3. Chez les céphalopodes................................................................................................................................ 95

2.3.2. Contrôle mixte ....................................................................................................................................................... 95

2.3.2.1. Chez les poissons téléostéens..................................................................................................................... 95

2.3.2.2. Chez les squamates .................................................................................................................................... 95

3. Activation des protéines motrices dans les chromatophores des vertébrés ..................................................... 96

4. Contrôle physiologique des iridophores, particularités de certaines espèces ................................................... 97

4.1. Chez les caméléons ................................................................................................................................... 97

4.2. Chez les céphalopodes .............................................................................................................................. 98

CONCLUSION........................................................................................................................................................... 101

BIBLIOGRAPHIE ....................................................................................................................................................... 103

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LISTE DES FIGURES

Figure 1 : Exemples d'espèces douées d'homochromie variable. .......................................... 18

Figure 2 : Principaux contextes et facteurs prépondérants dans l'évolution de l'homochromie

variable (d'après Rudh et Qvarnström, 2013). ....................................................................... 19

Figure 3 : Évolution de la couleur d’un caméléon panthère mâle Furcifer pardalis lors d’une

rencontre avec un autre mâle (d'après Teyssier et al., 2015). ............................................... 21

Figure 4 : Grenouilles des champs Rana arvalis pendant la période de reproduction

(Sztatecsny et al., 2012). ....................................................................................................... 22

Figure 5 : Les trois motifs utilisés par les seiches Sepia officinalis pour se camoufler

(Hanlon, 2007)....................................................................................................................... 23

Figure 6 : Seiche Sepia plangon mâle arborant simultanément un motif de séduction vers

une femelle et une coloration trompeuse vers un autre mâle rival (Brown et al., 2012). ..... 24

Figure 7 : Mélanophores d'un têtard Xenopus laevis et d'une grenouille Rana pipiens

(d'après Bagnara et Matsumoto, 2006). ................................................................................. 29

Figure 8 : Iridophores d'une grenouille Rana pipiens, d'un anole Anolis carolinensis et d'une

pieuvre Octopus vulgaris (d'après Bagnara et Matsumoto, 2006 ; Messenger, 2001 ; Taylor

et Hadley, 1970). ................................................................................................................... 31

Figure 9 : Leucophore et iridophore d'une seiche commune Sepia officinalis (Mäthger et al.,

2009). ..................................................................................................................................... 32

Figure 10 : Érythrophore d'une salamandre cendrée Plethodon cinereus (d'après Bagnara et

Taylor, 1970). ........................................................................................................................ 33

Figure 11 : Xanthophores présents dans le derme d’une grenouille Rana pipiens (d'après

Bagnara, 1966). ..................................................................................................................... 34

Figure 12 : Cyanophores d'un poisson mandarin Synchiropus splendidus (d'après Goda et

Fujii, 1995). ........................................................................................................................... 35

Figure 13 : Biosynthèse de l'eumélanine et de la phéomélanine chez l'homme (Ito et

Wakamatsu, 2011b). .............................................................................................................. 37

Figure 14 : Formule topologique de la xanthommatine (d'après Goodwin, 2014). .............. 38

Figure 15 : Formules topologiques de la guanine, de la sépiaptérine et de la riboflavine

(d'après Bagnara et Hadley, 1973). ....................................................................................... 40

Figure 16 : Formules topologiques d’un carotène et de deux xanthophylles (d'après Bagnara

et Hadley, 1973). ................................................................................................................... 41

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Figure 17 : Unité fonctionnelle de mélanophores épidermiques chez une grenouille Rana

pipiens observée au microscope optique (d'après Bagnara et Matsumoto, 2006). ................ 43

Figure 18 : Représentation schématique de l'unité fonctionnelle de chromatophores

dermiques chez les amphibiens de l’ordre des anoures (Bagnara et al., 1968). .................... 44

Figure 19 : Représentation schématique de l'unité fonctionnelle de chromatophores

dermiques chez les lézards du genre Anolis (Taylor et Hadley, 1970). ................................ 45

Figure 20 : Coupe transversale de la peau dorsale d'une grenouille Hyla cinerea adaptée à un

environnement clair (×9700) (Bagnara et al., 1968). ............................................................ 46

Figure 21 : Coupe transversale de la peau dorsale d'une grenouille Hyla cinerea adaptée à un

environnement sombre (×7300) (Bagnara et al., 1968). ....................................................... 47

Figure 22 : Représentation schématique de l'organe chromatophore de calmar à l'état rétracté

(d'après Cloney et Florey, 1968) ........................................................................................... 48

Figure 23 : Spectres d’absorption de trois pigments présents dans les lipophores (d'après

Grether et al., 2004). ............................................................................................................. 52

Figure 24 : Phénomènes d'interférences constructives et destructives des ondes

électromagnétiques. ............................................................................................................... 53

Figure 25 : Les différentes dimensions des structures interférentielles, exemple des réseaux

photoniques (d'après Lacour, 2005). ..................................................................................... 54

Figure 26 : Réseau interférentiel unidimensionnel (Lafait et Berthier, 2016). ..................... 55

Figure 27 : Interprétation schématique de la couleur verte des vertébrés, exemple d’une

grenouille verte (d'après Bagnara et Matsumoto, 2006 ; Grether et al., 2004). .................... 56

Figure 28 : Présentation des cinq états de dispersion pigmentaire dans les mélanophores

selon la méthode de Hogben et Slome (d'après Bagnara et Hadley, 1973 et Darnell et

Rittschof, 2010). .................................................................................................................... 57

Figure 29 : Mesure de la réflectance cutanée de grenouilles du désert Litoria rubella

(Withers, 1995). ..................................................................................................................... 58

Figure 30 : Implication du cytosquelette et des protéines motrices dans la translocation des

mélanosomes chez les téléostéens et les amphibiens (Bagnara et Matsumoto, 2006). ......... 63

Figure 31 : Iridophores de calmar de Californie Doryteuthis opalescens observés à différents

grossissements (DeMartini et al., 2013, 2015). ..................................................................... 64

Figure 32 : Filtre interférentiel unidimensionnel formé par la succession de rubans

lamellaires et d’espaces extracellulaires dans un iridophore de calmar Doryteuthis

opalescens (Tao et al., 2010). ................................................................................................ 65

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Figure 33 : Effets de l’épaisseur des rubans lamellaires et de la concentration en réflectine

sur la réflectance et la couleur des iridophores (d'après Tao et al., 2010). ........................... 66

Figure 34 : Effets de l’acétylcholine sur la couleur des iridophores de calmars Doryteuthis

opalescens (d'après Tao et al., 2010). ................................................................................... 67

Figure 35 : Coupe transversale de la peau d’un caméléon panthère Furcifer pardalis (d'après

Teyssier et al., 2015). ............................................................................................................ 68

Figure 36 : Modélisation du réseau de nanocristaux de guanine dans les S-iridophores d’un

caméléon Furcifer pardalis (d'après Teyssier et al., 2015). .................................................. 69

Figure 37 : Réseau de nanocristaux de guanine dans les S-iridophores à l’état de repos et à

l’état stimulé (d'après Teyssier et al., 2015). ......................................................................... 70

Figure 38 : Variation de la couleur de la peau d’un caméléon Furcifer pardalis en fonction

de la distance entre les cristaux de guanine dans les S-iridophores (d'après Teyssier et al.,

2015). ..................................................................................................................................... 71

Figure 39 : Évolution de la couleur d’un S-iridophore de caméléon Furcifer pardalis à l’état

stimulé soumis à une solution hypertonique (d'après Teyssier et al., 2015). ........................ 72

Figure 40 : Séquence heptapeptidique commune entre de l’α-MSH, la β-MSH et l'ACTH

(d'après Bagnara et Hadley, 1973). ....................................................................................... 78

Figure 41 : Régulation de la sécrétion hypophysaire de MSH par l'hypothalamus chez les

amphibiens (d'après Bagnara et Hadley, 1973). .................................................................... 82

Figure 42 : Réponse des mélanophores de têtards de Xenopus laevis à des variations de

luminosité, exprimée selon la méthode de Hogben et Slome (d'après Bagnara et Hadley,

1973). ..................................................................................................................................... 85

Figure 43 : Formule topologique de la mélatonine (Hardeland et al., 2006). ....................... 85

Figure 44 : Effet de l'amplexus et d'une injection d'adrénaline sur la couleur d'une grenouille

Litoria wilcoxii mâle (Kindermann et al., 2014). .................................................................. 88

Figure 45 : Action de l’adrénaline sur l’état des mélanophores de Xenopus laevis. ............. 89

Figure 46 : Transport bidirectionnel des mélanosomes le long des microtubules (d'après

Reese et Haimo, 2000). ......................................................................................................... 97

Figure 47 : Mécanismes intracellulaires induits par l'acétylcholine dans les iridophores de

céphalopodes (DeMartini et al., 2013). ................................................................................. 99

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LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 : Classification des chromatophores (Bagnara et Matsumoto, 2006 ; Schartl et al.,

2016). ..................................................................................................................................... 27

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TABLE DES ABRÉVIATIONS

EMU : Unité fonctionnelle de mélanophores épidermiques (Epidermal Mélanophore Unit).

DCU : Unité fonctionnelle de chromatophores dermiques (Dermal Chromatophore Unit).

MSH : Mélanocortine, hormone mélanotrope (Melanocyte Stimulating Hormone).

MCH : Récepteur membranaire à la mélanocortine (Melanin concentrating Hormone).

ACTH : Corticotropine (Adenocorticotropic Hormone).

ATP : Adénosine triphosphate.

AMPc : Adénosine 3',5'-monophosphate cyclique.

RPDH : Hormone de dispersion des pigments rouges des crustacés (Red Pigment

Dispersing Hormone).

RPCH : Hormone d’agrégation des pigments rouges des crustacés (Red Pigment

Concentrating Hormone).

PK : Protéine kinase.

PKA : Protéine kinase AMPc-dépendante.

PKC : Protéine kinase calcium-dépendante.

PP : Protéine phosphatase.

PP2A : Protéine phosphatase 2A.

ACh : Acétylcholine.

DAG : Diacylglycérol.

PLC : Phospholipase C.

PIP2 : Phosphatidylinositol biphosphate.

IP3 : Inositol triphosphate.

CaM : Calmoduline.

CIE : Commission internationale de l’éclairage.

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INTRODUCTION

L’homochromie variable désigne la capacité d’un animal à changer de couleur rapidement

et réversiblement en quelques secondes à quelques heures. L’intérêt scientifique pour les

changements de couleur a débuté il y a plus de deux mille ans et l’une des premières traces

écrites traite des caméléons et date de l’Histoire Des Animaux, œuvre rédigée par Aristote

en 350 av. J.-C. L’auteur explique alors que « les changements de couleur du caméléon se

produisent quand l'animal se gonfle. Il a parfois la couleur d'un noir assez rapproché du

crocodile ; parfois il a la couleur jaune d'un lézard, mêlée à du noir, comme dans la

panthère » (Aristote, 1883).

L’homochromie variable est étonnamment répandue dans le règne animal. Elle a

évolué dans de nombreuses lignées de vertébrés et d'invertébrés ectothermes, y compris les

poissons, les amphibiens, les squamates, les crustacés et les céphalopodes. Cette aptitude

permet à l’animal de se camoufler activement dans des environnements différents. Depuis

peu, les changements de couleur sont aussi étudiés pour leurs autres rôles, par exemple pour

la communication entre les individus d’une même espèce ou la thermorégulation (Ligon et

Mccartney, 2016).

Les changements de couleur de certaines espèces se limitent principalement à des

variations d’intensité et de nuances (par exemple de brun clair à foncé), tandis que d'autres

subissent des changements chromatiques remarquables. Les motifs cutanés sont parfois

complètement modifiés (Bagnara et Matsumoto, 2006).

L’objectif de cette thèse est de présenter les différents mécanismes physiologiques

intervenant lors des changements de couleur des espèces douées d’homochromie variable.

Dans une première partie nous traiterons des structures anatomiques, cellulaires et

moléculaires qui participent à la couleur tégumentaire de ces espèces. Nous nous

intéresserons dans une deuxième partie aux mécanismes physiques et biologiques qui

permettent aux animaux de changer leurs couleurs de façon réversible. Nous développerons

dans une troisième partie les contrôles physiologiques qui participent aux changements de

couleur ainsi que le degré d’implication du système hormonal et du système nerveux parmi

les différents clades.

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14

Page 21: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

15

PREMIÈRE PARTIE : PRÉSENTATION DES

STRUCTURES INTERVENANT DANS

L’HOMOCHROMIE VARIABLE

1. Quelques définitions

1.1. Les différents types d’homochromie

L’homochromie est l’aptitude d’un animal à harmoniser ses couleurs avec celles de son

environnement, de façon temporaire ou permanente. Lorsqu’elle permet à l’animal de se

dissimuler dans son milieu d’origine et de passer inaperçu aux yeux de ses prédateurs ou de

ses proies, la coloration adoptée est dite cryptique. Les couleurs et les motifs peuvent aussi

intervenir dans la thermorégulation, les interactions interspécifiques et la communication

intraspécifique (Larousse, 2016).

L’homochromie est à différencier du mimétisme vrai qui correspond à la

ressemblance extérieure et généralement permanente entre deux espèces appartenant à des

clades plus ou moins éloignés. Il existe trois catégories majeures de mimétisme. Le

mimétisme est dit batésien lorsqu’une espèce inoffensive adopte l’apparence physique et les

couleurs d’une espèce nocive. Le mimétisme mullérien caractérise la ressemblance entre

deux espèces nocives. Enfin, le mimétisme est dit mertensien lorsqu’une espèce mortelle

pour ses prédateurs imite une espèce moins dangereuse. Leurs prédateurs apprennent ainsi à

reconnaître les couleurs d’avertissement et évitent les deux espèces semblables (Larousse,

1976).

Il existe plusieurs types d’homochromie. Un animal peut évoluer sur un support de

teinte similaire à la sienne. Cette homochromie est dite simple ou passive. C’est le cas par

exemple de la majorité des insectes qui arborent une teinte dominante verte, similaire à celle

des herbes et des feuillages. Les animaux sauvages vivant dans les déserts présentent

fréquemment une couleur isabelle qui rappelle la teinte des sables, variant du jaune pâle au

jaune orangé. Les poissons d’eau douce sont généralement plus foncés lorsqu’ils évoluent

dans des étangs à fond vaseux que dans des eaux claires. La faune des neiges est aussi un

exemple d’homochromie passive. Le faucon gerfaut (Falco rusticolus), l’ours blanc (Ursus

maritimus) et le lièvre arctique (Lepus arcticus) sont des animaux gardant une couleur

blanche toute leur vie. Celle-ci leur permet de se dissimuler dans des environnements

couverts de neige et de glace quel que soit le mois de l’année. Cependant, lorsqu’un animal

présente un pelage blanc en hiver mais prend une coloration plus foncée le reste de l’année,

on parle d’homochromie saisonnière. C’est le cas de l’hermine (Mustela erminea), du

renard arctique (Vulpes lagopus), ou encore du lièvre variable (Lepus timidus) (Larousse,

2016, 1976).

Certains mollusques carnassiers appartenant à l’ordre Nudibranchia vivent sur des

éponges de couleurs vives et s’en nourrissent. Ces animaux absorbent avec leur nourriture

des substances colorantes qui se répandent dans leur organisme. Ils arborent alors les mêmes

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couleurs dans leur tégument, mais aussi dans leur masse viscérale. Cette homochromie

passive, dite « nutriciale », a été décrite par le biologiste Lucien Cuénot (Larousse, 1976).

D’autres espèces animales peuvent changer la couleur de leur tégument en un laps de

temps très réduit, en quelques secondes à quelques minutes. Cette homochromie est dite

changeante, active ou encore variable (Larousse, 2016 ; Mills et Marchant-Forde, 2010).

1.2. L’homochromie variable

L’homochromie variable se caractérise par l’aptitude d’un animal à changer la couleur de

son tégument de manière réversible et en un laps de temps court de quelques secondes à

quelques heures en réaction à des stimuli externes. Elle nécessite la présence de cellules

pigmentaires appelées chromatophores. Celles-ci sont présentes chez la plupart des

amphibiens, des poissons osseux, des squamates, des céphalopodes et des crustacés

(Larousse, 2016, 1976).

2. Présentation phylogénétique des espèces douées d’homochromie

variable

2.1. Espèces connues et étudiées pour leur capacité d’homochromie variable

Il existe plusieurs groupes d’espèces capables de modifier leur couleur à la fois chez les

vertébrés et les invertébrés. Cinq grands clades phylogénétiques regroupent la majorité des

espèces douées d’homochromie variable. Parmi l’embranchement des vertébrés, trois

classes rassemblent ces espèces : les poissons osseux, les amphibiens et les squamates.

Parmi les invertébrés, les crustacés et les céphalopodes sont les deux clades qui regroupent

la majorité des espèces capables de modifier leur apparence. Les crustacés appartiennent à

l’embranchement des arthropodes alors que les céphalopodes appartiennent à

l’embranchement des mollusques (Lecointre et LeGuyader, 2006).

Les squamates forment un ordre regroupant les reptiles à écailles qui muent

régulièrement. Cet ordre comprend les geckos, les lézards, les serpents, les iguanes et les

caméléons. Certains lézards tels que l’anole vert Anolis carolinensis ou les iguanes tels que

l’agame barbu Pogona vitticeps sont bien étudiés pour leur capacité d’homochromie

variable (Smith et al., 2016 ; Taylor et Hadley, 1970). La famille des Chameleonidae

regroupe des reptiles qui arborent de nombreuses couleurs dont plus de 200 espèces de

caméléons connus pour leur capacité remarquable à changer de couleur en quelques minutes

seulement. Certaines espèces font l’objet d’animaux de compagnie, telles que le caméléon

panthère Furcifer pardalis ou encore le caméléon casqué du Yémen Chamaeleo calyptratus

(Teyssier et al., 2015).

Les poissons osseux ou ostéichtyens regroupent aussi de nombreuses espèces

capables de modifier leur apparence mais de façon moins spectaculaire que les reptiles.

Certaines espèces telles que l’Oryzias latipes, l’Odontobutis obscura, l’Oreochromis

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17

niloticus et d’autres encore peuvent s’assombrir ou s’éclaircir en quelques heures et

présentent parfois des variations de teintes (Fujii, 2000 ; Goda et al., 2013).

Les amphibiens forment une classe de vertébrés tétrapodes non-amniotes. Ils

débutent généralement leur vie sous la forme d’une larve aquatique, le têtard, qui se

métamorphose plus tard en forme adulte définitive. Selon les espèces, c’est la larve ou

l’adulte qui peut changer de couleur (Bagnara et Hadley, 1973 ; Bagnara et Matsumoto,

2006). Les têtards peuvent assombrir ou éclaircir leur tégument. La forme adulte peut en

plus changer de couleur, parfois de façon spectaculaire, en passant du marron foncé au bleu

éclatant pour la grenouille des champs Rana arvalis ou au jaune vif pour l’anoure Litoria

wilcoxii (Kindermann et al., 2014 ; Sztatecsny et al., 2012).

Les crustacés regroupent des animaux qui sont pour la plupart aquatiques et qui

possèdent un exosquelette. Des espèces de crabes et de crevettes peuvent changer de teintes

en quelques minutes à quelques heures. Le crabe vert Carcinus maenas et la crevette

Palaemonetes vulgaris sont deux exemples de crustacés pouvant modifier leur teinte

plusieurs fois par jour (Brown, 1935 ; Stevens, 2016).

Les céphalopodes forment une classe appartenant à l’embranchement des

mollusques. La sous-classe Nautiloidea comprend des animaux qui se reconnaissent à leur

coquille externe protégeant le corps de l’animal. La présence de la coquille est corrélée à

l’absence de développement de structures anatomiques à la base de l’homochromie variable

chez les nautiloïdes. La sous-classe Coleoidea regroupe un très large éventail d’espèces

douées d’homochromie variable. Les principaux ordres sont les Teuthida, appelés

couramment calmars, les Sepiida, connus principalement sous le nom de seiches, et les

Octopoda, ordre désignant l’ensemble des pieuvres. Les animaux des deux premiers ordres

appartiennent au super-ordre des Décapodiformes car ils sont pourvus de huit bras et deux

tentacules. L’ordre des Octopoda appartient au super-ordre des Octopodiformes, les espèces

qu’il contient ont uniquement huit bras (Larousse, 2016, 1976). Les seiches, les pieuvres et

les calmars sont les invertébrés qui modifient leur apparence de la façon la plus

spectaculaire, jusqu’à plusieurs fois par seconde (Mäthger et al., 2009 ; Tao et al., 2010).

Certaines espèces douées d’homochromie variable n’appartiennent pas à l’un de ces

cinq groupes et sont des cas isolés au sein de leur clade (Umbers et al., 2014). Par exemple,

l’araignée Misumena vatia peut modifier réversiblement sa couleur du jaune pâle au noir en

quelques jours seulement (Théry et Casas, 2009). Certains insectes coléoptères sont

capables de changer de couleur en moins d’une minute. La casside dorée Charidotella

sexpunctata bicolor perd sa couleur dorée lorsqu’elle est dérangée et devient vert, bleu ou

parfois violet (Jolivet, 1992). Cependant ces espèces sont encore peu étudiées et les

mécanismes physiologiques intervenant dans leur changement de couleur sont mal compris

(Umbers et al., 2014). Ces exceptions ne seront donc pas développées dans cette thèse.

La figure 1 présente plusieurs exemples d’espèces douées d’homochromie variable.

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Figure 1 : Exemples d'espèces douées d'homochromie variable.

(a) Hanlon, 2007 ; (b) Mäthger et al., 2003 ; (e) Rudh et Qvarnström, 2013 ; (f) Smith et al., 2016 ;

(d) Teyssier et al., 2015 ; (c) et (g) Umbers et al., 2014

En (a), pieuvre Octopus vulgaris réagissant à la vue d’un prédateur. En (b), variations chromatiques des bandes réfléchissantes d’un poisson Pentapodus paradiseus.

En (c), passage de la phase claire à la phase sombre d’un crabe Ocypode ceratophthalmus. En (d), changement de couleur d’un caméléon Furcifer pardalis lors de la rencontre avec un autre mâle.

En (e), éclaircissement de la peau d’un grenouille Bokermannohyla alvarengai exposée à la lumière. En (f), évolution de la couleur d’un lézard Pogona vitticeps lorsque la température de son environnement

augmente de 15°C à 40°C. En (g), différence entre les phases rouge et dorée d’un coléoptère Charidotella egregia.

0 s 0,3 s 2,0 s

a

b c

d e

f g

0 s

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19

2.2. Principales fonctions du changement de couleur

L’homochromie variable est une aptitude qui peut intervenir lors d’interactions entre proie

et prédateur, lors de comportements relatifs à la reproduction (parade nuptiale, territorialité,

intimidation et concurrence entre deux individus), ou encore lors de variations de

température ou d’ensoleillement du milieu. Les trois fonctions les plus importantes sont le

camouflage, la communication et la thermorégulation (Ligon et Mccartney, 2016 ; Stuart-

Fox et Moussalli, 2009). La figure 2 présente les différents intérêts de l’homochromie

variable.

Figure 2 : Principaux contextes et facteurs prépondérants dans l'évolution de l'homochromie variable

(d'après Rudh et Qvarnström, 2013).

Les changements de couleur sont majoritairement utilisés par les animaux pour

imiter leur environnement. Ces animaux peuvent employer différentes stratégies de

camouflage afin d’échapper à la vue de leurs prédateurs ou de leurs proies. Les couleurs et

les motifs cutanés permettent de mimer des objets proches et rendent l’animal peu visible

(Stevens, 2016).

A l’inverse du camouflage, la sélection sociale favorise des colorations bien visibles.

Les animaux susceptibles de communiquer avec leurs congénères utilisent des variations de

couleur rapides et transitoires. Ces changements de couleur sont utilisés pour la

communication intraspécifique. Ils peuvent intervenir lors de parades nuptiales ou lors

d’interactions compétitives entre deux individus de la même espèce (Ligon et McGraw,

2013).

Écologie

Communication intraspécifique

Protection

aux UV Thermo-

régulation Prédation

Choix du

partenaire Agression,

territorialité

Développement

Environnement Gènes

Sélection

sexuelle Sélection

naturelle

Individu

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20

L’homochromie variable peut également servir à l’homéostasie. Les vertébrés doués

d’homochromie variable sont généralement ectothermes. Ils sont donc dépendants de

sources externes de chaleur et la thermorégulation est un facteur primordial. Les

ectothermes peuvent réguler leur température grâce à des comportements spécifiques (par

exemple en variant leur exposition au soleil) ou grâce à des variations physiologiques (en

contrôlant les flux de chaleur). L’assombrissement de la peau augmente la quantité de

lumière et de chaleur absorbée tandis qu'un éclaircissement de la peau augmente la réflexion

de la lumière et diminue l’absorption de chaleur (Stuart-Fox et Moussalli, 2009).

Le camouflage et la communication intraspécifique sont les deux facteurs

prépondérants dans l'évolution de l’homochromie variable. En effet, la sélection naturelle

est en faveur du camouflage le plus efficace contre la prédation et la sélection sexuelle est

en faveur des parades nuptiales les mieux codifiées (Stuart-Fox et Moussalli, 2009).

