Les 20 ans de Psyclihos

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journal Bulletin N° 18 – Janvier 2012 - Association des Psychologues Cliniciens de l’AP–HP le Les 20 ans de Psyclihos Psychologue à l'hôpital : une espèce à protéger ? Jeudi 24 novembre 2011 Auditorium de l'HEGP

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Les 20 ans de Psyclihos

Psychologue agrave lhocircpital

une espegravece agrave proteacuteger

Jeudi 24 novembre 2011

Auditorium de lHEGP

Bulletin de

lAssociation des psychologues cliniciens hospitaliers

de lAssistance Publique - Hocircpitaux de Paris

Bureau

Eacutelodie Sacircles Preacutesidente

Martine Shindo Vice preacutesidente

Eacutelodie Meacutetivet Secreacutetaire geacuteneacuterale

Nicole Sense Secreacutetaire adjointe

Christine Schwanse Treacutesoriegravere

Catherine Holzman Treacutesoriegravere adjointe

Membres du Conseil dAdministration

Franccediloise Adriansen Marie-Victoire Chopin

Ceacuteline Le Bivic Patrice Nomineacute

Ambre Piquard

Preacutesidente drsquohonneur

Martine Bonnet Lecuir

Pour nous joindre PSYCLIHOS

Uniteacute Gatineau - Lebard Hocircpital Sainte Peacuterine - AP-HP 11 rue Chardon Lagache 75 781 Paris cedex 16

contactpsyclihosorg

Ce journal est aussi le

vocirctre Nos pages vous sont ouvertes

Nheacutesitez pas agrave nous faire parve-

nir vos articles originaux ou non

quelques lignes ou plusieurs

pages sur votre pratique clinique

hospitaliegravere des reacuteflexions autour

dun cas ou dune theacutematique ou

la preacutesentation dun travail de re-

cherchehellip

Au plaisir de vous lire

Le contenu des articles qui paraissent dans le bulle-tin de lrsquoassociation (Le Journal) nrsquoengage que la seule responsabiliteacute de leurs auteurs Les membres du Bureau deacutecident de la publication de tout article qui leur est proposeacute et se reacuteservent le droit de sollici-ter les modifications de forme qursquoils jugent neacuteces-saires

Retrouvez nos actualiteacutes mais aussi de nombreux textes reacuteglementaires sur

notre site internet

wwwpsyclihosorg

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 2

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 3

Le journal Ndeg18 - Janvier 2012

Dans ce numeacutero

Eacuteditorial

Ont participeacute agrave ce numeacutero

Franccediloise ADRIANSEN Marie-Lise BABONNEAU Martine BONNET-LECUIR Marie-Victoire CHOPIN Muriel DEROME Clara DUCHET Anna ELLI-PARDO

Jacqueline FAURE Isabelle FRETIGNY Catherine HOLZMAN Annie KURTZ Nadine LABBE Ceacuteline LE BIVIC Eacutelodie METIVET Patrice NOMINE

Ambre PIQUARD Virginie ROCARD Eacutelodie SALES Christine SCHWANSE Nicole SENSE Natascia SERBANDINI Martine SHINDO Elodie TRAVERS Benoicirct VERDON

