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Les Hotteterre et lesChdeville : clbres
joueurs et facteurs defltes, hautbois,bassons et musettes
des XVIIe et [...]
Source gallica.bnf.fr / Bibliothque nationale de France
http://www.bnf.fr/http://gallica.bnf.fr/ -
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Thoinan, Ernest (1827-1894). Les Hotteterre et les Chdeville : clbres joueurs et facteurs de fltes, hautbois, bassons et musettes des XVIIe et XVIIIe sicles... / par Ernest
Thoinan. 1894.
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LES
HOTTETERREET LES
CHDEVI LLE
CLBRES JOUEURS ET FACTEURS
DE FLUTES, HAUTBOIS, BASSONS ET MUSETTES
DES XVIIe ET XVIIIe SICLES
Avec Portraits et Fac-Simils
PAR
ERNEST THOINAN
PARIS
EDMOND SAGOT
LIBRAIRIE MUSICALE, RUE GUENEGAUD, 18
1894
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LES
HOTTETERREET LES
CHDEVILLE
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Tir 200 exemplaires
dont 100 seulementont tlivrs au commerce
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Gravure de Bernard Picart considre jusqu'ici comme le portrait de
JACQUES HOTTETERRE LE ROMAIN
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LES
HOTTETERREET LES
CHDEVILLE
CLBRES JOUEURS ET FACTEURS
DE FLUTES, HAUTBOIS, BASSONS ET MUSETTES
DES XVIIe ET XVIIIe SICLES
Avec Portraits et Fac-Simils
PAR
ERNEST THOINAN
PARIS
EDMOND SAGOT
LIBRAIRIE MUSICALE, RUE GUENEGAUD, 18
1894
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A famille d'artistes, dont nous essayons de retracer l'histoire, compte
parmi
ses membres des instrumentistes habiles ayant joui d'une cer-
taine rputation l'poque o ils vcurent. Non moins recomman-
dables comme facteurs de fltes, hautbois, bassons et musettes que
comme excutants sur ces mmes instruments, on leur doit aussi quelques innova-
tions heureuses, des perfectionnements mcaniques ingnieux, et des prceptes tho-
riques qui furent utiles dans leur temps.
Il n'est donc pas sans intrt d'tudier la vie et les oeuvres de ces artistes, d'un
mrite modeste, il est vrai, mais qui, en somme, surent se faire distinguer parmi
leurs confrres, et aidrent dans la mesure de leurs moyens au progrs et la gn-
ralisation de l'art.
Les Hotteterre taient originaires du Diocse d'Evreux, et c'est de la commune
de La Couture-Boussey qu'ils partirent pour venir habiter Paris.
On a longtemps ignor dans quelle province de France ils avaient vu le jour ;
mais le nom, essentiellement normand, de Chdeville, port par une famille qui
s'allia avec eux, nous fit penser, ds le dbut de nos recherches, qu'ils
taient ns
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8 LES HOTTETERRE
La Couture. Ce bourg, trs connu pour la bonne fabrication des instruments en
bois, semblerait mme devoir sa rputation aux Hotteterre, dont le nom se trouve
tre, jusqu'ici, le plus ancien nom de luthier cit dans les actes de la contre1 .
La production instrumentale de La Couture-Boussey est toujours reste infini-
ment plus considrable que celle d'aucun autre pays et lui a valu, juste titre,
une grande renomme pour l'adresse et le tour de main de ses ouvriers. Cette
habilet, laquelle l'enfant tait initi, sans s'en douter, ds son plus jeune ge,
en rdant prs du tour de son pre, en le regardant travailler, en jouant avec ses
outils, se transmettait comme inconsciemment de pre en fils, de gnration en
gnration, et s'est conserve intacte pendant plusieurs sicles parmi la population
de ce petit coin de la Normandie.
N'en est-il pas de mme en France pour beaucoup d'industries locales? La sup-
riorit dela coutellerie du pays de Langres et celle de la serrurerie dePicardie, par
exemple, ne s'expliquent-elles pas par lesmmes raisons que celles qui prcdent?
A quelle poque remonte la pratique du tournage La Couture et comment y
fut-on amen l'appliquer la production des instruments demusique ? C'est ce
quoi il est, jusqu' prsent, impossible de rpondre avecassurance, car, malheureuse-
ment, les recherches faites par nos devanciers, et lesntres, n'ont fait dcouvrir aucun
document sur lequel onpourrait s'appuyer avec certitude. Il est vrai que lesexplications
nemanquent pas; mais, hlas ! elles sont purement imaginaires, nereposent sur rien de
srieux, si ce n'est parfois sur l'intrt ou l'amour-propre de ceux qui les inventent.
C'est ainsi qu'on veut qu'un colporteur arriv un jour La Couture, sa hotte
charge de canelles etde fuseaux, s'y soit fix ety ait fait souche de tourneurs. Si on
ne dit pas qu'il portait son tour dans sahotte, si on necite
pas la date dece
jour m-
morable non plus, on donne, toutefois, le nom de cenomade vraiment bien inspir.
1 Ce n'est, d'ailleurs, que depuis trente-six ans environ qu'un M. Noblet, de La Couture,
transporta sa fabrique d' instruments en bois tourns quelques kilomtres de l, Ivry-la-
Bataille. Le nom sonore de cette localit, plaisant fort quelques crivains modernes, le leur
a fait prfrer celui plus tranquille de La Couture ; ils ont dlaiss celui-ci et donn croire
qu'Ivry-la-Bataille tait, mme dans les temps les plus reculs, le principal, sinon le seul endroit
du dpartement o se tournaient les instruments de musique en bois et souffle.
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Nous le tairons pour ne pas nous associer la rclame qui, dit-on, se cache sous
cette anecdote.Une autre version, plus dsintresse nous le reconnaissons
et moins vague
quant la date, raconte que ce furent les instruments de musique laisss par les sol-
dats de la Ligue et de Henri IV sur le champ de bataille d'Ivry (1590), qui donnrent
l'ide aux habitants de La Couture de les imiter. Ce serait donc, dans ce cas, qu'ils
taient dj tourneurs?
On invoque encore la proximit d'Anet pour en dduire que les ftes qui s'y
donnrent purent bien avoir quelque influence sur l'tablissement, La
Couture, de
fltistes et de hautbostes venus de Paris pour ces divertissements. Mais les ftes
d'Anet n'eurent du retentissement que sous le duc de Vendme, soit la fin du
XVIIe sicle, alors, comme nous le verrons, que la renomme des Hotteterre, feseurs
et joueurs de ces instruments enbois et vent, n'tait plus faire depuis longtemps.
S'il s'agit du sjour de Diane de Poitiers dans son chteau au milieu du XVIe si-
cle, on doit considrer que, prfrant Chenonceaux, elle demeura fort peu Anet ; de
plus, on
ignore entirement, la
place faite la
musique dans sa
maison, et, par cons-
quent, l'influence que les musiciens de la belle chtelaine d'Anet, si toutefois elle en
eut, purent bien avoir sur les destines de La Couture.
N'est-il pas plus simple de s'en tenir ce que nous savons positivement, c'est--
dire, la prsence Paris, dans la premire moiti du XVIIe sicle, d'artistes sre-
ment originaires de La Couture, qui acquirent, dans la capitale, une certaine notorit
aussi bien comme facteurs que comme excutants ? Ceci ne donne-t-il pas penser que
leur art taitparticulirement
cultiv dans lepays
d'o ils venaient,
et cela depuis
un
certain temps? Il parat donc hors de doute que, ds le XVIe sicle, sinon mme
avant, on tournait des instruments de musique La Couture, et,de plus, qu'on y jouait
avec talent de laflte, du hautbois, du flageolet et de la musette 1.
Cespremiers artistes, venus Paris, dont nous parlons, furent les Hotteterre, sur
1 Les faiseurs d'instruments vent en bois semblent les seuls qui se soient distingus comme
virtuoses sur les instruments qu'ils fabriquaient. On ne cite pas un luthier qui soit devenu ha-
bile violoniste ou violoncelliste !
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le pays d'origine desquels une pice judiciaire, obligeamment indique comme exis-
tant aux Archives Nationales par notre ami, M. Nuitter, nous prouva que nos prvi-
sions taient justes. Une fois ce point de dpart bien tabli, desrecherches minutieuses
faites La Couture-Boussey et aux environs ne tardrent pas dsigner cette localit
comme le vrai berceau des Hotteterre.
On y montre une maison qui porte toujours leur nom, et, peu de distance du
bourg, prs d'un bois taillis, dans un endroit appel Trige de la Fieffe, il existe
une mare peu prs sec toute l'anne, qu'on nomme encore prsent : la Mare
Hotteterre. Ne doit-on pas croire qu'un autre membre de cette famille y eut prs de
l, lui aussi, samaison aujourd'hui dtruite ?M. Alfred Hrouard, ancien maire de La Couture, et dont la bisaeule tait une
demoiselle Hotteterre, a bien voulu consulter pour nous les actes de l'tat civil ;
M. Mauger, propritaire par hritage de la maison connue sous leur nom, dont les
anctres s'allirent maintes fois avec les Hotteterre de diverses branches et qui exerce
avec talent la mme profession que sesparents, possde quelques papiers de famille
qu'il a trs gnreusement mis notre disposition. Lui et M. Alfred Hrouard se sont
particulirement distingus par
leur esprit d'investigation
et leur persvrance
: nous
leur devons des notes excellentes sans lesquelles nous aurions d laisser dans l'obscu-
rit nombre de faits intressants. Que ces messieurs nous permettent de les remercier
ici bien sincrement de leur bienveillant et trs prcieux concours 1.
