Les évolutions de l'organisation du temps de travail...

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MBA Management des Ressources Humaines Promotion 12 Octobre 15 Les évolutions de l'organisation du temps de travail des cadres: opportunité ou contrainte pour l'entreprise? Réflexions croisées des cadres et DRH Valeria Biggio Naziha Boukhorssa Garcia Boris Papin Sous la direction de Hélène Tissandier

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MB A M a n a g e m e n t d e s R e s s o u r c e s H u m a i n e s – P r o m o t i o n 1 2

Octobre15

Les évolutions de l'organisation du temps de travail des cadres: opportunité ou

contrainte pour l'entreprise? Réflexions croisées des cadres et DRH

Valeria Biggio Naziha Boukhorssa Garcia Boris Papin SousladirectiondeHélèneTissandier

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REMERCIEMENTS Ce mémoire d’expertise est l’aboutissement d’un long travail commencé en février 2014. Notre participation au MBA RH de Paris Dauphine nous a permis d’accroitre nos connaissances et nos compétences dans le domaine des Ressources Humaines, mais il nous a également permis de rencontrer des personnes qui ont contribué à notre évolution professionnelle. Nous tenons à les remercier. Nous souhaitons tout d’abord remercier chaleureusement Mme Hélène TISSANDIER, notre Directrice de mémoire, pour ses conseils soutenus, son appui indéfectible et les nombreux échanges engagés sur le thème de notre mémoire. Merci. Merci aux 20 professionnels (DRH, Directeur Général, chefs d’entreprise et professeurs de l’Université de Dauphine) qui ont joué le jeu de l’interview en toute simplicité et conviction. Leur parole a été libre et la richesse de leurs propos a permis de renforcer notre étude. Nous tenons à remercier les professeurs du MBA RH de l’Université Paris Dauphine pour la qualité de l’enseignement dispensé tout au long de ce cursus. Un remerciement particulier à notre directeur de MBA, Monsieur Fabien BLANCHOT, d’abord pour nous avoir sélectionnés pour ce MBA (vous avez eu raison !) et pour nous avoir guidés avec ses conseils dans les moments difficiles. Une pensée chaleureuse va à Marie Camille Delacroix et Florence Lafeuille pour avoir pris soin de nous tout au long de notre parcours. Nous adressons nos chaleureux remerciements à toutes les personnes qui nous ont aidés et soutenus pendant ce long travail, nos proches, nos familles et nos amis qui, par leur contribution active et leurs conseils, nous ont permis de le réaliser. Un remerciement particulier au Docteur Michela Fanzecco, de l’Université de Cagliari, pour son support et son assistance dans la réalisation de notre enquête quantitative. Et enfin, merci à l’ensemble de la promotion 12 du MBA RH pour nos échanges dynamiques et fructueux tout au long de ce parcours. « Voilà voilà »

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RESUME Depuis plus de vingt ans, les formes des organisations du travail ont évolué, au point de reconfigurer les situations de travail et de réinterroger le rapport au temps de travail des salariés et des entreprises, sous l’effet conjugué de facteurs économiques, technologiques, sociologiques qui changent notre rapport au travail. Nous faisons l’hypothèse, dans ce mémoire, qu’une entreprise à la culture organisationnelle "constructive", qui permet à ses collaborateurs de se réaliser personnellement, est plus efficace. L’organisation du temps de travail, en particulier celle des cadres, est un facteur d’efficacité de l’entreprise et doit être entendue comme un outil au service de celle-ci. Dans une première partie, nous montrons que nous sommes aujourd’hui face à un nouveau paradigme : allier performance collective et satisfaction des exigences individualisées des salariés, de plus en plus prégnantes. L’enjeu pour les entreprises est de tenir compte des impératifs économiques, des innovations technologiques, des attentes de la clientèle et des aspirations des salariés grâce au meilleur usage possible du cadre légal. L’effet de levier de ce type de politique est important. La condition du respect du contrat social et psychologique entre l’entreprise et ses salariés cadres est primordiale. Les évolutions, que nous mettons en exergue, recèlent certes des contraintes mais aussi des opportunités. Dans une deuxième partie, l’analyse croisée des résultats d’un questionnaire que nous avons diffusé auprès de salariés cadres avec les interviews de DRH que nous avons réalisées, nous le confirme. Nous avons identifié 3 modèles de comportements. Des entreprises réussissent à mettre en place une organisation du temps de travail dérivée d’une analyse fine à la fois des exigences quantitatives pour l’entreprise et qualitatives pour les personnes. En conclusion de notre étude, nous sommes en mesure de tirer des enseignements, sur la manière, pour les DRH, d’appréhender l’organisation du temps de travail des cadres de leur entreprise.

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SOMMAIRE REMERCIEMENTS..........................................................................................................................................2RESUME..............................................................................................................................................................3SOMMAIRE........................................................................................................................................................4TABLEDESILLUSTRATIONS....................................................................................................................6

INTRODUCTION..................................................................................................................................................7PARTIE1–REVUEDELALITTERATURE.........................................................................................10Chapitre1:L’évolutiondel’organisationdutempsdetravailàl’heuredelamondialisation...........................................................................................................................................101.1Unemutationradicaledelasociétédanssonrapportautemps...............................101.2Lesprincipauxfacteursdepression:causes.....................................................................111.3Desorganisationsdutempsdetravailquiévoluent:conséquences.......................14

Chapitre2:L’influencedesTICsurl’organisationdutempsdetravail:entrelibérationetaliénation.........................................................................................................................162.1LesTIC:dequoiparlet-on?.....................................................................................................162.2Lesorganisations,lessalariésetlesTIC:quelsimpacts?...........................................172.2.1Lesimpactssurlesorganisations...................................................................................172.2.2Lesimpactssurlessalariés..............................................................................................182.2.3DesTICoudesTOC?............................................................................................................20

Chapitre3:Lademandesocialed’uneindividualisationdel’organisationdutempsdetravail........................................................................................................................................223.1Unetendancechezl’ensembledessalariésoccidentaux..............................................223.1.1Letemps:unbienrareetprécieux................................................................................223.1.2Lamaîtrisedutempsprimesursaréduction............................................................23

3.2DesspécificitésenFrance...........................................................................................................243.3Uneprofondemutationdenotresociétéetdurapportdesindividusautravail253.3.1L’affirmationdel’individualité.........................................................................................253.3.2L’importancedelapriseencomptedupéri-travail................................................26

Chapitre4:Organisationdutempsdetravailetfacteursderisquepourlessalariésetlesentreprises...................................................................................................................284.1Lesrisquespourl’individu.........................................................................................................284.1.1Fatigueetsanté.......................................................................................................................284.1.2Fatigueetperformance.......................................................................................................294.1.3Fatigueetsécurité.................................................................................................................304.1.4Risquespourleslienssociaux..........................................................................................31

4.2Lesrisquespourl’entreprise:...................................................................................................334.2.1Risquesjuridiques.................................................................................................................334.2.2Risquesfinanciers..................................................................................................................354.2.3Risquessurlaperformance...............................................................................................364.2.4Risquessociaux.......................................................................................................................36

Chapitre5:Lespratiquesorganisationnellesenentrepriseliéesautempsdetravail..............................................................................................................................................................385.1Lanécessairepriseencomptedesattentesdessalariés..............................................385.2Unecorrélationforteaveclesintérêtspropresdel’entreprise.................................405.3L’importanceducontratsocialetpsychologiqueentrelesalariéetl’entreprise........................................................................................................................................................................42

CONCLUSIONDELAPREMIEREPARTIE..........................................................................................49PARTIE2–ENQUETEEMPIRIQUE.......................................................................................................51

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Chapitre1-L’enquêtequantitative...............................................................................................511.1Définitionsdelasatisfactionautravail.................................................................................521.2Lequestionnaire.............................................................................................................................521.3Analysestatistique:méthodologie.........................................................................................531.4Résultatsduquestionnaire.........................................................................................................551.4.1Analysedesfréquences.......................................................................................................551.4.2Lescorrélationsaveclesaspectsintrinsèquesetextrinsèques........................631.4.2.1Lescorrélationsaveclesaspectsintrinsèques.................................................641.4.2.1.1L’aspectgénérationnel.......................................................................................641.4.2.1.2Lasituationfamiliale...........................................................................................67

1.4.2.2Lescorrélationsaveclesaspectsextrinsèques................................................681.4.2.2.1Lasituationprofessionnelle.............................................................................681.4.2.2.2Letypedeforfaitettaillesdel’entreprise.................................................70

Chapitre2.Exploitationdesinterviewsmenées...................................................................722.1Méthodologie....................................................................................................................................722.2Consolidationetrestitution.......................................................................................................722.2.1Quelquesmotssurl’étude..................................................................................................72

2.2Introductiondelatypologie:descriptifdes3modèles.................................................732.2.1LesAgiles:38%desinterviewés..............................................................................732.2.2LesVigilants:31%desinterviewés.......................................................................762.2.3LesContraints:31%desinterviewés.....................................................................78

CONCLUSION................................................................................................................................................80Annexes................................................................................................................................................................82Annexe1:PanoramadesloisrelativesautempsdetravailenDroitdutravail............83Annexe2:Méthodologieduquestionnaire.....................................................................................87Annexe3:Questionnaire........................................................................................................................90Annexe4:Guided’entretien..................................................................................................................96Annexe5:Lexique.....................................................................................................................................98

Bibliographie..................................................................................................................................................101

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TABLE DES ILLUSTRATIONS Figure 1 : lien entre fatigue et sécurité selon Williamson et al..........................................................30Figure 2 : Répartition selon l’âge, le sexe et la situation familiale...................................................55Figure 3 : Répartition selon le type de forfait, contrôle des horaires et taille de l’entreprise..56Figure 4 : heures moyennes travaillées et représentation des changements de l’OTT en cours

ou à venir dans les entreprises interrogées......................................................................................56Figure 5 : Fréquences des réponses aux questions Q1, Q2, Q3 et Q4.............................................57Figure 6 : fréquences des réponses aux questions Q5, Q6, Q7 et Q8...............................................58Figure 7 : fréquences des réponses aux questions Q9, Q10, Q11 et Q12.......................................59Figure 8 : fréquences des réponses aux questions Q13 et Q14..........................................................60Figure 9 : analyse croisée de la question Q1............................................................................................61Figure 10: analyse croisée de la question Q6...........................................................................................62Figure 11 : analyse croisée de la question Q10.......................................................................................63Figure 12 : Relation entre l’âge et la situation familiale......................................................................64Figure 13: Relation entre l’âge et le management..................................................................................65Figure 14 : réponses selon l’âge aux questions Q3 et Q11..................................................................65Figure 15: Représentations des rythmes de travail et de loisir de la génération X et Y.............66Figure 16: réponses selon l’âge à la question Q14d...............................................................................66Figure 17: Répartition du management et du type de forfait selon la situation familiale..........67Figure 18 : Réponses selon la situation familiale aux questions Q1, Q6 et Q11..........................67Figure 19 : réponses selon la situation familiale. (respectivement p=,017 ; p=,035 ; p=,031 ;

p=,042).........................................................................................................................................................68Figure 20 : réponses selon la situation familiale à la question Q14..................................................68Figure 21 : répartition Hommes/ Femmes selon le management......................................................69Figure 22 : réponses à la question Q3 et répartition du type de forfait selon le management.69Figure 23 : réponses selon le management à la question Q14; (respectivement p=,006 ;

p=001 ; p=,034 ; p=,053 ; p=,004).....................................................................................................70Figure 24 : réponses selon le type de forfait à la question Q3............................................................70Figure 25 : répartition du type de forfait et réponses à la question Q3 selon la taille de

l’entreprise..................................................................................................................................................71Figure 26 : schéma de positionnement des Modèles par rapport aux principales politiques

OTT..............................................................................................................................................................73

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INTRODUCTION" Le temps est une invention, ou il n'est rien du tout. "

Henri Bergson A l’époque préindustrielle, la nature guide le temps de travail et en impose une conception cyclique, discontinue et qualitative : l’alternance du jour (où l’on travaille) et de la nuit (où l’on se repose) et l’alternance des saisons caractérisent l'activité productive de l'agriculture et, plus généralement, les temps sociaux des hommes de cette époque. Distance matérielle réduite entre espace de travail et espace privé, faible différenciation des temps du travail et de ceux de la vie familiale, du temps des activités et de ceux de la fête, bref temps du travail et temps de vie, sont étroitement liés. Artisans et paysans travaillent avec leurs propres outils, à leur propre rythme. Mais avec la Révolution industrielle, le temps devient mécanique, imposant une conception linéaire, continue et quantitative. Va naître l’adage "le temps c'est de l'argent"… Parce que le temps détermine le salaire de l'ouvrier, il devient une chose mesurée avec précision, reposant sur la synchronisation des hommes et des machines. On constate une unité de temps entre tous les travailleurs -on commence, on fait une pause et on finit tous à la même heure. Le cadre temporel est contraignant, rigide et collectif. Les caractéristiques du temps de travail sont donc alors:

- qu'il est long (le capitaliste -voir Marx- faisait une plus-value lorsqu'il faisait travailler sa main d'œuvre plus que cela n'était nécessaire, d’où la naissance de la lutte syndicale en réaction pour réduire le temps);

- qu'il influence les autres temps sociaux -notamment ceux de la famille et de la communauté locale dans son ensemble;

- qu'il est uniforme et rigide; - qu'il est quantitatif donc mesuré avec précision. (Jean-François Chanlat et al., 2000)

La révolution industrielle a fait exploser la durée du temps de travail pour accompagner la production de masse : nait ainsi le rythme collectif du travail. Au nom d’une amélioration des conditions de travail et des conditions de vie des ouvriers, va naître une demande de baisse du temps de travail. En France les lois promulguées depuis 1841 s’inscrivent dans cette quête de l’amélioration des conditions de vie des ouvriers, d’abord avec des lois pour la sauvegarde des enfant et des femmes, puis à partir de 1906 sur les amplitudes horaires journalières et hebdomadaires et les droits au repos et au congés. A partir des années 1970, le législateur accompagne l’évolution économique en introduisant le concept d’horaire individualisé (loi du 27 décembre 1973). L’ordonnance du 16 janvier 1982 apporte plusieurs innovations en matière de durée de travail. En premier lieu, elle abaisse la durée légale à 39 heures par semaine et institue la 5ème semaine de congés payés (la troisième et quatrième semaine ayant été instituées en 1956 et 1968). Cette loi accroit la flexibilité en matière d’heures supplémentaires, qui peuvent désormais être réalisées sans l’accord préalable de l’inspecteur du travail dans la limite du « contingent », enveloppe annuelle disponible pour l’employeur après consultation des délégués du personnel. Les 39 heures par semaine deviennent donc un seuil -de déclenchement des heures supplémentaires- et non plus une durée légale impérative. Cette ordonnance ouvre également la voie à l’annualisation du temps de travail. Dans son prolongement direct, la loi du 19 juin 1987, dite « «loi Seguin » est axée sur la flexibilité : possibilité de recourir au travail en continu pour raisons économiques,

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assouplissement du régime des repos compensateurs. Elle consacre l’éclatement du module hebdomadaire, jugé trop rigide pour permettre aux entreprises de faire face à leurs variations d’activités. Le législateur fait aussi progressivement du temps de travail un outil pour la lutte contre le chômage : la loi du 20 décembre 1993 dite « loi quinquennale » est la première loi qui participe au débat sur le lien entre réduction du temps de travail et la création d’emploi. A partir de ce moment les lois (notamment les lois de Robien et Aubry) seront orientées vers le partage de travail pour lutter contre le chômage et favoriser la création d’emplois (voir annexe 1 pour plus de détail). Depuis plus de vingt ans, les formes des organisations du travail ont aussi évolué, au point de reconfigurer les situations de travail et de réinterroger le rapport au temps de travail des salariés et des entreprises, sous l’effet conjugué de facteurs économiques, technologiques, sociologiques qui changent notre rapport au travail. Des changements de l’environnement économique, marqués par le passage d’un univers stable à instable, d’un monde bipolaire à un monde multipolaire caractérisé par un environnement économique ouvert, mondialisé, interconnecté, concurrentiel. Ces changements ont d’importantes conséquences sur l’organisation du travail et la gestion des temps, en accroissant la demande de flexibilité et de davantage de réactivité... Son corollaire: des changements technologiques importants qui ont profondément changé l’organisation du travail et le temps dédié à chaque tâche. La rapidité d’exécution, l’hyper sollicitation caractérisent aujourd’hui le travail, dans un environnement ouvert, mondialisé et interconnecté. La frontière vie professionnelle et vie privée devient alors plus poreuse et le travail s’invite, via les TIC (Technologies de l’Information et de la Communication), dans le salon du salarié ou encore sur son lieu de vacances. Des changements sociologiques qui ont un impact sur les demandes des salariés aspirant à une organisation du temps de travail individualisée, en phase avec leurs aspirations et leur situation du moment. Parmi les salariés, les cadres semblent être une population particulière : d’abord parce qu’elle semble celle qui subit le plus ces changements (horaires variables ; phénomène de “saturation mentale” lié au flux d’informations reçues en temps réel par différents médias; facteurs de stress venant de la difficulté de répondre en temps et en heures aux objectifs fixés…) mais aussi, paradoxalement, parce qu’elle semble les impulser (par exemple, citons l’aspiration des cadres à un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle et familiale ou encore évoquons les contentieux sur ce sujet, tel l’arrêt de la Cour de Cassation de 29 juin 2011). Aussi est-ce fort naturellement que nous avons choisi de nous focaliser sur la population « cadres » aux fins de tester notre problématique. Nous faisons l’hypothèse qu’une entreprise à la culture organisationnelle "constructive", qui permet à ses collaborateurs de se réaliser personnellement, est plus efficace. L’organisation du temps de travail, en particulier celle des cadres, est un facteur d’efficacité de l’entreprise et doit être entendu comme un outil au service de celle-ci.

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Deux exemples qui s’opposent nous ont inspirés.

En Allemagne, l’expérience chez Bosch, qui a converti plus de 500 managers au temps partiel (Le Nouveau Management, avril 2014) en leur permettant de choisir de travailler différemment. Il leur était offert soit de rester une journée par semaine chez eux et de poursuivre leur tâche depuis la maison (80% ont retenu cette solution), soit de réduire leur temps de travail. Cette organisation du temps de travail concilie la satisfaction des salariés et l’attractivité de l’entreprise avec les exigences du business.

En France, l’arrêt du 29 juin 2011 de la Cour de Cassation condamne une entreprise à payer des heures supplémentaires à un cadre au forfait jours (Soc. 29 juin 2011, pourvoi n°09-71.107) au nom de la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs.

Ces deux appréhensions de l’organisation du temps de travail, qui seront développées dans notre mémoire, montrent d’un côté les effets positifs qu’une démarche proactive peut produire et d’un autre côté, les risques de ne pas en avoir. Nous y reviendrons dans les chapitres suivants. Sous cet éclairage certes encore tamisé, il convient de s’interroger : comment les DRH peuvent-ils se saisir de l’organisation du temps de travail pour améliorer l’efficacité de l’entreprise ? Comment, dans ce contexte, l’organisation du temps de travail des cadres peut-elle être pilotée par les DRH ? Et quelles sont les pratiques des entreprises ? Parce que nous avons souhaité explorer ce sujet dans ses dimensions tant théoriques que pratiques, nos développements, complémentaires, s’organisent en deux temps. Dans une première partie, « théorique », à travers une synthèse de nos recherches documentaires, nous montrerons comment l’organisation du temps de travail en entreprise est au centre de pressions et d’influences multiples provenant de différents facteurs. Dans une seconde partie, « empirique », nous analyserons les résultats d’un questionnaire que nous avons diffusé auprès de salariés cadres ainsi que les interviews de DRH que nous avons réalisées. Puis, nous croiserons la perception (ce qui est le plus signifiant à leurs yeux) que les cadres ont des changements évoqués plus haut avec celle des DRH. Nous mettrons en évidence ce que ces derniers nous disent de l’influence de ces facteurs sur les pratiques des entreprises. Alors … comment penser le temps de travail des cadres?

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PARTIE1–REVUEDELALITTERATURELes changements de l’environnement économique (Chapitre 1) avec, pour corollaires, les évolutions technologiques (Chapitre 2) ainsi que les changements socio-culturels (Chapitre 3) modifient le cadre temporel du travail en entreprise. Cela n’est pas sans risque pour l’équilibre des entreprises elles-mêmes ainsi que celui des salariés (Chapitre 4). Pourtant, de nouvelles pratiques, liées à ces changements, émergent (Chapitre 5).

Chapitre 1 : L’évolution de l’organisation du temps de travail à l’heure de la mondialisation

" Nous sommes à une époque où les hommes n'arriveront jamais à perdre assez de temps pour conjurer cette fatalité de passer leur vie à en gagner. "

Jean Baudrillard

L’évocation du temps de travail et de son organisation est souvent propice aux métaphores: la métaphore du temps qui s’écoule (semblable au fleuve), la métaphore du temps qui s’accélère, se compresse (vision plus contemporaine partant du constat que l’individu cherche à dominer le temps), ou encore celle du temps associé à l’argent (« le temps c’est de l’argent »). Cette dernière correspond à une vision plus occidentale et capitaliste du temps (Norbert Elias, 1997). Il apparaît évident, aujourd’hui, que l’organisation du temps de travail au sein des entreprises subit une pression forte des marchés financiers, de la quête de la performance économique et financière à tout prix. Nous constatons aujourd’hui une transformation de la société dans son rapport au temps (1.1). Cette mutation trouve son origine, en partie, dans la pression qu’exercent les marchés sur les acteurs économiques (1.2). Il conviendra, in fine, de tirer les principales conséquences de cette mondialisation sur l’organisation du temps de travail des salariés (1.3).

1.1 Une mutation radicale de la société dans son rapport au temps

L’époque contemporaine se caractérise par une mutation radicale qui touche notamment la question du temps, son appréhension et son organisation au sein des entreprises (Nicole Aubert, 2003). Cette mutation se traduit, entre autres, par une transformation de l’organisation du temps de travail et les méthodes de travail des salariés. Les salariés ont le sentiment de ne plus avoir le temps, que tout va très vite et d’être parfois impuissants à ralentir cette spirale, qui peut être source d’angoisse. Pour Hartmut Rosa (2013), il s’agit à la fois d’une accélération technique (voir chapitre 2), sociale mais aussi une accélération des rythmes de vie. Qui ne peut, de nos jours, mener plusieurs tâches en même temps ? Traiter ses emails tout en répondant à un collaborateur au téléphone est devenu courant. Cette juxtaposition des temps est possible grâce aux innovations techniques (par exemple : les mails, les achats sur Internet, etc.). S’y superpose l'accélération du rythme de vie qui se traduit par le fait de ne plus supporter la lenteur, quel que soit le domaine concerné. Par exemple, on ne supporte plus

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d’attendre une minute que s'ouvre une page web ! Hartmut Rosa (2013) souligne également le paradoxe lié au fait qu’alors que le temps libre augmente, le sentiment de manquer de temps augmente lui aussi. Nous avons le sentiment que nous n'avons plus le temps de ne rien entreprendre. L’auteur étaye ses propos du constat que le vocabulaire du temps libre lui-même est imprégné d’un vocabulaire normatif et d’injonctions pour le remplir : « il faut que je lise les journaux », « que je me mette au violon », « que je prenne des vacances »... On ne s’autorise plus à prendre le temps de s’ennuyer. Les salariés, quant à eux, font également part d’un sentiment d’urgence dans leurs activités professionnelles. Ils sont pris dans le tourbillon de l’instantanéité et de l’immédiateté au niveau de l’exercice de leurs tâches, ou dans leurs relations interprofessionnelles et interpersonnelles. L’urgence est quasiment devenue un mode d’organisation du travail : il faut répondre dans l’heure à un mail, il devient nécessaire de produire des reporting à des rythmes tendus. Désormais, les salariés doivent travailler en « temps réel ». La superposition de certaines pratiques organisationnelles aidées de certaines technologies et services renforcent la généralisation de cette instantanéité où se cofondent l’urgent et l’important (Nicole Aubert, 2003). Ces nouveaux modes d’organisation incitent à davantage de flexibilité du temps de travail : par exemple, une adaptation du temps de travail à la production en fonction du cycle du produit, ou encore un temps de travail compressé et densifié, renforcé par le passage aux 35 heures - qui s’est traduit par une charge de travail accentuée. C’est alors vers une dissociation du temps de travail collectif du temps de travail individuel que l’on s’oriente. «Non seulement les horaires ne sont plus réguliers dans de nombreux cas, mais ils ne sont même plus prévisibles. Les entreprises dont la gestion est basée sur des principes de flux tendus, veulent une adaptation rapide aux variations du marché de plus en plus imprévisibles. Elles traduisent alors cet impératif en modifiant les horaires de travail dans des délais très courts (…) souvent ramenés à une semaine » (Liaisons sociales, 1999).

1.2 Les principaux facteurs de pression : causes Les entreprises agissent dans un environnement dont les caractéristiques principales sont la mondialisation et la grande ouverture des marchés, une concurrence accrue et une importante innovation technologique1. Cet écosystème est à la fois porteur d’opportunités mais aussi de contraintes fortes lesquelles ont des impacts sérieux sur les organisations du temps et des méthodes de travail, notamment celles des cadres. Cela se traduit par une pression forte qui s’exerce sur les entreprises, leurs salariés et les cadres en particulier.

FOCUS JURIDIQUE

Définition du statut Cadre selon l’Article 4 de la CCN de retraite et de prévoyances des cadres du 14 mars 1947: Le régime de prévoyance et de retraite institué par la présente Convention s'applique obligatoirement aux ingénieurs et cadres définis par les arrêtés de mise en ordre des salaires des diverses branches professionnelles ou par des conventions ou accords conclus sur le plan

1Nous analyserons ce dernier point dans le chapitre suivant, compte tenu du fort enjeu sur l’organisation du temps de travail.

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national ou régional en application des dispositions légales en vigueur en matière de convention collective et qui se sont substitués aux arrêtés de salaires. Sont considérés comme ayant la qualification et les prérogatives d'ingénieurs ou cadres, (…), les voyageurs et représentants qui répondent à l'un au moins des trois critères suivants : - avoir une formation technique, administrative ou commerciale équivalente à celle des cadres de l'entreprise (ou à défaut de cadre dans l'entreprise, équivalente à celle des cadres de la profession) et exercer des fonctions requérant la mise en œuvre des connaissances acquises - exercer par délégation de l'employeur un commandement sur d'autres représentants ; - exercer des fonctions impliquant initiative, responsabilité́, et pouvoir être considérés comme ayant délégation de l'autorité́ du chef d'entreprise. Définition du statut Cadre selon l’Article 4 bis de la CCN de retraite et de prévoyances des cadres du 14 mars 1947: Pour l'application de la présente Convention, les employés, techniciens et agents de maîtrise sont assimilés aux ingénieurs et cadres visés à l'article précèdent, dans les cas où ils occupent des fonctions : - classées par référence aux arrêtés de mise en ordre des salaires, à une cote hiérarchique brute égale ou supérieure à 300 (1); - classées dans une position hiérarchique équivalente à celles qui sont visées au a) ci-dessus, dans des classifications d'emploi résultant de conventions ou d'accords conclus au plan national ou régional en application des dispositions légales en vigueur en matière de convention collective. Tout d’abord, les entreprises sont soumises à une exigence de produire plus vite pour rester compétitives et efficaces. Elles doivent dégager des bénéfices et accroître leurs performances financières pour assurer leur survie et satisfaire les différentes parties prenantes (actionnaires, partenaires financiers, clients, etc.). Les cadres, par leur rôle dans les différentes strates de l’entreprise, sont alors censés comprendre les impératifs du marché et être les relais auprès des autres salariés et /ou de leurs équipes. Ils doivent accompagner les mutations des entreprises. D’ailleurs, ils se retrouvent parfois exposés à des tensions diverses et contradictoires (François Dupuy, 2006). De nombreux facteurs accentuent cette pression sur l’entreprise. Nous ne présenterons dans cette analyse que les principaux, à savoir ceux qui créent une évolution de l’organisation du temps de travail. Ces facteurs, perçus comme des impératifs ou des injonctions faites aux entreprises pour rester dans la course de la compétitivité, sont les suivants : = > L’impératif du client : les entreprises évoluent dans un environnement ultra-concurrentiel caractérisé par une forte volatilité du client. Le client « Roi » est en position d’imposer ses exigences de réduction de prix et pousse les producteurs et/ou les fournisseurs à augmenter la qualité des produits ou services proposés. C’est alors à une inversion des relations de pouvoir entre les fournisseurs et les clients qu’ont conduit la globalisation et la mondialisation. Pour gagner des parts de marché et augmenter la satisfaction du client, les entreprises imposent de nouvelles règles du jeu - par exemple en offrant à leur clientèle des horaires d’ouverture plus étendus et en adaptant, dès lors, le temps de travail de leurs salariés. = > l’impératif de productivité : pour gagner ou survivre dans cet écosystème, les entreprises doivent être capables de prendre une avance sur leurs concurrents et de l’exploiter

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de manière optimale. Cette course ou vitesse devient « un impératif absolu et incontournable pour les affaires » (Hartmut Rosa, 2013). Les entreprises vont rentabiliser les équipements par leur utilisation maximale et ajuster la production au plus près des demandes du marché. En résulte une accélération de la production et une flexibilité du temps de travail. Dans ce type de contexte, les organisations peuvent compter sur les cadres, réputés être surinvestis dans leurs activités professionnelles, pour réguler et absorber la charge de travail. (Philippe Askenazy, 2004). = > L’impératif des stock-options qui contribue également à accroître cette pression sur les entreprises. Certains dirigeants, bénéficiaires de ces stocks options, peuvent être tentés par une vision stratégique à court terme. Ce package de rémunération peut créer une déviance dans le pilotage de la performance en fonction d’objectifs individuels. = > L’impératif de l’actionnaire : cette partie prenante exige un retour sur investissement conséquent - c’est le fameux « 15% de rentabilité sur fonds propres ». = > L’impératif de publier des résultats trimestriels, en communicant de l’information plus régulièrement aux actionnaires. Cela a deux conséquences : d’une part de bouleverser les cycles (ce rythme de publication n’est pas approprié dans le cadre de la gestion d’entreprise qui nécessite des cycles longs) et d’autre part, d’accroître la volatilité des marchés du fait d’une information plus fréquente et du coup plus sensible en termes d’analyse et d’arbitrage. Par exemple, aujourd’hui, pour consolider les données et permettre une communication financière trimestrielle dans les temps, les équipes (notamment comptables et financières) doivent moduler leur temps de travail : amplitudes horaires importantes, travail de nuit et les week-ends pour assurer les clôtures des comptes et traiter le reporting. Cette question est un point saillant, notamment dans les banques qui sont tenues aujourd’hui de publier trimestriellement leurs comptes et de remonter des informations financières aux autorités de tutelle. On observe que ce nouvel ordre économique exerce une pression sans précédent sur les salariés et les cadres. Ces derniers voient leurs champs de responsabilité s’élargir, tout particulièrement pour les cadres avec management. Il leur est demandé d’absorber et de répondre à toutes les sollicitations (François Dupuy, 2005). De surcroît, pour satisfaire les différentes parties prenantes, les organisations incitent leurs équipes à travailler de plus en plus dans l’urgence. Les entreprises sont pilotées « le pied sur l’accélérateur ». Le temps de travail et son organisation deviennent un élément fondamental de la gestion capitaliste (Hartmut Rosa, 2013).

FOCUS JURIDIQUE Les 35 heures mises en place par les lois de Robien et Aubry en France,pour sauvegarder et créer de l’emploi, n’ont pas eu l’effet escompté. Les entreprises n’ont pas embauché autant que les estimations. Pour compenser la réduction des heures, il a fallu travailler différemment en réfléchissant à l’adaptation de l’organisation du temps de travail. On travaille alors plus vite pour produire les biens et / ou services. La productivité devient la variable sur laquelle on agit pour moduler et répondre aux commandes. On observe ainsi une accélération des rythmes de travail notamment celui des cadres. Cela se traduit par des amplitudes de travail plus grandes et un accroissement des temps segmentés. La charge de travail des cadres croit mécaniquement (Philippe Askenazy, 2004). L'accord du 11 janvier 2008 sur la modernisation

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du marché du travail (signé par quatre syndicats de salariés sur huit introduit le terme de «flexisécurité» (contraction de flexibilité et sécurité). Elle désigne un dispositif social autorisant une plus grande facilité de licenciement pour les entreprises (volet flexibilité) et des indemnités longues et importantes pour les salariés licenciés (volet sécurité).) Dans d’autres cas, les entreprises ont négocié l’augmentation du nombre d’heures sans toucher à la rémunération de base de leurs salariés. C’est le cas de Smart France (Moselle), dont 93% des 800 salariés ont voté pour la semaine des 39 heures payées 37 afin de préserver leurs emplois jusqu’en 2020. Cette prise de position s’inscrit dans le cadre du pacte de compétitivité en cours de négociation au sein de cette entreprise (Les Echos, sept 2015).

