Les croyances rationnelles et irrationnelles en lien avec le niveau de stress des étudiants...

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Journal de thérapie comportementale et cognitive (2014) 24, 14—23 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com ARTICLE ORIGINAL Les croyances rationnelles et irrationnelles en lien avec le niveau de stress des étudiants confrontés à l’idée d’un échec aux examens universitaires Rational and irrational beliefs linked to stress level among students when confronted to the idea of an exam failure Vera Walburg a,,b , Solène Arnault a , Stacey Callahan a a E.A. 4156, unité de recherche interdisciplinaire OCTOGONE, centre d’études et de recherche en psychopathologie (CERPP) (Center for Research and Study of Psychopathology), université de Toulouse II, Le Mirail, 5, allées Antonio-Machado, 31058 Toulouse cedex, France b Faculté libre des lettres et des sciences humaines, institut catholique de Toulouse (ICT), 31, rue de la Fonderie, BP 7012, 31068 Toulouse cedex 7, France Rec ¸u le 9 novembre 2012 ; rec ¸u sous la forme révisée le 27 septembre 2013 ; accepté le 27 septembre 2013 Disponible sur Internet le 29 octobre 2013 MOTS-CLÉS Croyances irrationnelles ; Stress ; Étudiants ; Examens Résumé Les croyances irrationnelles engendrent des pensées dysfonctionnelles dans notre système de croyances pouvant entraîner des troubles affectifs. La présente étude s’est inté- ressée au rôle des croyances irrationnelles dans le stress éprouvé par les étudiants face à l’idée de passer un examen à l’université et d’échouer à ce dernier. Dans cette perspective, 300 étudiants dont 91 hommes et 209 femmes d’âge moyen de 22 ans (ET = 4,87) ont complété un questionnaire concernant le stress ainsi qu’un questionnaire relatif aux croyances rationnelles et irrationnelles. Les données ont été analysées à l’aide de corrélations de Bravais Pearson, de comparaisons de moyennes par un test de Student et des analyses de régressions pas à pas. Les résultats montrent un lien négatif entre les croyances rationnelles et le niveau de stress disposi- tionnel et situationnel et un lien positif entre les croyances irrationnelles et le niveau de stress pour ces deux mêmes domaines. Néanmoins, les croyances rationnelles prédisent le niveau de stress dispositionnel et situationnel uniquement lorsque c’est le seul prédicteur. Quand il est associé à d’autres variables, seules les croyances irrationnelles et le sexe sont des prédicteurs significatifs du stress dispositionnel et situationnel. Cependant le domaine cognitif dans cette Étude présentée en communication orale aux Journées Régionales de Thérapies Comportementales et Cognitives à Rennes en juin 2013. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (V. Walburg). 1155-1704/$ see front matter © 2013 Association franc ¸aise de thérapie comportementale et cognitive. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.jtcc.2013.09.004

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E.A. 4156, unité de recherche interdisciplinaire OCTOGONE, centre d’études et de recherche ensychopathologie (CERPP) (Center for Research and Study of Psychopathology), université de Toulouse II, Leirail, 5, allées Antonio-Machado, 31058 Toulouse cedex, FranceFaculté libre des lettres et des sciences humaines, institut catholique de Toulouse (ICT), 31, rue de laonderie, BP 7012, 31068 Toulouse cedex 7, France

ecu le 9 novembre 2012 ; recu sous la forme révisée le 27 septembre 2013 ; accepté le 27 septembre 2013isponible sur Internet le 29 octobre 2013

MOTS-CLÉSCroyancesirrationnelles ;Stress ;Étudiants ;Examens

Résumé Les croyances irrationnelles engendrent des pensées dysfonctionnelles dans notresystème de croyances pouvant entraîner des troubles affectifs. La présente étude s’est inté-ressée au rôle des croyances irrationnelles dans le stress éprouvé par les étudiants face àl’idée de passer un examen à l’université et d’échouer à ce dernier. Dans cette perspective,300 étudiants dont 91 hommes et 209 femmes d’âge moyen de 22 ans (ET = 4,87) ont complété unquestionnaire concernant le stress ainsi qu’un questionnaire relatif aux croyances rationnelleset irrationnelles. Les données ont été analysées à l’aide de corrélations de Bravais Pearson, decomparaisons de moyennes par un test de Student et des analyses de régressions pas à pas. Lesrésultats montrent un lien négatif entre les croyances rationnelles et le niveau de stress disposi-tionnel et situationnel et un lien positif entre les croyances irrationnelles et le niveau de stress

pour ces deux mêmes domaines. Néanmoins, les croyances rationnelles prédisent le niveau de stress dispositionnel et situationnel uniquement lorsque c’est le seul prédicteur. Quand il estassocié à d’autres variables, seules les croyances irrationnelles et le sexe sont des prédicteurssignificatifs du stress dispositionnel et situationnel. Cependant le domaine cognitif dans cette

� Étude présentée en communication orale aux Journées Régionales de Thérapies Comportementales et Cognitives à Rennes en juin 2013.∗ Auteur correspondant.

Adresse e-mail : [email protected] (V. Walburg).