2.2.1. Intérêts chez les squamates

Les squamates regroupent des espèces qui utilisent les changements de couleur pour les trois

fonctions classiques. Les lézards arborent des couleurs brunes ou grises lorsqu’ils évoluent

sur de la roche ou de la terre. Ils exhibent des couleurs jaunes ou vertes dans des milieux

denses en végétation. De même, les caméléons utilisent leurs couleurs pour se camoufler des

prédateurs tels que les oiseaux ou les serpents. Par exemple, le caméléon nain Bradypodion

prend les couleurs de son support à la vue d’un oiseau ou d’un serpent (Stuart-Fox et

Moussalli, 2009). La thermorégulation intervient aussi dans l’assombrissement ou

l’éclaircissement de la peau des lézards et des caméléons. Le lézard Pogona vitticeps passe

du marron foncé au beige clair la journée lorsque la température de son environnement

augmente (Smith et al., 2016). La peau des lézards Anolis s’éclaircit également lors de

fortes chaleurs (Hadley et Goldman, 1969). Les changements de couleur les plus

impressionnants se produisent lors de la rencontre entre deux mâles caméléons, en

particulier chez les caméléons panthères Furcifer pardalis. Lors de la rencontre d’un

concurrent mâle ou d’une femelle potentiellement réceptive, un caméléon panthère mâle

adulte peut changer la couleur de sa peau tandis que les motifs (taches et rayures)

deviennent plus visibles et lumineux. Ce processus se produit en quelques minutes et il est

entièrement réversible. Afin d’impressionner un autre mâle, le caméléon adopte une posture

particulière en gonflant son corps et ses couleurs changent selon des motifs bien précis,

allant du bleu au rouge et du vert au jaune (Teyssier et al., 2015). La figure 3 présente les

couleurs d’un caméléon panthère mâle passant d’un état de repos vers un état stimulé à la

vue d’un autre mâle.

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Figure 3 : Évolution de la couleur d’un caméléon panthère mâle Furcifer pardalis lors d’une rencontre

avec un autre mâle (d'après Teyssier et al., 2015).

2.2.2. Intérêts chez les amphibiens

L’homochromie variable est principalement utilisée par les amphibiens pour éviter la

prédation, mais elle leur permet aussi d’interagir avec leurs congénères. Les couleurs

cryptiques servent au camouflage alors que les couleurs vives sont utilisées pour avertir les

prédateurs de leur toxicité. De plus, les amphibiens sont exposés à de nombreux facteurs de

stress. L’éclaircissement de leur peau a une fonction de régulation thermique alors que

l’assombrissement de celle-ci peut servir de protection contre les dommages induits par les

rayonnements UV (Rudh et Qvarnström, 2013). Pour les amphibiens dont la peau est

fortement perméable à l'eau, l'augmentation de la réflexion de la lumière diminue également

les pertes hydriques. Par conséquent, la capacité à varier leur teinte permet de réguler leur

température corporelle mais aussi de contrôler leur équilibre hydrique (Stegen et al., 2004 ;

Withers, 1995).

L’homochromie variable est impliquée dans la communication intraspécifique. Lors

de l’amplexus, c’est-à-dire lorsqu’un mâle s’accroche sur le dos d’une femelle pour se

reproduire, celui-ci peut changer de couleur en quelques minutes seulement (Kindermann et

al., 2014). Par exemple, la coloration nuptiale bleue des grenouilles des champs Rana

arvalis agit comme signal visuel pour favoriser la reconnaissance entre les mâles. Chez cette

espèce d’amphibien, la couleur du mâle n’intervient pas dans le choix de la femelle mais

elle permet aux mâles de se déplacer rapidement entre leurs rivaux vers les femelles. En

effet, malgré le fait que toutes les grenouilles soient des rivaux dans la recherche d’une

État de repos État stimulé Stimulus :

Rencontre avec un autre mâle

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partenaire, il est dans l'intérêt de tous les mâles de ne pas manquer une occasion de

s’accoupler car le nombre de femelle est limité et la période de reproduction est courte, de 2

à 3 jours par an (Sztatecsny et al., 2012). La figure 4 présente des grenouilles des champs

Rana arvalis mâles qui arborent une couleur bleue pendant leur période de reproduction.

Figure 4 : Grenouilles des champs Rana arvalis pendant la période de reproduction (Sztatecsny et al.,

2012).

2.2.3. Intérêts chez les céphalopodes

De nombreux prédateurs des céphalopodes ont la vision des couleurs, ainsi la possibilité de

faire correspondre efficacement leur couleur à celle de l’environnement est un atout majeur

(Mäthger et Hanlon, 2007). Les seiches s’éclaircissent lorsqu’elles passent d’un fond marin

foncé à un fond clair. Elles font alors preuve d’une anticipation admirable. En effet, une

seiche qui se déplace d’un sol rocheux foncé vers un sol sableux plus clair est capable

d’estimer à l’avance la couleur et la réflectance du nouvel environnement. Elle débute son

éclaircissement tégumentaire avant de franchir la limite entre les deux sols. Le changement

de réflectance est alors progressif et leur évite d’attirer l’attention indésirable de potentiels

prédateurs (Josef et al., 2015 ; Mäthger et al., 2009 ; Tao et al., 2010).

En (a), rassemblement de grenouilles des champs Rana arvalis lors de la période de reproduction. Les mâles arborent une couleur bleue vive.

En (b), différence de couleur entre un mâle bleu et une femelle marron lors de l’amplexus.

Page 29: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

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Les seiches peuvent présenter trois grands types de motifs pour se camoufler :

uniforme, tacheté ou disruptif. Le motif qu’elles arborent est choisi en fonction de plusieurs

caractéristiques de leur environnement dont l’hétérogénéité de taille et de forme de ses

composants ainsi que le contraste et l’intensité lumineuse du milieu. Par exemple, une

seiche Sepia officinalis présente un motif uniforme sur un sol de sable fin, un motif tacheté

sur un sol couvert de graviers et un motif disruptif sur un sol de pierres plus larges et au

contraste élevé (Hanlon, 2007). Ces trois motifs sont présentés sur la figure 5.

Figure 5 : Les trois motifs utilisés par les seiches Sepia officinalis pour se camoufler (Hanlon, 2007).

De plus, la modulation de leur apparence joue aussi un rôle important dans la

signalisation et la communication intraspécifique. Lors de la parade nuptiale, une seiche

mâle arbore des motifs très précis au contact d’une seiche femelle. Cependant, si un autre

mâle est présent, le premier mâle trompe son concurrent. Il se place entre les deux individus

en affichant des motifs de séduction à la femelle et des motifs qui imitent une seiche femelle

vers son concurrent l’empêchant ainsi de perturber la parade nuptiale (Brown et al., 2012).

La figure 6 présente une seiche mâle ayant recours à cette stratégie lors d’une période de

reproduction.

Motif uniforme Motif disruptif Motif tacheté

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Figure 6 : Seiche Sepia plangon mâle arborant simultanément un motif de séduction vers une femelle et

une coloration trompeuse vers un autre mâle rival (Brown et al., 2012).

Les pieuvres utilisent le plus fréquemment les changements de couleur pour se

camoufler. Une pieuvre camouflée évite ainsi de se faire repérer par un grand nombre de

prédateurs mais aussi par ses proies. La pieuvre mimétique Thaumoctopus mimicus est une

espèce connue pour ses capacités remarquables en matière de mimétisme. Elle est capable

d’échapper à ses prédateurs en imitant différentes espèces toxiques comme la rascasse

volante, poisson réputé pour son épine venimeuse, ou des serpents de mer en se

contorsionnant et en changeant de couleur (Hanlon, 2007).

2.2.4. Intérêts chez les poissons

De même que les amphibiens, les squamates et les céphalopodes, beaucoup de poissons

s’assombrissent pour s’adapter à des milieux sombres et s’éclaircissent dans des

environnements clairs. Cette fonction a pour but de réduire le risque de prédation (Rodgers

et al., 2013). Certaines espèces utilisent aussi des motifs particuliers qui varient pour

communiquer avec leurs congénères. Par exemple, le poisson Pentapodus paradiseus peut

changer la couleur de plusieurs bandes réfléchissantes rostrales en moins d’une seconde

(Figure 1(b)). Cependant la signification exacte de ce comportement entre plusieurs

individus n’est pas encore comprise (Mäthger et al., 2003).

La thermorégulation et la protection contre les UV ont une faible importance chez les

animaux aquatiques, la température variant peu sur de longues durées et l’énergie du

rayonnement solaire étant en partie réfléchie à la surface de l’eau (Rodgers et al., 2013).

M : seiche mâle arborant deux types de motifs lors d’une parade nuptiale. F : seiche femelle.

A : seiche mâle concurrent.

Page 31: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

25

2.2.5. Intérêts chez les crustacés

L’homochromie variable a deux rôles principaux chez les crustacés : éviter la prédation par

camouflage et réguler leur température corporelle. De nombreux crabes changent de couleur

en suivant un rythme circadien. Par exemple, le crabe fantôme du genre Ocypode est plus

clair la journée et plus sombre la nuit. Cela permet de limiter l’absorption du rayonnement

solaire le jour et de se camoufler la nuit (Stevens et al., 2013). En plus de ces variations

régulières, les crabes peuvent adapter leurs teintes et leurs motifs à leur environnement. Ils

améliorent leur camouflage afin d’éviter au mieux leurs prédateurs. L’utilisation de

l’homochromie variable dans la communication intraspécifique n’a pas encore été

démontrée chez les crustacés (Stevens, 2016).

3. Le tégument, support de l’homochromie variable

Le tégument, c’est-à-dire l’enveloppe externe du corps comprend la peau, ses annexes et les

phanères. La peau a une fonction de protection, d’échanges hydriques, de régulation

thermique, de perception tactile, d’adhérence au substrat et elle intervient dans les

interactions inter- et intra-spécifiques grâce à un assortiment de capacités de signalisation

(Quay, 1972 ; Reyes-Gomez, 2013). Elle est constituée de deux couches principales :

l’épiderme qui forme la couche superficielle, et le derme, plus en profondeur (Reyes-

Gomez, 2013). En particulier, des signaux peuvent être émis par des changements de

couleur et de motifs de la peau et sont à la base de comportements tels que la reconnaissance

d’espèce, le choix du partenaire sexuel, ou encore les interactions agonistiques (Hanlon et

Messenger, 1998 ; Smith et al., 2016).

La structure de la peau varie selon les espèces car elle correspond à des besoins

spécifiques très diversifiés. Chez les amphibiens, la peau est souple et toujours humide.

L’épiderme est simple, les couches profondes renouvellent les cellules qui s’exfolient. Leur

derme est riche en fibres élastiques et en glandes sécrétrices. Chez les poissons, l’épiderme

est un épithélium pluristratifié et le derme est composé de faisceaux conjonctifs qui

s’insèrent sur les muscles sous-jacents. Les écailles sont formées par des petites plaques

rigides qui émergent du derme pour renforcer la solidité du tégument. Les chromatophores

sont des cellules pigmentaires ramifiées présentes en quantité dans le derme (Quay, 1972).

Chez les squamates, la peau est fortement kératinisée. La couche cornée est très épaisse et la

peau est majoritairement sèche. Les épaississements cutanés forment des écailles bien

délimitées. Le derme possède de nombreuses cellules pigmentaires et les glandes cutanées

sont rares. La peau desquame en mue ou par lambeaux (Nissar et al., 2016 ; Quay, 1972).

Le tégument des crustacés est constitué d’un épiderme formé d’une couche de cellules et

d’une cuticule épaisse et complexe contenant de la chitine imprégnée de calcaire. La rigidité

qui résulte de ce dépôt minéral fait jouer au tégument les rôles d’un squelette externe, tels

que la protection et l’insertion des muscles. La coloration superficielle est due à des

pigments placés dans la cuticule. Une coloration plus profonde est due à la présence de

pigments dans des chromatophores sous-épidermiques (Larousse, 1976).

L’anatomie de la peau des caméléons est détaillée ci-dessous comme exemple. Les

particularités tégumentaires intervenant dans la fonction d’homochromie variable varient

selon les clades et les espèces. Elles sont cependant majoritairement supportées par le derme

(Ligon et Mccartney, 2016).

Page 32: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

26

3.1. L’épiderme

La grande majorité de la peau des caméléons est couverte d’écailles kératinisées qui en

général ne se superposent pas. Ces écailles sont de formes et de tailles très variées selon les

espèces et sont appelées « écailles tuberculées ». Elles constituent une fine couche

superficielle qui recouvre la peau et qui lui assure une grande rigidité (Ducrotté-Tassel,

2013 ; Quay, 1972).

Les squamates renouvellent leur peau grâce à une desquamation périodique de

l’épiderme. Ce phénomène, appelé mue, entraîne des modifications physiologiques dans la

structure du tégument uniquement au niveau de l’épiderme. Les capacités d’homochromie

variable sont supportées par le derme et ne sont donc pas modifiées par ces événements

physiologiques (Nissar et al., 2016).

3.2. Le derme

Le derme est un tissu conjonctif dense riche en fibres de collagène, en vaisseaux sanguins,

en récepteurs sensoriels, en nerfs et comprenant divers types de cellules : fibroblastes,

histiocytes, plasmocytes, réticulocytes et chromatophores. Il assure la nutrition de

l’épiderme qui est avasculaire (Reyes-Gomez, 2013).

Chez les caméléons, l’aptitude à changer de couleur est médiée par plusieurs types

de chromatophores dermiques. C’est le derme qui supporte l’homochromie variable par le

biais de ces cellules très spécialisées, et ce chez la totalité des espèces présentant cette

capacité (Nissar et al., 2016).

4. Description des différents chromatophores

Les chromatophores sont des cellules dites pigmentaires car elles sont à la base de la

coloration de la peau des animaux ectothermes, même si certains types de chromatophore ne

contiennent pas de pigments vrais mais uniquement des structures réfléchissant certaines

longueurs d’onde (Bagnara et Matsumoto, 2006). On distingue dans le monde du vivant

plusieurs familles de chromatophores.

Le tableau 1 présente la classification des chromatophores, les organites

intracellulaires et les pigments qu’ils contiennent et enfin leurs couleurs.

Page 33: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

27

Tableau 1 : Classification des chromatophores (Bagnara et Matsumoto, 2006 ; Schartl et al., 2016).

Chromatophore Organite Pigment Couleur Origine

Mélanophore

Mélanosome Mélanine Marron, noir Vertébrés et

invertébrés

Organite

granulaire

Ommochrome Jaune, rouge,

marron, noir

Invertébrés,

dont les

céphalopodes

Iridophore

Plaquette

réfléchissante

Purine

(principalement

de la guanine)

Couleur

structurelle

selon

l’iridescence

Vertébrés, en

particulier

ectothermes

Ruban

lamellaire

Réflectine Couleur

structurelle

selon

l’iridescence

Céphalopodes

Leucophore

Réfractosome Purine

(principalement

de l’acide

urique)

Couleur

structurelle,

blanc, argenté,

doré

Poissons

téléostéens,

céphalopodes

Xanthophore

(Lipophore)

Ptérinosome Ptéridine Jaune,

orange clair

Ectothermes,

(majoritairement

au stade

larvaire)

Vésicule

lipidique de

caroténoïdes

Caroténoïde Jaune, orange Ectothermes,

(majoritairement

au stade adulte)

Érythrophore

(Lipophore)

Ptérinosome Ptéridine Rouge,

orange foncé

Ectothermes,

(majoritairement

au stade

larvaire)

Vésicule

lipidique de

caroténoïdes

Caroténoïde Rouge, orange Ectothermes,

(majoritairement

au stade adulte)

Cyanophore

Cyanosome Sandercyanine Bleu Poissons

mandarins

Synchiropus,

perche Sander

vitreus.

Page 34: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

28

4.1. Classification des chromatophores

4.1.1. Mélanophore

Les mélanophores sont des chromatophores marron ou noirs. Ce sont les mieux étudiés

parmi toutes les cellules pigmentaires et les plus actifs lors des changements de couleur

(Schartl et al., 2016). Parmi les vertébrés, au moins deux types de mélanophores diffèrent

nettement l’un de l’autre, non seulement par leur localisation mais aussi pas leur apparence

générale et leurs réponses aux stimuli physiologiques.

Les mélanophores épidermiques, majoritairement désignés sous le nom de

mélanocytes, sont présents dans l’épiderme des vertébrés. Ce sont des cellules pigmentées,

de forme étoilée, fusiforme, parfois arrondie ou ovalisée, à noyau central. Chez les

ectothermes, ces cellules pigmentaires se situent juste en dessous de la couche germinative

de l’épiderme et forment une couche relativement uniforme. Les dendrites de ces

mélanophores s’étendent entre les cellules épidermiques adjacentes. La mélanine produite

par les mélanophores épidermiques est transférée dans les kératinocytes environnants par

l’intermédiaire des prolongements dendritiques (Seiberg, 2001). Plusieurs hypothèses ont

été formulées pour expliquer le transfert de grains de mélanine vers les kératinocytes :

cytophagocytose, relargage dans l’espace extracellulaire de la mélanine dans des vésicules

puis endocytose par les kératinocytes, ou encore voie de communication directe entre les

deux types cellulaires. L’hypothèse retenue est la suivante : le transfert de mélanine est

réalisé par phagocytose des mélanosomes en faisant intervenir un récepteur membranaire

présent sur les kératinocytes nommé PAR-2 (Seiberg, 2001). Afin de nommer aisément ces

transferts, ceux-ci sont dits cytocrines (Schiaffino, 2010).

Le dépôt de mélanine dans les kératinocytes est relativement lent. Par conséquent,

les mélanophores épidermiques n’ont pas un grand rôle dans le changement de couleur

rapide des vertébrés. La stimulation prolongée des mélanophores épidermiques entraîne

l’accumulation progressive d’une grande quantité de mélanine dans l’épiderme, ce qui

assombrit l’animal. Ces pigments disparaissent lentement lorsque les couches épidermiques

sont éliminées, par exemple lors de la mue des squamates (Bagnara et Matsumoto, 2006).

Les mélanophores dermiques se situent dans l’épaisseur du derme à des distances

variables et existent sous la forme de cellules relativement aplaties possédant des

prolongements du corps cellulaire dirigés soit radialement, soit vers les couches supérieures

du derme depuis le plan médian de la cellule. Ces mélanophores sont des cellules de grande

taille qui peuvent atteindre plusieurs centaines de microns de diamètre. La structure des

mélanophores dermiques n’a pas été systématiquement étudiée chez tous les ectothermes.

Cependant, les observations sur divers poissons, amphibiens et squamates semblent

compatibles avec celles qui ont été faites sur les mélanophores épidermiques des

mammifères. Les différences fonctionnelles sont liées aux différences structurelles. Les

mélanophores dermiques sont fortement impliqués dans le changement rapide de couleur

contrairement aux mélanophores épidermiques (Bagnara et Matsumoto, 2006). Deux

exemples de mélanophores chez les amphibiens sont présentés sur la figure 7.

Page 35: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

29

Figure 7 : Mélanophores d'un têtard Xenopus laevis et d'une grenouille Rana pipiens (d'après Bagnara

et Matsumoto, 2006).

L’une des caractéristiques fondamentales de tous les mélanophores est qu’ils

produisent tous leur propre pigment, la mélanine. La synthèse de mélanine à l’intérieur des

mélanophores implique, au moins chez les vertébrés, la présence d’organites intracellulaires,

les mélanosomes, dans lesquels ce pigment se dépose. La mélanine est un polymère

complexe de métabolites de tyrosine (Ito et Wakamatsu, 2011a). Ces métabolites sont les

résultats de l’action d’une enzyme, la tyrosinase, sur la tyrosine. Cette enzyme se trouve

dans les pré-mélanosomes, vésicules destinées à devenir des mélanosomes une fois la

formation de mélanine achevée. Les pré-mélanosomes contiennent une matrice de fibres

protéiques sur lesquelles les polymères de mélanine sont déposés. Ils sont formés à partir de

vésicules du réticulum endoplasmique et de l’appareil de Golgi, d’environ 0,5 µm de

diamètre, et prennent au fur et à mesure du développement de leur réseau protéique une

forme elliptique (Bagnara et Matsumoto, 2006 ; Seiji et al., 1963).

En (a), la coupe longitudinale du derme d’une larve de Xenopus laevis présente de nombreux

mélanophores dermiques, chromatophores larges et de forme aplatie. En (b), la coupe transversale du tégument d’une grenouille Rana pipiens présente un mélanophore

épidermique ainsi que des mélanophores dermiques et leurs prolongements dendritiques.

a

b

Mélanophore

épidermique

Mélanophore

dermique

Épiderme

Derme

Mélanophore

dermique

Page 36: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

30

Les mélanophores dermiques des céphalopodes sont différents de ceux des vertébrés.

Ce sont des chromatophores de couleur brun-noir dont les pigments sont des ommochromes

contenus dans des organites granulaires (Goodwin, 2014).

4.1.2. Iridophore

La réflexion de la lumière sur la peau des animaux est souvent facilitée par la

présence de chromatophores appelés iridophores. Ces cellules contiennent des organites

spécifiques qui sont orientés de manière à réfléchir la lumière le plus efficacement possible.

Chez les vertébrés, ces organites sont appelés plaquettes réfléchissantes (Taylor, 1969). Les

iridophores apparaissent souvent iridescents. L’iridescence n’est pas toujours le résultat de

structures cellulaires. Par exemple, les propriétés iridescentes des plumes sont dues à leur

structure physique et non à la présence de chromatophores. Ce phénomène est cependant

majoritairement supporté par des iridophores chez les ectothermes et c’est le cas des

animaux doués d’homochromie variable (Schartl et al., 2016). Les iridophores ne

comportent pas d’éléments colorés tels que des pigments mais uniquement des structures

réfléchissantes. Ces cellules sont classées parmi les chromatophores car elles sont capables

de sélectionner certaines longueurs d’onde et de participer à la teinte finale du tégument,

mais ne sont pas des cellules pigmentaires au sens strict (Bagnara et Matsumoto, 2006).

Grâce aux iridophores, la couleur réfléchie sur les poissons, les amphibiens et les

squamates apparaît argentée, voire dorée. Ils sont responsables des reflets métalliques

zébrés, tachetés ou piquetés de ces animaux et de zones plus larges parfois observées sur la

partie ventrale. Lorsqu’elles sont éclairées par une lumière blanche, les structures

réfléchissantes présentent des couleurs structurelles allant du vert au bleu et parfois même à

des nuances de rose ou de rouge. La localisation des iridophores est limitée au derme. Ils

sont d’apparence variable selon l’espèce et leur position anatomique. Chez les vertébrés, les

structures réfléchissantes des iridophores sont formées de purines, c’est-à-dire de molécules

azotées hétérocycliques constituées d’un cycle pyrimidine fusionné à un cycle imidazole. La

principale purine rencontrée dans ces chromatophores est la guanine (Ligon et Mccartney,

2016). Chez les céphalopodes, les structures réfléchissantes sont des rubans lamellaires

composés d’une forte concentration en protéines appelées réflectines. Cette protéine peut

subir un changement de conformation qui provoque secondairement la modification de la

couleur réfléchie par la cellule (Kaplan, 2016 ; Mäthger et Hanlon, 2007).

L’hypoxanthine, l’adénine et l’acide urique sont d’autres purines rencontrées

comme réflecteurs au sein de ces cellules, mais en plus faible quantité. Chez les poissons,

les amphibiens et les squamates, ces molécules sont contenues librement dans de larges

organites qui ont la forme de plaquettes aplaties. Ces organites sont donc nommés

plaquettes réfléchissantes. Ils sont généralement disposés en piles orientées dans le même

sens au sein d’un iridophore (Bagnara et al., 1969 ; Schartl et al., 2016 ; Taylor, 1969). Cet

arrangement ordonné de plaquettes est à la base des propriétés réfléchissantes des

iridophores. Chez les céphalopodes, les iridophores contiennent des organites comparables

qui sont dérivés de l’appareil de Golgi et qui font saillie vers le milieu extracellulaire par

des excroissances de la cellule. Ces organites forment une succession de surfaces

réfléchissantes et sont appelés rubans lamellaires (Bagnara et Matsumoto, 2006 ; DeMartini

et al., 2013).

Page 37: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

31

Trois exemples d’iridophores sont présentés sur la figure 8.

Figure 8 : Iridophores d'une grenouille Rana pipiens, d'un anole Anolis carolinensis et d'une pieuvre

Octopus vulgaris (d'après Bagnara et Matsumoto, 2006 ; Messenger, 2001 ; Taylor et Hadley, 1970).

Chez la majorité des ectothermes, les iridophores permettent d’augmenter

passivement l’intensité lumineuse réfléchie sur leur tégument. Cependant, les iridophores

peuvent intervenir activement lors des changements de couleur de certaines espèces. En

effet, les plaquettes réfléchissantes dans les iridophores des caméléons et les rubans

lamellaires dans les iridophores des céphalopodes ont la capacité de réfléchir certaines

longueurs d’onde selon leur positionnement (DeMartini et al., 2013 ; Teyssier et al., 2015).

En (a), iridophore d’une grenouille léopard Rana pipiens. En (b), iridophore d’un anole vert Anolis carolinensis.

En (c), iridophore d’une pieuvre commune Octopus vulgaris. Dans les trois cas, les organites pigmentaires des iridophores sont organisés et orientés dans une même

direction. Leurs formes et leurs structures varient selon l’espèce.

a

Plaquettes

réfléchissantes

Noyau

cellulaire

b

c

1 µm

5 µm

× 8,600

Rubans

lamellaires

Page 38: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

32

4.1.3. Leucophore

Les leucophores sont des chromatophores qui réfléchissent passivement la quasi-totalité du

spectre de la lumière visible. Ils ont une structure proche de celle des iridophores et

contiennent aussi des purines (Aspengren et al., 2008). Ces deux types de chromatophores

diffèrent par les caractéristiques suivantes. Premièrement, les leucophores reflètent toute la

de la lumière blanche alors que les iridophores peuvent sélectionner une partie du spectre

visible du violet (400 nm) au rouge (650 nm) (Bagnara et Matsumoto, 2006 ; Fujii, 2000).

