Les amputations des membres : indications et techniques ......gangrène gazeuse ou dans certaines...
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Les amputations des membres : indications et techniques chirurgicales M. Kihal
I. GENERALITES :
La question « Les amputations des membres » est une question de techniques
chirurgicales. C’est une technique rigoureuse dont il faudra connaitre parfaitement ses
règles et ses principes.
Il s’agit d’une chirurgie majeure qu’il faudra totalement maitrisée pour répondre à 2
objectifs essentiels :
- Amputer le plus bas possible sans compromettre le membre ou la
vie du patient.
- Réaliser le meilleur moignon possible, idéalement en un seul
temps sans passer par le saucissonnage successif du membre
restant.
Amputer le plus distalement possible, c’est donner plus d’autonomie au patient et
moins de conséquences psychologiques.
Réaliser un bon moignon d’amputation, c’est assurer un bon appareillage pour le
membre et donner plus de confort au patient.
Les progrès actuels de la chirurgie orthopédique avec la chirurgie des lambeaux ainsi
que le développement considérable des appareillages ont contribué à ce confort du
patient et à son bon mental en postopératoire.
Il faut toujours avertir le patient et le bien préparer psychologiquement pour l’acte de
l’amputation et que celle-ci peut être reconduite secondairement.
A. Principes généraux :
1. Installation et type d’anesthésie :
L’installation du patient pour l’amputation aussi bien pour le membre inférieur que
pour le membre supérieur se fait de façon générale en décubitus dorsal, avec
parfois selon les cas un coussin sous la fesse homolatérale.
Lors de la désarticulation de hanche ou lors de l’hémipelvectomie ou la
désarticulation inter-ilio-abdominale l’installation se fait en décubitus latéral avec
billot et même cassure de la table.
S’il s’agit d’une amputation septique, le moignon infecté à amputer est isolé par un
pansement à part bien hermétique.
Tous les modes d’anesthésie peuvent être utilisés : anesthésie générale,
rachianesthésie, bloc plexique et anesthésie locale ou locorégionale par bloc
nerveux distal.
Les amputations distales des doigts de la main et des orteils du pied peuvent
bénéficier de l’anesthésie local par bloc nerveux interdigital ou collatéral.
2. Garrot pneumatique et bande d’Esmarch (fig.1a) :
Il existe une règle en or : il ne faut jamais chasser le sang du membre en cas
d’amputation septique et en cas d’amputation tumorale. La raison est
évidente ; pour ne pas disséminer l’infection ou la néoplasie.
Dans ces 2 cas, il faut juste surélever le membre le temps du badigeonnage ensuite
poser le garrot ou la bande d’Esmarch à la racine du membre.
Dans tous les cas, la levée du garrot est recommandée avant l’entame de la
réfection du moignon et la fermeture cutanée, ceci pour assurer une meilleure
hémostase.
Enfin, en cas de lésions cutanées étendues du membre, il n’est pas recommandé de
placer un garrot et surtout jamais de bande d’Esmarch.
3. Mesures générales peropératoires :
a. Vis-à-vis de la peau :
Il faut garder le maximum de peau même celle de vitalité douteuse, pour pouvoir
couvrir le plus long moignon possible. Toute peau viable doit être conservée
jusqu’à la fin de la fermeture cutanée du moignon d’amputation.
Les peaux décollées comme lors des scalpes et des dégantages doivent être
utilisées pour recouvrir les moignons, ceci afin de garder le maximum de
longueur au membre.
Il faut être le moins traumatisant possible avec la peau et surtout avec celle qui
recouvrir le moignon ; éviter les tractions répétées et les instruments agressifs.
b. Vis-à-vis de la sous peau et des muscles (fig.1c et d) :
Il faut agir comme vis-à-vis d’une fracture ouverte ; exciser tous les tissus
mortifiés ou voués à la nécrose et éviter les décollements sous cutanés et
musculaires.
Il faut garder le maximum de muscles et les utiliser pour la myoplastie ou le
capitonnage du moignon d’amputation.
Pour la bonne fonctionnalité du moignon, utiliser les myoplasties (suture
intermusculaire entre muscles agonistes et antagonistes) et les myodèses
(réinsertion trans-osseuse des muscles).
c. Vis-à-vis des vaisseaux et des nerfs (fig.1b):
Il est préférable de ligaturer séparément les vaisseaux, mais on peut le faire en
« paquet » lors des amputations distales comme pour la jambe, à condition de
mettre une double ligature au fil solide n° 1 ou 2.