Il nous est impossible de dterminer l'poque laquelle le premier des Hotte-
1 Nous ne saurions oublier M. Paul Lematre, de La Couture, et M. Hugret, de Pacy-sur-
Eure, qui se sont empresss trs courtoisement de s'associer notre enqute ; nous les prions,
eux aussi, de recevoir nos plus vifs remerciements.Pendant ces recherches, M. J. Cariez de Caen publia une notice sur la famille desHotteterre,
et il y signalait une dcouverte qu'il avait faite la bibliothque de Caen, dans un manuscrit du
Pre Martin, l'Athenoe Normanorum. Cet auteur, en parlant de la Mthode de Flte de Hotte-
terre le Romain, donnait celui-ci la qualification d'Ebrocensis, qu'il faudrait traduire d'aprs ce
qui prcde par natif du pays d'Evreux. Mais comme Hotteterre le Romain, dont le grand-pre
et le pre habitrent Paris, naquit vraisemblablement dans cette ville, l'exactitude ne voudrait-
elle pas qu'on tendt encore la signification du mot Ebrocensis en lui faisant dire ici : Appar-tenant une famille originaire du pays d'Evreux ?
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LES HOTTETERRE II
terre connu quitta son pays pour venir se fixer Paris. Le Pre Mersenne ne cite
pas leur nom parmi ceux des instrumentistes renomms la date o il imprimait sonHarmonie universelle, en 1636, et ce n'est que dans les Mmoires de l'abb de
Marolles, publis en 1656, qu'il nous apparat pour la premire fois. Suivant cet au-
teur, lesdilettantes, sescontemporains, estoient ravis de la Poche et du violon de
Constantin et de Bocan, de la viole d'Otman et de Maugars, de la musette de Poi-
tevin, de la flte douce de La Pierre et du flageolet d'Otteterre 1.
L'anne d'aprs, le l ivret du ballet de l'Amour malade, dans chez le roi, le
17 janvier 1657, dsigne, au nombre des symphonistes, les sieurs Obterre le pre,
Obterre fils an, Obterre le cadet. Ces artistes, ainsi que plusieurs autres
membres deleur famille, figurent ensuite comme instrumentistes dans presque tous
les ballets danss la Cour, de mme que dans les comdies de Molire, joues de-
vant le roi avec une mise en scne spciale, mle de danse et surtout de musique
MAISON HOTTETERRE A LA COUTURE-BOUSSEY
1L'orthographe du nom de nos musiciens est excessivement varie dans les crits du temps;
on crivait indiffremment Obterre, Opterre, Hauterre, Hauteterre, etc. La vritable orthographeest bien Hotteterre.
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compose par Lully. Ainsi les trois frres, Jean II, Nicolas Ier et Martin jourent
dans les Amours
dguiss,
en 1664 ; les uns ou les autres le firent encore dans les
pices de Molire qui suivirent, notamment dans Psych, l'exception cependant de
Jean II, mort en1669. Nicolas I, Martin, et avec eux Louis I et Nicolas II, dit Colin,
firent leur partie dans lesintermdes de musique de cette pice.
Mais avant d'entrer davantage dans l'histoire de cesmusiciens, il est utile d'tablir
leurs diffrents degrs de parent entre eux et de faire connatre les raisons d'aprs
lesquelles nous avons dress letableau gnalogique ci contre. On verra, du reste, que
nous n'affirmons rien qui ne soit appuy sur des preuves certaines et que nous lais-
sons dans le doute les rares points sur lesquels nous n'avons pu faire la clart.
Jacques Hotteterre, dit le Romain, dclare dans sa Mthode de Musette qu'il
tait fils de Martin et petit-fils de Jean ; de plus, il dit encore qu'il eut un frre portant
le mme nom de Jean.
Nous voyons ensuite deux Jean Hotteterre, musiciens de la Cour vers 1666, l'un
comme Hautbois du Poitou, Jean I, et l'autre comme Basson, dit Jean le Jeune,
pour le distinguer de son pre.
Un brevet du roi tablit qu'un
troisime Jean, fils de Nicolas I, succda, en1669, son oncle Jean, dit leJeune, rcemment dcd ; ce qui dmontre queNicolas tait
frre de Jean le Jeune.
La fraternit de Louis Ier et deNicolas II, dit Colin, est prouve par une inscrip-
tion qui setrouve dans l'glise de La Couture et dont nous parlerons plus tard.
C'est une fille de Nicolas Ier etde sa femme Anne Mauger, qui pousa un nomm
Claude Coricon et dont une desfilles, Anne Coricon, marie avec un Chdeville, eut
de ce mariage trois fils dsigns dans leurs nominations de musiciens de la Cour
comme neveux de Louis I et de Nicolas II, dit Colin. Ceux-ci, par consquent,
doivent d'autant plus tre considrs comme les fils de Nicolas Ierque l'un d'eux,
Colin, fit son testament en faveur d'Anne Coricon, femme Chdeville, et qu'il l 'y
appelait sa nice ; il l'obligeait aussi verser annuellement, l'glise de La Couture,
la somme de vingt-quatre livres pour qu'il y ft dit des prires pour Nicolas,
Hautbois du roy, pour Anne Mauger, sa mre, etpour lui.
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TABLEAU GNALOGIQUE 13
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Enfin, Antoine-Jacques et Jean-Baptiste figurent plusieurs reprises dans les
registres
du secrtariat de la maison du roi comme fils deJacques
Hotteterre, dit
le
Romain.
Il ne nous a pas t possible d'tablir les parents et filiations de Pierre, de
Jacques-Jean et de Jean VI ; d'une demoiselle Hotteterre violoniste et d'un Obter
claveciniste. Ils devront donc rester dans notre tableau sans attache avec les autres
membres de la famille jusqu'au jour o de nouvelles dcouvertes feront connatre
quelle branche des Hotteterre ils appartenaient.
Quant au nom deHenri, donn aupre desHotteterre par Ftis, il n'a t port,
que nous sachions, par aucun desmembres decette famille; ni par ceux de Paris, ni
par ceux de La Couture, d'Ivry, d'Anet, deBoncourt etdetous les pays environnants,
alors, cependant, qu'il nous est passsous les yeux prs de cent actes civils de Hotteterre.
La mort de ce soi-disant Henri Hotteterre, survenue Saint-Germain-en-Laye
en 1683, est encore une de ces assertions gratuites comme Ftis en a tant avances
dans sesgros crits. Les registres des dcs de Saint-Germain ne font aucune mention
d'un Hotteterre quelconque de 1680 1692, ainsi que nous l'crivait, en janvier 1878,
M. Bquet, chef de l'tat civil de cette ville, qui fit pour nous, cette poque, les re-cherches lesplus minutieuses. D'ailleurs, Ftis esttoujours si inexact dans le peu qu'il
dit des Hotteterre, qu'il n'y a rellement pas lieu de s'arrter ce nom de Henri ;
c'est la moindre des erreurs qu'il ait commises l'gard de ces musiciens, ainsi que
notre travail le prouvera surabondamment.
Les Hotteterre de Paris ne furent pas les seuls membres de cette famille qui se
consacrrent la facture des instruments en bois, car plusieurs d'entre eux rests au
pays y exercrent la profession de tourneurs pour fltes, hautbois et musettes. Ils
jouaient peut-tre aussi de ces instruments, mais aucun d'eux ne russit acqurir
autant de clbrit que leurs parents devenus parisiens, et qui, tous, l'exception d'un
seul, Pierre, firent partie de la musique du roi.
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BIOGRAPHIES DES HOTTETERRE
ASCENDANCES INCONNUES
PIERRE
Cet artiste ne nous est connu que par son
acte mortuaire extrait des registres de Saint-
Sulpice : Ledit jour (20 septembre 1665),
convoy et enterrement de Pierre Obterre,
joueur d'instrumens, pris rue Sainte-Mar-
guerite, proche la Boucherie 1.
Nous sommes sans aucun indice permet-tant de faire la moindre conjecture raison-
nable l'gard de son degr de parent avec
les autres Hotteterre. Il faut croire quePierre n'appartenait pas la musique du
roi, car il ne figure dans aucun des registres-de la Cour, que nous avons consults;
d'ailleurs, ne lui et-on pas donn cette-
qualit, dans son acte mortuaire, s'il l'et
possde, ainsi qu'on le faisait toujours?
1 Actes d'tat civil d'Artistes, Musiciens etComdiensextraits des registresde l'Htel deFille de Paris, dtruitsdans l'incendie du24mai 1871. Orlans, Herluison,
1876, in-8. Le boulevard Saint-Germain passeau-
jourd'hui sur l'emplacement de larue Sainte-Margue-rite qui longeait Saint-Germain-des-Prs.
JEAN Ier
La carrire deJean, premier dunom, nous
est un peu plus connue. Nous le voyonsnomm pour la premire fois avec ses deux
fils, l 'an et le cadet, parmi les excutants
des ballets danss la cour, l'Amour malade
(1657) et Alcidiane (1658). Tous les trois
figurent ct de Pierre Piesche, Franois
Descteaux, Jean Destouches et Jean Brunet,fameux joueurs de flte, hautbois et musette
du temps. Mais comme les livrets de ces
sortes de divertissements ne donnent pas
toujours les noms des instrumentistes qui y
jourent, on peut croire que lepre Hotteterre
et ses fils avaient dj fait leur partie dans les
ballets danss les annes prcdentes, ainsi
qu'ils, continurent lefaire, dans les Noces
de Village (1663) et dans d'autres ballets
o ils figurent sous la dnomination des
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:6 JEAN Ier
quatre Opterres, soit le pre et ses fils
Jean, Nicolas et Martin.
Jean Ier, comme musicien de la Cour,
appartenait la musique de la Grande Ecu-
rie; il jouait le dessus dans la petite bande
des Hautbois et Musettes du Poitou et avait
succd Pierre Savin, vers 1650.Pendant le XVIe sicle il n'y avait la
Cour qu'une seule bande de Hautbois, com-
pose dedouze membres qu'on appelait les
Hautbois, Saqueboutes, Violes et Cornets; mais
partir du commencement du XVIIe sicle
on lui adjoignit celle des Hautbois et Mu-
settes du Poitou, laquelle ne compta d'abord
que quatre membres, puis six par la suite.
La famille de ces instruments du Poitou
tait forme du dessus, dela taille, de labasse
etde la musette oucornemuse, laquelle jouait l'unisson du dessus1. Ces sortes de haut-
bois diffraient surtout du hautbois et du
basson ordinaires par leur embouchure.