1.3 Des organisations du temps de travail qui évoluent : conséquences

Pour s’adapter à ce nouvel ordre économique, les entreprises font évoluer leurs modes d’organisation du travail et celle du temps de travail. François Dupuy (2005) qualifie cette mutation de seconde révolution d’ordre organisationnel. Il devient déterminant pour les entreprises de penser leur organisation de leur temps de travail. Ainsi, pour répondre aux besoins clientèles et aux donneurs d’ordre, elles vont, d’une part, travailler de plus en plus en flux tendu pour réduire au maximum leurs stocks et donc réduire leurs coûts. D’autre part, elles développent la livraison en juste à temps, qui a pour conséquence de réduire les « temps morts ou improductifs » (Nicole Aubert, 2003). Dans cette configuration, le temps de travail devient une variable d’ajustement. C’est un des ressorts sur lesquels on intervient pour pouvoir s’adapter rapidement aux impératifs du marché. Un autre effet de la mondialisation constaté est le développement de la flexibilité du temps de travail, qui peut revêtir diverses formes (temps décalés, temps segmentés, etc.). Estéban Martinez (2010) détermine que cette flexibilité a pour but de mieux répondre aux demandes et besoins exprimés, maîtriser les coûts des ressources et rentabiliser les investissements technologiques. Un autre mode d’organisation émerge également : celui de la sous-traitance et de la prestation de services. Les entreprises font appel régulièrement à ces nouveaux services à différents moments de la chaîne de production de biens et services, ce qui leur permet d’externaliser une partie de leur main d’œuvre. Enfin, ces entreprises développent de nouveaux modes d’interaction, de gestion des tâches qui vont évoluer et s’adapter au contexte économique pour leur permettre une plus grande réactivité (François Dupuy, 2005). Pour tenir les délais et répondre aux besoins d’exigence des clients, les entreprises demandent à leurs salariés et à leurs cadres de développer des compétences multiples. Ceci nécessite de la polyvalence (être capable d’exercer plusieurs fonctions à la fois), de la polycompétences (être capable de réaliser plusieurs tâches), de travailler en équipe et de satisfaire totalement le client via le développement des normes de qualité (Philippe Askenazy, 2004). Dans ces exemples d’évolution organisationnelle, les conséquences sur l’organisation du temps de travail sont multiples. Ce nouveau « productivisme réactif » entraîne un accroissement de l’autonomie et le développement des compétences, mais il a aussi de profondes conséquences sur les conditions de l’organisation du temps de travail (Philippe Askenazy, 2004). Ces nouveaux modes d’organisation créent aussi de la pénibilité en accroissant notamment la charge de travail : les cadences augmentent en même temps que les tâches, on tend à éradiquer les temps improductifs en mobilisant intensivement le temps de travail et en augmentant sa densité.

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Nicole Aubert (2003) constate que certains temps sociaux sont réduits, comme par exemple les temps de pause, les temps d’échange, de transfert d’information et de compétences, les temps d’intégration ou de formation. Le salarié doit être opérationnel de plus en plus rapidement. Le temps passé sur une mission est réduit. Par exemple, dans certaines entreprises l’injonction de changer de poste tous les 3 ans réduit le temps passé sur un projet avec un impact évident sur sa mise en œuvre et son résultat. Le risque in fine est la perte de lien social et l’insatisfaction voire la démotivation des salariés2. Le salarié est confronté de plus en plus à une culture de l’immédiateté, de l’instantanéité et de la vitesse, conséquence de la domination du pouvoir économique, de la pression des marchés et des actionnaires. Les conditions du travail des salariés et les organisations temporelles sont impactées non seulement par les normes de production mais aussi par les demandes de la clientèle et celles des donneurs d’ordre. Dès lors, les organisations doivent se transformer et s’adapter pour faire face à la concurrence mais aussi pour absorber les innovations technologiques (Estéban Martinez, 2010), comme nous le verrons dans le chapitre suivant. Dans ce contexte en forte mutation, le DRH doit faire preuve d’anticipation et d’agilité afin de développer une organisation du temps de travail en adéquation avec les nouveaux impératifs de l’économie. Mais un autre enjeu se dessine aussi pour les DRH : celui des TIC, de leurs utilisations mais aussi des risques qu’ils génèrent s’ils ne sont pas encadrés par des règles d’usage.

2Nous y reviendrons dans le chapitre 4.

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Chapitre 2 : L’influence des TIC sur l’organisation du temps de travail : entre libération et aliénation

« On dit que le temps change les choses, mais en fait le temps ne fait que passer et nous devons changer les choses nous-mêmes. "

Andy Warhol Depuis quelques années, les Technologies de l’Information et des Communications (TIC) ont bouleversé nos vies professionnelles et personnelles en rendant leurs frontières plus poreuses et en modifiant profondément et durablement nos modes de travail. Les TIC ont un impact important sur les temporalités et les espaces de travail. Ainsi, on voit se développer le télétravail, le nomadisme, le travail en horaires décalés, etc. Après avoir défini les TIC et leur poids en France (A), nous mettrons en perspective les principaux impacts que ces outils ont sur les organisations et les salariés ainsi que les principaux changements qu’ils induisent (B). Puis, dans une dernière partie, nous aborderons les risques que peut générer un usage non contrôlé des TIC (C).

2.1 Les TIC : de quoi parle t-on ? Les TIC englobent aussi bien les Smartphones, ordinateurs, tablettes, qu’Internet et autres objets connectés. Apparus il y a 25 ans, ils sont devenus synonymes d’ouverture sur le monde, d’innovation et de révolution. Leur développement et leur impact dépassent ceux de la révolution industrielle que notre société a connue au 19ème siècle. La fracture numérique tant crainte à l’arrivée des TIC n’a pas eu lieu… Aujourd’hui, 66% des Français utilisent personnellement Internet tous les jours ou presque et 49% des salariés utilisent Internet pour des raisons professionnelles. En revanche, ils ne sont que 14% à ne jamais l’utiliser (Futuribles, sept-oct. 2015). En termes de taux d’équipement, les indicateurs sont encore très positifs puisqu’on est passé de 4 % en 1997 à 96% en 2007 de taux d’équipement en téléphone mobile et de 22% en 2001 à 76% en 2012 de taux d’internautes âgés de + de 11 ans (François Jauréguiberry, 2014). L’usage des TIC s’est généralisé dans les sphères personnelles et professionnelles. Quant à la sphère professionnelle, l’enquête de 2006 du dispositif COI3 relève que 13,8% des salariés utilisent souvent un ordinateur pour travailler hors de leur bureau et que 18,8% des salariés utilisent un ordinateur ou une connexion Internet chez eux pour des raisons professionnelles (La documentation française, 2012). Quant à la sphère personnelle, les personnes connectées passent de plus en plus de temps devant leur ordinateur. Plus de 75 minutes y sont consacrées chaque jour (Gilles Moutel, 2002). Ce temps est généralement pris sur le temps domestique. Certaines tâches permettent 3 Changements Organisationnels et Informatisation. Le C.O.I est un dispositif d’enquêtes coupléesentreprises ou établissements employeurs/salariés sur les changements organisationnels etl’informatisation, enrichi de données administratives à la fois du côté des employeurs et du côté dessalariés,menéparleCEE,laDGAFP,laDARES,laDRESetl’INSEE(http://enquetecoi.net/)

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d’épargner du temps (courses en ligne), d’autres n’ont pas de finalité pratique (surfer sur le net). Cette généralisation à tous niveaux des TIC implique une certaine faculté d’adaptation de la part des organisations et des salariés tant les impacts sont nombreux.

2.2 Les organisations, les salariés et les TIC : quels impacts ?

2.2.1 Les impacts sur les organisations En quelques années, les TIC ont accéléré le rythme de l’économie mondiale en imposant de plus en plus le modèle d’une économie du temps réel, grâce à la convergence de l’informatique, des télécommunications et de l’audiovisuel. Ces développements se font évidemment au service d’une circulation, tous azimuts et en temps réel, de l’information. Les TIC jouent un rôle ambivalent. Elles permettent une amélioration de la productivité d’un côté, génératrices d’une exigence croissante de réactivité et de tenue des délais de l’autre. (Gilles Moutel, 2002) Les TIC ont été massivement intégrées par les entreprises. Mais cette métamorphose les a conduits à réfléchir à leur organisation en développant, par exemple: § De nouvelles formes d’organisation du travail en raison de la virtualisation des relations

interpersonnelles qui peuvent garantir un travail plus collaboratif (réseaux sociaux d’entreprise, visioconférence, etc.).

§ L’intégration de logiciels de gestion qui a permis de gérer, sur une seule et unique

application, l’ensemble des fonctions d’une entreprise. Pour la mise en place de ces logiciels, des projets d’envergure sont nés, rassemblant personnes de départements divers, pour créer une équipe projet, qui a, comme objectif principal, de tenir les coûts et les délais.

§ Des formes de collaboration alternative avec les fournisseurs comme des passerelles

virtuelles, qui ont permis la naissance d’organisation en service partagé (cloud, progiciel sur Internet, délocalisation des serveurs, etc.).

§ Une adaptation à l’accélération des modes de consommation des clients. Les

conceptions des produits et les productions en flux tendus ou hypertendus en sont des exemples (ex : fabrication PC DELL).

Les TIC ont également une incidence importante sur l’organisation du temps de travail des salariés car elles tendent à modifier leur rapport au temps qui se caractérise désormais par une croissance de l’urgence, du temps réel et de l’immédiateté (Nicole Aubert, 2003). Ces outils participent « à la transformation des normes de disponibilité avec notamment une pression du réel et de l’immédiateté qui s’intègrent dans une évolution globale de notre rapport au temps ». (La documentation française, 2012). Il devient indispensable de redéfinir les normes collectives du temps de travail afin de tenir compte du mouvement de dé-standardisation et de diversification des régimes temporels qui se développent.

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2.2.2 Les impacts sur les salariés Les impacts sur les rapports de travail se mesurent tant dans l’espace que dans le temps, les deux étant somme toute inextricablement mêlés. Les TIC contribuent d’abord à la multiplication des lieux de travail « hors mur » et à la banalisation du travail à distance. Désormais, quel que soit le lieu où le salarié se trouve, il peut accéder à son bureau aisément. Cela permet des gains de temps (temps de transport par exemple). Cette nouvelle « culture numérique » transforme les relations au temps et à l’espace (Futuribles, 2015). Elle a pour conséquence de brouiller les frontières entre vie professionnelle et vie privée et crée ce que d’aucuns nomment « la dissymétrie des intrusions » (Francis Jauréguiberry, 2014). Il n’y a donc plus de séparation hermétique entre "le fait d’être au travail" et le" fait de ne pas y être". Les temps se confondent et nécessitent pour les individus un effort accru d’organisation pour éviter de "se noyer". Mais les TIC et les outils nomades ont aussi changé profondément les relations des salariés à leur travail et entraînent « une mutation radicale dans le rapport au temps » et une « révolution de l’instantané » (Nicole Aubert, 2003). Cela a, pour conséquence, de modifier les modes de travail, puisque le bureau virtuel est accessible partout. Les temps non productifs ou perdus se réduisent pour laisser place à des temps rentabilisés ou productifs (Nicole Aubert, 2003). Par exemple, lors des temps de transport, certains salariés ou cadres continuent de travailler depuis leur Smartphone ou tablette : pour régler les urgences, les questions fournisseurs ou les sollicitations de leurs managers ou de leurs équipes. Les TIC ont permis au travail de s’affranchir du périmètre du bureau.

FOCUS SUR LE TELETRAVAIL

Le télétravail tend à se développer au sein des entreprises. Il a été « inventé » en 1981, grâce à l’alliance de l’informatique et de la communication. Dans le nord de l’Europe, le télétravail s’est développé plus vite dans les années quatre-vingt-dix. Au contraire en France, le télétravail s’est développé plus lentement. Une explication est que les structures institutionnelles bureaucratiques et centralisées inhibent les formes de travail plus libres. Les managers ont encore tendance à mesurer leur pouvoir et leur sentiment d’existence au nombre de subordonnés qu’ils surveillent. Un rapport du Centre d’analyse stratégique de 20094 combine les résultats de 3 enquêtes, portant sur 15 pays de l’OCDE : le télétravail reste peu développé en France, mais en augmentation régulière chaque année, sur la base d’un chiffre très approximatif de 5 à 10% de salariés. Après des années de flou juridique, l'accord interprofessionnel du 19 juillet 2005 est venu encadrer la pratique du télétravail. Il a fallu attendre la loi de simplification de mars 2012 (Articles L1222-9 à -11), pour avoir un cadre juridique plus précis sur la mise en place du télétravail, pour définir les règles d’application, les devoirs des salariés et de l’employeur. Celui-ci doit veiller à ne pas entraver la vie privée et familiale du télétravailleur, qui ne doit pas être sollicité en permanence. À cette fin, les accords renvoient souvent à la concertation entre le manager et le salarié pour fixer des plages horaires, figurant au contrat de travail, en dehors desquelles celui-ci ne pourra pas être contacté. Mais il n’y a aucune référence au fait qu’il s’agisse d’un salarié au forfait jour ou au forfait heures. Dès lors, comment peut-on

4www.anact.fr«Letélétravail:oùenest-onen2014?»

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contrôler les heures travaillées ou les heures de repos ? Dans le cas du télétravail, l’organisation du temps de travail du salarié risque d’échapper aux contrôles. Par exemple, la CPAM de Saint-Denis propose le télétravail à environ 60 cadres qui sont dans des fonctions de service. Le rythme proposé est de 3 jours maximum par semaine avec des jours fixes. Ce dispositif est proposé aux cadres dont l’activité est compatible. Hervé Planas, le DRH nous explique que le télétravail n’est « pas encore pour les cadres managers. Il a fait l’objet d’un accord, signé l’année dernière pour une expérimentation. Les cadres choisissent des activités télé-travaillées de réflexion ou d’étude, pour leur permettre de se concentrer plus facilement chez eux et d’éviter d’être dérangés par leurs collaborateurs. Il s’agit d’avoir du temps pour eux plus que du temps chez eux. » Grâce ou à cause des TIC, le travail s’immisce dans le temps privé. Ces outils permettent de travailler plus vite mais aussi plus longtemps, dans des espaces en dehors du bureau et en dehors du temps comptabilisé par une badgeuse par exemple. Un tiers des managers européens déclarent travailler le soir chez eux (35%), près d’un tiers (29%) durant les week-ends et 7% régulièrement durant leurs vacances. Mais cette porosité des temps sociaux fonctionne aussi à l’inverse : le temps privé s’invite aussi dans l’espace du bureau. A ce titre, les entreprises les plus pragmatiques estiment que « l’entreprise doit être enfin considérée comme un cadre de vie et pas uniquement comme un cadre de travail ». Naissent des espaces privés dans l’espace de travail où les salariés ont à disposition des outils pour gérer l’organisation de leur vie privée (Gilles Moutel, 2002). En outre, 83% des cadres estiment que les TIC accroissent le volume d’information qu’ils doivent traiter et 86 % établissent une relation de cause à effet entre communication électronique et rapidité de traitement. 78 % pensent que les TIC engendrent un nombre croissant de tâches à traiter en dehors des horaires ou du lieu de travail. Il semble que les femmes (78 % contre 81 % des hommes) et les jeunes (75 % contre 83 % des salariés plus âgés) se prémunissent un peu mieux contre ce phénomène. En moyenne, 72 % des cadres travaillent dans des entreprises qui n’ont pris aucune mesure de régulation de la communication circulant par les TIC et plus du tiers ont le sentiment de ne bénéficier d’aucun droit à la déconnexion. En effet, 29 % d’entre eux déclarent travailler en vacances, 35 % le week-end et 41 % en soirée. (Francis Jauréguiberry, 2014). Philippe Lesieur, DRH de BPCE nous explique : « Il faut réguler l’usage des Smartphones pour éviter l’envoi de mails à 23h00 et le fait que le collaborateur se sente obligé de répondre à 23h05. Les outils nomades envahissent nos soirées, weekends et jours de congés. Il est nécessaire de réguler leur usage ». « Baisse du temps de travail rime souvent avec charge de travail identique. Il faut donc aller plus vite, aidé par les nouvelles technologies de l’information et de la communication » (Gilles Moutel, 2002). Les Européens travaillent sans doute moins longtemps, mais à un rythme accéléré. Cette intensification du travail a été ressentie surtout par les cadres. Dans le rapport Qualité/Temps5, près de 6 cadres sur 10 estiment gérer parfaitement leur temps et pourtant être débordés. 20% s’identifient comme « parfaits gestionnaires », 20% sont représentés par les « fatalistes » qui ne gèrent plus le trop-plein dont ils souffrent. Ce 5Le rapport Qualité-temps 2001, enquête Ipsos/Chronopost, juin 2001

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débordement est dû, également, et bien évidemment, à la pression technologique. Le gain de temps que ces technologies ont permis, a facilité et accéléré la circulation de l’information. La prise de décision a été hâtée. Le travail est devenu nomade. Le cadre doit donc devenir plus efficace, plus rapide. Pour deux tiers des managers européens interrogés, la pression sur les délais s’est ainsi accrue parallèlement à la diffusion des nouvelles technologies. Avec l’intensification du travail, la pression constante des délais et les objectifs à atteindre toujours plus vite, le stress se porte à merveille ! 30% des salariés de l’Union Européenne sedéclarentstressés. Mobilité et télétravail sont les enfants de ces nouvelles technologies qui ouvrent le chemin d’une porosité croissante entre le temps de travail et le temps libre (Gilles Moutel, 2002). Aussi de nombreuses entreprises ont-elles entrepris de revisiter la pratique des TIC afin de poser un cadre et lutter contre certaines dérives.

2.2.3 Des TIC ou des TOC ?

De nombreuses études dressent un constat alarmant sur l’impact des TIC dans la vie professionnelle et la vie privée des salariés et, a fortiori, des cadres (avec ou sans management). Du fait des frontières de moins en moins étanches, il y a une intrusion du professionnel dans le privé et vice-versa. Certes, « Ce ne sont pas les outils eux-mêmes mais leur usage qui est déviant » (Francis Jauréguiberry, 2014). D’un côté, les TIC sont une révolution dans la vie des individus en permettant un accès à une information large, une rapidité d’exécution, une mise en contact instantanée. D’un autre côté, ils peuvent devenir les pires ennemis en s’immisçant partout, en développant un trop plein informationnel au risque de devenir « le fil à la patte » du salarié. Un rapide tour d’horizon des dérives liées à l’usage des TIC dans le champ professionnel conduit en isoler quatre : = > Risque 1 : Les TIC redéfinissent les contours du temps de travail et entraînent de nombreux salariés vers l’hyper activité. Les salariés, hyper connectés, ont l’impression de subir le temps. Ces salariés ont ainsi le sentiment de plus en plus fort de travailler dans l’urgence en raison d’un temps de travail compressé. Ces TIC peuvent générer chez les salariés, et les cadres plus particulièrement, une confusion entre l’urgent et l’important. Cette urgence est à la fois source d’adrénaline (sentiment d’importance, de compter, de puissance, etc.) mais aussi de stress, d’angoisse, d’épuisement, voire de dépression. Le salarié est pris dans l’étau de travailler plus dans un temps réduit. La charge de travail peut devenir écrasante puisque le salarié est pris dans la spirale du tout instantané. « La société devient alors malade de son temps ». Ces outils contribuent à instaurer un climat d’urgence (Nicole Aubert, 2003). = > Risque 2 : Ces TIC favorisent également l’hyper réactivité, à savoir une disponibilité qui serait quasi-permanente de la part des cadres, des réponses en temps réels aux divers interlocuteurs. Les différents temps sociaux sont, dès lors, superposés voire amalgamés. Ces instruments sont devenus incontournables et indispensables. La « connexion s’est entre-temps convertie en norme » au risque de devenir facteur de stress, car « la normalité est de décrocher immédiatement son téléphone surtout s’il est portable. La normalité est de répondre dans la demi-journée, voire dans certains cas dans l’heure aux e-mails reçus »(Nicole Aubert, 2003).

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= > Risque 3 : Le phénomène de Chrono-compétitivité, à savoir cette posture « où celui qui dégaine plus vite emmène le morceau » (Hartmut Rosa, 2010). Les cadres principalement se déclarent être dépassés, débordés. Tout se fait alors dans l’urgence au détriment de la réflexion. On voit apparaitre un phénomène inquiétant, « l’effet bouchon », avec une confusion de l’important et de l’urgent. Ce phénomène peut mener à des situations extrêmes telles que la dépression ou le burn out. Risque 4 : Francis Jauréguiberry a identifié dans certaines entreprises, un manque de compétitivité de leurs salariés en raison d’une hyper sollicitation. Des expériences ont été réalisées sur l’usage des mails. On constate que les salariés ont besoin d’un laps de temps plus long pour se concentrer à nouveau après avoir répondu à des mails. Ainsi, les TIC interrompent les tâches toutes les 12mn et 90% déclarent utiliser Internet au bureau à des fins personnelles ou aller sur les réseaux sociaux. (ANACT, 2011). Un phénomène se développe actuellement : l’aspiration à la déconnexion. Pour se préserver d’un trop plein informationnel, les personnes sont de plus en plus tentées par la déconnexion volontaire qui consiste à éteindre son portable ou fermer sa boîte mail à certains moments de la journée ou du week-end. Il s’agit d’instaurer des sas de décompression réguliers afin de créer une prise de recul et ralentir le rythme. Gérard Taponat, Directeur des relations sociales et professeur à Paris-Dauphine nous dit : « On pense que l’outil est magique parce qu’il permet de gagner du temps, de dématérialiser, etc.». Or, il y a un vrai problème causé par l’outil. On est dépassé par le rythme, la sollicitation, le changement comportemental. Le tout-mail modifie considérablement le principe de responsabilité…tout ça la DRH ne l’a pas travaillé. On n’a pas formé les managers à repérer ce qui est important/pas important, urgent/pas urgent. On est dans le cœur de l’organisation qui fait que sans le traiter, l’outil va venir étouffer le rapport salarié/organisation. La DRH a donné à la technologie la solution des problèmes qu’elle n’a pas résolus. »

FOCUS JURIDIQUE : LE DROIT A LA DECONNEXION. On voit apparaître un souhait au droit à la déconnexion. Prenant toute la mesure de l’impact de l’arrêt de la Cour de Cassation du 24 avril 2013 sur les forfaits jours et dans le souci de la préservation et de l’amélioration de la santé au travail, les partenaires sociaux de la Branche des Bureaux d’Etudes Techniques, Cabinets d’ingénieurs-conseils, Sociétés de Conseil (Syntec) ont procédé à la signature d'un accord relatif aux forfaits jours en avril 2014. Cet accord explicite l’ «obligation de respecter les durées minimales de repos et l’instauration d’une obligation de déconnexion des outils de communication à distance ». L’ancien ministre du Travail, François Rebsamen a commandé un rapport à Bruno Mettling6 sur ce sujet. Son auteur considère que « Le numérique est d’abord une opportunité pour penser différemment l’organisation du travail, le fonctionnement de l’entreprise au quotidien. Mais il peut aussi être porteur de risques pour la santé des salariés, qu’il convient d’anticiper. Il ne faut pas que ça serve de prétexte pour mettre à bas le code du travail. » (Le Monde 15 sept 2015). Le Rapport de Bruno Metttling est composé de 36 préconisations dont « un droit à la déconnexion professionnelle qui doit se généraliser par négociation d’entreprise ». L’infobésité qui gagne toutes les entreprises et se propage chez les cadres, a 6DirecteurGénéraladjointchargédesRessourcesHumainesd’Orange

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été un des thèmes traités par la conférence sociale du 16 octobre 2015 sous l’autorité de la ministre du Travail. Dans les entreprises, de nombreux DRH se sont déjà emparés du sujet en mettant en place notamment des chartes TIC afin de réguler leur usage. On peut citer l’exemple de Volkswagen qui a rendu indisponible l’usage du Smartphone entre 18h15 et 7h30 ainsi que le week-end, en concluant un accord d’entreprise en juillet 2011. Autre exemple, le cas de REUNICA (AG2R) qui a intégré une charte NTIC à son règlement intérieur. Il est essentiel que les DRH avec les managers réfléchissent à un meilleur usage des TIC, à la fois porteuses de facilités dans l’activité mais aussi de contraintes importantes pour le collaborateur. Conscients des risques de dérive, les entreprises réfléchissent au sujet en mettant en place des systèmes plus coercitifs. Les DRH seront probablement aidés par un renforcement des discussions sur le sujet à la suite de la Conférence Sociale d’octobre 2015. En effet, l’économie numérique et le droit à la déconnexion sont un des points à l’ordre du jour. Cette prise en compte est d’autant plus importante que les comportements des salariés et des cadres sont en train de changer, poussés par l’arrivée de la génération Y, mais aussi par la volonté de s’accorder du temps pour soi comme nous le verrons dans le chapitre suivant.

Chapitre 3 : La demande sociale d’une individualisation de l’organisation du temps de travail

" [...] notre obsession du temps qui passe, qui est gagné ou perdu, nous fait oublier que c'est nous qui passons. "

Pierre Rabhi

Une tendance forte émerge chez les salariés, dont beaucoup d’observateurs et d’analystes se font l’écho : l’aspiration à un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, et le désir d’une organisation du temps de travail individualisée, en phase avec cette aspiration. On observe cette tendance chez l’ensemble des salariés occidentaux (3.1) avec des spécificités en France (3.2). Tout cela est le signe d’une profonde mutation de notre société et plus spécifiquement du rapport des individus au travail (3.3).

3.1 Une tendance chez l’ensemble des salariés occidentaux

3.1.1 Le temps : un bien rare et précieux

« Les salariés européens font désormais du temps un bien tout aussi désirable que l’argent. » Par cette phrase, Gilles Moutel (2002), résume le résultat d’une étude internationale conduite par Ipsos sur le temps privé, le temps de travail et le temps des entreprises. Le fameux «Time is money» de Benjamin Franklin n’est plus à la mode chez les Européens : un sur deux déclare manquer autant (12%), voire plus (36%), de temps que d’argent. Désormais « Money is time ! » Les Américains sont encore plus frénétiques que les Européens dans la course au temps. 50% estiment manquer plus de temps que d’argent, avec seulement 11% qui estiment manquer des deux. Prendre le temps de bien vivre sa vie rivalise désormais avec le besoin de mieux la gagner, avec une nuance liée au niveau des revenus. En effet, ceux qui courent après le temps ont des revenus moyens ou hauts, tandis que ceux avec des bas revenus courent plutôt après l’argent. Néanmoins, d’une manière générale, émerge chez les individus, la

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volonté de choisir entre temps de travail et temps libre. Cela en amène beaucoup à privilégier davantage de temps libre et parfois en contrepartie un salaire moindre. C’est le développement des formes atypiques d'horaires demandées par les individus : la semaine de travail comprimée, l'horaire de travail variable, le partage de poste, le télétravail et le bureau virtuel, le nomadisme, le travail à temps partiel, etc. A ce titre, l’exemple du Québec est éloquent. L’emploi atypique y prend de plus en plus d’importance. En effet, les salariés qui occupent un emploi, permanent, à temps complet, dans les locaux de l’employeur, et pour une durée indéterminée, sont de moins en moins nombreux. Plus de 1,2 millions de Québécois, soit 37% de la population active, comparativement à 17% en 1976, occupent un emploi atypique. Ce chiffre comprend les travailleurs autonomes, les travailleurs à temps partiel, les contractuels engagés pour une durée déterminée, les travailleurs saisonniers, et les employés d’agence de location de personnel. En outre, la semaine de travail de quatre jours constitue, au Québec, la tendance dominante en matière de conciliation travail-famille (John R.Schermerhorn Jr et al., 2010). Mais l’enjeu pour les individus n’est pas seulement d’avoir davantage de temps : il s’agit aussi d’en avoir la maîtrise.

3.1.2 La maîtrise du temps prime sur sa réduction

Paradoxalement, note Gilles Moutel, alors que la réduction du temps de travail est à l’ordre du jour dans tous les pays européens, exception faite pour la Grande-Bretagne, 64% des cadres européens estiment consacrer trop de temps à leur travail. La disparition progressive des rythmes collectifs de travail en faveur des rythmes individualisés complexifie la mesure même du temps que l’on y consacre. « L’œil rivé sur la montre, les Européens affirment maîtriser leur temps. Comme s’ils ne couraient pas après lui mais avec lui, et parvenaient, au prix d’une organisation sans faille, à le prendre de vitesse », explique Gilles Moutel. « Des milliers de personnes interrogées vivent plus de vingt-quatre heures par jour, du moins elles en ont l’impression. Elles ont tant à faire». Interrogés sur leur temps quotidien, Européens et Américains affichent des tâches qui, mises bout à bout, font une journée plus longue que 24h. La superposition des temps permet de fabriquer un surplus temporel : faire les courses sur Internet au bureau, lire dans les transports etc., avec une nuance importante entre les hommes et les femmes, ces dernières se disant plus pressées et subissant le temps plus qu’elles ne le maîtrisent. L’anthropologue américain Edward T. Hall dans son ouvrage « Le langage silencieux » paru en 1959, introduit la conception monochrone ou polychrone du temps pour expliquer les différences dans la perception du temps selon les cultures. La polychronie est la capacité à assister à de multiples événements simultanément (« plusieurs choses à la fois »), par opposition à la monochronie, où les événements se suivent séquentiellement (« un seul temps, une chose à la fois »). Un Européen sur cinq dit avoir bénéficié d’une réduction de son temps de travail. 84% estiment que cette réduction, qui a permis de libérer du temps, a aussi amélioré leur qualité de vie. Mais les salariés qui perdent la maîtrise de la distribution du temps libéré sont logiquement moins satisfaits. Par exemple, en France, les "RTTistes" ont été étudiés (Gilles

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Moutel, 2002) surtout par la DARES7. L’étude fait état chez les salariés « d’un sentiment global d’amélioration de leurs conditions de vie quotidienne (…) chez ceux qui ont pu bénéficier d’une demi-journée ou d’une journée à prendre régulièrement, ou des jours de congés supplémentaires», donc ceux qui peuvent choisir. L’appréciation s’inverse lorsque le temps libéré n’est pas distribué régulièrement dans un calendrier fixé à l’avance : « Les salariés dont le temps de travail est modulé font moins état d’une amélioration de leurs conditions de vie et de travail. En effet, dans le cas des accords de modulation, les périodes basses peuvent inclure des jours de RTT déterminés par l’employeur » et donc ils ne peuvent pas choisir. C’est ce que nous confirmeront les cadres qui ont répondu à notre questionnaire, destiné à évaluer leur degré de satisfaction sur l’organisation de leur temps de travail, dont nous ferons une analyse précise en seconde partie. La très grande majorité d’entre eux privilégie l’autonomie, le choix dans l’organisation du temps de travail, plutôt que la réduction brute, imposée.

3.2 Des spécificités en France Selon une enquête de l’Insee de 2000 (Dominique Meda, 2013), le temps de travail moyen d’un actif occupé aurait baissé de 14 minutes par jour entre 1986 et 1999. Les femmes consacreraient moins de temps aux tâches strictement ménagères et le temps contraint ayant diminué de près d’une demi-heure par jour entre 1986 et 1999, c’est le temps de loisirs qui aurait été le grand bénéficiaire de ces évolutions : il augmente en 13 ans de près d’une demi-heure par jour, en moyenne, pour l’ensemble de la population. Paradoxalement, le sentiment de manque de temps est plus fort en France que dans les autres pays européens alors que c’est là où la durée légale du travail est une des plus faibles. C’est ce qui ressort d’une enquête de l’Observatoire Thalys/Ipsos (Dominique Meda, 2013). En fait, l’enquête Insee de 2000 révèle que si le temps de travail moyen d’un actif occupé a effectivement baissé depuis 13 ans, le temps de travail des salariés à temps complet, a, lui, augmenté de 8 minutes par jour de 1986 à 1999 et celui des cadres d’une demi-heure. Au final, les personnes déclarant souffrir de manque de temps et faisant état d’un besoin de surcroît de temps libre, non professionnel, ne le font pas au nom des loisirs mais au contraire pour consacrer plus de temps à leur famille. C’est un point commun aux salariés français et européens. En effet, « temps libéré n’est pas toujours synonyme de temps libre », explique Gilles Moutel. A la question de savoir ce qu’ils feraient du temps libéré par une diminution de leur temps de travail, 44% des répondants européens estiment que la famille serait la bénéficiaire d’un éventuel supplément temporel. Viennent ensuite le sport (28%), s’occuper de soi (25%), se cultiver (20%), voir ses amis (18%), se reposer (15%), partir en voyage (11%), travailler (8%), ne rien faire (6%) et même faire les courses (5%). Et les aspirations sont très fortes à une meilleure articulation du temps professionnel, du temps parental, du temps domestique, du temps de repos, du temps de loisirs. Dans notre questionnaire, l’analyse du verbatim révèle que 45% des cadres disent vouloir consacrer plus de temps à leur famille, 34% à l'amélioration de leur pratique professionnelle et des échanges avec leurs collègues, et seulement 21% aux loisirs.

