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LES ENJEUX D’UN HABITAT DURABLE aujourd’hui et demain Le chauffage

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LES ENJEUX D’UN HABITAT DURABLE

aujourd’hui et demainLe chauffage

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Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2

La polyvalence du système de chauffage à eau chaude . . . . . . . . . 4

Philippe Haïm . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

Contributions d’experts

Jean-Pierre Traisnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8

Damien Lambert. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10

Eric Lagandré . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13

Maurice Di Giusto. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17

Christian Feldmann . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19

Suzanne Déoux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22

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Energies et Avenir a organisé une matinée consacrée à l’efficacité éner-gétique des bâtiments afin de croiser les visions de plusieurs experts sur lepotentiel d’économies d’énergie du parc immobilier existant et sur les enjeuxde la construction des habitats durables de demain, au regard des objectifs fran-çais et européens ambitieux dans un contexte économique tendu.

La voie à suivre est claire : augmenter l’efficacité énergétique en utilisant lesmeilleures technologies disponibles et réduire les émissions de gaz à effet deserre en intégrant les énergies renouvelables. Dans ce contexte, le système dechauffage à eau chaude bénéficie d’une position privilégiée puisqu’il est, parnature, le plus à même d’accueillir simplement les nouvelles technologies et lesinnovations présentes et futures du marché, quelle que soit l’énergie utilisée.

En France, si le marché de la rénovation a dépassé celui de la constructionneuve, la dynamique espérée n’est pourtant pas encore complètement aurendez-vous. Ainsi, différentes orientations doivent être envisagées afin d’at-teindre les objectifs fixés, en particulier l'objectif de réduction de 38% de laconsommation d'énergie primaire à horizon 2020. Une nouvelle organisationsociétale et un changement profond de comportements de la part des utilisa-teurs sont tout d’abord nécessaires. Il est ainsi primordial de prendre encompte l’évolution des besoins énergétiques de la société tout en permettantl’intégration des énergies renouvelables et le recours aux réseaux de chaleur.

Si la plupart des facteurs clés pour répondre à l’enjeu de l’efficacité énergétiquesont réunis (matériaux et équipements performants, prise de conscience de l’im-portance du parc immobilier existant, intégration des énergies renouvelables),il est urgent de mieux orchestrer l’ensemble en s’appuyant sur une réglemen-tation adaptée et en trouvant des leviers de financement efficaces.

Il est également essentiel que tous les professionnels du bâtiment, les maîtresd’ouvrages, les techniciens mais aussi les architectes se réunissent afin de pro-poser des solutions de rénovation performantes en adoptant une approcheétape par étape, permettant de hiérarchiser les travaux en maîtrisant les diffé-rents budgets.

Les artisans se sont déjà pleinement engagés dans une démarche d’efficacitéénergétique. Ainsi, la CAPEB a déjà formé plus de 2 000 éco-artisans. Mais ladynamique s’essouffle à force de signaux contradictoires et le marché de larénovation reste encore très virtuel. Il semble difficile d’aller plus loin sans unaccompagnement financier clair s’inscrivant sur le long terme.

Au-delà d’un accompagnement de la demande, il est indispensable de réflé-chir à une refonte de l’offre qui doit être plus claire et plus simple à appréhenderpour les ménages. Seule une combinaison des deux permettra d’insuffler ladynamique nécessaire.

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En matière de construction neuve, la généralisation des bâtiments basseconsommation est sans conteste un atout pour l’atteinte des objectifs. Côté sys-tème, le calendrier des innovations technologiques attendues au cours des pro-chaines années montre la voie vers des équipements polyvalents, s’appuyantsur la boucle à eau chaude, et offrant un fort potentiel en termes de gain deperformance. Cependant, si nous ne prenons pas en considération l’évolutiondes logements et de leurs caractéristiques ou encore l’évolution sociologiquedans la réflexion globale, nous ne ferons pas la totalité du chemin. C’est en croi-sant l’ensemble des aspects liés aux systèmes, au bâtiment et au comportementdes utilisateurs que l’on saura mettre en œuvre les bonnes solutions au bonendroit pour un avenir plus durable.

La notion de confort thermique et sanitaire des bâtiments BBC pose égalementquestions. Si leur comportement thermique a peu de conséquences négativessur le confort d’hiver, il est indispensable que des précautions soient prises, enété, compte-tenu du fort niveau d’isolation, pour garantir la maîtrise desapports solaires, l’inertie des matériaux et une bonne ventilation. Le confortthermique, d’une façon générale, mais plus particulièrement le confort d’étédoit donc être pris en compte en amont de la réalisation d’un projet.

La qualité sanitaire des bâtiments est, par ailleurs, un enjeu encore trop sous-estimé et, parfois, limité à la notion de confort. Elle n’est pas prise en compteà la hauteur de ses conséquences et nécessite une approche globale incluantl’hygrométrie, le renouvellement de l’air, la lumière et l’acoustique. La qualitéde l’air intérieur est l’un des enjeux de la construction neuve et de la rénova-tion des bâtiments. Dans ce cadre, il faut s’interroger sur certaines solutions qui,si elles se justifient sur le plan environnemental ou technique, imposent dèsaujourd’hui de traiter leurs aspects sanitaires (conception, installation et main-tenance des VMC double flux, émission de particules de l’énergie-bois, etc.).

Ces différents échanges ont ainsi permis de dresser un état des lieux du mar-ché de la rénovation énergétique et de réfléchir aux orientations à suivre entenant compte des aspects aussi bien thermiques, environnementaux quesanitaires. Cette publication offre également une vision précise des atouts dusystème de la boucle à eau chaude dans la rénovation et l’amélioration de laperformance énergétique des bâtiments.

Face à un coût croissant de toutes les énergies et face aux impacts des déci-sions prises aujourd’hui, la question de la durabilité de nos habitats est un enjeupour nous tous. C’est pourquoi Energies et Avenir a souhaité sensibiliser lesacteurs concernés aux enjeux d’un chauffage performant et évolutif en parta-geant ces différentes contributions au travers de la publication de ce livre blanc.

N’oublions pas que tant l’industrie que les consommateurs ont un vrai besoin devisibilité en matière de choix d’investissement et d’anticipation des dépenses. Laballe est maintenant dans le camp des pouvoirs publics qui ont plus que jamaisla mission d’accompagner cette évolution avec la mise en place d’un cadrelégislatif adapté à l’enjeu de l’amélioration de la performance énergétique.

Hervé ThelingePrésident d’Energies et Avenir

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Solaire

Bois - Biomasse

Agrocombustibles

Biocombustibles

GéothermieAérothermie

Les énergies renouvelables

Basse température

Condensation

Pompe à chaleur

Cogénération

Les matériels innovants économes

Micro-cogénération

Pile à combustible

Hydrogène

et demain...

25 à 30%

30 à 40%

> à 50%

35 à 40%

GainCO2/énergie

Le système à eau chaude, support du chauffage durable

La polyvalence de la boucle à eau chaude

Le système de chauffage à eau chaude est porteur d’utilisation d’énergies renouvelables :bois, biogaz, géothermie, solaire thermique, agro combustible. En tant que système évo-lutif, il permet d’intégrer des solutions performantes au fur et à mesure et d’améliorerla performance énergétique.

La boucle à eau chaude est un système performant avec des réductions d’émissions deCO2 directement proportionnelles aux économies d’énergie. L’intégration d’un capteursolaire dans le système de la boucle à eau chaude permet d’obtenir 30% d’économie deCO2, alors que l’utilisation d’une pompe à chaleur réduit de 50% les émissions de CO2.

Les réseaux de chauffage urbain à eau chaude constituent un excellent vecteur pour lesénergies renouvelables. Ils utilisent déjà plus de 20% d’énergies renouvelables pour chauf-fer 3 millions d’équivalents habitants et génèrent plus de 32% de la chaleur distribuée àpartir de la cogénération.

La polyvalence du système de chauffage à eau chaude

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Le besoin énergétique des appareilsélectroménagers et des équipementsaudiovisuels deviendra prépondérant.

BEPOS-Hyp-

RMT 2010-2020

BBC neuf

BBC existant

Parc résidentiel 2008 (ep)

50

10 15

15

1540 75

754421142

25

25

10

10

60

60

100 150 200 250 300 kWh ep/m2.an

Source : CSTB, ADEME

ChauffageECSFroid - Eclairage - AuxBlancs et Bruns

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Philippe Haïm

Porte-parole de l’association Energies et Avenir, Philippe Haïm est directeur de la Mission Efficacité Énergétique &Sécurité Aval Gaz à GDF SUEZ ÉnergieFrance.