Ainsi, au lieu de poser entre les lvres une
anche nu avec ou sans pirouette, comme
pour ces derniers instruments, on renfermait
l'anche des h autbois du Poitou d ans une bote
ou capsule et le son se produisait en soufflant
par une fente aux bords intrieurs de laquellel'anche touchait. L'embouchure des Cro-
mornes tant identique celle deces instru-
ments du Poitou, nous avons pri M. Mahil-
lon, le savant Conservateur du Muse instru-
mental deBruxelles, de vouloir bien essayer
pour nous les cromornes dont cet tablisse-
ment possde une famille complte, et voici
les rflexions qu'il nous a obligeamment
communiques :
Lorsque, dans les instruments anche, celle-c
est recouverte d'une capsule, le nombre des sons
que lesinstruments peuvent produire ne dpasse ja-mais le nombre de trous latraux dont ils sont per-cs : gnralement, leur tendue est d'une neuvime
(sept trous, une clef, et le son du pavillon). Lorsquele tuyau est conique, letimbre gnrique est celuiduhautbois, maisplus rude etplus sauvage, puisquel'instrumentiste n'a pas la facult de modifier ces
dfauts naturels par la pression des lvres. Lorsquele tuyau est cylindrique, le timbre est creux. On
peut s'en faire une ide par le son que produit unmauvais clarinettiste lchant l'anche.
De mme que les autres bandes d'ins-
trumentistes faisant partie de la musiquede la Cour, soit les Grands Hautbois, les
Cromornes et Trompettes-marines, les Fifres et
Tambours et les Trompettes, celle des Hautbois
et Musettes du Poitou seconserva la cour
peu prs jusqu' la fin de la monarchie.
Mais cette dsignation n'tait plus que pure-ment nominale pendant le XVIIIe sicle,
attendu que si les titulaires de ces chargescontinuaient tre ainsi appels sur les tats
de la maison du roi et dans leurs brevets,
ils avaient depuis longtemps dlaiss ces
instruments suranns. Ils ne jouaient que
du hautbois ordinaire, tel qu'il avait t
successivement perfectionn, et de la mu-
sette soufflet.
Dans tous les cas, la date qui nous oc-
cupe, c'est--dire du temps de Jean Ier Hot-
teterre, les Hautbois et Musettes du Poitou
figuraient dans les divertissements de la
cour et formaient un des appoints de l'or-
chestration d'alors. Cependant, d'aprs
quelques indications notes sur les livrets
des ballets du roi, il est certain que le rle
1Kastner s'est tromp en disant que la Corne-muse du Poitou avait pour dessus le hautbois dumme nom. Le Pre Mersenne dit formellement quele dessus du hautbois et la musette du Poitou
jouaient l'unisson; de plus, il en donne unexemple not.
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JEAN 1er 17
de notre artiste, comme celui de ses con-
frres, ne sebornait pas exclusivement au
jeu des instruments dits du Poitou. Suivant
les circonstances, ces musiciens prtaient
encore leur concours en jouant d'autres ins-
truments vent. Jean Hotteterre embou-
chait aussi bien la flte que le hautbois et
mme le flageolet, ce qui impliquerait que
c'est peut-tre lui que Marolles a plac
ct des clbrits musicales dont il fait
l'loge, en vantant son talent sur cedernier
instrument.Mais son mrite comme excutant n'est
pas le seul qu'on doive lui reconnatre; il
faut encore lui tenir compte de sa grandehabilet comme facteur de tous les instru-
ments dont il jouait. Sa rputation tait, en
effet, trs grande, et la preuve nous en a
t conserve par son contemporain Borjon,homme fort en droit, et en jurisprudence,
et, de
plus, d'une adresse rare faire dans
le vlin d'ingnieuses dcoupures, queLouis XIV, auquel il en faisait hommage,
apprciait assez pour les garder prcieuse-ment 1. Il tait surtout amateur enthou-
siaste et convaincu de la musette, et cela au
point de s'en faire l'historien et le lgislateur.
Le pre, dit-il, en parlant de Jean Ier, est un
homme unique pour la construction de toutes sortes
d'instruments debois, d'yvoire et d'beine, comme
sont les musettes, flustes, flageolets, haubois, cro-
mornes : et mesme pour fairedes accords parfaits de tous ces
mesmes instrumens 1.
Naturellement, Borjon
dsigne ici par accords
parfaits les instruments
de diverses grandeurs qui
composaient une mme
famille, celles des Fltes,des Hautbois ordinaires
ou du Poitou, et des Cro-
mornes.Jean Hotteterre apporta
aussi quelques perfection-nements dans le bourdon
de la musette; c'est son
petit-fils, Jacques, dit le
Romain, qui nous l'ap-
prend endonnant croire,sans toutefois s'expliquerd'une faon
prcise, queces changements consis-
taient principalementdans la simplification des
tons qui composaient ce
bourdon 2.
Le Conservatoire de
Paris possde deux ins-
truments portant le nom
de Hotteterre : une basse
de flte bec sur laquellele nom avec une ancre
sont gravs au fer rouge et
une quinte de flte de 69
centimtres, aussi bec, o la marque qui
1 Un Roberday qui, je crois, tait le frre de Ro-berday. organiste et valet de chambre des reinesAnne d'Autriche et Marie-Thrse, excellait dans cessortes de dcoupures. J'ai vu chezM. le baron J.Pi-chon un volume offert par Roberday Louis XIV,et que celui-ci, en amateur passionn, avait fait soi-gneusement relier avec cercles, fermoirs et plaquesd'argent. Chaque pagede texte et d'ornements en-tirement dcoups tait interfolie par une pagenoire sur laquelle se dtachaient les lettres et les des-sins jour.
1TraitdelaMusette,avec une nouvelle mthodepourapprendredesoy-mesmejouer de cet instrument facile-mentet enpeude temps. Lyon, 1672, in-f.2 Mthodepour la Musette, etc., par Hotteterre le
Romain. Paris, 1737, in-4, chap. XVI.
Bassede flte.
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18 JEAN Ier
accompagne le nom est trop ef-
face pour qu'on puisse dire ce
qu'elle reprsentait.Nous possdons, de notre ct,
une flte bec de 69 centimtres
galement, signe sur les trois
tronons : Hauterre, avec une
petite fleur de lis au-dessous ; le
tronon du pavillon porte une
quatrime marque : Hotteterre, et
toujours la fleur de lis.
HAUTERRS HOTTETERRE
Comme presque tous les Hot-
teterre, ceux de Paris ou ceux
rests au pays, furent plus ou
moins facteurs d'instruments
vent et en bois, il serait incon-
sidr, en l'absence d'une donne
positive l'gard de cette ancre
et de cette fleur de lis,
d'attri-
buer la construction des instru-
ments qui en portent les em-
preintes l' un ou l'autre de
nos artistes. Cependant, une
flte traversire possde parM. Snoeck, de Gand, et entire-
ment semblable celle de la mthode de
Hotteterre le Romain, tant marque d'une
ancre, on peut se demander si cette mar-
que n'tait pas celle de Jean Ier dont sonfils Martin d'abord, puis plus tard son pe-tit-fils Jacques auraient hrit? Quoi qu'ilen soit, il faut, suivant nous, rester ind-
cis jusqu' plus amples dcouvertes, et les
Hotteterre devront bnficier en masse de
la paternit des deux fltes du Conserva-
toire, de celle de M. Snoeck et de la ntre.
Nous parlerons, l'article Nicolas, d'une
cinquime flte Hotteterre connue, marque
celle-ci de la lettre N, ce qui circonscrit lechoix faire pour en dcider l'auteur.
Jean Ier parat avoir joui de quelque ai-
sance, car il possdait une maison avec un
jardin et vignes, situs au village de Chen-
nevire sur Marne, qu'il vendit, le 6 fvrier
1661, Jacques Allard, conseiller du roi,
maison et couronne de France et de ses fi-
nances, trsorier gnral au bureau des
finances d'Alenon, qui habitait Paris. Cette
vente, faite moyennant le prix de cinq millelivres tournois y compris meubles et us-
tendis , fut acquitte le 12 mars 1662, et
l'acte conserv aux Archives de l'Opra, o
se voit le nom de sa femme Margueritede la Lande, d'une famille des environs de
La Couture, nous indique qu'il demeurait
cette poque rue Neuve-Saint-Louis, pa-
roisse Saint-Barthlmy, devant la petite
porte du Palais 1. On y voit aussi sa signa-
ture dont voici le fac-simil :
Est-ce lui qui acheta en viager, le 16 avril
1664, une maison, lieu et masure situs
La Couture, donnant sur une rue et sur
le chemin conduisant Ivry ? C'est trs sup-
posable, puisque portant son mme nom
debaptme, il n'y a que son fils Jean II, dit le
Jeune, qui pourrait lui tre oppos, alors
qu'il n'est gure probable que celui-ci ait
Flte bec
de 69cent.
1 Son fils Martin, nous le verrons, demeura tout
prs, rue de Harlay, au Palais, dans une maison quiparat lui avoir appartenu.
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JEAN Ier_ JEAN II 19
song, au dbut de sacarrire, acheter
une proprit si loigne de Paris, tandis
que son pre, dj d'un certain ge, put trs
bien, nourrissant leprojet de se retirer dans
son pays natal, faire cette acquisition. (Acte
communiqu par M. Mauger.)
Jean Ier Hotteterre figure encore sur l'tat
de la Cour de 1666, comme exerant sa
charge; l'tat de1667 nous manque, mais
sur celui de 1668, son nom n'y est plus et
on voit que c'est son fils Martin qui lui avait
succd comme Dessus de Hautbois du Poi-tou. Il se retira donc simplement alors, car
Borjon parle de lui comme existant toujours l'apparition de son livre en 1672, et nous
savons, de plus, qu'il assista Boncourt,
prs de La Couture, le 21 septembre 1676,aux noces deJean Becquet avec Anne de la
Lande, sa nice par sa femme. La signa-ture qu'il apposa sur le registre desmariages
deBoncourt est semblable celle qui figureau bas de l'acte de vente de sa proprit de
Chennevire.