Deuxièmement, les iridophores ont tendance à être situés au-dessus des mélanophores,

tandis que les leucophores se trouvent généralement en dessous de la couche de

mélanophores (Bagnara et Hadley, 1973). Troisièmement, les iridophores et les leucophores

diffèrent par la façon dont ils interviennent dans le changement de couleur. Les plaquettes

réfléchissantes au sein des iridophores réfléchissent certaines longueurs d’onde selon leur

espacement ou leur orientation, alors que les leucophores ont une structure cellulaire et un

fonctionnement analogues à ceux des mélanophores. Ils possèdent des processus

dendritiques dans lesquels leurs organites pigmentaires, nommés réfractosomes, peuvent se

déplacer. Les leucophores ne sont présents que chez un ensemble restreint de vertébrés

pouvant changer de couleur, surtout parmi les poissons téléostéens et les céphalopodes. De

plus, ils ne leur permettent que d’augmenter ou de diminuer l’intensité de la réflexion de la

lumière sur leur tégument sans favoriser la réflexion de certaines longueurs d’onde (Ligon et

Mccartney, 2016 ; Mäthger et al., 2009). Par la suite, la discussion portera donc sur les

iridophores.

Les différences entre un iridophore et un leucophore sont visibles sur la figure 9.

Figure 9 : Leucophore et iridophore d'une seiche commune Sepia officinalis (Mäthger et al., 2009).

Leucophore

composé de

réfractosomes

1 µm

Iridophore

composé de

rubans

lamellaires

Page 39: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

33

4.1.4. Lipophore

Les lipophores sont des cellules pigmentaires de couleur intense, jaune, orange ou rouge

Leur nom est en rapport avec la nature liposoluble des pigments, les caroténoïdes, qu’elles

contiennent. Ces cellules sont étroitement liées morphologiquement les unes aux autres,

mais il existe une terminologie distincte pour désigner les cellules selon leur couleur : les

lipophores d’apparence jaune sont nommés xanthophores alors que ceux d’apparence rouge

sont appelés érythrophores. Un lipophore orange peut se référer aux deux types précédents.

Dans tous les cas, un lipophore contient généralement les deux types de pigments. C’est le

rapport quantitatif entre les pigments qui définit la couleur finale et donc la catégorie de

lipophore (Bagnara et Matsumoto, 2006 ; Schartl et al., 2016). Un érythrophore observé au

microscope électronique est présenté sur la figure 10. Un xanthophore observé au

microscope optique est présenté sur la figure 11.

Figure 10 : Érythrophore d'une salamandre cendrée Plethodon cinereus (d'après Bagnara et Taylor,

1970).

Le rôle de ces cellules pigmentaires dans le changement de couleur est très variable

selon les animaux. Par exemple, la migration des pigments à l’intérieur des xanthophores et

des érythrophores est possible chez certains crustacées et certains poissons, alors que chez la

plupart des amphibiens et des squamates, les lipophores jouent un rôle passif. Leur

morphologie est plus ou moins constante et n’intervient que peu dans le changement de

couleur physiologique. Ils peuvent être trouvés dans l’épiderme sur des zones vivement

colorées et délimitées, par exemple chez le triton Notophthalmus viridescens, mais sont plus

généralement localisés dans le derme (Bagnara et Hadley, 1973).

Ptérinosomes

× 25 000

Portion d'un érythrophore présent dans la bande rouge dorsale d’une salamandre cendrée Plethodon cinereus. De nombreux ptérinosomes sont présents. En raison de la variabilité de leur apparence, ils

ne peuvent pas être regroupés en classes distinctes.

Page 40: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

34

Figure 11 : Xanthophores présents dans le derme d’une grenouille Rana pipiens (d'après Bagnara,

1966).

Parmi les invertébrés, les caroténoïdes sont considérés comme étant les principaux

pigments au sein des lipophores. À l’inverse, chez les poissons, les amphibiens et les

squamates, les ptéridines constituent une grande partie des pigments de couleurs vives et de

mêmes teintes jaune-orangé. Certaines espèces concentrent presque exclusivement des

ptéridines dans leurs lipophores. C’est le cas de la salamandre cendrée Plethodon cinereus

(chez qui les érythrophores prédominent) ou encore de la grenouille Hyla arenicolor (où les

lipophores sont majoritairement des xanthophores). De même, chez les espèces dont les

adultes possèdent des lipophores qui concentrent principalement des caroténoïdes ou chez

les animaux qui utilisent à la fois des ptéridines et des caroténoïdes, les premiers pigments

accumulés dans les stades de développement des xanthophores et des érythrophores sont les

ptéridines (Obika, 1963 ; Schartl et al., 2016).

Les caroténoïdes sont concentrés dans des vésicules lipidiques, alors que les

ptéridines sont contenues dans de discrets organites nommés ptérinosomes. Ces derniers

prennent la forme de granules sphériques ou ellipsoïdes d’environ 0,5 µm de diamètre et

d’une série de nombreuses lamelles concentriques. Les vésicules de caroténoïdes sont de

forme et de taille très variables, de 0,1 µm à plusieurs dizaines de microns. Les

ptérinosomes ont été observés à la fois dans les xanthophores et dans les érythrophores de

poissons, d’amphibiens et de squamates, et ils sont distribués plus ou moins uniformément

dans le cytoplasme, bien que dans certains cas, par exemple chez les poissons du genre

Xiphophorus, ces organites soient concentrés à la périphérie des érythrophores alors que le

centre de la cellule est occupé par des vésicules de caroténoïdes. Un grand nombre

d’espèces d’amphibiens forme un exemple différent pour lequel les vésicules de

caroténoïdes sont distribuées uniformément entre les ptérinosomes. L’origine cellulaire de

ces vésicules est inconnue mais il est supposé qu’elles dérivent du réticulum endoplasmique

lisse (Bagnara et Matsumoto, 2006).

Xanthophores

× 500

Page 41: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

35

4.1.5. Cyanophore

La coloration bleutée du tégument des poissons téléostéens est habituellement générée par

les iridophores qui réfléchissent les longueurs d’ondes de 450 nm à 480 nm grâce à leurs

plaquettes réfléchissantes. Il existe cependant chez de rares espèces de poissons des

chromatophores contenant des pigments protéiques bleus encore peu étudiés. Ces

chromatophores sont appelés cyanophores et ils affichent une couleur bleue qui n’est pas

une couleur structurelle mais une couleur pigmentaire (Goda et Fujii, 1995). Des

cyanophores d’un poisson mandarin sont présentés sur la figure 12, observés au microscope

optique puis au microscope électronique à transmission.

Figure 12 : Cyanophores d'un poisson mandarin Synchiropus splendidus (d'après Goda et Fujii, 1995).

Cyanophore

× 48,000

En (a), cyanophores et mélanophores d’un poisson mandarin Synchiropus splendidus observés au

microscope optique présentent leurs couleurs caractéristiques. En (b), portion d’un cyanophore présent dans le derme de la nageoire abdominale d’un poisson

mandarin observé au microscope électronique à transmission. CS : cyanosomes ; ES : ptérinosomes

dans un érythrophore adjacent ; CF : fibrilles de collagène dans la matrice extracellulaire.

× 300

a

b

Mélanophore

Page 42: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

36

Les pigments bleus sont contenus dans des organites nommés cyanosomes. L’un de

ces pigments a été isolé et a été nommé sandercyanine (Yu et al., 2008). Les cyanophores

ont été observés chez les poissons mandarins Synchiropus splendidus et Synchiropus

picturatus, et les perches Sander vitreus (Goda et Fujii, 1995 ; Schaefer et al., 2015). Ces

poissons présentent aussi des chromatophores dichromatiques contenant à la fois des

pigments rouges dans des ptérinosomes et des pigments bleus dans des cyanosomes. Lors

des changements de couleur de ces poissons, les cyanophores et les chromatophores

dichromatiques possèdent une motilité, de même que les mélanophores et les lipophores

(Goda et al., 2013). Les cyanophores contribuent donc aux changements de couleur

observés en réponse à divers signaux environnementaux, mais ces chromatophores sont

rares et ils sont encore peu étudiés (Schaefer et al., 2015).

4.1.6. Chromatophores mixtes

La séparation des chromatophores en différents groupes est nécessaire pour faciliter la

description mais il est possible de rencontrer des chromatophores d’un groupe qui

contiennent des organites pigmentaires spécifiques d’un autre groupe. Par exemple, chez la

salamandre cendrée Plethodon cinereus, des ptérinosomes et des mélanosomes ont été

observés dans certains mélanophores ; à l’inverse, ces deux types d’organites ont été aussi

observés dans quelques xanthophores de cette espèce (Bagnara et Taylor, 1970). De même,

des mélanophores possédant des plaquettes réfléchissantes, des iridophores contenant des

ptérinosomes, ou encore des chromatophores ayant les trois types de pigments ont été

observés. Cependant, ces chromatophores hybrides sont rares et leur formation inconnue,

aucun groupe n’a donc encore été défini pour les classer (Bagnara et Matsumoto, 2006).

Les chromatophores mixtes peuvent exposer plusieurs couleurs. Des chromatophores

dichromatiques ont été observés chez les perches Synchiropus splendidus et apparaissent

rouge et bleu. Ils contiennent à la fois des ptérinosomes et des cyanosomes (Goda et al.,

2013).

4.2. Les pigments des chromatophores

4.2.1. Mélanines

De melanos qui signifie noir, « mélanine » est un terme générique utilisé pour désigner les

pigments azotés dérivés de la tyrosine, ceux-ci ayant un poids moléculaire élevé et une

grande stabilité chimique. Bien que la majorité soit de couleur foncée, des mélanines de

couleur claire sont fréquemment rencontrées. Les pigments noirs ou marron font

généralement référence à l’eumélanine, alors que les mélanines de couleur jaune et orange

sont appelées phéomélanines.

L’enzyme à la base de la synthèse de mélanine est la tyrosinase (Ito et Wakamatsu,

2011a). Elle oxyde son substrat, la tyrosine. Le schéma général de la synthèse de mélanine

est variable selon les espèces étudiées. Celui présenté en figure 13 correspond aux

principales voies de synthèse de l’eumélanine et de la phéomélanine chez l’homme.

Page 43: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

37

Figure 13 : Biosynthèse de l'eumélanine et de la phéomélanine chez l'homme (Ito et Wakamatsu, 2011b).

L’eumélanine est un hétéropolymère constitué d’unités d’indole à différents niveaux

d’oxydation associées à d’autres métabolites dérivés de la tyrosine. La conformation

chimique est difficile à étudier à cause de sa grande stabilité, celle-ci ne rendant la

dégradation du polymère possible que par des réactions chimiques radicales, ce qui ne

permet pas d’obtenir des résultats concluants (Wilczek et al., 1996).

Des analyses de phéomélanines ont révélé la présence de soufre. Les phéomélanines

sont formées par des altérations au sein de la chaîne synthétique de l’eumélanine. Celles-ci

impliquent une interaction de cystéines avec les quinones dérivées de l’oxydation de 3,4-

dihydroxyphénylalanines (dopa) pour former du 5S-cysteinyldopa et du 2S-cysteinyldopa

dans un ratio 95/5. Ces deux produits sont ensuite oxydés pour créer de la phéomélanine.

Un autre groupe de pigments appartenant aux phéomélanines est connu sous le nom de

trichosidérine. Il est plus largement représenté parmi les mammifères et les oiseaux

Chez l’homme, les activités de la tyrosinase et des enzymes Tyrp1 et Tyrp2 (associées à

la tyrosine comme précurseur) sont impliquées dans la production de l’eumélanine, alors

que seule la tyrosinase (associée à la tyrosine et à la cystéine comme précurseurs) est

nécessaire à la production de la phéomélanine, les autres réactions étant spontanées en

présence de cystéine.

Eumélanine Phéomélanine

Page 44: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

38

possédant des poils ou des plumes jaunes, oranges ou rouges, même si ces couleurs ne sont

pas nécessairement dues à ce type de pigment (Ito et Wakamatsu, 2011a).

Un mélanophore peut posséder la capacité de synthétiser à la fois de l’eumélanine et

de la phéomélanine selon les stimuli qui lui sont appliqués. Les poils agoutis chez les

mammifères en sont un exemple. Il est possible qu’une conversion de l’une des deux voies

de synthèse en l’autre existe chez certaines espèces.

4.2.2. Ommochromes

Le nom « ommochrome » est dérivé du terme « ommatidie », structure unitaire des yeux des

arthropodes présentant ce type de pigments (Théry et Casas, 2009). Les ommochromes

constituent un groupe de pigments marron, jaunes ou rouges et sont souvent confondus avec

les mélanines. Ces pigments ne se trouvent pas chez les vertébrés et la majorité semble

restreinte aux arthropodes et aux mollusques. Les céphalopodes présentent donc ce type de

pigments au sein de leurs chromatophores.

Dans les cellules, ils se présentent dans des granules qui ressemblent aux

mélanosomes, tant par la taille que par l’apparence générale. Ils sont relativement stables,

insolubles dans l’eau, et sont souvent trouvés chez les animaux qui produisent aussi de la

mélanine. La différence majeure est qu’ils sont formés à partir de l’oxydation du

tryptophane.

Les ommochromes peuvent être séparés en deux groupes, les ommatines et les

ommines qui dérivent tous deux du tryptophane (Deravi et al., 2014). Les ommatines sont

de faible poids moléculaire, instables en milieu alcalin et peuvent facilement traverser les

membranes semi-perméables, contrairement aux ommines qui sont de plus grand poids

moléculaire, hydrophiles et stables en milieu alcalin. Les ommatines sont représentées par

trois pigments : la rhodommatine, rouge, la xanthommatine, jaune, et l’ommatine D, brun-

rouge. Les ommochromes sont, comme les mélanines, liés à des protéines dans les cellules

(Williams et al., 2016). La structure de ces pigments peut cependant être illustrée par la

xanthommatine, présentée sur la figure 14 (Goodwin, 2014).

Figure 14 : Formule topologique de la xanthommatine (d'après Goodwin, 2014).

Groupe fonctionnel de la

xanthommatine Radical : groupe alkyle R

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39

Les pigments dans les chromatophores marron des céphalopodes ont été identifiés

comme des ommochromes. En fonction de leur état d'oxydation, les ommochromes peuvent

avoir une couleur brun-noir, atteindre une absorption maximale pour une longueur d'onde de

525 nm et une absorption minimale entre 450 et 475 nm (Deravi et al., 2014). La nature des

ommochromes et leur participation à la couleur globale de ces animaux ne sont pas encore

bien définies (Goodwin, 2014).

4.2.3. Purines et ptéridines

Les purines et les ptéridines sont des pigments qui diffèrent par leur localisation chez les

ectothermes, les premières se trouvant dans les iridophores et les leucophores alors que les

secondes sont des pigments de lipophores mais elles sont très proches biochimiquement les

unes des autres. Les purines et les ptéridines contiennent deux cycles, l’un d’eux étant une

pyrimidine. Le second cycle des purines est un cycle imidazole à trois atomes de carbone et

deux atomes d’azote, alors que celui des ptéridines est un noyau de pyrazine composé de

quatre atomes de carbone et de deux atomes d’azote (Ligon et Mccartney, 2016).

La biosynthèse des purines est bien connue, elle conduit à plusieurs molécules

chimiquement proches. Même si l’acide urique, l’hypoxanthine et l’adénine sont

fréquemment rencontrés dans le groupe des purines, la guanine est certainement la purine la

plus largement distribuée au sein des iridophores. Les purines sont spécifiques des

iridophores et de leucophores (Bagnara et Hadley, 1973).

La biosynthèse des ptéridines est moins connue mais il est supposé que les ptéridines

sont synthétisées à partir d’un précurseur des purines (Hutzenlaub et al., 1969). Il semble

probable que chez les organismes synthétisant activement les deux types de pigments, une

compétition pour les substrats existe. C’est possiblement le cas chez les têtards de Xenopus

laevis chez qui les conditions favorisant la synthèse de ptéridines sont accompagnées d’une

réduction des concentrations en purines (Bagnara, 1961).

Les deux principaux composants appartenant aux ptéridines sont les leucoptérines et

les xanthoptérines. Les ptéridines jouent un rôle conséquent dans les couleurs vives des

ectothermes, et d’une façon plus générale, les ptéridines sont les seuls composants

pigmentaires que les lipophores de ces animaux peuvent synthétiser. Certaines autres

ptéridines découvertes en tant que pigments des yeux de diptères constituent maintenant un

large groupe de pigments chez les poissons, les amphibiens et les squamates. Ce sont les

drosoptérines et les sépiaptérines (Bagnara et Hadley, 1973).

Les riboflavines, synonymes des vitamines B2 sont fréquemment observées dans la

pigmentation orange ou jaune des amphibiens. Par exemple, de hautes concentrations en

riboflavines sont présentes dans les lipophores ventraux des tritons adultes et offrent une

couleur orange vive. Ces riboflavines peuvent être dérivées de sources alimentaires,

cependant la forte ressemblance biochimique avec les ptéridines et les purines laisse

supposer qu’il existe une relation entre les voies métaboliques de ces trois groupes de

pigments. L’existence d’une voie de synthèse des riboflavines est renforcée par le constat

suivant : lorsque la concentration en ptéridines de la peau de tritons diminue lors de leur

Page 46: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

40

métamorphose, la concentration en riboflavine augmente. Les ptéridines et les riboflavines

sont les pigments des lipophores (Bagnara et Obika, 1965).

La structure biochimique d’une purine (la guanine), d’une ptéridine (la sépiaptérine),

et de la riboflavine est présentée sur la figure 15.

Figure 15 : Formules topologiques de la guanine, de la sépiaptérine et de la riboflavine (d'après Bagnara

et Hadley, 1973).

4.2.4. Caroténoïdes

Les caroténoïdes forment le groupe de pigments le plus largement distribué parmi les

animaux et les végétaux ; ils sont de couleur jaune, orange, rouge ou violet. Ce groupe très

général est divisé en deux principales catégories : les carotènes et les xanthophylles. Les

molécules de ces deux groupes sont formées de quatre unités d’isoprène (2-méthylbuta-1,3-

diène) constituant une chaîne d’atomes de carbone liés entre eux par une alternance de

liaisons simples et doubles et formant ainsi un système conjugué. Habituellement, un cycle

ionone est présent à chaque extrémité de la chaîne carbonée. Le nombre de liaisons doubles

est variable et c’est le degré d’insaturation de la molécule qui détermine la couleur

spécifique de chaque caroténoïde (Bagnara et Hadley, 1973 ; Zollinger, 2003). Les

structures biochimiques de quelques caroténoïdes sont présentées sur la figure 16.

Sépiaptérine Guanine

Riboflavine

Page 47: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

41

Figure 16 : Formules topologiques d’un carotène et de deux xanthophylles (d'après Bagnara et Hadley,

1973).

Les carotènes ne contiennent que des hydrocarbones, alors que les xanthophylles

contiennent des atomes d’oxygène en supplément, ce qui différencie les deux catégories.

Ces deux types de pigments sont fortement hydrophobes et lipophiles et ils sont par

conséquent nommés lipochromes. Cependant, les caroténoïdes ne sont pas automatiquement

dissous dans des gouttelettes lipidiques. Ils peuvent aussi exister sous la forme de molécules

libres et sont parfois liés à des protéines. Ces complexes lipoprotéiques peuvent être bleus,

violets, verts ou encore marron (Bagnara et Matsumoto, 2006).

Malgré le fait que de très nombreux animaux présentent des caroténoïdes, il est

intéressant de noter qu’ils ne peuvent pas synthétiser de tels pigments et dépendent des

apports alimentaires. Ils peuvent cependant modifier les caroténoïdes qu’ils ont ingérés. Par

exemple, des petits crustacés du genre Daphnia sont capables de synthétiser dans l’ordre

suivant des échinénones, puis des canthaxanthines et enfin des astaxanthines à partir du β-

carotène (Herring, 1968). Ainsi, comme les caroténoïdes sont obtenus par l’alimentation et

non pas synthétisés, contrairement aux ptéridines, les formes immatures de certaines espèces

possèdent uniquement des ptéridines au sein de leurs lipophores et n’obtiendront des

caroténoïdes que plus tard.

Astaxanthine

(Xanthophylle)

β-carotène (Carotène)

Canthaxanthine

(Xanthophylle)

Page 48: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

42

Les études menées chez l’homme montrent que l’absorption intestinale se produit

par diffusion passive, celle-ci étant déterminée par un gradient de concentration entre les

membranes entérocytaires et les micelles lipidiques dans lesquelles sont émulsifiés les

caroténoïdes sous l’action des sels biliaires (Faure et al., 1999). Il est possible que

l’absorption des caroténoïdes par la majorité des espèces concernées se produise par

diffusion passive, mais leur transport et leur translocation dans les lipophores restent encore

à comprendre.

4.2.5. Pigments bleus

Un pigment protéique bleu présent dans les cyanophores de la perche Sander vitreus a été

purifié par chromatographie (Yu et al., 2008). La protéine purifiée a une masse moléculaire

de 87 850 kDa et elle est composée de quatre sous-unités identiques ayant une masse

moléculaire de 21 836 kDa. Une solution de cette protéine apparaît de couleur bleu foncé et

a une absorbance maximale à 383 nm et 633 nm et minimale de 450 nm à 500 nm. Le

traitement de la protéine à l’acétone libère un chromophore bleu qui a les caractéristiques

spectrales de la biliverdine, pigment biliaire de couleur bleu-vert résultant de la dégradation

de l’hème. Cette protéine bleue est appelée sandercyanine. L’analyse de la séquence

d'acides aminés suggère que la sandercyanine appartient à la famille des lipocalines,

protéines servant de transport à des petites molécules hydrophobes telles que les stéroïdes,

les sels biliaires et les lipides. La sandercyanine a un rôle de colorant cutané, mais ses autres

fonctions sont encore inconnues (Schaefer et al., 2015 ; Yu et al., 2008).

4.3. Associations cellulaires

4.3.1. Epidermal Melanin Unit, unité fonctionnelle des mélanophores

épidermiques

L'Unité fonctionnelle des Mélanophores Épidermiques (notée EMU pour Epidermal

Melanin Unit) est, comme son nom l’indique, limitée à l’épiderme. Les mélanophores

épidermiques sont les cellules pigmentaires les plus largement rencontrées chez les

vertébrés, leur morphologie globale et leur fonction étant similaires quelle que soit l’espèce

étudiée. La plus grande particularité de ces cellules est qu’elles réalisent leur fonction de

pigmentation en association avec d’autres types cellulaires. Une EMU est l’association entre

un mélanophore épidermique et les kératinocytes adjacents qui reçoivent la mélanine

synthétisée. Chez les mammifères par exemple, un mélanocyte est associé à une trentaine de

kératinocytes environ (Seiberg, 2001).

La figure 17 présente des EMU chez des amphibiens adultes Rana pipiens (Bagnara

et Hadley, 1973 ; Bagnara et Matsumoto, 2006).

Page 49: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

43

Figure 17 : Unité fonctionnelle de mélanophores épidermiques chez une grenouille Rana pipiens

observée au microscope optique (d'après Bagnara et Matsumoto, 2006).

La question sur la communication physiologique entre ces deux types cellulaires

épidermiques n’a pas encore reçu de réponse précise. Des hypothèses ont cependant été

formulées : il semble possible que les hormones stimulant les cellules pigmentaires et

agissant au niveau des mélanophores puissent affecter les autres cellules épidermiques, ce

qui permettrait aux kératinocytes d’établir une liaison avec ces mélanophores et de

déclencher la synthèse et le dépôt de mélanine dans l’épiderme (Bagnara et Hadley, 1973 ;

Bagnara et Matsumoto, 2006).

4.3.2. Dermal Chromatophore Unit, unité fonctionnelle des chromatophores

dermiques

L’Unité fonctionnelle des Chromatophores Dermiques (notée DCU pour Dermal

Chromatophore Unit) prend en compte tous les types de chromatophores. Les

chromatophores dermiques sont les cellules à la base du changement de couleur rapide des

vertébrés. Dans le derme de ces animaux, il existe une localisation spécifique pour chacun

des trois types de chromatophore (Bagnara et Hadley, 1973). Les lipophores forment la

couche cellulaire supérieure et se situent juste au-dessous de la lame basale et du collagène

associé. Les iridophores constituent une ou plusieurs couches de cellules sous les

lipophores. Enfin, les mélanophores sont les cellules pigmentaires les plus basales. Ces

derniers peuvent être en association très étroite avec les iridophores les recouvrant, ou situés

plus profondément dans le derme. La figure 18 est la représentation théorique d’une coupe

cutanée d’anoure, ordre choisi en exemple des amphibiens (Bagnara et al., 1968). Dans tous

Chaque mélanophore épidermique est entouré de cellules épidermiques (kératinocytes)

contenant de la mélanine. Ensemble, ces cellules forment une Unité fonctionnelle de Mélanophore Épidermique

(notée EMU).

E

M

U

Mélanophore

épidermique

Kératinocytes

Page 50: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

44

les cas, il est fondamental que les excroissances dendritiques des mélanophores s’étendent

vers les couches supérieures pour couvrir a minima les iridophores. Ensemble, ces trois

types cellulaires constituent une unité fonctionnelle, la DCU, qui est responsable des

changements de couleur rapides (Bagnara et Matsumoto, 2006).

Figure 18 : Représentation schématique de l'unité fonctionnelle de chromatophores dermiques chez les

amphibiens de l’ordre des anoures (Bagnara et al., 1968).

