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Tiré de : Les élections présidentielles américaines, Élisabeth Vallet et David Grondin (dir.), ISBN 2-7605-1286-X • D1286NTous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés



LES ÉLECTIONSPRÉSIDENTIELLES

AMÉRICAINES



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2004

Presses de l’Université du Québec

Le Delta I, 2875, boul. Laurier, bur. 450Sainte-Foy (Québec) Canada G1V 2M2

Sous la direction deÉLISABETH VALLET et DAVID GRONDIN

LES ÉLECTIONSPRÉSIDENTIELLES

AMÉRICAINES



Données de catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives Canada

Vedette principale au titre :

Les élections présidentielles américaines

(Enjeux contemporains)Comprend des réf. bibliogr.

ISBN 2-7605-1286-X

1. Présidents – États-Unis – Élection. 2. Pouvoir exécutif – États-Unis.3. États-Unis – Politique et gouvernement – 2001- . 4. Présidents – États-Unis – Élection – 2004.5. Campagnes électorales – États-Unis. 6. Candidats à la présidence – États-Unis.I. Vallet, Élisabeth. II. Grondin, David. III. Collection : Enjeux contemporains(Presses de l’Université du Québec).

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Couverture : RICHARD HODGSON

1 2 3 4 5 6 7 8 9 PUQ 2004 9 8 7 6 5 4 3 2 1

Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés© 2004 Presses de l’Université du Québec

Dépôt légal – 3e trimestre 2004Bibliothèque nationale du Québec / Bibliothèque nationale du CanadaImprimé au Canada


Tiré de : Les élections présidentielles américaines, Sous la direction d’Élisabeth Vallet et David Grondin,ISBN 2-7605-1286-X • D1286N

Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés

Préface

Le rêve de la vérité est aussi dangereux que nécessaire. S’il n’avaitl’illusion de pouvoir atteindre la vérité, jamais l’homme ne se bat-trait pour un monde meilleur. Mais, de cette illusion-là, on a vitefait de tomber dans une autre, celle de posséder la vérité qui ouvrela voie aux pires aberrations.

Michel Crozier, 1980

1

Comme le souligne l’un des auteurs de cet ouvrage, reprenant en cela lesmots de Tocqueville, l’élection du président des États-Unis est un momentde «crise nationale

2

». On serait même tenté d’en souligner la portée inter-nationale, tant la lecture de la presse européenne, arabe, africaine montreà quel point l’élection du président des États-Unis intéresse les citoyensdu monde. C’est pour cela que l’ensemble des jeunes chercheurs del’Observatoire sur les États-Unis, créé il y a maintenant plus de deux ansà la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques del’Université du Québec à Montréal, ont choisi d’expliquer les rouages etarcanes de l’élection présidentielle américaine. L’Observatoire sur lesÉtats-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand réunit en son sein des spécia-listes des questions américaines dans le monde francophone, en France

1. Michel Crozier (1980).

Le mal américain

, Paris, Fayard, coll. Pluriel, p. 75.2. Alexis de Tocqueville (1981).

De la démocratie en Amérique

, tome I, Paris,Flammarion, p. 208.




VIII

–


et au Québec. Pôle innovateur en études américaines, il a maintenantacquis une expertise et produit une série de publications, en français eten anglais. Trait d’union entre l’univers francophone et des centres derecherche américains, interface entre le monde universitaire et la sphèreprivée, l’Observatoire est à l’origine d’une série de conférences et de plu-sieurs colloques. Il maintient de surcroît un site Web sur les questionsaméricaines (www.dandurand.uqam.ca).

