Les Fondements du capital selon Karl...

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« Sans théorie révolutionnaire, pas de mouvement révolutionnaire. » (Lénine, 1902, Que faire ?) Les dossiers du PCMLM Seconde affirmation de la science Les Fondements du capital selon Karl Marx Août 2014 (2 e édition) Parti Communiste Marxiste-Léniniste-Maoïste de France

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« Sans théorie révolutionnaire, pas de mouvement révolutionnaire. »

(Lénine, 1902, Que faire ?)

Les dossiers du PCMLMSeconde affirmation de la science

Les Fondements du capitalselon Karl Marx

Août 2014 (2e édition)

Parti Communiste Marxiste-Léniniste-Maoïste de France

Les dossiers du PCMLM

Résumé

Le Capital n'est pas une simple œuvre qui parle d'économie au sens étroit du terme : c'est une œuvrequi parle de la vie humaine, de son travail, de comment le capital organise le travail et des conséquencespour la vie humaine. Karl Marx explique ainsi qu'un mode de production est un moyen de produire deschoses qui permettent à l'humanité de vivre. La satisfaction des besoins vitaux fait que le mode deproduction produit et relance sa production, de manière ininterrompue. Mais pour augmenter sarichesse, le capitaliste ne rémunère pas une partie du temps employé à travailler, ce temps permet alorsla production de plus-value. Cela conduit à une « prolongation contre nature de la journée de travail ».Le capital a également intérêt à intensifier le travail, pour augmenter la plus-value. Cette intensificationse fait qualitativement : le capital produit le capitalisme, un mode de production avec une organisationspécifique. Karl Marx regarde donc comment l'être humain a en partie – et en partie seulement –abandonné la nature, et comment il va revenir à elle, dans le communisme.

Table des matières1. Le Capital parle de la nature humaine...................................................................................................22. La satisfaction nécessaire des besoins.....................................................................................................4

2.1. De quoi parle Karl Marx ? La vie des êtres humains et leurs besoins...........................................52.2. Il y a plusieurs manières de satisfaire ses besoins..........................................................................52.3. Les besoins doivent être satisfaits de manière répétée...................................................................52.4. La manière de produire est elle-même reproduite..........................................................................6

3. La production sert la consommation......................................................................................................63.1. La production sert la consommation..............................................................................................63.2. Les biens nécessaires aux êtres humains sont produits par le travail.............................................7

4. Reproduction du capital et salariat........................................................................................................74.1. Le capital se re-produit lui aussi dans la re-production.................................................................74.2. Ce qui n'est pas visible du premier coup quand on regarde la production....................................84.3. L'argent des travailleurs utilisé......................................................................................................8

5. Le capitaliste façonne la nature du travailleur libre et lui extorque la plus-value..................................96. Le capital fait changer le mode de production......................................................................................107. Le capitaliste donne naissance à la force collective...............................................................................128. Des manufactures aux machines, la révolution industrielle..................................................................139. Le corps prisonnier de la machine et le socialisme................................................................................15

1. Le Capital parlede la nature humaine

« Le travail est de prime abord un actequi se passe entre l'homme et la nature.L'homme y joue lui-même vis-à-vis de lanature le rôle d'une puissance naturelle.Les forces dont son corps est doué, bras etjambes, tête et mains, il les met enmouvement, afin de s'assimiler desmatières en leur donnant une forme utile àsa vie. En même temps qu'il agit par cemouvement sur la nature extérieure et la

modifie, il modifie sa propre nature, etdéveloppe les facultés qui y sommeillent. »

Karl Marx, pour écrire Le Capital, s'appuiesur le matérialisme qui considère que la viehumaine appartient à la nature. Pour lesmatérialistes, la planète Terre est une biosphère,composée d'organismes vivants s'appuyant surdes éléments chimiques, dans un rapport biendéterminé. Comprendre cette réalité matérielle,c'est saisir comment la vie se reproduit, dans

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quelles conditions elle existe. C'est cette réalitédont parle Karl Marx dans Le Capital. Toutel’œuvre est parsemée de remarques sur la viehumaine réellement vécue, sur la vie dutravailleur qui souffre de se voir malmené par lecapital, sur le rapport entre son travail en tantqu'être vivant et le capital, marqué parl'aliénation et l'exploitation physique.

« En même temps que le travailmécanique surexcite au dernier point lesystème nerveux, il empêche le jeu variédes muscles et comprime toute activitélibre du corps et de l'esprit. La facilitémême du travail devient une torture en cesens que la machine ne délivre pasl'ouvrier du travail, mais dépouille letravail de son intérêt. »

« Un certain rabougrissement de corps etd'esprit est inséparable de la division dutravail dans la société. Mais comme lapériode manufacturière pousse beaucoupplus loin cette division sociale, en mêmetemps que par la division qui lui estpropre elle attaque l'individu à la racinemême de sa vie, c'est elle qui la premièrefournit l'idée et la matière d'unepathologie industrielle. »

« La confection des vêtements et letissage, malgré leur différence, sont tousdeux une dépense productive du cerveau,des muscles, des nerfs, de la main del'homme, et en ce sens du travail humainau même titre. »

« L'heure plus dense de la journée de dixheures contient autant ou plus de travail,plus de dépense en force vitale, quel'heure plus poreuse de la journée dedouze heures. »

« L'économie des moyens collectifs detravail, activée et mûrie comme en serrechaude par le système de fabrique, deviententre les mains du capital un système de

vols commis sur les conditions vitales del'ouvrier pendant son travail, sur l'espace,l'air, la lumière et les mesures deprotection personnelle contre lescirconstances dangereuses et insalubres duprocès de production, pour ne pasmentionner les arrangements que leconfort et la commodité de l'ouvrierréclameraient. »

« En agissant conjointement avec d'autresdans un but commun et d'après un planconcerté, le travailleur efface les bornes deson individualité et développe sa puissancecomme espèce. »

« Elle [la manufacture] estropie letravailleur, elle fait de lui quelque chosede monstrueux en activant ledéveloppement factice de sa dextérité dedétail, en sacrifiant tout un monde dedispositions et d'instincts producteurs, demême que, dans les États de la Plata, onimmole un taureau pour sa peau et sonsuif.Ce n'est pas seulement le travail qui estdivisé, subdivisé et réparti entre diversindividus, c'est l'individu lui-même qui estmorcelé et métamorphosé en ressortautomatique d'une opération exclusive, desorte que l'on trouve réalisée la fableabsurde de Menenius Agrippa représentantun homme comme un fragment de sonpropre corps. »

« Dans l'histoire, comme dans la nature,la pourriture est le laboratoire de la vie. »