Il existe des particularités selon les espèces étudiées. Par exemple, chez les

amphibiens, la couche d’iridophores n’est composée que d’une cellule d’épaisseur et les

excroissances dendritiques des mélanophores se terminent au-dessus de celle-ci, mais sous

la couche de lipophores sus-jacente (Bagnara et al., 1969). La conformation de la DCU chez

les lézards est légèrement différente : les dendrites des mélanophores recouvrent à la fois

une couche de lipophores et plusieurs couches d’iridophores. La figure 19 présente une

coupe théorique de la peau d’un lézard du genre Anolis (Taylor et Hadley, 1970). Ainsi, l’un

des types cellulaires peut être plus ou moins abondant qu’un autre au sein de la DCU selon

les espèces considérées. Par exemple, la grenouille léopard Rana pipiens présente un derme

contenant peu de mélanophores par rapport au nombre d’iridophores et de xanthophores. En

revanche, la DCU de la grenouille Hyla arenicolor présente très peu de xanthophores

comparé aux autres types de chromatophores.

Page 51: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

45

Figure 19 : Représentation schématique de l'unité fonctionnelle de chromatophores dermiques chez les

lézards du genre Anolis (Taylor et Hadley, 1970).

Une coupe transversale de peau dorsale de grenouille adulte Hyla cinerea adaptée à

un environnement clair met en évidence des mélanosomes uniformément répartis dans les

mélanophores, excepté dans l’espace au-dessus des iridophores (figure 20). Lorsque la

grenouille est exposée à un environnement aux teintes foncées, les mélanosomes se

redistribuent dans les mélanophores et recouvrent les iridophores (figure 21).

Les DCU sont particulièrement importantes dans l’expression de la couleur verte des

amphibiens et des squamates, puisque le vert résulte de l’association entre la couleur

structurelle bleue réfléchie par les iridophores et la couleur pigmentaire jaune réfléchie par

les lipophores (Bagnara et Matsumoto, 2006).

Page 52: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

46

Figure 20 : Coupe transversale de la peau dorsale d'une grenouille Hyla cinerea adaptée à un

environnement clair (×9700) (Bagnara et al., 1968).

M : mélanophore ; I : iridophore ; X : xanthophore ; MS : mélanosomes ; BL : lame basale ;

RP : plaquettes réfléchissantes ; CV : vésicules de caroténoïdes ; PT : ptérinosomes ; C : collagène.

Les mélanosomes sont uniformément répartis dans les excroissances dendritiques du mélanophore

autour de l’iridophore, mais l’espace (noté F) au-dessus de l’iridophore est dénué de mélanosomes.

I

M

X

MS

BL

RP

CV PT

C

F

Page 53: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

47

Figure 21 : Coupe transversale de la peau dorsale d'une grenouille Hyla cinerea adaptée à un

environnement sombre (×7300) (Bagnara et al., 1968).

Les examens histologiques révèlent que les associations de types DCU et EMU se

situent souvent à des distances considérables les unes des autres. Un exemple

particulièrement clair se manifeste par la comparaison de la distribution relative des DCU et

des EMU chez la grenouille léopard Rana pipiens qui a un motif tégumentaire bien défini,

fait de taches marron et noires sur fond vert (Bagnara et Hadley, 1973). Au niveau des

larges taches noires de l’animal, les EMU sont à la fois nombreuses et bien développées,

alors que dans le derme, les DCU ne sont pas complètement formées. Les bords de ces

taches sont précisément définis par une absence d’EMU qui va de pair avec l’apparition de

DCU bien développées. Au niveau des zones tégumentaires entre les taches, une

Ici, les mélanosomes sont répartis dans les extrémités des excroissances dendritiques du mélanophore

et remplissent ainsi l’espace au-dessus de l’iridophore.

Mélanosomes

Iridophore

Page 54: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

48

correspondance existe entre l’absence d’EMU et la présence de DCU. Ce schéma

d’alternance entre les DCU et les EMU semble assez commun. Un autre exemple de ces

associations entre le derme et l’épiderme se présente au niveau des taches du triton vert à

points rouges Notophthalmus viridescens. Les points rouges sont formés d’érythrophores

épidermiques contenant des caroténoïdes qui sont répartis en corrélation directe et

systématique avec de discrètes zones dermiques composées d’iridophores. L’association

entre des cellules pigmentaires du derme et de l’épiderme est un phénomène fréquent chez

les animaux qui présentent des motifs en points ou en taches.

4.3.3. L’organe chromatophore des céphalopodes

Le changement de couleur chez les céphalopodes est médié par des structures complexes qui

sont considérées comme étant des organes microscopiques à part entière. En effet, les

mélanophores, les érythrophores et les xanthophores sont composées de cinq types

cellulaires différents : le chromatophore primitif, des fibres musculaires radiales, des

axones, des cellules gliales et des cellules de la gaine (Figure 22). L’ensemble de ces

structures est aussi appelé chromatophore (Cloney et Florey, 1968 ; Kaplan, 2016).

Figure 22 : Représentation schématique de l'organe chromatophore de calmar à l'état rétracté (d'après

Cloney et Florey, 1968)

Noyau du

chromatophore

Fibres

musculaires

radiales

Jonction

myo-musculaire Axone

Replis de la

membrane

cytoplasmique

Compartiment pigmenté Saccule

cytoélastique

Cellule

gliale

Chromatophore associé à des fibres nerveuses et à des fibres musculaires chez un calmar. Ici le chromatophore est à

l’état rétracté, sa membrane cytoplasmique se repliant autour du compartiment pigmenté. Seules quelques fibres

musculaires sont représentées.

Page 55: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

49

Bien que la couleur des différentes unités de chromatophores varie selon la couleur

des pigments qu’elles contiennent, leur morphologie reste semblable. Notons que les

mélanophores aux pigments marron sont généralement plus larges que les lipophores aux

pigments jaunes ou rouges. Les aspects microscopiques des granules pigmentaires dans les

différents types de chromatophores sont comparables (Messenger, 2001). Les céphalopodes

possèdent des milliers de chromatophores contenant chacun un type de pigment, rouge,

jaune ou orange.

Les leucophores et les iridophores des céphalopodes ne contiennent pas de pigments

vrais, mais des protéines comme la réflectine, concentrées dans les rubans lamellaires. Ces

cellules réfléchissent la lumière en sélectionnant des gammes de longueurs d’onde bien

précises. Elles ne sont pas associés à des fibres musculaires (Kaplan, 2016).

Page 56: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

50

Page 57: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

51

DEUXIÈME PARTIE : MÉCANISMES

CELLULAIRES RESPONSABLES DES

CHANGEMENTS DE COULEURS

1. Coloration pigmentaire et coloration structurelle

1.1. Description de la synthèse additive et soustractive des couleurs

La couleur est la perception visuelle des ondes électromagnétiques appartenant au domaine

de la lumière visible et dont la longueur d'onde est comprise entre 380 nm et 780 nm pour

les hommes. Ces bornes peuvent légèrement varier d'une espèce à l'autre. Les ondes

électromagnétiques sont caractérisées par plusieurs paramètres. La couleur d'une onde est

définie par la valeur de sa longueur d'onde. L'intensité lumineuse d'une onde est définie par

la valeur de son amplitude (Lafait et Berthier, 2016).

La synthèse additive résulte du mélange d’émissions lumineuses colorées. L’addition

de trois couleurs primaires, le rouge, le bleu et le vert en proportions égales donne de la

lumière blanche. La synthèse soustractive résulte de l’absorption d’une partie du spectre

lumineux par un filtre, par exemple un colorant. L’addition de trois filtres de couleurs

primaires, le cyan, le jaune et le magenta en proportions égales absorbe la totalité du spectre

lumineux. En synthèse additive, le mélange de deux couleurs aboutit toujours à une couleur

plus lumineuse alors qu’en synthèse soustractive, la couleur obtenue est moins lumineuse

que les couleurs initiales (Larousse, 2016).

Il existe plusieurs mécanismes d'interaction entre la lumière et la matière produisant

des couleurs. La couleur pigmentaire correspond à l'absorption de certaines longueurs

d'onde par les pigments et la réflexion des autres longueurs d'onde. Les longueurs d'onde les

moins absorbées et les plus réfléchies définissent la couleur du pigment (Lafait et Berthier,

2016). Les pigments interagissent avec la lumière selon le principe de synthèse soustractive.

A l’inverse, la couleur structurelle n’est pas produite par absorption de certaines

longueurs d’onde mais elle est le résultat de la réflexion, de la diffusion ou de l’interférence

de celles-ci. Les ondes réfléchies et diffusées interagissent selon le principe de synthèse

additive (Parker et Martini, 2006).

1.2. Biochromes, supports de la couleur pigmentaire

Les pigments biologiques, aussi connus sous le nom de biochromes, sont des substances

produites par des organismes vivants dont la couleur résulte de l’absorption sélective des

ondes appartenant au spectre de la lumière visible. La partie d’une molécule responsable de

sa couleur est appelée chromophore. Un chromophore est un groupement d’atomes

comportant une alternance de simples et de doubles liaisons, c’est-à-dire une séquence de

doubles liaisons conjuguées. Les électrons d’une telle séquence forment un nuage

électronique qui entre en résonance au passage d’un rayonnement lumineux et absorbe une

Page 58: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

52

certaine gamme de longueurs d’onde. Les longueurs d’onde qui ne sont pas absorbées sont

diffusées et définissent la couleur de la molécule. Par exemple, le β-carotène possède onze

doubles liaisons conjuguées. Cette séquence forme un chromophore qui absorbe

principalement les longueurs d’onde entre 400 nm et 500 nm. Ce pigment diffuse les

longueurs d’onde entre 500 nm et 700 nm, ce qui lui confère sa couleur orange (Zollinger,

2003). Les spectres d’absorption de deux xanthophylles et d’une ptéridine sont présentés sur

la figure 23.

Figure 23 : Spectres d’absorption de trois pigments présents dans les lipophores (d'après Grether et al.,

2004).

1.3. Schémochromes, supports de la couleur structurelle

Au cours du vingtième siècle, il a été démontré que l’aspect physique des structures

biologiques avait une importance dans la coloration de l’animal et le concept de « couleur

structurelle » a émergé. Les schémochromes sont des structures microscopiques en

multicouche dont la couleur résulte de la réflexion sélective de plusieurs longueurs d’onde

de la lumière et de la transmission des autres. Il est progressivement apparu que les

propriétés iridescentes spectaculaires de nombreux insectes et oiseaux n’étaient pas dues à

la présence de pigments bleus ou verts mais à des schémochromes et qu’elles étaient

attribuables à deux phénomènes physiques principaux (Kinoshita et al., 2008). Le premier

phénomène est l’interférence des ondes composant la lumière. Il se produit quand des

structures biologiques, telles que des fibrilles ou des lamelles sont arrangées de façon

ordonnée et forment un réseau de diffraction. Le second phénomène intervenant dans la

formation de la couleur structurelle est appelé effet Tyndall. Il traduit la diffusion, c’est-à-

dire la dispersion dans diverses directions des ondes lumineuses incidentes sur des

particules de matière de dimensions comparables à leur longueur d’onde. La couleur

structurelle comporte donc deux principales origines physiques : l’effet Tyndall et les

interférences entre les ondes lumineuses (Parker et Martini, 2006).

La tunaxanthine (Tx), l’astaxanthine (Ax) et la drosoptérine (Dr) sont des pigments respectivement jaune,

orange et rouge présents dans les xanthophores et les érythrophores de nombreux vertébrés. Ils absorbent

les longueurs d’onde entre 400 nm et 550 nm et diffusent le reste du spectre de la lumière visible.

Longueur d’onde (nm)

Page 59: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

53

1.3.1. Effet Tyndall

La couleur structurelle est principalement responsable de la coloration bleue ou verte

observée chez les amphibiens et les lézards. La couleur bleue obtenue par l’effet Tyndall

résulte de la diffusion de la lumière réfléchie par les iridophores. Lorsque la lumière blanche

entre en contact avec les plaquettes réfléchissantes au sein de ces cellules, il se produit une

diffusion différentielle de la lumière. L’intensité de la diffusion de la lumière par des

structures de dimensions comparables aux longueurs d’onde est proportionnelle à la

fréquence de l’onde (et inversement proportionnelle à la longue d’onde). En conséquence la

lumière de couleur bleue est plus diffusée que la lumière de couleur rouge. Les courtes

longueurs d'onde sont diffractées tandis que les grandes longueurs d'onde passent au travers.

De ce fait, les iridophores peuvent apparaître bleuâtre à la lumière réfléchie, excepté

lorsqu'ils sont recouverts par des cellules pigmentaires, jaunes par exemple, qui agissent

comme des filtres et donnent une coloration finale verte. La densité et l'orientation des

plaquettes réfléchissantes de certains iridophores sont telles que la coloration bleutée

résultant de l'effet Tyndall est remplacée par la couleur blanche de la lumière qui est

totalement réfléchie. L'aspect verdâtre obtenu lorsque les iridophores sont recouverts par des

xanthophores est alors remplacé par un aspect bronzé, voir doré (Bagnara et Matsumoto,

2006 ; Parker et Martini, 2006).

1.3.2. Principe d’interférence

Lorsque deux ondes lumineuses de même longueur d'onde se rencontrent, elles interagissent

l'une avec l'autre. Cette interaction est nommée interférence et elle dépend du déphasage

entre les deux ondes (Lacour, 2005). La figure 24 présente les deux cas extrêmes

d’interférence.

Figure 24 : Phénomènes d'interférences constructives et destructives des ondes électromagnétiques.

Ondes en phase : Ondes en opposition de phase :

Interférences

constructives

Interférences

destructives

Longueur

d’onde

Amplitude

Page 60: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

54

Si les ondes se rencontrent et se superposent en phase, l'amplitude de l'onde

résultante augmente, c'est une interférence constructive. A l'inverse, si les ondes se

superposent en opposition de phase, l'amplitude résultante diminue, c'est une interférence

destructive. Entre ces deux extrêmes, l’amplitude de l’onde résultante peut prendre toutes

les valeurs intermédiaires (Lacour, 2005).

Un filtre interférentiel, aussi appelé filtre dichroïque est une structure qui entraîne

des phénomènes d'interférence entre les ondes réfléchies à sa surface. Tous les filtres

interférentiels sont constitués d'un motif qui se répète de façon régulière et qui sépare deux

matériaux dont les indices de réfraction sont différents. Ils possèdent donc une périodicité

spatiale. Pour que les ondes appartenant au domaine de la lumière visible puissent

s'interférer, la période de base de la structure doit être de l'ordre de grandeur de la longueur

d'onde du rayonnement visible. Les filtres ou réseaux interférentiels sont à la base des

couleurs structurelles et peuvent être de différentes dimensions : unidimensionnels,

bidimensionnels ou tridimensionnels. La modélisation d’une structure interférentielle

parfaite est le cristal photonique, c’est-à-dire une structure photonique périodique de taille

inférieure à la longueur d’onde. La figure 25 présente les trois dimensions possibles d’un

réseau photonique (Lacour, 2005).

Figure 25 : Les différentes dimensions des structures interférentielles, exemple des réseaux photoniques

(d'après Lacour, 2005).

1.3.2.1. Réseau unidimensionnel

La figure 26 présente le réseau unidimensionnel le plus simple, c’est-à-dire une structure

composée de deux surfaces réfléchissantes délimitant un espace dont l’indice de réfraction

diffère de l’indice de réfraction du milieu. Un rayon lumineux d'une longueur d'onde donnée

est réfléchi par les deux surfaces en deux autres rayons de même longueur d'onde. Ces deux

rayons peuvent donc interférer entre eux. Cette interférence dépend du déphasage entre les

deux ondes. Pour une longueur d'onde donnée, le type d'interférence est fonction de deux

paramètres : la distance entre les deux surfaces réfléchissantes et l'angle d'incidence du

rayon lumineux sur ces surfaces. La géométrie de la structure détermine que, à certains

angles d'incidence, les rayons réfléchis par les deux surfaces superposées interfèrent de

façon constructive ou destructive selon leur longueur d'onde (Lafait et Berthier, 2016).

Réseau unidimensionnel Réseau bidimensionnel Réseau tridimensionnel

1D 3D 2D

Page 61: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

55

Figure 26 : Réseau interférentiel unidimensionnel (Lafait et Berthier, 2016).

Plus la structure est composée d’un grand nombre de surfaces identiques parallèles et

à la même distance les unes des autres, plus l'amplitude des ondes en opposition de phase

diminue et plus l'amplitude des ondes en phase augmente. La couleur résultante est donc

définie par les longueurs d'onde les plus amplifiées (Lacour, 2005).

Les iridophores dermiques des céphalopodes sont formés de réseaux

unidimensionnels appelés réseaux de Bragg (DeMartini et al., 2013). Les mécanismes

cellulaires sont détaillés dans les parties suivantes.

1.3.2.2. Réseau tridimensionnel

Un réseau tridimensionnel est un arrangement périodique de matériaux dans les trois

dimensions de l’espace. Ces structures présentent des gammes de longueurs d'onde pour

lesquelles les ondes ne peuvent pas se propager et sont intégralement réfléchies quelles que

soient leurs incidences. Lorsqu’une onde atteint une telle structure, elle est diffractée, c'est-

à-dire réfléchie dans toutes les directions par les constituants qui agissent comme des

sources secondaires, de telle sorte que les ondes réfléchies peuvent interférer entre elles.

Pour une longueur d’onde donnée, ces ondes sont en phase dans certaines directions et

Ondes en phase : Interférences

constructives

Ondes en opposition de phase :

Interférences destructives

La couleur d’un réseau interférentiel dépend de son épaisseur D et de l’angle d’incidence de la

lumière θ. En (a) les ondes rouges sont en phase alors que les bleues sont en opposition de phase et

s’annulent. La structure interférentielle apparaît rouge. Pour que les ondes bleues interfèrent de manière constructive, il faut augmenter l’angle d’incidence

θ, en (b), ou diminuer l’épaisseur d, en (c). La structure interférentielle apparaît bleue.

D’après l’INSP / Jacques LAFAIT

Page 62: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

56

produisent des interférences constructives ; elles sont en opposition de phase dans d’autres

directions et produisent des interférences destructives. Ces directions ne dépendent que du

pas du réseau (distance entre les constituants), de l’angle d’incidence de la lumière et de

l’indice de réfraction des différents matériaux (Lacour, 2005).

Une partie des iridophores dermiques des caméléons sont des structures

tridimensionnelles formées d'un arrangement périodique de nanocristaux de guanine. Les

iridophores présentant de telles structures sont nommés S-iridophores (Teyssier et al.,

2015). Les mécanismes cellulaires sont détaillés dans les parties suivantes.

1.4. Couleur résultant de l’association des différents chromatophores

Lorsque la lumière blanche frappe la surface d’un animal tel qu’une grenouille verte, le

rayonnement de courtes longueurs d’onde (violet à bleu) est en grande partie absorbé par les

pigments jaunes et rouges des lipophores. Le rayonnement de grandes longueurs d’onde

(orange à rouge) traverse en grande partie les lipophores sans être absorbé, les iridophores

sans être réfléchi puis est absorbé par la mélanine des mélanophores. Le rayonnement de

longueurs d’ondes intermédiaires (jaune à vert) traverse la couche de lipophores puis est

réfléchi par les iridophores. Ainsi, le rayonnement réfléchi sur la peau d’une grenouille

contient une proportion élevée d’ondes de longueur intermédiaire. La couleur globale de

l’animal apparaît verte. Le passage de la lumière à travers les différentes couches de

chromatophores dermiques d’une grenouille d’apparence verte est présenté sur la figure 27.

Figure 27 : Interprétation schématique de la couleur verte des vertébrés, exemple d’une grenouille verte

(d'après Bagnara et Matsumoto, 2006 ; Grether et al., 2004).

Les lignes ondulées représentent les trajets des rayonnements de différentes longueurs d’onde à

travers les couches cellulaires dermiques d’une grenouille verte. La couleur verte est le résultat

de l’association entre les différents chromatophores dermiques.

Couche filtrante

Couche réfléchissante

Couche absorbante

Iridophores Leucophores

Mélanophores Fascia sous-

jacent Xanthophores Érythrophores

Page 63: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

57

2. Critères d’évaluation de la réponse des chromatophores à un

stimulus

En raison du grand nombre d'agents physiologiques qui conditionnent la réponse des

chromatophores, il est nécessaire d'avoir certains critères afin d'évaluer le degré de cette

réponse.

La méthode de Hogben et Slome est intéressante à utiliser car même si elle est

subjective, elle reste quantitative, simple et efficace (Fingerman et al., 1967). Cette méthode

associe des indices aux mélanophores selon leur état parmi cinq états distincts représentant

les différents degrés de dispersion pigmentaire dans la cellule. L'état 1 désigne la plus forte

agrégation pigmentaire et l'état 5 la plus forte dispersion pigmentaire possible. Les états 2, 3

et 4 représentent des dispersions pigmentaires intermédiaires. Ces indices cellulaires

peuvent être étendus aux différents chromatophores (Darnell et Rittschof, 2010). Selon l'état

de dispersion pigmentaire, le chromatophore est dit ponctué, étoilé ou réticulé :

– état 1 : chromatophore ponctué,

– état 2 : chromatophore ponctué-étoilé,

– état 3 : chromatophore étoilé,

– état 4 : chromatophore étoilé-réticulé,

– état 5 : chromatophore réticulé.

Ces différents états sont présentés sur la figure 28.

Figure 28 : Présentation des cinq états de dispersion pigmentaire dans les mélanophores selon la

méthode de Hogben et Slome (d'après Bagnara et Hadley, 1973 et Darnell et Rittschof, 2010).

Cinq états de dispersion des mélanosomes dans les mélanophores sont définis par

la méthode de Hogben et Slome pour faciliter les observations. Cependant, tous les

états intermédiaires existent.

Ponctué Ponctué-étoilé Étoilé Étoilé-réticulé Réticulé

Page 64: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

58

Une seconde méthode s'est développée pour son aspect plus objectif lors de

l'évaluation de la réponse des chromatophores à un stimulus. Elle implique la mesure

photoélectrique de la fraction de lumière incidente qui est réfléchie sur une surface donnée

de peau pigmentée, c'est-à-dire la mesure de la réflectance du tégument. La réflectance est

également nommée facteur de réflexion, elle représente la proportion de lumière réfléchie

par la surface d'un matériau (Tao et al., 2010). En outre, étant donné que cette méthode est

la plus largement utilisée in vitro, le problème lié à la mesure indirecte de la réponse

pigmentaire est évité et il devient possible d'étudier l'action de substances qui pourraient être

toxiques si elles étaient administrées in vivo. De plus, ces techniques in vitro permettent de

tester l'action de plusieurs substances administrées simultanément ou séquentiellement.

Malheureusement, elles ne permettent pas de vérifier les effets de ces substances à l'échelle

de l'individu. Ce dernier point représente une véritable limite lorsque l'on considère que la

réflectance d'une lumière incidente sur la peau d'un individu est le résultat de l'association

des différentes couches de chromatophores. En effet, tant que les différentes couches

cellulaires sont affectées d'une façon similaire par une action ou une substance, il n'y a pas

de véritables différences mais dès lors que l'un des types de chromatophores est stimulé et

que les autres ne le sont pas, les interprétations peuvent être erronées (Bagnara et Hadley,

1973). La figure 29 présente des mesures de la réflectance in vivo de la peau de deux

grenouilles Litoria rubella, l’une arborant une couleur foncée et l’autre une couleur claire.

Figure 29 : Mesure de la réflectance cutanée de grenouilles du désert Litoria rubella (Withers, 1995).

La réflectance de la peau dorsale d’une grenouille du désert Litoria rubella

sombre (indice de Hogben & Slome de 5) et d’une grenouille claire (indice

de Hogben & Slome de 2) mesurée in vivo.

Longueur d’onde (nm)

Page 65: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

59

C'est en fonction des caractéristiques d'une étude donnée que le choix de la

technique est réalisé, les différentes méthodes se révélant plus ou moins fiables selon les

critères d'évaluation de la réponse pigmentaire (Bagnara et Hadley, 1973 ; Withers, 1995).

3. Changement de couleur dit « morphologique »

Les changements de couleur ont été divisés en deux catégories, changements

morphologiques et physiologiques. La première catégorie implique une variation de la

quantité de pigment dans l’organisme qui est lente mais durable. À l’inverse, les

changements de couleur physiologiques participent au degré de dispersion des granules

pigmentaires au sein des chromatophores par des stimuli appropriés. Ceux-ci sont rapides et

réversibles en quelques secondes à quelques heures (Bagnara et Matsumoto, 2006).

Le changement de couleur chez de nombreuses espèces peut être dû à l’accumulation

ou la réduction de pigments contenus dans les cellules du tégument, c’est-à-dire à une

variation de concentration de ces cellules en pigments. Prenons l’exemple de deux individus

adultes de grenouilles Xenopus laevis placés respectivement dans un environnement noir et

un environnement blanc pendant six semaines : ils présentent des couleurs bien différentes,

le premier étant de couleur claire alors que le second est particulièrement foncé, marron à

noir (Bagnara et Hadley, 1973). L’observation microscopique de leur tégument montre que

la grenouille de couleur claire ne possède que peu de mélanophores épidermiques alors que

celle de couleur sombre possède un très grand nombre de ces mélanophores.

L’accumulation de pigments résulte de la synthèse de ces pigments et de leur dépôt par voie

cytocrine. Durant l’adaptation de ces grenouilles à un environnement de teinte foncée, les

mélanophores épidermiques déposent tellement de mélanine dans les cellules épidermiques

adjacentes que la superposition des différentes couches aboutit à une teinte complètement

noire de leur peau dorsale.

Ces variations de couleur sont médiées en parallèle par l’augmentation ou la

diminution par apoptose du nombre total de mélanophores épidermiques dans la peau de

l’animal. De telles augmentations sont imputables à une prolifération de mélanophores

existants ou à la mélanisation de mélanoblastes, c’est-à-dire de mélanophores indifférenciés

latents (Bagnara et Hadley, 1973).