155-1704/$ – see front matter © 2013 Association francaise de thérapie comportementale et cognitive. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.ttp://dx.doi.org/10.1016/j.jtcc.2013.09.004

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étude du stress n’est lié d’aucune manière aux croyances. Par conséquent, cette étude a surtoutsouligné le lien entre la présence de croyances irrationnelles à l’idée de passer un examen etun niveau de stress élevé concernant l’idée d’échouer à ce dernier.© 2013 Association francaise de thérapie comportementale et cognitive. Publié par ElsevierMasson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDSIrrational beliefs;Stress;Students;Examinations

SummaryBackground. — Irrational beliefs can be defined as dysfunctional thoughts having been uninten-tionally introduced in our belief system during our childhood across through life experiences.As shown in previous studies, these beliefs can eventually cause affective disorders. Markus &Merkey [2] demonstrated the existence of a link between irrational beliefs and health concernsin a psychology student sample of 493. Szasz [3] explored irrational beliefs and depressogenicrumination as a factor for stress vulnerability. Previous research has also shown that stress playsan important role in student life (Anders and El-Ghorung [11,12]); a main concern for studentsbeing exam performance [14]. The objective of this study is to explore the impact of rationaland irrational beliefs regarding exam failure on the dispositional and situational stress.Method. — Three hundred undergraduate students in social sciences participated in this study.The sample consisted of 91 men and 209 women; mean age was 22 years (SD = 4.87). Onehundred students from each of first, second and third years participated in the study. Data werecollected using a scale of rational and irrational beliefs (Montgomery [21]) and a stress scale(Boucher [20]). An exploratory factor analysis with principal components using varimax rotationwas conducted with the stress scale identifying a three-factor solution explaining 54% of thevariance: dispositional, situational, and cognitive stress. Dispositional stress covered internaland personal aspects of stress like physical manifestations such as trembling, nervousness, andpanicked feelings. Situational stress was related to environmental and interpersonal aspects,like family and peers. Cognitive stress was represented by concentration skills or distractibility.Data were analyzed using Statistica software version 7.0.Results. — Bravais Pearson correlations and mean comparisons with Student t and as well ashierarchical stepwise regressions were performed. Rational beliefs were negatively correlatedwith dispositional (r = —0.15, P = 0.008) and situational stress (r = —0.25, P < 0.001) while irratio-nal beliefs correlate positively with the dispositional (r = 0.32, P < 0.001) and situational stress(r = 0.38, P < 0.01). Women had average scores of dispositional (t (298) = 4.42, P < 0.001) andsituational stress (t (298) = 4.19, P < 0.001) higher than men. Students resuming their studiesafter a break were less exposed to situational stress than students without interruptions (t(298) = 1.97, P = 0.04). The stepwise hierarchical regression analysis showed that mostly genderand irrational beliefs predicted dispositional and situational stress.Discussion. — The results show that the presence of irrational beliefs related to the idea of fai-ling an exam increases the risk of dispositional stress; i.e., internal aspects such as physicalmanifestations of stress, nervousness and feelings of panic. These beliefs also increase the riskof situational stress such as that related to external events and relationships with relatives. Girlsare more at risk for both aspects of stress. Cognitive stress in this study was not related to anyrational or irrational beliefs variables. Of particular interest are the stronger relationships bet-ween irrational beliefs and stress; rational beliefs were correlated inversely to stress but with aweaker relationship. This suggests that irrational beliefs are more predisposing to experiencingstress than rational beliefs might be a protective factor against stress. This last interpretationmerits additional study as the relationship between experienced/perceived stress and ratio-nal/irrational beliefs has not been widely studies. Based on the four pillars of the Ellis theorythese results can provide a basis for prevention and treatment for students facing difficultieswith their exams.© 2013 Association francaise de thérapie comportementale et cognitive. Published by Elsevier

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Masson SAS. All rights reser

Introduction

Les croyances irrationnelles

Les pensées rationnelles impliquent des émotions appro-priées tandis que les pensées irrationnelles engendrent

cep

es émotions inappropriées. Selon cette théorie, lesroyances irrationnelles peuvent être définies commees pensées dysfonctionnelles, ayant été introduitesnvolontairement dans notre système de croyances auours de notre enfance à travers notre éducation

t nos expériences de vie. Ces croyances peuventar la suite être à l’origine de troubles affectifs.
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n considère que quatre piliers étayent les penséesrrationnelles :

la position d’exigence ; l’intolérance à la frustration ; le catastrophisme et ; l’évaluation globale de soi et d’autrui.

Les croyances irrationnelles s’expriment à travers desensées « il faut que cela soit ainsi, j’exige », « si je doisaire cela, c’est trop difficile » ou « si cela n’arrive pas,’est insupportable » et « si je n’arrive pas à le faire, jeuis nul. . . ». Les croyances rationnelles se réfèrent à desensées telles que « j’aimerais bien que cela soit ainsi,ais je sais que parfois les choses ne se passent pas

omme je le souhaite » ; « faire cela ne me plait pas tropais si je le fais je me rapproche de mon objectif donc

a vaut la peine » ou « si cela n’arrive pas, c’est dom-age mais je pourrais le supporter » et « si je n’arrive pas

faire cela, c’est dommage mais après tout je suis untre humain faillible comme toute autre personne ». Lesroyances rationnelles et irrationnelles s’inscrivent dansa psychothérapie comportementale émotivo-rationnellePCER) qui a été élaborée par Ellis dans les années950 et présentée récemment dans une version francaise1].

