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Jean Grosdidier de Matons TRAITÉS CONVENTIONS PROTOCOLES DÉCISIONS DIRECTIVES Deuxième édition Les instruments juridiques internationaux de facilitation du transport et du commerce en Afrique CHAPITRE I

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Jean Grosdidier de Matons

Les instruments juridiques internationaux de facilitation du transport et du com

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T r A i T é s

C o n v e n T i o n s

P r oTo C o L e s

D é C i s i o n s

D i r e C T i v e s

Deuxième édition

Les instruments juridiques internationaux de facilitation du transport et du commerce en Afrique

CHAPITRE I

I. Données juridiques fondamentales relatives au droit interna-

tional

A. DÉFINITIONS1

Accords internationaux. Les définitions de base qui sont présentées ci-après 1.valent pour tous les instruments juridiques mentionnés dans ce recueil.

- Un accord international est un instrument écrit entre deux ou plusieurs entités juridiques souveraines ou indépendantes telles que des États ou des organisations internationales. Il a pour objet de créer des droits et des obligations entre les Parties et il est régi par le droit international.

- Un instrument de ce type peut être appelé traité, convention, accord, ou encore protocole, pacte, échange de note, lettre, protocole d'accord, pro-cès-verbal approuvé, et il peut être aussi être désigné par l'expression ac-cord en forme simplifiée. Dans la suite du présent document, sauf dans certains cas, le terme traité est utilisé de manière générique pour désigner tout traité, accord, convention ou tout autre instrument international.

- Un traité peut être bilatéral ou multilatéral. Un traité bilatéral est un contrat par lequel deux parties parviennent à un accord concernant leurs droits et obligations dans un domaine précis. Un traité multilatéral, gé-néralement qualifié de convention, énonce les règles de droit devant être observées par toutes les parties au traité, dans l’intérêt individuel ou commun des parties concernées. Un traité est, de par sa forme, un con-trat, mais, de par sa teneur, pour l'essentiel, un texte de loi.

- Même lorsqu’il est devenu partie intégrante du droit interne par suite de sa ratification, et même lorsque, en sa qualité de convention, sa nature est similaire à celle d'une loi, un traité demeure un contrat et doit être inter-prété comme tel. L’application de ses clauses par une entité publique ne se limite donc pas à la simple application des dispositions du droit in-

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terne ; elle contribue aux relations internationales. Un traité a, de ce fait, un impact sur la réputation de la nation et de l'État en tant que parte-naire dans le cadre desdites relations.

Ratification. La ratification est la procédure, qui peut être établie par la 2.constitution nationale, par laquelle un traité est incorporé dans le droit in-terne d’une des Parties audit traité. Les accords en forme simplifiée sont gé-néralement ratifiés par le pouvoir exécutif, tandis que les traités et conven-tions d’importance majeure le sont par le pouvoir législatif. Au Royaume-Uni, en vertu de la constitution qui n’est pas écrite, les traités politiquement importants qui ont pour effet de modifier le droit interne ou qui engagent les finances publiques sont ratifiés par le Parlement. Les constitutions des États africains anglophones ne contiennent aucune règle en la matière, et les me-sures prises en pratique, sur la base de la constitution, diffèrent selon les États. La ratification relève, en règle générale de la compétence du pouvoir législatif, mais elle peut aussi être répartie entre ce dernier et le pouvoir exé-cutif, en fonction de l’importance du Traité. En France, la Constitution de 1958 stipule qu'un traité doit être ratifié par voie de loi ou de décret prési-dentiel, et indique les catégories de traités devant être ratifiés par une loi. L'un des critères considérés est celui de l'impact sur les finances publiques. Si le traité engage les finances de l’État, une loi doit être promulguée puisque le Parlement français tient « les cordons de la bourse » (voir l'Article 53 de la Constitution de 1958). Ces dispositions sont reprises dans la constitution de nombreux États africains et francophones. D’autres constitutions disposent que les traités doivent être ratifiés par un décret présidentiel, après que le pouvoir législatif a donné son accord (c'est le cas notamment en République démocratique du Congo — voir l'Article 179 de la Constitution). Enfin, dans certains États, comme la Guinée équatoriale et la République centrafricaine, le président à tous pouvoirs pour ratifier les traités, quels qu'ils soient. Aux États-Unis, les accords en forme simplifiée sont des quasi-traités qui n'ont pas besoin d'être ratifiés par le Sénat en vertu des dispositions de l’Article II de la Constitution fédérale.