Le présent ouvrage est le résultat de cette construction originale.Il est également le fruit du travail de jeunes chercheurs désireux demieux faire comprendre les réalités américaines : la critique doit êtrefondée sur une connaissance approfondie de l’objet, ce que les cher-cheurs ont tenté de réaliser. L’un des rares ouvrages du genre en languefrançaise, ce livre embrasse les dimensions culturelles, politiques, juri-diques et sociologiques du processus de désignation de l’exécutif amé-ricain. L’exercice n’était pas facile, car il s’agissait là d’un systèmecomplexe, issu d’une longue stratification de normes et d’usages,animé par une myriade d’acteurs. Il fallait pourtant répondre à unedemande croissante d’information des étudiants, des chercheurs et dugrand public. L’architecture de cet ouvrage offre donc une analyse àvisée évolutive : le lecteur appréciera la justesse et la précision del’analyse, l’étudiant, la clarté du propos, le chercheur, la qualité de labibliographie générale. Ces principes, empruntés à l’académicien KnutSchmidt-Nielsen, véritable modèle pour les jeunes chercheurs et quiassocie le savoir à l’intelligibilité du propos, la pédagogie à la recher-che universitaire

3

, sont le maître mot de ce livre. L’ouvrage va au cœurdes problématiques américaines, les approfondit, s’appuyant sur plu-sieurs années de réflexion au sein de l’Observatoire.

Une fois encore et comme toutes les années bissextiles, l’

hyper-puissance

va désigner le « maître du monde ». L’événement n’est pasanodin. Mais, au-delà de la seule actualité, les directeurs de cet ouvrageont souhaité offrir une analyse qui s’inscrive dans la durée, alors quele président américain occupe une position toujours plus centrale dans lesystème politique américain. Si l’on a pu y voir l’ombre d’un monarque

4

,la réalité est moindre et les

checks and balances

font leur œuvre. Il esttoutefois certain que le 11 septembre est venu renforcer l’assise duprésident et le poids de sa fonction, dans un enchaînement d’événe-ments dont les spécialistes auraient eu peine à prévoir la survenanceen 2000

5

. Il reste que le président devient le point convergent d’un

3. Knut Schmidt-Nielsen (1998).

The Camel’s Nose

, Washington, D.C., Island Press,p. 308-310.

4. Eugene Rostow (1989). « President, Premier Minister or Constitutional Monarch ? »,

The American Journal of International Law

, vol. 83, p. 741.5. On ne peut que renvoyer à l’excellent livre de Bart K. Holland (2002),

What Arethe Chances ?

, Baltimore, Johns Hopkins University Press, p. 4-29.

http://www.dandurand.uqam.ca

Préface

–

IX




certain nombre de politiques étrangères et que, de ce fait, il importede comprendre les tenants et aboutissants de l’élection présidentielleaméricaine. Il devient également essentiel pour nos gouvernements deprendre la mesure du conservatisme américain, d’intégrer l’architec-ture politique et bureaucratique pour parvenir peut-être enfin à userefficacement de la diplomatie publique pour infléchir les élans de lapolitique étrangère américaine vers davantage de «

soft power

6

». Onne le répétera pas assez, le lien entre la politique étrangère américaineet la politique intérieure est plus étroit que jamais. Le comprendre etl’analyser est le mandat de l’Observatoire sur les États-Unis, le diffuser,celui de la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diploma-tiques. C’est donc une belle contribution à la recherche et à l’informa-tion du public que nous voulons souligner ici.

Charles-Philippe David et Louis BalthazarAoût 2004

6. Prôné par le célèbre universitaire de Harvard, dont on signalera d’ailleurs le dernierouvrage : Joseph Nye (2004).

Soft Power : The Means to Success in World Politics,

New York, PublicAffairs.




Table des matières

Préface

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VII

I

NTRODUCTION

La course à la présidence

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1

David Grondin et Élisabeth Vallet

PARTIE 1

Le système électoral

C

HAPITRE

1

La sélection des candidats à la présidence

. . . . . . . . . . . . . 13

Élisabeth Vallet

La désignation des délégués au niveau local . . . . . . . . . . . . . . . . 14Les caucus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15

L’origine des caucus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15Le fonctionnement des caucus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15

Les primaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16L’origine des primaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17Les raisons de la mise en place des primaires . . . . . . 19L’organisation des primaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19

La répartition des délégués . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21Un difficile parcours pour les candidats . . . . . . . . . . . . . . . 22

L’accession aux primaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22Les contraintes du calendrier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23

La désignation des candidats du partià la convention nationale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29Le lieu de la convention nationale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30Le déroulement de la convention nationale . . . . . . . . . . . . 31

L’ouverture de la convention . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31




