Les commentateurs de la coutume de Berry

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COUR IMPÉRIALE DE SOURCES AUDIENCE SOLENNELLE DE RENTRÉE (.3 Novembre 1805) DISCOURS PRONONCÉ par M. DE ROBILLARD DE BEAUREPAIRE Sub.tltut du I'roonnut gknrnI - L'an 1805, le 3 novembre, à onze heures du matin, la Cour impériale de Bourges, toutes les Chambres assemblées sur la convocation de M. le premier Président, s'est réunie au PalaLs-de-Justce à l'effet de procéder à sa rentrée. Document 1111111111111101111 III 111111 0000005564842

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COUR IMPÉRIALE DE SOURCES

AUDIENCE SOLENNELLE DE RENTRÉE

(.3 Novembre 1805)

DISCOURSPRONONCÉ

par

M. DE ROBILLARD DE BEAUREPAIRE

Sub.tltut du I'roonnut gknrnI

-

L'an 1805, le 3 novembre, à onze heures

du matin, la Cour impériale de Bourges, toutesles Chambres assemblées sur la convocation

de M. le premier Président, s'est réunie auPalaLs-de-Justce à l'effet de procéder à sa

rentrée.

Document

1111111111111101111 III 1111110000005564842

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taient présents: MM. CORBIN, C. ,

premier Président; BAZENERYE, *, ItOU-

LHAC, *, HYVER, #, Présidents; DUFOUR,,

Président honoraire; CORRARD,LALESSE, *,

Conseiller honoraire; MAURICE, Doyen, ø,

Chevalier del'ordre impérial de la Légion d'hon-

neur et de l'ordre de Charles III d'Espagne;

CALLANDE DE CLAMECY, *, DELARUE, *,

DULIEGE, , BELLEAU, MATER, ', FAGUET,

CHÉNON, , BRUNET, BAILLE DE BEAURE-

GARD, SANCLÉ-FERRHRE, *, MARTIN,

SAUTY, , DUHAIL,, BAUCHETON, SAINT-

JAMES, COUTELLE, PONROY, le Baron

SALLE, MESNAGER, Conseillers; ROBEIIT

DE CHÈNEVIÈRE, Procureur général, O. c.

TENAILLE, &, CHONEZ, &, Avocats généraux;

CHÊNON (Arthur), DE ROBILLARD DE BEAU-

REPAiRE, Substituts, et VEILHAULT, Greffier

en chef.

A onze heures, la Cour, précédée de ses

Huissiers audienciers, s'est Iransportée en

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grand costume dans la salle (les Pas-Perdus

OÙ un autel avait éié disposé pour la célébra-

tion de la messe du Saint-Esprit. Les Membres

des Tribunaux de première instance, de coin-

merce et de paix, invités par M. le premier

Président, y àssislaient en costume, et, chacun

ayant pris sa place, l'office divin a été com-

mencé par le Veju, Creator.

Après la messe, la Cour s'est retirée dans

l'une des chambres du Conseil.

A midi, toutes les Autorités, invitées (l'ordre

de M. le premier Président, ont été introduites

dans la salle des Audiences par un de MM. les

Conseillcrs désigné à cet effet, et placéessuivant le rang qui leur est assigné par le

décret du 24 messidor an XII. Les Huissiers

audienciers ont ensuite annoncé l'entrée de la

Cour. Chacun (le Messieurs ayant pris place

et les portes availt été ouvertes au public,

M. le premier Président n déclaré la séance

ouverte.

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La parole étant donnée à M. nt ROB1LLAR1)

DE BEAUIIEPAIRE, Substilut de M. le Procu-

reur général, chargé cette année de prononcer

le discours d'usage, ce Magistrat s'est exprimé

en ces termes:

MONSIEUR LE. I'IIEMIER PnÉsiptwr,

MESSIEURS,

Le rôle important de l'École de droit de Bourgesa depuis longtemps été mis en lumière, et les cou-tumes du Berry elles-mêmes ont été l'objet de tra-vaux approfondis auxquels il semble difficile derien ajouter (1). Dans ce mouvement général d'étu-des, les commentateurs des textes coutumiers ontété à peu près oubliés; aucun travail d'ensemblene leur a été consacré, et. un seul de ces écrivainsjusqu'ici a obtenu l'honneur d'une monographiesérieuse. C'est celte lacune que nous voudrionsessayer de combler; la comparaison de ces traitéspubliés à des dates diverses et conçus dans nuesprit différent, est féconde en enseignements et.

(I) histoire du J?erry depuis les temps les plus reculée jusqu'en1789, par M. Louis Ravin], L. III.

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conduit à des constatations dont la portée ne sauraitêtre méconnue. Tous ces jurisconsultes, négligésaujourd'hui, ont vulgarisé les notions déquiténatu-relie qtu sont devenues les hases de notre droitcivil par leurs travaux patients, ils ont élucidé lesdifficultés que soulevait l'application des cdutumeslocales, et, dans une certaine mesure , ils ont con-tribué à l'amélioration des lois qui nous régissent.A ce titre, Us ont droit au souvenir sympathique dela génération présente, et nous avons espéré quel'intérêt qui s'attache à leur mémoire couvriraitl'insuffisance de celui que la désignation trop bien-veillante du chef éminent de ce Parquet a chargécette année d'inaugurer larepi'ise de vos audieices.

Ainsi que l'ont remarqué avec raison la plupartdes publicistes, sur presque tous les points de laFrance la rédaction des coutumes parait avoir étéprovoquée iat' l'initiative de ]a royauté. Cette ten-dance politique vers la régularisation etl'unité, quise manifeste au lendemain des guerres anglaises,se poursuivit pendant ptusde deux siècles avec unepersistance caractéristique. Les ordonnances de4453 et de 1481, sur la réforination de la justice,répondirent notamment à cette patriotique préoccu-pation; mais, si elles eurent le mérite d'indiquer lebut qu'il s'agissait d'atteindre, elles n'obtinrent pastout d'abord les résultats que l'on pouvait espérer.Par suite d'obstacles nombreux, les prescriptionsroyales restèrent généralement sans exécution et,dans le plus grand nombre des provinces, le vaste

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travail de réforme qu'elles avaient ordonné fut àpeine commencé.

Les choses se passèrent autrement en Berry. DèsI !8t, la coutume de Mehun sur Yèvre était solen-nellement arrêtée et reconnue; celles de Bourgeset d'Iss'oudnu en reproduisaient, quelques annéesplus tard, les principales dispositions, et, par uneparticularité digne d'attention, l'un de ces textes,à peine répandu, devenait l'objet d'un travail im-portant d'interprétation que l'on doit signaler commele premier commentaire de droit coutumier publiéen France. Cette oeuvre si curieuse, et par sa valeurintrinsèque et par sa date, parut à Lyon le t5 sep-tembre 1508 elle avait pour auteur M' NicolasBohier, plus connu sous le nom de Boérins, profes-seur à l'uniyersité de Bourges vers 1542, et. quidevint plus tard président du parlemeni. de Bor-deaux (4). Les énonciations compendieuses etsigni-ficatives inscrites au titre de l'ouvrage, indiquentimmédiatement l'importance que Bohier attachait àson travail et le point de vue spécial auquel il s'étaitplacé. Le texte de la coutume lui apparait, en effet,

(1) Consuetudines ,.',eli(e rivik,& e! septene Bittcrigenstv per egre-uùvù'itrn ,nqgis!,itnz Boerii, jans n (niicsque licen I if,

(UiI

(IC 1110fbPessalw,o rtc screnissirni F,ancorun, pnineipis in sno tnagno Couvi-s(o,,o consiliarinnz ordinanitn,, gbosale, etc. -' Petit in-5' impriirtéen lettres gothiques.