Page

Eacuteditorial 3

Ouverture de la journeacutee 7

Ecirctre psychologue ou faire de la

psychologie

Statut fonctions quelles com-

peacutetences

10

Loi HPST titre de psychotheacutera-

peutehellip Quels changements

pour le meacutetier de psychologue

23

Uniteacute dans la diversiteacute des pra-

tiques transversaliteacute de nos

cliniques

49

Cliniques particuliegraveres

Pratiques innovantes

68

Clocircture de la journeacutee 86

Adheacutesion 88

N umeacutero exceptionnel pour commencer

cette nouvelle anneacutee 2012 Nous en pro-

fitons pour vous preacutesenter tous nos

vœux pour cette anneacutee qui commence quelle per-

mette leacutepanouissement de vos projets tant profes-

sionnels que personnels

Voici les actes de notre journeacutee du 24 novembre

2011 organiseacutee agrave loccasion des 20 ans de Psyclihos

Cette journeacutee a eacuteteacute un succegraves comme en teacutemoi-

gnent les nombreux remerciements et encourage-

ments reccedilus ainsi que les eacutevaluations des partici-

pants Cela nous donnera peut-ecirctre leacutenergie de re-

commencer avant notre quart de siegravecle

Vous retrouverez dans ces pages la richesse des

interventions proposeacutees afin de pouvoir prolonger

les reacuteflexions qui se sont engageacutees Les interven-

tions seront prochainement disponibles agrave leacutecoute

sur notre site internet Tregraves bonne lecture agrave tous

Elodie Sacircles preacutesidente

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 4

Le journal Ndeg18 - Janvier 2012

Sommaire deacutetailleacute

Page

Eacuteditorial 3

Psyclihos 20 ans deacutejagrave

Elodie Sacircles

8

Ecirctre ou ne pas ecirctre neuropsychologue

Annie Kurtz

11

Psychologue clinicien en psychotraumatologie du savoir-faire au savoir-ecirctre

Clara Duchet

15

Aider agrave penser limpensable en oncologie

Anna Elli Pardo

19

Le psychologue entre les lignes des textes officiels

Nadine Labbeacute

24

Titre de psychotheacuterapeute si vous avez manqueacute le deacutebuthellip

Virginie Rocard

32

Psychotheacuterapeute agrave quel titre

Patrice Nomineacute

43

La dimension culturelle dans leacutecoute des patients migrants africains

Jacqueline Faure

50

Psychologue en reacuteanimation peacutediatrique teacutemoignage drsquoune pratique en

eacutevolution

Muriel Derome

60

Seacutejour de vacances quelle place pour le psychologue

Ceacuteline Le Bivic

63

Laccompagnement psychologique par teacuteleacutephone dans les maladies de

Creutzfeldt-Jakob

Marie-Lise Babonneau

69

Parents face agrave linterruption meacutedicale de grossesse des mots en images

Natascia Serbandini

78

Psychologue clinicien aupregraves du personnel missions enjeux limites

Isabelle Fretigny

Elodie Travers

82

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 5

20 ans de Psyclihos

Psychologue agrave lHocircpital

une espegravece agrave proteacuteger

Eacutedito

Psyclihos est une association loi 1901 creacuteeacutee en 1991 pour promouvoir la

psychologie clinique et le rocircle des psychologues agrave lhocircpital

Par ses nombreuses actions agrave lintention de ses adheacuterents et des

psychologues hospitaliers Psyclihos est reconnue comme un relais et un

interlocuteur aupregraves des diffeacuterentes instances

Pour fecircter ses 20 ans Psyclihos organise cette journeacutee ouverte agrave ses

adheacuterents et agrave lrsquoensemble des psychologues de lrsquoAP-HP Elle offrira