Les autres types de chromatophores sont aussi actifs dans ce phénomène. Leurs

activités peuvent compléter celles des mélanophores. Ceci a bien été démontré chez certains

poissons tels que le Girella nigricans : lorsqu’ils sont maintenus dans un environnement

clair, la quantité de mélanine dans les mélanophores diminue de façon concomitante avec

une augmentation de guanine au sein des iridophores (Sumner, 1944). À l’inverse, un

environnement sombre entraîne une diminution de la quantité de guanine et une

augmentation de la concentration en mélanine. Des observations similaires ont été faites

chez les amphibiens (Bagnara et Hadley, 1973).

Ces changements de couleur sont relativement lents (plusieurs jours à plusieurs

semaines selon les espèces) et nécessitent une variation tissulaire ou cellulaire. C’est la

forme d’homochromie variable la plus lente car elle résulte d’une adaptation de longue

durée dans des environnements globalement foncés ou clairs. Afin de les différencier des

variations de couleur plus rapides qui ne modifient pas la composition chimique des cellules

Page 66: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

60

et du tégument, certains auteurs parlent de changement de couleur morphologique dans le

premier cas et de changement de couleur physiologique dans le second cas, malgré le fait

que tous ces phénomènes soient physiologiques (Bagnara et Matsumoto, 2006). Le premier

type d’homochromie variable est observé chez les ectothermes et se rapproche de

l’homochromie dite saisonnière chez les homéothermes par les mécanismes qui sont mis en

œuvre. En effet, les modifications saisonnières de couleur chez les mammifères et les

oiseaux sont basées sur la quantité relative de mélanine qui est déposée dans les poils et les

plumes en croissance.

4. Changement de couleur dit « physiologique »

Le changement de couleur dit « physiologique » est en partie lié au déploiement des

pigments sur une surface tégumentaire plus ou moins large. Ce déploiement peut être réalisé

par extension et contraction des différents chromatophores, mais aussi par dispersion et

agrégation des granules pigmentaires dans le cytoplasme de ces cellules. Dans la majorité

des cas, et en particulier pour les mélanophores, les modifications physiologiques

impliquent la migration des granules de pigments dans des cellules dont les frontières

cytoplasmiques restent fixes (Novales et Novales, 1961). Cependant, l’extension et la

contraction des chromatophores est aussi une méthode employée par certaines espèces, en

particulier par les céphalopodes qui utilisent des fibres musculaires afin d’étendre leurs

cellules pigmentaires. Ces variations de couleur sont rapides, de quelques secondes à

quelques minutes, et nécessitent un contrôle bien précis (Bagnara et Matsumoto, 2006).

5. Migrations des organites pigmentaires au sein des mélanophores,

des lipophores et des cyanophores

Comme toutes les cellules eucaryotes, les chromatophores possèdent un cytosquelette, c’est-

à-dire un réseau structurel organisé de polymères intracellulaires. Le cytosquelette confère

classiquement les propriétés architecturales et mécaniques des cellules. Il est composé de

trois grands types de polymères protéiques : les filaments d’actine, les filaments

intermédiaires et les microtubules. Ces composants sont constamment renouvelés par des

phénomènes de polymérisation et dépolarisation. C’est un système dynamique qui a donc un

rôle structurel mais aussi fonctionnel (Wickstead et Gull, 2011).

La microscopie électronique révèle que les chromatophores des poissons, des reptiles

et des amphibiens contiennent une abondance de microtubules et de filaments d'actine bien

organisés, avec relativement peu de filaments intermédiaires. Leur densité et leur

arrangement spatial dans la cellule sont variables selon les espèces (Ligon et Mccartney,

2016 ; Murphy et Tilney, 1974 ; Obika et Negishi, 1985). Cependant, leur structure varie

peu (Bagnara et Matsumoto, 2006).

Les microtubules sont les constituants les plus rigides du cytosquelette. Ce sont des

structures cylindriques creuses d’un diamètre de 25 nm et constituées d’unités de 13

Page 67: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

61

protofilaments protéiques disposés en couronne et de longueur très variable. Ces

protofilaments sont formés par la polymérisation de dimères de tubulines (tubuline α et β).

Les microtubules sont polarisés : leur réseau cellulaire a pour centre le centrosome d’où ils

irradient, les extrémités proches du centre étant négatives et les extrémités éloignées

positives. Leur dynamique est très rapide (Wickstead et Gull, 2011).

Les microfilaments (ou filaments d’actine) sont de longues fibres de 7 nm de

diamètre composées d’unités de deux chaînes polypeptidiques flexibles et disposées en

double hélice. Ces chaînes sont formées par la polymérisation de protéines globulaires

d’actine. Le réseau de microfilaments se situe principalement en périphérie du cytoplasme.

Les filaments d’actine sont également polarisés et forment un réseau cellulaire dynamique

(Wickstead et Gull, 2011).

Les filaments intermédiaires sont les composants les plus stables du cytosquelette,

formés d’un entrelacement résistant de protéines de 8 à 10 nm. Ils participent notamment à

la structure du noyau. Les filaments intermédiaires ne sont pas polarisés (Wickstead et Gull,

2011).

Lorsque les chromatophores d’amphibiens sont exposées à des agents causant la

dépolymérisation des microtubules (tels que la colchicine, la vinblastine, le nocodazole),

l'agrégation des organites pigmentaires est totalement bloquée, le plus souvent de façon

irréversible (Obika et Negishi, 1985).

Lorsque ces cellules sont traitées avec des molécules agissant sur les filaments

d'actine en se liant aux extrémités positives et en empêchant leur polymérisation (telles que

la cytochalasine), les résultats diffèrent selon les espèces. Chez les amphibiens Xenopus et

Rana pipiens, la dispersion des mélanosomes dans les mélanophores traités avec la

cytochalasine est inhibée alors que dans des mélanophores de poisson exposés à la

cytochalasine, la migration des pigments ne semble pas affectée (Bagnara et Matsumoto,

2006 ; Schliwa et Bereiter-Hahn, 1974). Les microtubules et les microfilaments sont donc

impliqués dans la translocation des organites pigmentaires, même s’il existe une certaine

diversification dans le rôle des filaments d'actine selon les espèces étudiées. La polarité du

cytosquelette offre une double motilité avec une possibilité de migrations centripètes ou

centrifuges des organites pigmentaires (Wickstead et Gull, 2011).

Les filaments intermédiaires sont peu impliqués dans les mouvements d’organites

intracellulaires et ne semblent pas intervenir dans la translocation des organites pigmentaires

(Bagnara et Matsumoto, 2006).

Les protéines responsables des mouvements des organites le long du cytosquelette

sont des protéines motrices principalement représentées par les myosines sur les

microfilaments d’actine et par les dynéines et les kinésines sur les microtubules (Bagnara et

Matsumoto, 2006).

Les myosines utilisent l’énergie fournie par l’hydrolyse de l’ATP pour se déplacer le

long des microfilaments d’actine. Dans les mélanocytes des mammifères, la myosine V

diffère des myosines musculaires classiques. Elle est impliquée dans le transport des

mélanosomes du centre de la cellule vers la périphérie où les pigments sont transférés aux

kératinocytes adjacents. La myosine V a un rôle similaire chez les amphibiens Xenopus et

Page 68: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

62

elle coexiste avec les dynéines et les kinésines sur les mélanosomes (Rogers et Gelfand,

1998).

Les dynéines et les kynésines utilisent respectivement l’énergie de l’hydrolyse du

GTP et de l’ATP pour se déplacer le long des microtubules. Les dynéines entraînent les

organites de l’extrémité positive vers l’extrémité négative des microtubules, c’est-à-dire

vers le centre de la cellule. Elles permettent l’agrégation des organites pigmentaires. En

effet, l’injection d’anticorps anti-dynéine inhibe l’agrégation pigmentaire dans les

mélanophores de poissons et d’amphibiens (Bagnara et Matsumoto, 2006). A l’inverse, les

kinésines permettent le déplacement des organites de l’extrémité négative vers l’extrémité

positive des microtubules, soit vers la périphérie de la cellule. Elles permettent donc la

dispersion des organites pigmentaires. Des injections d’anticorps anti-kinésine II dans des

mélanophores d’amphibiens empêchent la dispersion pigmentaire sans affecter l’agrégation

(Tuma et al., 1998). Ces résultats confirment la participation de différentes protéines

motrices dans les deux phases de dispersion et d’agrégation (Aspengren et al., 2008).

Au cours de l'agrégation et de la dispersion, les mélanosomes se déplacent de

manière synchrone le long des microtubules à une vitesse de 0,5 à 1,5 µm/s (Zaliapin et al.,

2005).

Les protéines motrices liées aux microtubules interviennent lors des déplacements

des organites pigmentaires sur de longues distances. Les dynéines permettent leur

agrégation et la kinésine II permet leur dispersion. La myosine V liée aux filaments d’actine

agit sur de plus courtes distances (Wu et al., 1998). Lors d’une agrégation, les organites

pigmentaires à la périphérie de la cellule sont déplacés le long des filaments d’actine

jusqu’aux microtubules grâce à la myosine V. Cela permet ensuite leur transport par les

dynéines vers le centre de la cellule. Lors de la dispersion, les organites pigmentaires sont

transportés par la kinésine II le long des microtubules du centre vers la périphérie de la

cellule, puis sont répartis de façon uniforme dans tout le cytoplasme par la myosine V

(Tuma et Gelfand, 1999). Ce système associant deux types de transport est appelé

« transport vésiculaire à double filament » (Gross et al., 2002). La relation entre ces deux

systèmes de motilité est représentée dans la figure 30.

Page 69: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

63

Figure 30 : Implication du cytosquelette et des protéines motrices dans la translocation des mélanosomes

chez les téléostéens et les amphibiens (Bagnara et Matsumoto, 2006).

Les mécanismes intervenant dans la translocation pigmentaire sont relativement

similaires parmi les différents clades. Le cytosquelette des chromatophores joue un rôle

majeur dans le transport des organites pigmentaires au sein des chromatophores des

squamates, des amphibiens, des poissons et des crustacés. Les céphalopodes diffèrent des

autres clades car la dispersion des pigments est passive dans la cellule. L’état d’extension du

chromatophore et donc des pigments qu’il contient dépend de la contraction des fibres

musculaires radiales qui lui sont associées (Ligon et Mccartney, 2016).

6. Variations des structures réfléchissantes au sein des iridophores

6.1. Particularités des iridophores des céphalopodes

Les céphalopodes sont capables de modifier réversiblement leur apparence en quelques

secondes. L’aptitude de leurs chromatophores à modifier la concentration de leurs pigments

et la capacité de leurs iridophores à altérer la réflexion de la lumière leur permettent de

produire des couleurs couvrant tout le spectre de la lumière visible (DeMartini et al., 2015).

Les iridophores permettent aux céphalopodes de réfléchir la lumière en sélectionnant

certaines longueurs d’onde grâce au principe d'interférence. La modification des structures

Modèle illustrant l’implication de trois protéines motrices, des microtubules et des

filaments d’actine dans la translocation des mélanosomes de poissons ou d’amphibiens. La myosine V et les filaments d’actine permettent la dispersion complète et uniforme des

mélanosomes dans le mélanophore.

Dynéine

Kinésine II

Myosine V

Agrégation Dispersion

Page 70: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

64

microscopiques au sein de leurs rubans lamellaires peut entraîner des interférences

constructives ou destructives des ondes (Tao et al., 2010).

Pour réfléchir la lumière de façon sélective, deux critères sont indispensables : d’une

part, la distance entre les rubans lamellaires doit être de l’ordre de la longueur d’onde de la

lumière réfléchie, et d’autre part l’indice de réfraction des rubans lamellaires doit différer de

celui de l’espace présent entre ces organites (Mäthger et Hanlon, 2007). Ces deux critères

sont garantis par la structure cellulaire très particulière des iridophores. Ces cellules

possèdent de nombreuses invaginations de leur membrane cytoplasmique. La membrane

cytoplasmique s’invagine profondément dans la cellule entre les rubans lamellaires présents

dans le cytoplasme, les séparant les uns des autres par un espace extracellulaire. De plus, les

rubans lamellaires sont composés d’une accumulation de protéines, les réflectines, dont

l’indice de réfraction est plus élevé que celui du milieu extracellulaire et peut varier selon

leur conformation (Crookes, 2004 ; DeMartini et al., 2013). La figure 31 présente des

iridophores de calmar observés à l’œil nu, au microscope optique, au microscope

électronique en transmission et au microscope électronique à balayage.

Figure 31 : Iridophores de calmar de Californie Doryteuthis opalescens observés à différents

grossissements (DeMartini et al., 2013, 2015).

En (a), calmar de Californie Doryteuthis opalescens présentant des taches iridescentes rouges formées

par des iridophores. En (b), observation au microscope optique de larges chromatophores bruns et d’iridophores rouges,

oranges et jaunes. En (c), observation au microscope optique d’iridophores à un plus fort grossissement. La zone noire au

centre des cellules correspond à l’emplacement de leur noyau. La ligne blanche en pointillés représente

la section d’un iridophore observée au microscope électronique en transmission, présentée en (f). En (d), observation au microscope électronique à balayage d’un iridophore isolé. Deux sections ont été

réalisées dans la cellule afin d’exposer les replis de la membrane cytoplasmique. L’une des sections est

présentée à plus fort grossissement en (e). À chaque repli correspond un ruban lamellaire. En (f), les rubans lamellaires parallèles les uns aux autres contiennent de la réflectine condensée.

b a c

d e f

10 µm 1 µm

Page 71: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

65

Au sein des iridophores, la succession de rubans lamellaires et d’espaces

extracellulaires forme un filtre interférentiel unidimensionnel. En effet, cette structure est

composée d'une alternance de couches protéiques de haut indice de réfraction, les rubans de

réflectines, et d’espaces de faible indice de réfraction, le milieu extracellulaire (DeMartini et

al., 2013 ; Mäthger et Hanlon, 2007 ; Tao et al., 2010). La structure du filtre interférentiel

unidimensionnel formé par les rubans lamellaires est présentée sur la figure 32.

Figure 32 : Filtre interférentiel unidimensionnel formé par la succession de rubans lamellaires et

d’espaces extracellulaires dans un iridophore de calmar Doryteuthis opalescens (Tao et al., 2010).

Lors du changement de couleur, le système nerveux central envoie un signal

électrique le long des fibres nerveuses jusqu’aux iridophores où de l'acétylcholine est

libérée. La transduction du signal conduit à la modification de la conformation de la

réflectine qui devient hydrophobe. En conséquence, il se produit un passage de l’eau

intracellulaire vers le milieu extracellulaire. La concentration en réflectine augmente et

l’épaisseur des rubans lamellaires diminue. Les invaginations membranaires permettent aux

cellules d’échanger rapidement l'eau entre le milieu intracellulaire et le milieu

extracellulaire lors de ce changement de conformation. Ainsi, le flux d’eau entre l'espace

extracellulaire et le réseau de réflectines ne perturbe pas les concentrations des autres

éléments cytoplasmiques. Les processus métaboliques ne sont donc pas modifiés (DeMartini

et al., 2013).

Lorsque les réflectines se condensent, l’indice de réfraction des rubans lamellaires

augmente, passant de 1,343 pour une concentration en réflectine de 10 mg/mL jusqu’à 1,356

pour une concentration de 50 mg/mL (Kaplan, 2016). De plus, le flux d’eau intracellulaire

vers le milieu extracellulaire cause une diminution de l’épaisseur des rubans lamellaires. A

une concentration en réflectine fixe, il existe une relation directe entre l'épaisseur des rubans

lamellaire et la longueur d'onde de la lumière réfléchie. Selon leur longueur d’onde, les

En (a), succession de rubans lamellaires (sombres) et d’espaces extracellulaires (clairs) dans un

iridophore de calmar Doryteuthis opalescens en microscopie électronique. En (b), la structure en multicouches se comporte comme un filtre interférentiel unidimensionnel

grâce à la différence entre les indices de réfraction de la réflectine (n > 1,34) et du milieu

extracellulaire (n = 1,34). Les rayons lumineux (flèches rouges) se réfléchissent à la surface des

rubans lamellaires en subissant des interférences constructives.

b a

200 nm

Ruban lamellaire

composé de

réflectines

Milieu

extracellulaire

Membrane

cytoplasmique

Page 72: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

66

ondes réfléchies sur les différentes couches sont amplifiées par interférence constructive ou

réduites par interférence destructive. La diminution de l’épaisseur des rubans lamellaires et

l’augmentation de leur indice de réfraction sont responsables du changement de couleur des

iridophores (DeMartini et al., 2015 ; Tao et al., 2010). Enfin, la réflectance est aussi liée à la

concentration en réflectine. L’augmentation de cette concentration augmente le pourcentage

de lumière qui est réfléchie (Kaplan, 2016 ; Tao et al., 2010). Les effets d’une variation de

l’épaisseur des rubans lamellaires ou d’une variation de la concentration en réflectine sont

présentés sur la figure 33.

Figure 33 : Effets de l’épaisseur des rubans lamellaires et de la concentration en réflectine sur la

réflectance et la couleur des iridophores (d'après Tao et al., 2010).

L’application d’acétylcholine a donc deux effets sur la couleur des iridophores. Leur

couleur varie du rouge vers le bleu grâce à la réduction de l’épaisseur des rubans lamellaires

et varie d’intensité grâce à l’augmentation de leur indice de réfraction (Kaplan, 2016 ; Tao

et al., 2010). La figure 34 présente l’effet de l’acétylcholine sur la couleur des iridophores

de calmars Doryteuthis opalescens.

En (a), pour une épaisseur des rubans lamellaires constante (120 nm) lorsque la concentration en

réflectine augmente (nombres indiqués en-dessous des courbes, de 10 à 50 mg/mL) la réflectance des

rubans lamellaires augmente.

En (b), pour une concentration en réflectine constante (40 mg/mL), lorsque l’épaisseur des rubans

lamellaires augmente (nombres indiqués au-dessus des courbes, de 20 à 160 nm) la longueur d'onde

de la lumière réfléchie augmente.

b a

Longueur d’onde (nm) Longueur d’onde (nm)

Épaisseur des rubans

lamellaires (nm)

Page 73: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

67

Figure 34 : Effets de l’acétylcholine sur la couleur des iridophores de calmars Doryteuthis opalescens

(d'après Tao et al., 2010).

6.2. Particularités des iridophores des caméléons

Les caméléons changent de couleur en partie grâce aux phénomènes de dispersion et

d'agrégation des organites pigmentaires dans leurs chromatophores dermiques. Cependant,

les variations de couleur sont aussi permises par le réglage actif d'un réseau de nanocristaux

de guanine présent dans une épaisse couche superficielle d'iridophores dermiques, notés S-

iridophores. De plus, les caméléons présentent une couche plus profonde d'iridophores

dermiques, notés D-iridophores. Ceux-ci possèdent de larges cristaux de guanine

désorganisés qui réfléchissent une proportion importante de la lumière du soleil, en

particulier dans le domaine des infrarouges. L'organisation de ces iridophores en deux

couches dermiques superposées bien distinctes constitue une nouveauté évolutive parmi les

squamates. Elle permet à certaines espèces de caméléons telles que les caméléons panthères

Furcifer pardalis de combiner un camouflage efficace par des changements rapides et

spectaculaires de couleurs et une protection thermique passive contre les rayonnements

infrarouges du soleil (Teyssier et al., 2015).

En (a), représentation schématique de la diminution de l’épaisseur des rubans lamellaires de

plusieurs iridophores de calmar lors de l’ajout d’acétylcholine sur un fragment de tégument (Ach).

En (b), le changement de couleur du rouge vers le bleu a lieu en moins de 10 minutes. Les réactions

cellulaires dépendent de l’épaisseur de l’échantillon de tissu sur lequel est appliqué l’acétylcholine.

Toutes les mesures ont été réalisées à un même angle d’incidence.

b

a

Longueur d’onde (en nm)

Durée (t) en

secondes

160 nm

20 nm

Page 74: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

68

Une coupe transversale de la peau d’un caméléon Furcifer pardalis et l’organisation

des cristaux de guanine au sein des deux types d’iridophores rencontrés dans le derme sont

présentés sur la figure 35.

Figure 35 : Coupe transversale de la peau d’un caméléon panthère Furcifer pardalis (d'après Teyssier et

al., 2015).

L’excitation d’un caméléon panthère mâle en présence d’un autre mâle entraîne un

changement de couleur de sa peau du bleu au vert puis au rouge. Ce changement d’état a été

présenté sur la figure 3. L’évolution de la couleur de la peau est difficilement explicable

lorsque l’on considère uniquement les simples phénomènes de dispersion et d’agrégation

des pigments dans les chromatophores à cause de l’absence de pigments bleus dans les

chromatophores. Il est donc certain qu’un mécanisme de réglage de la couleur structurelle

est utilisé (Teyssier et al., 2015).

Cristaux de guanine

organisés, de tailles et

de formes similaires

En (a), coupe transversale de la peau d’un caméléon panthère observée au microscope optique. En (b), image

par microscopie électronique à transmission des nanocristaux de guanine présents dans les S-iridophores et

les D-iridophores. ep : épiderme. S-irid : couche dermique superficielle de S-iridophores. D-irid : Couche dermique profonde de

D-iridophores.

20 µm 200 nm

a b

Cristaux de guanine

désorganisés, de

tailles et de formes

différentes

Page 75: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

69

La couche supérieure du derme se développe totalement chez les caméléons mâles

adultes, elle est réduite chez les femelles et les juvéniles. Elle contient des S-iridophores

contenant des agrégats de petits cristaux de guanine tous semblables, de diamètre d’environ

127 nm (127,4 +/- 17,8 nm). Ces nanocristaux sont organisés en un arrangement périodique

répété dans ces cellules. L’indice de réfraction des cristaux de guanine est de 1,83, alors

que celui du cytoplasme est de 1,33 (Morrison et al., 1996). Cet agencement périodique

entre les nanocristaux de guanine de haut indice de réfraction et le cytoplasme de faible

indice de réfraction forme un réseau similaire à une structure interférentielle

tridimensionnelle, c’est-à-dire à un cristal photonique (Vukusic et Sambles, 2003). Le

réseau de cristaux de guanine constitue un cristal dit cubique à faces centrées, modélisé sur

la figure 36.

Figure 36 : Modélisation du réseau de nanocristaux de guanine dans les S-iridophores d’un caméléon

Furcifer pardalis (d'après Teyssier et al., 2015).

En (a), image par microscopie électronique à transmission des nanocristaux de guanines présents dans

les S-iridophores.

En (b), modélisation en trois dimensions d’un réseau cubique à faces centrées. Un même réseau apparaît différemment selon l’axe du plan de coupe.

200 nm

a b Distance entre

deux sommets

d’un cube centré

Page 76: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

70

Sur la figure 37, il est possible de comparer une image de microscopie électronique

obtenue sur un échantillon de peau bleu-vert d’un caméléon panthère Furcifer pardalis à

l’état de repos avec une seconde image d’un échantillon de peau jaune-orange du même

caméléon à l’état stimulé. La taille des cristaux de guanine dans les S-iridophores ne varie

pas, mais la distance entre ces cristaux est en moyenne supérieure de 30% lorsque la peau

du caméléon est à l’état stimulé par rapport à l’état de repos (Teyssier et al., 2015).

Figure 37 : Réseau de nanocristaux de guanine dans les S-iridophores à l’état de repos et à l’état stimulé

(d'après Teyssier et al., 2015).

Étant donné que même de légères modifications de la géométrie dans un cristal

photonique peuvent générer des changements considérables de couleur, il est supposé que

les caméléons panthères passent d'une couleur vive à une autre en modifiant l'espacement

des cristaux de guanine dans leurs S-iridophores (Vukusic et Sambles, 2003). Par

conséquent, il semble que ce soit l'augmentation de la distance moyenne entre les

nanocristaux chez les caméléons panthères mâles stimulés qui entraîne un changement de

réflectivité sélective des S-iridophores, des courtes longueurs d’ondes (bleu) aux longues

(rouge), provoquant ainsi le changement de couleur de la peau, du vert au jaune-orangé.

Dans certaines zones de leur peau, la couche supérieure du derme est bien développée, mais

une grande partie des S-iridophores est remplacée par des lipophores contenant des

pigments rouges. Cela explique que la peau teintée de rouge à l’état de repos ne change pas

de façon spectaculaire lors de l'excitation, mais que sa luminosité et son éclat augmentent

(Teyssier et al., 2015).

Afin de mesurer les variations de couleur, le diagramme de chromaticité de la

Commission Internationale de l’Éclairage (CIE) est utilisé. Ce diagramme permet de

représenter toutes les chromaticités perceptibles dans un plan, c’est-à-dire toutes les

couleurs en fonction de trois couleurs primaires sans tenir compte de l’intensité lumineuse.

Lors du passage de l’état de repos à l’état stimulé, la distance entre les

nanocristaux de guanine augmente.

État de repos État stimulé

200 nm

Page 77: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

71

L’évolution de la couleur de la peau d’un caméléon mâle passant de l’état de repos à l’état

stimulé est similaire à celle d’un cristal cubique à faces centrées dont la distance entre ses

composants augmente (Teyssier et al., 2015). Ces variations sont présentées sur la figure 38.

Figure 38 : Variation de la couleur de la peau d’un caméléon Furcifer pardalis en fonction de la distance

entre les cristaux de guanine dans les S-iridophores (d'après Teyssier et al., 2015).