Diplômé de l’école centrale de Lyon,Philippe Haïm a été successivementresponsable des développements sur lesutilisations résidentielle, tertiaire etindustrie du gaz naturel au sein de ladirection de la Recherche de Gaz deFrance. Après avoir été responsable deCegibat, il a mis en place les nouveauxpartenariats avec la filière à l’ouverturedes marchés de l’énergie.

Vers une nouvelle répartition des besoinsénergétiques au sein du bâtiment

Bien que les besoins énergétiques des logements en France aient pro-gressivement diminué depuis l’entrée en vigueur de la première régle-mentation thermique en 1975, la consommation moyenne du parcexistant se situe toujours autour de 280 kWhep/m2.an. Les travaux duGrenelle de l’environnement ont donné des orientations majeures enmatière d’efficacité énergétique du bâtiment et ont établi des objectifsambitieux pour les années à venir. Les bâtiments basse consommation(BBC) ou la RT 2012 exigent par exemple une consommation maximale(en moyenne) d’environ 50 kWhep/m2.an et les futurs labels Haute Per-formance et BEPOS abaisseront encore ces niveaux de consommationet valoriseront les productions locales d’énergie.

Comme le montre le graphe suivant, cette amélioration progressive dela performance énergétique sera accompagnée d’une nouvelle réparti-tion des besoins énergétiques au sein du bâtiment. Grâce à l’innovationet au recours aux meilleures technologies disponibles, les cinq postes his-toriquement importants (chauffage, eau chaude sanitaire, éclairage,refroidissement et auxiliaires) diminueront significativement et permet-tront d’atteindre les labels BBC et BEPOS. A l’instar du poste chauffage,on estime que le besoin énergétique se réduira de 142 kWhep/m2.an(parc résidentiel en 2008) à 15 kWhep/m2.an (BBC dans la constructionneuve) ou encore à 10 kWhep/m2an (dans le cas d’un bâtiment à éner-gie positive) en 2020. L’exigence de la diminution du besoin énergétiquene s’applique pas à date sur tous les postes de consommation d’éner-gie. Les consommations des appareils électroménagers et des équipe-ments audiovisuels ne diminueront quasiment pas et deviendront mêmeprépondérant dans les années à venir (75 kWhep/m2.an en 2008 et 60kWhep/m2.an à l’horizon 2020).

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Rencontre des experts du 7 octobre 2011 Philippe Haïm

L’évolution des équipements de chauffage

Face à cette nouvelle répartition des besoins et face aux enjeux du Gre-nelle de l’environnement, il devient nécessaire de se poser des questionssur l’équipement de chauffage et de production d’ECS et leur rôle d’ici2020-2030. Associée aux fabricants de matériel et aux fournisseursd’énergies, l’association Energies et Avenir a mené une réflexion surl’évolution des différents systèmes et produits (“Roadmap technolo-gique”) et en a retiré quatre principaux enseignements qui tireront l’in-novation : › une absence de ruptures technologiques majeures mais des “sauts

conceptuels” importants (notamment dans le domaine de la productionde la chaleur, la réduction des émissions ou l’amélioration de la régu-lation) ;

› le développement d’appareils dont la principale caractéristique nesera plus l’unique production de la chaleur, mais aussi l’électricité pourl’autoconsommation ;

› l’émergence de technologies bi-énergie ou hybrides au sein même dulogement, combinant énergies traditionnelles, électricité et énergiesrenouvelables ;

› enfin, la nécessité d’un accompagnement indispensable des pouvoirspublics afin de phaser la réglementation et les rythmes industriels.

La roadmap technologique

Energies et Avenir a tracé une feuille de route pour 2030 et regroupé parfamille l’ensemble des technologies en matière de chauffage et d’eauchaude sanitaire, et a indiqué leur performance par rapport à l’énergieprimaire utilisée. Cette feuille de route prend en compte, le rende-ment, l’évolution des besoins, la maturité technique visée et la fin de vieprobable d’une dizaine des technologies dans la construction neuve, soitdéjà disponibles, soit attendues ou en développement.

Cette roadmap démontre clairement le potentiel des systèmes de chauf-fage basés sur la boucle à eau chaude. D’ici 2020, le rendement sur éner-gie primaire augmentera significativement pour la majorité destechnologies analysées alors que les systèmes électriques directs ne ver-ront pas de vraies améliorations de leur performance. Autre constat, legain énergétique obtenu grâce aux équipements basés sur la boucle àeau chaude peut encore être renforcé avec l’intégration des énergiesrenouvelables. Cela permet des rendements énergétiques allant jusqu’à200% sur énergie primaire.

Cette feuille de route permet également de mettre en avant les tech-nologies les plus porteuses pour le secteur de la construction neuve, etparmi elles, la chaudière individuelle à condensation de faible puis-sance et modulante voire fortement modulante, ou la PAC électrique.D’autres produits vont prochainement émerger et pourront prétendre à

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Rencontre des experts du 7 octobre 2011 Philippe Haïm

devenir le standard sur le marché : la micro-cogénération (permettantune production combinée de chaleur et d’électricité), la chaudièrehybride (combinant une chaudière à condensation avec une PAC élec-trique de faible puissance) ou encore les pompes à chaleur à absorptionou à moteur. Avec une meilleure performance et une réduction de laconsommation, ces nouveaux équipements et ces technologies témoi-gnent de l’innovation de la filière et de la place privilégiée des systèmesà eau chaude dans la réduction des émissions de CO2 du chauffage.

L’importance d’une vision globale

A quoi servirait cet état prospectif des systèmes énergétiques si on neprenait pas en compte la globalité de l’enjeu “habitat” ? Quelle est larobustesse de cette roadmap technologique dans l’habitat existantrénové ? Comment et où vivrons-nous demain ? Comment nos com-portements changeront-ils ?

Si nous ne prenons pas aussi en considération l’évolution des loge-ments et de leurs caractéristiques ou encore l’évolution sociologiquedans la réflexion globale, nous ne ferons pas la totalité du chemin. C’esten croisant l’ensemble des aspects liés aux systèmes, au bâtiment et aucomportement des utilisateurs que l’on saura mettre en œuvre lesbonnes solutions au bon endroit pour un avenir plus durable. Côté sys-tème, la roadmap technologique montre la voie à suivre, au cours desprochaines années, vers des équipements toujours plus performants etpolyvalents sur la boucle à eau chaude. Du point de vue du bâtiment, ilest important de réfléchir sur tous les différents types de constructionpossibles d’ici 2025. Enfin, des études sociologiques qualitatives etquantitatives compléteront la vision de l’habitat du futur. Les résultats deces études seront prochainement présentés.

Rendementsur énergie

primaire

Interdiction réglementaire dans l'existant

Maturité technique visée(produits disponibles et reconnus réglementairement, filière existante)

couplage ENR (solairethermique, PV...)

Pile à combustible

PAC à absoption

PAC moteurMicro-cogénération

Chaudière hybride

Chaudière condensation

Chaudière basse température

Chaudière standard

Système électrique direct

PAC Electrique

30%

50%

70%

90%

110%

130%

150%

+50%

Gain grâce aux EnR

+40%

+30%

+20%

1990 2000 2010 2020 2030

CONCLUSION

N’oublions pas que tant l’industrieque les consommateurs ont un vraibesoin de visibilité en matière dechoix d’investissement etd’anticipation des dépenses. La balleest maintenant dans le camp despouvoirs publics qui ont plus quejamais la mission d’accompagnercette évolution avec la mise en placed’un cadre législatif adapté à l’enjeude l’amélioration de la performanceénergétique.

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L’enjeu de l’efficacité énergétique dans le secteur du bâtiment

La consommation énergétique du parc de logements français s’élèveannuellement à 560 TWh en énergie finale, soit 30% de la consomma-tion totale de l’énergie finale consommée en France métropolitaine. Avec70% de cette consommation, le chauffage occupe la première place pourles résidences principales. Contrairement à l’idée reçue, la constructiondes nouveaux logements (au taux annuel d’environ 1% du parc total) neremplace pas les immeubles anciens mais contribue essentiellement à lacroissance du parc existant. La ville de 2050 est déjà construite à plus de70%. L’un des principaux enjeux pour atteindre les objectifs du Grenellede l’environnement et le “Facteur 4” consiste donc à circonscrire lesefforts sur la rénovation énergétique et l’amélioration de la perfor-mance des bâtiments existants.