Des études récentes [2—7] ont déjà établi un lien entrees croyances irrationnelles et certaines pathologies liées à’anxiété et le stress. Parmi celles-ci, l’étude de Fulton et al.2] menée auprès de 493 étudiants en psychologie, montre’existence d’un lien entre les croyances irrationnelle et lesnquiétudes liées à la santé. L’étude de Szasz [3] explore lesroyances irrationnelles et les ruminations dépressogènes enant que facteur de vulnérabilité par rapport au stress. Cettetude a été menée avec 99 étudiants de l’université Babes-olyai en Roumanie. Les résultats montrent que l’impactes croyances irrationnelles sur le stress peut être média-isé et amplifié par les ruminations. Il en est de même pour’étude de Sava et al. [4] s’étant intéressée au lien entrees croyances irrationnelles et l’estime de soi. L’article pré-ente deux études consécutives impliquant respectivement17 et 102 étudiants de l’université de Timisoara en Rouma-ie. Selon les résultats de ces deux études, les croyancesrrationnelles sont négativement corrélées à l’estime de soi.ans le même ordre d’idée, des études antérieures commeelle de Bond et Dryden [5] ont montré que les croyancesrrationnelles peuvent impacter le vécu des évènementstressants notamment à travers des inférences dysfonction-elles chez les personnes avec des croyances irrationnelles.’étude de Bernard [6] montre une corrélation positive desroyances irrationnelles dans les perturbations émotion-elles telles que des traits de personnalité anxieux, coléreuxt dépressifs, de même que l’étude de David et al. [7] chezui les croyances irrationnelles augmentent le risque destats anxieux et des sentiments de culpabilité. L’ensemblee ces recherches dans différents domaines de la santé

entale ayant mis en jeu les croyances rationnelles et irra-

ionnelles ont montré l’impact des croyances irrationnellesur les perturbations émotionnelles telles que le stress,’estime de soi ou des traits de personnalités.

dwls

V. Walburg et al.

e stress chez les étudiants

n se référant à Graziani et Swendsen [8], on remarque quee stress a été décrit à travers différents modèles théo-iques, à savoir le modèle biologique, le modèle cognitifui inclut le modèle transactionnel. Le stress étudié dansotre recherche s’inscrit dans ce dernier modèle. Pour Laza-us et Folkman [9], le stress peut être défini comme unevaluation cognitive des demandes externes, c’est-à-direituationnelles et/ou internes autrement dit, disposition-elles qui excèdent les ressources adaptatives de l’individu.ne exposition prolongée au stress peut augmenter la pro-abilité de développer un trouble émotionnel ou un troublee santé mentale tel que l’anxiété et la dépression [10].

Les études d’Anders et al. [11] et El-Ghorung et al. [12]e sont déjà intéressées au stress au sein de la popula-ion étudiante. L’étude d’Anders et al. [11] s’est intéressée

l’impact des évènements de vie sur le stress, la santéentale et physique ainsi que la satisfaction de vie et la

éussite universitaire. L’étude a été menée avec un totale 1084 participants dans deux universités américaines et

montré l’existence d’un lien positif entre le nombre’évènements vécus et le niveau de stress ressenti. L’étude’El-Ghorung et al. [12] conduite sur 387 étudiants de psy-hologie dans une autre université américaine a mis envidence des facteurs pouvant engendrer du stress au seine la population étudiante. Parmi ces facteurs identifiés, onrouve les demandes liées à la scolarité universitaire, lesréoccupations financières ou encore une mauvaise répar-ition entre le temps passé à étudier et le temps consacréux loisirs et à la vie privée. Plusieurs études francaises ontgalement mis en lumière l’importance du stress dans la viees étudiants [13—15]. L’étude de Grebot et Barumandzadeh15] concernant les stratégies d’adaptation des étudiants enremière année universitaire a montré qu’une importanteroportion des participants a recours à des stratégies dys-onctionnelles. En effet, selon ces auteurs, 45 % optent pourne fuite dans le sommeil, environ 17 % pour une consom-ation d’alcool, de médicaments ou d’autres substances et

3 % pour des conduites auto- ou hétéro-agressives.Certaines études se sont intéressées plus particulière-

ent au vécu du stress des étudiants pendant les examensniversitaires. Ainsi l’étude de Jernelöv et al. [16] a mon-ré que si tous les étudiants connaissent une augmentatione leur niveau de stress pendant la période des examens,eux avec un terrain allergique rencontrent également uneugmentation des difficultés liées à leurs allergies avec desroblèmes de sommeil et une baisse de leur système immu-itaire. Dans le même ordre d’idées, l’étude de Doron et al.,17] qui s’est intéressée au rôle du coping, montre qu’unoping orienté vers la résolution de problèmes plutôt queers les émotions permet une meilleure régulation émo-ionnelle face au stress engendré par les examens chezes étudiants. De même, l’étude longitudinale de Vaez etaflamme [18], menée auprès de 1127 étudiants suédois etui s’est intéressée à l’impact des évènements de vie sura réussite universitaire a montré que les étudiants aveces niveaux de stress plus élevés réussissaient moins bien

ans leurs études universitaires. L’étude qualitative de Put-ain [19] menée auprès de 34 étudiants dans le nord de

’Angleterre a mis en exergue trois points. Premièrement, letress était lié par les étudiants à la motivation à réussir mais

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iveau de stress 17

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Les croyances rationnelles et irrationnelles en lien avec le n

également à la crainte d’échouer et en particulier ce queles autres pourraient penser de cet échec. Deuxièmement,le stress était également rattaché au contexte pédagogiquede l’institution et des enseignants. Enfin, dans le troisièmepoint, le stress était relié aux difficultés cognitives commedes oublis durant l’épreuve.

En se référant aux études précédentes, on peut donc sup-poser que la gestion du stress dans un contexte d’examenou d’évaluation affecte négativement la réussite de ces der-niers. Qui plus est, l’étude de Réveillère et al. [14] a montréque parmi les préoccupations des étudiants, une de leursinquiétudes principales était d’échouer aux examens.

