Les cahiers de JeunessE

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PROSPECTIVE JeunessE Numéro d’agréation : P405048 Bureau de dépôt - 1050 BRUXELLES 5 Cahiers - Volume 12 - n° 2 - 2ème trimestre 07 Cahier numéro 43 Dossier : “Paroles de parents : soutien à la parentalité : les besoins” Déconcertante adolescence Des parents seuls en demande d’espaces tiers Groupes de parents d’ado : expériences de partage Des mères à l’appel Quelle place pour les pères ? A lire ! Le manifeste de l’U.F.M.J. Les cahiers de

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PROSPECTIVE

JeunessENuméro d’agréation : P405048Bureau de dépôt - 1050 BRUXELLES 5

Cahiers - Volume 12 - n° 2 - 2ème trimestre 07

Cahier numéro 43

Dossier :

“Paroles de parents :soutien à la parentalité :

les besoins”

Déconcertante adolescence

Des parents seuls en demanded’espaces tiers

Groupes de parents d’ado :expériences de partage

Des mères à l’appel

Quelle place pour les pères ?

A lire !Le manifeste de l’U.F.M.J.

Les cahiers de

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Rédacteur en Chef

Secrétaire de Rédactionet mise en page

Relecture et corrections

Comité de Rédaction

Comité d'Accompagnement

Couverture :

Impression :Editeur responsable :

Etienne CL DA

Claire HAESAERTS

Danielle DOMBRET

Etienne CL DAClaire HAESAERTSMartine DALBernard DE VOS

Marie ABSIL, Chargée de projets,Fedito bruxelloise.Sébastien ALEXANDRE,Sociologue.Philippe BASTIN, Directeurd'Infor-Drogues, Bruxelles.Line BEAUCHESNE, Professeureagrégée, Département de Crimino-logie, Université d’Ottawa,Canada.Alain CHERBONNIER,Philologue, Licencié en Educationpour la Santé, Question Santéasbl.Ariane CLOSE, Responsable deProjets, Modus Vivendi.Christel DEPIERREUX,Responsable de la CollectionEducation pour la Santé de laMédiathèque de la CommunautéFrançaise de Belgique.Bernard DE VOS, Directeur deSOS Jeunes-Quartier Libre.Tony DE VUYST, Chef de servicedes collections thématiques etcyberespaces de la Médiathèquede la Communauté Française deBelgique.Damien FAVRESSE, Sociologue,ULB-PROMES.Manu GON ALVES, Assistantsocial, Coordinateur du Centre deGuidance d’Ixelles.Pascale JAMOULLE,Anthropologue au LAAP/UCL etau CSM Le Méridien, Bruxelles.Tatiana PEREIRA, AttachéeDirection Promotion Santé,Ministère de la Communautéfrançaise. .Micheline ROELANDT, Psychiatre.Gustave STOOP.Jacques VAN RUSSELT,Coordinateur Alfa, Liège,Président de la Fedito wallonne.Christelle VERSLUYS,Consultante-formatrice,Prospective Jeunesse.

SCHREDERJacques VAN RUSSELT

Nuance 4, Naninne

É

É

Ç

Etienne

Loïc

de

Dessins :

ANCIAUX FAVEAUX

N° ISSN : 1370-6306

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Les articles publiés reflètent les opinions de leur(s) auteur(s) mais pasnécessairement celles des responsables des "Cahiers de ProspectiveJeunesse".Ces articles peuvent être reproduits moyennant la citation des sources etl'envoi d'un exemplaire à la rédaction.Ni Prospective Jeunesse asbl, ni aucune personne agissant au nom de celle-cin'est responsable de l'usage qui pourrait être fait des informations reprisesdans cette publication.

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Avec le soutien de la Communauté Wallonie-Bruxelles(Communauté française de Belgique),

de la Loterie nationale et de la Commission communautairefrançaise de la région de Bruxelles-Capitale.

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EDITORIAL

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L

P

A

L

E

A

'inquiétude gagne certains parents lorsque leur enfant grandit, devient ado. La crise del'adolescence bouleverse le jeune qui, à son tour, ébranle l'équilibre familial. A la recherche denouveaux repères, il interpelle ses parents : qui sont-ils ? Que veulent-ils pour lui et pour eux-mêmes ?

our mieux observer ce moment de vie particulier, Les Cahiers de Prospective Jeunesse sont allésà la rencontre de plusieurs initiatives d'accompagnement de parents. Des groupes de parentsd'ados surgissent. Initiés jadis davantage dans des contextes thérapeutiques, ils sont aujourd'huiaussi portés par des plannings familiaux, des AMO (accueil en milieu ouvert) ou des associations quicherchent à renforcer le lien social. Ils rassemblent des parents qui se sentent simplementdémunis lorsqu'ils sont confrontés à leurs ados en crise. Inquiets aussi des risques que leursenfants rencontrent : alcool, violence, sexualité, échec scolaire, solitude…

u terme de cette courte promenade, retenons deux constats saillants. Dans un monde oùl'autorité est perçue comme une contre-valeur, beaucoup de parents sont abasourdis par la formed'affrontement que prend leur relation à leurs enfants. Comme s'ils avaient oublié quels ados ilsont été, la violence des émotions et des révoltes qui les ont animés. Ce dénuement du référentielrenvoie au deuxième constat, la relative solitude de beaucoup de parents. En groupe, ils viennentpresque davantage décharger leur fardeau et partager leur questionnement que chercher dessolutions.

es mères composent quasi exclusivement les groupes consultés. De la même manière, ce sontd'elles aussi que proviennent la plupart des appels à la permanence téléphonique d'Infor-Drogues.Là aussi l'enjeu de l'appel est d'abord l'amélioration de la relation à l'enfant avant même laquestion des produits.

n contrepoint, Pascale Jamoulle, dans l'article qui ouvre ce numéro, s'est intéressée aux pères.Elle porte la question sur le terrain social et illustre combien le contexte économique et les règlesd'octroi des aides publiques déterminent les relations parents-enfants. Selon elle, “lesreprésentations sociales doivent évoluer pour que les parents puissent dissocier l'accès à l'emploiet la paternité. Le travail ne légitime pas l'autorité sans partage des pères sur les familles, pas plusque le désemploi ne les évince. Le chômage… peut permettre aux pères d'investir davantage leursenfants ou petits-enfants”.

ce numéro des Cahiers consacré à un certain désarroi des parents répondra dès septembre unelivraison entièrement consacrée aux propositions de soutien à la parentalité en général et plusparticulièrement dans le domaine des usages de drogues.

Etienne , Rédacteur en Chef.CLÉDA

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Sens des conduites à risquedans l'évolution des familles

De nombreuses conduites à risquetraversent les vies de familles deshommes et des pères rencontrés. Lanotion de “conduite à risque” désignedes pratiques répétitives, voirecompulsives, de mise en jeu de soi oud'autrui, qui mettent en danger lespersonnes et leurs proches. Troissphères de mise en vertige du corpssemblent souvent s'imbriquer ets'enchaîner dans les parcours de vie desjeunes et des familles.

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La première renvoie aux logiquessociales de fragil isation, demarginalisation et d'engagementdans des activités illicites, telles ladéscolarisation, la participation àl'économie souterraine, les violencescollectives, la “petite délinquance”,etc. Cette sphère de risque naîtsouvent de la colère, du sentimentd'injustice des jeunes. Ils retour-nent l'hostilité et la violence socialesubies vers l'extérieur.U n e s e c o n d e r e n v o i e p l u sspécifiquement aux logiques dedomination/soumission dans lasphère des relations privées : les

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Mots-clés

- genre- famille- parentalité- conduite à risque- marginalité- logements sociaux- lien social

1. Docteur en anthropologie,attachée au Service de SantéMentale Le Méridien et auLaboratoire d'anthropologieprospective (LAAP) de l'UCL.

2. Publié aux éditions LaDécouverte en 2005.

LES TRANSFORMATIONSDES PRISES DE RISQUE,

DE LA MASCULINITÉ ET DE LAPATERNITÉ DANS LES QUARTIERS

POPULAIRESPascale JAMOULLE1

Ces trois dernières années, Pascale Jamoulle a réalisé une enquête de terrainauprès de jeunes gens et de pères vivant dans trois cités sociales de l'ancien bassinminier du Hainaut ou dans la rue. L'ouvrage, “Des hommes sur le fil. La constructiondes identités masculines en milieux précaire ”, est issu de cette démarcheethnographique. Il s'intéresse à la figure masculine dans les lieux où la précarités'étend. Il porte sur les transformations des prises de risque, de la masculinité etde la paternité dans les quartiers populaires.La seconde partie de l'article décrit, d'une part, comment certaines mesurespubliques se révèlent contre-productives pour la sphère familiale et, d'autre part,l'importance du travail collectif et communautaire pour établir une proximité avecles parents, les mères, mais aussi les pères et les beaux-pères et les aider àinventer leur paternité ou leur co-parentalité quand les familles se transforment etévoluent.

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DOSSIER : SOUTIEN A LA PARENTALIT : LES BESOINSÉ

Les Cahiers de Prospective Jeunesse - N° 43 - Juin 2007

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rapports de genre, de familles, defratries, de pairs. Vendettas,violences conjugales et sexuelles,séquestrations, fugues, grossessesprécoces… traversent alors les viesde famille.Une troisième touche l'intimité avecla recherche de sensations et lesretournements de la violence sur soi.Cette sphère de risque regroupeplutôt addictions, automutilations,troubles alimentaires, tentatives desuicide, errance …

Les conduites à risque ne sont pas lesattributs d'individus ou de catégoriesde personnes particulières. Elles nesont ni une entité clinique, ni undiagnostic de dangerosité apposé surcertains groupes, dans une visée decontrôle social. L'enquête les montreplutôt comme des conduites plastiquesqui s'inscrivent dans des rapports etdes contextes sociaux. Elles sontsouvent une traduction, au niveaucorporel, de tensions existentielles etidentitaires, des difficultés d'insertionsocio-économiques ou des conflits degenre, de cultures et de familles.L'instabilité psychologique éventuelledu preneur de risque apparaîtinsuffisante pour expliquer la dimensioncollective de ces comportements.