En cas d’amputation secondaire avec présence de greffon vasculaire
synthétique il faudra enlever celui-ci pour éviter toute surinfection éventuelle.
Les nerfs doivent être individualisés à part et sectionnés le plus haut possible
pour éviter leur cicatrisation en névrome (prendre le bout du nerf par une
pince forte, exercer sur lui une traction vers le bas ensuite le sectionner).
Comme on peut poser une ligature sur le bout sectionné ou le cautériser au
bistouri électrique.
d. Vis-à-vis de l’os :
Il faut garder le maximum d’os (couper le moins possible) pour assurer une
bonne longueur au membre (meilleure autonomie pour le patient).
Même s’il y a une fracture sus jacente au niveau de l’amputation, il faudra
essayer de l’incorporer au moignon restant par une ostéosynthèse si cela est
possible.
La section de l’os se fera soit avec la scie de Gigli soit avec la scie simple ou la
scie oscillante (scie motorisée).
L’extrémité osseuse coupée doit être bien régularisée ; ponçage à la râpe,
abrasion des saillies osseuses, et abattement de la crête tibiale pour la jambe.
Le périoste est laissé libre sans suture à l’os.
e. Vis-à-vis de la fermeture du moignon :
Le drainage n’est pas obligatoire d’autant s’il y a eu levée du garrot avec
contrôle préalable de l’hémostase.
La fermeture peut être directe et concerne la suture musculaire avec la
myoplastie, la suture de l’aponévrose et la suture cutanée.
En cas d’amputation « septique », la fermeture se fera seulement par quelques
points de rapprochement ou carrément avec moignon ouvert comme lors de la
gangrène gazeuse ou dans certaines amputations de « pieds diabétiques ».
Enfin, la traction collée du moignon en post-opératoire pour éviter sa rétraction
jadis très utilisée, n’est plus actuellement de mise. Il faut juste commencer la
rééducation précoce du moignon.
(a) (b) (c) (d)
Fig.1 : Principes généraux de l’amputation. Mise en place du garrot avec l’artifice du clou de
Steiman lors de l’amputation de cuisse ou lors de la désarticulation de hanche (a), section du
nerf très haut (b), libération musculaire pour le moignon (c), et fermeture du moignon avec
capitonnage musculaire ou myoplastie (d).
B. Etiologies :
1. Traumatiques :
Les causes traumatiques des amputations sont encore fréquentes.
Il s’agit d’accidents graves de circulation notamment, et de catastrophes
naturelles tels lors des séismes ou lors des inondations.
Ce sont généralement des polytraumatisés ou des polyfracturés où le membre
s’est trouvé coincé sous une charge considérable avec une amputation quasi-faite
et le chirurgien va régulariser et terminer celle-ci.
Il faut noter qu’avec le progrès des moyens thérapeutiques et notamment
vasculaires avec les pontages, les greffes et les réimplantations, les amputations
traumatiques sont en recul net.
2. Vasculaires (artéritiques et diabétiques) :
Ce sont de loin les causes d’amputation les plus fréquentes. Il y a essentiellement
les artéritiques et les artériopathies diabétiques.
Les artéritiques ou les sujets ayant une artériopathie chronique avec
l’athérosclérose ont souvent une pathologie cardiaque associée.
Les diabétiques notamment chroniques développent des lésions neuro-ischémiques
distales conduisant assez souvent à l’amputation du pied ou de la jambe. Le rôle de
la prévention est ici essentiel.
3. Infectieuses :
Il y a des amputations de membres pour des raisons infectieuses notamment lors de
certaines gangrènes gazeuses, certaines fasciites nécrosantes ou lors du purpura
fulminans.
Elle est actuellement exceptionnelle l’indication de l’amputation dans les
pseudarthroses septiques des membres vu les progrès techniques considérables de la
chirurgie orthopédique de reconstruction.
4. Tumorales :
Malheureusement c’est encore très fréquent les causes d’amputation d’origine
tumorale.
Ceci est expliqué par 2 facteurs essentiels ; la recrudescence actuelle de la pathologie
tumorale des membres et le retard diagnostique et par conséquent le retard de la prise
en charge thérapeutique.
C. Techniques chirurgicales :
1. Comment déterminer le niveau d’amputation ? :
Le problème ne se pose pas pour l’amputation traumatique, il faudra juste
se rappeler des principes généraux notamment de garder le maximum d’os,
de peau et de membre.