Jean Ier, chef de la branche des Hotteterre
qui a fourni le plus d'artistes la musi-
que, fut lui-mme musicien de talent; un
de sesfils, Martin, se distingua comme fac-
teur ingnieux et trs bon musettiste; le fils
de celui-ci, et, par consquent, petit-fils de
Jean Ier, Jacques, dit le Romain, professeurmrite, virtuose applaudi, compositeur et
auteur de livres didactiques estims, fut cer-
tainement le plus capable de la famille;
enfin, Jean Ier, trisaeul des Chdeville, fit
donc encore honneur la musique dans sa
quatrime gnration.
LES FILS DE JEAN Ier
JEAN II, DIT LE JEUNE 1
Jean II fut employ comme instrumen-
tiste dans les divertissements de la Cour
avant d'tre titulaire d'une charge ; il faisait
sa partie ct de son pre et de sesfrres;
ces derniers, pas plus que lui, n'apparte-naient alors officiellement aucun des corpsde la musique du roi. Nous voulons parlerdes reprsentations qui eurent lieu de 1657
(ou mme avant) 1663, et dans lesquellesles trois frres figurrent comme joueurs de
fltes ethautbois ct de leur pre.Nous avons l'tat complet de la musique
du roi, en 1661 ; le pre seul y est cit, tan-
dis qu'aucun de ses fils n'y est nomm.
Jean II fut sans doute reu en 1662 ou en
1663 ; c'est toutefois ce que nous n'avons
pu vrifier, cesannes-l manquant aux Ar-
1Nous prsentons, ici, Jean II, sans affirmer tou-tefois qu'il ft vritablement l'an deNicolas etdeMartin, et quoique nous n'agissions pas cet gardd'une faon purement arbitraire, nous n'en recon-naissons pas moins que les raisons qui nous fontainsi le placer avant ses frres n'ont qu'une valeurhypothtique; cequi revient dire qu'il n'y auraitrien d'impossible ce qu'une dcouverte future leprivt du droit d'anesse dont nous l'avons gratifi.Le doute est, d'ailleurs, sans grande importance, etc'est parce que noustenons rester dans l'exactitudela plus scrupuleuse quenous le mentionnons.
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20 JEAN II, DIT LE JEUNE
chives, mais il est certain qu'en 1664 il
toucha comme l'un des vingt-cinq violons
de la Chambre du roi la somme de 365 li-vres, montant de ses gages de l'anne 1. Il
parat singulier de le voir, lui joueur d'ins-
truments vent, figurer parmi la bande sp-ciale des violons; nous constatons en effet
le fait sans essayer de l'expliquer et nous
nous bornerons faire remarquer que son
confrre Hilaire Robeau, qui appartenait
la bande des hautbois de l 'Ecurie comme
Dessus de cornet et Basse de violon en
mme temps que lui, figurait aussi parmiles vingt-cinq violons de la Chambre.
Deux comptes, l 'un de 1666 et l'autre de
1668 2,indiquent que notre musicien faisait
partie de la bande des Grands hautbois de
la Grande Ecurie comme Basse de Hautbois
et Taille de Violon 3, ayant succd Elie
Charles James. On l'y dsigne sous le nom
de Jean Hotteterre le Jeune, pour le distin-
guer de son pre videmment.
Jean II ne jouait pas seulement du Bas-
son et peut-tre du Violon; il tait encore
habile sur leHautbois, laMusette et laFlte.C'est ce dernier instrument qu'il jouait dans
le Ballet des Muses (1666), le Carnaval
(1668), et dans George Dandin, intermde
de la FtedeVersailles de la mme anne.
Sans indications prcises l'gard de ses
travaux de tourneur, on doit croire cepen-dant que, comme son pre et sesfrres, il
fut aussi, lui, facteur d'instruments vent et
en bois.
Jean II mourut en 1669, au mois de f-vrier ou demars, vraisemblablement, car sa
place fut donne son neveu, Jean III, fils
de Nicolas I, par un brevet du roi dat
du 15mars 1
; on sait en effet que les places la Cour, quand elles n'taient pasassures
l'avance par un brevet de survivance, ce
qui arrivait leplus souvent, ne restaient pas
longtemps vacantes, et qu'aprs un dcs
le remplaant tait vite nomm.
1 Archives Nationales :KK, 213. Guillaume Du-manoir, son avnement au trne violonique, avaitcd sa charge de l'un des vingt-quatre violons dela Chambre; mais Louis XIV, ne voulant pas qu'ilquittt son service, cra, pour lui, une vingt-cin-quime placede violon qui devait s'teindre avec lui.
2.Archives Nationales : Z 1A, 488.3
Chaque membre de la bande royale des haut-bois, sa formation sous Franois Ier, devait aussi
jouer de la viole, et tait dsign sous les noms desdeux parties qu'il jouait dans les excutions laCour. Plus tard, le violon remplaa la viole; puis,quand la bande spciale desviolons fut cre, sous
Henri III, croit-on, les hautbois n'eurent plus jouer que de cet instrument. Malgr cela, leurs bre-vets continurent porter, mme jusque dans le
XVIIIe sicle, le qualificatif de Hautbois et ViolonduRoi, avec la dsignation desparties qui avaient tcelles que remplissait le premier titulaire de lacharge. Cette classification des Hautbois parmi lesofficiers de la Grande Ecurie, une des divisions dela maison du roi place sous la direction duGrandEcuyer de France, s'explique suffisamment par laplus grande partie du service qu'on leur demandaitdansl'origine etqui consistait jouer dansles revueset parades militaires, dans les carrousels et crmo-nies au grand air auxquels le roi assistait. Le con-cours qu'ils apportrent plus tard, en dehors de cessolennits militaires, aux ballets et reprsentations
thtrales de la Cour se trouvait tre, pour ainsidire, un supplment d'attributions.1 Archives Nationales : 0, 13.
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NICOLAS Ier 21
NICOLAS Ier
Il ne peut y avoir de doute l'gard de
Nicolas sur saparticipation dans les Ballets
du roi, comme joueur de hautbois, flte
et musette, partir, au moins, de 1657.
Il tait certainement l'un des deux fils de
Jean I, indiqus sur les livrets
par fils an
et cadet ou par les deux frres Hobterre, jus-
qu'en 1660, poque laquelle on le dsi-
gnait par son nom de baptme imprim en
toutes lettres.
Reu dans la bande des Hautbois de la
Grande Ecurie, entre les annes 1662 et
1666, c'est Franois Viau qu'il succda
avec le titre de Dessus de Hautbois et Haute-
contre de Violon. Ainsi que tous les mem-
bres de safamille, il jouait indistinctement
duhautbois, du basson, de la flte et de la mu-
sette ; aussi son nom setrouve-t-il constam-
ment ml ceux des musiciens de la Cour.
En tant que facteur d'instruments, il n'est
que juste de lui donner sapart dans l'opi-nion que Borjon avait des fi ls de Jean I
quand il dit d'eux qu'ils se sont rendus
les plus recommandables dans ce royaume
par leurs compositions et leur jeu et par leuradresse faire des musettes. Nous le sa-
vons aussi, la rputation des Hotteterre
n'tait pas moindre pour la construction
des fltes, bassons et hautbois que pourcelle de l' instrument favori de l'amateur
lyonnais. Il nous a t parl d'une flte
bec qui fait partie de la prcieuse collection
de M. Petit, de Blois, flte pareille celle
du Conservatoire de Paris et la ntre,
mais marque diffremment. Le nom de
Hotteterre est surmont de la lettre N au-
dessus de laquelle se trouve une toile six
branches, le tout frapp au fer rouge. Evi-
demment cet instrument ne peut avoir t
tourn que par
Nicolas I ou par
Nicolas II,dit Colin.
N
HOTTETERES
Indpendamment de sa place comme
Hautbois de la Grande Ecurie, notre musi-
cien remplit encore, la Chapelle royale,o il avait t reu en 1668, l'emploi de
Basson, ayant pour voisins de pupitre les
deux frres Jacques et Andr Philidor, Bas-
son et Basse de Cromorne.
Nicolas I, qui tait n La Couture, ymourut en juillet 1694; sa place dans la
bande des Grands Hautbois fut accorde
Jean Hanns Desjardins, appartenant une
famille de hautbostes, presque aussi nom-
breuse que celles des Hotteterre et des Phi-
lidor, et ce fut Joseph Marchand, Basse deviolon, qui le remplaa la Chapelle.
Ftis affirme que Nicolas Hotteterre avait
laiss en manuscrit un Recueil debransles,
petits ballets, courantes de cour etde ville etau-
tres hautes et basses danses pour six parties
jouer sur les dessus et basses deviolon et haut-
bois. Ce recueil autographe, ajoute-t-il, a
pass de la bibliothque de Perne dans la
mienne. Comment se fait-il alors que ce
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22 NICOLAS Ier MARTIN
volume ne se trouve pasdans sacollection
achetepar legouvernement belge? Le ca-
talogue n'en fait
pas plus mention
que des
deux volumes manuscrits deBoisgelou, pas-
ss,eux aussi, d'aprs Ftis, de chez Perne
chez lui. Cousu! Boisjelou! Nicolas Hot-
teterre! etc., etc.! L'ex-bibliothcaire du
Conservatoire de Paris n'abusa-t-il pasun
peu trop de la bibliothque de Perne:
Enfin, pour le moment, on ne sait ce
qu'est devenu le Recueil de Nicolas Hot-
teterre et on doit le regretter, car il renfer-
mait, sansaucun
doute, des
compositionsdesdivers membres delafamille, composi-tions qui, au dire deBorjon, leur faisaient
autant d'honneur que leur habilet d'ex-
cution.
Nicolas Ier, mari avec Anne Mauger 1,eut plusieurs enfants qui sevourent la
musique : Louis Ier,Nicolas II, dit Colin, et
Jean III, celui qui succda son oncle
Jean II, en 1669. Une de ses filles pousaClaude Coricon
et, de cette
union, naquitAnne Coricon, qui, marie avecPierre Ch-
deville, donna le jour aux trois joueurs de
musette, Pierre, Esprit-Philippe et Nicolas
Chdeville, dont les succsdevaient gran-dement honorer la mmoire de leur bi-saeul.