En se référant aux études précédentes, il apparaîtque les croyances rationnelles et irrationnelles jouent unrôle important dans le stress et que ce dernier affecteles étudiants en particulier durant la période d’examens.Cependant, peu de choses sont connues concernant l’impactdes croyances rationnelles et irrationnelles en lien avec leniveau de stress face à l’idée d’échouer aux examens uni-versitaires chez des étudiants. L’influence potentiellementnégative que le stress peut avoir sur la santé physique etmentale des étudiants justifie d’explorer ces aspects afind’entrevoir des possibilités de prévention et de prise encharge. Le stress dans cette étude est pris en compte danssa dimension dispositionnelle, c’est-à-dire en rapport avecles manifestations physiologiques du stress, la nervosité oudes sensations de panique et sa dimension situationnelle enl’occurrence le regard des autres, de l’entourage ou par lacomparaison sociale. Notre première hypothèse suppose quela présence de croyances rationnelles va diminuer le niveaude stress dispositionnel et situationnel à l’idée d’échoueraux examens. La seconde hypothèse stipule que la présencede croyances irrationnelles va augmenter le niveau de stressdispositionnel et situationnel à l’idée d’échouer aux exa-mens.

Méthode

Participants

La population globale est constituée de 300 étudiants encursus de licence en sciences humaines à l’universitéToulouse II, le Mirail. L’âge moyen des participants estde 22 ans (ET = 4,87). La population d’étude comprend91 hommes et 209 femmes. Le groupe de participants estcomposé de 100 étudiants en première année, 100 étudiantsen deuxième année et 100 étudiants en troisième année.Chaque groupe est composé de 20 étudiants en psychologie,20 étudiants en sociologie, 20 étudiants en langues étran-gères appliquées, 20 étudiants en histoire et 20 étudiants enphilosophie. Il est à noter que si la population est bien har-monisée au niveau des filières et du niveau d’étude, ellecomporte une forte proportion de femmes, ce qui est repré-sentatif des étudiants en sciences humaines en France.

Matériel

Une fiche anamnestique pour recenser les variables socio-démographiques, à savoir le genre, l’âge, la filière d’étude,

cc

Figure 1 Les valeurs propres de l’échelle de stress.

Stress scale eigenvalues.

eur année d’études et s’ils sont dans une situation deeprise d’études après une interruption ou non.

tress’échelle de stress relatif aux examens de Boucher et Fran-ine [20]. Ce questionnaire comporte dix items sous forme’une échelle de Likert allant de « jamais » à « toujours » etes items prennent appui sur la théorie du stress de Laza-us et Folkman [9]. Une analyse factorielle exploratoire àomposante principale avec une rotation varimax a été réa-isée et une solution à trois facteurs a été trouvée : commettendu un facteur concernant les aspects dispositionnelsu stress et facteur relatif au domaine situationnel a étérouvé. Mais en plus un troisième facteur concernant lesspects cognitifs au niveau des capacités de concentrationt de distractibilité des étudiants a été trouvé. La varianceotale expliquée par les trois facteurs est de 54 %. Au niveaue la consistance interne pour la présente étude, un alphae Cronbach pour les trois facteurs a été calculé : dispo-itionnel � = 0,72, situationnel � = 0,63, cognitif � = 0,43. Laonsistance interne du premier facteur est satisfaisante, parontre celles du deuxième et troisième facteur sont plutôtoyennes voire faible pour le troisième (Fig. 1).

royances rationnelles et irrationnellese questionnaire RIBS (Rational Irrational Beliefs Scale) [21].e questionnaire a été élaboré et proposé par les chercheursravaillant sur la théorie d’Ellis ; il s’adapte aux différentsomaines afin d’identifier les cognitions qui sont liées àa situation sous étude. Dans la présente étude, la ver-ion francaise [22] a été adaptée à la situation du passage’examens à l’université et plus particulièrement à l’idée’échouer à l’examen. Le questionnaire comporte 12 itemsous forme d’une échelle de Likert en cinq points allant de

vraiment pas d’accord » un point, « pas d’accord » deuxoints, « neutre » trois points, « d’accord » quatre pointst « vraiment d’accord » cinq points. Parmi les items, cinq

oncernent les croyances rationnelles et cinq items lesroyances irrationnelles ainsi que deux items tampons.

L’alpha de Cronbach concernant ce questionnaire est de = 0,54 pour les croyances rationnelles et de � = 0,66 pour

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18 V. Walburg et al.

Tableau 1 Corrélations entre les dimensions du stress, l’âge et les croyances.Correlations between the stress dimensions, age, and beliefs.

Âge Croyances rationnelles Croyances irrationnelles

Stress dispositionnel 0,03 —0,15** 0,32***Stress situationnel —0,07 —0,25*** 0,38***Stress cognitif —0,07 0,08 —0,01

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*p < 0,05 ; **p < 0,01 ; ***p < 0,001.

es croyances irrationnelles indiquant une consistancenterne moyenne.

rocédure

es participants ont été sollicités pour prendre part à’étude lorsqu’ils étaient soit à la bibliothèque universi-aire centrale, soit dans les bibliothèques de leurs unitése formation et de recherches respectives. Une présenta-ion succincte des objectifs de l’étude leur a été faite, puises participants ont signé un consentement éclairé avant deompléter les questionnaires de l’étude. Les consignes etes objectifs de l’étude ont été précisés dans l’en-tête desuestionnaires ainsi que présentés oralement. À la fin, unedresse e-mail a été communiquée aux participants afin deeur permettre de prendre connaissance des résultats.

tatistiques

es données ont été traitées à l’aide du logiciel Statisticaersion 7.0.