Deux autres éditions, publiées à Paris en 1526 et I 5W, sont par-ticulièrement recherchées. Quetques personnes ont prétendu (litele travail de Iloliier avait paru dés 150G; mais cette assertion ; révo-quée en doute par M. (le ltaynal, parait inexacte.

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moins comme la loi municipale du Berry quecomme une sorte de législation générale, applicablenon-seulement à la Franco, mus même à l'Italie etaux autres parties du monde : Toto fera regno Fran-aie, Deiphinatu et Italia ac alus nntndi partibus in-conetsse obscrvantur L'exécution du commentaire,dans ses moindres détails, répond aux visées ambi-tieuses de ce programme, et le caractère en a été sicomplétement saisi par M. de Raynal que nous necroyons pouvoir mieux faire que de reproduire sonappréciation: u Né dans un pays de droit écrit, àMontpellier, Bohier, nous dit-il, proclame commeses maîtres les anciens jurisconsultes italiens , -Bartole avant tout, puis Tigrinus de Pise.et JeanPagliarensis , les maitres de Balde. 11 cite con-stamment les giossateurs ; il estime la coutumequ'il annote surtout par ses analogies avec le droitcunimun, et son but évident est de ramener ii cedroit, Pobjet de ses préférences, tout ce qui, dansles dispositions coutumières, peut se prêter kcette conciliation (4).

Le respect absolu des traditions romaines, quiforme l'unité de l'oeuvre, explique aussi la plupartdes défauts qui la déparent et en diminuent la va-leur. Jurisconsulte plus érudit que profond, Bohierdiscerne rarement les divers éléments qui sont en-trés dans la compositionde la coutume et, entraîné

(i) !fis?oi,e du Berry depuis les lumps k plus ouciens jusqu'en1759, 1. III, p. 492.

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par l'esprit de syslème, il méconnaît parfois lasignification naturelle des textes soumis k son exa-men. Son commerce extiusif avec les glossateursn'a pas été, en outre, sans avoir pour lui quelquesinconvénients. Ses discussions, comme les leurs, sontembarrassées de citations bizarres au milieu des-quelles les solutions les piusjudicieuses ne se déga-gent qu'avec difficulté. Ce côté faible frappe aupremier coup d'oeil, et Catherinot, dans son Mi-Lion (le la Gousturne, publiée en 1663, a résumé net-tement l'opinion générale dans les lignes suivantes

«M. Boyer est le premier commentateui.' de Franceen matière de cousturnes. Il u faict tout ce que rai-sonnableinent on pouvoit attendre de lui pour leteins. Je voudrois seulement qu'il eust retranchétoutes ces citations ennuyeuses et inutiles qui enretardent la lecture (1). »

La réformation des coutumes (lu Berry, en (589,devait donner lieu à toute une série de travaux pluscomplets et plus scientifiques; mais leur applicationrigoureuse à la province ne leur permit pas d'arri-ver k une vogue aussi étendue. Les commentairess'étaient d'ailleurs singulièrement multipliés ; cha-(lue pays, pour tûnsi dire, avait les siens, et lesinterprètes les plis autorisés d'une coulirnic par-ticulière ne pouvaient désormais compter que surune publicité restreinte et peu retenlissante.

(4) Coust,rnws générales de Bernj, avec un Traité des menues cous-turnes, par Le sieur Catherinot, 11e partie, p. 19.

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Par ses lettres patentes (tatées de Vauluysant, du25 mars 1589, François r, à la requ&e (le sa Soeur,Marguerite de Navarre, avait prescrit la réforme etrévision des anciennes coutumes du duché (le Berrypour qu'elles fussent observées comme ioy et édiciperpétuel et irrévocable. Le soin de cette opérationdélicate fut confiée à Pierre Lizet, premier prési-dent au parlement de Paris.

Grâce à l'intefligence et à l'activité de ce magis-trat, le 30 octobre il put être donné lecture, dansl'assemblée générale des délégués de la province, duprojet tout entier, tel qu'il était sorti des enquêteset des délibérations, et, le S janvier 1539, confor-mément aux ordres du roi, il était soumis à la for-malité de l'homologation.

Comme Boyer, le président Lizet professait unetrès-vive admiration pour les j urisconsultes romains,et, ainsi qu'on devait s'y attendre, la rédaction nou-velle, à laquelle il prit une part si considérable, s'estressentie de ces dispositions. Aussi la similitude surplusieurs points (lu texte réformé avec le Code deJustinien, qui i'avait pas échappée à Pasquier(4), aété également signalée par tous les commentateurssans exception

« Quant à notre coustunie, dit Catherinot,, elleromanise, ou parce que Bourges est ville académi-que, ou parce que M. Lizet, son rédacteur, esloit

(1) flec/,erch, de la Prance, t. IX, chap. XXXVIII, p. 554, de 1édi-tion de I 865.

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excellent jurisconsulte, ou parce que nous confi-nons à quelque pays de droit escrit (t). u

La Thaumassière ne se contente pas d'une appré-ciation aussi générale; mais, descendant dans lesdétails, il indique, en maint endroit de ses oeuvres,certaines prescriptions inspirées au président Lizetpar son amour pour les pointilles des glossaleurs, etconstituant, pour le Berry, une législation excep-tionnelle. Cependant ces exagérations qui dépas-sent le but sont en définitive assez rares, et, con-sidérée. dans son ensemble, la coutume réforméeatteste un progrès notable, et manifeste avecéclat ces tendances vers l'unité que les ébritsde ses interprètes devaient développer de plus enplus.

Le premier commentaire qui la cohcerne spécia-lement parut en 4579. II était l'oeuvre de Gabrie.lLabhé, sieur de iMonvéron, avocat du roi au siégeprésidial de Bourges (2). C'est une explicationcourte et substantielle, sans prétention à l'érudition,et révélant en somme un esprit judicieux. Labbéappartient encore. à l'école des glossatenrs. Plussobre de citations, il se rapproche entièrement, au

(1) Que les cotcstumes t,e sa,?! point de droit estroit, par le SieurCatherinot, p. 8.-

() Les Cousturnes générales des pays et duché dd Berrg, avec lesannotations de Gaiwiel Lahbé, sieur de Monvéron , conseiller etadvocat du roy au hailtage et siége présidial de ilerrv, à. llourges.

Une seconde édition fut publiée avec de nombreuses augmenta-tions, S Paris, chez Nicola s lInon, eu 1607.

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moins par la pensée, et de Bohier et du présidentLizet

Sur toutes, écrit-11, je me suis adonné à dili-gemment conférer les cou;tumes et les lois munici-pales de ce pays de Berry avec la jurisprudence duparlement de France, principalement de celuy deParis, au ressort duquel ce pays est situé, n'ayantobmis celles de Justinien et les commentairesdes docteurs faut anciens que modernes, à quoy -je n'ay pas plus test employé bien peu de temsque j'ay cogneu qu'elles avoient presque toutes fon-dement ou sur les théoriques et maximes des courssouveraines, ou sur lajurisprudence d.e Justinien etauctorités des docteurs anciens (J).