Pour l’amputation tumorale, les règles sont également connues, il faut être
loin de la tumeur, au minimum 5 cm au dessus et même plus pour être
vraiment loin de celle-ci. L’IRM peut indiquer de façon décisive le niveau
d’amputation.
Pour les amputations ischémiques artéritiques et diabétiques et mêmes
infectieuses, le niveau d’amputation et plus difficile à déterminer. Assez
souvent, c’est en peropératoire que la décision du niveau est prise et tient
compte particulièrement de l’état local de la coloration tissulaire, du
saignement musculaire et de l’infiltration de l’exsudat inflammatoire et
infectieux.
Le niveau d’amputation peut se référer aux éléments suivants :
- Les données de l’écho-doppler artérielle.
- Les données de l’artériographie ou de l’angioscanner.
- Les résultats de la pression transcutanée d’oxygène (TcPO2,
Normale >50 mm Hg).
- L’état nutritionnel du patient : taux protides, albumine (<60g/l),
nombre de lymphocytes (>1500), taux de glycémie ; constituent des
facteurs péjoratifs entravant fortement le potentiel de cicatrisation.
Mais l’élément déterminant reste l’expérience du chirurgien en se basant
d’abord sur l’analyse des signes cliniques ensuite si cela ne suffit pas, en se
référant à l’état local en peropératoire.
Enfin, il faut toujours garder le maximum de membre : garder l’arrière pied
c’est mieux que de couper tout le pied, garder aussi le genou donnera
certainement plus d’autonomie au patient.
2. Techniques chirurgicales pour le membre inférieur :
a. Le pied :
Nous donnons les grandes lignes et les caractéristiques des amputations du
pied.
Les différentes amputations du pied sont de distales à proximales (fig.2) :
- L’amputation d’orteils ou la désarticulation interphalangienne.
- La désarticulation métatarsophalangienne des orteils.
- L’amputation transmétatarsienne.
- L’amputation transmétatarsienne (articulation de Lisfranc).
- L’amputation médiotarsienne (articulation de Chopart).
- L’amputation transmalléolaire appelée l’amputation de Syme
(l’articulation talo-crurale).
Le pied est le premier segment à souffrir lors des artériopathies, et cela
commence toujours par les orteils. Nous en donnons quelques exemples :
- L’amputation et la désarticulation au niveau du gros orteil (fig.3).
- L’amputation et la désarticulation au niveau des autres orteils
(fig.4).
Fig.2 : Les différents niveaux d’amputations du pied.
(a) (b) (c) (d)
Fig.3 : Les amputations au niveau du gros orteil. L’amputation interphalangienne avec tracé
cutané en « gueule de requin » (a et b), désarticulation métatarsophalangienne avec tracé
cutané en « gueule de requin » avec valve plantaire et dorsale ou en raquette (c), et avec
résection osseuse métatarsienne en cas de tension cutanée (d).
(a) (b) (c)
Fig.4 : Les désarticulations métatarsophalangiennes au niveau des autres orteils quand
l’atteinte est multiple est préférable à l’amputation interphalangienne. Désarticulation
métatarsophalangienne avec tracé cutané en « gueule de requin » avec valve plantaire et
dorsale ou en raquette au niveau du 3ème
orteil (a et b), et tracé cutané en raquette pour la
désarticulation du 5ème
orteil (c).
L’amputation au niveau de l’avant-pied peut se faire au besoin en
transmétatarsienne ou au niveau de l’articulation de Lisfranc (fig.5).
(a) (b) (c)
Fig.5 : L’amputation transmétatarsienne. Le tracé de l’incision dorsale et plantaire (a), la
section osseuse transmétatarsienne (b), et la fermeture cutanée avec la valve plantaire plus
large ramenée ou rabattue vers le haut (c).
L’amputation au niveau de l’arrière-pied, c’est principalement au niveau de
l’articulation de Chopart. Deux impératifs s’imposent (fig.6 et 7) :
- Il faut garder le maximum de peau avec 2 larges lambeaux plantaire
et dorsal, pour pouvoir bien matelasser le moignon.
- Il faut stabiliser l’arrière-pied pour éviter sa chute en équin, soit
par une ténodèse transosseuse, soit par une arthrodèse talo-tibiale
intraosseuse et sous talienne (triple arthrodèse du pied restant) ou
simplement par la mise en place d’un clou transplantaire calcanéo-
talo-crural.