7Directiondel'AnimationdelaRecherche,desEtudesetdesStatistiques

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En France, les changements sociologiques expliquent également une forte demande de conciliation des temps (familles monoparentales ou recomposées, travailleurs âgés plus ou moins proches de la retraite, étudiants à temps partiel qui concilient études et travail, etc.) Une étude réalisée par TNS Sofres pour l’ANACT8 en 2014, indique que 49% des parents qui travaillent s’inquiètent de ne pas passer assez de temps avec leur compagnon et 55% estiment qu’ils ne peuvent pas s’occuper de leurs enfants comme ils le souhaitent. Une enquête de l’Observatoire de la Parentalité en Entreprise, réalisée auprès de parents d’enfants de moins de 5 ans, le confirme : 82% d’entre eux disent manquer de temps au quotidien (Famili, 2014). Dans le même ordre d’idées, en 2012, dans un rapport de l’Observatoire de la Responsabilité Sociétale des Entreprises (ORSE), Sylviane Giampino et Brigitte Grésy9 confirment la volonté des salariés, cadres notamment, d’en finir avec le poids des normes dites masculines illustrées en pratique par un discours du type : « je suis le meilleur parce que je travaille 12 heures par jour et que j’ai un gros salaire », « être un gagnant », « ne jamais montrer de faille ». Les auteures constatent l’émergence chez les salariés cadres masculins d’une aspiration à un meilleur équilibre vie professionnelle/vie familiale. Pour sa part, l’association Mercredi-c-Papa (hors-série Liaisons sociales, 2014), réunit des hommes convaincus que l’on peut accéder à la réussite professionnelle sans sacrifier sa vie familiale. Chez les hommes cadres aussi, le changement est donc de taille : le travail n’est plus l’objectif ultime de la réalisation de soi, de l’épanouissement personnel. Il n’est qu’un support, un moyen parmi d’autres facteurs, de cette réalisation de soi, qui varie en fonction de l’envie de la personne, du moment de sa vie, de sa situation.

3.3 Une profonde mutation de notre société et du rapport des individus au travail

3.3.1 L’affirmation de l’individualité

Les sociologues ont mis en évidence l’émergence et l’affirmation de l’individualité comme ce que Philippe Zarifian (2001) appelle « un produit civilisationnel essentiel ». François Dubet (2002) explique que, pour la tradition sociologique classique, la modernité est définie comme l’émergence progressive de l’individualité, comme l’affirmation de l’individu en tant qu’acteur social et que sujet. Et la division du travail serait à l’origine du processus d’individualisation. « C’est elle qui ferait émerger la notion de rôle impliquant une séparation entre les acteurs et une promotion légitime de leurs intérêts individuels, un désenclavement des communautés, une certaine mobilité et une autonomie relative des consciences. Mais relative seulement car les consciences sont longtemps restées enfermées dans les petites sociétés que sont les villages, les classes sociales et les familles. » Par opposition, les institutions, dont les entreprises font partie, proposaient des cadres et des principes plus larges, plus universels, des valeurs indépendantes des situations particulières. Néanmoins, nous vivons aujourd’hui une rupture. C’est, selon l’expression de François Dubet, « le déclin de l’institution, du “programme institutionnel” » qui impacte aussi l’entreprise. D’ailleurs, ce sont les entreprises privées qui ont été les premières à être

8Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail 9 www.orse.org « Le poids des normes dites masculines sur la vie professionnelle et personnelle d’hommes du monde de l’entreprise »

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réorganisées selon des axes horizontaux et des exigences de flexibilité. C’est ce que certains appellent “le nouvel esprit du capitalisme”. « Le programme institutionnel qui se perçoit comme un monde vertical allant du haut vers le bas, engendrant un modèle bureaucratique “à la Weber”, est aujourd’hui, un modèle dépassé ». Un constat partagé par John R.Schermerhorn Jr et al. (2010), pour lesquels les structures hiérarchiques traditionnelles se révèlent peu efficaces devant les pressions et les exigences auxquelles les organisations doivent aujourd’hui répondre, du fait de l’environnement économique, des TIC mais aussi des aspirations mêmes des salariés. Elles sont en voie d’être remplacées par des structures flexibles et des cadres de travail participatifs dans lesquels le capital humain est apprécié à sa juste valeur. En plus de l’affirmation de l’individualité, de nouveaux enjeux placés au cœur de la vie professionnelle modifient le rapport de l’individu au travail.

3.3.2 L’importance de la prise en compte du péri-travail Eric Le Breton (2008) note que l’accès des salariés au travail s’effectue aujourd’hui dans un contexte de double contrainte : les distances à parcourir s’allongent sans cesse et les rythmes de la vie quotidienne se désynchronisent toujours plus. Longtemps, les salariés et les entreprises ont profité des facilités de mobilité (celles qu’apporte la voiture essentiellement) pour aller s’installer là où les terrains n’étaient pas trop chers, là où ils trouvaient une vie plus tranquille. Cette quête a fait émerger le périurbain. Mais, en conséquence, les distances à parcourir tous les jours pour aller au travail et en revenir se sont allongées, et avec elles les coûts des déplacements. Les charges se sont considérablement alourdies, si l’on ajoute au budget transport le remboursement de la maison ou le loyer. Un seuil d’éloignement entre domicile et travail a progressivement été franchi. Nombre d’entreprises ne parviennent plus à recruter et à garder les personnels dont elles ont besoin. Mais comment accepter et conserver un emploi à l’accès duquel il faut consacrer entre le quart et le tiers du salaire ? Certes, les transports ne sont pas seuls en cause. C’est toute la vie quotidienne des salariés qui est bouleversée par l’allongement des distances et la désynchronisation du travail. Dès lors qu’hommes et femmes travaillent et consacrent beaucoup de temps aux allers et retours entre domicile et travail, la question de la garde des enfants complique sérieusement l’organisation de la vie de tous les jours. Et c’est encore l’accès au logement qui doit être pris en compte. Si certains salariés sont contraints à deux ou trois heures de trajet pour se rendre sur leur lieu de travail, c’est que, sur un marché du logement de plus en plus tendu, ils ne peuvent pas choisir leur lieu d’habitation. Lorsqu’ils criaient « Métro-boulot-dodo, y en a marre ! » les citadins des années 1970 protestaient contre le rythme écrasant de la grande ville et du travail taylorisé. Entre l’usine ou le bureau et les quatre heures de déplacement quotidien dans des transports trop rares, il ne restait plus de temps ni d’énergie pour « autre chose » : les loisirs, la famille, les amis. La vie était certainement fatigante, mais elle avait une vertu aujourd’hui oubliée : la prévisibilité. Cette dernière vole en éclats. Les salariés n’ont plus la garantie de pouvoir se reposer demain sur l’organisation de la vie quotidienne mise en place hier.

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La mobilité quotidienne, la mobilité résidentielle et la garde des enfants sont trois éléments placés ensemble au cœur de la vie professionnelle. Pour designer d’un mot ces trois enjeux indissociablement liés les uns aux autres, Eric Le Breton parle de péri-travail. C’est dans ce domaine du péri-travail qu’émergent de nouveaux services d’aide, à l’initiative des entreprises qui ne peuvent plus faire l’économie de s’y intéresser si elles veulent attirer et fidéliser leurs personnels. Se développent des conciergeries d’entreprises et des crèches 24h/24, de nouvelles aides à la mobilité quotidienne et des aides au logement spécialement destinées aux salariés. Les chantiers sont donc ouverts. L’influence de l’environnement économique, des TIC, ainsi que l’aspiration des individusà un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, invitent les entreprises à repenser l’organisation du temps de travail de leurs salariés, cadres notamment. En effet, ce sont eux qui sont les plus à même de subir ces changements et en même temps de les influencer, voire même de mettre en place des stratégies pour en limiter les impacts négatifs sur leur vie et leur carrière.

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Chapitre 4 : Organisation du temps de travail et facteurs de risque pour les salariés et les entreprises

«Oncroituserletemps,c'estletempsquinoususe.»Proverbefrançais

Comme nous l’avons déjà vu dans les chapitres précédents, tous ces changements ont contribué à modifier profondément la façon de travailler, les frontières entre travail et temps sociaux mais aussi entre travail et non-travail. Tous ces changements ne sont pas sans risques : quels sont les inconvénients pour l'individu, et pour les entreprises? Quels sont les coûts en termes de santé physique, bien-être psychologique, famille et vie sociale? La performance de l’entreprise peut-elle être impactée? Dans ce chapitre, nous allons présenter les risques qu’une organisation du temps de travail peut engendrer pour les individus et l’entreprise sous différents prismes de réflexion. Nous avons décidé, concernant les risques sur la santé, de nous focaliser seulement sur les risques factuellement liés à l’organisation du temps de travail. Nous ne parlerons pas des autres risques multifactoriels liés au travail en général, comme le stress ou les risques psychosociaux, qui sont le résultat d’une conjoncture de pratiques d’entreprise ou de conséquences causées par l’organisation du travail associées à des horaires sans contrôle. Bien évidemment, dans une politique de gestion des risques, la santé du salarié doit être vue dans son ensemble au sein de l’organisation (évaluation des horaires, évaluation de la charge de travail, évaluation des rapports interpersonnels, etc.).

4.1 Les risques pour l’individu

4.1.1 Fatigue et santé Plusieurs études ont mis en évidence les impacts de la durée du travail sur la santé des individus. Récemment, une étude du IPD-Work10 montre les impacts des longues heures de travail (plus de 50 heures par semaine) sur la santé des travailleurs. Les auteurs de l’enquête démontrent que c’est un facteur de risque pour les maladies coronariennes, les incidents cardiaques et les risques d'AVC (Kivimaki et al. 2015). Chez cette population de travailleurs, les risques d’accidents cardiovasculaires augmentent de 30% par rapport à la population de travailleurs avec des horaires travaillés inférieurs. En Europe, selon le Fourth European Survey on Working Conditions, 16,9% des travailleurs des 27 Pays membres travaillent 48H par semaine. Travailler des heures irrégulières ou prolongées (planning décalé, irrégulier) peut avoir des conséquences négatives sur la santé et le bien-être en raison de la contrainte de l'interférence avec les fonctions psychophysiologiques et la vie sociale.

10IPD-Work10 (individual-participant data meta-analysis in working populations) est un consortium de recherche collaborative qui utilise les méta-analyses prédéfinies des données des études de cohortes multiples représentant un large éventail de pays. L'objectif du consortium est d'estimer de manière fiable les associations de facteurs psychosociaux liés au travail avec des maladies chroniques, l'invalidité et la mortalité.

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Dans son article, P. Tuckers (2012) démontre que la fatigue (état résultant de contraintes physiologiques ou psychologiques aboutissant à une diminution des performances physiques ou cognitives) est une conséquence à la fois de la quantité de temps qu'une personne passe à travailler (c’est à dire les heures de travail, par jour ou par semaine) et la manière dont le temps de travail est disposé (à savoir l'aménagement du temps). Les effets de la fatigue peuvent impacter non seulement la santé à court et long terme du travailleur, mais aussi la performance intellectuelle, la sécurité de l’individu, des équipes et au final de l’entreprise. Travailler beaucoup d’heures durant la journée peut provoquer une accumulation de fatigue, à la fois parce que il n’y a pas de temps de repos durant la journée et d’autre part, parce que la durée du temps de repos hors-travail se trouve amoindrie. Si les jours avec des amplitudes horaires importantes se suivent dans la semaine, et peut-être d’une semaine à l’autre, cela peut entraîner une importante accumulation de fatigue et des problèmes associés. Monique van der Hulst (2003) a conduit une analyse systématique sur les articles publiés depuis 1999 qui ont étudié la relation entre les heures de travail et la santé. Elle met en évidence le lien qui existe entre les nombreuses heures de travail et le taux de mortalité, les maladies cardiovasculaires, le diabète non-insuline-dépendant, les risques de retraite pour invalidité et la sensation de fatigue déclarée par le travailleur. Caruso et al (2004; 2006; 2008) arrivent à des conclusions globalement similaires. Ils ont identifié des risques plus élevés de privation de sommeil, mauvaise récupération du travail, de diminutions dans le fonctionnement neurocognitif et physiologique, de souffrance, de problèmes de reproduction, de retard du mariage et de la procréation, d’obésité chez les enfants, d’une productivité réduite, d’erreurs de travail et de blessures, ainsi que de troubles musculo-squelettiques. Il faut néanmoins atténuer et relativiser ce lien entre le nombre élevé d’heures travaillées et les effets sur la santé en tenant compte d’autres facteurs. Par exemple, l’aptitude d’une personne à gérer le stress, a une influence positive sur sa capacité de travail. La forme physique peut être aussi un facteur d’influence, comme indiqué par une étude récente portant sur un suivi des hommes d'âge moyen de 30 ans (Holtermann et al., 2010). Cette étude a montré que la forme physique offre une protection contre les effets des longues heures de travail et l'incidence des cardiopathies qui en résulte. Grâce aux études menées, nous savons aussi que d’autres facteurs peuvent influencer positivement le lien heures travaillées/bien-être. Par exemple, lorsque les employés ont la liberté de décision, s’ils ont le contrôle sur leurs horaires et profitent des récompenses élevées (reconnaissances économiques), s’il y a absence de pression pour faire des heures supplémentaires et surtout si les employés aiment leur travail, ils peuvent effectivement être motivés pour travailler des heures supplémentaires (Taris et al., 2006). Cependant, il est important de se rappeler que même si le bien-être de certaines personnes peut être sauvegardé lorsqu’elles s’autorisent à travailler des heures supplémentaires, le risque d'une augmentation des erreurs liées à la fatigue demeure même lorsque les heures supplémentaires sont volontairement choisies (Olds et Clarke 2010).

4.1.2 Fatigue et performance Nous pouvons supposer qu’une fatigue physique peut se répercuter sur une fatigue mentale et porter à une baisse de la performance. Les études sur ce lien avec la performance ne sont pas aussi nombreuses que celles qui étudient la santé. Nous avons néanmoins des exemples pour les travailleurs dans des secteurs particuliers. Dans le secteur de l’automobile, Proctor et al. (1996) ont constaté que les heures supplémentaires étaient significativement associées à une

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diminution des performances sur plusieurs tests. Dans le secteur santé, Landrigan et al (2004) ont mis en évidence que la réduction des heures de garde des médecins (passées de 24h à 16h pour chaque garde, avec une diminution des heures travaillées en semaine de 80h à 65h) était associée à une diminution de 30% des erreurs médicales.

4.1.3 Fatigue et sécurité La sécurité au travail peut être interprétée non seulement comme sécurité physique de l’employé (risques sur la santé) mais aussi comme une sécurité des tâches accomplies (risques d’erreurs). Une méta-analyse des trois études précédentes sur les blessures et accidents du travail, a permis d’identifier une augmentation substantielle du risque dans les trois dernières heures d’une journée de 12 heures (Folkard et Tucker, 2003). Les risques dans la douzième heure de la journée étaient doublés par rapport au risque horaire moyen au cours des huit premières heures. Les journées plus longues (en particulier celles de 12,5 heures ou plus) sont également associées à un risque accru de somnolence au volant et au risque d’accidents sur le chemin du retour du travail (Scott et al. 2007). Les travaux de Williamson et al (2011) ont montré un lien entre la fatigue et les risques d’accidents : la fatigue et le manque de repos provoquent une déficience dans les performances de l’individu, qui amènent à une augmentation des accidents. L’exemple cité ci-dessous de l’étude sur les médecins le confirme.

Figure 1 : lien entre fatigue et sécurité selon Williamson et al.

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4.1.4 Risques pour les liens sociaux Les nouvelles formes d’organisation du temps de travail peuvent allier le télétravail, la semaine compressée ou encore la flexibilité. Développées, entre autre, pour permettre de lutter contre certains des facteurs de stress en donnant notamment plus d'autonomie aux salariés pour s'organiser, ces nouvelles formes individualisées n’en sont pas moins critiquables. D’un point de vue professionnel, la tendance à l'individualisation de l'organisation du temps de travail porte en elle le risque de voir se renforcer l'individualisme, la solitude, l'isolement, la baisse du sentiment d'appartenance si les individus ne se rencontrent plus, s'il n'y a plus d'espace commun de travail, s'il n'y a plus ces moments de partage autour de la machine à café ou à la cafétéria. On a tous en tête des exemples de collègues ou collaborateurs à temps partiel ou en télétravail plus de deux jours par semaine, par exemple, qui sont en décalage voire en rupture avec ce qui se passe dans l'entreprise (valeurs, culture, évolution, projet, vie collective) parce qu’ils n'ont pas accès à certaines informations, parce qu’ils sont moins physiquement présents tout simplement. Il y a également des effets négatifs à certaines formes de travail atypiques, qui loin de faciliter la conciliation travail/vie personnelle, la rendent plus complexe. L’exemple le plus commun est le télétravail où le lieu de vie devient aussi le bureau avec tous les risques que cela entraîne d’un parasitage de la vie personnelle par le travail. Outre la confusion entre les lieux de vie et de travail, il y a aussi confusion entre les temps de travail et les temps sociaux, consacrés aux autres activités : dans ce cadre, quand arrête-t-on de travailler ? Le co-working, télé-centre ou encore tiers lieu selon l’appellation, peut-il être une alternative aux risques du travail à domicile ?

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FOCUS SUR LE CO-WORKING Les télé-centres sont des espaces dédiés à l’accueil de tout type de télétravailleur dans des conditions professionnelles. Ils sont situés au plus proche des habitations dans les banlieues et les couronnes périurbaines des grandes agglomérations. Ils accueillent aussi bien les travailleurs indépendants que les salariés d’entreprise de toutes tailles. Entretien avec Valérie ANDRADE, chef d’entreprise, fondatrice de Sceaux Smart, espace de co-working. « Sceaux Smart vient d’ouvrir. C’est 31 postes de travail, une communauté de 300 personnes intéressées par le projet et d’ores et déjà après quelques jours d’ouverture 15 co-workers et 50 personnes sur le point de franchir le pas. Nos co-workers sont une majorité de quarantenaire, plutôt des cadres, intermédiaires ou supérieurs. Cela va du directeur commercial au développeur. Pour l’instant, ce sont les salariés qui demandent à leur entreprise le télétravail et l’utilisation d’un espace de co-working. Cela revient à entre 15 et 18 euros par jour en fonction du type de bureau ouvert ou fermé, petit ou grand avec des possibilités d’abonnement et de réductions. Ce qui fait franchir le pas aux salariés : -Le lieu : un lieu agréable où ils ont envie de venir travailler et proche de leur domicile ; -Le prix : suffisamment attractif pour ne pas les mettre en difficulté et suffisamment flexible (pas d’engagement) à la journée, à la semaine ou au mois ; -Les services : le café, l’impression des documents, la connexion internet… -Les relations sociales et l’émulation : travailler en réseau, se construire un réseau (essentiel pour les cadres). Les objectifs de l’espace de co-working: 1) Améliorer l’équilibre de vie (notamment en réduisant le trajet pour aller au boulot) 2) Proposer un cadre de travail stimulant 3) Faire partie d’un collectif, d’un réseau Par exemple, Philippe, directeur commercial, était dans une entreprise qui avait plusieurs lieux d’activité en France qui ont fermé. Il a été obligé de faire du télétravail forcé. Certes, il voyait davantage ses filles… Mais il se sentait seul. Il était dérangé quand ses filles rentraient de l’école. Sa concentration était amoindrie. Il avait besoin de voir du monde, d’avoir un cadre de travail motivant… Avec l’espace de co-working, il a, en plus, l’avantage de pouvoir louer une salle pour réunir ses équipes commerciales. Il a négocié avec son entreprise la prise en charge des frais que cela générait. Le principal frein pour les entreprises : le coût. Par exemple, elles ont du mal à accepter de devoir payer un loyer pour un bureau alors que le salarié en a déjà un. Sauf qu’entre les congés, les déplacements, les arrêts maladie et les formations, les bureaux dans les entreprises sont sous utilisés ! Une fois qu’elles auront compris comment faire des économies avec ça, en mutualisant les espaces de travail entre plusieurs salariés par exemple, cela marchera. Déjà de grandes entreprises se lancent dans ce mouvement. IBM, par exemple, met en place des espaces de co-working pour ses salariés, des pôles dans différents endroits. Les salariés sont à 3 jours de télétravail/semaine alors que, normalement, la norme est de 2/semaine. Des entreprises qui permettent à leurs salariés de faire du télétravail réfléchissent à la manière d’adapter leurs locaux pour leur permettre de se rencontrer (des espaces de travail collaboratifs en s’inspirant des espaces de co-working) quand ils reviennent au bureau. La Banque ING a créé un café dans ses locaux pour recevoir ses clients. Orange a créé un

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espace, Villa Bonne Nouvelle, qui peut accueillir 50 personnes en mode projet corpoworking. » Un autre exemple d’effet paradoxal d’une organisation du temps de travail atypique est celui de la semaine compressée. Cela nous apporte un éclairage sur un mythe qui ne se décharge pas de son lot de risques : le double fardeau des femmes qui doivent faire concilier emploi rémunéré (souvent représenté par des heures journalières nombreuses) avec un travail domestique non rémunéré. Ce double fardeau augmente proportionnellement avec le nombre d’enfants (Floderus et al. 2009). D’autre part, le choix de la semaine compressée peut être fait lorsque le lieu de résidence et le lieu de travail sont géographiquement éloignés. La charge qui repose sur l’autre partenaire, impliqué dans la gestion de la vie familiale peut entraîner des problèmes familiaux. C’est aussi tout le débat actuel autour du droit à la déconnexion comme évoqué dans le chapitre 2.

4.2 Les risques pour l’entreprise:

4.2.1 Risques juridiques Les articles L.3121-1 et suivants du Code du Travail posent le cadre de la durée du travail, sa répartition et l’aménagement des horaires. Les articles R3135-1 à 6 du Code du Travail prévoient des dispositions pénales en cas de non-respect des durées maximales de travail et des droits à repos. L’employeur peut être puni de l’amende prévue par des contraventions de la quatrième ou cinquième classe selon le type d’infraction commise. Un exemple récent est celui d’un groupe bancaire français11 qui, en avril et juillet 2014, s’est vu reproché par l’Inspection du travail les heures excessives travaillées par ses cadres du service Risque et Finance. L'exercice des Assets Quality Review avait en effet entraîné une surcharge de travail en début d'année, qui avait poussé les syndicats à alerter l'inspection. L’inspecteur reprochait au groupe bancaire un manque de contrôle des temps de repos quotidiens et hebdomadaires et des charges de travail excessives (avec un exemple de temps de présence hebdomadaire dans les locaux de l'entreprise de 78 heures). Les résultats de notre enquête montrent que le contrôle des horaires, bien que juridiquement obligatoire, est effectué dans seulement 18% des entreprises représentées.

FOCUS JURIDIQUE SUR LE FORFAIT EN JOURS

Crée en 2000, cette convention de forfait a vu la part de salariés en forfait jours passer de 4% en 2001 à 13,3% en 2014, selon une enquête de la DARES12. 47% des cadres sont soumis au forfait jours.

11Les Echos du 23 septembre 2014, « Horaires excessifs : BPCE contraint de revoir son accord sur le temps de travail ». 12 DARES Analyses : « Les salariés au forfait annuel en jours. Une durée du travail et une rémunération plus importantes » ; juillet 2015

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La convention de forfait en jours est prévue par le Code du Travail selon les dispositions de l’article L. 3121-43 à 48. Cette convention permet de décompter la durée du travail en jours et peut être mise en place pour les cadres autonomes dans leur organisation du temps de travail, par accord collectif de branche ou d'entreprise, combiné à une convention individuelle. Cette possibilité concerne les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l ‘exercice des responsabilités qui leur sont confiées. Le nombre maximal de jours travaillés reste limité à 218 jours (ou jusqu’à 235 jours si, en accord avec son employeur, le salarié renonce à une partie de ses jours de repos en contrepartie d’une majoration de son salaire). Les articles L3121-44 et L3121-46 du Code du Travail énoncent notamment les obligations de l’employeur quant au nombre de jours travaillés et de la charge de travail du cadre soumis au forfait en jours : « Le nombre de jours travaillés dans l'année fixé par l'accord collectif prévu à l'article L. 3121-39 ne peut excéder deux cent dix-huit jours » et « Un entretien annuel individuel est organisé par l'employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié ». Pour rappel, un avenant à la convention de forfait conclue entre le salarié et l'employeur détermine le taux de la majoration applicable à la rémunération de ce temps de travail supplémentaire, sans qu'il puisse être inférieur à 10 %. Le 29 juin 2011, dans un arrêt de chambre sociale de la Cour de Cassation, un salarié cadre autonome s’est vu reconnaître le paiement des heures supplémentaires qu’il avait effectuées dans le cadre de son forfait en jours. Ce cadre avait notamment reproché à son employeur diverses insuffisances quant au contrôle du nombre de jours travaillés et quant au suivi de son organisation et de sa charge de travail. Il avait formé des demandes au titre d’heures supplémentaires impayées et de travail dissimulé. L’arrêt de la Cour de Cassation, n’a pas invalidé le forfait en jours mais il a eu le mérite d’entourer le recours à ce dispositif d’un certain nombre de garanties destinées à préserver le droit des salariés à la santé et au repos clarifier certaines règles : « l’accord collectif qui fixe le cadre des conventions de forfait en jours sur l’année doit préserver le droit des salariés à la santé et au repos. Pour cela, il doit comporter des mesures concrètes de nature à assurer le respect du décompte effectif des jours et demi-journées travaillés ainsi que des repos, journaliers (11 heures) et hebdomadaires (24 heures, auquel s’ajoute le repos quotidien, soit 35 heures au total) ; L’employeur doit s’assurer du respect des stipulations de l’accord collectif et des garanties prévues par la loi. Le repos quotidien et hebdomadaire doit être effectif ; l’entretien annuel mentionné ci-dessous doit effectivement avoir lieu, porter sur des points précis (exemple : organisation, charge de travail et amplitude des journées d’activité) et, si nécessaire, donner lieu à des décisions si un dysfonctionnement est constaté ; un décompte précis des journées ou demi-journées travaillées ainsi que des jours de repos (congés payés, congés conventionnels, etc.) doit être établi par l’employeur, de même qu’un contrôle effectif de la charge de travail du salarié, etc. »13 Si ces principes ne sont pas respectés, la convention de forfait en jours sera, selon la Cour de cassation, privée d’effet : le salarié sera alors en droit de prétendre au paiement d’heures supplémentaires dont les juges devront vérifier l’existence et le nombre.

13Source : www. travail-emploi.gouv.fr/

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Le Comité européen des droits sociaux (CEDS), suite à une réclamation de la CFE-CGC et de la CGT, par deux décisions du 23 juin 2010 déclare que le forfait en jours du Droit du Travail français n’est pas conforme à l’article 2, paragraphe 1 de la Charte Sociale Européenne14 concernant dans la mesure où il ne garantit pas au salarié une durée hebdomadaire maximale de travail raisonnable : Article 2 § 1 : fixer une durée raisonnable au travail journalier et hebdomadaire, la semaine de travail devant être progressivement réduite pour autant que l'augmentation de la productivité́ et les autres facteurs entrant en jeu le permettent; Le temps de travail maximum (78 heures par semaine en théorie) pour les salariés soumis au régime de forfait annuel en jours est manifestement excessif et ne peut pas en conséquence être qualifié de raisonnable au sens de l’article. De même, le CEDS considère que le forfait jour n’est pas conforme à l’article 4 paragraphe 2 de la Charte au motif que les heures de travail effectuées par les salariés soumis au système de forfait jours qui ne bénéficient d’aucune majoration de rémunération, sont anormalement élevées. Article 4 § 2 : à reconnaitre le droit des travailleurs à un taux de rémunération majoré pour les heures de travail supplémentaires, exception faite de certains cas particuliers; Dans son dernier rapport de décembre 2010, le CEDS réitère que le dispositif français du forfait jours est en contradiction avec les dispositions de la Charte sociale européenne. Un autre risque juridique important est identifié par l’article 4121-1 du Code du Travail: « l’employeur prend la mesure nécessaire pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ». L'employeur qui ne satisfait pas à son obligation générale de sécurité de résultat, engage sa responsabilité civile et le cas échéant sa responsabilité pénale. Au vu des problématiques de santé qui découlent d’une organisation du temps de travail défaillante et des risques accrus d’accidents qui en dérivent, une attention particulière doit être portée au nombre d’heures travaillées par jour et par semaine pour éviter les dérives sur la santé des travailleurs. Pour rappel, le salarié victime d'un accident de trajet, ou ses ayants droit, en cas de décès, disposent d'un recours de droit commun contre l'employeur et peuvent ainsi, s'ils rapportent la preuve de sa faute, obtenir l'indemnisation de préjudices non couverts par la sécurité sociale.

4.2.2 Risques financiers Les accidents de travail ou les maladies professionnelles, répercutés sur le taux AT/MP, mais aussi, de manière plus cachée, l’absentéisme ou les absences maladie à cause des effets chroniques de la fatigue cumulée, voire les autres pathologies qui peuvent en dépendre, font courir à l’entreprise des risques financiers importants. Le surcoût financier de l’absentéisme est lié notamment : au versement du complément de salaire garanti et indemnités complémentaires, au coût d’embauche de travailleurs intérimaires et de remplaçants, au recours à des contrats de travail à durée déterminée, à la diminution de la productivité et de la position concurrentielle de l’entreprise.

14Conseil de l’Europe : Charte sociale européenne (révisée), Strasbourg, 3.V.1996

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Pourtant, ces coûts indirects peuvent être évités grâce à une politique de prévention santé au sein de l’entreprise pour améliorer la santé des salariés tout en étant favorable au fonctionnement de l’entreprise. Le contrôle de l’organisation du temps de travail peut être un outil important pour évaluer et préserver la santé des salariés. Comme nous l’expliquerons ci-dessous, les erreurs causées par la fatigue des salariés peuvent provoquer un dysfonctionnement opérationnel qui, selon le secteur d’activité et les tâches effectuées par les salariés, peuvent avoir un impact sur le rendement et la performance économique de l’entreprise.

4.2.3 Risques sur la performance Pour Norbert ALTER, dans son livre Donner et prendre, le bon fonctionnement de l'entreprise repose sur la coopération et la coopération repose sur la création de liens sociaux. Il y a donc un risque pour l'entreprise si l'organisation du temps de travail ne permet pas la création de lien entre les personnes (exemple de personnes qui se croiseraient avec des horaires de travail individualisés, mais au final sans jamais se rencontrer...) L’entreprise est confrontée à des risques importants liés aux dysfonctionnements organisationnels: perte de qualité, retard dans les livraisons, perte de temps pour gérer la désorganisation induite, insatisfactions des clients. Le caractère imprévisible de ces absences/dysfonctionnements oblige à des ajustements de plannings ou à la prise de mesures pour remplacer le travailleur manquant, ou encore pour réparer les éventuelles défaillances dans les tâches accomplies.

4.2.4 Risques sociaux La perte de performance qu’une organisation de travail non pilotée peut engendrer, peut se répercuter également sur le climat social de l’entreprise. Le salarié qui ne compte pas ses heures et qui voit sa performance remise en question par le management, sera démotivé et ne tardera pas à se désengager. L’absentéisme ou le présentéisme feront alors leur apparition. De même, en cas d’absence, la charge de travail est réorganisée et parfois redistribuée parmi les salariés présents, entraînant une surcharge de tâches et une démotivation. La pression sur les managers est finalement plus grande : l’encadrement doit gérer les conséquences du poste inoccupé, gérer les effectifs, et pallier aux retards éventuels des délais de production, etc. L’urgence dans l’urgence sera alors génératrice du stress qui s'ajoutera à la fatigue. Pour l’entreprise, la gestion d’une situation de ce type, devient de plus en plus fréquente. Un DRH d’une grande enseigne de distribution nous explique que « du fait de la réduction des effectifs, des arrêts maladie… on ne remplace pas ceux qui ne sont pas là… or, comme l’amplitude horaire d’ouverture d’un magasin ne change pas, il faut bien être présent et faire le job… et ce sont les cadres qui s’y collent. La ligne managériale est surbookée. » Tandis que les DRH s’efforcent de promouvoir un travail collectif et le développement de liens qui permettent de créer une performance collective, les cadres aspirent à des modes d’organisation plus individualisés. C’est un paradigme de l’organisation : garantir la performance collective et satisfaire les exigences individualisées des salariés.

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Le DRH d’UGC, nous a fait part de ce paradoxe très actuel dans son entreprise au sein de laquelle les salariés aimeraient la mise en place du télétravail. Mais, lui, nous explique ses réticences en ces termes: « Ce qui marche dans la société est la collaboration entre les salariés et l’intelligence collective. Avec le télétravail les salariés seront éloignés, l’activité intellectuelle risque d’être moins performante. Le télétravail comme outil d’organisation du travail n’est pas la bonne solution puisque la dématérialisation du travail provoque une déstructuration des rapports entre les personnes ». UGC a néanmoins réussi la mise en place d’un accord sur le télétravail dans des cas particuliers (condition pré-pathologique en cas de grossesse, grève des transports, enfant malade). Nous verrons dans le chapitre suivant que des pratiques innovantes arrivent à surpassent ce paradigme et qu’elles peuvent allier les exigences de performance collective et d’exigences personnelles.

