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DIRECTION REGIONAL DE LA JEUNESSE, DES SPORTS ET DE LA COHESION SOCIALE MEMOIRE REALISE EN VUE DE L’OBTENTION DU DIPLOME D’ETAT DE MASSEUR KINESITHERAPEUTE 2011 LES ACQUIS DE LA REEDUCATION ET LEUR ADAPTATION DANS LA VIE QUOTIDIENNE D’UN HEMIPLEGIQUE Stage hospitalier temps plein BERTRAND Laure

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DIRECTION REGIONAL DE LA JEUNESSE, DES SPORTS ET DE LA COHESION SOCIALE

MEMOIRE REALISE EN VUE DE L’OBTENTION DU DIPLOME D’ETAT

DE MASSEUR KINESITHERAPEUTE

2011

LES ACQUIS DE LA REEDUCATION ET LEUR ADAPTATION DANS LA VIE QUOTIDIENNE D’UN HEMIPLEGIQUE

Stage hospitalier temps plein BERTRAND Laure

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RESUME Ce mémoire a pour but de présenter la prise en charge d’une patiente qui, suite à l’opération d’un hématome sous dural aigu temporo pariétal gauche, présente un déficit de force de l’hémicorps droit, une désorientation temporo - spatiale importante et des déficits de l’attention, le tout en plus d’une hémiplégie séquellaire suite d’une rupture d’anévrisme droit 2 ans auparavant.

La première partie présente la patiente elle-même avec tous ses antécédents, son histoire médicale et personnelle, les bilans kinésithérapiques effectués au début et à la fin de ma prise en charge, le diagnostic kinésithérapique ainsi que le traitement mis en place pour cette patiente.

La seconde partie est la discussion qui porte sur les acquis de la rééducation et le processus d’acquisition d’une part, et sur les difficultés d’application de ces acquis dans les activités de la vie quotidienne des patients hémiplégiques et de ma patiente en particulier d’autre part.

Mots clés / Key words

- Rééducation / Rehabilitation

- Transfert / Transfer

- Acquis / Learning

- Hémiplégie gauche / Left hemiplegia

- Vie quotidienne / Daily life

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SOMMAIRE

I.  Présentation et anamnèse.....................................................................................................1 1.  Présentation du patient ..................................................................................................................1 2.  Anamnèse.............................................................................................................................................1 3.  Description­synthèse de la  pathologie......................................................................................2 

II.  Les bilans Massokinésithérapiques initiaux .................................................................4 1.  Latéralité ..............................................................................................................................................4 2.  Bilan cutané, trophique et vasculaire ........................................................................................4 3.  Bilan douloureux...............................................................................................................................4 4.  Bilan articulaire.................................................................................................................................4 5.  Bilan musculaire................................................................................................................................5 6.  Bilan de la sensibilité.......................................................................................................................7 7.  Bilan fonctionnel ...............................................................................................................................8 

III.  Diagnostic kinésithérapique .......................................................................................... 11 IV.  Traitement ............................................................................................................................ 12 

V.  Bilan final................................................................................................................................ 14 

VI.  Problématique..................................................................................................................... 15 VII.  Discussion ............................................................................................................................. 15 Introduction ............................................................................................................................................. 15 1.  Les acquis de rééducation ........................................................................................................... 15 

1.1.  Définition ............................................................................................................... 15 1.2.  Le processus d’acquisition ..................................................................................... 15 1.3.  Les acquis de Madame S. durant ma prise en charge............................................. 18 

2.  Le transfert des acquis de rééducation dans les activités de la vie quotidienne...... 18 2.1.  Qu’est ce que le transfert des acquis ? ................................................................... 18 2.2.  Les facteurs intervenant dans le transfert des acquis de rééducation dans les activités de la vie quotidienne. ......................................................................................... 19 2.3.  Pourquoi transférer les compétences acquises dans la vie quotidienne ? .............. 21 

Conclusion................................................................................................................................................. 23 

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I. Présentation et anamnèse

1. Présentation du patient

Madame S. est une femme de 51 ans, 53 kg, divorcée qui vit dans un appartement au sein d’un foyer de vie. Avant 2008, elle est restée quelques mois sans domicile fixe. Elle a 2 filles mineures et un fils majeur. Elle est agent d’entretien dans un centre commercial. Elle aime faire les boutiques, se promener et aller au cinéma.

2. Anamnèse

On note plusieurs antécédents importants :

- 1953 : Une épilepsie depuis l’âge de 5 ans, avec encéphalopathie post épileptique et un retard de développement intellectuel (annexe I).

- Une hypercholestérolémie.

- Un tabagisme actif

- Une appendicectomie.

- En mars 2000, rupture d’anévrisme sylvien droit, mise en place d’une dérivation ventriculo-péritonéale pour hydrocéphalie (complication de la rupture d’anévrisme) (annexe I).

- Un allongement percutané du tendon d’achille gauche (non daté), suivi de la mise en place d’une botte plâtrée pour 6 semaines.

- Le 30.12.2003, un infarctus du myocarde antérieur.

- Le 08.03.2008, elle fait un malaise avec des crises convulsives. Le scanner montre un hématome intra parenchymateux frontal droit en rapport avec une rupture d’anévrisme de l’artère cérébrale antérieure droite (anévrisme géant), opéré en urgence le 09.03.2008.

- Le 12.04.2008, Madame S. présente des troubles respiratoires retardant l’extubation, associés à un état de conscience fluctuant lié à des vasospasmes, une hémorragie intra-parenchymateuse et une hémorragie méningée (annexe I). On a ensuite constaté une résorption progressive de l’hémorragie ainsi que de l’œdème cérébral péri lésionnel et en même temps que la résorption, il apparaît une hydrocéphalie post-hémorragique

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nécessitant la mise en place le 30.05.2008 d’une dérivation ventriculo-péritonéale avec une valve programmable de type Hakim Médos réglée à une pression de 110mm d’eau. Il en résulte une hémiplégie gauche.

- Le 11.07.2008, Madame S. chute de son lit, ce qui occasionne une fracture du col fémoral gauche (garden III), ostéosynthésée par une plaque DHS.

- Une fracture de l’humérus droit, ostéosynthésée par un clou Telegraph long (non datée). Reprise de la fracture le 04.12.2008 pour pseudarthrose hypotrophique avec rupture des vis proximales. La patiente a alors bénéficié d’une ablation de matériel, réalésage, nouvel enclouage avec un clou Telegraph long, suture de la coiffe et réinsertion du deltoïde antérieur.