Dans les cités sociales où j'ai enquêté,mes interlocuteurs sont parents dans unespace socio-économique qui produitdes formes de conduites à risque, demasculinité et de paternité particuliè-res. Les récits parlent de l'évolutionrapide des places et des rôlesparentaux dans les familles nucléaires,monoparentales et recomposées quivivent dans les parcs de logementssociaux. Les vies de famille sontfortement marquées par la perte dutravail, la disqualification sociale et unattachement aux anciens modèlesfamiliaux industriels, structurés parune séparation forte des rôlesparentaux. Dans “l'ancien esprit”, en

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remettant leur paie aux mères, lespères se déchargeaient du quotidien.Comme chefs de famille, ils faisaientautorité du regard et du geste. Cerapport à l'autorité et la répartitionstricte des tâches entre conjoints sontaujourd'hui invalidés par l'évolution desmodèles culturels. Des faits sociaux,comme l'augmentation foudroyante duchômage dans le monde ouvrier, onttransformé la place du père. “Un hommequi ne rapporte pas d'argent, on peuts'en passer”, disent les “cheffes deménage” qui tentent de gérer le budgetétriqué des allocations sociales. Leursfemmes gèrent les relations avec lesinstitutions, perçoivent les allocationssociales, ont la charge du ménage et desenfants, travaillent… Elles sontsaturées de responsabilités et repro-chent aux hommes de ne pas prendreune place que, par ailleurs, elles ne sontpas toujours prêtes à leur laisser. Lesconflits d'autorité mettent les couplessous tension.

Les familles se transforment dans toutela société, les séparations et lesrecompositions se multiplient. Dans lescités où j'ai travaillé, la garde desenfants est, en général, donnée à lamère ; les plus précaires demandent unlogement social. Certains blocs sontsaturés de femmes seules avec desenfants. Adolescentes, elles ontsouvent souffert de la dominationmasculine. Après des échecs conjugaux,elles élèvent seules leurs enfants,parfois de pères différents, avec despensions alimentaires aux versementschaotiques ou inexistants. Pour toutesces raisons, d'étage en étage, desfemmes sont en lutte contre leshommes. Elles ont accumulé unerancune. Dans les blocs, les couples sontrares, ou alors ils sont “non officiels”. Enperdant l'accès aux emplois stables, lespères ne fournissent plus la sécuritééconomique, les services sociaux sontdevenus des pourvoyeurs plus sûrs. Pourmaintenir le niveau du loyer et des

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allocations, des pères et beaux-pères sedomicilient fictivement à l'extérieur.Leur position est difficile, d'autant plussi la mère ne leur reconnaît pas defonction parentale. De cette place,illégitime, le père risque de ne pluspouvoir jouer sa fonction de tiers entrel'enfant et sa mère, d'interface avec lasociété. Des femmes ont tendance àexercer une emprise importante sur lavie des “hommes de passage” qu'elleshébergent, contrôlant leur courrier, lesinfantilisant, les mettant régulièrement“à la porte”.

Les pères rencontrés se sentent entransition entre “l'ancien esprit” et lesnouvelles formes de paternitécontemporaine. Ils vivent de fortestensions identitaires. Ils ont été éduquédans “la peur du père” et les échangesfamiliaux silencieux. Ils ne sont paspréparés aux fonctionnementssensibles et relationnels des paternitésc o n t e m p o r a i n e s . I l s o n t p e ud'expérience des relations directesavec l'enfant, du dialogue et de lanégociation. Ils inventent leur paternitéà partir de leurs expériences de vie, parajustements successifs. Des phases dedépression et de désimplicationprésident souvent à la transformationde leurs conceptions d'homme et depère. Par moment, certains sont prisdans des tensions existentielles,économiques et conjugales qu'ilsn'arrivent plus à gérer. Ils se sententdétruits et fuient leur famille. Ilsn'arrivent pas à assumer leur paternité.Sans travail, ils ont l'impression de nepas pouvoir être ni des hommes ni despères à part entière. Leur identité,maltraitée, se rigidifie. Ils ont unsentiment d'infériorité par rapport àleur propre père. Ils se murent dans lesilence, la dépression et les consomma-tions excessives de psychotropes. Ilsrelatent leur humiliation, la violence deleurs conflits conjugaux et leursdifficultés à construire un dialogue avecleurs enfants et beaux-enfants.

Après les ruptures conjugales,beaucoup de pères se désimpliquent ousont désimpliqués. Ils ont l'impressionque sans la médiation de la mère, et loinde leurs enfants, ils ne peuvent pasassumer de rôle paternel. Ils n'arriventpas à être présents à l'enfant, à entreren dialogue avec lui. Ils ont le sentimentque leur ex-femme a toutes les cartesde la parentalité en main, qu'elle “tientl'enfant”. Des mères mettent desobstacles à la continuité du lienpaternel. Des pères ont peu de savoir-faire sur la négociation co-parentale.Aussi “les problèmes de ménage” sesoldent-ils souvent par une rupture de larelation parentale, la co-parentalitéassumée étant un idéal qui semble peucorrespondre aux réalités de l'après-divorce.

En cité sociale, on voit se multiplier lesgroupes domestiques matri-centrés queles difficultés économiques isolent. Lesmères qui doivent assumer tout, toutesseules, n'arrivent pas toujours àinscrire dans leur famille les règles de lavie sociale et des frontières entre lesgénérations. Des enfants prennent deplus en plus de pouvoir, tout en sesentant impuissants à s'émanciper, prisdans un lien trop serré avec leur parent.Un enfant parentifié a un sentiment detoute-puissance parfois très difficile àgérer pour l'environnement social, sasocialisation est perturbée. Le jeuneparentalisé soutient et dirige sa famille.Il intègre difficilement les limitesposées par le monde adulte, parce qu'il ytrouve peu d'appui. Ce rapport à la loiperturbé le fragilise sur le long terme,notamment sur le plan de sonintégration scolaire et sociale. Desjeunes se cherchent alors d'autresguides. Quand ils les trouvent dans larue, les prises de risque s'enchaînent.Certains “s'enterrent” dans leur familleet dans la cité.

Le vide de père qui leur est transmis ades conséquences. Des adolescentes

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3. Marquet Jacques (sous dir.),“Evolution contemporaine de laparentalité”, Académia Press,2005.

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incorporent des modèles masculinsqu'elles jugent défail lants. Laresponsabilité parentale ne s'inscritplus dans certaines constructionsidentitaires masculines.

Des pères rencontrés, qui assumentseuls leurs enfants, n'arrivent pas nonplus à répondre à l'ensemble de leursbesoins affectifs, nourriciers,éducatifs, sociaux…. Concentrerl'ensemble des fonctions du champ de laparentalité sur une seule personne estpérilleux. Par période, ils sont “à bout desouffle”. Ils se sentent enfermés, mis àl'écart des autres hommes. Parfois lafigure des grands-parents compensemais elle a des limites. Quand la famillese déglingue, le parent, surtout s'il estseul, tend à s'enfermer et à “se coller” àses enfants . Cette proximitésilencieuse et étouffante les retire dumonde social. Lorsque des fonctionsparentales ne sont pas exercées,l'enfant ou l'adolescent n'arrive pas àtrouver une place tenable dans la familleou la société. Les relations familiales sechargent d'anxiété et de colère, ellessont traversées par des gestuelles derisque, comme autant de conduitesd'appel.

Parallèlement à ces tranformations

rapides des familles, dans les anciens

quartiers ouvriers, le salariat se défait,

tandis que le travail contingent et

l'économie souterraine se diversifient.

De plus en plus d'hommes et de pères

“se débrouillent”, au jour le jour. Des

fils deviennent pères sans pouvoir

sortir de la précarité. Ils veulent gagner

leur vie de manière décente, mais les

rares emplois accessibles sont

intérimaires, instables, hyper-

flexibles. Le travail au noir est

insécurisant. Les allocations sociales

offrent un minimum de protection mais

sont nettement insuffisantes pour

subvenir aux besoins des familles.

S'engage alors un jeu de mises en scène

et de relations en trompe-l'œil avec

l'aide sociale, chaque partie faisant

semblant de croire qu'il n'existe pas

d'”à-côté”. Parallèlement, des jeunes

luttent pour se faire des positions

incertaines dans des réseaux de

revente de drogues ou de marchandises

“tombées du camion”. La concurrence y

est rude, les rapports sociaux y sont

duels, ultra-libéraux, sans tiers

régulateurs. Cette école de la rue

expose les jeunes. La dureté des

rapports sociaux, les comportements de

dom inat i on/soum i s s i on et l e s

trajectoires pénales peuvent altérer

leur santé mentale, fragiliser leur

paternité et les marginaliser.

Quand les espaces publics sont

davantage gérés par des regroupe-

ments de jeunes que par les adultes, la

vie de cité produit aussi des tensions de

genre importantes. Des jeunes prennent

de plus en plus de pouvoir dans le foyer,

sur leur mère et leurs sœurs, et, sur

leurs territoires, auprès des filles de

leur cité. Dès lors, les premiers

rapports de genres sont faits de

rancœur, d'animosité et de dissimula-

tion. Les filles qui ont perdu leur

réputation subissent parfois, dans la

culture de la rue, une violence qui

marque leur vie psychique et

relationnelle. Des filles “font le garçon”,

se protégeant entre elles dans des

“gangs de filles”. La plupart évitent

plutôt les ennuis, feignant de se

soumettre à la domination des garçons

tout en les prenant de haut, en secret.

Devenues femmes, elles éprouvent des

difficultés à faire confiance aux

hommes, à leur donner une place de

père, à pacifier leur couple. Elles ne

croient pas nécessairement à la

possibilité d'un modèle égalitaire

hommes/femmes. Prudentes, elles

tablent d'abord sur leur propre

protection. Certaines associent

préservation de soi, défiance envers

l'homme et appropriation des enfants.

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Prospectives en matière depolitiques sociales

Cette enquête montre la contre-productivité, pour la sphère familiale, decertaines mesures publiques.

Les critères d'accès au logement socialféminisent l'habitat social, où viventtoujours plus de femmes seules avecleurs enfants. Après les séparations, lespères des mondes populaires doiventpouvoir avoir accès à des logements àprix modérés qui leur permettent derecevoir leurs enfants, au même titreque les mères. Octroyer un logementsocial au parent qui a la garde, tandis quel'autre doit se contenter d'un studiosans chambre d'enfant, favorise ladésimplication des pères. Notons quecette politique impliquerait uneaugmentat ion g lobale du parcd'habitations sociales déjà réclaméepar de nombreux acteurs. Si les jeunesne trouvent pas, dans leurs groupesd'appartenance, des modèles de pèresimpliqués, le lien d'attachement et laresponsabilité paternelle ne s'encodentpas dans leur personnalité sociale. Onpeut alors craindre une amplification dela dépaternalisation à la générationsuivante.

Le droit social octroie “des primes à lasolitude”, fragilisant les couples,séparant les familles. L'écart entre lestaux d'allocation “isolé” et “cohabi-tant” ainsi que les réajustementsconstants des loyers sociaux enfonction du revenu global du ménagecréent des systèmes de domiciliationsfictives dont seuls les propriétairesvéreux bénéficient. Les pratiques des“boîtes aux lettres de domiciliation”donnent tout pouvoir aux femmes. Ellesfragilisent la position des pères etbeaux-pères, déjà peu nombreux dansles parcs d'habitat social. Si à chaquemembre qui s'ajoute à un groupe familial(adulte ou enfant) correspondait une

augmentation de l'allocation d'aidesociale globale du groupe (selon leprincipe de l'allocation universelle),chaque individu apporterait sa quote-part au bien-être du groupe, ce quifavoriserait la reliance plutôt quel'éclatement des noyaux familiaux. Cesnouvelles dispositions pourraient fairesortir les pères de “la clandestinité” derésidence. Outre le gaspillage d'argentpublic, les domiciliations fictives ontdes conséquences sur l'organisationinterne des familles et leurs relationsavec l'extérieur. Certaines ont une peurconstante d'une invasion de leur vieprivée. Ce qui altère leurs solidarités devoisinage et les éloigne des servicesd'aide.