Le recours ami texte du Corpus juris et à la gloseest, chez Labhé, plus fréquent encore que ces lignesne l'annoncent, et c'est avecraison que LaThaumas-sière après l'avoir appelé le Scdvole de son temps,remarque qu'il auMoriçe souvent ses opinions parcelles des anciens docteurs Bariole, Raide, Salicet etFoui de Castres.

Presqu'en môme temps que Labbé, un juriscon-suite plus connu, François llagueau, professeur dedroit à l'université de Bourges et bailli de Mehunsur Yèvre, s'occupait aussi de l'interprétation de lacoutume et lui imprimait une direction différente.Cujas, dont il suivit les leçons et qui l'honora deson amitié, l'avait initié à la connaissance du droit

(1) Les Coustumes généroies tics puys et ueieé de Berry, etc.Pe e

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romain; plus tard, les recherches auxquelles il selivra pour la composition du Traité des droits rogaus]

et coisturn.iers, le familiarisèrent avec les sources dcla législation nationale. A ce double point de vue,Ragneau était dans (les conditions particulièrementfavorables pour écrire un commentaire satisfaisantde la coutume du Berry. Malheureusement les trou-hies politiques, dont il ressentit le contre-coup, et lamultiplicité de ses occupations ne lui permirent pas(le pousser avec assez d'activité une entreprise dontil réservait l'achèvement pbur ses vieux jours. Lesexplicationsrelatives aux cinq premiers livres étaientà peine mises au net qu'il fut surpris par la mort,laissant à son fils le soin de coordonner ses notes etde terminer son oeuvre. Paul Ragneau ne fai]lit pas

sa tàcheet dès 4615 il livra au public le résullat deson travail, en prenant soin, dans son épître il. édi-catoire à M. de La Chastre, d'indiquer avec préci-sion la part qui lui appartenait dans la compositiondu volume

« De façon, nous dit-il, que, mon père m'ayantquelques années auparavant.résigiié sa charge etet office de votre lieutenant eu ce lieu, il m'a aussidu depuis, prévoyant sa fin, laissé et recommandéla mémoire de son labeur pour le continuer sur lesplus rares fleurs des loix qu'il expliquoit ordinai-rement (1). »

(4) Les Cous/unies gén.irales du pags et duché (le !)erry, avec lecommentaire et conférence des anires consturnes CL statuts de

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Cette participation de deux auteurs de mériteinégal à une oeuvre commune nous donne la raisondes imperfections qui s'y font remarquer. Tous lesécnvains postérieurs y ont relevé des variations,des contradictions formelles et denombreusesince:r-titudes. La Thaumassière a déclaré avec Catherinotqu'il élait difficile de découvrir souvent la véritablemanière de voir de ce commentateur. Toussaint deLa Rue est allé &us loin et a reproché nettement àl'éditeur d'avoir dérfaturé l'oeuvre primitive (4).Bien que la plupart de ces critiques soient fondées,le commentaire de 1615 n'en reste pas moins aussirecommandable pal' l'ampleur des développementsque par l'étendue des recherches. Il ne formepas, â beaucoup près, double emploi avec celuide Labbé. L'esprit cultivé et compréhensif deRagueau s'y révèLe en certaines parties, et lecontraste - entre les cieux écrivains s'accuse parlu différence de leurs méthodes et, sur beaucoupde questions, par l'oppositiop absolue des senti-ineuts qu'ils adoptent.

C'est à les concilier que s'appliqua principalementun troisième commentateur, Jean Mauduit, baillid'Argenton, dont le travail parut à Paris, en 1624,

i'rance, par messire Erançois ltagueau, docteur régent ès-droitsen l'nniversité de :llourges et lieutenant au baillage CL siège royal deMohun sur Vèvre. Paris, chevalier, 1615. -

(1) Oimervuffons irès-ndccs.voires sur 1e. eous('nflCs dc Ikrry, avecune exacte cootéreuce e la couslurne lie Lorys nhservée en cer-tains endroits de la province. P. 1'. D. L. 1. À. Â. O., '. I.

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sous le patronage de la duchesse de I\Jontpensier (1).Son mérite adonné lieu aux jugements les plus con-tradictoires mais ni ses partisans ni ses détrac-teurs n'ont expliqué suffisamment, à notre sens, lesmotifs de leurs opinions. Jean Mauduit a pourtantune individualité fortement prononcée, et, aujour-d'hui que la vie s'est retirée des oeuvres de sesdevanciers, son commentaire, i' un privilégeremarquable, se lit encore facilement et garde unepartie de son intérêt. Ce n'est pas toutefois qu'ilpuisse être considéré comme im chef-d'oeuvre, oumême connue un traité proprement dit. L'auteurn'a jamais eu de si liantes wétentions. Mais sonlivre, avec ses expressions imagées, son éruditionconfuse et sa marche irrégulière, est bien (le sa dateet. porte au plus haut point l'empreinte dés idées etdu goit du xvr siècle. Les citations y surabondentet amènent les rapprochements les ilus inattendus.A notrelégitime surprise, Cujas y figuré à côté de Pin-dare ou d'Aristophane; le témoignage de Catulle sur-git à propos d'hypothèques celui de saint Bernaidà l'occasion de moulins kblé, etc'estun vers d'Ovidequi détermine la solution d'une question ardue surle douaire des femmes. Les digressions étrangèresà la science du droit ne sont ni moins nombreusesni moins singulières. La huée usitée chez les vigne-

(4) Vo,tveon commentaire sur /0 coustume du pays et ,/uché dullerry, par M. Jean Manduit. advooat au pailenient de Paris, ]aitlifet juge de la ville, erre et c]ianeellerie d'Argenton, audict pays.Paris, 1G!4.

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rons du Berry sert à Mauduit "le prétexte pourraconter une anecdote particulière k sa famille, etl'indivisibilité des obligations lui fournit le moyende nous apprendre qu'il composa dans sa jeunesse,on faisant son droit à Poitiers, tin poème en verslatins sur la mert héroïque du jurisconsulte Papi-nien (1).

Toutefois, cet appareil pédantesque et ces habi-tudes indisciplinées sont compensées par de rares etprécieuses qualités. Son style prolixe , et incorrectn'est dépourvu ni de verve ui de couleur, et sesdiscussions, si elles ne se font pas toujours remar-quer par la force de la dialectique, ont au moinsl'aspect de rapporl.s exacts et consciencieux. Quantà ses procédés, ils tranchent, sensiblement avec ceuxde la plupart de ses contemporains. Modeste jus-qu'à l'excès, Mauduit indique sur chaque questionles opinions qui se sent produites, et émet ensuiteson sentiment sans fracas et avec simplicité. Loindo chercher à se faire valoir, il se retranche volon-tiers derrière l'autorité (les cours souveraines, et ilcite avec tant de pêrsistance certains arrêtistes qu'uncritique de mauvaise humeur lui a reproché de mail-

(t) Ma veine, eschanlîée d'une ardei,r poétique en ma jeunesseet moi' affection redoublée sur le sens de cette ioy Filius envers legrand Papinian, son anthen,, me fournit un poéme qni finissoit parce vers

Papiniune, tuo sialiasti sanguine legein.

Nouveau commentaire, par M. .Ie;m Mauduit, p. 27'!.