- Une fracture pseudarthrosée du 1/3 externe de la clavicule gauche (non datée).

- Le 07.12.2009, la patiente chute, probablement suite à une crise d’épilepsie, avec un état post-critique spontanément régressif. Trois heures plus tard, on constate une altération de l’état général. Le scanner montre un hématome sous dural aigu fronto-temporo-pariétal gauche avec engagement sous falcoriel (annexe I). Madame S. est opérée le 08.12.2009 pour évacuation de l’hématome sous dural temporo-pariétal gauche avec ligature de la dérivation ventriculo-péritonéale. Il en résulte une diminution de force musculaire de l’hémicorps droit.

3. Description-synthèse de la pathologie

Madame S. est au centre de rééducation depuis le 11.01.2010, pour une prise en charge rééducative des séquelles neurologiques d’un hématome sous dural aigu temporo-pariétal droit opéré le 08.12.2009. Ma prise en charge s’étend du 10.03.2010 au 16.04.2010.

Madame S. présente essentiellement une désorientation temporo-spatiale et une hémiplégie gauche qui a fait suite à la rupture d’anévrisme du 08.03.2008. Cependant, suite à l’hématome sous dural aigu du 07.12.2009, il est apparu une diminution de la force musculaire de l’hémicorps droit.

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Un hématome sous dural est une collection hémorragique siégeant entre la dure mère et l’arachnoïde et provenant de la déchirure des petites veines qui traversent l’espace sous dural [1]. Les conséquences neurologiques sont diverses, selon l’importance et la durée du saignement. Cependant l’hématome est souvent associé à une contusion cérébrale qui entraîne en général une hémiplégie de l’hémicorps opposé à la lésion [2].

La désorientation temporo-spatiale est une perte de la notion de l’espace et du temps et parfois aussi de celle du schéma corporel. La patiente est incapable d’un jour à l’autre de se souvenir de la date, des noms des personnes qui l’entourent, ni de ce qu’elle a fait la veille. De plus, elle ne sait pas s’orienter seule à l’étage où elle réside, et encore moins dans le centre de rééducation.

La patiente ayant des antécédents médicaux nombreux et relativement importants, il faut les prendre en compte lors de la prise en charge, tant pour ne pas attendre d’elle des actes qui lui sont impossibles à réaliser (selon ses antécédents traumatiques des membres supérieurs par exemple), que pour poser nos objectifs de traitement à plus ou moins long terme. Cependant, ma prise en charge se concentre plus particulièrement sur l’hémiplégie gauche et la désorientation temporo-spatiale qui sont respectivement le résultat de la rupture d’anévrisme droit de 2008 et de son récent hématome sous dural gauche.

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Tableau I : Bilan articulaire des membres supérieurs.

Gauche Droite

Flexion 70° 90°

Extension 20° 20°

Abduction 70° 85°

Adduction 20° 20°

Rotation Externe 10° (R1) 45°

Rotation Interne 90° 90°

Flexion 90° 130°

Extension 0° 0°

MouvementLocalisationAmplitudes

EPAU

LE

COUDE

Mem

bre

s s

upérieurs

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II. Les bilans Massokinésithérapiques initiaux

1. Latéralité

Droitière

2. Bilan cutané, trophique et vasculaire

Il n’y a pas d’œdème ni d’hématome. Madame S. ne présente aucun signe de phlébite. La peau de Madame S. est sèche et ne présente pas d’escarre.

3. Bilan douloureux

À l’interrogatoire, on constate des douleurs au bas du dos probablement dues à la mauvaise utilisation du fauteuil roulant ; une douleur au bras gauche ; des douleurs en abduction de hanche (bilatéral) probablement dues à l’hypo extensibilité des ischios jambiers.

Il est impossible d’obtenir une cotation de la douleur, en effet, Madame S. n’est pas capable de donner une estimation de sa douleur lorsqu’on lui présente une échelle d’EVA. En effet, elle déplace le curseur d’un bout à l’autre de l’échelle mais n’indique pas une quantification de sa douleur.

4. Bilan articulaire

Les bilans sont réalisés en décubitus dorsal ou assis, les mesures sont prises à l’aide d’un goniomètre. 4.1. Le membre supérieur gauche (tab. I)

Epaule : la flexion est limitée à 70° ; la rotation externe est limitée à 10° (R1) ; l’abduction est limitée à 70°. On peut supposer que ces limitations sont la conséquence de la fracture pseudarthrosée de la clavicule gauche.

Coude : la flexion est limitée à 90°. L’extension est totale.

Il n’y a aucune limitation du poignet et des doigts.

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Tableau II : Bilan articulaire des membres inférieurs

Gauche Droite

Flexion 130° 130°

Extension 15° 15°

Abduction 10° 15°

Adduction 30° 30°

Rotation Externe 60° 60°

Rotation Interne 45° 45°

Flexion 140° 140°

Extension 0° 0°

Flexion dorsale 20° 0°

Extension 45° 45°

Flexion

Extension

Localisation MouvementAmplitudes

Mem

bre

s infé

rieurs

HAN

CH

E

GENOU

CHEVILLE

ORTEILS griffe des orteils

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4.2. Le membre supérieur droit (tab. I)

Epaule : la flexion est limitée à 90° ; l’abduction est limitée à 85°. Ces limitations sont dues à la reprise de la fracture et au nouvel enclouage de l’humérus droit. Suite à cela, il est possible qu’il y ait un enraidissement du complexe de l’épaule.

Le coude, le poignet et les doigts ne sont pas limités.

4.3. Le membre inférieur gauche (tab. II)

Hanche : l’abduction limitée à 10° par une hypo extensibilité des adducteurs. Les autres mouvements de la hanche ne sont pas limités.

Les amplitudes du genou et de la cheville ne sont pas limitées.

Pied : on observe une griffe des orteils.

4.4. Le membre inférieur droit (tab.II)

Hanche : l’abduction est limitée à 15° par une hypo extensibilité des adducteurs. Les autres mouvements de la hanche ne sont pas limités.

Les amplitudes du genou, de la cheville et du pied ne sont pas limitées.

5. Bilan musculaire

Pour évaluer la force musculaire de Madame S., j’ai utilisé la cotation de Held et Pierrot-Desseilligny (tab. V) suggérée par la HAS [3]. Elle permet une évaluation par groupes musculaires.