Comment atteindre le facteur 4 à l’horizon de 2050 ?

Dans le contexte français, le terme “facteur 4” renvoie à l’objectif de divi-ser par quatre les émissions nationales de gaz à effet de serre d’ici 2050,soit 20 millions de tonnes de CO2 pour les postes chauffage et eauchaude sanitaire dans le parc immobilier à l’horizon 2050. Une étude quenous avons menée dans le cadre du Club d’Ingénierie prospective Ener-gie Environnement (CLIP) a identifié trois leviers permettant de réduired’une part la consommation énergétique et d’autre part les émissions deCO2 : la réduction des besoins, l’efficacité énergétique des équipementsde chauffage et le recours aux énergies renouvelables, démarche iden-tique à celle des scénarios “Négawatt”.

L’hypothèse retenue dans l’étude du CLIP consiste à intervenir sur le parcexistant par gestes ou bouquets de travaux, tout en faisant appel aux meil-leures technologies disponibles pour le chauffage, l’isolation, l’étanchéitéou la ventilation. La généralisation de ces gestes permet de réduire de 60%en moyenne les besoins unitaires de chauffage avec des disparités selonles configurations. Lorsqu’une intervention globale est possible sur latotalité de la façade, il peut y avoir des facteurs de division de trois ou plussur certains segments du parc, tandis que les bâtiments haussmanniensauront probablement un facteur de division inférieur. La question demeure,d’une application du facteur 4 par bâtiment ou en moyenne sur la totalitédu parc : c’est cette dernière hypothèse que nous avons retenue.

Jean-Pierre Traisnel

Urbaniste, chercheur au CNRS etmembre du laboratoire Techniques,Territoire et Société à l’Université Paris-Est.

Il est l’auteur avec Pierre Merlin del’ouvrage “Energie, environnement eturbanisme durable” (PUF éditions) et aparticipé à l’étude prospective sur laréduction de CO2 dans l’habitat (CLIP).

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CONCLUSION

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Rencontre des experts du 7 octobre 2011 Jean-Pierre Traisnel

L’importance d’une approche portant sur le bâtiment

En ce qui concerne la procédure à mettre en place afin d’arriver à ce fac-teur 4, plusieurs approches sont possibles. L’intervention peut être effec-tuée à l’échelle du logement, à l’échelle du bâtiment ou même à l’échelledu quartier. L’analyse des travaux portant sur l’immeuble collectif montreque les travaux sur le bâtiment sont beaucoup plus efficaces que lesinterventions à l’échelle du logement. Quel que soit le bouquet de travailappliqué, l’isolation par l’extérieur, l’isolation de la toiture, l’installation desystèmes de chauffages performants, l’approche portant sur le bâtimentest à privilégier. Il est intéressant de noter qu’à Paris, il existe une obliga-tion de ravaler les façades d’un immeuble tout les dix ans. En associant desniveaux de performance exigés avec les gestes de rénovation qui corres-pondent au cycle de vie du bâtiment, on peut atteindre des réductionsénergétiques importantes à un coût maitrisé.

La place privilégiée des systèmes de chauffagepouvant accueillir les énergies renouvelables

Les analyses menées démontrent qu’en matière de chauffage, le bois etl’ensemble des énergies renouvelables joueront un rôle fondamentalpour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Un scénario del’étude considère qu’environ 45% des logements en 2050 seront équi-pés au bois, soit sous forme d’une chaudière à biomasse en maison indi-viduelle, soit en réseau de chaleur. Notons que nous avons écarté leslogements collectifs équipés de chauffage individuels, difficiles à conver-tir au bois, ainsi que les maisons individuelles en milieu urbain en raisondes émissions de particules. Les logements restants (55%) seront équi-pés avec des pompes à chaleur électriques sachant qu’en 2050, nous dis-poserons de solutions adaptables et modulables pour tous les types delogements. Les émissions de CO2 seront réduites d’un facteur 16 alorsque la consommation en énergie finale du chauffage et de l’eau chaudesanitaire seront divisées par 3 d’ici 2050.

Pour atteindre un tel objectif, chaque construction neuve et un tiers duparc existant devront intégrer un équipement solaire thermique pour laproduction de l’eau chaude sanitaire. Cela permettrait de couvrir 50%des besoins pour chaque logement équipé. Dans la recherche de gise-ments d’économies, la méthanisation permettant d’alimenter les réseauxde chaleur serait une autre piste à étudier. Quelle que soit la voieempruntée pour réduire les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050,le recours à l’ensemble des énergies renouvelables sera un facteurdéterminant.

En France, le marché de la rénovation adépassé le marché de la constructionneuve. L’objectif du Grenelle del’environnement est de rénover 400 000logements par an à partir de 2013. Dansl’hypothèse qu’en 2050 la densité del’habitat ainsi que la surface à chaufferpar personne augmenteront de façonnotable, une meilleure gestion dessurfaces habitables s’impose. Celarenvoie à une nouvelle organisationsociétale et nécessite un changementprofond de comportements de la partdes utilisateurs. Aussi, les travaux derénovation thermique devraient prendreen compte l’évolution des besoinsénergétiques de la société tout enpermettant l’intégration des énergiesrenouvelables et le recours aux réseauxde chaleur. Dans ce contexte, lessystèmes de chauffage basés sur laboucle à eau chaude s’imposent commeune solution idéale, flexible et ouverte,pour accueillir les technologies et lesénergies de demain.

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Le contexte

En effet, l’entrée en vigueur de la réglementation thermique 2012 pourles zones ANRU et les bâtiments tertiaires en octobre 2011 représenteune avancée pour répondre aux enjeux énergétiques actuels. A partir du1er janvier 2013, chaque nouvelle construction sera réalisée dans desconditions strictes exigeant le respect des seuils de performance éner-gétique par mètre carré et par an. Avec la généralisation des bâtimentsbasse consommation dans un premier temps puis l’atteinte du labelBEPOS dans un second temps, une importance nouvelle sera accordéeà la réduction des besoins et à l’intégration des énergies renouvelables.

Comment accompagner la construction des logements performants ?

Si la construction neuve semble prendre une orientation propice à laconstruction de logements plus économes en énergie, plusieurs aspectsméritent d’être plus approfondis pour s’assurer de l’atteinte des objec-tifs. En premier lieu, il conviendrait de s’intéresser à la vérification de laperformance : souvent la consommationréelle du bâtiment ne correspond pas à laperformance calculée avec le moteur decalcul réglementaire. En l’absence d’ins-truments de vérification, les hypothèsesfaites sur la consommation restent à confir-mer. Faisant référence aux performancesréelles mesurées avec les référentiels desréglementations thermiques antérieures,les écarts entre la performance estiméeet la performance réelle sont importants.Il est tout à fait possible d’atteindre l’ob-jectif de 50 kWh/m2/an de la RT 2012 mais il est probable qu’en consom-mation réelle cela ne soit pas le cas.

Un deuxième point porte sur l’utilisation de l’électricité pour le chauffagedans la construction neuve. Compte tenu des unités d’énergie primairenécessaires pour produire une unité d’électricité – le facteur de conver-sion conventionnel est de 2,58, le réel plutôt autour de 3,2 – la questionde l’efficience de l’électricité pour le chauffage se pose, sauf pour l’utili-sation des pompes à chaleur sur nappe ou sur sol. Par ailleurs, cette

Damien Lambert

Centralien et diplômé de l’UniversitéParis Dauphine.

Avant de diriger, depuis 2007, Amoès,bureau d’étude spécialisée dans lesbâtiments BBC, il était ingénieurd’affaires chez OZITEM, société deconseil en Infrastructures systèmes. Il est expert dans les domaines liés auxbâtiments à énergie positive etl’intégration des EnR dans l’améliorationde l’efficacité énergétique.

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Compte tenu des unitésd’énergie primairenécessaires pour produireune unité d’électricité, laquestion de l’efficience del’électricité pour lechauffage se pose…

En tant qu’acteur du bâtiment, c’est avec plaisir quenous avons accepté de participer à cet échange entreexperts et professionnels de la filière. Aujourd’hui, plusque jamais, le secteur français du bâtiment joue un rôledécisif dans la réduction de la consommation d’énergieet l’amélioration de la performance énergétique du parcimmobilier face à l’épuisement des ressources naturelleset aux enjeux du changement climatique.