Rappelons cependant ici que le capital joueun rôle historique, celui de donner naissance àune humanité socialisée et naturelle, combinantune nature socialisée et une société naturalisée :

« Les facultés de l'homme primitif, encoreen germes, et comme ensevelies sous sacroûte animale, ne se forment au contraireque lentement sous la pression de sesbesoins physiques. »

Et soulignons que cette transformation n'estpas vraie que pour le travailleur, cela est vraipour toute la nature, comme l'explique KarlMarx dans une phrase qui montre la conceptionmatérialiste dialectique de la planète commebiosphère :

« La production capitaliste ne développedonc la technique et le combinaison duprocès de production sociale qu'enépuisant en même temps les deux sourcesd'où jaillit toute la richesse : la terre et letravailleur. »

Karl Marx est un disciple de LudwigFeuerbach et considère que seule la nature

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existe. Il regarde comment l'être humain a enpartie – et en partie seulement – abandonné lanature, et comment il va revenir à elle, dans lecommunisme. En ce sens, ce qu'on appelled'ailleurs mode de production – esclavagiste,féodal, capitaliste, socialiste, communiste –désigne comment est effectuée la reproductionde la vie humaine.

Comment la société produit-elle ce qu'elleconsomme ? Là est la question essentielle, avecle problème que les êtres humains n'ont passpontanément une vue d'ensemble. Comme ledit Karl Marx, « l'apparence seule des rapportsde production se reflète dans le cerveau ducapitaliste ». Le problème du capitalisme estqu'il façonne les consciences de manière telle àce que, spontanément, elles aient des illusions àce sujet. Ce n'est que par l'étude scientifiqueque le capitalisme peut être compris.

Ce principe sera d'ailleurs la base de lasocial-démocratie comme mouvement ouvrierpolitique, avec les thèses de Karl Kautsky et deLénine sur la nécessité de l'avant-gardescientifique et la réfutation du spontanéisme.Voici comment Karl Marx nous parle desillusions dans le capitalisme, qui nous fait voirl'argent, le salaire, mais pas la force de travailqui est la clef du capitalisme, parce qu'elle estexploitée par le capital.

Karl Marx nous dit :

« Il en est d'ailleurs de la forme « valeuret prix du travail » ou « salaire » vis-à-visdu rapport essentiel qu'elle renferme, àsavoir : la valeur et le prix de la force detravail, comme de toutes les formesphénoménales vis-à-vis de leur substratum[leur substrat]. Les premières seréfléchissent spontanément,immédiatement dans l'entendement, lesecond doit être découvert par la science.L'économie classique touche de près levéritable état des choses sans jamais leformuler consciemment. Et cela lui seraimpossible tant qu'elle n'aura pasdépouillé sa vieille peau bourgeoise. »

Le Capital n'est donc pas une simple œuvrequi parle d'économie au sens étroit du terme :c'est une œuvre qui parle de la vie humaine, deson travail, de comment le capital organise le

travail et des conséquences pour la vie humaine.Comme toute chose est contradictoire en sonnoyau, le mode de production capitaliste porteen lui son abolition, c'est-à-dire le communismecomme retour à la nature après le passage del'humanité à une période permettant ledéveloppement des forces productives.

Le Capital de Karl Marx raconte toute lagenèse du capital, son développement, sonaffirmation, et il explique son inévitableeffondrement, principalement en raison de lachute tendancielle du taux de profit. En faisantcela, Karl Marx nous parle de l'humanité dansson rapport avec la nature, en tant quecomposante d'elle au statut particulier.

2. La satisfaction nécessairedes besoins

Le Capital de Karl Marx est connu pour êtreune œuvre longue et difficile. En réalité, c'estune œuvre très simple d'accès, à conditiond'avoir les clefs pour la comprendre. C'est ceque nous allons faire ici : nous allons voir pas àpas que ce que dit Karl Marx est absolumentlimpide. Et pour cela, nous allons non pasregarder Le Capital de l'extérieur, mais avec lesyeux de Karl Marx : ce n'est qu'ainsi qu'on peutcomprendre ce qu'il a vu, compris et, enfin,expliqué. Cela sera naturellement un peu long,de par le nombre de détails abordés, mais celasera toujours limpide dans la mise en

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perspective. Rentrons dans le vif du sujet.

2.1. De quoi parle Karl Marx ?La vie des êtres humains

et leurs besoins

Il est bien connu que Karl Marx utilise leterme de « mode de production ». En effet, toutce qu'il dit dans cette œuvre est un exposé ducapitalisme comme mode de production. C'est lepoint de départ de sa vision. Mais de quoi parle-t-il précisément ? Karl Marx parle de la viequotidienne. Quand on vit, on a besoin de senourrir, de s'habiller, de dormir, etc., c'est-à-dire de satisfaire des besoins. Karl Marx regardecomment ces besoins sont satisfaits. La manièreavec laquelle ces besoins sont satisfaits s'appelleun « mode de production » – c'est une« manière » de produire.

La première chose qu'il faut ainsi voir, c'estqu'un mode de production est un moyen deproduire des choses qui permettent à l'humanitéde vivre, en satisfaisant des besoins, au moinsles principaux, c'est-à-dire ceux qui sont vitaux.Une société produit sa nourriture, seslogements, les moyens de s'habiller, de prendresoin de la santé des gens, etc. Un mode deproduction permet cela, de manière ou plusmoins bonne.

2.2. Il y a plusieurs manièresde satisfaire ses besoins

Évidemment, si les gens doivent réaliser eux-mêmes, individuellement, tout ce dont ils ontbesoin, c'est compliqué. C'est pour cela que ladivision du travail s'est instaurée, de manièretoujours plus grande. Historiquement, les villessont ainsi nées comme lieu du marché, lesartisans proposant leurs biens dans un endroitunique, les personnes des environs venant ychercher ce dont elles avaient besoin. Il y a unemodification de la manière dont les besoins sontréalisés. On est ainsi passé des êtres humainschassant et cueillant à ceux domestiquant etpratiquant l'élevage. On est passé du paysanisolé dans son champ à l'agriculteur s'appuyant

sur des machines, comme les moissonneuses-batteuses, etc.

Il y a donc plusieurs modes de production,qui sont déterminés par l’élévation plus oumoins grande de leurs capacités à produire. KarlMarx considère qu'on passe justement d'unmode de production à un autre, parce qu'il y aun blocage des forces productives, mais que ceblocage n'est que temporaire, parce que lesforces nouvelles permettant une productionmeilleure finissent par triompher.