XII

–


L’adoption de la plate-forme électorale . . . . . . . . . . . . 31La désignation du candidat à la présidence . . . . . . . . 33La désignation du candidat à la vice-présidence . . . . 34Les discours d’acceptation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36

Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38

C

HAPITRE

2

L’élection du président

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41

Élisabeth Vallet

L’élection des grands électeurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42La période de la campagne électorale . . . . . . . . . . . . . . . . . 42

Les débats électoraux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43Le dépôt des listes de grands électeurs . . . . . . . . . . . . 45

Le vote populaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46La nature de l’électorat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46

Le taux d’abstention aux élections présidentielles . . . 46«

Getting the vote out

» . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48Le scrutin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48

L’organisation du scrutin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49Le mode de scrutin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52Le contentieux du scrutin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53L’effet de distorsion du mode de scrutin . . . . . . . . . . . 55

Le collège électoral . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59La répartition des grands électeurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59Le mandat des grands électeurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61La désignation du président . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63

Deux votes distincts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63Le procédé de « l’élection contingente » . . . . . . . . . . . 64Le décompte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64

La transition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65L’administration de la transition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65Les cas de vacance du pouvoir pendant la transition . . . . . 66La cérémonie de passation des pouvoirs . . . . . . . . . . . . . . . 67

Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69

C

HAPITRE

3

Le financement des campagnes électorales

. . . . . . . . . . . . . 71

Élisabeth Vallet et Karine Prémont

Une volonté de moraliser la vie politique . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73L’encadrement du financement des élections au Congrès . . 74L’encadrement du financement

des élections présidentielles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74

Table des matières

–

XIII




La réglementation du financement électoral . . . . . . . . . . . . . . . . 77Le plafonnement des contributions électorales . . . . . . . . . . 78L’encadrement des dépenses électorales . . . . . . . . . . . . . . . 79Le financement public des élections présidentielles . . . . . . 83La transparence des comptes de campagnes . . . . . . . . . . . . 86

Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89

C

HAPITRE

4

L’influence des partis politiques dans une ère post-partisane conservatrice

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91

Sébastien Barthe

Les partis politiques : considérations fonctionnelles . . . . . . . . . . 94Le fonctionnement des institutions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94L’élaboration des programmes politiques . . . . . . . . . . . . . . . 95Le choix des candidats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95

Les ères partisanes : historique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97L’ère des fédéralistes et des démocrates-républicains :

« l’ère des bons sentiments » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97L’ère « démocrates contre whigs » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99L’ère de l’ascendance des républicains . . . . . . . . . . . . . . . . 100L’ère du mouvement populiste

et des réformes progressistes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102L’ère du

New Deal

et de la Grande Coalition . . . . . . . . . . . 103L’ère de la résurgence républicaine ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105

Les limites du modèle des ères partisanes . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107L’avènement d’une ère post-partisane . . . . . . . . . . . . . . . . . 109L’émergence d’une ère conservatrice (?) . . . . . . . . . . . . . . . . 112

Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 116

C

HAPITRE

5

Le rôle des médias et de l’opinion publique

. . . . . . . . . . . . 119

Karine Prémont et Benoît Gagnon

L’opinion publique : influence et outils de prise de décision . . . 121Les sondages d’opinion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121Les débats télévisés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123Les publicités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 124

Le rôle et l’impact des médias durant la campagne présidentielle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 127Les journaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 128La télévision . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130« www.elections.gov » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 135

Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 145

http://www.elections.gov




XIV

–


PARTIE 2

Les enjeux électoraux des élections présidentielles

C

HAPITRE

6

L’influence de la politique étrangère américaine dans les élections présidentielles

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 149

Frédérick Gagnon

La guerre froide et l’importance des enjeuxde politique étrangère pour les présidentielles . . . . . . . . . . 152

L’après-guerre froide et le déclin des enjeuxde politique étrangère pour les présidentielles . . . . . . . . . . 154

L’après-11 septembre 2001 et le regain d’importance des enjeuxde politique étrangère pour les présidentielles . . . . . . . . . . 156Capitaliser sur le 11 septembre 2001 . . . . . . . . . . . . . . . . . . 160Les républicains comme parti de la sécurité . . . . . . . . . . . . 163Les effets du 11 septembre 2001 sur l’électorat . . . . . . . . . . 165

Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 168

C

HAPITRE

7

La place des enjeux de politique intérieure dans les élections présidentielles américaines

. . . . . . . . . . 169

Anne-Marie D’Aoust et Frédérick Gagnon

Les enjeux de politique intérieure dans les campagnes présidentielles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 170La place de la politique intérieure

dans les campagnes présidentielles . . . . . . . . . . . . . . . 171La nature des enjeux de politique intérieure . . . . . . . . . . . . 171

Les enjeux fondamentaux de la campagne 2004 . . . . . . . . . . . . . 173Les enjeux économiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 173

L’emploi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 174Les déficits . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 176

Les enjeux sociaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 179Le système de santé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 179L’éducation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 182Le mariage gai . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 185Le terrorisme et les libertés individuelles . . . . . . . . . . 188L’avortement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 190Le contrôle des armes à feu et la criminalité . . . . . . . 195La peine de mort . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 196

Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 201

Table des matières

–

XV




C

HAPITRE

8

Identité, différence et exceptionnalisme dans la rhétorique présidentielle américaine

. . . . . . . . . . . 203

Anne-Marie D’Aoust

Le mythe de l’exceptionnalisme dans la rhétorique présidentielle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 205Une réappropriation de l’expérience historique

des premiers colons . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 205Un mythe culturel consensuel réactivé

par la rhétorique présidentielle . . . . . . . . . . . . . . . . . . 209L’exceptionnalisme, discours unificateur

d’une société fragmentée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 211Le paradoxe d’une société unique évoluant

dans un univers multiculturel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 212Le miroir de l’Autre au cœur de la rhétorique identitaire

et sécuritaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 218Les élections présidentielles, moment

de réaffirmation de l’identité américaine . . . . . . . . . . . . . . . 219Les élections présidentielles,

expérience identitaire rituelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 219La réaffirmation de l’exceptionnalisme américain

dans la campagne électorale 2004 . . . . . . . . . . . . . . . . 221Le rejet de l’impérialisme américain,

opposé à l’exceptionnalisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 224Le déni de l’empire dans la culture

identitaire américaine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 224Une alternative à l’exceptionnalisme

comme fondement identitaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 227Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 230

C

ONCLUSION

Les élections présidentielles, lieu de débat sur les valeurs et les visages de l’Amérique

. . . . . . . . . . . . 231

David Grondin

Bibliographie

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 239

Glossaire

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 255

Élisabeth Vallet et Karine Prémont

Index

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 269

À propos des auteurs

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 281




I

NTRODUCTION

La courseà la présidence

David Grondin

et Élisabeth Vallet

La présidence est une institution dont onpeut avoir la charge temporaire. Et c’estcomme cela qu’elle doit être comprise. Enaucun cas ne doit-on imaginer qu’elle appar-tienne à un individu.

Ronald Reagan

1

1. Traduit par nous. Ronald Reagan, cité dans Charles O.Jones (1994),

The Presidency in a Separated System

,Washington, D.C., Brookings Institution Press, p. 27.




2

–


Les élections présidentielles américaines constituent désormais unmoment clé de la vie politique mondiale

2

. Si elles intéressent tant lesAméricains que le reste du monde, c’est parce que les États-Unis sontdevenus incontournables dans les affaires internationales. L’«hyper-puissance» ne laisse personne indifférent

3

: l’évolution politique amé-ricaine a des répercussions sur nombre de réalités régionales et dedossiers internationaux. Dès lors, parce que la présidence constitue laclef de voûte du système constitutionnel américain, puisque le prési-dent incarne aux yeux du reste du monde la politique étrangère del’hégémon, sa désignation revêt une importance déterminante, et toutealternance politique est anticipée, crainte ou espérée.

Le processus des élections présidentielles est complexe et reflèteen cela la grande diversité qui marque les « États unis » d’Amérique.Loin de former un bloc monolithique en effet, les États-Unis sont avanttout l’agrégation de colonies devenues indépendantes. La manièredont ils se sont construits, la façon dont ils ont perçu l’anciennepuissance tutélaire ont façonné la démocratie américaine et ses dys-fonctionnements. Certains débats traduisent d’ailleurs une formidableconstance au travers des siècles, qu’il s’agisse de remettre en cause lecollège électoral, les iniquités du mode de scrutin, la probité des scru-tateurs, le format des bulletins de vote, le bien-fondé du recomptagedes voix, la légitimité (ou l’illégitimité) d’un président élu avec moinsde suffrages populaires que son adversaire.

