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UNIVERSITE PAUL CEZANNE - AIX-MARSEILLE III INSTITUT D’ETUDES POLITIQUES MEMOIRE pour l’obtention du Diplôme Les conséquences juridiques, économiques et sportives de l'arrêt Bosman sur le football professionnel européen Par M. Anthony BERGET Mémoire réalisé sous la direction de M. Didier Del Prête

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UNIVERSITE PAUL CEZANNE - AIX-MARSEILLE III

INSTITUT D’ETUDES POLITIQUES

MEMOIRE

pour l’obtention du Diplôme

Les conséquences juridiques, économiques et sportives de

l'arrêt Bosman sur le football professionnel européen

Par M. Anthony BERGET

Mémoire réalisé sous la direction de

M. Didier Del Prête

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UNIVERSITE PAUL CEZANNE - AIX-MARSEILLE III

INSTITUT D’ETUDES POLITIQUES

MEMOIRE

pour l’obtention du Diplôme

Les conséquences juridiques, économiques et sportives de

l'arrêt Bosman sur le football professionnel européen

Par M. Anthony BERGET

Mémoire réalisé sous la direction de

M. Didier Del Prête

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L’IEP n’entend donner aucune approbation ou improbation aux opinions émises dans

ce mémoire. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur.

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Mots-clés :

Football professionnel, clubs, équipes nationales, droit communautaire, exception

sportive, spécificité sportive, droit communautaire, économie du sport, transferts,

équilibre compétitif, éthique du sport, droits télévisés, réformes.

Résumé :

Le football européen a connu au cours des vingt dernières années une

croissance inédite, due à sa libéralisation économique et juridique. La jurisprudence

communautaire, au centre de laquelle se trouve l'arrêt Bosman, a été le principal facteur

de ce mouvement de libéralisation. Il a remis en cause le fonctionnement des

fédérations sportives et provoqué un certain nombre de déséquilibres, notamment le

resserrement de l'élite internationale autour des quelques clubs les plus riches. Afin de

préserver l'éthique sportive et l'intérêt des grandes compétitions, il convient de réformer

ce système, soit en s'inspirant de modèles existant déjà à l'étranger, notamment aux

Etats-Unis, soit en recherchant des solutions originales préservant au mieux les

spécificités de la culture sportive européenne.

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SOMMAIRE :

Introduction

I- Les aspects juridiques de la libéralisation du football européen : l'arrêt Bosman et ses

suites

A) L'arrêt Bosman : une révolution juridique ?

Section 1 - Un historique de l'avant-Bosman

Section 2 – L'arrêt Bosman

B) Les suites juridiques de l'arrêt Bosman

Section 1 – Les extensions de l'arrêt Bosman

Section 2 - Les limitations apportées à la liberté de circulation des

footballeurs professionnels

II – Le football européen de l'après-Bosman

A) L'arrêt Bosman a bouleversé les équilibres traditionnels du football européen

Section 1 - La remise en en cause des modèles économiques

Section 2- Les atteintes à l'équilibre compétitif

B) Un autre football est-il possible ou quelles nouvelles régulations pour le

football professionnel européen ?

Section 1 - Des réformes inspirées du modèle américain

Section 2 – Quelques pistes originales de réforme du football européen

Conclusion

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INTRODUCTION

Le football est indiscutablement le sport le plus populaire au monde. Pratiqué par

plusieurs dizaines de millions de licenciés à travers le monde, il est suivi par des

centaines de millions de téléspectateurs. A titre d'exemple, la Coupe du Monde 2006 a

atteint une audience cumulée de 26,29 milliards de personne tandis que la finale

France-Italie réunissait à elle seule 175,1 millions de personnes devant leur petit

écran1. En Europe, où il a été inventé, le football possède une influence culturelle

majeure. La région concentre, à l'exception du Brésil, de l'Argentine et de l'Uruguay,

toutes les grandes nations de ce sport. Les clubs sont, de loin, les meilleurs du monde.

L'Europe dispose en effet des meilleurs championnats et organise, sous l'égide de

l'UEFA (Union of European Football Association), la compétition de référence, à savoir

la Ligue des Champions.

Créée en 1904 et installée à Zurich, la FIFA (Fédération Internationale de

Football Association) a longtemps disposé du monopole de la gestion de ce sport.

Régissant ses aspects sportifs (fixation des règles du jeu, organisation directe ou

indirecte, au travers des fédérations affiliées, des compétitions etc.), elle considérait,

comme l'ensemble du mouvement sportif, qu'elle bénéficiait d'une exception juridique,

c'est à dire que le droit commun ne devait pas s'intéresser à son domaine. Aussi, la

FIFA et l'UEFA, en accord avec les fédérations nationales, ont instauré un certain

nombre de règles régissant les transferts, largement indépendantes des droits

nationaux du travail. Malgré la signature du Traité de Rome en 1957, lequel instaurait la

liberté de circulation des travailleurs au sein des pays membres de la Communauté

Européenne (cf annexe), des quotas nationaux ont continué de s'appliquer aux

footballeurs pendant près de quarante ans.

L'arrêt Bosman est venu remettre en question l'exception sportive. Constatant

que le sport générait une activité économique de plus en plus importante, la Cour de

Justice des Communauté Européennes a considéré que, s'il revenait aux fédérations

sportives de fixer les règles du jeu, le volet économique devait être soumis au droit

1 Chiffres FIFA, http://fr.fifa.com/aboutfifa/marketingtv/factsfigures/tvdata.html

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communautaire.

Cette jurisprudence a eu l'effet d'une bombe dans les milieux sportifs. Elle a

suscité la désapprobation du mouvement sportif, FIFA en tête, craignant qu'elle ne

provoque des déséquilibres importants. Il est à ce titre indéniable que l'arrêt Bosman a

eu des conséquences majeures sur le football européen. Celles-ci sont de plusieurs

ordres :

des conséquences juridiques avec la fin de l'exception sportive ;

des conséquences économiques, car il a ouvert le marché des contrats des

footballeurs professionnel à la concurrence internationale et a accéléré le

mouvement de libéralisation du football professionnel, entamé quelques années plus

tôt avec l'arrivée des nouveaux diffuseurs télévisés ;

des conséquences sportives puisque la circulation des joueurs dans l'espace

européen a entraîné une recomposition des effectifs des clubs.

Ces trois volets sont cependant indissociables les uns des autres. La distinction

faite par la Cour de Justice des Communautés Européennes entre le sport comme

industrie d'une part, et le sport en tant que jeu encadré par des règles propres de

l'autre, ne reflète pas les interdépendances réelles. L'on peut schématiquement affirmer

que la liberté de circulation des joueurs de football (aspect juridique) a accéléré la

croissance de l'industrie du sport (aspect économique), laquelle a eu un impact sur

l'équilibre compétitif des compétitions (aspect économique).

Les craintes de la FIFA se sont en partie confirmées dans la mesure où la

mutation du mouvement sportif en industrie a provoqué des déséquilibres majeurs.

L'arrêt Bosman a notamment provoqué, à court terme, l'exode de joueurs issus de

championnats économiquement peu compétitifs vers des clubs étrangers. Les clubs

français ont été au premier rang des « victimes » dans la mesure où ils se trouvent

dans l'impossibilité de retenir leurs meilleurs joueurs ainsi que d'en attirer de nouveaux

du même niveau.

L'équité des compétitions, inhérente à l'éthique sportive, est de fait remise en

question. L'élite du football international de clubs s'est considérablement resserrée

depuis 1996 au profit des clubs financièrement puissants. Aussi, il paraît nécessaire,

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afin que les valeurs essentielles du sport soient préservées de réfléchir à un certain

nombre de réformes du football européen.

Notre réflexion s'articulera autour de deux axes :

dans un premier temps, nous aborderons les aspects juridiques de la libéralisation

du football européen (I). L'arrêt Bosman tient ici une importance centrale, tant dans

les faits que dans les symboles, mais il n'est pas un élément isolé. Aussi nous nous

demanderons d'abord s'il a été une révolution juridique (A) avant de poser la

question de ses suites, notamment jurisprudentielles (B) ;

dans un deuxième temps, nous étudierons la réalité du football de l'après-Bosman

(II). Nous tenterons de démontrer en quoi il a bousculé les équilibres pré-existants

(A) avant de réfléchir à différentes propositions de réformes (B).

En filigrane, nous nous attacherons à prendre en compte les interconnexions

entre les aspects juridiques, économiques et sportifs, montrant notamment en quoi les

deux premiers influencent le troisième.

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I- Les aspects juridiques de la libéralisation du football

européen : l'arrêt Bosman et ses suites

La libéralisation du football européen est un phénomène complexe qui doit être

vu sur plusieurs aspects. Elle est en effet la résultante de l'évolution des cadres

économique et juridique dans lesquels évoluaient le football. Le volet juridique revêt ici

une importance capitale : si la libéralisation du marché des contrats des footballeurs

professionnels est arrivé dans un contexte de dérégulation globale de l'économie et de

la finance internationale, elle n'aurait été possible sans l'apport décisif du droit

communautaire. L'arrêt Bosman a, en quelque sorte, été la condition nécessaire à la

libéralisation du football, il en a damé les barrières légales dans lesquelles se sont

ensuite engouffrés de nouveaux acteurs de l'économie du sport.

Aussi, il faut tout d'abord s'attacher à déterminer en quoi l'arrêt Bosman a été un

moment décisif pour le droit du sport. Celui-ci s'était longtemps considéré comme le

bénéficiaire d'une exception sportive, l'exemptant des règles de droit communautaire.

Les fédérations internationales, FIFA et UEFA, ont ainsi pu élaborer, en collaboration

avec les fédérations nationales, des règlements sur lesquels elles avaient seules un

droit de regard. C'est à cette situation que la jurisprudence de la Cour de Justice des

Communautés Européennes a mis fin. A cet égard, l'apport de l'arrêt Bosman n'a pas

tant été de révolutionner l'interprétation de la justice communautaire vis à vis des

règlements restreignant la liberté de circulation des sportifs professionnels (celle-ci

ayant été déterminée par les arrêts Walrave & Koch et Donà) que de lui donner

véritablement force de droit, avec l'appui de la Commission Européenne.

L'arrêt Bosman ne doit toutefois pas être vu comme une décision de justice

isolée. Il n'est en fait que le premier acte d'une série d'éléments jurisprudentiels qui ont

donné corps à nouvel ordre juridique du sport européen. Il est donc nécessaire, après

avoir déterminé en quoi l'apport de l'arrêt Bosman a été décisif d'analyser à la fois ses

extensions et les limites que l'on a posées à la libre-circulation des sportifs européens

au sein de l'Union Européenne.

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A) L'arrêt Bosman : une révolution juridique ?

«L'arrêt Bosman est-il une révolution ? », l'on pourrait penser que la question

relève du détail sémantique. Il est pourtant intéressant de chercher à y répondre. Et

pour cela, il est bien entendu nécessaire de déterminer dans un premier temps les

cadres juridiques régissant l'activité sportive en Europe et, plus précisément, les

règlementations et termes de transfert avant l'arrêt Bosman. Une révolution ne peut en

effet avoir lieu que lorsqu'un système a assez longtemps existé pour pouvoir être

bouleversé.

Ainsi, avant de s'intéresser à l'arrêt Bosman proprement dit (les faits, la

procédure, sa portée), nous dresserons une synthèse historique des régulations lui

ayant pré-existé en matière de transferts.

Section 1 - Un historique de l'avant-Bosman

Les transferts de joueurs d'un club à un autre, au sein de clubs d'une même

fédération nationale ou entre deux clubs issus d'une fédération nationale différente,

sont inhérents au sport professionnel. Leur histoire n'a pas, bien entendu, commencé

avec l'arrêt Bosman. Il est au demeurant impossible de mesurer la portée de l'arrêt

Bosman si l'on ne connaît pas les réglementations qui s'appliquaient auparavant aux

transferts nationaux et internationaux. Aussi, il est nécessaire de dresser ici, un rapide

historique.

Les économistes Jean-Jacques Gouguet et Didier Primault2 distinguent à cet

égard trois périodes structurantes de l'histoire des transferts, qui s'insèrent dans le

processus historique de l'évolution du système économique global :

de la fin du XIXème siècle à 1923, la France connaît une période de libre-circulation

des footballeurs. Celle-ci s'explique par le fait que le professionnalisme n'est pas

2 Jean-Jacques Gouguet et Didier Primault, « Analyse économique du fonctionnement du marché des

transferts dans le football professionnel », in Le Sport Professionnel Après l'Arrêt Bosman : Une

Analyse Economique, Presses Universitaires de Limoges, 2005, pp. 114 et suivantes.

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encore installé en France. En Angleterre, par contre, la Football League met en

place un système de transferts obligeant, pour chaque mutation, le joueur à recevoir

une autorisation de la ligue et un certificat de transfert de l'employeur ;

De 1925 à 1975, la FIFA et les fédérations nationales mettent en place un

encadrement très strict des transferts nationaux et internationaux ;

de 1975 à nos jours, on constate un long processus d'assouplissement de la

régulation concernant les transferts, bien évidemment accéléré en 1995 par l'arrêt

Bosman.

La première période étant une période de mise en place progressive du

professionnalisme et des fédérations internationales pendant laquelle aucune

réglementation internationale cohérente n'existe, elle ne représente que peu d'intérêt

pour le sujet. Nous nous concentrerons sur l'étude des deux suivantes, en mettant

l'accent sur la régulation des transferts internationaux.

Paragraphe 1 – De 1925 à 1973, le strict encadrement des transferts

Alors qu'il n'existait jusqu'à la fin du XIX ème siècle aucune réglementation

internationale concernant les transferts, la création en 1904 de la FIFA (Fédération

Internationale de Football Association), résultante de l'association des fédérations

nationales, va permettre d'harmoniser les pratiques nationales. Un système de

transferts contraignant est mis en place pendant les premières années du siècle. Ses

trois principes majeurs vont prévaloir jusqu'à la jurisprudence Bosman :

un joueur, même en fin de contrat, n'est pas libre de quitter un club pour en rejoindre

un autre ;

le transfert dans un nouveau club doit par conséquent être autorisé par l'ancien club.

Dans les faits, cela se traduisait la plupart du temps par le versement d'une

indemnité de transfert du nouveau club vers l'ancien club ;

s'il s'agit d'un transfert international, cette obligation est doublée de la production par

la fédération d'origine d'un certificat de transfert à destination de la fédération

d'arrivée.

Afin d'illustrer le caractère très restrictif de cette réglementation, il est intéressant

de se pencher sur un litige de 1949 ayant opposé le club français de Roubaix-Tourcoing

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au club belge de Mouscron : l'affaire Lombrette3.

Né en 1928 en Belgique, René Lombrette jouait depuis 1944 dans les équipes

de jeunes du CO Roubaix-Tourcoing. Le 24 février 1949 cependant, Henri Delaunay,

secrétaire général de la Fédération Française de Football (FFF) reçoit une lettre en

provenance de la fédération belge signalant que le joueur n'avait jamais reçu de lettre

de sortie en provenance de Mouscron, l'autorisant à s'engager pour un nouveau club.

Le 10 mars 1949, FFF suspend Lombrette à titre provisionnel afin de procéder à un

examen plus approfondi de la situation. Le club de Roubaix-Tourcoing, désirant

conserver son joueur, dénonce l'attitude du club de Mouscron, lequel se serait dans un

premier temps désintéressé du cas de Lombrette jusqu'à se rendre compte qu'il pouvait

tirer de cette affaire un avantage financier. Convaincu par cet argument, Henri Delaunay

écrit donc à son homologue belge, lui demandant de bien vouloir lui communiquer son

autorisation, ce que ce dernier refuse, affirmant que Lombrette n'avait jamais souhaité

retourner jouer dans son club d'origine. Les deux fédérations décident alors de faire

appel à un médiateur désigné par la FIFA, Arthur Drewry, alors vice-président de

l'organisation. Celui-ci, en vertu des règlements de la FIFA, donne raison au club belge

et annule de fait l'affiliation de René Lombrette au CO Roubaix-Tourcoing. La

prometteuse carrière du jeune joueur sera stoppée nette par l'affaire.

Cette affaire souligne l'archaïsme ayant présidé jusque dans les années 70 aux

relations de travail entre les clubs de football professionnels et leurs joueurs. En France

notamment, est mis en place à la fin de la seconde guerre mondiale un contrat liant un

joueur avec son club jusqu'à l'âge de 35 ans, à savoir l'âge moyen auquel un joueur de

football professionnel arrête sa carrière4. Mis en place en 1945, ce contrat ne sera

supprimé qu'en 1969, aux termes d'un accord entre l'UNFP (le syndicat français des

joueurs de football professionnel) et la Ligue de Football Professionnel. La France est

alors le premier pays en Europe à considérer qu'à l'issue de son contrat, un joueur est

libre de s'engager avec le club de son choix sans que son club d'origine ne puisse le

retenir ou réclamer une indemnité compensatoire. Il existait cependant trois limitations à

cet accord :

il ne régissait que les transferts entre clubs affiliés à la FFF. N'étaient donc pas

concernés les transferts internationaux. Les clubs français étaient donc fondés à 3 Pierre Lanfranchi, Matthew Taylor, « Bosman : A Real Revolution », in J.J. Gouguet (2005), op. cit., pp.

96 et suivantes.

4 Ce contrat était d'ailleurs connu sous le nom de “contrat à vie”.

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réclamer une indemnité de transfert au cas où un joueur en fin de contrat souhaitait

s'engager avec un club étranger, l'inverse étant également valable. Il faudra du reste

attendre l'arrêt Bosman pour qu'un système similaire se généralise à l'ensemble des

pays affiliés à l'UEFA ;

un joueur ayant passé au moins trois ans comme stagiaire dans un club devait signé

son premier contrat professionnel avec le club qui l'avait formé ;

lors du premier transfert du joueur, une indemnité de formation était versée au club

que celui-ci quittait.

Les limitations apportées à la liberté de circulation

Pendant toute cette période et même quelques années après, en l'absence de

tout règlement émanant de l'UEFA ou de la FIFA, les limitations du nombre d'étrangers

autorisés à contracter ou à jouer pour un club étaient laissées à l'appréciation de

chaque fédération nationale. De 1951 à 1961, par exemple, la FFF interdisait la

présence de tout joueur étranger au sein de ses clubs5. De la même manière, à partir

de 1966 et jusqu'à 1980, l'Italie a interdit tous ses clubs d'engager des joueurs

étrangers. L'objectif visé par la fédération italienne était de promouvoir de jeunes

joueurs au sein des équipes professionnelles afin d'améliorer les résultats de l'équipe

nationale, médiocres lors de la Coupe du Monde 1962. Les fédérations sportives

internationales et nationales considéraient alors qu'elles disposaient du monopole de

l'organisation du sport sous tous ses aspects (sportifs et économiques). Le droit

communautaire, interdisant les discriminations en fonction de la nationalité, ne

s'appliquait donc pas au sport : c'est ce qu'on appelle communément l' « exception

sportive ».

Paragraphe 2 – De 1975 à 1995 : L'assouplissement progressif des

règlements en matière de transferts

L'assouplissement des règlementations en matière de transferts entre 1975 et le

début des années 90 se matérialise principalement à travers l'extension relative de la

5 Michel Pautot, Sportifs, transferts et liberté de circulation, Litec, 2001

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liberté de circulation des joueurs de football au sein des pays membres de l'Union

Européenne. Il est principalement dû à la jurisprudence de la Cour de Justice des

Communautés Européennes sur laquelle s'est ensuite appuyée la Commission

Européenne pour négocier de nouveaux accords avec les fédérations internationales.

1) La jurisprudence de la CJCE : les arrêts Walrave & Koch et Donà

Vingt ans avant son prononcé, deux arrêts de la CJCE préfiguraient partiellement

de ce que serait l'arrêt Bosman.

L'arrêt Walrave & Koch du 12 décembre 1974

L'affaire Walrave & Koch est la première affaire concernant une activité sportive

professionnel que la CJCE a eu à trancher6. Le litige concernait deux entraîneurs

professionnels de cyclisme, MM. Walrave et Koch, de nationalité néerlandaise, qui

souhaitaient entraîner, lors de championnats du monde, des sportifs d'une autre

nationalité. Or, le règlement de l'Union Cycliste Internationale (UCI) comportait une

disposition selon laquelle, lors des championnats du monde de cyclisme « l'entraîneur

doit être de la nationalité du coureur ». MM. Walrave & Koch, considérant qu'une telle

disposition était incompatible avec le Traité de Rome, assignèrent l'UCI, l'Union de

Cyclisme Néerlandaise et la Fédération espagnole de cyclisme, organisatrice de

l'événement, devant le juge national. Celui-ci renvoya l'affaire devant la CJCE, selon le

mécanisme de la question préjudicielle.

La décision des juges du Luxembourg va remettre en cause l'exception sportive

telle qu'elle était conçue par les fédérations sportives internationales. La Cour donne en

effet raison aux requérants, estimant que la disposition du règlement de l'UCI est

contraire aux articles 7, 48 et 59 du traité de Rome. Elle fixe ainsi le cadre général de la

liberté de circulation des sportifs professionnels au sein de l'Union Européenne :

elle considère que le droit communautaire s'applique au sport en tant qu'activité

économique au sens de l'article 2 du Traité de Rome, à savoir celui d'une prestation

6 Ibid.

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de travail salarié ou d'une prestation de service rémunérée ;

par conséquent, elle interdit aux organismes de droit privé à vocation sportive

(fédérations et clubs) toute discrimination fondée sur la nationalité ;

elle considère toutefois qu'une telle discrimination ne s'applique pas à la

composition des équipes nationales dans la mesure où les compétitions les

engageant intéressent uniquement le sport et sont de fait étrangère à l'activité

économique.

L'arrêt Donà du 14 juillet 1976

Cette seconde affaire est relativement similaire à la première, même si elle

concerne le monde du football. Le litige opposait Mario Mantero, président du club

italien de Rovigo, à Gaetano Donà. M. Mantero avait chargé ce dernier de prospecter à

l'étranger, afin de trouver un joueur susceptible de s'engager dans l'équipe de Rovigo.

Or, à l'époque et comme nous l'avons vu plus haut, la fédération italienne interdit à ses

clubs de compter dans son effectif un joueur étranger. Gaetano Donà va pourtant

passer, à ses frais, une annonce en ce sens dans un journal sportif belge. Ayant changé

entre temps d'avis, M. Mantero décide de refuser toutes les offres en provenance de

Belgique et rembourser M. Donà de ses frais d'annonce. M. Donà va alors saisir le juge

national en dénonçant la non-conformité du règlement de la fédération italienne vis à vis

des articles 7, 48 et 59 du traité de Rome. Le juge national revoit lui aussi l'affaire

devant la CJCE par le mécanisme de la question préjudicielle.

La CJCE donne raison à M. Donà, reprenant les principes qu'elle avait posés

dans l'arrêt Walrave & Koch, à savoir l'application du droit communautaire au sport en

tant qu'activité économique et l'interdiction de toute discrimination fondée sur la

nationalité. Seule manque la référence aux rencontres entre équipes nationales

remplacées par une expression plus floue (« certaines rencontres »).

2) L'action ambiguë de la Commission Européenne

Les décisions de la CJCE ne semblaient donc devoir souffrir que de peu

d'équivoques. Elles définissaient un nouvel ordre juridique régissant les relations entre

le droit européen et les fédérations internationales :

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toute restriction de la liberté de circulation des footballeurs professionnels issus des

pays membres devenait de fait caduque concernant les compétitions nationales ou

européennes de clubs ;

la FIFA et l'UEFA conservaient le monopole de l'organisation des compétitions

impliquant des équipes nationales, à savoir la Coupe du Monde et les compétitions

régionales telles que le Championnat d'Europe des Nations, la Copa America etc.

Malgré cela, au début des années 80, la situation n'évolue guère. Chaque

championnat européen continue d'imposer des restrictions à l'égard des joueurs

étrangers, ainsi que le montre le tableau ci-dessous, recensant les régulations en

vigueur dans les principaux championnats lors de la saison 1980-19817. Quelques

légères modifications sont toutefois apportées et ont fait parfois certaines distinctions

entre joueurs étrangers communautaires et joueurs étrangers extra-communautaires.

Ainsi en Angleterre, où deux joueurs étrangers par clubs sont autorisés, les joueurs

communautaires n'ont, à partir de 1978, pas besoin d'obtenir le permis de travail

nécessaire aux joueurs extra-communautaires8. La même année, l'UEFA s'engage à

autoriser les clubs à engager autant de joueurs communautaires qu'ils le souhaitent

mais limite par ailleurs le nombre d'étrangers pouvant joueur une rencontre, à deux

joueurs9, vidant sa promesse de sa substance.

Les règlementations concernant les joueurs étrangers dans les grands

championnats européens pour la saison 1980-1981

Belgique 3 joueurs étrangers et un nombre illimité de joueurs disposant d'un

passeport étranger mais ayant évolué en Belgique (ces joueurs étaient

appelés les « footballeurs belges »

Angleterre 2 joueurs étrangers (les Ecossais, Gallois et Nord-Irlandais, bien qu'ils

7 Tableau extrait de l'article de Pierre Lanfranchi et Matthew Taylor, op. cit.,

8 L'obtention de ce permis de travail était réservé à des joueurs ayant obtenu un certain nombre de

sélections nationales dans leur pays respectif. La règle est toujours en vigueur aujourd'hui pour les

joueurs n'entrant pas dans le cadre des jurisprudences Bosman et Malaja.