5.1. Le membre supérieur gauche (tab. III)

Épaule : fléchisseurs = 2+ ; extenseurs = 3 ; abducteurs = 2+ ; rotateurs externes = 3-. Les autres groupes musculaires sont côtés à 3.

Coude : fléchisseurs = 3+; extenseurs = 3+.

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Tableau III : Bilan musculaire des membres supérieurs

Tableau IV : Bilan musculaire des membres inférieurs

Gauche DroiteFléchisseurs 2+ 3Extenseurs 3 3+Abducteurs 2+ 3-Adducteurs 3 3+Rotateurs externes 3 3Rotateurs internes 3- 3+Fléchisseurs 3+ 3+Extenseurs 3+ 3-Fléchisseurs 3 3+Extenseurs 4- 4Pronateurs 3 3Supinateurs 3 3Inclinaisons 4 4Fléchisseurs 4 4+Extenseurs 4 4Abducteurs 4 4Adducteurs 4 4Opposant du I 4 4

Localisation Groupe musculaireCotation

EPAU

LE

COUDE

DO

IGTS

Mem

bre

s s

upérieurs

PO

IGN

ET

Gauche DroiteFléchisseurs 4 4Extenseurs 3+ 3+Abducteurs 3- 3Adducteurs 4 4Rotateurs externes 4 4Rotateurs internes 4 4Fléchisseurs 4- 4-Extenseurs 3 4Fléchisseurs 3- 4Extenseurs 3 4Inverseurs 3 4Everseurs 3 4Fléchisseurs 4 4Extenseurs 4 4

Mem

bre

s infé

rieurs

HAN

CH

E

GENOU

CHEVILLE

ORTEILS

Localisation Groupe musculaireCotation

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Poignet : fléchisseurs = 3 ; extenseurs = 4- ; pronateur = 3 ; supinateur = 3. Les autres groupes musculaires sont côtés à 4.

Doigts: fléchisseurs = 4. Les autres groupes musculaires sont côtés à 4.

Tous les muscles du membre supérieur gauche sont déficitaires. Cela s’explique de deux façons : d’une part, lors de la fracture de la clavicule, Madame S. a surement arrêté d’utiliser son membre supérieur, ce qui a provoqué une perte de force. D’autre part, l’hémiplégie, qui est une perte plus ou moins complète de la motricité dans une moitié du corps [4], implique que les muscles ne sont pas sollicités et par conséquent perdent de leur force.

5.2. Le membre supérieur droit (tab. III)

Épaule : fléchisseurs = 3 ; extenseurs = 3+ ; abducteurs = 3- ; rotateurs externes = 3. Les autres groupes musculaires sont côtés à 3+.

Coude : fléchisseurs = 3+; extenseurs = 3-.

Poignet : fléchisseurs = 3+ ; extenseurs = 4 ; pronateur = 3 ; supinateur = 3. Les autres groupes musculaires sont côtés à 4.

Doigts: fléchisseurs = 4-. Les autres groupes musculaires sont côtés à 4.

Tous les muscles du membre supérieur droit présentent une diminution de force. Ces déficits musculaires s’expliquent de deux façons : d’une part des suites de l’hématome sous dural aigu et d’autre part, au niveau de l’épaule, c’est la conséquence de la suture de la coiffe et de la réinsertion du deltoïde antérieur. Cette opération a eu lieu 5 mois après la rupture d’anévrisme, ainsi Madame S., n’avait l’usage ni de son membre supérieur droit, ni de son membre supérieur gauche (hémiplégique récent).

5.3. Le membre inférieur gauche (tab. IV)

Hanche : fléchisseurs = 4; extenseurs = 3+ ; abducteurs = 3-. Les autres groupes musculaires sont côtés à 4.

Genou : fléchisseurs = 4-; extenseurs = 3.

Cheville : fléchisseurs = 3-. Les autres groupes musculaires sont côtés à 3.

Pied/Orteils : Les muscles sont tous côtés à 4.

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Tableau V : Cotation de Held et Pierrot-Desseilligny [3, 19]

Tableau VI : Echelle d’Ashworth modifiée [3, 20]

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5.4. Le membre inférieur droit (tab. IV)

Hanche : fléchisseurs = 4; extenseurs = 3+ ; abducteurs = 3. Les autres groupes musculaires sont côtés à 4.

Genou : fléchisseurs = 4-; extenseurs = 4.

Cheville : fléchisseurs = 4. Les autres groupes musculaires sont côtés à 4.

Pied/Orteils : Les muscles sont tous côtés à 4.

Les deux membres inférieurs présentent des déficits musculaires. Les déficits les plus importants se trouvent au niveau des abducteurs qui sont stabilisateurs du bassin lors de la marche, et au niveau des releveurs de la talo-crurale à gauche, qui permet le passage du pas.

5.5. La spasticité de l’hémicorps gauche (tab. VI)

J’ai évalué la spasticité de Madame S. avec l’échelle d’Ashworth modifié recommandé par la HAS [3].

On constate, au membre supérieur, une spasticité du grand pectoral à 1, du triceps à 3 et de l’extenseur radial du carpe à 1. Au membre inférieur, il existe une spasticité des adducteurs à 2, du quadriceps à 3, du triceps à 2 et des fléchisseurs des orteils à 3.

6. Bilan de la sensibilité

Il semble qu’il y ait une hypoesthésie au niveau de la main gauche, difficile à évaluer objectivement du fait des troubles cognitifs. En effet, Madame S., sur un même territoire sensitif répond parfois juste et parfois faux, mais pas dans des proportions suffisantes pour que je puisse déterminer si elle fait au hasard ou si elle ressent effectivement ce que je fais.

Il semble qu’il y ait peu de sensibilité profonde, difficile à évaluer objectivement du fait des troubles cognitifs. Madame S. ne comprend pas la consigne que je lui donne pour évaluer la sensibilité profonde à savoir de déterminer la position de son membre 1, 2 ou 3 (qu’elle ne voit pas). De plus lorsque je place un membre inférieur dans une position et demande à Madame S. de placer son autre membre inférieur

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dans la même position, elle parvient rarement (une fois sur 5) à placer son membre inférieur dans la position demandée.

