Les cahiers de l’

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Les cahiers de l’ 4 L’entrepreneuriat féminin en Wallonie

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l’4 L’entrepreneuriat

féminin en Wallonie

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sommaire

Editorial 4-5

Présentation de l’ASE 6

L’entrepreneuriat au féminin : une réalité à prendre en compte 8

Qui sont les femmes qui créent leur emploi ? 10

Les motivations et les freins à l’auto-création d’emploi 13

Quels leviers pour promouvoir l’entrepreneuriat féminin ? 18

L’entrepreneuriat féminin dans le monde 21

L’exemple du Québec 24

La situation en France 26

Portrait de femmes entrepreneures

Intro 29 Marina Aubert 30 Liliane Belleflamme 32 Dominique Delvaux 34Anne-Marie Heller 36 Laurence Leberger 38

De l’utilité des réseaux de femmes

Intro 41AFFA 42DIANE 44FAR 46FCE-VVB 48MERIDIENNE 50PERLE 52

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50 ans après le slogan «à travail égal, salaire égal» lancé par les femmes de la FN, les femmes au travail sont de plus en plus des femmes entrepreneures, créatives et innovantes.

Pourtant, le monde économico-social, comme d’ailleurs l’ensemble de la société, reste, bien souvent, machiste.

S’épanouir au travail, c’est s’épanouir dans une citoyenneté active… C’est la possibilité de vivre pleinement ses passions, son existence.

Les études menées attestent que, quel que soit le niveau de qualification ou le type de travail effectué, des inégalités de traitement liées au genre sont présentes.

L’entrepreneuriat n’échappe pas à ce sexisme [rappelons l’étude Diane, réalisée par l’ULG, qui montre que, seulement, 30% des indépendants de Wallonie, sont des femmes].

Confrontées à des réalités particulières, leur attente est, dès lors, plus grande d’être mieux formées et informées des démarches liées à la création ou au développement de l’entreprise. J’ai, dès lors, veillé à répondre aux besoins de mise en réseau des femmes entrepreneures.

L’entrepreneuriat féminin ne doit pas être le fait exclusif de quelques fortes personnalités, mais celui de toutes celles qui portent un projet concret, répondant à un besoin.

Le Ministre de l’Economie, de l’Emploi, du Commerce extérieur et du Patrimoine

editorial

“à travail égal, salaire égal”

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La sensibilisation à l’Esprit d’Entreprendre et la promotion de l’entrepreneuriat, sont au cœur des missions de l’ASE.

Les Programmes d’accompagnement, d’appui et de soutien à la création d’activité mis sur pied par l’ASE et ses opérateurs s’adressent à tous les candidats entrepreneures et entrepreneurs déjà lancés, quel que soit leur sexe.

Les chiffres, qui sont toutefois à prendre avec prudence, étant donné l’absence de données systématiques concernant le genre en Wallonie, montrent la sous-représentation des femmes dans l’entrepreneuriat.

La plupart des études montrent que si les femmes rencontrent une série de difficultés inhérentes à la création d’activité, difficultés qui sont partagées par leurs homologues masculins, il en existe une série d’autres qui sont liées à leur condition de femme.

Sur la base de ces constats, l’ASE, en s’entourant des réseaux, a souhaité donner, par le biais de ce cahier, une définition large de l’entrepreneuriat féminin afin d’appréhender cette réalité de la façon la plus complète possible.

Les témoignages que vous allez découvrir sont éclairants et soulignent la nécessité de donner de la visibilité aux femmes entrepreneures.

L’Agence a souhaité réaliser un état des lieux de l’Entrepreneuriat féminin en Wallonie et démontrer la nécessité de ne pas isoler cette thématique mais de la considérer comme faisant partie intégrante de l’entrepreneuriat de manière générale.

C’est en sensibilisant les opérateurs de manière transversale qu’il faut donner aux femmes la visibilité qu’elles méritent.

Vincent Bovy Directeur de l’ASE

l’entrepreneuriat au féminin : une réalité

prise en compte par l’ase

“c’est en sensibilisant les opérateurs de manière

transversale qu’il faut donner aux femmes la visibilité qu’elles

méritent.”

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l’ase : une agence pour stimuler

l’économie wallonne !L’Agence de Stimulation Economique est la «coupole de l’animation économique» en Wallonie.

Créée par le Gouvernement wallon dans le cadre du «Plan Marshall», l’Agence a en effet reçu pour mission de structurer et de coordonner un ensemble d’outils et de services destinés aux porteurs de projets et aux chefs d’entreprises. Des rôles qu’elle a

pris à bras le corps dès sa création en 2006 et dans lesquels elle a atteint des résultats incontestables.

Avec ses partenaires, issus de l’Animation économique au sens large, l’Agence sensibilise aujourd’hui les Wallons à l’entrepreneuriat et permet aux entreprises d’être accompagnées tout au long de leur vie.

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La première mission : être le moteur de la réforme de la stimulation économique.

La première mission était de rationaliser, coordonner et intégrer les services proposés aux entreprises en vue d’en garantir la cohérence et la plus grande accessibilité possible.

Le résultat aujourd’hui est visible : des actions concrètes, pour les créateurs et les chefs d’entreprise, sont disponibles dans les différents bassins wallons, développées par des opérateurs agréés par l’Agence. Cette mission, l’Agence l’a effectuée en collaboration avec les opérateurs eux-mêmes, rassemblés dans les six Structures Locales de Coordination.

L’Agence poursuit en 2009 cette mission en cherchant à optimaliser les complémentarités entre les opérateurs. Attentive aux opportunités, l’Agence contribue à une meilleure lisibilité des actions pour les porteurs de projet et les entreprises dans la perspective du développement économique wallon.

La seconde mission : intensifier la volonté d’entreprendre des Wallons.

L’ASE a comme seconde mission d’inciter chaque wallon à être «entreprenant», quel que soit son champ d’activité.

Si cette mission est vaste à long terme, elle est déjà largement entamée auprès des jeunes. Dès l’école primaire et tout au long du cycle scolaire, dans le cadre de son «Programme Wallon Esprit d’Entreprendre», l’Agence permet aux écoliers de découvrir leurs talents et de «passer à l’acte».

Finançant et accompagnant une quinzaine d’actions de fond proposées aux 600 Etablissements d’Enseignement de Wallonie par une équipe d’«ambassadeurs» de l’Esprit d’Entreprendre, l’Agence souhaite convaincre chacun, dès le plus jeune âge, que l’Esprit d’Entreprendre, c’est pour chacun !

Et convaincre chacun que la création d’une activité économique est un choix véritablement possible, l’Agence cherche à le faire

savoir, par exemple avec son rôle de mise en évidence de modèles, notamment via les concours entrepreneuriaux. Le Grand Prix Wallon de l’Entrepreneuriat vise clairement à identifier des modèles à suivre, de tous profils.

La troisième mission : apporter directement des aides aux porteurs de projets et aux chefs d’entreprises.

L’ASE a également comme mission de promouvoir et de gérer avec souplesse et réactivité un ensemble d’aides directes destinées d’une part aux porteurs de projets démarrant une nouvelle activité [les «Bourses de préactivité»] et d’autre part aux chefs d’entreprises développant des projets innovants [les «Bourses innovation»].

A côté de ces aides financières, l’Agence, attentive à l’évolution des pratiques entrepreneuriales, promeut l’Intelligence Stratégique, devenue un enjeu majeur de développement des PME, puisque cette démarche vise à gérer l’information de façon optimale au sein des entreprises.

C’est dans ce cadre que ce cahier a vu le jour afin de présenter un état des lieux de l’Entrepreneuriat féminin en Wallonie et un large éventail des actions menées au sein des différents réseaux soutenus par le Gouvernement wallon.

Ces porteurs de projets et chefs d’entreprises sont aussi des femmes. Assurer la visibilité des femmes pour leurs compétences et non leur genre, voici l’objectif de l’Agence. L’entrepreneuriat féminin n’est pas une thématique à part. Il est nécessaire de sensibiliser les opérateurs participant aux processus de soutien à l’entrepreneuriat de manière générale qui doivent veiller à ne pas discriminer les femmes, à les enfermer dans des rôles stéréotypés ou même à nier leur existence, en mettant systématiquement des hommes en avant, dans les colloques, dans les articles de presse,…. De manière transversale, dans les actions générales, il faut être attentif aux femmes pour leur donner de la visibilité.

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Une réalité

l’entrepreneuriat au féminin :

une réalité à prendre en compte

D’une manière générale, la promotion de l’entrepreneuriat, qu’il soit masculin ou

féminin, préoccupe les décideurs politiques et le lancement par les citoyens de leur

propre activité, en tant qu’indépendant ou sous forme d’entreprise, est aujourd’hui

activement encouragé. Toute une série de mesures existent sur les plans fédéral et régional, par le biais d’aides spécifiques,

matérielles ou d’encadrement, mais aussi via des programmes d’éducation et de

sensibilisation à l’esprit d’entreprise, notamment dans le cadre scolaire.

Une sous-représentation manifeste

Les Belges restent pourtant frileux par rapport à cette opportunité de créer leur propre emploi. En effet, lorsque l’on envisage l’indice TEA [Total Entrepreneurial Activity] qui mesure le pourcentage de la population professionnelle qui démarre une entreprise ou qui possède ou gère une entreprise de moins de 42 mois, on note pour la Belgique une moyenne de 2,73 personnes sur 100 qui, en 2006, lançaient ou avaient lancé une entreprise au cours de ces trois dernières années et demi. En comparaison, le TEA de l’Allemagne, la France et les Pays-Bas est respectivement de 4,2, 4,4 et 5,4 personnes sur 100 à créer leur entreprise. L’indice TEA belge selon le genre, toujours en 2006, révèle pour sa part que ce taux est de 4,39 % pour les hommes et… de 1,04 % pour les femmes*.

* «Étude de l’environnement entrepreneurial : Rapport national de la Belgique», réalisée par le Fonds de participation et le Réseau Financement alternatif, 2007, p.18.

** Annie Cornet, Christina Constantinidis, «Entreprendre au féminin : une réalité multiple et des attentes différenciées», in «L’entrepreneuriat. Théories, acteurs, pratiques», ouvrage collectif sous la direction de Riadh Zghal, 2007, p.165 et suivantes.

4,39 % 1,04 %

indicE TEA bELgE SELon LE gEnrE

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D’autres chiffres corroborent cette sous-représentation des femmes en tant qu’entrepreneures : alors que les femmes représentent 50 % de la population active et 42 % de l’ensemble des salariées, leur part n’excède pas 29 % des assujettis au statut d’indépendant. Si on cible plus spécifiquement les chefs d’entreprise en tant qu’actionnaires à titre principal, ce pourcentage se situe à 12 %, auxquels il faut ajouter 18 % d’associées**. Ces chiffres sont toutefois à prendre avec prudence, étant donné l’absence de données systématiques concernant la variable «sexe» pour ce qui concerne les actionnaires, ainsi que le manque de visibilité et d’existence juridique de certaines femmes, pourtant très impliquées dans l’activité économique d’une entreprise.

De la nécessité d’une approche spécifique

Pour essayer de comprendre cette sous-représentation des femmes entrepreneures dans le paysage économique belge, des études sont menées depuis une quinzaine d’années afin de repérer s’il existe des caractéristiques propres à l’entrepreneuriat féminin et des freins spécifiques pour les femmes qui souhaitent lancer leur propre affaire. Il ressort de la plupart de ces études [à l’une ou l’autre exception près] que si les femmes rencontrent une série de difficultés inhérentes à la création d’activité, difficultés qui sont partagées par leurs homologues masculins, il en existe une série d’autres qui sont liées à leur condition de femme.

À cet égard, un certain nombre d’analyses en réfère à la dimension de genre, [soit les constructions sociales et culturelles liées à la différence de sexe, les rôles attribués aux hommes et aux femmes et les compétences que l’on imagine attachées naturellement à l’un et l’autre sexe], qui a un impact sur la création d’entreprises par les femmes.

Des dispositifs ciblés, une action transversale

Sur la base de ces constats, il apparaît fondamental de donner une définition large de l’entrepreneuriat féminin afin d’appréhender cette réalité de la façon la plus complète possible. Il importe donc d’y inclure l’ensemble des femmes entrepreneures, indépendamment de leur statut : indépendantes, administratrices de sociétés ou associées, femmes qui reprennent une entreprise familiale, mais aussi conjointes aidantes, pour lesquelles un statut existe depuis 2003, ou co-entrepreneures, sans reconnaissance juridique à ce jour.

Mieux cerner les différentes facettes de l’entrepreneuriat féminin permet de tenir compte des réalités de terrain lorsque l’on envisage des pistes d’action pour encourager l’auto-création d’emploi par les femmes. Si toute une série de mesures d’encouragement, d’accompagnement et de soutien de la création d’activité ne présente pas une dimension de genre particulière et s’adresse aux candidats entrepreneurs et entrepreneures déjà lancés, quel que soit leur sexe, il peut être intéressant d’imaginer des dispositifs de soutien spécifiques aux femmes et certaines initiatives ont déjà été prises en ce domaine. Des actions plus transversales afin d’intégrer la dimension genre dans les politiques générales destinées à favoriser l’entrepreneuriat constituent une autre piste, que ce soit en rendant plus visibles les femmes et leurs initiatives ou en sensibilisant davantage les enseignants et les orienteurs ou encore les formateurs, lorsqu’ils préparent et accompagnent des femmes dans le lancement de leur activité.

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Une réalité

Quelques chiffres éclairants

De manière globale, au 1er juillet 2008, la population belge s’élevait à 10 666 866 habitants, dont 5 224 309 hommes [49,0 %] et 5 442 557 femmes [51,0 %] [SPF Economie, PME, Classes moyennes, PME et Energie, Direction statistiques et information économique, août 2008].

Lorsque l’on envisage le taux d’activité des Belges, hommes et femmes confondus, par rapport à l’ensemble de la population, l’on trouve en 2007 un pourcentage d’actifs de 41,3 % [soit 4 380 300 personnes], avec 47 % pour les hommes et 35,7 % chez les femmes.

Le taux d’emploi des personnes de 15 à 64 ans est de 62 % au total [68,7 % pour les hommes et 55,3 % pour les femmes].