9 Michel Pautot (2001), op. cit., pp. 24, 25.

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dépendent chacun de fédérations indépendantes ne sont pas

considérés comme des étrangers). Les étrangers ont besoin d'obtenir un

permis de travail pour évoluer en Angleterre. Ce permis est

automatiquement attribué à tous les ressortissants communautaires.

France 2 joueurs étrangers en première et deuxième divisions.

Allemagne 2 joueurs étrangers en première et deuxième division. Les joueurs

étrangers formés en Allemagne ne sont pas considérés comme des

étrangers.

Grèce 2 joueurs étrangers en première division. Aucun étranger en deuxième

division.

Pays-Bas 3 joueurs étrangers en première division, les joueurs étrangers doivent

obtenir un permis de travail.

Italie 1 joueur étranger en première division. Aucun joueur étranger autorisé

dans les clubs professionnels de divisions inférieures.

Portugal 2 étrangers en première et deuxième divisions.

Ecosse Les règles appliquées sont les mêmes qu'en Angleterre

Espagne 2 joueurs étrangers et 1 oriundo, c'est à dire un joueur étranger n'ayant

jamais évolué pour sa sélection nationale, en première et deuxième

divisions.

Il faut pourtant attendre 1985 pour que la Commission Européenne intervienne.

Peter Sutherland, nouveau président de la Commission, demande alors aux autorités

internationales et nationales du monde de football de mettre fin aux restrictions

apportées à la liberté de circulation des joueurs communautaires10. Son successeur,

Jacques Delors, est pourtant beaucoup plus équivoque en 1988 lorsqu'il invite les

fédérations à s'entendre sur un nombre maximal de joueurs communautaires par club.

En 1991, le vice-président de la nouvelle Commission présidée par le même Jacques

Delors, Martin Bangemann négocie un accord avec l'UEFA. Il est ainsi convenu qu'à

partir du 1er juillet 1992, chaque club issue d'une fédération affiliée à l'UEFA et évoluant

10 P. Lanfranchi, M. Taylor in J.J. Gouguet (2005), op. cit., p. 102

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en première division de son championnat national pourra aligner trois joueurs étrangers

et deux joueurs étrangers ayant évolué au moins trois ans dans les équipes de jeunes

du club. Cet accord sera immédiatement dénoncée par le Parlement européen qui le

considère comme non-conforme au traité de Rome. Il s'appliquera pourtant jusqu'en

1995, date à laquelle est prononcé l'arrêt Bosman.

Section 2 – L'arrêt Bosman

L'assouplissement des réglementations en matière de transferts, notamment de

transferts internationaux, s'il fut réel, n'a pas pris, dans les années 80, toute la mesure

que lui promettaient les arrêts Walrave et Donà dans la décennie précédente. Aussi,

constatant les atermoiements de la Commission Européenne, c'est la Cour du

Luxembourg qui va tirer elle-même les conséquences de sa propre jurisprudence au

travers de l'arrêt Bosman.

Avant de dégager la portée de l'arrêt Bosman et d'analyser les réactions qu'il

suscita parmi les autorités sportives, il convient d'analyser tout d'abord les faits et la

procédure.

Paragraphe 1 - Les faits et la procédure

1) Les faits

Jean-Marc Bosman est né en 1964 à Liège et a fait toutes ses classes de

footballeur et la première partie de sa carrière dans sa ville natale. Formé au Standard

de Liège, il est alors considéré comme un joueur très talentueux et il est régulièrement

sélectionné dans les catégories de jeunes de l'équipe nationale de Belgique. Moins en

vue chez les professionnels, il est transféré au Royal Football Club de Liège en 1988,

pour un contrat mensuel de 120 000 Francs belges (environ 3 000€) par mois, soit un

contrat modeste, même pour l'époque. Arrivé en mai 1990 au terme de son contrat, il se

voit proposer une prolongation de celui-ci de quatre ans pour un montant mensuel de

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19

30 000 Francs belges (environ 500€), soit le minimum autorisé par l'Union Royale Belge

des Sociétés de Football Association (l'URBSF). Jean-Marc Bosman refuse cette

prolongation et, est de fait placé, sur la liste de transferts. Le RCF Liège fixe le montant

du transfert à 11 743 000 BFR (environ 300 000€), soit une somme importante pour un

joueur qui s'est vu proposé une prolongation de contrat à des conditions dérisoires.

Jean-Marc Bosman établit finalement des contacts avec le club français de

l'Union Sportive de Dunkerque, avec lequel il signe un contrat à hauteur de 100 000

BFR par mois (environ 2500€) avec une prime à la signature de 900 000 BFR (22

500€). Un accord avait auparavant été trouvé entre l'US Dunkerque et le RFC de Liège

pour un prêt11 payant (1 200 000 BFR soit environ 30 000€) assorti d'une option d'achat

de 4 800 000€ (120 000€). Les deux contrats sont toutefois assortis d'une condition

résolutoire les rendant caduques dans le cas où L'URBSFA ne délivrait pas le certificat

de transfert avant la date du 2 août 1990. Or, le RCF de Liège, doutant soudainement

de la solvabilité de l'US Dunkerque, demande à la fédération belge de ne pas délivrer

ledit certificat si bien que la condition résolutoire n'est pas remplie et que les deux

contrats ne sont pas effectifs. Le RCF de Liège décide alors d'exclure Jean-Marc

Bosman de son effectif, ce qui le prive de toute compétition pour la saison à venir.

2) La procédure

Jean-Marc Bosman, dans l'impossibilité d'exercer sa profession dépose le 6 août

1990 un premier recours en référé devant le juge national contre le RFC de Liège et

l'URBSFA. Il demande la suspension du système de transfert, à savoir le fait qu'au

terme de son contrat, un joueur n'était pas libre de quitter son club sans l'accord de

celui-ci. Il demande en outre au juge de poser à la Cour de Justice des Communauté

Européennes une question préjudicielle sur la conformité dudit système avec les

articles 48, 85 et 86 du traité de Rome. Le tribunal de première instance donne raison

au demandeur, il suspend le système de transfert et renvoie une question préjudicielle à 11 Le prêt est un transfert temporaire (généralement un an ou six mois) d'un joueur vers un autre club,

les droits du joueurs restant la propriété d'un club prêteur. Le prêt peut-être payant ou gratuit. Le

salaire est généralement assumé en intégralité par le club à qui le joueur est prêté mais une partie du

salaire peut-être assuré par le club prêteur. Un prêt peut-être assorti d'une option d'achat que le club

auquel le joueur est prêté peut lever afin de porter acquéreur des droits de joueurs prêté.

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la CJCE, devant laquelle Jean-Marc Bosman est convoqué le 11 juillet. Les défendeurs

font appel de la décision.

Le 19 avril, soit quatre jours avant la date prévue de la comparution en appel, est

signé dans l'urgence l'accord Bangemann – UEFA qui institue la règle du « 3+2 » à

compter du 1er juillet. Jean-Marc Bosmann est alors contraint de déposer, dans la nuit

du 22 au 23 avril, quatre recours attaquant l'accord devant la greffe de la CJCE afin de

pouvoir plaider l'affaire le lendemain. Malgré cela, la cour d'appel belge retire sa

question préjudicielle tout en confirmant le jugement de première instance. Entre temps,

Jean-Marc Bosman a trouvé un accord avec le modeste club de deuxième division

français de deuxième division.

Jean-Marc Bosman, peu satisfait de ce jugement, va former en août 1991 un

deuxième recours, cette fois contre l'UEFA, devant le juge national. Il demande à celui-

ci de poser deux questions préjudicielles à la CJCE. Après appel et cassation, les deux

questions préjudicielles arrivent finalement devant la Cour de Luxembourg en 1995 (la

procédure s'étalant au total sur cinq années !). Il s'agit de vérifier la conformité aux

articles 48, 85 et 86 du Traité de Rome :

du système de transfert d'une part ;

de la règle du « 3+2 » d'autre part.

3) La décision de la CJCE

Au terme d'un long arrêt de 147 paragraphe, la Cour statue le 15 décembre 1995

en trois points :

«1) L'article 48 du traité CEE s'oppose à l'application de règles édictées par des

associations sportives, selon lesquelles un joueur professionnel de football ressortissant

d'un État membre, à l'expiration du contrat qui le lie à un club, ne peut être employé par

un club d'un autre État membre que si ce dernier a versé au club d'origine une

indemnité de transfert, de formation ou de promotion.

2) L'article 48 du traité CEE s'oppose à l'application de règles édictées par des

associations sportives selon lesquelles, lors des matches des compétitions qu'elles

organisent, les clubs de football ne peuvent aligner qu'un nombre limité de joueurs

professionnels ressortissant d'autres États membres.

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3) L'effet direct de l'article 48 du traité CEE ne peut être invoqué à l'appui de

revendications relatives à une indemnité de transfert, de formation ou de promotion qui,

à la date du présent arrêt, est déjà payée ou est encore due en exécution d'une

obligation née avant cette date, exception faite pour les justiciables qui ont, avant cette

date, engagé une action en justice ou soulevé une réclamation équivalente selon le

droit national applicable.»12

Les deux premiers points sont évidemment les plus importants ; le troisième

n'étant en fait, qu'une mesure évitant que des clubs, ayant payé une indemnité de

transfert afin d'acquérir les droits d'un joueur en fin de contrat, n'en réclament le

remboursement. De fait, l'arrêt Bosman :

réaffirme la non-conformité au droit européen de restrictions à la liberté de

circulation des joueurs communautaires à l'intérieur de l'Union et déclare par

conséquent illégal la règle du « 3+2 » en application depuis le 1er juillet 1991.

déclare illégal le système des transferts. Les clubs dont un joueur arrive en fin de

contrat ne sont donc pas légalement fondés à réclamer une indemnité de

transfert au nouveau club.

Paragraphe 2 : La portée juridique de l'arrêt Bosman

Les arrêts Walrave et Donà n'avait eu qu'une influence très limitée sur le sport

professionnel européen. Du fait de la position ambiguë de la Commission Européenne,

les fédérations internationales avaient gardé une latitude suffisante pour maintenir des

règlements restreignant la liberté de circulation des joueurs communautaires. L'arrêt

Bosman aura, lui, des conséquences beaucoup plus rapides et importantes.

Dès le 19 février en effet, l'UEFA prend acte de la décision de la Cour de Justice

des Communautés Européennes en supprimant la règle du « 3+2 ». Elle ne fait plus

mention dans ses règlements à aucune limitation concernant les joueurs

12 Le texte intégral de l'arrêt est disponible sur le site de la Commission Européenne : http://eur-

lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:61993J0415:FR:HTML

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communautaires. De fait, elle autorise concrètement les clubs de football appartenant

aux 15 états membres à recruter et à inscrire sur chaque feuille de match de chaque

compétition disputée, autant de joueurs communautaires qu'ils le souhaitent. L'arrêt

Bosman ne limite pas ses effets juridiques au seul football : les fédérations

internationales des autres sports collectifs prennent, à court ou moyen terme, des

dispositions identiques afin de mettre leurs règlements en conformité avec le droit

communautaire.

1) La fin de l'exception sportive ?

En dépit de ce mouvement général de conformation au droit communautaire,

l'arrêt Bosman suscite dès l'origine de nombreuses réticences au sein même du milieu

de football international. L'UEFA avait mis en garde la CJCE contre les conséquences

possibles d'une telle décision : déséquilibres entres compétitions internationales et

compétitions de clubs au profit de ces dernières, danger d'appauvrissement des

compétitions nationales etc. Les deux principales fédérations internationales vont

garder une position constante à l'égard de la jurisprudence européenne. En juin 1999,

le Président de la FIFA, Sepp Blatter, affirmait ainsi que « le football (devait) revenir à la

situation antérieure à l'arrêt Bosman. 13» Il s'agit de restaurer l'exception sportive, c'est

à dire de suspendre l'application du droit communautaire au domaine sportif,

considérant que les spécificités du sport rendent son application néfaste. En mars 2000,

la FIFA et l'UEFA proposent à la Commission et au Conseil des ministres des sports

devant se réunir quelques mois plus tard à Lisbonne de revenir sur l'arrêt Bosman14.

Le point de vue des fédérations internationales était partagé par de nombreuses

personnalités du milieu du football. Avant même le prononcé de l'arrêt Bosman, Franz

Beckenbauer, ancien capitaine de l'équipe d'Allemagne championne du monde en 1974

et futur président du comité d'organisation de la Coupe du Monde 2006, prévenait déjà :

« Le football allemand souffrira de nouveaux textes remplaçant les clauses actuelles qui

limitent dans les clubs le nombre de joueurs ressortissants d'un autre état membre. Ce

sont les joueurs de deuxième ou de troisième classe qui viendront en Allemagne, et ces 13 Le Monde du 2 juin 1999

14 Colin Miège, « Le sport dans l'Union Européenne : entre spécificité et exception ? », site Internet du

Centre d'Etudes Européennes de Strasbourg, 2005, www.cees-europe.fr/fr/etudes/revue9/r9a11.doc

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joueurs, finalement, nous les avons déjà. Le système en vigueur a fait ses preuves et

on devrait donc le laisser en place. »15 Le « Kaiser » avait identifié les risques d'une

dérégulation du marché du travail : à savoir la concentration des talents dans les

championnats les plus riches et donc un certain resserrement de l'élite du football

européen.

A la même époque, le principe d'une exception sportive avait réuni plusieurs

responsables gouvernementaux européens parmi lesquels la ministre des sports

française, Marie-George Buffet, qui déclarait en mars 1999 : « la France donne le ton,

afin d’obtenir à l’échelle de l’Europe l’exception sportive pour préserver l’éthique et les

valeurs du sport ». Selon elle, « l’application au sport des règles communautaires de

concurrence s’avère incompatible avec la préservation de l’éthique sportive »16 Le

principe d'une exception sportive sera au demeurant repris par un rapport du député

Alain Barrau en date de novembre 199917. Dans sa conclusion, le rapport « affirme la

spécificité du sport du fait de son rôle social, intégrateur, formateur, et considère qu’il

existe une exception sportive, qui doit être prise en compte dans la définition d’une

politique communautaire du sport ». En dépit de ses appuis politiques, la proposition de

l'UEFA et de la FIFA sera refusé par le Conseil des ministres des sports de Lisbonne, à

l'issue duquel Pike Lee, alors porte-parole des clubs de Premiere League anglaise,

déclarait que « toute tentative de retour en arrière sur ce principe (ND l'auteur : le

principe de libre-circulation des joueurs communautaires au sein de l'Union

Européenne) serait à la fois irréaliste et vouée à l'échec). »

2) La position de la Commission Européenne

L'échec de toute tentative de révision de l'arrêt Bosman est principalement dû à

la position de la Commission Européenne qui, contrairement à ce qu'elle avait fait dans

la période ayant suivi les arrêts Walrave et Koch, s'est rangée derrière la jurisprudence

de la CJCE. Elle l'a affirmé en plusieurs occasions.

Le 29 octobre 1996, elle publie tout d'abord un document intitulé « Document

d'informations et remarques sur l'arrêt de la Cour rendu dans l'Affaire Bosman » dans 15 M. Pautot (2001), op.cit., p. 82.

16 C. Miège (2006), op.cit.

17 Rapport d’information N°1966 présenté par Alain Barrau le 25 novembre 1999

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lequel elle réaffirme l'illégalité des quotas de joueurs communautaires : « L'article 48 du

traité CE, conformément à l'arrêt de la Cour, exclut l'application de règles édictées par

des associations sportives selon lesquelles, lors des matchs des compétitions qu'elles

organisent, les clubs de football ne peuvent aligner qu'un nombre limité de joueurs

professionnels ressortissants d'autres Etats membres ». La Commission ajoute que le

fait de « participer à des compétitions est l'objectif essentiel d'un joueur professionnel.

Une règle restreignant cette participation limite à l'évidence les occasions d'emploi qui

se présentent à un joueur et est incompatible avec l'article 48 »18.

Dans un rapport en date du 1er décembre 1999 intitulé « Rapport dans l'optique

de la sauvegarde des structures sportives actuelles et du maintien de la fonction sociale

du sport dans le cadre communautaire », la Commission réaffirme l'obligation pour les

fédérations sportives et les clubs affiliés de respecter les principes du droit

communautaire, parmi lesquels le principe de libre circulation des travailleurs : « Si le

traité de Rome ne contient pas de disposition spécifique au sport, la Communauté doit

néanmoins veiller à ce que les initiatives des autorités publiques nationales ou des

organisations sportives soient conformes au droit communautaire, y compris le droit de

la concurrence et respectent notamment les principes du marché intérieur (liberté de

circulation des travailleurs salariés, liberté d'établissement et libre prestations de

services etc. »19

En plus de justifier l'arrêt Bosman par sa conformité au droit communautaire, la

Commission Européenne a tenu à défendre son utilité économique, soutenant peu ou

proue qu'il contribuait à l'intérêt général du football européen. A l'occasion du congrès

de l'UEFA du 30 juin 2000, Viviane Reding, alors commissaire européen chargé des

sports déclarait :

« L'arrêt Bosman existe. Il est incontournable. Ceci d'autant plus que l'arrêt

Bosman se fonde sur deux principes fondamentaux inscrits dans les traités européens,

sur des droits de base des citoyens européens : celui de la libre-circulation et celui de la

non-discrimination. La Cour de Justice européenne l'a dit très clairement : ces principes

18 Document d'informations et remarques sur l'arrêt de la Cour rendu dans l'Affaire Bosman, in M. Pautot

(2001), op. cit.

19 Rapport dans l'optique de la sauvegarde des structures sportives actuelles et du maintien de la

fonction sociale du sport dans le cadre communautaire, Commission Européenne in M. Pautot (2001),

op.cit.

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s'appliquent à tous les citoyens, aussi aux sportifs, aussi aux footballeurs. D'ailleurs, il

serait à mon avis erroné de penser d'une part que l'arrêt serait à l'origine des difficultés

vécues par le sport, et d'autre part qu'une restriction de la libre-circulation pourrait

résoudre tous les problèmes.

Bien au contraire ! Prenons l'exemple du problème de l'écart compétitif entre les

ligues des grands et les ligues des petits pays. Une restriction éventuelle de la libre

circulation n'y résoudrait rien. Les ligues des grands pays ont une base économique

plus forte que les ligues des petits pays parce que les ligues des grands pays peuvent

s'appuyer sur une base de spectateurs plus grande que les ligues des petits pays, ce

qui leur permet d'obtenir des revenus plus élevés. Une restriction éventuelle ne ferait

qu'accroître cet écart. Elle priverait les joueurs issus de petits pays de la chance

d'évoluer et de se perfectionner à l'étranger. En conséquence, elle affaiblirait les

équipes nationales de ces pays et elle priverait les spectateurs d'événements d'une

qualité semblable à celle de l'Euro 2000. »20

Les propos de Madame Reding sur les équipes nationales ne sont pas dénués

de tout fondement. Les spécialistes du football européen ont reconnu de manière quasi-

unanime que l'expérience acquise par les joueurs français dans les championnats

étrangers avaient été utiles à l'Equipe de France dans sa conquête des titres mondiaux

et européens, en 1998 et 2000. Encore faudrait-il nuancer ce propos en observant que

les résultats récents des compétitions internationales ont consacré la victoire des

équipes d'Italie, d'Espagne, de Grèce ou des performances comme celles des Russes.

La majorité des joueurs composant ces quatre sélections évoluaient alors dans le

championnat nationale. Les propos concernant l'équilibre entre grands et petits

championnats interpellent davantage sur la conception que se faisait et que continue à

se faire (cf en deuxième partie les déclaration de M. Spidla) la Commission Européenne

du sport de club. Nous développerons cette idée plus avant en deuxième partie mais le

sport ne peut s'accommoder de l'absence d'incertitude quant à son résultat. Les

règlementations sont là pour équilibrer les compétitions et s'assurer que leurs issues

soient incertaines. Considérer, que les différences économiques entre les petits et

grands championnats sont naturelles, qu'il n'y a aucun moyen de les diminuer, c'est nier

la spécificité du sport. Le fatalisme qui consiste à considérer que les lois du marché

20 Viviane Reding, discours au congrès annuel de la FIFA du 30 juin 2000, in M. Pautot (2001), op. cit.

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doivent s'appliquer unilatéralement au sport est délétère, il remet en cause l'éthique

fondamentale du mouvement sportif et menace à terme son intégrité.

B) Les suites juridiques de l'arrêt Bosman

L'arrêt Bosman a eu des effets juridiques et un retentissement médiatique

majeurs. Comme l'on pouvait s'y attendre, il n'est pas resté sans suites. Il fut à l'origine

de la création d'un nouveau cadre juridique pour le sport européen. Encore fallait-il

préciser plusieurs points. S'est d'abord posé le cas de la liberté des circulations des

sportifs originaires de pays ayant signé des accords d'association ou de collaboration

avec l'UE. Ce cas a principalement été tranché par un arrêt rendu par le juge

administratif français mais ayant vocation à s'appliquer dans toute l'Europe et qui, s'il

est moins célèbre que l'arrêt Bosman, n'en a pas moins eu des conséquences

importantes sur le football européen : l'arrêt Malaja. La jurisprudence a ensuite dessiné

quelques limites à la libre-circulation des sportifs professionnels concernant les

sélections nationales et les dates imposées pour les transferts de joueurs, période que

les amateurs de sport connaissent sous le nom de mercato.

Section 1 – Les extensions de l'arrêt Bosman

L'on peut identifier deux types d'extension de l'arrêt Bosman, correspondant aux

deux volets de la décision du 15 décembre 1995 :

l'extension de la liberté de circulation aux sportifs originaires d'Etats ayant signé un

accord d'association et de coopération avec l'Union Européenne ;

l'extension pour les sportifs des possibilités de rupture de contrat.

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Paragraphe 1 – L'extension de la liberté de circulation des sportifs à

des ressortissants n'appartenant pas à l'Espace Economique

Européen

L'extension de la liberté de circulation à des ressortissants d'Etats non-membres

mais ayant signé un accord d'association ou de coopération avec l'Union Européenne a

également une origine jurisprudentielle. Mais contrairement à l'arrêt Bosman, ce sont

les décisions du juge national qui ont déterminé le régime juridique applicable en

l'espèce. C'est le juge administratif français qui a donné l'impulsion au travers de

l'affaire Malaja. Aussi, nous analyserons tout d'abord cette décision avant de nous

intéresser à ses échos dans d'autres Etats.

1) L'arrêt Malaja

Les faits et la procédure interne à la Fédération Française de Basket-Ball

Au cours de l'été 1998, Lilia Malaja, basketteuse professionnelle polonaise

évoluant en France dans le club de Rennes s'engage avec le RC Strasbourg à compter

de la saison 1998-1999. Le règlement de la Fédération Français de Basket-Ball (FFBB)

autorise alors deux joueuses non communautaires, c'est à dire ressortissantes d'un Etat

n'appartenant pas à l'Espace Economique Européen (EEE), par club. Or, le Racing Club

de Strasbourg compte déjà dans ses rangs deux joueuses dans ce cas : la Bulgare

Mariana Ilieva et la Croate Zana Lelas. Afin de pouvoir intégrer Lilia Malaja à son effectif

sportif, le RC Strasbourg va demander à la FFBB, en vertu de l'accord d'association

liant la Pologne à l'Union Européenne, l'autorisation de considérer la joueuse polonaise

comme joueuse communautaire.

L'Union Européenne avait en effet signé un certain nombre d'accords

d'associations et de coopérations avec des Etats n'appartenant pas à l'Espace

Economique Européen. Ces deux types d'accord posent, dans le domaine des

conditions de travail, le principe d'interdiction de la discrimination en raison de la

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nationalité. Les pays concernés sont alors :

pour les accords d'association : la Turquie, la Pologne, la Hongrie, la Bulgarie, la

République Slovaque, la République Tchèque, la Roumanie, la Lituanie, l'Estonie, la

Lettonie et la Slovénie, soit, à l'exclusion de Chypre et de Malte, les dix autres pays

ayant vocation à intégrer l'Union Europénne en 2004 ou en 2007 ;

pour les accords de coopération : le Maroc, l'Algérie, la Tunisie, l'Ukraine, la

Fédération de Russie, la Moldavie, le Kazakhstan, le Kirghizstan, la Biélorussie, la

Géorgie, l'Arménie, l'Azerbaïdjan et l'Ouzbékistan.

En l'occurrence, l'article 37 de l'accord d'association entre l'Union Européenne et

la Pologne précise que : « Sous réserve des conditions et des modalités applicables à

chaque Etat membre, les travailleurs de nationalité polonaise légalement employés sur

le territoire d'un Etat membre ne doivent faire l'objet d'aucune discrimination fondée sur

la nationalité, en ce qui concerne les conditions de travail, de rémunération ou de

licenciement, par rapport aux ressortissants dudit Etat membre. »

La procédure de première instance devant le Tribunal administratif

Le 31 août 1998, la FFBB repousse la requête du RC Strasbourg. La joueuse et

le club saisissent alors, ainsi que leur en donnent le droit la loi du 16 juillet 1984 sur le

sport, de saisir la conférence des conciliateurs du Comité Nationale Olympique du Sport

Français (le CNOSF). Un conciliateur est nommé et rend un avis favorable à Lilia

Malaja, estimant que la décision de la FFBB est contraire à l'article 37 de l'accord

d'association entre l'Union Européenne et la Pologne. La fédération décide cependant

de ne pas suivre l'avis du conciliateur. Le 15 octobre 1998, RC Strasbourg et Mlle

Malaja déposent donc deux requêtes devant le tribunal administratif de Strasbourg, la

première demandant un sursis à exécution de la décision de la FFBB (afin que Mlle

Malaja puisse représenter son club en attendant la décision de justice), une autre en

annulation sur le fond.