7. Bilan fonctionnel

Au niveau des membres supérieurs

Les prises de finesse : Madame S. ne présente pas de problème de précision pour prendre des objets. Par contre, lorsqu’il s’agit de tenir l’objet dans ses mains et de le soulever pendant une longue période, il faut que l’objet soit léger. En effet, dès qu’il s’agit d’un objet un peu lourd (un écrou par exemple), Madame S. ne parvient pas à le garder plus de quelques secondes. Madame S. présente un déficit de force de préhension.

De plus, Madame S. présente un grasping, c’est-à-dire que lorsqu’on lui place un objet dans la paume de la main, elle va automatiquement (involontairement) refermer la main dessus.

La zone de captage : Madame S. parvient à atteindre les objets qui se trouvent en dessous de 70° de flexion des épaules. Elle est dans l’incapacité de monter plus haut à cause des limitations articulaires de ses membres supérieurs. La main gauche n’atteint ni la nuque ni le front. Madame S. ne peut atteindre son dos avec aucun de ses deux membres supérieurs.

Le Pont : Madame S. tient quelques secondes en appui sur ses pieds et ses scapulas.

Au niveau des membres inférieurs

Les transferts

J’ai utilisé le « Postural Assessment Scale for Stroke » afin d’évaluer les transferts [3] (annexe II).

Madame S. parvient à passer de la position décubitus dorsal à décubitus ventral et retour avec un guidage vocal et une aide physique du thérapeute.

Elle passe de décubitus dorsal à assis et retour, avec un guidage vocal du thérapeute ainsi qu’une aide de placement de ses membres supérieurs.

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Elle se déplace du fauteuil roulant à la table Bobath et retour avec un guidage vocal du thérapeute.

L’équilibre

Assis : Madame S. parvient à tenir l’équilibre assis avec ou sans appui au sol, les yeux ouverts, de plus elle utilise les réflexes de protection lorsque je la déstabilise. Elle a cependant une difficulté à s’équilibrer dans le plan sagittal, lorsque j’exerce une déstabilisation vers l’arrière.

Debout : Madame S. tient debout en station bipodale avec un soutien nécessaire avec les membres supérieurs, soit entre les barres, soit à l’aide d’un déambulateur. Par contre, aucun équilibre n’est possible sans appui des membres supérieurs : le quadriceps gauche n’est pas assez fort pour verrouiller le genou et le moyen fessier est trop faible pour stabiliser le bassin.

Les déplacements

La patiente se déplace en fauteuil roulant, en s’aidant majoritairement du pied droit et de la main gauche. Elle bascule le tronc d’avant en arrière pour avancer, mais ce mouvement ralentit son avancée car elle se balance plus fort en arrière qu’en avant.

Madame S. marche avec un déambulateur et un releveur de talo-crurale à la cheville gauche pendant les séances de rééducation. A la marche, la patiente présente une élévation de l’hémibassin gauche, due à la spasticité mais aussi à la faiblesse des abducteurs de hanche gauche, une boiterie de type Trendelenburg, une absence d’ouverture de l’angle de pas (surtout à gauche) due à l’hypo extensibilité des adducteurs.

Les activités de la vie quotidienne

J’ai utilisé l’indice de Barthel afin de pouvoir mesurer l’évolution de Madame S. lors de ses activités de la vie quotidienne [3] (annexe III).

La toilette et l’habillage sont en très grande majorité faits par les aides-soignantes. Madame S. fait sa toilette du visage. Elle ne parvient pas à s’habiller seule, qu’il s’agisse de mettre un pantalon ou un gilet, essentiellement par manque d’initiative, mais aussi parce qu’elle ne parvient pas à effectuer tous les mouvements nécessaires. Par exemple, pour mettre un gilet, elle n’arrive pas à prendre la deuxième manche dans le dos après avoir enfilé la première.

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Lors des repas, les aliments de Madame S. sont déjà coupés et elle mange seule mais très lentement.

Les observations cognitives

J’observe une désorientation temporo-spatiale : Madame S. ne se repère pas dans le couloir de son étage au centre de rééducation, par conséquent elle ne peut pas aller seule en salle à manger ni venir seule en salle de rééducation (qui se trouve au même étage). De plus, d’un jour à l’autre, elle n’est pas capable de donner la date du jour, ni même le mois, par contre elle sait que nous sommes en 2010.

D’importants troubles de la mémoire à moyen et long terme sont présents : outre la date que l’ensemble de l’équipe pluridisciplinaire lui rappelle régulièrement, Madame S. ne se souvient pas des prénoms de ses thérapeutes (kiné, ergo, aide soignant, infirmière, psychomotricien) ni de leur fonction.

Au cours des séances, je constate des difficultés attentionnelles et de concentration : en effet, la salle de rééducation permet le travail de 4 thérapeutes simultanément. Madame S. est très distraite par toutes les personnes qui l’entourent, qui travaillent avec leurs thérapeutes. Tous les bruits un peu forts sont une source de distraction. Lors des premières séances, il est difficile de conserver l’attention de Madame S. plus de 10 minutes d’affilée.

La patiente n’est pas capable de garder les yeux fermés plus de 3 secondes. Lorsqu’elle ferme les yeux, elle ne se sent pas stable et a l’impression qu’elle va tomber (même lorsqu’elle est assise).

On constate une légère héminégligence gauche essentiellement lors des déplacements : la patiente a tendance à dévier sur la gauche, autant lors des déplacements en fauteuil roulant que lors des déplacements à la marche avec un déambulateur.

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III. Diagnostic kinésithérapique

A partir des différents bilans effectués, nous pouvons tirer les grandes lignes du

traitement que nous allons proposer pour cette prise en charge. Pour cela, je m’appuie sur la classification internationale du fonctionnement de la santé et du handicap [5].

Les troubles des fonctions organiques et anatomiques mis en évidence lors des bilans sont :

- Un déficit global de la commande motrice et plus particulièrement du membre supérieur gauche qui induit un déficit de la musculature.

- Un déficit de mobilité des hanches dû à une importante hypoextensibilité des adducteurs.

- Des troubles importants d’équilibre debout.

Les limitations d’activités qui en découlent sont :

- Des difficultés à participer aux taches simples de la vie quotidienne.

- Une impossibilité de tenir en équilibre debout et par conséquent à déambuler sans fauteuil roulant.

- Une inaptitude à sortir seule du service et du centre de rééducation dans lequel elle se trouve.

Les limitations de participation mises en évidence sont

- Social : elle ne peut pas travailler, conduire, cuisiner… Elle ne peut retrouver son ancienne vie sociale en l’état actuel des choses. Elle ne peut s’occuper seule d’elle-même, elle a besoin d’une assistance quasi permanente.