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quer d'initiative et de n'avoir que les qualités imi-taflves du singe. Par suite dc la même dispositiond'esprit, il confesse ingénument toutes les diffic.uliésd'interprétation qu'il rencontre : pour les résoudreil s'en remet le plus souvent à l'autorité des Inagis-trats, et , dans certains cas désespérés, ii n'appellerien moins que la promulgation d'une nouvelle loi.riant de réserve et de circonspection pourrait aupremier abord influencer défavorablement un lec-teur superficiel, mais en pénétrant plus profondé-ment dans ses écrits on y rencontre, pour ainsi direIt chaque page, la preuve d'un rare 1)011 sens et d'unesprit libéral. Bien des solutions, proposées avec sipeu de savoir faire, ont été en définitive admisespar la pratique, et certains passages de son Com-mentaire nous frappent encore par l'indépendanceet la franchise de la pensée. Dans l'impossibilitéoù nous sommes de tout citer, nous nous conten-terons de transcrire ici, comme spécimens de samanière, les attaques assez vives qu'il a dirigéescontre l'obscurité des coutumes et la vénalité descharges

Pauvres partyes, s'écrie-t-il dès lé déhnt deson travail, vous avez suhject d'appréhender cesfauces lumières de peur du naufrage de vos facul-tés. Fuyez les procez ce sont ces phares trom-pems, ce sont ces monstres qui vous dévorent etdoibvent vous faire souhaitter perdre Plis lût ticvotre bien que de pleder; ces monstres sont, lo-gez dans les labyrinthes (les coustu lites qui ont

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plus de tours et destours que n'avoit celuy deCrête (4). o

Et ailleurs « Tout seigneur juticier doibt choi-sir pour ses juges des hommes sages, craignansDieu, lei que le prestre de Madian, Jéthro, con-seilloit à Moyse de les prendre au xvlue chapitre del'Exode.

Mais, au contraire, l'avarice rend la justicevénale et prostitue cette saincte vierge Astrée auplus offrant et dernier enchérisseur; les offices etbénéfices sont vénaux, et la France mesme est àvendre si elle trouve un achepteur, comme on di-soit de l'ancienne home....Qui achepte son officeen gros vend la justice en destail, et le désir d'ue-euurnler des richesses périssables ne s'assouvitnon plus de l'abondance que le feu du bois quibrusle eLle rend plus ardant (2). »

De ilauduit à La Thaumassi'ere la transition estbrusque, et il semble qu'un abîme sépare cesdeux écrivains. Entre le Commentaire de 4614 etle Livre des questions et responses, trente-six anss'étaient écoulés, et les idées aussi bien que lesmoeurs avaient subi de profondes modifications.Cependant la lacune que nous signalons est plusapparente que réelle. Dans cet intervalle detemps, en effet, à la suite de Pierre Guénoys,lieutenant particulier d .'Issoudun, Jean Chenu, de

(I) 1'ouveau Corn,nentaù'e su'- la coust urne, p. 14.(2) Idem, i,. 428.

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Bourges et quelques mitres consultants renom-més (1), avaient repris, chacun à son point (le vue,l'interprétation de la Coutume, et leurs oeuvres,bien que restées inédites, furent assez rapidementconnues des praticiens, et elles exercèreM uneinfluence marquée sur les pretuiers travaux de LaThaumassière lui-même.

Né vers (630, à Sancerre, cet avocat célèbre vintse fixer de bonne heure à Bourges; dès 163, ilavait pris au barreau (le cette ville une situation pré-pondérante, et, à partir de ce moment jusqu'à 1702,date (le sa mort, malgré le labeur incessant de l'au-dience et les exigences (les charges publiques dontil fut revêtu, il sut trouvel le temps de mener à fintoute une série d'ouvrages volumineux, remarqua-Mes par la vigueur du raisonnement et par l'infinievaric3té des informations. Sous sa plume ! le com-mentaire se transforme et prend , avec une physio-nomie nouvelle, une importance qu'il n'avait pasencore obtenue. Mais,pour comprendre parfaitement

(I.) La conférence de Chenu sur la coutume était entièrement ter-minée aunioment de sa uiort, et, dans son testament, il prit soin derecommander ses héritiers de la li'-rer à limpression «Je ne veuxpas qu'entre mes livres soient vendus les traittés de médecine deM. Étieune Chenu, nv mes couvres que j'ay revues et augmentées,mais que l'on en tire le pins qu'on pourra des libraires de Paris,avant promis mon exemplaire de la Conférence de notre coustumoavec celle de Lorris, et les quatre autres voisines, à Leinur, irnpri-meur et libraire, ayant sa boutique au Palais de Paris, pu a promisme reconnoistre selon cc qu'il en aura débit. n lIistoù'e de Een'y,par G, Thaumas de La Thaumassière, p. 7.

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la nature du mérite de Lu Thaumassière et l'essorpuissant qu'il imprima aux études juridiqiles enBerry, il importe de ne pas se borner à l'examende ses traités de droit pratique; toutes ses produc-tions se rattachent les unes aux autres elles f or-ment un véritable ensemble, et c'est presque tou-jours aux recherches de l'érudit qu'il faut deiinn-der l'explicationdes sentiments du jurisconsulte.

En nous plaQant dans cet ordre d'idées, le volumesur lequel nous croyons tout d'abord devoir appe-ler l'attention est la grande histoire de Berrypubliéc en 1689 (1). A ne considérer que la date dél'impression, ce serait là un des derniers travaux deLa Thaumassière; mais il est évident que ce livre aoccupé sa pensée avanttous les autres, et c'est, avecles premières investigations entreprises pour sapréparation, que commencent les relations si fruc-tueuses de l'auteur avec Autoine de Vyon d'flérou-val (2).

Dans la vie de l'avocat de Dourges, cette liaison

(1) Histoire de Ferry, par O. Thau,nas de La Thaumassière.Bourges, Fraitçois Tonheau, 1689.

(2) Prias cairn ino oecepi beneficia quam tibi notas essem: coquetnof ara mihi videntur quo ca minus ante merLins eram.; soie quippehurnouitus tua ingenitusque in literatos orner te impulit, ut lot ,nihiproeclara ,nonun,enta, regum dipknnata, chatte, prcceepta, alla quesnonuscripto, tam er regiœ cornerœ Arehivis, quant ex ampiissirniscntMctoncis taie, Lut clic hue usque transrnitte,'es, quili us 1-listoniam13iL,.riccnsein quant font prado ttestinttt,,,,t habeo arloruorqnn. (Pué-1tee des anciennes et nouveLles coustutues locacs de J3erry et deLorris.)

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est un fait capital sur l'influence duquel il est iinpos-sible de se méprendre. C'est, en effet, au célèbre con-seiller de la Cour des comptes, à l'ami du P. Labbeet de Bucange, au promoteur infatigable de tantde publications historiques, qu'il dut les commu-nications précieuses dont il se servit avec tant desuccès, non-seulement pour son Histoire du Bcrry,mais pour tous ses autres travaux. Sans d'Hérouval,La Thaurnassière eût été un juriste à la manière deBagueau, de Guénoys ou de Chenu; mais il n'eûtjamais vivifié l'étude des textes pal' ces recherchesd'érudition et ces aperçus historiques (lui consti-tuent son originalité, et qui font aujourd'hui la meil-leure partie dc sa gloire; aussi n'a-t-i] été quejusteen reconnaissant les secours inappréciables qu'ildevait à cette illustre amibé, et en proclamant hau- -ternent qu'elle avait été l'honneur et le bonheur desa carrière (t).