Malgré l'avis du Commissaire du Gouvernement, favorable à Lilia Malaja, le

tribunal administratif rejette, le 27 janvier 1999, la requête. La joueuse interjette appel,

cette fois sans son club.

La procédure en appel

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Le 13 janvier 2000, le Commissaire du Gouvernement conclut, comme lors de la

procédure de première instance, à la non conformité de la décision de la FFBB par

rapport à l'accord d'association entre la France et la Pologne. La cour administrative

d'appel de Nancy va cette fois suivre les conclusions du Commissaire du

Gouvernement, déclarant fondée la requête de Lilia Malaja et annulant la décision de la

FFBB en vertu de l'article 37. Elle va, en outre, conformément au même article fixer les

conditions et les modalités d'application de l'accord, à savoir l'obtention d'un contrat de

travail et d'un permis d'un séjour.

Le procédure en cassation devant le Conseil d'Etat

Consciente des conséquences engendrées par une telle décision, la FFBB

décide de se pourvoir en cassation devant le Conseil d'Etat. Le 30 décembre 2002, le

Conseil d'Etat, considérant que le règlement de la FFBB établit une discrimination

directement fondée sur la nationalité des joueuses, juge ce dernier contraire à l'article

37 de l'accord d'association. Il décide par conséquent de rejeter le pourvoi de la

Fédération Française de Basket-Ball et de confirmer le jugement de la cour

d'administrative d'appel21.

2) La portée de l'arrêt Malaja

Les répercussions de l'arrêt Malaja au sein des juridictions étrangères

Dès avant la décision du Conseil d'Etat, un certain nombre de décisions

similaires à celle de la cour administrative d'appel de Nancy furent prises à l'étranger22.

Ainsi, en Espagne, trois jugements furent rendus dans le monde du basket-ball et du

football :

le 21 juin 2000, le tribunal de Barcelone juge que le joueur de basket-ball américain

naturalisé turc, Sheron Mills, alors joueur du FC Barcelone, devait être considéré

comme un joueur communautaire en vertu de l'accord d'association existant entre la 21 Conseil d’Etat, 30 décembre 2002, n° 219646, « Fédération française de Basket-Ball », arrêt

consultable sur le site de la revue Actualité Juridique Française, http://www.rajf.org/spip.php?article1482

22 M. Pautot (2001), op. cit., pp. 68 et suivantes.

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Turquie et l'Union Européenne ;

le 15 novembre 2000, Lilia Malaja, transférée dans le club espagnol du CN Navarra,

obtient du tribunal de Pampelune une décision identique à celle obtenue en France,

l'autorisant à être considérée comme une joueuse communautaire ;

le 28 novembre 2000, le tribunal de Vigo a également assimilé le joueur russe du

Celta Vigo Valéry Karpine à un joueur communautaire.

De la même manière, en Italie, le Milan AC a obtenu, le 1er décembre 2000, que

son joueur star ukrainien (sacré ensuite Ballon d'or en 2005), Andreï Chevtchenko, soit

considéré comme un joueur communautaire.

La confirmation par la CJCE des principes énoncés dans l'arrêt Malaja

La Cour de Justice des Communautés Européennes s'est emparée des principes

énoncés dans l'arrêt Bosman dans deux arrêts successifs.

L'arrêt Kolpak23 du 8 mai 2003 est le premier à confirmer l'arrêt du Conseil d'Etat.

Maros Kolpak, handballeur slovaque évoluait alors dans le club allemand de deuxième

division d'Oestringen. La fédération allemande lui avait attribué une licence A, à savoir

la licence généralement attribuée aux joueurs de handball professionnels non

ressortissants de l'Union Européenne. Or, le règlement de la fédération allemande

prévoyant que seuls deux joueurs titulaires de licence A étant en droit d'être alignés

dans les rencontres de Coupe et de Championnat, Maros Kolpak ne pouvait bénéficier

d'un temps de jeu conséquent. En effet, l'effectif d'Oestringen comptaient déjà plusieurs

joueurs dans ce cas. Maros Kolpak attaqua donc le règlement de la fédération

allemande, réclamant d'être considéré comme un joueur communautaire en vertu de la

clause de non-discrimination dans le traité d'association régissant à l'époque la nature

des rapports entre son pays et l'Union Européenne. La CJCE, considérant que "les

sportifs originaires des pays tiers ayant passé un accord d’association avec l’Union

européenne devaient être traités comme des Européens dès lors que l’individu est

légalement employé sur le territoire ", donna ainsi raison à M. Kolpak, ouvrant la voie à

une application généralisée à toute l'Union Européenne des principes développés par le

juge national français dans l'arrêt Malaja.

23 CJCE, aff. C-438/00, 8 mai 2003, Deutscher handballbund c/ Marios Kolpak

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31

L'arrêt Simutenkov24 est venu, en 2005, confirmer l'arrêt Kolpak. Les faits sont

très semblables, même si l'affaire concerne cette fois le domaine du football Igor

Simutenkov est un ancien joueur russe, évoluant au moment des faits dans le club

espagnol du Deportivo Tenerife. Titulaire d'une licence de joueur extra-communautaire,

il souhaite que celle-ci soit convertie en licence de joueur communautaire. Sa demande

est rejetée par la fédération espagnole en vertu d'un règlement issu d'un accord entre

cette dernière et la ligue de football professionnel espagnole. M. Simutenkov attaque

donc ce règlement devant la CJCE, se fondant sur l'accord de coopération entre la

Fédération de Russie et l'Union Européenne en vigueur depuis le 1er décembre 1997.

L'article 23, paragraphe 1 de cet accord prévoit, de façon très classique que :

« Sous réserve des lois, des conditions et des procédures applicables dans chaque Etat

membre, la communauté et ses Etats membres assurent que les ressortissants russes

légalement employés sur le territoire d’un Etat membre ne font l’objet d’aucune

discrimination fondée sur la nationalité, en ce qui concerne les conditions de travail, de

rémunération ou de licenciement, par rapport aux ressortissants dudit Etat membre.»

Sans surprise, le règlement de la fédération espagnole est considéré comme une

discrimination directe à l'égard de M. Simutenkov, interdite par l'accord de coopération.

Le cas des sportifs ressortissants des Etats ayant signé l'accord de

Cotonou

L'accord de Cotonou, signé le 23 juin 2000, est venu remplacer les accords de

Lomé, régissant les relations entre l'Union Européenne et les Etats ACP, à savoir la

plupart des pays africains, caribéens et du pacifique. L'article 13.3 de cet accord prévoit

que :

« chaque Etat membre (ND l'auteur : de l'Union Européenne) accorde aux travailleurs

ressortissants d'un pays ACP exerçant une activité sur son territoire, un traitement

caractérisé par l'absence de toute discrimination fondée sur la nationalité par rapport à

ses propres ressortissants, en ce qui concerne les conditions de travail, de

24 CJCE, aff C-265/03, 12 avril 2005, Simutenkov c/ Real Federacion Espanola de Futbol

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rémunération et de licenciement. Chaque Etat ACP accorde, en outre, à cet égard un

traitement non discriminatoire comparable aux travailleurs ressortissants des Etats

membres. »

L'article 13.3 de l'accord de Cotonou est donc très similaire aux articles

prévoyant la non-discrimination des ressortissants d'Etats ayant signé un accord

d'association et de coopération avec l'Union Européenne. Il est par conséquent évident

que les sportifs ressortissants des Etats ayant signé l'accord (soit 76 Etats) sont bien

fondés à demander leur assimilation à des ressortissants communautaires. Tout

règlement restreignant leur liberté de circulation, dans la limite des conditions fixées par

chaque Etat membre, paraît donc caduque et prend le risque d'être déclaré non

conforme à l'accord par une juridiction nationale ou européenne.

Les résistances à la jurisprudence Malaja

Les principes de la jurisprudence Malaja ont très vite soulevé l'inquiétude des

responsables sportifs internationaux. L' « espace Malaja » est beaucoup plus large que

l' « espace Bosman », dans la mesure où il inclut plus d'une centaine d'Etats. Les

mêmes problèmes que ceux déjà dégagés lors du prononcé de l'arrêt Bosman ont été

soulevés. Sepp Blatter déclarait ainsi au journal Le Monde en 2003 : "Le pourcentage

de population non-nationale dans les pays membres de l’UE se situe entre 6 et 7% de

la population totale. Au sein des ligues pro de football des cinq grands pays d’Europe, le

pourcentage de joueurs non sélectionnables s’échelonne entre 25 et 55%. (...) Malaja,

c’est la dérégulation sauvage, une forme de "dumping social", la victoire des intérêts

individuels à court terme25". La FIFA et l'UEFA voient en effet d'un mauvais œil la

possibilité pour les clubs européens de recruter à un coût très faible un nombre illimité

de joueurs formés en Afrique, lesquels viendraient prendre la place de joueurs

européens plus chers, affaiblissant de fait le niveau des équipes nationales.

Aussi, les règlements des fédérations ont été moins prompts à prendre en

considération les conséquences de l'arrêt Malaja qu'à l'époque de l'arrêt Bosman. La

fédération italienne par exemple, n'assimile pas encore les ressortissants des Etats

25 Le Monde du 20 janvier 2003

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ayant signé les accords de Cotonou à des joueurs communautaires.

De la même manière, la commission paritaire de la Ligue nationale de football

avait, dans un premier temps, décidé, le 25 mai 2000, de ne pas appliquer l'arrêt

Malaja, et de maintenir ses quotas de joueurs communautaires, à savoir trois joueurs

hors-EEE et un joueur hors EEE résidant depuis plus de trois ans dans un pays de

l'UE26. De même, le Conseil fédéral de la FFF avait refusé, l'assimilation d'un joueur

russe et d'un joueur marocain du PSG (Igor Yanovski et Talal El-Karkouri) à des joueurs

communautaires.

A compter de la saison de 2002-2003 cependant, la Ligue Nationale de Football

a modifié ses règlements, tenant en partie compte de la jurisprudence Malaja. La

Charte du Football Professionnel 2007/200827, véritable convention collective du

football professionnel français, énonce dans son article 552, ayant pour titre « Joueurs

des pays ayant des accords d'association ou de coopération avec l'UE » :

« La notion " accord d’association ou de coopération avec l’UE " vise les pays

concernés par la jurisprudence " Malaja " 28 et l’accord de Cotonou.

Les clubs peuvent conclure un contrat avec les joueurs ressortissants d’un pays

bénéficiant d’un accord d’association ou de coopération avec l’UE uniquement si ceux-

ci peuvent justifier au moins d’une sélection nationale lors d’un match de compétition

officielle des Confédérations ou FIFA ou trois ans de licence amateur en France.

L’effectif de ces joueurs n’est pas limité. (...) »

Ainsi, la Ligue de Football Professionnel autorise les clubs affiliés à posséder

dans leur effectif un nombre illimité de joueurs « Malaja » à la condition qu'ils aient été 26 M. Pautot (2001), op. cit., p. 67

27 La Charte du Football Professionnel est consultable sur le site de la LFP :

http://www.lfp.fr/reglements/pdf/charte/2008_2009/3.pdf

28 Dix pays bénéficiant auparavant un accord d'association ont, depuis 2004 et 2007, intégré l'Union

Européenne. Le statut des joueurs ressortissants de ces pays est réglée par l'article 551 bis qui

dispose que : « Les clubs peuvent sans limitation contracter avec des joueurs ressortissants des

nouveaux pays membres de l’UE sous réserve du respect des procédures d’admission des joueurs

étrangers visées au paragraphe “Conditions d’entrée et de séjour” de l’annexe générale n° 3 de la

Charte du football professionnel.»

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sélectionné au moins une fois par l'équipe nationale de leur pays d'origine. Cette

disposition a été prise dans le but de garantir que les joueurs « Malaja » recrutés par

les clubs français le soient avant tout pour leurs performances sportives et non parce

qu'ils sont moins chers. La conformité d'un tel règlement avec les différents accords

d'association est douteuse et il est possible qu'ils soient cassés dans l'éventualité où ils

seraient attaqués devant une juridiction nationale ou européenne.

Paragraphe 2 – La rupture unilatérale du contrat et l'arrêt Webster

L'arrêt Bosman a mis fin au système de transfert tel qu'il avait été règlementé

dans la première partie du XX ème siècle. Depuis la saison 1996-1997 en effet, un

joueur qui arrive en fin de contrat est libre de rejoindre un nouveau club sans l'accord

de son précédent club ni le versement d'une indemnité de transfert à ce dernier. Dans

le prolongement de ce deuxième volet de l'arrêt Bosman, deux règlements de la FIFA

sur les transferts vont venir encadrer en 2001 puis en 2005 venir encadrer la rupture

unilatérale de contrat par le joueur lui-même. Un arrêt récent du Tribunal Arbitrale du

Sport (le TAS) est cependant venu mettre à mal ces règlements.

1) La rupture unilatérale du contrat par le joueur dans le règlement de la FIFA

sur les transferts

Généralités sur les contrats dans le football professionnel

Dans le droit du travail moderne, le contrat de travail à durée déterminée n'est pas le

contrat de droit commun. En France par exemple, le code du travail et son article L122-

1 précise que le CDD ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement

à l'activité normale et permanente de l'entreprise. L'article L122-2 précise qu'il ne peut à

ce titre être conclu que pour l'accomplissement d'une tâche précise et temporaire et

dans les cas prévus par l'article L122-2-1, à savoir des « emplois à caractère saisonnier

ou pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par voie de

convention ou d’accord collectif étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au

contrat de travail à durée indéterminée, en raison de la nature de l’activité exercée et du

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caractère par nature temporaire de ces emplois. » L’article D.121-2, qui précise les

secteurs d'activités dans lesquels les CDD peuvent être la règle de droit commun parmi

lesquels le sport professionnel.

Le CDD est donc la règle dans le monde du football est le CDI y est considéré

comme une contrainte exorbitante pour les joueurs. Ceci s'explique par le fait que, sur

un marché qui exige une main d'œuvre (le terme est assez paradoxal lorsqu'on parle

d'un sport qui se joue au pied...) extrêmement qualifiée, la demande de talent est forte

tandis que l'offre est rare. Les joueurs sont donc en position de force pour négocier

leurs contrats par rapport au club. Aussi, il est difficile d'appliquer au football le droit

commun concernant la rupture unilatérale des contrats. Dans le Code du travail

français, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant son terme

qu'en cas de fautes graves ou de cas de force majeure (article L-122-3-8)29. Le cas de

méconnaissance de ces dispositions par le salarié ouvre le droit au versement de

dommages et intérêts pour l'employeur. C'est là un des fondements, en droit français,

des indemnités de transferts de joueurs.

Les joueurs de football professionnel talentueux, ont intérêt à provoquer une

rupture du contrat en manifestant leurs velléités de départ dans la mesure où des clubs

de plus en plus riches sont en mesure de payer d'importantes indemnités de transfert.

Les agents de joueurs, qui sont notamment rémunérés par des commissions sur les

transferts de joueurs ont, eux, intérêt à les provoquer. Nicolas Anelka est à l'époque un

exemple emblématique dans la mesure où il a été l'objet, sous l'influence de son agent

(qui n'était autre que son frère), de deux transferts records dépassant les 200M de

Francs (30M€), le premier d'Arsenal au Real Madrid, et le second du Real Madrid au

Paris-Saint-Germain. Le règlement de la FIFA sur les transferts arrive ainsi, en 2001,

dans un contexte d'augmentation du nombre des transferts et des sommes engagées

sur ceux-ci. Alors qu'il n'était dans le passé pas rare de voir des joueurs passer leur

carrière dans le même club, ceci est devenu une exception du fait de la libéralisation du

marché des contrats des footballeurs professionnels. Inquiète des risques que

provoque une telle situation (concentration des talents dans les clubs les plus riches,

ayant les moyens de dépenser des sommes considérables en indemnités de transferts),

29 Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 17 janvier 2002, dite de modernisation sociale, un contrat

à durée déterminée peut également être rompu dans le cas où le salarié trouve une offre de travail en

contrat à durée indéterminée, mais cela n'intéresse pas vraiment notre sujet.

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la FIFA va tenter de rétablir une certaine stabilité sur le marché des transferts.

L'article 21 du règlement de la FIFA prévoit une période de stabilité différente

selon l'âge du joueur :

de trois ans pour les joueurs de moins de 28 ans ;

de deux ans pour les joueurs de de 28 ans et plus.

En vertu de l'article 21, lorsqu'un joueur ou son club rompt de manière abusive

son contrat (c'est à dire en l'absence de juste motif ou de juste cause) durant la période

de stabilité, il s'expose à une sanction sportive et au paiement d'indemnités. L'article 22

précise les modalités de calcul de l'indemnité (le critère le plus important étant le

nombre d'années restantes au contrat), tandis que l'article 23 énonce les sanctions

sportives encourues (suspension pouvant aller jusqu'à six mois pour un joueur,

interdiction plus ou moins stricte de recrutement pour un club). L'article 24 prévoit enfin

que la juste cause sera examinée au cas par cas par le Tribunal Arbitral du Sport (un

joueur ayant participé à moins de 10% des matchs de son club est toutefois fondé à se

prévaloir de la juste cause sportive) en cas de litige.

A l'issue de la période de stabilité, un joueur est dans la possibilité de rompre son

contrat en contrepartie du paiement d'une amende dont le montant est négocié de gré à

gré (en pratique, elle est payée plus ou moins indirectement par le nouveau club et

équivaut à une indemnité de transfert).

2) L'arrêt Webster

S'il est pour le moment trop tôt pour faire le bilan de son application, l'arrêt

Webster est semble-t-il en mesure de remettre en cause le règlement de cette situation.

Un analyse rapide des faits et de la portée de cet arrêt est ici nécessaire.

Les faits et la procédure

Andrew Webster, joueur de football britannique de 25 ans, évoluait pour le club

écossais de Hearts of Midlothians auquel il était lié par un contrat arrivant à échéance le

30 juin 2007. Un an auparavant, alors que le contrat n'est plus dans sa période de

stabilité, il décide d'y mettre fin de manière unilatérale et sans cause précise pour de

s'engager pour le club anglais de Wigan. Afin d'obtenir une compensation financière,

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son ancien club, qui n'a touché aucune indemnité de transfert, porte l'affaire devant la

Chambre de résolution des litiges de la FIFA, puis devant le Tribunal arbitral du sport.

Dans son arrêt en date du 31 janvier 2008, ce dernier somme le club de Wigan

de payer à Hearts of Midlothian la somme de 200 000€, soit « le solde de la

rémunération due au joueur selon le contrat de travail, au moment de la date de

résiliation », alors que son ancien club espérait tirer de l'opération la somme de 5,3M€.

Autrement dit, le TAS, estimant que Hearts of Midlothian avait depuis longtemps amorti

son investissement, remet en cause la négociation de gré à gré de l'amende payée par

le joueur rompant unilatéralement son contrat à l'issue de la période de stabilité.

La portée de l'arrêt Webster

L'arrêt Webster risque d'avoir un retentissement conséquent sur le marché des

transferts du football européen. En effet, il remet en cause la signature de longs

contrats dans la mesure où l'investissement consenti en indemnités de transferts

risquerait de ne pas être rentabilisé à terme par la revente du contrat du joueur. Celui-ci,

à l'issue de la période de stabilité, pourra quitter le club en payant une amende

correspondant aux mois de salaires restant à payer, amende qui sera d'autant plus

facilement financée par le futur club qu'elle sera inférieure à une indemnité de transfert

traditionnelle.

Quelles pourront être les réponses des clubs face à cette nouvelle configuration

?

Les clubs seront incités à vendre leurs joueurs avant l'issue de la période de

stabilité, c'est à dire au bout de la deuxième année pour les joueurs de moins de 28

ans ou après la première année pour les joueurs de plus de 28 ans.

On peut imaginer que les clubs tiers inciteront les joueurs à ne pas renouveler leur

contrat avec leur club en échange de la promesse d'un recrutement futur. Au total,

l'arrêt Webster risque d'avoir l'effet contraire à celui recherché par les règlements

FIFA de 2001 et 2005, à savoir une stabilité permettant au club de développer une

politique sportive sur le moyen ou le long terme.

Ce sont les joueurs et leurs agents qui risquent d'être les grands bénéficiaires de

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l'arrêt Webster. En devenant des salariés de droit commun alors même qu'ils

bénéficient d'émoluments largement supérieurs à la moyenne et qu'ils évoluent sur un

marché sur lesquels ils sont en position de force, ils se verront reconnaître la possibilité

de démissionner presque quand bon leur semble. Aussi, l'on est en droit, à l'instar de

Sepp Blatter, de se demander s'il ne s'agit pas «(d')une victoire à la Pyrrhus pour les

joueurs et leurs agents, qui rêvent de pouvoir rompre les contrats avant qu'ils n'arrivent

à leur terme ». Les joueurs, ajoute-t-il « pourront calculer le montant de la

compensation qu'ils devront verser s'ils veulent rompre leur contrat » disposant de fait

de libertés exorbitantes.

Au final les clubs les plus faibles financièrement se trouveront dans une situation

encore plus difficile qu'aujourd'hui : comment constituer une équipe compétitive en ne

gardant des joueurs performants qu'un ou deux ans alors que les automatismes sont un

facteur important dans un sport collectif ?

Section 2 - Les limitations apportées à la liberté de circulation

des footballeurs professionnels

Les limitations à la liberté de circulation, confirmées par la jurisprudence après le

prononcé de l'arrêt Bosman sont de deux ordres. Elles concernent :

d'une part la non-application de la liberté de circulation aux matchs et compétitions

impliquant des équipes nationales ;

d'autre part les périodes autorisées de transferts, couramment appelées mercato

dans le milieu du football.

Paragraphe 1 – Les limitations à la liberté de circulation concernant

les compétitions entre équipes nationales

1) La nationalité sportive selon la FIFA

Les rencontres entre équipes nationales ont été, dès l'origine du football, le

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sommet des compétitions. Inventée en 1930, la Coupe du Monde reste aujourd'hui

l'épreuve de référence de ce sport. Elle draine un engouement médiatique et populaire

inédit dans le football de clubs et dépasse de loin la sphère des connaisseurs. Aussi,

les fédérations internationales, FIFA en tête, ont mis un point d'honneur constant à ne

pas les dénaturer. Le fait de sélectionner des joueurs sur le critère de leur nationalité

est un élément d'identification très fort pour le public, il fallait donc, pour protéger

l'intérêt de celui-ci, œuvrer à la conservation de ce principe.

Dès 1964, est voté un règlement (actuellement l'article 3.5 des règlements de la

FIFA) empêchant les joueurs d'évoluer sous le maillot de plusieurs équipes nationales

successives au cours de leur carrière. Il s'agissait, par la création d'une nationalité

sportive unique30, d'éviter que les joueurs monnaient leur talent auprès de fédérations

nationales désireuses de renforcer leur équipe. Joueur majeur de l'histoire du sport,

Alfredo Di Stefano avait notamment pu, durant sa carrière, porter le maillot de trois

sélections différentes (l'Argentine, la Colombie et l'Espagne).

Cette règle est toutefois loin d'être générale dans le sport de haut-niveau. Ainsi,

la Charte Olympique précise qu' « un concurrent qui a représenté un pays aux Jeux

Olympiques, à des Jeux continentaux ou régionaux ou à des championnats mondiaux

ou régionaux reconnus par la FI compétente et qui a changé de nationalité ou acquis

une nouvelle nationalité peut participer aux Jeux Olympiques pour y représenter son

nouveau pays à condition qu’un délai d’au moins trois ans se soit écoulé depuis que le

concurrent a représenté son ancien pays pour la dernière fois.31 ». Une disposition

récente a même assoupli ce délai : il peut désormais être raccourci par la Commission

Executive du CIO en cas d'accord entre les comités nationaux olympiques de deux

pays concernés et la fédération internationale du sport en question. Le handball

reconnaît une règle similaire en acceptant qu'un joueur ayant déjà porté les couleurs

d'une équipe nationale soit sélectionné, après un délai de trois ans, dans une autre 30 Il convient ici de noter que les critères universelles de sélection ne sont pas nécessairement liés à la

citoyenneté. Peut-ainsi être sélectionné au sein d'une équipe nationale :

1. le joueur dont le père ou la mère est originaire du pays où le il veut être sélectionné ;

2. le joueur dont l'un des grand-pères ou l'une des grand-mères est originaire du pays où il veut être

sélectionné ;

3. le joueur lui-même né dans le pays où il veut être sélectionné ;

4. le joueur ayant passé les deux dernières années dans le pays où il veut être sélectionné.

31 Texte d'application du règlement 42 de la Charte Olympique, Comité Internationale Olympique, texte

entier consultable sur internet http://multimedia.olympic.org/pdf/fr_report_122.pdf

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équipe. Le joueur doit bien sûr avoir été naturalisé ou disposer d'une double-nationalté.

Talant Dujshebaev, élu meilleur handballeur de l'année en 1994 et en 1996, a ainsi

successivement évolué pour l'URSS puis la CEI, jusqu'aux Jeux Olympique de

Barcelone) et pour l'Espagne (à partir de 1995).

La règle de la FIFA a d'ailleurs été quelque peu assouplie concernant les joueurs

ayant été sélectionnés dans les équipes nationales de jeunes. Une sélection dans une

équipe nationale d'une catégorie d'âge inférieure (espoirs, moins de vingt ans)

déterminait auparavant la nationalité sportive du joueur. Depuis 2004, un joueur

sélectionné chez les jeunes pour un pays peut changer de nationalité sportive jusqu'à

ses 21 ans, à condition de répondre aux critères de sélection d'un autre pays. Ainsi le

franco-malien, Frédéric Kanouté, sélectionné en Equipe de France espoirs en 1999, a

ensuite intégré l'équipe A du Mali, renonçant de fait à une éventuelle sélection en

Equipe de France A.