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Rencontre des experts du 7 octobre 2011 Damien Lambert

consommation est directement liée avec la température extérieure etcontribue significativement aux pointes électriques en hiver. Pour faireface au besoin accru en électricité, le recours aux centrales thermiquesfortement émettrices de CO2 ainsi que l’importation des pays voisins estnécessaire. Face à ce défi en matière de chauffage, nous croyons que, unefois les besoins en chaleur drastiquement réduits, l’avenir se trouve dansle recours aux énergies renouvelables et notamment dans le dévelop-pement des systèmes à bois (poêles, chaudières, ou cogénérateurs permettant la production simultanée de chaleur et d’électricité), desbiocombustibles, de la géothermie ou du solaire thermique. L’augmen-tation des prix de l’énergie est une tendance irréversible mais le déve-loppement du prix de l’énergie bois sera parmi les coûts les mieuxmaitrisés grâce à une filière bois français utilisée de façon optimale.

Pour une meilleure utilisation du mix énergétique

La priorité devrait également être donnée à la production décentraliséede l’énergie et à une meilleure utilisation du mix énergétique français,dont font partie une dizaine de filières. Concernant la production décen-tralisée, les rendements sur l’énergie primaire sont meilleurs qu’uneproduction centralisée. Chauffer une maison individuelledirectement à l’aide d’une chaudière à condensationest plus bénéfique pour le consommateur et l’environ-nement que de transporter l’énergie depuis une centralethermique.

Quant au mix énergétique, il devrait être mieux repartiselon les configurations spécifiques des logements. Pre-nant l’exemple de la biomasse : elle peut naturellementêtre envisagée en milieu urbain dense mais elle est pré-férable en zone rurale et périurbaine. Les projets réali-sés au sein de notre bureau d’études démontrent que lasolution à envisager ne repose pas sur une seule énergie mais sur unerépartition adaptée du mix énergétique global. C’est aussi l’approche duscénario négaWatt 2011.

La rénovation énergétique du parc existant commelevier essentiel pour améliorer l’efficacité énergétique

Alors que la réglementation thermique vise la construction neuve, c’estle parc immobilier existant, notamment les logements collectifs, quireprésente le plus grand potentiel d’économies d’énergie. Sur un ensem-ble de 32 millions de logements en France, 8,5 millions sont des loge-ments en copropriété. Bien que le Grenelle de l’environnement aitfacilité l’engagement des travaux de rénovation énergétique en copro-priété (obligation de l’audit, contrat de performance énergétique), le pas-sage à l’acte reste une entreprise complexe. Les obstacles le plussouvent rencontrés sont d’ordres juridique, économique et technique.

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Chauffer une maison individuelledirectement à l’aide d’une chaudière àcondensation est plus bénéfique pourle consommateur et l’environnementque de transporter l’énergie depuisune centrale thermique.

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Le défi d’une rénovation énergétique en copropriété

Au niveau juridique, le processus de décision en copropriété est indo-lent et allonge le temps de rénovation bien au-delà de l’optimum sou-haitable compte tenu de l’urgence de l’enjeu énergétique. L’obtentiondu quorum nécessaire pour la réalisation d’un projet de rénovation estchronophage et demande beaucoup de concertation et informationparmi les différentes parties. Une fois l’accord des copropriétairesobtenu, il existe de contraintes réglementaires limitant l’isolation exté-rieure par exemple en cas de limite de propriété. Les règles en copro-priété devraient être assouplies davantage. Aussi, afin de permettre unravalement de façade efficace, la réflexion des pouvoirs publics devraits’inspirer de l’exemple parisien où l’occupation du domaine public pourl’isolation est possible sous certaines conditions.

En logement collectif, la problématique des coûts d’une rénovationénergétique peut être plus facilement abordée en adoptant uneapproche globale de rénovation. Les économies dégagées grâce àl’amélioration de l’enveloppe du bâtiment, c'est-à-dire l’isolation dutoit et des murs, peuvent permettre de financer des travaux d’amélio-ration futurs. Un autre moyen important d’amortir le coût d’une réno-vation est d’augmenter la densité de l’immeuble en essayant d’apporterd’autres niveaux sur le bâtiment. L’augmentation de la densité urbainepeut être financée par la bonification du coefficient d’occupation des sols(COS), sachant que cette densification a aussi un impact positif sur lessols, en réduisant l’artificialisation rampante.

Un troisième point concerne les équipements et les aspects techniques.En rénovation, le chauffage est à l’heure actuelle le poste que les pro-fessionnels savent traiter le mieux au niveau technique. Les produits dechauffage performants sont nombreux et les progrès réalisés ces dernièresannées ont significativement augmenté le rendement des équipements,même si des interventions sur ce poste doivent intervenir de préférenceaprès une réduction des besoins dechauffage. Dans ce contexte, l’enjeud’un logement économe se situe surl’eau chaude sanitaire et l’électricitéspécifique. Après avoir appliqué la“sobriété” on peut réfléchir sur desmoyens permettant la récupérationde l’énergie provenant d’autressources.

CONCLUSION

Alors que les facteurs clés pour faireface à la problématique de l’efficacitéénergétique sont réunis (matériaux etéquipements performants, prise deconscience de l’importance du parcimmobilier existant, intégration desénergies renouvelables), il estdésormais important de mieuxorchestrer l’ensemble, d’avoir uneréflexion sur la réglementation destravaux de rénovation et de trouverdes moyens de financement. Pourquoine pas se servir d’une partie des plusvalues à la vente pour créer un fonddédié à la rénovation énergétique desbâtiments ? Aussi, l’objectif seraitd’intégrer tous les professionnels dubâtiment, les maîtres d’ouvrages, lestechniciens jusqu’aux architectes dansune approche de rénovationperformante étape par étape tout enmaîtrisant les différents budgets.

Rencontre des experts du 7 octobre 2011 Damien Lambert

Les produits de chauffageperformants sont nombreuxet les progrès réalisés cesdernières années ontsignificativement augmentéle rendement deséquipements.

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Eric Lagandré

Chargé de mission développementdurable à l’ANAH (Agence nationalede l’habitat).

Il intervient principalement sur lesquestions de lutte contre la précaritéénergétique, de la qualité deslogements rénovés et de lamobilisation du milieu professionnel. Il a fait partie des fondateurs du Clubde l’Amélioration de l’Habitat quifédère les acteurs publics et privés dece secteur économique.

Intervenant dans le sens de l’amélioration deslogements existants du parc privé, l’Agence Nationalede l’Habitat (Anah) répond à une vocation sociale, etplace les publics les plus modestes au cœur de sesmissions. En tant que spécialiste des questionsd'énergie, j’aimerais vous faire partager quelquesréflexions sur les défis que devront relever, à terme, les politiques publiques. C’est une réflexion que nouspartageons notamment au sein du Club del'amélioration de l'habitat (CAH) qui fédère l’ensembledes acteurs, publics et privés du marché de larénovation, ce qui représente une activité de l’ordre de60 milliards d’euros si l’on intègre l’ensemble dessecteurs du logement.

La connaissance du marché a beaucoup évoluédepuis le Grenelle

La connaissance évolue rapidement à l’heure actuelle, et c’est unebonne chose même si le marché ne va pas aussi vite dans le bons sens :80% de ce que l’on sait aujourd’hui sur la rénovation énergétique n’exis-tait pas en 2007 et cela peut conduire à reconsidérer certains conceptsdu Grenelle.

En matière de travaux, si l’on met en regard la réduction annuelle desdépenses énergétiques et le coût des travaux, trois approches différentesse distinguent nettement :› Le remplacement des fenêtres, qui se traduit par des coûts de travaux plusou moins élevés (suivant le nombre de fenêtres remplacées) mais n’im-plique jamais qu’une réduction très faible des dépenses énergétiques.

› A l’opposé, les travaux offrant un fort impact énergétique avec un coûtqui peut être modéré. Par exemple, l’isolation des combles ou le rem-placement de chaudières anciennes présentent une réelle efficacité,avec un coût qui reste acceptable.

› Enfin, l’isolation des murs seule qui, par contre, continue à poserproblème en terme de rentabilité.