Le taux de chômage [définition BIT] était en 2007 de 7,5 % : 6,7 % pour les hommes, 8,25 % pour les femmes.

Qui sont les femmes Qui créent leur

emploi* ?

Il n’est pas toujours évident de quantifier le volume de femmes entrepreneures :

les statistiques ne reprennent pas toujours la variable «sexe» dans les

comptages. Certaines femmes occupent également un rôle actif dans des

structures entrepreneuriales sans pour autant apparaître officiellement, mais il existe un certain nombre de chiffres et

d’indices concordants qui montrent que les femmes entrepreneures restent sous-

représentées dans notre pays. Elles sont par ailleurs cantonnées dans certains secteurs

d’activité, réputés typiquement féminins.

* Ce chapitre a été rédigé sur base de trois documents : Sarah Van Cauwenbergh, Jean-Pierre Watthy, Etude de l’environnement entrepreneurial : rapport national de la Belgique, Fonds de participation – Réseau financement alternatif, 2007; Annie Cornet et al., La création d’activités par les femmes : freins et leviers, recherche EgiD – HEC – ULg, 2006 et Annie Cornet et Christina Constantinidis, «Entreprendre au féminin : une réalité multiple et des attentes différenciées», in «L’entrepreneuriat. Théories, acteurs, pratiques», ouvrage collectif sous la direction de Riadh Zghal, 2007, p.165 et suivantes.

68,7 %

6,7 %

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L’emploi indépendant concernait fin 2006 791 288 personnes : 551 537 hommes [69,7 %] et 239 751 femmes [30,30 %]. En ce qui concerne les conjoints aidants, on est passé de 46 024 unités en 2000 à 89 334 en 2006 [SPF Economie, PME, Classes moyennes et Energie, Panorama de l’économie belge 2006].

Si l’on prend la catégorie «administrateurs de sociétés et administrateurs délégués», qui représentaient 236 500 personnes sur les 791 288 indépendants répertoriés en 2006, on trouve 16,6 % de femmes . Lorsque l’on cible les actionnaires à titre principal de sociétés, on trouve un pourcentage de 12 % de femmes, auquel il faut ajouter 18 % d’associées.

Des secteurs d’activité dits féminins

Les femmes, lorsqu’elles lancent leur propre activité, optent le plus souvent pour le statut d’indépendant en personne physique, plutôt que de créer une entreprise au sens juridique du terme.

Elles développent généralement leur activité dans les secteurs du commerce de détail [artisanat, vêtements, soins aux personnes, bien-être], des hôtels et restaurants, des services collectifs et de la santé/éducation. Elles sont par contre peu nombreuses à créer leur emploi dans les secteurs industriels, en ce compris les nouvelles technologies de l’information où elles ne sont que 14 % à investir ce secteur.

Le nombre de femmes dans la catégorie «profession libérale» est en revanche en augmentation : elles représentent 40 % des indépendants inscrits dans cette catégorie. Mais leur répartition selon le secteur d’activité est très inégale : elles sont majoritaires dans les secteurs liés à la santé et très présentes dans les professions juridiques, mais sont peu représentées dans des professions telles que : architectes, notaires, huissiers de justice, ingénieurs, géomètres et comptables indépendants.

Des très petites entreprises

Les femmes entrepreneures travaillent souvent seules [51, 2 %] et 42,75 % ont de 1 à 10 salariés, ce qui les cantonnent dans l’univers de la très petite entreprise et de la micro-entreprise.

Certains auteurs expliquent l’ampleur restreinte de l’activité créée en raison des secteurs dans lesquels se développent les activités des femmes, moins porteurs en termes de croissance et de création d’emplois. De leur côté, les femmes interrogées à propos du fait de travailler seule ou de la petite taille de leur entreprise font pour leur part référence à une volonté de garder leur autonomie et leur indépendance, aux difficultés de déléguer ou encore à leur souhait de continuer à exercer leur métier de base et de ne pas se muer en gestionnaire, éloignée des réalités de terrain.

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Une réalité

Des profils très disparates

En ce qui concerne l’âge des créateurs d’entreprises, on ne repère pas de distinction spécifique entre les hommes et les femmes : la plupart d’entre eux ont entre 20 et 40 ans. Cette donnée s’applique tant aux hommes [78 %] qu’aux femmes [74 %]. Certaines études montrent pourtant qu’il y a une présence croissante dans les plus jeunes catégories d’âge des entrepreneurs et indépendants : 37 % des indépendants de moins de 30 ans sont des femmes.

Le niveau de diplôme des femmes créatrices de leur emploi est plus élevé que celui des hommes : les femmes [64 %] possèdent plus souvent un diplôme de l’enseignement supérieur [en particulier de type court] que les hommes [53 %] qui sont pour leur part plus souvent titulaires d’un diplôme de l’enseignement technique [25 %] que les femmes [12 %]. Davantage d’hommes ont suivi une formation complémentaire axée sur la gestion que les femmes. Selon d’autres études, un tiers des femmes seraient titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur de type long et un tiers, de l’enseignement supérieur de type court. Enfin, le dernier tiers disposerait d’un diplôme de l’enseignement primaire ou secondaire.

Il existe par ailleurs une corrélation entre le processus de choix de la création de son emploi et le niveau d’étude : les femmes ayant un diplôme moins élevé sont généralement dans un processus de création par nécessité; celles qui disposent d’un niveau de diplôme plus élevé optent plus souvent pour la création de leur emploi dans un processus volontaire afin de saisir des opportunités. D’une manière générale, on peut relever qu’on retrouve plus de femmes qui ont créé leur propre emploi par nécessité, c’est-à-dire parce qu’elles n’avaient pas d’autres

chances d’emploi ou parce que leur travail ne les satisfaisait pas.

Le ratio opportunité-contre-nécessité pour les hommes est de 25, alors que celui des femmes est de 3,79 : ce qui signifie, en d’autres termes, que pour un homme qui a créé son activité en 2006 par nécessité, 25 l’ont fait par opportunité. Pour ce qui concerne la catégorie des femmes, pour chacune d’entre elles qui a démarré son activité en 2006 par nécessité, 3,79 l’ont fait par opportunité. Ce qui donne, en pourcentages, 79,12 % de femmes qui ont créé leur emploi en opportunité et 20,88 % par nécessité contre 96,15 % d’hommes en opportunité et seulement 3,85 % par nécessité.

Quant à la situation familiale des femmes, celle-ci influe sur le démarrage de l’entreprise. Trois profils sont à distinguer : les femmes célibataires sans enfants à charge pour qui l’activité indépendante est un investissement personnel important et qui recherchent l’autonomie et à faire ce qu’elles aiment; les femmes en couple avec ou sans enfant à charge dont l’activité est souvent considérée comme un second revenu ou qui constitue une porte d’entrée pour des femmes dites rentrantes [après un arrêt de l’activité professionnelle pour se consacrer à l’éducation des enfants] et enfin, les femmes chefs de famille monoparentales avec enfants qui sont les plus fragiles dans leur statut d’indépendante car elles doivent garantir un revenu et en même temps assumer seules les charges familiales.

Concernant les charges familiales, la majorité des femmes interrogées à ce sujet considèrent que, même lorsque le conjoint participe aux tâches ménagères, aux soins et à l’éducation des enfants, c’est la femme qui s’occupe de la majeure partie de ces tâches dans le ménage.

ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR TECHNIQUE

64 %

53 %

25 %

12 %

0 5 10 15 20 25

opporTuniTénécESSiTé

96,15 %

79,12 %

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Des analyses selon le sexe et le genre

Analyser l’entrepreneuriat féminin peut se faire selon plusieurs approches.

Effectuer une analyse statistique selon la variable «sexe» permet de mieux caractériser les femmes qui ont lancé leur activité et d’en dresser un portrait le plus fidèle possible. Il y en a effet des constantes dans leur profil qui sont importantes à relever. C’est ce qui a été fait dans le sous-titre précédent. Le fait que les femmes soient sous-représentées, cantonnées dans des secteurs d’activité typiquement féminins, considérés comme des extensions des compétences dites naturelles des femmes ou encore qu’elles rencontrent des problèmes de financement sont des éléments intéressants à relever lorsque l’on envisage les outils à développer pour aider les femmes à créer leur activité. Par rapport à cette lecture selon la variable sexe, d’autres auteurs ont fait le choix inverse de ne pas souligner les différences**, faisant le constat que 30 % de femmes entrepreneures, c’est déjà un bon début, l’évolution devant se poursuivre d’elle-même. Concernant le financement, ces mêmes auteurs n’observent pas de sexisme dans le chef des banquiers et en matière de conciliation vie de famille et vie professionnelle, ils estiment que cette variable concerne aussi les hommes. Selon ces auteurs, il ne faudrait donc pas, lorsque l’on aborde l’entrepreneuriat, faire de distinctions entre les hommes et les femmes.

Or, ces données constituent déjà en soi une nécessité de se pencher de manière spécifique sur l’entrepreneuriat des femmes et d’avoir une approche ciblée, entre autres sur les freins qui empêchent les femmes de concrétiser leur projet et de voir leur activité prendre de l’ampleur, mais aussi sur les motivations qui les poussent vers cette voie. En ce qui concerne les facteurs qui expliquent cette sous-représentation, Annie Cornet, professeur

les motivations et les freins

à l’auto-création d’emploi*

* Ce chapitre se base sur plusieurs contributions scientifiques : Sarah Van Cauwenbergh, Jean-Pierre Watthy, «Etude de l’environnement entrepreneurial : rapport national de la Belgique, Fonds de participation – Réseau financement alternatif, 2007» ; Annie Cornet et al., «La création d’activités par les femmes : freins e leviers», recherche EgiD – HEC – ULg, 2006 ; Typhaine Lebegue et Robert Paturel, «De l’intention à la création d’entreprise chez les femmes», IAE, Brest, 2008 [texte présenté lors du 9ème Congrès international francophone en entrepreneuriat et PME [CIFEPME] du 29, 30, 31 octobre 2008 et repris dans la Revue internationale PME, «20 ans de recherche francophone sur l’entrepreneuriat et la PME», Presses de l’Université du Québec, sous forme de CD-ROM]. ** «Étude sur l’entrepreneuriat féminin en Wallonie : le genre joue-t-il un rôle

réel ?», réalisée par le Centre de Recherche PME, ULg et l’EHSAL-K.U. à la demande du ministre wallon de l’Economie, Bruxelles, 2003.

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Une réalité

à l’ULg et responsable du centre EgiD [Etudes sur le genre et la diversité en gestion], cite entre autres les problèmes de conciliation vie professionnelle et vie de famille, mais il s’agit là d’un facteur qui ne peut être interprété dans un seul sens et qui n’est pas le seul à constituer un frein à l’entrepreneuriat féminin [voir ci-après].

Une seconde approche consiste à travailler la question de l’entrepreneuriat sur la base de la variable «genre», avec l’identification de rôles plutôt masculins et plutôt féminins dans la société, qui ont pour conséquence l’apparition de stéréotypes, avec des effets de séparation [notamment quant aux secteurs d’activité choisis par les hommes et par les femmes] et des effets de hiérarchisation [les secteurs d’activité féminins étant moins valorisés que ceux dits masculins]. Une analyse selon le genre s’intéresse en effet aux constructions sociales associées aux hommes et aux femmes, ce qui suppose de rechercher des spécificités associées à l’un ou l’autre sexe et d’identifier les freins et les difficultés spécifiques aux femmes dans la création d’activités.

Comme le relève Annie Cornet, que nous avons rencontrée pour la préparation de ce Cahier,

Les motivations qui poussent les femmes à se lancer

Parmi les études qui se sont penchées sur cette question des motivations, l’on retrouve certaines constantes, qui ne sont d’ailleurs pas toutes propres aux femmes, mais qui sont également partagées par les hommes créateurs de leur activité.

Les femmes interrogées à propos des motifs qui les ont amenées à créer leur emploi citent généralement :

le fait de se réaliser dans leur travail et de créer une activité dans laquelle elles peuvent s’épanouir et mettre leurs compétences au service de leur activité. À cette motivation peut être associé le fait de n’avoir pas trouvé sur le marché de l’emploi le travail qui correspondait à leurs aspirations, la structure adéquate pour l’exercer ou encore de ne pas correspondre au profil recherché par les entreprises [en termes d’âge, notamment].

le fait d’être leur propre patron et de ne devoir rendre de comptes à personne. L’envie d’autonomie et d’indépendance est un facteur déterminant pour bon nombre de femmes.

Le fait de pouvoir tirer un revenu de cette activité, même si la question de la rémunération n’est pas la première motivation des femmes et que leurs attentes ne sont pas forcément élevées en la matière.

Le fait de pouvoir organiser leur temps de travail comme elles l’entendent. Concernant ce dernier motif, les femmes associent généralement cette organisation du temps de travail avec la nécessité de concilier vie de famille et vie professionnelle. Même si cette conciliation peut constituer un frein à l’entrepreneuriat féminin [voir ci-dessous], l’autonomie et la flexibilité des horaires qu’un certain nombre de femmes entrepreneures espèrent acquérir en créant leur emploi constitue une motivation, malgré la nécessité d’un investissement en temps important.

“les rôles sociaux des femmes et des hommes pèsent lourd sur le choix des secteurs d’activité, avec des choix très stéréotypés dont les femmes n’arrivent pas à se dégager. Or, si l’on considère qu’il n’y a pas de naturalisme et qu’il n’y aurait pas de compétences dites naturelles des femmes, il est précisément important de déconstruire les images stéréotypées de ces rôles masculins et féminins.”

Annie Cornet

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Des freins spécifiques à la création

La conciliation vie familiale – vie professionnelle constitue l’obstacle principalement cité par les femmes lorsqu’elles envisagent de créer leur entreprise, même si dans le même temps, les femmes citent ce même critère comme étant un facteur de motivation pour s’engager dans la voie de l’auto création d’emploi. La flexibilité serait un atout à condition que l’activité le permette : l’ouverture d’un commerce selon des horaires classiques [9h00 – 18h30] peut s’avérer difficilement conciliable avec des horaires de garderie d’enfants. Le volume d’heures de travail lié au lancement et à la gestion de son entreprise peut également être un obstacle, mais au même titre qu’un nombre d’heures important à prester dans le cadre d’un travail salarié. Le fait que les tâches ménagères, de soins et d’éducation des enfants sont encore majoritairement prises en charge par les femmes constitue un autre obstacle dans la mise en œuvre de leur projet de création d’activité.