Fort remarquable lorsqu'on la compare aux'essais pins ou moins défectueux qui l'avaient pré-cédée, l'Hisioi'e du Bcrry ne remplit pas l'idée quenous nous faisons maintenant d'un travail de cegenre. On n'y rencontre ni cette intelligence viveet rapide qui ressuscite le passé, ni ces considéra-tions philosophiques qne la succession des événe-

(-1) Idem. Préface des arieienns et nouvelles coustu,nes locales delterry et de Lorris La Thaumassière dédia aussi à dilérouval lesanciens arréts rit, parlement, tirés des originaux et des regisires olimpubliés en I 675 par Mattlueu Levez, d la suite des livres V etYl lesDécisions.

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inents fait naitre dans certains -esprits privilégiés,encore moins ces qualités de style ou cette ententedu récit qui forment les qualités saillant-es de noschroniqueurs.

L'auteur n'est pas davantage un antiquaire ou unarchéologue dans je sens, même restreiut, que sonépoque comportait. La découverte de débris anti-ques dans les divers quartiers de la ville de Bour-ges le préoccupe assez faiblement; les 1roblèinesde géographie locale ne le passionnent jamais, et,pour l'appréciation des monuments, son insuffisanceest telle qu'elle n'a pas besoin d'être démontrée. Sonmérite véritable est tout autre c'est celui d'unannaliste consciencieux, enregistrant les faits k leurdtite, dressant la liste des fonctionnaires ou desfamilles importantes, et suivant dans toutes leursvicissitudes les établissements et tes institutions dela province. Avec son style monotone et ses divi-sions régulières, ccii vie est moins une histoire qu'unensemHe de renseignements dans le choix desquelsles préférences de l'administrateur et du juriscon-suIte se font toujours sentir.

Les documents qu'il avait réunis pour servir depreuves à ses assertions, et qu'il devait publier inextenso dans un appendice resté malheureusementà l'état de projet, auraient donné au t-ravaiiun nou-veau degré d'intérêt. En l'absence de ces textesregrettables. les indications sommaires placées à lafin dc l'histoire du JJeri'i établissent au moins lesoin scrupuleux qui avait présidé à sa préparation.

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L'amour et l'intelligence de nos origines natio-nales, que cet ouvrage révélait déjà à un degré peu

- commun, se manifestent avec plus d'éclatdans deuxautres publications les Assise.ç de Jénisa/e,fl et lesAnciennes cousturnes locales de ]1e'nj et de Lon-is.

La première partit en 1690 et comprend, indépen-damment des assises et bons usages du royaume rieJérusalem, les coutumes de Beauvoisis, par messirePhilippe de Beaumanoir, l'Alphonsine de la ville deilion) et les anciennes coutumes de la ville d'Or-léans (4). Tous ces textes sont accompagnés d'unglossaire et de notes substantielles. Dès les pre-mien temps de sou séjour à Bourges, La Tbaumas-sière avait été frappé de Jour importance exception-nelle pour l'histoire du droit français. Beaurnanoirl'avait toul d'abord particulièrement séduit, et, aprèsla lecture d'un Inanuscritincomplet, il avait reconnuimruédiatement la haute portée d'un ouvrage où,suivant ses expressions e Nos meilleurs autheui's etDu Moulin Irli-mesme ont iuisé leurs plus pureslumières et d'où ils ont tiré leurs plus solides princi-pes (2).>) L'étudedes assises luiinspiradessentiments

(I) Assises et tons usages du '-oyuume de Idrusalem, tirés d'un ma-nuscrit de la Bibliothèque Vaticane, par messire Jean flibelin, comtede Japha et d'Ascalon, etc.; ensemble les Couslurnes de Ileanuaisis,par messire Pinlippes de Beaumanoir. bail de Clermont en Beau-vojsjs. et autres anciennes coustumes le tout tiré des 'nairnsc,-hs, parG. Thaisitias de Lt i'haumassière, noirges, Tonheau, 4690.

(2) Les Assises de Jénssa(e,n et les Coustemes de fleouvoisjs,2° Avertissement, p. I r°.

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identiques, et l'édition de i690fut le résultat de cetteimpression favorable que le temps n'avait fait queconfirmer. Aujourd'hui, la connaissance de cesadmirables écrits est vulgarisée, niais il n'est lapermis d'oublier que La Thaumassière a puissant-ment contribué à ce résultat, en les sautnettantle premier , dans leur intégrité à l'appréciation dupublic.

Les Anciennes et nouvelles couslurnes locales deBemj et de Lorris, qui parurent dès 1679, appar-tiennent au même genre de recherches (1). Si l'on euexcepte le commentaire tic la coutume de Lorris, quitouche au droit pratique, toutes les pièces et foutesles dissertations qui composent le volume ont pourbut de nous éclairer sur. les origines véritables descoutumes en vigueur, en nous faisant assister auxtransformations sociales qui les ont préparées. Dansune série cia traités approfondis, La Thaumassière,après s'être expliqué sur l'antiquité de la coutumeet sui; les faits qui ont présidé à sa naissance, à sondéveloppement, à sa réformatien, expose à largestraits la nature précise des droits qui pesaient silourdement sur les classes populaires et qui, parle progrès naturel des choses, allèrent toujours ens'atténuant.

(I) Les Anciennes et nouvelles coustun'es locales de .liernj et deLonis, commentées par G. ThaumRs de La Thaumassière. Bour-gos, 1679.

Cet ouvrage est dédié à de vyo'n d'Hérouval.

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En parcourant ces dissertations lumineuses, encompulsant avec attention cet ensemble de docu-ments qui, de la charte de concession octroyée parle roi ou le seigneur, ari'ie aux coutumes recueil-lies par des praticiens sans mission, puis aux textesrédigés sur l'invitation du pouvoir royal en 1481,et de là aux coutumes générales réformées en 1539,.on suit, pour ainsi dire, la marche du tiers état s'éle-vant, par une série de progrès continus, de la condi-tion servileà la liberté. Envisagée à cepoint devue,cette histôire n'est plus celle d'une province; lesquestions qu'elle soulève ont une tout autre por-tée et doivent exciter dc graves et profondes impres-sions. Cette route, que le jurisconsulte dc Ilourgesjalonne de documents aussi expressifs, n'est-ellepas, en effet, celle que la civilisation asuivie, non-seulement dans le Bercy, mais dans toute la France,pour briser les liens du régime féodal et arriver auplein développement (le la vie moderne? Ici , LaThaumassière a fait oeuvre de publiciste, et Tes con-sidérations élevées dans lesquelles il est entré, join-tes à la classification rationnelle des textes dont ils'est servi, en même temps qu'elles mettent sa pen-sée fondamentale en relief, accusent les tendancesphilosophiques de son esprit.

L'étude de ces travaux distingués nous conduitnaturellement aux traités de droit pratique qu'ilpublia à des dates diverses, de 1660 à 4693, et quicontribuèrent surtout à fonder sa réputation. Enmettant de côté un factum judiciaire composé dans

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son intérêt personnel (fl, ils se réduisent à quatreouvrages d'étendue fort inégale, comprenant lesQuestions et ltesponses sur les coustumes (le Ber??1, lesSix livres (le décisions avec le/ivnc-alleu, les il/axinicsdu droit coustumier et les Nouveaux Commentairessur les nouvelles coustunes du pais et duché de ]3em.Tous sans exception présentent un genre d'intérêtidentique qui ne permet guère de les juger isolé-ment. Les Questions et Besponses (2) nous font con-naître au moins, par ses idées principales, l'auteurdu grand travail d'interprétation publié en 1693,et, tians la préface de cet opuscule, nous avons déjàsous les yeux le programue qu'il s'était tracé pourl'avenir et que toujours ii se fit un devoir desuivre.

