Les favelas, de l'indésirable au durable

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SOMMAIRE CONSIDERATION 3 DEFINITION 4 PREFAVELA 7 TYPOLOGIE 10 L’INTELLIGENCE CONSTRUCTIVE DES FAVELADOS 9 ESPRIT COMMUNAUTAIRE 19 RAPPORT À LA VILLE 20 INTEGRATION URBAINE 24 FUTUR 28 REFLEXION 33 BIBLIOGRAPHIE 35 LEXIQUE 2

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Publication sur la culture brésilienne et les favelas

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SOMMAIRE

CONSIDERATION3

DEFINITION4

PREFAVELA7

TYPOLOGIE10

L’INTELLIGENCE CONSTRUCTIVE DES FAVELADOS 9

ESPRIT COMMUNAUTAIRE19

RAPPORT À LA VILLE20

INTEGRATION URBAINE 24

FUTUR 28

REFLEXION 33

BIBLIOGRAPHIE 35

LEXIQUE2

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LEXIQUE

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FavelaQuartiers autonomes brésiliens dont les habitations sont construites avec des matériaux de récupération.

Faveladohabitant d’une favela avec une culture propre.

SambaDanse brésilienne à deux temps. Vient de Semba ; du dialecte Ango-lais qui signifie une ethnie amenée en Amérique latine par les portugais pour l’esclavage. Samba (umbriga-da en portugais) signifie TOUCHER LES NOMBRILS, la façon de danser des esclaves.

Favela-BairroProgramme de régularisation fon-cière : la progressive intégration des quartiers d’habitat populaire dans la ville.

MorrosLes collines en portuguais.

CariocaHabitant de Rio de Janeiro.

FazendasGrande proprieté au Brasil et au Portugal.

ReseauEnsemble d’éléments de même na-ture reliés les uns aux autres.

GingaFaçon de se deplacer de favelados dans les favelas.

Quebradas de morroRuelles internes d’une favela.

QuilomboComunautée crée par des esclaves Angolais fugitifs au Brésil.

Mutirõesgroupes d’entraide, de travail col-lectif gratuit, pré-supposant la reci-procité.

BidonvilleBidonville: Ensemble d’habitations precaires, certaines constituées de matériaux de récupération, et d’autres en matériaux beaucoup plus durables.

RhizomeC’ est la partie souterraine ou su-baquatique d’une plante. Certaines plantes rhizomateuses sont très in-vasives et leurs residus sont source de nouvelles colonisations du sol. Les plantes rhizomatiques ont, com-me par exemple la plante favela, la particularité de s’unir pour mieux se protéger.

FragmentPartie autonome d’un tout.

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CONSIDE-RATION

et favorise l’économie et les rap-ports sociaux dans la ville. En choisissant d’intégrer des zo-nes d’habitations précaires plu-tôt que de tenter de les détruire, le gouvernement brésilien à ins-crit de façon durable les favelas dans son réseau administratif et dans sa planification urbaine.Ces dits « bidonvilles » Brési-liens sont donc en train d’acqué-rir un statut légal et social qui légitime leur appellation en tant que quartiers et non plus en tant que zones d’habitation illégales, même si en réalité la précarité y est toujours présente.Le principal enjeu est donc de préserver cette façon de construire sans en modifier ses caractéristiques. Pour l’opinion publique Brésilienne, les favelas doivent désormais être inscrites au patrimoine des villes à l’ins-tar des constructions modernis-tes devenues froides, imperson-nelles et sans surprise.

Citation:

« la seule architecture vraiment Brésilienne, ce sont les favelas. » Sergio BERNARDESarchitecte Brésilien

Mondialisation, exode rurale et urbanisation sont autant de fac-teurs économiques et sociaux qui sont accompagnés d’effets négatifs sur les populations comme la paupérisation des classes moyennes et ouvrières due à l’explosion de la valeur foncière des terrains ainsi que de l’augmentation du niveau de vie. Cette situation contraint une partie des citadins à devoir se reloger en zones périurbaines et accepter des conditions de vie moins confortables, la ville de-venant un luxe. Les populations les plus pauvres n’ont souvent pas d’autre choix que celui de la construction précaire, temporai-re, une architecture du bricolage qui renvoie davantage à la vision d’abri plutôt que d’habitat. Ces constructions dites illégales se sont multipliées et leur nombre ne cesse d’augmenter jour après jour : selon un rapport des Na-tions-Unis publié en 2006, un tiers des populations mondiales n’auraient pas accès à des condi-tions de logement décentes. De nombreux noms ont été associés à ce type d’habitat, mais le plus utilisé est le terme bidonville. Au-delà d’une étymologie liée au matériau, ce terme a au cours des décennies, eu une connota-tion de plus en plus péjorative, renvoyant à la pauvreté, l’in-salubrité, le surpeuplement et

l’exclusion sociale. Associé à un cliché, ce terme généraliste est désormais employé en France pour désigner n’importe quelles habitations précaires.Mais, à travers l’étude du cas exemplaire des favelas de Rio, au Brésil, il apparaît que l’utilisa-tion du mot bidonville n’est abso-lument pas approprié et réaliste. Le phénomène des favelas a au contraire montré comment l’ag-glomération de communautés autonomes, avec une histoire, une culture et une organisation particulière dans des territoires informels et illégaux a boule-versé la façon de considérer la ville conventionnelle. Malgré une grande précarité, les habitants des favelas, les favelados, ont su développer à partir de leurs connaissances des lieux de vie à leur image, en perpétuel mou-vement, qui évoluent parallèle-ment à la société et où y règne une joie de vivre dans l’instant, une effervescence à l’opposé de l’image de ghettos ( insécurité, saleté, analphabétisme…) qui a pu être véhiculée à travers les médias.Les différentes politiques suc-cessives menées à Rio ont mon-tré que l’acceptation de ces frag-ments urbains autrefois rejetés (politiques de destruction, de re-logement forcé, ségrégation spa-tiale) est un facteur d’urbanisme 3

Projet Morrinho

Rio et les favelas

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DEFINITIONration des habitations précaires. De plus en plus de personnes ayant des revenus relativement élevés cherchent à se loger en dehors des systèmes formels et officiels, et se rendent compte que ces habitations sont la seule autre option disponible hors du marché structuré, ce qui met en évidence les lacunes du marché immobilier et des politiques du logement.Dans certain pays en développe-ment l’accès à la terre est limité dans le périmètre urbain et, géré à titre privé dans les zones pé-riphériques par les propriétaires terriens, les chefs coutumiers ou les autorités traditionnelles, ce qui limite le pouvoir des autori-tés locales et favorise l’urbanisa-tion informelle.Un grand nombre de noms dé-signent ces habitations qui ont toutes « des origines différentes et de modes d’occupation divers ». Cependant, dans tous les cas, les bâtiments qu’on y trouve vont de la simple baraque à des structures permanentes qui sur-prennent parfois par le soin avec lequel elles sont entretenues; toutefois et en dépit de leurs variations, ces habitations com-portent plusieurs caractéristi-ques communes, à savoir le sur-peuplement, la médiocrité des conditions d’assainissement, le délabrement des logements et,

dans certaines villes, la violence urbaine.

Une habitation précaire est un lo-gement qualitativement insatis-faisant. Certaines de ces habita-tions précaires sont constituées de matériaux de récupérations, comme des cartons, des plas-tiques, des tôles, et d’autres matériaux beaucoup plus durs comme les briques ou des moel-lons. Généralement ce sont des habitations occupées par des personnes à faibles revenus. Ces habitations sont la manifes-tation la plus sensible de la pau-vreté urbaine. De plus, l’ineffica-cité du secteur du logement et le manque d’options immobiliè-res accessibles aux divers grou-pes socioéconomiques, figurent parmi les causes profondes de l’essor de ces types habitations dans les villes des pays en dé-veloppement. Mais, bien que ce soit souvent occulté, ceux-ci ont existé également dans les pays industrialisés et subsistent en-core, mais de manière plus dis-crète.Le faible niveau du revenu des ménages et les moyens limités dont disposent les populations de ces quartiers pour payer leur logement constituent une par-tie du problème. Toutefois, il est prouvé à l’heure actuelle que ce ne sont plus seulement les pau-vres qui vivent dans ces établis-sements. La pauvreté n’est donc pas l’unique cause de la prolifé-