, enparticulier dans les lieux marqués parl'insécurité sociale et les apprentis-sages des jeunes à “l'école de la rue”.

Pour réduire les tensions de genre, il estdevenu essentiel d'ouvrir des espacesde parole sur l'évolution des relationsfilles/garçons et hommes/femmes, enmilieu scolaire et dans les associationsen contact avec les jeunes et lesfamilles. Le travail réalisé par lesacteurs à ce niveau devrait êtreencouragé et systématisé. Serapprocher des parents, des mères,mais aussi des pères et des beaux-pères, établir une proximité avec eux etmultiplier les espaces sociaux tiers, dedialogue, de médiation, de réflexionpeut les aider à inventer leur paternitéou leur co-parentalité quand les famillesse transforment et évoluent. Resserrerle tissu social (en créant une amicale delocataires dans un immeuble, un comitéde quartier, un groupe d'habitants, uneassociation de parents…) permet auxadultes d'échanger, de se transmettreune expérience sur les difficultésconjugales ou parentales qu'ils onttraversées, d'élaborer ensemble leurexpérience de la co-parentalité. Des

L'enquête montre aussi l'importance du

travail collectif et communautaire

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projets de proximité pourraient aussise rapprocher d'avantage des intérêtstraditionnellement masculins. Dans lescités sociales, par exemple, la voitureest un champ d'intérêt capital pour lessociabilités masculines. On voit despères et des fils réparer ensemble leursvoitures dans les parkings des après-midi entières. Mettre à leur disposition,des “espaces garages”, aménagés etcorrectement outillés ferait probable-ment sens dans ce monde particulier.

Les représentations sociales doiventcontinuer à évoluer pour que les parentspuissent dissocier l'accès à l'emploi etla paternité. Le travail ne légitime pasl'autorité sans partage des pères surles familles, pas plus que le désemploi neles évince. Le chômage n'est pas uneindignité, une marque d'inutilité sociale.Il peut permettre aux pères d'investirdavantage leurs enfants ou petits-enfants. Ils peuvent expérimenter desrelations inédites avec eux, les ouvrir aumonde et développer leurs centresd'intérêt.

Des pères et des beaux-pères ont lesentiment que les services, lesinstitutions et le droit de la familledonnent un pouvoir excessif aux mères.Comment éviter que l'interventionsociale n'altère la figure du père ou du

beau-père ? Comment protégerl'égalité des droits parentaux ? Par despratiques concrètes, l'interventionsociale, juridique et le monde scolairepeuvent soutenir les mères tout enpréservant l'exercice de la paternité(envoi d'un double bulletin et ducourrier scolaire aux deux parents,soutien de la place du père, propositionde médiation familiale …).

Les enfants doivent pouvoir se projeterdans des pères et des mères qui serespectent et ont pacifié leursrelations, qu'ils vivent ou pas ensemble.Si les enfants ne le peuvent pas, lerisque de les voir craindre l'autre sexe,lutter contre lui, se construire sur desmodèles de virilité ou de féminitécaricaturaux est majoré. Des enfantssans père sont dans “le languissement”puis, plus tard, dans la révolte. Al'adolescence, ils n'arrivent pas à seprojeter dans des hommes qui ne sesont pas occupés d'eux, surtout s'ilssont fortement disqualifiés par leurmère. S'ils ne trouvent pas de modèlesmasculins structurants dans leurentourage, ils risquent de s'identifier àdes caricatures d'homme et deconstruire leur conscience masculinedans la rue auprès du groupe de pairs.

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Comment faire avec la sociétéde consommation ? De lafrustration…

Une maman, et elle n'est pas seule àréagir dans ce sens, explique : pour queson fils ne vole pas, elle lui offre depuisqu'il est tout petit tout ce qu'il veut,jouets, habits de marque, gsm, etc. Lepère accepte cela ; ne refuse rien à sonfils, pensant que ça évitera lestentations. Aujourd'hui, son fils ado estdevenu un délinquant. Ses sœurs,élevées avec beaucoup plus de restric-tions et de limites vont très bien, tantdu point de vue de leur parcours scolaireque de leur comportement. Ladifférence de statut entre filles et filsdans les familles de culture musulmanesuscite des difficultés : le fils estparfois traité comme un enfant-roi, ce

qui amène à des dérives à l'adolescence,telles que le décrochage scolaire, ladélinquance, la rupture avec les parents,etc.

Dans un autre registre, une maman nousdit : pour que son fils réussisse à l'école,elle lui offre de l'argent (entre 5 et 20euros) après ses interrogations etexamens réussis. Aujourd'hui tout semonnaie. L'enfant ne respecte pas samère, l'insulte même parfois ; le pèrelaisse faire. Il ne supporte pas dedonner des sanctions à son enfant,c'est-à-dire qu'il ne supporte pas l’idéeque son enfant lui en veuille ou soitfâché. L'enfant cherche par tous lesmoyens qu'on lui mette des limites. Iladopte des comportements de plus enplus aberrants. Cette maman se senttrès seule face à la complexité de ladynamique qui s'est installée.

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Mots-clés

- groupe de parole- parentalité- interculturalité- éducation

1. Planning Familial des Bureauxde Quartiers.

BRUXELLES :PROPOS D'UN GROUPE INTERCULTUREL

DE MAMANS D'ADOS

Valérie LOISEAU1

A la demande de femmes, mères d'enfants et d'adolescents fréquentant un centred'alphabétisation et d'échanges interculturels situé dans le Quartier Nord deBruxelles, un groupe de parole a été créé avec le soutien de l'association “Bureauxde Quartiers”. Le groupe se réunit une fois par mois pendant une heure et demidepuis 2006. Les participantes sont, pour la plupart, d'origine musulmane,d'Afrique du Nord, mais il y a aussi des Polonaises, des Italiennes, des Congolaises…Elles appartiennent, pour la plupart, à une catégorie socio-économique défavoriséeet sont peu, voire pas, scolarisées ; certaines parlent mal le français. ValérieLoiseau, l'une des animatrices du groupe, rend compte de questions abordées lorsde ces rencontres. Tranches de vie.

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Page 11: Les cahiers de JeunessE

A

A

N

utorité et punitions : manquede cohérence et de solidaritéentre les parents

ccepter et favoriser le projetdes enfants grandissants

e pas savoir suivre son enfantsur le plan scolaire

Les mères se plaignent : soit le père esttrop sévère, interdisant tout à sesenfants, ne supportant ni le bruit, nileurs activités, ni la télévision ;incapable de dialogue et d'écoute (etcela se reproduit aussi au sein ducouple)… Les enfants vivent alors dansleur chambre ou dehors… soit il laisse àla mère toute la charge de l'autorité,laissant tout faire à ses enfants…jusqu'à dire le contraire de ce que lamère leur demande. Par exemple, unemère punit son gamin de 12 ans parcequ'il a frappé violemment et injuste-ment sa sœur et l'envoie dans sachambre. L’enfant va trouver son père,la punition est levée. Il revient dans lacuisine faire la nique à sa mère qui a demoins en moins de poids vis-à-vis de lui.

Parfois le projet de l'enfant ne cadrepas avec les “attentes parentales”. Unemaman explique que son fils de 19 ansveut faire du théâtre. Son mari et elles'y opposent farouchement. Cela induitla révolte et une rupture de contactavec le jeune.

Certaines mamans expriment leurdifficulté de voir partir leurs enfants :partir “à la belge”, c'est-à-dire dans uneautre maison, créer une autre famille,d'autres liens, éventuellement d'autresmanières de faire et de penser.

Une maman nous fait part desdifficultés de son gamin, relayées par

l'école de devoirs. Son fils, 7 ans,première primaire, va tous les jours àl'école de devoirs, de 15h30 à 17h, aprèssa journée d'école classique. Il semontre extrêmement turbulent, à lalimite caractériel. Le groupe souligneson jeune âge et la difficulté deconjuguer deux temps assis coup surcoup. La maman comprend, mais se sentincapable de suivre son enfant elle-même : elle ne sait ni lire ni écrire. Sonmari est handicapé et ne prend pas partà l'éducation des enfants.

Les mamans prennent plus ou moinsconscience de leur propre responsabi-lité dans ce qui ne va pas bien avec leurenfant. Elles voient aussi que leur marijoue également un rôle très important.Et qu'une cohérence entre les parentsest souhaitable pour que paroles etgestes aient du poids vis-à-vis del'enfant.

Malheureusement, la réalité est parfoisloin de l'idéal. Certains pères ne sontpas des (re)pères valables, elles-mêmessont parfois trop exigeantes ou, àl'inverse, trop laxistes ou inconstantes,ne tenant pas leurs punitions à longterme.

Une prise de conscienceprogressive

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Bureaux de Quartiers

Planning Familial et centre deconsultations conjugales etfamiliales agréé par laCommission communautairefrancophone de Bruxelles-Capitale.

Rue du Noyer 3441030 BruxellesTél. ; 02/[email protected]

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Conflits constructifs ParentAdo

Anne Courtois est psychiatre. Elletravaille au Service de santé mentale deLouvain-la-Neuve et enseigne à l'ULB.Dans le cadre de ses activitésprofessionnelles, elle rencontre desparents en difficulté. Ils cherchent del'aide et, selon son expérience, ilss'adressent davantage à des dispositifscomme des groupes de parents, desthérapeutes pour leurs ados ou poureux-mêmes comme parents. Par ailleurs,l'augmentation de la demande deformation tant des professionnels quedes parents apparaît comme unvéritable phénomène de société. Iltémoigne de la réelle difficultérencontrée par les parents pourcontenir les crises d'adolescence. Pourbeaucoup, elle devrait se passer sur unmode de compromis et de gentillesse.Or il s'agit bien d'un moment dechangement qui génère des frictions etqui fait mal.

L'omniprésence du GSM et l'explosiondu temps pendant lequel l'ado restechaque jour scotché à l'écran, ladisparition du rituel du repas et, au seindes familles recomposées, les relationscompliquées entre beaux-parents etbeaux-enfants qui mènent parfois descouples au bord de la rupture… autantd'exemples d'un malaise. Pourtant, il n'ya là aucune psychopathologie avérée. Lafamille doit faire face à un momentparticulier lorsque les enfants grandis-sent. Anne Courtois y lit trois crises.