« Bez Je moment, nous dit-il, où j'ay coneeu ledessein de paroitre au barreau et quej'ay commencéà suivre le Palais,, ayant plutôt, par un bonheur ines-péré que par aucun mérite, trouvé plus d'employque je n'en attendois et que nién peu de suffisancene m'en pouvoit promettre... je nie suis fortementappliqué à la lec'Iure de nos trois interpretes, et.,après un sérieux, examen de toutes leurs ojïinions,je les'ay souvent reconnus de contraires sent.i,nens,ce qui mc rend oit quelquefois plus ilTésolu pour la

(1) Fuetun pour la noblesse (le In famille du surnom de Thomusde La Thn,nmnière.

() ()vesltons et Responses sut' les cou8umC8 dc Itervy, aveu lesarrests et. jugenleIlts renilus en interprestidion d'icelIe (divisées et'trois'centuries). l3ourges, 4691. La première édition est tIc 1660.

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solution des questions que je n'étois avant qué jenie fusse adonnéàleurlecture....Celam'ohligeaderemarquer les lieux sur lesquels je les avois trouvécontraires, et de tascher d'apprendre, des pinsanciens et habiles consultants, l'usage et la pratiquedu Palais, pour reconnoitre quelle opinion devoitprévaloir, ce que je remarquois soigneusement etparticulièrement quand j'apprenois que l'une oul'autre opinion avoit été confirmée par jugementou par arrest contradictoire (4). »

A. une époque où les recueils dejurisprudence n'a-vaient ni l'importance ni la généralité d'applicalionqu'ils présentent aujourd'hui, l'exécution de ce pro-jet, si inple qu'il paraisse, offrait plus d'une diffi-culté. La Thauniassière sut en triompher par le soinscrupuleux et persistant avec lequel il recueillit lui-mème, dans le cours de sa longue carrière, toutesles décisions relatives h l'interprétation de sa cou-tume, et surtout par le parti merveilleux qu'il ti:ra(les mémoires laissés par les y'and consultants quil'avaient précédé. Grâce k ses soins, les travaux dePierre Guénoys, de Chenu, de Robert Cheval.ticr,de Claude d'Orsanne et de beaucoup d'autres ontété sauvés de l'oubli, et leur habile successeur, ennous traçant d'après eux l'état vrai de la doctrine etde la jurisprudence du Berry, leur a rendu ample-ment justice et n'a pas hésité k les présenter à seslecteurs comnw des p/wrcs pour les éclairer dans les

(1) Qaestions et Rewonses. I utrod uction, p. I et 2.

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d//icultés les plus obscures des loir tnuntepaies (J).À. ces investigations patientes et étendues, La Thau-.massière a su joindre une exposition méthodiqueet tille interprétation où la perspicacité s'unit à unsens droit, ennemi (les vaines subtilités comme desparadoxes. Même clans ses discussions les plus minu-tieuses, la science pure ne perd pas ses droits, et,quand la question le comporte, l'éditeur des Assisesde .Ic'susaleni se retrouve lotit à coup, et sa connais-sance du droit et des sources des textes originauxne permet pas de le confondre avec les autres com-mentateurs. Le traité du Franc-Alleu (2), où les dif-ficultés les plus graves sont élucidées avec un véri-table succès au moyen (le titres a:nciens, peut étreconsidéré comme une de ses dissertations les plusachevées en ce gnre.

Ces recherches synthétiques, qui embrassaienttoutes tes coutumes de France, devaient amenerleur auteur à la reconnaissance d'un certain nombrede principes communs à toutas ces législations parti-culières. L'opuscule intitulé Maximes du droit cous-Influer pour servtr à l'explication et ré/brmation (lela nouvelle cousIu)ne de ilerry (3), a été écrit évi-

(1) Questions et !lesponses. Avertissement, p. 3.(2) Le Fronc-Allcu de la province de Berry, ou Troit de lu

liberté, des personnes et des liériloqes. Publié cii 1667 avec lesDécisions, Il a été réimprimé en 1700.

(3) Maximes du droit constomier. l3ourges, 4691. Cet ouvrageest généralement réuni aux Questions et !leaponses, niais avec unepagination particulière.

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demment sous l'empire de cette préoccupation. Dansl'avertissement qui complète son épître dédicatoireà Lainoignon , La Thaumassière, aiwès avoir exposéles imperfections qu ' une étude persévéraiite lui arévélées dans les diverses dispositions de la cou-tuine, ajoute ce qui suit:

« J'ay estimé que, pour suppléer ce qui lui man-que, il seroit bon de ranger sous vingt-sept titres,les principales maximes de notre droit coustuniier,tirées des plus belles constumes du royaume, de ladoctrine des arrest.s de la cour et des institutes deLoysel, ce qui pourra servir à expliquer et corrigernoire coustume si elle est réformée. Je supplie lelecteur de prendre en bonne part nies conjectureset mes corrections que je soumets à la censure desdoctes eUt l'aut.horité de.la Cour, ne les produisantpas pour des décisions nécessaires, mais seulementpour changer ce que j'estime sujet à réformation etexplication (4).

Ilidée de la composition ainsi développée étaitheureuse, et il y a lieu d'en tenir compte; mais, pourun réformateur, l'auteur manque de hardiesse ; il seborne à des modifications de détail, et, dans sesmaximes laborieusemen t élaborées, qui tendent àrégulariser l'action de la justice, on renrontre troppeu d'aspirations vers un ordre meilleur et vers unerépartition plus équitable des charges publiqués.

Malgré leur valeur remarquable, les travaux tic

(I) iJuwùçs du droit couetymier. AverIise,riejit, p. O.

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La -].'!iaumasshre n'obtinrent pas Lotit d'abord lesuccès dont ils étaient dignes. Son premier ouvragesouleva notamment des critiques aussi injustes quepassionnées, auxquelles il a eu le tort tic répondreavec une violence oxtrûme, en empruntant le nomde sou domestique, Jean Nigeon (4).

En 1672, l'auteur des Observations très-nécessairessur la couslune de Berry ne. bu fui. pas plus favora-ble, et les nombreuses épigrammes répandues surson compte, et qui n'expliquent complétoment ni savanité excessive, ni ses habitudes fastueuses, ni lamobilité de ses affections, témoignent des disposi- -tions malveillantes de son, entourage (2). Le tempsa fait justice de cet esprit de dénigrement et de cessentiments mesquins où entrait bien un peu dejalousie, et la réirnpressioîi, en 4644 et en I 751, duGrand conmcntaù'e et des Décisions attesta éner-giquement, ainsi que le disait l'annotateur Dumont,I' estime que l'on avoit toujours eue et que l'on conti--nuoit à avoir pou' les écrits (le ce jurisconsulte.

La postérité a ratifié celte appréciation. Par son

(I) Joannis Migeonis liber singutaris, defcnsarum quœstionum inleges .fliturigvnt mnnicipales,4G91 . La première édition estde 4oG.-Le pamphlet auquel LaThaumassière répondaitétait en latin, et c'estpar suite d'une erreur difficile j comprendre que Briinct l'a con-fociu avec les Observations sur les coutumes de Toussaint (leLa Rue.

lirunet, Manuel du Libraire, t. li, p. 355.(2) Cf. la biographie de La Tlnaumassière avec les alinexes pie-

ces en tète de la réimpression de l'Histoire (le l3arry.