Cependant, avant d'aborder cette question, ilfaut d'abord comprendre ce qu'est un mode deproduction, et en l'occurrence le mode deproduction capitaliste. En effet, un mode deproduction n'est pas statique, il ne fait pas que« produire » des biens satisfaisant les besoins :il doit également refaire cette production, sanss'arrêter. Un mode de production est égalementun mode qui re-produit la production déjà faite.C'est là un aspect très important.

2.3. Les besoins doivent être satisfaitsde manière répétée

Une fois qu'on a, un jour, satisfait sesbesoins, on est obligé de le recommencer lelendemain. Une fois achetée de la nourriture,par exemple, il faut en racheter encore par lasuite. De la même manière, si le marteau quel'on a acheté s'est cassé, il faut en acheter unautre, etc. C'est ainsi à travers le mode deproduction que les moyens de vivre sontproduits, et c'est également à travers le mode deproduction que ces moyens de vivre sont re-produits. Le mode de production connaît doncdes cycles. Il produit, puis recommence, puisrecommence, etc.

Il n'y a donc pas simplement un mode deproduction d'un côté et des besoins de l'autre.La satisfaction des besoins est au cœur même del'existence du mode de production. On neproduit pas pour « produire » abstraitement,mais pour satisfaire des besoins. Il n'y a pas demode de production sans besoins, etinversement.

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2.4. La manière de produireest elle-même reproduite

Par conséquent, et logiquement donc,puisqu'il y a de nouveau aujourd'hui les mêmesbesoins qu'hier pour vivre, la production va êtrere-produite, et donc la manière de produire val'être aussi. Chaque cycle reprend la méthodeprécédente. À quoi est-ce que cela ressembledans le capitalisme ? Karl Marx explique qu'il ya les moments suivants : déjà l'utilisationinitiale d'une force de travail au moyen d'unesomme d'argent (le salaire payant donc ici lesouvriers), puis la production réalisée (par lesouvriers), et enfin la vente de la production surle marché. Avec les bénéfices réalisés au final, onrecommence le cycle, puisque le mode deproduction exige que soit de nouveau produitdes biens.

Dans Le Capital, Karl Marx nous dit à cesujet :

« Quelle que soit la forme sociale que leprocès de production revête, il doit êtrecontinu, ou, ce qui revient au même,repasser périodiquement par les mêmesphases. Une société ne peut cesser deproduire non plus que de consommer.Considéré, non sous son aspect isolé, maisdans le cours de sa rénovation incessante,tout procès social de production est doncen même temps procès de reproduction. »

Tout procès social de production est donc enmême temps procès de reproduction, car lemode de production permet la satisfaction desbesoins vitaux, impérativement nécessaire. C'estla première grande leçon permettant decomprendre la vision de Karl Marx.

3. La production sertla consommation

Nous avons vu que le mode de productionpermettait de produire des biens pour satisfaireles besoins, notamment vitaux. Nous avonsconstaté que ce mode de production produit etrelance sa production, de manièreininterrompue. Il ne saurait y avoir de tempsmort dans la satisfaction des besoins, sinon lavie humaine s'arrête. Les êtres humains ne sont

pas tels des rochers, au mouvement très lent, ilssont de la matière en mouvement relativementrapide : ils ont faim, soif, froid, etc. Or, ce qu'afait Karl Marx, c'est qu'il a porté son attentionsur les conditions de la re-production, et il y avu quelque chose de particulier, lui fournissantune explication scientifique de ce qu'est lecapital (d'où le titre de son œuvre).

3.1. La production sertla consommation

Nous avons vu que le capitalisme permet lareproduction des biens nécessaires pour vivre.Karl Marx y découvre une premièreparticularité, à savoir la nature de lamarchandise. Pourquoi cela ? Déjà parce queKarl Marx constate que les marchandises sontproduites pour être vendues... aux producteursde marchandises. Là est un premier paradoxe.

Karl Marx explique :

« La consommation du travailleur estdouble. Dans l'acte de production, ilconsomme par son travail des moyens deproduction, afin de les convertir enproduits d'une valeur supérieur à celle ducapital avancé. Voilà sa consommationproductive, qui est en même tempsconsommation de sa force par lecapitaliste auquel elle appartient. Maisl'argent donné pour l'achat de cette forceest dépensé par le travailleur en moyensde subsistance, et c'est ce qui forme saconsommation individuelle.La consommation productive et laconsommation individuelle du travailleursont donc parfaitement distinctes. Dans lapremière, il agit comme force motrice ducapital et appartient au capitaliste ; dansla seconde, il s'appartient à lui-même etaccomplit des fonctions vitales en dehorsdu procès de production. Le résultat del'une, c'est la vie du capital ; le résultatde l'autre, c'est la vie de l'ouvrier lui-même. »

Et Karl Marx de conclure par la suite :

« En convertissant en force de travail unepartie de son capital, le capitalistepourvoit au maintien et à la mise envaleur de son capital entier. Mais ce n'estpas tout. Il fait d'une pierre deux coups. Ilprofite non seulement de ce qu'il reçoit del'ouvrier, mais encore de ce qu'il luidonne. »

Le mode de production capitaliste produit

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des biens nécessaires pour vivre, or qui lesutilise ? Les êtres humains. Mais qui lesproduit ? Les êtres humains, aussi. Seulement, ily a un intermédiaire : le capital. Les êtreshumains travaillent, par l'intermédiaire ducapital, pour produire des biens satisfaisantleurs besoins.

3.2. Les biens nécessaires aux êtreshumains sont produits par le travail

Les êtres humains trouvent donc leursbesoins produits sous la forme de biens qui sontvendus (et achetés). Ce sont des marchandises.Ces choses sont utiles (valeur d'usage), maiselles sont également achetées et vendues (valeurd'échange). Elles possèdent ainsi un doublecaractère. Ce double caractère, on ne le trouvepas dans la nature. La nature de marchandisesexiste parce qu'il existe une humanité quiproduit des biens utiles, ce que ne font pas parexemple les rhinocéros ou les aigles, qui seprocurent directement dans la nature ce dont ilsont besoin. Il y a là un rapport particulier qu'al'humanité avec la nature, car celle-ci esttransformée.