Enregistrement. Tout traité, convention ou autre accord international con-3.clu doit, en vertu des dispositions de l’Article 102 de la Charte de Nations Unies (ONU), être enregistré au Secrétariat des Nations Unies et publié par ce dernier. Les traités non publiés demeurent valides entre les signataires, mais ils ne peuvent pas être invoqués devant un organe de l'ONU, quel qu'il

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soit. Les traités sont numérotés dans l’ordre de leur enregistrement dans les volumes du Recueil des Traités des Nations Unies (http://treaties.un.org/).

Identification et localisation des instruments. Lorsque cette étude a été 4.entreprise, il semblait que les instruments juridiques internationaux et inter-régionaux existants étaient bien connus. En fait, le nombre d’instruments, conventions, protocoles d'accord, etc. est nettement plus important qu’on ne l’avait d’abord supposé. Beaucoup de ces instruments ont été enregistrés, non pas dans le Recueil des Traités de l'ONU, mais auprès de l'Union africaine (UA) qui a succédé à l’Organisation de l’Unité africaine (OUA) — de sorte qu'il est plus difficile de les localiser. L'enregistrement des instruments dans l'un quelconque des systèmes est parfois effectué avec un certain retard. De nombreux instruments peuvent rester lettre morte, tandis que d'autres de-viennent obsolètes ou font double emploi. Il est important de noter que, au moment de l'établissement du présent recueil :

- Il est possible que certains instruments bilatéraux signés en vue de la mise en application d'instruments internationaux ou interrégionaux ou signés indépendamment desdits instruments n’aient pas été recensés et analysés.

- Il soit nécessaire de recenser des lois, règlements et circulaires relevant du droit interne et de les comparer aux instruments multilatéraux et bilatéraux auxquels ils peuvent, ou non, être conformes.

Problématique. Quatre questions fondamentales se posent, qui concernent : 5.

- les conditions d’applicabilité d’un traité ou de tout autre instrument international sur le territoire et dans le régime juridique d'un État partie à un tel instrument

- l'ordre de précédence des normes juridiques (traités et droit interne)

- la mesure dans laquelle les traités, accords ou autres instruments internationaux sont, ou non, effectivement appliqués

- le fait que les traités et autres accords traitent de matières de droit public (facilitation des procédures douanières, police de la circulation, sécurité, etc.) ou ont pour objet de moderniser et de rationaliser le droit privé, les pratiques commerciales et les procédures (contrats de transport, assurances, etc.) et, par voie de conséquence

- le fait ou non que lesdits instruments et accords sont conçus pour des agents de la fonction publique à des fins d’administration publique ou des

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associations de la communauté des industries et des transporteurs en vue d'un développement viable et durable du système de transports.

Ces points sont examinés en détail dans les sections qui suivent.

B. APPLICABILITÉ2

a. Applicabilité internationale

Signataires. Les accords n’ont d’effet qu’entre les Parties. Lorsqu’un État, 6.qui n’est pas partie à un traité, en accepte les dispositions et désire y adhérer, il le fait par voie d’adhésion, soit avant, soit après l'entrée en vigueur dudit traité3.

b. Applicabilité territoriale

Généralités. Une fois ratifié, un traité est applicable par les parties signa-7.taires. Des débats considérables ont été consacrés à la question suivante : les États créés par suite du démembrement d’États antérieurs (comme la Yougo-slavie et l'Union soviétique) ou de l’accession à l’indépendance de territoires coloniaux sont-ils liés par les traités signés avant leur création4 ? Différentes solutions ont été proposées ou adoptées pour différentes catégories de traités. Les traités sources d'obligations financières sont particulièrement sujets à controverse.