En.1660, Nicolas Ierhabitait Paris, dans
la paroisse Saint-Mdric (Saint-Merry) ;mais en1671,lorsqu'il tint sur les fonts bap-tismaux de Boncourt un de ses
petits-fils,Nicolas Coricon, il disait demeurer sur la
paroisse Saint-Andrdes-Arcs. Un peu plustard, on le qualifie de bourgeois deParis ha-
bitant la rueDauphine, dans un acte de
1673. Il signa comme ci-aprs le registrede Boncourt :
1 Elle mourut La Couture, en aot 1700, gede quatre-vingts ans environ.
MARTIN
Cet artiste est un des Hotteterre quifirent le plus d'honneur la famille. Noustrouvons son nom mentionn pour la pre-mire fois la reprsentation de Serse,deCavalli, donne en1060, pour les ftes du
mariage de Louis XIV. Depuis cette date,il n'y eut gurede ftes la Cour sans qu'ily concourt ct de ses parents, des Phi-
lidor, desPiesche, de Philbert et des Des-
cteauxpre et fils, jouant, suivant les be-
soins duservice, de laflte, du hautbois oudelamusette.
Ilsuccda,vers 1664, Martin Toussaint,qui avait laplace deHaute-contre dehaut-bois et Haute-contre de violon dans labande desGrands hautbois ; mais, on s'en
souvient, son pre Jean Ier ayant pris saretraite vers 1667, il le remplaa en jouantle dessus dans la bande desHautbois de
Poitou, etcdasa charge dans les Grands
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MARTIN 23
hautbois son neveu Nicolas II, dit Colin.
Martin Hotteterre eut soutenir un assez
triste procs contre une nomme Franoise
Angrol qu'il avait recherche en mariage.
Il en appela, en 1666, d'une sentence ren-
due contre lui, le 2 septembre 1664, par
l'Official de la ville de Paris, en rclamant
-la restitution de 25 louis d'or, d'une bourse
de point d'Espagne, d'un diamant de dix
louis d'or et de 200 livres pour dpenses
diverses, tandis que son adversaire lui re-
prochait des assertions calomnieuses. Nousn'avons pu avoir connaissance dela manire
dont cette malheureuse affaire se termina,
mais nous savons que Martin pousa plus
tard une demoiselle Marie Crespy 1.
Il a t dit que notre musicien, comme
ses parents, jouait gnralement de tous les
instruments vent et en bois; il tournait
aussi les uns et les autres avec l'habilet
qui tait l'apanage de sa famille, mais c'estla Musette qu'il cultiva plus particulire-ment et laquelle il donna tous ses soins.
Il en acquit une renomme incontestable parla faon brillante dont il enjouait, tout au-
tant que par les perfectionnements impor-tants et presque dfinitifs qu'il apporta dans
sa construction.
Le son de cet instrument plaisait singu-lirement nos aeux ; aussi,
partir
de la
fin du XVe sicle, y eut-il toujours la Cour
des joueurs de musette. S'ils n'arrivrent
pas au mme degr de faveur et la renom-
me de certains joueurs de luth que nos
souverains coutaient plus volontiers dans
l'intimit, les noms de quelques-uns de ces
artistes nous ont cependant t conservs.
Jehan Grand d'Ecosse, Lonard de Combes,
dit Pideville, Gilbert Vigier, Franois Bail-
leau et Gabriel Fayen eurent de la clbrit
pendant le XVIe sicle. Sous Henri IV et
Louis XIII les plus connus furent Le Va-
cher, un des derniers membres d'une fa-
mille nombreuse demusiciens, et Destou-
ches, dont la rputation prcda celle dontdevaient jouir les Philidor, les Descteaux,
Doucet et les Hotteterre, pendant le rgnede Louis XIV.
Mais, cette poque, la musette s'tait
sensiblement amliore. La cornemuse des
bergers, la chalemie, comme l'appelle le
pre Mersenne, et la sourdeline, n'taient
plus en usage que dans la campagne.
L'instrument dont on seservait la Couret la ville tait plus ou moins richement
orn ; on y introduisait le vent au moyend'un soufflet plac sous le bras et non avec
la bouche en soufflant dans un porte-vent;l'outre ou le rservoir d'air tait recouvert
d'toffe de soie, de velours avec garnituresde rubans, dedentelles, de passementeries,de galons d'or ou d'argent, et le bourdou
ainsique
le chalumeau se faisaient en bois
prcieux, d'bne, de grenadine, ou en
ivoire. La mode y tait absolument et les
amateurs, pour la facilit desquels on avait
tabli des tablatures suffisamment simples,
s'y adonnaient avec passion.
Il n'y a rien de si commun depuis quelques an-
nes, crit Borjon, que de voir la Noblesse, particu-lirement celle qui fait son sjour ordinaire la
campagne, compter, parmy ses plaisirs, celui de
jouer de la Musette. Les villes sont toutes pleines
1Rpertoire de MeJozon, notaire Paris.Malheu-
reusement, l'acte que mentionne ce rpertoire n'a
pu tre retrouv. Qui sait si la femme de Martin
n'appartenait pas la famille des Crespy, plumassiersde la Cour depre en fils, et dont l'un des mem-
bres, Daniel, tait grand-oncle de Molire, du ct
de sagrand'mre Agns Mazuel?
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24 MARTIN
de gens qui s'en divertissent. Combien d'excellens
hommes, et pour les sciences et pour la conduite
desgrandes affaires,
dlassent, par
ce charmant
exercice, leur esprit fatigu ! Et combien de dames
prennent soin de jouer de la Musette laquelle plu-
sieurs joignant leurs voix, elles semblent luy faire
prononcer lesparoles desairs qu'elles chantent.
Naturellement, il y eut, dans cetengoue-
ment, quelque peu d'exagration, et bien
des gens, qui se croyaient cependant des
dispositions pour l'instrument en vogue,serendirent ridicules comme plaisir.
Les uns, dit notre auteur, enparlant de ces ama-teurs fort mal dous, retiennent leur respiration;les autres semordent, ou remuent leslvres; celuy-
l bat extravagamment du pied; celuy-ci tourne
tout le corps avec une violence et une agitation
extrmes. Enfin, j'ay vu faire des gens de si ter-
ribles grimaces, que je demanday une fois l'un
d'eux, que j'tois all entendre, comment s'appeloit
son dmon, tant ses contorsions m'effrayrent. Une
dame que j'y avois accompagne me rpondit : Mu-
sette; et aussitost, me retirant, je promis cet pou-
vantable joueur de luy envoyer un Exorciste en ma
place.
Il faut croire toutefois que les amateurs
qui se vourent l'tude de la musette ne
furent pas tous aussi malheureux que les
forcens dont nous parle Borjon, caril y en
eutqui devinrent assez habiles pour obtenir
honneur et succsenexerant leur talent.
Le fameux libraire Franois Langlois avait
t, quelques annesavant, en trs grande
rputation comme joueur demusette, aussibien en France qu'en Angleterre, et quandClaude Vignon et Van Dyck firent sonpor-
trait, c'est arm de son instrument favori
qu'ils le reprsentrent. Le portrait deVan
Dyck, plusieurs fois grav, tant par con-
squent plus connu que celui de Vignon
qui ne l'a t qu'une fois et est de la plus
grande raret, c'est celui-ci quenous repro-duisons 1.
Il devint usuel, dureste, parmi les ama-teurs, mme parmi ceux appartenant la
noblesse, de se faire peindre jouant de la
musette. Le fait est que ce got des gensdu monde pour l'instrument champtredura tout le XVIIe sicle et ne fit mmequecrotre etembellir pendant la premire moi-ti du sicle suivant. L'lment pastoraldominait alors dans les ballets de Cour et
dans lesreprsentations thtrales ; on com-
prendra donc que l'emploi frquent quel'onyfaisait de l'instrument desbergers nepou-vait qu'en entretenir le got chez les ama-
teurs.
Aucun artiste du moment n'eut plus de
rputation que les Hottetere engnral et
Martin enparticulier pour l'habilet d'ex-
cution sur l'instrument lamode, demme
que pour l'excellence de sa construction. Le
pre, Jean Ier, en tant que feseurde mu-
settes,perfectionna lebourdon, nousl'avonsdit, mais son fils, plus habile excutant quelui et meilleur musicien, chercha aug-
menter les effets relativement borns qu'un
simple chalumeau permettait d'obtenir et yrussit pleinement. Il doubla lechalumeau;voici du reste l'apprciation motive que
Borjon fit de l'invention de notre artiste :
Le chalumeau simple ne peut faire qu'une
dixime ou douzime, suivant les clefs que l'on ymet; mais prsent que le sieur Hotteterre aajoutcesecond, appel le petit chalumeau, on peut dire
qu'il a mis la musette dans la perfection que l'on
pouvoit dsirer, puisque l'on y peut, prsent,
exprimer les dizes et les bmols qui font toute la
1 On trouvera le portrait de Langlois, par VanDyck, dans le Magasin Pittoresque de 1852, p. 393.
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FRANOIS LANGLOIS
Il ny a orgue ny autre Inftrument que laSourdeline ne furpaffe eftant touchee de celuy cy.
C. Vignon.Inuets C.David fculp. Mariette excudit. Comprivilegio
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26 MARTIN
beaut et la justessedes airs que l'on y joue; etparle moyen de ce petit chalumeau, on peut monter
par tons, semi-tons, dizes et bmols, jusqu' dix-neuf etvingt degrez desuitte, comme l'on peut voir
par exprience, et par la figure qui est dans ce cha-
pitre... Cequi est d'admirable dans l'invention de
cesclefs, c'est qu'il se rencontre que les doigts pour
lesquels elles sont faites, ne sont point occupez sur
les chalumeaux simples et ordinaires, en quoy le
bon sens de l'inventeur de ce petit chalumeau a
paru; car pour ajouter la musette ce qui luy man-
quait, i l en a trouv le moyen en occupant deux
doigts, savoir le petit de la main gauche et le
pouce dela droite, qui n'agissoient point. Et dire
levray, cepetit chalumeau ne paroit dans sa beautqu'entre les mains de celuy qui l'a invent... Dans
l'estat o est prsent la musette, on ne peut rien
trouver de plus doux, ny de plus merveilleux queles concerts qu'on en fait, comme on le peut juger
par ceux qui contribuent souvent ce divertissementde notre invincible monarque.