La difficulté d’accès au financement peut représenter un obstacle à la création d’entreprise tant pour les hommes que pour les femmes. Concernant la recherche de discriminations spécifiques des femmes à cet égard, les banques ne publient malheureusement peu ou aucune information relative aux prêts accordés au travers du prisme de la variable «sexe», mais certaines études sur l’entrepreneuriat féminin mentionnent que les banquiers ne semblent pas discriminer sur cette base. Cela étant, il semble qu’un certain nombre de caractéristiques propres à l’entrepreneuriat féminin jouent en défaveur des femmes qui sollicitent un prêt bancaire. Les secteurs d’activité qu’elles investissent majoritairement, dans lesquels une forte concurrence s’exerce, ne suscitent pas l’enthousiasme des banquiers. Ces derniers sont également attentifs à la situation familiale des entrepeneures et peuvent considérer celle-ci comme un obstacle dans l’exercice de leur activité. Enfin, l’analyse du potentiel de croissance, du nombre d’employés

et de clients, réalisée par les banquiers, ne favorise pas les femmes qui mettent sur pied de petites structures dont la taille et la croissance ne correspondent pas aux critères d’investissement des financiers.

Toujours concernant cet accès au financement, il faut encore mentionner le fait que les femmes elles-mêmes s’autocensurent dans leur recours au financement extérieur : elles sont plus réfractaires au risque que les hommes et font davantage appel à leurs propres économies pour lancer leur affaire.

Le manque de temps à consacrer à l’accompagnement et à la formation, lors du lancement du projet et par la suite, peut également constituer un frein à la création d’activité et un handicap après le lancement. L’absence de formation spécifique à certains secteurs d’activité ou d’adéquation des formations aux projets développés par les femmes est également relevé.

Le fait d’être jeune et d’être une femme constitueraient également des freins à la création d’entreprise, avec la nécessité de faire ses preuves, la difficulté d’être prise au sérieux, en particulier lorsqu’elles investissent des secteurs dits masculins. Les femmes qui souhaitent se lancer doivent passer au-dessus d’une série de stéréotypes liés à leur sexe qui ne leur sont pas favorables. Cette difficulté peut s’avérer d’autant plus prégnante lorsque les femmes reprennent une activité familiale jusque là gérée par un homme ou lorsqu’elles occupent le statut de conjointe aidante ou de co-entrepreneure, où elle ne seraient considérées que comme des auxiliaires. Les femmes ressentent dès lors la nécessité de faire leurs preuves, davantage que ce qui serait demandé à un homme dans la même situation.

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Une réalité

L’absence de modèles de femmes entrepreneures constitue également un frein à la création, d’ordre plus psychologique cette fois. De manière corollaire, les femmes souffrent d’un déficit d’image positive liée à l’entrepreneuriat féminin et la légitimité de leur démarche entrepreneuriale n’est pas toujours reconnue par leurs proches, leur entourage, voire la société elle-même. À noter, les femmes qui sont issues de familles d’entrepreneurs et qui ont connu dans leurs familles des exemples de femmes qui ont créé leur emploi, sont davantage familiarisées à cette idée de lancer leur propre activité et vivent de manière moins forte les barrières, réelles ou imaginées, à l’auto-création d’emploi.

La crainte que ressentent les femmes à l’égard du risque que représente le fait de lancer leur propre activité, tant sur le plan de la garantie des revenus, de la sécurité sociale [notamment en cas de maladie] qu’en termes financiers, peut venir refroidir leurs ambitions et leur faire abandonner leur projet d’auto-création d’emploi.

Des barrières à la primo-création d’entreprise

Deux chercheurs de l’Iweps [Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique], Jean-Luc Guyot et Olivier Lohest, se sont penchés sur les barrières à l’entrepreneuriat et la primo-création d’entreprise*. Comme le souligne Jean-Luc Guyot,

* Jean-Luc Guyot et Olivier Lohest, «Barrières à l’entrepreneuriat et primo-création d’entreprise : le genre est-il une variable discriminante ?», Iweps, 2008 [texte présenté lors du 9ème Congrès international francophone en entrepreneuriat et PME [CIFEPME] du 29, 30, 31 octobre 2008 et repris dans la Revue internationale PME, «20 ans de recherche francophone sur l’entrepreneuriat et la PME», Presses de l’Université du Québec, sous forme de CD-ROM]

“le champ d’investigation de cette recherche ne visait pas l’entrepreneuriat de manière large, mais bien les primo-créations d’entreprises, sous forme de société. Nous avons mis en évidence une série de freins spécifiques au processus de création d’une première entreprise et avons abordé la question du genre parmi les variables susceptibles d’être discriminantes. Il en est ressorti le constat qu’il existe de fait une inégalité entre les hommes et les femmes par rapport à cette primo-création, les hommes présentant une propension plus élévée de passage effectif à la création d’entreprise et les barrières à la création, étant plus importantes pour les femmes.”

Page 16: Les cahiers de l’

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Il ressort de cette analyse qu’au-delà de ce constat chiffré et des obstacles rencontrés tant par les hommes que par les femmes, il existe certains obstacles spécifiques à la primo-création d’entreprise par les femmes :

Il ressort par ailleurs que la perception des freins à la création d’entreprise peut varier selon que l’on est candidat créateur ou créateur de son entreprise. Des variations existent également entre les hommes et les femmes. Tout d’abord les candidats créateurs ressentent de manière plus forte les freins à la création que les créateurs qui sont passés à l’acte. Ensuite, les principaux freins retenus par les candidats créateurs sont par ordre décroissant d’importance : la faiblesse des moyens financiers, la lourdeur des démarches administratives, l’importances des moyens financiers requis et l’accès à l’emprunt. Chez les créateurs, ces mêmes éléments sont repris, mais dans un ordre différent : d’abord la lourdeur des démarches administratives, ensuite la difficulté d’accès à l’emprunt et enfin, l’importance des moyens financiers requis et la faiblesse des moyens financiers propres. La perception de ces freins varie également selon que l’on est un homme ou une femme : on peut dire que les freins relatifs à l’accès à l’emprunt ou aux moyens financiers nécessaires à la création d’une entreprise sont davantage cités par les femmes que par les hommes, qu’elles soient candidates ou créatrices.

“L’âge et la situation familiale personnelle influencent davantage les femmes que les hommes. C’est par exemple le cas de la modalité «isolé[e] avec enfant[s]» qui se révèle défavorable pour les femmes, avec un effet significatif et négatif sur la probabilité de créer une entreprise. Cette modalité n’a par contre pas d’impact chez les hommes. Les femmes s’avèrent être négativement et statistiquement influencées par les contraintes liées à la famille, ce qui n’est pas le cas chez les hommes. En revanche l’exercice d’une activité professionnelle en tant qu’indépendant chez le père a un impact positif et significatif sur la propension à créer chez les femmes, alors qu’elle n’a pas d’impact chez les hommes. Le fait d’avoir occupé un statut de travailleur indépendant avant de se lancer a un impact statistiquement significatif tant chez les hommes que les femmes. Enfin, le fait d’être confronté à des démarches administratives lourdes exerce une influence négative chez les hommes, alors que cet aspect n’a pas d’effet sur les femmes.”

Jean-Luc Guyot

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Une réalité

Quels leviers pour promouvoir

l’entrepreneuriat féminin ?

Définir l’entrepreneuriat féminin, en préciser les caractéristiques, ainsi que les

motivations et les freins, est sans doute la meilleure manière de venir en aide aux

femmes qui souhaitent créer leur entreprise. Il est en effet indispensable de mieux connaître les contours de cette réalité

afin de réfléchir aux différents scénarios susceptibles de motiver et d’aider les

femmes à lancer leur activité et de nature à lever les freins qui existent dans ce

domaine.

Mieux identifier les leviers devrait permettre aux femmes de concrétiser plus facilement

leur projet de création d’activité.

“il est important de ne pas créer une catégorie à part dans laquelle serait enfermé l’entrepreneuriat féminin qui serait dès lors soutenu de manière marginale, en tant que réalité à part, tout en conservant un financement majoritairement dirigé vers le maintien des conditions actuelles d’un entrepreneuriat essentiellement masculin, alors même que certaines de ces conditions handicapent les femmes. Il est donc important d’intégrer les résultats des études liées au genre et la création d’activité par les femmes dans les réflexions qui président à la promotion de l’entrepreneuriat en général. Cela n’exclut pas forcément les dispositifs spécifiques qui visent à attirer plus de femmes vers la création d’activités. L’important est en tout cas de ne pas ghettoïser les femmes et de créer des processus de veille de façon à prendre en compte les difficultés des femmes, mais aussi à assurer leur visibilité pour que les modèles masculins ne soient plus les seuls véhiculés au sein de la société.”

Annie Cornet

Certes, comme le précise Annie Cornet, spécialiste des études sur le genre et la diversité en gestion,

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Une meilleure conciliation des temps de vie

Un des freins à l’entrepreneuriat féminin résiderait dans la difficulté de concilier vie familiale et vie professionnelle et constitue en tout cas une raison pour laquelle les femmes hésitent à se lancer, même si la création de son activité peut permettre une organisation adaptée et une flexibilité plus grande. Une des difficultés réside dans le manque de structures de gardes d’enfants et leur manque d’adaptation aux nécessités de la vie entrepreneuriale. Veiller à y remédier pourrait permettre de réduire la pression sur la gestion du temps des femmes entrepreneures. D’autres mesures, notamment sur le plan de la sécurité sociale, devraient là aussi permettre de mieux concilier les différents temps dans la vie d’une femme. Certaines mesures ont déjà été prises en ce sens [allongement du congé, octroi de titres-services en plus de l’allocation de maternité].

Cela étant, le fait que les femmes continuent d’assumer de manière majoritaire les tâches ménagères, de soins et d’éducation aux enfants constitue un autre obstacle qui ampute le temps qu’elles pourraient consacrer à leur activité. À cet égard, un changement plus profond quant aux rôles des hommes et des femmes au sein de la structure familiale et plus largement au sein de la société, reste sans doute encore à implémenter, même si certaines évolutions encore insuffisamment répandues s’opèrent aujourd’hui. Il est également important qu’un changement de mentalités s’opère plus largement au sein de la société, de façon à appuyer les compétences des femmes à créer leur activité : une nécessité pour les hommes comme pour les femmes qui restent frileux par rapport à l’esprit d’entreprise, frilosité qui semble encore plus ancrée chez ces dernières.

Des structures d’accompagnement et de formation adaptées

Il existe toute une série de dispositifs pour aider tout porteur d’un projet d’entreprise à concrétiser son objectif. Que ce soit sur le plan fédéral, au niveau des régions ou encore de manière plus locale, il existe des dispositifs de sensibilisation, d’information et d’accompagnement qui ont pour missions de permettre aux candidats entrepreneurs de trouver leur voie. Des mesures ont été prises pour permettre le lancement de son activité sans perdre d’emblée ses droits sociaux, comme c’est le cas dans les couveuses d’entreprises ou les coopératives d’activités.

Ces dispositifs ne s’adressent pas spécifiquement aux femmes, mais bien à l’ensemble des candidats entrepreneurs. Dès lors ils ne prennent pas forcément en compte les demandes spécifiques des entrepreneures, que ce soit en matière de secteurs visés et de modèles utilisés dans les case studies ou encore d’aménagement des horaires afin de permettre aux femmes de suivre les formations et d’être accompagnées de façon compatible avec les autres impératifs qu’elles ont à prendre en charge. Il est

donc important qu’une attention transversale soit portée à ces questions d’adéquation aux besoins des femmes des

formations générales, proposées sans distinction de genre.

Par ailleurs, certains dispositifs d’accompagnement s’adressent de manière spécifique aux femmes et permettent à celles-ci d’accéder à un accompagnement ciblé. Des systèmes d’e-learning ont également été mis en place de manière à permettre aux femmes de se former de manière plus flexible. On peut également

citer les dispositifs de mentorat mis en place entre femmes entrepreneures, débutantes et confirmées.

Ces formules ciblées, qui permettent aux femmes de se retrouver, d’échanger leurs points de vue d’entrepreneures, d’être accompagnées et de se former, peuvent sans difficulté

coexister avec les dispositifs généraux d’appui à la création d’entreprises.

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2020

Une réalité

Un accès au financement plus aisé

On l’a vu, les femmes ne sont pas forcément favorisées par les banquiers, non pas sur base de discriminations directes liées au sexe, mais sur base de discriminations indirectes liées aux secteurs d’activité dans lesquelles les femmes entreprennent, dues également à la croissance faible de leurs projets, mais aussi à leur situation familiale, jugée peu propice à une expansion. Les femmes elles-mêmes se restreignent dans leur recours à l’emprunt, préférant injecter des fonds propres dans leur entreprise.

Pour favoriser le lancement d’entreprises et le financement de l’activité indépendante, des prêts publics ont été créés, tant sur le plan fédéral qu’au niveau des régions. Des structures comme le Fonds de participation, la SRIB [Société régionale investissement de Bruxelles] en Région bruxelloise ou la Sowalfin [Société wallonne de financement et de garantie des PME] pour la Wallonie, collaborent avec les institutions financières et accordent une partie du financement nécessaire afin de soutenir l’entrepreneuriat, tant féminin que masculin. Des systèmes de garanties publiques ont également été créés. Il n’existe pas de chiffres sur la répartition par sexe de ces produits.

En matière de micro crédits, délivrés par le Fonds de participation, Brusoc et Crédal, la proportion des femmes est connue et va croissant : en 2006, 66 % des Prêts lancement du Fonds de participation ont été accordés à des femmes. En 2005, Brusoc a octroyé 25 % de microcrédits aux femmes. Chez Crédal, 43,5 % des microcrédits ont été accordés à des femmes en 2006. Cette dernière institution de crédit alternatif a également imaginé, dans le cadre du programme d’accompagnement AFFA, un financement spécifique, avec la possibilité d’accéder à un microcrédit pouvant aller jusqu’à 10 000 euros. Là encore la coexistence de dispositifs généraux et ciblés semble être une solution adéquate.