La figure 39a présente l’évolution de la couleur d’un échantillon de peau stimulé, de

couleur jaune-orangé, exposé à une solution hypertonique. La pression osmotique provoque

le rétrécissement du réseau de cristaux de guanine en diminuant la distance entre les

cristaux. Ce traitement entraîne un décalage de la réflectivité des S-iridophores de

l’échantillon du rouge-orangé vers le bleu, en mimant le passage du réseau de guanine d’un

état stimulé vers un état de repos. La couleur d’un S-iridophore subissant une augmentation

d’osmolarité extracellulaire évolue progressivement sur l'ensemble du spectre visible, du

rouge vers le bleu. La réflectance obtenue pour les différentes valeurs de distance entre les

cristaux de guanine correspond étroitement à celle observée in vivo. Par conséquent,

l'expansion et la contraction du réseau cristallin dans les S-iridophores sont deux

phénomènes qui suffisent à expliquer les changements réversibles de couleurs observées in

vivo. Comme aucune orientation préférentielle des cristaux de guanine par rapport à la

surface de la peau n’a été observée dans la couche de S-iridophores, la couleur globale d’un

Espace colorimétrique CIE

Sur ce diagramme colorimétrique de la Commission Internationale de l’Éclairage (CIE), les points

rouges représentent l’évolution temporelle de la couleur d’un caméléon Furcifer pardalis mâle passant

de l’état de repos à l’état stimulé. La ligne blanche en pointillés correspond à la simulation de la réponse

optique d’un cube à faces centrées de nanocristaux de guanine, dont les distances (a) entre les cristaux

sont indiquées par les chiffres et les flèches noires.

(a)

Page 78: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

72

S-iridophore est la couleur moyenne générée par l’ensemble des directions possibles des

ondes électromagnétiques réfléchies au sein du réseau de guanine (Teyssier et al., 2015).

Elle est présentée sur la figure 39b.

Figure 39 : Évolution de la couleur d’un S-iridophore de caméléon Furcifer pardalis à l’état stimulé

soumis à une solution hypertonique (d'après Teyssier et al., 2015).

Les iridophores présents dans les couches plus profondes du derme, notés D-

iridophores, contiennent des cristaux de guanine désorganisés, de diamètres variables, plus

larges et plus aplatis que ceux des S-iridophores (200 à 600 nm de longueur, 90 à 150 nm de

hauteur) (Figure 35). Ces cristaux réfléchissent une certaine proportion du rayonnement du

soleil, spécialement dans le proche infrarouge (longueur d’onde allant de 750 nm à 1400

nm). L’épaisse couche de D-iridophores a donc le potentiel pour jouer chez certaines

espèces telles que le caméléon panthère un rôle important dans la protection thermique. Les

En (a), évolution de la couleur d’un S-iridophore à l’état stimulé dans un diagramme colorimétrique de la

Commission Internationale de l’Éclairage (CIE) lorsque celui-ci est soumis à une solution hypertonique.

La pression osmotique entraîne une diminution de la distance entre les cristaux de guanine et donc un

changement de couleur. En (b), la couleur moyenne est représentée pour certaines valeurs de distance entre les cristaux de

guanine, notée a.

b

a

Passage de

l’état stimulé

à l’état de

repos (en seconde)

Espace colorimétrique CIE

(a)

Passage de l’état stimulé à l’état de repos en fonction de la

distance ‘a’ entre les cristaux de guanine

Page 79: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

73

D-iridophores sont présents chez tous les caméléons (Chamaeleo calytratus, Rhampholeon

spectrum, Kinyongia matschiei) quels que soient leur âge ou leur sexe (Teyssier et al.,

2015).

L’absorption de la lumière du soleil dans le proche infrarouge est diminuée

d’environ 45% grâce aux D-iridophores chez les espèces telles que le caméléon casqué

(Chamaeleo calyptratus) et le caméléon panthère (Furcifer pardalis), qui se trouvent

respectivement au nord de Madagascar et au Yémen, c’est-à-dire dans des environnements

chauds, secs et fortement exposés au soleil (Teyssier et al., 2015).

Page 80: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

74

Page 81: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

75

TROISIÈME PARTIE : LE CONTRÔLE

PHYSIOLOGIQUE, DE L’INTÉGRATION DES

STIMULI À LA RÉPONSE PHYSIQUE

1. Intégration des stimuli environnementaux

1.1. Rôle de la vision

Un animal doué d’homochromie variable doit nécessairement percevoir la lumière et les

couleurs de son environnement. La plupart des vertébrés présentent deux types de

photorécepteurs dans leur rétine : des bâtonnets pour la vision en faible luminosité et des

cônes pour la lumière vive et colorée (Bowmaker, 1998 ; Olsson et al., 2013).

Chez les squamates le système visuel privilégie les cônes. Cinq types de cônes sont

décrits chez les lézards diurnes et quatre d’entre eux sont utilisés pour la vision des

couleurs, chacun contenant un photo-pigment spécifique. Les lézards sont capables de

percevoir un large spectre de la lumière ainsi qu’une partie des ultraviolets (de 300 à 700

nm environ) (Olsson et al., 2013). Les poissons téléostéens ont une grande diversité de

pigments visuels. Les espèces diurnes en particulier possèdent quatre types de cônes. Ainsi

de nombreuses espèces de poissons téléostéens perçoivent les couleurs et une faible partie

des ultraviolets. Les amphibiens ont aussi la vision des couleurs, en particulier du jaune et

du vert (Bowmaker, 1998).

Les céphalopodes ont des yeux comparables à ceux des vertébrés. Leurs rétines

possèdent des composants communs de la phototransduction tels que la rhodopsine, pigment

protéique photosensible présent dans les bâtonnets des vertébrés. Cependant ils ne disposent

pas de la vision des couleurs (Mäthger et Hanlon, 2007). Même si les céphalopodes sont

incapables de détecter les couleurs, ils peuvent différencier les polarisations des ondes

lumineuses. L’agencement orthogonal des photorécepteurs offre une sensibilité optimale à

la polarisation (Kaplan, 2016). La vision de la polarisation de la lumière est plus

intéressante que la vision des couleurs pour des animaux évoluant dans un environnement

aquatique. Le spectre lumineux disponible diminue lorsque la profondeur de l'eau augmente.

De plus, lorsque la lumière pénètre dans l'eau la réflexion sur la surface polarise une grande

partie des ondes horizontalement. Dans cet environnement, une vision de la polarisation

permet de mieux détecter les objets (Mäthger et Hanlon, 2007 ; Talbot et Marshall, 2011).

1.2. Photorécepteurs cutanés

Les chromatophores répondent à divers signaux lumineux. Les yeux jouent un rôle

prépondérant dans la perception de l’environnement, mais il existe aussi des réponses non

visuelles lorsque le chromatophore est associé à des photorécepteurs. En effet, des pigments

photosensibles comme la rhodopsine ont été trouvés dans la peau de certaines espèces, au

niveau du derme et liés aux chromatophores. Les photorécepteurs cutanés utilisent une voie

de phototransduction similaire à ceux de la rétine. Ils sont couplés aux protéines G et sont

incorporés dans la membrane des cellules photoréceptrices (Kingston et al., 2015 ; Oshima,

2001).

Page 82: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

76

Des morceaux de peau isolés de lézards du genre Anolis deviennent bruns exposés au

soleil alors qu’ils restent verts à la lumière diffuse ordinaire. La sensibilité des

chromatophores chez les amphibiens est particulièrement présente dans les stades larvaires.

Par exemple les mélanophores sur la queue de têtards du genre Xenopus sont à l’état

dispersé à l’obscurité et ils concentrent leurs mélanosomes lors d’une exposition directe à la

lumière. Enfin, des érythrophores de poissons tilapia du Nil Oreochromis niloticus cultivés

in vitro dispersent leurs pigments en quelques minutes seulement lorsqu’ils sont éclairés, le

degré de la réponse dépendant de l’intensité lumineuse (Oshima, 2001).

Chez les céphalopodes des pigments photosensibles sont présents dans les

chromatophores et sont absents dans les iridophores (Kingston et al., 2015).

La sensibilité des chromatophores à la lumière est donc présente chez certaines

espèces. Cependant, le rôle des chromatophores en tant que photorécepteurs est

généralement limité. La photosensibilité des chromatophores est souvent masquée par les

contrôles hormonaux et nerveux qui sont liés au système visuel (Oshima, 2001).

1.3. Effets de la température

Chez les lézards Anolis, le froid cause un assombrissement de leur peau, alors que les fortes

chaleurs entraînent un éclaircissement de leur peau. En considérant une valeur de

réflectance de la peau de 100% à température classique de 24°C, cette valeur augmente

jusqu'à un plateau de 115% en 15 minutes à 50°C, signe d'un éclaircissement léger, alors

qu'à une température de 4°C, elle diminue dans le même laps de temps jusqu'à un plateau de

85% correspondant à un faible assombrissement cutané (Hadley et Goldman, 1969).

A 4°C, l'effet de la MSH sur le tégument est plus lent mais il est toujours présent. La

noradrénaline, qui entraîne normalement un éclaircissement rapide d'une peau traitée à la

MSH, n'a pas d'effet à de faibles températures. Sous des conditions de basses températures,

la dispersion des organites pigmentaires peut ainsi se produire malgré une faible

température, alors que l'agrégation de ces organites est impossible. Les mécanismes

aboutissant à l'agrégation des organites pigmentaires nécessitent donc un besoin énergétique

supérieur par rapport à ceux provoquant leur dispersion (Hadley et Goldman, 1969).

De même chez les amphibiens, la température a un effet sur leur couleur. Par

exemple, une grenouille Bokermannohyla alvarengai s’éclaircit lorsqu’elle est exposée à

une forte chaleur (Figure 1(e)). Dans des conditions froides et humides, la peau de l’anoure

Chiromantis xerampelina est plus sombre que lors d'une journée chaude et sèche. Cette

espèce d’amphibien est capable de devenir entièrement blanche pour limiter au maximum

les risques de chaleur excessive et de pertes hydriques délétères (Kaul et Shoemaker, 1989 ;

Rudh et Qvarnström, 2013).

2. Les voies effectrices

Les chromatophores peuvent être affectés par le système hormonal, le système nerveux ou

par l’action directe de l’environnement (Bagnara et Matsumoto, 2006).

Page 83: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

77

2.1. Le contrôle hormonal

2.1.1. Les hormones des vertébrés

Le contrôle hormonal existe chez la plupart des amphibiens, des squamates et des poissons

osseux. Un certain nombre de glandes endocrines libèrent des hormones qui peuvent agir

directement sur les cellules pigmentaires ou indirectement en inhibant la sécrétion d’autres

hormones qui ont une action sur ces cellules. Classiquement, les hormones sont produites

selon les couleurs (ou teintes) de l’environnement de l’animal, spécialement à des fins de

camouflage pour la fuite ou la prédation (Aspengren et al., 2008). Cependant, certaines

hormones sont aussi sécrétées en fonction de l’illumination de l’environnement. Les

chromatophores peuvent aussi être directement sensibles à des facteurs environnementaux

tels que la température ou la luminosité. Les effets directs et indirects des hormones et des

autres stimuli peuvent agir de façon simultanée, et certains chromatophores répondent

différemment à un même stimulus. La régulation de la sécrétion des hormones peut même

changer avec l’âge de certains animaux (Stuart-Fox et Moussalli, 2009).

2.1.1.1. Les hormones hypophysaires et épiphysaires

2.1.1.1.1. Relation entre hypophyse et teintes de l’environnement

2.1.1.1.1.1. La mélanocortine

La glande pituitaire, aussi appelée hypophyse est impliquée dans le contrôle de la coloration

du tégument chez les amphibiens par le biais d’hormones qu’elle sécrète. En effet,

l’implantation d’un lobe intermédiaire isolé de grenouille chez un têtard ayant subi une

hypophysectomie assombrit celui-ci. Cette expérience est la preuve de l’existence d’une

hormone stimulant les chromatophores, nommée mélanocortine ou mélanotropine ou MSH

(melanophore-stimulating hormone) (Swingle, 1921). Chez les amphibiens, cette hormone

disperse les mélanosomes au sein des mélanophores, mais elle entraîne aussi une agrégation

des plaquettes réfléchissantes au sein des iridophores et une dispersion des organites

pigmentaires dans certains lipophores (Bagnara et Matsumoto, 2006).

Les chaînes peptidiques de MSH provenant de l’hypophyse de différents

mammifères présentent une même séquence d’acides aminés. Cette séquence est un

heptapeptide, c’est-à-dire qu’elle est constituée de sept acides aminés liés entre eux toujours

dans le même ordre, de l’extrémité N-terminale vers l’extrémité C-terminale : méthionine,

acide glutamique, histidine, phénylalanine, arginine, tryptophane, glycine. Cette séquence

joue un rôle important et efficace dans la mobilisation des granules pigmentaires

(Aspengren et al., 2008). L’intégralité de la séquence en acides aminés de la MSH est

présente dans la corticotropine (ou ACTH, adrenal corticotropic hormone). La présence de

la structure heptapeptidique dans l’ACTH explique l’activité stimulante de celle-ci sur les

chromatophores. De nombreuses hormones hypophysaires possèdent cette structure

heptapeptidique telles que l’α-MSH, la β-MSH, l’α2-CRF, la β-lipotropine, et l’ACTH.

Toutes ces hormones ont donc à partir d’un certain seuil de concentration sérique une

activité sur les chromatophores (Bagnara et Matsumoto, 2006). Les structures primaires de

l’α-MSH, la β-MSH et l’ACTH sont présentées sur la figure 40.

Page 84: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

78

Figure 40 : Séquence heptapeptidique commune entre de l’α-MSH, la β-MSH et l'ACTH (d'après

Bagnara et Hadley, 1973).

L’effet des hormones sur les chromatophores est quantifiable par la méthode in vitro

de réflectance photométrique. La stimulation hormonale sur des morceaux de peau

d’amphibien entraîne le mouvement des organites pigmentaires dans les chromatophores

dermiques. Cela aboutit à un éclaircissement ou un assombrissement de la peau quantifié

grâce aux variations de réflectance sur la surface épidermique. Chez la grenouille Rana

pipiens, les variations de réflectance résultent à la fois des mouvements des mélanosomes

dans les mélanophores et des plaquettes réfléchissantes dans les iridophores (Bagnara et al.,

1968 ; Bagnara et Matsumoto, 2006).

Chez les amphibiens, la MSH entraîne une dispersion rapide des mélanosomes dans

les mélanophores épidermiques. Cette variation de distribution des organites pigmentaires

cause des changements de couleur mesurables aussi bien qualitativement à l’œil nu que par

des mesures quantitatives de réflectance. En ce qui concerne cette hormone, la réponse des

mélanophores épidermiques est très proche de celle des mélanophores dermiques. La grande

taille de ces derniers est responsable de leur forte implication dans les changements

physiologiques de couleur des vertébrés ectothermes. D’un autre côté, les mélanophores

épidermiques jouent principalement un rôle dans les changements morphologiques de

couleur, que ce soit chez les amphibiens, les reptiles, les oiseaux ou les mammifères

(Bagnara et Hadley, 1973).

L’α-MSH, la β-MSH et l’α-ACTH possèdent une même séquence de 7 acides aminés qui dispose

d’une activité sur les chromatophores.

α-MSH

α-ACTH

β-MSH

Chromatophores

Mobilisation des granules

pigmentaires

Page 85: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

79

Chez le lézard Anolis carolinensis, les variations de réflectance mesurées lors de

l’application de MSH sur des morceaux de peau sont entièrement dues au mouvement des

mélanosomes. Ces résultats in vitro correspondent à ce qui se produit normalement chez ces

animaux in vivo. La fine sensibilité de la mesure de réflectance permet de mettre en

évidence un assombrissement de la peau de grenouille ou de lézard par la stimulation par la

MSH à une concentration de 10-11

mol/L (Carter et Shuster, 1982).

2.1.1.1.1.2. Implication de la pars intermedia dans le contrôle des

mélanophores

L’hypophyse des grenouilles est clairement délimitée en trois lobes principaux : la pars

nervosa, de la post-hypophyse, la pars intermedia et la pars distalis appartenant toutes deux

à l’anté-hypophyse (Schreibman, 2012). L’assombrissement de la peau est à la fois stimulé

par la pars intermedia et la pars distalis. La seconde est bien plus grande que la première,

mais lorsqu’elles sont utilisées à des dilutions similaires, la fraction de pars intermedia est

encore plus efficace dans le brunissement de la peau des amphibiens que la pars distalis.

Une fraction de 1/4000 de pars intermedia suffit à modifier la réflectance à la surface de

morceaux de peau. Les variations de résultat entre les utilisations des deux parties de l’anté-

hypophyse impliquent une différence qualitative ou quantitative entre les hormones

sécrétées par celles-ci. L'hypothèse retenue est la suivante : la pars distalis contient une

partie des hormones (dont la MSH) sécrétées par la pars intermedia ce qui explique que son

action soit plus faible que celle de la pars intermedia. Contrairement aux hormones de

l’anté-hypophyse, celles de la pars nervosa n’entraînent pas de variation de la réflectance

(Bagnara et Hadley, 1973).

L’ablation de la pars intermedia chez les amphibiens entraîne une défaillance dans le

contrôle des chromatophores, ce qui confirme clairement le rôle du lobe intermédiaire de

l’hypophyse et de la MSH dans la régulation de la coloration tégumentaire. L’interruption

du développement de la pars intermedia chez des larves argentées de Hyla regilla provoque

ensuite chez les grenouilles adultes l’apparition d’un tégument de couleur claire et celles-ci

sont incapables de s’adapter à un environnement de teinte foncée. Les pars distalis et

nervosa sont présentes et normalement développées chez ces individus, ce qui exclut leur

implication dans la production de MSH. Cette donnée permet de supposer que le rôle de ces

lobes hypophysaires dans le contrôle des chromatophores est minimal, voire absent (Eakin

et Bush, 1957). Toutes les hormones sécrétées par la glande anté-hypophysaire qui ont une

action sur les mélanocytes appartiennent au groupe des intermédines. La MSH appartient

évidemment à ce groupe. Les intermédines sont les hormones majoritairement responsables

de la régulation des changements de couleur chez les vertébrés (Bagnara et Matsumoto,

2006).

Page 86: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

80

2.1.1.1.1.3. Rôle de la mélanocortine dans le contrôle des autres

chromatophores

Les iridophores qui participent au changement physiologique de couleur chez certains

amphibiens et poissons téléostéens sont sous contrôle hormonal. Dans un environnement de

couleurs foncées, ces cellules sont contractées et ont une forme sphérique, alors que dans un

environnement clair (ou lorsque l’animal est hypophysectomisé), elles s’étendent et

prennent une forme étoilée. Ce sont des intermédines qui causent l’agrégation des plaquettes

réfléchissantes autour du noyau dans les iridophores, et ces organites se redispersent dans

tout le cytoplasme en absence de ces hormones. La réponse des iridophores aux

intermédines est similaire quel que soit le stade de développement des amphibiens,

contrairement à la réponse des mélanophores qui est modifiée lors de la métamorphose du

têtard en grenouille adulte (Bagnara et Matsumoto, 2006).

Tous les chromatophores d’un individu ne répondent pas à la stimulation

endocrinienne. Les iridophores, comme les mélanophores, montrent un gradient dans leur

réponse physiologique selon un axe ventro-dorsal. Les mélanophores et les iridophores sur

la partie dorsale de la peau des grenouilles répondent complètement et plus rapidement à

une injection de MSH (ou dans à un environnement aux couleurs foncées) que ceux de la

zone ventrale. A l’inverse, les effets de la MSH se dissipent plus rapidement sur les

chromatophores ventraux. Lorsque les iridophores ne sont associés à aucun mélanophore

(sur des zones ventrales), ils ne répondent à aucune stimulation endocrinienne. Cela

implique qu’il existe un seuil concernant les effets des hormones sur les chromatophores et

qu’il est déterminé au niveau cellulaire (Bagnara et Hadley, 1973).

Chez la plupart des amphibiens, les lipophores sont peu impliqués dans les

changements physiologiques de couleur. Ces chromatophores présentent majoritairement

leurs organites pigmentaires de façon dispersés. L’état de dispersion de ces organites est

faiblement modifié par la MSH. Cette hormone peut cependant provoquer une légère

dispersion des organites pigmentaires dans les xanthophores et les érythrophores (Bagnara

et Matsumoto, 2006).

Parmi les reptiles, le lézard Anolis présente des xanthophores et des iridophores qui

ne répondent à aucune stimulation hormonale (Bagnara et Hadley, 1973). De même, les

iridophores du lézard Urosaurus ornatus ne répondent pas à une administration de MSH.

Seuls les mélanophores de ces lézards sont sensibles à l’action de la MSH (Morrison et al.,

1996).

Chez les poissons, plusieurs espèces présentent des xanthophores et des

érythrophores qui dispersent leurs organites pigmentaires sous l’action d’hormones

hypophysaires (Fujii, 2000).

Les actions hormonales sur les chromatophores dépendent donc fortement de

l’espèce considérée, et la relation entre la MSH et les déplacements des organites

pigmentaires ou des plaquettes réfléchissantes n’est pas universelle (Ligon et Mccartney,

2016).

Page 87: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

81

2.1.1.1.1.4. Rétrocontrôle de l'hypothalamus sur l'hypophyse

Le contrôle de la sécrétion d’intermédines, tout comme celui de la sécrétion des autres

hormones hypophysaires réside au niveau de l’hypothalamus. Des lésions de

l’hypothalamus entraînent un noircissement de nombreuses espèces d’amphibiens, ce qui

suggère que les fibres nerveuses hypothalamo-hypophysaires sont responsables de

l’inhibition de la pars intermedia (Bagnara et Matsumoto, 2006 ; Etkin, 1941 ; Guardabassi,

1961).

Un plexus, c'est-à-dire une organisation fonctionnelle et spatiale de nerfs, est présent

dans la pars intermedia de la grenouille Rana temporaria. Ces nerfs sont noradrénergiques

et sont entrelacés avec les cellules du lobe intermédiaire de l'hypophyse. Chez le crapaud

Bufo arenarum, la microscopie électronique réalisées sur les extrémités synaptiques des

nerfs dans la pars intermedia met en évidence la présence de nombreuses vésicules

contenant la noradrénaline. Le contrôle de la pars intermedia par l'hypothalamus est réalisé

par des fibres nerveuses noradrénergiques non neurosécrétantes, car la noradrénaline (aussi

appelée norépinephrine et appartenant à la famille des catécholamines) est libérée en tant

que neurotransmetteur et non en tant que neurohormone (Bagnara et Hadley, 1969 ; Iturriza,

1964).

Chez les amphibiens, le contrôle de la pars intermedia est réalisé par des nerfs

« classiques » sécrétant des neurotransmetteurs, du moins en partie, car il n'est pas exclu que

des nerfs neurosécréteurs interviennent par le biais de neurohormones (Barker Jørgensen et

Larsen, 1963). Des voies nerveuses noradrénergiques et cholinergiques interviennent dans

l’inhibition de la sécrétion de MSH. L’acétylcholine stimule de manière très efficace la

sécrétion de MSH (Dierst-Davies et al., 1966). Pour cela, la voie cholinergique inhibe une

seconde voie nerveuse noradrénergique qui est inhibitrice de la sécrétion de MSH.

L'acétylcholine libérée par les axones cholinergiques de l'hypothalamus inhibe donc les

neurones noradrénergiques qui, lorsqu'ils sont actifs, sécrètent de la noradrénaline au niveau

de l'hypophyse qui a pour fonction d'inhiber la sécrétion de MSH (Bagnara et Matsumoto,

2006).

La régulation de l’hypophyse par l’hypothalamus chez les amphibiens est présentée

sur la figure 41.

Page 88: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

82

Figure 41 : Régulation de la sécrétion hypophysaire de MSH par l'hypothalamus chez les amphibiens

(d'après Bagnara et Hadley, 1973).

L'hypothalamus régule l'hypophyse et la sécrétion de MSH à la fois par un système

inhibiteur et un système stimulateur de la pars intermedia chez les autres vertébrés (Bagnara

et Matsumoto, 2006).

Chez les poissons, les deux catégories de synapses, neurosécrétantes et

noradrénergiques sont présentes dans la pars intermedia. Il est supposé que les neurones

sécrétant des neurohormones régulent la synthèse de MSH alors que les neurones

noradrénergiques contrôlent l'exocytose de la MSH. Une double innervation de ce type dans

le lobe intermédiaire des amphibiens est possible mais n'est pas encore démontrée (Bagnara

et Hadley, 1973).

Il est actuellement difficile d'évaluer les rôles relatifs des neurones noradrénergiques,

cholinergiques et neurosécréteurs dans la régulation de la fonction sécrétoire de la pars

intermedia. Cependant, il est probable que la majorité des vertébrés ectothermes utilisent

principalement les voies nerveuses noradrénergiques pour changer rapidement de couleur en

fonction de leur environnement (Bagnara et Matsumoto, 2006 ; Ligon et Mccartney, 2016).

Hypophyse

Les neurones noradrénergiques de l’hypothalamus sécrète de la noradrénaline qui inhibe la

sécrétion de MSH au niveau de la pars intermedia. La levée de cette inhibition est permise par les

neurones cholinergiques qui sécrètent de l’acétylcholine et inhibe les neurones noradrénergiques.

MSH

Pars intermedia

Hypothalamus

-

-

Acétylcholine Neurones

adrénergiques

Noradrénaline

Voie inhibitrice

Neurones

cholinergiques

Sécrétion

Page 89: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

83

2.1.1.1.1.5. Mécanisme d'action de la mélanocortine sur ses

récepteurs

La MSH est l'hormone la plus efficace dans la dispersion des mélanosomes, mais

l'intégralité de sa séquence peptidique n'est pas nécessaire pour garantir son activité. Le

noircissement de la peau de grenouille peut être provoqué in vitro par la séquence

pentapeptidique suivante : His-Phe-Arg-Try-Gly. La séquence peptidique nécessaire à la

réponse des iridophores est identique. Ces résultats impliquent que cette séquence est

impliquée dans l'action de la MSH à la fois sur les mélanophores et les iridophores

(Bagnara, 1964a).