loccasion de renforcer les liens professionnels entre collegravegues et de

partager la richesse des approches cliniques

Nous vous proposons de nous rencontrer autour des

theacutematiques suivantes

gt Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie Statut

fonctions quelles compeacutetences

gt Loi HPST titre de psychotheacuterapeutehellip Quels

changements pour le meacutetier de psychologue

gt Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de

nos cliniques

gt Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

DRH AP-HP Centre de la Formation et du

Deacuteveloppement des Compeacutetences - Institut de

Formation des Cadres de Santeacute

En partenariat avec

Comiteacute dorganisation

Catherine Holzmann

Ceacuteline Le Bivic

Ambre Piquard

Elodie Sacircles

Nicole Sense

Comiteacute scientifique

Franccediloise Adriansen

Nadine Labbeacute

Patrice Nomineacute

Elodie Sacircles

Christine Schwanse

Martine Shindo

Benoicirct Verdon

Demandez le programme

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 6

8h30 Accueil des participants

9h-9h30 Ouverture

gt Allocution douverture

Alain Burdet DRH AP-HP

gt Psyclihos 20 ans deacutejagrave

Elodie Sacircles preacutesidente de Psyclihos

9h30 - 11h Ecirctre psychologue ou

faire de la psychologie Statut

fonctions quelles compeacutetences

Modeacuterateur Benoicirct Verdon Universiteacute

Paris Descartes

gt Ecirctre ou ne pas ecirctre neuropsychologue

Annie Kurtz Lariboisiegravere

gt P s y c h o l o g u e c l i n i c i e n e n

psychotraumatologie du savoir-faire

au savoir-ecirctre

Clara Duchet Tenon

gt Aider agrave penser limpensable en

oncologie

Anna Elli Pardo Saint-Louis

11h - 11h30 Pause

11h30 - 13h Loi HPST titre de

psychotheacuterapeutehellip Quels changements

pour le meacutetier de psychologue

Modeacuterateur Franccediloise Adriansen

membre du CA de Psyclihos

gt Le psychologue entre les lignes des

textes officiels

Nadine Labbeacute Cochin

gt Titre de psychotheacuterapeute si vous

avez manqueacute le deacutebuthellip

Virginie Rocard Sainte Peacuterine

gt Psychotheacuterapeute agrave quel titre

Patrice Nomineacute Fernand Widal

13h -14h30 Repas libre

14h30 - 16h Uniteacute dans la diversiteacute

des pratiques transversaliteacute de nos

cliniques

Modeacuterateur Patrice Nomineacute Fernand

Widal

gt La dimension culturelle dans leacutecoute

des patients migrants

Jacqueline Faure Tenon

gt P sycho logue en r eacutean imat i on

peacutediatrique teacutemoignage drsquoune pratique

en eacutevolution

Muriel Derome Raymond Poincareacute

gt Seacutejour de vacances quelle place pour

le psychologue

Ceacuteline Le Bivic Eacutemile Roux

16h - 17h30 Cliniques particuliegraveres

pratiques innovantes

Modeacuterateur Martine Shindo Saint

Louis

gt Laccompagnement psychologique par

teacuteleacutephone dans les maladies de

Creutzfeldt-Jakob

Marie-Lise Babonneau Pitieacute Salpecirctriegravere

gt Parents face agrave linterruption meacutedicale

de grossesse des mots en images

Natascia Serbandini Jean Verdier

gt Psychologue clinicien aupregraves du

personnel missions enjeux limites

Isabelle Fretigny Saint Louis

Le programme de la journeacutee

Demandez le programme

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 7

Ouverture de la journeacutee

gt Allocution douverture

Alain Burdet DRH AP-HP

gt Psyclihos 20 ans deacutejagrave

Elodie Sacircles preacutesidente de Psyclihos

Page 7

Ouverture

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 8

Ouverture de la journeacutee

Psyclihos 20 ans deacutejagrave

Elodie Sacircles preacutesidente de Psyclihos

J e vais commencer par quelques remer-

ciements rapides

En premier lieu vous Monsieur Burdet

vous nous avez fait lhonneur douvrir cette

journeacutee Plus quun honneur votre soutien

nous a eacuteteacute si preacutecieux

Quand nous avions eacutevoqueacute avec vous lideacutee

dune journeacutee anniversaire mais alors de faccedilon

encore lointaine dans nos esprits votre encou-

ragement sans faille degraves lannonce de cette

eacuteventualiteacute nous a donneacute leacutenergie daffronter

lorganisation de cet eacuteveacutenement

Cest pourquoi au nom des membres du con-

seil dadministration des comiteacutes scientifiques

et dorganisation je tiens agrave vous remercier cha-

leureusement de votre soutien et du solide inteacute-

recirct que vous teacutemoignez agrave notre profession

Cet engagement de la Direction des res-

sources Humaines de lAPHP agrave nos cocircteacutes

comme il y a 20 ans nous permet de nous re-

trouver dans ce bel amphi pour partager cette

journeacutee Et nous remercions aussi lInstitut de

Formation des Cadres de Santeacute APHP pour

lefficaciteacute de son aide logistique et de la ges-

tion des inscriptions jusqursquoagrave ce jour et mecircme au