Principes fondamentaux et doctrine de la table rase. Conformément au 8.principe général et à la pratique actuellement suivie, les traités demeurent en vigueur à moins d’être officiellement dénoncés. La succession est dans ce cas automatique (une déclaration officielle doit être effectuée pour indiquer que le traité n’est plus en vigueur), mais parfois une déclaration d’adhésion officielle doit être effectuée pour donner effet au traité (c’est le cas dans de nombreux États africains). À titre d'exemple, les cinq États d’Afrique de l’Est (Burundi, Kenya, Malawi, Ouganda et Tanzanie) ont invoqué le principe de Nyerere dit de la table rase5. En vertu de ce principe, ces États ont déclaré n’être liés par aucun traité signé ou ratifié avant leur accession à l'indépendance, même si le ou les traités en question avaient été ratifiés en leur nom par la puissance co-loniale pertinente, que l’instrument soit bilatéral ou multilatéral. Ces États ne pouvaient adhérer aux traités ou conventions de leur choix, en toute sou-

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veraineté qu'après leur accession à l’indépendance. Lorsque, le 16 novembre 1962, la Tanzanie a adhéré par une Déclaration de Succession à la Conven-tion de Bruxelles de 1924 à certaines règles applicables aux transports mari-times de marchandises assortis de connaissements, les Autorités tanza-niennes ont fait clairement savoir au Royaume de Belgique, en sa qualité de dépositaire de la Convention, que l'expression « Déclaration de succession » avait un caractère purement formel et ne signifiait pas que la Tanzanie re-connaissait avoir hérité de la Convention du Gouvernement de sa Majesté (britannique) bien qu'elles aient, elles-mêmes, étendu le champ d'application de la ratification de cette Convention au territoire du Tanganyika. (Cette as-sertion a été par la suite qualifiée de Doctrine de Nyerere). L’adhésion à la Convention de Bruxelles a été un acte souverain, sans précédent, de la Répu-blique de Tanzanie.

Principe de la succession. En vertu de ce principe, un État accepte de don-9.ner suite à un traité conclu en son nom par une autre puissance. Toutefois, pour être applicable dans le nouvel État indépendant, le Traité doit avoir été expressément applicable lorsque ce dernier était placé sous le contrôle d’une puissance étrangère. La situation des colonies est complexe. Dans certains systèmes, ces dernières n’avaient pas de personnalité juridique autre que ce-lui de l’État colonial. Dans d’autres, elles étaient des entités constituées à part entière, mais peuvent ne pas avoir été des entités juridiques en droit interna-tional. Les territoires sous mandat de la Société des Nations ou sous tutelle des Nations Unies auraient certes dû être considérés comme des entités de droit international. Les protectorats, dont les autorités ont conclu des traités de protectorat, l’étaient manifestement. L’applicabilité passée, et par consé-quent, présente par voie de succession a nécessité une proclamation expresse de prolongation, du Traité à ladite colonie ou audit territoire, qui s’est pro-duit dans un grand nombre de possessions britanniques. La France, en re-vanche, a généralement publié des refus exprès d’applicabilité pour ses colo-nies. Mais elle n’a pas associé ses protectorats (Maroc, Tunisie)6 et les États sous mandat (Liban) à la ratification de certaines conventions multilatérales (comme la 1 Convention et Statut de Genève de 1923 sur le Régime interna-tional des ports maritimes). L’Espagne et le Portugal semblent avoir agi de manières diverses.

Dénonciation et obsolescence. Un traité, à l'instar de tout accord ou con-10.trat, peut être dénoncé. La dénonciation peut avoir lieu quand un nouveau

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traité sur le même sujet, dont les dispositions ne peuvent être réconciliées avec elles du traité antérieur, est conclu. Par exemple, la Convention de Ber-lin de 1885 sur le régime du fleuve Niger est devenue, de fait, caduque quand la Convention de Niamey de 1964 entre le Mali, le Niger, le Nigéria et le Tchad est entrée en vigueur (voir l'Annexe VII-35 du présent Recueil).