Une meilleure visibilité et une mise en réseau

Des études portant sur la présence des femmes entrepreneures dans les médias montre clairement une représentation insuffisante de ces dernières dans les journaux, à la télévision ou la radio. On peut faire le même constat en ce qui concerne les manifestations scientifiques, les séminaires ou les salons consacrés à la vie des entreprises où les femmes restent peu mises en valeur, ce qui n’aide pas à la formation de modèles de référence qui puissent inciter les femmes à se projeter dans des initiatives de type entrepreneurial. Il est donc important qu’une attention plus grande soit portée à cette visibilité des femmes.

Par ailleurs, il ressort également des constats de terrain que les femmes restent également sous-représentées dans les réseaux d’affaires ou professionnels mixtes ou encore dans les associations patronales, où les hommes sont largement majoritaires en tant que membres, ainsi que dans les instances de décision. Cette situation maintient les femmes entrepreneures dans un certain isolement et pourrait affecter la croissance de leur entreprise. C’est pourquoi il importe que les réseaux professionnels fassent davantage de place aux femmes. Par ailleurs, la création de réseaux féminins, où les femmes entrepreneures peuvent venir échanger leur expérience de manière conviviale, mais aussi se former, créer des relations commerciales avec d’autres membres, élargir leur clientèle ou trouver de nouveaux fournisseurs, est une voie qui est empruntée depuis quelques années et qui devrait être approfondie car elle permet notamment aux femmes de se conforter dans leur projet entrepreneurial, de trouver un appui, des conseils, le cas échéant un accompagnement. Ce type de réseautage permet également de mieux valoriser les créations d’entreprises par des femmes et dans certains cas, a eu pour conséquence de crédibiliser les femmes dans les instances mixtes au sein desquels les réseaux féminins ont été créés.

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Le rapport 2007 du GEM sur les femmes et l’entrepreneuriat

Le programme de recherche GEM [Global Entrepreneurship Monitor] est une évaluation annuelle du niveau national d’activité entrepreneuriale. Issu d’un partenariat entre la Business School de Londres et le Babson College, ce programme de recherche a été initié en 1999 et portait à l’origine sur 10 pays. Il a ensuite été étendu à 21 pays en 2000, 37 pays en 2002 et le rapport GEM 2007 a concerné 42 pays. Pour la quatrième année consécutive, le GEM a consacré un focus particulier sur l’entrepreneuriat et les femmes. Voici les principaux enseignements du rapport GEM 2007 sur les femmes et la création d’activité. Cette étude porte sur 41 pays dont les économies représentaient plus de 70 % de la population mondiale et 93 % du PNB global, en 2007. Elle procure une analyse des caractéristiques clefs et du contexte de l’activité entrepreneuriale des femmes et montre en quoi elle diffère de l’activité développée par les hommes.

Le premier constat que le GEM pose en matière d’entrepreneuriat féminin, c’est le fait que les femmes entrepreneures apportent une contribution importante au développement de l’économie mondiale, en particulier dans les pays à revenus bas et moyens. Les analyses à propos des femmes comme indicateurs de développement montrent que les retours sur investissements sont plus hauts pour les femmes que pour les hommes. Les femmes ont plus de probabilités de partager leurs gains en éducation, santé et revenus avec les membres de leur famille et de leur communauté que les hommes. Des recherches en microéconomie montrent que des résultats similaires sont observés en ce qui concerne les investissements économiques. Il apparaît en effet que les investissements dans l’entrepreneuriat féminin constituent un levier important pour les pays afin d’accroître de manière exponentielle l’impact de la création d’entreprises. En ignorant ce constat, le GEM met en évidence le désavantage et le risque que prendraient les pays en ce qui concerne les opportunités de croissance pour leur économie. D’où l’importance de mener des politiques actives de soutien à l’entrepreneuriat féminin.

l’entrepreneuriat féminin dans le

monde

On a déjà mentionné l’importance de la dynamique entrepreneuriale pour

l’économie d’un pays. La participation des femmes à ce mouvement fait aujourd’hui

l’objet d’études nationales, mais également internationales car on prend conscience de plus en plus du rôle que les femmes peuvent jouer dans le développement de l’économie mondiale. D’où l’intérêt

de récolter des données qui concernent cette participation des femmes à la

croissance en tant qu’entrepreneures, dans le monde. Les études du GEM [Global

Entrepreneurship Monitor] sont des références en la matière. Nous avons

également interviewé deux chercheuses basées, l’une au Québec, l’autre en France, afin de mieux appréhender la situation de

l’entrepreneuriat féminin dans ces deux pays.

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2222

Une réalité

Pour les besoins de l’étude, les pays ont été divisés en trois groupes : le groupe des pays aux revenus bas et moyens en Europe/Asie, le groupe des pays aux revenus bas et moyens en Amérique Latine/Caraïbes et le groupe des hauts revenus [dont la Belgique fait partie], établis en fonction du PNB et de la région. L’étude distingue également les entrepreneurs en phase de démarrage, qui sont en activité depuis 42 mois au plus et qui font ainsi la démonstration d’une propension à la dynamique entrepreneuriale dans un pays, et les entrepreneurs établis qui ont passé le stade critique et qui démontrent la capacité d’un pays à mettre sur pied des entreprises durables.

d’une manière générale, on peut dire que les pays à revenus bas et moyens d’Amérique Latine/caraïbes montrent les taux les plus hauts d’activité entrepreneuriale en phase de démarrage chez les femmes, soit 14,4 %, contre 7,62 % pour les pays à bas et moyens revenus d’Europe/Asie et 4,34 %, taux le plus bas, pour le pays à hauts revenus. dans tous les pays, à part le Japon, la Thaïlande, le pérou et le brésil où le taux d’activité entrepreneuriale des femmes est plus haut ou identique à celui des hommes, partout ailleurs, ce taux est plus bas pour les femmes. cet écart existe tant pour la phase de lancement que pour les entreprises établies et dans les pays à hauts revenus, les hommes sont presque deux fois plus nombreux dans l’entrepreneuriat que les femmes.

En ce qui concerne les motivations à se lancer dans l’entrepreneuriat, l’analyse du GEM distingue ceux qui ont créé leur activité par opportunité et ceux qui l’ont fait par nécessité. Le taux d’entrepreneurs par opportunité est plus important dans le groupe des pays à hauts revenus que dans les autres groupes. Lorsque l’on y inclut la variable «genre», on remarque que le taux de création par opportunité est plus haut chez les hommes que chez les femmes et ce, dans tous les groupes. Par contraste, il n’y a pas de différence de genre significative pour les entrepreneurs par nécessité.

En ce qui concerne les secteurs d’activité, l’étude montre que les femmes créent davantage leur entreprise dans le secteur du commerce que dans celui de la transformation, l’extraction et les services aux entreprises, que ce soit pour les entreprises en phase de lancement [60, 3 % de femmes contre 37 % d’hommes] ou pour les entreprises établies [50,7 % de femmes contre 30,4 % d’hommes]. Ce pourcentage atteint le plus haut niveau pour le groupe à bas et moyens revenus d’Amérique Latine/Caraïbes avec 74,3 % de femmes dans le secteur du commerce alors que le groupe des pays à hauts revenus montre un taux de 52,1 % de femmes dans les secteurs de la transformation, de l’extraction et des services aux entreprises.

En ce qui concerne les caractéristiques des femmes entrepreneures, il n’y a pas de différences spécifiques d’âge entre les hommes et les femmes qui lancent leur activité. Dans les groupes de pays à bas et moyens revenus, les femmes sont globalement plus jeunes à lancer leur activité et à parvenir à établir leur business que dans les pays à hauts revenus.

Le fait d’occuper un emploi salarié a un impact sur la propension à créer sa propre activité. La probabilité pour les femmes de créer une entreprise est trois à quatre fois plus grande si elles occupent un emploi salarié que si elles n’ont pas une telle activité. Cela suggère que le travail procure un accès aux ressources, un capital social et des idées qui peuvent aider dans la mise sur pied d’une activité entrepreneuriale.

Sur le plan de la formation, les femmes entrepreneures ont un meilleur niveau de formation dans les pays à hauts revenus, avec plus de la moitié des femmes ayant un niveau d’études secondaires et plus d’un quart, un diplôme de l’enseignement supérieur. Autre donnée intéressante : dans les trois groupes de pays, les hommes et les femmes en ménage avec des revenus plus élevés ont plus de probabilités d’être impliqués dans la création d’entreprises.

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Enfin, on peut également citer un niveau de confiance en soi et d’optimisme par rapport à la création d’une activité, plus bas chez les femmes que chez les hommes et ce, une fois encore, pour tous les groupes de pays. Les femmes entrepreneures qui ont lancé leur activité semblent par contre plus confiantes dans leurs capacités, sont plus attentives aux opportunités à exploiter et ont plus de probabilité de connaître d’autres entrepreneurs que celles qui n’enregistrent pas d’activité entrepreneuriale.

Et le rapport GEM de 2007, de conclure que l’entrepreneuriat féminin est en croissance et contribue de manière importante à l’activité économique.

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Une réalité

l’exempledu QuéBec

Louise Saint-Cyr est titulaire de la Chaire de développement et de relève de la PME,

professeure de fi nance et directrice du groupe Femmes, gestion et entreprises

à HEC Montréal. Elle est l’auteure de nombreuses recherches sur l’avancement

des femmes dans le contexte de l’emploi et plus particulièrement, sur l’entrepreneuriat

féminin. Elle vient d’ailleurs de co-publier un livre sur le parcours de dix femmes

entrepreneures au Québec, pour lequel elle a reçu le prix du livre d’affaires 2008*.

* Francine Liber et Louise Saint-Cyr, «L’entrepreneuriat au Québec : dix études de cas», Presses d’Université de Montréal, 2008.

Au Québec, l’entrepreneuriat féminin se porte plutôt bien. Si le nombre de femmes entrepreneures se situe autour des 35 %, pour 65 % d’hommes, le taux d’entrepreneuriat comparatif entre les hommes et les femmes est pour sa part assez élevé : par rapport à l’ensemble de la population active, quelque 14,5 % des hommes lancent leur propre activité et ce pourcentage s’élève à 10 % de femmes. Comparativement, les chiffres pour la Belgique atteignent respectivement 8 % chez les hommes et 2 % pour les femmes. La France se situe à 7,5 % d’hommes et 4 % de femmes. L’entrepreneuriat féminin a connu au Québec un très fort taux de croissance de 272 % durant les 25 dernières années, contre 50 % chez les hommes. C’est dire qu’il y a beaucoup plus de femmes que d’hommes qui se sont dirigées vers l’entrepreneuriat, véritable phénomène de rattrapage qui a tendance aujourd’hui à ralentir.

Si l’on se concentre sur les employeurs [la défi nition de l’entrepreneuriat étant plus large et englobant les travailleurs indépendants], le nombre de femmes employeurs est de 26 % au Québec [25 %] contre 76 % d’hommes employeurs [75 % d’hommes pour le Canada]. Généralement, les entreprises dirigées par les femmes sont plus petites et sont surtout des entités d’au plus cinq employés. Comme l’explique Louise Saint-Cyr,

“la taille plus petite des entreprises dirigées par des femmes et leur croissance plus lente s’expliquent parce qu’elles ont souvent des objectifs de croissance moins élevés que les hommes, notamment parce qu’elles choisissent l’entrepreneuriat pour des raisons de conciliation vie professionnelle/vie de famille. Un certain nombre d’entre elles sont très satisfaites d’être leur propre patron et n’ont pas cette ambition de croissance. On explique aussi la taille réduite des entreprises de femmes par un manque d’expérience de la dynamique commerciale et entrepreneuriale, ainsi qu’un manque d’utilisation des réseaux.”

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Au Québec, cela fait plus de dix ans que les autorités se sont penchées sur cette question de l’entrepreneuriat féminin et un premier groupe de travail a été créé en 1997 auprès du Ministère du développement économique et industriel afin de dynamiser la création d’activité par les femmes. De cette concertation sont nés les ORSEF [Organisation régionale de soutien à l’entrepreneuriat féminin] : six ont d’abord vu le jour, jusqu’à 17 aujourd’hui qui se répartissent sur le territoire dans les différentes régions du Québec et qui apportent un soutien et un accompagnement aux femmes désireuses de se lancer. En tant que fonds de démarrage, les ORSEF ont également pour mission de faciliter l’accès au financement en accordant des prêts aux femmes candidates à la création d’entreprise. Comme le souligne Louise Saint-Cyr,

“ces organismes de soutien spécifiques aux femmes étaient nécessaires car les structures de soutien à l’entrepreneuriat existantes et généralistes étaient plutôt investies par les hommes et reproduisaient des schémas masculins, avec lesquelles les femmes ne sont pas forcément en phase. C’est pourquoi, il était important de donner un coup de pouce aux femmes. À côté des ORSEF, le gouvernement fédéral du Canada a mis sur pied des centres d’entrepreneuriat féminin, dont le CEFQ [Centre d’entrepreneuriat féminin du Québec] qui offre aux entrepreneures de toutes les régions du Québec, un guichet unique de services et un accompagnement spécialisé pour le démarrage ou le développement d’entreprises. Malheureusement l’existence de ce centre semble compromis, faute du renouvellement des subsides du gouvernement fédéral. Enfin, il existe toute une série d’organismes à but non lucratif qui aident les femmes entrepreneures à concrétiser leur projet, ainsi que des programmes spécifiques du gouvernement fédéral venant en aide aux femmes entrepreneures en région. Le Québec dispose également d’un réseau de femmes entrepreneures privé très actif, le Réseau des femmes d’affaires du Québec.”

Tous ces dispositifs ont permis un dynamisme vigoureux de l’entrepreneuriat féminin au Québec, même si certains freins continuent de persister. Selon Louise Saint-Cyr, si l’accès au financement est moins problématique aujourd’hui, il reste que les femmes doivent concilier, davantage que les hommes, travail et vie de famille, ce qui les freine dans leur progression. Elles continuent aussi de douter de leurs capacités à entreprendre.