�

« Ne demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous ; demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays

4

», déclarait Kennedy en1961. Ces mots gravés dans le marbre du célèbre cimetière d’Arlingtonen Virginie appartiennent aujourd’hui à la culture politique améri-caine. Et c’est dans cet esprit que veut s’inscrire l’action de George W.Bush au lendemain du 11 septembre pour sortir le pays de son trau-matisme. Soudainement, sa stature change. Sa crédibilité paraît accrueet sa cote de popularité remonte. En réalité, Bush répond alors auxcanons définis par la culture politique des États-Unis, selon lesquelsle président doit être en mesure d’assumer les pleines responsabilités

2. Charles O. Jones,

op. cit.

, p. ix.3. Voir Jean-François Revel (2003),

L’obsession anti-américaine

, Paris, Plon et Charles-Philippe David (dir.) (2003),

Nous, antiaméricains ? Les États-Unis et le Monde

,Montréal, Les Cahiers Raoul-Dandurand, n

o

7.4. Voir John Fitzgerald Kennedy (20 janvier 1961),

Inaugural Address

, Washington,D.C. <http://www.cs.umb.edu/jfklibrary/j012061.htm> (mai 2004).

http://www.cs.umb.edu/jfklibrary/j012061.htm

Introduction

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3




du pouvoir exécutif

5

. Le politique est au cœur de la présidence, carc’est politiquement que le président parviendra à convaincre non seu-lement le public mais aussi les élites, notamment les parlementairesdu Congrès, que ses actions sont judicieuses et ses décisions justes. Ence sens, le

leadership

constitue la pierre angulaire de la présidence

6

.Dès lors, quand Richard Neustadt évoque le pouvoir présidentiel, c’estpour parler du « pouvoir de persuasion » du président : le président estélu pour sa personnalité et pour son sens de la conviction, qui com-mandera le respect de ses subalternes et sa légitimité décisionnelle.L’institution est marquée par le symbolisme et l’Histoire par les prési-dents. Dès lors qu’ils prennent les rênes du pouvoir, les présidentssavent qu’ils seront jugés sur la base des traditions politiques établiespar leurs prédécesseurs et, surtout, par rapport aux plus illustres deceux-ci : la présidence comporte des éléments récurrents que l’onretrouve dans la culture présidentielle, « des significations partagéesde la présidence, provenant de plusieurs épisodes sélectifs de l’histoirede l’institution et qui sont transmises d’une génération à l’autre par lasocialisation politique

7

». À ce titre, George Washington, premier pré-sident des États-Unis, demeure le référent incontournable : leader cha-rismatique, il symbolise la nouvelle nation, personnifie ses valeurs etses ambitions

8

. Aussi, à son image, les présidents de l’ère contempo-raine doivent-ils symboliser la stabilité politique et l’unité nationale

9

.Comme on le lira dans cet ouvrage, à l’ère de la télévision et des mul-timédias les présidents américains ne contrôlent pas, comme dans unsystème parlementaire, les bases partisanes

10

. Cependant, l’omnipré-sence des médias dans les campagnes électorales comme dans la poli-tique quotidienne rend les candidats plus importants que les partis

11

:

5. «

If the president is powerful, unique, and morally good, then the nation hesymbolizes is secure in its power, mission, and morally correct course. A symbol-ized meaning

[…]

needs not be factually true, but will tap ideas already in thepublic philosophy, ideas people want to be true.

»

Voir Barbara Hinckley (1990),

The Symbolic Presidency : How Presidents Portray Themselves

, New York et Lon-dres, Routledge, p. 15.

6. À ce titre, on doit souligner l’analyse classique de Richard Neustadt, d’abordpubliée en 1960 et rééditée maintes fois depuis : (1991).

Presidential Power andthe Modern Presidents : The Politics of Leadership from Roosevelt to Reagan

, NewYork, Free Press.