- Psychologique : le fait d’avoir peu de contacts extérieurs et d’être au centre en permanence, entourée et assistée accentue le fait qu’elle a peu confiance en elle lorsqu’elle sort de l’encadrement du centre.

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Les objectifs de nos séances sont les suivants

- d’entretenir la force musculaire surtout du membre supérieur gauche pour optimiser la participation dans les activités de la vie quotidienne,

- de retrouver une mobilité fonctionnelle des hanches afin de pouvoir retrouver un développement correct de la marche,

- d’obtenir un équilibre statique et dynamique pour acquérir une marche la plus fluide possible.

A long terme, le but est d’acquérir un maximum d’autonomie dans les actes de la vie courante, au moins pour les besoins primordiaux tels que la toilette, l’habillage, les déplacements au quotidien.

IV. Traitement

Dans un premier temps, en effectuant le bilan initial, je me suis heurtée aux difficultés de communication avec Madame S. du fait de ses troubles de compréhension et de l’attention. Chaque déplacement nécessite une assistance du thérapeute, car Madame S. ne sait pas comment faire ou bien ne le fait pas d’elle-même. Cela traduit un manque d’initiative de la part de la patiente.

Les principaux objectifs de ce traitement sont :

- Entretenir la force musculaire, surtout du membre supérieur gauche mais aussi du reste du corps, afin de participer aux activités de la vie quotidienne.

- Retrouver une mobilité fonctionnelle des hanches pour améliorer le développement de la marche.

- Obtenir un équilibre statique et dynamique afin de pouvoir se tenir seule debout sans aucun support et d’acquérir une marche fluide.

- Améliorer autant que possible la commande motrice. Etant donné que je vois Madame S. tous les jours, je peux varier mes objectifs à chaque séance tout en parvenant finalement à travailler chacun des points

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importants du traitement. J’adapte en permanence mes séances notamment à la fatigue de Madame S., mais aussi à ses envies et à ses progrès.

Entretien de la force musculaire globale :

- Lancer de balle (type balle de football) uni et bi manuelle, puis avec une difficulté croissante, en faisant passer la balle derrière la tête, dans le dos, sous une cuisse avant de la lancer : Madame S. me lance la balle à l’aide d’une ou deux mains. Je lui demande de faire passer la balle sous ses jambes ou derrière sa tête avant de me la renvoyer et je fais de même.

- A l’aide d’un bâton, je demande à Madame S. de tracer des formes géométriques, des lettres ou des chiffres. Elle travaille alors sa mémoire en plus des muscles de l’épaule et de la préhension.

- Travail de la zone de captage : Le but est d’atteindre une cible. Celle-ci change de place chaque fois qu’elle est atteinte : je suis assise en face de Madame S, une balle dans une main. Je demande à Madame S. de venir toucher la balle, toujours avec la même main. Chaque fois qu’elle touche, je change la balle de main et de place (vers le haut, le bas, devant elle, à côté d’elle).

- Travail simple des quadriceps, ilio-psoas au fauteuil : je demande à Madame S. de tendre les jambes l’une après l’autre pour un travail des quadriceps, et de monter les genoux pour un travail des ilio-psoas. Afin de stimuler Madame S. dans ces exercices, je lui demande de venir toucher ma main avec son pied (travail du quadriceps) ou avec son genou (travail de l’ilio-psoas).

- Assise au fauteuil, je demande à Madame S. de faire rouler un ballon en partant du sommet du ballon. Je me place assise à 4 mètres en face d’elle et nous faisons des échanges.

- Travail du concentrique des abducteurs de hanches sur un plan de Bobath : en décubitus dorsal, je demande à Madame S. d’écarter une jambe et de la ramener. Nous travaillons chaque abducteur l’un après l’autre.

Acquisition de l’équilibre debout, statique et dynamique :

- Posture en étirement des adducteurs de hanches qui sont rétractés.

- A une extrémité des barres parallèles, je demande à Madame S. de se lever du fauteuil, se tenir aux barres et tenter de lâcher les barres. Pour cela, je lui apprends chaque étape une par une : se placer en face des barres parallèles, mettre les freins du

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fauteuil, placer les pieds, les mains sur les accoudoirs pour ne pas se tirer à l’aide des barres, se pencher en avant, pousser sur les bras et les jambes pour se verticaliser.

- Travail des transferts par les niveaux d’évolution moteurs [6]: le corps travaille dans sa globalité. Nous travaillons un à deux transferts par séance.

- Automatisation petit à petit des transferts fauteuil/table ou fauteuil/lit…. En passant par la station debout, mais toujours avec un appui des membres supérieurs. L’ensemble des exercices du traitement contribue à l’amélioration de la commande motrice. En effet, le travail s’effectue toujours par des mouvements volontaires de Madame S. et généralement avec des cibles à atteindre, donc nous travaillons la précision des mouvements. De plus, la majorité des exercices ont un côté ludique, qui me permet de capter et de garder plus longtemps l’attention de Madame S. lors des séances.

V. Bilan final

A la fin de ma prise en charge de Madame S., je constate de nombreux progrès dans tous les secteurs que nous avons travaillés :

Madame S. parvient à faire seule le transfert du FR vers la table de Bobath et le passage en décubitus dorsal. Grâce à cette acquisition, elle parvient plus facilement à se mettre au lit et à se lever (cependant toujours sous surveillance). De plus, lors de l’habillage, elle parvient à mettre ses chaussures et faire ses lacets.

Madame S. parvient avec le guidage vocal à se mettre à 4 pattes (avec une aide physique pour soulever le bassin) puis à genoux (assise sur les talons).

Lors de ma dernière semaine de prise en charge, nous sommes parvenues à la position « à genoux dressé », mais les différentes étapes pour atteindre cette position sont difficiles et fatigantes pour Madame S.

Madame S. a augmenté son périmètre de marche avec le déambulateur (moins fatiguée), mais le verrouillage du genou gauche n’est pas acquis et les abducteurs de hanche gauche n’assurent pas encore la stabilité lors de la station debout.

Enfin, dans la vie quotidienne, Madame S. parvient à se déplacer avec son FR avec uniquement ses membres inférieurs, sans balancer le tronc.

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VI. Problématique

Le questionnement que j’ai eu lors de ce stage porte sur les acquis de la rééducation, comment les obtenir ? Et par la suite, comment aider la patiente à les transposer dans sa vie quotidienne, à les adapter à sa situation.