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Histo&c de Berrij et ses publications dc textes an-ciens, La Thaumassière a conquis tin rang honora-ble dans cette grande école de l'érudition françaisequi forme l'une des gloires du XVHe siècle ; par sestravaux de droit pratique, il s'est placé à la tête descommentateurs, et c'est son nom qui vient le plusnaturellement a l'esprit lorsqu'on évoque au ,]our-d'huile souvenir de la Coutume de Bcrry.

Cette étude rapide présenterait une trop fortelacune si , après vous avoir entretenu de La Thau-Inassière, nous ne consacrions pas quelques lignesà l'avocat du roi, Catherinot, son contemporain, sonson rival et son ami. Cet ébrivain singulier, dontLenglet-])ufrenoy, Ménage et l'historiographe\Talois (1), se sonteomplia à raconter les bizarreries,a d'ailleurs une physionomie originale et mérited'attirer un moment l'attention. Ses opuscules his-toriques, assez nombreux, sont d'une valeur très-contestable, et si quelques-tins, comme la Moût dcScévota, révèlent un esprit ingénieuL d'autres, enplus grand nombre, ne nous frappent guère que parleur extrême platitude ou leur déplorable prolixité.Les défauts sont moins sensibles dans les recherchesd'érudition locale. Comme l'a dit avec infinimentde justessc M. de Raynal, Catlierinot est essentiel-lement l'homme des origines berrychonnes (2), et

(1) .)fenngiono, t.. .11, p. 964 ; Valesiono, p. 492.(2) Nicolos Colizerinot, wi vie et ses oeuvres, p. 7. (fllktin de fa

Société Œantiquilég du Cher, i're anne.)

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son goût naturel pour la curiosité nous n conservéun nombre infini de particularités et d'anecdotesdont aucun de ses contemporains ne soupçonnait l'in-térêt. A ce point de vue, les modestes feuilles volan-tes qu'il faisait imprimer sur znau vais papier, .ansprivilége du roi et sans prétention, aux honneurs de lareliure, ainsi qu'il le déclare, ont acquis une valeurréelle et complètent fort heureusement les pagesun peu solennelles de La Thaunjassière, Son rêlecomme jurisconsulte doit aussi être pris en sérieusecousidération. Dès 1663 il publia, avec un traitéexplicatif, les Coustwnes générales du Bern, suiviesdes Coustumes locales dc la ville et comté de 61m-teaumeillant; en! Q67 il donna, chez le libraire Crislo,le Recueil des 1?èqlc,nents du. Palais royal de JJow'-ges et province de Bern1 ; enfin, à des dates diver-ses, il manifesia ses idées en matière de législationdans plusieurs traités qui ne nous semblent pas avoirété suffisamment remarqué. Quelques-uns sont desfactums judiciaires. C'est à cette catégorie qii'ap-tiennent le Manifeste pour le seigneur de Coulon surOron, la Rente de Séris, la Prévention, le Décret deMaron, les Appetans injustes, la Plaideuse, l'Appelsans grief, l'Avantage sans avantage, etc. D'autresont une portée plus générale et affectent des alluresplus dogmatiques. Nous nous contenterons do citer,à ce titre, les vingt-quatre Dissertations du droitfrançois, les Annales théinistiques, le Journal du par-leinent, à M. de Guéret, ]es Parallèles de la noblesse,le Prest gratuit, es Axiomes du droit /'rancois et le

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traité si curieux intiwlé Que les Goustwnes ne sontpoint (le droit estroit.

Dans toutes ces pièces détachées il se rencontre,il est vrai, bien peu de \rues quenous ne puissionssignaler chez d'autres commentateurs. Nais ce fondscommun d'inspirations honnêtes et sensées estrajeuni par une bonhomie chaleureuse et pai' unesingulière-verdeurd'expressions. Surla vénalité descharges, La Thaumassière et Catherinal ont la mêmemanière devoir; mais, tandis que Je premier, avecsa réserve ordinaire, se contente d'indiquer sonopinion en citant; un passage de Sénèque, le second,cédant ii l'ardeur de ses convictions, s'expritne ences termes, aussi amers qLl'incisifs François i,que Dieu absolve, mtrod tusit ouvertement le com-merce des offices ....Il vaudroit souventmieux tirerles juges au sort que de les recevoir ainsy moyen-nant finances, car le sort en pourroitdoriner dc bons.Je consentirois volontiers ct'estre supprimé à condi-tion (lu remboursement de tous les autres et (lenomination gratuite annuellement par le roy. Ainsisainct Paul vouloit estre anathesme pour tons sesfrères. Les offices ne debvroient pct Pluls consterque la faculté d'estre advoéat, la barrette doctoraledes PP. jésuites qui ne font dépense qu'en mérite etne financent aux universités que de lascience (1). »

Ces lignes, où, sous nue forme bizarre, respire unsincère amour dii bien public, ne sont ias excep-

(1) Le Presi grotiI, p. 60.

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- 33 -tionneflcs. Dans les Parallèles de la noblesse, loin dese borner à clemanclerl'assi,pjjation des anoblis auxnobles, but spécial de sa dissertation et thème favorides j urisconsultes herrychons, Catherinot, entraînétout à coup par les considérations philosophiquesqui naissent dans son esprit, dirige coutre le corpsentier des privilégiés des reproches dont la rudessetouche à l'exagération. Le Presi gratuit rend avecplus d'exacïitude sa manière de penser; et, de mêmeque nous avons vn précédemment le magistratpourvu d'un office condamner la vénalité, nousécoutons ici, avec surprise, le bourgeois anobli parles charges réclamer l'égalité de tous les citoyenset signaler avec une tristesse patriotique les videscontinuels faits dons les rangs des commerçants parl'anoblissement conféré chaque année au maire etaux échevins en exercice de sa ville natale

r Notre ville n'est déchue, s'écrie-t-il, que depuisqu'elle s'est meslée de rentes et de noblesse. Mal-heur à ceux qui ont métamorphosé leurs enseignesen armes, et qui ont changé la navelte en fusée,les aulnes en tierces, les ciseaux en saultoir, le coni-pas en chevron, le marteau en chef palé, la scie enfasce danchée, le couteau en es 1 ée, le mortier oncloche, l'anille de moulin en croix ancrée (fl! »

Un économiste de notre temps n'aurait ni mieuxvu ni iuieux (lit. Les idées qu'il éi.net sur la néces-sité de réformer les coutumes pour arriverà l'unité

(1) Le Prest gratuit, p. 42.

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de législation, ne sont pas moins judicieusesel sontexprimées clans un langage fout aussi patriotique

e Celte réunion des coustumes, nous dit-ii, pro-jetée dès le tems (le Louis XI, (liii honora notrcville de sa naissance, de notre université et de notrenoblesse, produira deux bons effeots :plus de scienceet moins de procez. Car qui est sçavant dans unecoustume ne l'est pas dans une autre, et l'on plèdepour sçavoir par quelle coustume on sera régi. Pour-quoy n'avonsnous pas une coustume généralecomme une ordonnance? Aucuns ont diet que nosdiverses coustumes n'estoient que des mémoirespour en faire une seule, et qu'elles semblent cetableau rendu difforme par la critique de Lotit un

euple.Ta seule deParis suftroit, ayant estéréd igéedeux. fois et des dernières, et sur les commentairésdu profond Du Moulin, et dans la capitale duroyaulme et des arrests du parlement, et enfinavec une briefveté e! netteté merveilleuse, afin quetoutes les anciennes coustumes, vexées par tantde commentateurs, ne servent plus que d'his-toire W:»

il est inutile d'insister davantage. Les citations

- (I) Que les Construnes ne sont point de d,'oit estroit, p. I O. LeP. .l.elong porle h -130 le nombre (les opuscules de Qiti,erino L; l)avidCMr ruer' t t 182. La coLleclio r i (le la Bibliothèque in péria le, h Pari s,ne renferme que i47 numriros, et encore comprend-elLe, avec desimpLes titres d'ouvrages et un prospectus, des pièces manuscriteset quelques fausses atirihutions. la cottecrion de La Bibliothèquede )lourges se compose de 79 numrros seulement.,

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qui précèdent ne peuvent pas sans doute faire con-naître entièrement, Catherinot, niais elles indiquentau moins la place part qui liii appartient, et ellespermettent de saisir les traits principaux de samobile et attachante physionomie.