Dans un premier temps des corrélations entre les troisacteurs de stress, l’âge et les croyances ont été réali-ées. Puis, dans un deuxième temps, des comparaisons deoyennes à l’aide d’un test t de Student concernant les

ariables : le sexe et la situation universitaire ont été réali-

ées. Dans un troisième temps, les différents items relatifsux croyances rationnelles ont été corrélés entre eux ainsiu’avec les trois dimensions du stress. Il en a été fait deême pour les items relatifs aux croyances irrationnelles.

dp

l

Tableau 2 Comparaisons de moyennes concernant le sexe et la sMean comparisons regarding gender and academic status.

Sexe

Femmes(N = 209)

Aspects dispositionnels 5,85 (ET = 2,72)

Aspects situationnels 3,18 (ET = 2,05)

Aspects cognitifs 2,41 (ET = 1,09)

Situation de reprise d’études

Sans interruption(N = 249)

Aspects dispositionnels 5,45 (ET = 2,74)

Aspects situationnels 2,95 (ET = 2,06)

Aspects cognitifs 2,44 (ET = 1,15)

*p < 0,05 ; **p < 0,01 ; ***p < 0,001.

nfin, dans un quatrième temps, une analyse de régressionas à pas explorant l’impact des croyances rationnelles, irra-ionnelles et les variables sociodémographiques sur les troisimensions du stress a été opérée.

ésultats

ans le Tableau 1 figurent les corrélations du r de Bravaisearson concernant l’âge, les croyances rationnelles et irra-ionnelles et les trois dimensions du stress.

On remarque que, comme attendu dans notre pre-ière hypothèse, les croyances rationnelles corrèlent

égativement avec la dimension dispositionnelle (r = —0,15 ; = 0,008) et situationnelle du stress (r = —0,25 ; p < 0,001).

l’inverse, conformément aux attentes de notre deuxièmeypothèse, les croyances irrationnelles corrèlent positive-ent avec la dimension dispositionnelle (r = 0,32 ; p < 0,001)

t situationnelle (r = 0,38 ; p < 0,01). Cependant, l’âge et laimension cognitive ne sont corrélés avec aucune variable.

Dans le Tableau 2 on trouve les comparaisons deoyennes avec la variable sexe et la variable niveau’études.

On constate que les femmes ont des scores detress significativement plus élevés pour les dimensionsispositionnelles (t298 = 4,19 ;p < 0,001) et situationnellest298 = 4,42 ; p < 0,001) que les hommes. Cependant, la

imension cognitive n’est pas influencée par le sexe desarticipants (t298 = 0,15 ; p = 0,787).

Concernant la situation universitaire, on constate quees personnes en situation de reprise d’études ont une

ituation universitaire.

Hommes(N = 91) t(298) p

4,47 (ET = 2,37) 4,19 < 0,001***2,07 (ET = 1,82) 4,42 < 0,001***2,38 (ET = 1,19) 0,15 0,87

Avec interruption(N = 51) t(298) p

5,35 (ET = 2,42) 0,24 0,822,33 (ET = 1,92) 1,97 0,04*2,22 (ET = 0,96) 1,28 0,21

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Les croyances rationnelles et irrationnelles en lien avec le niveau de stress 19

Tableau 3 Corrélations entre les croyances rationnelles et les dimensions du stress.Correlations between rational beliefs and stress dimensions.

Acceptationd’autrui

Acceptation del’émotion négative

Relativisme Tolérance à la frustration Acceptation de soi

Aspects dispositionnels —0,14* —0,18** —0,09 0,16** —0,16**Aspects situationnels —0,15* —0,17** —0,18** 0,01 —0,25***Aspects cognitifs 0,06 0,12* 0,01 0,11 0,01

pd

défil

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*p < 0,05 ; **p < 0,01 ; ***p < 0,001.

moyenne significativement moins élevée de stress pour ladimension situationnelle (t298 = 1,97 ; p = 0,04) donc liée àl’environnement et l’entourage. Par contre, pour les stressdispositionnel (t298 = 0,24 ; p = 0,82) et cognitif (t298 = 1,28 ;p = 0,21), la différence n’est pas significative.

Une analyse de variance avec les variables niveaud’études et filière d’études a été réalisée mais aucune dif-férence significative n’a été trouvée ni pour les dimensionsde stress ni pour les croyances.

Dans le Tableau 3 sont représentées les corrélations du rde Bravais Pearson entre les différents items des croyancesrationnelles et les trois dimensions du stress.

Comme attendu dans notre première hypothèse, ladimension dispositionnelle du stress corrèle négativementavec les croyances rationnelles à l’exception de la toléranceà la frustration qui corrèle positivement (r = 0,16 ; p = 0,005)et le relativisme qui n’est pas corrélé significativement(r = —0,09 ; p = 0,08). La dimension situationnelle corrèlenégativement avec l’ensemble des items des croyancesrationnelles sauf la tolérance à la frustration qui n’est pascorrélée (r = 0,01 ; p 0,91). La dimension cognitive du stressn’est liée à aucun item des croyances rationnelles.

Dans le Tableau 4 figurent les corrélations du r de Bra-vais Pearson entre les différents items relatifs aux croyancesirrationnelles et le niveau de stress.

Conformement à la deuxième hypothèse, l’ensemble desitems des croyances irrationnelles corrèlent positivementavec la dimension dispositionnelle et situationnelle, exceptél’inacceptation d’autrui qui n’est pas liée (r = 0,3 ; 0,57 ;r = 0,11 ; p = 0,06). D’ailleurs, la dimension cognitive n’estliée à aucun item des croyances irrationnelles.

Dans le Tableau 5 sont représentées les analyses derégressions multiples concernant le lien entre les croyances

irrationnelles et rationnelles et le score de stress. c

Tableau 4 Corrélations entre les croyances irrationnelles et les dCorrelations between irrational beliefs and stress dimensions.