Les iridophores et les mélanophores possèdent des récepteurs à la MSH qui sont

identiques, ou du moins similaires. La différence de réponse entre ces deux types de

chromatophores soumis à une même stimulation par la MSH est attribuable à l'interaction du

second messager avec les éléments fonctionnels spécifiques à chaque type cellulaire. La

MSH provoque la dispersion des mélanosomes dans les mélanophores et l’agrégation des

plaquettes réfléchissantes dans les iridophores, ce qui conduit à un assombrissement global

du tégument (Bagnara et Matsumoto, 2006).

Il existe des récepteurs membranaires spécifiques aux intermédines (MSH, ACTH)

sur les mélanophores et les iridophores. Ces récepteurs sont activés par la séquence

heptapeptidique spécifique aux intermédines. Au moins cinq récepteurs à la MSH sont

décrits chez les mammifères. L’utilisation de divers antagonistes spécifiques à l’α-MSH sur

des mélanophores de grenouille confirme la présence d’au moins un de ces récepteurs, noté

MCR-1 (Bagnara et Matsumoto, 2006). Les récepteurs à la MSH appartiennent à la famille

des récepteurs couplés aux protéines G. La fixation de l’hormone sur son récepteur entraîne

l’activation intracellulaire de la protéine G qui active à son tour une enzyme membranaire,

l’adénylate cyclase. Celle-ci produit de l'adénosine 3',5'-monophosphate cyclique, autrement

appelée AMPc, à partir d’ATP. L’AMPc intervient dans la chaîne de réaction en tant que

second messager (Kobayashi et al., 2016).

2.1.1.1.1.6. Second messager intracellulaire

L'AMPc est un nucléotide cyclique qui agit souvent comme intermédiaire dans l'action des

hormones ou des neurotransmetteurs (Kobayashi et al., 2016). Dans le cas de l'action de la

MSH, la production d'AMPc entraîne la dispersion des mélanosomes dans les

mélanophores. En effet, l'ajout d'AMPc sur des fragments de peau de grenouille in vitro

provoque un assombrissement et mime l'action de la MSH. La réponse est lente et minime,

mais cela s'explique par la pénétration difficile de ce nucléotide dans les cellules (Bagnara et

Hadley, 1969 ; Bagnara et Matsumoto, 2006 ; Bitensky et Burstein, 1965 ; Novales et Davis,

1967).

Page 90: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

84

En présence de MSH, seule la partie dorsale du tégument des grenouilles Rana

pipiens s'assombrit, alors que la partie ventrale ne change pas de couleur. Les mesures de

concentration d'AMPc dans le tégument de ces mêmes grenouilles après une injection de

MSH correspondent à ces observations : la concentration d'AMPc en partie dorsale

augmente alors que la concentration en partie ventrale reste stable (Abe et al., 1969).

L'ACTH, de même que la MSH, cause une augmentation de concentration

tégumentaire en AMPc d'autant plus forte que la peau s'assombrit. Les intermédines (MSH,

ACTH) agissent sur les iridophores grâce au même messager secondaire. De même que

pour les mélanophores, la présence de MSH entraîne une augmentation en AMPc

intracellulaire, uniquement dans les iridophores dorsaux. Il en résulte une agrégation des

plaquettes réfléchissantes dans ces iridophores (Bagnara et Hadley, 1969 ; Kobayashi et al.,

2016).

Le facteur dominant la régulation des mouvements pigmentaires chez les vertébrés

est la présence ou l'absence de MSH circulante dans le sang. Il existe cependant d'autres

hormones qui agissent sur les cellules pigmentaires (Ligon et Mccartney, 2016).

2.1.1.1.2. Relation entre épiphyse et luminosité de l’environnement

Alors que les environnements de teintes foncées provoquent un assombrissement de la

majorité des amphibiens, et ceux de teintes claires un éclaircissement, l’effet de la lumière à

court terme semble opposé. En effet, la lumière entraîne l’assombrissement de nombreux

amphibiens par dispersion de leurs mélanosomes alors que l’obscurité provoque leur

éclaircissement (Bagnara et Matsumoto, 2006).

Des études montrent que des têtards de grenouille Xenopus laevis aveugles et placés

dans le noir s’éclaircissent de la même façon que des têtards normaux (Bagnara, 1960 ;

Laurens, 1915). Cette observation permet de suspecter l’existence d’un système

photochimique régulant l’état des mélanophores dermiques. Cependant, lorsque les larves

de grenouille sont placées dans le noir, leur éclaircissement temporaire ne semble pas être en

relation directe avec un contrôle photochimique au niveau des mélanophores mais plutôt par

un système endocrinien. En effet, la rapidité d’agrégation des mélanosomes dans le noir est

concordante avec une sécrétion hormonale dans la circulation générale. Elle va de pair avec

le plus lent rétablissement de la dispersion des organites pigmentaires qui correspond à la

diminution progressive de la concentration en hormones circulantes. Par conséquent,

l’hypothèse retenue est qu’il existe une glande qui joue à la fois le rôle de photorécepteur et

de glande endocrinienne chez les amphibiens (Bagnara, 1960). La réponse des

mélanophores de têtards de Xenopus laevis à des variations de luminosité est présentée sur

la figure 42.

Page 91: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

85

Figure 42 : Réponse des mélanophores de têtards de Xenopus laevis à des variations de luminosité,

exprimée selon la méthode de Hogben et Slome (d'après Bagnara et Hadley, 1973).

2.1.1.1.2.1. La mélatonine

La mélatonine (ou N-acétyl-5-méthoxytryptamine) est connue pour être l’hormone centrale

de la régulation des rythmes biologiques synthétisée surtout la nuit chez les mammifères

(Hardeland et al., 2006). Sa structure biochimique est présentée sur la figure 43.

Figure 43 : Formule topologique de la mélatonine (Hardeland et al., 2006).

Les têtards s’éclaircissent durant les 28 minutes d’exposition à l’obscurité. La rapidité d’agrégation des

mélanosomes à l’obscurité et le plus lent rétablissement vers leur état initial à la lumière concordent avec

une action hormonale.

Mélanophores superficiels

Mélanophores profonds

Note sur

l’indice de

Hogben et

Slome : État de

dispersion des

mélanosomes

dans les

mélanophores

Durée d’exposition (en minutes)

Obscurité Lumière

Page 92: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

86

C’est une neurohormone sécrétée en absence de lumière par l’épiphyse, autrement appelée

glande pinéale (ou encore organe frontal chez les amphibiens). La mélatonine provoque

l’agrégation des mélanosomes au sein des mélanophores chez les adultes et les larves de

Xenopus laevis. En présence de lumière, l’épiphyse est inhibée ce qui diminue la sécrétion

de mélatonine et entraîne la dispersion des mélanosomes dans les mélanophores et donc

l’assombrissement de l’animal. A l’inverse, l’absence de lumière stimule l’épiphyse qui

sécrète la mélatonine. Il en résulte une agrégation des mélanosomes et un éclaircissement du

tégument (Bagnara et Matsumoto, 2006 ; Bors et Ralston, 1951).

L’action de la mélatonine causant l’agrégation des mélanosomes est restreinte aux

mélanophores dermiques. Les mélanophores épidermiques et les iridophores ne répondent

pas à l’action directe de cette hormone (Bagnara et Matsumoto, 2006).

2.1.1.1.2.2. Rôle de l’épiphyse

Des structures photoréceptrices sont présentes dans l’épiphyse des amphibiens. Elles sont

semblables à celles trouvées dans les organes homologues chez les lézards (œil pariétal) et

chez les poissons (organe parapinéal) ou encore à celles présentes dans la rétine des yeux

des vertébrés. L’épiphyse des amphibiens est donc capable de capter une large gamme de

longueurs d’ondes et de sécréter des hormones en conséquence. Cette glande est contrôlée

directement par les variations de lumière, contrairement à l’épiphyse des mammifères qui ne

présente aucune structure photoréceptrice mais qui est régulée par une voie nerveuse activée

depuis les photorécepteurs oculaires. L’épiphyse des amphibiens est stimulée par l’absence

de lumière. Cela s’explique par les décharges spontanées de potentiels d’action au niveau de

la glande. Dans le noir, la tige épiphysaire présente une excitation périodique spontanée

sinusale qui est inhibée lorsque les photorécepteurs sont stimulés par la lumière (Bagnara et

Matsumoto, 2006).

Des études sur des têtards hypophysectomisés de Rana pipiens et de Hyla arenicolor

montrent clairement que le contrôle du blanchiment dans le noir n’est pas médié par

l’hypophyse, mais bien par l’épiphyse (Bagnara, 1964b). L’absence de MSH et des autres

intermédines chez de telles larves entraîne une contraction des mélanophores et une

extension des iridophores. Placées dans le noir, les mélanosomes qui sont déjà agrégés le

deviennent encore plus. De plus, chez ces têtards hypophysectomisés et traités avec de la

MSH, les mélanosomes se dispersent au sein des mélanophores, mais une fois placés dans le

noir, il se produit une agrégation des mélanosomes malgré la présence de MSH. Le

mécanisme intervenant dans le blanchiment à l’obscurité ne fait pas intervenir une inhibition

de l’hypophyse puisqu’il est présent chez les têtards hypophysectomisés. La mélatonine

outrepasse la dispersion des mélanosomes réalisée par les intermédines au niveau du

mélanophore et a une action prioritaire (Bagnara et Hadley, 1973).

La mélatonine n’a cependant aucun effet sur les iridophores ou sur les mélanophores

épidermiques. Elle agit uniquement sur les mélanophores dermiques. C’est un agent efficace

sur les mélanophores des têtards mais son action est très limitée sur les chromatophores des

amphibiens adultes, une fois la métamorphose des larves terminée. C’est donc une hormone

qui intervient majoritairement dans le blanchiment de ces animaux mais uniquement dans

Page 93: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

87

leurs premiers stades de développement (Bagnara, 1964b ; Bagnara et Matsumoto, 2006).

Certains poissons ont aussi la capacité de s’assombrir en présence de lumière et de

s’éclaircir à l’obscurité. Des photorécepteurs sont bien présents dans la glande parapinéale.

Cependant, la réponse n’est pas due à la libération d’hormone circulante telle que la

mélatonine comme chez les larves d’amphibiens. Les variations de teintes selon la

luminosité sont permises par un contrôle nerveux (Fujii, 2000).

Comme la plupart des amphibiens et des poissons, quelques reptiles blanchissent à

l’obscurité. Le lézard Anolis carolinensis est de couleur marron foncé dans un

environnement de teintes foncées et fortement illuminé. Il devient vert clair lorsqu’il est

placé à l’obscurité sans changer d’environnement de la même façon que lorsqu’il est

déplacé dans un environnement aux teintes plus claires mais toujours illuminé. La différence

avec les espèces précédentes est que chez les lézards, c’est l’hypophyse qui permet le

changement de couleur lorsque celui-ci est secondaire à une variation d’intensité lumineuse

de l’environnement. En effet, l’épiphyse et la mélatonine ne semblent avoir aucun rôle

direct dans la réponse cutanée des lézards au degré d’illumination (Kleinholz, 1938a). Il

existe probablement des photorécepteurs responsables de la régulation des sécrétions de

MSH par l’hypophyse mais ceux-ci ne sont pas dans les yeux car des lézards aveugles

peuvent aussi bien blanchir à l’obscurité. Ces photorécepteurs semblent être tégumentaires.

C’est l’hypothèse la plus probable mais elle reste à démontrer (Bagnara et Matsumoto,

2006).

Toutes ces observations révèlent que de nombreuses espèces s’éclaircissent

lorsqu’elles sont placées à l’obscurité. Les mécanismes physiologiques associés à ces

variations mettent en jeu différents organes et différentes hormones selon les stades de

développement de l’animal et l’espèce concernée ; ils ne sont cependant pas encore tous

compris et détaillés (Ligon et Mccartney, 2016).

2.1.1.2. Les hormones surrénaliennes

2.1.1.2.1. Effets des catécholamines sur les chromatophores

La réponse au stress chez les vertébrés dépend à la fois du système nerveux autonome et du

système endocrinien. L'hypothalamus, l'hypophyse et les glandes surrénales sont les

premiers organes impliqués. L'activation de la partie médullaire des glandes surrénales

conduit à la libération de catécholamines, c'est-à-dire d'adrénaline, et éventuellement de

noradrénaline dans le sang. Ces molécules provoquent une réponse très rapide qui induit des

changements physiologiques permettant de faire face à la cause du stress (Natelson et al.,

1981 ; Ottaviani et Malagoli, 2009). Sous certaines conditions de stress, les variations de

couleur chez les téléostéens, les amphibiens et les squamates peuvent être médiées par

l'action des catécholamines (Bagnara et Matsumoto, 2006).

Des études in vitro sur des mélanophores de poisson, d'amphibien et de reptile ont

montré que les catécholamines entraînent par leur action directe l'agrégation des organites

pigmentaires, mais aussi leur dispersion. La capacité de ces molécules à provoquer une

agrégation ou une dispersion des mélanosomes dépend de la nature des récepteurs

Page 94: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

88

adrénergiques présents sur les mélanophores (Horowitz, 1958 ; Kleinholz, 1938b ; Novales

et Davis, 1969). Par exemple, la grenouille mâle Litoria wilcoxii change rapidement de

couleur lors de l’amplexus, c’est-à-dire lors de l’accouplement. Le mâle s’accroche sur le

dos de la femelle et sa peau passe du marron au jaune en moins de dix minutes. Ce

changement de couleur est reproduit in vitro en injectant de l’adrénaline à une grenouille

mâle (Kindermann et al., 2014). La figure 44 compare l’effet d’une injection d’adrénaline et

celui de l’amplexus sur un individu mâle.

Figure 44 : Effet de l'amplexus et d'une injection d'adrénaline sur la couleur d'une grenouille Litoria

wilcoxii mâle (Kindermann et al., 2014).

Les catécholamines ont deux actions, l'une directe, sur les récepteurs des

chromatophores, l'autre indirecte sur l'axe hypothalamo-hypophysaire. Chez certaines

espèces d'amphibiens, l'action directe des catécholamines sur les chromatophores entraîne

un éclaircissement tégumentaire in vitro. Celle-ci est alors renforcée par leur action indirecte

inhibitrice de la sécrétion de MSH par l’hypophyse. Chez d'autres espèces d'amphibiens,

l'action directe des catécholamines entraînent une dispersion des mélanosomes et donc un

assombrissement de leur tégument. Cependant, l'action indirecte des catécholamines sur

l’hypophyse peut causer l'éclaircissement de la peau lorsque le tégument est déjà sombre,

malgré leur action directe qui tend à disperser les mélanosomes (Bagnara et Hadley, 1973).

C’est le cas des amphibiens Xenopus laevis présenté sur la figure 45.

Lors de l’amplexus, une grenouille Litoria wilcoxii mâle passe du marron au jaune

en 10 minutes. L’injection d’adrénaline provoque les mêmes variations de couleur.

Injection

d’adrénaline

Amplexus

10 min

Page 95: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

89

Figure 45 : Action de l’adrénaline sur l’état des mélanophores de Xenopus laevis.

Lorsque de l'adrénaline est injectée à des amphibiens Xenopus laevis

hypophysectomisés ou évoluant dans un environnement à teinte claire (note tégumentaire de

1 sur l'indice de Hogben & Slome), elle provoque un assombrissement de leur tégument,

l'indice de Hogben & Slome augmentant de 1 à 3. Dans ce premier cas, l'adrénaline cause la

dispersion des mélanosomes par son action directe sur les mélanophores. Cependant, chez

des individus de la même espèce évoluant dans un environnement à teinte foncée (note

tégumentaire de 5 sur l'indice de Hogben & Slome), l'adrénaline entraîne un éclaircissement

du tégument en moins d'une heure, l'indice de Hogben & Slome diminuant de 5 à 3. La

couleur initiale est par la suite récupérée en quelques heures. Alors que l'action directe de

l'adrénaline a pour cause une dispersion des mélanosomes, l'observation in vivo montre un

éclaircissement de leur peau. Ceci s'explique par l'action indirecte de l'adrénaline sur l'axe

hypothalamo-hypophysaire. Cette molécule, par son action inhibitrice sur la sécrétion de

MSH entraîne l'agrégation partielle des mélanosomes et donc l'éclaircissement partiel du

tégument (Bagnara et Hadley, 1973).

Chez les amphibiens, les poissons et certains squamates, l'adrénaline et la

noradrénaline peuvent aussi induire une agrégation ou une dispersion des plaquettes

réfléchissantes au sein des iridophores (Fujii, 2000 ; Ligon et Mccartney, 2016).

Adrénaline

Action directe

sur les

mélanophores

Action directe

sur les

mélanophores

Action indirecte

sur l’hypophyse

Hypophyse

Diminution du

taux de MSH

circulante

-

Adrénaline

Ponctués Étoilés Réticulés Réticulés Étoilés

Environnement à teinte claire

Ou larves hypophysectomisées

Environnement à teinte foncée

Page 96: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

90

2.1.1.2.2. Mécanisme d'action des catécholamines

Chez un lézard Anolis carolinensis au tégument assombri par la MSH, les catécholamines

causent un éclaircissement rapide in vivo et in vitro. La couleur marron foncé évolue alors

vers une couleur vert clair. Ces molécules agissent en se fixant sur des récepteurs

adrénergiques (Goldman et Hadley, 1969a ; Horowitz, 1958).

Il existe deux types de récepteurs adrénergiques : les récepteurs alpha et les

récepteurs bêta, chacun contrôlant classiquement des réponses opposées (Ligon et

Mccartney, 2016).

La présence des récepteurs alpha-2 sur les mélanophores d'Anolis carolinensis

explique l'éclaircissement tégumentaire observé en cas d'injection de catécholamines malgré

une concentration élevée en MSH. Les mélanophores de cette espèce n'étant pas innervés, la

sécrétion de catécholamines ne peut avoir lieu qu'au niveau de la glande médullosurrénale et

ces molécules doivent atteindre les récepteurs adrénergiques par voie sanguine. Dans la

nature, un stress provoque cette sécrétion et cause donc l'éclaircissement rapide de la peau

de ces lézards (Kleinholz, 1938b).

Les mélanophores d'Anolis carolinensis possèdent aussi des récepteurs bêta-

adrénergiques. Si les récepteurs alpha-adrénergiques sont bloqués, l'action de la

noradrénaline sur les récepteurs bêta-adrénergiques provoque un assombrissement de la

peau. Cependant, pour une même concentration en noradrénaline, les récepteurs alpha-

adrénergiques ont une plus forte action que les récepteurs bêta-adrénergiques sur l'état

d'agrégation des mélanosomes, ce qui explique l'éclaircissement global de la peau malgré

l'activation en parallèle des deux types de récepteurs (Goldman et Hadley, 1969a).

Il existe une grande variété de mélanophores chez les lézards Anolis carolinensis.

Certaines populations cellulaires possèdent à la fois les récepteurs alpha et bêta-

adrénergiques. D'autres possèdent uniquement des récepteurs bêta-adrénergiques, ou du

moins en grande majorité. Ces différences expliquent pourquoi les catécholamines peuvent

éclaircir ou assombrir certaines zones tégumentaires chez un même individu. Par exemple,

lors d'un stress, ces lézards s'éclaircissent de façon globale car la majorité de leurs

mélanophores possèdent des récepteurs alpha-adrénergiques en grand nombre. Néanmoins,

si ces lézards sont initialement de couleur vert clair (par exemple dans un environnement

clair), un stress peut causer l'apparition de taches plus foncées sur leur peau. Cela est dû à la

présence de mélanophores localisés et limités à ces taches. Ceux-ci ne possèdent que des

récepteurs bêta-adrénergiques. La stimulation adrénergique cause donc la dispersion de

leurs mélanosomes et l'assombrissement de certaines zones cutanées bien précises (Hadley

et Goldman, 1969).

Chez la plupart des amphibiens, les mélanophores possèdent aussi des récepteurs

alpha-adrénergiques qui peuvent entraîner un éclaircissement de leur peau. Cependant, leur

action est en général moins intense que chez les squamates. De plus, les iridophores des

amphibiens disposent de récepteurs alpha-adrénergiques. Leur stimulation par des

catécholamines provoque la dispersion de leurs plaquettes réfléchissantes, ce qui contribue à

Page 97: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

91

l'éclaircissement de la peau (Hadley et Goldman, 1970). Il existe certaines espèces

d'amphibiens telles que les Scaphiopus couchi qui ne possèdent pas de récepteurs alpha-

adrénergiques mais qui possèdent des récepteurs bêta-adrénergiques en grand nombre. Les

catécholamines ne peuvent agir qu'en assombrissant la peau de ces amphibiens (Goldman et

Hadley, 1969b). Il existe parfois des différences au sein d'une même espèce entre des

populations de zones géographiques différentes. Par exemple, les grenouilles léopards Rana

pipiens prélevées au Mexique ont un déficit en récepteurs alpha-adrénergiques,

contrairement à celles évoluant dans le nord des États-Unis. Il en résulte des différences

chromatiques lors de certaines conditions de stress (Hadley et Goldman, 1970).

Les iridophores et les mélanophores associés pour former des DCU possèdent des

récepteurs adrénergiques qui, lorsqu'ils sont stimulés, produisent des effets chromatiques

complémentaires. La stimulation des récepteurs alpha-adrénergiques provoque l'agrégation

des mélanosomes et la dispersion des plaquettes réfléchissantes. Il en résulte un

éclaircissement global au niveau du DCU. La stimulation des récepteurs bêta-adrénergiques

entraîne la situation inverse (Bagnara et al., 1968 ; Bagnara et Matsumoto, 2006 ; Ligon et

Mccartney, 2016).

2.1.1.2.3. Second messager intracellulaire

Les récepteurs bêta-1 sont connus pour activer l'adényl-cyclase par l’intermédiaire d’une

protéine G et augmenter ainsi la concentration intracellulaire en AMPc. A l'inverse, les

récepteurs alpha-2 inhibent l'adényl-cyclase et diminuent alors la concentration en AMPc.

Cette molécule est le second messager intracellulaire des catécholamines. L'augmentation de

la concentration intracellulaire en AMPc entraîne un assombrissement tégumentaire alors

que la diminution de la concentration provoque un éclaircissement. La concentration

intracellulaire en AMPc est liée à l'état d'agrégation et de dispersion des différents

chromatophores. Cette concentration est donc régulée par au moins trois types de récepteurs

: les récepteurs à la MSH, les récepteurs alpha-adrénergiques et les récepteurs bêta-

adrénergiques (Bagnara et Matsumoto, 2006).

2.1.2. Les hormones des invertébrés

Un contrôle hormonal existe chez les crustacés mais il est totalement absent chez les

céphalopodes.

Il existe 2 hormones principales régulant l'agrégation et la dispersion des organites

pigmentaires au sein des érythrophores des crustacés. L'hormone stimulant l'agrégation de

ces organites est appelée RPCH (Red Pigment-Concentrating Hormone). L'hormone

stimulant leur dispersion est nommée RPDH (Red Pigment-Dispersing Hormone). Dans un

environnement à teinte claire, l'hormone majoritaire est la RPCH. Inversement, l'hormone

majoritaire dans un environnement à teinte foncée est la RPDH (Bagnara et Hadley, 1973 ;

Rao, 2001).

Page 98: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

92

Chez les crevettes Palaemonetes vulgaris, les deux ions mis en jeu lors de la réponse

des érythrophores à ces hormones sont le sodium et le calcium. La RPCH a une plus grande

efficacité en présence de sodium, alors que la présence de calcium entraîne une plus grande

action de la RPDH (Brown, 1935). Le sodium et le calcium interviennent dans les

mécanismes d'action de ces hormones. La RPDH provoquent une entrée de calcium dans la

cellule par des canaux calciques présents dans la membrane cytoplasmique. L'augmentation

de la concentration intracellulaire en calcium active l'adényl-cyclase qui transforme de

l'ATP en AMPc. Ce second messager cause alors la dispersion des organites pigmentaires.

En ce qui concerne la RPCH, une concentration extracellulaire élevée en sodium est

nécessaire à son action sur la cellule. Cette hormone active des pompes Na+/K

+ présentes au

niveau de la membrane cytoplasmique. L'augmentation du rapport [K+]/[Na

+] entraîne une

hyperpolarisation membranaire. L'intensité de cette hyperpolarisation est en relation directe

avec le degré d'agrégation des organites pigmentaires (Fingerman, 1969 ; Freeman et al.,

1968).

2.1.3. Contrôle hormonal et conséquences ioniques

Les hormones font varier par leur action la perméabilité ionique de la membrane cellulaire

et entraînent des mouvements ioniques. Cela a pour conséquence l'activation de certaines

enzymes et l'initiation des événements cellulaires.

Chez les lézards Anolis, l'absence d'ions Ca2+

dans le milieu extracellulaire limite

l'action de la MSH sur les mélanophores. La MSH agit sur la membrane cellulaire en

provoquant une augmentation de la concentration intracellulaire en ion Ca2+

. La dispersion

des mélanosomes est déclenchée par l'entrée des ions Ca2+

dans la cellule et elle est

proportionnelle à la quantité d'ions Ca2+

entrant dans celle-ci (Bagnara et Hadley, 1973).

De même chez les grenouilles Hyla arborea, la dispersion des mélanosomes est

régulée par l'augmentation de la concentration intracellulaire en calcium, accompagnée

simultanément d'une diminution de la concentration intracellulaire en potassium (Bagnara

et Hadley, 1973).