“C’est aussi le cas des hommes, et en particulier des pères, qui doutent des capacités de leurs filles à reprendre l’entreprise familiale : je pense à une étude que nous avions réalisée sur la reprise d’entreprises familiales qui montraient que sur 115 reprises, seules 12 filles avaient été pressenties. Les mentalités doivent évoluer à cet égard, tant chez les femmes que chez les hommes. D’où une campagne récente relative à la reprise d’entreprises agricoles et qui clamait : «Avoir les filles en tête !». Il y a encore du travail.”

Louise Saint-Cyr

Page 25: Les cahiers de l’

2626

Une réalité

la situation en france

Les enquêtes SINE [Système d’information sur les nouvelles entreprises], réalisées par

l’INSEE [Institut national de la statistique et des études économiques], donnent un

aperçu statistique de l’entrepreneuriat féminin en France. Elles permettent de

dresser un profil des créatrices et d’étudier le développement des entreprises. Pour

compléter cette information sur les entrepreneures françaises, nous avons

interrogé Carole Bonnetier, sociologue et chercheure spécialisée sur les questions

d’entrepreneuriat féminin auprès de l’association Initiatives Plurielles qui

accompagnent des femmes créatrices d’entreprise, dans le Nord - Pas de Calais.

Depuis 1998, la proportion des femmes créatrices d’entreprise en France s’est stabilisée autour de 30 %, avec une évolution positive de 0,7 % entre 2002 et 2006. Elles ne représentent par ailleurs que 12 % des dirigeants d’entreprises de plus de 50 salariés. Concernant les caractéristiques des entreprises créées par des femmes, les enquêtes SINE montrent que ces dernières s’orientent plutôt vers le secteur du commerce, de l’éducation, de la santé et l’action sociale, ainsi que vers les services aux particuliers. Comme le relève Carole Bonnetier,

Les entreprises créées par les femmes sont généralement de plus petite taille : cinq ans après leur création, 63 % des entreprises créées par des femmes ne comptent aucun salarié, contre 53 % pour les entreprises créées par des hommes. Elles génèrent un chiffre d’affaires médian moins élevé : 53 900 euros, contre 93 700 euros pour celles créées par des hommes. Enfin, le taux de survie des entreprises créées par des femmes au bout de trois ans est inférieur de cinq points à celles créées par leurs homologues masculins [une partie de l’écart s’explique d’ailleurs par la plus petite taille des entreprises].

Les motivations des femmes à créer leurs entreprises résident notamment dans le souhait de créer leur emploi dans un souci d’autonomie, mais aussi de dépasser le «plafond de verre» qui règne dans de nombreuses entreprises et de quitter un système essentiellement basé sur la hiérarchie auquel les femmes n’adhèrent pas. Elles souhaitent obtenir un meilleur confort de travail et une possibilité de mieux concilier les impératifs des différentes sphères, de travail et familiale. Quant aux multiples résistances à la création d’entreprise ressenties par les femmes en France, la difficulté de concilier vie famille et vie professionnelle est largement citée, même si elle constitue également une motivation à la création d’activité dans le chef des femmes.

“on constate aussi une petite percée de femmes entrepreneures vers le secteur des services aux entreprises qui attirent davantage les jeunes diplômées.”

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Les charges du ménage et de soins aux enfants sont ici aussi majoritairement assumées par les femmes et cette situation freine leurs aspirations en matière de création d’activité et de croissance, une fois l’entreprise lancée. Un autre frein serait, de l’avis de Carole Bonnetier, l’accès au financement qui resterait plus difficile pour les femmes que pour les hommes :

Les autorités publiques s’intéressent en tout cas à la question et ont pris certaines mesures spécifiques afin d’encourager les femmes entrepreneures. Si la grande majorité des aides sollicitées par les femmes concernent aussi bien les hommes que les femmes, il existe cependant quelques dispositifs spécifiquement réservés aux femmes :

Récemment le Gouvernement français s’est positionné sur la question de l’entrepreneuriat féminin. Hervé Novelli, secrétaire d’Etat chargé des Entreprises et du Commerce Extérieur a en effet déclaré en mars 2008 que l’entrepreneuriat féminin représentant un formidable réservoir de croissance, le Gouvernement était déterminé à rattraper le retard et à soutenir les femmes dans leur démarche entrepreneuriale. Il a dès lors annoncé, entre autres mesures, la mise sur pied d’analyses plus approfondies du phénomène tant par l’INSEE que via un observatoire spécifique de l’entrepreneuriat féminin, la création de formations à l’entrepreneuriat [ou à la création ou reprise d’entreprise] spécifiques aux femmes et la mobilisation et le soutien des réseaux d’accompagnement en faveur du développement de l’entrepreneuriat féminin.

“on remarque toujours en France une discrimination en matière de prêts bancaires, les femmes obtenant des prêts moins importants que les hommes et étant plus souvent exposées aux demandes, de la part des établissements de crédit, de garanties au moment de l’octroi, comme le cautionnement du conjoint. Sans doute la manière de présenter leur projet par les femmes, plus axée sur la motivation et l’autonomie et moins orientée «business», dessert aussi les femmes, tout comme les secteurs dans lesquels elles créent leur activité, qui sont généralement moins porteurs que ceux investis par les hommes.”

“c’est le cas du Fonds de Garantie à l’Initiative des Femmes pour la création, la reprise ou le développement d’entreprises créé en 1989 et qui a pour objectif de faciliter l’obtention d’emprunts par les femmes souhaitant créer, reprendre ou développer une entreprise. On peut aussi citer l’Araf [Aide à la reprise d’activité des femmes]. Les femmes qui souhaitent reprendre une activité [en créant une entreprise, en suivant une formation, ou en étant embauchées], peuvent bénéficier d’une aide pour payer les frais de garde de leurs enfants.

Le montant de l’aide est fixé à 305 euros si les enfants sont scolarisés et à 460 euros s’ils ne le sont pas encore. Parallèlement à ces aides mises en place par l’Etat, Racines [Réseau d’Accompagnement des Créations et Initiatives avec une Nouvelle Epargne de Solidarité] gère également un outil financier : les CLEFES [Club local d’épargne pour les entrepreneuses], qui permet de collecter de l’épargne et de la redistribuer sous forme de prêt à un projet de création d’entreprise par une femme. En France, il existe aussi plusieurs clubs de femmes chefs d’entreprises sous forme de réseaux, mais les structures d’aide à la création destinées à un public féminin sont beaucoup plus rares. Par exemple, dans le Nord-Pas de Calais, il n’y a qu’Initiatives Plurielles qui propose un accompagnement ciblé aux femmes. Nous travaillons par exemple à la mise au point d’un système de «marrainage» entre femmes entrepreneures déjà établies et entrepreneures en phase de démarrage. Ce projet-pilote pourrait être essaimé.”

Carole Bonnetier

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portrait de femmes entrepreneures

Si elles sont encore trop peu nombreuses, les femmes qui ont lancé leur entreprise sont aussi trop peu visibles. Des études récentes sur la présence des femmes dans les médias en attestent. C’est pourquoi lorsque l’on parle de l’entrepreneuriat féminin, il est important de

donner la parole à celles qui ont osé se lancer, proposant ainsi des modèles qui puissent donner l’envie à toutes les candidates entrepreneures qui hésitent encore à créer leur activité.

Les entrepreneures présentées dans ce cahier ont toutes des parcours de vie très personnels. Elles ont créé leur emploi dans des secteurs d’activité divers, selon des statuts disparates et une taille d’activité qui varie elle aussi. Pourtant, elles ont toutes en commun un esprit

d’indépendance affirmé, un sens aigu de l’organisation et une volonté bien trempée qui sont sans doute des qualités propres à tout entrepreneur qui veut percer dans son métier, mais qui

sont probablement exacerbées chez ces femmes qui vont à contre-courant et doivent faire leurs preuves, davantage encore que les hommes.

Cinq portraits, cinq trajectoires, cinq preuves que c’est possible.

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Portrait d’entrepreneures

Issue d’une famille où les femmes, mère et grand-mère, ont créé leur entreprise,

Marina Aubert n’a pas beaucoup hésité à lancer sa propre structure pour abriter ses activités rédactionnelles à destination des

entreprises.

Spécialisée dans la communication web, elle a débuté seule pour ensuite s’associer et

créer une sprl en 2007.

Et son business ne fait que grandir.

Marina Aubert Journaliste Web sprl

C’est en 2003 que Marina Aubert décide de lancer son agence de communication web. Après des candidatures en informatique et un graduat en communication, elle travaille quelque temps dans des agences où elle développe ses talents de créatrice de sites Internet. Elle se rend vite compte qu’il y a une demande, notamment dans le chef des PME, qui n’est pas forcément rencontrée dans les agences de publicité.

Après un licenciement suite à une restructuration dans l’agence multimédia pour laquelle elle travaillait à l’époque, elle décide de se lancer, via la coopérative d’activités Azimut.

“Je me suis rendu compte durant mes premières expériences professionnelles que les agences de communication faisaient du multimédia, sans vraiment apporter un conseil spécifique en la matière et un contenu qui valorise leurs clients. J’ai donc décidé de créer mon emploi dans cette niche. Pour atteindre cet objectif, j’ai bénéficié de l’aide et du soutien d’Azimut qui m’a donné des conseils sur la création de mon concept, le positionnement de mon activité et la mise sur pied d’un business plan. La coopérative d’activités m’a également permis de tester mon projet, tout en maintenant mon statut de chômeuse et de monter petit à petit en régime, jusqu’au lancement proprement dit, afin d’en vérifier la faisabilité.”

La montée en puissance s’est faite sur une année à la suite de laquelle, ayant assez de trésorerie, la jeune femme a décidé de voler de ses propres ailes.

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Concilier les temps de vie

Depuis, le succès est au rendez-vous : d’abord comme indépendante, de 2004 à 2007, puis en société, Marina Aubert croit en son projet et communique son enthousiasme, même si son statut de femme et de jeune entrepreneure la dessert parfois :

“je dois dire que ce n’est pas toujours facile de convaincre les clients qui se demandent à qui ils ont affaire. C’est d’autant plus malaisé parfois qu’il y a des gros stéréotypes sur les femmes qui n’y connaissent rien en informatique. Je vis cela aussi dans les réunions un peu huppées où l’on me regarde parfois de travers quand je me présente comme chef d’entreprise. À 31 ans, on ne me prend pas toujours au sérieux. Heureusement, la notoriété joue désormais en notre faveur et le nom de clients bien établis comme MeadJohnson, Fostplus ou Cofidis, assoit notre réputation. Le fait d’avoir une structure qui grandit, avec un associé homme, et bientôt, une deuxième société plus axée sur le conseil en communication, donnent aussi une certaine assurance et ceux qui ne sont pas convaincus, je ne les retiens pas. Ils reviendront bien un jour ou l’autre.”

La jeune femme est aussi fonçeuse sur le plan professionnel qu’elle était désireuse de créer une famille et d’avoir des enfants, ce qu’elle a concrétisé avec bonheur :

“j’ai eu mon premier enfant durant ma première année d’activité comme indépendante, j’ai juste un peu calculé pour faire en sorte qu’il naisse pendant les vacances d’été car c’est une période un peu plus creuse. Je ne comprends pas bien pourquoi les jeunes filles craignent de se lancer comme indépendante par rapport à leur projet de maternité. À carrière égale dans le salariat, je pense que c’est beaucoup plus difficile à concilier que lorsque vous êtes votre propre patron. Vous choisissez vos horaires, votre lieu de travail. Il est vrai que le père de mes enfants est un papa nouvelle génération, donc on partage les tâches. Mais c’est surtout une recherche du bon équilibre. Je suis d’ailleurs

attentive à cette question à l’égard de mes collaborateurs, jeunes parents, qui travaillent dans la société.”

S’investir dans le secteur

Marina a aussi la volonté de faire progresser son secteur d’activité et le fait d’enseigner l’écriture multimédia représente pour elle un engagement et un pari sur l’avenir :

“je donne cours à Technofutur, un centre spécialisé dans l’organisation de formations dans le domaine des technologies de l’information et de la communication, ainsi qu’à l’Institut supérieur de formation sociale et de communication, rue de la Poste à Bruxelles. C’est important de former des jeunes dans ce domaine et en même temps, cela me permet de recruter les étudiants qui viennent en stage chez moi.”

La jeune femme a également créé une association professionnelle, dont elle est la présidente, et qui a pour vocation de promotionner l’e-écriture et les métiers de l’écriture web car il s’agit d’un secteur encore mal connu et qui doit aujourd’hui se structurer et se professionnaliser.

Marina Aubert semble débordante de projets et prévoit une croissance qui ne l’effraye pas :

“je crois vraiment qu’il faut arrêter d’avoir peur quand on lance sa propre activité. Il y a des organismes d’accompagnement, comme Azimut, qui permettent de tester son idée, de faire mûrir son projet et ensuite, il y a des filets de protection dans le système de sécurité sociale qui permettent de retomber sur ses pattes si la sauce ne prend pas. Il faut oser et même si, au départ, on gagne peut-être moins qu’en étant salarié, on s’amuse, on invente tous les jours et c’est ça qui compte !”

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Portrait d’entrepreneures

À près de 50 ans, Liliane Belleflamme gère deux sociétés et

une immobilière avec son mari.

Si le secteur de la construction est plutôt investi par les hommes, elle a parfaitement

intégré cet univers pour y déployer ses atouts en matière d’organisation

et de gestion.

Liliane BelleflammeTerrassements Belleflamme

Dans les bureaux de la SA Belleflamme, si l’on n’est pas sur le chantier bottes aux pieds et le casque sur la tête, on ne chôme pas pour autant et, aux quelques échanges entre le couple et la comptable, on perçoit les rouages bien huilés de cette organisation. Parapher le signataire, assurer la pince à béton contre le vol, finaliser le contrat avec la banque,… : les commentaires sont précis, vont droit au but dans un souci d’efficacité partagé. Dans ce contexte, Liliane Belleflamme assume le rôle de courroie de transmission avec une maîtrise affichée. Elle nous raconte son parcours :

“Je suis issue d’une famille de sept filles, mon père avait une boucherie et dans l’esprit de mes parents, les filles ne travaillaient pas à l’extérieur. Pour eux, une fille devait se marier et ensuite s’occuper de son foyer et le cas échéant, aider son mari dans son activité. Mais, moi, je me rendais compte que si mes parents venaient à disparaître, sans aucun diplôme, je me retrouverais coincée et je ne voulais pas d’emblée construire ma vie sur cette base.”