Demandeimpérieuse

Inacceptationde soi

Aspects dispositionnels 0,27*** 0,25***

Aspects situationnels 0,19** 0,45***

Aspects cognitifs 0,05 0,001

*p < 0,05 ; **p < 0,01 ; ***p < 0,001.

Des analyses de régressions multiples hiérarchiques pas àas ont été réalisées dans le but d’identifier les prédicteurse différentes dimensions du stress.

Concernant le stress lié à un contexte personnel, doncispositionnel, au premier pas les croyances rationnelles ontté les seules prédicteurs qui se sont révélées comme signi-catif et le modèle (F1,298 = 7,22 ; p = 0,007) explique 2 % de

a variance du stress dispositionnel.Au deuxième pas, les croyances irrationnelles ont été

joutées. Le modèle (F2,297 = 17,35 ; p < 0,001) explique 9,8 %e la variance et les croyances irrationnelles sont les seulesrédicteurs.

Enfin, au troisième pas les variables sociodémo-raphiques (sexe, âge, situation universitaire) ont éténtroduites. Le modèle (F5,295 = 11,01 ; p < 0,001) explique4,33 % de la variance, le sexe et les croyances irrationnellesont les deux seules prédicteurs.

L’opération a été répétée avec le stress lié à’environnement et l’entourage de l’étudiant donc situa-ionnel ; au premier pas, les croyances rationnelles ont étées seules prédicteurs qui se sont révélées comme significa-ives et le modèle (F1,298 = 20,52 ; p < 0,001) explique 6 % dea variance du stress situationnel.

Au deuxième pas, les croyances irrationnelles ont étéjoutées. Le modèle (F2,297 = 26,62 ; p < 0,001) explique4,62 % de la variance et les croyances irrationnelles sontes seules prédicteurs.

Et comme précédemment, au troisième pas, les variablesociodémographiques (sexe, âge, situation universitaire)nt été introduites. Le modèle (F5,295 = 14,93 ; p < 0,001)xplique 18,88 % de la variance, le sexe et les croyancesrrationnelles sont les deux seules prédicteurs.

Cependant, comme pour les corrélations, la dimension

ognitive du stress n’est prédite par aucune variable.

imensions du stress.

Inacceptationd’autrui

Intolérance à lafrustration

Catastrophisme

0,03 0,22*** 0,26***0,11 0,21*** 0,28***—0,04 —0,04 0,001

Page 7: Les croyances rationnelles et irrationnelles en lien avec le niveau de stress des étudiants confrontés à l’idée d’un échec aux examens universitaires

20 V. Walburg et al.

Tableau 5 Les prédicteurs des dimensions du stress.Predictors of the dimensions of stress.

Dispositionnels Situationnels Cognitifs

Pas1 � t(298) p � t(298) p � t(298) pCroyances rationnelles —0,15 —2,68 0,007 —0,25 —4,53 < 0,001 0,10 1,74 0,08

F(1,298) = 7,22 ; p = 0,007 F(1,298) = 20,52 ; p < 0,001 F(1,298) = 3,02 ; p = 0,08

Pas 2 � t(297) p � t(297) p � t(297) pCroyances rationnelles 0,01 0,05 0,95 —0,09 —1,47 0,14 0,13 1,94 0,05Croyances irrationnelles 0,32 5,18 < 0,001 0,34 5,54 < 0,001 0,06 0,88 0,37

F(2,297) = 17,35 ; p < 0,001 F(2,297) = 26,62 ; p < 0,001 F(2,297) = 1,89 ; p = 0,15

Pas 3 � t(294) p � t(294) p � t(294) pCroyances rationnelles —0,01 —0,13 0,89 —0,11 —1,73 0,08 0,13 1,93 0,05Croyances irrationnelles 0,32 5,15 < 0,001 0,32 5,13 < 0,001 0,04 0,59 0,55Sexe —0,22 —4,02 < 0,001 —0,22 —4,26 < 0,001 0,01 0,03 0,97Âge 0,06 —0,83 0,41 —0,01 —0,07 0,94 —0,04 —0,49 0,62Situation universitaire 0,04 0,53 0,59 —0,01 —0,13 0,89 —0,05 —0,68 0,49

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F(5,295) = 11,01 ; p < 0,001

iscussion

’un point de vu global, on peut déduire de nos résul-ats qu’en accord avec plusieurs recherches antérieurestipulant que les femmes sont plus enclines à éprouveres troubles internalisés [23,24], les femmes dans la pré-ente étude démontrant des scores de stress plus élevésour les dimensions dispositionnelles et situationnelles,ais pas cognitives. Il est possible que cette absence deifférence concernant le stress cognitif indique que lesonctions mnésiques ne sont que peu influencées par lesffets de genre. Les comparaisons de moyennes ont éga-ement montré que les personnes en situation de reprise’études, donc souvent plus âgées et plus matures, ontes scores de stress situationnel moins élevés. En d’autresermes, les personnes qui reprennent leurs études après unenterruption percoivent moins de stress à l’idée d’échouer

un examen engendré par leur entourage ou le regardes autres. Néanmoins dans notre étude, ni l’année uni-ersitaire, ni l’âge n’étaient liés au stress dispositionnel,ituationnel et encore moins cognitif. Dans ce domaine,es résultats des recherches antérieures ne sont pas una-imes ; dans l’étude de Boujut et Bruchon-Schweitzer [25],es étudiants plus âgés sont davantage enclin à échouer auxxamens, tandis que pour Hellmans [26] les étudiants de pre-ière année présentaient globalement plus d’inquiétude à

’idée de passer un examen de statistiques qu’en deuxièmennée. Cependant comme dans la présente étude, ils ne seifférenciaient pas sur les aspects situationnels et disposi-ionnels.