HABITATION PRECAIRE

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Kijiji ou Slum, Kenya

Township, Afrique du Sud

Barrio, Guinée Equatoriale

Bidonville, Cameroun

Jhugi ou Bustee, Inde

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Selon la langue, voire le pays ou la ville on trouve des noms tels que : les Gecekondus en Tur-quie, les Favelas au Brésil, Jhugi ou Bustee en Inde, Kachi abadi au Pakistan, Mudduku au Sri lan-ka, Bairro de Lata au Portugal, Lušnynai en lituanie ou encore Kartonsko naselje en Serbie.Dans les pays hispanophones, on trouve, Ranchos au Venezue-la, Asentamientos au Guatema-la, Cantegriles en Uruguay, Ciu-dades perdidas ou Colonias au Mexique, Invasiones en Equateur et Colombie, Poblaciones Cal-lampas, Poblas ou Campamentos au Chili, Chacarita au Paraguay, Pueblos jóvenes ou Barriadas au Pérou, Villas miseria en Argen-tine ou Precario/Tugurio au Cos-ta Rica. Chabolas en Espagne, Barrio en République domini-caine et en Guinée Equatoriale.Dans les pays anglophones,on trouve les termes anglais Shan-ty Town et Slum ou Imijondo-lo/Township en Afrique du Sud, Kijiji ou Korogocho au Kenya.Dans les pays francophones, on trouve le nom « bidonville », mais pas seulement comme le montre l’exemple des mapa-ne ou matiti au Gabon et Ka-ryane au Maroc, berceau du nom « bidonville ». Aujourd’hui dans le monde francophone, le mot «bidonville» est un terme «vague et péjoratif» car on ne

tient compte que des aspects négatifs de ces quartiers. Il a de nombreuses connotations et significations, c’est un nom qui fait amalgame entre quartiers précaires et colonies de squat-ters. De manière générale le mot «bidonville» est rarement utilisé par les gens les plus sensibles et en connaissance de cause.Pour les habitants de ces quar-tiers, ce mot est dépourvu de cette connotation péjora-tive et correspond tout simple-ment à des logements de qua-lité inferieure ou de fortune, occupés par des personnes gé-néralement à faible revenu.

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Habitation précaire, Phonm Penh CambodgeBarrios, Caracas, Venezuela

Villas miseria, Argentine

Favela, Brésil

habitation précaire, Vietnam

Bairro de lata, Portugal

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Les FavelasJatropha phyllacantha

Genre cauterium des légumineuses.

Elles ont dans leurs feuilles de remarquables outils de conden-sation, d’absorption et de dé-fense.

«...la main qui les saisirait se heurterait à une plaque incan-descente d’une chaleur intoléra-ble».

...parfois, quand certaines es-pèces ne se montrent pas aussi bien armées que les précédentes pour réagir victorieusement, on observe des dispositifs peut-être encore plus intéressants:Les espèces s’unissent, s’enla-cent etroitement et se transfigu-rent en plantes sociales. Ne pou-vant contre attaquer isolément, elles se disciplinent, s’agrègent, s’enrimentent.

Euclides da Cunha, 1902, Os Ser-toes

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PREFAVELAContexte avant l’arrivée des Favelas

Avant l’apparition des favelas, les habitations précaires avaient comme nom les Quilombos qui étaient des établissements in-dépendants des esclaves fugitifs africains dans les alentours de Rio de Janeiro. Le nombre d’ha-bitants dans les Quilombos aug-menta fortement en 1888 dû a l’abolition de l’esclavage au Bré-sil.

La guerre des Canudos

En novembre 1897, après le massacre de la communauté du leader religieux Antônio Consel-heiro dans la guerre des Canudos à Bahia, environ 20,000 soldats arrivèrent au port du Rio de Ja-neiro sans un endroit où habiter. Durant la guerre, ces soldats se sont familiarisés avec la plante Favela, qu’ils vont retrouver sur le Morro da Providência, premier établissement des combattants à Rio de Janeiro. Ils attendaient une réponse ainsi que la paye de leur salaire de guerre. Les nou-veaux favelados commencent à s’installer, de façon temporaire, en attendant l’aide gouverne-mentale, mais ils n’auront jamais de réponse. Au fil du temps, les habitations improvisées, sans

infrastructure, situées sur les Morros deviennent cataloguées en tant que favelas.

L’exode rural

Le Brésil a souffert d’un fort exo-de rural qui commença à la fin du XIX siècle. Ses causes rési-dent en une transformation de la société due aux choix politi-ques et économiques du pays, qui, à la fin, vont propulser l’économie brésilienne, surtout après la deuxième guerre mon-diale, au niveau qu’elle détient aujourd’hui. Tout d’abord, dans la structure féodale brésilienne, l’esclavage, aboli en 1888, était encore pré-sent au sein des agriculteurs. Le besoin des patrons de main-tenir une agriculture d’exporta-tion ont fait que les méthodes et les conditions de travail des travailleurs furent étouffantes. De plus, ces fazendas sont une source importante pour l’écono-mie brésilienne. Par conséquent, elles sont privilégiées par les pouvoirs législatifs qui vont per-mettre quelques « manœuvres » pour faire fonctionner ces fazen-das. Cela ne fera qu’augmenter la misère des paysans exploités principalement au nord-est du Brésil.Ces paysans étaient caractérisés

par leur pauvreté et leur nom-bre très important. Ces habi-tants sont donc devenus la main d’œuvre nécessaire, et propice pour les premières industries, nées vers 1930. Ce phénomène, contrairement aux prédictions, n’a fait qu’augmenter cette si-tuation en « entrainant les cam-pagnes dans un processus de paupérisation croissant ». De même, les nouvelles politiques agricoles, basées sur l’exporta-tion, la chasse aux terres vier-ges, la mécanisation et l’éleva-ge extensif, ont besoin de très peu de main d’œuvre et surtout d’utiliser les paysans comme des travailleurs « temporaires ». Ces nouvelles méthodes auront des conséquences multiples : des paysans déracinés, sans terre et dans la misère. Dans le même temps, le mythe du « sud merveilleux », où les anciens travailleurs vont pouvoir trouver un emploi facilement, avec un salaire raisonnable, commence à apparaitre dans les campagnes. Nous trouvons donc ici la cause principale de la crois-sance des favelas à Rio de Janeiro: l’appauvrissement général de l’ensemble de la population des campagnes accompagné du dé-marrage industriel. Le « miracle économique du Brésil» s’est réa-lisé grâce à une importante ac-cumulation du capital. Ainsi, en 7

Quilombo, Habitation des esclaves

Affrontement dans la colonie des Canudos

Arrivée des anciens combattants à Rio

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offrant aux capitaux les moyens d’obtenir une main-d’œuvre bon marché, l’économie brésilienne a commencé très vite à s’intégrer dans la division internationale du travail. Avec l’aide de l’inflation, et pro-fitant de la haute demande d’emploi, les entrepreneurs vont exercer une pression telle sur les salaires qu’à partir de 1940 les favelados commencèrent à res-sentir une augmentation du cout de leur vie. Jusqu’à 1979, l’aug-mentation du coût de la vie due à l’inflation a été de 1528%. Pen-dant cette même période, l’aug-mentation des salaires n’a été que de 108% . Les favelas sont le moteur et la conséquence de l’explosion économique au Bré-sil. Cela nous permet d’affirmer que la favela ne peut pas être considérée comme marginale. Bien au contraire, elle est par-faitement intégrée dans le sys-tème économique du pays, nous pouvons donc considérer les fa-velas comme un mal nécessaire. Les favelados dépendent de la ville tout comme la ville dépend d’eux.

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Vue de la Praia de Gavea, 1925

Vue de la Praia de Gavea, 2010

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L’INTELLIGENCE CONSTRUCTIVE DES FAVELADOS

Un besoin essentiel

À leur arrivée en ville, les mi-grants cherchent un emploi ainsi qu’un logement. Malheureuseu-ment il n’y trouve qu’un travail qui ne leur permet pas de payer le loyer demandé. Pour s’assurer un logement viable à Rio, la solu-tion réside dans l’auto-construc-tion en obéissant à la topogra-phie naturelle du terrain.Ces logements s’implantent dans les vides laissés par l’ur-banisation, sur des parcelles considérées comme difficiles à édifier parce que trop en pente ou situées sur des terrains ins-tables. Comme les bords de mer abrupts, les zones inondées et marécageuses, celles contami-nées, avec peu ou aucune infras-tructure urbaine, ni eau, ni assai-nissement, pas de rues pavées, un système de récolte d’ordures inexistant et parfois aucun éclai-rage urbain.Installés sur des terrains ne leur appartenant pas et ne possédant donc aucun titre de propriété fon-cière, les habitants de ces quar-tiers peuvent se voir à tout mo-ment expulsés de leur logement. Leurs habitations sont réalisées sans aucun projet préalable ou plan d’aménagement, en utili-sant les plus divers matériels et la manière de construire des Quilombros et des paysans.