c. Applicabilité des traités dans les régimes de droit commun

Droit anglais7. En vertu des principes et de la pratique du droit anglais, les 11.traités ne sont pas d'application directe.8 Ils ne peuvent s'appliquer d'eux-mêmes au sein de l'État et nécessitent le passage d'une loi habilitante. Les Autorités publiques ou les Chefs d'État peuvent conserver le droit de signer, voire de ratifier les traités. La ratification d'un traité relève toutefois de la compétence du pouvoir législatif dans de nombreux États. La juridiction est répartie entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, selon l'importance de l'instrument considéré. Le pouvoir exécutif peut créer une obligation en signant et en ratifiant un Traité, mais seul le pouvoir législatif peut décider de la manière dont l'obligation engendrée par le Traité doit être assumée. Au Royaume-Uni, le Parlement doit voter une loi pour qu'un traité puisse deve-nir partie intégrante du droit du pays. Trois étapes successives doivent être franchies pour qu'un traité puisse entrée en vigueur : signature, ratification, promulgation d'une loi. La jurisprudence indique que le processus est le même en Australie et au Canada. Il est probable qu’il en est également ainsi dans les pays africains anglophones.

Droit des États-Unis d’Amérique9. Le droit des États-Unis distingue entre 12.les traités qui s'appliquent directement et les traités qui ne s'appliquent pas directement. Contrairement aux premiers, les seconds nécessitent l'adoption de dispositions législatives avant de pouvoir être appliqués dans le pays et être acceptés par les tribunaux. Il appartient à ces derniers de décider, en fonction de la teneur politique du traité, à quelle catégorie celui-ci appartient. Par exemple, la Charte des Nations Unies, en raison de sa teneur politique, n’a pas été considérée comme un traité d’application directe.

d. Applicabilité en régime de droit civil10

Droit français. En droit français, les instruments internationaux sont va-13.lides et applicables dès qu’ils sont ratifiés et publiés. La ratification et la pu-

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blication sont donc des étapes successives et nécessaires à l'achèvement de la procédure d’habilitation. De fait, les tribunaux sont stricts sur la nécessité de la publication, notamment en ce qui concerne les accords en forme simplifiée comme les échanges de lettres. D'après la Constitution française de 1958, un traité en vertu d'une loi ou d'un décret. Le fait que le traité engage ou non les finances de l'État est l’un des critères de ratification par le pouvoir législatif puisque le Parlement détient les cordons de la bourse. Le texte du traité est joint dans sa version intégrale au texte de la loi ou du décret de ratification (le traité s'applique alors directement dans les faits). Les deux textes sont pu-bliés dans le Journal officiel. L'application du traité est toutefois subordonnée au respect de la règle de réciprocité en vertu de laquelle le traité n'est appli-cable que s'il a été ratifié et est appliqué par l'autre Partie contractante.

États africains francophones. Les États d’Afrique francophone suivent le 14.modèle du droit civil. Les traités sont annexés à la loi ou au décret de ratifi-cation. Les deux textes sont publiés dans le Journal officiel. Les constitutions de quelques États, comme le Rwanda et le Burundi (1998, Article 168) ou Madagascar (1992, Article 82-VIII) disposent que, si les clauses d’un traité sont contraires à la Constitution, le traité ne peut pas être ratifié avant que la Constitution n'ait été modifiée.

e. Conclusion

Applicabilité et application. La signature d’un traité ou d'un accord n’est 15.donc que la première étape de la démarche engagée en vue de l’exécution des obligations créées par ledit traité ou ledit accord. L'instrument doit être pu-blié localement, diffusé auprès des organismes pertinents et son application doit faire l’objet d’un suivi. Nombre de traités solennellement conclus ne sont jamais entrés en vigueur parce que les autorités publiques se sont ravisées et ont eu recours à diverses méthodes ou procédures pour retarder leur applica-tion et échapper à leurs obligations. Un État peut donc signer un traité pour faire un geste politique, puis retarder indéfiniment sa ratification. C’est ce qui s‘est passé pour certains des traités et accords examinés ici. Parfois, aussi, lorsqu’un traité est formulé en termes généraux et que, par conséquent, des lois intérieures détaillées sont nécessaires pour assurer sa bonne application, notamment des réglementations promulguées par voie de décret aux fins d'instruction des membres de la fonction publique, tout manquement à pro-mulguer lesdits textes a pour effet d'empêcher le traité d’entrer en vigueur

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même s’il a été dûment ratifié, proclamé ou publié. Il est important de noter que les points juridiques ci-après se sont révélés être d'importants obstacles juridiques à l’intégration économique en Afrique11 :