Marx dit à ce sujet :

« En tant qu'il produit des valeursd'usage, qu'il est utile, le travail,indépendamment de toute forme desociété, est la condition indispensable del'existence de l'homme, une nécessitééternelle, le médiateur de la circulationmatérielle, entre la nature et l'homme. »

Cela signifie qu'en définitive, c'est l'activité

humaine qui est à la base de la production :

« En fin de compte, toute activitéproductive, abstraction faite de soncaractère utile, est une dépense de forcehumaine. La confection des vêtements etle tissage, malgré leur différence, sont tousdeux une dépense productive du cerveau,des muscles, des nerfs, de la main del'homme, et ce sens du travail humain aumême titre.La force humaine de travail, dont lemouvement ne fait que changer de formedans les diverses activités productives,doit assurément être plus ou moinsdéveloppée pour pouvoir être dépenséesous telle ou telle forme. Mais la valeurdes marchandises représente purement etsimplement le travail de l'homme, unedépense de force humaine en général. »

Il y a donc les besoins d'un côté, les biens lessatisfaisant de l'autre. Le travail permet laproduction des biens. Mais alors, qu'est-ce quele capital ?

4. Reproduction du capital et salariat

Les besoins existent de par la dimensionnaturelle des humains. Mais, à la différence desanimaux, les humains sont organisés de manièretechnique et ne trouvent pas leurs besoinsdirectement dans la nature : ils transformentcelle-ci pour produire leurs besoins. C'est là queKarl Marx est génial et qu'il s'aperçoit du rôledu capital dans la production et la reproductiondes biens nécessaires.

4.1. Le capital se re-produit lui aussidans la re-production

Nécessairement, la production est refaite, il ya reproduction, et la manière de produire est re-produite. Karl Marx voit alors que cela veutdonc dire que dans les conditions ducapitalisme, puisque le capital paie des gens (quisont donc salariés) pour produire, alors par lasuite ils sont re-payés pour re-produire.

Qu'est-ce que cela signifie ? Cela veut direque, de la même manière qu'il a fallu un capitalpour permettre la production, il faudra uncapital pour re-produire. A chaque cycle, il y aun capital. Ainsi, le capital qui a servi à laproduction va lui-même se re-produire, une

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étape capitaliste en succède nécessairement àune autre.

Pour qu'il y ait production (dans lecapitalisme), il faut qu'il y ait travail, et pourqu'il y ait travail, il faut du capital. Parconséquent, pour qu'il y ait re-production, ilfaut de nouveau du travail, et donc de nouveaule capital.

4.2. Ce qui n'est pas visible du premiercoup quand on regarde la production

En apparence, donc, le capitalisme estcomposé de capitalistes payant des personnessalariées pour produire dans des unitésapparemment séparées les unes des autres,puisqu'il y a différents capitalistes, c'est-à-diredifférentes entreprises. Cela se présente ainsicomme une série de productions individuelles,comme si tout était séparé, les gens serejoignant et échangeant par hasard, de manièreatomisée. Il y aurait production et reproductionici et là, de manière isolée. C'est d'ailleurs laconception libérale traditionnelle que de voir leschoses ainsi.

Or, le génie de Karl Marx est de ne pas s'êtrecontenté de cette apparence. Il a vu quelquechose qui avait une nature nouvelle, une natureparticulière, révélant les rapports sociaux augrand jour : la marchandise. Il a, au-delà de laproduction et de la re-production, que tout lemonde constate, noté la particularité de la choseproduite.

Karl Marx nous demande de voir les chosessous un angle différent de celui purementindividuel :

« L'illusion produite par la circulation desmarchandises disparaît dès que l'onsubstitue au capitaliste individuel et à sesouvriers, la classe capitaliste et la classeouvrière. La classe capitaliste donnerégulièrement sous forme de monnaie à laclasse ouvrière des mandats sur une partiedes produits que celle-ci a confectionnés etque celle-là s'est appropriées. La classeouvrière rend aussi constamment cesmandats à la classe capitaliste pour enretirer la quote-part qui lui revient de sonpropre produit. Ce qui déguise cettetransaction, c'est la forme marchandise du

produit et la forme argent de lamarchandise. »

Que veut dire Karl Marx ? Il veut dire qu'il ya production et re-production : en apparence, del'argent est donné au travailleur qui travaille etpar conséquent produit. Ce produit est unemarchandise vendue contre de l'argent, argentre-donné par la suite au travailleur qui se re-metà produire, etc. etc. Mais Karl Marx dit qu'il ya quelque chose d'autre. Il y a un rapport cachéentre le travail et le capital, un rapport masquépar la production et la re-production desmoyens de vivre. C'est ce rapport que Marx vaexpliquer.

4.3. L'argent des travailleurs utilisé

Récapitulons : les travailleurs ont desbesoins, ces besoins sont produits par lecapitalisme et ce capitalisme a, au cœur de sonactivité, les travailleurs eux-mêmes. Lestravailleurs produisent des marchandises qu'ilsdoivent par la suite acheter, en raison ducaractère privé, éparpillé des productions.

Qui dit acheter, dit argent. Mais cet argentpour acheter des biens nécessaires pour vivreest-il le même que celui utilisé pour produire ?Non, évidemment : Karl Marx accorde unegrande attention à bien déterminer la doublenature de l'argent. L'argent apparaît commedirectement utile, pour le travailleur qui estpayé, pour satisfaire ses besoins : acheter de lanourriture, payer son logement, se procurer deshabits, se soigner, etc. Néanmoins, l'argent en

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tant que capital est quelque chose de différent.Dans un sens, le travailleur produit desmarchandises contre de l'argent, l'argent luipermettant d'acheter des marchandises. Dansl'autre sens, le capitaliste investit son argentpour que des marchandises soient produites, etil récupère de l'argent au bout.

Karl Marx nous dit :

« L’argent en tant qu’argent et l’argent entant que capital ne se distinguent deprime abord que par leurs différentesformes de circulation. La forme immédiatede la circulation des marchandises est M-A-M (marchandise - argent -marchandise), transformation de lamarchandise en argent et retransformationde l’argent en marchandise, vendre pouracheter.Mais, à côté de cette forme, nous entrouvons une autre, tout à fait distincte,la forme A-M-A (argent - marchandise -argent), transformation de l’argent enmarchandise et retransformation de lamarchandise en argent, acheter pourvendre. Tout argent qui dans sonmouvement décrit ce dernier cercle setransforme en capital, devient capital etest déjà par destination capital. »

C'est la base du salariat.

5. Le capitaliste façonne la naturedu travailleur libre et luiextorque la plus-value

Le salariat, c'est la dépendance d'untravailleur libre par rapport à un salaire poursubsister, et tout ce qui va avec. Karl Marx estlogique : si la production de biens se reproduit,et que le capital devient plus grand, c'est qu'iltrouve de la richesse dans la production, lareproduction. Mais d'où vient cette richesse ?Car logiquement, quand on échange quelquechose, qu'on achète et qu'on vend, on le fait au« juste prix » et on ne gagne rien...