Malandragem

Lorsque la volonté et le droit ne permettent pas d’obtenir de ré-sultat, ils restent alors aux fa-velados la «malandrage». C’est la conjonction d’actions établies dans le but de tirer d’une situa-tion déterminée un avantage souvent illicite, c’est une sorte de justice individuelle.Utilisée dans toutes les couches de la population, c’est un trait de caractère que l’on pourrait tra-duire par malice. Elle requiert ingéniosité et subtilité afin d’ob-tenir le maximum d’une situa-tion. C’est la version positive du piratage.L’illégalité représente pour eux l’unique manière de subsister dans la ville.Pour se loger, ils investissent alors de leur propre chef des ter-rains qui ne leur appartiennent pas sur les flancs des montagnes contournées par la trame urbai-ne, à proximité de leur lieu de travail.Les favelados sont rusés, ils contournent les interdits constructifs par une réalisation nocturne de leur abri. Les oc-cupants illégaux sont parvenus à obtenir ce que la plupart des gens dans leur situation ne peu-vent espérer : un établissement permanent.

Les utopies qui se réalisent

Le Brésil est l’un des rares pays où les squatters ont réussi à transformer leurs domaines en quartiers prospères. les favela-dos ont réussi là où la plupart des autres squatters ont échoué.La favela est un quartier où les habitants se font une idée de la maison de leur rêve et, graduel-lement, lui donne forme, où les habitants ont façonné un chez-soi dont ils sont fiers. La plu-part des favelados tentent sim-plement d’améliorer leur vie et celle de leurs enfants. C’est leur principal but.

Vue de la Favela Rocinha, 2010

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TYPOLOGIE

les favelados commenceront à s’installer en fonction des critè-res suivants:

1. Les accès (chemins préexistants)

2. La nature du sol (en préférence des zones aplaties; un arbre comme référence)

3. Des règles de voisinage (définis précédemment)

Introduction

S’apercevant qu’il serait impos-sible de payer le prix d’un ap-partement moyen (environ 10 fois le salaire d’un ouvrier) les immigrants s’installent sur les Morros. Ces collines, qui à l’épo-que appartenaient à des proprié-taires privés, furent les premiers endroits choisis par les Favela-dos qui avaient pour argument le choix d’espaces inoccupés ain-si que la proximité avec leur lieu de travail. Malgré les contraintes imposées par les Morros (une pente très importante, un man-que de chemins asphaltés ainsi que des réseaux publics)...

Pour analyser les constructions et les typologies d’habitations des Favelas, nous allons les divi-ser en trois catégories:

1. Abris de première génération

2. Baraques de deuxième génération

3. Maisons en dur.

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Abris de première génération

Ces abris ont été réalisés com-me des habitats TEMPORAIRES, dont le but était simplement de s’abriter, de se construire un toit et des murs pour passer la nuit. L’ évolution de ces habitats se fera de manière lente. Nous pourrons donc en conclure que le favelado est en train d’inven-ter une architecture propre, évo-lutive, puisque au fil du temps il perfectionne son abri. Ce défi est une preuve d’adaptation et d’imagination constructive des favelados. L’implantation, la nature du ter-rain n’étaient pas les plus adé-quates, la situation économique du favelado était telle qu’il devait récupérer des matériaux trouvés dans la rue pour démarrer ses travaux. Parmi les matériaux uti-lisés nous pouvons trouver prin-cipalement des poutres en bois, pour la stabilité de la structure; des planches en bois non décou-pées qui donnent un aspect pré-caire à l’abri, et des morceaux de tôles.Cet abri ne possède au départ qu’une pièce unique pour vi-vre et se reposer. L’extérieur de l’habitation va jouer un rôle très important dans les abris de première génération puisque le

manque d’espace fera que les autres fonctions comme la cui-sine, l’atelier de travail ou l’hy-giène personnelle des favelados s’effectueront à l’extérieur de l’abri.

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Squelette d’un abri de 1ère génération

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Abri N°1

La maison se compose de qua-tre poteaux qui font le tour de la maison. Selon la pente, le fa-velado fera en sorte que son ha-bitation soit à moitié dans le sol pour économiser des matériaux en l’utilisant comme un plan-cher naturel. Les pièces de bois seront utilisées en fonction de leurs envergures. C’est-à-dire que les planches les plus rigides vont aider à rigidifier la structu-re tandis que les morceaux les moins fonctionnels iront dans les parties moins importantes et se-ront, par la suite, remplacés ra-pidement. Les ouvertures et les portes étaient alors très limitées. Les fenêtres ont une forme «aléatoi-re» puisque cela dépendait des planches de bois et qu’aucune planche n’avait été découpée auparavant. Ces ouvertures ont comme fonction de permettre à la lumière de pénétrer à l’inté-rieur de l’abri ainsi que d’aérer l’ensemble. Normalement, elles étaient couvertes par un tissu qui faisait à peine le contour. De plus, on ne trouvait aucune me-nuiserie. En ce qui concerne la porte, elle était à deux ouvrants, modèle d’ouverture largement utilisé à la campagne, ouverte en partie haute pour capter plus

de lumière et fermée en partie basse pour se protéger des bê-tes.A ce stade, nous pouvons remar-quer que les premières sources de l’architecture des favelas pro-viennent des campagnes, puis-qu’il s’agit alors de sa seule ré-férence.Le toit est l’élément primordial de l’abri. Il sera par conséquent le premier à évoluer avec le but d’améliorer les conditions de vie à l’intérieur (prévention des in-filtrations). Les fragments de tô-les seront ensuite remplacés par des tuiles mécaniques ou par des plaques ondulées.

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Plan

Coupe

Image d’une habitation précaire

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Abri N°2

Trois caractéristiques:

-La première est l’implantation au sol. Dans cet exemple, le fa-velado n’a pas eu l’opportunité de choisir un endroit plus aplati et, ainsi, il se voit obligé de s’im-planter d’une façon telle qu’on peut trouver un point d’appui dans la colline et des poteaux qui feront le deuxième p oint d’appui dans la pente. Son abri est pres-que flottant.-La deuxième caractéristique correspond à l’accès à l’abri qui se fait par un escalier, en fonction de la pente, au niveau inférieur de la pièce unique. Ceci nous montre que cet escalier devient un espace « intermédiaire » en-tre l’extérieur et l’abri, ce qui de-viendra par la suite une expres-sion architecturale très fine dans l’architecture des favelas.-La troisième caractéristique est sans doute une des évolutions les plus importantes dans les abris des favelas. Elle se rapporte à l’apparition d’une séparation des espaces a travers une cloison en bois. Cette caractéristique divise l’espace unique de chaque abri en deux, en séparant la zone hu-mide (cuisine, salle de bains) de la pièce d’habitation. Nous nous apercevons ainsi comment, peu

à peu, les favelados laissent de côté ces principes constructifs et de distributions originaires de la campagne, pour organiser leur espace intérieur à l’image du modèle urbain.Il faut prendre en compte que ces constructions représentent un vrai danger pour leurs habitants, ainsi que pour leurs voisins. Rio de Janeiro est une ville où l’hi-ver se manifeste plutôt sous la forme de pluie, ce qui fait qu’aux Morros les glissements de ter-rains sont très fréquents. C’est pour cela que l’on ne trouve pas de fondations dans ces construc-tions, les abris sont victimes du climat et finissent sur le toit du voisin. On remarque aussi que les eaux et les ordures sont je-tées par la fenêtre, et que l’élec-tricité est toujours absente.

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Plan

Coupe

Schémas de risques naturels

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Abri N°3 Logements collectifs

Dans cet abri, nous trouvons toutes les caractéristiques pour décrire un abri de première gé-nération : structure en bois, pa-rois réalisées en planches, toit en tuiles mécaniques. Les favelados commencent à vouloir des constructions à plus d’un niveau ainsi que des loge-ments collectifs. Cet abri fonc-tionne alors sur deux niveaux, dont le premier ne possède pas un plancher puisqu’il repose sur le sol. L’ensemble de l’abri est en bois et on retrouve à l’intérieur deux rangées de quatre cham-bres chacune distribué par un couloir. Puisque ici le but est de réaliser des logements collectifs, l’idée est de profiter au maximum de l’espace. Chaque chambre, de 4m2, abrite une famille. C’est pour cela que nous trouvons dans ces constructions des sani-taires collectifs. Nous nous aper-cevons qu’une lente évolution est en train de naître au sein de l’architecture des favelas du fait des activités qui commencent à s’effectuer à l’intérieur de la maison (hygiène, cuisson).