(a) (b) (c)
Fig.6 : L’amputation de l’arrière-pied au niveau de l’articulation de Chopart. Le tracé de
l’incision cutanée toujours en « gueule de requin » (a), l’individualisation de larges lambeaux
plantaire et dorsal (b), et la ténodèse transosseuse talienne fixée en position de talus.
(a) (b) (c)
Fig.7 : L’arthrodèse calcanéo-talo-crurale après amputation de l’articulation de Chopart. La
triple arthrodèse (a), la stabilisation par le clou transplantaire, et l’arthrodèse calcanéo-tibiale
avec ablation du talus appelée opération de Boyd (c).
L’amputation transmalléolaire emportant tout le pied est appelée amputation de
Syme (fig.8). L’incision est toujours en « gueule de requin » allant du cou-de-
pied jusqu’à la pointe de la malléole externe en arrière, et revenant vers la
plante du pied en avant.
(a) (b) (c)
Fig.8 : L’amputation de Syme. L’incision en « gueule de requin » au niveau de l’arrière-pied
(a), voie de pénétration talo-tibiale avec dissection sous périostée du calcaneus (b), et
fermeture du moignon avec suture transosseuse de l’aponévrose plantaire (c).
b. La jambe :
Egalement, nous donnons les grandes caractéristiques des amputations
transtibiales. Celles-ci sont très fréquentes, beaucoup plus que les amputations
du pied, à cause du retard diagnostique et thérapeutique. Les étiologies sont
principalement les pieds diabétiques vus tard ; les lésions ischémiques et
infectieuses ont déjà infiltré tout le pied voire même le tiers inférieur de la
jambe.
Les amputations transtibiales sont nombreuses (fig.9) :
- Les amputations à long moignon, se situant entre l’amputation de
Syme en bas et l’union du tiers moyen-tiers supérieur en haut.
Celles-ci ne sont pas fréquentes.
- Les amputations dites « standards » situées à l’union du tiers
moyen-tiers supérieur. Ce sont les plus fréquentes.
- Les amputations à court moignon, se situant à l’union du tiers et
quart supérieur du tibia.
- Les amputations à très court moignon, se situant au niveau des
plateaux tibiaux ; elles sont exceptionnelles.
Fig.9 : Les amputations transtibiales
(a) (b)
Fig. 10 : Les caractéristiques des 2 principales amputations de jambe. L’amputation du tiers
moyen pour membre non ischémique avec incision en « gueule de requin » (a) et l’amputation
du tiers supérieur pour membre ischémique avec incision individualisant une large valve ou
lambeau inférieur (b).
c. Le genou :
Il s’agit en fait d’une désarticulation fémoro-tibiale (fig.11).
L’incision est toujours en « gueule de requin », avec section du tendon
patellaire, des 2 croisés et du nerf tibial.
Le cartilage des 2 condyles fémoraux est laissé en place.
La fermeture se fera en rabattant et suturant le tendon patellaire au moignon du
ligament croisé antérieur et capitonnage de la désarticulation avec les 2 valves
ou les 2 lambeaux supérieur et inférieur.
On peut également capitonner le moignon avec les 2 muscles gastrocnemius
médial et latéral (myoplastie aux 2 jumeaux).
(a) (b) (c) (d)
Fig.11 : La désarticulation du genou. L’incision en « gueule de requin » avec une longue
valve supérieure (a), la section-relèvement du tendon patellaire (b), la fermeture du moignon
avec suture préalable du tendon patellaire avec le ligament croisé antérieur (c), et les 2
variantes du tracé cutané avec une longue valve inférieure et avec une « gueule de requin »
latérale ou avec 2 valves sagittales (d).
d. La cuisse :
Ce sont les amputations transfémorales ; elles sont nombreuses (fig.12) :
- Les amputations supra-condyliennes, elles sont exceptionnelles.
- Les amputations à long moignon, se situant au tiers inférieur du fémur ; elles ne
sont pas également fréquentes.
- Les amputations dites à moyen moignon sont situées au milieu du fémur. Ce sont
les plus fréquentes.
- Les amputations à court moignon, se situant au tiers supérieur du tibia.
L’incision est également en « gueule de requin » déterminant 2 valves supérieure
et inférieure.
Le capitonnage du moignon se fera également par les muscles en place (fig.13).