- Ratification et application des instruments

- Dérogation à la souveraineté nationale des États membres

- Diversité et variantes du droit constitutionnel, notamment en ce qui con-cerne ses interactions avec le droit public international

- Différences et divergences entre le droit interne et le droit international, le premier ignorant délibérément les conventions et traités dûment ratifiés

- Absence de principes juridiques pleinement développés et acceptés pour l'essentiel régissant, par exemple, la responsabilité contractuelle et la responsabilité délictuelle

- Absence de règles portant sur les conflits entre les lois

- Tribunaux mal équipés

Il faudrait procéder à un examen plus approfondi pour déterminer si ces questions ont un effet préjudiciable sur l’application des accords de transit et autres accords de transport en Afrique.

C. HIÉRARCHIE DES NORMES JURIDIQUES 12

La deuxième question fondamentale concerne la prévalence — ou l’absence de pré-valence — des instruments internationaux sur le droit interne issue.

a. Hiérarchie des normes en common law

Le droit anglais et la doctrine dite de l’incorporation13. Selon la règle 16.établie, le droit international fait partie du droit interne, de sorte qu’il y a ab-sence de primauté a priori du droit international (par exemple des traités) sur le droit national. Lorsqu'une loi est examinée au regard d'un traité, le droit anglais opère une distinction entre les lois qui ont pour objet d'assurer l'en-trée en vigueur d'un traité ou d'un accord et les autres lois. Si les dispositions d’une loi donnant effet à un traité sont susceptibles de plus d’une interpréta-tion et si l’une de ces interprétations est compatible avec les termes du Traité

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tandis que d'autres ne le sont pas, les textes de loi faisant l'objet de l'examen seront interprétés de manière à éviter un conflit avec le droit international, c’est-à-dire le traité. Mais si les dispositions de la loi en vigueur sont dénuées d'ambiguïté, il n'y a d'autre possibilité que de les appliquer quel que soit le conflit qui peut exister entre lesdites dispositions et celles des accords inter-nationaux. Le traité, quoique incorporé au droit interne (principe dit de l’incorporation) ne prévaut pas automatiquement. Cette règle prévaut, selon toute vraisemblance, dans les pays d'Afrique anglophones.

Eu égard au principe, bien établi, de l’incorporation, les références aux devoirs en-gendrés par le droit international sont donc peu nombreuses dans les constitutions des États anglophones situés au sud du Sahara. L’Article 40 de la Constitution du Ghana dispose que :

Dans ses interactions avec les autres nations, l’État. . . c) favorise le res-pect du droit international, des obligations créées par les traités et le rè-glement des différends internationaux par des moyens pacifiques ; d) adhère aux principes fondamentaux ou, selon le cas, aux objectifs et aux idéaux : i) de la Charte des Nations Unies ; ii) de la Charte de l’Organisation de l’Unité africaine ; iii) du Commonwealth ; iv) du Traité de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest ; et v) de toute autre organisation internationale dont le Ghana est membre.

Il s’agit là davantage d’une déclaration de politique générale que d’une règle de droit précise utilisable par les tribunaux aux fins de l’interprétation des lois et des traités. Cette prise de position se retrouve dans l’Article 14 de la Constitution de 1975 de l’Angola — pays doté d'un régime de droit civil — en vertu duquel l’État se consi-dère lié par les principes de la Charte des Nations Unies et de la Charte de l’OUA. L’Article 144 de la Constitution de la République de Namibie de 1990 fait référence au droit international, mais place le droit interne au-dessus du droit et des accords internationaux, de sorte que le Parlement est en mesure, à tout moment, de libérer la Namibie de toute obligation contraignante. Ledit Article stipule que : « À moins qu'il n'en soit disposé autrement dans la présente Constitution ou dans une Loi promulguée par le Parlement, les règles générales de droit public international et les accords internationaux créant des obligations pour la Namibie en vertu de ladite Constitution font partie intégrante du droit namibien. »

Les traités peuvent indiquer précisément leur position parmi les instruments juri-diques. Par exemple, l’Article XVI, 4, de l’Accord de 1994 instituant l’Organisation mondiale du commerce (voir le chapitre II du présent recueil) dispose que :

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« Chaque Membre assurera la conformité de ses lois, réglementations et procédures administratives avec ses obligations telles qu'elles sont énoncées dans les Accords figurant en annexe ».