2) La protection des équipes nationales par la jurisprudence sportive

La jurisprudence européenne va très tôt prendre en considération la spécificité

essentielle des équipes nationales. Elle va, à cet égard, restreindre l'application de la

libre-circulation des sportifs professionnels.

L'arrêt Walrave ménageait déjà une exception au principe de liberté de

circulation des sportifs concernant les rencontres entre équipes nationales (à savoir les

matchs amicaux, les matchs qualificatifs pour les grandes compétitions internationales,

le Championnat d'Europe des Nations, la Coupe du Monde etc.), considérant que

celles-ci étaient exclues du champ de l'économie et concernaient uniquement le sport.

L'arrêt Donà était cependant moins clair à ce propos, se contentant d'évoquer

« certaines rencontres » en lieu et place des rencontres entre équipes nationales.

L'arrêt Bosman, dans ses points 127 et 133, confirme les principes énoncées

dans l'arrêt Walrave, consacrant de fait la protection des équipes nationales :

« 127 - A cet égard, il y a lieu de rappeler que dans l'arrêt Donà, précité, points 14 et

15, la Cour a reconnu que les dispositions du traité en matière de libre circulation des

personnes ne s'opposent pas à des réglementations ou pratiques excluant les joueurs

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étrangers de certaines rencontres pour des motifs non économiques, tenant au

caractère et au cadre spécifiques de ces rencontres et intéressant donc uniquement le

sport en tant que tel, comme il en est des matches entre équipes nationales de

différents pays. Elle a cependant souligné que cette restriction du champ d'application

des dispositions en cause doit rester limitée à son objet propre. »

« 133 - Deuxièmement, il convient d'observer que, si les équipes nationales doivent être

composées de joueurs ayant la nationalité du pays concerné, ces joueurs ne doivent

pas nécessairement être qualifiés pour des clubs de ce pays. D'ailleurs, en vertu des

réglementations des associations sportives, les clubs qui emploient des joueurs

étrangers sont tenus de leur permettre de participer à certaines rencontres au sein de

l'équipe nationale de leur pays. »

Paragraphe 2 – Les limitations à l'arrêt Bosman concernant les

périodes de transfert : l'arrêt Lehtonen32

Les périodes limitées de transfert trouvent leur justification sportive dans le fait

de préserver, tout au long d'une compétition, l'intégrité des équipes engagées afin de

maintenir les forces en présence. Si ces limitations n'existaient pas, il serait facile pour

les clubs les plus riches d'acheter les hommes en forme et les révélations d'un

championnat s'étalant sur neuf mois. Traditionnellement, la période des transferts se

déroulait pendant la trêve de l'inter-saison. En dehors de cette période, les clubs ne

pouvaient plus acquérir qu'un seul joueur, le « joker ». Pendant des années, seuls les

clubs italiens disposaient d'une deuxième période de transferts : le mercato d'hiver qui

se tenait durant la trêve. A la fin des années 90, ce marché hivernal s'est généralisé à

toute l'Europe. D'abord limités au recrutement de trois joueurs maximum durant cette

deuxième période, les clubs sont désormais libres de recruter, de vendre ou de prêter

autant de joueurs qu'ils le souhaitent.

A première vue, il semble évident que les périodes de transfert constituent une

limitation au principe de la liberté de circulation des sportifs. La CJCE va pourtant en

justifier l'existence à travers l'arrêt Lehtonen. Nous analyserons donc dans un premier

32 CJCE, aff. C-176/96, 13 avril 2000, « Lehtonen c/ ASBL ».

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les faits et la procédure avant de nous concentrer sur la décision et sa portée.

1) Les faits

Jyri Lehtonen est un ancien basketteur finlandais. Au cours de la saison 1995-

1996, il évoluait dans son championnat national. Celui-ci se terminant plus tôt que les

principaux championnats européens, il décide de chercher un employeur à l'issue de la

saison et s'engage avec le club belge des Castors de Namur-Braine afin de disputer les

phases finales du championnat. Le 29 mars 1996, l'ancien club de M. Lehtonen fait

parvenir une lettre de sortie aux Castors qui, le lendemain, envoient à leur tour une

lettre annonçant l'accord à la fédération belge (FRBSB). Or, les règlements de la

FRBSB avaient fixé, pour la saison 1995-1996, trois délais de transferts distincts :

les transferts entre clubs belges ne pouvaient s'opérer qu'entre le 15 avril et le 15

mai 1995, soit pendant l'inter-saison ;

les joueurs européens pouvaient s'engager avec un club belge jusqu'au 28 février

1996 ;

les joueurs non-européens pouvaient s'engager avec un club belges jusqu'au 31

mars 1996.

La FRBSB envoie, le 5 avril, une lettre rappelant aux Castors de Namur qu'il est

nécessaire, pour que M. Lehtonen puisse évoluer dans le championnat belge, qu'il

reçoive une licence de la Fédération Internationale de Basket-Ball Association (FIBA).

La fédération précise que si M. Lehtonen était aligné sans cette autorisation, son

nouveau club s'exposerait à des sanctions sportives. Les Castors de Braine vont

cependant faire jouer, dès le lendemain, leur nouveau joueur lors d'une rencontre de

championnat contre le club de Quaregnon. Le lendemain, ils reçoivent une lettre de la

FIBA, laquelle, au motif que le délai de transfert applicable à M. Lehtonen avait expiré le

28 février, refuse d'enregistrer le transfert.

Mettant en application le règlement, la FRBSB sanctionne les Castors de Namur

: le match contre Quaregnon est déclaré perdu par forfait. Jyri Lehtonen et son club,

considérant que le règlement de limitation des transferts de la FRBSB est contraire au

principe de libre circulation des travailleurs, décident de saisir en référé le Tribunal de

Première Instance des Communauté Européennes. Ils demandent l'annulation de la

décision de la FRBSB et l'interdiction sous astreinte de prendre d'autres sanctions à

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l'encontre du club si M. Lehtonen devait à nouveau participer à une rencontre sous ses

nouvelles couleurs. Le Tribunal de Première Instance décide de poser une question

préjudicielle à la CJCE.

2) Décision et portée

Dans son arrêt du 13 avril 2000, la CJCE énonce que :

« L'article 48 du traité CE (devenu après modification, article 39 CE) s'oppose à

l'application de règles édictées dans un Etat membre par des associations sportives qui

interdisent à un club de basket-ball, lors des matchs de championnat national, d'aligner

des joueurs en provenance d'autres Etats membres qui ont été transférés après une

date déterminée lorsque cette date est antérieure à celle qui s'applique aux transferts

de joueurs en provenance de certains pays tiers, à moins que des raisons objectives,

intéressant uniquement le sport en tant que tel ou tenant à des différences existant

entre la situation des joueurs provenant d'une fédération appartenant à la zone

européenne et celle des joueurs provenant d'une fédération n'appartenant pas à la dite

zone, ne justifient pas une telle différence de traitement. »

Autrement dit, la CJCE considère que la fixation de délais de transfert différents

en fonction de la nationalité des joueurs est conforme au traité CE dans la mesure où :

elle a pour objectif d'éviter que la compétition soit faussée ;

elle ne va pas au délà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif (principe

de proportionnalité).

Ce faisant, la Cour du Luxembourg justifie l'existence de périodes de transfert

dans le sport professionnel afin de préserver la régularité des compétitions. Elle laisse

aux fédérations sportives le soin de déterminer l'étendue de ces périodes.

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II – Le football européen de l'après-Bosman

Dire que le football européen des années 1990-2000 n'a plus rien à voir avec son

« ancêtre » des années 80 relève de l'évidence. A tel point qu'il n'est pas exagéré de

considérer que celui-ci a vécu une véritable révolution. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard

si les observateurs de longue date de ce sport ont constaté les conséquences de cette

révolution jusqu'au terrain : si le jeu semble plus rapide, si les joueurs paraissent mieux

préparés physiquement, c'est parce les enjeux que mobilisent le football professionnel

moderne sont beaucoup plus importants qu'ils ne l'étaient il y a vingt ans. Les sommes

engagées par les investisseurs (propriétaires de clubs, groupes de télévisions etc.) sont

sans commune mesure. La visibilité du football dans le monde a explosé du fait de

l'évolution des technologies de l'information : la quasi-totalité des matchs professionnels

sont aujourd'hui accessibles partout dans le monde, par la télévision satellite ou par

Internet (le « streaming » aujourd'hui illégal n'en est qu'à ses prémisses et les vidéos

des plus belles actions sont parmi les plus consultées sur Daily Motion ou YouTube).

Aussi, le football est devenu un vecteur de communication majeur pour les plus grandes

marques (il n'y a qu'à voir les multiples contrats publicitaires signés par les grands

joueurs, Zinedine Zidane en tête), mais aussi pour la classe politique. Les supporters

sont autant d'électeurs qu'il faut flatter lors des campagnes électorales, par exemple par

la promesse de rénovation d'un stade. Le pouvoir symbolique d'une grande victoire, s'il

a pu être exagéré comme en 1998 (certains médias ont vu dans le triomphe des Bleus,

celui de la France « black-blanc-beur »), n'en est pas moins réel. Des études ont même

pu prouver qu'elles avaient un impact sur le moral des ménages et l'économie

nationale.

Le rôle de l'arrêt Bosman est important dans cette révolution. Il serait pourtant

erroné d'affirmer qu'il en est la seule cause. Nous nous attacherons donc à démontrer

que la jurisprudence de la CJCE a joué un rôle de catalyseur dans les changements du

football mondial. Autrement dit, nous défendrons l'idée que l'arrêt Bosman, qui s'inscrit

dans un contexte global de croissance économique du football, a accéléré le

mouvement de libéralisation et de dérégulation de ce marché spécifique.

Un bouleversement aussi radical ne va pas cependant sans causer des

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déséquilibres et ceux provoqués par l'arrêt Bosman sont majeurs. Il faut en cela avouer

qu'ils ont été largement sous-estimés par les instances européennes. La libéralisation

du marché des footballeurs professionnels a notamment provoqué un resserrement de

l'élite autour de quelques clubs issus des championnats les plus puissants. Alors que

les années 80 et le début des années 90 avaient marqué une certaine ouverture des

compétitions européennes à de nouveaux clubs et à de nouveaux pays, les années

2000 ont fait de la principale compétition européenne, un club de plus en plus fermé.

Cette évolution nous semble aller à l'encontre du principe de l'incertitude sportive et

donc de l'éthique du mouvement sportif. Aussi, nous développerons, dans un deuxième

temps, quelques pistes de réformes susceptibles de compenser ces déséquilibres.

A) L'arrêt Bosman a bouleversé les équilibres traditionnels

du football européen

Depuis la création de la FIFA et de l'UEFA, le football européen étaient régi sous

tous ses aspects par les règlements des fédérations internationales. Les restrictions à

la liberté de circulation permettaient à chaque championnat de garder la plupart de ses

meilleurs éléments et ainsi de préserver les chances de clubs issus de championnat

économiquement faibles de bien figurer dans les compétitions européennes. L'arrêt

Bosman a marqué l'entrée de plain-pied du sport dans la sphère de l'économie de

marché.

Les clubs ont été dans l'obligation de s'adapter à ce nouveau contexte. Ils ont dû

faire évoluer leurs modèles économiques afin de devenir de véritables entreprises, dont

certaines sont même entrées en bourse. Les logiques sportive et économique sont

différentes. Tandis que l'objectif de l'entreprise est de faire du profit, celui d'un club de

football est, a priori, de remporter des titres. Tandis que l'actionnaire aime la sécurité, le

club de football est soumis aux aléas des résultats sportifs. Il est pourtant impossible,

dans le football professionnel moderne, de séparer ces deux aspects : la puissance

économique et financière des clubs détermine, au moins en partie, les résultats sportifs.

Il convient donc de déterminer l'impact de la libéralisation du marché sur les différentes

compétitions.

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Section 1 - La remise en en cause des modèles économiques

Jusqu'au milieu des années 80 le rôle du sport dans l'économie était négligeable.

Les salaires des joueurs de l'AS Saint-Etienne, finaliste de la Coupe d'Europe des

Clubs Champions en 1976, n'excédaient, par exemple pas de beaucoup, ceux d'un

cadre supérieur. Les compétitions sportives étaient rarement diffusées à la télévision et

la publicité n'avait pas l'impact qu'elle a aujourd'hui. Depuis vingt, les clubs de football

européens ont dû faire face à des mutations économiques d'envergure. Le sport est

devenu une industrie globale dont le football est le fer de lance. Les clubs européens

ont dû évoluer de manière à profiter de cette croissance économique. Le marché des

joueurs n'étant plus restreint par le droit, ils sont également entrés dans une ère de

concurrence internationale.

Paragraphe 1 – Une croissance économique sans précédent

L'arrêt Bosman est arrivé à un moment particulier de l'histoire du football

européen. Il s'inscrit en effet dans le contexte d'une croissance économique sans

précédent dans l'histoire du mouvement sportif. Celle-ci a pour origine principale

l'explosion des droits télévisés. L'augmentation de la visibilité de football professionnel a

logiquement attiré de nouveaux types d'investisseurs, intéressés par les perspectives

de développement du marché : richissimes propriétaires étrangers, grandes marques

etc. Ce changement de configuration du marché s'est logiquement traduit par

l'adaptation des clubs de football professionnel, qui ont fait évoluer leur modèle

économique pour mieux en profiter, ou mieux y résister.

1) L'explosion des droits télévisuels

L'augmentation considérable des droits télévisés a été, dans les années 90, le

principal facteur de croissance économique du football professionnel européen. De

1991 à 2006, ils ont, en moyenne, été multipliés par 30 dans les grands championnats

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européens, ainsi que le montre le tableau ci-dessous.

Cette hausse impressionnante s'explique par l'accroissement du rôle de la

télévision dans l'économie des médias. Ainsi que l'explique l'économiste Jean-François

Bourg33, la fin, en Europe, du monopole public de la télévision et l'apparition de

nouveaux acteurs privés a bouleversé les rapports entre la télévision et le football. En

France notamment, la privatisation de TF1, l'apparition de bouquets thématiques (câble

et satellite), du paiement à la demande et de Canal, + ouvrent le marché à la

concurrence. Les nouvelles chaînes à péage ont besoin d'un nouveau produit d'appel

pour convaincre des clients de souscrire un abonnement : le football sera celui-ci. Ainsi

le succès de Canal + a principalement été attribué à la diffusion régulière de nombreux

matchs du championnat de Division 1.

Face à la perspective d'une nouvelle manne s'offrant à eux, les clubs français ont

décidé de se coaliser afin de peser sur la négociation alors qu'ils avaient pour habitude

de négocier individuellement leurs droits34. En quelques années, l'on passe ainsi d'une

33 Site Internet Le Mensuel de l'Université, entrevue avec Jean-François Bourg, 16 janvier 2008,

http://www.lemensuel.net/2008/01/16/droits-du-foot-la-fin-des-vingt-glorieuses.

34 Cette entorse au droit de la concurrence européenne est cautionnée par la Commission européenne

de manière à favoriser une meilleure répartition des revenus télévisés et, de fait, de favoriser

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situation de monopsone de la télévision publique à une situation de monopole des

droits télévisés par la Ligue Nationale de Football, laquelle bénéficie de la concurrence

des demandeurs. En 2004, lors de la procédure d'attribution des droits télévisés, la

concurrence fait rage entre les deux bouquets satellites, Canal + d'un côté, et TPS

(propriété de TF1 et M6) de l'autre. Ceci permet de quasiment doubler les sommes

versées aux clubs de L1 et de L2.

La structure du budget des clubs va considérablement évoluer du fait de

l'apparition de la manne télévisuelle. En même temps que les budgets explosent, la part

provenant des contrats passés avec les diffuseurs augmente. Frédéric Bolotny peut

ainsi affirmer que « le téléspectateur a supplanté le spectateur »35, à savoir que les

droits télévisés sont, dans les années 90, devenus la principale source de financement

des clubs, prenant la place de la billetterie. Les clubs ont développé une « télé-

dépendance », d'autant plus remarquable en France où 60% des revenus des clubs de

L1 proviennent des recettes télévisuelles.

Le cycle de maturité du football en tant que produit télévisuel

Depuis 2005 cependant, le football professionnel européen est confronté au

plafonnement des droits télévisés. Aussi peut-on affirmer que le produit « football » a

atteint sa maturité. Le marché a quelque peu changé : en France, la fusion des deux

bouquets satellites a longtemps fait craindre une baisse substantielle des revenus

télévisés lors de la re-négociation des contrats pour la période 2008-2011. Seule

l'arrivée de l'opérateur téléphonique Orange, lequel souhaitait étoffer son offre de

télévision par Internet d'une offre Ligue 1, a permis de compenser la baisse d'un tiers

de l'offre initiale de Canal +. En Angleterre, les droits télévisés stagnent, certes a un

niveau extrêmement élevés, depuis 2001. Au niveau européen, les audiences de la

Ligue des Champions tendent à se tasser depuis 1999.

2) Le football européen vers l'industrie des loisirs ?

l'équilibre compétitif.

35 Frédéric Bolotny, «Donnée de cadrage sur le football en Europe», in J.J. Gouguet, op. cit., pp. 31 et

suivantes.

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Face au plafonnement des droits télévisés, les clubs européens sont dans

l'obligation de trouver de nouveaux moyens de financement. Il s'agit de diversifier ses

revenus de manière à ne pas trop souffrir d'une éventuelle baisse des revenus

télévisés. A cet égard, Frédéric Bolotny36 note que « les clubs à vocation européenne

évoluent de plus en plus vers l'industrie des loisirs » alors qu'ils avaient, dans les

années 90, calé leur modèle économique sur l'industrie des médias. Comparant les

revenus de Walt Disney à ceux de Manchester United, il constate une même diminution

des revenus provenant de l'activité originelle (ventes de places de cinéma dans un cas,

ventes de billets pour assister à un match de l'autre) au profit d'activités dérivées :

marketing etc. Les grands clubs vont donc chercher à valoriser leur image, notamment

à l'étranger. En plus de conclure des contrats de diffusion en Asie ou en Amérique37, les

clubs recrutent des joueurs non plus seulement du fait de leur qualité sportive mais en

raison de leur potentiel marketing. L'investissement consenti par le Real Madrid à

l'arrivée de joueurs comme Zidane et Beckham a certes été important, mais il a été en

partie rentabilisé par l'augmentation des ventes de maillots. Plus récemment (et plus

modestement), l'arrivée du joueur japonais Daisuke Matsui à Saint-Etienne a été

favorisée par Konica Minolta, le sponsor « maillot » du club forezien. Le joueur est un

vecteur de communication au Japon, à la fois pour le club (vente de produits dérivés,

contrats télévisés etc.) et pour la marque japonaise.

De la même manière, alors que, dans les années 90, les revenus de billetterie

avaient été dépassés par les revenus télévisuels comme la première source de

financement des clubs professionnels, le stade est en train de redevenir un important

outil de valorisation. Il devient important pour un club de devenir propriétaire de son

stade. Celui-ci est tout d'abord un actif tangible dont la possession est une assurance

pour les investisseurs et les banques prêteuses. Surtout, un stade peut devenir une

nouvelle source de revenus pour les clubs :

il leur permet de mener leur propre politique tarifaire en ciblant des publics différents.

En Angleterre par exemple, la majorité des recettes au guichet proviennent des

loges, louées pour des sommes considérables à de grandes entreprises ;

il peut être loué afin d'organiser des événements extra-sportifs : concerts,

conférences etc. ; 36 Ibid.

37 Les revenus télévisés de la Premiere League à l'étranger s'élèvent à 800M€ par an et sont à eux seuls

supérieurs à la somme des revenus télévisés domestiques et à l'étranger du football français !

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aménagé, le stade devient un centre de loisirs : beaucoup de stades comportent

désormais leurs propres hôtels, restaurants, centres commerciaux, plusieurs

boutiques du clubs etc. ;

un contrat de « naming » peut-être conclu avec une entreprise afin que, moyennant

une importante rémunération annuelle, le stade prenne le nom de la marque

pendant une période donnée (par exemple, l'Allianz Arena à Munich du nom du

célèbre assureur).

L'on a vu ainsi se multiplier ces dernières années les projets de stades privés.

Arsenal a déménagé de Highbury à l'Emirates Stadium. En France, les projets se sont

nombreux : OL Land à Lyon, le MMA Stadium au Mans, les projets de grands stades à

Lille, Nice ou Strasbourg etc.

Paragraphe 2 – Les conséquences de la dérégulation du marché du

travail dans le football professionnel

L'arrêt Bosman et ses suites s'inscrivent donc dans le contexte historique d'un

développement sans précédent du football. Pour reprendre une formule de l'économiste

Didier Primault, s'il « ne constitue pas une condition suffisante à la libéralisation de

l'économie du sport professionnel, (il) en était une condition nécessaire et, (il) fut, de ce

fait, décisif38 ». Aussi, il faut considérer que l'arrêt Bosman a été un facteur important de

l'évolution du football professionnel moderne, le catalyseur de transformations initées

antérieurement. Il trouve une place centrale dans une logique plus large que lui-même.

A court terme, la jurisprudence de la CJCE a eu deux effets majeurs : d'une part

l'accroissement de la mobilité internationale des joueurs professionnels, d'autre part,

l'inflation des salaires et du prix des transferts, univoque et exponentielle jusqu'en 2001

puis moins rapide ensuite. Ces deux effets sont bien sûr liés dans la mesure où c'est

l'ouverture des frontières aux joueurs communautaires puis, plus tard, à des joueurs de

plus de 130 pays, qui a permis de renforcer la concurrence internationale entre clubs et

a, de fait, exercé une pression vers le haut sur les salaires et le prix des transferts.

38 Didier Primault, in J.J. Gouguet (2005), op. cit.

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1) L'accroissement de la mobilité internationale des joueurs professionnels

Le phénomène de mobilité internationale des joueurs professionnels n'est pas

nouveau. Ainsi, parmi les plus fameux joueurs européens ayant été transférés dans un

club européen étranger avant l'arrêt Bosman, l'on trouve bien sûr Raymond Kopa au

Real Madrid à la fin des années 50, Kevin Keegan à Hambourg au début des années

80, Michel Platini à la Juventus un peu plus tard dans la décennie ou encore le fameux

trio néerlandais Gullit, Van Basten, Rijkaard, colonne vertébrale du grand Milan du

tournant des années 80 et 90. Les règlements UEFA du début des années 90

permettaient, on l'a vu, à trois joueurs étrangers (plus deux joueurs étrangers formés

localement) de figurer dans les effectifs de chaque club appartenant à une fédération

affiliée à l'UEFA. Ce qui est en revanche nouveau avec l'arrêt Bosman, c'est l'ampleur

de cette mobilité.

Ainsi l'on peut faire la distinction entre d'une part les pays d'émigration et d'autre

part les pays d'immigration :

parmi les pays d'émigration, on trouve la France, les Pays-Bas, la Belgique, le

Portugal, les pays de l'Est etc. La plupart de ces pays ont une assez grande tradition

de football pour former des joueurs susceptibles d'intéresser les grands clubs mais

n'ont pas un pouvoir d'attraction suffisant pour attirer des joueurs étrangers de

premier plan ou retenir leurs meilleurs joueurs. Cela est principalement dû à leur

petite taille (Belgique, Pays-Bas), la faiblesse générale de leur championnat (pays

de l'Est) ou à des conditions fiscales qui empêchent les clubs de s'aligner sur les

salaires proposés par les pays d'immigration (la France). Pour les pays d'émigration,

l'arrêt Bosman a été un facteur d'appauvrissement : le départ des principaux talents

nationaux, effectif dès 1996 (cf tableau des joueurs français évoluant à l'étranger sur

lequel l'année 1996 marque une importante accélération), n'a pu être compensé par

l'arrivée de joueurs étrangers de même qualité. Le modèle de fonctionnement d'un

grand nombre de clubs issus des pays d'émigration, fondé sur la formation de

jeunes joueurs au sein d'écoles de football, a été de fait mis en question. A quoi bon

former des jeunes si ceux-ci doivent quitter le club après un ou deux ans en équipe

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professionnelle ? Dans ces conditions, la formation ne s'insère plus dans un projet

sportif à long terme, mais devient avant tout une source de revenus. On ne forme

plus pour renforcer son équipe mais pour sa survie économique.

parmi les pays d'émigration, l'on retrouve sans surprise les trois grands

championnats européens à savoir l'Angleterre, l'Italie et l'Espagne. L'Italie dominait

le football de club de l'avant Bosman. L'Angleterre se relevait alors d'une interdiction

de participer à toute compétition européenne depuis cinq ans suite au drame du

Heysel. Les trois pays réunissaient, et continuent de réunir, des conditions

attractives pour les joueurs étrangers. Une pression fiscale moins élevée que chez

leurs concurrents français ou allemands tout d'abord, qui permet aux clubs de

proposer de conditions salariales avantageuses. L'Espagne notamment, offre même

un statut particulier aux sportifs professionnels étrangers évoluant dans le

championnat national par rapport au contribuable lambda. Ces trois pays disposent

ensuite d'une culture du football très largement ancrée dans la population. Evoluent

dans ces championnats des clubs renommés, maintes fois titrés, dont le prestige est

en mesure d'attirer n'importe quel joueur étranger. En plus d'avantages financiers,

les pays d'émigration proposent aux joueurs étrangers un véritable challenge sportif

et donc des perspectives de progression individuelle : la possibilité de jouer au sein

d'un championnat stimulant et éventuellement de jouer les premiers rôles dans les

compétitions européennes dans le but, par exemple, de se faire remarquer par le

sélectionneur national.