La question est donc de savoir où situer l’optimum. Raisonner en micro-économiste reviendra à calculer le temps de retour marginal. Sur cinq oudix ans, et aux prix actuels de l’énergie, cela justifiera l’isolation des com-bles et les changements de chaudière. Dans le secteur du bâtiment, lesexperts ont quelquefois pris la mauvaise habitude de raisonner sur lestemps de retour moyens de l’ensemble de programmes de travaux, cequi finit par justifier l’isolation des murs de manière un peu abusive. Onremarque ainsi que souvent ce sont les travaux les plus rentables qui vont

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permettre, par les économies d’énergie et d’argent générées, de finan-cer les travaux les plus ambitieux et pourtant les moins rentables finan-cièrement, ceci sans considérer clairement l’intérêt et le point de vue despropriétaires qui peuvent légitimement diverger sur ce point.

Peu de rénovations globales, beaucoup de rénovations partielles

D’après les premières mesures réalisées sur le marché de la rénovationénergétique, celui-ci reste extrêmement clivé entre l’univers du chauf-fage, celui du bâti et celui de l'électricité. Cela n'a quasiment pas évo-lué. La rénovation globale reste un concept encore incantatoire, observédans la réalité pour un petit nombre d’opérations. Même en prenant ladéfinition la plus laxiste possible, le total des rénovations globales paran en France atteint seulement 250 000 projets. Cependant, les1 700 000 rénovations partielles ont, un impact énergétique significati-vement plus important. C'est notamment ce que montre l'étude Open,commandée par l’ADEME et réalisée par le club de l’amélioration de l'ha-bitat. Par ailleurs, l’expérimentation menée par le CAH dans le cadre duprojet ENERGISSIME visant la mobilisation des professionnels met enrelief que lorsqu’un logement a été équipé d’une chaudière perfor-mante ou d’une pompe à chaleur, lui appliquer des travaux d’isolationprésente dès lors beaucoup moins d’intérêt et réciproquement.

Rencontre des experts du 7 octobre 2011 Eric Lagandré

0

5000

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15000

20000

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0 200 400 600 800 1000 1200

réductions annuelles de dépenses en euros

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Série 1

chaudière BT

chaudière condensation

combles perdus

fenêtres

50 % des murs isolés

100 % des mursisolés

Quel optimum économique pour des ménages modestes ?

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Le développement de la rénovation est-il seulementun problème d’argent ?

L’impératif de rénovation énergétique pose-t-il un problème de demandeou un problème d’offre ? Les politiques du logement et celles de la réno-vation énergétique sont en définitive restées implicitement très large-ment keynésiennes dans leur inspiration. Ainsi, comme pour la politiquedu logement, on a considéré qu’il s’agissait d’un problème de demande,et qu’il suffirait de solvabiliser la demande pour que le marché répondeà cette demande : “Ces gens n'ont pas d'argent et, il suffit pour que celafonctionne de leur apporter des subventions ou du crédit”. Pourtant,lorsque les ménages porteurs d’un projet de rénovation depuis deux anssont interrogés sur les raisons pour lesquels les travaux n’ont pas encoreété réalisés, ils sont une minorité à déclarer qu’il s’agit d’une questionfinancière. Beaucoup répondent plutôt qu’ils n'avaient pas envie d'em-prunter, qu’ils avaient d'autres dépenses à faire, qu’ils n’ont pas encoretrouvé de réponses à leurs interrogations ou encore qu’ils n’ont pas eule temps de s'en occuper. Il s’écoule en moyenne deux ans entre l'idée d’une rénovation et sa miseen œuvre effective. Pendant un tel laps de temps, de nombreuses solli-citations peuvent emporter des décisions d’affectation des ressourcesdes familles. Si on ne peut nier qu’il existe un problème de demandepour une partie assez importante des ménages, le problème de l'offren’en demeure pas moins bien réel. L’offre n’est ni assez séduisante et niassez claire pour emporter vraiment l’adhésion du public. Les étudesmontrent que les ménages sont perdus devant la surabondance caco-phonique d’informations compliquées et contradictoires.

Les limites de la politique publique

Les outils mis en place par les pouvoirs publics, crédits d’impôt déve-loppement durable et éco PTZ, ont donc essentiellement été orientés surla demande. L’éco PTZ ne fonctionne pas bien et semble encore ralen-tir, d’une part parce que les banques n’avaient peut-être pas très enviede le porter, mais aussi parce qu’il avait été calibré sur un bouquet detravaux présupposé rentable pour le propriétaire ; mais si la premièrefleur était sans doute très séduisante, cela était sans doute moins vraipour l'ensemble du bouquet. En tout cas, l’éco PTZ montre l’impassedans laquelle peut s’enfoncer une politique de soutien orientée exclu-sivement vers la demande. Il est question de le préciser et de le rendreplus ambitieux, mais cela induira-t-il vraiment des effets massifs ?Le crédit d’impôt développement durable s’inscrivait lui aussi a prioridans une démarche de soutien de la demande. S’il coûte cher il fautcependant porter à son crédit des effets collatéraux de structuration del'offre, notamment pour la chaudière à condensation et le remplacementde fenêtres. Mais ce bénéfice ne porte vraiment que sur la partie de l'of-fre de rénovation qui était déjà structurée. On comprend donc que lespouvoirs publics aient décidé, dans la période que nous traversons, deréduire cette dépense fiscale.

Rencontre des experts du 7 octobre 2011 Eric Lagandré

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Travailler sur la segmentation du marché et la structuration de l’offre

Dans l'avenir, l’enjeu me paraît résider dans un effort de segmentationdu marché, technique mais aussi et surtout marketing et de formulationde réponses adaptées aux différents segments. Le profil du marché dela rénovation par tranche de revenu est d’ailleurs très intéressant. Enobservant la consommation des ménages par décile de revenu, et encomparant la rénovation, avec d’autres postes comme l'alimentation,l'automobile, la maroquinerie ou la bijouterie, on constate que, pour l'ali-mentation, les ménages à hauts revenus dépensent un peu plus que lesautres, mais tout le monde se nourrit. Pour l'automobile, la différence estplus accentuée et pour la maroquinerie ou la bijouterie, elle l’est encoreplus. Le plus surprenant est de constater que la rénovation de l'habitata un profil plus proche de la maroquinerie ou de la bijouterie que de l'ali-mentation. L’offre devra apprendre à apporter une gamme complète deréponses à l’ensemble des ménages.Un autre enjeu, rendu encore plus aigu par la situation des financespubliques, consiste probablement à passer des politiques de soutien dela demande à des politiques de l'offre. La contrainte de réduction dudéficit public rend encore plus difficile de justifier une politique “tous azi-muts” de la demande. Il y a donc un enjeu de structuration de l'offre enrénovation que les dispositifs des certificats d’économies d’énergie oude taxation des émissions de carbone tentent de commencer à prendreen charge. Evidemment, il sera nécessaire de pouvoir coupler des poli-tiques de demande et des politiques d’offre et c’est sans doute danscette combinaison qu’il faut chercher les clés de l’avenir. D’ailleurs, c’estun peu le sens de la convention signée le 30 septembre 2011 entre l’État,les énergéticiens et l’Anah dans le cadre du programme “Habiter mieux”qui vise à lutter contre la précarité énergétique. Le mécanisme des cer-tificats d’économie d’énergie est ainsi mis au service d'une action ciblantles propriétaires de maison du premier décile de revenus.

CONCLUSION

La rénovation énergétique desbâtiments est, à l’évidence, un desgrands enjeux de la lutte contre lesémissions de CO2. Pourtant ladynamique espérée n’est pas encorecomplètement au rendez-vous etnotamment dans le cas descopropriétés qui ont, ces dernièresannées, déjà dû répondre à diversesobligations de travaux. Dans uncontexte de réduction du déficit del’Etat, les pouvoirs publics doiventaujourd’hui trouver d’autres moyensd’incitation. Après s’être concentréssur un soutien de la demande, autravers des dispositifs comme l’éco PTZou le crédit d’impôt développementdurable, il semble évident qu’ilsdevront actionner le levier des prix del’énergie et favoriser ce qui peut aiderà structurer l’offre. D’où l’enjeu deréfléchir aux combinaisons depolitiques de soutien de l’offre et de lademande permettant d’amener lesménages à réaliser leur projet.

La proposition d’une obligation derénovation ne pourra pas être éludéeéternellement. Encore faudra-t-iltrouver progressivement un dispositifpermettant de soutenir la rénovationénergétique sans pour autant pénaliserles ménages les plus modestes oucréer des blocages sur un marché aussisensible que celui de l’immobilier.