Borjon, habitu au chalumeau simple,fait bien, dans un autre endroit de sonlivre,
quelques rticences sur l'invention deMar-
tin encore toute nouvelle la date o ilcrivait, mais il dut comme tout le monde
se rendre l'vidence, et la musette un
seul chalumeau, conserve pour les com-
menants, fut promptement dlaisse parlesartistes et les amateurs forts.,
On comprend que la clientle dufacteur
et du joueur de musette dut s'augmenter
considrablement la suite d'une semblable
innovation. Lui seul, au commencement,
pouvait tourner etgarnir de ses clefs cenouveau chalumeau tel qu'il l'avait conu;lui seul tait capable de bien enseignerla manire de s'en servir. Les amateurs
afflurent donc chez notre artiste, pro-clam dsormais le plus habile des tour-
neurs et desprofesseurs de musette.
Martin Hotteterre, on n'en sauraitdouter,
composa pour la musette des pices di-
verses, dont aucune, cependant, n'a t
imprime. Peut-tre s'en trouvait-il danslerecueil manuscrit qui, suivant Ftis, passade la bibliothque de Perne dans la sienne
dont nous avons parl l'article de Ni-
colas Ier? Dans tous les cas, il ne nous
reste qu'une trs faible trace de son talent
de compositeur; c'est une petite marche
pour les Musettes, qu'il composa pour le
rgiment de Zurlauben et que son fils
Jacques nous a conserve dans sa M-
thodepour la Musette (chap. 8, p. 33); puisun air quatre parties pour les Hautbois
qui a t recueilli par Philidor dans son
prcieux volume aujourd'hui la biblio-
thque de Versailles :Partition deplusieursmarches et batteries de tambour tant franaises
qutrangres avec les airs defifres et de haut-
bois, etc., etc. (M. S. M D.)
MARCHE DU RGIMENT DE ZURLAUBEN
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AIR POUR LES HAUTBOIS
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MARTIN LOUIS ler
Faut-il croire, d'aprs ces compositions
militaires, que leur auteur appartint comme
hauboste un rgiment quelconque? C'estpossible, quoique nous soyons sans preuve
cet gard.La confrrie de la Charit de La Cou-
ture, qui existe encore de nos jours, comp-tait Martin parmi ses membres 1. Il s'ytait fait inscrire pour une rente annuelle
qu'il envoyait de Paris. MM. Hrouard et
Mauger ont trouv cette mention sur le re-
gistre qui indique, en outre, qu'en 1707,
Martin Hotteterre habitait rue de Harlay
du Palais, allant du quai de l'Horloge au
quai des Orfvres, une maison portant l'en-
seigne de la Musette et qui, croyons-nous,lui appartenait 1.
Martin servit donc dans la musique du
roi depuis 1660, quoiqu'il n'en fit partie,
officiellement, que vers 1664; il exera son
emploi jusqu' son dernier jour, car s'il ob-
tint la survivance de sa place pour son fils
Jean V, le 17 mai 1699, il est certain quecelui-ci n'en tut titulaire qu' la mort de
son pre, arrive en 1712.
Ses deux fils, Jean V et Jacques, dit leRomain, sont ses seuls enfants qui, notre
connaissance, embrassrent la carrire mu-
sicale.
1 Les confrres de la Charit serunissent le jourdu Saint-Sacrement pour vrifier les comptes, etc'est cejour-l seulement qu'il estpossible de con-sulter les anciens registres, attendu que le meuble
qui les renferme ne s'ouvre qu'au moyen de troisclefs diffrentes confies trois membres, sans la
prsence desquels l'ouverture ne peut avoir lieu.
1 Son pre, Jean Ier, nous l'avons dit, demeuraitnon loin de l, rue Neuve-Saint-Louis.
LES FILS DE NICOLAS Ier
LOUIS Ier
Les biographes, en prsentant Louis sous
le nom de Hotteterre le Romain, ont com-
mis une erreur assez grave, puisqu'ils l'ont
fait jouir d'une rputation laquelle il n'a-
vait aucun droit; ce titre port par le plusclbre des Hotteterre appartient en ralit,
et sans qu'il soit possible de le lui contes-ter, Jacques, fils de Martin. La carrire de
Louis ne fut donc pas aussi brillante quecelle du parent pour lequel on l'a pris et se
passa beaucoup plus modestement.
Nous savons qu'il tait le fi ls de Nico-
las Ier, et frre de Nicolas II, dit Colin. Si
les deux frres ne sont pas ns La Cou-
ture, i ls semblent du moins y avoir passleur enfance, et n'tre venus Paris qu'ayantatteint l'ge d'adultes. Louis Ier, qui jouade la flte laCour, en 1664, dans les Plai-
sirs de l'Ile enchante, succda l'anne d'aprs Pierre de Houteville, hautbois de la
Grande Ecurie, comme Saqueboute, etTaille de violon, place qu'il occupa jusqu'sa mort1. Il n'y eut gure de reprsenta-
1 La bande desHautbois du roi, au XVIe sicle,tait compose de la famille des hautbois, de deux
saqueboutes (trombones), et de deux cornets. Cesderniers instruments furent supprims fin duXVIe sicle ou commencement du XVIIe, et la
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LOUIS Ier 29
tion la Cour sans qu'il y ft sa partie, et
il se trouve toujours dsign sur les livrets
comme joueur de flte ou de hautbois.Il selivra, lui aussi, au tournage des ins-
truments en bois et vent, et Abraham du
Pradel, qui avait oubli de le citer aunombre
des musiciens et facteurs d'instruments dont
son LivreCommode de 1692 renferme laliste,se borna dans un article supplmentaire le
dsigner comme suit : Louis Hotteterre,
prs Saint-Jacques de la Boucherie, pourtous les instruments vent
; ce
qui veut
dire qu'il en tait facteur et professeur tout
la fois.
Nous empruntons la Fdration artis-
tique, du 14 aot 1892, la description d'un
hautbois sign : L. Hotteterre, faite parM. le comte d'Adhmar, grand collection-
neur et propritaire de cet instrument.
Mon hautbois de Hotteterre est enbuis trs fin,
teint l'eau forte, d'une jolie coloration brune;les montures, en ivoire sans saillies, sauf un trsmince filet la jointure avec le corps suivant, enfont un instrument aussi lger que gracieux dans sa
simplicit. Il estmuni de deux clefs d'argent avec
quelques traces de dorure, mais peu rgulirementdcoupes; elles sont rondes au-dessous des trous.La clef de mi bmol est patte arrondie, et celled'ut naturel double touche, formant connue un
grand V, branches curvilignes panouies, entre
lesquelles sort unepointe courte etaigu, enfaond'ornement
Le corps du haut porte lamarque HOTTETERREavecun gros point surmontantle troisime T de ce nom, point qui suit la lettre L,
place au-dessus du nom de Hotteterre, sur le se-
cond corps :
L.HOTTETERRE.
Nous croyons devoir attribuer ce haut-
bois Louis Ier, parce que la description des
clefs qu'en fait son propritaire semble indi-
quer un instrument du commencement du
XVIIIe sicle. Il est peu probable aussi queLouis II, n'ayant pas quitt La Couture, ait
eu l'ide de marquer sesinstruments comme
les facteurs, parisiens en avaient l'habitude.
Toujours en bonnes relations avec ses
parents rests au pays, Louis y faisait des
voyages de temps en temps, et son nom
figure parfois sur les registres des localits
environnantes; en 1694, par exemple, il
fut parrain, Ivry-la-Bataille, de la fil le du
procureur fiscal, et l'acte de baptme le
qualifie d'Officier de sa Majest. En 1703,
il fut tmoin, Boncourt, du mariage desa nice, Barbe Coricon, fille de sa soeur
Anne Coricon, avec Jacques Deshayes, et,en 1705, il fut parrain, Serez, de Nicolas
Chdeville, son petit-neveu, petit-fils de sa
soeur. Mais il existe encore, La Couture
mme, une preuve de ses sentiments reli-
gieux d'abord et, ensuite, de l'attachement
qu'il conserva toujours pour le pays, berceau
de sa famille. Son frre Colin s'associa cet
acte de pit, inspir, sans doute, par lesou-
venir desjours heureux de leur enfance.
Les deux frres firent cadeau l'glise de
La Couture d'une chsse, qu'on y conserve
encore, contenant les reliques de :
Saint Claire (sic), patron de La Couture,de saint Dieu-Donn, saint Illumin, sainte
Fortune, et une mchoire,presque entire, avec
dix dents, de saint Vincent.
bande ne se composait plus, sous Louis XIV, quedes dessus, hautes-contre, tailles dehautbois, et desbassons. Malgr la disparition de l'instrument decuivre et du cornet bouquin, lesartistes continu-rent, jusques assez avant dans le XVIIIe sicle, tre toujours dsigns, sur les registres de la Cour,comme l'taient leurs prdcesseurs, sousFranois IeretHenri II.
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30 LOUIS Ier NICOLAS II, DIT COLIN
On lit, de plus, ces deux inscriptions
chaque bout du reliquaire :
Cettechsse a tdonnepar Lovis et NicolasHotteterre frres, havtbois dv Roypovr avoir
part avx prires desfidles. 1702.Ces Reliqves des S. S. ont estenvoyes de
Romepar Nostre
Saint Pre le PapeClment XI etpr-sentes Nostre
Dame de la Newe,
La Covtvre, par
LovisHavtteterre,havtbois dv Roy,l'an 1702.
Si vritable-
ment JacquesHotteterre fit un voyage Rome la suite
duquel on l'appela Hotteterre le Romain,
on peut donc admettre, sans pour cela se
hasarder beaucoup, que c'est lui qui rap-
porta aux deux frres, sescousins, les reli-
ques qu'ils offrirent pieusement l'glise
de leur pays.Le 22 janvier 1714, Louis donna la
survivance de sa place son neveu Pierre
Chdeville (Arch. Nat. O.. 58), qui est portsur le registre de .
la Cour desAides
de 1720, comme
lui ayant succ-
d.