Cette stipulation fait référence aux accords commerciaux types figurant en annexes à l’Accord principal de l’Organisation mondiale du commerce.

Le droit des États-Unis et la doctrine de la règle de droit la plus ré-17.cente14. Le droit des États-Unis est encore plus strict. Les efforts initiale-ment déployés après la promulgation de la Constitution pour faire prévaloir les traités sur le droit interne n’ont pas abouti. Les traités et le droit interne sont sur un pied d'égalité et, dans tous les cas, la Constitution fédérale pré-vaut, sur le territoire national, en tant que loi suprême de la nation, même si, de ce fait, les États enfreignent le droit international au niveau international. En cas de conflit entre un traité s'appliquant directement et une loi ou un acte législatif du Congrès, le texte le plus récent prévaut (principe de la règle de droit la plus récente). La position de toute partie étrangère à un traité avec les États-Unis, qui risque de se voir appliquer le principe de la règle de droit la plus récente, est donc à tout moment très précaire.

b. Hiérarchie des normes en droit civil

Primauté des traités en droit civil. Les pays de droit civil, dont la tradition 18.juridique a une forte influence dans les pays africains non anglophones, con-sidèrent généralement que le droit international prévaut sur le droit interne. Selon la Constitution française de 1958 :

- Les traités ratifiés et publiés ont force de loi en droit interne.

- Les dispositions d’un traité particulier prévalent sur les dispositions du droit interne, mais seulement dans la mesure où elles s'appliquent à l'autre ou aux autres parties au traité (règle de réciprocité).

Les tribunaux français peuvent également déclarer une loi inapplicable si elle entre en conflit avec un traité antérieur - démarche totalement différente de celle du prin-cipe de la règle de droit la plus récente. En fait, dans ce cas, les tribunaux peuvent interdire au pouvoir législatif de promulguer une loi qui serait contraire à un traité. La Loi fondamentale de la République fédérale d’Allemagne va encore plus loin puisqu'elle dispose que les règles générales du droit public international font partie intégrante du droit fédéral, ce qui couvre non seulement les traités, mais aussi la

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Aspects juridiques fondamentaux des instruments internationaux

coutume, elle-même source importante de droit international. Les traités priment les lois et créent directement des droits et des obligations pour les habitants du terri-toire de la République fédérale allemande. En d’autres termes, les traités ont un effet direct.

États africains. La plupart des constitutions des États africains franco-19.phones suivent le modèle du droit civil, en utilisant la formulation te15 :

« Les traités et accords approuvés ou ratifiés conformément aux règles en la matière auront, dès leur publication, valeur supérieure aux lois, sous réserve de leur application par l’autre partie au traité, et pour cha-cun des traités. »

Cette règle apparaît dans les constitutions du Bénin (1990, Article 147), du Burkina Faso (1991, Article 151), du Cameroun (1996, Article 4616), de la République centra-fricaine (1994, Article 69), du Tchad (1996, Article 222), de la Côte d’Ivoire (2000, Article 88), de la Guinée (1990, Articles 77 à 79), du Mali (1992, Article 116), de la Mauritanie (1990, Article 88), du Niger (1996, Article 121) et du Sénégal (2001, Article 98). En revanche, elle est absente des Constitutions du Congo (1992), du Gabon (1994), de Madagascar (1991) et de celles d'États de droit civil comme le Cap-Vert, Sao Tomé-et-Principe, et la Guinée Bissau.

Exemple. L’influence du principe de droit civil du classement primordial des 20.traités est clairement démontrée dans le cas des instruments de l’Union éco-nomique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). La Convention de Dakar (1994) entre huit États francophones portant création de l'UEMOA stipule un régime précis, visiblement inspiré de celui de l’Union européenne.

« Les actes arrêtés par les organes de l’Union pour la réalisation des objectifs du présent Traité et conformément aux règles et procédures institutes par celui-ci sont appliquées dans chaque État membre no-nobstant toute législation nationale antérieure ou postérieure (Ar-ticle 6). Les États membres... prennent toutes mesures destinées à éliminer les incompatibilités ou les doubles emplois entre le droit et les compétences de l'Union d'une part, et les conventions conclues » par de tierces parties (Article 14).