Concernant la première hypothèse, on peut avancer quees résultats vont partiellement dans le sens attendu, c’est--dire qu’il existe un lien significatif et négatif entre lesroyances rationnelles et le niveau de stress éprouvé à l’idée’échouer à un examen pour les aspects dispositionnels et

ituationnels. En d’autres termes, un niveau de croyancesationnelles élevé est lié à un niveau de stress plus faibleour ces deux domaines. Par ailleurs, l’analyse par itemsst plutôt cohérente avec le résultat global à l’exception de

d

t

,295) = 14,93 ; p < 0,001 F(5,295) = 1,16 ; p = 0,33

a tolérance à la frustration pour les aspects dispositionnelst le relativisme pour le domaine situationnel qui ne sontas liés aux croyances rationnelles. Autrement dit, le faite relativiser un éventuel échec n’est pas lié à un stress dû

des raisons internes à la personne et le fait d’accepter’idée d’échouer n’est pas lié à un stress pour des raisonsxternes ou en provenance de l’entourage. Toutefois, leomaine cognitif du stress n’est pas du tout lié aux croyancesationnelles.

Par rapport à la deuxième hypothèse, nous constatonsomme précédemment que les résultats de l’étude vont éga-ement en partie dans le sens attendu puisque les croyancesrrationnelles sont positivement corrélées au stress disposi-ionnel et situationnel. Les différents items des croyancesrrationnelles corrèlent positivement et significativementvec le score de stress pour ces deux aspects excepté’item concernant l’inacceptation d’autrui laissant penserue le fait de rendre quelqu’un d’autre responsable de sonchec n’engendre pas de stress. D’ailleurs, comme poures croyances rationnelles, il n’y a aucun lien entre lesroyances irrationnelles et les aspects cognitifs du stress.e fait que les aspects cognitifs du stress n’ont de lienvec aucune variable de notre étude est peu compati-le avec les résultats de l’étude qualitative de Putwain19] pour qui les aspects cognitifs du stress tels que deséfaillances mnésiques ou des difficultés de concentrationnt un impact important. L’échelle utilisée n’était peut-êtreas la mieux appropriée pour mesurer cet aspect d’autantlus que la consistance interne de ce facteur a été plutôtaible.

Les analyses de régressions pas à pas montrent que ceont surtout les croyances irrationnelles et le sexe qui pré-isent le stress dispositionnel et situationnel. Les croyancesationnelles sont un prédicteur significatif quand il est seul ;orsqu’il est associé aux autres variables, il n’est plus un pré-icteur significatif. Et comme pour les corrélations, aucune

e nos variables ne prédit les aspects cognitifs du stress.

Par conséquent, l’étude semble montrer que c’est sur-out le lien entre les croyances irrationnelles et le niveau

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Les croyances rationnelles et irrationnelles en lien avec le n

de stress ressenti lié à des causes internes et externesen relation avec l’idée d’échouer aux examens chez lesétudiants qui est à retenir. En effet, selon nos résultats,les croyances irrationnelles augmentent le risque de res-sentir du stress à l’idée d’échouer à un examen sur leplan dispositionnel, c’est-à-dire en lien avec des facteurspersonnels tels que les sensations physiques qui accompa-gnent le stress, la nervosité ou un ressenti de panique.Mais ils augmentent encore plus le risque de stress lié àdes facteurs environnementaux et notamment au niveaudu regard de l’entourage familial ou des pairs. Ces résul-tats vont dans le sens d’une étude francaise précédente[13] auprès d’étudiants en préparation de pharmacie dontles résultats ont montré que l’échec aux examens risquede porter atteinte à l’estime de soi et sur le plan cog-nitif d’activer ou renforcer une conception imprévisibledu monde ainsi qu’un rapport compétitif aux autres. Eneffet, le stress dispositionnel, donc en lien avec ses fac-teurs internes et personnel, peut très bien affecter l’estimede soi ainsi que le sentiment d’efficacité personnelle, tandisque le stress situationnel peut influer sur le rapport avec lesautres.

Limites

Étant donné que la population d’étude est constituéed’étudiants en sciences humaines, la population est plusreprésentée par des femmes que par des hommes. Cecipeut effectivement être une limite à l’étude et il seraitsouhaitable de constituer une population plus équilibrée auniveau de la répartition du genre et de la filiation d’étudesdans une étude future. Cependant, les analyses statistiquesmontrent qu’il existe certes une différence entre hommeset femmes concernant le score de stress, mais qu’il n’y a pasde différence concernant les croyances rationnelles et irra-tionnelles. Par conséquent, cette limite semble être plutôtrelative.

Une deuxième limite peut être l’aspect transversal del’étude, une étude longitudinale permettrait de mieuxconnaître l’évolution des croyances rationnelles et irration-nelles et leur effet sur le stress des étudiants face à l’idéed’échouer à un examen.