VII. Discussion

Introduction

La rééducation a pour but d’apprendre ou de réapprendre certaines compétences que le patient a perdues du fait de sa pathologie. Cependant, il ne suffit pas d’acquérir cette compétence, il faut aussi parvenir à la transposer dans un environnement, un contexte différent. Chaque patient a pour objectif de pouvoir appliquer ses compétences apprises en rééducation, dans sa vie quotidienne, cependant, il ne trouve pas toujours la solution qui lui permet de s’adapter. C’est au rééducateur de l’aider à s’adapter.

1. Les acquis de rééducation

1.1. Définition

Un acquis est un mouvement, une connaissance, obtenue par l’action, l’habitude,

l’éducation et l’influence du milieu. Ceux de la rééducation sont les mouvements, les gestes, les transferts et toute autre action que le patient réussit à reproduire seul, sans guidage ni aide extérieure.

1.2. Le processus d’acquisition

De manière générale, l’acquisition d’un mouvement en rééducation se fait étape par étape. En effet, en règle général, le patient n’est pas capable d’effectuer immédiatement l’ensemble des mouvements menant au but recherché. Il faut donc décomposer ce mouvement en plusieurs étapes simples qui permettront l’acquisition finale. Le patient apprend chacune des étapes les unes à la suite des autres. Il existe différentes stratégies d’apprentissage [7] :

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- La stratégie essai erreur : c’est un mode d’acquisition explicitement contrôlée. Le patient fait une action puis il est corrigé s’il s’est trompé. Il apprend de son erreur, ainsi il aura moins de chance de la reproduire.

- La stratégie sans erreur : le patient est guidé lors de son action et est stoppé avant de faire une erreur. Cela demande plus d’interventions et d’attention de la part du rééducateur.

Il semble cependant que la stratégie sans erreur soit plus efficace pour des patients adultes ayant des troubles neurologiques associés à des pertes de mémoire [8]. Mais que l’on utilise l’une ou l’autre des stratégies, il faut travailler par répétition des étapes. C’est à force de répétitions que le patient va atteindre l’objectif : répétitions de chaque étape puis répétitions de l’action entière, afin d’obtenir plus de précision et de vitesse dans l’exécution. Enfin, il est important, une fois qu’un mouvement est acquis, qu’il soit automatisé par le patient, c’est-à-dire que le patient soit capable de le faire sans effort attentionnel, sans contrôle, sans conscience des étapes et avec une vitesse d’exécution naturelle [9]

Dans le cas de Madame S., je vais prendre l’exemple du transfert fauteuil roulant (FR) vers le plan de Bobath. Le but recherché est d’arriver assis au bord du plan de Bobath, en sécurité. Pour cela, il faut décomposer ce transfert en plusieurs étapes :

‐ Placer le FR le long du plan de Bobath, en prenant soin de mettre le côté sain du côté du plan de Bobath (par la suite, il faut apprendre le transfert d’un côté ou de l’autre indifféremment), puis mettre les freins du FR.

‐ Ecarter ou retirer les reposes pieds du FR puis placer les membres inférieurs parallèles, les pieds à plat.

‐ Retirer l’accoudoir du FR, du côté du plan de Bobath de façon à accéder au plan sans passer par la station debout.

‐ Mettre le membre supérieur sain sur le plan de Bobath et le membre supérieur hémiplégique sur l’accoudoir du fauteuil.

‐ Se pencher en avant en poussant sur les membres inférieurs et supérieurs afin de soulever le poids du corps

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‐ Se transférer sur le plan de Bobath en effectuant un quart de tour.

‐ Ramener le membre supérieur hémiplégique sur le plan de Bobath afin d’assurer l’équilibre assis sur le bord du plan de Bobath.

Dans le cas de Madame S., les difficultés sont multiples pour l’apprentissage de ce transfert.

Au début de la prise en charge, Madame S est capable d’effectuer chaque étape séparément si je le lui demande et lui décris chaque étape, mais la vitesse d’exécution de chaque tâche est très ralentie. Elle est incapable de prendre seule l’initiative d’effectuer l’étape suivante. De plus, lorsque je lui demande de me décrire les différentes étapes, elle en oublie.

Les difficultés d’apprentissage de Madame S. sont dues d’une part à ses défauts d’attention et de mémorisation et d’autre part à son retard intellectuel congénital.

Il a donc fallu dans un premier temps trouver une méthode qui lui permette de mémoriser les étapes du transfert.

Pour cela, lors des premières séances, j’utilise la méthode sans erreur, je guide Madame S. dans chacun de ses gestes, à la fois de manière visuelle, tactile et auditivo-verbale :

o Visuelle : je demande à Madame S. de faire un mouvement et je le fais en même temps, face à elle.

o Tactile : je guide Madame S. pour qu’elle place ses membres supérieurs et inférieurs de façon correcte.

o Auditivo- verbale : à chaque étape, je rappelle à Madame S. ce qu’elle doit faire et la corrige oralement si elle ne fait pas le mouvement demandé.

Au fur et à mesure de la prise en charge, j’utilise parfois la méthode essai erreur afin d’évaluer l’évolution de Madame S., de savoir ce qu’elle a acquis, ce qui est en voie d’acquisition et ce qui est incompris dans ce transfert. Madame S. commence à connaître les différentes étapes et parvient à les ordonner et à les effectuer, avec uniquement quelques rappels verbaux. Cependant, la vitesse d’exécution est toujours lente et à chaque étape, Madame S. attend la validation de l’étape précédente avant de réfléchir à la suivante.

A la fin de ma prise en charge, Madame S. a acquis ce transfert, mais ne l’a pas encore automatisé.

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1.3. Les acquis de Madame S. durant ma prise en charge.

Lors de ma prise en charge, Madame S. a fait des progrès dans tous les domaines

qu’elle a travaillés. Cependant du fait de ses difficultés de mémorisation et de concentration, les actions totalement acquises sont limitées. Madame S. a acquis :

‐ Le retournement sur le plan de Bobath, en passant indifféremment sur le côté sain ou sur le côté hémiplégique.

‐ Le transfert du FR vers le plan de Bobath et du plan de Bobath vers le FR.

‐ Le transfert de décubitus ventral à 4 pattes.

‐ Le transfert de 4 pattes à assis talon.

‐ Le déplacement en FR à l’aide des ses membres inférieurs, sans balancement du tronc.