7. Bruce Buchanan, cité par Joseph A. Pika, John Anthony Maltese et Norman C.Thomas (2002). « Election Politics », dans

The Politics of the Presidency

, 5

e

éd.,Washington, D.C., CQ Press, p. 23.

8. Seymour Martin Lipset (1979).

The First New Nation : The United States inHistorical and Comparative Perspective

, New York, Norton, p. 18.9. Barbara Hinckley,

op. cit.

, p. 3-9.10. Sydney M. Milkis (1998). « The Presidency and Political Parties », dans M. Nelson

(dir.),

The Presidency & the Political System

, 5

e

éd., Washington, D.C., CQ Press,p. 374-407.

11. Martin P. Wattenberg (1990). « From a Partisan to a Candidate-centered Electorate »,dans Anthony King (dir.),

The New American Political System

, 2

e

éd., Washington,D.C., AEI Press, p. 139-174.




4

–


le système politique, basé sur les institutions, glisse ainsi vers un sys-tème basé sur la personnalité de la présidence et l’image

12

. En ce sens,la présidence devient un spectacle

13

.

�

La présidence ne se résume toutefois pas à un spectacle. Le dessein desPères fondateurs du système politique américain était de protéger à toutprix le pays de la tyrannie. Fidèles en cela à John Locke, ils ont bâtiune structure pensée d’après l’Histoire, en essayant d’éviter les écueilsde la confusion des pouvoirs et en tentant d’enserrer le pouvoir fédéraldans un carcan normatif : le système dans son entier est articulé autourd’une série de compromis

14

visant à préserver la liberté des individus.Le pouvoir a ainsi été divisé de façon horizontale (fédéralisme) etverticale (séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire)

15

.

La division horizontale du pouvoir a donc fait l’objet d’un premiercompromis : le fédéralisme américain est issu d’une logique confé-dérale. Le « pacte fédéral » de Philadelphie (1787) est le fruit d’uneassociation d’États jaloux de leur souveraineté, désireux de conserverune autonomie considérable et notamment leur pouvoir d’auto-organisation. Ainsi le fédéralisme à l’américaine est en réalité trèsdistendu et l’État fédéral n’a qu’une très faible marge de manœuvrepour affirmer de véritables politiques nationales

16

. Les pressions régio-nales, la disparité du développement économique, les différencesculturelles sont telles que les politiciens américains doivent agir enentrepreneurs politiques pour maximiser leurs chances d’élection etde réélection. Selon la base électorale la plus convoitée par la prési-dence, certaines régions seront privilégiées

17

. Le système électoral

12. Bruce Miroff (1998). « The Presidency and the Public : Leadership as Spectacle »,dans M. Nelson (dir.),

The Presidency & the Political System

, 5

e

éd., Washington,D.C., CQ Press, p. 302. Theodore Lowi (1985).

The Personal President

, Ithaca, NY,Cornell University Press, p. 96.

13. «

To understand the modern presidency as a form of spectacle, we must considerthe representation of the president as a spectacular character, his team’s role assupporting performers, and the arrangement of gestures that convey to the audi-ence the meaning of his decisions

[…]

Spectacle is expected by the public as themost visible manifestation of presidential leadership

», Bruce Miroff,

op. cit.

,p. 320.

14. Voir à ce sujet André Tunc (1965),

Les États-Unis

, Paris, LGDJ, p. 17, ainsi queCharles-Philippe David, Louis Balthazar et Justin Vaïsse (2003),

La politique étran-gère des États-Unis – Fondements, acteurs, formulation

, Paris, Presses de Sciences Po.15. Dominique Turpin (1999).

Droit constitutionnel

, Paris, Presses universitaires deFrance, p. 622.

16. Peter Trubowitz (1998). « Regional Conflict and Coalitions in the Making of Amer-ican Foreign Policy », dans

Defining the National Interest : Conflict and Change inAmerican Foreign Policy

, Chicaco, University of Chicago Press, p. 1-30.17. Joseph A. Pika, John A. Maltese et Norman C. Thomas,

op. cit.

, p. 53-54.

Les élections présidentielles américaines...Tiré de : Les élections présidentielles...

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