Aussi, l'arrêt Bosman a très largement participé d'une internationalisation du

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football européen de clubs.

2) L'inflation des salaires et du prix des transferts

L'inflation des salaires est générale depuis 1996. La libéralisation du marché a

eu un effet important. Elle a tout d'abord ouvert un marché de joueurs très talentueux

sur lesquels les clubs européens sont entrés en concurrence, faisant logiquement

monter les enchères. L'on remarque que cette inflation est plus ou moins importante en

fonction des pays considérés :

elle est très importante chez les pays d'immigration. Ceux-ci ont profité de leur

compétitivité fiscale et économique pour proposer des salaires élevés aux meilleurs

joueurs des championnats structurellement plus faibles ;

elle est également significative mais moins importante au sein des pays

d'émigration. Les clubs issus des championnats plus faibles économiquement ont eu

tendance à augmenter les salaires de leurs joueurs stars afin de les retenir, sans

pouvoir pour autant concurrencer les clubs étrangers.

Aujourd'hui, le rapport des salaires moyens des joueurs du championnat anglais

et français est de 3/1. Lorsqu'un joueur de Premiere League gagne en moyenne 130

000€ par mois, un joueur français en touche 40 000€. La libéralisation n'en est pas la

seule raison de cette inflation : elle tient également à l'explosion des droits télévisés, à

l'arrivée de sponsors permettant aux joueurs stars de valoriser leur image etc.

L'inflation des transferts est moins univoque. Elle a tout d'abord connu une

véritable explosion entre 1996 et 2001. La majorité des plus gros transferts de l'Histoire

ont été réalisés durant cette période (Zidane et Figo au Real Madrid, Veron et Vieiri à la

Lazio de Rome, Rio Ferdinand à Manchester United et même Nicolas Anelka au PSG).

Elle s'est ensuite considérablement ralentie : les montants des transferts avaient atteint

des prix records, difficilement supportables, même pour les clubs les plus fortunés.

D'importantes dépenses se sont transformées en véritable fiasco, incitant les

investisseurs à contrôler leurs dépenses. En France, François Pinault, président du FC

Rennes, avait investi 210 millions de francs sur deux joueurs alors inconnus : le

Brésilien Lucas et l'Argentin Turdo. Ces deux recrues ne sont pas parvenues à

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s'imposer sur les pelouses de Première Division et ont provoqué une perte sèche pour

le club. A partir de 2003, l'arrivée d'investisseurs étrangers dans le football anglais a

relancé la folie des transferts, mais celle-ci s'est alors localisée outre-manche. Chelsea

a notamment dépensé des sommes considérables pour bâtir une équipe compétitive,

recrutant systématiquement, au moins jusqu'en 2006, des joueurs bien au-dessus de

leur prix de marché. Aujourd'hui, Manchester City est dans le même cas. Ces deux

clubs ont pu se permettre ce genre de folies dans la mesure où ils disposaient de

solides garanties financières en la personne de leurs propriétaires respectifs.

Section 2- Les atteintes à l'équilibre compétitif

Il est communément admis que l'essence de la compétition sportive, réside en la

mise en scène d'une compétition dont l'issue est a priori incertaine.39 Une épreuve

sportive dont les résultats sont prévus à l'avance, dont le déroulement est scénarisé, ne

peut donc se targuer d'être une compétition. C'est notamment le cas du catch américain

qui, pour réclamer une condition physique d'athlète, n'en demeure pas moins un

spectacle.

Les économistes du sport se sont très tôt intéressés au corollaire de

l'incertitude du résultat : l'équilibre compétitif. Dès 1956, Simon Rottenberg notait que

« la nature de l'industrie (était) telle que les compétiteurs (devaient) de « taille » à peu

près équivalente afin qu'ils aient tous une chance de l'emporter ; cela semble être un

attribut propre au sport professionnel de compétition ».40 Dans le sport professionnel,

l'équilibre paraît être une nécessité éthique d'une part, le principe d'équité entre les

différents protagonistes étant consubstantiel à la notion même de sport, économique

d'autre part. En effet, les économistes reconnaissent généralement que plus la

compétition est équilibrée, plus elle dégage un intérêt en mesure d'attirer les

spectateurs et téléspectateurs, plus grands sont les revenus qu'elle est susceptible

39 Colin Miège, op.cit., p.6

40 Simon Rottenberg, « The Baseball Players’ Labor Market », Journal of Political

Economy, juin 1956, p. 64, notre traduction

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d'engendrer.41 En ce sens, l'équilibre compétitif serait un bien commun, c'est à dire qu'il

profiterait économiquement à tous les acteurs du sport professionnel : les propriétaires

bien sûr, mais aussi les diffuseurs des compétitions ou les joueurs qui se partagent la

même part d'un plus gros revenu etc.

L'impact de l'arrêt Bosman sur l'équilibre compétitif n'est pas nécessairement

évident à mesurer. L'on ne peut raisonner toute chose étant égale par ailleurs : la

libéralisation du marché des contrats n'est qu'un des facteurs de l'évolution du football

européen ces dernières années. Toutefois, l'inversion de certaines tendances,

notamment en ce qui concerne les compétitions européennes (resserrement de l'élite

autour de quelques clubs issus de quelques pays), est assez significative pour que l'on

puisse faire le bilan d'un avant et d'un après Bosman.

Paragraphe 1 - L'impact de l'arrêt Bosman sur les compétitions

nationales et européennes

1) L'impact de l'arrêt Bosman sur les compétitions nationale

L'évolution de l'équilibre compétitif des différentes compétitions internationales

après l'arrêt Bosman n'est pas univoque.

En Allemagne, l'équilibre compétitif est traditionnellement bien respecté. S'il est vrai

que le Bayern Munich domine globalement le football allemand de l'avant et de

l'après Bosman, il n'en reste pas moins que le championnat est régulièrement

équilibré, permettant à diverses équipes de s'illustrer.

En France et au moins dans un premier temps, l'arrêt Bosman a paradoxalement

contribué à l'amélioration de l'équilibre compétitif de la principale compétition

nationale, à savoir le championnat de L1. Cela n'a toutefois été rendu possible que

par l'exode massif de la plupart des meilleurs joueurs français, non-remplacés par

41 Jean-François Bourg et Jean François Gouguet, Economie politique du sport professionnel, Vuibert,

2006, p. 187, Vuibert, décembre 2006.

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des joueurs étrangers de niveau équivalent. L'arrêt Bosman a entraîné un véritable

nivellement par le bas du championnat de France de Ligue 1, caractérisé, comme

nous allons le voir, par la baisse de performances des clubs français sur le plan

européen.

Cette tendance, forte dans les premières années ayant suivi l'arrêt Bosman puisque

de 1997 à 2001, la Ligue a connu quatre champions différents (Monaco deux fois,

Lens, Bordeaux et Nantes) sans qu'aucun club ne parvienne à conserver son titre,

est aujourd'hui remise en cause par la domination sans partage de l'Olympique

Lyonnais.

Dans les trois principaux championnats européens, à savoir en Espagne, en

Angleterre et en Italie, à l'équilibre compétitif traditionnellement faible, l'arrêt Bosman

a pérennisé cet état de fait et, dans le cas des deux derniers pays cités, l'a même

renforcé. Les titres nationaux sont, dans ces trois pays, trustés depuis l'origine par

un petit nombre de clubs historiques. En Espagne, le FC Barcelone (18 titres) et le

Real Madrid (31 titres) réunissent à eux seuls 49 des 77 Liga attribuées dans

l'Histoire. En Italie, la Juventus, le Milan AC et l'Inter Milan ont remporté 60 éditions

du scudetto contre 45 pour tous les autres clubs réunis. En Angleterre, si la

tendance est un peu moins marquée, le championnat étant le plus vieux en Europe,

Liverpool, Manchester United et Arsenal ont raflé à eux seuls 48 titres. Grâce à

l'arrivée de Roman Abrahmovitch à sa tête, le Chelsea FC a pu rompre l'hégémonie

des Reds et des Gunners (aucun titre n'a échappé à Manchester United ou Arsenal

entre 1995 et 2005) et former ce groupe de quatre équipes connu sous le nom de

Big Four.

En ouvrant les frontières du marché européen, l'arrêt Bosman a entraîné une

concentration des talents vers ce gotha de clubs, dont la notoriété, tant auprès des

joueurs, des supporters, des investisseurs ou des sponsors, était déjà bien établie

avant 1995. Possédant non plus seulement les meilleurs joueurs nationaux, mais

également les meilleurs joueurs internationaux, les grands clubs des trois principaux

championnats ont pu asseoir leur domination domestique et s'assurer d'une

qualification quasi-systématique pour la rémunératrice Ligue des Champions

(versement de droits télévisés, primes à la victoire etc.), ce qui renforce encore plus

la mainmise financière de ces clubs sur leurs championnats nationaux etc.

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2) L'impact de l'arrêt Bosman sur les compétitions européennes

Si l'arrêt Bosman a eu des effets ambivalents sur l'équilibre compétitif des

différentes compétitions nationales, le constat est plus net concernant les compétitions

européennes dans la mesure où il a contribué à un resserrement de l'élite.

L'observation empirique des résultats de la principale compétition européenne, à

savoir la Ligue des Champions (ancienne Coupe d'Europe des Clubs Champions),

permet de constater un resserrement du football européenne autour d'une élite de

quelques clubs riches.

Sur la période allant de 1997 à 2008, à savoir de la première saison de l'entrée

en vigueur effective pour les clubs de la jurisprudence Bosman à la dernière édition de

la Ligue des Champions, l'on remarque, par rapport à la période allant de 1986 à 1997,

un resserrement à la fois du nombre de vainqueurs différents de la C1 et du nombre de

pays d'origine des dits clubs. (cf tableau)

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Si, à la fin des années 80 et dans la première partie des années 90, plusieurs

nouveaux clubs (Steaua Bucarest, PSV Eindohven, FC Porto, Olympique de Marseille,

Etoile Rouge de Belgrade, FC Barcelone) et trois nouveaux pays (Roumanie, France,

Yougoslavie) avaient pu remporté leur première C1, la période post-Bosman est

marquée par un resserrement de l'élite européenne, favorisée en outre par les deux

changements de formule successifs de la compétition pendant la période, permettant

aux pays les mieux classés à l'indice UEFA de qualifier deux (1997) puis jusqu'à quatre

clubs (1999), ceux-ci ne pouvant se rencontrer entre eux qu'à partir des quarts de

finale.

Ainsi a-t-on pu observer en 2003 la présence de trois clubs italiens en demi-

finale (Milan AC, Inter Milan et Juventus Turin) puis, en 2007 et 2008, la présence de

trois clubs anglais (Manchester United, Chelsea et Liverpool dans les deux cas),

concrétisan en termes sportifs la domination économique de la Premiere League,

manifeste depuis l'afflux d'investisseurs étrangers.

Avant l'arrêt Bosman Après l'arrêt Bosman

1985 Juventus de Turin 1997 Borussia Dortmund

1986 Steaua Bucarest 1998 Real Madrid Jusqu'à 2 clubs qualifiés par pays

1987 FC Porto 1999 Manchester United

1988 PSV Eindohven 2000 Real Madrid Jusqu'à 4 clubs qualifiés par pays

1989 Milan AC 2001 Bayern de Munich

1990 Milan AC 2002 Real Madrid

1991 Etoile Rouge de Belgrade 2003 Milan AC

1992 FC Barcelone 2004 FC Porto

1993 Olympique de Marseille 2005 Liverpool FC

1994 Milan AC 2006 FC Barcelone

1995 Ajax d'Amsterdam 2007 Milan AC

1996 Juventus de Turin 2008 Manchester United

Par pays

Italie 5 Espagne 4

Pays-Bas 2 Angleterre 3

Portugal 1 Allemagne 2

Roumanie 1 Italie 2

Yougoslavie 1 Portugal 1

Espagne 1

France 1

Par clubs

Milan AC 3 Real Madrid 3

Juventus Turin 2 Milan AC 2

Ajax Amsterdam 1 Manchester United 2

PSV Eindohven 1 Borussia Dortmund 1

FC Porto 1 Bayern Munich 1

Steaua Bucarest 1 FC Liverpool 1

Etoile Rouge de Belgrade 1 FC Barcelone 1

FC Barcelone 1 FC Porto 1

Olympique de Marseille 1

Palmarès de la LDC avant et après l'arrêt Bosman (source UEFA)

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Paragraphe 2 – La corrélation entre puissance financière et résultats

sportifs

1) Il existe un lien entre résultats et richesse...

La corrélation entre puissance financière et résultats sportifs est difficile à

mesurer. A première vue, il paraît évident que l'on ne peut expliquer les résultats d'une

compétition sportive de clubs par la seule surface financière des clubs la disputant. Si la

corrélation était automatique et univoque, l'on observerait une correspondance

systématique entre les classements annuels des clubs les plus riches, réalisés par des

cabinets d'audits, et le palmarès des grandes compétitions nationales et européennes.

Mais si la réussite sportive d'un club professionnel ne dépend pas exclusivement de ses

moyens financiers, diverses études convergent jusqu'à dessiner une tendance lourde :

la richesse d'un club ne garantit pas nécessairement son succès aux échelles nationale

et européenne mais elle est devenue un préalable indispensable pour prétendre jouer

les premiers rôles.

Dans le contexte d'un marché libéralisé, où la circulation des joueurs

professionnels est largement garantie par le droit européen, la concurrence

internationale quant à le recherche des talents s'est considérablement accrue. L'on a vu

précédemment que la libéralisation du marché avait provoqué une importante inflation

des salaires et des montants des transferts entre clubs. Ainsi, la puissance financière

est devenue un facteur décisif dans l'allocation des talents. Les clubs les plus riches

disposent d'un avantage d'autant plus décisif dans l'acquisition des meilleurs joueurs

que les entraves à l'arrivée en masse de joueurs étrangers sont levées.

A court terme, la libéralisation du marché des footballeurs professionnels de haut

niveau a entraîné une concentration des talents dans les clubs ayant la trésorerie

nécessaire au paiement d'importantes indemnités de transferts et salaires. Le Real

Madrid de Florentino Perez est certainement l'étendard de cette tendance avec sa

politique de recrutement de « galacticos », à savoir les arrivées successives entre l'été

2000 et l'été 2003 de Luis Figo, Zinedine Zidane, Ronaldo (tous trois Ballon d'or) et

David Beckham, dans le but de constituer une équipe de stars capables à la fois de

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collectionner les succès sur les terrains et de servir de produit d'appel à la « marque

Real Madrid ». L'arrivée à Chelsea de Roman Abrahmovitch a marqué le début d'une

vague de nouveaux investisseurs dans le championnat anglais qui, reprenant des clubs

alors considérés comme des seconds ou troisièmes couteaux, ont bâti à grands renforts

de pétrodollars, des équipes de vedettes. Parmi les transferts les plus emblématiques

réalisés par les Blues, on peut noter les arrivées de Claude Makélélé (en provenance

justement du Real Madrid), des Argentin Crespo et Veron, du Ghanéen Michael Essien

(36M€ en provenance de l'Olympique Lyonnais), de l'Ivoirien Didier Drogba ou encore

de l'Ukrainien du Milan AC et ballon d'or, Andrei Chevtchenko. Ces opérations

spectaculaires sur le marché des transferts ont permis à Chelsea de rafler en deux

titres en deux ans, soit deux fois plus que dans toute l'histoire précédente du club...

2) ... mais ce lien n'est pas nécessaire et mérite d'être nuancé

Des nuances demeurent toutefois à apporter. Les exemples ne manquent pas de

clubs riches ou nouvellement riches n'ayant pas obtenu de résultats sportifs à la

hauteur des investissements sportifs réalisés (cf résultats Real Madrid, Manchester City,

Newcastle, Tottenham etc.)

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Source Ineum Consulting in Rapport Besson « Accroître la compétitivité du football professionnel

français », novembre 2008.

Ce schéma, issu du rapport annuel sur l'état du football professionnel français de

la société Ineum Consulting met en rapport le chiffre d'affaires et l'indice UEFA

(classement par club en fonction des performances réalisés dans les compétitions

continentales sur les cinq dernières saisons).

L'on doit tout d'abord noter que le classement par chiffre d'affaires,

traditionnellement employé pour classer la richesse des clubs européens, s'il est

significatif des clubs ayant les revenus les plus importants, ne reflète pas

nécessairement les dépenses réalisées sur le marché des transferts ou la masse

salariale. En l'absence de contrôle de gestion européen, certains clubs étrangers,

notamment anglais, laissent courir une dette importante qui, en France, conduirait ces

clubs à la relégation administrative. En outre, il faudrait relativiser la richesse des clubs

en termes de pouvoir d'achat puisque, selon les fiscalités nationales (celles-ci étant plus

élevées en France ou en Allemagne qu'en Espagne ou en Italie) le coût d'un même

salaire net sera plus ou moins élevé pour un club. Ainsi, il n'est pas certain qu'un club

français comme l'Olympique Lyonnais, classé treizième club le plus riche du monde en

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termes de revenus par les experts de Deloitte & Touche42 dispose du treizième plus

important pouvoir d'achat européen.

En dépit des réserves que l'on peut apporter à ce type de classements par

revenus (méthodologie employée, différence des résultats obtenus etc.), il est

indéniable qu'ils permettent de dresser un portrait réaliste des rapports de force entre

clubs européens. Ce schéma est donc utile pour nuancer le rôle de la puissance

financière sur les résultats sportifs et amène à quelques observations.

Une corrélation parfaite entre revenus et classement UEFA impliquerait que

chaque club de situe sur la droite dessinée en pointillés, du plus riche au moins riche.

Or, l'on observe un certain éparpillement autour de cette droite.

Au dessus de la droite, on observe des clubs dont les importants revenus ne

sont pas répercutés par des résultats sportifs en conséquence. Parmi ceux-ci, on

retrouve le Real Madrid, club le plus riche du monde qui a échoué de manière répétée

en quarts puis en huitièmes de finale de la Ligue des Champions ces cinq dernières

années. La Juventus, club italien au plus hauts revenus, paie ici sa relégation en Serie

B suite à une affaire de corruption, l'ayant privée de compétitions européennes pendant

deux ans. La place des clubs anglais doit être relativisée dans la mesure où le

classement ne prend pas en compte les résultats de la saison 2007-2008, alors même

que Manchester United et Chelsea se sont affrontés en finale de la Ligue des

Champions.

En dessous de la droite, on retrouve les clubs dont les résultats sportifs sont

supérieurs à leur richesse. Parmi eux, le FC Séville, double vainqueur de la Coupe de

l'UEFA (2006, 2007), le FC Porto, vainqueur, à la surprise générale, de la Ligue des

Champions 2004, ou encore le PSV Eindohven, meilleur représentant néerlandais ces

dernières années en Coupe d'Europe.

Ainsi, la richesse d'un club ne garantit pas nécessairement ses succès sportifs.

Chelsea, malgré les investissements records réalisés par son propriétaire Roman

Abrahmovitch sur le marché des transferts n'est pas encore parvenu à remporter

l'épreuve. Encore plus marquant est l'échec de la politique des galacticos du président

Florentino Perez au Real Madrid. Après une dernière Ligue des Champions conquise

42 Site Internet de la FIFA, “Le Real Madrid club le plus riche du monde”, 14 février 2008

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en 2002, l'année de l'arrivée de Zidane, le Real n'a plus atteint une seule finale

européenne et ce, malgré d'importants investissements réalisés en matière de

transferts (Van Nistelrooy, Sneijder, Van de Vaart, Robben, Sergio Ramos etc.) Dans le

même ordre d'idées, l'opulente Lazio de Rome de la fin des années 1999 et du début

des années 2000, n'a jamais traduit sa puissance financière en domination sportive à

l'échelle continentale. Elle est redevenue quelques années plus tard un club parmi

d'autres en Serie A. Aujourd'hui, même s'il est encore tôt pour en juger, son nouveau

propriétaire émirati Suleiman Al-Fahim n'étant arrivé qu'en août 2008, Manchester City

végète dans le ventre mou de la Premiere League alors même qu'il a réalisé, cet été

puis au mercato d'hiver, des transferts spectaculaires.

3) Une analyse empirique des derniers succès de grands clubs européens

Si la puissance financière n'est pas un facteur suffisant pour garantir le succès

sportif, il n'en reste pas moins une condition préalable pour l'atteindre, dans les

compétitions nationales comme dans les compétitions régionales. Dès lors, il est

possible d'avancer quelques tentatives d'explications aux succès de certains clubs et

aux échecs répétés d'autres, au moins aussi riches. Il n'est ici pas le lieu d'entrer dans

des considérations tactiques. Il n'en est pas moins net que les quatre derniers

vainqueurs de la Ligue des Champions (à savoir le Liverpool FC, le FC Barcelone, le

Milan AC et Manchester United) semblent avoir fondé leur succès sur quelques

éléments communs :

leur richesse tout d'abord43. Ces quatre clubs disposent de moyens financiers

d'envergure, provenant de diverses sources (billetterie, sponsoring, droits télévisés

importants etc.) et dispose d'une notoriété internationale bien établie par des succès

antérieurs. Ils ont l'habitude de bien figurer dans leurs championnats de manière

très régulière, ce qui les assure presque de participer à la Ligue des Champions et

de bénéficier en conséquence d'une manne supplémentaire.

une gestion de l'effectif sportif alliant le recrutement de stars coûteuses d'une part

43 D'après le classement de Deloitte, Manchester est le deuxième club le plus riche du monde,

Barcelone le troisième, le Milan AC le sixième, Liverpool le huitième.

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(Ronaldinho ou Eto'o pour le FC Barcelone, Kaka, Pirlo pour le Milan AC, Cristiano

Ronaldo ou Rio Ferdinand pour Manchester United) et une confiance placée dans la

formation locale. Ainsi observe-t-on que ces quatre clubs possèdent des joueurs

emblématiques, au club depuis le début de leur carrière : Gerrard et Carragher pour

Liverpool, Xavi, Iniesta ou Carles Puyol pour le FC Barcelone, Paolo Maldini pour le

Milan AC ou Paul Scholes et Ryan Giggs pour Manchester United. Cette politique

modérée, autorisée par des budgets importants qui assurent le paiement de hauts

salaires aux joueurs essentiels, a l'avantage d'assurer une certaine stabilité à

l'effectif sportif. En outre, la présence de joueurs d'expérience, rôdé à la compétition

et aux habitudes locales, permet aux jeunes recrues d'emmagasiner de l'expérience

et d'évoluer dans un contexte favorable à leur progression. Enfin, la présence de

joueurs du cru est un facteur de ralliement pour les fans locaux qui s'identifient plus

facilement à ces derniers qu'à des joueurs étrangers.

La présence d'entraîneurs de renom dotsé d'une expérience internationale et d'un

palmarès conséquent, soit comme joueur (Franck Rijkaard pour le FC Barcelone),

soit comme entraîneur (Raphael Benitez pour Liverpool, Sir Alex Ferguson pour

Manchester United), soit les deux (Carlo Ancelotti) pour le Milan AC. Là encore, la

présence d'entraîneurs de renom n'est possible qu'à la condition de leur proposer

des salaires en conséquence de leur notoriété.

B) Un autre football est-il possible ou quelles nouvelles

régulations pour le football professionnel européen ?

Le football européen de l'après Bosman ne peut reposer indéfiniment sur de tels

déséquilibres. Le tassement des audiences de la Ligue des Champions marque le

désintérêt progressif du public pour une compétition qui fait prévaloir la rentabilité

économique sur l'équilibre compétitif. La logique de l'investisseur et celle du l'amateur

de sport sont contradictoires : le premier recherche la sécurité, le second nourrit sa

passion de l'incertitude du résultat. Aussi, le sport est un domaine dans lequel la logique

de marché ne peut durablement primer. Il faut donc réfléchir à un certain nombre de

réformes.

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Il y a deux manières d'envisager celles-ci : s'inspirer de ce qui existe déjà

ailleurs, quitte à faire évoluer le modèle sportif européen, ou chercher des solutions

originales à des problèmes se posant dans un cadre particulier. Il est donc nécessaire

de se pencher sur les réformes inspirées du modèle sportif américain, dont nous allons

voir qu'il diffère sensiblement du nôtre. Il faudra ensuite considérer les propositions de

réformes originales émanant des autorités sportives et des économistes du sport.

Section 1 - Des réformes inspirées du modèle américain

L'opposition entre les modèles européen et américain d'organisation

professionnel est un classique de l'économie du sport. De manière assez paradoxale, le

modèle américain est beaucoup plus régulée que le modèle européen, lequel a connu,

sous l'influence des instances européennes, un important mouvement de libéralisation

couronné par la jurisprudence Bosman. Il est donc légitime de se poser la question de

la transposition en Europe du modèle américain ou, du moins, de certains de ses

instruments de régulation. A cet égard, il est tout d'abord utile de caractériser

rapidement la nature de ces deux modèles.

Paragraphe 1 - Une rapide description des deux modèles

d'organisation du sport professionnel

1) Le modèle européen

Ainsi que nous avons pu l'observer, la structure et l'organisation du sport

professionnel américain diffère sensiblement de celles du sport européen. Tant et si

bien qu'il est possible de parler de l'existence de deux modèles bien distincts.