Rencontre des experts du 7 octobre 2011 Eric Lagandré

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Une réglementation qui favorise l’efficacité dans le neuf

Pour ce qui est de la construction neuve, la voie vers l’efficacité éner-gétique est déjà tracée. Tout d’abord, il y a une réglementation qui,aujourd'hui, définit ce que l’on doit faire dans les bâtiments neufs, lesobjectifs en matière de consommation d’énergie que l’on doit atteindreet nous avons l’obligation d’y répondre. Même si elle continuera d’évo-luer, c’est une bonne base pour accélérer les choses en matière d’effi-cacité énergétique. Nous savons aussi que cette réglementation doit êtrecontrôlée si l’on veut qu'elle soit efficace. Là, je fais confiance aux dif-férents ministères pour que ces contrôles soient mis en place rapidement.Ensuite, il y a beaucoup de nouveaux produits prometteurs qui arriventsur le marché mais qui restent encore des prototypes. Bien sûr, noussommes attentifs à ces évolutions et nous faisons des expérimentationsavec la pose de nouvelles chaudières dans certains bâtiments pour tes-ter et optimiser leur mise en place. Mais en France, l’enjeu est aussid'avoir des rendements industriels suffisants pour produire en série etmodifier les chaînes de production existante.

Des artisans mobilisés sur un marché qui s’essouffle

Quand le Grenelle de l'environnement s'est mis en place, j’ai eu lachance de participer au comité opérationnel de l'environnement. Nousétions autour de la table et nous avons vraiment pris cela commequelque chose d’encourageant car nous représentions l'image d’une pro-fession qui bouge. Nous avons dit au ministère : “Nous sommes avecvous, au pied du mur, la truelle à la main et nousallons vous aider à construire demain”. Aujourd’hui, la CAPEB a formé 2 267 éco-arti-sans, mais où sont les marchés ? Les bureauxd’études sont deux ou trois à s'intéresser auxproduits innovants. Environ 3 % des architectess'intéressent au BBC et peut-être 5 % aux autresbâtiments où une efficacité énergétique doitêtre recherchée.

Maurice Di Giusto

Président de l’UNA CouverturePlomberie Chauffage.

Maurice Di Giusto est le président del’UNA Couverture Plomberie Chauffage(l’une des 8 Unions NationalesArtisanales de la CAPEB) et artisanplombier-chauffagiste à Mulhouse. Sa société Di Giusto SAS a obtenu le prix national des TechnologiesEconomes et Propres de l’ADEME. Il est également membre du conseild’administration de la CAPEB.

Je suis président de l’Union nationale artisanaleCouverture, Plomberie, Chauffage de la CAPEB à laConfédération de l’artisanat, qui représente les360 000 entreprises du bâtiment. Dans ma branche,nous comptons 20 000 entreprises. Je viensd'Alsace, où j’ai une petite entreprise de chauffagesanitaire de 18 personnes. Les artisans, à l’image de tous les professionnels dusecteur, se sont fortement mobilisés à la demandedes pouvoirs publics afin d’accompagner ladémarche de réduction des consommationsd’énergie dans le secteur du bâtiment.

Aujourd’hui, la CAPEB aformé 2 267 éco-artisans,mais où sont les marchés ?Si les marchés sont là, noussommes prêts à démultiplierimmédiatement les actionsd’efficacité énergétique.

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CONCLUSION

Rencontre des experts du 7 octobre 2011 Maurice Di Giusto

Comment aller plus loin sans accompagnementfinancier ?

La deuxième problématique est économique. Les coups de rabot auxcrédits d'impôt développement durable, sur la chaudière à condensationpar exemple, ont envoyé un message négatif tant aux particuliers qu’auxprofessionnels. En parallèle, les régions ont toutes supprimé les aides surles énergies renouvelables. Tous ces mouvements dans un sens, après leGrenelle, puis dans l’autre, aujourd’hui, perturbent les marchés.

Il y a aussi l’Eco-Prêt à Taux Zéro, sur lequel les banques mettent un frein ;le client doit relancer deux ou trois fois pour qu'ils soient accordés. L’éco-prêt sur les copropriétés, où il existe un vrai gisement d’économies d’éner-gie, qui a été demandé avec un fort engagement de la CAPEB, nous aégalement été refusé. Comment veut-on, après la mise aux normes desascenseurs, aller plus loin sans un accompagnement financier ? Ces différents signaux mettent en péril non seulement l’atteinte desobjectifs que notre pays s’est fixé mais aussi de petites entreprises dusecteur alors que nous avons une vraie opportunité de créer des emploisà travers l’énergie verte.

Capitaliser sur les bénéfices du Grenelle au quotidien

Les objectifs imposés par la Réglementation thermique, en termesd’étanchéité à l’air par exemple, demandent une mise en œuvre pluslongue ce qui, évidemment, a un impact sur le coût et la disponibilité desartisans. Pour des travaux qui prenaient une semaine auparavant il fautaujourd’hui en compter deux. Dans la ligne du Grenelle de l’Environne-ment, comme je l’ai dit, ce sont plus de 2 000 artisans qui se sont mobi-lisés immédiatement et ce nombre se démultipliera si les pouvoirspublics nous envoient un message fort et que les marchés sont présents.

Je veux aussi apporter un écho positif sur les nouvelles manières de tra-vailler que je constate désormais sur des projets innovants. J’ai la chancede pouvoir faire une des rares maisons BBC à Mulhouse. À la premièreréunion de chantier avec l'architecte et le bureau d’études, j’ai faitcomme d’habitude et j’ai demandé à passer en premier parce quej’avais un autre rendez-vous. Mais on m’a imposé de rester jusqu’à la finparce que je devais savoir si ma tuyauterie passerait derrière ou devantl’étanchéité à l’air, quel serait le travail de l’électricien qui interviendraitaprès moi, comment j’allais fixer le radiateur sans percer la membranequi est un centimètre et demi derrière le Placoplatre, etc. C'est une autre façon de travailler, où tousles corps de métiers doivent se coordonneret, cela, c’est sans nul doute un élémentpositif du Grenelle de l’environnement : seremettre autour d'une table avec des archi-tectes et des bureaux d'études ; en tra-vaillant en interface, pour atteindrel’efficacité recherchée ensemble. Il faudraitarriver au même raisonnement avec lesconstructeurs, les fabricants de matériauxet les énergéticiens pour construire l’offreglobale ensemble, avec des produits quicorrespondent aux attentes.

Un projet innovant, c’est uneautre façon de travailler, oùchaque intervenant doit tenircompte des autres. Il faudrait arriver au mêmeraisonnement avec lesconstructeurs, les fabricantsde matériaux et avec lesénergéticiens pourconstruire l’offre globaleensemble.

Les artisans sont prêts à s’engagerpleinement dans l’efficacité énergétique.Dans le neuf, il suffit de suivre la routetracée par la réglementation thermiqueet d’accompagner le développement deproduits innovants et prometteurs. Sousl’impulsion du Grenelle del’Environnement, la CAPEB a déjà forméplus de 2 000 éco-artisans. Mais ladynamique s’essouffle à force designaux contradictoires et le marché dela rénovation reste encore très virtuel. Ilsemble difficile d’aller plus loin sans unaccompagnement financier clairs’inscrivant sur le long terme. Lesartisans sont encore prêts à se mobiliser,encore faut-il que les marchés soient làet que les pouvoirs publicsaccompagnent la dynamique en évitantles ruptures. Enfin, il est important quel’ensemble des acteurs professionnelstravaillent ensemble et se concertentpour développer une offre globale quisoit en phase avec les besoins etpermette d’atteindre, ensemble,l’efficacité énergétique recherchée.

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En hiver comme en été, le confort se ressent et ne se décrète pas

Conformément à l’esprit du Grenelle de l’environnement, les bâtimentsrénovés ou qui seront construits dans les années à venir se distinguerontpar leurs faibles déperditions et une bonne maîtrise de la consommationénergétique. S’il s’agit là d’un critèreessentiel pour un avenir plus sobre etmoins énergivore, il ne faut pas pourautant en oublier le confort thermique,facteur indispensable d’une réelle sensation de bien être au sein d’unlogement.