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Chapitre 5 : Les pratiques organisationnelles en entreprise liées au temps de travail

"Iln'estriendeplusprécieuxqueletemps,puisquec'estleprixdel'éternité."LouisBourdaloue

Y a-t-il opposition ou possible conciliation entre les temps de l'acteur, les temps de l'organisation et les temps du marché? Certaines entreprises choisissent de ne pas sacrifier l’un à l’autre. Car finalement, qu’elle le veuille ou non, l’entreprise n’est pas une forteresse coupée du monde, où le salarié se vouerait tout entier au culte de la performance. Peu à peu, a émergé l’idée que le salarié ne pouvait plus être envisagé indépendamment de l’écosystème complexe, à la fois personnel et professionnel, dans lequel il évolue. De nouvelles thématiques RH apparaissent depuis les années 2000 : qualité de vie au travail, conciliation des temps, parentalité. Cela fait écho à l’impact négatif des changements évoqués supra dans le monde du travail en termes de santé, de performances et donc de coûts (voir chapitre 4). Nous verrons donc que la prise en compte par les entreprises des attentes des salariés (5.1), n’est pas contradictoire avec leurs intérêts propres (5.2) et que, dans ce cadre, le contrat social et psychologique entre le salarié et l’entreprise est déterminant (5.3).

5.1 La nécessaire prise en compte des attentes des salariés La tendance à l’individualisation du temps de travail comme une volonté des salariés, se décline concrètement dans un certain nombre d’entreprises. Un certain nombre d’entreprises mettent en place une individualisation du temps de travail pour faire écho à la volonté de leurs salariés. Ces nouvelles approches visent à réorganiser le modèle traditionnel de la semaine où le travail se fait de 9h à 17h dans les locaux de l’organisation. Et le but, avoué, de la plupart de ces organisations est d’influer positivement sur la satisfaction des salariés en leur permettant de concilier les exigences de leur emploi et celles de leur vie familiale et personnelle. Car de plus en plus de personnes réclament cet équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle, et cherchent des employeurs plus compréhensifs à l’égard des réalités familiales. Pour Patrick Caré, président du Medef Bretagne (Travail et changement, 2011) cette conciliation des temps est nécessairement à prendre en compte par les entreprises, pour leur avenir : « Opter pour certaines formes d’organisation comme le nomadisme ou le télétravail relève de vrais choix stratégiques pour chaque entreprise. Certaines ont intégré cela comme facteurs de performance. Car un salarié parvenu à équilibrer sa vie privée et sa vie professionnelle est plus efficace. » Les exemples significatifs d’entreprises qui innovent, dans ce domaine, en France et à l’étranger, sont nombreux. - Areva (Famili, 2014) propose à ses salariés parents d’être en congés en même temps que leurs enfants. Les salariés qui optent pour un temps partiel annualisé, 9/10e de temps, s’arrêtent une semaine complète à chaque période de vacances scolaires, en plus des congés payés et des RTT. La majorité des salariés qui en bénéficie sont des hommes. A la différence du 4/5e de temps (généralement avec le mercredi libéré), cette formule n’a pas vraiment l’image d’un temps partiel. Cela véhicule une image moderne, positive, qui contribue à casser les stéréotypes. Un ingénieur témoigne: « Je travaille à 100% (…) mais je peux consacrer du temps à chacun de mes enfants, partager des loisirs avec eux. Bien sûr je perds un dixième de mon salaire. Mais c’est en partie compensé par le fait que les enfants ne sont pas inscrits au centre de loisirs lorsque je suis à la maison. »

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- Renault (magazine Famili, 2014), depuis l’accord télétravail de 2007, propose à tous ses salariés (cadres, employés, sans restriction de métiers) de travailler une partie du temps à leur domicile. Leur seule obligation : venir au bureau au moins un jour par semaine pour maintenir le lien. Les enquêtes internes faisaient apparaître une très forte demande des salariés. Dans les faits, 88% ont choisi de le faire un jour ou deux par semaine. - Capgemini (magazine Famili, 2014), met en place depuis 2013, 2 fois par an, des conférences sur la parentalité à destination des collaborateurs. Le taux de satisfaction enregistré pour les conférences est entre 90 et 100%. Une responsable RH à la direction des affaires sociales témoignedes grandes attentes chez les salariés de l’entreprise d’un meilleur équilibre des temps : « Nous recrutons beaucoup de jeunes qui veulent équilibrer vie de famille et carrière. Nous avons installé plusieurs dispositifs dans ce sens : encadrement des réunions (pas avant 9h et après 18h), télétravail, etc. ». Pour une Managing Consultante, mère de 3 enfants, « c’est important de sentir que l’entreprise est consciente de la difficulté qu’il peut y avoir à concilier les contraintes de la vie familiale et celles de la vie professionnelle. Et j’apprécie d’être reconnue en tant que mère de famille. Ça m’aide à me sentir bien au travail, plus détendue, plus efficace. » Pour Frédéric Goux, DRH opérationnel de la Banque Postale, que nous avons rencontré, la qualité du travail va primer de plus en plus sur la quantité. A ce titre, l’entreprise ne peut faire l’économie de la réflexion sur la prise en compte des attentes des salariés pour qu’ils soient en condition de faire du bon travail. Il est par ailleurs conscient des enjeux liés à l’articulation vie privée/vie professionnelle, et des changements générationnels dans ce cadre : « Pour les jeunes, il n’y a pas que le boulot dans la vie. » C’est ce qui explique la signature à la Banque Postale d’un accord télétravail expérimental négocié en 2 mois avec les partenaires sociaux et signé en février 2014. « C’était dans l’air du temps, c’est une tendance forte que je ne pouvais pas ignorer et de fait la négociation avec les partenaires sociaux a été rapide. » La prise en compte des attentes des salariés n’est pas réservée aux grandes entreprises qui en ont les moyens. Dans le secteur des PME (Petites et Moyennes Entreprises) aussi, des innovations voient le jour. L’entreprise familiale de boucherie Lesage et Fils par exemple (hors-série Liaisons sociales, 2014), qui emploie 77 personnes dans un secteur très rural, s’est interrogée sur l’organisation du temps de travail de ses salariés, en faisant du potentiel d’innovation qu’elle induit, le principal levier de la pérennisation de son activité. « C’est dans le cadre de ces réflexions que nous avons décidé de mettre en place un dispositif de télétravail pour nos opérateurs de commande », explique François Lesage, co-gérant. Chaque soir, les commandes émanant de restaurateurs et de détaillants affluent vers l’entreprise qui doit les préparer pour le lendemain. Jusqu’à présent, l’organisation interne contraignait les opérateurs de saisie à venir traiter les commandes en pleine nuit pour, ensuite, revenir dans la matinée prendre leur poste de jour. « Que ce soit au plan de la vie familiale, de la fatigabilité, des transports, de la sécurité, cette situation n’était satisfaisante à aucun égard. Grâce au télétravail, ces collaborateurs organisent leurs tâches comme ils l’entendent, à domicile, et ne viennent plus que 4 jours par semaine dans l’entreprise, ce qui leur épargne les déplacements nocturnes », poursuit François Lesage. Nous avons rencontré Alexis Garcia, dirigeant d’une TPE, un cabinet d’expertise comptable de 13 personnes. A cette échelle, l’organisation du temps de travail passe davantage par de l’ajustement mutuel et de l’arrangement informel. Mais les enjeux n’en sont pas moins grands. Alexis Garcia a mis en place un système individualisé destiné à ses deux plus proches collaborateurs. Tous les deux sont au forfait heures hebdomadaires. Ils font 39h par semaine. L’un a demandé, plutôt que d’être payé en heures supplémentaires sur une base

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35h, à bénéficier d’une semaine de congés en plus. Cette demande date d’il y a quelques années, à une période de sa vie où le collaborateur a souhaité privilégier du temps pour sa famille plutôt que son niveau de vie. L’autre salarié est payé des heures supplémentaires qu’il fait chaque mois (incluses dans son forfait d’heures). Une entreprise à la culture organisationnelle "constructive", qui permet à ses collaborateurs de se réaliser personnellement, de concilier les exigences de leur emploi et celles de leur vie familiale et personnelle, « tend donc vers davantage d'efficacité qu'une organisation à la culture passive-défensive ou agressive-défensive » (John R.Schermerhorn Jr et al., 2010). Or, une organisation proactive du temps de travail peut faciliter la réalisation de soi dans le travail mais aussi à l'extérieur, et accroître la performance des individus dans l'entreprise. Cela influe sur la motivation, la satisfaction dans le travail, avec des salariés qui, au final, collaborent mieux et présentent un rendement supérieur. Cette interaction entre le "dedans et le dehors", entre le travail et le hors-travail, certaines entreprises l'ont bien identifié comme étant « un levier d'efficacité fonctionnelle et de satisfaction professionnelle, c'est-à-dire le sentiment favorable qu'inspirent aux individus leur emploi et leur milieu de travail » (John R.Schermerhorn Jr et al., 2010). Par exemple, l'organisation du temps de travail chez Bosch en Allemagne est un facteur de satisfaction pour les salariés. C'est donc pour rendre ses cadres plus performants, que la multinationale allemande a converti plus de 500 managers au temps partiel (Le Nouveau Management, avril 2014). Dans le cadre du programme More (Mindset ORganization Executives) mis en place en 2012, 500 cadres de l'équipementier industriel ont en effet choisi de travailler différemment : soit ils restent une journée par semaine chez eux et poursuivent leur tâche depuis la maison (80% ont retenu cette solution) soit ils réduisent leur temps de travail. C'est ce qu'a choisi Christian Gebauer, ingénieur, qui pilote avec 4 chefs de service, un département de 80 personnes dans le secteur de la logistique. A la question de savoir s'il est possible de manager à 80%, il répond: « Sans problème. Il suffit d'un peu de bonne volonté et de beaucoup d'organisation. Il faut d'abord savoir déléguer un maximum de tâches à ses subordonnés et les responsabiliser. Supprimer toute démarche inutile, réduire à l'essentiel concertation et décision. Les réunions durent moins longtemps, on réfléchit à l'utilité de certains rendez-vous. (...) Et mes meilleures idées me viennent lorsque je me détends le week-end en taillant mes rosiers. J'ai retrouvé une énergie que certains cadres stressés n'ont plus. » Cette pratique du temps partiel qui, d'ordinaire, concerne assez peu les managers, semble aussi satisfaire, par déclinaison, les subordonnés à qui l'on accorde plus de confiance, qui sont plus autonomes et plus motivés. Un représentant du syndicat IG Metall témoigne: « Le monde du travail est devenu plus flexible et, d'après nos études, les salariés souhaitent eux aussi plus de flexibilité. Il nous faut juste vérifier qu'on ne leur demande pas de travailler autant en moins d'heures. » Sur ce sujet, il semble donc qu'il y ait un lien fort entre les attentes des salariés cadres et les intérêts de l'entreprise.

5.2 Une corrélation forte avec les intérêts propres de l’entreprise Toutes les expériences précédemment citées sont identifiées par l’entreprise comme positives. L’exemple de Bosch l’atteste. En effet, au-delà de la satisfaction des cadres en place, l’organisation proposée est un moyen d'attirer les talents de la génération Y, au même titre que le serait une rémunération attractive. Dans un pays vieillissant comme l'Allemagne qui

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peine à trouver du personnel qualifié, il y a un vrai enjeu à attirer une nouvelle population de cadres: les femmes et les jeunes, plus attirés par des horaires variables, et qui attendent de leur entreprise une plus grande flexibilité. Pour Areva, le directeur de la diversité et de la qualité de vie au travail, indique que « les salariés qui ont trouvé leur équilibre de vie sont des salariés plus détendus, plus motivés, plus performants. Au final, ce type d’initiative favorise la productivité ». Pour Renault, Eric Couté pilote performance Télétravail, précise que « le télétravail contribue à l’attractivité de l’entreprise. C’est un atout pour attirer du personnel, spécialement les jeunes ». Pour Capgemini, la responsable RH à la direction des affaires sociales témoigne : « Un collaborateur qui a un bon équilibre de vie se sent mieux au travail. Les qualités acquises dans le rôle de parent (capacité à être multitâches, volonté de transmettre…) peuvent aussi être mises en œuvre dans le travail. » (Famili, 2014). Nous avons interviewé Béatrice Blanche, la DRH de l’hôpital La Musse de la fondation hospitalière La Renaissance Sanitaire, dans l’Eure. « L’organisation en place, depuis quasiment 20 ans, est un levier d’attractivité pour les médecins: ils disposent d’un forfait à 35 heures annualisé, avec des jours de repos compensatoires. En plus l’hôpital offre une demi-journée par semaine pour que ses professionnels puissent exercer une autre activité. Une double satisfaction à cette pratique : à la fois pour l’employeur puisque le salarié est toujours satisfait, il se tient informé concernant la pratique de sa discipline et aussi pour le salarié puisqu’il a la possibilité de cumuler une autre activité rémunérée s’il le souhaite, le salaire proposé n’étant pas un levier d’attractivité ». Néanmoins, si certaines organisations sont innovantes, il ne faut pas pour autant exagérer la portée de ces actions et le fait que, dans beaucoup d’entreprises, le temps de travail et son organisation sont encore prescrits et laissent peu d’autonomie aux individus (Jean-Yves Boulin et Reiner Hoffmann, 2000). D’autre part, quoique vécu et affirmé comme quelque chose de largement positif, l’autonomie peut être aussi synonyme de flexibilité productive pour l’entreprise, avec réduction des délais de production et flux tendus qui en sont les déclinaisons principales. Dans ce contexte, l’autonomie pour le salarié est toute relative, voire même une illusion. La référence extrêmement forte à l’autonomie dans l’organisation du temps de travail, qui ressort de notre enquête, laisse entrevoir à quel point cela est un bien précieux dans l’entreprise. A la question « Qu’est-ce que vous aimez dans l'organisation du temps de travail ? », 34% des cadres pointent explicitement la flexibilité comme quelque chose de positif et 50% le choix et l'autonomie.Paradoxalement, 42% d'entre eux, quand on leur demande ce qu'ils n'aiment pas dans l'organisation du temps de travail actuelle, pointent que l'autonomie n'en est pas vraiment une, les limites, les contraintes de cette autonomie avec des expressions du type "pression", "je suis obligé de", "je ne m'accorde pas de récupérer", etc.L’autonomie ne veut donc pas forcément dire liberté de choisir ses horaires pour les cadres. Mais dès lors que l’entreprise a saisi l’intérêt de se saisir de la question du temps, celui-ci et son organisation peuvent être pensés comme des outils stratégiques. Ainsi, Gilles Moutel (2002) souligne à quel point la maîtrise et l’organisation du temps est devenue un facteur clé pour établir la compétitivité d’une entreprise. En effet, à la fin du 19ème siècle, l’ingénieur américain Taylor avec le "scientific management" développe l’idée selon laquelle l'entreprise peut accroître ses résultats par l'activité de management et en fonction des

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systèmes d'organisation adoptés, notamment l'organisation du temps de travail. Dans ce cadre, il fait la distinction entre le "temps externe" c’est-à-dire les horaires de travail et le "temps interne" à savoir les caractères et l’intensité du temps de travail à l'intérieur d'une durée déterminée (Giovanni Gasparini, sous la dir de Jean-François Chanlat, 1990). Une augmentation du "temps externe" peut donc être contre-productive et mieux vaut parfois innover sur le "temps interne". Cette question est au cœur des projets de transformation inspirés du Lean management, qui fait la chasse aux temps dits inutilespour, par exemple,offrir à la clientèle des horaires d’ouverture plus étendus, rentabiliser les équipements par leur utilisation maximale, ajuster la production au plus près des demandes du marché. C'est la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui: le "temps externe" a tendance à se réduire mais les entreprises demandent la flexibilité quant à la distribution et l’intensité du temps de travail, parce que c'est surtout cette flexibilité qui définit la productivité. Dans un monde où tout s’accélère, le temps est devenu une ressource rare, différenciant les organisations comme les acteurs : la pression du temps des entreprises s’accentue (flexibilité, réactivité…), aussi bien en dedans qu’en dehors (fournisseurs, partenaires). Pourtant, quand cette flexibilité fait l’objet d’un compromis entre les contraintes économiques des entreprises d’un côté, les attentes des salariés (résultant bien souvent de contraintes et représentations se situant à l’articulation du travail et hors-travail) de l’autre (Jean-Yves Boulin et Reiner Hoffmann, 2000), qu’elle est décidée par, ou négociée avec les travailleurs eux-mêmes, elle peut caracoler en tête du classement des meilleures conditions de travail et par conséquent, des conditions de vie en général. Les Pays-Bas ont adopté en 2000 une loi permettant aux salariés de décider eux-mêmes d’augmenter ou de diminuer leur temps de travail. L’employeur est contraint d’accepter, sauf si des intérêts importants s’y opposent. Ce texte innovant avait, comme objectif, d’augmenter le potentiel du marché de l’emploi, d’aider à une meilleure conciliation vie privée et vie professionnelle. En Allemagne, le souhait de pouvoir changer d’horaires de travail au cours de la vie professionnelle afin de pouvoir concilier des priorités familiales, gagne en importance. Des modèles innovants dits de « temps mobiles » destinés notamment aux cadres y sont étudiés : poste de travail à temps partiel flexible, emplois partagés, groupe de travail à horaires autonomes, temps de travail annuel flexible, semaine de quatre jours, retraite flexible… Autre exemple, dans les années 90, un aménagement du temps de travail avait été signé dans des usines Volkswagen. En contrepartie d’une baisse de 20% de temps de travail, les salariés ont accepté une très grande flexibilité hebdomadaire : le temps de travail moyen, fixé à 28h45 peut grimper jusqu’à 38h45, si nécessaire, sans majoration de salaire (Gilles Moutel, 2002).

5.3 L’importance du contrat social et psychologique entre le salarié et l’entreprise Les salariés n’adhèrent pas à de nouvelles organisations si elles modifient de manière significative le contrat social qui les lie à l’entreprise. C’est ce que révèle une étude de 2010 de BPI Group, société de conseil RH15. De fait, ce qui ressort de notre enquête auprès des cadres, est que l’autonomie dans l’organisation du temps de travail peut être vécue de manière plus ou moins positive en fonction de ce qui relève, d’un côté, du subi et, de l’autre, du choisi, c’est-à-dire du contrat

15 www.institut-leadership-bpi.com

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passé avec l’entreprise. Certains cadres pointent l’autonomie comme une illusion, une tromperie. Mais c’est aussi pour d’autres un outil de reconnaissance. Comme évoqué supra, le constat qui ressort de notre questionnaire, est que ce que les cadres aiment le plus dans l’organisation de leur temps de travail, c'est l'autonomie, mais que c’est aussi ce qu’ils aiment le moins. Nous pensons que cela vient de la conscience pour beaucoup que cette autonomie est constitutive du statut cadre, que c'est la preuve de la confiance de l'entreprise à leur égard. Du coup, ils se sentent investis d'une responsabilité, pour ne pas déchoir, pour reprendre l’expression de Philippe d’Iribarne (1993). Ils se sentent même obligés, parfois, d'en faire plus. Et c’est cette population qui du coup est exposée au risque de se noyer, de la fatigue, du surmenage. Dans leur schéma de la segmentation des appartenances à l’entreprise en fonction des catégories de salariés, Janine Freiche et Martine Le Boulaire (2000) mettent en exergue les cadres intermédiaires, « agents d’appareil », pour qui l’investissement dans le temps de travail constitue à la fois le support et la preuve de leur identité socioprofessionnelle. Le statut cadre « au forfait » marque ainsi symboliquement la confiance de l’employeur à leur égard en échange de leur engagement. C’est cette population qui est la plus à même de souffrir des transformations des organisations, du temps de travail et de son intensification, en en subissant les effets, sans pouvoir s’y adapter. A ce sujet, la jurisprudence commence à dénoncer une utilisation abusive du forfait jours. La Cour de Cassation dans un arrêt du 29 juin 2011 a condamné une entreprise à payer des heures supplémentaires à un cadre au forfait jours. Le forfait jours a également été jugé contraire à la charte sociale européenne par le Comité européen des droits sociaux du Conseil de l’Europe comme évoqué supra. Nous avons interviewé un RRH, célibataire, sans enfant, en poste depuis 9 ansau sein d’une grande entreprise du CAC 40, d’abord embauché comme chargé de relations sociales avant d’être promu. Nous conserverons son anonymat. Il déclare travailler presque 12 heures par jour, recevoir des mails de jour comme de nuit y compris les jours de repos et travailler parfois les week-ends. A la question « pourquoi acceptez-vous cette situation ? », il répond qu’il a le sentiment d’être valorisé par cette charge de travail, de la confiance qu’on lui fait et de l’importance qu’on lui donne. Il a le sentiment d’être indispensable à l’entreprise, tout en pointant qu’il est épuisé mais que « c’est compliqué de dire non », « parfois peur de dire non à ton chef, peur du conflit avec ton chef, […] et en plus on t’en rajoute à toi parce qu’on sait que tu vas dire oui et le jour où tu dis non on te le fait remarquer »… Il a le sentiment au final que l’organisation écrase l’individu et que tout dépend de la capacité de la personne à fixer les limites. « Si celle-ci n’a pas la lucidité, la force de caractère pour le faire, c’est tant pis pour elle. La solution pour elle est donc souvent de partir. Beaucoup de cadres dans l’entreprise sont donc partis, mais sans donner les vraies raisons de leur départ. Cela aurait été un aveu de faiblesse (…) Tu ne pars pas fâché. Il faut que tu partes dans de bonnes conditions, donc on préfère dire « je ne suis pas assez payé », ou « mon évolution de carrière n’est pas assez rapide », même si paradoxalement la personne part souvent pour un poste équivalent dans une autre entreprise où il faudra qu’elle refasse ses preuves ». Finalement, il nous révèle au cours de l’entretien qu’il a lui-même fini par quitter l’entreprise du fait des risques que la situation faisait courir à sa santé. Il dit de son départ que « c’est un deal perdant/perdant (…) J’étais identifié dans le Top 50 des talents de l’entreprise». Il est partagé entre des sentiments de déception et de trahison à l’égard de l’entreprise et de son N+1. Il pointe un défaut de l’organisation globale, un défaut de pilotage RH et un problème managérial : «J’aurais aimé que mon boss se saisisse du problème et m’en parle. »

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L’aspect générationnel est à souligner. Ceux qui entrent dans la vie active sont plus fermes sur leurs aspirations à une meilleure articulation vie professionnelle/vie personnelle comme le confirmeront les résultats de notre enquête. Ce sont ceux pour lesquels le travail est un support, un moyen parmi d’autres de la réalisation de soi mais, pas nécessairement, la finalité. Ils sont alors proactifs pour susciter, mettre en place, défendre, des formes alternatives d’organisation du temps de travail qui peuvent faciliter cette réalisation de soi. Est-ce contradictoire avec leur engagement, leur implication dans la vie de l’entreprise ? Pas nécessairement, si l’on en croit les conclusions d’un article intitulé « Modalités de travail à temps plein ou partiel et son influence sur les attitudes et comportements au travail: l'effet médiateur de la violation du contrat psychologique » (Tania Saba, Mathieu Blouin, Louise Lemire, 2006). Les auteurs pointent un paradoxe. Certaines études mettent en exergue leconcept de l'inclusion partielle, c’est-à-dire le fait que les salariés à temps partiel étant impliqués dans des rôles extra-organisationnels sont donc moins intégrés dans l'organisation. A l’inverse, d’autres études montrent que les salariés à temps partiel sont davantage engagés car moins bien informés et subissant moins les impacts des informations négatives diffusées au sein de l’entreprise, associées à la théorie du "person-job fit", selon laquelle un employé qui occupe un emploi correspondant à ses besoins sera plus satisfait et plus engagé. Sur la base des résultats d’une enquête menée dans une entreprise de commerce de détail au Québec auprès de 420 salariés syndiqués, les auteurs apportent des nuances à ces idées en indiquant que tout dépend du contrat psychologique qui lie les salariés à leur employeur. C'est avant tout ce contrat psychologique qui explique les différences d'attitudes et de comportements que les salariés peuvent manifester dans l'organisation. Les salariés qui choisissent de travailler à temps partiel ont un engagement différent avec leur employeur. Par exemple, ils privilégient le fait de faire moins d'heures et d'équilibrer leur temps de travail plutôt que de bénéficier d’éventuelles promotions. Seule la perception d'une intense violation du contrat psychologique permet d'expliquer une plus faible satisfaction au travail. Certes, les résultats de l’enquête sont à relativiser dans le cadre d'une généralisation, du fait de la taille et du secteur de l'entreprise. Néanmoins, ils introduisent l’idée que des changements dans la pratique et la culture des entreprises sont possibles, qui viendraient de la redéfinition du contrat social et psychologique avec les salariés. De fait, face à la rémunération du travail au temps et à la tradition du « présentéisme » dans certaines entreprises, une autre manière de concevoir l’organisation du temps de travail émerge : une rémunération du travail à la tâche et une présence en entreprise optimisée. Initiée par des cadres au sein de l’entreprise américaine Best Buy, l’expérience consistant à abolir toute notion de temps de travail puisque seuls comptent les objectifs à atteindre, connue sous le nom de Rowe (Results Only Work Environnement), a convaincu son dirigeant en 2007, qui a décidé de l’étendre à l’ensemble des salariés du siège social. Concrètement, cela implique une organisation où le temps de travail ne se mesurant plus à l’aune de la présence au bureau, mais à la quantité de travail fournie et à sa qualité, mesurées par une batterie d’indicateurs : productivité, qualité, chiffre d’affaire, marge brute, ainsi que le respect des échéances (revue Hors-série Management, 2014). Jody Thompson, l’une des cadres à l’origine du concept le résume ainsi : « Chaque personne est libre de faire ce qu’elle veut, quand elle le veut, du moment que le travail est fait. » (Revue Travail et Changement, 2011). L’une des particularités de Rowe est d’avoir été initiée « d’en bas », avant que le dirigeant décide d’encourager le programme. Certes, les témoignages publiés sur le site internet de

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CultureX16 la société de conseil créée par les deux cadres à l’initiative du programme, disent à quel point la vie des salariés Rowe a changé : « C’est un niveau de stress moindre et une meilleure qualité de vie » ; « J’ai gagné au moins 25% de productivité en évitant d’être dans les embouteillages 3 heures par jour ». Mais c’est avant tout l’efficacité qui est mise en avant. Chez Best Buy, la productivité des équipes qui ont adopté Rowe, a progressé de 33%, et le turn-over a baissé de 3,2%. Rowe n’est pas, dans l’esprit de ses créatrices, une mesure sociale qui vise au bien-être des salariés ou au partage du travail comme les 35 heures en France. « Rowe peut survivre parce que les résultats sont là. La productivité augmente, les gaspillages de l’ancien modèle, vieux de cent cinquante ans, sont éjectés du système », affirme Jody Thompson. En France, le programme commence à essaimer, même si l’expérience n’est pas identique car elle se fait dans un cadre plus contraint, la durée du travail n’étant pas libre et l’entreprise devant respecter le cadre légal et réglementaire en s’inscrivant dans une convention de forfait ou le système des 35h. Les 280 employés de la société de conseil en informatique Norsys sont libres de leurs horaires. « On propose à chaque collaborateur, qu’il soit au forfait jours ou aux 35 heures, de fixer ses heures de départ et d’arrivée. On valide ensuite son choix avec son manager, pour qu’il n’y ait pas d’incohérence avec le travail de l’équipe ou les attentes des clients », explique Sylvain Breuzard son PDG-fondateur (revue Hors-série Management, 2014). C’est un engagement tacite, un contrat passé entre le salarié et l’entreprise via son manager. Les laboratoires Boiron, l’industriel Techné, l’éditeur de logiciel SAS ou encore Eau de Paris, ont également adopté un système d’horaires à la carte, au nom de l’efficacité économique. Ce système valorise les salariés qui sont plus enclins à faire des extras en soirée par exemple, parce qu’ils savent qu’ils travaillent pour satisfaire un client ou un besoin dans la production et non pour les caprices d’un chef. Ils savent par ailleurs qu’ils pourront rattraper ce temps à un autre moment. Outre ses bienfaits en interne, ce type d’organisation est attractif, notamment pour la génération Y. « Les entreprises qui le pratiquent attirent souvent deux fois plus de candidatures spontanées et leurs salariés leur sont beaucoup plus fidèles », assure Eléna Fourès, fondatrice du cabinet Idem per Idem, spécialisé en leadership et multiculturalité. Rien d’étonnant puisque ce système est largement plébiscité par les salariés français, d’après un sondage de l’Observatoire de la parentalité en entreprise. Néanmoins peu de sociétés sont passées à l’acte. En effet, 3 salariés français sur 4 travaillent encore à horaires fixes, selon une étude d’Eurostat (revue Hors-série Management, 2014). Il est vrai que la formule est complexe voire impossible à mettre en place, notamment dans l’industrie et le commerce : comment conserver l’intégrité d’une chaîne de production si tout le monde va et vient à son gré ? D’autre part, la formule n’est pas sans risque.Cela nécessite un management fin : par exemple, pour éviter que des personnes profitent du système, ou que les stakhanovistes regardent de travers celui qui arrive à 11 heures du matin, sans envisager qu’il ait pu travailler chez lui jusqu’à minuit la veille. L’idéal est de parvenir à instaurer des réflexes d’autocontrôle au sein des équipes, chacun ayant, au préalable, été informé des horaires de ses collègues. Sans avoir adopté le système Rowe, cet autocontrôle est mis en place au sein de l’hôpital La Musse de la fondation hospitalière La Renaissance Sanitaire, dans l’Eure dont nous avons interviewé la DRH Béatrice Blanche. Cette autorégulation pour les équipes soignantes est ancienne. Les personnels élaborent les plannings ensemble. « Ils sont très bien gérés. Pour éviter la surcharge de travail, les jours de repos et des congés sont inscrits aux plannings de façon à s’organiser au mieux. Les équipes s’autorégulent d’elles-mêmes. Les

16www.gorowe.com

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personnes qui en profitent sont très vite remises sur le droit chemin par les collègues. Un CET est en place, qui est toujours provisionné, synonyme d’une bonne gestion à la fois financière et à la fois en termes de ressources humaines. Les heures supplémentaires sont rares, seulement en cas d’absence. Le rapport avec le corps social est calme et constructif. Les personnels sont dans un rapport de confiance. Il y a toujours le souci de l’autre dans les relations. » L’exemple ci-dessous est intéressant puisqu’il montre comment une entreprise a su contractualiser avec ses salariés pour concilier leurs aspirations avec un besoin industriel et des enjeux financiers.

FOCUS SUR L’ENTREPRISECLAAS TRACTOR, FINALISTE DU PRIX DE L’INNOVATION RH DE L’ANNEE 2015.

CLAAS Tractor France, est un constructeur allemand de matériel agricole, ayant racheté le constructeur français Renault Agriculture en 2003. Sur un marché aux perspectives à long terme positives mais également très volatiles, la société CLAAS Tractor a décidé d’engager une réflexion sur un changement d’organisation du temps de travail. L’objectif est de gagner en compétitivité pour s’adapter aux variations des commandes, tout en préservant les équipes. Depuis deux ans, elle a donc lancé un plan d’action baptisé Métronome incluant des négociations sur les rémunérations et revoyant le dispositif des 35h. La démarche visait un esprit gagnant-gagnant pour les 3 acteurs de CLAAS Tractor : le salarié, le client, l’entreprise. La Direction a de plus décidé de compenser l’effort des salariés par l’octroi de primes. La société peut désormais rapidement faire face à une variation pouvant aller jusqu’à 20 % de son volume de production, à la hausse mais aussi à la baisse, sans toucher aux effectifs. CLAAS Tractor a donc fait le choix d’une politique salariale volontariste en contrepartie d’une agilité exemplaire de la production qui se concrétise par la possibilité de faire varier de +/- 1 heure par jour le temps de travail des salariés en fonction de l’activité avec un délai de prévenance de 7 jours.