La spécificité principale du système européen repose sur l'imbrication entre sport

amateur et sport professionnel. A quelques exceptions près (l'Euroligue de basket

notamment, devenu une ligue semi-fermée), les championnats européens sont

organisés selon une hiérarchie de divisions, de la première qui constitue l'élite, aux plus

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petites divisions régionales et départementales. Selon les règlements, un certain

nombre de clubs sont promus ou relégués dans la division supérieure ou inférieure en

fonction de leur résultat à l'issue de la saison. Ainsi, la frontière entre amateurisme et

professionnalisme est perméable et, par le jeu des promotions, un club de football

amateur français peut théoriquement gravir les échelons jusqu'à atteindre le National ou

la Ligue 2 et prendre ainsi le statut de club professionnel. L'exemple le plus illustre est

sans doute celui de l'AJ Auxerre, ancien club de division d'honneur promu en Division 1

en 1980 sous la houlette du président Hamel et de l'entraîneur Guy Roux.

Aux compétitions nationales, se superposent les compétitions européennes. La

qualification pour les compétitions européennes est traditionnellement conditionnée par

les résultats du club dans sa compétition nationale. Jusqu'à 1997, seul le champion

national de chaque pays membre de l'UEFA était qualifiable pour la Coupe d'Europe

des Clubs champions (ou C1), devenue en 1992 la Ligue des Champions. Les

vainqueurs de coupes nationales (à ne pas confondre avec les coupes de la ligue)

réunissant dans une même compétition clubs amateurs et professionnels s'affrontaient

la saison suivante pour le gain de la Coupe d'Europe des Vainqueurs de Coupe (C2)

tandis que les dauphins du champion se qualifiaient pour la Coupe des villes de foires

(C3) devenus ensuite la Coupe de l'UEFA. La Coupe des Coupes a été supprimée en

1999 (Chelsea en est le dernier vainqueur). Aujourd'hui, la Ligue des Champions est

devenue une sorte de première division européenne regroupant les meilleurs clubs (un

à quatre clubs par pays selon l'indice UEFA). La Coupe de l'UEFA (qui changera de

nom l'an prochain pour être pompeusement baptisée « Europa Cup ») regroupe les

deuxièmes et troisièmes couteaux européens, ainsi que les recalés des premiers tours

de la C1.

2) Le modèle américain

Selon Gerald Scully44, la naissance d'un modèle américain alternatif est une

conséquence de l'Histoire. L'on peut avec lui relever les deux facteurs principaux de la

création de ce modèle :

le professionnalisme dans le domaine sportif est apparu très tôt aux Etats-Unis

44 Gerald Scully, «The Market Structure Of Sports», Chicago, The University Of Chicago Press, 1995.

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tandis qu'il s'est généralisé en Europe dans les années 20 et 30. Il y était

auparavant considéré comme une perversion de l'idéal sportif et olympique ;

les propriétaires de club ont très rapidement vu dans le professionnalisme une

opportunité pour constituer le mouvement sportif en industrie. En découle une

conception du sport comme spectacle autour duquel l'on va développer une série

d'activités dans le but de réaliser du profit.

En dépit de ces visées lucratives parfaitement assumées, les propriétaires ont

constamment estimé qu'il était important de garantir au mieux l'équilibre compétitif afin

de préserver l'intérêt des supporters et spectateurs qui représentent autant de

consommateurs potentiels. De manière assez paradoxale, la conciliation de l'impératif

économique et de l'équilibre compétitif a abouti, au sein même d'une économie libérale,

à la constitution d'un système collectiviste .

Ainsi, et depuis la fin du XIXème siècle, le sport professionnel américain

s'organise en ligues nationales fermées (National Hockey League, National Basket

Association, National Football League et Major League of Base-ball pour les plus

importantes). Ces ligues sont constituées de franchises dont le nombre est limitée et qui

doivent toutes payer un droit d'entrée. La participation de chaque franchise aux

compétitions de la Ligue est garantie d'année en année. Il n'existe ni promotion, ni

relégation, ce qui protège les différentes franchises des aléas de mauvais résultats

sportifs qui entraîneraient un important manque à gagner. Cette sécurité est un gage

pour les investisseurs qui peuvent espérer des revenus stables et s'engager de manière

pérenne sans craindre les aléas sportifs. Afin de garantir une répartition équitable des

revenus, un mécanisme de négociation collective a été mis en place. On distingue ainsi

deux types de revenus : les revenus partagés et les revenus non-partagés45. Parmi les

revenus partagés figurent les droits nationaux de retransmissions télévisées, qui sont la

principale source de revenus des différentes franchises. Ce sont donc les ligues qui

négocient collectivement les contrats télévisés et qui répartissent de manière égalitaire

les revenus engendrés. Les revenus non-partagés sont, eux, notamment composés des

droits de retransmissions locaux et des recettes du merchandising.

Outre ce système de répartition des revenus, qui ne connaît guère d'équivalent

45 J.F. Bourg et J.J. Gouguet (2006), op. cit.,p.197.

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en Europe46, les ligues professionnels américains ont mis en place divers systèmes

destinés à réglementer le marché du travail du sport professionnel et, de fait, à assurer

une allocation équitable du talent entre les franchises. Parmi les deux mécanismes les

plus représentatifs et dont les économistes et les instances européennes ont envisagé

ou continuent d'envisager la transposition, l'on peut relever la draft et le salary cap, que

l'on peut traduire en Français par le plafonnement des salaires.

La draft47 est un système de sélection des jeunes joueurs, généralement issus

des universités américaines ou des clubs étrangers, mais pouvant également provenir

du lycée (certains joueurs de basket-ball aussi talentueux et précoces que Kobe Bryant

ou Lebron James ont été jugé aptes à rejoindre la NBA sans finir leur formation dans

une université) ou des ligues mineures. Chaque année, les franchises se voient

attribuer un ordre de choix en raison inverse de leur classement sportif et sélectionnent

les jeunes joueurs inscrits à la draft afin d'acquérir leurs droits exclusifs et de les

intégrer à leur effectif. Ce système permet aux clubs les plus mal classés de

sélectionner les jeunes joueurs les plus talentueux afin d'espérer, à court ou à moyen

terme, bâtir une équipe compétitive. Les tours de draft sont négociables et

échangeables. De cette manière, une équipe bénéficiant d'une bonne place dans le

processus de sélection mais favorisant le recrutement de joueurs d'expérience, peut

proposer à une autre franchise de lui céder son tour de draft contre un joueur. Selon

Marc Lavoie48, toutes les études récentes montrent l'efficacité de ce mécanisme. Grier

et Tollison49 ont montré une relation directe entre le pourcentage de victoires d'une

équipe et les pourcentages de victoires des années précédentes et donc leur position

dans le classement de la draft.

46 Si en France, les droits télévisés sont négociés de manière collective, la Ligue en ayant le monopole,

ce n'est pas le cas en Espagne, où chaque club négocie lui-même ses droits avec les chaînes de

télévision. Cela a pour évidente conséquence de placer les grands clubs en position de force par

rapport aux plus modestes, pour lesquels les diffuseurs ne se bousculent pas. Les écarts de revenus

ainsi engendrés détériorent l'équilibre compétitif dans un championnat traditionnellement déséquilibré.

47 Ce terme est parfois traduit en Français par “repêchage amateur”. Cependant, un tel mécanisme

n'existant pas en Europe, il nous paraît plus approprié d'avoir recours au terme américain.

48 Marc Lavoie, «Faut-il transposer à l'Europe les instruments de régulation du sport professionnel nord-

américain ?» in J.J. Gouguet, op. cit., p. 73.

49 K.B. Grier et R.D. Tollison, «The rookie draft and competitive balance : the case of professionnal

footbal», Journal of Economic behavior and organization, vol. 25, n°2, , 1994, pp. 293-298.

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Le système de salary cap détermine quant à lui le plafonnement de la masse

salariale totale de la ligue. La négociation collective entre propriétaires et joueurs

aboutit à déterminer la part des revenus de la Ligue qui doit revenir à ces derniers. La

somme obtenue est alors divisée par le nombre de franchises au sein de la ligue, de

manière à fixer la limite salariale par franchise. L'on distingue l'application stricte et

généralisée de ces critères (hard salary cap), en vigueur au sein de la NHL, et leur

application souple (soft salary cap) en NBA, où seuls les salaires des jeunes joueurs

sont plafonnés.

Paragraphe 2 - L'impossible transposition du modèle américain

1) Faut-il fermer les ligues européennes ?

La question de la fermeture des ligues professionnelles, laquelle s'apparenterait

fortement à la transposition du modèle américain, se pose de manière régulière depuis

une dizaine d'années à la fois dans les instances sportives et parmi les économistes du

sport.

Hoen et Szymanski50 ont le mieux formulé cette éventualité : pour eux,

l'existence des deux degrés de compétition, national et européen, n'est pas viable dans

la mesure où elle structure le déséquilibre compétitif au sein des compétitions

nationales. Au sein d'un même championnat, cohabitent des équipes souhaitant être

performantes lors des compétitions européennes et d'autres se contentant d'une

participation au championnat national. Afin de parvenir à leurs fins, les premières vont

davantage investir dans l'achat de joueurs internationaux performants tandis que les

secondes se contenteront d'investissements moins lourds et engageront des joueurs

moins talentueux ou réputés comme tels. La situation sera pérennisée par les revenus

supplémentaires engendrés par la participation aux coupes européennes, notamment à

la C1. La constitution d'une ligue fermée ou semi-fermée à l'échelle européenne,

constituée des meilleurs clubs de chaque pays qui quitteraient de fait les compétitions

50 Thomas Hoen, Stefan Szymanski, «European football – The Structure of Leagues and Revenue

Sharing», , avril 1999

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nationales, permettrait de remédier à la situation. Elle rééquilibrerait à la fois les

compétitions nationales, dans la mesure où celles-ci ne regrouperaient plus que des

clubs d'une puissance financière et sportive équivalente, et la compétition européenne,

à laquelle il serait alors possible d'appliquer les mêmes instruments de régulation que

dans les ligues américaines.

Le projet de Media Partners

En 1998, le groupe de presse Media Partners, soutenu par plusieurs magnats de

la presse, parmi lesquels l'Allemand Leo Kirch, l'Américain Rupert Murdoch et Silvio

Berlusconi, alors président du Milan AC, avait formulé un projet de ligue européenne

privée semi-fermée51. Destinée à remplacer la Ligue des Champions, la compétition

était prévue pour regrouper 36 équipes dont une moitié, choisie parmi les clubs les plus

puissants d'Europe, aurait bénéficié d'un bail reconductible lui assurant trois

participations. L'autre moitié était constituée de clubs invités chaque année et choisis

parmi les champions nationaux. Selon le projet, chaque club participant aurait été

assuré d'un revenu minimum de 144,5 millions de francs tandis que les gains du

vainqueur auraient atteint 350 millions de francs la première année, soit quatre fois plus

que la somme distribuée en 1998 au champion d'Europe, le Real Madrid. Le projet de

Media Partners avait à l'époque reçu le soutien des principaux clubs concernés par une

participation assurée à l'épreuve. Jean-Michel Roussier, alors président délégué de

l'Olympique de Marseille, un des deux clubs français avec le Paris Saint Germain invité

à rejoindre de manière pérenne la Superligue, déclarait alors qu' « une telle idée ne

(pouvait) pas (nous) laisser indifférents ».

La ligue fermée à contre-courant de la culture sportive européenne

L'initiative de la création d'une ligue privée suscita en revanche l'émoi du reste

du monde du football. La FIFA, l'UEFA et les fédérations nationales affiliées, menacées

dans leur monopole d'organisation des compétitions de football, rejetèrent

vigoureusement la Superligue. En plus de vider de leurs substance les compétitions

européennes officielles et de priver les compétitions nationales de leurs équipes phares

51 L'Express du 24 septembre 1998

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et donc de leur intérêt, cette dernière aurait menacé l'unité du football mondial. Avec la

constitution d'une ligue privée, se matérialisait la création d'une organisation parallèle

du football européen, indépendant des fédérations nationales et internationales ainsi

que de l'International Board, chargée de fixer les règles du jeu. L'on aurait alors très

bien pu imaginer la création de nouvelles règles, par exemple destinées à formater les

matchs en fonction des besoins des retransmissions télévisés. Cohabiteraient alors

deux formes de football comme cohabitent actuellement deux formes de basket-ball : le

basket FIBA (Fédération Internationale de Basket Association) et le basket NBA,

chacun avec des règles et un arbitrage différents.

La parallèle avec la coexistence entre la FIBA et la NBA dessine d'ailleurs un

autre problème : celui de la dégradation des relations entre football de clubs et football

nationales. Jusqu'à un passé très récent, les franchises NBA refusaient régulièrement

de libérer leurs joueurs étrangers (leur nombre a explosé depuis le milieu de années

1990) afin que ceux-ci participent aux compétitions internationales organisées sous

l'égide de la FIBA (championnats d'Europe, championnats du monde voire Jeux

Olympiques). Sont régulièrement invoqués les risques de blessures, de fatigue,

l'absence au cours de la préparation d'avant-saison (les compétitions internationales se

déroulant en été ou au mois de septembre tandis que la NBA commence début

octobre). Très récemment, la participation de l'international français Boris Diaw, alors

joueurs des Phoenix Suns aux qualifications pour les championnats d'Europe 2009 a

été remise en cause jusqu'à la dernière minute52. L'employeur de Boris Diaw,

soucieuse d'une éventuelle blessure de son joueur, réputé fragile des lombaires, a

demandé à la Fédération française de Basket-Ball de contracter une assurance. Les

présidents de clubs européens, notamment au travers de feu le G1453, se sont fait écho

des méthodes utilisés en NBA, réclamant avec insistance aux fédérations

internationales une indemnisation en cas où leurs joueurs seraient retenus en équipes

nationales. Face à cette pression la FIFA et l'UEFA ont débloqué en janvier 2008 une

somme de 175 millions d'euros, destinée à dédommager les clubs dont les joueurs

52 L'Equipe du 23 juillet 2007,

version électronique consultable http://www.lequipe.fr/Basket/breves2007/20070723_141453Dev.html

53 Crée en 2000, le G14 était un regroupement de quatorze clubs européens parmi les plus puissants. Il

s'était fixé pour mission la défense des intérêts des clubs professionnels. Dissout en janvier 2008 sous

l'impulsion de la FIFA et de l'UEFA, il a depuis été remplacé par l'association européenne des clubs.

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participeraient à l'Euro 2008 et à la Coupe du Monde 2010.54

Transposer en Europe le modèle de ligue fermée sous l'égide d'une organisation

privée, c'est en outre accepter de mettre la recherche du profit au centre de l'activité

sportive. On l'a vu, la forte réglementation du modèle américain a été mise en place

dans l'objectif de maximiser les gains par la préservation de l'équilibre compétitif.

Chaque franchise se doit d'être rentable. Or, de mauvais résultats sportifs peuvent

entraîner la désaffection d'une partie d'une public local pour l'équipe et, corrélativement,

une perte de résultats financiers. Ainsi, il n'est pas rare de voir des franchises

déménager : 2008 a ainsi vu la délocalisation des Supersonics de Seattle, devenus le

Thunder d'Oklahoma. Une telle pratique serait difficilement acceptable en Europe, tant

l'ancrage du club dans son territoire est constitutive de l'identité sportive européenne.

Au total, c'est donc bien l'essence du modèle européen, les relations fondatrices

entre football amateur et football professionnel d'une part, entre territoire et club d'autre

part que remettraient en cause la création d'une ligue européenne fermée. L'identité du

sport européen ne survivrait sans doute pas à une transposition du modèle américain,

quand bien même celle-ci ferait l'objet d'aménagements à la marge. Il nous semble

impératif que la participation aux compétitions nationales et européennes soient

conditionnées par les résultats sportifs plutôt que par des critères financiers.

2) Une draft du football européen ?

Les conséquences positives du mécanisme de draft quant à la réalisation de

l'équilibre compétitif sont, on l'a vu, réelles et ont pu pousser certains économistes à se

poser la question de la transposition d'un tel système en Europe. Pourtant, la création

d'une draft qui permettrait aux moins bons clubs européens de se renforcer grâce à

l'intégration dans leur effectif de jeunes joueurs prometteurs nous semble impossible.

L'existence d'un tel mécanisme est en effet rendu possible en Amérique du Nord

par l'externalisation de la formation des jeunes joueurs. Ce sont les lycées, les

universités55 et les ligues professionnelles de développement (qui fonctionnent en

54 Le Monde du 25 janvier 2008, version électronique consultable

http://www.lemonde.fr/web/recherche_breve/1,13-0,37-1021555,0.html

55 Le sport est un des piliers du système universitaire américain. Les rencontres sportives entre

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partenariat avec les ligues majeures) qui assurent cette fonction. Les ligues majeures

puisent dans ce réservoir de joueurs et, réciproquement, les jeunes joueurs ne peuvent

espérer rejoindre l'élite qu'en étant sélectionnés par une franchise.

En Europe, la formation est internalisée, c'est à dire que ce sont les clubs eux-

mêmes qui supportent les coûts de formation des jeunes joueurs et en attendent un

retour sur investissement par l'intégration à leur effectif professionnel et/ou, une revente

future (l'on est ici dans le cadre de la théorie du capital humain de Gary Becker). Créer

une draft européenne supposerait donc d'externaliser la formation et donc de remettre

en cause un modèle ancrée dans la tradition sportive européenne.

3) L'instauration d'un salary cap

Le plafonnement des salaires proprement dit

De tous les instruments de régulation inspirés du modèle américain, le salary

cap, ou plafonnement des salaires, est sans doute la plus à même d'être transposé en

Europe. Au demeurant, les salaires des footballeurs professionnels anglais étaient

limités par un tel dispositif jusqu'en 1961, date à laquelle la réglementation a été cassée

sous la pression du syndicat des joueurs56. Dans un système de ligues ouvertes,

généraliser le plafonnement des salaires à l'échelle européenne nécessiterait toutefois

quelques quelques ajustements.

Les différences de revenus considérables entre clubs, issus de la distribution

inéquitable des richesses (droits TV etc.) et de l'existence de plusieurs degrés de

compétition (les équipes participant aux compétitions européennes bénéficiant de

revenus supplémentaires par rapport à celles qui sont cantonnées aux compétitions

universités attirent régulièrement des dizaines de milliers de personnes et sont retransmises par les

télévisions locales et nationales. Un grand nombre de jeunes athlètes américains participant aux Jeux

Olympiques appartiennent toujours au système universitaire. Cela est rendu possible par les moyens

dont disposent les universités américaines, sans commune mesure avec ceux des universités

européennes, mais aussi à la place que donne la société américaine au sport de compétition, lequel

correspond aux valeurs du libéralisme économique.

56 Eric Besson, Rapport gouvernemental « Accroître la compétitivité des clubs de football professionnel

français », novembre 2008, p. 60.

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nationales), supposeraient tout d'abord que le plafonnement soit relatif au budget du

club, chaque club ne pouvant consacrer plus d'une proportion donnée de son budget à

la rémunération de ses joueurs. C'est le sens de la proposition récemment formulée par

l'UEFA et relayée par son président Michel Platini. Elu début 2007 sur un programme

très réformateur57, l'ancien stratège de la Juventus veut profiter de la crise pour

accélérer la mise en place de nouvelles régulations. Actant notamment la faillite du

modèle d'organisation libéral du sport européen (« Dans le football, comme dans

l'économie en général, le marché est incapable de corriger ses propres excès, et ce

n'est pas le président de l'UEFA qui le dit, mais Barack Obama58.» ), il affirme examiner

“l'idée de lier dans une certaine mesure les dépenses de personnel d'un club, masse

salariale et transferts, à un pourcentage à définir de ses revenus sportifs, directs et

indirects.

L'accueil d'une telle proposition parmi la toute nouvelle Assemblée des Clubs

Européens (ECA), composé des représentants de 137 clubs du continent, est pour le

moins mitigé. Lors de l'Assemblée générale du 10 févriers dernier, l'ECA s'est prononcé

contre une telle réglementation, Rick Parry, directeur général du Liverpool FC et

membre du comité exécutif de l'organisation, précisant qu'il était «(...) très difficile à

mettre sur pied, car les clubs ne sont pas tous soumis aux mêmes lois, notamment sur

le plan fiscal, dans les différents pays». L'argument, pour affirmer une réalité

difficilement contestable, à savoir l'inégalité des conditions fiscales entre les différents

pays affiliés à l'UEFA, n'en paraît pas moins de mauvaises foi puisque ce sont

généralement les clubs évoluant dans un contexte fiscal favorable qui consacre la plus

grande part de leur budget au paiement des salaires. Dans un contexte de crise

financière mondiale, la limitation des ressources allouées aux transferts va pourtant

dans le sens de la bonne santé économique des clubs eux-mêmes. Certains, parmi le

gratin européen accuse déjà des dettes importantes. Le FC Valence, finaliste de la

Ligue des Champions en 2000 et 2001 puis vainqueur de la Coupe de l'UEFA en 2004

est sans doute l'exemple le plus emblématique. Confronté à une dette abyssale

creusée par une succession de largesses dans la gestion du club, le club valencian ne

parvient plus à assumer le paiement du salaire de ses joueurs. Pire encore, la

57 Le candidat Platini promettait en effet de rendre le “football aux footballeurs” et à son public, sous-

entendant se fait qu'il lui avait été confisqué par les intérêts économiques et financiers des diffuseurs

et autres investisseurs.

58 Site Internet Sport24 : http://www.sport24.com/football/actualites/platini-monte-au-creneau-240450/

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construction du nouveau stade de 75 000 appelée à remplacer dans le courant de la

saison 2009 l'actuelle enceinte de Mestalla, a été stoppée, le club ne pouvant plus faire

face aux dépenses engendrées par les travaux59. Valence n'est pas le seul club

espagnol dans une situation financière difficile puisque le prestigieux FC Barcelone, le

FC Séville, double vainqueur de la Coupe de l'UEFA en 2006 et 2007, ainsi que

l'Athletic Bilbao doivent également affronter ce genre de difficultés. Au prix d'un

montage financier complexe arrangé notamment par le roi Juan Carlos, le Real Madrid

a pu éponger une dette colossale au prix d'une importante opération immobilière de

revente de ses terrains d'entraînement. En Angleterre, actuellement le championnat le

plus compétitif, les clubs sont endettés à hauteur de 3,9 milliards d'euros, suscitant

l'inquiétude du président de la Fédération, David Triesman60. Le seul club de Chelsea,

dont la masse salariale représente 71% du budget annuel, est endetté à hauteur de 736

millions de livre sterling61.

En plus de contribuer à la bonne gestion et la bonne santé financière des clubs,

un salary cap permettrait de limiter le recours à la dette comme instrument de

concurrence internationale. Il n'existe actuellement ni système européen de contrôle de

gestion, ni règlement interdisant à tous les clubs de creuser une dette sans garanties

bancaires, ce qui pénalise les clubs soumis à de tels mécanismes, notamment les clubs

français. Aussi longtemps que les partenaires bancaires continuent à leur prêter de

l'argent ou qu'un investisseur bienveillant paie de sa propre poche, rien ne sanctionne

l'attitude de clubs formulant des propositions salariales au-delà de leurs moyens

effectifs afin d'attirer des joueurs talentueux. Un nombre considérable de clubs

espagnols, anglais et italiens reposent ainsi sur un modèle économique artificiel62,

concurrençant de manière « déloyale » les clubs soumis à une obligation de bonne

gestion.

Il faut souligner que le système de plafonnement des salaires est mis en oeuvre 59 Site Internet du 10Sport, 25 février 2009, http://football.le10sport.com/foot-espagnol/valence-frappe-

par-la-crise_152248_d

60 Site Internet de France 24, 7 octobre 2008, http://www.france24.com/fr/20081007-football-premier-

league-angleterre-clubs-fa-dette-3,9-milliards-euros-crise-financiere

61 Site Internet de Challenges, 20 mai 2008,

http://www.challenges.fr/20080520.CHA1606/football__pres_de_2_milliards_de_dettes_pour_chelsea

_et.html

62 Site Internet de La Voix des Sports, «Eliminer les économies artificielles», entrevue avec Frédéric

Bolotny, 12 janvier 2009

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depuis 1998 par la Ligue Nationale de Rugby dans le cadre du Top 14, le championnat

de France professionnel de première division63. La masse salariale est plafonnée à

55% du budget d'un club. Cette obligation peut être modulée dans le sens d'une plus

grande sévérité par la DNACG (Direction Nationale d'Aide et de Contrôle de Gestion,

petite soeur de la DNCG, son équivalent pour le football professionnel) en fonction des

comptes individualisés des clubs. L'impact sur le rugby professionnel français est

difficile à évaluer dans la mesure où le salary cap a été mis en place en même temps

que le professionnalisme et que nous ne disposons donc d'aucun point de comparaison

dans le passé. Il est toutefois notable que le monde du rugby professionnel français

reconnaît l'impact du système, tant sur la bonne santé financière des clubs que sur

l'équilibre compétitif de la compétition.

Plus récemment encore, en 2005, la Ligue italienne de football, a introduit un

plafonnement des salaires pour les clubs de Serie B (la deuxième division nationale)64.

Ceux-ci présentaient une santé financière plus que précaire puisque les dépenses

consacrées à la masse salariale représentaient en moyenne 90% du budget des clubs.

Le plafonnement a été fixé à 70% afin d'empêcher une vague massive de dépôts de

bilan.

Ces précédents montrent donc bien que la mise en place d'un tél mécanisme à

l'échelle du football européen est possible. Encore faut-il noter qu'elle nécessite la

fourniture de bonne foi par les clubs de leurs comptes ainsi que la création d'un

organisme de contrôle de gestion qui vérifierait la validité des dits comptes en regard

des critères fixés. Nous développons plus loin le contrôle de gestion à l'échelle

européenne.