Implications

Ces résultats impliquent que les croyances irrationnellesrelatives à l’idée d’échouer aux examens sont liées austress dispositionnel et situationnel ressenti chez les étu-diants et cela d’autant plus qu’il s’agit d’étudiants depremière année. L’étude de Meyers et al. [27], menéeauprès d’étudiants en psychologie a montré que descomportements de santé tels que la pratique d’un sport,un temps de sommeil correct, une alimentation équilibréeet de la régulation émotionnelle pouvaient réduire le niveaude stress ressenti. On peut donc imaginer la mise en placed’ateliers de psychoéducation pour les étudiants de licenceet particulièrement les premières années leur permettant

de prendre du recul et de relativiser l’inquiétude de l’échecaux examens. En l’occurrence, ce type d’interventionspourrait aborder l’échec aux examens en se basantsur les quatre piliers de la thérapie émotivo-rationnelle

D

Lr

u de stress 21

omportementale. À savoir, pour la position d’exigencee se fixer des objectifs raisonnables et de se mon-rer indulgent avec ses propres limites, l’intolérance à larustration en acceptant l’idée d’un éventuel échec, leatastrophisme en envisageant que ce n’est pas un échecui remet en cause l’ensemble de la réussite du cursus,’évaluation globale en admettant que ce n’est pas parceu’on échoue à un examen que l’on est forcément incom-étent.

De même, un autre article de Baladi et Habra [28] pré-ente un certain nombre de stratégies à adopter par lestudiants telles que se fixer des buts réalistes et accep-er ses limites, avoir une vie sociale et avoir recours àne consultation psychologique si nécessaire pour réduire letress. Ces éléments peuvent être des pistes intéressantes

explorer dans une intervention préventive. Par ailleurs, lalupart des universités ont instauré des systèmes de tuto-at destinés aux étudiants en première année ; ce dispositifst fréquenté par environ 58 % des étudiants de manièreégulière ou occasionnelle [29]. L’étude de Cannard et al.30] a montré que ce dispositif diminue significativemente taux d’échec en première année. Comme ces auteurse rappellent, le rôle du tuteur est d’informer, prévenir etormer ; on peut très bien alors imaginer de compléter laartie prévention sur des aspects relatifs aux éventuelleschecs aux examens en tenant compte des éléments issuse la PCER pour les domaines de gestion de stress. Ouncore les tuteurs pourraient repérer des étudiants par-iculièrement en difficulté par leur crainte d’échouer auxxamens et les orienter vers une prise en charge profession-elle.

onclusion

n peut en conclure que les croyances irrationnelles influentonc sur le niveau de stress dispositionnel et situationnelprouvé par les étudiants à l’idée de passer des examens eturtout à l’idée d’échouer. Mais les capacités de concen-ration et de distractibilité ne sont pas influencées. Parilleurs, on peut soulever que c’est surtout les filles quiemblent être les plus vulnérables. Dans la mesure où lesroyances irrationnelles sont constituées par des penséesysfonctionnelles modifiables, on peut tout à fait imagi-er la mise en place d’interventions de psychoéducationréventives sous formes d’ateliers de type workshop des-inés en particulier aux étudiants en licence afin de lesmener à relativiser un éventuel échec aux examens uni-ersitaires.

Il serait intéressant de poursuivre cette étude dans’avenir de manière longitudinale avec une populationlus homogène au niveau de la répartition hommes etemmes ainsi que des filières différentes et qui soit pluseprésentatives de l’ensemble de la population étudianterancaise, afin de mieux comprendre l’évolution au coursu cursus des croyances irrationnelles et le niveau detress.

éclaration d’intérêts

es auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enelation avec cet article.

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nnexe 1. Items et facteurs de l’échelle detress.

acteur 1 Aspects personnels et dispositionnels du stressAvant, pendant ou après les examens, avez-vous

les symptômes suivants : rythme cardiaqueaccélérée, transpiration excessive, nausées,tensions musculaires, crampes, difficultés desommeil ?

0,75

Croyez-vous que vous pourriez mieux réussir unexamen si vous étiez moins nerveux ?

0,72

Avez-vous peur d’échouer à un examen ? 0,66Êtes-vous pris de panique lorsque vous ne

connaissez pas la réponse à une question ?0,65

acteur 2 Aspect environnementaux et situationnels du stressVous arrive-t-il de vous inquiéter tellement au

sujet des examens que vous ne vous souciezplus de votre performance au moment de lespasser ?

0,75

Êtes-vous préoccupé par ce que votre famille,vos amis ou vos collègues penseront de vous sivous échouez ?

0,62

Vous arrive-t-il de vous dire que si vous réussirezmoins bien que les autres à un examen, c’estque vous êtes moins intelligent qu’eux ?

0,74

acteur 3 Aspects cognitifs du stressAvez-vous des trous de mémoire pendant les

examens ?0,37

Êtes-vous facilement distrait au cours d’unexamen ?

0,92

L’item « pensez-vous quelquefois qu’un échec à un exa-en met en cause votre plan de carrière, votre sécurité

uture ? » a été exclu à cause d’une saturation simultanéeur le facteur 1 (0,42) et le facteur 2 (0,48).

Les items du RIBS :

items croyances irrationnels :◦ je ne dois absolument pas échouer à un examen,◦ si j’échoue à un examen cela signifie que je n’ai pas de

valeur,◦ j’ai tendance à en vouloir aux autres et au monde entier

d’avoir échoué à un examen,◦ il est intolérable d’échouer à un examen,◦ c’est affreux d’échouer à un examen ;

items croyance rationnelle :◦ je n’ai pas tendance à en vouloir aux autres, ou au

monde entier, même si j’échoue à un examen,◦ il est déplaisant d’échouer à un examen mais ce n’est

pas pour autant terrible,◦ je n’ai pas envie d’échouer à un examen mais je me

rends compte et accepte que les choses ne se passentpas toujours comme je les prévois,

◦ je peux supporter d’échouer à un examen même s’il estdifficile pour moi de l’accepter,

◦ si j’échoue à un examen, ca ne veut absolument pas

dire que je suis bon à rien ;

items tampon :◦ il est important pour moi d’être toujours occupé,◦ je suis toujours optimiste à propos du futur.

[

V. Walburg et al.

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