Interview de Thierry Charbonnier RRH opérationnel Claas Tractor France, pilote de l’accord au sein de l’usine du Mans

La genèse de cet accord : un besoin industriel. « La demande du directeur de l’usine était de mettre en place une organisation du temps de travail qui tienne compte des contraintes du marché, en l’occurrence : des besoins importants, urgents, immédiats de clients… dont il était pressenti qu’il fallait y répondre en temps voulu au risque sinon de perdre des marchés. L’accord a été négocié en automne 2014 mais a commencé à être travaillé en 2010 par la mise en place de groupes de travail puis avec une première expérimentation sur une ligne de production sur le site du Mans. » Contexte de l’usine du Mans : une opposition syndicale de principe au départ. « Il était donc important de dépasser les certitudes et les appréhensions de certains salariés sur la fatigue que pouvait générer ces variations de temps de travail. A noter également, la proportion importante de femmes au sein de l’usine, qui étaient inquiètes de l’impact que cela pouvait avoir sur leur vie de famille. Les discussions ont porté sur les minutes en +, les jours de récupération en +, le salaire en +… » Stratégie de l’entreprise dans ce contexte. - « Une première expérimentation : pour montrer qu’un tel accord pouvait être réaliste, possible et pour préparer le terrain social. - La mobilisation des managers : l’idée était que les managers puissent promouvoir cette nouvelle organisation du temps de travail, sans forcément être soutenus par un outil de

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communication officiel, « avec leurs tripes », en faisant partager à leurs équipes la conviction que cela était nécessaire, sans faire de chantage du type « c’est ça ou mourir », mais vraiment en partageant la nécessité de s’adapter aux contraintes du marché. Les managers ont vraiment été très impliqués dans cette démarche. - Un sondage auprès du personnel de production : une majorité s’est déclarée favorable à cet accord, dont il est certain que l’augmentation de salaire à la clef a eu un effet positif. Cela représentait en effet pour certains collaborateurs 8% d’augmentation, dans un contexte où il n’y avait pas eu d’augmentation depuis longtemps. » Effet de cet accord. « Cela a permis non seulement de conserver des marchés mais d’en gagner de nouveaux. Cela a permis de gagner des commandes dans certains pays fermés au départ, dans un contexte très difficile ». Concernant les cadres. « Ils étaient soumis avant, à l’accord sur les 35 heures de Renault (Claas Tractor ayant racheté l’activité Renault Trucks). Dans le cadre du forfait jour annualisé (218 jours par an) auquel ils sont soumis, cela générera entre 8 et 10 jours de repos supplémentaires par an. Il y a un renforcement de l’autonomie et de la responsabilité avec la variation des horaires, sans outils de contrôle supplémentaire. Le management par objectif est privilégié sur le « présentéisme », qui est quelque chose de mal vu en Allemagne et qui étonne la Direction générale allemande. Conscience forte que l’organisation du temps de travail est un argument qui peut être attractif pour les salariés y compris pour les cadres. » Sur le thème de l’organisation du temps de travail, il y a donc un lien fort entre les attentes des salariés cadres et les intérêts propres de l'entreprise, nonobstant la taille de celle-ci et le secteur d’activité. Le souhait des cadres d’une plus grande individualisation du temps de travail est compatible avec l’adaptabilité dont l’entreprise doit faire preuve dans un marché ouvert et concurrentiel. La flexibilité, pour peu, qu’elle soit négociée, co-construite, et qu’elle respecte le contrat social passé entre les cadres et leur entreprise, peut conduire à un deal gagnant-gagnant. Poussée à l’extrême, cette logique a donné naissance à de nouveaux modes d’organisation et de management, qui se diffusent progressivement, fondés sur des horaires de travail libres, l’autocontrôle des cadres et l’unique prise en compte du résultat.

PAROLES DE DIRECTEUR GENERAL

Nous avons rencontré un Directeur général d’un Groupe bancaire français pour recueillir son avis sur la question de l’organisation du temps de travail. Pour ce DG, le résultat prime sur le reste, peu importe les moyens. 1er observation : Le développement exponentiel des TIC, change le rapport au travail, le rapport aux autres. Il est convaincu que les TIC apporteront plus de souplesse et de flexibilité. Plusieurs voyages aux USA notamment, lui ont permis d’aller à la rencontre de starts up de la Silicon Valley. Les entreprises se sont appuyées sur les nouvelles technologies pour révolutionner leur organisation. « On a plutôt à faire à des communautés qu’à des entreprises. Facebook ou Apple c’est plus une communauté d’individus. ». « On a a maxima faciliter la vie des salariés pour qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes. Cette observation n’est pas un épiphénomène. »

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Evidemment, il est conscient des différences de cultures et de législations. Mais pour lui, cette transposition est possible dans certaines entreprises. Certaines l’ont déjà réalisée avec succès. 2ème observation : Partisan d’une réforme du code du travail Le regard qu’il pose sur le code du travail est plutôt critique. Le corpus de texte juridique n’est pas facilitateur. « Ce que j’observe c’est plus un durcissement des règles plutôt que le contraire. Le terrain de jeu est particulièrement compliqué en France ». « En dépit de l’épaisseur du Code du travail, cela n’empêche pas, malheureusement, de licencier. En revanche, il empêche de recruter, car il est trop contraignant ». 3ème observation : Plaidoyer pour le travail. « Au-delà de l’Organisation du temps de travail, la question du travail est essentielle notamment dans le contexte actuel ». « Il est primordial de replacer le travail au cœur des préoccupations. C’est un véritable enjeu de société. » « Le chômage est le principal fléau de notre société, la gangrène ». « Fondamentalement, il y a un dénominateur commun, c’est le rapport au travail en France qui est malsain. En Allemagne, ils ont un rapport sain avec leur entreprise. Le travail est mis au cœur de la société. En France ce n’est plus le cas. Il devient vite un sujet conflictuel ». « La question des 35 heures est posée. La non rediscussion des 35h au regard de ses résultats est plus grave que sa mise en œuvre ». Il faudrait arriver à avoir une relation plus saine, plus normale avec le travail. « Il faut remettre le travail au cœur des priorités. Dans ce contexte, l’organisation du temps de travail est la dérivée seconde ». D’ailleurs face à ces transformations, une partie de la société est prête notamment les jeunes (de plus en plus « citoyens du monde ») qui sont en demande de nouvelles formes d’OTT. Il y aura probablement un conflit générationnel voire « une révolution culturelle ». Témoignage => Dans l’article « Constituer une équipe solide grâce aux « essais » » HBR oct-nov 2014, Matt Mullenweg PDG d’Automattic (230 salariés, a créé Wordpress) souligne qu’il est essentiel de « penser le travail autrement » et que « les horaires de travail ne l’intéressent pas». Mais son intérêt porte essentiellement sur la capacité à innover et les résultats de ses équipes. « Peu importe que vous vous leviez tard, alliez chercher un enfant à l’école, passiez l’après-midi sur un parcours de golf et travailliez entre deux et cinq heures du matin. » Au regard de son business model, lequel repose sur une forte capacité à innover, sa politique des horaires est en parfaite adéquation et se caractérise par un management par objectifs et résultats. Il a ainsi développé un mode de recrutement « procédé d’essais de postes » et ses salariés travaillent à distance.

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CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE Notre constat est sans appel. La question de l’organisation du temps de travail au sein des entreprises devient une des questions centrales à prendre en compte par les DRH. L’enjeu est majeur et les impacts multiples. Pourquoi cet impératif ? Comme nous l’avons démontré tout au long de cette partie, les entreprises évoluent dans un écosystème qui change profondément et durablement. Les principaux moteurs en sont la mondialisation et la mutation technologique. Cette mutation radicale n’est pas sans conséquence sur les organisations, les salariés et les cadres en particulier. Première conséquence, les rythmes de travail évoluent, les salariés sont amenés à travailler de plus en plus en temps réel. Dorénavant, les maîtres mots sont immédiateté, instantanéité, vitesse et sentiment d’urgence. Parallèlement, nous constatons une tendance à une superposition des temps qui se traduit par la capacité à mener plusieurs tâches de front : faire les courses sur Internet au bureau, lire dans les transports, répondre à ses mails via son Smartphone, etc. Dans un sens, ces évolutions permettent une certaine souplesse dans les organisations, une adaptabilité des méthodes de travail et des relations interprofessionnelles ad hoc (circulation de l’information, réactivité, capacité à résoudre les problèmes rapidement, etc.). A contrario, elles sont aussi génératrices de stress en forte croissance, de confusion des espaces, d’une porosité des frontières entre les temps professionnels et privés, d’un sentiment de manquer de temps alors qu’en France la durée légale du travail est une des plus réduites qu’il soit. Dans ce nouvel environnement, les salariés et les cadres, plus particulièrement, peuvent être en perte de repères et de limites. A ces bouleversements, s’ajoute l’évolution des comportements des salariés, notamment dans leur rapport au temps de travail. Ainsi, une tendance se dessine celle du souhait d’un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée ainsi qu’une plus grande maîtrise du temps de travail. Par ailleurs, le temps libre devient une valeur fondamentale. Dans ce contexte, nous identifions une deuxième conséquence, l’émergence d’une appétence pour de nouvelles formes d’organisation du travail et de son temps. Dans notre mémoire, nous en avons recensé de nombreux modes d’OTT : à titre d’exemple, nous pouvons évoquer la semaine compressée, le télétravail ou l’horaire de travail variable. Selon notre point de vue, il y a une nécessité de prendre en compte une forte demande de conciliation des différents temps des salariés (professionnels, familial, individuel, loisirs, etc.). Aujourd’hui, ne rien faire c’est s’exposer à des risques à la fois pour les salariés et les entreprises comme nous les avons identifiés dans le chapitre 4. Première conclusion : au regard de cette analyse, on est manifestement aujourd’hui dans un nouveau paradigme : il s’agit d’allier la performance collective et la satisfaction des exigences individualisées des salariés, de plus en plus prégnantes. Une entreprise à la culture organisationnelle "constructive", qui permet à ses collaborateurs de se réaliser personnellement, de concilier les exigences de leur emploi et celles de leur vie familiale et personnelle, renforce sa performance et son efficience. Dès lors, cette entreprise se situe dans un rapport gagnant/ gagnant : engagement et satisfaction des salariés d’un côté, accroissement de la performance et amélioration du climat de l’autre. L’effet de levier de ce type de politique est important. La condition du respect du contrat social et psychologique est primordiale.

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Deuxième conclusion : nous pensons que les évolutions, explicitées dans la partie 1, recèlent certes des contraintes mais aussi des opportunités. Effectivement, les entreprises devraient se saisir de cette question pour réfléchir à une organisation plus dynamique de leur temps de travail plus dynamique. Mais le font-elles ? Sont-elles prêtes à prendre ce virage ? Sous quelles formes ? Selon quelle méthodologie ? Les DRH sont confrontés à ce défi, celui de s’emparer de la question de l’organisation du temps de travail et d’être capable de mener une politique constructive et positive. Mais à ce stade, quelle est leur perception de cette question ? Est-elle en adéquation ou en phase avec celle des cadres ? Quelle peut être leur marge de manœuvre ? Certains seront nécessairement confrontés à un business model qui restreindra leur action. Nous estimons que ce modèle a aussi sa place et que l’entreprise est parfois confrontée à des enjeux ou des modes de fonctionnement qui ne leur permettront pas des pratiques innovantes sur ce thème. Dans ce cas, la nécessité fait loi. A l’aune de ce que nous avons pu mettre en exergue, nous avons mené une étude empirique auprès des cadres et des DRH afin de vérifier nos hypothèses et identifier les pratiques ou difficultés rencontrées. Une des questions centrales de l’étude étant : comment faire pour que l’organisation du temps de travail soit pilotée afin de garantir la conciliation des différentes exigences des parties prenantes (cadres, DRH/ entreprises). C’est tout l’enjeu de la partie qui suit.

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51

PARTIE2–ENQUETEEMPIRIQUE

« On n’est pas là pour faire des heures …. On est là pour s’épanouir » Philippe Lamblin

Dans un premier temps, nous présentons les résultats de l’étude quantitative réalisée auprès de 110 cadres (1). Quelle est la vision de l’organisation du temps de travail qui leur paraît la plus adaptée ? Quels sont leurs problèmes actuels en termes de temps de travail ? Comment arrivent-ils à gérer leur travail ? Nous avons ensuite interrogé 13 DRH et recueilli leurs impressions sur la difficulté que cet exercice de conciliation peut avoir, d’un point de vu des outils à disposition, de leur stratégie RH ou encore de la manière dont ils peuvent utiliser l’organisation du temps de travail comme levier de performance (2).

Chapitre 1 - L’enquête quantitative Dans notre réflexion sur le temps de travail et sur la manière dont le temps est organisé au sein de l’entreprise, il nous a paru indispensable d’interroger ceux qui, au quotidien, subissent ou bénéficient de l’organisation du temps de travail : les cadres. Quel est le degré de satisfaction des cadres vis-à-vis de leur organisation du temps de travail ?

Cette enquête était un moyen de décrypter les pratiques des cadres vis-à-vis de leur organisation du temps de travail.

Nous faisons l’hypothèse qu’une entreprise à la culture organisationnelle "constructive", qui permet à ses collaborateurs de se réaliser personnellement, est plus efficace. En effet, le gestionnaire efficace est celui dont l'unité de travail, le groupe ou l'équipe atteint à répétition ses objectifs sans que fléchissent l'engagement et l'enthousiasme de ses membres. Il y a donc deux facettes de la tâche du gestionnaire: l'efficacité fonctionnelle et la satisfaction dans le travail, c'est-à-dire le sentiment favorable qu'inspirent aux individus leur emploi et leur milieu de travail(John R.Schermerhorn Jr et al., 2010). Nous pensons que cette satisfaction vient en partie d’une bonne articulation entre le temps du travail et le temps personnel, qui permet par là même d’endiguer ce « sentiment d’urgence » qui se propage dans nos entreprises, comme le souligne Nicole Aubert (2003). Dans ce questionnaire, nous avons donc fait le choix de nous focaliser sur la population cadres comme étant celle la plus soumise à des horaires variables et la plus susceptible d’être exposée à divers facteurs de risques dont celui du stress en raison de la difficulté de répondre en temps et en heures aux objectifs fixés (mutations économiques), de la question de l’opposition ou de la conciliation entre le temps de la personne et le temps de l'organisation (mutations technologiques) du rapport de l'individu à son organisation du travail (mutations sociologiques).

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1.1 Définitions de la satisfaction au travail La satisfaction au travail a été définie longtemps (Locke, 1976) comme « un état émotionnel agréable ou positif résultant de l’évaluation faite par la personne de son travail ou de ses expériences au travail ». Igalens (1999) définit la satisfaction au travail comme « une réponse émotionnelle positive résultant de l’évaluation du travail ou des expériences de travail. La satisfaction est un concept dynamique. C’est une perception instable qui évolue en fonction des expériences mais aussi en fonction des attentes du salarié qui peuvent se modifier tout au long de sa vie ». Adams et Bond (2000) proposent plus tard de définir le concept de satisfaction comme étant le « degré d’affectif positif envers un travail ou ses composants » et qui fait référence à des caractéristiques individuelles et des caractéristiques de l’organisation du travail. Mignonac (2004), considère que la satisfaction au travail doit se définir en termes d’évaluation. Meyssonnier et Roger (2006), observent que la satisfaction au travail peut être appréhendée selon 3 approches :

● un « état émotionnel » : une réponse émotionnelle positive face à une expérience de travail ; cet « état émotionnel » est une perception instable qui évolue avec le temps ● une « évaluation » dans laquelle l’individu appréhende l’écart perçu entre ce

qu’il attendait et ce que le travail est réellement ● une « dynamique » dans laquelle «l’individu est en constante adaptation afin

de maintenir le niveau de satisfaction qui lui convient et qui évolue en fonction des besoins et des aspirations de l’individu et de la réalité vécue dans le travail au sein de l’entreprise, et qui résulte de l’action des forces internes et externes à l’organisation ».

Reprenant les travaux de Mignonac, Iglesias et al. (2010) proposent cette définition : « la satisfaction au travail peut être définie comme une évaluation de son travail et de sa situation de travail ». Patterson et al. (2010) considèrent le concept de satisfaction comme une interaction entre la cognition et l’affect, ou la réflexion et les sentiments : une satisfaction intrinsèque (avec la hiérarchie, les collègues et le travail lui-même) et une satisfaction extrinsèque (la paie, les promotions). Le concept de satisfaction au travail est donc dynamique et lié à beaucoup de facteurs qui influencent la satisfaction des salariés : autonomie des décisions, rapports avec la hiérarchie, soutien des collègues, utilité de son travail, la variabilité des tâches, le feed-back du travail, l’estime de soi dans son travail, etc. Grace à ce questionnaire nous avons essayé de percevoir le niveau de satisfaction au travail qu’ont les cadres interrogés, à travers le prisme du temps (temps de travail, temps individuel, temps hors travail).

1.2 Le questionnaire Au regard de l’enjeu et de l’impact que peut avoir la satisfaction de l’organisation du temps de travail sur la performance globale d’une entreprise quelle qu’elle soit, nous avons souhaité approfondir cet axe d’étude et confronter la pratique et le terrain avec les éléments théoriques développés par les sociologues et/ou économistes. Pour cela, notre questionnaire se compose

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53

d’items permettant d’apprécier les niveaux de satisfaction en lien avec l’organisation du temps de travail (annexes 2 et 3). Notre questionnaire est composé de 15 items et la durée moyenne de réponse était de 10 minutes. L’enquête a été administrée sur Internet et s’adressait aux cadres avec ou sans management, tous secteurs confondus. Les réponses étaient anonymes. Les thèmes abordés sont les suivants :

• la satisfaction (charge de travail, gestion du temps, mode d’organisation, développement professionnel, etc.).

• la qualité de vie au travail (équilibre vie professionnelle/vie personnelle, développement et/ou maintien des relations interpersonnelles, etc.).

Les objectifs multiples de notre enquête sont donc:

• d’appréhender les opinions et attentes des cadres concernant leur organisation du temps de travail.

• de comprendre les attitudes et comportements des cadres envers cette organisation. Dans notre enquête nous avons 110 répondants et nous leurs avons demandé de nous fournir certaines informations sur :

• leur situation personnelle (sexe, situation familiale), • la situation professionnelle (intitulé du poste, s’ils managent, le temps de trajet), • leur organisation du temps de travail en place (type de forfait, nombre d’heures

travaillées en moyenne par semaine, mode de contrôle des horaires, appréciation générale de leur OTT),

• la société dans laquelle ils travaillent (secteur d’activité, nombre d’effectifs, si un changement de l’organisation de travail était en cours).

1.3 Analyse statistique : méthodologie Les résultats de l’enquête ont été analysés sur le logiciel SPSS (Statistical Package for the Social Sciences) version 8.0 selon différentes méthodes. D’abord, une analyse des fréquences obtenues dans chaque item et selon les informations recueillies avec un test du χ2 (Khi-deux), puis une comparaison probabiliste des moyennes obtenues avec une analyse Anova Oneway17. Nous avons utilisé deux tests χ2 différents: le χ2 d’adéquation (non paramétrique) et le χ2 d’indépendance. Le test χ2 d’adéquation permet de vérifier si un échantillon d'une variable aléatoire Y donne des observations comparables à celles d'une loi de probabilité P définie a priori, dont on pense, pour des raisons théoriques ou pratiques, qu'elle devrait être la loi de Y. L’hypothèse nulle (H0) d'un test du χ² d'adéquation est donc la suivante : la variable aléatoire Y suit la loi de probabilité P. C'est un test d'ajustement puisque nous comparons un nombre observé d'objets ou de réponses dans chaque classe à un nombre espéré sur la base de l'hypothèse nulle. 17Ecolani,Areni,Leone:«Elementidistatisticaperlapsicologia»EditionsIlmulino.2008

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54

Le test χ2 d’indépendance permet d’évaluer si la répartition des effectifs dans une table de contingence est significativement différente de celle de la table calculée sous l’hypothèse d’indépendance des deux variables croisées. Le χ2 d’un tableau représente l’écart entre la répartition observée dans ce tableau et celle qu’on observerait si les lignes et les colonnes de ce tableau étaient indépendantes, c’est-à-dire, si le fait d’appartenir à une modalité d’une des deux variables croisées n’avait aucune influence sur la modalité d’appartenance de la deuxième variable. Le nombre de degrés de libertés (ddl) dépend du nombre de lignes et de colonnes d’un tableau. Avec les deux valeurs précédentes (χ2 et ddl), on peut estimer la probabilité p d’obtenir le tableau observé dans le cas où lignes et colonnes sont indépendantes. La probabilité p représente le nombre de chances que nous avons de nous tromper si on affirme que les deux variables croisées ne sont pas indépendantes. Le χ2 est extrêmement sensible aux effectifs : plus ceux-ci sont élevés, plus le risque de se tromper en rejetant l’hypothèse d’indépendance est faible, et donc plus la valeur du p est petite. Un χ2 non significatif peut donc signifier soit qu’on ne peut rejeter l’hypothèse d’indépendance entre les lignes et les colonnes du tableau (dans le cas où les pourcentages lignes ou colonnes sont très proches les uns des autres), soit qu’il n’y a pas indépendance mais que les effectifs dont nous disposons ne nous permettent pas d’en être sûr statistiquement (dans le cas où les pourcentages lignes ou colonnes sont sensiblement différents). Avec le test ANOVA (de l’anglais ANalysis Of VAriance) nous allons effectuer une comparaison probabiliste (non causaliste) des moyennes obtenues entre une variable dépendante (les réponses prises en compte par le modèle de l’échelle de Lickert) et une variable catégorielle. L'analyse de la variance permet d'étudier le comportement d'une variable à expliquer en fonction d'une ou de plusieurs variables explicatives catégorielles. L'analyse consiste à tester si les différences de variation dans chaque groupe (ou échantillon) défini par les modalités des variables explicatives s'écartent de manière significative de la valeur 0. Sous l'hypothèse nulle (il n'existe pas de différence entre les variables), nous nous attendons à obtenir de faibles fluctuations aléatoires des moyennes. Par conséquent, sous l'hypothèse nulle, la variance estimée basée sur la dispersion intra-groupe doit être approximativement la même que la variance due à la dispersion inter-groupes. Nous pouvons comparer ces deux estimations de variances grâce à un test du F, qui va tester si le ratio des deux estimations de variances est significativement supérieur à 1. Le seuil de significativité pour le p, en sciences humaines, est par convention fixé à 5 %, ou 0,05. Si le p est inferieur à ce seuil, on a moins de 5 chances sur 100 de se tromper si on rejette l'hypothèse nulle. Autrement dit, nous considérons qu’un lien existe entre les variables étudiées. La limite de notre enquête tient, d’une part au faible nombre de répondants, d’autre part à l’hétérogénéité des entreprises représentées. Une enquête plus large et ciblée sur un secteur particulier pourrait valider nos données.

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55

1.4 Résultats du questionnaire

1.4.1 Analyse des fréquences Dans cette première partie, nous commencerons par présenter les résultats obtenus (en pourcentage) pour chaque item. Ce qui nous permettra de dégager les grandes tendances et de dresser un premier état des lieux. Pour compléter cette analyse, nous procéderons à quelques tris croisés afin d’affiner certains constats et permettre in fine quelques recommandations. Tout d’abord, il est intéressant de souligner que la parité est quasi respectée : 51% d’hommes et 49% de femmes ont répondu à notre enquête. En outre, l’âge moyen est de 40 ans (range 23-62 ans). Notons cependant que pour les hommes il est de 42 ans et de 32 ans pour les femmes. Concernant la situation familiale, la répartition observée est la suivante : 65% de couples avec enfants et 20% de couples sans enfants, 15% de célibataires et 2% de célibataires avec enfants.

Figure 2 : Répartition selon l’âge, le sexe et la situation familiale

Concernant la situation professionnelle des 110 répondants, la répartition est la suivante : 66% ont une fonction managériale et 34% aucune. 62% ont un contrat au forfait annuel jours et 38% un contrat au forfait heures (22% sont au forfait heures mensuelles et 16% au forfait heures annuelles). En termes de contrôle des horaires, seuls 18% des cadres déclarent être contrôlés via un système de badgeuse (50%) ou un système déclaratif (50%). En France, 47% des cadres sont au forfait annuel jour et 13,3% des salariés d’entreprise de plus de 10 ETP (secteur privé non agricole) sont soumis à ce type de forfait. Cette convention est adoptée par les grands entreprises notamment du secteur banque, assurance (31%) de l’information et communication (25,6%), industrie (fabrication de matériel de transport / Equipement électroniques) : 49,3%.18 Le forfait annuel en heures ou en jours s’adresse aux cadres disposant d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur temps de travail. Dans ce contexte, difficile pour les cadres d’accepter ou de se soumettre au système de badgeuse. On peut penser que dans l’inconscient collectif, la badgeuse est associée au travail à la chaîne, au contrôle, au système tayloriste et son organisation. Dans ce contexte, il semble complexe pour les DRH d’imposer un système fiable de mesure du temps de travail. 18DARES Analyses : « Les salariés au forfait annuel en jours. Une durée du travail et une rémunération plus importantes » ; juillet 2015

56#51%#

54#49%#

sexe$(n°/%)$

Hommes#

Femmes#

16#15%#

20#18%#72#

65%#

2#2%#

situa/on$familiale$

célibataire#

en#couple#sans#enfants#

en#couple#avec#enfants#

célibataire#avec#enfants#

29#27%#

55#51%#

24#22%#

âge$(n°/%)$

<#35#ans#

35A45#ans#

>45#ans#

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Enfin, la taille19 de l’entreprise à laquelle appartiennent nos répondants se compose de la manière suivante : 26% des répondants sont dans une entreprise de moins de 50 salariés, 8% dans une entreprise entre 50 et 200 salariés, 7% dans une entreprise entre 200 et 500 salariés et 59% sont dans une entreprise de plus de 500 salariés.

Figure 3 : Répartition selon le type de forfait, contrôle des horaires et taille de l’entreprise

A la question « Combien d’heures travaillez-vous en moyenne par semaine » seulement 11% des répondants nous indiquent respecter l’horaire légal, 72% déclarent travailler entre 40 et 50 heures par semaine et 17% sont au-delà des 50 heures par semaine. Le forfait annuel en jours est soumis à un temps de repos, entre deux temps de travail, de 11 heures consécutives. Certaines conventions collectives (certaines banques par exemple) vont parfois au-delà. On peut dès lors s’interroger sur les 17 % des cadres qui déclarent travailler plus de 50 heures par semaine, soit 10 heures au minimum par jour. Ces pratiques font courir de nombreux risques (santé, opérationnel, juridique, etc.) aux salariés et entreprises. Il est impératif que les DRH s’emparent de cette question avec les managers, pour identifier les causes et apporter les mesures correctives notamment quand ces pratiques sont récurrentes et ne sont pas associées au pilotage d’un projet, qui est, par définition, circonscrit dans le temps. Parmi les entreprises représentées dans notre enquête, 25% sont en train de revoir leur organisation du temps de travail. Il ressort de l’analyse des verbatim des cadres que le télétravail est à l’étude dans la plupart des entreprises. Une régulation sur le temps de repos est un second axe de réflexion engagé par les entreprises (blocage de la messagerie, fermeture du site à des horaires fixes).

Figure 4 : heures moyennes travaillées et représentation des changements de l’OTT en cours ou à venir dans les entreprises interrogées

19Nousavonscréé4segmentsafindefaciliterl’analyse(rangeeffectifs:1-100000).

28#26%#

8#8%#

8#7%#

64#59%#

Taille&de&l'entreprise&

<50#

50,200#

200,500#

>500#

23#22%#

17#16%#65#

62%#

type&de&forfait&

Heures#Mensuel#

Heure#Annuel#

Jours#

20#18%#

89#82%#

Contrôle&des&horaires&

oui#

non#

12#11%#

77#72%#

18#17%#

heures&moyennes&travaillées&par&semaine&

horaire#légale#

40250h#

>50h#

27#25%#

68#62%#

14#13%#

Changement&OTT&en&cours&ou&à&venir&

oui#

non#

sais#pas#

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Nous avons procédé à l’analyse des fréquences des réponses aux différents items proposés dans notre enquête. Les pourcentages afférents à une question sont calculés sur les répondants à la question. 80% des cadres (dont 26,4% tout à fait d’accord et 53,6% d’accord) ont répondu être satisfaits de leurs horaires de travail (Q1). Ce point sera approfondi dans la suite de notre analyse. De surcroît, 53,6% des cadres estiment que l’organisation de leur temps de travail (Q2) a un effet positif sur leur qualité de vie (dont 19,1% tout à fait d’accord et 34,5% d’accord). En outre, 63,6% déclarent pouvoir choisir leurs horaires de travail contre 26,6% qui déclarent ne pas pouvoir les choisir (Q3). Sur ce dernier point, une analyse tenant compte des profils des répondants sera présentée par la suite. Ce bon niveau de satisfaction est confirmé par les verbatim recueillis, ainsi l’autonomie et la flexibilité des horaires sont les caractéristiques les plus plébiscitées dans leur organisation actuelle. En dépit d’un niveau de satisfaction élevé, on constate néanmoins que 47,3% des répondants ont une difficulté à concilier vie professionnelle-vie personnelle (Q4 : cette question est délibérément libellée sous la forme négative). Nous reviendrons sur ce point dans la 2ème partie de notre étude.

Figure 5 : Fréquences des réponses aux questions Q1, Q2, Q3 et Q4

Les répondants à hauteur de 61,8% déclarent que leur organisation du temps de travail est en adéquation avec leur charge de travail (Q5) cependant 61,6% déclarent rester toujours ou fréquemment tard au travail (Q6). « Je n’ai pas fini mon travail » est le principal motif évoqué pour 60,9 %, suivi de « on compte sur moi » pour 20% (Q7). Autre constat, la moitié des répondants reste entre 20h et 21h et 18,2% après 21h au travail.

Cette première analyse montre une première discordance entre la satisfaction des cadres vis à vis de leur organisation du temps de travail et la réalité de leur travail. Pouvons-nous poser

26,4%&

53,6%&

13,6%&6,4%&

0,0%&

10,0%&

20,0%&

30,0%&

40,0%&

50,0%&

60,0%&

tout&à&fait&d'accord&

d'accord& ni&d'accord&ni&en&désaccord&

pas&d'accord&

Q1:$Je$suis$sa+sfait(e)$de$mes$horaires$de$travail$$$

19,1%&

34,5%&

24,5%&20,0%&

1,8%&0,0%&

10,0%&

20,0%&

30,0%&

40,0%&

tout&à&fait&d'accord&

d'accord& ni&d'accord&ni&en&désaccord&

pas&d'accord& pas&du&tout&d'accord&

Q2:$Actuellement,$l’organisa+on$de$mon$temps$de$travail$a$un$effet$posi+f$sur$ma$qualité$de$vie$

24,5%&

39,1%&

10,9%&

19,1%&

5,5%&

0,0%&5,0%&10,0%&15,0%&20,0%&25,0%&30,0%&35,0%&40,0%&45,0%&

tout&à&fait&d'accord&

d'accord& ni&d'accord&ni&en&désaccord&

pas&d'accord& pas&du&tout&d'accord&

Q3:$Je$peux$choisir$mes$horaires$de$travail$$

6,4%&

40,9%&

13,6%&

38,2%&

0,9%&0,0%&

10,0%&

20,0%&

30,0%&

40,0%&

50,0%&

tout&à&fait&d'accord&

d'accord& ni&d'accord&ni&en&désaccord&

pas&d'accord& pas&du&tout&d'accord&

Q4:$J’ai$du$mal$à$concilier$les$exigences$de$ma$vie$professionnelle$avec$celles$de$ma$vie$personnelle$

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l’hypothèse que les questions Q4 (conciliation vie pro-vie privée) et Q8 (heure de départ du travail) soient liées ? Dans notre enquête, 57 cadres restent au travail entre 20h et 21h. Au sein de ce groupe 50,8% déclarent avoir du mal à concilier vie professionnelle et vie privée contre 31% ne pas avoir de difficulté. Cet écart n’est pas statistiquement significatif. Toutefois des pistes de réflexion peuvent être introduites comme, par exemple, la prise en compte du temps de trajet. Dans notre enquête, la question du temps de trajet domicile-travail a été posée mais nous avons décidé de ne pas exploiter cette donnée en raison d'une faible fiabilité des données et du risque d’interprétation que cela pouvait créer.

Cette donnée supplémentaire aurait peut-être permis d’affiner notre analyse et éventuellement démontrer que le temps du trajet est un critère important qui rentre en jeu dans la conciliation vie professionnelle et vie privée.

Figure 6 : fréquences des réponses aux questions Q5, Q6, Q7 et Q8

Exprimée différemment, la question Q9 a le même objectif que la Q1 : s’assurer du niveau de satisfaction globale des cadres vis-à-vis de leur temps de travail. Les résultats de la question Q9 soulignent la tendance observée (Q1) et confirment les réponses obtenues précédemment.

Quand bien même une majorité des cadres est satisfaite de l’organisation de son temps de travail, une grande partie (41,8%) est favorable à une nouvelle organisation (Q10). Le télétravail et la semaine compressée sont les deux formes d’OTT préférées (Q11). Autre donnée intéressante, la proportion des indécis qui atteint les 34,5%. En revanche, même si une grande partie de nos répondants est favorable à un changement d’OTT, presque un tiers n’est pas prêt à faire d’efforts en cas de renégociation (Q12). Le télétravail est une des formes d’OTT plébiscitées dans notre enquête.