La limitation des effectifs professionnels

Alternative ou complément à la mise en place d'un plafonnement des salaires, la

la limitation des effectifs professionnels découle d'une même logique : prévenir l'inflation

des masses salariales des clubs de football professionnel afin d'une part de garantir la

bonne santé financière de ces derniers, d'autre part de contribuer à l'équilibre

compétitif.

63 E. Besson, 2008, op. cit., pp. 60-61.

64 Ibid., p.61

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Jusqu'en 2000, les effectifs professionnels français étaient limités à 23 joueurs

pour les clubs de L1 et à 20 joueurs pour les équipes de L2. La limitation a ensuite été

levé, provoquant l'explosion des effectifs professionnels, passés d'une moyenne de 19

à 27 joueurs par club entre 1993 et 200865. Une dérogation était assortie à cette règle

qui excluait les joueurs formés par le club de son champ d'application.

Le rapport Besson sur la compétitivité du football français, s'appuyant

notamment sur les travaux des économistes de la Ligue Nationale de Football66

préconise la généralisation de la limitation des effectifs à l'échelle européenne. Selon

l'ancien ministre de la prospective économique, cette mesure pourrait être un bon

compromis, en attendant l'adoption du plafonnement des salaires, mesure à la fois plus

ambitieuse et plus difficile à mettre en place. Au-delà des effets positifs identifiés plus

haut, M. Besson estime qu'un tel dispositif pourrait :

inciter les clubs à la formation de jeunes joueurs ;

limiter le contentieux dû au sur-effectif entre les joueurs et les clubs. Ces dernières

ont en effet vu la multiplication de situation conflictuelles entre des joueurs

s'estimant trahis par des employeurs leur ayant promis un temps de jeu conséquent

afin de les attirer.

Le rapport Besson insiste enfin sur ce que devrait être le corollaire de la limitation

des effectifs professionnels : l'allègement des calendriers. Tous les clubs ambitieux

savent que, dans la perspective de conserver des chances de bien figurer dans les

compétitions nationales et européennes, il est nécessaire de doubler ou tripler tous les

postes d'un effectif afin de pallier les risques de méformes ou de blessures. Les

exigences du football moderne de haut-niveau rendent impossible l'enchaînement de

60 matchs en une saison pour les onze mêmes joueurs d'une équipe. Si l'on souhaite

limiter les effectifs, il convient donc de limiter le nombre de matchs pour les équipes de

haut-niveau en réduisant, par exemple, les championnats de première division à 16 ou

18 clubs.

Section 2 – Quelques pistes originales de réforme du football

65 E. Besson, 2008, op. cit., p. 61.

66 Arnaud Rouger, “Limitation des effectifs vs limitation des salaires : une nouvelle forme de salary cap

?”, in J.J Gouguet (2005), op. cit., p. 209.

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européen

Si l'observation du système américain permet de dégager quelques pistes de

réformes intéressantes, il n'en demeure pas moins que les spécificités du modèle

d'organisation du sport professionnel européen rendent impossible une transposition

pure et simple. Dans le but d'améliorer l'équilibre compétitif des épreuves nationales et

européennes, il est donc nécessaire de considérer des solutions originales, répondant

aux problématiques posées par la libéralisation du marché. Parmi les multiples

propositions émanant des économistes du sport, des instances sportives internationales

(FIFA et UEFA, souvent en accord sur ce plan-là) ou mêmes des gouvernements

nationaux, l'on peut distinguer deux types de réformes :

celles visant à réglementer le marché du travail des footballeurs professionnels dans

un cadre conforme au droit européen ;

celles, dans la lignée du plafonnement des salaires ou d'une distribution plus

équitable des revenus, allant dans le sens d'un rééquilibrage des forces

économiques.

Suivant cette typologie, nous nous concentrerons ici sur l'étude des mesures

phares qui, venant de l'UEFA et de la FIFA et réunissant d'importants soutiens tant

parmi les clubs que parmi les gouvernements nationaux, ont le plus de chance d'aboutir

dans un futur proche : d'une part la règle dite du 6+5, d'autre part, la mise en place d'un

organisme contrôle de gestion ayant une compétence européenne.

Paragraphe 1 - Une tentative de réglementation du marché du travail :

la règle du 6+5

Nous avons observé plus haut que la conséquence la plus immédiate et la plus

importante de l'arrêt Bosman fut l'internationalisation du marché des joueurs de football

professionnel. En supprimant les limitations de joueurs étrangers pour les

communautaires puis pour la plupart des pays européens et africains, l'arrêt Bosman a

eu des conséquences néfastes, parmi lesquelles nous avons identifié :

la remise en cause des modèles formateurs, aussi bien au sein des championnats

les plus riches, disposant des moyens financiers d'attirer des jeunes talents

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étrangers et évitant de fait d'investir dans la formation, que des championnats plus

pauvres, ainsi devenus de véritables viviers dans lesquels les plus puissants clubs

du monde peuvent puiser à l'envi ;

un déséquilibre grandissant entre le football de clubs et le football d'équipes

nationales, le premier prenant le pas sur le second. L'impact négatif qu'ont eu les

remises en causes des politiques formatrices des clubs des grands championnats

européens s'est vérifié, jusqu'à un passé recent, par un appauvrissement du niveau

des équipes nationales. Si les victoires de l'Italie lors de la Coupe du Monde 2006

et, surtout, de l'Espagne lors de l'Euro 2008 amènent une nuance à cette analyse,

les échecs répétés de l'équipe nationale d'Angleterre, pays qui domine par ailleurs le

football de club à grands renforts de joueurs étrangers, atteste de sa validité ;

la perte d'identité de clubs, historiquement liés à un territoire. Il n'est pas neutre de

constater que les joueurs locaux et formés au club sont souvent les plus

emblématiques et les plus appréciés parmi les supporters. Si l'on ne devait en citer

qu'un, alors l'exemple de Steven Gerrard, enfant de Liverpool, joueur emblématique

des Reds et idole absolue des supporters locaux, nous apparaîtrait évident.

1) La règle du 6+5

Ainsi que nous l'avons vu en première partie, les fédérations internationales ont

gardé une position hostile à la jurisprudence de la CJCE. La FIFA notamment,

demandait dès 1999, par la voix de son président Sepp Blatter, de revenir à la situation

antérieure à l'arrêt Bosman67. Elle a depuis formulé plusieurs propositions de

réglementations du marché du travail.

La plus ambitieuse d'entre elles est sans doute la résolution votée en mai 2008

en faveur de la règle dite du 6+5. Celle-ci prévoit l'obligation pour chaque club

participant à une compétition officielle organisée par la FIFA ou une organisation affiliée

(UEFA et fédérations nationales), d'aligner au coup d'envoi de chaque match au moins

six joueurs susceptibles d'être sélectionnés dans l'équipe nationale de la fédération

d'origine dudit club. A n'en pas douter, il s'agirait là pour le football européen d'un

véritable bouleversement. Pour ne prendre qu'un exemple, sur les quatorze joueurs de

67 Le Monde, 2 juin 1999

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l'équipe d'Arsenal ayant participé le 24 février au huitième de finale aller de la Ligue des

Champions opposant leur équipe à l'AS Rome, aucun ne remplissait les conditions de

sélections en équipe d'Angleterre68. La plupart des équipes performantes au niveau

européen se verraient dans l'obligation d'opérer un véritable chamboulement au sein de

leur effectif, opérant le remplacement d'une grosse partie de leurs joueurs étrangers

par des joueurs nationaux.

A court terme, le 6+5 aurait des conséquences différentes selon le point de vue

considéré :

les clubs les plus riches recrutant principalement à l'étranger devraient reconsidérer

leur politique de recrutement ;

la place dévolue aux étrangers dans les effectifs des clubs des championnats les

plus riches se réduisant, les opportunités pour des joueurs issus de championnats

de seconde zone de rejoindre ces derniers se réduiraient ;

chaque équipe nationale serait assurée de disposer d'un réservoir important de

joueurs évoluant régulièrement au haut-niveau.

Au final, la situation pourrait se rapprocher considérablement de ce qu'elle était

avant l'arrêt Bosman. La règle du 6+5 est en effet plus subtile qu'elle pourrait paraître

aux non-initiés. En principe, chaque club serait dans la possibilité de compter dans son

effectif professionnel autant d'étrangers qu'il le désire. Ce n'est pourtant qu'un leurre

dans la mesure où le 6+5 imposerait d'aligner six joueurs nationaux pour la totalité des

matchs, obligeant de fait à avoir un potentiel de joueurs nationaux suffisants pour

pouvoir pallier les blessures des habituels titulaires. Il y a dès lors fort à parier que la

proportion de joueurs nationaux au sein des effectifs dépasse largement les 50% pour

se situer plus probablement aux alentours de 70%, faisant du 6+5 un véritable « arrêt

Bosman à l'envers ».

Le 6+5 recueille une large adhésion, non seulement au sein de grandes

personnalités du monde du football, mais parmi les principaux gouvernements de

l'Union Européenne. Nicolas Sarkozy, lors de son discours devant le Parlement

européen en tant que Président du Conseil de l'Union Européenne le 10 juillet 2008,

avait défendu le principe d'une exception sportive au droit communautaire (« "Une

exception sportive, qui dirait que le sport ne doit pas obéir à l'économie de marché 68 Le onze titulaire et les remplaçants entrés en jeu était composée de l'Espagnol Almunia, des Français

Sagna, Clichy, Gallas, Nasri et Diaby, des Ivoriens Touré et Eboué, du Brésilien Denilson, du

Camerounais Song, du Néerlandais Van Persie, du Danois Bendtner et du Mexicain Vela.

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devrait rassembler le Parlement européen69 .» ) Il a été rejoint en ce sens par ses

partenaires européens : à l'issue de la réunion du Conseil des Ministres des sports de

l'Union Européenne, ces derniers ont, à l'unanimité, demandé à la Commission de « [...]

les discussions se poursuivent sur, les initiatives des fédérations internationales visant à

développer dans les équipes de clubs professionnels de chaque pays la présence de

sportifs sélectionnables dans les équipes nationales, dans le respect du droit

communautaire, afin de renforcer l'ancrage régional et national des clubs

professionnels70.»

2 - La position de la Commission européenne

Depuis 1995, la position de la Commission européenne n'a pas varié puisqu'elle

s'est constamment opposée à toute entrave à la libre-circulation des footballeurs

professionnels au sein de l'Union européenne. Aussi, il n'est pas surprenant qu'elle ait

rapidement pesé les conséquences du 6+5 sur le marché du football européen. Dans

une interview donnée à Libération71, le commissaire européen chargé de l'emploi, des

Affaires sociales et de l'égalité des chances Vladimir Spidla, rejette fermement la

résolution de la FIFA, qu'il considère comme contraire au droit européen et à la

jurisprudence Bosman :

« La position de la Commission est très claire : des quotas fondés sur la nationalité

constituent une entorse inacceptable au droit communautaire. Cela viole deux principes

essentiels : la libre circulation des travailleurs et la non-discrimination.Dans son célèbre

arrêt Bosman de 1995, la Cour de justice européenne a tranché : les joueurs

69 Site internet du Journal du Dimanche, 10 juillet 2008,

http://www.lejdd.fr/cmc/scanner/international/200828/sarkozy-milite-pour-l-exception-

sportive_132048.html

70 Site internet UE2008, «Déclaration des ministres des sports de l'Union Européenne», 28 novembre

2008,

http://www.eu2008.fr/webdav/site/PFUE/shared/import/1127_Ministerielle_Sports/Reunion_informelle_

ministres_sports_declaration_finale_%20FR.pdf

71 Libération du 3 décembre 2008, version électronique consultable

http://www.liberation.fr/sports/0101302722-les-sportifs-doivent-pouvoir-travailler-ou-ils-veulent-dans-l-

ue

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professionnels sont des travailleurs et ils ont le droit d’aller exercer leur métier où ils

veulent dans l’Union. Dans son célèbre arrêt Bosman de 1995, la Cour de justice

européenne a tranché : les joueurs professionnels sont des travailleurs et ils ont le droit

d’aller exercer leur métier où ils veulent dans l’Union. »

La Commission Européenne considère donc que la règle du 6+5 institue des

quotas discriminatoires pour les étrangers. Elle constituerait une discrimination directe

restreignant la liberté de circulation garantie par l'article 39 (ex-article 48) du Traité

Instituant la Communauté Européenne (TICE).

Cette interprétation a récemment été réfutée par un groupe d'experts

indépendants de l'Institute for European Affairs (INEA), mandaté à l'automne 2008 par

la FIFA dans le but de contrôler la conformité de la règle du 6+5 au regard du droit

communautaire72.

L'INEA émet tout d'abord des doutes à l'égard de l'opposabilité de l'article 39 à la

règle du 6+5. D'après les experts, il s'agirait d'une règle purement sportive, donc du

ressort de la FIFA, « qui concerne seulement la mise en place des joueurs au début

d'un match ». Elle n'implique en effet aucune restriction supplémentaire concernant la

présence de joueurs étrangers dans les effectifs des clubs professionnels européens.

L'on remarque que l'INEA transpose le raisonnement que la CJCE avait appliqué dans

l'affaire Lehtonen à la règle du 6+5.

Quand bien même la règle du 6+5 entrerait dans le cadre de l'application du droit

communautaire, elle ne constituerait tout au plus qu'une discrimination indirecte au

sens de l'article 39. A la différence d'une clause de nationalité, le 6+5 ne prend pas

comme point d'attache la nationalité du joueur directement mais son admissibilité à être

sélectionné en équipe nationale. L'on a vu dans la première partie que, pour la FIFA, la

nationalité sportive différait de la nationalité « de droit commun ». Or, la discrimination

indirecte se justifie, selon la jurisprudence communautaire (arrêt Cassis de Dijon du 20

février 1979) :

lorsque la discrimination est proportionnée au but poursuivi, ici la protection de la

formation et des équipes nationales ;

en présence d'« une raison impérieuse d'intérêt général ». En l'occurrence, la raison 72 Institute for European Studies, «Expertise juridique sur la compatibilité de la “règle du 6+5” avec les

législations du droit communautaire (bref condensé)», février 2009, http://inea-

online.com/download/regel/gutachten_fra.pdf

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d'intérêt général pourrait être la préservation de l'intérêt des équipes nationales.

3 - Le règlement UEFA sur la composition des effectifs

Contestant, non sans une sérieuse dose de mauvaise foi au regard de ce que

nous avons démontré plus haut, l'efficacité d'une telle mesure (« Je voudrais aussi

souligner, qu’au-delà du respect indispensable du droit, la règle du 6 + 5 est une

mauvaise solution au problème. Les clubs les plus riches se contenteront d’avoir une

poignée de joueurs nationaux, et ils continueront leur «business as usual» en achetant

les meilleurs joueurs étrangers. »), M. Spidla reconnaît par ailleurs la spécificité de

l'activité sportive, renvoyant à ce propos au Traité de Lisbonne (« Nous reconnaissons

que le sport est une activité particulière. Cette spécificité est même inscrite noir sur

blanc dans le traité de Lisbonne en cours de ratification. ») et, de fait la nécessaire

recherche d'un plus grand équilibre. A cet égard, la Commission Européenne préfère

l'alternative au 6+5 que propose l'UEFA.

Depuis 2006, l'UEFA impose en effet aux clubs participant aux compétitions

européennes d'inscrire dans leur effectif un certain nombre de joueurs formés

localement, c'est à dire formés pendant au moins trois ans entre 15 et 21 ans dans le

club lui-même ou tout autre club affilié à la même association nationale. La

réglementation s'est mise en place en trois étapes, étalées sur trois saisons :

en 2006-2007, les clubs participant aux compétitions européennes devaient aligner

au moins 4 joueurs formés localement sur un total de 25 joueurs ;

en 2007-2008, le nombre de joueurs formés localement devaient être d'au moins 6 ;

en 2008-2009, il a été porté à 8.

La Commission a donné son aval à ce règlement, qu'elle considère comme une

discrimination indirecte (le critère de la formation locale ne repose en aucun cas sur la

nationalité du joueur) proportionnée et justifiée par l'existence d'une raison impérieuse

d'intérêt général (la protection et la promotion de la formation des jeunes joueurs). Dès

juillet 2007, le livre blanc de la Commission européenne sur le sport annonçait la

préférence de cette dernière vis à vis de l'approche de l'UEFA : « les règles imposant

aux équipes un quota de joueurs formés au niveau local pourront être jugées

compatibles avec les dispositions du traité relatives à la libre circulation des personnes

si elles n’entraînent aucune discrimination directe fondée sur la nationalité et si les

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éventuels effets discriminatoires« les règles imposant aux équipes un quota de joueurs

formés au niveau local pourront être jugées compatibles avec les dispositions du traité

relatives à la libre circulation des personnes si elles n’entraînent aucune discrimination

directe fondée sur la nationalité et si les éventuels effets discriminatoires73 ». Le

Parlement européen a, en outre, appuyé l'avis de la Commission dans une résolution

en date du 8 mai 200874.

Si l'alternative proposée par la FIFA recueille donc les faveurs des instances

européennes, elle nous semble pourtant très largement insuffisante dans le but de

compenser les déséquilibres nés de la jurisprudence Bosman. Les effets de cette

mesure restent très marginaux. Certains clubs ont bien été amenés à retirer de leur

effectif en lice pour les compétitions européennes un ou plusieurs joueurs étrangers.

Ainsi, le Liverpool FC, dont l'effectif s'est largement internationalisé depuis l'arrivée de

l'entraîneur espagnol Rafael Benitez, s'est vu dans l'obligation de retirer le Finlandais

Sami Hyypia de la liste des joueurs inscrits à la phase de poule de Ligue des

Champions. L'ancien capitaine des Reds a ensuite pu être ré-intégré à l'effectif en vue

de disputer les phases éliminatoires, mais aux dépends d'un autre joueur étranger de

l'effectif75. Cela dit et si les clubs de football professionnels de haut-niveau comptent

des effectifs élargis pour prévenir les blessures ou la fatigue de certains joueurs, ils se

reposent généralement sur un noyau d'une quinzaine de joueurs de très haut-niveau.

La règle de l'UEFA ne remet donc pas en cause les équilibres sportifs : dans la plupart

des cas, au moins une partie des joueurs formés localement présents sur la liste ne

prendront pas part à la compétition et ne serviront que de cautions.

Pire encore, la réglementation de l'UEFA pourrait avoir des effets insidieux,

incitant les clubs riches à recruter des joueurs de plus en plus jeunes. Rien n'empêche

en effet un club de recruter à l'étranger un joueur de 18 ans afin, qu'une fois âgé de 21

ans, il entre dans les critères des joueurs formés localement. C'est même une pratique

73 Commission des Communautés Européennes, « Livre blanc sur le sport », juillet 2007

74 Résolution du Parlement européen sur le livre blanc sur le sport, 8 mai 2008,

http://209.85.229.132/search?q=cache:5fmIJXFPP2AJ:www.europarl.europa.eu/oeil/DownloadSP.do%

3Fid%3D14892%26num_rep%3D7340%26language%3Dfr+r%C3%A9solution+parlement+europ%C3

%A9en+livre+blanc+sur+le+sport&hl=fr&ct=clnk&cd=1&gl=fr

75 Site Internet du Liverpool Echo, 6 février 2009,

http://m.liverpoolecho.co.uk/ms/p/tmg/livecho/view.m?id=361527&tid=351786&channel=Liverpool+FC

&section=News&cat=LiverpoolFC

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courante pour certains clubs : il en est ainsi de la politique de recrutement d'Arsenal, qui

se concentre depuis quelques années sur l'acquisition de très jeunes joueurs, pré-

formés dans un autre club, souvent étranger. Ainsi, le règlement de l'UEFA, s'il veut

éviter cet écueil, devra s'assortir d'aménagements considérables. François Blaquart,

directeur technique nationale adjoint chargé de la formation à la Fédération Français de

Football proposait à cet égard à la commission présidée par Eric Besson d'étendre à

cinq ans la durée pendant laquelle le joueur doit avoir été formé par le club76. Michel

Platini, lui, préconise l'interdiction des transferts des joueurs mineurs. Aujourd'hui, si le

Règlement du Statut et du Transfert de joueurs de la FIFA pose ce principe dans son

article 19, il pose également trois dérogation le rendant inopérant. Les transferts de

joueurs mineurs sont en effet autorisés :

si les parents de joueurs s'installent dans le pays du club pour des raisons

étrangères au football (on peut imaginer à quel point il est aisé de trouver tel

prétexte pour des parents dont le fils se voit offert un pont d'or par un club étranger

de renom...) ;

si le transfert a lieu à l'intérieur de l'Union Européenne ou de l'Espace Economique

Européen, pour les joueurs âgés de 16 à 18 ans (faut-il rappeler que parmi les 8

équipes nationales présentes en quarts de finale de la dernière Coupe du Monde, 6

étaient européennes, attestant de la domination du football européen à l'échelle

mondiale ?) ;

si le joueur vit à 50 km au plus d’une frontière nationale et si le club dans lequel il

doit jouer est enregistré dans l’association voisine à une distance de 50 km

maximum de la frontière.

Paragraphe 2 - La moralisation de la gestion des clubs de football

européen : la mise en place d'un contrôle de gestion à l'échelle

européenne

En période de crise financière et économique, les réflexions, déjà anciennes, sur

la mise en place du contrôle de gestion des clubs de football reviennent avec

insistance. L'on a vu, plus haut, que certains clubs parmi l'élite européenne sont en

76 François Blaquart, entretien, in Besson (2008), op. cit., p. 67

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actuellement en grande difficulté financière. Ceci est la conséquence de l'inflation des

montants des transferts et salaires, ayant obligé les clubs les plus ambitieux à

augmenter leurs dépenses, souvent de manière excessive compte tenu de leurs

ressources. Certaines solutions, comme le plafonnement des salaires, ont été

envisagées pour mettre un frein à cette explosion. La création d'un organisme européen

de gestion entre à la fois dans la logique d'assainissement des finances et dans celle

de la régulation des marchés. S'il venait à voir le jour, un tel projet pourrait s'appuyer

sur l'exemple de la Direction Nationale de Contrôle de Gestion française.

1) L'exemple d'un contrôle de gestion à l'échelle nationale : la DNCG

française77

La fin des années 80 a été marquée en France par l'arrivée dans le football

d'investisseurs médiatiques aux méthodes spectaculaires, largement empruntées au

monde de l'entreprise. La rivalité entre les Girondins de Bordeaux de Georges Bez et

l'Olympique de Marseille de Bernard Tapie est révélatrice d'une époque nouvelle,

marquant l'entrée du football français dans l'ère du business. Très rapidement

cependant, la justice va lever les zones d'ombre sur la gestion de ces deux clubs :

investissements démesurés, montages financiers douteux, transferts illégaux, tentatives

de corruption etc. La création de la Direction Nationale de Contrôle de Gestion, laquelle

remplace la Commission Nationale de Contrôle de Gestion, arrive en 1990 dans ce

contexte troublée. Très vite, la DNCG va asseoir sa légitimité sur la décision de

sanctionner les excès des deux clubs emblématiques de l'époque. En 1991, elle

prononce la rétrogradation administrative des Girondins de Bordeaux suite au dépôt de

bilan du club. Celui-ci est alors endetté à hauteur de 300 millions de francs (45M€), soit

une somme colossale à une époque où les contrats de droits télévisés se réduisent à

peau de chagrin. Trois ans plus tard, en 1994, elle prononce la rétrogradation

administrative de l'Olympique de Marseille suite à l'affaire VA-OM. L'année suivante,

elle interdit la remontée en première division du club phocéen suite à son dépôt de

bilan. 77 Dans cette partie, nous nous référons principalement au rapport Besson sur la compétitivité du football

français (op. cit.) qui dresse une historique synthétique et claire de l'action de la DNCG et formule des

propositions sur ce que pourrait être l'évolution de ses attributions.

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A travers ces deux exemples marquants, se dessinent les objectifs originels de la

DNCG : l'assainissement des finances du football français et la promotion de méthodes

de gestion transparentes. Issue d'une convention commune entre la Fédération

Française de Football et la Ligue Professionnel de Football, elle a, dès l'origine, la

mission « d'assurer la pérennité et l'équité des compétitions en vérifiant notamment que

les investissements sportifs de chaque club n'excèdent pas ses capacités financières ».

Pour ce faire, elle est organisée en trois commissions :

la commission de contrôle des clubs professionnels, dont les membres sont

désignés par la FFF, la LFP, l'UCPF (syndicat réunissant les clubs de football

professionnel français), l'UNECATEF (syndicat des éducateurs en entraîneurs) et la

SNAAF (syndicat des administratifs du football français) ;

la commission fédérale de contrôle des clubs, chargée de contrôler les finances des

clubs amateurs ;

une commission d'appel.

Pour assurer sa mission de contrôle de la situation juridique et financière des

clubs professionnels, la DNCG procède à des vérifications sur pièces. Elle apprécie

ainsi la solvabilité des clubs et les garanties de paiements apportés par les dirigeants,

ainsi que le respect par les clubs de leurs obligations comptables. En cas de

manquements des clubs à l'obligation de bonne gestion, elle dispose d'un arsenal

juridique de sanctions graduelles en fonction de l'importance de l'infraction :

l'interdiction ou la limitation du recrutement de nouveaux joueurs (mesure la plus

couramment employée par la DNCG) ;

le contrôle du recrutement dans le cadre d'un budget prévisionnel ou d'une masse

salariale prévisionnelle encadrée ;

la rétrogradation administrative du club (il s'agit là d'une mesure très spectaculaire

dans la mesure où il s'agit d'une sanction sportive forte d'une mauvaise gestion

financière et administrative) ;

l'interdiction faite à un club d'accéder en division supérieure, quand bien même ses

résultats sportifs le lui permettraient ;

l'exclusion d'un club de toute compétition.