‐ Mettre et retirer ses chaussures ainsi que faire et défaire ses lacets, seule.

‐ Une meilleure orientation lors de ses déplacements au sein du centre de rééducation.

‐ Une concentration de plus longue durée lors des séances de rééducation.

2. Le transfert des acquis de rééducation dans les activités de la vie quotidienne.

2.1. Qu’est ce que le transfert des acquis ?

On parle de transfert pour désigner le fait que la pratique d’une activité influe (en facilitation ou en inhibition) sur la pratique (ou l’apprentissage) d’une autre activité, que celle-ci la suive ou la précède [10]. Il s’agit d’une recontextualisation d’une connaissance, une sorte de « transport » de la connaissance d’une situation à une autre, voire à toutes les situations qui s’y prêtent [11].

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En général, le transfert est un phénomène qui se manifeste après l’apprentissage, traduisant une bonne acquisition de l’apprenant [12]. En effet, il est fortement lié aux contextes et à l’environnement dans lesquels se font l’apprentissage et la restitution. Plus les contextes et l’environnement sont semblables, plus le transfert des connaissances est facilité pour l’apprenant [13, 14].

En rééducation, il s’agit donc, pour le patient, de transposer une compétence acquise en salle de rééducation, dans un autre contexte et un autre environnement, en toute sécurité, et sans assistance. Lorsque le patient parvient à transférer un acquis appris en salle de rééducation lors d’une autre activité au sein du centre (qui est un contexte sécurisant), il faut ensuite l’appliquer en dehors du centre, le transférer dans les activités de la vie quotidienne (AVQ). Le rééducateur doit donc faire en sorte d’être en adéquation avec ses objectifs de rééducation, mais il doit aussi se projeter dans la vie future du patient afin de faciliter l’adaptation aux situations spécifiques et particulières rencontrées par le patient et ses proches dans la vie quotidienne [15].

2.2. Les facteurs intervenant dans le transfert des acquis de rééducation dans les activités de la vie quotidienne.

2.2.1. La capacité d’adaptation du patient :

La principale séquelle neuropsychologique du traumatisé crânien est la difficulté d’adaptation aux nouvelles situations et à un nouvel environnement. Le patient n’est plus capable de trouver spontanément les solutions qui lui permettraient de s’adapter à ce contexte. Il est donc nécessaire de réapprendre non seulement un mouvement, mais aussi le contexte dans lequel il va être utilisé [14].

Ainsi, le patient va acquérir des compétences générales qui seront la base de leur adaptation future à des situations nouvelles. Ce sont des compétences générales dans la mesure où elles sont transversales, c'est-à-dire qu’elles peuvent être utilisées dans différents environnements et diverses situations [16]. L’objectif est d’une part de faire prendre conscience au patient de ses déficiences et d’autre part de lui fournir le répertoire comportemental nécessaire à la résolution de problèmes de vie quotidienne et à l’exécution de tâches qui paraissent difficiles ou impossibles depuis le traumatisme crânien [17].

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2.2.2. La motivation du patient

Une personne non motivée progresse peu en réadaptation. Un manque de motivation peut s’expliquer par l’absence de conscience des difficultés ou encore par un état d’apathie induit par la lésion cérébrale.

La motivation est essentielle lors de l’apprentissage et lors du transfert des acquis. Un patient non motivé n’aura pas envie d’essayer de s’adapter à une situation différente de celle qu’il connaît.

Il appartient à l’ensemble des thérapeutes de participer à la motivation du patient, à sa stimulation lors des séances mais également en dehors des séances.

2.2.3. La famille et l’entourage proche du patient

Selon le contexte social, la famille peut être présente auprès du patient et l’aider à comprendre ce qui lui arrive. Elle permet au patient de garder un contact avec la vie quotidienne, la vie en dehors du centre, mais aussi de le soutenir.

Par contre, certains patients ont une famille absente, voire plus du tout de famille, et cela peut être source de découragement ou d’un manque de motivation de la part du patient. La famille est donc un facteur important dans la rééducation et la réadaptation du patient à la vie quotidienne [18].

2.2.4. L’équipe de rééducation pluridisciplinaire

L’équipe pluridisciplinaire se définit comme un groupe de professionnels travaillant ensemble avec le patient et ses proches vers des objectifs communs s’inscrivant dans un projet d’équipe. Chaque thérapeute dans son domaine aide au transfert des acquis dans la vie quotidienne. Les kinésithérapeutes réapprennent les mouvements ; les ergothérapeutes adaptent les mouvements acquis à des situations réelles de vie quotidienne ; les psychomotriciens stimulent la coordination des gestes ainsi que leur vitesse et leur rythme ; les aide soignants stimulent le patient afin qu’il intègre ses apprentissages lors de ses activités quotidiennes au centre, telles que sa toilette, son habillage, le transfert du lit au FR, son alimentation et ses déplacements.

Le but de l’équipe pluridisciplinaire est de permettre au patient la résolution de problèmes pouvant survenir dans la vie quotidienne, en tirant profit de l’enseignement des différents thérapeutes et de la complémentarité de leurs méthodes et de leurs techniques.

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2.3. Pourquoi transférer les compétences acquises dans la vie quotidienne ?

L’objectif final de la rééducation que ce soit du point de vue du patient ou des thérapeutes est l’autonomie du patient. Chaque élément de la rééducation est une composante d’un tout qui tend à redonner un maximum d’autonomie et d’indépendance au patient quant à la réalisation de ses activités quotidiennes afin d’envisager un retour à domicile.

En effet, la conséquence la plus handicapante et la plus visible d’un traumatisme crânien est la perte totale de l’autonomie, de la prise d’initiative. Selon l’atteinte et le patient, la récupération peut être rapide, moyennement voire très longue. Chaque patient a des capacités de récupération différentes.

L’autonomie se définit comme l’ensemble des habiletés permettant à une personne de se gouverner par ses propres moyens, de s’administrer et de subvenir à ses besoins personnels.

On distingue trois formes d’autonomie : fonctionnelle, sociale et cognitive [21]. L’autonomie fonctionnelle est la prise en charge de soi par l’organisation et

l’habileté de ses actions. Elle se détermine par la notion de capacité à accomplir une action dans son ensemble, dans un but précis, sans assistance.

L’autonomie sociale est la capacité d’une personne à avoir un comportement compatible avec son environnement et les personnes avec lesquelles elle interagit. C’est aussi la capacité de gérer seul sa vie administrative.