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1ères intentions architecturales verticales

Coupe

Plan

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Evolution des abris de première génération

Abri N°4 Extensions, renouvellement et premiers services

L’évolution des abris débute au moment où le favelado trouve une « stabilité » à son habita-tion. Mais il a toujours en tête qu’il s’agit d’un abri temporaire et, qu’un jour, il pourra habiter dans la ville « asphaltée ».Les abris commencent alors à s’élargir. A la pièce unique d’ha-bitation, le favelado ajoute un nouvel espace qui fonctionne comme pièce humide, et inver-sement. De même, il commence à remplacer les planches cassées pour donner une « harmonie » à l’ensemble. Il va couper toutes les planches à la même taille et installer une canalisation d’eau pluviale. Les accès sont bien traités et la zone de travail est déplacée vers le fond de l’habi-tation. Pour les ouvertures, les rideaux disparaissent, remplacés par des volets en bois. En ce qui concerne la structure, une meilleure adhérence au ter-rain est prévue avec l’utilisation du ciment et de la roche aux pieds des pilotis. Pour le contre-ventement, soit les favelados renforcent les endroits où ils

trouvent un flambement, soit ils mettent en place un système de doublement des pilotis.A cette époque, l’électricité ar-rive aux favelas, et symbolise un succès, un symbole de richesse et une influence urbaine. Pour le favelado, la surface n’est pas un symbole de confort (c’est plutôt une réalité), il satisfera donc son besoin d’adéquation par l’acquisition de mobilier.

Voici quelques exemples :

- Cuisine: Evier fixe, réchaud à gaz, réfrigérateur (à crédit)- Salon: Meubles (bon marché), télévision (symbole de réussite)- Apparition des sonnettes, des compteurs électriques- Numérotation, qui n’aura qu’un rôle symbolique. Il s’agit d’un désir de copier la ville ; démon-trer que cette maison existe, comme n’importe quelle maison dans Rio.

Nous pouvons donc établir trois points caractéristiques dans cet-te première évolution : a. Fortification de l’abrib. Répartition urbaine des espacesc. Aménagement intérieur

Pour conclure, nous pouvons établir un modèle architectural typique de la Favela. Tous les

abris se sont lentement trans-formés par agrandissements successifs, annexion des espa-ces extérieurs, et modification de l’espace intérieur, qui passe d’une pièce unique à deux pièces aux fonctions distinctes. L’utili-sation des matériaux récupérés qui seront remplacés au fur et a mesure par des matériaux ache-tés. Enfin, on constate un pas-sage des références rurales aux références urbaines.

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Plan

Coupe

Détail d’assemblage des poteaux du RDC et du R+1

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Baraques de deuxième génération

Cette nouvelle évolution dépend des finances du favelado et de son emplacement dans la colline. Ainsi, les favelados qui se trou-vent dans la partie supérieure de la colline préfèrent s’arrêter à la phase précédente pour ensuite améliorer lentement leur confort intérieur. La différence se trouve dans le fait que, pour ceux qui se trouvent en bas de la colline, le terrain offre plus de facilités pour construire. De plus, ils bénéfi-cient des aides gouvernementa-les pour ainsi posséder des titres de propriété. C’est pour cela que le favelado se permet alors de plus s’investir dans la transfor-mation de sa baraque avec l’em-ploi de la brique et du ciment, « les matériaux de la ville », tandis que d’autres vont simplement acheter du mobilier, changer les planches de bois ou créer des extensions symboliques.

Baraque N°1

Les favelados vont alors réaliser qu’ils ne pourront jamais habiter dans la ville parce qu’ils n’auront jamais l’argent suffisant pour payer le loyer. C’est donc à ce moment qu’ils vont se question-ner sur leur habitat. Ils vont en

conclure que la Favela représen-te leur maison, leur quartier, par conséquent, il faut que cela tien-ne! Pour eux, pour leurs enfants, pour leur communauté. L’ancien abri en bois est alors dé-monté lentement pour être rem-placé par un lieu avec une struc-ture plus rigide. Les planches de bois sont remplacées par des murs de briques tandis que les poteaux en bois continuent à fai-re partie de la structure. Une fois le rez-de-chaussée fini, l’ancien abri est reconstruit à l’identique à l’étage. Le favelado a donc une maison sur 2 niveaux. C’est le début de la verticalisation des Favelas.La définition des espaces est donc claire et présente dans toutes les baraques utilisant ce nouveau matériau. Un espace cuisine – salle de bains est divisé par une cloison en brique avec l’espace de séjour qui se conso-lide au sein de la baraque. Le favelado fabrique sa baraque en fonction de sa famille et de son avenir dans le quartier. L’étage supérieur est quant à lui destiné aux chambres et, chose encore plus remarquable, se crée en son sein la division entre adultes et enfants. L’influence urbaine est donc très présente dans ce type de construction. Nous nous aperce-vons de plus qu’il y a un écla-

tement de l’espace unique tra-ditionnel. La division de la pièce unique en deux espaces selon sa fonctionnalité en est la première constatation : la zone humide et la zone sèche. Et, maintenant, grâce à l’apparition d’un nouvel étage se superpose un deuxième découpage spatial : les zones de jour et les zones de nuit ainsi qu’une séparation entre adulte et enfant ; à l’image de l’orga-nisation traditionnelle de l’habi-tat urbain. Cependant, le fait de construire un deuxième étage se fonde souvent sur l’idée de louer ce nouvel étage pour en amor-tir l’investissement. Les prix des loyers commencent alors à aug-menter très rapidement. Encore un autre impact du phénomène urbain.

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Plan RDC

1er étage/ division des espaces de jour et de nuit.

Détail de composition du mur

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La maison en dur

Nous arrivons donc au dernier stade d’évolution de l’architectu-re des Favelas. Ce sont les mai-sons réservées aux favelados qui ont « réussi » à survivre dans la Favela, à trouver un bon travail, une stabilité. Ceux-ci sont appe-lés « les riches des Favelas »Les procédés de fabrication ré-sident dans l’utilisation des ma-tériaux durs et dans l’abandon du bois. L’ensemble est réalisé en béton et en brique. Le prin-cipal changement dans ce type de construction est la transfor-mation du toit. Le favelado va construire un toit terrasse en bé-ton, pour ensuite construire un nouvel étage couvert aussi par un toit terrasse en béton.Dans cette typologie, le favelado commence par créer des fonda-tions (six en moyenne) et fera ensuite une structure en béton plus résistante. Les escaliers se font en béton et les cloisons, en brique creuse, aident à la des-cente de charges du toit terrasse ; les menuiseries sont achetées en magasin et des éléments de plomberie et d’électricité sont posés avant la finition intérieure. Toutes les tâches sont alors réa-lisées à l’intérieur de la maison.

Maison N°1

Ces constructions sont consi-dérées à l’intérieur de la Favela comme les « maisons des ri-ches ». L’ensemble est constitué de murs en brique couverts par une couche de béton. Le toit ter-rasse est présent et permet de construire le niveau supérieur qui est aussi en toit terrasse et qui va, dans le futur, offrir la possibilité de créer encore un étage supplémentaire. Sur la façade, nous apercevons des changements. Dans les ancien-nes constructions au Portugal, et dans les bâtiments historiques au Brésil, l’usage des carreaux en céramique était un symbole de pouvoir. Ici, les favelados co-pient le même principe : il s’agit d’un synonyme de pouvoir mais c’est aussi le début d’une dépen-dance vis-à-vis du modèle urbain imposé par la ville.Dans la plupart de ces maisons, l’objectif du propriétaire est basé sur le désir de récupérer l’inves-tissement en louant les cham-bres aux étages supérieurs. Dans cet exemple, la distribution se fait par un couloir de circu-lation, qui n’est pas la méthode adéquate pour profiter de toute la surface. Au rez-de-chaussée la cloison est utilisée comme di-vision entre l’habitation et les

escaliers, alors qu’au premier étage, cette cloison disparait pour éventuellement réaliser la distribution des pièces. Les deux étages possèdent à la fois, une cuisine et une salle de bains. Les prix exorbitants dans les favelas vont faire qu’en moins d’un an, le favelado aura amortit le coût de sa construction.

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Façade à la Portugaise

Plan RDC

Plan 1er étage

Etapes de montage

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ConclusionLa mort de l’Architecture des Favelas

Nous avons donc bien déterminé une architecture inventée par les favelados (à la base influencée par l’architecture rurale) qui se caractérise par une pièce uni-que (divisé par une cloison, avec des extensions), en bois, puis en béton et en brique, et qui évo-lue lentement avec le temps. Maintenant, si l’on compare une maison dans une favela et un appartement de luxe à Rio de Ja-neiro, peu de choses changent. La différence la plus remarqua-ble entre ces deux habitations reste la présence d’une ou plu-sieurs chambres de bonnes dans les appartements luxueux. Nous pouvons alors parler de contras-tes et de similitudes puisque les matériaux sont différents, ce-pendant, les modes de construc-tion sont maintenant identiques et les mêmes gabarits spatiaux se retrouvent. En définitif, seul les matériaux (valeur, coût) et les dimensions changent.Pour conclure, les Favelas se retrouvent maintenant dans un cercle vicieux. Une Favela subit les mêmes lois économiques que n’importe quel quartier à Rio de Janeiro.