C'est donc
trs probable-ment par erreur
que l'Etat de la
France de 1722le fait encore fi-
gurer comme titulaire de sacharge cette
date.
Louis Ier dut mourir en 1719 ou 1720,au plus tard.
NICOLAS II, DIT COLIN
La biographie de Colin marchant pourainsi dire paralllement avec celle de son
frre Louis Ier, le lecteur devra consulter
cette dernire, o nous avons forcment
confondu certains faits concernant les deux
frres, principalement ce don de reliques
fait par eux l'glise de La Couture.Colin entra dans la musique du roi en
1666 ou 1667, remplaant, comme il a djt dit, son oncle Martin, qui lui cda sa
charge de Haute-contre de hautbois dans la
bande des Grands Hautbois, lorsque lui-
mme succda, comme Hautbois duPoitou, son pre Jean Ier. A partir de cemoment,
on le voit ct des Hotteterre, faisant son
service dans toutes les solennits qui sec-
lbraient la Cour.
Il tait aussi, en1672, hautbois des 1reet
2ecompagnies des Mousquetaires du roi, en
mme temps qu'Andr Philidor, Franois
Plumet, Jean Du Clos, Germain Boutet etMarin Thiot dit La Croix. Ce fait nous est
signal par M. Monval, qui l'a trouv dans
un acte notari annulant une convention
sans importance passe entre ces artistes.
Colin habitait, en1692, la rue d'Orlans 1,
1Ily avait alors deux rues d'Orlans : l'une ruedesQuatre-Fils, l'autre rue Saint-Honor.
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NICOLAS II, DIT COLIN 31
ety tournait fltes, flageolets, hautbois, bas-
sons et musettes 1. Plus tard, en 1717, un
reu de lui, que possde M. Mauger de LaCouture, nous apprend qu'il demeurait alors
rue Jean-Pain-Mollet, paroisse de Saint-Jac-
ques-la-Boucherie.Nous devons rappeler ici la flte bec
marque d'une toile et du nom de Hotte-
terre, surmont de la lettre N, de la collec-
tion deM. Petit de Blois, sur la paternit de
laquelle il y aincertitude et qui toutefois ne
peut
tre que de l'un des deux Nicolas.
Quoique Travenol, dans son Histoire de
l'Opra, cite un Hotteterre sans prnom
parmi lessymphonistes del'Opra l'poquedeLully, on ne saurait affirmer qu'il en fut
ainsi, attendu que les distributions donnes
par cet auteur sont presque toujours copiessur celles des reprsentations la Cour et quele plus grand nombre des artistes, qui y fai-
saient leur service comme musiciens du roi,
ne jourent jamais l'Opra de Paris. Ce-pendant les Hotteterre taient nombreux,tous avaient du talent, et il n'y aurait rien
d'impossible ce qu'il y en et parmi eux
qui aient t attachs l'Opra du Palais-
Royal, sinon mme celui de la rue deVau-
girard. Ainsi, une poque plus rapproche,
grce un manuscrit de Caraffe, conserv
aux Archives de l'Opra, on voit qu'en
1713, Nicolas Hotteterre, dit Colin, appar-tenait depuis quelques annes l'orchestre
de l'Opra. Il faisait partie du grand choeur
et touchait 400 livres d'appointement, plus
400 livres de gratification. Ses deux petits-neveux, Pierre etEsprit-Philippe Chdeville,trs jeunes alors, faisaient galement partiedu mme orchestre.
Colin Hotteterre resta Hautbois du roi
jusqu'au jour de son dcs, arriv le 14 d-
cembre 1727. Denis Martel leremplaa mo-
mentanment, c'est--dire jusqu'au 4 jan-vier 1728, date laquelle Georges-MichelDaunates fut nomm la place du dfunt 1.
Par testament olographe du 13 mai 1718,il avait institu lgataire universelle sanice,
Anne Coricon, veuve de Pierre Chdeville
pre. Il l'obligeait verser chaque anne
l'glise de La Couture une somme devingt-
quatre livres afin qu'il y ft dit desprires
pour.son pre, sa mre et pour lui. L'acte
de cette pieuse fondation donne penser
que Colin Hotteterre laissait quelque for-
tune, car on y voit que la lgataire avaitdonn hypothque sur tous les immeubles
qui lui taient chus de la succession du
sieur Nicolas Hotteterre . Cette rente de
24 livres fut du reste exactement paye par
les Chdeville de Serez jusqu' ce qu'elle ait
t rachete par la famille, en 1836 ou 1840.
Signature de Colin :
1 Ce renseignement se trouve dans le Livre com-mode d'Abraham du Pradel. La note d'Ed. Fournierconcernant Colin, dans la nouvelle dition de ce
livre, est passablement errone, comme la plusgrande partie de celles qu'il y a mises sur les musi-ciens. Il confond Colin, soit Nicolas II, avec Nico-las Ier, et, deplus, avecJean Ier.
1 C'est parerreur que l'Etat de laFrance, de 1736,fait figurer Nicolas II Hotteterre au nombre desvtrans de la Chapelle, car les dates de sa mortet de sou remplacement ont t releves par noussur le registre mme du Secrtariat de la maisondu roi. (Arch. Nat. O1 72 et 73.)
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32 JEAN III JEAN IV, DIT JEANNOT
JEAN III
Son brevet de musicien de la Cour ne
laisse aucun doute sur son ascendance; il
y est bien dsign comme tant le fils de
Nicolas Ier et le neveu du frre decelui-ci,
Jean II, aprs la mort duquel le roi lui ac-
corda, le 15mars 1669, laplace de Basse de
hautbois dans la bande des Grands Haut-
bois. (Arch. Nat. O 1, 13.)Son service la Cour fut tout aussi actif
que celui de sesparents, mais on ne le voit
gure figurer dans les livrets des ballets et
opras que comme basson ou fltiste.
Jean III mourut jeune, soit en 1683, et
fut remplac par son parent, Jean IV, dit
Jeannot, ainsi que. le porte le registre du
secrtariat de la maison du roi de cette
anne, la date du 26 mai : Retenue de
joueur de hautbois de la Grande Ecurie pour
Jean Hotteterre la place de Jean Hotte-
terre. CeJeannot qui, comme nous le ver-
rons, faisait sa partie dans les reprsenta-tions thtrales de la Cour, ds 1676, avait
sans doute dj lasurvivance deson cousin.
Nicolas Ier,predeJean III, et Anne Mau-
ger, sa mre, passrent un acte par devant
Mc Franois Auvray, notaire du Bailliage et
Vicomte d'Ezy, le 3juillet 1683, par lequelilsfaisaient plusieurs fondations pieuses pourleurs parents, et entre autres pour et l'in-
tention de desfunt JeanHautteterre leurfils .
BRANCHE COLLATERALE
JEAN IV, DIT JEANNOT
Jean IV appartient une autre branche
de Hotteterre que celle dont faisaient partie
les membres de cette famille que nous ve-nons de biographier. Il naquit La Cou-
ture-Boussey, vers 1648, et tait fils de
Louis Hotteterre et de Marie Mauger. Les
actes o nous avons vu figurer son pre ne
mentionnent passa profession, demme qu'ilne s'y trouve rien pouvant nous difier sur.
sa parent avec Jean Ier. Etaient-ils frres
ou seulement cousins ?Dans, tous les cas,Louis resta au pays, et ce n'est qu'aprs sa
mort, arrive un peu avant 1671, que sonfils Jean dut venir Paris.
Le nom decelui-ci, eneffet, ne nous appa-rat pour la premire fois qu' la reprsenta-tion d'Atys, faite devant la Cour, Saint-
Germain, le 10 janvier 1676. Il y figure en
Zphir, jouant du hautbois dans la Gloire,
ct de sesparents Louis, Colin, Jean III
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1722
P. Dulin del. N. H. Tardieu, sc.
LES DOUZE GRANDS HAUTBOIS DU ROI
AU SACRE DE LOUIS XV
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JEAN IV, DITJEANNOT
et Nicolas IerHotteterre, et dePlumet, tan-
dis que les Philidor, l'an et le cadet,
jouaient du cromorne. Dans deux autres
scnes, du mme opra, il se trouvait trans-
form en Songe, puis en Dieu desFleuves,mais il avait remplac le hautbois par la
flte, comme l'avaient fait les musiciens
que nous venons de nommer et auxquelss'taient joints les fltistes de talent : Phil-
bert, Descteaux et Piesche.
Dans Isis, reprsente aussi Saint-Ger-
main pendant le carnaval de 1677, on voit
que les quatre satyres, jouons de laflte,taient Louis, Jean, Nicolas etJeannot Hot-
teterre. L'excution symphonique de ce
nouvel opra deLully fut remarque et m-
rita cet loge du Mercure Galant :
Le grand nombre d'instrumens touchez par les
meilleurs maistres de France, a fait t rouver des
beautez dans la symphonie de cet opra, et il est
impossible que tant d'instrumens entre les mains de
tant d'excellens hommes ne produisent pas toujours
del'effet.
Jeannot, qu'on appela seulement ainsi
dans sa jeunesse, participa, c'est certain,
l'excution de toutes les solennits musi-
calesqui avaient lieu laCour, car il devint
titulaire, le 26 mai 1683, dela placede Basse
de hautbois du roi, devenue vacante par la
mort de son parent, Jean III, dont il avait,sansdoute, la survivance. Il conserva cette
place toute savie, et comme ce n'est qu'en
1723 qu'il se choisit un survivancier, on
peut tre srque lors du sacre de Louis XV,le 26 octobre 1722, il se trouvait parmi les
douze Grands Hautbois du roi, qui excu-
trent certains morceaux officiels pendantla crmonie. Il jouait du basson ct de
ses cousins :Jacques, dit leRomain, basson
lui aussi, Nicolas II, dit Colin, et Pierre
Chdeville, les seuls membres de lafamille
faisant alors partie
de lamusique royale
et
figure avec eux dans le groupe des haut-
bostes que nous reproduisons ci-contre
d'aprs la gravure du temps.En dehors de son service chez le roi et
des leons donner seslves, JeanIV
s'adonnait la confection des instruments
et s'tait tabli comme sesparents, Louis Ier
et Colin. Il demeurait rue des Fosss-Saint-
Germain; c'est du moins l que le Livre
Commode d'Abraham du Pradel donne sonadresse,en1692, parmi les Matres pour lejeuetpour lafabrique desinstruments vent,fltes,
flageolets, hautbois, bassonsetmusettes,etc.