Ce résultat fait écho à l’étude menée par l’Observatoire du Télétravail et de l’ERGOstressie (Liaisons Sociales, 2015). Elle confirme l’idée que le « télétravail a un impact positif sur la

14,5%&

47,3%&

9,1%&

27,3%&

1,8%&0,0%&

10,0%&

20,0%&

30,0%&

40,0%&

50,0%&

tout&à&fait&d'accord&

d'accord& ni&d'accord&ni&en&désaccord&

pas&d'accord& pas&du&tout&d'accord&

Q5:$Mon$organisa-on$du$temps$de$travail$est$en$adéqua-on$avec$ma$

charge$de$travail$

11,8%&

50,0%&

36,4%&

0,9%&0,0%&

10,0%&

20,0%&

30,0%&

40,0%&

50,0%&

60,0%&

toujours& fréquemment& rarément& jamais&

Q6:$Je$reste$tard$au$travai$

60,9%&

11,8%&

20,0%&

0,9%& 1,8%& 0,9%& 2,7%&

0,0%&

10,0%&

20,0%&

30,0%&

40,0%&

50,0%&

60,0%&

70,0%&

Je&n'ai&pas&

fini&mon&

travail&

Je&me&réalise&

dans&mon&

travail&

On&compte&

sur&moi&

Tout&le&

monde&le&fait&

Mon&

manager&est&

encore&là&

Pour&éviter&

les&heures&de&

pointe&

(transport)&

Autre&

Q7:$Quand$je$reste$au$travail$plus$tard$le$soir$c’est$parce$que$

26,4%&

50,9%&

18,2%&

0,0%&

10,0%&

20,0%&

30,0%&

40,0%&

50,0%&

60,0%&

<19:30H& 20HO21H& >21H&

Q8:$Quand$je$reste$au$travail$plus$tard$le$soir$c’est$jusqu’à$

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59

vie personnelle des salariés » pour 80% des personnes interrogées contre 15% « qui y voient des conséquences négatives ». La vie personnelle (95%), la vie familiale (89%), le stress et la fatigue liée au transport en diminution (87%) enfin la liberté dans la gestion du temps (85%) sont les principaux bénéfices de ce mode de travail. En revanche, la durée du temps de travail augmente pour 61 % des répondants. Ceci s’explique par le fait que les salariés ont transformé leur temps de transports ou leur temps de pause (café, déjeuner) par du temps de travail effectif.

Figure 7 : fréquences des réponses aux questions Q9, Q10, Q11 et Q12

La question Q13 met l’accent sur l’utilisation actuelle du temps disponible dans l’organisation en place pour les cadres. Sauf dans la proposition « développer une réflexion sur mon plan d’action » où les réponses sont peu divergentes, les cadres interrogés semblent avoir du temps disponible dans leur organisation pour s’enrichir dans leur vie professionnelle, tout en ayant du temps pour leur vie personnelle. La question Q14 vise à sonder les effets positifs qu’une réorganisation du temps de travail pourrait avoir.

L’accord national interprofessionnel (ANI) sur l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail (QVT) a été signé le 19 juin 2013. Cet accord vise à encourager les entreprises qui le souhaitent à négocier un accord QVT avec leurs partenaires sociaux afin d’améliorer les capacités d’expression et d’action, les conditions d’emploi et de travail et le contenu du travail. Clairement, l’organisation du temps de travail est un des axes de travail qui nécessite d’être étudié et inscrit précisément dans un accord d’entreprise.

16,4%&

49,1%&

17,3%& 15,5%&

1,8%&0,0%&10,0%&20,0%&30,0%&40,0%&50,0%&60,0%&

tout&à&fait&d'accord&

d'accord& ni&d'accord&ni&en&désaccord&

pas&d'accord& pas&du&tout&d'accord&

Q9:$Je$suis$sa+sfait$(e)$de$l’organisa+on$actuelle$de$mon$

temps$de$travail$

4,5%&

37,3%& 34,5%&

20,0%&

3,6%&

0,0%&

10,0%&

20,0%&

30,0%&

40,0%&

tout&à&fait&d'accord&

d'accord& ni&d'accord&ni&en&désaccord&

pas&d'accord& pas&du&tout&d'accord&

Q10:$Je$suis$favorable$à$une$nouvelle$organisa+on$de$mon$temps$

de$travail$$

36,4%&

5,5%&

23,6%&

10,0%&

2,7%& 2,7%&

13,6%&

1,8%&

0,0%&

10,0%&

20,0%&

30,0%&

40,0%&

organisation actuelle

temps partiel choisi

télétravail semaine compressée

horaires décalés autre télétravail+ semaine

compressée

télétravail + horaires décalés

Q11L’organisa,on-de-mon-temps-de-travail-qui-me-correspondrait-le-

mieux-

8,2%& 9,1%&5,5%& 7,3%&

28,2%& 30,0%&

9,1%&

0,0%&

10,0%&

20,0%&

30,0%&

40,0%&

Ma&rémunéra5on& Mon&autonomie& L'intérêt&des&missions&qui&me&sont&confiées&

Ma&carrière& Je&ne&suis&pas&prêt&(e)&à&faire&d'effort&

Je&ne&veux&pas&de&négocia5on&de&mon&temps&de&travail&

plus&de&2&choix&

Q12:-En-cas-de-négocia,on-de-mon-temps-de-travail,-je-serais-prêt-(e)-à-

faire-un-effort-sur-

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60

Figure 8 : fréquences des réponses aux questions Q13 et Q14

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61

Après avoir analysé, les résultats pour chaque item, nous avons croisé certaines questions : - la Q1 a été croisée avec les Q2, Q4, Q9 et Q10, pour essayer de mettre en évidence la

cohérence des réponses, - la Q6 a été croisée avec les Q5, Q7 et Q8 pour mettre en relation les heures

travaillées avec l’adéquation de la charge de travail, la cause et l’amplitude de la durée du travail

- la question Q10 a été croisée avec les Q11 et Q12 pour approfondir les souhaits d’une éventuelle négociation de l’organisation du temps de travail.

Concernant la question Q1, nous avons décidé de grouper les répondants qui ont donné une réponse favorable (Groupe 1 : tout à fait d’accord et d’accord) et de les comparer aux répondants ayant donné une réponse indécise (Groupe 2 : ni d’accord ni en désaccord) et aux répondants ayant donné une réponse défavorable (Groupe 3 : pas d’accord et pas du tout d’accord). Nous remarquons que l’analyse des questions Q2, Q4, Q9 et Q10 sont cohérentes avec les réponses apportées à la Q1 : le groupe 1 reste satisfait sur les items cités ci-dessus et le groupe 3 reste insatisfait. A contrario, au sein du groupe 2, les résultats sont plus contrastés : nous remarquons un prise de position plus marquée, notamment aux questions Q2 et Q4 où l’insatisfaction est exprimée de manière plus nette et dans la question Q10 où le souhait d’une réorganisation de leur OTT est envisagé par 60% des répondants.

Figure 9 : analyse croisée de la question Q1

Concernant l’analyse de la question Q6, nous avons décidé de ne pas tenir compte de la réponse « Jamais » qui avait été exprimée par un seul répondant. En observant les réponses croisées aux questions Q5 et Q6 nous observons que la majorité des cadres qui restent rarement tard au travail affirment, logiquement, que leur OTT est en adéquation avec leur charge de travail. Chez les cadres qui disent « toujours » ou « fréquemment » rester tard au travail, un tiers est insatisfait de leur organisation du temps de travail.

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62

Le motif qui pousse les cadres à travailler tard (Q8), quelle que soit la fréquence, est « je n’ai pas fini mon travail », suivi par « on compte sur moi ». Quelle que soit la fréquence à laquelle les cadres restent tard au travail, leur journée de travail se termine entre 20h et 21h.

Figure 10: analyse croisée de la question Q6

L’analyse croisée de la question Q10 avec la Q11 et Q12 nous montre que les cadres qui ont répondu favorablement (tout à fait d’accord et d’accord) à une réorganisation de leur temps de travail seraient favorables à la mise en place du télétravail (50% et 37,8% respectivement) suivi de la semaine compressée (25% et 10,8%) ou à la combinaison des deux (25% et 29,7%). En revanche, leurs réponses à la Q12 dévoilent qu’ils ne sont pas prêts à faire des efforts (40% et 39%). Au contraire, les cadres qui ont répondu de manière défavorable (pas d’accord et pas du tout d’accord) à une réorganisation à la Q10 souhaitent garder l’organisation en place dans la Q11 (81,8% et 75% respectivement) et confirment leur choix avec la réponse «je ne veux pas de négociation de mon temps de travail » à hauteur de 71,4% et 50% respectivement.

11,8%%

50,0%%

36,4%%

0,9%%0,0%%

10,0%%

20,0%%

30,0%%

40,0%%

50,0%%

60,0%%

toujours% fréquemment% rarément% jamais%

Q6:$Je$reste$tard$au$travai$

toujours' fréquemment' rarement'Je'n'ai'pas'fini'mon'travail' 76,9%' 54,5%' 65,0%'

Je'me'réalise'dans'mon'travail' 7,7%' 14,5%' 10,0%'

On'compte'sur'moi' 15,4%' 16,4%' 25,0%'

Tout'le'monde'le'fait' 0,0%' 1,8%' 0,0%'

Mon'manager'est'encore'là' 0,0%' 3,6%' 0,0%'

Pour'éviter'les'heures'de'pointe'(transport)' 0,0%' 1,8%' 0,0%'

Autre' 0,0%' 5,5%' 0,0%'

76,9%'

54,5%'65,0%'

7,7%'14,5%' 10,0%'

15,4%'

16,4%'

25,0%'

3,6%'5,5%'

0,0%'10,0%'20,0%'30,0%'40,0%'50,0%'60,0%'70,0%'80,0%'90,0%'

reponses'à'la'ques-on'Q7''

toujours' fréquemment' rarement'<19:30H' 7,7%' 23,6%' 37,5%'

20H<21H' 61,5%' 49,1%' 50,0%'

>21H' 30,8%' 21,8%' 10,0%'

7,7%'

23,6%'

37,5%'

61,5%'

49,1%' 50,0%'

30,8%'

21,8%'

10,0%'

0,0%'

10,0%'

20,0%'

30,0%'

40,0%'

50,0%'

60,0%'

70,0%'

reponses'à'la'ques-on'Q8''

toujours' fréquemment' rarement'tout'à'fait'd'accord' 15,4%' 10,9%' 15,0%'

d'accord' 30,8%' 45,5%' 57,5%'

ni'd'accord'ni'en'désaccord' 15,4%' 9,1%' 7,5%'

pas'd'accord' 30,8%' 34,5%' 17,5%'

pas'du'tout'd'accord' 7,7%' 0,0%' 2,5%'

15,4%'10,9%'

15,0%'

30,8%'

45,5%'

57,5%'

15,4%'9,1%' 7,5%'

30,8%'34,5%'

17,5%'

7,7%'2,5%'

0,0%'

10,0%'

20,0%'

30,0%'

40,0%'

50,0%'

60,0%'

70,0%'

reponses'à'la'ques-on'Q5''

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63

Figure 11 : analyse croisée de la question Q10

1.4.2 Les corrélations avec les aspects intrinsèques et extrinsèques. Dans cette deuxième partie, nous allons nous concentrer sur les données significatives que nous avons réussi à mettre en évidence dans notre analyse, notamment les relations entre les aspects intrinsèques de l’individu et les aspects extrinsèques (dérivés par leur contrat de travail). Parmi les aspects intrinsèques:

• L’aspect générationnel (âge) a un impact sur la situation familiale, le management, les souhaits sur l’évolution vers une nouvelle organisation, avec les efforts mobilisables,

• La situation personnelle (situation familiale avec enfant/sans enfant) a un impact sur la situation professionnelle, le type de contrat, la satisfaction des horaires travaillés, sur les horaires moyens effectués, sur le type d’organisation recherché, sur certains facteurs d’amélioration de leur travail.

Parmi les aspects extrinsèques :

• La situation professionnelle : le management impacte la satisfaction de choisir ses horaires et certains facteurs d’amélioration des conditions de travail (concentration, motivation, feuille de route, efficacité) ou la vie personnelle ;

• Type de forfait (jours/heures) : le type de forfait a un lien avec la situation managériale et la situation familiale et sur la possibilité de choisir ses horaires ;

tout$à$fait$d'accord$ d'accord$ ni$d'accord$ni$en$désaccord$ pas$d'accord$ pas$du$tout$d'accord$

l'organisa4on$actuelle$ 0,0%$ 5,4%$ 44,7%$ 81,8%$ 75,0%$

temps$par4el$choisi$ 0,0%$ 10,8%$ 5,3%$ 0,0%$ 0,0%$

télétravail$ 50,0%$ 37,8%$ 23,7%$ 9,1%$ 0,0%$

semaine$compressée$ 25,0%$ 10,8%$ 13,2%$ 4,5%$ 0,0%$

horaires$décalés$ 0,0%$ 2,7%$ 5,3%$ 0,0%$ 0,0%$

télétravail$et$semaine$compressée$ 0,0%$ 0,0%$ 0,0%$ 0,0%$ 0,0%$

télétravail$et$horairesdécalés$ 0,0%$ 2,7%$ 0,0%$ 4,5%$ 25,0%$

plus$de$3$choix$ 25,0%$ 29,7%$ 7,9%$ 0,0%$

5,4%$

44,7%$

81,8%$75,0%$

10,8%$5,3%$

50,0%$

37,8%$

23,7%$

9,1%$

25,0%$

10,8%$ 13,2%$

4,5%$2,7%$ 5,3%$2,7%$ 4,5%$

25,0%$25,0%$29,7%$

7,9%$

0,0%$

10,0%$

20,0%$

30,0%$

40,0%$

50,0%$

60,0%$

70,0%$

80,0%$

90,0%$

réponses(à(la(ques.on(Q11(

tout$à$fait$d'accord$ d'accord$ ni$d'accord$ni$en$désaccord$ pas$d'accord$ pas$du$tout$

d'accord$Ma$rémunéra4on$ 0,0%$ 7,3%$ 11,1%$ 9,5%$ 0,0%$

Mon$autonomie$ 20,0%$ 17,1%$ 2,8%$ 4,8%$ 0,0%$

L'intérêt$des$missions$qui$me$sont$confiées$ 0,0%$ 4,9%$ 8,3%$ 4,8%$ 0,0%$

Ma$carrière$ 0,0%$ 12,2%$ 8,3%$ 0,0%$ 0,0%$

Je$ne$suis$pas$prêt$(e)$à$faire$d'effort$ 40,0%$ 39,0%$ 33,3%$ 0,0%$ 25,0%$

Je$ne$veux$pas$de$négocia4on$de$mon$temps$de$travail$ 20,0%$ 9,8%$ 30,6%$ 71,4%$ 50,0%$

plus$de$2$choix$ 20,0%$ 9,8%$ 5,6%$ 9,5%$ 25,0%$

7,3%$11,1%$ 9,5%$

20,0%$17,1%$

2,8%$ 4,8%$4,9%$8,3%$

4,8%$

40,0%$ 39,0%$33,3%$

25,0%$

20,0%$

9,8%$

30,6%$

71,4%$

50,0%$

20,0%$

9,8%$5,6%$

9,5%$

25,0%$

0,0%$

10,0%$

20,0%$

30,0%$

40,0%$

50,0%$

60,0%$

70,0%$

80,0%$

réponses(à(la(ques.on(Q12(

4,5%%

37,3%% 34,5%%

20,0%%

3,6%%

0,0%%

10,0%%

20,0%%

30,0%%

40,0%%

tout%à%fait%d'accord%

d'accord% ni%d'accord%ni%en%désaccord%

pas%d'accord% pas%du%tout%d'accord%

Q10:%Je%suis%favorable%à%une%nouvelle%organisa5on%de%mon%temps%de%

travail%%

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• Taille de l’entreprise : qui impacte la satisfaction de choisir ses horaires et le type de forfait.

1.4.2.1 Les corrélations avec les aspects intrinsèques

1.4.2.1.1 L’aspect générationnel Dans cette analyse, nous avons groupé notre population de cadres en 3 groupes selon leur âge : les moins de 35 an, la population intermédiaire entre 36 et 45 ans, et les seniors de plus de 45 ans. Notre population interrogée reflète une distribution significative de la situation familiale en rapport avec l’âge (p=,015). Dans le groupe des moins de 35 ans, l’âge moyen des célibataires ou des couples sans enfant est aux alentours de 32 ans. Dans notre enquête, les femmes sans enfant ont un âge moyen de 31,6 ans. En France métropolitaine, l’âge moyen auquel les femmes accouchent de leur premier enfant augmente depuis le milieu des années 1970 et atteint 28,1 ans en 2010. De plus, plus les femmes sont diplômées, plus elles ont tendance à avoir leur premier enfant tard (1,7 an de plus que la moyenne des femmes résidant en France métropolitaine)20. Dans notre enquête, s’agissant de cadres, il serait intéressant de suivre ces femmes et de les interroger sur leurs choix de carrière et le souhait d’avoir un enfant. Lequel prévaut sur l’autre ? Les femmes doivent-elles encore faire un choix ou le monde du travail et l’organisation du temps de travail moderne leur permettent-ils de ne plus avoir à choisir ? Comme nous l’avons présenté précédemment, les études de Caruso et al (2004 ; 2006 ; 2008) montrent une corrélation entre les heures travaillées et le retard dans le mariage et la procréation.

Figure 12 : Relation entre l’âge et la situation familiale

20INSEE:«Unpremierenfantà28ans»n°1419,Octobre2012

0,00%$

20,00%$

40,00%$

60,00%$

80,00%$

100,00%$

<$de$35$ans$ $36245$ans$ >$46$ans$

24,14%$14,55%$

4,17%$

34,48%$

10,91%$

16,67%$

41,38%$

70,91%$ 79,17%$

Rela%on(entre(l'âge(et(situa%on(familiale(

couple$avec$enfant$

coupe$sans$enfant$

célibataire$

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65

Les responsabilités professionnellesaugmententavec l’âge. Nous remarquons que, dans notre population, l’âge est un facteur lié avec le management (p=,002). Plus les cadres sont âgés, plus ils sont managers.

Figure 13: Relation entre l’âge et le management

L’âge influence aussi le taux de satisfaction de la Q3 (je peux choisir mes horaires de travail ; p=,004). La population moins âgée semble souffrir d’un manque d’autonomie et de liberté des horaires de travail. La différence entre générations prend tout son sens si on fait l’hypothèse que les jeunes, qui ont grandi avec la technologie depuis leur plus tendre enfance, sont polychrones et donc que leur approche au temps est différente des autres générations. Être soumis à des horaires est davantage accepté par les générations précédentes. De même, quand ils sont interrogés sur l’organisation qui leur ressemble le plus (Q11 ; p=,003), les plus jeunes sont très nombreux à choisir des formes d’organisation du temps de travail qui leur garantissent d’avoir plus de temps disponible (télétravail, semaine compressée). Ils sont ceux qui sont les moins satisfaits de l’organisation actuellement en place dans leur entreprise. A l’aune de cette information, nous pensons que les DRH doivent se saisir de la question au sein de leurs organisations : les moins de 35 ans ont besoin de voir évoluer leur organisation du temps de travail pour pouvoir satisfaire leur souhait de ne pas être « enfermés » dans des règles qu’ils ne partagent pas. Leur vision du travail et surtout leur vision du temps passé au travail, sont diamétralement opposées aux générations qui les ont précédées.

Figure 14 : réponses selon l’âge aux questions Q3 et Q11

0,00%$

20,00%$

40,00%$

60,00%$

80,00%$

100,00%$

<$de$35$ans$ $36245$ans$ >$46$ans$

51,72%$

36,36%$

8,70%$

48,28%$

63,64%$

91,30%$

Rela%on(entre(l'âge(et(le(management(

avec$management$

sans$management$

0,00%$

20,00%$

40,00%$

60,00%$

80,00%$

100,00%$

<$de$35$ans$ $36245$ans$ >$46$ans$

24,14%$35,85%$

59,09%$

9,43%$

4,55%$

27,59%$

33,96%$17,24%$

5,66%$

9,09%$3,45%$4,55%$6,90%$4,55%$

20,69%$ 9,43%$ 18,18%$

Réponses(données(à(la(Q11(selon(l'âge(

télétravail$+$horaires$décalés$

télétravail+$semaine$compressée$

autre$

horaires$décalés$

semaine$compressée$

télétravail$

temps$parCel$choisi$

organisaCon$actuelle$0,00%$

20,00%$

40,00%$

60,00%$

80,00%$

100,00%$

tout$à$fait$d'accord$

d'accord$ ni$d'accord$ni$en$

désaccord$

pas$d'accord$

pas$du$tout$d'accord$

11,11%$25,58%$ 27,27%$

40,00%$50,00%$

55,56%$

46,51%$54,55%$

55,00%$50,00%$

33,33%$ 27,91%$18,18%$

5,00%$ 0,00%$

Réponses(données(à(la(Q3(selon(l'âge(

>$46$ans$

$36245$ans$

<$de$35$ans$

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L’enquête MRY, The New Micro-Leisure, compare la génération X (35-55 ans) et la génération Y dite Millenium (21-34 ans) dans leur approche des heures de travail. En fonction de l’âge, la journée n’est plus rythmée de la même manière. Tandis que pour la génération X (en haut de l’image) le temps de travail et le temps de loisirs sont bien distingués, en revanche, pour la génération Millenium (en bas de l’image), la journée traditionnelle de 9h à 17h n’existe plus. En effet, la génération Millenium se livre à de petits éclats de loisirs par intermittence tout au long de la journée. Les individus de cette génération peuvent travailler pendant leur temps d'arrêt. Une organisation du temps de travail traditionnelle n’est pas conforme à leur désir de « plaisir ».

Figure 15: Représentations des rythmes de travail et de loisir de la génération X et Y

Il y a également une différence entre générations, visible à l’analyse de la question Q14 (Je pense qu’une réorganisation de mon temps de travail peut avoir un impact positif sur ma motivation ; p= ,0045) : les moins de 35 ans confirment leur choix de ne pas adhérer pleinement à l’organisation actuelle, et leur désir d’avoir davantage de temps libre grâce à une réorganisation de leur temps de travail, bénéfique pour leur motivation. Encore un point de rupture que les DRH ne doivent pas négliger. Comment garder haute la motivation de cette population de cadres si leurs besoins ne sont pas pris en compte ? Faut-il traiter la question des jeunes de manière différente dans l’entreprise ?

Figure 16: réponses selon l’âge à la question Q14d

0,00%$

10,00%$

20,00%$

30,00%$

40,00%$

50,00%$

60,00%$

70,00%$

80,00%$

90,00%$

100,00%$

<$de$35$ans$ $36445$ans$ >$46$ans$

17,86%$ 24,00%$

4,55%$

50,00%$28,00%$

27,27%$

17,86%$

20,00%$

36,36%$

14,29%$28,00%$

22,73%$

9,09%$

Réponses(selon(l'âge(à(la(ques1on(Q14d:(Je(pense(qu’une(réorganisa1on(de(mon(temps(de(travail(peut(avoir(un(impact(

posi1f(sur(ma(mo1va1on((((

pas$du$tout$d'accord$

pas$d'accord$

ni$d'accord$ni$en$désaccord$

d'accord$

tout$à$fait$d'accord$

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1.4.2.1.2 La situation familiale Nous avons fait le choix dans cette analyse de comparer les répondants qui avaient un/des enfants versus les répondants sans enfant. Nous démontrons que la situation familiale a un impact sur la satisfaction des cadres envers leur organisation du temps de travail et que probablement, elle influence aussi les choix de carrière. Les cadres avec management sont plus souvent des parents (p=,034), et ils ont tendance à travailler au forfait jours (p=,06, donnée non statistiquement significative).

Figure 17: Répartition du management et du type de forfait selon la situation familiale

Le forfait jours est le reflet de l’exigence des entreprises à garantir l’autonomie des cadres avec management. Nous émettons l’hypothèse qu’il a un effet positif pour les cadres avec enfant car, il garantit aux parents, une flexibilité des horaires nécessaire pour s’occuper des enfants. C’est du gagnant-gagnant pour cette population, qui affirme majoritairement être satisfaite de son organisation du temps de travail (Q1, je suis satisfait dès mon organisation du temps de travail ; p=,003). Les impératifs familiaux peuvent-ils influencer l’amplitude de la journée de travail ? Nous pouvons supposer que oui, en considérant les résultats de la question Q6 (je reste tard au travail ; p=,002) où 45% des répondants avec enfant affirment rester rarement tard au travail contre 19% sans enfant. Ceux qui restent fréquemment tard au travail sont principalement les cadres sans enfant. Les horaires de sortie du bureau ne sont pas différents selon la situation familiale, ce qui nous fait penser qu’un certain équilibre dans le couple est nécessaire pour garantir le bon fonctionnement de la gestion des enfants (données non montrées). Cette organisation est appréciée par les cadres avec enfant qui tendent à privilégier l’organisation en place plutôt que d’aspirer à de nouvelles formes (p=,06, donnée non statistiquement significative).

Figure 18 : Réponses selon la situation familiale aux questions Q1, Q6 et Q11

Nous pouvons affirmer que, selon la situation familiale, l’autonomie et le choix des horaires contribuent à l’équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle des cadres. Les cadres

0,0%$

20,0%$

40,0%$

60,0%$

80,0%$

100,0%$

sans$management$ avec$management$

45,9%$26,4%$

54,1%$73,6%$

Répar&&on)du)management)selon)la)situa&on)familiale))

avec$enfant$

sans$enfant$

0,0%$

20,0%$

40,0%$

60,0%$

80,0%$

100,0%$

forfait$heure$mens$

forfait$heure$ann$

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33,3%$ 41,2%$26,2%$

15,9%$14,5%$

69,6%$

Répar&&on)du)type)de)forfait)selon)la)situa&on)familiale))

avec$enfant$

sans$enfant$

0,0%$

20,0%$

40,0%$

60,0%$

80,0%$

100,0%$

sans$enfant$ avec$enfant$

8,3%$35,1%$

58,3%$

51,4%$19,4%$

10,8%$13,9%$2,7%$

Réponses(selon(la(situa.on(familiale(à(la(ques.on(Q1(

pas$d'accord$

ni$d'accord$ni$en$désaccord$

d'accord$

tout$à$fait$d'accord$0,00%$

20,00%$

40,00%$

60,00%$

80,00%$

100,00%$

sans$enfant$ avec$enfant$

13,90%$ 11,00%$

63,90%$43,80%$

19,40%$45,20%$

Réponses(selon(la(situa.on(familiale(à(la(ques.on(Q6(

rarément$

fréquemment$

toujours$

0,00%$

20,00%$

40,00%$

60,00%$

80,00%$

100,00%$

120,00%$

sans$enfant$ avec$enfant$

22,20%$45,70%$

25,00%$

24,30%$22,20%$4,30%$5,60%$

16,70%$ 12,90%$

Réponses(selon(la(situa.on(familiale(à(la(ques.on(Q11( télétravail$+$horaires$

décalés$télétravail+$semaine$compressée$autre$

horaires$décalés$

semaine$compressée$

télétravail$

temps$parEel$choisi$

organisaEon$actuelle$

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68

avec enfant semblent tirer parti de leur organisation. Ils réussissent à gérer leur travail. Ils ne restent pas systématiquement tard pour le finir. Contrairement aux cadres sans enfant, ils arrivent aussi davantage à se dégager du temps pour améliorer leurs compétences et assurer leur rôle de managers. Cette nécessité d’une organisation précise, à la fois professionnelle et personnelle, semble peser favorablement sur le bien-être des cadres avec enfant. A la question Q14 (Je pense qu’une réorganisation de mon temps de travail peut avoir un impact positif sur mon stress ; p=,019), ils indiquent que le stress est un facteur plus négligeable pour eux que pour les cadres sans enfant.

Figure 19 : réponses selon la situation familiale. (respectivement p=,017 ; p=,035 ; p=,031 ; p=,042)

Figure 20 : réponses selon la situation familiale à la question Q14

1.4.2.2 Les corrélations avec les aspects extrinsèques.

1.4.2.2.1 La situation professionnelle Nous avons déjà noté le lien entre le management et la situation familiale. Le management d’une équipe peut avoir un impact sur la satisfaction des cadres quant à l’organisation de leur temps de travail. D’abord, nous remarquons que les cadres avec management sont plus représentés parmi le groupe des hommes, tandis qu’il y a plus de femmes parmi les cadres sans management (p=,046).

0,00%$

20,00%$

40,00%$

60,00%$

80,00%$

100,00%$

sans$enfant$ avec$enfant$ sans$enfant$ avec$enfant$ sans$enfant$ avec$enfant$ sans$enfant$ avec$enfant$

développer$mes$competences$ me$former$ par9ciper$à$des$moments$d'échanges$informels$

manager$mon$équipe$

2,90%$19,20%$

2,90%$ 11,00%$ 5,70%$ 18,10%$0,00%$ 5,80%$

37,10%$

46,60%$

20,00%$

41,10%$ 42,90%$

58,30%$

30,00%$

53,60%$

22,90%$

20,50%$

31,40%$

20,50%$ 17,10%$

6,90%$

50,00%$

29,00%$34,30%$12,30%$

31,40%$23,30%$ 25,70%$

15,30%$ 13,30%$10,10%$2,90%$ 1,40%$

14,30%$ 4,10%$ 8,60%$ 1,40%$ 6,70%$ 1,40%$

Réponses(selonn(la(situa.on(familiale(à(la(ques.on(Q13(

pas$du$tout$d'accord$

pas$d'accord$

ni$d'accord$ni$en$désaccord$

d'accord$

tout$à$fait$d'accord$

0,00%$

20,00%$

40,00%$

60,00%$

80,00%$

100,00%$

sans$enfant$ avec$enfant$

mon$stress$

17,10%$ 18,10%$

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27,80%$

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0,00%$2,80%$

Réponse(selonla(situa.on(familiale(à(la(ques.on(Q14(

pas$du$tout$d'accord$

pas$d'accord$

ni$d'accord$ni$en$désaccord$

d'accord$

tout$à$fait$d'accord$

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69

Figure 21 : répartition Hommes/ Femmes selon le management

Nous nous demandons si la question de l’accès au management pour les femmes est limité par rapport aux hommes ou si c’est une décision personnelle, vu le double fardeau (professionnel et familial) qui, dans notre société, pèse davantage sur les femmes. Cela pourrait être intéressant d’interroger ces femmes pour apporter des précisions sur leur accès au management. Est-ce un choix personnel par rapport aux enfants en bas âge ? Est-ce une simple question d’expérience et d’évolution au sein de l’organisation ? Ceci est la seule donnée statistiquement significative sur l’impact du genre dans notre enquête. En effet, il n’y a pas d’autre différence qui ressort entre les hommes et les femmes. Nous pouvons donc penser que les femmes arrivent à gérer leur carrière tout comme les hommes et que les normes, dites masculines, n’ont plus leur place dans les organisations modernes. Ou peut-être certaines femmes se sont-elles appropriées les normes en question ? Interrogés sur leur satisfaction de pouvoir choisir leurs horaires de travail, les cadres avec management montrent une satisfaction accrue par rapport aux cadres sans management. Ceci s’explique aisément quand on regarde le type de forfait en place dans chaque sous-groupe : chez les cadres avec management le pourcentage qui bénéficie d’un forfait jours (qui leur garantie une autonomie et une flexibilité) est plus important, alors que chez les cadres sans management la différence de répartition entre forfait heures et forfait jours n’est pas si distincte.

Figure 22 : réponses à la question Q3 et répartition du type de forfait selon le management

Une autre différence existe entre les cadres avec ou sans management concernant les possibles améliorations qu’une réorganisation de leur temps de travail pourrait favoriser : les cadres sans management ont l’impression qu’avec une autre organisation du temps de travail ils pourraient : mieux se concentrer (p=,006) ; être davantage motivés (p=001) ; mieux gérer leur feuille de route (p=,034) ; être plus efficace au travail (p=,053) ; mieux gérer leur vie

0,00%$

20,00%$

40,00%$

60,00%$

80,00%$

100,00%$

sans$management$ avec$management$

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0,0%$20,0%$40,0%$60,0%$80,0%$100,0%$

tout$à$fait$d'accord$

d'accord$

ni$en$désaccord$ni$

pas$d'accord$

pas$du$tout$d'accord$

30,8%$ 23,3%$ 33,3%$57,1%$ 50,0%$

69,2%$ 76,7%$ 66,7%$42,9%$ 50,0%$

Réponses(selon(le(management(à(la(ques1on(Q3(

avec$management$

sans$management$

0,0%$

20,0%$

40,0%$

60,0%$

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100,0%$

forfait$heures$ forfait$jours$

45,0%$27,7%$

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Répar11on(du(type(de(forfait(selon(le(management(

avec$management$

sans$management$

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personnelle (p=,004). Les cadres avec management au contraire donnent l’impression d’être plus indécis sur la question.

Figure 23 : réponses selon le management à la question Q14; (respectivement p=,006 ; p=001 ; p=,034 ; p=,053 ; p=,004)

1.4.2.2.2 Le type de forfait et tailles de l’entreprise Nous avons déjà vu l’impact du type de forfait sur la situation familiale et sur le management. En plus, le type de forfait impacte la satisfaction de pouvoir choisir ses horaires (p=,026). Nous avons déjà montré que la satisfaction de choisir ses horaires de travail est aussi liée à l’aspect générationnel (l’âge influence la satisfaction) mais aussi au management. Si nous regardons les données ensemble il y a une cohérence : les forfaits jours sont plus indiqués pour les personnes qui managent une équipe et ce sont souvent des personnes plus âgées.