C'est là toute la question, que Karl Marxformule ainsi :

« Notre possesseur d'argent, qui n'estencore capitaliste qu'à l'état de chrysalide,doit d'abord acheter des marchandises àleur juste valeur, puis les vendre cequ'elles valent, et cependant, à la fin,retirer plus d'argent qu'il n'en avaitavancé. La métamorphose de l'homme aux

écus en capitaliste doit se passer dans lasphère de la circulation et en même tempsdoit ne point s'y passer. »

C'est là le paradoxe : le capitaliste paie « aubon prix » le travailleur, il vend « au bon prix »la marchandise, et pourtant de la valeurapparaît. La source de cette valeur tient autravailleur. Il n'y avait pas de capital là oùexistaient déjà les marchandises et la monnaie :ce qu'il fallait, c'était un travailleur « libre »vendant sa force de travail. Le capitaliste abesoin d'ailleurs ici de deux choses par rapportà la situation précédente : que ce travailleurlibre soit disponible génération après génération,et que sa nature soit changée.

Il faut donc que le travailleur libre ait assezde subsistances pour qu'il puisse continuer àvivre, reprendre des forces, qu'il dispose des« moyens de subsistance physiologiquementindispensables. » À cela s'ajoute bien sûr lanécessité qu'il y ait reproduction humaine, denouvelles générations de travailleurs. La vie dutravailleur doit devenir « éternelle », Karl Marxsouligne cette importante dimension.

Et voici comment le capitaliste façonne lanature du travailleur libre :

« Pour modifier la nature humaine demanière à lui faire acquérir aptitude,précision et célérité dans un genre detravail déterminé, c'est-à-dire pour enfaire une force de travail développée dansun sens très spécial, il faut une certaineéducation qui coûte elle-même une sommeplus ou moins grande d'équivalents enmarchandises. Cette somme varie selon lecaractère plus ou moins complexe de laforce de travail. Les frais d'éducation,d'ailleurs très minimes pour la force detravail simple, rentrent dans le total desmarchandises nécessaires à saproduction. »

Le travailleur libre voit sa nature humainemodifiée : déjà, elle devient en quelque sorte« éternelle », car un enfant ayant grandiprendra par la suite sa place, ensuite, il estencadré, éduqué, formé, et ce pour une activitébien précise. Sa vie naturelle est happée par lamachinerie capitaliste. Et, à ce titre, une partiede son travail lui est directement extorquée, ellerentre directement au service du capitaliste :

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c'est la plus-value. C'est cela le cœur ducapitalisme : le capitaliste arrache du temps autravailleur, après l'avoir façonné de telle manièrequ'il serve dans la production.

Karl Marx dit ainsi :

« La production de plus-value n'est doncautre chose que la production de valeurprolongée au-delà d'un certain point. Si leprocès de travail ne dure que jusqu'aupoint où la valeur de la force de travailpayée par le capital est remplacée par unéquivalent nouveau, il y a simpleproduction de valeur ; quand il dépassecette limite, il y a production de plus-value. »

Lorsque le travailleur transforme desmatières, il ajoute de la valeur à cette matière,par exemple en ayant transformé du bois entable. Mais il y a également une partie du tempsemployé à travailler qui n'est pas rémunérée : cetemps permet la production de plus-value pourle capitaliste. Il y a le travail et le surtravail.

Karl Marx nous décrit par conséquent demanière suivante la journée de travail :

« La somme du travail nécessaire et dusurtravail, des parties de temps danslesquelles l'ouvrier produit l'équivalent desa force de travail et la plus-value, cettesomme forme la grandeur absolue de sontemps de travail, c'est-à-dire la journée detravail. »

Et encore :

« Il est évident par soi-même que letravailleur n'est rien autre chose sa viedurant que force de travail, et qu'enconséquence tout son temps disponibleest, de droit et naturellement, temps detravail appartenant au capital et à lacapitalisation. Du temps pour l'éducation,pour le développement intellectuel, pourl'accomplissement des fonctions sociales,pour les relations avec parents et amis,pour le libre jeu des forces du corps et del'esprit, même pour la célébration dudimanche, et cela dans le pays dessanctificateurs du dimanche, pureniaiserie ! Mais dans sa passion aveugle etdémesurée, dans sa gloutonnerie de travailextra, le capital dépasse non seulement leslimites morales, mais encore la limitephysiologique extrême de la journée detravail. Il usurpe le temps qu'exigent lacroissance, le développement et l'entretiendu corps en bonne santé. Il vole temps quidevrait être employé à respirer l'air libreet à jouir de la lumière du soleil. Il lésinesur le temps des repas et l'incorpore,

toutes les fois qu'il le peut, au procèsmême de la production, de sorte que letravailleur, rabaissé au rôle de simpleinstrument, se voit fournir sa nourriturecomme on fournit du charbon à lachaudière, de l'huile et du suif à lamachine. Il réduit le temps du sommeil,destiné à renouveler et à rafraîchir la forcevitale, au minimum d'heures de lourdetorpeur sans lequel l'organisme épuisé nepourrait plus fonctionner […]. Le capitalne s'inquiète point de la durée de la forcedu travail. Ce qui l'intéresse uniquement,c'est le maximum qui peut en être dépensédans une journée. Et il atteint son but enabrégeant la vie du travailleur, de mêmequ'un agriculteur avide obtient de son solun plus fort rendement en épuisant safertilité.La production capitaliste, qui estessentiellement production de plus-value,absorption de travail extra, ne produitdonc pas seulement par la prolongation dela journée qu'elle impose la détériorationde la force de travail de l'homme, en laprivant de ses conditions normales defonctionnement et de développement, soitau physique, soit au moral – elle produitl'épuisement et la mort précoce de cetteforce. Elle prolonge la période productivedu travailleur pendant un certain laps detemps en abrégeant la durée de sa vie. »

Karl Marx parle donc de la « prolongationcontre nature de la journée de travail » : lecapital malmène l'être humain, exigeant de luiquelque chose ne correspondant pas à sa réaliténaturelle.

6. Le capital fait changerle mode de production

Le capitaliste fait donc travailler letravailleur davantage qu'il ne le paie : c'est là lesurtravail. Dans la perspective de Karl Marx,notre illustre maître, il est donc parfaitementerroné de réduire la critique du capitalisme à lasimple question de la transformation des biens.Le travailleur n'est pas seulement en face ducapitaliste comme réel transformateur des biens,dont le capitaliste profite par la suite commemarchandises, il est également exploité.