-delagrave

Mes remerciements vont aussi agrave vous tous qui

ecirctes ici aujourdrsquohui Nombre dentre vous nous

connaissent deacutejagrave en tant qursquoadheacuterents actuels

ou passeacutes souvent dune grande fideacuteliteacute au

cours des anneacutees Dautres nous suivent avec

inteacuterecirct sans nous avoir (encore ) rejoints et de

nombreux jeunes collegravegues nous deacutecouvrent

ou ont deacutejagrave deacutecouvert notre site internet

Notre site internet sur lequel vous pouvez

suivre lactualiteacute de notre association nous re-

joindre ou vous inscrire agrave notre infolettre Les-

pace adheacuterent propose de nombreux services

comme les postes agrave pourvoir agrave lAP-HP ou agrave la

FPH qui inteacuteressent tous collegravegues quils soient

titulaires contractuels ou en recherche dem-

ploi Bien eacutevidemment ces services sont reacuteser-

veacutes agrave nos adheacuterents tout comme nos bregraveves

par mail qui vous informent de lactualiteacute et nos

journaux

Degraves sa creacuteation Psyclihos sest donneacute pour

rocircle de teacutemoigner de lrsquoapport de la Psychologie

Clinique agrave lrsquohocircpital et den rsquoaffirmer la preacutesence

Informer communiquer et ecirctre un relais entre

les psychologues eacutechanger non seulement

entre pairs mais ecirctre aussi un interlocuteur

pour linstitution quant agrave notre profession

Lrsquohistoire de lrsquoassociation est intimement lieacutee agrave

celle de notre profession puisque Psyclihos voit

sa naissance en janvier 1991 quelques jours

avant cla parution du deacutecret qui fonde le statut

de psychologue hospitalier

1991 -2011 vingt ans de psychologie agrave lhocircpi-

tal nous y voilagrave

Les 20 ans de Psyclihos ont eacuteteacute loccasion

unique de nous replonger dans les archives de

notre association Nous partageons la richesse

de ce singulier voyage dans le temps dans le

Numeacutero speacutecial 20 ans du journal de Psyclihos

que vous trouverez dans vos pochettes

Il retrace lhistoire de Psyclihos agrave travers celle

de la psychologie agrave lhocircpital en sarrecirctant sur

les grandes dates qui ont jalonneacute le meacutetier de

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 9

Ouverture de la journeacutee

psychologue

1991 le deacutecret portant statut particulier de psy-

chologue hospitalier 1996 le code de deacuteonto-

logie 2003 la deacutecentralisation de gestion au

sein de lAP-HP et les conseacutequences que nous

vivons depuis pour nen citer que quelques

uneshellip

Cette plongeacutee historique loin decirctre nostal-

gique nous permet de rappeler au fil des ar-

ticles parus durant ces deux deacutecennies dans

nos journaux combien lactualiteacute de notre pro-

fession sappuie sur son passeacute Connaicirctre cette

histoire notamment pour nos plus jeunes col-

legravegues nous semble neacutecessaire pour com-

prendre les enjeux qui traversent actuellement

notre profession Il est dailleurs eacutetonnant de

lire combien des articles pourtant anciens gar-

dent toute leur fraicirccheur traitant deacutejagrave de pro-

bleacutematiques qui apparaissent reacutecurrentes ou

abordant des questionnements qui aujourdhui

pourraient sembler novateurshellip

Cest donc autour de quelques grands thegravemes

toujours actuels comme la deacuteontologie des

psychologues la saga des concours sur titres

la Fiche meacutetier la fonction FIR la Psychiatrie

de liaison ou les psychotheacuterapies et la loi que

nous vous invitons agrave plonger dans notre journal

speacutecial

Nous retrouvons aujourdrsquohui certains de ces

sujets dans le programme de cette journeacutee

Il illustre les champs drsquointerventions qui ani-

ment lrsquoassociation depuis sa creacuteation la fonc-

tion de psychologue les changements induits

par la leacutegislation la diversiteacute des pratiques et

les cliniques particuliegravereshellip

Nous souhaitons pouvoir teacutemoigner de la ri-

chesse et de la diversiteacute des pratiques des psy-

chologues cliniciens agrave lhocircpital Bien sucircr en 20

ans la place des psychologues hospitaliers a

eacutevolueacute leur nombre aussi La varieacuteteacute des inter-

ventions teacutemoigne de la richesse des champs

dexercice possibles parfois insoupccedilonneacutes au

sein de notre institution quest lAP-HP

Derriegravere un titre un peu provocateur nous sou-

haitons vous mobiliser dans lancrage toujours

neacutecessaire de notre profession au sein de

lAPHP Le cadre de notre exercice est toujours

fragile voire mis agrave mal En ces temps heurteacutes

et parfois incertains nous espeacuterons pouvoir

partager notre eacutenergie pour proteacuteger notre

exercice si particulier Ecirctre psychologue agrave lhocirc-

pital cest bien sucircr ecirctre agrave la rencontre des pa-