2) Le bilan paradoxal de la DNCG

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En rapport des objectifs qui lui avaient été fixés à sa création, il est indéniable

que la DNCG a été une franche réussite. Elle est notamment parvenue, dans un

contexte difficile, a favorisé la transparence des comptes des clubs français. Elle

également participé au redressement économique des des clubs, bien aidé en cela par

l'explosion en 2004 des contrats de droits télévisés. Elle a enfin facilité la transition du

statut juridique de la plupart des clubs de football professionnels d'associations en

sociétés anonymes en aidant ces derniers à respecter de nouvelles procédures

comptables.

En dépit de ces incontestables succès, le bilan de la DNCG n'en demeure pas

moins équivoque. Il est impossible de juger un football national de clubs à sa seule

santé financière. Et à cet égard, les économistes du sport Lago, Simmons et Szymanski

ont pu écrire que :

« la régulation a été beaucoup plus légère en Italie, en Angleterre et en Ecosse qu’en

France, et les clubs ont eu de ce fait davantage d’opportunités pour faire des erreurs

(mais aussi pour rencontrer des succès). C’est peut-être là le paradoxe ultime en ce qui

concerne la régulation et le management des ligues sportives. Les ligues les moins

régulées ont dépensé plus que les autres en joueurs et ont donc connu plus de succès,

comme par exemple les clubs anglais, italiens ou espagnols en Ligue des Champions.

Inversement, les ligues au sein desquelles la régulation estplus importante, comme

c’est le cas en France, ont dépensé plutôt moins en joueurs et en conséquence ont

remporté moins de succès, en particulier en Ligue des Champions 78.»

La forte régulation financière du football français a donc soumis le football

français à davantage de contraintes que ses concurrents européens. Les clubs français

qualifiés en Coupe d'Europe, déjà pénalisés par une plus forte pression fiscale et

d'importants déficits en matière d'infrastructures, ont été dans l'impossibilité de financer

l'achat et le paiement de joueurs de renom par la dette. L'arbre de la bonne santé

financière dissimule ainsi une forêt de résultats sportifs médiocres : depuis 1998, seuls

deux clubs sont parvenus à se hisser en quarts-de-finale de la Ligue des Champions :

Monaco (demi-finales en 1998, avant le deuxième changement de formule de la

78 U. Lago, R. Simmions, S. Szymanski, «The Financial Crisis in European Football, An Introduction»,

Journal of Sports Economics, vol. 7 no 1, février 2006, pages 3 à 12.

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compétition, finale en 2004) qui dispose d'avantages fiscaux lorsqu'il s'agit de payer le

salaire de joueurs étrangers et Lyon (trois quart-de-finale consécutifs entre 2004 et

2006). Cet état de fait met un peu plus en évidence la difficulté de maintenir un équilibre

compétitif global à l'échelle européenne dans le cadre de législations nationales plus ou

moins restrictives. Il convient dès lors de se poser la question des modalités de la mise

en place d'un tel système de contrôle de gestion au plan européen.

3) La « DNCG européenne », une utopie ?

Le projet de la création d'un organisme de gestion européen, sporadiquement

évoqué depuis l'entrée en vigueur de l'arrêt Bosman, a semble-t-il trouver un nouveau

souffle grâce à la présidence française de l'Union Européenne du deuxième semestre

2008. Portée par la Président de la République et relayé par son secrétaire d'Etat au

sport, Bernard Laporte79, cette proposition a été précisée dans le rapport Bessoin sur la

compétitivité du football français80. Dans une volonté d'harmonisation européenne, la

commission Besson propose la création d'un organisme unique d'autorégulation, très

proche dans ses missions de la DNCG, et qui aurait pour objet :

d'assurer les conditions d'une concurrence équitable entre les clubs ;

de contribuer à leur stabilité financière ;

de garantir l'équité sportive ;

L'organisme de gestion ainsi créé devra en outre :

s'assurer de son indépendance par rapport aux pressions que peut subir une

fédération nationale (on pense naturellement au poids des grands clubs en tant que

puissance financière mais aussi de leur influence politique dans des pays où,

comme en Italie, en Espagne ou en Angleterre, les supporters sont extrêmement

nombreux et influents) ;

appliquer à tous les clubs les conditions d'un traitement homogène au regard des

critères qui seront exigés (il s'agit ici de veiller à ce que tous les clubs, quelque soit

leur fédération d'affiliation, soient soumis à la même réglementation) ;

mettre en place un arsenal complet de sanctions, y compris des mesures 79 Site Internet des Echos, 5 décembre 2007,

http://archives.lesechos.fr/archives/2007/lesechos.fr/12/05/300224008.htm

80 Besson (2008), op. cit.

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préventives et correctives (on peut imaginer à cet égard l'interdiction de prendre part

à toute compétition européenne ou même, avec l'accord des fédérations nationales,

une relégation administrative dans la division inférieure du championnat national) ;

veiller à la transparence des flux financiers à l'occasion des opérations de transferts.

L'organe de contrôle de gestion européen serait composé d'experts de

différentes nationalités, reconnus au niveau international et travaillerait en étroite

collaboration avec l'UEFA, qui lui fonderait sa légitimité et fournirait les moyens

nécessaires à son fonctionnement.

A cet égard, il faut bien reconnaître que la position de l'UEFA et de Michel Platini

demeure pour le moins ambigüe. Le 22 novembre, le président de l'UEFA annonçait

dans l'Equipe81, alors même que Frédéric Thiriez, président de la LNF, avait affirmé

quelques jours plus tôt avoir reçu son soutien, qu'il était contre l'idée d'une DNCG

européenne. Rejoignant en cela le président de la Premiere League anglaise, Richard

Scudamore, dans sa condamnation d'une telle initiative, M. Platini déclarait alors :

«Pour une fois, je suis d'accord avec les Anglais. Je rejoins un peu ce qu'ils disent,

quand ils refusent une DNCG supranationale. Il n'est pas, et il n'a jamais été, dans nos

intentions d'aller observer les comptes des clubs anglais ou autres et de réglementer

leurs compétitions. C'est le problème de leurs fédérations ou de leurs ligues. Nous, ce

que nous voulons, c'est protéger la régularité et la transparence de nos propres

compétitions, en instaurant un fair-play financier. Mais, je le répète, on n'a pas à entrer

dans la gestion des fédérations et des ligues vis-à-vis de leurs clubs.»

Dans cette interview, l'ancien meneur de jeu de l'Equipe de France paraît très

clair dans son refus de la création d'une entité supranationale de contrôle de gestion.

Le 19 février dernier pourtant, il s'est montré moins catégorique au micro de RTL82. Se

refusant certes toujours à «s'immiscer dans les affaires des ligues françaises,

italiennes, anglaises, etc.», il évoque toutefois la création «(d')une commission qui

regarderait les comptes et dirait: ''ça, ça va, ça, ça ne va pas, eux sont en déficit, eux on

peut travailler avec eux». Cette commission pourrait sanctionner les mauvais 81 L'Equipe du 22 novembre 2008

82 Site Internet de L'Equipe, 20 février 2009, http://www.lequipe.fr/Football/20090220_103354_pas-de-

dncg-mais-presque.html

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gestionnaires en les privant en moyen terme d'une participation aux compétitions

européennes dans le cas où il ne régulariseraient pas leur situation sous un délai de

deux ou trois moins. Michel Platini reste toutefois évasif quant au statut de l'organe, ses

attributions exactes et son mode de fonctionnement. Cela ne manque pas d'interroger

sur l'avancement réel du projet, qui ressemble plus à une première esquisse destinée à

prendre le pouls des clubs européens sur la question. Aussi, la DNCG européenne ne

paraît pas pouvoir se faire sans l'aval des clubs, lesquels sont pour le moment, et

malgré la conjoncture morose, opposés à une immixtion de l'UEFA dans leur gestion.

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Conclusion

Nous avons cherché à démontrer que la libéralisation du marché des contrats

des footballeurs européens a accéléré l'avènement du sport en tant qu'industrie.

L'irruption de la logique économique dans le football a provoqué une concurrence

internationale qui est à l'origine du resserrement de l'élite sportive autour des quelques

clubs les plus puissants. Le football européen ne nous semble pas pouvoir

s'accommoder des déséquilibres dans lesquels il évolue depuis l'arrêt-Bosman.

Il ne s'agit pas de nier le poids du sport dans l'économie. Les contempteurs du

« foot-business » ont, à cet égard, beau jeu de réclamer un retour au football populaire,

au football « d'avant ». L'arrivée de nouveaux investisseurs a beaucoup fait pour le

développement international de ce sport, notamment pour son exposition médiatique. Il

est contradictoire (ou égoïste), lorsqu'on aime le football, d'être nostalgique d'une

époque où il n'était visible que par ceux qui avaient l'opportunité de se rendre

régulièrement au stade. Dans un monde qui se globalise, il est normal que le sport

universel par excellence fasse l'objet d'une couverture mondiale qui, elle-même,

implique de se conformer à certaines réalités économiques. Il ne s'agit pas non plus de

revenir à une situation comparable à celle de l'avant-Bosman, dans laquelle l'archaïsme

et l'arbitraire des clubs présidaient aux relations que ceux-ci entretenaient avec les

joueurs. Il est par contre dans l'intérêt général de réfléchir à la manière dont le droit

communautaire doit s'appliquer au sport.

Ce qui fait l'une des spécificités essentielles du modèle sportif européen, c'est la

place accordée aux clubs et l'ancrage de ces derniers dans un territoire, dans sa culture

et son identité. L'on peut aimer un club parce qu'on aime l'un de ses joueurs, mais ce

qui fait généralement que des supporters sont attachés à une équipe, c'est

l'identification au territoire, à l'histoire du club et aux valeurs qu'il véhicule. Le marché

des contrats des joueurs de football n'est pas un marché comme les autres. Nous

l'avons vu, les joueurs y sont en position de force, dans la mesure où le talent est très

rare et donc très recherché. Le fait pour les joueurs de pouvoir circuler aussi librement

que cela sera le cas lorsque la jurisprudence Webster fonctionnera à plein régime

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remettra encore un peu plus en cause l'identité des clubs.

La logique de la Commission Européenne s'inscrit pourtant dans la volonté de

donner une liberté toujours plus grande aux joueurs. A court terme, cela se traduira par

un resserrement encore plus manifeste de l'élite du football européen. Le football

anglais de clubs domine aujourd'hui outrageusement l'Europe et le marché tend à

alourdir cette tendance plutôt qu'à la réguler. Le football, comme tous les sports, est

encadré par un ensemble de règles du jeu permettant d'instaurer une équité entre les

différents concurrents. C'est cette valeur fondamentale, constitutive du mouvement

sportive qui est aujourd'hui remise en cause. C'est elle, plus que son rôle éducatif et

social, mis en avant dans le traité de Lisbonne83, qui fonde la spécificité du sport. C'est

donc elle qu'il faudrait s'attacher à préserver par la mise en place d'un certain nombre

de régulations.

La règle « 6+5 » est une piste intéressante. Elle contribuerait à rétablir l'équilibre

entre compétitions de clubs et compétitions nationales. Dans le même temps, elle

permettrait aux clubs de championnats plus faibles économiquement de garder leurs

meilleurs éléments quelques années de plus. En outre, elle ne semble pas forcément

contraire au droit communautaire, ainsi que le montre le récent rapport de l'INEA. Alors

que l'harmonisation fiscale au sein de l'Union Européenne n'est pas à l'ordre du jour, la

mise en place d'un contrôle de gestion à l'échelle européenne pourrait en outre veiller à

l'application d'un certain nombre de règles communes à tous les clubs européens.

Ces réformes pourront difficilement être mises en place par les seules

fédérations internationales qui doivent faire face aux réticences des clubs. C'est donc

au pouvoir politique de les soutenir. A ce titre, la Commission Européenne doit, dans

une certaine mesure, réviser sa conception (ou plutôt son absence de conception) du

sport. Sans cela, le sport deviendra, à moyen terme, une industrie comme les autres.

83 L'article 149 du traité de Lisbonne en cours de ratification énonce :« L'Union contribue à la promotion

des enjeux européens du sport, tout en tenant compte de ses spécificités, de ses structures fondées

sur le volontariat ainsi que de sa fonction sociale et éducative. »

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Bibliographie

Ouvrages :

Manuel d'économie du sport :

Bourg (Jean-François), Gouguet (Jean-Jacques), Economie politique du sport

professionnel : L'éthique à l'épreuve du marché, Vuibert, 2006, 312 pages.

Ouvrage spécialisé concernant la liberté de circulation des sportifs :

Pautot (Michel), Sportifs, transferts et liberté de circulation, Litec, 2001, 134

pages.

Articles :

Articles réunis dans l'ouvrage :

Gouguet (Jean-Jacques) sous la direction de., Le Sport Professionnel Après

l'Arrêt Bosman : Une Analyse Economique, Presses Universitaires de Limoges,

2005, 219 pages

Bolotny (Frédéric), «Donnée de cadrage sur le football en Europe», pp.

31 à 42.

Lavoie (Marc), «Faut-il transposer à l'Europe les instruments de

régulation du sport professionnel nord-américain ?», pp. 73 à 86.

Lanfranchi (Pierre), Taylor (Matthew), « Bosman : A Real Revolution ?»,

pp. 95 à 112.

Gouguet (Jean-Jacques) et Primault (Didier), « Analyse économique du

fonctionnement du marché des transferts dans le football

professionnel »,, pp. 113 à 142.

Rouger (Arnaud), “Limitation des effectifs vs limitation des salaires : une

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95

nouvelle forme de salary cap ?”, p. 209.

Autres articles en Français :

Miège (Colin), « Le sport dans l'Union Européenne : entre spécificité et exception

? », site Internet du Centre d'Etudes Européennes de Strasbourg, 2005,

www.cees-europe.fr/fr/etudes/revue9/r9a11.doc

Autres articles en Anglais :

Rottenberg (Simon), « The Baseball Players' Labor Market », Journal of Political

Economy, juin 1956.

Scully (Gerard), « The Market Structure Of Sports », Chicago, The University Of

Chicago Press, 1995.

Grier (K.B.) et Tollison (R.D), «The rookie draft and competitive balance : the

case of professionnal footbal», Journal of Economic behavior and organization,

vol. 25, n°2, , 1994, pp. 293 à 298.

Lago (U.), Simmions (R.), Szymanski (Stefan), «The Financial Crisis in European

Football, An Introduction», Journal of Sports Economics, vol. 7 no 1, février

2006, pp. 3 à 12.

Hoen (Hoen), Szymanski (Stefan), «European football – The Structure of

Leagues and Revenue Sharing», avril 1999.

Périodiques :

Périodiques spécialisés dans le sport :

L'Equipe

France Football

Le 10 Sport

etc.

Périodiques généralistes :

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96

Le Monde

Les Echos

etc.

Sites Internet :

Site internet de la FIFA : http://www.fifa.com

Site internet de l'UEFA : http://www.uefa.com

Site internet de l'Equipe : http://www.lequipe.fr

Site internet du 10 Sport : http://www.10sport.fr

Site internet de France Football : http://www.francefootball.fr

Site internet de France 24 : http://www.france24.com

Site internet de Challenges : http://www.challenges.fr

etc.

Rapports :

Rapports officiels :

Besson (Eric), Rapport gouvernemental « Accroître la compétitivité des clubs de

football professionnel français », novembre 2008, 164 pages.

Rapports d'experts :

Institute for European Studies, «Expertise juridique sur la compatibilité de la

“règle du 6+5” avec les législations du droit communautaire (bref condensé)»,

février 2009, 16 pages.

Arrêts de jurisprudence :

Arrêts du Conseil d'Etat :

Conseil d’Etat, n° 219646, 30 décembre 2002, « Fédération française de

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97

Basket-Ball ».

Arrêts de la Cour de Justice des Communautés européennes :

CJCE, aff. C-36/74, 12 décembre 1974, « Walrave et Kock c/ UCI ».

CJCE, aff. C-13/76, 14 juillet 1976, « Donà c/ Mantero ».

CJCE, aff. C-415/93 , 15 décembre 1995, « URBSFA c/ Jean Marc Bosman ».

CJCE, aff. C-176/96, 13 avril 2000, « Lehtonen c/ ASBL ».

CJCE, aff. C-438/00, 8 mai 2003, « Deutscher handballbund c/ Marios Kolpak ».

CJCE, aff C-265/03, 12 avril 2005, « Simutenkov c/ Real Federacion Espanola

de Futbol ».

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Annexes

Annexe 1

Extraits du Traité de Rome instituant la Communauté Européenne

Article 59

Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la libre prestation des services

à l'intérieur de la Communauté sont progressivement supprimées au cours de la

période de transition à l'égard des ressortissants des États membres établis dans un

pays de la Communauté autre que celui du destinataire de la prestation.

Le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission, peut étendre le

bénéfice des dispositions du présent chapitre aux prestataires de services ressortissant

d'un État tiers et établis à l'intérieur de la Communauté.

Extraits du traité CE en cours de ratification (traité de Lisbonne)

Article 12 (ex article 7)

Dans le domaine d'application du présent traité, et sans préjudice des dispositions

particulières qu'il prévoit, est interdite toute discrimination exercée en raison de la

nationalité.

Le Conseil, sur proposition de la Commission et après consultation de l'Assemblée,

peut prendre, à la majorité qualifiée, toute réglementation en vue de l'interdiction de ces

discriminations.

Article 39 (ex article 48)

1. La libre circulation des travailleurs est assurée à l'intérieur de la Communauté

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2. Elle implique l'abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les

travailleurs des États membres, en ce qui concerne l'emploi, la rémunération et les

autres conditions de travail.Elle comporte le droit, sous réserve des limitations justifiées

par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique ;

3. Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux emplois dans

l'administration publique.

a)de répondre à des emplois effectivement offerts;

b)de se déplacer à cet effet librement sur le territoire des États membres;

c)de séjourner dans un des États membres afin d'y exercer un emploi conformément

aux dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l'emploi des

travailleurs nationaux;

d)de demeurer, dans des conditions qui feront l'objet de règlements d'application établis

par la Commission, sur le territoire d'un État membre, après y avoir occupé un emploi.

Article 81 (ex article 85)

1. Sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre

entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques

concertées, qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui

ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la

concurrence à l'intérieur du Marché commun, et notamment ceux qui consistent à :

a) fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente ou d'autres

conditions de transaction ;

b) limiter ou contrôler la production, les débouchés, le développement

technique ou les investissements ;

c) répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement ;

d) appliquer, à l'égard de partenaires commerciaux, des conditions inégales

à des prestations équivalentes en leur infligeant de ce fait un désavantage

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dans la concurrence ;

e) subordonner la conclusion de contrats à l'acceptation, par les partenaires,

de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages

commerciaux, n'ont pas de lien avec l'objet de ces contrats.

2. Les accords ou décisions interdits en vertu du présent article sont nuls de plein droit.

3. Toutefois, les dispositions du paragraphe 1 peuvent être déclarées inapplicables :

- à tout accord ou catégorie d'accords entre entreprises,

- à toute décision ou catégorie de décisions d'associations d'entreprises et

- à toute pratique concertée ou catégorie de pratiques concertées

qui contribuent à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir

le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie

équitable du profit qui en résulte, et sans :

a) imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas

indispensables pour atteindre ces objectifs ;

b) donner à ces entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des

produits en cause. d'éliminer la concurrence.

Article 82 (ex article 86)

Est incompatible avec le marché commun et interdit, dans la mesure où le commerce

entre États membres est susceptible d'en être affecté, le fait pour une ou plusieurs

entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché commun

ou dans une partie substantielle de celui-ci.

Ces pratiques abusives peuvent notamment consister à :

a) imposer de façon directe ou indirecte des prix d'achat ou de vente ou

d'autres conditions de transaction non équitables ;

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b) limiter la production, les débouchés ou le développement technique au

préjudice des consommateurs;

c) appliquer à l'égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à

des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage

dans la concurrence ;

d) subordonner la conclusion de contrats à l'acceptation, par les partenaires

de prestations supplémentaires, qui, par leur nature ou selon les usages

commerciaux, n'ont pas de lien avec l'objet de ces contrats.

Article 149 :

L'Union contribue à la promotion des enjeux européens du sport, tout en tenant

compte de ses spécificités, de ses structures fondées sur le volontariat ainsi que

de sa fonction sociale et éducative.

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Table des matières

SOMMAIRE :.................................................................................................................. 5

INTRODUCTION ............................................................................................................ 6

I- Les aspects juridiques de la libéralisation du football européen : l'arrêt Bosman et ses

suites ............................................................................................................................. 9

A) L'arrêt Bosman : une révolution juridique ? .......................................................... 10

Section 1 - Un historique de l'avant-Bosman ...................................................... 10

Paragraphe 1 – De 1925 à 1973, le strict encadrement des transferts ............ 11

Paragraphe 2 – De 1975 à 1995 : L'assouplissement progressif des règlements

en matière de transferts ................................................................................... 13

1) La jurisprudence de la CJCE : les arrêts Walrave & Koch et Donà ......... 14

2) L'action ambiguë de la Commission Européenne ................................... 15

Section 2 – L'arrêt Bosman ................................................................................ 18

Paragraphe 1 - Les faits et la procédure .......................................................... 18

1) Les faits ................................................................................................... 18

2) La procédure ........................................................................................... 19

Paragraphe 2 : La portée juridique de l'arrêt Bosman ...................................... 21

1) La fin de l'exception sportive ? ................................................................ 22

2) La position de la Commission Européenne ............................................. 23

B) Les suites juridiques de l'arrêt Bosman ............................................................... 25

Section 1 – Les extensions de l'arrêt Bosman ..................................................... 26

Paragraphe 1 – L'extension de la liberté de circulation des sportifs à des

ressortissants n'appartenant pas à l'Espace Economique Européen................ 26

1) L'arrêt Malaja ........................................................................................... 27

2) La portée de l'arrêt Malaja ....................................................................... 29

Paragraphe 2 – La rupture unilatérale du contrat et l'arrêt Webster ................. 33

1) La rupture unilatérale du contrat par le joueur dans le règlement de la FIFA

sur les transferts .......................................................................................... 34

2) L'arrêt Webster ........................................................................................ 36

Section 2 - Les limitations apportées à la liberté de circulation des footballeurs

professionnels ...................................................................................................... 38

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Paragraphe 1 – Les limitations à la liberté de circulation concernant les

compétitions entre équipes nationales ............................................................. 38

2) La protection des équipes nationales par la jurisprudence sportive ........ 40

Paragraphe 2 – Les limitations à l'arrêt Bosman concernant les périodes de

transfert : l'arrêt Lehtonen ................................................................................ 41

1) Les faits .................................................................................................. 41

2) Décision et portée .................................................................................. 42

II – Le football européen de l'après-Bosman ................................................................ 44

A) L'arrêt Bosman a bouleversé les équilibres traditionnels du football européen .... 45

Section 1 - La remise en en cause des modèles économiques ........................... 46

Paragraphe 1 – Une croissance économique sans précédent ......................... 46

1) L'explosion des droits télévisuels ............................................................. 46

2) Le football européen vers l'industrie des loisirs ? ..................................... 48

Paragraphe 2 – Les conséquences de la dérégulation du marché du travail

dans le football professionnel........................................................................... 50

1) L'accroissement de la mobilité internationale des joueurs professionnels 51

2) L'inflation des salaires et du prix des transferts........................................ 53

Section 2- Les atteintes à l'équilibre compétitif .................................................... 54

Paragraphe 1 - L'impact de l'arrêt Bosman sur les compétitions nationales et

européennes .................................................................................................... 55

1) L'impact de l'arrêt Bosman sur les compétitions nationale ....................... 55

2) L'impact de l'arrêt Bosman sur les compétitions européennes ................. 57

Paragraphe 2 – La corrélation entre puissance financière et résultats sportifs . 58

1) Il existe un lien entre résultats et richesse... ............................................ 58

2) ... mais ce lien n'est pas nécessaire et mérite d'être nuancé ................... 59

3) Une analyse empirique des derniers succès de grands clubs européens 62

B) Un autre football est-il possible ou quelles nouvelles régulations pour le football

professionnel européen ? ......................................................................................... 63

Section 1 - Des réformes inspirées du modèle américain.................................... 64

Paragraphe 1 - Une rapide description des deux modèles d'organisation du

sport professionnel .......................................................................................... 64

1) Le modèle européen ................................................................................ 64

2) Le modèle américain ............................................................................... 65

Paragraphe 2 - L'impossible transposition du modèle américain ..................... 68

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1) Faut-il fermer les ligues européennes ? ................................................... 68

2) Une draft du football européen ? ............................................................. 71

3) L'instauration d'un salary cap .................................................................. 72

Section 2 – Quelques pistes originales de réforme du football européen ......... 76

Paragraphe 1 - Une tentative de réglementation du marché du travail : la règle

du 6+5 ............................................................................................................. 77

1) La règle du 6+5 ..................................................................................... 78

2 - La position de la Commission européenne ............................................. 80

3 - Le règlement UEFA sur la composition des effectifs ............................... 81

Paragraphe 2 - La moralisation de la gestion des clubs de football européen :

la mise en place d'un contrôle de gestion à l'échelle européenne .................... 84

1) L'exemple d'un contrôle de gestion à l'échelle nationale : la DNCG

française ...................................................................................................... 84

2) Le bilan paradoxal de la DNCG ............................................................... 86

3) La « DNCG européenne », une utopie ?.................................................. 87

Conclusion .................................................................................................................. 90

Bibliographie ................................................................................................................ 92

Annexes ....................................................................................................................... 96