A cause de la forte augmentation des prix des loyers, certains fa-velados n’ont pas assez d’argent pour payer et doivent se dépla-cer vers d’autres Favelas, moins chères, plus éloignées de la ville et moins développées.

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Favelado et son enfant, favela São Agita, São Paulo

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Les favelados comprennent aussi la nécessité de coordonner leurs actions. Puisqu’il est difficile pour une seule personne de construire une maison, les favelas sont tout naturellement devenues collecti-ves (le rassemblement de fave-las comme le complexe d’Alemao montre comment des espaces fragmentaires se sont organi-sés en Rhizomes puis en ré-seaux). Les habitants ont formé des coopératives de logements, les mutirões, afin de construire des bâtiments en commun. Ceux qui ne pouvaient participer à la construction, comme les person-nes âgées, malades ou occupant un emploi à temps plein, contri-buaient souvent à l’effort collec-tif en fournissant de la nourriture ou de l’argent.Le système inédit d’entraide qu’ils ont élaboré pour le déve-loppement urbain est en passe de devenir un modèle pour le reste du monde. Il comporte deux étapes très simples:

- Laisser les pauvres construire- Travailler avec eux pour stabili-ser la communauté qu’ils se sont donnés.

La préoccupation de l’heure ne concerne pas l’amélioration mais bien la maîtrise de la croissance. Craignant le surdéveloppement, les dirigeants de la favela vien-

nent d’adopter un règlement li-mitant à trois le nombre d’éta-ges des édifices.Beaucoup de favelas se sont for-gés un système de castes, et les habitants se méfient beau-coup des nouveaux arrivants. Les favelas existantes n’ont pu absorber le flux d’immigrants venant de l’exode rural massif qui envahissent les villes. Ces vagues migratoires ne sont ac-compagnées d’aucune mesure efficace de construction de loge-ments à grande échelle. À Rio, on trouve des dizaines de fa-milles qui occupent des campe-ments de contreplaqué sous les échangeurs d’autoroutes. Cette nouvelle conception se détache de la pensée de base des fave-lados qui se rassemblèrent pour former des communautés à leur image, associée à la culture de la Samba apportée par les es-claves Angolais, associée à leur mode de vie temporaire et qui se retrouvait dans la façon de construire et de se déplacer dans la favela. L’exemple le plus frap-pant est le fait que les quebra-das de Morro suivent les mouve-ments du corps du favelado qui apprend ainsi à danser la samba à travers l’espace labyrinthique et incertain de la favela.

ESPRIT COMMU-NAUTAIRE

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Rhizome

Réseau

Favela

Favelados devant un bureau de vote, favela Rocinha, 2010

La Ginga ou le mode de déplacement du favelado, favela Santa Marta, 2008

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RAPPORT À LA VILLE

L’apparition des favelas.

A partir de 1930, alors que la ville a un besoin conséquent de travailleurs, on voit arriver bon nombre de pauvres habitants qui suivent le rêve de la ville. Mais, les ouvriers qui arrivent à Rio de Janeiro reçoivent un salaire 7 à 10 fois moins important que le loyer moyen d’un appartement urbain. Et c’est ainsi que ce sont construits dans les environs de la ville, en zone non-construc-tibles, nombres et nombres de logements dits auto-construits. Bien que peu engagé dans la construction de logements popu-laires, la municipalité a cherché en vain à contrôler l’extension des zones de logements. A partir de 1937, la ville de Rio interdit les favelas et met en place une politique de logements sociaux, mais les favelados n’ont pas les moyens de changer de lo-gement. Les favelas continuent donc d’augmenter.

Politique de rélogement

La politique en vigueur à partir du début des années 40 répond à un double objectif person-nalisé par le président Getúlio Vargas: contrôler les classes les plus basses et conserver le sou-tien du peuple. Plusieurs centres prolétaires sont ainsi construits à

partir de 1942 afin de reloger les populations des maisons détrui-tes dans la zone sud pour lais-ser place aux promotions immo-bilières. Ces parcs sont soumis à l’autorité du gouvernement : couvre-feu à 21 heures, ferme-tures nocturnes et diffusion de messages audio rappelant les préceptes acceptables pour la ville. Les réactions sont vives à l’intérieur des parcs prolétaires et l’expérience se solde par un échec.Lors des premières actions de relogements de personnes à la suite de la destruction de leurs logements, le responsable de la politique des favelas de Rio de Janeiro s’exprime ainsi : « La vie là-haut est tout ce qu’il y a de plus pernicieux. Y règne les jeux de cartes, la boue, et, toute la jour-née, la samba et la distraction ar-rosée d’alcool. Les baraques, qui n’ont parfois qu’une seule pièce, abritent, toutes, plus d’une dizai-ne de personnes, hommes, fem-mes, enfants, dans une dange-reuse promiscuité. Il y a des gens qui vivent là-haut et qui passent des années sans même aller tra-vailler à la ville ». Sur cette base s’engage alors l’entreprise de re-logement et de rééducation des favelados. Ainsi en 1946 on voit apparaitre un décret interdisant l’édification de favelas dans le périmètre urbain et la mise en

place d’une commission d’étude pour l’éradication des dites fa-velas. Les premières actions de destruction/relogement entre-prises à partir de cette date ne déplaçaient alors les populations que sur une faible distance, leur permettant ainsi de conserver les liens déjà établis.Mais, parallèlement à cela, la ville procède à l’amélioration de l’hy-giène à l’intérieur des logements pour prévenir les épidémies qui apparaitraient des favelas insa-lubres et se propageraient dans la ville. On voit aussi apparai-tre des mouvements politiques qui se créent dans les différen-tes favelas pour s’opposer aux renvois. Il est aussi à noter que c’est durant ces années 40 que les favelas prolifèrent le plus: un premier recensement officiel qui date de 1950 indique que l’on trouve alors à Rio de Janeiro 58 favelas qui comptent en tout 169 305 habitants. C’est là la recon-naissance officielle par l’Etat de leur existence. On compte en-suite à la fin des années 50: 119 favelas abritant 14% de la popu-lation de la ville, dont la majo-rité travaille dans l’industrie, la construction civile et les services domestiques. Ceci s’explique no-tamment par l’acceptation petit à petit de la part de la ville de ces espaces qui regroupent une population d’ouvriers dont Rio 20

Emplacement des favelas à Rio de Janeiro

Premieres favelas, 1912

Destruction des premieres favelas, 1942

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ne peut pas se passer. On voit ainsi apparaitre des crédits pro-posés pour l’amélioration des conditions de vie dans les fave-las en 1956 et entre 55 et 60 des programmes de services de base comme l’éclairage public dans 12 favelas.

Politique d’éradication

Mais cela ne dure pas, à partir de 1962 la réaction face aux fa-velas se radicalise, à l’image de la politique autoritaire du pays avec la création d’un program-me d’éradication des favelas et la construction de logements individuels de basse densité de population en dehors du tissu urbain. Les maisons sont détrui-tes et les habitants sont relogés dans des ensembles résidentiels situés à l’extérieur de la ville comme les ensembles Pedre-gulho datant de 1952 et les en-sembles Gavea de 1954. Ce sont des petites maisons individuelles de 15 m2 préfabriquées qui sont proposées aux habitants moyen-nant une mensualité obligatoire pour accéder à la propriété.Les expulsions rapides et parfois brutales menées par la police s’accompagnent de la destruc-tion des baraques, engendrant la perte des biens matériels et la dissolution des liens sociaux. Les conditions de relogement ne

conviennent cependant pas aux déportés qui se trouvent trop éloignés des centres économi-ques et desservis par des trans-ports aux prix inabordables. De plus, ils perdent leurs petits em-plois qui, jusque là, suffisaient à leur survie. Cette situation ne leur permet pas de s’intégrer dans une logique économique qui les empêche de s’acquitter des mensualités perçues pour leur nouveau logement. La solution de l’auto-construction en milieu urbain reste donc concurrentielle, et les populations abandonnent ces logements pour de nouvelles favelas. La politique répressive reste un échec et provoque les effets inverses à ceux escomp-tés. Les logements sont occupés par des personnes au revenu plus important que prévu. Les conditions de vie des favelados se détériorent et surtout l’aire de logements informels continue à s’étendre. Entre 1962 et 1974 on dénombre 139 280 favelados expulsés ainsi que la destruction de 80 favelas.