tients et de leurs proches dans leurs singulari-

teacutes mais aussi des eacutequipes soignantes sans

oublier la participation agrave la vie institutionnelle

comme ce sera abordeacute dans les diffeacuterentes in-

terventions que vous allez entendre aujour-

dhui

Sans plus attendre nous ceacutedons la place agrave la

premiegravere session de la matineacutee dans le vif du

sujet ecirctre psychologue ou faire de la psycho-

logie statut fonctions quelles compeacute-

tences modeacutereacutee par Benoicirct Verdon long-

temps psychologue hospitalier maintenant au

sein de lUniversiteacute

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 10

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

Modeacuterateur Benoicirct Verdon Universiteacute Paris Descartes

gt Ecirctre ou ne pas ecirctre neuropsychologue

Annie Kurtz Hocircpital Lariboisiegravere Page 11

gt Psychologue clinicien en psychotrauma-

tologie du savoir-faire au savoir-ecirctre

Clara Duchet Hocircpital Tenon Page 15

gt Aider agrave penser limpensable en oncologie

Anna Elli Pardo Hocircpital Saint-Louis Page 19

Ecirctre psychologue ou faire de la

psychologie

Statut fonctions quelles compeacutetences

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 11

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

Ecirctre ou ne pas ecirctre neuropsychologue

Neuropsychologue une espegravece nouvelle Plus reacutesistante

Mieux adapteacutee agrave la vie hospitaliegravere ou aux institutions

Plus respecteacutee des meacutedecins prescripteurs

Annie Kurtz

Service de Neurologie Hocircpital Lariboisiegravere

La reacutealiteacute objective drsquoune atteinte ceacutereacutebrale agrave

lrsquoorigine des troubles preacutesenteacutes par le patient

ne doit jamais occulter le fait drsquoune histoire

drsquoun eacutequilibre psychique et drsquoune individualiteacute

malmeneacutee

Charte des CPCN - Collegraveges des Psycho-

logues Cliniciens speacutecialiseacutes en Neuropsycho-

logie

J rsquoai bien imprudemment accepteacute il y a

quelques mois de prendre la parole pour

ceacuteleacutebrer les 20 ans de lrsquoassociation Psy-

clihos De plus jrsquoai accepteacute de vous faire parta-

ger mes reacuteflexions sur la place du psychologue

dans le champ de la santeacute et cerise sur le gacirc-

teau pour la deacutefense et lrsquoillustration de la neu-

ropsychologie clinique

Mon propos nrsquoest pas de poleacutemiquer mais de

reacutefleacutechir ensemble aux charmes et aux dangers

que repreacutesente le terme de

neuropsychologue si priseacute par certains ac-

tuellement

La preacutesence de psychologues au sein des ser-

vices hospitaliers est ancienne ils ou elles as-

surent agrave la fois le travail de bilan et celui de

soutien aupregraves des patients Mais le genre

neuropsychologue nrsquoexiste que depuis peu

Le terme neuropsychologue seacuteduit beaucoup

les jeunes collegravegues et mecircme certains para-

meacutedicaux comme les orthophonistes les ergo-

theacuterapeutes et mecircme quelques kineacutesitheacutera-

peutes Nombreux sont ceux dans le champ de

la neuropsychologie qui revendique le label

de neuropsychologues Depuis quelques an-

neacutees les lettres de motivation qui accompa-

gnent les demandes de stages srsquoadressent agrave la

neuropsychologue que je suis censeacutee ecirctre et

les candidates et candidats deacuteclarent leur

passion pour le meacutetier de

neuropsychologue Et je mrsquointerroge sur cette

ferveur

Quelle deacutefinition de la neuropsychologie pou-

vons-nous faire nocirctre Il y a 10 ans en mars

2001 le Collegravege des Psychologues Cliniciens

speacutecialiseacutes en Neuropsychologie (CPCN) pour

les Eacutetats Geacuteneacuteraux de la Psychologie deacutefinis-

sait ainsi la neuropsychologie

La neuropsychologie est la discipline qui traite

des relations entre les processus mentaux

sous-tendant le raisonnement lrsquoattention la

meacutemoire la perception les gnosies les

praxies le langage le comportement eacutemotion-

nel et lrsquoactiviteacute du cerveau Lors des leacutesions ceacute-

reacutebrales les conseacutequences concerneront agrave la

fois lrsquoefficience de la cognition et lrsquoadaptabiliteacute

des conduites de lrsquoindividu Cette neacutecessaire

appreacuteciation analytique et syntheacutetique du psy-

chisme humain caracteacuterise lrsquoapproche neurop-

sychologique

La neuropsychologie est un champ multidisci-

plinaire ougrave se retrouvent diffeacuterents meacutetiers et

les zones de recouvrement peuvent ecirctre larges

pour certains Je milite aujourdrsquohui pour deacute-

fendre le fait qursquoun bilan reacutealiseacute par un psycho-

logue mecircme si les tests utiliseacutes par drsquoautres

intervenants sont identiques reste un bilan dif-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 12