La critique idéaliste d'une partie dumouvement ouvrier, principalement syndicaliste,anarcho-syndicaliste, syndicaliste-révolutionnaire, etc. a consisté en une critiquede type artisanale : puisque le travailleur

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travaille, le capitaliste n'est qu'un parasite de latransformation des biens, et cela s'arrête là. Or,ce serait là ne pas voir ni le mode de productionpropre à une époque, ni l'exploitation et la plus-value. Déjà, la plus-value dépend, naturellement,à la fois du nombre de travailleurs et du nombred'heures de surtravail extorquées.

On comprend l'intérêt du capital à disposerd'un pays de grande population, à vouloir que lapopulation travaillant soit la plus grandepossible (d'où le travail des enfants à l'initial), àprolonger les heures de travail, etc. Cependant,ce n'est pas tout. Le capital a également intérêtà intensifier le travail, pour que le surtravail soitplus important. Il ne s'agit pas de prolongerquantitativement, mais égalementqualitativement, ce qui veut dire qu'il y amodifications techniques. C'est pour cette raisonque le capital a produit le capitalisme.

Karl Marx nous enseigne que :

« […] dès qu'il s'agit de gagner de la plus-value par la transformation du travailnécessaire en surtravail, il ne suffit plusque le capital, tout en laissant intacts lesprocédés traditionnels du travail, secontente d'en prolonger simplement ladurée. Alors, il lui faut, au contraire,transformer les conditions techniques etsociales, c'est-à-dire le mode de laproduction. Alors seulement, il pourraaugmenter la productivité du travail,abaisser ainsi la valeur de la force detravail et abréger par cela même le tempsexigé pour la reproduire. »

Cela signifie que le capitaliste est devenu lemaître de sa production. Voici justementcomment Karl Marx nous montre la différence

d'avec le système féodal. Après avoir expliquéqu'un petit patron n'est qu'un être hybride, etque le vrai capitaliste ne veut pas simplementsatisfaire ses besoins, mais acquérir desrichesses, Karl Marx nous dit :

« À un certain degré de développement, ilfaut que le capitaliste puisse employer àl'appropriation et à la surveillance dutravail d'autrui et à la vente des produitsde ce travail tout le temps pendant lequelil fonctionne comme capital personnifié.L'industrie corporative du moyen-âgecherchait à empêcher le maître, le chef decorps de métier, de se transformer encapitaliste, en limitant à un maximum trèsrestreint le nombre des ouvriers qu'il avaitle droit d'employer. Le possesseur d'argentou de marchandises ne devient en réalitécapitaliste que lorsque la somme minimumqu'il avance pour la production dépassedéjà de beaucoup le maximum du moyen-âge. Ici, comme dans les sciencesnaturelles, se confirme la loi constatée parHegel dans sa Logique, loi d'après laquellede simples changements dans la quantité,parvenus à un certain degré, amènent desdifférences dans la qualité. »

Et :

« Le capitaliste n'est point capitalisteparce qu'il est directeur industriel ; ildevient au contraire chef d'industrie parcequ'il est capitaliste. Le commandementdans l'industrie devient l'attribut ducapital, de même qu'aux temps féodaux ladirection de la guerre et l'administrationde la justice étaient les attributs de lapropriété foncière. »

Karl Marx constate alors également :

« À l'origine même de la productioncapitaliste, quelques unes de ces industriesexigeaient déjà un minimum de capital quine se trouvait pas encore dans les mainsde particuliers. C'est ce qui renditnécessaire les subsides d'État accordés àdes chefs d'industrie privée – comme enFrance du temps de Colbert, et comme denos jours cela se pratique encore dansplusieurs principautés de l'Allemagne –, etla formation de sociétés avec monopolelégal pour l'exploitation de certainesbranches d'industrie et de commerce,autant d'avant-coureurs des sociétésmodernes par actions. »

Le capital, parce qu'il arrache du surtravail,intensifie la production, et en cela il exige letriomphe des nouvelles techniques. Il amène unnouveau mode de production, au fur et àmesure, de par son efficacité, son mouvement

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général.

7. Le capitaliste donne naissanceà la force collective

La conséquence directe de l'augmentation dela productivité est la baisse des prix : c'estl'argument invoqué par les capitalistes, quiaffirme que le capitalisme permet uneconsommation de masse, des prix toujours plusbas, etc. En réalité, tout cela est acquis auxdépens des masses elles-mêmes. D'ailleurs, celan'amène pas de baisse de la journée de travail.

Comme le constate Karl Marx :

« Le développement de la force productivedu travail, dans la production capitaliste,a pour but de diminuer la partie de lajournée où l'ouvrier doit travailler pourlui-même, afin de prolonger ainsi l'autrepartie de la journée où il peut travaillergratis pour le capitaliste […].Il s'agit non seulement d'augmenter lesforces productives individuelles, mais decréer par le moyen de la coopération uneforce nouvelle ne fonctionnant que commeforce collective. »

Les prix baissent, car la productioncapitaliste a une autre envergure : les économiesd'échelle, la hausse de productivité... abaissentles prix, ce qui fait que paradoxalement lecapital enlève de la valeur au produit : plus unemarchandise est produite, moins elle a devaleur. C'est cela qui fait le drame des petitsproducteurs, des petits capitalistes, bref descapitalistes moins puissants que d'autres.Cependant, il est un autre aspect trèsimportant. Les travailleurs eux-mêmes sontprisonniers du capital, en raison du renouveausystématique du cycle de production. Ilsappartiennent au capital, ils en sont unecomposante.

C'est d'ailleurs revendiqué par l'idéologie dela « cogestion », l'un des grands argumentairesen faveur du capitalisme en ce qu'il feraits'élever le niveau de vie, et que donc les masses,finalement, en profiteraient. Or, comme dit plushaut, cela se fait en réalité par le travail, et nonpas par le capital, qui a juste façonné etmodernisé le travail. De plus, il est inévitable

que l'intensification du travail organisé par lecapital permette l’élévation du niveau de vie,sans changer pour autant le gouffre entre laclasse du capital et celle du travail.

Karl Marx constate ainsi :

« Avec accroissement continuel dans laproductivité du travail, le prix de la forcede travail pourrait ainsi tomber de plus enplus, en même temps que les subsistancesà la disposition de l'ouvrier continueraientà augmenter. Mais même dans ce cas, labaisse continuelle dans le prix de la forcede travail, en amenant une haussecontinuelle de la plus-value, élargiraitl'abîme entre les conditions de vie dutravailleur et du capitaliste. »

En effet, avec davantage de productivité, ona, non pas davantage de valeur, mais au moinsdavantage de produits. C'est cela qui donnel'illusion que le capitalisme permette uneélévation du niveau de vie alors que, justement,le capitalisme est marqué par des contradictionsterribles, dont une mortelle. C'est pour cetteraison que le socialisme a souligné l'importancecentrale de la théorie révolutionnaire, pour avoirune vision d'ensemble : tout Le Capital de KarlMarx est parsemé de remarques comme quoi lavision scientifique ne peut être acquise que parune vue d'ensemble du processus capitaliste.Sans perspective d'ensemble, on ne voit que letravailleur et le capitaliste, pas les travailleurset les capitalistes en tant que classe.