Figure 24 : réponses selon le type de forfait à la question Q3

Si nous observons la taille de l’entreprise, nous constatons que plus l’effectif grandit, et plus le recours au forfait jours (p=,039) et la satisfaction de choisir ses horaires (p=,027) augmentent. Dans une grande entreprise la gestion du temps peut être très chronophage et

0,00%$

10,00%$

20,00%$

30,00%$

40,00%$

50,00%$

60,00%$

70,00%$

80,00%$

90,00%$

100,00%$

sans$mgmt$ avec$mgmt$ sans$mgmt$ avec$mgmt$ sans$mgmt$ avec$mgmt$ sans$mgmt$ avec$mgmt$ sans$mgmt$ avec$mgmt$

ma$concentra9on$ ma$mo9va9on$ ma$feuille$de$route$ mon$efficacité$au$trvail$ ma$vie$personnelle$

22,86%$13,24%$

29,41%$

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20,00%$11,43%$

45,71%$

20,29%$

51,43%$

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50,00%$

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8,57%$15,71%$

5,71%$11,59%$

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Réponses(selon(le(management(à(la(ques1on(Q14(

pas$du$tout$d'accord$

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ni$en$désaccord$ni$d'accord$

d'accord$

tout$à$fait$d'accord$

0,00%$

20,00%$

40,00%$

60,00%$

80,00%$

100,00%$

forfait$heures$ forfait$jours$

12,50%$28,13%$

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Réponses(selon(le(type(de(forfait(à(la(ques4on((Q3(

pas$du$tout$d'accord$

pas$d'accord$

ni$en$désaccord$ni$d'accord$

d'accord$

tout$à$fait$d'accord$

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mobiliser de nombreux effectifs à temps plein. Le recours au forfait jours peut donc être le reflet d’une politique de réduction des tâches, même si la législation oblige l’employeur à suivre le décompte des horaires. Nous avons vu que dans certains cas, cette gestion facilitatrice n’est pas sans risque, à la fois d’un point de vue règlementaire (exemple de la BPCE) et financier (arrêt de la cour de cassation entrainant le paiement des heures supplémentaires effectuées lors d’un forfait jours).

Figure 25 : répartition du type de forfait et réponses à la question Q3 selon la taille de l’entreprise

Nous avons développé en introduction de cette partie l’idée que le concept de satisfaction au travail est dynamique et lié à beaucoup de facteurs qui influencent la satisfaction des salariés, comme l’autonomie des décisions, les rapports avec la hiérarchie, le soutien des collègues, l’utilité de son travail, la variabilité des tâches, le feed-back du travail, l’estime de soi dans son travail, etc. Nous avons démontré, avec notre enquête, qu’ils existent des facteurs capables d’influencer la satisfaction des cadres sur leur organisation du temps de travail et qu’ils peuvent être utilisés par les DRH pour garder ou implémenter l’engagement des salariés et leurs performances dans l’entreprise. Une attention particulière, à notre avis, doit être portée aux nouvelles générations. De même, les risques qui peuvent résulter d’une organisation du temps de travail non adaptée ou non pilotée ne doivent pas être pris à la légère.

0,0%$

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Réponses(à(la(ques.on(Q3(selon(la((taille(de(l'entreprise(

pas$du$tout$d'accord$

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<50$ 51,200$ 201,500$ >500$

56,00%$ 50,00%$ 50,00%$29,03%$

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Répar..on(du(type(de(forfait(selon(la(taille(de(l'entreprise(

forfait$jours$

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Chapitre 2. Exploitation des interviews menées

2.1 Méthodologie Des entretiens ont été menés auprès de DRH pour identifier leurs politiques en matière d’organisation du temps de travail et repérer les « best practices», les freins et les risques inhérents. Cette étude qualitative vise à compléter l’enquête de satisfaction menée auprès de 110 cadres et mieux appréhender la réalité du terrain. Pour cela, nous avons interrogé 13 DRH en exercice issus de différents secteurs d’activité. Nous avons privilégié, quand cela a été possible, des organisations pour lesquelles le sujet du temps de travail est en réflexion, pose problème ou au sein desquelles une pratique intéressante est appliquée. Pour compléter ce recueil d’informations, il nous a paru pertinent d’interroger 1 directeur général d’un grand groupe (110 000 salariés) et 1 chef d’une très petite entreprise (13 salariés) pour connaître leur avis sur le sujet. Ces interviews ont été menées sur la base d’un entretien non directif en face à face ou par téléphone (annexe 4). Nous avons relancé les échanges avec des données récoltées lors de notre enquête de satisfaction auprès des cadres. La majeure partie des personnes interviewées travaille à Paris ou en région parisienne. La typologie des entreprises interrogées (de la TPE au Grand Groupe) est la suivante :

• Services : Banques & Assurances / IT / Culture / Eau • Economie Sociale et Solidaire : Fondation • Industrie : Agroalimentaire / Equipement • Distribution : Grands Magasins • Service public : Hôpital, CPAM, Sous-Préfecture

Les interviews, d’une durée moyenne d’une heure, ont été enregistrées, avec l’accord des personnes, afin de garantir la précision quant à la retranscription des verbatim.

2.2 Consolidation et restitution

2.2.1 Quelques mots sur l’étude Il est important de noter que notre échantillon n’est pas représentatif. Il a été constitué en tenant compte de la nécessité de diversifier les secteurs et les situations observés. Par souci de précision, il est important de noter que nos observations, conclusions et recommandations sont perfectibles en raison de la taille de notre échantillon, des business models et des types d’organisations. La personnalité du DRH a été un facteur important qui a été pris en compte lors de notre analyse, comme sa sensibilité au sujet et sa capacité à donner l’exemple. Le facteur économique de l’entreprise interviewée était également un paramètre important que nous avons intégré dans notre analyse. Il s’agit aussi de données déclarées. Nous n’avons pas eu accès à des documents internes.

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2.2 Introduction de la typologie : descriptif des 3 modèles Chaque DRH interrogé nous a parlé de l’organisation du temps de travail mise en place dans son entreprise de manière très ouverte, très franche, approchant les points faibles, les pistes d’amélioration ou, le cas échéant, les problèmes qui empêchent de pouvoir mettre en place d’autres systèmes complémentaires. Nous avons pu comparer les différents entretiens pour mettre en exergue les pratiques récurrentes, les problématiques communes ou encore les best practices. A partir d’une sélection d’items et de données issus des entretiens DRH, une analyse a été réalisée afin de déterminer les axes les plus déterminants de la typologie :

• un axe horizontal étalonnant la politique OTT • un axe vertical opposant les effets sur le climat social ressenti dans ces entreprises.

Nous pouvons identifier 3 modèles distincts au regard des « comportements des DRH » vis-à-vis de l’OTT et qui se positionnent sur deux axes discriminants selon le schéma suivant :

Figure 26 : schéma de positionnement des Modèles par rapport aux principales politiques OTT

2.2.1 Les Agiles : 38 % des interviewés

Ce sont les plus impliqués dans le pilotage de l’organisation du temps de travail. Leur état d’esprit est positif et ouvert sur cette question. Pour ces DRH, cet « item » est un des leviers à actionner pour piloter le travail et sa charge, accroître la motivation et l’engagement des cadres et permettre le développement des salariés. Il y a une conscience pleine de « la nécessité d’être à la manœuvre » au regard des transformations et des enjeux en cours. Ils font preuve d’une grande agilité dans le pilotage du temps de travail pour permettre à leurs

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collaborateurs de travailler dans des conditions plus acceptables et moins stressantes. Cette agilité s’illustre, notamment, dans la diversité des outils utilisés et dans cette faculté à tenir compte de l’évolution de la société et de tenter d’être en phase avec elle. Dans ce type de modèle, les DRH sont à la recherche d’une relation Gagnant/Gagnant : améliorer la performance de leur entreprise et améliorer l’équilibre vie professionnelle/vie privée de leurs salariés. Parmi les exemples donnés par ces DRH nous reportons celui qui nous a été décrit par la DRH de L’Hôpital La Musse, hôpital privé rendant un service public, de moyen et long séjour.

Le corps médical y est chargé de la réhabilitation et de la réadaptation suite à des maladies graves. Par sa position géographique et par les compétences rares recherchées, une attention très importante est donnée à l’OTT du corps soignant, notamment les médecins, qui ont besoin d’être fidélisés et attirés. L’organisation en place, depuis quasiment 20 ans, est un levier d’attractivité pour ces professionnels : ils disposent d’un forfait à 35 heures annualisé, avec des jours de repos compensatoires. En plus, l’hôpital offre une demi-journée par semaine pour que ces professionnels puissent exercer une autre activité. Il y a une double finalité à cette pratique à la fois pour l’employeur (le salarié est toujours satisfait, il se tient informé concernant la pratique de sa discipline) et pour le salarié (possibilité de cumuler avec une autre activité rémunérée ou pas, le salaire n’étant pas attractif).

Un autre exemple intéressant est celui de la CPAM 93.

La CPAM 93 est une entreprise de droit privé avec une mission de service public. Différentes formules de forfait sont proposées à chaque agent, qui peut choisir selon ses propres exigences de vie privée. Il existe une vraie volonté d’offrir une grande diversité de forfait, à disposition des cadres. De plus, l’organisation du temps de travail est utilisée comme un suivi de la productivité : la mise en place d’un système de contrôle basé sur le renseignement journalier du nombre de dossiers traités ou de la nature des dossiers traités, permet d’évaluer la qualité du travail réalisé par chaque salarié. Ceci est un moyen pour déceler les moins performants et pouvoir proposer des pistes pour améliorer leurs compétences, ou encore pour déceler les surcharges de travail et répartir cette charge entre les salariés.

Paroles de DRH « Agiles » « Une attention très importante est donnée à l’OTT » ; « Les équipes s’autorégulent d’elles-mêmes » ; « Les personnes qui en profitent sont très vite remises sur le droit chemin par les collègues ». « A la Fondation de rendre ce rythme de travail compatible avec la vie sociale des éducateurs » ; « Notre attention est ainsi portée sur cette organisation du temps de travail qui doit préserver les conditions de travail des salariés et la qualité de prise en charge des enfants » ; « C’est bien aussi notre responsabilité de donner aux éducateurs familiaux du temps pour respirer et s’enrichir via des formations, des réunions de travail ou simplement des échanges avec les collègues autour des prises en charge des enfants » ; « Cette nouvelle organisation du temps de travail pour les cadres [passage au forfait jours] accompagnait vraiment une réflexion globale sur l’organisation du travail des chefs de service » ;

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« Contrairement à la culture française, à la Fondation, il y a une mauvaise évaluation si les personnes restent tard au travail. Les meilleurs ne sont pas forcément ceux qui restent tard ». « Je ne trouve pas normal de faire des réunions après 18h00 pour des choses prévisibles, que l’on peut anticiper » ; « Le temps de travail est en train de changer notamment via les objets connectés » ; « Il n’y a pas que le boulot dans la vie, c’est un changement sur ce sujet par rapport à l’ancienne génération ». « La conciliation vie privée / vie professionnelle est une demande de plus en plus de salariés et de cadres notamment, et un vrai défi pour l’entreprise. Les principales pratiques observées dans le groupe des Agiles sont : • Une attention particulière à l’individualisation du temps de travail : les attentes du

salarié sont étudiées et l’organisation du temps de travail s’inscrit dans l’optique de développer l’engagement et l’autonomie du salarié. L’équilibre vie privée/vie professionnelle est recherché par ces DRH. Pour eux, un salarié engagé est plus productif.

• Le développement du télétravail pour garantir une certaine souplesse pour le salarié (en terme de gain de temps de transport), et non pas dans une optique de réduction de coûts pour l’entreprise (en terme d’espace de travail). Le télétravail répond aux demandes des salariés, et il s’inscrit comme la reconnaissance de leurs problématiques familiales. Le télétravail dans ces entreprises est structuré avec des règles de mise place explicites, voire des accords collectifs négociés avec le corps social.

• Une forte capacité à évaluer et mesurer la charge de travail : la saisie du nombre d’heures travaillées par jour n’est pas seulement une injonction réglementaire. Dans ces entreprises, l’objectif est de réguler les amplitudes horaires et d’éviter les débordements qui pourraient être causés par une mauvaise distribution de la charge de travail, ou par l’excès de zèle des salariés, ou encore par les imprévus et les périodes chargées dus au business.

• Le partage des règles du jeu avec le corps social et les salariés : tout est fait à la lumière du jour, l’information concernant l’organisation du temps de travail est claire et partagée par tous.

A notre avis, les points forts d’une telle politique de l’organisation du temps de travail sont nombreux. Tout d’abord, de telles pratiques réussissent à renforcer la motivation et l’engagement du salarié : être reconnu au travail participe à la satisfaction des besoins selon le modèle de la Pyramide de Maslow. Le besoin de sécurité est satisfait dans un environnement stable et prévisible. L’organisation du temps de travail clairement définie participe à établir une vie régulière, prévisible et sans angoisse du lendemain. Les aléas de la vie privée peuvent être gérés sans stress dans une organisation qui les prend en compte. Le choix de ne pas organiser des réunions tôt le matin, ou après 18h, permet une gestion du temps plus sereine. Les Chartes sur l’usage des TIC, de plus en plus répandues, s’inscrivent dans la même volonté de sauvegarde de l’équilibre vie privée/vie professionnelle. Ceci peut, à la fin, favoriser un climat social plus serein et réduire les risques, notamment psychosociaux. Les alertes sur la charge de travail (via l’analyse des heures déclarées ou contrôlées) permettent de renforcer la qualité même de l’organisation du travail. L’autorégulation des équipes se développe, le travail devient collaboratif avec davantage d’ajustement mutuel. Le manager aussi peut se sentir plus à l’aise dans son rôle de coordinateur: les règles sont claires

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et explicites et le rapport supérieur/subordonné se base davantage sur la confiance et la reconnaissance. La charge de travail est adéquate. Les compétences peuvent se développer car le temps dégagé (ou pas gaspillé) peut permettre de se former. Tous ces aspects ont un rôle à jouer aussi dans l’attirance qu’une entreprise peut avoir pour attirer les compétences rares, les talents, et, in fine, pour fidéliser ses cadres. La marque employeur se trouve aussi renforcée et l’image d’une entreprise responsable ne sera pas seulement affichée sur la plaquette annuelle mais aussi inscrite dans son ADN. Nous percevons néanmoins quelques points de progrès : • Il faudra mesurer quantitativement et qualitativement les résultats de ces actions RH.

Débattre de son organisation du temps de travail lors de l’entretien annuel reste encore peu répandu.

• Généraliser les pratiques à d’autres emplois non cadres par exemple, pour éviter un système à deux vitesses.

• Aller plus loin dans l’individualisation du temps de travail : oser un système davantage « à la carte » ?

Quand l’organisation du temps de travail est clairement réfléchie, partagée par tous et calibrée aux besoins de l’entreprise et de ses salariés, elle peut devenir un outil très puissant pour la performance globale de l’entreprise. Les DRH appartenant au groupe des Agiles ont su anticiper les évolutions afin de proposer un modèle d’OTT adapté aux besoins de l’entreprise et partagé avec les IRP et le corps social.

2.2.2 Les Vigilants : 31% des interviewés Chez ces DRH, il y a une réelle prise de conscience du devoir de « faire quelque chose » suite à certains événements déclencheurs arrivés récemment dans leur entreprise. Il y a nécessité de réfléchir et d’agir au sein de leurs organisations. Naturellement, l’élément déclencheur est différent selon les situations observées, mais ces DRH ont eu « l’audace » de transformer une situation de difficulté en opportunité pour mettre à plat l’organisation et mettre en place des actions correctives afin de réduire le risque. Parmi les événements marquants il y a eu : • Un contrôle de l’Inspection du Travail : une nouvelle organisation du temps de travail et

notamment le contrôle des horaires de repos a dû être mise en place. Ceci a comporté une campagne de pédagogie intensive auprès des managers pour les sensibiliser aux risques du manque de contrôle des horaires.

• De gros changements dans la stratégie de la relation Clients avec l’arrivée de téléservices : il est devenu indispensable, pour la survie des agences bancaires, qui comptent -25% des flux de clients, de développer un conseil plus pointu pour offrir une plus-value aux clients. En concertation avec les IRP, une enquête est en cours auprès de l’ensemble des collaborateurs pour sonder leurs attentes en matière d’OTT et être en adéquation avec les comportements et les aspirations des clients.

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• Des variations de commandes importantes : dans un groupe industriel, il y a eu la nécessité de réfléchir à une nouvelle OTT pour gagner en compétitivité pour s’adapter aux variations des commandes, tout en préservant les équipes.

• Un facteur interculturel important qu’il a fallu prendre en compte : dans une société informatique, qui doit gérer des interactions avec de nombreux pays anglo-saxons et l’Asie, et détenue par un fond de pension américain, le facteur interculturel est à prendre en compte car le siège social se situe à Londres et la réglementation française est difficilement comprise au-delà de ses frontières. Par ailleurs, le profil de cadres ingénieurs ayant des souhaits et des modes de travail très décalés, doit être pris en compte pour pouvoir trouver une solution aux différentes exigences du business.

Paroles de DRH « Vigilants » « Il a été mis en place de manière unilatérale, via le règlement intérieur, un badgeage obligatoire des entrées et sorties des cadres au forfait jours. Il y a désormais une obligation de badger 2 fois par jour au risque d’enfreindre le règlement intérieur et pour l’employeur d’être sanctionné. Les syndicats ont mis le feu mais n’ont pas voulu se mouiller et n’ont pas signé l’accord». « La culture du présentéisme reste très forte en France ; un salarié qui ne ferait pas ses heures pourrait être « mal vu » ; un salarié qui ne serait pas physiquement présent au travail pourrait avoir moins de perspective d’évolution ».

Les principales pratiques mises en place dans ces entreprises, après leur prise de conscience ont été : • Contrôle des amplitudes horaires via un badgeage 2 fois par jour pour les cadres au

forfait jours afin d’encourager de nouvelles pratiques et réguler le temps de travail. • Un contrôle accru sur les managers avec la réflexion sur la mise en place d’une charte

TIC, pour éviter les sollicitations des salariés hors temps de travail. La possibilité de restreindre les heures d’ouverture du site est à l’étude. La charge de travail sera aussi étudiée lors des entretiens annuels pour éviter la surchauffe des cadres.

• Une discussion participative qui sollicite l’avis des salariés sur la question de l’OTT afin de renforcer ces changements nécessaires.

• L’appui des managers pour amorcer la discussion avec les salariés. Sans partage de la culture de l’entreprise, tout changement important sera entravé et l’adhésion des salariés aux nouveaux changements n’aura pas les effets recherchés.

• Adaptation de l’OTT à la culture d’entreprise et au business model via le télétravail et les horaires décalés. Ceci permettra de garantir le bon fonctionnement du business mais aussi d’essayer de trouver des pratiques plus souples, répondant à la réglementation en vigueur, pour venir à la rencontre des attentes de ces cadres avec un profil atypique.

Les points forts de ce groupe d’entreprises sont la réactivité et le choix de créer des règles partagées avec les salariés et avec les IRP. Amorcer une nouvelle politique pour mieux gérer

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le temps de travail des cadres s’accompagne d’une évolution de la culture de l’entreprise qui peut parfois demander du temps. Les DRH interrogés le savent bien et ils sont conscients qu’une telle réorganisation ne se fera pas du jour au lendemain. Ils doivent donc savoir gérer leur temps et faire preuve de patience. Les points de progrès que nous avons pu mettre en exergue sont : la nécessité de se saisir de la problématique de l’OTT pour éviter de se retrouver face à d’autres événements compliqués impactant de manière sérieuse l’entreprise. ; la nécessité de ne pas tomber dans le piège de l’urgence et de devoir gérer un problème sans prendre le temps de mettre en place la bonne solution.

2.2.3 Les Contraints : 31% des interviewés Pour eux, la question de l’organisation du temps de travail n’est pas prioritaire en raison de la situation de leur entreprise : baisse du chiffre d’affaires, perte de parts de marché, se traduisant par des suppressions de postes et la dégradation du climat social. Dans un autre cas, le manque d’appétence du DRH concernant cette question se traduit par une gestion a minima. En raison de ces facteurs, ces DRH sont contraints dans leurs actions. Certains sont conscients des difficultés mais ils ne sont pas en mesure d’agir car ils manquent de moyens. Ce défaut de pilotage RH risque de placer l’entreprise dans une relation perdant / perdant et pose la question : dans un contexte économique et financier dégradé comment le DRH peut-il développer une stratégie adaptée et pertinente ? Paroles de DRH « Contraints » = > « C’est de mal en pis : maintenant, il y a la mode du stress », « La dématérialisation du travail provoque une destruction des rapports entre les personnes », « Si untel a voulu acheter sa maison avec jardin au fin fond du 78 au lieu d’acheter un appartement sur Paris, s’il fait 3h de transport par jour ce n’est pas le problème de la société ». = > « Il y a la nécessité d’être attentif à la charge de travail de la part des managers : les paiements des heures supp ne sont pas acceptés mais la charge de travail n’a pas diminué. Du coup, ils continuent à en faire autant sans être payés » ; « le DRH est obligé de se battre pour que les managers prennent leurs congés et leurs jours de repos ». = > « Pas de réflexion de fond, pas d’organisation du temps de travail… On continue de faire la même chose depuis 30 ans… Chacun se débrouille » ; « le discours officiel est : Vous êtes des cadres ou pas ???? Sous-entendu, vous n’avez pas à vous plaindre c’est comme ça ! » « La normalité c’est : tu ne comptes pas tes heures, tu es là à disposition, tu t’organises comme tu veux, mais en fait tu es corvéable à merci… » ; «On ne se pose pas la question d’options alternatives, d’une organisation différente du temps de travail… La question n’est même pas traitée ».

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Les principales pratiques observées dans ces entreprises sont les suivantes: • Le recours au télétravail seulement en cas de dépannage (grève des transports, enfant

malade, etc.). Les demandes des salariés de mettre en place le télétravail comme mode permanent de la relation contractuelle de travail ne sont pas reçues.

• Le forfait jours est souvent détourné de son objectif initial, c’est-à-dire de garantir l’autonomie qui va avec la responsabilité. Dans les cas cités, le forfait jours sert à absorber la charge de travail et faire tampon en cas d’absence des équipes.

• Souvent, les horaires de travail sont volontairement non contrôlés. On sait ce qui se passe mais mieux vaut ne pas laisser de traces…

• La charge de travail n’est pas analysée ou, pire, la surcharge de travail est utilisée comme mode de management. De plus, les heures supplémentaires ne sont pas rémunérées avec comme conséquence la dégradation du climat social

• Les managers ne sont pas responsabilisés et ils sont souvent mis en « position de fliquer», ce qui contribue à dégrader le climat social et démotiver, voire désengager les salariés. Le nombre de RPS, arrêts maladie, burn out, ou de démissions est élevé.

Ces types de pratiques n’ont pas vraiment de points forts. Mais il est difficile de faire la part des choses entre les problèmes qui viennent d’une organisation du temps de travail non pilotée et ceux propres à l’entreprise. Le manque de moyens de ces entreprises les empêche de s’améliorer dans leur organisation et gestion du temps de travail. Pourtant, comme nous l’avons vu dans le groupe des Vigilants, quand une situation difficile se présente il y a la possibilité de faire concourir une nouvelle organisation du temps de travail à la résolution du problème. L’analyse du questionnaire et tous ces entretiens nous ont permis de confirmer l’importance pour l’entreprise de l’organisation du temps de travail de ses cadres. L’enjeu est de tenir compte des impératifs économiques, des innovations technologiques, des attentes de la clientèle et des aspirations des salariés grâce au meilleur usage possible du cadre légal.

La réflexion que nous avons menée à partir des résultats du questionnaire, nous conforte dans l’idée que le DRH ne doit pas se limiter à une simple lecture de données chiffrées consolidés dans un tableau de bord, au risque de n’observer que les conséquences sans s’intéresser aux causes. Par exemple, les éléments chiffrés de notre questionnaire nous paraissent aussi importants que les verbatim pour aider à contextualiser une simple donnée statistique.

Pour les DRH, cela passe par la mise en place d’un système de recueil d’informations qualitatives qui puisse aider à appréhender la complexité des situations individuelles. Le groupe des Agiles a réussi à mettre en place une organisation du temps de travail dérivée d’une analyse fine à la fois des exigences quantitatives pour l’entreprise et qualitatives pour les personnes, en tenant compte des critères d’âge, de situation familiale, de situation professionnelle (managers ou pas), le type de forfait associé au contrat de travail, la taille de l’entreprise.

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CONCLUSION

«Lapluscoûteusedesdépenses,c'estlapertedetemps.»ThéophrasteRenaudot

En conclusion de notre étude, nous sommes en mesure de tirer des enseignements, sur la manière, pour les DRH, d’appréhender l’organisation du temps de travail des cadres de leur entreprise. 1). Réfléchir à la mise en place de nouvelles formes d’organisation du temps de travail, comme relevée tout au long de notre mémoire, permettant d’allier les exigences du business à celles des salariés, négociée avec le corps social, peut avoir des répercussions positives sur la performance globale de l’entreprise. Comme relevé dans le groupe des Vigilants, réfléchir à une nouvelle organisation du temps de travail peut être un outil pour aider à la résolution de problématiques plus larges dans l’entreprise, comme par exemple, la mise en place d’une nouvelle relation client, ou encore s’adapter à des contraintes économiques de différents ordres. 2). Sortir de la logique du « je contrôle si tu es là » pour entrer dans celle du « je contrôle la manière dont tu fais ton travail et les résultats de tes actions ». La réflexion sur l’organisation du temps de travail des cadres doit donc être liée à celle sur l’organisation et la mesure de leur charge de travail.Il est nécessaire de ne pas se limiter à l’exigence légale de mesure du temps de travail. Dit autrement, il s’agit, en lien avec les aspirations des cadres, comme le fait ressortir notre questionnaire, de préserver leur liberté de choix dans leurs horaires de travail, et de s’engager davantage dans le management par les objectifs et les résultats. Mais liberté de choix dans les horaires ne signifie pas désir des cadres de travailler sans supervision, sans directive sur la manière de s’organiser, de hiérarchiser les tâches. Manager les cadres, manager les managers, sont aussi de vrais défis pour l’entreprise. Les cadres ont aussi besoin d’encadrement et de soutien, davantage que de direction et de contrôle. 3). Prendre conscience que l’organisation du temps de travail des cadres est un élément de différenciation. Il est donc important que les DRH soient prospectifs et proactifs sur le sujet, plutôt que d’être en « réaction à ». En fonction de la pratique de l’entreprise sur ce sujet et si ce point est évoqué en entretien de recrutement, il peut participer à l’attractivité de l’entreprise, au fait de pouvoir attirer des talents en dehors des arguments classiques d’un salaire élevé et de la renommée de l’entreprise. La nouvelle génération de cadres arrivant sur le marché est particulièrement sensible à cette question. Elle « achète » en priorité le projet, les conditions de travail, la conciliation vie privée/vie professionnelle. C’est donc un vrai défi pour l’entreprise et une valeur ajoutée pour sa marque employeur 4). Développer une utilisationraisonnée et raisonnable des TIC pour les cadres. Cela doit être une préoccupation majeure des entreprises. La régulation de l’usage des TIC est aussi indispensable d’un point de vue réglementaire pour éviter à l’entreprise de s’exposer à de possibles contentieux. La mise en place de charte négociée/co-écrite avec les IRP, et des périodes de déconnexion peuvent participer de cette régulation.

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Les recommandationssurlamanièredepiloterl’organisationdutempsdetravailpourlesDRHsont:

• être dans l’anticipation plutôt que dans l’urgence. L’organisation du temps de travail peut être un outil au service de la mise en place de la stratégie de l’entreprise ;

• ne pas entretenir un système à 2 vitesses entre les cadres et les autres employés. L’organisation du temps de travail des cadres doit faire l’objet d’une articulation globale avec celle des non cadres.

• mettre en place une organisation du temps de travail dérivée d’une analyse fine à la fois des exigences quantitatives pour l’entreprise et qualitatives pour les personnes.

L’organisation du temps de travail peut être utilisée comme un outil de supervision et de contrôle de la qualité du travail des cadres. Si l’on arrive à mettre en relation le nombre d’heures travaillées et la qualité du travail rendu, cela devient un dispositif discriminant. Il y a dès lors deux possibilités :

- Soit le ratio pointe un nombre important d’heures travaillées pour un résultat médiocre. Pour trouver les causes de ce déséquilibre, des entretiens individuels de chaque cadre avec son N+1 et son N+2, permettraient d’apporter des mesures correctives. Un salarié cadre qui, de part son statut est souvent autonome, a parfois du mal à parler de ses problèmes. Son N+1 doit pouvoir trouver un moyen factuel de l’aider à les résoudre.

- Soit le ratio relève un travail de qualité réalisé dans un nombre limité d’heures, auquel cas, on peut s’interroger sur la sous-exploitation du cadre et la manière d’enrichir ses tâches ou de lui donner davantage de responsabilités.

Philippe Lamblin, DRH de l’année 2015, lors de notre rencontre, met l’accent sur l’imagination, l’audace et le courage à avoir dans ce domaine : « Il faut créer de l’adhésion. Vous avez une tache et est-ce que vous êtes capable de l’accomplir dans un temps établi ? Vous pouvez le faire ? Vous avez toutes les compétences nécessaires ? Tout cela, il faut l’analyser calmement. Pour faire ça, il faut avoir des managers avec du courage et qui donnent l’exemple, en ne transmettant pas son propre stress par exemple. (…) Le climat de confiance entre le manager et ses subordonnés est inimaginablement puissant.(…)Et les problèmes du cadre quand le climat de confiance est instauré, refont surface et peuvent être traitées, sereinement, sans le faire culpabiliser. (…)Le meilleur ambassadeur d’une boite n’est pas le DRH mais les managers. »

L’enjeu dans les entreprises aujourd'hui n’est pas forcément de travailler plus, pas forcément de travailler moins, mais plutôt de travailler mieux.

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AnnexesAnnexe1:PanoramadesloisrelativesautempsdetravailenDroitdutravailAnnexe2:MéthodologieduquestionnaireAnnexe3:QuestionnaireAnnexe4:Guided’entretienAnnexe5:Lexique

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Annexe 1 : Panorama des lois relatives au temps de travail en Droit du travail Lapremièreloiconnuepourlaprotectiondestravailleursvialaduréedutravailaétélaloi du 22 mars 1841. Cette loi est promulguée suite à une étude médicale réaliséel’annéeprécédenteetacommeeffetd’interdireletravaildesenfantsdemoinsde8ansdanslesentreprisesdeplusde20salariésdusecteurtextile,etderégulerladuréedutravailpour lesenfantdeplusde 8ans.Uneautreavancéemajeuredecette loiest lamise enplacedepénalitéspour les contrevenants etdesmesuresde contrôle viadesinspecteursdésignésparlespréfets. Cette loi,quiconstitueunedespremièresréglementationsdutravailnetrouvepasunfranc succès, d’une part à cause desmentalités de l’époque, d’autres parts à cause del’applicabilité dans d’autres secteurs plus touchés par le travail des enfants et lescontrôlesétantquasimentinexistantsounerespectantpasleursrôles. Ilfaudraattendrequelquesannéespourvoirapparaîtrelapremièreréglementationsurletravaildesadultes.Ledécretdu2mars1848fixeladuréejournalièredetravailà10heures à Paris et 11 heures en province. Un nouveau texte est voté le9 septembre1848 qui fixe la journée de travail des adultes à 12 heures par jour dans lesmanufacturesetusines. Avecl’adoptiondelaLoidu19mai1874,aprèslaguerrede1870,legouvernementdela IIIème Républiquemarque la volonté de reconstruire les forces du pays. L’âge légalpourletravaildesenfantsestfixéà12ans,avecuneduréedutravailquin’excèdepasles12heuresparjour(oules6heuressilesenfantssontscolarisés)etl’interdictiondutravail de nuit ou des jours fériés. Autresmesure prise grâce à cette nouvelle loi: lanomination de 15 inspecteurs divisionnaires, rémunérés par l’Etat pour contrôler lerespectdecesdispositions. LaLoidu2 novembre 1892 apourobjetdeconsolidercelledu1874,enprenantenconsidération la scolarisation devenue obligatoire jusqu’à 13 ans. Du coup, l’âge légald’entréeautravailestportéà13ansetladuréedutravaildesenfantsestrèglementée.Unepremièrerèglementationsurletravaildesfemmesestintroduite(duréedutravailde11heures)etl’interdictiondutravaildenuitdesfemmesetdesenfantsdemoinsde16ansdansl’industrie. Cetteloimarqueaussilavéritablenaissancedel’inspectiondutravail. La Loi du3 mars 1900 uniformise la durée du travail pour l’ensemble des salariés,quelsquesoientl’âgeoulesexe:11heuresparjour,puis10heures30minutesauboutde2ans,puis10heuresaubutde4ans. LaLoidu13juillet1906introduitl’obligationdureposhebdomadaire:interdictiondetravailler plus de 6 jours par semaine, un repos hebdomadaire de 24 heures accordé«enprincipe»ledimanche.Unedérogationsurlereposhebdomadaireestaccordéeencasdetravauxurgents. LaLoidu13avril1919limiteensuiteladuréedutravailà8heuresjournalièreset48heuresparsemaine.