Politique de réhabilitation

A partir des années 80, le retour à un système démocratique in-fluence l’attitude des milieux po-litiques. Le président socialiste Leonel Brizola prône la réhabili-tation des quartiers défavorisés

et un meilleur système éducatif. De nouveaux programmes vi-sent à la réintégration des fave-las dans la ville : régularisation du sol, favorisation d’une vie sociale, participation et travail communautaire. La crainte des expulsions éloignée, les favelas voient alors naître des processus d’auto-urbanisation qui visent l’installation durable : construc-tions en dure, augmentation du nombre d’étages, création d’ateliers et ouvertures de petits commerces. Dorénavant, les fa-velados sont considérés comme des travailleurs et non plus sim-plement en tant que marginaux, et la favela commence à être perçue comme le résultat du dé-veloppement industriel et d’une croissance urbaine rapide et non planifiée.Mais cette mini révolution à la-quelle l’Etat ne participe que théoriquement, les travaux étant effectués principalement par les habitants, provoque une hausse du prix des logements et ne suf-fit pas à contrebalancer la forte croissance des favelas. La crise économique de 1980 à amplifier le phénomène en accentuant l’in-sécurité salariale, favorisant la croissance d’une économie infor-melle. Les programmes de réin-sertion ont eux provoqué l’ins-titutionnalisation de pratiques malhonnêtes, à savoir le chan-21

Arrivée de l’éclairage public

Ensembles Pedregulho

Ensembles Gavea

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tage et le clientélisme politique. En échange de la négociation avec les autorités administrati-ves de la ville pour l’obtention de mesures d’urbanisation ou de crédits afin de terminer des tra-vaux, les habitants s’engagent à donner leur voix à leur représen-tant. L’intermédiaire politique et l’arrangement clientéliste qu’il soutient nie l’autonomie citoyen-ne des habitants et leurs droits individuels à la ville. Quartier enclavé dans la ville, ses habi-tants ne peuvent prétendre par-ticiper à la culture civique de la ville de Rio et doivent avant tout légitimer l’existence de leur ter-ritoire. « L’état brésilien porte une lourde responsabilité dans cette situation. En fait, tout en menant une politique sociale de logement censée le légitimer, l’État a contribué au renforce-ment des mécanismes d’exclu-sion par sa politique économique menant à une structure de reve-nus inégalitaire à l’extrême, par la tolérance - voire l’appui - à la spéculation foncière, et enfin par la priorité donnée à la relance de l’industrie du bâtiment, en fi-nançant l’habitat de luxe au dé-triment de l’habitat social». Pa-radoxalement, bien que, dans les années 80, la croissance démo-graphique commence à se stabi-liser dans le pays, la population des favelas continue à s’accroî-

tre durant cette même période. La pauvreté urbaine s’étend non plus en raison des migrations ru-rales, mais de la paupérisation des travailleurs urbains que le processus inflationniste ne fait qu’aggraver. Malgré l’expansion des périphéries, la croissance des favelas ne cesse pas. De fait, d’autres pratiques, tendan-ces et modèles, apparaissent en termes d’habitat populaire. De nouvelles favelas s’installent alors dans des zones de plus en plus éloignées. Des agglomé-rats de favelas se forment ainsi : en même temps que certaines s’étendent, se reliant entre el-les et constituant des ensembles élargis, d’autres aux bicoques plus précaires encore s’établis-sent dans des zones sujettes aux inondations, aux glissements de terrain, sur d’étroites bandes de terre situées le long des voies publiques, rivières et canaux, et sous les viaducs et les voies de circulation surélevées. Avec la valorisation des immeubles et le développement du marché im-mobilier dans les favelas, les ha-bitants les plus pauvres cèdent la place à une classe moyenne de plus en plus paupérisée, tan-dis que les anciennes favelas se densifient et se verticalisent. À la fin de la décennie, les pouvoirs publics municipaux dessinent une stratégie innovante pour les

favelas. Au lieu de les raser et d’entasser leurs habitants dans des HLM, la ville cherche alors à moderniser les équipements clés et à assurer les services sociaux qui manquaient si cruellement. Malheureusement, la crise éco-nomique aggrave de nouveau à Rio de Janeiro les relations entre les favelas et la ville car la popu-lation rejette alors la cause des problèmes de la société sur les favelados.

Le programme favela-bairro

En 1992 est constitué le Secréta-riat Municipale à l’Habitat (SMH) qui met sur pied en 1994 le pro-gramme Favelas - Bairro (fave-la-quartier) destiné à transfor-mer les zones d’habitations des favelas en quartiers formels afin de les réintégrer à la ville. Rio de Janeiro décide de réintégrer les favelas à la ville afin de pou-voir reprendre le contrôle sur ces espaces qui leur échappaient jusqu’à maintenant. Les actions déjà entreprises qui consistent en des percements de nouvel-les voies de communications à l’intérieur des favelas et à la création d’espaces publics, sont sensées lutter contre la segmen-tation de la ville. Le programme est un faire-valoir pour l’admi-nistration de la ville qui investit de plus en plus de moyens dans 22

Developpement des commerces et pérénisa-tion de l’habitat

Developpement vertical de la favela

Accrochage entre la police et les gangs

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sa réalisation : 300 millions de $ en association avec la « banco interamericano del desarollo » (BID) pour 90 communautés et plus de 300 000 habitants. Bien que positives, les actions menées souffrent de plusieurs problèmes intrinsèques au système mis en place. Les critères de choix des zones d’intervention sont flous et se retrouvent souvent liés à des promesses électorales. En effet, le problème du logement popu-laire reste un thème politique dont s’emparent les candidats. S’appuyant sur une représenta-tion populaire des favelas comme espace de pauvreté clairement différencié des quartiers formels, ils prônent la mise aux normes communément acceptées par le reste de la ville. L’ampleur de la tâche et le manque de coordina-tion des organes administratifs au sein du gouvernement muni-cipal empêche la mise en place d’une véritable systématique. Ainsi en 1999, la préfecture en-tend engendrer au moyen de ses programmes d’urbanisation « un processus de prise de conscience de leurs obligations et respon-sabilités » afin d’y « introduire des valeurs ». Mais les favelados restent pour la ville des citoyens de 2ème classe, incontrôlés et incontrôlables.

Une politique qui se poursuit encore aujourd’hui

Depuis mars 2008 une avancée notable des conditions de vie a été opérée grâce à l’actuel pré-sident: Luz Inacio Lula de Silva. Ce dernier a adopté un pro-gramme d’assainissement des quelques sept cents favelas de Rio de Janeiro. Ce « programme d’accélération de la croissance » prévoit entre autres : l’améliora-tion des conditions de vie des fa-velas par un projet d’intégration qui planifie des investissements en millions de dollars ainsi que des régularisations de titres de propriété et enfin une chasse aux trafiquants de drogues qui, depuis les années 1980, ont pris refuge dans les favelas et ins-taurent leurs lois.De nos jours, le programme se poursuit encore avec la dota-tion d’infrastructures, de voiries, de réseaux d’eau, d’assainisse-ment, d’éclairage public… à l’in-térieur des quelques 1020 fave-las recensées qui regroupent 1 200 000 habitants, soit un cin-quième de la population de Rio de Janeiro.

Ces observations mettent en évi-dence les conséquences d’une mise à l’écart et d’un main-tien dans une situation précaire d’une partie de la population,

empêchant de fait une répar-tition égalitaire des droits so-ciaux. Les populations des fa-velas revendiquent cependant une appartenance à la ville. Les habitants cherchent à sortir de la situation d’asphyxie dans la-quelle leur logement les confine. Les mouvements revendicatifs nés avec la fin du régime tota-litaire témoignent d’une volonté d’ouverture de l’horizon social qui leur est traditionnellement accordé. Sans accès aux médias traditionnels, ils interviennent alors sur les seules structures auxquelles la ville leur permet d’accéder telles que les manifes-tations sportives, le carnaval. La favela tout au long de l’histoire de Rio et du Brésil a toujours été considérée comme une compo-sante indésirable de la structure urbaine des villes, parce qu’elle a toujours été une préoccupa-tion majeure de la criminalité, la violence et l’abus des drogues. Et c’est pour cela que l’on cher-che aujourd’hui à inclure les fa-velas à l’intérieur des villes, pour pouvoir enfin prendre le contrôle sur ces espaces que l’on a jus-qu’alors cherché à exclure.