C'est ce qui fait dire à Karl Marx cette chosetrès importante :

« La vie du capital ne consiste que dansson mouvement comme valeur

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perpétuellement en voie demultiplication. »

« Le capitaliste paye donc à chacun descent ouvriers sa force de travailindépendante, mais il ne paye pas la forcecombinée de la centaine. Commepersonnes indépendantes, les ouvriers sontdes individus isolés qui entrent en rapportavec le même capital mais non entre eux.Leur coopération ne commence que dansle procès de travail ; mais là ils ont déjàcessé de s'appartenir. Dès qu'ils y entrent,ils sont incorporés au capital. En tantqu'ils coopèrent, qu'ils forment lesmembres d'un organisme actif, ils ne sontmême qu'un mode particulier d'existencedu capital. »

C'est doublement important. Déjà, il y a laquestion de l'intégration des travailleurs dans lecapital, ce qui a des conséquences politiquesessentielles, puisqu'on voit que le syndicat decogestion ne fait, par définition ici, qu'aider lecapital. Même un syndicat, en lui-même, estfoncièrement insuffisant, puisque exprimant nonpas l'identité des travailleurs libres –politiquement dans le Parti Communiste – maisune situation aliénée et exploitée.

Ensuite, il y a la question de la force sociale.En apparence, le capitaliste n'utilise que desindividus, en pratique il utilise également laforce de l'ensemble de ces individus. Ce qui faitque le capitalisme est puissant : chaquecapitaliste devient en quelque sorte un minipharaon, le chef d'une foule d'individus quicollectivement peuvent construire despyramides. Le capitalisme a donc d'énormescapacités de transformation, et apparaît commeune immense force sociale. Et il en est une, etc'est son rôle historique : socialiser les individus,les collectiviser.

Karl Marx affirme ainsi :

« Le mode de production capitaliste seprésente donc comme nécessité historiquepour transformer le travail isolé en travailsocial ; mais entre les mains du capital,cette socialisation du travail n'enaugmente les forces productives que pourl'exploiter avec plus de profit. »

« La vie sociale, dont la productionmatérielle et les rapports qu'elle impliqueforment la base, ne sera dégagée du nuagemystique qui en voile l'aspect, que le jouroù s'y manifestera l’œuvre d'hommes

librement associés, agissant consciemmentet maître de leur propre mouvementsocial. Mais cela exige dans la société unensemble de conditions d'existencematérielle qui ne peuvent être elles-mêmesle produit que d'un long et douloureuxdéveloppement. »

Le capitalisme était nécessaire, poursocialiser le travail. Il était une étape nécessaire,pour dépasser les clivages individuels. Le modede production capitaliste n'est ainsi pas originaldans l'utilisation du surtravail, il l'est dans sonorganisation.

« La division du travail dans sa formecapitaliste – et sur les bases historiquesdonnées, elle ne pouvait revêtir aucuneautre forme – n'est qu'une méthodeparticulière de produire de la plus-valuerelative, ou d'accroître aux dépens dutravailleur le rendement du capital, cequ'on appelle richesse nationale (Weath ofNations). Aux dépens du travailleur, elledéveloppe la force collective du travailpour le capitaliste. Elle crée descirconstances nouvelles qui assurent ladomination du capital sur le travail. Ellese présente donc et comme un progrèshistorique, une phase nécessaire dans laformation économique de la société, etcomme un moyen civilisé et raffinéd'exploitation. »

8. Des manufactures aux machines, larévolution industrielle

Le capital décompose au départ ainsi letravail de l'artisan, chaque étape estindividualisée et attribuée à un travailleur précisdans le cadre d'une grande entreprise, d'unemanufacture.

« De produit individuel d'un ouvrierindépendant faisant une foule choses, lamarchandise devient le produit sociald'une réunion d'ouvriers dont chacunn'exécute constamment que la mêmeopération de détail. »

« L'analyse du procès de production dansses phases particulières se confond ici toutà fait avec la décomposition du métier del'artisan dans ses diverses opérationsmanuelles. »

Les travaux sont différenciés et obéissent àune spécialisation. Toutefois, le capitalismes’accommode parfaitement d'un nivellement parle bas, ce que Karl Marx soulignefondamentalement. Là où, au Moyen-Âge, les

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travailleurs étaient des artisans devant avoir uneformation pour maîtriser les différentes étapesde production, le travailleur et cela avec lesmanufactures devient un simple rouage de lagrande machine de production. C'est un gain detemps pour le capitaliste, qui ne forme pas lestravailleurs, mais les précipite dans le gouffre dusalariat.

« En tant que membre de travailleurcollectif, le travailleur parcellaire devientmême d'autant plus parfait qu'il est plusborné et plus incomplet. L'habitude d'unefonction unique le transforme en organeinfaillible et spontané de cette fonction,tandis que l'ensemble du mécanisme lecontraint d'agir avec la régularité d'unepièce de machine. »

De fait, après le travailleur lié à un outilprécis pour une activité précise, le capitalisme adéveloppé directement les machines. Lamachine-outil remplace l'outil utilisé par letravailleur, et pourtant ce dernier reste au cœurdu processus. Avec la machine, le travailleurn'utilise plus un seul outil, mais plusieurs parl'intermédiaire de la machine. C'est le principede la révolution industrielle : les travailleursdoivent suivre le rythme de la machine.

On est là dans des schémas très élaborés, parla chimie, la mécanique, etc., et donc lafabrication passe par de nombreuses étapes,machines après machines, et l'être humain doitsuivre, comme cela est montré dans la terriblemétaphore de Charlie Chaplin dans Les tempsmodernes, du travailleur tournant les aiguillesd'une horloge géante à un rythme effréné dansMetropolis, etc.

Comme l'explique Karl Marx :

« Si le principe de la manufacture estl'isolement des procès particuliers par ladivision du travail, celui de la fabriqueest, au contraire, la continuité noninterrompue de ces mêmes procès. »

Bien entendu, il y a également lescommunications et les transports qui doiventsuivre, tout comme par ailleurs la fabricationdes machines, avec au départ la machine àvapeur. Tout cela exige le progrès scientifique,que la bourgeoisie va donc pousser. L'objectif

est d'améliorer tout ce qui va avec laproduction, mais également de profiter de laforce de la nature, et non plus seulement desbras des travailleurs.