L'ado doit faire face simultanément auxsept travaux d'Hercule (MartineStassart, ULG). Il est sujet à uneprofonde interrogation existentielle quin'est pas forcément visible. Il s'inter-roge autant quant à son identité que vis-à-vis de celle de ses parents et de leursolidité. En même temps, il entame unerecherche de reconnaissance et diffé-rentiation du genre et de son propresexe. Son accoutrement en témoigne. Il

La crise adolescentaire

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Centre local de promotion dela santé du Brabant wallon

Le CLPS apporte son appuiaux personnes et associationsdésireuses de développer desactions dans le domaine de laprévention, de l'éducation àla santé et plus largement dela promotion de la santé..Les services sont gratuits,ouverture durant les heuresde bureau et sur rendez-vous.

Avenue de Wisterzée 561490 Court-Saint-Etienne010/62.17.62

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“QUAND LES ADOS S'EN MÊLENT” :DES PARENTS EN BESOIN D'ESPACES

DE MÉDIATION

Compte rendu de Etienne CLEDA1

Le CLPS du Brabant wallon organisait le 8 mai 2007 sa troisième journée d'un cyclesur la santé et le bien-être des familles. Ce temps de formation et de rencontreétait centré cette année sur les relations familiales. L'après-midi de cette journéeréunissait les participants autour de plusieurs ateliers dont l'un était consacré àl'adolescence. La triple crise que vivent les familles avec leurs adolescents faitsurgir le besoin d'espaces de médiation pour certains parents. C'est l'objectifrencontré par les groupes de parents d'ados réunis par l'AMO Carrefour J deWavre. Compte rendu.

Mots-clés

- parentalité- adolescence- CLPS

1. Consultant-formateur àProspective Jeunesse.

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est de coutume de dire qu'entre 14 et 15ans l'ado choisit des habits qui lecachent, vers 16-18 ans, il préfère ceuxqui le singularisent et autour de 19-21ans, son style trouvé, il assume un corpsqu'il montre à voir.

Intellectuellement, l'adolescence estune période pendant laquelle les jeunesévoluent d'une pensée concrète à lapensée hypothético-déductive. Cettetransformation réclame une maîtriseplus importante du langage et vers 16ans certains font le constat d'undécalage. Le langage ne va pas aussi viteque l'évolution de la pensée. La place quel'ordinateur et Internet ont prise dansnotre société a cependant transformécette évolution de la pensée (Piaget).Ceux qui grandissent aujourd'huiconstruisent leur pensée différemmentque ceux qui les ont précédés.

La transmission et le dialogue secompliquent pour les parents commepour les enseignants.

Troublés par ces transformations, lesadolescents, entre la fusion et larupture, cherchent une nouvelledistance avec leurs parents.

Ce qui aggrave la situation, c'est quecette crise de l'adolescence a commecorollaire la crise du milieu de la vie desparents. A quarante ou cinquante ans, ilsse posent des questions identitaires etcette crise va entrer en résonance avecl'adolescence. Ils revisitent tous leurschoix existentiels et surtout leurschoix d'adolescents. Leurs liens paren-tal et conjugal sont souvent mis à mal.

Face à eux, l'ado leur demande de luimontrer qu'ils peuvent être parentsensemble, qu'ils sont capables d'être àdeux ensemble.

2

La crise du milieu de vie pour lesparents

Par ailleurs, les parents réinterrogentaussi leurs liens avec leurs propresparents. Le processus de transmissionsemble mis à mal, il semble difficile devivre dans le présent en étant fort deses racines et de son héritage.

C'est en vivant leur propre crise qu'ilsdoivent gérer, accompagner celle deleurs enfants.

Il n'y a plus de consensus social relatif àl'éducation. D'autre part, le contextesocial (famille élargie, amis,…) ne joueplus le rôle de contenant, de tiers pourles individus et les familles commeavant. Lorsqu'une difficulté surgissait,il existait un espace où des points devues différents pouvaient se dire, secôtoyer, se conflictualiser. Ce proces-sus est nécessaire pour intérioriser leconflit et grandir.

Il semble plus difficile de recouriraujourd'hui à ce social, de trouver deslieux où dire sa difficulté d'être parenten questionnement face à un enfant encrise. La question surgit : commentréinstaurer une instance médiatrice ?

La crise sociale

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2. Voir Stassart, M. “Lesparadoxes de l'autonomie”.Communication prononcéedans le cadre de la journée

Carrefour J

Service d'aide en milieuouvert (AMO) reconnu par laCommunauté française deBelgique.

Il a pour objectif d'informer,aider, accompagner ouréorienter tout jeune endemande ; de contribuer à larestructuration des jeunesen difficulté ; de pratiquer laprévention à l'attention desadultes et de la médiationentre le jeune et ses milieuxde vie. Il propose del'information et de l'aideindividuelle, du travailcommunautaire et collectif,des groupes de parole et desanimations de préventiontelles que :

"Animation de prévention desassuétudes” : animation-débat consacrée à laproblématique des assuétu-des destinée aux jeunes deplus de 15 ans. Egalementproposée aux adultes qui enfont la demande (parents,éducateurs, corps ensei-gnant).

Rue des Fontaines, 18-201300 Wavre010/24 30 [email protected]://www.carrefourj.be/Autres implantations :Chastre :Avenue des Bouleaux 151450 ChastreEspace Jeunes de Chaumont-GistouxRue Colleau, 31325 Chaumont-Gistoux

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Deux groupes de parentsd'ados à Wavre et à Chastre

Christine Loyen est animatrice etmédiatrice pour Carrefour J, une AMOdu Brabant wallon. Une AMO a missionde prévention générale dont celle de laviolence. S'adressant aux mineursd'âge, l'AMO reçoit aussi des parents.Comme il n'y a pas d'obligation de fairevenir les jeunes , certains parentsvenaient seuls rencontrer les interve-nants sociaux. De là est née l'idée decréer un groupe de parents d'ados.

Le groupe de parents d'ados se réunitun soir par mois depuis dix ans. Il estaujourd'hui composé d'une dizaine demamans dont trois sont là depuis ledébut. Ces rencontres n'ont pasd'objectif thérapeutique. Les animatri-ces n'exercent pas de rôle d'expert. Al'expérience, d'ailleurs, la présenced'expert ne s'est pas révéléeintéressante car cela ne répond pas ausouhait des participantes de sedéposer, de pouvoir parler. Le Groupeest un espace qui permet de relativiser,de limiter le sentiment de solitude soiten raison d'un manque de relais familialsoit pour celles qui n'osent pas s'expri-mer avec leurs familiers. Plus des deuxtiers des participantes sont divorcées.

La présence est libre. La seule con-trainte consiste en une charte fixantdes modalités pratiques ainsi qu'unengagement à la confidentialité. A ladifférence du groupe de Wavre quirassemble des personnes qui ne seconnaissent pas par ailleurs, ce dernierengagement prend tout son sens pour legroupe de Chastre lié à un quartierd'habitations sociales. La proximité faithésiter à participer des personnes quise connaissent.

Du débat émerge la question del'intérêt de la création de tels espacesde paroles. Pour le jeune, il existe des

3

4

instances tierces naturelles. Obligatoi-res dans le cas de l'école, choisies quantau club de sport ou la maison des jeunespar exemple. Pour les parents, ces lieuxsont rares, ils ne trouvent pas où seposer pour aborder les questions qui seposent à eux avec leurs ados. Au sein del'AMO, ce lieu a été créé pour desparents dont les enfants n'étaient pasdemandeurs d'une intervention.

Une des difficultés évoquées est cellede la limite. L'autorité est devenue unecontre-valeur. Les jeunes ont besoind'un cadre où ils se sentent sécurisés,un espace de confrontation. C'est dansce cadre qu'ils peuvent donner sens àleur parole, se sentir écoutés avant quel'adulte prenne une décision. L'adoles-cence est un temps de confrontationentre les valeurs des deux parents etcelles des enfants. Trouver la bonnedistance entre écoute et décisionimposée n'est pas aisé. C'est aussi floupour les enseignants et les éducateurspar rapport aux jeunes. Pour beaucoupd'intervenants présents, leur rôle estsouvent d'expliquer aux parents cequ'est l'adolescence. Un temps oùle conflit est constructif.

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d’étude “Autonomie : facteurde réussite dans l'enseigne-ment supérieur ?”, organiséep a r l e P ô l e M o s a n e tl'Université de Liège, 2004.Texte publié en ligne :http://www.fapse.ulg.ac.be/lab/enf-ado/liens.html

3. Les AMO sont les seulsservices de l'aide à la jeunessequi interviennent sans mandatd'une autorité judiciaire ouadministrative.

4. Mixte au commencement, legroupe ne réunit plus que desmères. Lors du débat, uneintervenante signale qu'àChapel le-aux-Champs seréunissent des groupes depères et des groupes de mères.Parfo is des rencontrescroisées sont organisées.http://www.chapelle-aux-champs.ucl.ac.be

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WWW.SELF-HELP.BE

Le service Promotion de la santé del'Union nationale des mutualitéssocialistes a créé ce site d'informationsur les groupes d'entraide et asso-ciations de Self-Help en Communautéfrançaise de Belgique. Il répertorie lesassociations de personnes ayant desproblèmes similaires et qui, parl'écoute, le soutien, l'entraide etl'action, tentent d'y remédier.

P a r m i l e s n o m b r e u x g r o u p e sréférencés, plusieurs rassemblent desparents. Autour de situations de vieparticulières comme le Centre dePrévention du Suicide qui organise desrencontres entre parents d'adoles-cents confrontés à la problématique dusuicide ou Tels Quels pour des parentsqui vivent difficilement l'homosexualitéd'un de leurs enfants avec pour objectifde dédramatiser la situation et tenterde ramener la sérénité dans la relationparents-enfants. Dans le domaine desassuétudes, “Self-Help” renseigne le“Groupe de soutien pour parents detoxicomanes” d'Alfa à Liège. Deux foispar mois, le Groupe se réunit pouraborder les difficultés vécues face à unenfant dépendant de produit. C'est unlieu convivial de soutien mutuel,d'information et d'évolution person-

nelle permettant d'établir des relationsplus claires et plus sereines.

“DUR, DUR D'ÊTRE PARENTS”Un groupe de parents d'adosaccompagné par “La Fourmilière” àGedinne

Depuis presque deux ans, une petitedizaine de mamans des alentours deGedinne se réunissent chaque mois àl'initiative des animatrices de “LaFourmilière”. Jeux de rôle, recherchepar rapport à des mots-clés pourexprimer des sentiments,… autantd'activités proposées par une anima-trice de la Communauté française pourévoquer les questions que suscitent lesenfants lorsqu'ils grandissent. Audépart, le groupe a échangé à propos dela violence et particulièrement de laviolence à l'école. S'adapter à unenouvelle école, l'argent de poche oumieux comprendre l'adolescence sontd'autres thèmes abordés.