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Une des lois plus importantes du XXème siècle reste la loi du21 juin 1936 (les faitshistoriquessont:lavictoireduFrontPopulaireetlesgrèvesmassivesquiontsuivi):ladurée légale hebdomadaire est fixée à 40 heures au plus, dans les établissementsindustriels et commerciaux. Une autre loi à la même période institue 2 semaines decongéspayés.Cetteloiestaussiconnuesouslenomdes«AccordsMatignon». LaLoidu25 février1946faciliteledépassementdeladuréelégaledutravailjusqu’à20heures supplémentairespar semaineavecunemajorationde la rémunération, cecipouraiderlareconstructiondel’aprèsguerre. LaLoidu27 décembre 1973 introduit le conceptd’horaires individualisés: cette loiautoriseàdérogeràl’horairedetravailcollectif,posantlesbasespouruntempschoisiparlesalarié. LaLoidu 16 juillet 1976marque lanaissancedureposcompensateur.C’estunedespremières lois qui a comme but de réduire le chômage en agissant sur le temps detravail:afinderéduirelesheuressupplémentairesunrepossedéclenchesileseuilde44heuressupplémentairesestatteint.Ceseuilseraabaisséprogressivement. L’Ordonnancedu16 janvier1982apporteplusieurs innovationsenmatièrededuréede travail. En premier lieu, elle abaisse la durée légale à 39 heures par semaine etinstitue la5ème semainedecongéspayés(la troisièmeetquatrièmesemaine ontétéinstituées en1956et1968).Cette loipermetplusde flexibilité concernant lesheuressupplémentaires, qui peuvent être réalisées sans l’accord préalable de l’inspecteur dutravail,uneenveloppeannuelleappelée«contingent»estdisponiblepour l’employeuraprès consultationdes délégués dupersonnel. Les 39 heures par semaine deviennentdoncunseuiletnonplusuneduréelégaleimpérative.L’Ordonnanceindiqueaussiqu’unedérogationdece «contingent»peutêtrenégociéevia un accord collectif étendu, ainsi que la possibilité de fixer d’autres modes derépartitiondeshorairescollectifs. CetteOrdonnanceouvrelavoieàl’annualisationdutempsdetravail. LaLoidu28février1986dite«loiDelebarre»relativeàl’aménagementdutempsdetravail abroge l’ordonnance de 1982. Il s’agit de favoriser la branche comme cadreinstitutionneldenégociation.Ellecréeégalementleprincipedureposcompensateurderemplacement qui permet de substituer un repos au paiement des heuressupplémentaires. La Loi du19 juin 1987, dite ««loi Seguin» est axée sur la flexibilité: possibilité derecourirautravailencontinupourraisonséconomiques,assouplissementdurégimederepos compensateur. Elle consacre l’éclatement du module hebdomadaire, jugé troprigidepourpermettreauxentreprisesdefairefaceàleursvariationsd’activités. La Directive européenne du 23 novembre 1993 adoptée sur le fondement desdispositions du Traité de la Communauté Européenne permettant de fixer desprescriptions minimales en matière de protection de la santé et la sécurité destravailleurs, va marquer le droit de la durée du travail en conduisant à plusieursmodifications législatives: période minimale de repos journalier de 11 heuresconsécutives, tempsdepausepourdesduréesde travailquotidiennessupérieuresà6heures, périodeminimale de repos hebdomadaire sans interruption de 24 heures en

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plus des 11 heures de repos journalier. Durée moyenne maximale hebdomadaire detravailde48heures,congésannuelspayésd’aumoins4semaines,duréemaximaledetravaildenuitde8heuresenmoyenneparpériodede24heures. LaLoidu20 décembre 1993 dite «loi quinquennale» est adoptéedansun contexteéconomiquetendu(laFranceestenrécession).Danslaperspectivedumaintienoududéveloppement de l’emploi, les employeurs, les organisations d’employeurs et lesorganisations de salariés fixent les conditions d’une nouvelle organisation du travailrésultantd’unerépartitiondeladuréedutravailsurtoutoupartiedel’année,assortienotammentd’uneréductioncollectivedeladuréedutravail,parconventionouaccordcollectif étendu ou par convention ou accord d’entreprise ou d’établissement. C’est lapremièreloiquiparticipeaudébatsurlelienentreréductiondutempsdetravailetlacréationd’emploi. LaLoidu25juillet1994ouvrelavoieàlapluri-annualisationdutempsdetravailaveclacréationducompteépargne-temps. Le31 octobre 1995, deuxaccordsnationaux interprofessionnels sont signésavec lespartenaires sociaux: le premier associe officiellement l’aménagement/réduction dutemps de travail et la création d’emplois; le second introduit l’obligation de négocierdanslesbranchessurletempsdetravailtouslestroisans. LaLoidu11juin1996dite«LoideRobien»surl’aménagementdutempsdetravail,apermis lamise en place d’accords d’entreprise pour la réduction du tempsde travail,ceci pour favoriser la sauvegarde ou la création d’emploi en incitant les entreprisesgrâceàunallégementdeschargessocialesMoins10%dechargessocialessicréationdenouveauxemploisd’aumoins10%deseffectifs). LaLoidu13juin1998estlepremiervoletdu«régimedes35heures»surlaréductiondutempsdetravailhebdomadaire.AppeléeaussiLoiAubryI,cettepremièreloiramèneladuréedutravailà35heuresàpartirdu1erjanvier2000pourlesentreprisesdeplusde20 salariés et au1er janvier2002pour les entreprisesdemoinsde20 salariés. Lesmodalités de réduction du temps de travail sont décidées via une négociationd’entrepriseoudebranche(journéesdecongés,heuressupplémentaires,annualisationdu tempsde travail, JRTT, etc.). En outre, la loi prévoit des aides financières pour lesentreprises qui réduisent de 10% leur durée du travail et embauchent 6% d’effectifssupplémentaires. LaLoidu19janvier2000,LoiAubryII,fixedéfinitivementladuréelégaledutempsdetravailà35heureshebdomadaires.Leschargessocialessurlesbasetmoyenssalairessontallégées,siunaccordestsignépardessyndicatsmajoritairesdansl’entrepriseouratifiéparunemajoritédesalariés.Ellepermetenoutrel’annualisationdeladuréedutravail.Pourlescadres,laréductiondutempsdetravailestrenduepossibleenjoursdecongé:pourlapremièrefois,lecasdescadresesttraitéàpartdansleCodedutravail. LaLoidu9mai2001aréformélechapitreduCodedutravailrelatifautravaildenuitdesfemmesdansl’industrie,restéinchangédepuis1892. La Loi du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et audéveloppement de l’emploi assouplie et simplifie le dispositif juridique applicabledepuisl’abaissementdeladuréelégaleà35heures.

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LaLoidu4mai2004relativeàlaformationprofessionnelletoutaulongdelavieetaudialogue social, ne concerne pas directement la durée du travail mais elle modifieconsidérablementlesrèglesrelativesàlanégociationcollectiveeninstaurantleprinciped’accordmajoritaire. LaLoidu18janvier2005exclutlestempsdetrajetprofessionnelsdutempsdetravaileffectif. La Loi du31mars 2005 portant réforme de l’organisation du temps de travail dansl’entreprise: présente des modalités d’application des 35 heures encore assouplies:facilitéd’utilisationdu"compteépargnetemps"quin’estpluslimitéà22joursparanetilpeutêtreenpartieconvertiencomplémentderémunérationouenépargne.Lerégimedérogatoirepourlesentreprisesdemoinsde20salariésestprolongéde3ans(jusqu’en2008). LaLoidu21août2007enfaveurdutravail,del'emploietdupouvoird'achat,abrégée«loiTEPA»instauredesincitationsfiscalesetsocialesauxheuressupplémentaires.LegouvernementFrançoisFillonvotedesloisen2007,dontl'objectifestdepermettrede«travaillerplus»,selonleschoixdesentreprisesoudessalariéspour«gagnerplus». La Loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme dutemps de travail a considérablement simplifié le droit du temps de travail grâce auxpossibilités accruesdenégociationd’entreprise. Les entreprisespeuvent en effet fixerelles-mêmes par accord le contingent d’heures supplémentaires ainsi que lescontrepartiesenrepospourlessalariés.Ilsuffitpourcelaqu’unaccordsoitsignéavecdesorganisationssyndicalesreprésentantseulement30%dessalariés.Lesconventionsdeforfaitenheuressurl’annéequis’appliquentauxcadresetauxsalariés"autonomes"(dontletempsdetravailnepeutêtreprécisémentmesuré)peuventêtremodifiéesdelamême façon ainsi que les dispositions permettant demoduler le temps de travail surl’année.Adéfautd’accord, lenombredejourstravaillésdansl’annéenepeutdépasser235. La Loi des finances rectificative du 16 août 2012 supprime les exonérations decotisationssocialessalarialesattachéesauxheuressupplémentairesetcomplémentairesdetravail. La Loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2014 transcrivant l’Accord NationalInterprofessionnel(ANI)du11janvier2013,cetteloiconsacredenouveauxdroitspourlessalariésetimposedenouvellesobligationsauxemployeurs:encadrementdutempspartiel (minimum 24 heures par semaine sauf accord de branche), et elle donne uncadreauxaccordsdemaintiendansl’emploipermettantdefairevarierduréedutravailetrémunérationparaccordcollectifencasdedifficultésgravesconjoncturelles. Sources:“Duréeetaménagementdutempsdetravail”FranckMorel,éditions“lesguidesdegestionRF”

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Annexe 2 : Méthodologie du questionnaire Etape 1 : Choix des items Le questionnaire semi-structuré est constitué de questions fermées à choix unique et à choix multiple : La question fermée à choix unique : la formulation permet de proposer au répondant un choix parmi des réponses préétablies.

La question fermée à choix multiple : le répondant dispose d'un choix entre plusieurs réponses. Cette liste est complétée par la mention « autre(s) » ce qui permet au répondant de formuler librement une réponse qui n'aurait pas été envisagée dans la liste proposée. Des questions « pièges » sont intégrées au questionnaire, elles ont pour fonction de valider les éléments de « théorie » et fiabiliser les réponses : pour ce faire une question négative a été intégrée (Q4). Enfin, la « question en or » correspond à une question susceptible de fournir des renseignements importants sur l'attitude et/ou le comportement du répondant (Q8 et Q9). Sur le plan réactionnel, un arbitrage a été fait entre l’usage de la 1ère personne du singulier et la 2ème personne du pluriel :

- le « Je » permet une meilleure « identification » et d’obtenir ainsi des réponses « sentimentales » de la part du répondant. Toutefois, l’un des risques est de « bousculer » les personnes introverties qui, dans ce cas, peuvent développer un sentiment de défense et ne pas répondre selon leur propre aspiration.

- le « Vous » permet, par contre, de créer une certaine distanciation et favorise une formalisation plus importante.

Nous avons porté une attention particulière : - à la formulation des items afin d’éviter toute ambiguïté de sens : chaque item est

attaché à une idée. - au respect des genres ex. satisfait/e.

Etape 2 : Choix de l'échelle de réponses : Echelle de Likert Nous avons appliqué à notre questionnaire une échelle de Likert impaire pour donner la possibilité aux répondants de pouvoir exprimer un degré de satisfaction qui n’est ni bon ni mauvais. Pour éviter l’écueil de la réponse centrale, nous expliquerons dans le préambule du questionnaire, le sens que nous lui donnons. L'échelle choisie contient cinq choix de réponses permettant de nuancer le degré d'accord. Le texte des étiquettes est le suivant :

• Tout à fait d’accord • Plutôt d’accord • Ni d’accord ni en désaccord • Plutôt pas d’accord

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• Pas du tout d’accord Etape 3 : Choix de l’échantillon Notre questionnaire vise une population de cadres. Nous étudierons les segments suivants :

• Cadres Femmes / Cadres Hommes • Cadres avec management / Cadres sans management • Cadres avec enfant / cadres sans enfant

Pour mener à bien ces entretiens, un guide d’entretien sera rédigé par nos soins afin de nous permettre de recueillir des éléments complémentaires et pertinents à notre étude. Etape 4 : Phase de test Préalablement à l’enquête sur le terrain, il nous semble primordial de s’assurer de la bonne compréhension, fluidité et perception des items et des modalités de réponses. Il est important de le tester sur le terrain auprès de quelques collaborateurs. Cette étape est nécessaire à la fiabilité de notre questionnaire et nous aidera à apporter les corrections ou ajustements ad hoc. Ce questionnaire ne se veut pas exhaustif. Afin d’obtenir un maximum de réponses, il convenait d’aller à l’essentiel. Le questionnaire a été testé auprès de 4 personnes (1 DRH, 1 directeur général, 1 chef d’entreprise, 1 cadre). Etape 5 : Exploitation des résultats : Consolidation, restitution A l’issue de l’enquête, nous exploiterons le questionnaire afin d’obtenir des données quantitatives pour chaque item. Au regard du nombre de répondants, nous tacherons de dégager les principales statistiques et tendances. Ces données seront croisées aux indicateurs recensés dans la littérature afin de s’assurer de la pertinence des résultats. Nous porterons également une attention particulière à l’analyse des verbatim pour identifier les proportions des répondants et préparer la conduite de nos entretiens. Etape 6 : Communication et calendrier En termes d’administration du questionnaire, nous avons souhaité proposer deux options aux répondants : réponse par mail ou directement sur une plateforme internet Cette souplesse, a pour objectif de s’assurer d’un nombre de réponses optimal et de laisser la liberté aux répondants d’utiliser le mode de communication que leur convient. Une communication ad hoc accompagnera le questionnaire afin d’expliciter :

- l’objectif de l’enquête - Les modalités de renseignement et quelques règles de gestion (cf. Annexes) où on

s’engage à garder la confidentialité, l’impartialité de l’analyse puisque nous sommes externes à la société, donc pas d’enjeux directs.

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Calendrier - Enquête

15avrilau30mai2015

(6semaines)Envoidu

questionnaire

1erau30juin2015

Exploitationdesquestionnaires

1erjuilletau30août2015

EntretiensavecdesDRHEnquêtequalitative

Septembre2015Analysedesverbatim

Consolidationetrédactiondurapport/

Communication(mémoire,DRH,

etc)

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Annexe 3 : Questionnaire

Questionnaire : Satisfaction sur l’organisation du temps de travail

Votre avis nous intéresse Madame, Monsieur, Merci de prendre quelques minutes pour répondre à ce questionnaire afin de nous aider à décrypter votre niveau de satisfaction vis-à-vis de l’organisation du temps de travail. Répondre à ce questionnaire prendra 10 minutes. Vous avez 5 propositions de réponses. Vous devez choisir une seule réponse à chaque fois, sauf pour les questions (Q7, Q10 à Q14). Nous vous recommandons d’utiliser la réponse « Ni en désaccord ni d’accord » uniquement lorsqu’aucune autre réponse ne vous semble correspondre.

Nous vous remercions de votre participation.

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Renseignements Sexe : Féminin Masculin Age : ____________________________________________________________ Situation familiale : 1. seul (e) 2. seul (e ) , avec enfants 3. garde partagée de mon (mes) enfant-s avec mon (ma) ex-conjoint-e. 4. en couple, sans enfant-s. 5. en couple, avec enfants 5. autre, précisez : _________________________________________________ Situation professionnelle : Secteur d’activité : _______________________ Intitulé de votre poste : _________________________ Cadre avec Management Cadre sans management Taille de l’entreprise (nombre d’effectifs): _________________________________________________________________ Temps de trajet (domicile/travail) : _________________________________________________________________ Vous êtes au Forfait : Heures Jours Combien d'heures en moyen vous travaillez par semaine ? …………………… Vous êtes soumis au contrôle de vos heures de travail ? Oui Non Si oui, selon quels moyens ?...................................................................................... L’organisation du temps de travail dans votre entreprise est claire pour vous : Oui Non Ce que vous aimez dans cette organisation du temps de travail : _________________________________________________________________ Ce que vous n’aimez pas dans cette organisation du temps de travail : _________________________________________________________________ Votre entreprise est en train de réviser son organisation du temps de travail ? Oui Non Ne sais pas

********************* Q1. Globalement, je suis satisfait (e) « de mes horaires de travail » :

Tout à fait d’accord

D’accord Ni en désaccord ni d’accord Pas d’accord Pas du tout d’accord

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Q2. L’organisation de mon temps de travail a un effet positif sur ma qualité de vie

Tout à fait d’accord D’accord Ni en désaccord ni d’accord Pas d’accord Pas du tout d’accord

Q3. Je peux choisir mes horaires de travail :

Tout à fait d’accord D’accord Ni en désaccord ni d’accord Pas d’accord Pas du tout d’accord

Q4. Je n’arrive pas à concilier les exigences de ma vie professionnelle avec celles de

ma vie personnelle :

Tout à fait d’accord D’accord Ni en désaccord ni d’accord Pas d’accord Pas du tout d’accord

Q5. Mon organisation du temps de travail est en adéquation avec ma charge de

travail :

Tout à fait d’accord D’accord Ni en désaccord ni d’accord Pas d’accord Pas du tout d’accord

Q6. Je reste tard au travail :

Toujours Fréquemment Rarement Jamais

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Q7. Quand je reste au travail plus tard le soir c’est parce que : (plusieurs choix

possibles /classer du plus au moins important)

Je n’ai pas fini mon travail Je me réalise dans mon travail

On compte sur moi Tout le monde le fait Mon manager est encore là Pour éviter les heures de pointe (transport) Autres, précisez : _______________________________________________

Q8. Je suis satisfait de l’organisation de mon temps de travail :

Tout à fait d’accord D’accord Ni en désaccord ni d’accord Pas d’accord Pas du tout d’accord

Q9. Je suis favorable à une nouvelle organisation de mon temps de travail : Tout à fait d’accord D’accord Ni en désaccord ni d’accord Pas d’accord Pas du tout d’accord

Q10. L’organisation de mon temps de travail qui me correspondrait le mieux :

L’organisation actuellement en place Temps partiel négocié et choisi Télétravail Semaine compressée ramenée à 4 jours Horaires décalés Horaires fractionnés Autres, précisez : _______________________________________________

Q11. En cas de négociation de mon temps de travail, je serais prêt (e) à faire un effort

sur:

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Ma rémunération Ma charge de travail Mon autonomie L’intérêt des missions qui me sont confiées Ma carrière Autres (précisez) : _______________________________________________

Q12. Aujourd’hui, l’organisation de mon temps de travail me laisse du temps pour :

Tout à fait d’accord

D’accord

Ni en désaccord ni d’accord

Pas d’accord

Pas du tout d’accord

Développer mes compétences

Me former Développer les contacts avec mes collègues

Participer à des moments d’échanges informels

Du temps personnel Q13. Aujourd’hui, l’organisation de mon temps de travail ne me laisse du temps pour :

Tout à fait d’accord

D’accord

Ni en désaccord ni d’accord

Pas d’accord

Pas du tout d’accord

développer une réflexion sur mon plan d’action

consacrer plus de temps au management de mon équipe

Echanger avec mes paires

Q14. Je pense qu’une réorganisation de mon temps de travail peut avoir un impact

positif sur :

Tout à fait d’accord

D’accord

Ni en désaccord ni d’accord

Pas d’accord

Pas du tout d’accord

Ma gestion des tâches

Ma concentration Mon stress Ma motivation Ma carrière Ma façon de

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manager Ma réflexion sur la stratégie à venir

Ma performance économique

Q15. En cas de réorganisation du temps de travail, à quoi utiliserais-je le temps rendu

éventuellement disponible ?

§ Précisez : _______________________________________________ Q16. Sur quoi faudrait-il travailler en priorité pour améliorer l’organisation du temps

de travail au sein de mon entreprise ?

§ Précisez : _______________________________________________ Mes commentaires :

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Annexe 4 : Guide d’entretien Guide d’entretien non - directif (1 heure)

Remerciement pour nous accorder cet entretien Présentation (5 mn max)

- Se présenter : nom + prénom + titre + secteur/contexte de l’étude (fin de formation MBA RH Dauphine…)

- Présenter la problématique + nom du directeur de mémoire. - Vérifier si on peut => Enregistrer pour conserver les données (pour des raisons de

fiabilité des propos en garantissant l’anonymat dans la restitution) Quelques règles : écoute, reformulation si nécessaire, gestion du temps, ne pas couper la parole. Envoi d’éléments en amont pour préparer et faciliter l’échange : lettre de présentation du sujet du mémoire avec la problématique. Entretien : Objectif de l’entretien : rapprocher l’étude quanti avec la politique, avis et projet des organisations et la vision/volonté des DRH Présentation de l’étude quantitative (principales tendances) mais attention à ne pas trop orienter les échanges et du coup créer un biais Explorer l’existant (pistes d’exploration de l’information): • Comment se mesure le temps de travail de cadres au sein de l’entreprise :

- type de déclaration : badgeuse, outil informatique, etc. - amplitude du temps de travail, - culture de l’organisation - type de contrôle ou protection des salariés cadres. - le degré de satisfaction du temps de travail des salariés.

• réflexion en cours sur une nouvelle organisation du temps de travail des cadres ? Si oui

sous quelle forme ? • L’organisation du temps de travail des cadres contribue-t-elle à la performance de

l’entreprise ? • Sur ce thème, existe-t-il un lien entre la satisfaction des personnes et la performance de

l’entreprise ? • Il y a-t-il un intérêt à repenser l’organisation du temps de travail des cadres au sein de

l’entreprise ? Si oui pourquoi ? Si non pourquoi ? • Conditions nécessaires pour « repenser » l’organisation du temps de travail et principaux

freins.

Remerciements : oral + mail

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Liste des personnes interviewées : Professeurs Nicolas BERLAND, Professeur Université de Dauphine Gérard TAPONAT, Professeur Université de Dauphine Jean-Nicolas MOREAU, Professeur Université de Dauphine Serge PERROT, Professeur Université de Dauphine DRH Jean-François CORAZZINI, RRH Vinci Frédéric GOUX, DRH opérationnel Banque Postale Philippe LESIEUR, DRH BPCE Véronique PETIT, DRH Action Enfance Christelle ANDRE , DRH Misys Yann Le GOURRIEREC, DRH Banque Populaire Jean Pascal DENIS, DRH UGC Béatrice BLANCHE, DRH Hôpital d'Amiens Hervé PLANAS, DRH CPAM 93 Fathallah CHAREF, DRH BHV Thierry CHARBONNIER, RRH Claas Tractor Magalie CHAPEY, Chef du bureau des ressources humaines Préfecture Caroline SONIGO, HR Manager YARA Philippe LAMBLIN, DRH APRIL DRH de l’année 2015 Chefs d’entreprise, Directeur Valérie ANDRADE, Chef d'entreprise So Smart (co-working) Alexis GARCIA, Chef d'entreprise EGZ Daniel KARYOTIS, Directeur Général BPCE

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Annexe 5 : Lexique Cadres Définition du statut Cadre selon l’Article 4 de la CCN de retraite et de prévoyances des cadres du 14 mars 1947: Le régime de prévoyance et de retraite institué par la présente Convention s'applique obligatoirement aux ingénieurs et cadres définis par les arrêtés de mise en ordre des salaires des diverses branches professionnelles ou par des conventions ou accords conclus sur le plan national ou régional en application des dispositions légales en vigueur en matière de convention collective et qui se sont substitués aux arrêtés de salaires. Sont considérés comme ayant la qualification et les prérogatives d'ingénieurs ou cadres, (…), les voyageurs et représentants qui répondent à l'un au moins des trois critères suivants :

• avoir une formation technique, administrative ou commerciale équivalente à celle des cadres de l'entreprise (ou à défaut de cadre dans l'entreprise, équivalente à celle des cadres de la profession) et exercer des fonctions requérant la mise en œuvre des connaissances acquises ;

• exercer par délégation de l'employeur un commandement sur d'autres représentants ; • exercer des fonctions impliquant initiative, responsabilité́, et pouvoir être considérés

comme ayant délégation de l'autorité́ du chef d'entreprise. Définition du statut Cadre selon l’Article 4 bis de la CCN de retraite et de prévoyances des cadres du 14 mars 1947: Pour l'application de la présente Convention, les employés, techniciens et agents de maîtrise sont assimilés aux ingénieurs et cadres visés à l'article précèdent, dans les cas où ils occupent des fonctions :

• classées par référence aux arrêtés de mise en ordre des salaires, à une cote hiérarchique brute égale ou supérieure à 300 (1);

• classées dans une position hiérarchique équivalente à celles qui sont visées au a) ci-dessus, dans des classifications d'emploi résultant de conventions ou d'accords conclus au plan national ou régional en application des dispositions légales en vigueur en matière de convention collective.

Durée légale du travail : Fixée à 35 heures hebdomadaires pour toutes les entreprises quel que soit leur effectif, la durée légale du travail effectif est une durée de référence, un seuil à partir duquel sont calculées les heures supplémentaires. Il ne s’agit ni d’une durée minimale (les salariés peuvent être employés à temps partiel), ni d’un maximum : des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans le respect des durées maximales au-delà desquelles aucun travail ne peut être demandé – Source Insee Forfait heures : Le salaire de base, fixé librement entre l'employeur et le salarié, peut relever d'un mode de fixation dit « au forfait ». Une convention de forfait sur une base hebdomadaire ou mensuelle entre le salarié et l'employeur est alors obligatoirement conclue par écrit. Les conventions de forfait en heures sur l'année ne peuvent être conclues que pour des cadres ou des salariés disposant d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et doivent s'adosser à un accord collectif. Dans tous les cas, elle doit préciser la rémunération

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forfaitaire ainsi que le nombre d'heures supplémentaires inclues dans la rémunération forfaitaire. Source INSEE Forfait en jours : Le système de forfait en jours permet de décompter la durée du travail en jours et non plus en heures peut être mis en place pour les cadres autonomes dans leur organisation du temps de travail, par accord collectif de branche ou d'entreprise, combiné à une convention individuelle. Depuis la loi du 31 mars 2005, cette possibilité concerne également les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps. Le nombre maximal de jours travaillés reste limité à 218 jours au plus. Mais la loi du 20 août 2008 portant réforme du temps de travail permet au salarié qui le souhaite, en accord avec son employeur, de se faire racheter ses jours de repos dans une limite de 235 jours, à défaut d'accord en fixant le nombre. Source INSEE Heures supplémentaires : La durée légale du travail est fixée à 35 heures par semaine pour toutes les entreprises depuis le 1er janvier 2002. Elle est le seuil déclencheur des heures supplémentaires. En contrepartie de celles-ci, l’entreprise est tenue d’accorder aux salariés une majoration de salaire ou un «repos compensateur de remplacement». Source Ministère du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social Heures complémentaires : Les heures complémentaires sont les heures de travail accomplies par un salarié à temps partiel au-delà̀ de la durée de travail prévue dans son contrat. Comme les heures supplémentaires, elles font l’objet, depuis la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, d’un régime fiscal et social particulier. Source Ministère du Travail Aménagement du temps de travail : D’une semaine à l’autre, l’activité de l’entreprise peut être irrégulière, du fait de son caractère saisonnier, de la fluctuation des commandes… Pour adapter le rythme de travail des salariés à celui de l’activité - et éviter les heures supplémentaires en période de haute activité ou le chômage partiel en période de basse activité - l’entreprise peut répartir la durée du travail sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l’année. Une condition : une convention ou un accord collectif doit l’y autoriser et en prévoir les modalités. En l’absence d’accord collectif en matière d’aménagement du temps de travail, l’employeur peut toutefois organiser un tel aménagement dans les conditions fixées par les articles D. 3122-7-1 à 3122-7-3 du code du travail : la durée du travail peut alors être organisée sous forme de périodes de travail d’une durée de 4 semaines au plus pour chacune. Source : Ministère du Travail et de l’emploi Temps de travail ou durée du travail effectif (Article L3121-1 du Code du Travail) : Est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.

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Temps partiel : Un temps partiel est un temps de travail inférieur à la durée légale du travail ou à la durée conventionnelle si celle-ci est inférieure. Il doit obligatoirement faire l'objet d'un contrat de travail écrit. Le travail à temps partiel peut être mis en place sur l'initiative de l'employeur ou du salarié. Source Insee Le temps partiel est défini par une durée du travail inférieure à la durée légale (35 heures par semaine) ou aux durées conventionnelles ou pratiquées dans l’entreprise - Source Ministère du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social

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BibliographieOuvrages - Alter Norbert: « Donner et prendre, la coopération en entreprise ». Editions La

Découverte, 2010 - Askenazy Philippe "Les désordres du travail" Editions Seuil, 2004 - Aubert Nicole "Le culte de l’urgence" Editions Flammarion, 2003 - Boulin Jean-Yves et Hoffmann Reiner "Les nouvelles pistes du temps de travail", Editions

Liaisons, 2000 - Chanlat Jean François "L'individu dans l'organisation. Les dimensions oubliées" Editions

Eska, 2000 - Denis Ettinghoffer et Gérard Blanc "Le syndrome de Chronos, du mal travailler au mal de

vivre ", Editions Dunod, 1998. - Dubet François "Le déclin de l’institution" Editions Seuil, 2002. - Dupuy François "La fatigue des élites" Editions Seuil, 2006 - Elias Norbert "Du temps" Editions Hachette ; 1997 - Freiche Janine et LE BOULAIRE Martine "L’entreprise flexible et l’avenir du lien

salarial" Editions L'Harmattan, 2000 - Jauréguiberry Francis "Déconnexions" Editions La Decouverte, 2014 - Le Breton Eric "Domicile-travail, les salariés à bout de souffle" Editions Carnets de l'info,

2008 - Martinez Esteban "Les salariés à l’épreuve de la flexibilité" Editions de l’université de

Bruxelles, 2010 - Moutel Gilles "Le temps des uns, le temps des autres. Une étude internationale sur le

temps privé, le temps de travail et le temps des entreprises" Editions LPM, 2002. - Rosa Harmut "Accélération, une critique sociale du temps" Editions La Decouverte, 2013 - Roussel Eric "Vies des cadres, Vers un nouveau rapport au travail", Presses Universitaires

de Rennes coll. "Le sens social", 2007, 265 p - Schermerhorn John R. "Comportement humain et organisation" Editions ERPI, 2010 - Zarifian Philippe "Temps et modernité. Le temps comme enjeu du monde moderne"

Editions L'Harmattan, 2003 Articles scientifiques - Adams, Ann et Bond, Senga. « Hospital nurses' job satisfaction, individual and

organizational characteristics ». International Journal of Nursing Studies. 2000, Vol. 32, 3, pp. 536-543

- Caruso, C et al. "Relationship of work schedules to gastrointestinal diagnoses, symptoms, and medication use in auto factory workers", American Journal of Industrial Medicine, No. 46, pp. 586-598. 2004

- Caruso, C et al. "Overtime Work and Extended Shifts: Recent Findings on Illness, Injuries and Health Behaviors", National Institute for Occupational Safety and Health (Cincinnati). 2006

- Caruso, C. et al. "Possible broad impacts of long work hours", Industrial Health, Vol. 44, No. 4, pp.531-536. 2004

- Caruso, C. et al. "A review of work schedule issues and musculoskeletal disorders with an emphasis on the healthcare sector", Industrial Health, No. 46, pp. 523-534. 2008

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- Floderus, B et al. "Work status, work hours and health in women with and without children", Occupational and Environmental Medicine, Vol. 66, No. 10, pp. 704-710. 2009.

- Holtermann, A et al. "Long work hours and physical fitness: 30-year risk of ischaemic heart disease and all-cause mortality among middle-aged Caucasian men", Heart, Vol. 96, No. 20, pp. 1638-1644. 2010

- Igalens, J. « Satisfaction au travail ». R Le Duff. Encyclopédie de la gestion et du management. Paris : Dalloz, 1999, pp. 1246-1247.

- Iglesias, J. et al, "La satisfaction au travail. Une conséquence du choix des outils statistiques et des instruments de mesure en GRH". Revue internationale de psychosociologie. 2010, pp. 245-270.

- Kivimaki et al. "Long working hours and risk of coronary heart disease and stroke: a systematic review and meta-analysis of published and unpublished data for 603 838 individuals", The Lancet, Août 2015.

- Landrigan, C et al.. "Effect of reducing interns' work hours on serious medical errors in intensive care units", New England Journal of Medicine, Vol. 351, No. 18, pp. 1838-1848. 2004

- Locke, E A. "The nature and causesof job satisfaction". M Dunette. Handbook of industrial and Organisational Psychology. Chicago : Rand McNally College Publishing Company, 1976, pp. 1297-1349.

- MEDA Dominique, “Manquons nous de temps?”, Revue Interventions économiques, n° 31Temps sociaux, temps de travail 2013.

- Meyssonnier R. et al. "L'impact du cocooning organisationnel et des opportunités d'emploi sur le lien entre satisfaction au travail et intention de quitter". Reims : 2006. AGRH. p. 23.

- Mignonac, Karim, "Que mesure-t-on réellement lorsque l'on invoque le concept de satisfaction au travail? " Montréal 2004, Congrés AGRH. p. 23.

- Olds, D.M.; Clarke, S.P. "The effect of work hours on adverse events and errors in health care" Journal of Safety Research, Vol. 41, No. 2, pp. 153-162. 2010

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Sources internet www.institut-leadership-bpi.com www.orse.org www.gorowe.com www.legifrance.gouv.fr