C’est pourquoi, après des humanités professionnelles et tout en aidant ses parents dans le commerce familial, la jeune fille s’inscrit à des cours par correspondance pour obtenir son diplôme de l’enseignement général. Lorsque ces derniers prennent leur retraite, elle trouve un travail dans une boulangerie, trois jours par semaine. Son patron qui a connu un parcours similaire au sien lui propose de suivre des cours de comptabilité afin d’intégrer le bureau comptable qu’il a créé à côté de son activité de boulangerie. Ce même patron finit par fermer la boulangerie pour adosser une agence bancaire au bureau comptable déjà existant, dans laquelle la jeune fille travaille à plein temps.

“Je dois dire que la fibre de l’indépendant, je ne sais pas si cela se transmet de génération en génération, mais je pressentais que c’était mon univers, même si à l’époque j’étais salariée. En 1980, j’ai commencé à fréquenter mon mari qui gérait la société familiale de terrassement. Assez rapidement, j’ai intégré l’entreprise pour m’occuper de la comptabilité, mais aussi des

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documents juridiques, des contrats,… et j’y ai été acceptée à part entière tant par mes beaux-parents que par le personnel et ce, malgré le fait qu’il s’agisse d’un univers très masculin. J’ai suivi beaucoup de formations pour être au fait du secteur, des législations, ainsi que des nouveautés techniques et administratives.”

Agrandir l’entreprise et la famille

Ce travail en duo a permis au couple de racheter l’entreprise de terrassement en 1985 et de faire prospérer cette activité qui, aujourd’hui, a atteint son rythme de croisière. Profitant de l’intérêt grandissant pour le recyclage dans le secteur de la construction et des obligations légales mises en place dans ce domaine, le couple a également créé un centre de tri de déchets, d’abord intégré comme un département de l’entreprise Belleflamme, puis sous forme de sprl distincte depuis 2007 : cette deuxième activité connaît d’ailleurs une belle progression. Tout cela, en menant de front l’éducation des enfants :

“ça n’a pas toujours été évident car lorsque vous gérez une entreprise et que vous devez vous occuper d’un enfant de deux, trois ans, c’est parfois difficile de combiner les deux, d’autant qu’à l’époque, les deux sphères, professionnelle et familiale, interféraient davantage qu’aujourd’hui. Je pense néanmoins que les enfants s’adaptent au style de vie de leurs parents. Reste qu’il faut gérer les équilibres, mais à l’instar de n’importe quel couple où les deux parents ont une activité professionnelle.”

Travaillant avec son mari Christian, Liliane s’estime très complémentaire : il s’occupe des aspects techniques et des chantiers, alors qu’elle est plutôt versée dans l’élaboration des remises de prix, la gestion et le suivi des contrats, ce qui demande des connaissances techniques et administratives pointues.

“Nous nous complétons car mon mari sent certaines choses, a de l’intuition. Moi, je vais concrétiser : je considère cela comme un sport, un challenge, une manière aussi d’exprimer ma créativité

en imaginant des solutions adaptées. Le fait d’être une femme n’y change pas grand-chose, si ce n’est peut-être une manière de gérer moins frontale. Cela dit, certains clients préfèrent avoir à faire avec un homme. Dans ces cas-là, on s’adapte et je passe la main à mon mari.”

Un rôle qui évolue

Aujourd’hui, Liliane Belleflamme joue un rôle de veille au sein de l’entreprise, sur les plans juridique, comptable, fiscal, social,… : elle est sans cesse à la recherche d’outils pour travailler plus efficacement et pour cela, elle continue de se former. Elle n’a pas hésité non plus à faire un appel à un consultant car elle considérait important d’avoir un regard extérieur sur l’activité, ce qui leur a permis de progresser.

Liliane Belleflamme s’est également investie dans les réseaux d’affaires, d’abord dans le cadre du réseau féminin Perle spécifique au secteur de la construction [voir page 52-53], aujourd’hui au sein du GECO, le regroupement économique de l’Entre-Sambre et Meuse, où elle est la seule femme représentée : “au départ, les hommes se demandent ce que vous faites là, mais dès que l’on fait la preuve que l’on connaît son métier, le respect s’installe. Et je pense que, depuis un certain temps déjà, je suis acceptée pour mes compétences et non parce que je suis la femme de…”

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Portrait d’entrepreneures

Après avoir exercé de multiples boulots [femme d’ouvrage, chauffeur poids lourds,

photographe, animatrice culturelle,…], Dominique Delvaux a trouvé sa voie dans la

pâtisserie fine et le chocolat.

Lauréate du Grand prix de la très petite entreprise en 2005,

elle mène son affaire avec intelligence et volonté.

Dominique Delvaux Artisane pâtissier - chocolatier

“J’ai toujours adoré faire la cuisine. Je me rappelle qu’à treize ans, mes parents qui tenaient une épicerie de village étant fort occupés durant la période des fêtes de fin d’année, j’ai confectionné un buffet de Noël pour toute la famille. Mais cette passion pour les métiers de bouche ne m’est pas apparue tout de suite comme un débouché professionnel. En revanche, j’ai toujours eu une sensibilité artistique et l’envie d’explorer, de créer. Je savais aussi très tôt qu’un jour je serais indépendante, ayant été élevée de façon très autonome et ayant vu mes parents gérer leur commerce.”

Une idée qui germe

Il y a quinze ans, Dominique, qui a déjà suivi une première formation en photographie, vécu un mariage et s’occupe de sa petite fille, reprend une formation en restauration. D’abord des cours du soir durant deux ans qu’elle combine avec des boulots en journée, puis des cours du jour en pâtisserie et chocolaterie.

“A l’époque, ma fille et moi allions toutes les deux à l’école, même si, moi, j’avais déjà 30 ans.”

Des projets se dessinent petit à petit dans sa tête, qui parviendront à maturité sept ans plus tard. Entre-temps, Dominique poursuit sa formation pour obtenir l’accès à la profession de boulanger-pâtissier. Elle envisage un moment d’ouvrir un salon de dégustation où elle proposerait ses créations pâtissières et chocolatières, mais les horaires d’ouverture d’un commerce la dissuadent :

“je ne voyais pas comment concilier ma vie de famille, mon rôle de maman, de compagne et celui d’entrepreneure, avec des horaires aussi exigeants que ceux d’un commerce. Je dois dire qu’au final, la solution que j’ai choisie engendre des semaines de boulot de 60, 70, voire 100 heures de travail par semaine, mais je les gère comme je l’entends.”

Travaillant comme ouvrière pendant un an et demi chez un patron, avec des horaires là aussi très lourds [4 heures du matin – 2 heures de l’après-midi], Dominique apprend son métier tout en se frottant à un milieu d’hommes, où il faut faire sa place :

“je n’ai jamais eu l’habitude de me faire marcher sur les pieds, mais il a parfois fallu mettre les points sur les i avec certains

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collègues. Cela dit, étant peu nombreuses dans le métier, les femmes forcent d’emblée le respect.”

Faire monter la crème chantilly

Le rêve que Dominique Delvaux concrétise en 2001 dans un ancien abattoir désaffecté situé à Chênée est un atelier fermé, sans magasin. À l’époque, sa mise de départ est assez limitée :

“j’ai débuté avec le prêt lancement chômeur et un micro crédit obtenu auprès de Crédal. Auprès des banques ordinaires, je savais que je perdais mon temps, n’ayant aucune garantie à proposer. J’ai également bénéficié de l’aide de Job’In qui est une structure d’accompagnement à la création d’entreprise.”

Son projet, elle l’a imaginé comme une pièce montée :

“j’ai commencé avec la pâtisserie fine [mousses, bavarois, génoises,…] que je propose toute l’année aux professionnels des métiers de bouche [restaurateurs, traiteurs] et que je vends aussi aux particuliers sur commande. Ensuite j’ai ajouté les chocolats, pralines et autres délices sucrés que je confectionne d’octobre jusqu’à la fête des mamans et que je vends en ligne directe aux particuliers, ainsi qu’aux professionnels du secteur et aux entreprises. Enfin, de mai à octobre, j’abandonne le chocolat pour la glace et les gâteaux glacés que les traiteurs me commandent et que j’écoule aussi dans un salon de dégustation. De cette manière, j’évite les invendus comme c’est le cas dans les boulangeries et les pâtisseries.”

Les débuts ont été piano. Petit à petit des contacts se sont noués, la confiance s’est installée et le bouche à oreille a fonctionné. Le fait de participer au réseau de femmes Far, actif en région liégeoise, lui a permis de rencontrer d’autres femmes entrepreneures et de tisser des liens amicaux, mais aussi commerciaux. L’attribution du Grand prix de la TPE en 2005 à Dominique a clairement boosté son activité :

“Après la remise du Prix, j’ai été prise d’assaut, je travaillais 120 heures par semaine, il a fallu gérer les flux. Mais quel bien cela fait de voir son travail récompensé.”

L’artisane a apprécié d’être ainsi reconnue et de voir sa ténacité et son sens du détail valorisé :

“je ne sais pas si ce sont des qualités typiquement propres à la femme, je ne pense pas que dans les affaires, il y ait de grandes différences entre les sexes : on vit les mêmes problèmes. Par contre mon ancien patron disait de mes gâteaux et chocolats qu’ils traduisaient une sensibilité très féminine et c’est un atout car il y a très peu de femmes dans le métier. D’ailleurs lorsqu’on appelle à l’atelier et que je réponds au téléphone, on demande à parler au patron.”

De nouvelles idées pour durer

Aujourd’hui, Dominique Delvaux envisage l’avenir avec des points d’interrogation. Non pas sur son créneau, mais bien sur la croissance de son activité :

“je ne veux pas grandir au point de ne plus avoir de contacts avec la matière. Je veux continuer à travailler dans l’atelier et ne pas m’occuper que du commercial, ce que je dois déjà faire pas mal aujourd’hui. Mais si je veux grandir, élargir mes horizons, je devrai me faire aider et pour moi, c’est difficile car j’ai du mal à déléguer. J’ai un jeune garçon pour l’instant en compagnonnage qui est là pour quelques mois. Après cet écolage, j’envisage d’engager quelqu’un à mi-temps, mais c’est un coût à calculer et puis, être patron, c’est encore un autre métier.”

À 44 ans, ce bout de femme, extrêmement volontaire, ne manque pas de projets car, selon elle, le propre de l’entrepreneur, c’est d’évoluer. En plus de son activité, elle donne des cours de pâtisserie et de chocolaterie à M. et Mme tout le monde, organise des stages pour enfants, ainsi que des teams buildings. Enfin, elle enseigne la confiserie, pâtisserie, chocolaterie à l’IFAPME. Ses rêves : mettre sur pied un atelier didactique, où elle accueillerait des particuliers et des personnes en difficulté dans leur parcours de vie, mais aussi créer davantage de solidarité entre les artisans.

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Portrait d’entrepreneures

Aujourd’hui à la tête d’une société anonyme de vingt personnes dédiée à la gestion

de l’information [e-commerce, e-governement, e-learning et e-marketing],

Anne-Marie Heller a quitté en 1992 un emploi salarié pour se lancer dans

l’aventure.

Elle ne regrette pas une seconde ce choix d’avoir voulu mener sa propre barque.

Anne-Marie Heller Defimedia SA

Rien ne prédisposait Anne-Marie Heller à aboutir sur la planète Internet, ni à se lancer comme entrepreneure. Un défi parmi d’autres à relever pour cette ingénieure civile en construction. Comme elle l’explique,

“Déjà le choix de mes études représentait un challenge : j’étais bonne en math et en sciences, mais personne avant moi n’avait passé l’examen d’entrée d’ingénieur dans mon école. Le fait que mon père n’ait pas pu faire ces études-là à cause de la guerre constituait à mes yeux une autre raison de m’engager dans cette voie. Je crois que lorsque je regarde ma vie et ses étapes, j’ai toujours eu le goût de relever des défis.”

Une fois son diplôme en poche, la jeune fille est engagée dans une filiale du groupe international Schlumberger, spécialisée dans les transformateurs pour centrales électriques. C’est l’époque où les PC font leur apparition :

“Pour moi, cela a représenté un nouveau challenge que de me plonger dans cet univers passionnant de l’informatique. Mon chef de service, ingénieur électronicien, était un vrai passionné. J’ai également développé mes connaissances en communication et en marketing puisque j’étais chargée de la supervision de films commerciaux sur les transfos. Je suis restée quatre, cinq ans dans cette société.”

Du salariat à l’entrepreneuriat

Ne souhaitant pas rejoindre les bureaux de Schlumberger à Paris, où on souhaitait qu’elle aille travailler et s’installer, Anne-Marie Heller cherche alors un nouvel emploi qui lui permette de rester à Bruxelles et elle intègre CIG, une société informatique.

“C’est dans ce cadre que j’ai abordé l’enseignement assisté par ordinateur, une des branches d’activité actuelles de Defimedia. Nous avions constitué une petite équipe qui travaillait sur des applications multimedia, pour le compte d’IBM et cet aspect-là du job m’intéressait énormément. Mais chez CIG, c’est la culture du management à l’américaine qui prévalait, avec le principe de

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l’employé du mois, la course au pouvoir, la nécessité de faire ses preuves en jouant des coudes. Une mentalité dans laquelle je ne me retrouvais pas du tout.”

Quand, en 1992, CIG restructure et licencie une des collègues de la petite équipe multimédia, le projet de lancer leur propre structure commence à germer. Et c’est à quatre, deux hommes, deux femmes, qu’ils décident de créer leur société spécialisée dans le développement d’applications multimédia pour la formation professionnelle.

“Je pense que seule, à l’époque, je ne me serais pas risquée. Je n’avais pas un background de parents ayant créé leur business et je n’avais jamais réellement songé à cette éventualité. Mais, poussée par les autres et étant donné qu’on était à plusieurs, je me sentais en confiance.”