On ne sait quelle poque il quitta son
tablissement, mais il continua toujours,
quoique trsget retir dans unpetit appar-
tement, tourner fltes et hautbois jusqu'son dernier jour.
Il passa la survivance de sa charge la
Cour, en 1723, son jeune cousin Esprit-Philippe Chdeville, qui toutefois prfrasuccder directement son frre Pierre quivenait demourir, et sedmit, avec le con-
sentement du vieux titulaire, de cette sur-
vivance, le Ier novembre 1725, en faveur
de son autre frre Nicolas Chdeville.
Jean IV tait religieux, et on en a lapreuve
par les tableaux etles livres desaintet qui,nous leverrons, se trouvaient chez lui lors
de samort; aussi, quoique nous n'ayons pasde renseignements positifs l'gard de cer-
taines donations faites l'glise de La Cou-
ture et la confrrie de la Charit de cette
paroisse, comme aux dates probables o
cesactespieux s'accomplirent, il est le seul
des Hotteterre de Paris, du nom de Jean,existant alors, auquel on puisse les attri-
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JEAN IV, DITJEANNOT 35
buer avec le plus de vraisemblance, nous
croyons devoir lui enfaire honneur. Voici,
du reste, la seule mention qui subsiste dufait, releve par M. Mauger sur les livres
de la confrrie de la Charit.
Jean Hautteterre, aussi hautbois du Roy, n et
baptis audit lieu (de La Couture), demeurant aussi
Paris, a donn dix l ivres de rente et un callice
qui est encore ladite Charit, o est inscrit le
nom et la donation sous la patte dudit callice, et un
Ciboire et le Soleil del'glise.
Ces pices d'orfvrerie religieuse, qu'ilet t intressant de retrouver, semblent
ne plus exister. Cependant l'glise de La
Couture possde toujours un ostensoir qui
parat assez ancien et qui pourrait tre le
Soleil que notre artiste envoya de Paris
l'glise o il avait reu le baptme et fait
sapremire communion. Les reliques don-
nespar Louis et Nicolas ne seraient donc
paslesseuls tmoignages existant encore,que les Hotteterre auraient laisss de leur
pit et de leur attachement aupaysnatal!
Le matin du mercredi 20 fvrier 1732,
Jacques Hotteterre le Romain, Esprit-Phi-
lippe Chdeville et son frre Nicolas, tous
les trois Hautbois deSa Majest, seprsen-trent chezle lieutenant-civil et lui remon-
trrent que leur cousin JeanHotteterre, g
de quatre-vingt-quatre ans, et demeurantrue de laHarpe, la Tour-d'Argent, avait
disparu depuis le lundi soir; aucun de ses
voisins ne l'avait vu et saporte restait fer-
me quoique on y et frapp violemment
et maintes reprises. Le commissaire Le
Vie fut dsign pour les accompagner, et
quand on eut fait sauter la serrure, on
trouva dans un petit cabinet attenant une
grande chambre du second tage,le cadavre
du vieux musicien, tendu dans son lit,
couvert de sa couverture et de ses habits. Il tait mort d'apoplexie, car le corps ne
portait ny playes, ny blessures , ainsi
que le constata le chirurgien Bernard Sor-
bet. On procda le mme jour l'inhuma-
tion; le reu duservice, qui se fit Saint-
Sverin et cota 59livres 4 sols, est sign
par l'abb Padeloup, prtre sacristain de
cette glise, avec la date du 20 fvrier 1.Nous avonssous les yeuxle procs-verbal
de l'apposition des scells et nous en ex-
trayons ce rsum succinct, offrant, croyons-
nous, quelque intrt, puisqu'il nous trans-
porte dans l'intrieur d'un Hautbois du roi,il y acent soixante ans.
Les meubles se composaient d'une table en bois
de sapin, une petite table ployante de mme bois,
pelle, pincettes, deux chenets garnis de pommes de
cuivre, deux autres chenets de fer, quatre chande-
liers de cuivre jaune, cinq chaises couvertes deserge
verte, la tapisserie de lachambre de vieille Bellegame
(pour Bergame, croyons-nous), un paravent de
quatre feuilles garni de drap vert, une tablette
vaisselle en bois de sapin portant de la vaisselle
d'argent et d'tain (sans dtail), un lit bas piliers
garni, le tour du dit lit, de serge verte, un rideau
de serge verte. Un miroir d'une glace dans sa bor-
dure de bois de noyer noirci.
Le vestiaire ne comprenait qu'un habit de haut-
bois vieux, garni d'argent; un vieux manteau de
bouracan; deux chapeaux bords
d'argent; deux
vieilles perruques et une pe poigne decuivre.
Comme objets divers, on nonait : un tour garni
de sa poupe pointes et un arbre de fer ; cent
pices, qui sont outils servant au tour; un tabli de
bois dechne ; un tau de fer ; une musette d'ivoire
1 Cet abb, Claude-Philippe Padeloup, tait filsde Philippe Ier, relieur, et, par consquent, cousin
germain d'Antoine-Michel Padeloup, le plus clbredes relieurs de ce nom.
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36 JEAN IV, DIT JEANNOT JEAN V
et son bourdon d'bne; plusieurs vieilles fltes. Huit
tableaux, dont deux petits reprsentant notre Sei-
gneur et la Vierge ; le portrait du dfunt, danssabor-
dure de boissculptet dor. Vingt volumes, dont UneImitation, un vangile et autres livres de dvotion.
Un coffre-bahut, scell, sans avoir t ouvert.
Enfin, plusieurs sommes formant un total de
1633 livres. (Arch. Nat. Y 11047 328.)
On ne peut gure regretter dans toute
cette triste dfroque que la musette, les
fltes, peut-tre la tapisserie de Bellegame,mais surtout le portrait du pauvre vieil
artiste.
Ce tableau devait reprsenter le dfuntdans son costume de musicien de la Cour et
aurait fait un intressant pendant auportraitde Jacques. Si on l'et retrouv, M. Mauger,
passionn pour tout ce qui touche l'histoire
de son pays, ainsi qu'il l'a prouv en nous
aidant si patiemment dans nos recherches,aurait certainement russi s'en procurerune copie, dfaut de l'original, pour en
orner le Muse instrumental deLa Couture.
Jean IV Hotteterre avait pour hritiers
directs les enfants de son frre Louis, c'est-
-dire son neveu Philippe IHotteterre, tour-
neur La Couture, et ses nices Catherine,femme Angibaut, demeurant Rouvres,
prs d'Anet, et Marguerite, veuve Jacques
Chevard de La Couture. Cette derniredonna saprocuration Esprit-Philippe Ch-
deville, tandis que les deux autres hritiers
firent levoyage de Paris.
LES FILS DE MARTIN
JEAN V
Son pre, Martin Hotteterre, lui assura
sa place de Hautbois et Musette du Poitou,
par un brevet desurvivance que le roi signa Marly, le 17 mai 1699. Jean ne devint
titulaire de cette place qu'aprs la mort de
son pre, survenue, nous l'avons dit, en
1712; mais il ne la remplit que quelques
annes, puisqu'il mourut en fvrier 1720.Son dcs est consign dans le brevet de
son successeur, Jacques-Simon Mangot,dont une parente, sinon mme la fille,
pousa Rameau, six ansplus tard 1.
Jean V jouait particulirement bien de la
musette et composait pour cet instrument.
Aprs samort, son frre Jacques publia fra-
ternellement l'une de sesoeuvres qui forme
elle seule tout un pome : La Nopce
champtreou l'Hymne pastorale, sorte d'idyllesans paroles, mais non toutefois sans pro-
gramme explicatif. La tendre musette avaiten effet interprter les diffrentes scnes
que voici : l'Appel pour rassembler latroupe
(c'est--dire les invits ); Marche pour la
nopce champtre ; Sarabande de l'hymen ;
1 Madame Rameau, Marie-Louise, fille de JacquesMangot, s'tait marie, ge de dix-huit ans, le 25fvrier 1726. Le mari, qui n'avait pas moins de
quarante-trois ans, et son beau-pre, se qualifirenttous lesdeux, dans cet acte de mariage, de Bour-geois de Paris.
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JEAN V _ JACQUES, DIT LE ROMAIN 37
Marche de retour; Les compliments; Ou-
verture, le Festin; Airs divers de danses;
Le rveil-matin.
Notre musettiste, en baptisant ainsi ses
morceaux, suivait videmment l'exemplede Couperin, qui donnait ses pices de
clavecin des titres plus ou moins descrip-tifs et que ses successeurs, clavecinistes ou
pianistes, devaient tant exagrer en les imi-
tant plus tard.
Le titre de l'oeuvre qui renfermait cette
nave composition tait celui-ci :
Pices pour la Musette, quipeuvent aussi sejouer surla Flte, sur le Hautbois, etc., par M. Jean Hotte-
terre, hautbois et musette du Roy. OEuvre posthume,mise au jour par M. Hotteterre le Romain, sonfrre.
Plus une Pice par accords pour la musette deux cha-
lumeaux, par M. Hotteterre le Romain En outre, la
Guerre, pice de muzette et autres instruments, la-
quelle n'a point t imprime jusqu' prsent A
Paris, chez M. Hotteterre, rue Dauphine, au coin dela rue Contrescarpe. Paris, grand in-8, oblong.
JACQUES, DIT LE ROMAIN
Jacques est, avec son pre Martin, celui
qui a le plus fait pour i llustrer le nom des
Hotteterre. Et cependant, jusqu' prsent,sa mmoire n'en a rcolt aucun bnfice ;on n'a mme pas mentionn son nom et on
l'a priv des loges que ses oeuvres de-vaient lui mriter, pour en faire honneur
un de ses parents n'y ayant aucun droit.
Cel