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Apparition des transports urbains

Amenagement des chemins

Mise en place du reseau des égouts

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INTEGRATION URBAINE

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FAVELA ROCINHA

La favela Rocinha est la favela la plus connue au monde. Elle est aussi une des premières à appa-raitre à Rio à la fin des années 30. Elle se situe au Sud de Rio, à coté des quartiers aisés de São Conrado et de Gavea. Rocinha compte aujourd’hui environ 300 000 habitants.Au fil des années, et notam-ment avec l’aide apporté par le programme favela-bairro, la fa-vela est devenue une zone inté-grée à l’organisation urbaine. De nombreuses entreprises y sont installées, notamment des ban-ques, des épiceries, des lignes de bus, la télévision par câble et, à une époque, un restaurant Mc Donald. Rocinha est aujourd’hui considérée comme une vrai fa-vela-bairro.Caractéristiques:-Environ 300 000 habitants-66 964 habitant/km2

-3,3% de lapopulation totale de Rio.

Position urbaine

Forme urbaine

Limites

Circulations etprojet

Vue aérienne de Gavea, 2009

Développement sur la hauteur

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FAVELA DO ALEMAO

La favela d’Alemao, créée à par-tir de 1955, est un conglomérat de 13 favelas autour de la zone industrielle située au nord de Rio de Janeiro sur la Morro Alemao. Elle compte en 2000 plus de 65 000 habitants. En plus de créer des routes des-servant l’intérieur de la favela et permettant une meilleure in-tégration à la ville, l’architecte Jorge Jauregui décida de réaliser en 2009 un système de téléféri-ques à l’intérieur du quartier lui-même afin de relier de manière plus efficace les différents espa-ces du complexe entre eux.Caractéristiques:-Environ 65 062 habitants-21 675 habitant/km2

-0,7% de la population totale de Rio

Position urbaine

Forme urbaine

Limites

Circulations et projets

Le complexe d’Alemao vue du ciel, 1995

Etendue urbaine, 2008

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FAVELA SANTA MARTA

La favela Santa Marta existe de-puis les années 1935 et se situe dans la partie sud de Rio de Ja-neiro, sur la colline Dona Marta. Elle compte aujourd’hui plus de 7000 favelados.Elle est reconnue notamment pour sa fameuse école de Sam-ba, Mocidade Unida et pour les réalisations artistiques qui y sont accomplies depuis la mis en pla-ce du projet favela-bairro. On note aussi la construction d’un funiculaire, d’un terrain de foot et la mise en place récente du wifi dans la favela. Néanmoins, la politique de limitation de l’éten-due du quartier par la construc-tion d’un mur a crée une vaste polémique.Caractéristiques:-7000 habitants-8750 habitant/km2

-0,07% de la population totale de Rio.

Position urbaine

Forme urbaine

Limites

Circulations etpolitique répressive

La favela dans la ville, 2010

Le funiculaire de Santa Marta, 2010

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FAVELA CANTAGALO

La favela de Cantagalo créée en 1907 se situe dans la zone Sud de Rio de Janeiro et plus exacte-ment entre les quartiers d’Ipane-ma et de Copacabana, les quar-tiers les plus riches de la ville. Elle compte aujourd’hui plus de 28 000 habitants. En plus de créer un ascenseur reliant les parties hautes et bas-ses de la favela au début des années 90, la ville décida dans les années 2000 de réaliser une passerelle permettant de joindre le quartier d’Ipanema à la favela et ainsi donner aux favelados un meilleur accès au reste de la vil-le. La passerelle est ouverte de-puis juin 2010.Caractéristiques:-3884 habitants-2427,5 habitants/km2

-0,04% de la population total de Rio.

Position urbaine

Forme urbaine

Limites

Circulations etprojet

Le quartier d’Ipanema

Le Morro do Cantagalo, 2010

L’ ascenseur urbain de Cantagalo, 2010

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La croissance et l’évolution des favelas depuis quelques années amènent un certain nombre d’architectes à réfléchir à ce su-jet. À travers leurs différentes propositions ils tentent d’appor-ter des solutions pour améliorer les conditions de vie des habi-tants. Le travail de transforma-tion à grande échelle de l’habitat précaire consistant à raser com-plètement les habitations pour relocaliser la population, n’est généralement pas un grand suc-cès.En effet, le système complexe qu’est la ville ne peut pas absor-ber toutes ces transformations d’un coup. Il est donc nécessaire d’apporter des modifications à une plus petite échelle qui amé-liorent les conditions de vie des habitants mais qui respectent et préservent également leur cultu-re. Nous allons donc voir à tra-vers différents exemples quelles sont les réponses apportées par les architectes.

FUTUR À RIO

Le français Frédérique Druot est un architecte qui s’est intéressé au problème des favelas. Dans sa proposition de projet, l’archi-tecte se penche principalement sur la colline de la Rocinha. Pour arriver à sa proposition finale, il étudie tout d’abord la situa-

FUTURtion présente sur cette colline. Il décompose ensuite son pro-jet en différentes phases qui lui permettraient l’amélioration des conditions de vie dans les fave-las.Tout d’abord il exprime sa volonté de créer une succession de nou-velles terrasses. Puis, la deuxiè-me étape de son projet constitue la démolition et le recyclage de certaines sections d’habitations (situés dans des zones trop dan-gereuses.) ainsi que le prolonge-ment de certaines parties exis-tantes (par exemple si certaines favelas possèdent des balcons, il va en créer sur celles d’à-coté pour marquer une continuité). Ensuite, l’architecte manifeste sa volonté d’utiliser des structures légères dans la construction afin de permettre une augmentation de l’espace d’habitation ainsi qu’une exploitation du terrain plus efficace et moins conges-tionné. Enfin, dans son projet il voudrait également implanter des espaces d’activités publi-ques, des lieux de rassemble-ment, comme parexemple des jardins des pe-tits marchands, de terrains de foot pour les jeunes... et créer une meilleur organisation d’in-frastructure comme pour l’eau, l’électricité, le gaz....

BAUHAUS28

Proposition de transformation de la favela Rocinha, Frederic DRUOT, 2010

Recyclage

Adaptabilité

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Puis, nous allons nous interes-ser au projet «Celula Urbana» du Bauhaus Dessau Foundation, moins pour les transformations apportées aux favelas que pour la manière de mener le projet de restructuration d’un espace. C’est un projet international entre BDF et l’équipe du Brésil faisant parti du programme fa-vela-Bairro. Le but du projet est de définir une «cellule urbaine» dans la favela qui constitue un bloc d’étude dans lequel on va effectuer différentes transforma-tions d’une part architecturales pour améliorer les bâtiments, et infrastructurels d’autre part pour améliorer la liaison entre la fa-vela et la ville extérieur. Ils ont ensuite établit un certain nom-bre de prototypes de ces cellules urbaines sur lesquelles ils ont ef-fectués les transformations per-mettant d’améliorer l’intégration des favelas à la ville. Grâce à ces prototypes les habitants des fa-velas peuvent eux même effec-tuer les transformations et donc améliorer leur quotidien.

Les architectes ne sont pas les seuls qui s’intéressent aux pro-blèmes des favelas. En effet, depuis 2006 des artistes hollan-dais, Hahn et Haas ont proposé un projet à grande échelle, ce-lui de changer les favelas en un paysage qui pourrait être admiré d’une grande distance, qui cou-vrirait des grandes portions de la ville et surtout qui prendrait en compte la participation de la population. A Santa Marta, juste en dessous de Rio, le projet a vu le jour puisque 34 maisons avec une surface d’aire de 7000 mè-tres carrés ont été peintes avec des couleurs vives en collabo-ration avec la jeunesse. Praca Cantao est ainsi devenu, grâce à la couleur et à l’investissement commun, un centre d’agrégation pour la jeunesse qui a partici-pé au projet. Praca Cantao est maintenant un nouvel aimant urbain, d’intérêt international et également un symbole. Ceci est une source de fierté pour les habitants et les participants à la création.

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Favela painting, Haas & Hahn, Favela Santa Marta, 2010

Célula Urbana, Bauhaus Dessau foundation, Favela Jakarezinho, 2000-2004

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FUTUR VENEZUELA-COLOMBIE

L’agence Urban think tank a créée le metro-cable à Caracas au Venezuela. C’est un téléféri-que, de structure légère capable de connecter trois points diffé-rents du quartier de St augustin. Il y a au total 5 stations: deux stations qui sont intégrées dans le réseau de transport urbain de Caracas, une dans le centre de la ville, l’autre dans le quar-tier commercial et trois situées aux sommet des collines qui re-lient les trois points du quartier de St augustin. Elles se situent dans des lieux stratégiques, où existent déjà une circulation piétonne, facile d’accès pour tout les habitants. De plus, elles sont situées dans une zone où l’on trouve beaucoup d’espaces constructibles, sans avoir be-soin de démolir des habitations existantes. Celles ci sont com-posées de plateformes de béton et d’une structure en acier dont la hauteur varie de 2 à 5 éta-ges. Chacune des stations sont différentes de part leur configu-ration et de part les fonctions qu’elles abritent. En effet ce ne sont pas seulement de simples stations, elle incluent des fonc-tions administratives, culturelles et sociales. Par exemple dans la station de la Ceiba, on trouve un centre communautaire, un point

d’information, un supermarché et un gymnase. Avec une capa-cité d’accueil de 1200 personnes par heure, le téléférique mesure 2,1km de long. Ce système offre la possibilité d’avoir un accès aux services de la grande ville. En ef-fet, au lieu de marcher pendant 2h 30, les habitants peuvent s’y rendre en 20 minutes. Cette in-frastructure permet de créer une connexion avec la ville.