Fig.12 : Les amputations trans-fémorales
(a) (b)
Fig.13 : Les amputations transfémorales. L’incision en « gueule de requin » (a), et le
capitonnage musculaire avec le grand adducteur (b).
e. La hanche :
La désarticulation de la hanche est une intervention majeure, elle est indiquée
principalement dans les oblitérations artérielles hautes, dans certaines fasciites
nécrosantes étendues et dans la pathologie tumorale (fig.14).
L’amputation inter-ilio-abdominale ou l’hémi-pelviectomie ou encore
l’amputation trans-pelvienne est une intervention très lourde et hautement à
risque et d’indication exceptionnelle. Elle est essentiellement indiquée en
pathologie tumorale (fig.15 et 16).
(a) (b) (c) (d)
Fig.14 : La désarticulation de hanche. Le tracé de l’incision en « raquette de tennis » (a),
l’individualisation première du paquet vasculaire avec sa ligature au niveau du triangle de
Scarpa (b), dissection de proche en proche jusqu’à la luxation de la tête fémorale (c), et
fermeture du moignon avec capitonnage musculaire (d).
(a) (b) (c) (d)
Fig.15 : L’amputation inter-ilio-abdominale ou l’hémipelviectomie. L’incision en « raquette »
(a), dégagement de l’os iliaque de part et d’autre (b), ligature de l’artère iliaque commune et
sa veine (c), et section de l’os iliaque avec la scie de Gigli (d).
(a) (b) (c)
Fig.16 : Les désarticulations transpelviennes. Les 3 types : standard, étendue et modifiée (a),
la subtotale, c’est la standard (b), et la totale, c’est l’étendue (c).
3. Techniques chirurgicales pour le membre supérieur :
Les amputations du membre supérieur sont principalement de causes
traumatiques et tumorales. Les causes ischémiques d’artériopathies
athéromateuses et diabétiques sont beaucoup plus rares. Les gangrènes
gazeuses et les fasciites nécrosantes sont également plus rares au membre
supérieur.
Il y a une règle en or que nous avons déjà signalée plus haut : il faut garder
le maximum de longueur de membre même au niveau des doigts et utiliser
l’apport de lambeaux cutanés, fascio-cutanés et musculo-fascio-cutanés.
L’autre règle aussi en or si nous en avons les moyens c’est la chirurgie de
réimplantation de doigts ou de membre.
Comme pour le membre inférieur, les différentes amputations du membre
supérieur sont de distales à proximales (fig.17) :
- Les amputations de doigts.
- Les désarticulations métacarpo-phalangiennes.
- L’amputation transmétacarpienne.
- La désarticulation carpo-métacarpienne.
- La désarticulation radio-ulno-carpienne (du poignet).
- Les amputations transradio-ulnaires.
- La désarticulation huméro-radio-ulnaire (du coude).
- Les amputations transhumérales.
- La désarticulation scapulo-humérale (de l’épaule).
- La désarticulation interscapulo-thoracique.
Fig.17 : Les différentes amputations du membre supérieur.
a. La main et les doigts :
Il ne faut plus jamais faire de « régularisation » du moignon d’amputation de
doigt, et faire plutôt avancer un lambeau cutané en VY très facile à réaliser, on
l’appelle le lambeau d’Atasoy (fig.18).
Il existe de multiples lambeaux digitaux pour garder la longueur du doigt et du
pouce (fig.19).
(a) (b) (c)
Fig.18 : Le lambeau d’Atasoy. Le principe de la transformation du V en Y (a), l’avancement
du lambeau en V vers le bout du doigt (b), et la suture du lambeau en V transformé en Y (c).
Fig.19 : Le lambeau d’O’Brien. Pour garder la même longueur du pouce.
b. Le poignet et l’avant-bras :
La désarticulation du poignet est une opération très simple, c’est une
désarticulation radio-ulno-carpienne conservant le cartilage articulaire et
rabattant les styloïdes radiale et ulnaire (fig.20).
L’amputation de l’avant-bras trans-radio-ulnaire est aussi une opération facile
(fig.21).
Au niveau de l’avant-bras, on peut après l’amputation individualiser 2
segments antibrachiaux à la manière d’une fourche ou d’une pince pour
améliorer la fonction ultérieure du membre, on l’appelle l’opération de
Krukenberg (fig.22).
Fig.20 : La désarticulation du poignet avec l’incision en « gueule de requin » et rabattement
des styloïdes radiale et ulnaire.
Fig.21 : L’amputation du tiers inférieur de l’avant-bras.