“Je suis venue pour m'informer” dit unedes participantes. “Pour nous, c'étaitplutôt pour essayer de trouver un moyende communiquer avec un adolescent endétresse ou en opposition et voir un peucomment les autres gèrent la situation”,ajoute une autre.

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Mots-clés

- parentalité- adolescence- groupes de parole- auto-support- suicide- homosexualité

1. Consultant-formateur àProspective Jeunesse.

GROUPES DE PARENTS D'ADO,RÉPONSE À UN DÉSARROI ?

Etienne CLEDA1

Les initiatives de groupes de parents d'ados se multiplient. Qu'on les nomme“groupe d'auto-support”, “self-help” ou “groupe de parole”, qu'ils rassemblent desadultes autour d'un thème particulier ou plus largement sur l'expérience d'êtreparents d'ados, ils témoignent d'un besoin de parole, d'échanges etd'encouragements. Quelques exemples.

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Centre de Prévention duSuicide

Tels Quels asbl

Alfa

La Fourmilière

Place du Chatelain 461050 Bruxelles02/[email protected]

Rue du Marché au Charbon 811000 Bruxelles02/514.49.74www.telsquels.be

Rue de la Madeleine 174000 Liège04/223.09.03

Véronique MaldagueRue Albert Marichal 75575 Gedinne061 58 95 18)

[email protected]

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Page 16: Les cahiers de JeunessE

Les objectifs : éclairer les parents surles risques liés à la consommationd'alcool et sur les stratégies commer-ciales en œuvre dans ce secteur,trouver avec eux une approche visant àréduire ces risques et à mieux prendreen compte ces stratégies, révéler aveceux les facteurs qui influencent laconsommation des ados, questionner lesparents sur leur propre consommation.

Le ton : partir des représentations etdes expériences des parents pourexplorer la question et démystifiercertains comportements, sans culpabili-ser ni stigmatiser.

Le programme : quatre rencontres ontété programmées avec les famillesparticipantes, entre février et avril2007.

Quatre moments de discussion, quatreaxes :

Dresser le décor : partir del'expérience des familles pourdégager quelques pistes de réflexion(les jeunes consomment quoi,pourquoi, comment, quand, qu'est-cequi se fait et se dit à ce propos dans lafamille ?)Approfondir la question : à partir del'expertise des acteurs de terrain(Educ'alcool, Modus Vivendi, CRIOC,psychiatres, etc.), aborder laquestion des facteurs déterminants,celle des stratégies marketing, celledes risques, et observer quelle est lareprésentation des parents à cepropos.Travailler sur les moyens à dévelop-per en famille : jeux de rôle.

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14 Les Cahiers de Prospective Jeunesse - N° 43 - Juin 2007

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LES FAMILLES, LES ADOS ET L'ALCOOL :EN PARLER ENSEMBLE

Début 2007, la Ligue des Familles et le groupe porteur “Les jeunes et l'alcool”,représenté par l'asbl Univers Santé, ont initié un travail de fond avec des famillesvolontaires, destiné à favoriser le dialogue familial autour de la consommationd'alcool par les jeunes. “Parler d'alcool avec ses enfants c'est prendre le risque deparaître pour un ringard, pour un alcoolique ou pour un néo-hygiéniste”, disent-elles,témoignant de la difficulté d'aborder la question de l'usage de ce psychotrope“trop commun”. Cet article en deux parties présente d'abord les objectifs et lecadre des rencontres avant de rendre compte, dans un deuxième temps, desinterrogations qu’y ont exprimées ces parents.

UN CADRE POUR SUSCITERLA PAROLE DES PARENTS

VirginieAttachée de direction au Service d'Etudes de la Ligue des Familles

DEWITTE,

Mots-clés

- parentalité- famille- groupe de parole- alcool- réduction des risques

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- Mise en commun : bilan des quatrerencontres et capitalisation dutravail effectué.

Le résultat : les familles participantesont largement apprécié l'initiative. Lepoint fort à retenir à l'issue des quatrerencontres : la solidarité qui s'est crééeentre les parents présents et lecheminement accompli par chacund'entre eux (prise de conscience,déculpabilisation, légitimation du rôlede parent, facilitation du dialogue enfamille).

La suite : les partenaires du projetdoivent à présent faire le bilan dutravail effectué avec les familles et encapitaliser les résultats. De nouveauxoutils pourraient naître à partir de là(outils d'animation, brochure,…). Et

l'expérience pourrait être réitérée, surbase des approches éprouvées et desapproches en devenir. Bref, placemaintenant à l'analyse, à la prospectionet à la créativité.

La Ligue des Familles remercie vivementles familles qui se sont prêtées au jeuainsi que ses partenaires de travail. Cefut un premier pas constructif vers unemeilleure sensibilisation des familles àla problématique de la consommationd'alcool par les jeunes, vers une lutteplus pointue contre la banalisation decette consommation et vers une mise àmal des opérations commerciales etpublicitaires insidieuses.

Pour plus d'infos, voir Le Ligueur, n° 18du 2 mai 2007, dossier "L'alcool, unebombe nommée désir".

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La famille a-t-elle un rôle à jouer dans larégulation de la consommation d'alcoolpar les jeunes ? La réponse apparaîtévidente : oui. Et pourtant, ce n'est passimple. Des difficultés apparaissent.Dialogue, repères, limitation desrisques sont quelques-uns desingrédients mis en évidence par lesfamilles qui ont accepté de se poser cesquestions.

L'alcool étant le psychotrope le pluscommunément admis, il existe une sortede normalisation de la consommation,voire de normalisation d'une consomma-tion excessive ou risquée. Certains

Dur dur

parents (on pense plutôt aux papas) nesont-ils pas un peu fiers de la premièrecuite de leur fils, se rappelant avecnostalgie et racontant avec fierté leurpremière cuite et les suivantes, devéritables exploits… Il faut dire aussique les alcooliers et les publicitaires nefacilitent pas la vie. Proposant avecgrands renforts de moyens des boissonsattrayantes par le goût, le look. Ilsconfortent le jeune dans l'idée queboire de l'alcool, c'est normal, c'estjeune, c'est fun.

De plus, interpeller la consommation deson enfant, c'est prendre le risque dedevoir interroger sa propre consomma-tion d'alcool. “Tu dis que je bois trop,mais toi tu bois du vin chaque jour !”. “Tu

ALCOOL, PARENTS, ADOS :UN COCKTAIL DÉTONNANT

Florence ,Univers santé asbl

VANDERSTICHELEN

La Ligue des familles

Le département Recherche -Etude-Formation (REF) de laLigue des Familles

Forte de ses 65.000 membreset 3.000 volontaires, La Liguedes Familles étend son actionsur la Wallonie et surBruxelles.

Ses missions s'articulent selondeux pôles. En tant quemouvement d'éducat i onpermanente, la Ligue forme etinforme les familles grâce à sespublications (Le Ligueur, leJournal de votre enfant,...), sesconférences organisées auniveau local, son servicelittérature de jeunesse, etc.

En tant que syndicat desfamilles, la Ligue défend lesintérêts des familles auprèsdes autorités du pays.

est uneéquipe pluridisciplinaire qui apour vocation de nourriractivement les deux pôlesd'action de la Ligue. En termesd'éducation permanente, leREF mène des recherches-actions qui alimentent laréflexion du mouvement etcelle des familles. Le REFparticipe à ou organiseégalement des conférences,c o l l o q u e s , g r o u p e s d ediscussion à l'attention desfamilles. Côté action politique,le REF est la tête pensante dela Ligue : élaboration desrevendications, siège dansdifférents organes consulta-tifs, représentation desfamilles.

[email protected]

Rue du Trône 1271050 BruxellesTel. : 02 507 72 [email protected]://www.liguedesfamilles.be

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voire la questionner, est-ce que celafragilise l'adulte aux yeux de sesenfants ? Nous faisons le pari inverse.C'est plutôt témoigner aux jeunes de lanécessité d'avoir un regard, un contrôle(même avec des dérapages contrôlés)de la consommation. N'est-ce pas unepremière balise importante à proposerà son enfant : “Et toi, qu'est-ce que tubois ?”

“Chacun développe son propre style deconsommation d'alcool, constate lepsychiatre Denis Hers. Ce style estsouvent en rapport avec ce que lui atransmis sa famille. La famille transmetles habitudes sociales et familiales. Ycompris la façon de boire et la façond'intégrer l'alcool dans sa vie. L'enfant,le jeune verra, percevra ou ressentiraimplicitement ce modèle. L'enfantgrandira avec des parents qui ont uncertain rapport à l'alcool et vaspontanément les imiter. La qualité decette transmission va limiter lesrisques”.

La période entre 15 et 25 ans est un âgedifficile. C'est un âge où l'on doit fairebeaucoup de choix, mettre beaucoup dechoses en place, on passe du monde del'enfance au monde des adultes. Il y a, àcet âge, un gros travail psychiquedevant lequel certains peuvent setrouver en difficulté. Il y a égalementun travail de réappropriation deslimites. “Enfant, explique Denis Hers,on nous a enseigné certaines choses, àl'âge adulte chacun intègre un certainnombre de limites que l'on a reçues dansl'enfance. On en refuse certaines, on enintègre d'autres”. L'adolescence est unâge où l'on va tester les limites, on vatester ce qui, pour soi, sera la bonnelimite. Donc durant l'adolescence, onretrouve classiquement des abus dedivers ordres qui sont normaux, mais quiinquiètent parfois les parents.

Dépasser les limites

as déjà repris le volant avec un verredans le nez”. “ Au mariage de Charlottetu étais bourré…”. Et voilà les adultesrenvoyés à leur propre consommation !S'ajoute à cela le fait que le propre del'adolescent, c'est de dépasser leslimites. Dès lors, les limites peuventapparaître comme vaines. Commentdonner des repères avec une certaineautorité parentale lorsque l'on craintque ces repères soient ignorés, du moinsà court terme ?

Bref, parler d'alcool avec ses enfantsc'est prendre le risque de paraître pourun ringard “tous mes copains peuventboire”, pour un alcoolique “toi aussi tubois” ou pour un néo-hygiéniste “rabat-joie, va”.

L'observation de sa propre consomma-tion d'alcool a déjà un effet sur celle-ci.Tentez l'expérience qui a été proposéeaux fami l les : fa ites l 'arbregénéalogique de la consommationd'alcool dans votre famille. Qui boitquoi, en quelle quantité, à quel rythme,dans quelles circonstances ? Quelregard portez-vous sur ces consomma-tions ? Pictogrammes, ciseaux, colle.Chacun construit son arbre généalogi-que. Les parents, les enfants, lesgrands-parents, voire les oncles ettantes apparaissent dans le portraitparce que leur comportement (del'abstinent jusqu'au joyeux fêtard)éclaire le tableau familial.