Le confort peut être défini commel’état de neutralité thermique quirésulte d’un équilibre entre la pro-duction interne de chaleur et desmoyens de l’évacuation de celle-civers l’extérieur. La “température opé-rative” est l’indicateur du confort thermique qui permet justement deprendre en compte les échanges par convection et par rayonnement.Cette grandeur physique est également définie dans le code de laconstruction et, prise en compte par la réglementation thermique 2012.Elle traduit la situation du confort et peut être mesurée facilement à l'aided'un thermomètre boule (thermomètre Missenard).

La notion de confort global, doit être associée à différentes situationsd’inconfort local. Ce dernier se manifeste généralement lorsque l’envi-ronnement thermique n’est pas homogène. La différence (verticale) dela température de l’air, l’asymétrie de la température de rayonnement(provenant des émetteurs de chaleur ou des vitres d’une fenêtre), descourants d’air ou l’humidité comptent parmi les principales sources d’in-confort local.

L’élaboration de normes pour garantir le bien-êtredans un logement

La notion du confort a été normalisée grâce, entre autres, aux travauxmenés par le scientifique danois, Povl Ole Fanger. La norme internatio-nale ISO 7730notamment, prescrit des conditions d'ambiances ther-miques acceptables pour le confort. La norme européenne, EN 15251,quant à elle, porte sur les critères d'ambiance intérieure pour la concep-tion et l'évaluation de la performance énergétique des bâtiments (qua-lité thermique, qualité de l'air intérieur, éclairage et acoustique).Toutefois, on peut regretter que ces normes soient peu utilisées enFrance contrairement aux pays germanophones et nordiques, où la sen-sibilité aux aspects du confort thermique est bien plus présente.

Christian Feldmann

Ingénieur CNAM et diplômé de l’InstitutFrançais du Froid Industriel, ChristianFeldmann a fait la première partie de sacarrière au CEMAGREF dans le domainede l’application du Froid à laconservation des denrées alimentaires.

Il s’orientera ensuite vers la Thermiquedu Bâtiment en entrant en 1982 auCSTB où il deviendra Chef de Divisionau sein du département GénieEnergétique et Climatique. Il rejoindra leCOSTIC en 1989 dont il deviendra ledirecteur technique jusqu’à son départen retraite en 2009. Christian Feldmannpoursuit aujourd’hui son activité commeConsultant, à titre libéral.

Dans la réflexion portantsur l’améliorationénergétique, il ne faut pasoublier l’aspect du confortthermique, critère essentielpour garantir une réellesensation de bien être ausein d’un logement

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Rencontre des experts du 7 octobre 2011 Christian Feldmann

BBC : les règles à suivre pour maintenir le confort

Les bâtiments basse consommation (BBC) se caractérisent par une fai-ble consommation d’énergie grâce à une réduction des besoins et uneisolation renforcée de l’enveloppe. Dans mes fonctions de directeur tech-nique du COSTIC (comité scientifique et technique des industries cli-matiques), j’ai eu l’occasion de travailler sur la question du confortthermique d’hiver et d’été dans ce type de bâtiments en menant diffé-rentes simulations numériques.

En hiver, la régulation des systèmes performantspermet un équilibre sans effet rebond

Les simulations effectuées montrent que la température d’air et la tem-pérature de surfaces dans un logement BBC sont très proches de la tem-pérature opérative. Cela s’explique par un fort gradient thermique dansles parois et dans les doubles ou triples vitrages. Le confort thermiqued’hiver est satisfaisant pour les occupants et le comportement d’uneconstruction à forte isolation n’aura pas d’impacts négatifs majeurs surle bien-être lors des périodes de froid. Néanmoins, pour maintenir leconfort thermique et réduire les dépenses d’énergie inutiles, il estimportant d’intégrer des systèmes de chauffage performants et d’éviterles surchauffes et l’augmentation excessive de la température. Pour

cela, il existe de nombreux dispositifs de régu-lation (thermostat programmable, robinetsthermostatiques ou programmation de lachaudière) permettant de moduler rapide-ment l’apport de la chaleur et de mettre enharmonie le confort thermique avec la maîtrisede la consommation. Dans ce contexte, ilconvient de rappeler que la valeur réglemen-taire du chauffage est de 19 °C et, qu’undegré supplémentaire dans un bâtiment detype BBC conduit fatalement à des surcon-sommations énergétiques.

En été, l’isolation et la climatisation influent sur l’inconfort thermique

Dans un logement fortement isolé, le principal défi pour bénéficier d’unconfort optimal n’est pas l’apport de la chaleur en hiver mais son excèsen été. Comment maîtriser le confort thermique d’été sans avoir recoursà un refroidissement artificiel du bâtiment ? Les travaux que nous avonseffectués prennent en compte quatre éléments qui peuvent influer surl’inconfort en été : l’épaisseur de l’isolant, les apports solaires, l’inertiethermique des matériaux et la pratique de la ventilation.

Pour maintenir le confortthermique dans le logementet réduire les dépensesd’énergie inutiles, il estimportant d’intégrer dessystèmes de chauffageperformants et d’éviter lessurchauffes

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1. Une variation du taux d’inconfort en fonctionde l’épaisseur d’isolant. Les simulations montrent que le taux d’in-confort en été, caractérisé par le nombre d’heures de dépassementd’une certaine valeur, se croise avec l’isolation. Avec un isolant extérieurde 30 cm, le taux d’inconfort des habitants montait jusqu’à 70%, alorsqu’il était de 40% lorsque l’épaisseur de l’isolant n’était que de 5 cm.

2. Une réduction des apports solaires pour augmenterle confort Les calculs effectués mettent en évidence l’importance d’unebonne maîtrise des apports sur le confort : plus on limite les apportssolaires à l’intérieur de l’habitat, moins l’inconfort est important. Parexemple, une protection solaire intérieure (un store) laisse passer 40% duflux solaire incident tombant sur la fenêtre, une protection extérieure per-met de réduire ce pourcentage à 10%. Le volet est la façon la plus radi-cale pour se prémunir contre les apports solaires, mais la perte deluminosité qui en résulte doit être prise en considération pour trouver uncompromis.

3. L’inertie thermique a un rôle favorable sur le maintiendu confort Dans un bâtiment, l’inertie thermique est sa capacitéd’absorber les flux incidents, que ce soit les flux solaires ou les apportsinternes. La capacité d’un matériau à absorber et à emmagasiner de lachaleur est connue sous le terme de “diffusivité thermique”. L’e iner-tie est une des caractéristiques des matériaux présentant à la fois unebonne capacité thermique et une bonne conductivité. Ils se réchauffentet se refroidissent lentement et représentent donc un élément favora-ble pour maintenir ou améliorer le confort en absorbant les flux excé-dentaires qui pénètrent dans un bâtiment et en les restituant lentementdans les heures, voire les jours, qui suivent.

4. Le refroidissement naturel nocturne : un allié du confortthermique La pratique de la ventilation ou de la sur-ventilation,lorsque la température extérieure devient favorable, représente unmoyen proactif pour améliorer et maintenir le confort. Le logement, quia accumulé de la chaleur pendant la journée, peut être refroidi avec del’air plus frais pendant la nuit. Ce refroidissement naturel peut êtreobtenu soit grâce à des moyens mécaniques, soit avec des moyens sta-tiques comme l’élargissement des ouvertures en façade.

CONCLUSION

Evolution du taux d'inconfortEvolution du U

Epaisseur d'isolant extérieur (cm)

Taux

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Variation du taux d'inconfort en fontion de l'épaisseur d'isolant

0

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1

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2

2,5

5 10 15 20 25 30

Variation du taux d’inconfort en fonction de l’isolation pour la ville de Trappes

Source : COSTIC

Le comportement thermique des bâtimentsde type BBC a peu des conséquencesnégatives sur le confort d’hiver car il existedes systèmes de chauffage et de régulationadaptés au bâtiment.

Rencontre des experts du 7 octobre 2011 Christian Feldmann

Le comportement thermique desbâtiments de type BBC a peu deconséquences négatives sur le confortd’hiver de ses occupants. Il existe dessystèmes de chauffage et de régulationperformants qui peuvent être adaptés aubâtiment et au mode d’occupation. Enrevanche, en été, un certain nombre deprécautions sont à prendre pour maîtriserles apports thermiques pénétrant dans lebâtiment et qui peuvent impacterfortement le confort. Il convient donc,compte-tenu du fort niveau d’isolationd’être à la maîtrise des apports solaires, àl’inertie des matériaux et à la ventilation.