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Metro Cable, Urban think tank, Caracas, Venezuela, 2007-2010.

Maquette et coupes de projet Plans

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Comme le montre beaucoup d’architectes, il est important pour développer des espaces précaires de créer des espaces publics, de rassemblement. La Colombie est un pays où se développe depuis quelques an-nées des travaux publics de hau-te qualité et à faible coût. Cela a aidé à améliorer les conditions de vie communautaires dans des villes comme Bogota, Cartagena, Medellin. L’architecte Giancarlo Mazzanti développe un projet : El porvenir. Celui ci consiste en une série d’école à Bogota. Pour cela, il a utilisé un système mo-dulaire où il attribue à chaque espace une fonction différente. Ce système modulaire lui a per-mis d’unifier les espaces publics avec les quartiers alentours. Il lui a également permis de ré-duire le coût de construction. A l’extérieur, l’enveloppe du bâ-timent ovale est constituée de longs tubes de métal blanc qui créent un symbole et un icône pour le quartier qui n’a jamais possédé une telle infrastructure. En marge de l’ovale, il y a une cour semi-publique et deux vo-lumes ouverts à la communauté. Ces deux volumes contiennent le réfectoire, l’auditorium et la la-verie. Ce bâtiment permet donc la création d’espaces publics, communautaires et fait le lien avec d’autres quartiers.

De même, la bibliothèque Espa-ña, construite en 2007, constitue un bâtiment important comme création d’un espace public. Le bâtiment est localisé à Medellin en Colombie. Les trois volumes de ce complexe sont constitués d’une bibliothèque, d’un espace d’étude et d’un auditorium. Ces volumes sont recouverts de pier-res locales. Ils forment un point de référence pour la ville toute entière. Ils forment une sorte de place publique, qui regarde la vallée. Ils constituent un es-pace communautaire où les gens peuvent se réunir. Les espaces vides entre les 3 volumes per-mettent une circulation de l’air et de la lumière naturelle. Per-mettant ainsi de décongestion-ner l’espace. La surface latérale du bâtiment possède des petites fenêtres irrégulières permettant de décontextualiser l’intérieur de la pauvreté de l’extérieur. En ef-fet, lorsque l’on se trouve à l’in-térieur de la bibliothèque nous n’avons pas de confrontation vi-suelle avec la pauvreté qui règne à l’extérieur.

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Biblioteca España,Giancarlo Mazzanti & Ar-quitectos Ltda., Medellin, Colombie, 2005

Social Kingarten el porvenir, Giancarlo Maz-zanti, Bosa, Bogota, 2007-2009

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CONCLUSION

A travers ces différents projets,on constate que nombreux sont les architectes qui ont tenté d’ap-porter des solutions aux problè-mes des favelas. Même si leur fa-çon d’aborder les transformations et le projet sont différentes, tous se concentrent à décongestionnerles favelas, libérer des espacespublics, créer des espaces de circulation et amener le plus possible d’infrastructures. Ils répondent à cela en créant des éléments de communica-tion entre la ville et la favela (téléférique) et également enaméliorant la circulation dans celle-ci (élargissement desroutes, escaliers...) Enfin il tente de redonner un statut de«quartier» aux favelas en y in-troduisant des édifices publics (bibliothèque, gymnase...), desplaces où les habitants peuventse réunir et fonder ainsi une véritable communauté.

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Carte de l’étendue du programme favela-Bairro à Rio

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REFLEXION

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L’exemple de la persistance des favelas de Rio prouve à quel point les ségrégations spatiales, la précarité en terme de logement et l’insalubrité sont autant d’en-jeux auxquels les municipalités doivent répondre en favorisant l’amélioration et l’intégration urbaine et sociale des tissus ur-bains autonomes déjà existants au lieu d’appliquer des politiques autoritaires ayant pour effet le déplacement des problèmes et l’augmentation de la fragmenta-tion des villes.Ainsi, le programme de restruc-turation des favelas, le favela-bairro ou favela quartier ne peut être efficace qu’à partir du mo-ment où il tient compte de tous les facteurs spatiaux, économi-ques, sociaux et culturels qui font la particularité et la force de ces espaces hors normes. Ces politi-ques ne doivent pas se conten-ter d’interventions ponctuelles et ne doivent pas penser la favela comme un espace urbain classi-que mais il faut la traiter au cas par cas. Car les favelas sont des espaces en mouvement. Ce mouvement doit être intégré en tant que fac-teur d’urbanisme dans le pro-cessus de patrimonialisation des favelas.L’espace mouvement est direc-tement lié à ses acteurs, qui sont à la foi ceux qui parcourent

l’espace et ceux qui sont en train de le construire ou de le trans-former. Dans le cas des favelas, les deux acteurs sont le plus souvent réunis en un seul, l’ha-bitant, qui construit et aménage lui-même son intérieur. L’idée même d’un espace mouvement, impose l’idée d’action, ou mieux de participation. Au contraire des habitants passifs ou spec-tateurs des espaces figés, dans l’espace-mouvement le supposé spectateur devient acteur. Ce mouvement se traduit aussi par la temporalité liée à ces lieux : le favelado construit un habitat qui se transforme, évolue et s’agran-dit en fonction de la reconnais-sance légale du territoire et des moyens (financiers, humains et de réflexion) dont il dispose. Le fait que chaque habitation pos-sède sa réserve de matériaux montre l’acceptation du mou-vement par ces communautés. Cette idée d’espace mouvement se retrouve jusque dans les limi-tes même de la favela qui évolue en fonction de l’accroissement de la population et qui consti-tue finalement le centre visible des favelas puisque c’est la seule trace visible d’organisation spa-tiale conventionnelle dans un lieu labyrinthique. Mais la conception d’une favela est aussi liée à une culture sen-sible imprégnée dans chacun et

qui la distingue de la ville sta-ble. Le rapport visuel, auditif et notamment tactile (passage du goudron à la terre) est différent, l’expérience du parcours intérieur dans les Quabradas de Morro (ruelles internes) est unique. Le labyrinthe de la favela se déploie comme un tissu qui se plie aux mouvements du corps dans le-quel on se perd pour mieux se retrouver. Il ne faut pas oublier aussi que le déhanchement des favelados dans la favela, de ma-nière incertaine et fragmentaire, la Ginga, est une initiation à la samba, l’habitat et la rue partici-pant donc à l’intégration sociale. Cet exemple de communauté montre comment plutôt que de subir la forte densité, les aléas du terrain et la pauvreté les fa-velados ont su s’adapter et pé-renniser leur habitat pour créer un cadre de vie associé au mou-vement, à l’échange, à la surpri-se et la joie. Cet exemple d’architecture n’est que la conséquence d’un déve-loppement urbain non maitrisé qui reflète les difficultés de la société à accepter de nouveaux types d’espace et d’enjeux spa-tiaux.Les tentatives du mouvement moderne de proposer une solu-tion au problème de logement à Rio n’ont pas abouties du fait de la froideur et du manque des

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espaces qu’il proposait. Il en va de même pour le mou-vement déconstructiviste qui, en remettant en question le mou-vement moderne, s’est affranchi des règles établies pour proposer des espaces complexes, emboités qui ne répondaient plus à la no-tion essentielle de l’habitat alors que les favelados déconstruisent l’architecture mais créent un es-pace dédié à l’habitat, un espace protecteur, un abri à l’image des Babylonests de l’artiste brésilien Helio OITICICA ou les construc-tions éphémères de Tadashi Kawamata qui questionnent sur la manière d’habiter.L’architecte se doit alors de re-nouveler sa façon de penser pour proposer de nouvelles for-mes d’habitat durable qui amé-lioreraient les conditions de vie tout en conservant les valeurs de ses habitants, en préférant l’in-tervention sur l’habitat précaire fondé sur l’homme plutôt que les commandes commerciales fon-dés sur l’économie.

« L’habiter n’existe qu’en rapport avec son temps. » Walter BENJAMIN

Favela do Paraisopolis, São Paolo, Brésil, 2010

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