“Je ne m'étais jamais arrêté sur laconsommation d'alcool dans ma famille,explique Michel. C’est très éclairantd'observer la culture familiale de laconsommation”. “Mon mari et moi aimonsfaire la fête, avec ou sans alcool.J'espère que les enfants perçoivent quela fête est aussi possible sans excès”.

Observer sa consommation d'adulte,

Qu'est-ce que tu bois ?

Univers Santé

Asbl créée par l'UCL en 2000 àla suite d'une vaste étude surles besoins de santé desétudiants à l'Universitécatholique de Louvain.

En partenariat avec despublics jeunes, des acteurs etdes associations de terrain,des enseignants et desprofessionnels de la santé,l'association développe desactions d'éducation à la santé,de prévention et de promotionde la santé en milieu étudiant.

Place Galilée 61348 Louvain-la-NeuveTél. : 010/47 28 28Le Passage, bâtiment “Mémé”

Rue Martin V 281200 BruxellesTél. : 02/764 43 34un i vers -sante@un i vers -sante.ucl.ac.beH t t p : / / w w w . u n i v e r s -sante.ucl.ac.be

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Page 19: Les cahiers de JeunessE

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1. Institut suisse de préventionde l'alcoolisme et autrestoxicomanies : www.sfa-ispa.ch/

2. L'institut national deprévention et d'éducation pourla santé : www.inpes.sante.fr/

Dialogue et repère

Les parents peuvent s'apercevoir, oupenser que leur enfant consomme tropd'alcool, dépasse les limites. A cemoment, le dialogue est toujours lachose la plus profitable. L'ISPA enSuisse ou l'Inpes en France proposentquelques balises que les parents ontjugé intéressantes. Pour les enfants,soyons clairs : pas d'alcool. C'estévident, mais cela va encore mieux en ledisant. Surtout lorsqu'on observeaujourd'hui un net rajeunissement de laconsommation. On peut expliquer à unenfant ou à un préadolescent que soncorps et son cerveau sont en croissanceet qu'ils sont dès lors sensibles auxeffets de l'alcool. Vers 14-15 ans lesoccasions de boire se multiplient.L'adolescent se rend chez des amis.L'envie d'essayer est bien là et pourcertains d'entre eux il existe uneconsommation régulière. “Restonsfermes et gardons le contact”. Il estimportant que le jeune sache qu'il n'estpas normal, à son âge, de boire del'alcool. On peut lui parler des effets del'alcool sur un corps encore encroissance et des risques que l'on prendlorsque l'alcool a fait perdre tout oupartie du contrôle de soi. Mais, c'estaussi être à l'écoute de ses motivationsà la consommation. C'est entre 16 et 20ans qu'on observe les principaux excès.C'est sans doute à cette période que lesparents attrapent le plus de cheveuxblancs. Le dialogue reste la meilleurefaçon d'intervenir. On peut dire soninquiétude, parler des risques deviolence, d'accidents, d'intoxication.Prendre ou proposer des mesures deprotection. “Ce dialogue, se dérouletoujours de façon informelle, expliqueune maman. Beaucoup d'occasions sontbonnes à saisir : une fête dans le village,le retour à la maison après une semainede guindaille au kot, un anniversaire àorganiser. Aujourd'hui, c'est avec plusd'assurance que j'entre en dialogue.

1

2

C'est comme si ces quelques momentsd'échange avec d'autres famillesm'avaient donné l'autorisationd'intervenir, ou simplement les balisesme paraissent plus claires, plus faciles àexpliquer”.

C'est en échangeant, en essayant decomprendre, en écoutant avant deporter des jugements trop négatifs, queles parents peuvent se rendre comptequ'il s'agit simplement d'une consom-mation festive ou temporaire. Il y a biensûr un âge où cela est plus difficile àfaire, où le jeune estime qu'il se gèrelui-même. Les parents sont alorsdavantage des interlocuteurs, ils n'ontplus la même autorité parentale.

Dans d'autres cas, des parents serontplus inquiets parce qu'ils aurontl'impression qu'il n'y a jamais eu defêtes sans gros excès, que le jeuneprend des risques. “Nous nous sommesfait aider par un service d'aide à lajeunesse, témoigne une maman, parceque le dialogue était rompu et quej'étais fort inquiète”.

Ne pas diaboliser la situation, mais nepas non plus banaliser les comporte-ments d'alcoolisation des jeunes, tel estl'équilibre qu'il faut trouver sur ceterrain d'éducation. Il ne s'agit pas deprôner l'abstinence, ni la prohibition,mais simplement de pouvoir, commeparent, proposer des points de repère,des balises pour éduquer les jeunes àune consommation responsable et moinsrisquée.

Je gère

Le groupe porteur "Lesjeunes et l'alcool”

Ce groupe rassemble dixassociations actives dans lesecteur de la jeunesse et de laprévention des méfaits desassuétudes. Il travaille depuisp l u s i e u r s a n n é e s a u xm e i l l e u r e s m a n i è r e sd'aborder les questions liées àla consommation d'alcool avecles jeunes.

Les Cahiers de ProspectiveJeunesse (n° 32, septembre2004) ont publié les actes ducolloque “Les jeunes etl'alcool, vers un réseau”, quiconstituent la premièresynthèse des travaux duréseau.

Le réseau est composé de laFédération des centres dejeunes en milieu populaire, laFédération des EtudiantsFrancophones, Jeunesse etSanté, MJT-Espaces Jeunes,la Ligue des Familles, UniversSanté, Prospective Jeunesse,Infor-Drogues et le RAPID.

Contact : Martin de DuveTél. : 010 47 35 04Jeunes-a l coo l@un ivers-sante.ucl.ac.be

DOSSIER : SOUTIEN A LA PARENTALIT : LES BESOINSÉ

Les Cahiers de Prospective Jeunesse - N° 43 - Juin 2007

Page 20: Les cahiers de JeunessE

Graphique 1 :

Répartition des appelants à la permanence téléphonique d'Infor-Drogues

2006

Usagers

26%

Professionnels

11%

Etudiants

6%

Autres

9%

Ne sais pas

1%

Entourage

47%

Quelques chiffres

Depuis la création en 1989 de lapermanence téléphonique 24h/24, lesmembres de l'entourage, dont les mèresen grande partie, constituent la moitiédes appelants qui s'adressent à Infor-Drogues. La moitié des appels del'ensemble de l'entourage sont desappels de mères. Cette prédominance

18

Mots-clés

- prévention- parentalité- usages de drogues- cannabis- Infor-Drogues

1. Permanence téléphonique24h/24 et 7j/7 au 02 227 5252.

DES MÈRES À L'APPEL :ECHOS DE LA LIGNE TÉLÉPHONIQUE

D'INFOR-DROGUES

L’équipe d’Infor-Drogues asbl1

La permanence téléphonique 24h/24 d'Infor-Drogues existe depuis 1989. Unquart des appelants sont des mères. Beaucoup d'entre elles témoignent del'inquiétude, de l'anxiété, voire d'un désarroi profond, face à une situationbrutalement découverte ou qui perdure et se dégrade. Le rôle des écoutants estsouvent d'aider les mères à aller au-delà de la focalisation sur "la drogue" afin detravailler le fond du problème.

étant assez stable depuis quelquesannées, nous nous concentrerons danscet article sur les demandes des mères.

Deux graphiques montrent les raisonsde ce choix. Le premier présente larépartition des principales catégoriesd'appelants à Infor-Drogues pourl'année 2006. Le second illustre ladistribution des appelants au sein de lacatégorie “Entourage”.

DOSSIER : SOUTIEN A LA PARENTALIT : LES BESOINSÉ

Les Cahiers de Prospective Jeunesse - N° 43 - Juin 2007

Page 21: Les cahiers de JeunessE

Graphique 2 :

Répartition des appelants au sein de la catégorie "Entourage"

(Infor-Drogues, 2006)

Mère

49%

Père

12%

Autre membre de la famille

18%

Autre membre de

l'entourage

9%

Conjoint

12%

19

Par ailleurs, les mères appellent 3 foisplus souvent pour leur garçon (76 %) quepour leur fille (24 %). La tranche d'âgede l'enfant concerné tourne le plussouvent autour de 17 ans (catégorie de16 à 18 ans). Néanmoins, il faut noterque 10% des mères téléphonent pour unenfant de moins de 16 ans.

Sur le plan quantitatif, la demande laplus importante (un quart du total) estune demande d'aide pour améliorer larelation avec l'enfant concerné parl'appel (que sa consommation soit avé-rée ou supposée).

Ensuite, la demande qui vient ens e c o n d e p o s i t i o n c o n c e r n el'information sur les produits eux-mêmes (drogues illégales, alcool,médicaments…) : leurs effets, lesrisques encourus, leurs coûts, etc. Cesquestions représentent 13 % du total.

Le nombre de demandes qui viennent entroisième position concerne une aidemédicale comme les traitementsmédicaux ou psychologiques possibles.La proportion de ces demandes tourneautour de 10 %.

Les demandes d'écoute viennent enquatrième position. Pour nous, l'item“demande d'écoute” concerne lesdemandes de personnes qui n'attendentpas nécessairement de solution denotre part mais qui souhaitent partageravec un écoutant confidentiel leurssentiments, leurs réflexions, leursquestions… L'écoute représente 10 %des demandes.

Enfin, les demandes d'un arrêt de laconsommation concernent 7 % du totaldes demandes. Notons que ce type dedemande, quand il n'est pas formulé parle consommateur lui-même, est parfoistrès proche d'une demande d'aide

Que demandent les mères ?

médicale ou de traitement (voir ci-dessus).

D'autres demandes complètent cetableau mais sont nettement moinssignifiantes en nombre : conseil ourenseignement juridique, adresse destructure, information sur les tests dedépistage, demande de documents….

Un produit très évoqué : le cannabis

Parmi les substances évoquées, lecannabis est de loin le produit le plussouvent mentionné par les mères (unefois sur deux). A propos de ceproduit, nous dirions que les mères sedivisent en deux groupes : celles quiétaient au courant de la consomma-tion depuis quelque temps et cellesqui viennent de l'apprendre. Ce sontsurtout ces dernières qui sontinquiètes car elles ne disposentsouvent d'aucune informationcorrecte et sont en proie à un grandnombre d'idées reçues. Telles la peurde l'escalade vers d'autres drogues,la peur de la dépendance,… Les deuxgroupes partagent souvent ladifficulté d'interdire et d'argumen-ter face aux arguments de leurenfant : “c'est une drogue douce, pasdangereuse”, “tout le monde le fait”“je gère”,…

DOSSIER : SOUTIEN A LA PARENTALIT : LES BESOINSÉ

Les Cahiers de Prospective Jeunesse - N° 43 - Juin 2007

Page 22: Les cahiers de JeunessE

20

Infor-Drogues asbl

La permanence téléphonique

Fondée en 1971, l'associationoffre de l'information, del'aide, des conseils à tout unchacun confronté d'une façonou d'une autre, de près ou deloin, à la problématique desdrogues. Elle est surtoutconnue pour sa permanencetéléphonique 24h/24. C'esta u s s i u n e é q u i p e d eprévention, un centre dedocumentation et un siteInternet : www. i nfor-drogues.be.