C’est dans le contexte d’une période de crise économique que IMmedia est créée. La société cherche ses marques, tant sur le plan organisationnel qu’à l’égard des activités à développer. De l’e-learning, la société s’oriente peu à peu vers la communication.

“Nous avons également dû trouver nos marques entre associés, ce qui s’est soldé par une «séparation» de deux associés qui ont quitté IMmedia. Malgré ces difficultés de départ, je n’ai jamais regretté ce choix qui a permis de mettre sur pied une société dans laquelle j’ai un job intéressant, avec des responsabilités et qui pratique un management beaucoup plus participatif, où ne règne pas cette course au pouvoir qui me pesait terriblement dans les sociétés pour lesquelles j’avais travaillé par le passé. Par ailleurs, cette formule m’a permis et me permet toujours une flexibilité et une autonomie beaucoup plus grande afin de concilier travail et vie de famille. Au contraire d’un salarié qui a des horaires rigides, j’ai pu être présente pour les enfants, assister aux fêtes d’écoles, m’occuper d’eux les mercredis après-midi. J’ai pu intégrer les deux dimensions de manière plus harmonieuse et lorsque je me suis séparée de mon mari, il y a quelques années, et que j’ai un bref instant envisagé de redevenir salariée [une sorte de réflexe sécuritaire], j’ai bien vu que pour mes enfants, tous leurs repères

tomberaient d’un seul coup. Je me suis vraiment rendu compte de la liberté que m’offre ma situation d’entrepreneure, même si cela représente énormément de travail et parfois un risque qu’il faut gérer.”

Une croissance maîtrisée

Depuis 1992, la société a grandi, a engagé ses premiers employés, ce qui représentait pour Anne-Marie Heller une responsabilité importante envers ces travailleurs et leurs familles. Mais qui ne l’a pas arrêtée. Internet s’est imposé et là encore, s’est mué en challenge. Anne-Marie Heller a assez vite pris les rênes de la société, en tant qu’administratrice déléguée et le fait d’être une femme, elle ne l’a jamais vraiment ressenti comme un obstacle :

“j’ai toujours évolué dans un environnement d’hommes, déjà pendant les études et ensuite, dans le travail. Cela n’a jamais été un souci pour moi que de m’imposer parmi eux.”

Il y a trois ans, IMmedia a fusionné avec la société DefinITion, dirigée par un homme pour devenir Defimedia. Deux cultures d’entreprise qu’il a fallu concilier, avec au final, de l’avis d’Anne-Marie Heller, un management plus féminin, plus humain, plus axé sur la conciliation des besoins des travailleurs, notamment en termes de flexibilité.

“J’ai aussi beaucoup appris de cette fusion. Mon associé, Olivier de Wasseige, est beaucoup plus axé que moi sur une stratégie de l’audace, une ouverture vers l’extérieur pour développer les affaires. Le fait d’avoir un alter ego me fait progresser et depuis quelque temps, je m’investis plus dans le sens de cette ouverture, notamment en participant aux activités des réseaux FAR et des femmes chefs d’entreprises, mais aussi à d’autres cercles d’affaires.”

Les défis de demain ? Asseoir la fusion, gérer la croissance et, pourquoi pas, investiguer de nouveaux horizons.

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Portrait d’entrepreneures

Après des études de graphiste à Saint-Luc [Liège], Laurence Leberger a

travaillé pendant huit ans dans des agences.

En 2005, elle réalise son rêve professionnel : reprendre un centre de photocopies et en

faire une entreprise sympa qui propose des services variés, de qualité et bourrés

d’originalité.

Pari gagné !

Laurence Leberger «Push The Button»

Lorsqu’on entre chez «Push the button», déjà la devanture a attiré l’attention et une fois à l’intérieur, on est bluffé par l’ambiance colorée et plutôt cool du magasin, qui tranche nettement avec les classiques centres de photocopies aux allures sinistres et à la mine grisâtre.

Laurence Leberger y a créé son univers, mettant en avant ses connaissances techniques en matière de reproduction de documents [impression noir et blanc, couleur, laser, plastifiée, sur textile outdoor,..]. Elle propose également un service et des conseils personnalisés pour la création de faire-parts, de cartes de visite, flyers,… et la mise en page de mémoires, travaux de fin d’études et autres dossiers de presse. Enfin, elle a déployé toute sa créativité afin de proposer une large gamme de papiers [colorés, métallisés, pailletés, gaufrés, translucides,…], mais aussi des reliures originales [en tire-bouchon, anneaux métalliques ou pastilles colorées]. Enfin, elle a également créé sa propre gamme de papeterie, agendas et petits carnets auxquels elle a donné des noms évocateurs :

“Au jour le jour”, “Notes, gribouillis et réflexions” ou encore “Scraboutcha.”

Le tout agrémenté d’un site Internet, très pro et convivial et même d’un blog où la jeune femme fait part aux internautes de ses dernières trouvailles.

La petite histoire

“En réalité, après mes études, j’ai travaillé pendant deux ans dans un centre de photocopies, où je m’occupais des impressions, des tirages de plans et où je réalisais des petits travaux de graphisme. Ensuite, j’ai intégré une agence où j’étais assistante de production et pour laquelle je m’occupais des appels d’offres, des devis, des relations clients, ce qui m’aide beaucoup aujourd’hui pour la gestion. J’ai aussi bossé pendant une année à l’AWPA [association wallonne pour le patrimoine archéologique]. Puis j’ai rejoint une agence qui avait pour clients

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des grosses entreprises liées à l’industrie et où l’on réalisait des documents, des logos, des affiches en de nombreuses langues différentes. J’ai été engagée dans cette agence selon un statut PFI [Plan formation insertion] et lorsqu’il n’a plus été possible de renouveler le contrat, j’ai été licenciée. À la même époque, j’ai appris que le magasin de photocopies où j’avais eu mon premier boulot était à remettre et j’ai sauté sur l’occasion.”

Sauter sur l’occasion n’est pas le terme exact. Au contraire, Laurence Leberger a pris son temps pour réfléchir au fait de se lancer comme indépendante :

“à 28 ans, je trouvais assez peu réaliste de me lancer seulement comme graphiste, sans un solide carnet d’adresses. La solution du magasin me semblait la bonne voie.”

Elle a cogité pendant dix mois avec l’association Job’in pour monter son projet :

“ma famille étant composée d’une majorité de fonctionnaires, ils me dissuadaient fortement de prendre cette voie. Heureusement, le propriétaire du centre de copies m’a laissé ce temps pour me préparer.”

Il a fallu réunir des fonds pour la reprise du magasin, l’achat de matériel de reproduction, d’ordinateurs :

“j’ai du convaincre le Fonds de participation et mon banquier de me prêter l’argent. Qui plus est, en dernière minute, un des partenaires qui devaient me fournir des machines en leasing m’a fait faux bond, m’obligeant à acheter ce matériel, ce qui n’était pas prévu dans le montage initial.”

Elle se rappelle aussi de situations cocasses, lorsqu’à l’époque, elle visitait les fournisseurs avec son mari.

“On s’adressait systématiquement à lui, c’est comme si j’étais transparente. Je devais leur expliquer que les explications m’étaient destinées, d’autant que mon mari n’y connaît absolu-

ment rien en la matière. D’ailleurs, certains clients qui viennent au magasin demandent à parler au patron. C’est bien simple, je crois que je suis la seule femme à être propriétaire d’un centre d’impressions en Belgique.”

Petit à petit, l’oiseau fait son nid

À 30 ans, Laurence est aujourd’hui à la tête de sa petite entreprise et a deux employées temps plein à son actif. Grandir ne l’effraye pas, même si elle considère être actuellement dans une phase de stabilisation. Il faut dire que le Grand Prix de la très petite entreprise qu’elle a décroché en 2006 lui a valu de nombreux clients.

“Ce prix m’a donné de la visibilité et une grande crédibilité, c’est vraiment un super tremplin et des clients comme le Théâtre de la Place, des agences de graphisme, Saint-Luc, mon ancienne école, se sont adressés à moi après la remise du prix. Je participe aussi aux activités du réseau FAR et même si le but exclusif n’est pas de faire des affaires, j’ai pas mal de clientes par ce biais.”

Aujourd’hui, Laurence ne regrette pas son statut de salariée : le fait de ne devoir rendre de comptes qu’à elle-même et de pouvoir organiser ses journées comme elle l’entend lui convient parfaitement. Elle se demande d’ailleurs comment elle a pu faire autrement. Ce qui ne veut pas dire qu’elle a le temps de chômer. Malgré ses deux employées, Laurence est occupée plus qu’un full time :

“les journées sont bien remplies et pour l’instant, je n’imagine pas avoir un enfant. D’ailleurs je ne vois pas comment je pourrais m’absenter pour un congé de maternité.”

Et quand on lui demande comment aider les femmes à lancer leur entreprise, elle pointe surtout des améliorations à apporter pour aider les femmes à concilier travail et vie de famille. Pour le reste, elle considère qu’il faut aider ceux qui entreprennent, hommes et femmes, sans distinction.

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de l’utilité des réseaux de femmes

Lorsque l’on lance sa propre activité ou que l’on crée son entreprise, que l’on soit homme ou femme, l’importance des contacts est capitale. Que ce soit pour se faire connaître, donner

de la visibilité au produit ou au service que l’on propose, approcher des clients, être mis en contact avec des fournisseurs de qualité,… les réseaux professionnels sont des lieux

extrêmement importants pour développer son activité et se confronter à l’expérience d’autres entrepreneurs.

Il existe de nombreux réseaux d’affaires mixtes, comme les associations professionnelles, que les femmes rallient, mais ces réseaux sont davantage investis par les hommes et rencontrent

peut-être de manière moindre certaines préoccupations des femmes. C’est pourquoi à côté de ces réseaux mixtes, se développent aujourd’hui des réseaux de femmes qui se défendent

d’être des ghettos de femmes ou des réseaux féministes, mais qui ont pour vocation d’accompagner les entrepreneures dans leurs affaires, qui véhiculent une image positive de la femme indépendante et qui mettent en valeur des modèles féminins. Ce que les femmes

recherchent en rejoignant un réseau, c’est le fait de donner une plus-value à leur entreprise, avoir une reconnaissance sociale et professionnelle, mais également le besoin et l’envie de

partager et d’échanger leurs expériences, de se soutenir mutuellement. D’après les enquêtes menées auprès des femmes membres de réseaux, les motivations d’ordre relationnel sont

davantage recherchées que les motivations pragmatiques.

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Réseaux

Créé au sein de Crédal, coopérative de crédit alternatif, AFFA est avant tout un programme qui vise à favoriser l’insertion socioprofessionnelle des femmes sur le marché du travail par l’auto création d’emploi. Pour cela, AFFA propose à un public féminin une formation afin de réfléchir leur projet professionnel, de valider ou invalider sa pertinence et, le cas échéant, rédiger un premier jet du business plan. Pendant cette formation, un accompagnement individuel et des ateliers thématiques sont proposés. Autre dimension spécifique à ce programme : l’accompagnement collectif sous la forme de cercles de soutien formés de trois à cinq femmes.

Date de création janvier 2005

Zone d’influence Wallonie - Bruxelles

Public cible femmes sans emploi qui souhaitent créer leur activité

pour laquelle il y a une adéquation porteur/projet et qui veulent travailler à la concrétisation de cette activité

Nombre d’adhérentes 135 femmes accompagnées [fin 2008]

Activités proposées programmes de formation et d’accompagnement,

notamment par le biais de cercles de soutien

Le réseau AFFAAffaires de femmes, femmes d’affaires

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Enfin, le programme comprend également un volet financement pour le lancement de projets concrets. Comme le soulève Marie Ledent, responsable du programme AFFA,

“Notre programme va plus loin qu’un simple réseautage, même si cette philosophe de mise en liens existe au sein des cercles de soutien et nous invitons par ailleurs les participants au programme AFFA à rejoindre les réseaux de femmes existants car il est important de créer des contacts, de ne pas se sentir seule lorsqu’on lance son activité. C’est cet esprit qui règne dans les cercles de soutien qui peuvent être de plusieurs natures : les uns, plus conviviaux, basés sur le souhait de recréer du lien social, de partager et de se soutenir; d’autres, plus techniques, qui réunissent des femmes en fonction de leur profil social et entrepreneurial, afin de s’entraider à la mise sur pied des projets; d’autres encore, qui ont pour vocation de réunir des femmes qui vont se porter garantes morales lors du lancement du projet et de la demande de capitaux sous forme de crédits.”