« Le moyen de travail acquiert dans lemachinisme une existence matérielle quiexige le remplacement de la force del'homme par les forces naturelles et celuide la routine par la science. Dans lamanufacture, la division du procès dutravail est purement subjective : c'est unecombinaison d'ouvriers parcellaires. Dansle système de machines, la grandeindustrie crée un organisme de productioncomplètement objectif ou impersonnel, quel'ouvrier trouve là, dans l'atelier, commela condition matérielle toute prête de sontravail. Dans la coopération simple etmême dans celle fondée sur la division dutravail, la suppression du travailleur isolépar le travailleur collectif semble encoreplus ou moins accidentelle. Lemachinisme, à quelques exceptions prèsque nous mentionnerons plus tard, nefonctionne qu'au moyen d'un travailsocialisé ou commun. Le caractèrecoopératif du travail y devient unenécessité technique dictée par la naturemême de son moyen. »

Tout cela fait que Karl Marx parle des« forces naturelles du travail social ». Avec lesmachines, le travail du travailleur estdémultiplié, il s'appuie de plus sur l'énergienaturelle : l'eau, la vapeur, etc. Et tout cela necoûte rien au capitaliste, qui a juste réussi àregrouper les forces auparavant éparpillées. Lesmuscles deviennent ainsi secondaires grâce auxmachines, c'est cela qui fît que la révolutionindustrielle happa des femmes et des enfants.Karl Marx note toute une série de chiffres à cesujet : ceux de la terrible mortalité qui frappaitalors. Et pourtant, malgré le peu d'exigencephysique, la machine brûle les corps, car sonrythme est effréné. Elle avale, elle engloutit lestravailleurs entièrement :

« Le mouvement et l'activité du moyen detravail devenu machine se dressentindépendants devant le travailleur. Lemoyen de travail est dès lors unperpetuum mobile industriel quiproduirait indéfiniment, s'il ne rencontraitune barrière naturelle dans ses auxiliaireshumains, dans la faiblesse de leurs corpset la force de leur volonté. L'automate, ensa qualité de capital, est fait homme dansla personne du capitaliste. Une passionl'anime : il veut tendre l'élasticité

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Les Fondements du capital selon Karl Marx

humaine et broyer toutes ses résistances.La facilité apparente du travail à lamachine et l'élément plus maniable et plusdocile des femmes et des enfants l'aidentdans cette œuvre d'asservissement. »

9. Le corps prisonnier de la machineet le socialisme

Avec les machines, les capitalistes selançaient dans une nouvelle vague deproduction, et c'est la vie entière qu'ilsrisquaient de ruiner, aussi la société elle-mêmemit un frein, comme l'explique Karl Marx :

« La prolongation démesurée du travailquotidien produite par la machine entredes mains capitalistes finit par amener uneréaction de la société qui, se sentantmenacée jusque dans la racine de sa vie,décrète des limites légales à la journée :dès lors, l'intensification du travail,phénomène que nous avons déjà rencontré,devient prépondérante. »

Pour compenser, les capitalistes renforcèrentl'intensification du travail, en perfectionnanttoujours davantage les machines. Cela signifiaittoujours plus d'aliénation et d'exploitation pourle travailleur :

« Le moyen de travail converti enautomate se dresse devant l'ouvrier,pendant le procès de travail même, sousforme de capital, de travail mort quidomine et pompe sa force vivante. »

Il y eut ainsi des sabotages de machineseffectués dans le cadre de révolte ouvrière, lestravailleurs ne distinguant pas encore le moyenmatériel de production du mode sociald'exploitation. Mais ce n'est pas tout. Si le

capitaliste produit, il doit également vendre, etbien évidemment la révolution industrielle aprovoqué des goulots d'étranglements.

Karl Marx constate ainsi :

« L'expansibilité immense et intermittentedu système de fabrique jointe à sadépendance du marché universel enfantenécessairement une production fiévreusesuivie d'un encombrement des marchés,dont la contraction amène la paralysie. Lavie de l'industrie se transforme ainsi ensérie de périodes d'activité moyenne, deprospérité, de surproduction, de crise etde stagnation. »

Cela signifiait que les capitalistes en pleineconcurrence baissaient toujours davantage lessalaires, condamnant à un dénuement le pluscomplet les travailleurs, sans parler desconditions de travail, totalement abjectes. Cetécrasement physique et mental de l'être humainfait face à la collectivisation du travail par lafabrique, ainsi donc dialectiquement l'êtrehumain se réaffirmant dans sa nature, et nonplus comme dépendance de l'automate, profitede ce passage historique par l'étape de lafabrique. Ce qui fait dire à Karl Marx quel'éducation de l'avenir « unira pour tous lesenfants d'un certain âge le travail productif avecl'instruction et la gymnastique, et cela nonseulement comme méthode d'accroître laproduction sociale, mais comme la seule etunique méthode de produire des hommescomplets. »

De la même manière, Karl Marx constate quela technologie devra être comprise par lesmasses :

« Si la législation de la fabrique, premièreconcession arrachée de haute lutte aucapital, s'est vue contrainte de combinerl'instruction élémentaire, si misérablequ'elle soit, avec le travail industriel, laconquête inévitable du pouvoir politiquepar la classe ouvrière va introduirel'enseignement de la technologie, pratiqueet théorique, dans les écoles du peuple. »

Le socialisme est le mode de productionexigée par les masses qui sont exploitées par lecapitalisme et aliénées par des méthodes quileur sont insupportables. La grande difficultédes révolutions russe et chinoise fut justement

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qu'il a fallu, inévitablement, assumer lecapitalisme embryonnaire et le dépasser demanière la plus organisée possible, dans despays arriérés économiquement. Les succèstitanesques dans la construction du socialismesous la direction de Lénine et de Staline enURSS, de Mao Zedong en Chine, ontmalheureusement été ébranlés par lerévisionnisme, qui a su profiter des difficultés.

Cependant, on ne peut pas arrêter la roue del'histoire : le capitalisme obéit à des lois dontles conséquences sont inéluctables. Pour cetteraison, les quatre autres dossiers traitant del’œuvre magistrale de Karl Marx, Le Capital,traiteront du rôle de l'argent, de l'accumulationdu capital, de la circulation du capital, et enfinde la loi de la baisse tendancielle du taux deprofit.

Première publication : mai 2014Deuxième édition : août 2014

Illustrations : scènes du film Les Temps Modernes de Charlie Chaplin (1936)

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