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

feacuterent Ce travail drsquoanalyse et synthegravese rappe-

leacute dans la deacutefinition citeacutee fonde la totaliteacute de

nos pratiques en neuropsychologie

Lrsquoacte le plus freacutequent est le bilan bilan pour

plaintes mneacutesiques diagnostic diffeacuterentiel entre

deacutepression et maladie neurodeacutegeacuteneacuterative seacute-

quelles drsquoaccident vasculaire seacutequelles de

traumatisme cracircnien et nous intervenons eacutega-

lement dans le suivi et la reacutehabilitation dans les

services de soins de suite Mecircme dans le cadre

drsquoune eacutevaluation en vue drsquoune reacuteeacuteducation

nous savons devoir tenir compte des mouve-

ments psychiques agrave lrsquoœuvre dans tout individu

et qui vont peser sur ce travail

Notre code de deacuteontologie speacutecifie que le res-

pect de la vie psychique fonde notre action ce

respect de la vie psychique tout au long de nos

anneacutees drsquoeacutetudes nous avons eacuteteacute formeacutes agrave y

porter une attention toute particuliegravere Nos ac-

quis nos savoirs modifient notre approche

Quel peut ecirctre le sens pour un ou une psycho-

logue agrave vouloir changer de nom

Nrsquoest-ce pas alors en gardant notre position de

psychologue et donc aussi clinicien que nos

actions prennent sens dans la prise en soin

des patients

Ce que je redoute le plus est que cette appella-

tion neuropsychologue ne confine les psycho-

logues dans un exercice limiteacute agrave la passation

des tests et au traitement des chiffres qui en

reacutesultent Comme si le neuropsychologue ne

devait mettre en œuvre aucun savoir clinique Il

est vrai que la formation donneacutee par lrsquouniversiteacute

conditionne en partie nos pratiques et cer-

taines universiteacutes ne semblent plus accorder

de place agrave la structure de la personnaliteacute ni aux

aspects thymiques dans leur master de neu-

ropsychologie Replacer le patient dans son

histoire reste primordial quels que soient les

avatars neurologiques

Qursquoavons-nous agrave gagner en devenant

neuropsychologue

Les offres drsquoemploi sont nombreuses et les

jeunes diplocircmeacutes ne restent pas longtemps

sans emploi Les meacutedecins psychiatres neu-

rologues ou geacuteriatres avec qui nous collabo-

rons veulent travailler avec des

neuropsychologues Le risque me paraicirct

grand qursquoils recherchent essentiellement des

testeurs pour leurs publications ou leurs con-

sultations Dans les recherches il srsquoagit pour

des collegravegues formeacutes agrave la psychologie pendant

au moins 4 ans puis speacutecialiseacutes en deuxiegraveme

anneacutee de Master cest-agrave-dire apregraves 5 anneacutees

drsquoeacutetudes drsquoappliquer des protocoles de test

dont ils nrsquoont mecircme pas eu la possibiliteacute de dis-

cuter le contenu et le choix des outils (Les

textes nous reconnaissent pourtant la liberteacute du

choix de nos outils)

La pratique de la neuropsychologie peut ecirctre

passionnante agrave condition de ne pas ecirctre ins-

trumentaliseacutee par les meacutedecins En preacuteparant

mon intervention il mrsquoest apparu que je pour-

rais citer comme eacutetude de cas nombre de si-

tuations de souffrance de nos collegravegues dans

les institutions Je pourrais vous preacutesenter des

vignettes cliniques ougrave les psychologues se

mettent en danger en srsquoenfermant dans cette

appellation qui convient si bien agrave nos collegravegues

drsquoautres disciplines et agrave nos employeurs Dans

les consultations meacutemoire la place faite aux

neuropsychologues peut ecirctre tregraves diffeacuterente

suivant les attentes et les projets de leurs par-

tenaires meacutedicaux ou institutionnels et parfois

ces exigences entraicircnent une veacuteritable souf-

france pour nos collegravegues Peut-on exercer son

savoir-faire et son savoir ecirctre de psychologue

quand on attend de nous de recevoir 4 ou 6

patients par jour Ces bilans TGV laissent peu

de place agrave lrsquointersubjectiviteacute du psychologue et

du patient alors que dans drsquoautres lieux lrsquoeacuteva-

luation peut respecter la singulariteacute du patient

de sa famille et la deacuteontologie du psychologue

Il y a des temps dans la pratique drsquoun bilan

neuropsychologique qui restent des temps cli-

niques Avant drsquoentreprendre un bilan le psy-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 13