Pour Marie Ledent, l’approche «femme» est indispensable car au-delà des freins qui existent au fait de lancer son entreprise, qui sont présents tant pour les hommes que pour les femmes, il existe des spécificités et des freins, propres aux femmes, qui nécessitent d’y travailler de manière particulière :

“la société belge reste encore très conservatrice par rapport aux rôles masculins et féminins et cela a une répercussion importante sur la vie professionnelle des femmes et leur projet de création d’emploi, au point que celles-ci s’auto-sabotent parfois car elles manquent de confiance en elles. Elles sont assez isolées, d’où la nécessité de réseaux. Elles ont également des craintes de ne pas arriver à concilier vie professionnelle et vie de famille. Elles accèdent moins facilement au crédit car souvent leur projet manque d’ambitions et de perspectives de croissance. Tout cela nécessite une approche spécifique avec une prise de parole propre aux femmes et la possibilité de verbaliser leurs difficultés, ce qui est plus difficile dans un programme de formation ou un réseau mixte.”

réseau AFFA Place de l’université 16 1348 Louvain-la-Neuve

Tél. 010/48 33 50 [email protected]

www.credal.be

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Réseaux

Date de création fin 2001

Zone d’influence jusqu’ici le Hainaut - à partir de 2009 :

la Wallonie et Bruxelles [avec des sections décentralisées]

Public cible femmes [futures] indépendantes et

dirigeantes d’entreprises

Nombre d’adhérentes 1100 femmes [fin 2008]

Activités proposées réunions mensuelles, conférences, formation et e-learning,

mentorat, présence dans les salons professionnels, accompagnement et information, lobbying

Le réseau Diane a vu le jour suite à un état des lieux réalisé par l’UCM, le centre Egid – HEC – ULg, Amazone et le Cezov [Markant], du côté flamand et ce, avec le soutien financier du Fonds social européen et de la Région wallonne. Il ressortait effectivement de cette étude que les femmes candidates à la création de leur propre emploi n’étaient pas assez été soutenues : c’est pourquoi l’UCM Hainaut a décidé de créer un réseau afin de valoriser les femmes entrepreneures et de soutenir celles qui envisagent de se lancer : comme le souligne Christophe Wambersie, secrétaire général de la FNUCM – Hainaut et un des initiateurs de la réflexion,

“il nous semblait important qu’une organisation patronale comme l’UCM qui a pour mission la stimulation économique et la création d’activité fasse avancer la cause des femmes en matière d’entrepreneuriat. C’est pourquoi nous avons créé le réseau Diane qui poursuit une série d’objectifs de visibilisation des projets portés par des femmes, d’information et de soutien des futures créatrices d’entreprise, mais aussi de formation

UCMUnion des Classes Moyennes

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et d’accompagnement. Qui plus est, en tant qu’organisation patronale, nous avons clairement la possibilité de faire remonter vers les sphères de décision, les besoins des femmes qui souhaitent créer leur emploi et qui rencontrent certains obstacles : nous avons notamment obtenu des avancées au travers du statut de conjoint[e] aidant[e] et nous souhaitons aujourd’hui faire progresser le dossier du statut de co-entrepreneur, dans le cadre des sociétés où des couples travaillent ensemble. Cette approche «femmes» a eu également des répercussions au niveau de nos instances où il y a davantage de femmes dans nos conseils d’administration que par le passé.”

Une des activités proposées par le réseau Diane, parmi les réunions mensuelles, les modules de formation ou encore la diffusion d’informations [notamment via le site Internet], consiste en un système original de mentorat :

“nous avions observé ce système en Angleterre où il est assez développé et il nous semblait intéressant de le transposer chez

nous afin que des femmes qui envisagent de se lancer puissent bénéficier du savoir-faire d’entrepreneures déjà en activité. On peut dire que le principe de solidarité à la base de ce mentorat est quelque chose de très adapté aux femmes, je ne sais si c’est par nature ou du fait qu’elles sont encore une minorité dans le paysage économique et qu’elles se serrent volontiers les coudes. Bref, ce ‘marrainage’ fonctionne très bien et nous avons le projet de créer plus de binômes de ce type, avec un essaimage de l’idée sur la partie francophone du pays, à l’instar du réseau Diane qui va également déployer ses activités sur ce territoire.”

réseau diane Chaussée de Binche 101, bte 74

7000 Mons Tél. 065/38 38 64

[email protected] www.reseaudiane.com

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Réseaux

Date de création octobre 2005

Zone d’influence la région liégeoise

Public cible toutes les femmes actives [indépendantes, chefs

d’entreprise, salariées, artistes,…]

Nombre d’adhérentes +/- 1.000

Activités proposées formations, conférences, petits déjeuners, soupers,

voyages…

Le réseau FAR Femmes Actives en Réseau

Bénédicte Philippart de Foy est conseillère en création et développement d’entreprises et consultante en études de marché axées sur le genre. Elle a fondé le réseau FAR avec trois autres femmes et en est la cheville ouvrière :

“Il s’agit avant tout d’un réseau informel qui fonctionne sans un franc de subsides, mais pour moi c’est une bonne démonstration du fait qu’on n’a pas forcément besoin de beaucoup de moyens financiers pour atteindre ses objectifs : c’est un message important à faire passer aux femmes qui souhaitent lancer leur activité.

L’idée d’un réseau, c’est se dire que c’est dans la diversité que l’on améliore ses performances et dans le cas du réseau FAR, cette diversité est au rendez-vous : on trouve des profils très diversifiés, en termes de profession, d’origine sociale, de niveau d’études. On peut dire qu’il y a mélange des genres dans le genre. Le fait que nous soyons un réseau féminin ne veut pas dire que l’on se définit comme étant en concurrence ou en opposition

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vis-à-vis des hommes, mais on prend plaisir à se retrouver entre femmes et à partager nos expériences, nos savoirs, tout autant que nos difficultés, nos doutes. Les attentes des unes et des autres ne sont pas forcément les mêmes : certaines recherchent clairement des contacts professionnels, d’autres le partage d’expériences, mais on ressent une solidarité très forte entre les membres du réseau.

Sur le plan des activités, certaines sont clairement dédiées aux aspects professionnels : c’est le cas des conférences ou des formations qui, généralement, sont dispensées par des femmes du réseau aux autres membres : on est clairement dans le partage d’expériences. D’autres activités [comme les petits déjeuners et les soupers une fois par mois, mais aussi des city trips de 2, 3 jours ou encore une matinée au hammam], sont beaucoup plus ludiques et ont pour objectif de mieux nous connaître. Il y a de belles rencontres qui se produisent à ces occasions.

C’est clairement l’objectif des réseaux, féminins ou mixtes d’ailleurs : beaucoup de gens qui se lancent ont un bon profil, une bonne idée de création, mais manquent de contacts et éprouvent des difficultés à concrétiser leur projet. Le réseautage a pour vocation de répondre à ces besoins, dans un esprit de partenariat et avec la volonté que chacun progresse.”

réseau FAr [email protected]

www.reseau-far.be

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Réseaux

Date de création 1948

[publication des statuts au Moniteur Belge en mars 1949]

Zone d’influence l’ensemble de la Belgique

Public cible les femmes chefs d’entreprise et indépendantes

Nombre d’adhérentes 130 femmes membres

Activités proposées soirées rencontres avec présentation d’entreprises,

dîner annuel, congrès, lobbying

Le réseau FCE-VVB Femmes Chefs d’Entreprises

Ninette Nysten-Neuville est opticienne spécialisée en adaptation de lentilles de contact, ainsi que dans les techniques qui allient sport et vision. Elle enseigne à l’IFAPME de Liège et est également engagée dans le réseau FCE-VVB en tant que responsable de la section wallonne [Liège]. Pour cette indépendante toujours sur la brèche,

“le réseau FCE-VVB a pour caractéristique remarquable d’être le premier à avoir été créé en Belgique, tout juste après la seconde guerre mondiale. Le vote venait d’être accordé aux femmes et ces dernières avaient fait tourner les entreprises pendant près de cinq ans, en l’absence des hommes. Il y avait vraiment un élan très porteur à l’époque et une prise de conscience par les femmes de leur capacité à entreprendre. Une autre spécificité de notre réseau réside dans le fait qu’il est national : avec les femmes de la VVB [Vereniging van vrouwelijke bedrijfsleiders], nous couvrons l’ensemble du territoire et même si nous sommes organisées par sections [Anvers, Gand, Bruxelles, Liège], nous nous retrouvons fréquemment avec les membres flamandes et

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Le réseau FCE-VVB Femmes Chefs d’Entreprises

germanophones et ces rencontres sont forcément enrichissantes. Enfin, le FCE-VVB est membre de l’Association mondiale des femmes chefs d’entreprise, le FCEM, qui réunit près de 65 pays, regroupe 500.000 entreprises et est représentée en tant qu’ONG auprès des Nations Unies, ce qui donne du poids à cette organisation.”

Le réseau FCE-VVB réunit des femmes chefs d’entreprises qui exercent leurs activités dans des domaines extrêmement variés et qui ressentent le besoin de partager, de s’enrichir sur les plans humain, culturel, moral et pourquoi pas des affaires, au contact d’autres femmes : chaque section se réunit environ une fois par mois en soirée, lors de laquelle une présentation spécifique est organisée,

“Il s’agit souvent de visites d’entreprises. Nous sommes également amenées à participer à des réunions de travail, notamment en collaboration avec les chambres de commerce, ainsi qu’à des événements transfrontaliers. Enfin, nous avons

des réunions annuelles où nous nous retrouvons toutes, de façon plus festive. En tant que membre du FCEM, nous participons également à l’organisation du congrès mondial.”

Comme le souligne Ninette Nysten-Neuville,

“le fait de se réunir sous forme de réseau est très important car l’intelligence collective est sans conteste supérieure à l’intelligence individuelle. C’est important aussi de rendre les initiatives des femmes plus visibles car elles sont intéressantes et innovantes à plus d’un égard.”

réseau FcE - VVb [email protected]

www.fce-vvb.be

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Réseaux

Date de création 2002

Zone d’influence la Province de Luxembourg

Public cible toutes les femmes salariées du secteur public ou privé et indépendantes, en personne physique ou en société

Nombre d’adhérentes environ 7000 contacts [pas de membres]

Activités proposées forums des Luxembourgeoises [depuis 2003],

publication de livres blancs

L’association Méridienne

L’association Méridienne

Anne Charlier-des Touches est maman d’une famille nombreuse et par ailleurs très engagée dans la vie associative de la Province de Luxembourg. Elle a repris la présidence du réseau Méridienne fin 2008 :

“Le réseau a été créé par dix femmes ayant réussi leur vie professionnelle et toutes liées à la Province. Elles souhaitaient aider d’autres femmes à prendre conscience du potentiel économique qu’elles représentent et les amener à s’investir davantage professionnellement. En créant ce réseau, il ne s’agissait pas d’envoyer un message revanchard ou de repli sur soi, mais plutôt d’aider les femmes à prendre confiance, à croire en leurs capacités. C’est clairement une volonté d’être positif et prospectif qui est proposée dans le cadre de Méridienne. Le réseau s’est inscrit dès 2003 dans le cadre du projet européen Interreg III, avec l’objectif de valoriser l’entrepreneuriat féminin et le souci de créer des interconnexions par-delà les frontières avec les grands ducaux, la Lorraine française et depuis 2008, avec la région de la Sarre.”

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Chaque année, Méridienne organise le Forum des Luxembour-geoises sur un thème général qui a trait aux femmes et à leur implication dans toutes les sphères de la société. Des intervenants scientifiques y prennent la parole et des ateliers sont également organisés qui permettent aux femmes et aux hommes présents d’échanger leurs points de vue sur les thèmes abordés. En 2003, il s’agissait des différents rôles de la femme dans la société, en 2004, l’épanouissement personnel, le travail et la vie socioprofessionnelle. Le Forum de 2005 était consacré à la «journée à mille temps», celui de 2006 s’était focalisé sur les femmes actrices du développement économique et enfin, le dernier Forum en date [2007] s’intitulait «Filles et Garçons : même horizon.» À l’issue de chaque Forum, un livre blanc est rédigé afin de créer un réservoir d’idées, mais aussi comme relais pour promouvoir des concepts novateurs. Une fiche synthétique est également envoyée au monde politique afin d’alimenter la réflexion sur la place des femmes au sein de la société.

Comme le souligne Anne Charlier-des Touches,

“nous ne sommes pas un réseau à caractère social et nous n’organisons pas de formations ou d’activités qui se font par ailleurs. Nous nous concentrons surtout sur le Forum annuel qui est un moment de rencontres important pour les femmes de la Province. Nous sommes présents aussi au moment des élections pour inciter les femmes à s’engager en politique. À terme, nous souhaiterions élargir les activités du réseau et offrir aux Méridiennes d’autres moments pour se réunir, comme des journées ‘bilan de compétences’.”

Association Méridienne Rue Ermesinde 2

6700 Arlon 0497/57 50 58

[email protected]

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5252

Réseaux

Date de création 1996

Zone d’influence la Région wallonne

Public cible toutes les femmes chefs d’entreprises,

conjointes aidantes et salariées dans le secteur de la construction

Nombre d’adhérentes environ 200 personnes

Activités proposées conférences mensuelles, formations, lobbying

Le réseau PERLE Professionnelles Et Responsables dans Leur Entreprise

Le réseau Perle est né à l’initiative de la Confédération de la Construction Wallonne [CCW] qui s’est inspirée de la Fédération française de la construction et ce, dans le cadre du projet européen NOW. Comme l’explique Nathalie Bergeret, directeur adjoint de la CCW,

“en 1996, lorsqu’on a lancé le réseau Perle, l’idée était de renforcer la gestion de la petite entreprise de construction. La CCW souhaitait clairement sécuriser les emplois dans ce type de structure et pour y parvenir, il nous semblait important de toucher les femmes car dans la construction, les hommes sont souvent sur les chantiers, assurent la dimension technique, mais ce sont les femmes qui prennent en charge la gestion administrative. On voit aussi de plus en plus de femmes qui reprennent l’entreprise familiale ou qui quittent leur travail d’origine pour venir seconder leur mari. Au sein du réseau Perle, on retrouve dès lors des femmes de tous horizons, de niveaux d’études très divers. C’est pourquoi il nous semblait intéressant de leur offrir un lieu de formation continuée et de convivialité.”

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Chaque mois, les sept sections du réseau organisent une conférence sur des thématiques technique, juridique, administrative,… liées à la construction : ce sont notamment des permanents de la CCW qui interviennent lors de ces conférences. Certains thèmes abordés dans ce cadre sont repris lors de formations plus approfondies.

“Lors des activités des sections, les femmes sont également amenées à partager leurs expériences, leurs trucs et ficelles pour régler tel ou tel problème spécifique. Une très grande solidarité existe entre les membres du réseau : si l’une ou l’autre est en difficulté, elles ont le souci de s’entraider, par exemple au travers d’un chantier en sous-traitance. Lors du décès du mari d’une des «perles», une autre l’a engagée comme employée.”

Un rôle de lobbying s’est également développé petit à petit, notamment avec l’organisation du concours Perle qui consiste pour des classes de 5 et 6èmes primaires à présenter un métier de la construction ou encore la défense des intérêts du secteur, comme ce fut le cas pour le dossier visant à l’amélioration du statut de conjoint aidant.

“Je dois bien dire qu’au départ, le réseau Perle était considéré avec une certaine ironie par les instances. Mais en 12 ans, les «perles» ont montré leur capacité à s’organiser et ce réseau a acquis une notoriété qui donne plus de poids aux femmes au sein de la Confédération.”

réseau perle Rue Belle Maison 18

4877 Olne Tél. 04/358 41 86

www.perles.be

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