L’autonomie cognitive se définit comme la capacité d’une personne à réfléchir, penser, déduire et prendre des décisions par elle-même.

Dans le cadre de la rééducation, on parle essentiellement de l’autonomie fonctionnelle. Celle-ci s’obtient progressivement. Le patient n’est pas autonome du jour au lendemain. Plus le patient va être capable de s’occuper de lui-même, en sécurité, sans assistance, c’est-à-dire par le transfert de ses compétences apprises en rééducation dans sa vie quotidienne, plus il va gagner en autonomie.

Dans le cas de Madame S., la prise en charge au centre de rééducation est

pluridisciplinaire. Elle a des séances de kinésithérapie, mais aussi d’ergothérapie où elle travaille essentiellement sur les activités de la vie quotidienne telles que couper ses aliments, mettre et retirer ses vêtements ou se repérer dans une pièce. Elle travaille aussi en psychomotricité sur le rythme, la précision des gestes, mais aussi

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sur son schéma corporel et son image corporelle (Annexe IV) afin de parvenir à un meilleur contrôle de son corps et de ses mouvements au quotidien.

Madame S. commence à acquérir une autonomie fonctionnelle. En effet, elle prend

des initiatives, elle participe de plus en plus à sa toilette et son habillage, demande à se coiffer seule, à choisir ses vêtements, à se rendre seule en salle à manger, ce qui montre qu’elle a de plus en plus conscience de son environnement, de plus en plus confiance en elle, et qu’elle parvient petit à petit à s’adapter à sa vie au centre de rééducation. Elle est de plus en plus motivée lorsqu’elle vient en kinésithérapie.

Il faut tout de même préciser que ces prises d’initiatives ne sont pas systématiques, certains jours, elle participe moins et se laisse faire lors de la toilette, l’habillage ou les transferts. Elle a donc encore beaucoup de chemin à parcourir avant d’être capable de se gérer seule, sans assistance médicale, paramédicale ou familiale.

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Conclusion

L’objectif de la rééducation est d’apprendre une compétence, de l’automatiser,

mais cela ne suffit pas. Il est nécessaire de parvenir à appliquer cette compétence dans n’importe quel contexte qui s’y prête. En effet, il faut aussi savoir adapter ses compétences selon son environnement, et ne pas vouloir à tout prix utiliser cette compétence si cela n’est pas adapté à la situation ou si cela n’est pas nécessaire.

Cependant, il est possible qu’un patient acquière une compétence mais ne parvienne pas à l’utiliser dans sa vie quotidienne. En effet, le transfert des acquis n’est pas automatique. Il est nécessaire d’apprendre au patient à transposer ses acquis dans les situations appropriées, tout comme il est nécessaire d’apprendre au patient la compétence elle-même.

Lors de notre prise en charge, nous ne pourrons pas envisager toutes les situations, ni tous les contextes dans lesquels le patient pourra être amené à utiliser une compétence. Il faut donc lui apporter un maximum de solutions mais nous ne pourront dresser une liste exhaustive d’utilisation d’une compétence donnée.

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REFERENCES

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[13] Frenay M. Le transfert des apprentissages. Les presses de l’université Laval ; 2004 ; p. 35 [14] Paquerette A. Guide des meilleures pratiques en réadaptation cognitive. Presse de l’université du Quebec ; 2009 ; p.6 [15] Azouvi P., Joseph P.A., Pelissier J., Pellas F. Prise en charge des traumatisés cranio-encéphalique : de l’éveil à la réinsertion. Elsevier Masson ; 2007 ; p. 96, 97 [16] Loarer E. L’éducation cognitive : modèles et méthodes pour apprendre à penser. Revue française de pédagogie ; 1998 ; Vol 122 ; p. 143 [17]Cohadon F., Castel JP., Richer E. Les traumatisés crâniens, de l’accident à la réinsertion ; 3ème édition ; 2005 ; p.328-372 [18] François C., Van Landenghem N. Après l’accident. Les familles de traumatisés crâniens. Thérapie familiale 2 ; 2002 ; Vol 23 ; p. 175-182 [19] Lacote M, Chevalier AM, Miranda A, Bleton JP. Évaluation Clinique de la fonction musculaire. 3e édition. Paris : Maloine ; 1996. [20] Marque P, Maupas E, Boitard D, Roques CF. Evaluation clinique, analytique et fonctionnelle. In : La spasticité. Paris : Masson ; 2001 p. 33-41 [21] Morin J., Brief JC. L’autonomie humaine. Presse de l’université du Québec ; 1995.

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ANNEXES  

Annexe I .............................................................................................................................................1 

Annexe II............................................................................................................................................2 Annexe III ..........................................................................................................................................3 

Annexe IV ..........................................................................................................................................4 

 

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Annexe I

Dérivation ventriculo - péritonéale : technique chirurgicale permettant l’évacuation permanente du liquide céphalorachidien retenu dans les ventricules du cerveau par l’obstruction de ses voies d’évacuation physiologiques. Ici, le drainage est pratiqué vers des zones de résorption extra-crânienne, au moyen d’un cathéter valvulé, dans la cavité péritonéale.

Epilepsie : affection chronique caractérisée par la répétition de paroxysmes dus à des « décharges épileptiques », c’est à dire à l’activation subite, simultanée et anormalement intense d’un grand nombre de neurones cérébraux. Ces paroxysmes se traduisent cliniquement par des crises épileptiques.

Encéphalopathie : ensemble de troubles cérébraux qui compliquent parfois certaines infections, certaines altérations de l’état général ou certaines intoxications et correspondant à des altérations anatomiques sévères et variées, toxiques, anoxiques ou vasomotrices dans lesquelles l’élément inflammatoire ne prédomine pas.

Hémorragie méningée : accident vasculaire cérébral consécutif à l’irruption massive de sang dans les méninges, plus précisément dans les espaces sous-arachnoïdiens, le plus souvent après une rupture d’anévrisme.

Rupture d’anévrisme : un anévrisme cérébral est une dilatation localisée d’une artère du cerveau et qui vient de la faiblesse de la paroi du vaisseau sanguin. Cette dilatation peut grossir et se rompre, provoquant une hémorragie. C’est la rupture d’anévrisme.

Engagement sous falcoriel : hernie d’une partie d’un lobe frontal sous la faux du cerveau.

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Annexe II

 

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Annexe III

 

 

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Annexe IV