02/ 227 52 52

La permanence téléphoniqueest ouverte à toute personne(jeune, adulte, usager dedrogues, proche d'usagers,professionnel) qui souhaiteparler et/ou poser desquestions à propos desdrogues et de leurs usages,elle fonctionne 24 h sur 24.

Anonymat et secret pro-fessionnel sont garantis.

L'équipe est composée deprofessionnels (psychologues,assistants sociaux, etc.),formés à la relation d'aide(différentes approches) et autravail téléphonique.

Infor-Drogues19 rue du Marteau1000 Bruxelles

De la plainte…

Beaucoup de mères témoignent de

l'inquiétude, de l'anxiété, voire d'un

désarroi profond, face, soit à une

situation ignorée qui vient d'être

révélée, soit à une situation qui perdure,

voire se dégrade, et les amène à

téléphoner ou à retéléphoner.

Bien souvent, c'est à l'écoutant au

téléphone d'aller au-delà de la

description de la situation. En effet, il

n'est pas du tout évident pour une mère

confrontée à ce type de situation

d'avoir le recul suffisant pour cerner ce

dont elle a réellement besoin.

En effet, dans notre société la

thématique des drogues est encore

largement sous-tendue par la peur. Les

informations, les films, la littérature,…

mais aussi les amis, la famille (souvent

dans un souci de bien faire)

transmettent, à plus ou moins forte

dose, de la peur. Ainsi, il est fréquent

que notre public associe drogues et

mort, drogues et problèmes graves, etc.

Les conséquences sont multiples :

cela rend le sujet tabou (ou en tout

cas très difficile à aborder), tant

pour les usagers et leur entourage,

qu'entre les adultes et les jeunes. En

cas de consommation, la surprise est

d'autant plus grande, renforçant du

même coup la paniquecela entretient l'attente extrême-

ment pressante de trouver des

solutions rapides et univoques, du

type “recettes”, qui permettraient

de prévenir à tous les coups l'usage

de drogues ou de faire cesser sur le

champ toute consommation existantein fine, cela provoque une perte du

“bon sens” et des habilités que

possèdent en principe les parents

pour faire face à ce type de

comportement.

-

-

-

… la demandeAL'important est donc l'émergence d'unedemande, qui soit explicite et/ouimplicite.

D'emblée des demandes peuvent êtreexplicites lors d'un appel téléphonique.Ces demandes explicites sont plusprésentes quand il s'agit d'un appel demère qui sait que son enfant fume déjàdepuis un certain temps. Il s'agitsouvent d'un appel mieux informé, plusobjectif et qui présente la situation demanière moins passionnée. Le plussouvent ces demandes explicitesconcernent, comme nous l'avons dit plushaut, l'information sur les produits, desadresses de centres de traitement, desdemandes d'aide en vue d'améliorer lesrelations familiales, de trouver dusoutien personnel… Assez régulière-ment nous constatons qu'un grandnombre de ces demandes explicitessont, en fait, des prétextes avantd'aborder dans un second temps lavéritable motivation de l'appel.

Les demandes implicites concernentdavantage l'intimité personnelle et/oufamiliale, les relations, le rapport auplaisir, à l'interdit… Les demandesimplicites doivent “se sentir” et ils'agira de les faire émerger lors de laconversation. Tout le doigté dupermanent consistera, pour une part, àne pas s'en tenir à donner des réponsestechniques aux questions explicitementposées. En effet, ce type de réponserisque d'obturer l'espace possible pourexprimer une difficulté. Certainesmères ont davantage de facilité pourévoquer ces questions, mais dansl'ensemble il s'agit d'un sujet difficile àaborder, même au téléphone de manièreconfidentielle.

Ces deux types de demandes sontsouvent présents lors d'un appel demère.

DOSSIER : SOUTIEN A LA PARENTALIT : LES BESOINSÉ

Les Cahiers de Prospective Jeunesse - N° 43 - Juin 2007

Page 23: Les cahiers de JeunessE

Il s'agit aussi, et c'est délicat,extrêmement délicat, de suggérer de sedétacher du produit lui-même. Ainsi, n'ya-t-il pas, ailleurs, un événement pénibleauquel l'enfant a du faire face(séparation des parents, ruptureaffective…) ou plus “banalement” nes'agit-il pas d'un adolescent enrecherche, voire en crise ? Il ne s'agitbien sûr ni de culpabiliser les familles, nid'excuser par avance toute consomma-tion de drogue mais de rechercherensemble, au téléphone, des pistes pourcomprendre ce qui se passe et pourenvisager des solutions.

21

Dans la majorité des conversations avecles mamans, nous remarquons que laquestion centrale qui sous-tend laquestion cannabique tourne autour du“qu'est ce qui ne va pas dans la famille?”.Le point de départ (obligé ?) étant le“c'est la faute au cannabis” qui a uneffet sur les relations, les résultatsscolaires,… C'est cela qu'on nousdemande de traiter. Face à cesdemandes, le permanent d'Infor-Drogues ne doit jamais perdre de vueque si les parents appellent c'est qu'ilsn'ont pas trouvé de solution auxdifficultés qu'ils rencontrent ou que lessolutions qu'ils ont tentées ou imaginéesne se sont pas révélées satisfaisantes.Il faut donc avancer pas à pas.

DOSSIER : SOUTIEN A LA PARENTALIT : LES BESOINSÉ

Les Cahiers de Prospective Jeunesse - N° 43 - Juin 2007

Page 24: Les cahiers de JeunessE

Le manifeste des magistrats de la Jeunesse commencepar un regret. Ils expriment leur regret d'être, demanière récurrente, dans l'incapacité réelle d'exercerleur profession et d'appliquer la loi au profit desenfants, des jeunes et des familles. Selon eux, lesprises en charge concrètes et les réponses de terrainsont aujourd'hui cruellement insuffisantes, et cela àtous les stades d'intervention de l'aide et de laprotection de la Jeunesse et même en amont de celles-ci (notamment au niveau de l'enseignement et de l'aidedans les familles et les quartiers). Cette situationcontribue à alourdir et aggraver les problématiquesrencontrées concernant tant les mineurs d'âge qui ont

transgressé la loi que ceux dont l'intégrité est mise enpéril. A cet égard, ils rappellent avec force que la toutegrande majorité des dossiers qu'ils traitent concernedes enfants en danger. Cette situation constitue aussipour eux la première cause d'insécurité de notresociété.

“S'il nous est impossible de remettre du cadre, desrepères et des limites, donc du respect, sens premierde la loi, notre mission légale n'est plus exercée et perdtout son sens.”

La modification de la loi de 1965 a préservé “le seul

15Les Cahiers de Prospective Jeunesse - N° 43 - Juin 2006

DOSSIER :

MANIFESTE DE L'UNION FRANCOPHONEDES MAGISTRATS DE LA JEUNESSE

EN VUE DES ÉLECTIONSFÉDÉRALES DU 10 JUIN 2007

Le 24 avril une manifestation des magistrats de la jeunesse à laquelle de nombreuxacteurs de l'aide à la jeunesse se sont joints a envahi les marches du Palais deJustice de Bruxelles. Par ce rassemblement, les magistrats de la Jeunesse depremière instance, juges et Procureurs de Wallonie et de Bruxelles, ont souhaitétirer un signal d'alarme à la veille des élections législatives. Ils s'inquiètent pour lesenfants et les familles à l'égard desquels ils considèrent être trop souvent mis dansl'impossibilité de prendre leurs responsabilités légales. Extraits.

* Union Francophone des Magistrats de la Jeunesse : Eric JANSSENS, Président, Substitut ([email protected]) ;Francine BIRON, Vice-Présidente, Juge de la Jeunesse ([email protected]) ; Delphine LEBEAU, Secrétaire, Substitut; Vincent MACQ, Substitut ; Didier DAVID, Substitut ; Marie-Noëlle ROUARD, Juge de la Jeunesse ; Sandrine VAIRON,Substitut ; Pierre-André HALLET, Juge de la Jeunesse ; Christian PAQUE, Premier Substitut ; Jean-François VELGE, Juge de laJeunesse ; Françoise DELPLANCQ, Juge de la Jeunesse ; Anne MARTIN, Substitut.

Bureau de l'U.F.M.J.*

Mots-clés

JusticeFamilleAide à la jeunessePolitique

Page 25: Les cahiers de JeunessE

modèle acceptable : celui de la protection et del'éducation de nos enfants et nos jeunes, sans exclurela sanction nécessaire”. Tout en défendant avecvigueur la loi et le Décret de la Jeunesse, l'UFMJrevendique que ce nouveau texte ne reste pas une “loipapier”. Au quotidien, les magistrats, comme nombred'acteurs de l'aide et de la protection de la Jeunesse,ne peuvent bien souvent apporter les réponsesindispensables aux difficultés parfois extrêmementlourdes rencontrées dans les familles.

“L'aide et la protection de la Jeunesse constituent laprévention du pénal. La réponse pénale coûte bien pluscher et son efficacité est chaque jour remise en causede manière encore bien plus radicale que pour lesecteur de la Jeunesse. […].

En amont, c'est toute la question de l'enseignement etdes acquis fondamentaux qui se pose aussi.Investir maintenant dans les crèches et les écoles,lieux de vie et d'apprentis-sage citoyen, constitue lameilleure prévention au tout premier stade”.

Les manifeste de l'UFMJ se poursuit par une série deconstats à partir de situations vécues. Nous retenonsici la difficulté pour les Magistrats de trouver desréponses dans certaines situations particulières. Letexte s'achève par plusieurs réponses que lesmagistrats de la jeunesse veulent préconiser.

Les juges et Procureurs insistent. Ils ne sont pasdemandeurs de plus de placements, mais bien de plus deprises en charge au sens large, comme les pistes ci-dessous l'illustrent.

L'intervention judiciaire est déjà un pis-allé, même si,par un travail éducatif cohérent, bien des chosesrestent possibles avant la majorité. Favoriser la bien-traitance et les apprentissages fondamentaux dans lesfamilles, les écoles et la rue doit être une prioritéabsolue.

Lutter pour l'accrochage scolaire c'est non seulementéviter que nos jeunes soient désœuvrés et en rue, maiségalement et surtout leur offrir les bases d'une future

Réponses à préconiser : quelques exemples

En amont

Décrochage scolaire

citoyenneté responsable. C'est dans l'école que letravail de prévention tant de la délinquance que dudanger vécu par les enfants doit avoir les moyens detrouver ses racines.