La maîtrise du risque d’inconfortthermique d’été, dans les bâtiments à trèsforte isolation, passe par une bonneconnaissance des mécanismesd’amortissement des flux thermiques dansle bâtiment, par celle des moyens deprotection des apports solaires, ainsi quel’application des normes qui traitent de cedomaine. Le confort thermique, d’unefaçon générale, mais plus particulièrementle confort d’été doit être pris en comptede façon très précoce dans un projet enassociant l’architecte et le thermicien.

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Suzanne Déoux

Docteur en médecine, Diplômée en Environnement et Santépublique, elle est professeur associé àl’Université d’Angers.

Experte dans le domaine “Santé-Bâtiment”, elle est gérante deMEDIECO et préside l’AssociationBâtiment Santé Plus qui organise,chaque année à Angers, le colloque Les défis bâtiment & santé. Elle a participé à la rédaction deplusieurs livres dont “Bâtir pour la santédes enfants” en 2010 ou “Bâtiments,santé, le tour des labels” en 2011.

La santé, une dimension sous-évaluée dans les labels

La santé ne se résume pas à l’ab-sence de maladies. C’est être bien,en trois dimensions : physique, psy-chique et sociétal. Cette définitiondépasse largement la notion deconfort qui a trop souvent uneconnotation du “plus” dont on peutse passer ou qui a un aspect réduc-teur. Par exemple, dans les ciblesHQE, traiter de la lumière en sepréoccupant du seul confort visuel, c’est oublier son puissant rôle de syn-chroniseur de tous les rythmes biologiques.

On parle aussi de confort hygrothermique. Il est vrai que l’homme a uneplage d’adaptation aux températures ambiantes. Elle diffère néanmoinsselon l’âge. Or, les indicateurs d’évaluation du confort thermique ont étéélaborés à partir de populations d’adultes et ne reflètent pas le ressenti desenfants, comme je l’ai précisé dans mon ouvrage “Bâtir pour la santé desenfants”. En revanche, les variations d’hygrométrie ont des conséquencessanitaires élevées. L’humidité relative de l’air est un facteur fondamental,fort négligé, surtout dans notre pays. Beaucoup de labels de pays nord-américains le prennent en compte. Chez nous, dans les référentiels HQE,il est même écrit : “le paramètre hygrométrique n'est pas pris en comptedans ce référentiel, hormis s'il y a un système de refroidissement”.

En matière de qualitésanitaire des bâtiments,certains points sont tropnégligés, notamment l’hygrométrie et lerenouvellement d’air.

Médecin otorhinolaryngologiste de formation, maspécialité m’a très rapidement confrontée aux effetsdes divers paramètres environnementaux : qualité del’air inhalé, bruit, odeurs, etc… La montée desaffections allergiques m’a aussi interrogé sur le rôlelimité des actions curatives incitant à plus de préventionen amont de la maladie. Cela a été le point de départde ma démarche. Présidente de Bâtiment Santé Plus, jesuis aussi gérante, depuis 1986, de MÉDIÉCO, sociétéde conseil et de formation en ingénierie de la santé,dans l’environnement bâti et urbain. La santé dans lebâtiment est donc au cœur de mes activités depuis denombreuses années, avant même l’émergence duconcept du développement durable.

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Des problèmes sanitaires persistants

Par manque de renouvellement de l’air des logements, on est confronté,depuis les chocs pétroliers des années 1970, à un niveau trop élevé d’hy-grométrie dans le résidentiel. L’humidité relative, qui doit normalementêtre comprise entre 40 et 60 %, peut y atteindre et même dépasser 70 %.Cet excès signifie plus d’acariens dans les matelas, plus de moisissuressur tous les ponts thermiques et plus d'émissions dans l’air des matériauxde construction. En revanche, dans le tertiaire, l’air est trop sec parce quetrop chaud.

Un autre constat inquiétant : nous manquons à la fois de lumière natu-relle et, paradoxalement, d’obscurité. Avec l’utilisation de l’éclairage arti-ficiel durant une partie de la nuit, nous avons en effet moins d'heuresd‘obscurité ce qui diminue la sécrétion de mélatonine. La RT 2012impose avec raison plus d’un sixième de surfaces vitrées par rapport àcelle des planchers. Mais, ce ratio est global et non par pièces. En pri-vilégiant les ouvertures orientées au sud, il est essentiel de ne pas négli-ger l’apport de lumière naturelle dans les autres locaux.

Il faut également évoquer l'acoustique qui forme, avec l’économied'énergie et la qualité d’air, un trépied inséparable qu’il faut absolumenttraiter dans les bâtiments basse consommation. La plus grande isolationet la forte étanchéité de l’enveloppe diminuent la perception des bruitsextérieurs, mais augmentent celle de tous les sources sonores inté-rieures comme la VMC double flux. Puisque tout le système aérauliquedoit être dans le volume chauffé, tout défaut de conception, d’installa-tion et de maintenance peut générer des bruits gênants. S’il est maldimensionné, le bruit de l’air insufflé dans les chambres peut empêcherde dormir et inciter à arrêter le fonctionnement de la ventilation. Commeles usagers ne sont pas informés de l'importance de cet équipement, la ventilation n’est pas remise en marche; la VMC ne fonctionne plus pen-dant des heures voire des jours. C’est un exemple qui montre commentl’acoustique peut avoir un effet indirect, mais non négligeable, sur la qualité de l'air.

Rencontre des experts du 7 octobre 2011 Suzanne Déoux

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La qualité de l’air intérieur, un enjeu crucial

Venons-en maintenant à la qualité de l'air, qui est un facteur majeur,même s’il ne doit pas occulter les autres. Nous respirons 100 % du temps.La quantité d'air inhalé quotidiennement est de 15 kg alors que la prisealimentaire n'est que de 2 kg d'eau et 2 kg d'aliments. Les transferts pul-monaires ne se résument pas au seul échange d'oxygène et de gaz car-bonique, mais concernent tous les composés gazeux ou particulairesinhalés, le poumon n'ayant pas la même fonction de barrière que l'in-testin. La vulnérabilité des jeunes enfants est grande. Plus les enfants sontjeunes, plus ils sont sensibles aux polluants de l’air, car leur métabolismeest plus rapide. A la différence des adultes, ils inspirent davantage parla bouche et bénéficient moins de la filtration nasale des particulesinhalées, ils respirent plus vite, ils inhalent plus d'air rapporté à la massecorporelle, ils absorbent deux fois plus de polluants auxquels leur sen-sibilité est plus grande. C’est un point clé, oublié dans la réglementationfrançaise qui offre des taux inférieurs de renouvellement d’air aux enfantspar rapport aux adultes.

De quoi dépend la qualité de l'air intérieur ? En premier lieu, des sourcesde pollution, ensuite du renouvellement d’air et enfin d'une possible épu-ration de l’air. Dans un bâtiment, la source majeure de polluants est lacombustion (qu’il s’agisse de cigarettes, de bougies, etc.). A ce titre, unmode de chauffage, comme la combustion de la biomasse, a des enjeuxsanitaires. Tout ce qui brûle émet des polluants gazeux et des polluantsparticulaires. Plus on améliore le rendement, moins on génère de pol-luants gazeux. Pour la problématique des particules, un combustiblesolide produit automatiquement plus de particules qu’un combustibleliquide, comme le fuel. Le bois génère, par exemple, vingt fois plus departicules fines que le gaz et dix fois plus que le fuel. Ainsi, l’énergie bois,qui a un avantage environnemental indéniable, impose sur le plan sani-taire la maîtrise de la pollution parti-culaire par le changement deséquipements anciens et la mise enplace d’une filtration efficace.

La qualité sanitaire des bâtiments estun enjeu encore trop sous-estimé et,parfois, limité à la notion de confort.Elle n’est pas prise en compte à lahauteur de ses conséquencesnotamment lorsqu’il s’agit de bâtimentsaccueillant des enfants. Elle nécessiteune approche globale incluantl’hygrométrie, le renouvellement del’air, la lumière et l’acoustique. Laqualité de l’air intérieur est l’un desenjeux de la construction neuve et de larénovation des bâtiments. Dans cecadre, il faut s’interroger sur certainessolutions qui, si elles se justifient sur leplan environnemental ou technique,imposent de traiter leurs aspectssanitaires (conception, installation etmaintenance des VMC double flux,émission de particules de l’énergie-bois, etc.).

Quand le combustibleest solide, les émissionsde particules fines sontélevées.

Rencontre des experts du 7 octobre 2011 Suzanne Déoux

CONCLUSION

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Energies et Avenir

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