Page 99: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

93

2.2. Le contrôle nerveux

2.2.1. Contrôle nerveux des vertébrés

Les mélanophores des poissons téléostéens sont en partie contrôlés par le système nerveux

autonome. Il existe chez les poissons des réseaux de fibres nerveuses associées aux

mélanophores dermiques. L’injection d’adrénaline entraîne une contraction rapide et

maximale des mélanophores. Il en est de même pour les autres catécholamines telles que la

noradrénaline. Ces observations soutiennent la présence de neurones noradrénergiques qui

agissent par le biais d’un stock de catécholamines ou directement sur les sites effecteurs des

mélanophores. Ces nerfs peuvent concentrer de la noradrénaline. Les fibres nerveuses ne

sont pas myélinisées et forment des synapses avec les mélanophores dermiques en jonctions

« neurone-chromatophores ». La stimulation électrique de ces nerfs provoque la contraction

de ces mélanophores in vitro. Cette réponse n’est pas de type « tout ou rien » ce qui

implique que plusieurs neurones contrôlent chaque mélanophore. Enfin, il semble que la

réponse des mélanophores ne soit pas causée par la propagation d’un potentiel électrique

généralisé au niveau des cellules pigmentaires mais qu’elle soit entièrement due à

l’excitation nerveuse par le biais de neurotransmetteurs (Bagnara et Matsumoto, 2006 ; Fujii

et Novales, 1969).

Le système nerveux sympathique provoque généralement l'agrégation des organites

pigmentaires par l'activation de récepteurs alpha-adrénergiques et leur dispersion par

l'activation de récepteurs bêta-adrénergiques. Chez certains poissons, grâce à l'activation

immédiate des récepteurs alpha-adrénergiques, la variation de couleur causée par un

changement de teinte dans l'environnement se produit en quelques minutes seulement (Fujii,

2000).

Chez les amphibiens, le contrôle nerveux des chromatophores est minoritaire, voire

inexistant. Les fluctuations d’intermédines circulantes suffisent à expliquer leurs

changements de couleur. Cependant, chez certaines espèces telles que la grenouille léopard

Rana pipiens, les chromatophores dermiques qui offrent une couleur particulière au niveau

de points, de taches ou de rayures sont innervés et contrôlés séparément des autres

chromatophores. Les mélanophores de ces points de couleur restent étendus en absence

d’intermédines grâce à une stimulation nerveuse directe, ce qui explique que la grenouille

placée dans un environnement clair passe du marron au vert sans modification de la couleur

de ses taches brunâtres (Bagnara et Hadley, 1973).

Les chromatophores des squamates sont en partie contrôlés par le système nerveux

autonome. Les fibres du système sympathique peuvent libérer des neurotransmetteurs au

niveau des récepteurs alpha et bêta-adrénergiques présents sur les chromatophores. Les

mécanismes d’action du système nerveux chez les squamates n’ont pas été étudiés pour de

nombreuses espèces. Cependant, il semble que l’adrénaline libérée par les fibres du système

sympathique sur les récepteurs alpha-adrénergiques inhibe l’adénylate cyclase et active la

phospholipase C. La concentration en AMPc diminue alors que la concentration en calcium

ionisé augmente ce qui entraîne l’agrégation des organites pigmentaires. L’action de

l’acétylcholine sur les récepteurs muscariniques des chromatophores a les mêmes effets. À

l’inverse, les récepteurs bêta-adrénergiques activent l’adénylate cyclase et inhibent la

phospholipase C (Ligon et Mccartney, 2016).

Page 100: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

94

2.2.2. Contrôle nerveux des invertébrés

Les adaptations chromatiques des invertébrés sont similaires à celles des vertébrés et

résultent des mouvements d'organites pigmentaires dans les chromatophores tégumentaires.

Chez les crustacés, ces mouvements sont uniquement régulés par le système hormonal alors

que chez les céphalopodes, le contrôle des chromatophores est uniquement nerveux

(Fingerman, 1969 ; Messenger, 2001).

Un chromatophore de céphalopode est composé d’une cellule pigmentaire associée à

plusieurs autres types cellulaires. Le mouvement des pigments au sein de ces

chromatophores est géré par des fibres musculaires qui sont attachées à la cellule

pigmentaire centrale. La contraction ou la relaxation de ces fibres musculaires définit la

forme de la cellule pigmentaire et par conséquent les motifs tégumentaires. Le contrôle de la

cellule pigmentaire est donc régulé par l'innervation des muscles au sein du chromatophore.

Les chromatophores des céphalopodes sont donc entièrement sous le contrôle du système

nerveux (Messenger, 2001).

De l’acétylcholine est libéré au niveau des synapses neuromusculaires et entraîne la

contraction musculaire. Il en résulte l'expansion du chromatophore. Inversement, sans influx

nerveux, les muscles sont décontractés et le chromatophore est contracté. Chaque

chromatophore est innervé par plus d'un motoneurone, et chaque motoneurone peut activer

plusieurs fibres musculaires associées à une même cellule pigmentaire. L'activation

sélective de chacune des fibres musculaires permet de contrôler précisément la coloration

tégumentaire grâce à une expansion progressive et bien définie des chromatophores (Ligon

et Mccartney, 2016 ; Messenger, 2001).

2.3. Implication des deux voies de contrôle selon les espèces

2.3.1. Contrôle majoritairement hormonal ou nerveux

2.3.1.1. Chez les amphibiens

Les chromatophores des amphibiens sont en majorité contrôlés par le système hormonal.

Seuls les chromatophores des taches ou des rayures de quelques espèces telles que les

grenouilles Rana pipiens sont régulés par le système hormonal et le système nerveux

(Bagnara et Matsumoto, 2006).

2.3.1.2. Chez les crustacés

Les chromatophores des crustacés sont uniquement régulés par le système hormonal

(Fingerman et al., 1967 ; Fingerman, 1969).

Page 101: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

95

2.3.1.3. Chez les céphalopodes

À l’inverse des amphibiens et des crustacés, les céphalopodes possèdent des

chromatophores uniquement contrôlés par le système nerveux. Aucune hormone

n’intervient dans leurs changements de couleur (Messenger, 2001).

2.3.2. Contrôle mixte

2.3.2.1. Chez les poissons téléostéens

Chez les poissons tels que le Cyprin doré Carassius auratus, l’anté-hypophyse est composée

de trois lobes : la pars distalis, la pars intermedia, et la pars tuberalis. L’ablation de la pars

intermedia qui contient des hormones MSH-like n’a aucun effet sur la synthèse de mélanine

alors que l’ablation de la pars tuberculis et de la pars distalis, et donc la suppression de

sécrétion d’ACTH rend la mise en place de la mélanogenèse impossible. Cela laisse

supposer que chez certaines espèces, en particulier chez les poissons, l’hormone majoritaire

dans le contrôle morphologique des chromatophores est l’ACTH et non la MSH. Cependant,

certains poissons s’assombrissent avec une injection de MSH, et d’autre s’éclaircissent. Les

poissons présentent donc une large diversité de leur sécrétion hypophysaire et il existe

probablement des différences au sein d’une même espèce.

De plus, les différentes réponses des mélanophores à la MSH ou aux autres

hormones sont potentiellement dépendantes de l’innervation de ces cellules. En effet, un

mélanophore dénervé de poissons Fundulus disperse ses mélanosomes en réponse à un

traitement à la MSH, alors que cette hormone n’a pas d’effet visible sur les mélanophores

innervés. Même après une hypophysectomie, ces poissons peuvent rapidement s’adapter à

un environnement de couleur foncée en brunissant. Cela indique que la dispersion des

mélanosomes chez certains poissons est médiée non seulement par la MSH mais aussi par

des nerfs spécifiques qui innervent les mélanophores. Lors des rapides adaptations à des

environnements de couleur foncée, ces nerfs agissent avant que les sécrétions hypophysaires

n’entrent en jeu, mais ces stimuli nerveux sont moins efficaces que la MSH (Kleinholz,

1935).

De même que pour les mélanophores, les iridophores des poissons présentent une

réponse mixte. Les iridophores semblent principalement régulés par le système nerveux,

mais il est probable que certaines hormones aient une action annexe sur ces cellules.

2.3.2.2. Chez les squamates

Parmi les squamates, les variations de couleurs sont régulées différemment selon les

espèces. Le contrôle peut être majoritairement hormonal ou nerveux, ou mixte (Ligon et

Mccartney, 2016).

Chez les reptiles, le contrôle nerveux dépend largement de l’espèce étudiée. La

contraction des mélanophores du caméléon Chameleo pumilus est clairement régulée par le

système nerveux central et par des voies sympathiques (Hogben et Mirvish, 1928). Chez

cette espèce de caméléon, le contrôle par le système nerveux prédomine largement, mais il

Page 102: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

96

n’est pas exclu que le système hormonal puisse jouer un rôle mineur par le biais

d’intermédines. Une autre espèce de caméléon (Trioceros jacksonii) possède un contrôle

hormonal notable puisque la MSH et l’ACTH provoquent un assombrissement tégumentaire

par dispersion des mélanosomes. Chez les lézards du genre Phrynosoma, le contrôle des

chromatophores se réalise à la fois par le biais de nerfs et d’hormones. D’un autre côté,

l’anole vert Anolis carolinensis ne présente aucun contrôle nerveux de ses chromatophores.

Ceux-ci sont uniquement régulés par le système hormonal (Bagnara et Hadley, 1973 ;

Kleinholz, 1936).

L’hypophyse peut aussi avoir un rôle majeur dans le contrôle des chromatophores.

L’assombrissement de la peau des lézards Anolis est contrôlé par le lobe intermédiaire de

l’hypophyse et la MSH qu’il sécrète. En effet, une injection de MSH chez un Anolis

hypophysectomisé ou chez un Anolis non modifié provoque dans les deux cas un

assombrissement rapide de leur peau. Ce noircissement est complet en seulement quelques

minutes, la peau de ces lézards passant alors du vert au marron. Le contrôle hormonal offre

donc à lui seul une capacité d’homochromie variable rapide et efficace (Kleinholz, 1938a,

1938b). La MSH n’est pas la seule intermédine régulant la réponse des mélanophores chez

d'autres reptiles. La MSH et l’ACTH permettent toutes deux d’assombrir la peau du

caméléon de Jackson Trioceros jacksonii, même si le contrôle hormonal est minoritaire

comparé au contrôle nerveux chez ces animaux qui possèdent un contrôle multimodal

(Ligon et Mccartney, 2016).

3. Activation des protéines motrices dans les chromatophores des

vertébrés

Les protéines kinases AMPc-dépendantes (les PKA), les protéines kinases calcium-

dépendantes (les PKC) et les protéines phosphatases sont fortement impliquées dans la

translocation pigmentaire au sein des chromatophores (Gross et al., 2002). Cela explique le

rôle majeur de la concentration intracellulaire en AMPc et en calcium dans les déplacements

pigmentaires (Aspengren et al., 2008).

Les protéines phosphatases sont des enzymes capables d’enlever un groupe

phosphate à certaines protéines par déphosphorylation, alors que les protéines kinases sont

des enzymes qui peuvent ajouter un groupe phosphate à ces mêmes molécules par

phosphorylation. Les phosphatases entraînent une agrégation pigmentaire alors que les

protéines kinases permettent la dispersion pigmentaire grâce à des phénomènes de

déphosphorylation et de phosphorylation des protéines motrices du cytosquelette. Ces

protéines permettent donc la régulation des transports bidirectionnels des organites

pigmentaires (Reese et Haimo, 2000). En effet, le degré de phosphorylation des protéines

motrices contrôle la direction des organites pigmentaires en modifiant les capacités de la

dynéine et de la kinésine II à interagir avec les microtubules. La kinésine II est activée

lorsqu’elle est phosphorylée par les protéines kinases PKA et elle est inactivée lorsqu’elle

est déphosphorylée par les protéines phosphatases PP2A. A l’inverse, la dynéine est inhibée

lorsqu’elle est phosphorylée par les PKA et elle est activée lorsqu’elle est déphosphorylée

par les PP2A (Bagnara et Matsumoto, 2006). Les phénomènes d’activation et d’inactivation

des protéines motrices sur les microtubules sont présentés sur la figure 46.

Page 103: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

97

Figure 46 : Transport bidirectionnel des mélanosomes le long des microtubules (d'après Reese et Haimo,

2000).

4. Contrôle physiologique des iridophores, particularités de certaines

espèces

4.1. Chez les caméléons

Les contrôles neuronaux et hormonaux des iridophores des caméléons sont encore à

explorer. Il existe plusieurs hypothèses à ce sujet (Ligon et Mccartney, 2016).

Les iridophores ayant la même origine embryonnaire que les autres chromatophores

au niveau de la crête neurale, la première hypothèse suppose que les mécanismes de

contrôle soient relativement similaires. Le système nerveux dominerait donc dans le

contrôle de tous les chromatophores chez les caméléons, ce qui expliquerait la rapidité du

changement de leur couleur. La modification de la distance entre les nanocristaux de

guanine pourrait faire intervenir le cytosquelette et le déplacement d’organites pigmentaires

dans les iridophores. La seconde hypothèse impliquerait des mouvements ioniques

susceptibles de modifier l’osmolarité des iridophores et d’entraîner une diminution ou une

augmentation de la quantité d’eau dans ces cellules. La distance entre les nanocristaux serait

alors modifiée (Teyssier et al., 2015).

La phosphorylation et la déphosphorylation des protéines motrices (respectivement réalisées par les

protéines kinases A (PKA) et les protéines phosphatases 2A (PP2A)) contrôlent la direction du

transport des mélanosomes dans les mélanophores. Un organite pigmentaire est lié au microtubule par les formes actives des protéines motrices (têtes

remplies), alors que les protéines inactivées (têtes vides) sont incapables de se lier au microtubule.

Page 104: LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES RESPONSABLES DE L ...

98

4.2. Chez les céphalopodes

Les iridophores des céphalopodes sont uniquement régulés par le système nerveux central

(Wardill et al., 2012).

Les axones de cellules nerveuses marqués avec des colorants fluorescents ont été

observés au contact des iridophores. Lorsque des nerfs liés à des iridophores sont stimulés

électriquement, la couleur du tégument change. La stimulation électrique provoque une

augmentation de la réflectance des iridophores ainsi qu’une diminution de la longueur

d'onde de la lumière réfléchie. Ce processus se produit rapidement et en moins de trente

secondes (Wardill et al., 2012). La stimulation électrique des fibres nerveuses du système

nerveux central déclenche une libération d’acétylcholine au niveau des iridophores. Cette

molécule initie la transduction du signal (Kaplan, 2016).

Il existe une relation directe entre la quantité d'acétylcholine libérée au niveau des

iridophores et les variations de couleur. À des doses faibles (10-7

mol/L), les tissus

apparaissent rouges, tandis qu'à des doses plus élevées (10-6

mol/L) les tissus acquièrent une

couleur dorée, verte ou bleue. Cependant, toute concentration supérieure à 10-6

mol/L en

acétylcholine ne semble avoir aucun autre effet sur la couleur des iridophores. C’est donc la

dose d'acétylcholine minimale nécessaire pour provoquer l'activation complète des

iridophores. L’application d’acétylcholine modifie la structure des rubans lamellaires dans

les iridophores. Lorsque l'acétylcholine est ajoutée sur des iridophores, l'épaisseur des

rubans lamellaires diminue. L'espace entre les rubans lamellaires augmente également

(Kaplan, 2016).

Les iridophores possèdent des récepteurs muscariniques et nicotiniques.

L’acétylcholine peut se lier à la fois sur ces deux types de récepteurs cholinergiques.

Cependant, c’est l’activation des récepteurs muscariniques qui provoque la transduction du

signal et qui amorce le changement de couleur des iridophores (Kaplan, 2016 ; Mäthger et

al., 2009).

Le récepteur muscarinique est un récepteur couplé aux protéines de type G

(Kingston et al., 2015). Cette protéine G active une enzyme transmembranaire, la

phospholipase C, qui clive le phosphatidylinositol (PIP2) en inositol triphosphate (IP3) et en

diacylglycérol (DAG). L’IP3 se lie au réticulum endoplasmique ce qui provoque une

libération de calcium dans le cytoplasme et la formation de complexes calcium-calmoduline

(DeMartini et al., 2013). Le calcium intracellulaire est bien nécessaire à la transduction du

signal car lorsque les canaux calciques sont bloquées avec du vérapamil, l'activation des

iridophores est inhibée. Le calcium agit donc comme messager secondaire en se fixant sur la

calmoduline. L'une des fonctions de la calmoduline est l’activation de protéines kinases et

de protéines phosphatases (Kaplan, 2016).

La phosphorylation de la réflectine par les protéines kinases induit un changement de

sa conformation (Tao et al., 2010). En effet, la réflectine est une protéine chargée

positivement. L'ajout de groupements phosphate chargés négativement réduit les forces

électrostatiques impliquées dans le maintien de la conformation tertiaire de cette protéine.

La conformation de la réflectine est alors modifiée en faveur d’une augmentation de son

caractère hydrophobe. Les forces hydrophobes à courte portée conduisent à la condensation

de la réflectine. Cela entraîne une augmentation de la concentration protéique et de l'indice

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99

de réfraction des rubans lamellaires. Le flux d’eau vers le milieu extracellulaire cause une

diminution de l’épaisseur des rubans lamellaires (DeMartini et al., 2015 ; Tao et al., 2010).

Ces modifications permettent aux iridophores de changer de couleur en quelques secondes à

quelques minutes. La longueur d’onde de la lumière réfléchie par les iridophores diminue

lorsque la concentration en acétylcholine augmente (Kaplan, 2016).

Enfin, les phosphatases qui sont également activées par la calmoduline permettent à

la réflectine de retrouver sa conformation initiale (DeMartini et al., 2013). La figure 47

résume les mécanismes cellulaires intervenant lors de l’action de l’acétylcholine sur les

iridophores.

Figure 47 : Mécanismes intracellulaires induits par l'acétylcholine dans les iridophores de céphalopodes

(DeMartini et al., 2013).

L’acétylcholine se lie aux récepteurs muscariniques et initie la voie des protéines G. La sous-unité Gα

active une enzyme membranaire, la phospholipase C qui clive le phosphatidylinositol-diphosphate

(PIP2) en inositol-triphosphate (IP3) et en diacylglycérol (DAG). L’inositol-triphosphate se lie à des

canaux calciques du réticulum endoplasmique ce qui provoque la libération d’ions calcium Ca2+

. Il se

forme alors des complexes calcium-calmoduline qui activent les protéines kinases. La phosphorylation

de la réflectine entraîne un changement de conformation de la protéine et un flux d’eau vers le milieu

extracellulaire à travers les invaginations de la membrane cytoplasmique.

Ach : acétylcholine ; mAChR : récepteur muscarinique à l’acétycholine ; Gα-ß-γ : sous-unités de la

protéine G ; PLC : phospholipase C ; DAG : diacylglycérol ; PIP2 : phosphatidylinositol biphosphate ;

IP3 : inositol triphosphate ; CaM : calmoduline ; PK : protéine kinase ; PP : protéine phosphatase.

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CONCLUSION

Le changement de couleur chez les vertébrés est le résultat de mouvements dynamiques des

pigments contenus dans les chromatophores et de leurs interactions au sein des unités de

chromatophores dermiques. Régulés par des hormones, des neurotransmetteurs et des

facteurs environnementaux comme la lumière et la température, les chromatophores

subissent une réorganisation rapide de leurs organites afin de produire un large éventail

chromatique. Selon le stimulus, les différents types de chromatophores répondent en

augmentant ou en diminuant leur participation relative à la couleur finale en dispersant ou

en agrégeant leurs organites pigmentaires.

Déterminer les raisons pour lesquelles les organismes subissent un changement de

couleur physiologique est une étape cruciale vers la compréhension de l’ensemble des

processus de contrôle et de fonctionnement des chromatophores. Les trois fonctions les plus

importantes de l’homochromie variable sont le camouflage, la communication et la

thermorégulation. Alors que l’objectif du camouflage est d’éviter la détection par les

prédateurs ou par les proies grâce à une coloration cryptique, la sélection naturelle dans un

contexte social et la sélection sexuelle favorisent des colorations bien visibles pour la

communication intraspécifique. Les animaux doués d’homochromie variable ont l’avantage

de pouvoir communiquer à l’aide de signaux chromatiques tout en présentant un risque de

prédation réduit par rapport aux espèces qui arborent une coloration et des motifs statiques à

long terme. Ainsi un changement rapide de couleur peut faciliter les parades nuptiales ou les

interactions intraspécifiques agonistiques sans sacrifier la capacité de se camoufler le reste

du temps. Des compromis sont potentiellement réalisés pour gérer les besoins

physiologiques lorsque ceux-ci sont incompatibles.

Les mécanismes et les systèmes de contrôle impliqués dans l’homochromie variable

semblent très fortement corrélés à la rapidité des changements de couleur. La couleur des

amphibiens varie généralement en plusieurs minutes à plusieurs heures, principalement

grâce aux translocations des organites pigmentaires au sein de leurs mélanophores,

érythrophores et xanthophores. Les déplacements de ces organites nécessitent l’intervention

du cytosquelette dans les chromatophores et ils sont principalement régulés par le système

hormonal. À l’inverse, les couleurs des céphalopodes peuvent varier plusieurs fois par

seconde. Leurs chromatophores s’étirent ou se contractent par l’action de fibres musculaires

radiales, ce qui entraîne un étalement ou une agrégation très rapide des pigments contenus

dans leur saccule cytoélastique. Le spectre de réflexion de leurs iridophores peut varier très

rapidement grâce à des flux d’eau entre les milieux intra- et extracellulaires. Toutes ces

modifications sont contrôlées par le système nerveux.

Quel que soit le système contrôlant les chromatophores, la majorité des études

convergent vers des voies de signalisation cellulaire similaires. Une hormone circulante ou

un neurotransmetteur agit sur les chromatophores via des récepteurs spécifiques. La

transduction du signal provoque l’activation ou l’inhibition de l’adénylate cyclase ou de la

phospholipase C. L’adénylate cyclase produit de l’AMPc qui agit sur des protéines kinases

AMPc-dépendantes. La phospholipase C entraîne indirectement une libération de calcium

ionique dans la cellule qui agit sur des protéines kinases calcium-dépendantes. Les réactions

de phosphorylation au sein des chromatophores sont à la base de leurs modifications

morphologiques et des variations de couleur.

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LES MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES

RESPONSABLES DE L’HOMOCHROMIE

VARIABLE DANS LE RÈGNE ANIMAL

NOM et Prénom : FISZMAN Pierre-Louis

Résumé

L’homochromie variable caractérise l’aptitude d’un animal à changer les couleurs de son

tégument en un laps de temps court et de manière réversible. Cette capacité a plusieurs

fonctions dont les principales sont le camouflage, la communication intraspécifique et la

thermorégulation. Elle est principalement rencontrée chez les amphibiens, les squamates, les

poissons osseux, les céphalopodes et les crustacés. Ces cinq clades regroupent des espèces

possédant des cellules pigmentaires dermiques appelées chromatophores et classées en

plusieurs catégories. Les mélanophores (brun à noir), les xanthophores (jaune), les

érythrophores (rouge) et les cyanophores (bleu) sont des cellules qui présentent de fortes

concentrations en pigments dans des organites spécialisés. Les iridophores et les

leucophores sont des cellules qui réfléchissent une partie du spectre de la lumière visible

grâce à des structures particulières. Ces différents types de chromatophores sont

régulièrement associés les uns avec les autres pour former des unités dermiques

fonctionnelles. Les changements de couleur sont effectués par la dispersion ou l’agrégation

des organites pigmentaires et par la modification des structures réfléchissantes. Selon les

espèces, le contrôle peut être uniquement nerveux ou hormonal, ou mixte. Les principales

molécules qui agissent sur les chromatophores sont la mélanocortine (MSH), la mélatonine

et les catécholamines. Le contrôle par le système nerveux sympathique se fait via des

récepteurs adrénergiques et cholinergiques.

Mots clés

MIMETISME – PHYSIOLOGIE – COULEUR – PIGMENTATION – TEGUMENT –

CAMELEON – SQUAMATE – CEPHALOPODE – AMPHIBIEN

Jury :

Président : Pr

Directeur : Dr PILOT-STORCK Fanny

Assesseur : Dr GILBERT Caroline

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PHYSIOLOGICAL MECHANISMS IN CHARGE

OF DYNAMIC COLOR CHANGES IN ANIMAL

KINGDOM

SURNAME : FISZMAN

Given name : Pierre-Louis

Summary

Physiological color change is the ability of an animal to modify the colors of its integument

in a short time and in a reversible way. This ability has several functions such as

camouflage, intraspecific communication and thermoregulation. It is mainly encountered in

amphibians, scaled reptiles, teleosts fishes, cephalopods and crustaceans. These five clades

include species with dermal pigment-containing and light-reflecting cells called

chromatophores which are classified into several categories. Melanophores (brown to

black), xanthophores (yellow), erythrophores (red) and cyanophores (blue) are cells

presenting high concentrations of pigments in specialized organelles. Iridophores and

leucophores are cells that reflect part of the visible spectrum through special structures.

These different types of chromatophores are often associated with each other to form a

morphologically and physiologically distinct structure, the dermal chromatophore unit.

Color changes are created by the dispersion or aggregation of pigmented organelles and by

changes in reflecting structures. Depending on the species, controls may be nervous,

hormonal or mixed. The major molecules that act on chromatophores are melanocyte-

stimulating hormone (MSH), melatonin and catecholamines. Chromatophores are also

regulated by the sympathetic nervous system, through adrenergic and cholinergic receptors.

Keywords

MIMICRY – CAMOUFLAGE – PHYSIOLOGY – COLOR – PIGMENTATION –

INTEGUMENT – CHAMELEON – SQUAMATA – CEPHALOPOD – AMPHIBIAN

Jury :

President : Pr.

Director : Dr. PILOT-STORCK Fanny

Assessor : Dr. GILBERT Caroline