Les règlements émis par l'UEMOA « sont directement applicables dans tout État membre ». (Article 43)

En outre :

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Aspects juridiques fondamentaux des instruments internationaux

Les Directives indiquent quels résultats doivent être obtenus et « lient tout État membre quant aux résultats à atteindre ».

« Les décisions de l'UEMOA sont obligatoires dans tous leurs élé-ments et sont directement applicables dans tout État membre ».

Dans l’UMEOA, seuls les avis et les recommandations et n'ont pas force exécutoire. Tous les instruments publiés doivent être motivés. Les ordonnances sont formulées et exécutables conformément aux règles nationales de procédure civile.

D. DROIT PUBLIC ET DROIT PRIVÉ

Importance du droit public. De nombreux traités et conventions examinés 21.dans ce recueil semblent être des instruments conçus en vue de l’exécution, par les autorités publiques et par leurs administrations, de fonctions réga-liennes. Ils concernent donc des matières de droit public. Dans toutes les ins-titutions décrites, il est clair que les autorités et les agents de l'État sont om-niprésents et responsables. Les professionnels du transport, les chambres de commerce, les procédures de consultation, etc. ne sont pratiquement jamais mentionnés. Cinq exceptions sont toutefois notables.

- L’UEMOA accorde officiellement un rôle consultatif aux chambres de commerce, sur le modèle du cadre juridique français. Dans ce cadre, les chambres de commerce sont considérées comme des organismes officiels qui représentent les milieux des affaires et elles sont dotées de fonctions et de missions d'intérêt public (concessions de gestion portuaire et aéroportuaire, magasins sous douane, formations, etc.)

- Le Corridor de Walvis Bay est essentiellement un projet privé dans le cadre duquel des professionnels et des opérateurs organisent un service public qui consiste à ouvrir deux corridors d’accès vers l’arrière-pays.

- Le traité établissant l’Organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afrique (OHADA) concerne la modernisation du droit des affaires et du droit des transports et traite des problèmes entre les transporteurs et leurs clients.

- Le traité de la Communauté du développement de l'Afrique australe (SADC) assure la représentation du secteur privé au niveau des autorités routières qui doivent être mises en place.

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Aspects juridiques fondamentaux des instruments internationaux

- L’Accord de 1999 instituant un régime fluvial uniforme et créant la Commission internationale du Bassin Congo-Oubangui-Sangha assure la représentation des transporteurs au comité de gestion de la Commission.

Moindre importance accordée au droit privé. Dans de nombreux pays, 22.abstraction faite des assurances de responsabilité civile aux tiers, très peu d'attention semble avoir été accordée aux transports mêmes et aux transpor-teurs. Ces derniers semblent en fait être étrangers au processus. Fait notable, aucun État n’a semblé soucieux de ratifier la Convention des Nations Unies sur le transport multimodal international de marchandises. Les Incoterms17, et leur application, ne sont jamais mentionnés. Le régime des lettres de voi-ture est obscur. La manière dont les litiges entre transporteurs, expéditeurs et consignataires sont réglés n'est pas connue. Le manque de ressources fi-nancières limite l'accès aux rapports et aux recueils de décisions juridiques, et les tribunaux, dépourvus de ressources, n'ont pas les fonds requis pour adap-ter leur jurisprudence en fonction de l'évolution des lois et des principes juri-diques. Le manque d'information est une source de préoccupation constante des juges et du barreau. Nul ne sait s'il est fait fréquemment appel aux tribu-naux ou aux procédures d'arbitrage.

E. PRÉSENTATION

La position adoptée par les États africains dans diverses conventions est 23.décrite dans la suite de ce recueil. Les conventions peuvent être regroupées en trois catégories :

- Les conventions de portée mondiale, qui fixent des règles de politique générale ou qui concernent un mode de transport de particulier

- Les instruments de portée régionale, qui sont valides ou doivent le devenir sur l’ensemble du continent africain

- les instruments, conventions et traités de portée sous-régionale, qui sont propres à l’Afrique.

Chaque section ou sous-section résume les stipulations de la convention considérée et fait le point sur sa ratification ou son adhésion. Elle indique également si l’instrument décrit fait l’objet d’une annexe au présent recueil.

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