Jusqu'ici, iMessieurs, nous n'avons pas quitté leterrain du droit ancien, et hous nous trouvons enface d'idées et d'aspirations esseutiellement noder-nes, Le règne de Louis XIV n'est pas arrivé à sonterme, et déjà les tendances nouvelles se font jour,et les jurisconsultes les plus graves, d'accord avecles publicistes, ne craignent pas de réclamer depromptes et radicales transformations. L'heure dela réalisation de toutes ces espérances généreusesétait pourtant bien éloignéc. et ni l'ancien régime,ni la Constituante, ni la Convention, ne (levaientmener à fin la réforme législative que tant de grandsesprits avaient appelée de leurs voeux. Cette gloireétait réservée au premier Consul. Dès le commen-cement de son pouvoir réparateur, il porta sonattention sur cet objet important et, par son inter-vention personnelle, il pressa l'achèvement et fixale caractère de ce Code civil auquel iarcconnaissancepublique a conservé son nom. Vous savez quelsuccès couronna son labeur et comment cette légis-lation, (lui associe aux plus sages maximes de l'an-cien droit les grands principes d'égalité et de justicenaturelle qui sont l'honneur de notre temps, estdevenue la base solide de la civilisation moderne etle point de départ de ces merveilleux développe-

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monts .Avec elle, le progrès véritable, un instantcompromis par des nouveautés chiniériques, s'affer-mit, et ses presciiption. sensées, s'inspirant desmeilleures traditions de l'esprit français et des écritsde nos grands jurisconsultes, en môme tempsqu'elles consacrent les améliorations sérieuses, sau-vegardent avec énergie tous les principes sociauxet tous les intérôts légitimes.

Le temps, du resle, a prouvé le caractère fécondet la vitalité puissante de ces conceptions élevéeset ]ibérales. Lorsque l'Empire est tombésotis l'effort(les puissances coalisées, l'oeuvre législative del'Empereur n'a pas été un instant ébranlée, et, sui-vant les expressions si frappantes d'une allocutiondont vous avez gardé le souvenir (4), sous les diversrégimes qui se sont succédé elle est restée debout,comme un témoignage vivant du génie de son auteuret « comme la pierre d'attente de sa dynastie. i

l\iussI:EnRs,

Pendant l'année qui vient de s'écouler, l'appli-cation de la loi sur la mise à la retraite vous a pri-vés de l'utile collaboration de M. le ConseilleriJet'ry.

(t) Allocution de N. Coi1jiu, premier t'résident., à taudieucesoienuelle de rentrée de ta Cour, ta 4 novembre iSOt,

C1'(IÏ

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Arrivé à l'âge d'homme au moment des der-nières luttes do l'Empire, N. Berry ne paraissaitpas destiné à parcourir la carrière judiciaire. Appelésous les drapeaux dès 1843, ii était sous-lieutenantau 17° d'infanterie, en 1815, lorsqu'il fut licenciéavec l'armée de la Loire. Ce fut seulement sept ansplus tard, en 1822, qu'il débuta dans la Magistralureparles fonctions de Substitut près le siége de San-oerre. Le 23 août 1830, il fut nommé Procureur duroi près le même tribunal, et, le 14février 1846,après avoir été successivement Juge àl3lois et Juged'instruction à Bourges, il entra comme Consei]lerà la Cour. Dans cette nouvelle position, M. Berryresta ce qu'il avait toujours été, et vous avez pu,Messieurs, mieux que personne, apprécierjusqu'audernier instant son entier dévouement aux intérêtsde la justice, son expérience des affaires, son espritferme et droit, et ses habitudes laborieuses.

Mais M. Berry n'a pas été seulement un Magis-trat distingué; à la science du drôit, qui fut toujoursl'oi)jet principal de ses études, il joignit de bonneJieure des connaissances historiques étendues.Numismate éminent, il se révéla toutà coup en 1842par la publication de ses Études sur le tnonnayaqedes Romains, et surtout par ses Recherches sur les,nonnazesde Fronce, ouvrage considérable entreprisàun point devue nouveau, et qui forme, pour ainsidive, le complément dc Duconge, de Leblant et deLelewel. L'ardeur infatigable de N. ferry ne s'estpas ralentie avec l'âge. Aujourd'hui il poursuit, sur

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les familles consulaires de la république romaine,la i'édaction d'une oeuvre non moins ardue qui a été,de la part de juges compétents, l'objet des rapportsles plus favorables et (lui flO peut qu'ajouter à saréputation. heureux, à coup sûr, Messieurs, ceuxqui, après de longues années consciencieusementemployées au service de l'État, peuvent honorerpar des travaux aussi recommandables les loisirs(le leur retraite!

MEssuwns LES AvocÀ'rs,

Les jurisconsultes, remarquables à des titresdivers, dont j'ai essayé de faire connaitre les écrits,appartenaient presque tous à votre ordre. Ils ontlaissé h cebarreau des traditionsde science sérieuse,deloyauté, •de respect de la loi et d'indépelldanceéclairée quevous aveztoujourssu Saintenir, et quevous transmettrez comme un précieux héritage àceux qui viendront dprès vous. +

MEssiEuRs LES AvOtÉ.s,

La Magish'ature vous compte parmi ses plusutiles auxiliaires, et l'étendue de vos obligationsprofessionnel les démontre l'importance attachée

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pat le législateur à votre institution. Aussi suis-jeheureux d'avoir à vous renouveler cette abnée letémoignage de satisfaction de la Cour pour le zèleattentif que vous apportez à la préparation desaffaires. - -

Nous requérons pour l'Empereur qu'il plaise àla Cour admettre les Avocats présents à la haire àrenouveler leur serment.

Ce discours terminé, la Cour, fliisant droit

aux réquisitions tic M. l'Avocat général, a reçu,

(les Avocats présents à la barre, le serment

prescrit par la loi, qu'ils ont renouvelé eu ces

termes:

« Je jure de ne rien (lire ni publier, comme

défenseur ôu conseil, de contraire aux lois,

aux règlements, aux bonnes moeurs, à h

sûreté de I'Etat et à la paix publique, et de ne

jamais m'écarter du respect dû aux Tribunaux.

et aux Autorités publiques. D

Après quoi, M. le Procureur général ayant

dit n'avoir plus amples communications à faire

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40 -à la Cour, M. le premier Président a annoncé

qu'à partir de demain les audiences ordinairesreprendraient leur cours, et a déclaré l'Au-

dience solennelle levée.

Fait au Palais-de-Justice, à Bourges, les jour,

mois et an que dessus

Signé à la minute

E. CORBIN,

Premier Président.

A. VEILHAULT,Greffier en chef.

nouRlas, IMP. E. flGELET, IMPRIMECU 0E LA CORJt IMPIltIALE.