Les jeunes qui commettent les délits les plus gravessont souvent ceux qui ont été le moins respectés dansleur parcours. Un enfant aidé efficacement est undélinquant de moins. Un enfant laissé à sa souffranceest potentielle-ment un adolescent auteur de faitstransgressifs lourds.

Il paraît indispensable de préserver coûte que coûte unsystème basé sur le respect de la personne et la foi enson meilleur avenir possible. Ce système, qui estheureusement le nôtre, fait notre fierté.

Les services A.P.I. des I.P.P.J. conti-nuent àaccompagner le jeune après son séjour et font le relaisavec l'aide en milieu ouvert et la famille. La durée dusuivi doit être suffisamment longue et ces équipesdevraient se compléter en nombre. Cela permettra àbien des jeunes d'être orientés plus vite vers desprises en charge moins onéreuses et qui prendront plusde sens pour eux. A ce jour, la toute grande majoritédes jeunes sortant d'I.P.P.J. sont réorientés en familleet dans leur quartier. A défaut de soutien spécifique,les problématiques antérieures réapparaissent biensouvent : mêmes causes, mêmes effets.

Le sport aventure et l'aide sociale ou humanitaire, parune activité collective, permettent de créer uneaccroche forte et sincère avec le mineur concerné.L'estime de soi est ainsi restaurée. Le sentimentd'utilité est particulièrement important dans lareconstruction psychique du jeune. Ces disciplinespermettent de ne pas sombrer dans la stigmatisation àoutrance du jeune, de le rendre acteur de la réponse. Ledéfi est ici de créer ou restaurer un ensemble derelations équilibrées et durables.

Aide à la Jeunesse

Sauvegarder le modèle éducatif

Accompagnement Post Institutionnel

Sport aventure et aide sociale ou humanitaire

16 Les Cahiers de Prospective Jeunesse - N° 43 - Juin 2006

Page 26: Les cahiers de JeunessE

17Les Cahiers de Prospective Jeunesse - N° 43 - Juin 2006

Page 27: Les cahiers de JeunessE

De nombreux magazines grand publicpublient des dossiers sur ce qu'il fautfaire ou ne pas faire pour être un bonparent et réussir l'éducation de sesenfants.

Il y a encore quelques dizainesd'années, de “bons parents” étaient des“parents sévères” : “tais-toi et écoute”,“obéis”, “je t'interdis de…” Aujourd'hui,Mai 68 étant passé par là, on n'interditplus rien à personne, il faut laisser lesenfants s'exprimer ; il ne faut surtoutpas les brimer et étouffer en eux toutespontanéité, tout naturel. Alors, plutôtque de prendre le risque de “mal faire”,de nombreux parents “laissent toutfaire” et adieu les limites, fini le cadre,envolés les interdits et vive la liberté,croit-on. Or, ce sont les limites, le cadrequi structurent un enfant. “L'enfant quidoit attendre pour obtenir satisfactionréalise qu'il y a une réalité extérieure àlaquelle il faut s'adapter” (”Pas tout desuite, mon chéri !”, Guy Corneau, Gaël,juin 2007). Les limites, le cadre, lesinterdits évoluent avec les enfants : onn'exigera pas d'un jeune enfant de 6 ansce que l'on attend d'un ado de 15. Leslimites et le cadre se négocient ; lessolutions se trouvent ensemble, chacunfaisant des concessions : “tu ranges tachambre et tu peux passer la soiréechez ton copain”. C'est du donnant,donnant, du gagnant, gagnant ; personnene perd la face. La difficulté, pour lesparents, est souvent de rester fermesans être arbitraire ou despotique ; desavoir punir quand il le faut sans pourautant humilier l'ado. Et pour l'ado,aussi, il doit pouvoir reconnaître etaccepter les règles parentales tout engardant sa dignité et son prestige

(surtout si la remarque est faite enprésence d'un pair). (”10 conseils pourqu'il vous écoute”, “Respectez la pudeurde vos ados”, Top Santé, juin 2007).

“Pour bien se développer et bienétudier, les enfants ont besoin debonnes relations avec leurs parents etleurs professeurs car l'enfant est unanimal relationnel” affirme leneurobiologiste Joachim Bauer. Il fautévidemment qu'il y ait des règles, mais ilfaut d'abord construire de bonnesrelations entre les parents et lesenfants. Le médecin et psychothéra-peute allemand a mis en évidence lesliens étroits entre la motivation et sabase chimique dans le cerveau. Le joiede vivre et les aspirations au succèssont dirigés par la dopamine, l'oxytocineet l'opioïde. Ils sont renforcés ouatténués en fonction de l'intérêt, del'attention, de la reconnaissance et dela valeur personnelle accordée à unindividu, surtout à un enfant (La LibreBelgique du 30 mai 2007).

Parfois, la bonne volonté ne suffit pas etla crise éclate : le dialogue n'est pluspossible entre les parents et l'ado. EnFrance, depuis 1999, il existe “desmaisons d'ados”. Ce sont des lieuxd'accueil qui aident les ados en crise, ousimplement mal dans leur peau, àexprimer leurs difficultés, leur mal-être. Ces structures sont pluridiscipli-naires, et offrent aux ados, soit deslieux de parole, soit les services d'uneéquipe de soignants plus spécialisés(médecin, psychiatre, diététicien,…).("Pourquoi des maisons d'ados", TopSanté de juin 2007).

24

1. Responsable du Centre deDocumentation de Prospec-tive Jeunesse (CDPJ).

Le CDPJ rassemble plusieursmilliers d'ouvrages, de revueset de vidéos relatifs auxquestions des drogues, dejeunesse et de santé.

Productions du CDPJ :

- revues de pressebimensuelles (abonnement100 euros/an)

- revue bibliographiqueélectronique trimestrielle

- dossiers thématiques(liste sur demande)

Le CDPJ est accessible lemardi de 10h à 12h, lemercredi et le jeudi de 14h à16h ainsi que sur rendez-vous.

REVUE DE PRESSE :PARENTS-ENFANTS :

UNE RELATION A INVENTER ?

Danielle DOMBRET1

Les Cahiers de Prospective Jeunesse - N° 43 - Juin 2007

DOSSIER : SOUTIEN A LA PARENTALIT : LES BESOINSÉ

Page 28: Les cahiers de JeunessE

Les Cahiers de Prospective Jeunesse : titres parus1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

Cahier 1 : pratiques judiciaires en matière de consommation de produits illicites (épuisé : copie disponible)

Cahier 2 : privé ou public : quels espaces de liberté ?Cahier 3 : école et prévention (tome 1) (épuisé : copie disponible)Cahier 4 : école et prévention (tome 2) (épuisé : copie disponible)Cahier 5 : situations des jeunes adultes (18 - 25 ans)

Cahier 6 : école et prévention (tome 3)Cahier 7 : la question du plaisir, le plaisir en question (tome 1)Cahier 8 : la question du plaisir, le plaisir en question (tome 2)Cahier 9 : la question du plaisir, le plaisir en question (tome 3)

Cahier 10 : la question du plaisir, le plaisir en question (tome 4)Cahier 11 : économie souterraine ou économie des exclus ? (tome 1)Cahier 12 : économie souterraine ou économie des exclus ? (tome 2)Cahier 13 : drogues et prison (tome 1)

Cahier 14-15 (numéro double) : drogues de synthèse : de la prévention des risques aux risques de la prévention(actes de la journée d'étude d'Eurotox du 3.12.1999)Cahier 16 : drogues et prison (tome 2) et Economie souterraine ou économie des exclus (tome 3)Cahier 17 : drogues et cultures

Cahier 18 : cannabis et autres drogues : la dépénalisation en questions (tome 1)Cahier 19 : les alicaments : entre nutriments et médicamentsCahier 20 : cannabis et autres drogues : la dépénalisation en questions (tome 2)Cahier 21 : cannabis et autres drogues : la dépénalisation en questions (tome 3)

Cahier 22 : la famille (tome 1)Cahier 23 : le secret professionnelCahier 24 : la famille (tome 2)Cahier 25 : radioscopie du monde enseignant (l’école - tome 1)

Cahier 26 : monde du travail et psychotropesCahier 27 : la réduction des risques (tome 1)Cahier 28 : la réduction des risques (tome 2)Cahier 29 : à l’école des jeunes (l’école - tome 2)

Cahier 30 : contextes et consommationsCahier 31 : santé et prévention : braderie ou promotion ?Cahier 32 : aCahier 33 : Promotion de la Santé et Réduction des Risques : la question du tabac... toujours avec filtre ?

Cahier 34 : santé et communication : info ou intox ?Cahier 35 : vive la fête ! (fête et psychotropes)Cahier 36 : pauvreté, contrôle social et (dé)stigmatisation (tome 1)Cahier 37 : pauvreté, contrôle social et (dé)stigmatisation (tome 2)

Cahier 38 : enjeux de loisCahier 39 : dépendances : assuétudes, addictions, toxicomanies ?Cahier 40 : quand la prison s’ouvre... aux partenariatsCahier 41 : soigner les usagers de drogues 1970-2006

Cahier 42 : parents-enfants : quand la justice s’en mêleCahier 43 : paroles de parents : soutien à la parentalité : les besoins

ctes du colloque “Jeunes et alcool” du 18.05.04 à Louvain-la-Neuve

Infos : Claire Haesaerts, Secrétaire de Rédaction à Prospective Jeunesse : tél. : 02/512.17.66, [email protected]

Page 29: Les cahiers de JeunessE

Editorial

Avec le soutien de la Communauté Wallonie-Bruxelles(Communauté française de Belgique),

de la Loterie nationale et de la Commission communautairefrançaise de la région de Bruxelles-Capitale.

Etienne CL DA 1

Pascale JAMOULLE 2

Valérie LOISEAU 8

Compte rendu de Etienne 10

Etienne CL DA 13

Virginie DEWITTE 14

Florence VANDERSTICHELEN 15

L’équipe d’Infor-Drogues 18

Bureau de l’UFMJ 22

Danielle DOMBRET 24

É

CLÉDA

É

DOSSIER : PAROLES DE PARENTS :

SOUTIEN A LA PARENTALIT : LES BESOINSÉ

Les transformations des prises de risque, de la masculinitéet de la paternité dans les quartiers populaires

Bruxelles : propos d’un groupe interculturel de mamans d’ados

”Quand les ados s’en mêlent” :des parents en besoin d’espaces de médiation

Groupes de parents d’ados, réponse à un désarroi ?

Les familles, les ados et l’alcool : en parler ensembleUn cadre pour susciter la parole des parents

Alcool, parents, ados : un cocktail détonnant

Des mères à l’appel :échos de la ligne téléphonique d’Infor-Drogues

Manifeste de l’Union francophone des magistrats de lajeunesse en vue des élections fédérales du 10 juin 2007

La revue de presse de Prospective Jeunesse

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