Fig.22 : L’opération de Krukenberg. Après l’amputation transradio-ulnaire, deux segments
antibrachiaux sont constitués pour améliorer la fonction.
c. Le bras :
Au niveau du bras, les amputations trans-humérales sont également simples
et ne posent pas de problèmes particuliers (fig.23).
Fig.23 : L’amputation au niveau du bras est appelée amputation trans-humérale, elle est
simple.
d. L’épaule :
Deux types d’interventions de désarticulation de l’épaule se font :
- La désarticulation scapulo-humérale, la plus courante (fig.24).
- La désarticulation inter-scapulo-thoracique, qui est une chirurgie
majeure pratiquée plus rarement, et particulièrement lors des exérèses
tumorales (fig.25)
(a) (b) (c) (d)
Fig.24 : La désarticulation de l’épaule. Le tracé de l’incision en « raquette de tennis » (a et b),
la désarticulation scapulo-humérale (c), et la fermeture du moignon (d).
(a) (b) (c) (d)
Fig.25 : La désarticulation inter-scapulo-thoracique. Le tracé de l’incision en « raquette de
tennis » (a), une variante du tracé avec une grande valve postérieure (b), la fermeture cutané
dans la première variante (c), et la fermeture cutanée dans la deuxième variante (d).
D. Les complications et moignons défectueux :
Les complications des amputations ne sont pas négligeables, elles sont liées
principalement à des défauts techniques per-opératoires et secondairement à des
défauts technologiques liés aux orthèses et autres prothèses. La première cause peut
conduire à la seconde.
Il est donc essentiel comme nous l’avons signalé plus haut, de pratiquer une
amputation dans ses règles et ses principes pour éviter une grande partie de ces
complications.
Bien entendu, certaines complications sont propres au patient lui-même et il n’y a
aucun défaut technique ou technologique.
La première de celles-ci est l’hallocinose ou l’apparition du membre fantôme,
parfois accompagnée de douleurs de celui-ci ! C’est l’algohallucinose. Venir à bout
de cette complication est parfois bien difficile.
La deuxième complication quand tout par ailleurs est parfait, c’est la douleur du
moignon d’amputation liée à la présence d’un névrome par défaut technique d’une
mauvaise section du nerf. La solution est alors chirurgicale par la résection de celui-ci.
Les complications des moignons d’amputations sont nombreuses :
1. Les problèmes cutanés :
D’abord les mauvaises cicatrisations sont fréquentes liées surtout à une
malfaçon technique de fermeture du moignon. On peut citer notamment les
cicatrices anfractueuses et chéloïdes.
Ensuite, les lésions secondaires sont aussi fréquentes. On peut citer les
érosions cutanées avec surinfection à type de dermite ou de folliculite et les
ulcérations chroniques.
Leur traitement peut être long tant la cause est en place. Il faut toujours
commencer par examiner correctement le moignon d’amputation à la
recherche d’une éventuelle saillie osseuse qui est la source du conflit
cutané.
Il faut également revoir la prothèse ou l’orthèse du membre si elle n’est pas
à l’origine de conflit avec la peau de recouvrement du moignon.
Assez souvent, le traitement est chirurgical de ces problèmes cutanés par
une reprise du moignon : résection de saillie osseuse, résection de cicatrice
défectueuse, apport de lambeau cutané…
2. Les problèmes osseux :
Les saillies osseuses sont liées à un défaut technique. Nous retrouvons
notamment la saillie de la crête tibiale et de la fibula laissée trop longue.
On peut également retrouver l’apparition d’exostose secondaire en bout
d’os coupé.
Chez l’enfant, la reprise de la croissance de l’os coupé est possible.
L’ostéite du bout d’os coupé est également possible.
3. L’exubérance des parties molles :
C’est le moignon excessivement capitonné avec parties molles exubérantes
en place.
La reprise chirurgicale est envisagée si le moignon pose des problèmes pour
l’appareillage.
4. Les désaxations du moignon :
C’est très fréquent au niveau du moignon de l’arrière-pied si celui-ci n’a
pas été stabilisé ou arthrodésé lors de l’amputation de l’avant-pied.
L’arrière-pied se désaxe en équin et même en fort équin.
5. Les raideurs du moignon :
Le moignon peut se rétracter et se mettre en flessum notamment au niveau
du genou après une amputation du tiers supérieur de la jambe.
Le problème des rétractions articulaires est solutionné préventivement par
une bonne rééducation précoce du moignon d’amputation.
Si le problème de la rétraction articulaire persiste le traitement est alors
chirurgical par une arthrolyse et/ou une grande libération.
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