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

chologue speacutecialiseacute en neuropsychologie

comme tous les psychologues doit pouvoir in-

terroger la demande de qui vient cette de-

mande le patient le meacutedecin ou la famille et

qursquoen attendent ces diffeacuterents partenaires

Comment cet examen srsquoinscrit-il dans le projet

theacuterapeutique

Lrsquoentretien preacuteliminaire ne consiste pas agrave re-

prendre lrsquoanamnegravese au sens meacutedical histoire

de la maladie mais au sens psychologique

entendre lrsquohistoire drsquoun sujet Comme lrsquoa eacutecrit

Emmanuelle Truong-Minh actuelle preacutesidente

du CPCN agrave propos de ce temps drsquoun bilan

Inscrite dans la relation porteacutee par le langage

crsquoest cette preacutesence agrave lrsquoautre qui fonde notre

action Dans le temps de la consultation que je

reacutealise un entretien que je propose des tests

que JE parle ou que JE eacutecoute je suis lagrave au

moins lagrave de maniegravere absolue et entiegravere Pour

la personne agrave mon sens il nrsquoest rien de plus

preacutecieux que lrsquoeacutetablissement de cette relation

clinique Car ces instants ougrave lrsquoobjectivation de

difficulteacutes qursquoelles soient psychopathologiques

ou neuropsychologiques risque drsquoadvenir sont

fondamentaux dans le parcours de vie le par-

cours de santeacute et le parcours de la maladie de

la personne Pouvoir prendre appui sur cette

relation permet la mise en perspective des diffi-

culteacutes permet de supporter le traumatisme

psychique eacuteventuel permet de srsquoeacutecrouler peut-

ecirctre sans ecirctre seul

Je me souviens drsquoun patient qui mrsquoa eacuteteacute adres-

seacute pour plaintes mneacutesiques et eacuteventuelles seacute-

quelles drsquoun AIT Ce monsieur de 60 ans eacutetait

marieacute pegravere de 3 enfants cadre dirigeant dans

une entreprise A la suite de son accident

ischeacutemique transitoire il avait le sentiment de

ne plus pouvoir faire face agrave ses obligations pro-

fessionnelles Sa vie professionnelle eacutetait para-

siteacutee par le danger de voir ses difficulteacutes cons-

tateacutees par les autres surtout par son respon-

sable hieacuterarchique Degraves le deacutebut de lrsquoentretien

il semblait eacuteprouver une certaine inhibition an-

xieuse son expression spontaneacutee restait fac-

tuelle et retenue Apregraves quelques eacutepreuves

drsquoattention et de meacutemoire sans reacutesultat patho-

logique je mrsquoautorisai agrave abandonner les

eacutepreuves pour poursuivre lrsquoentretien au cours

duquel jrsquoappris que la veille il avait accompa-

gneacute sa megravere contre son greacute dans une institu-

tion pour patients souffrant de maladie

drsquoAlzheimer Alors qursquoil a des fregraveres et sœurs il

avait eacuteteacute seul agrave faire cette deacutemarche contraint

et forceacute par la santeacute chancelante de son

eacutepouse atteinte drsquoun cancer du seinhellip quand

jrsquoeacutevoque avec lui la possibiliteacute drsquoaller en parler

avec un psy il me dit y avoir deacutejagrave penseacute mais

renonceacute parce qursquoil avait peur de srsquoeffondrer

Nous avons la responsabiliteacute de notre bilan

mais nous ne pouvons deacutelivrer un diagnostic

(crsquoest de la compeacutetence du meacutedecin) pourtant

lrsquoentretien dit de restitution est un temps

drsquoeacutechange privileacutegieacute qui rend au patient sa

place de sujet mais ce temps-lagrave prend du

temps et on ne nous le donne pas toujours

Le temps de lrsquoexamen psychologique nrsquoest pas

celui des examens compleacutementaires prescrits

par les meacutedecins On sait bien qursquoil est toujours

utile de faire preacuteciser la demande de refuser

de tester Monsieur X ou Y on teste une hy-

pothegravese pas un individu de dire non parfois

parce qursquoon sait qursquoon ne reacutepondra pas agrave la

question ou parce que les conditions de lrsquoexa-

men ne respectent pas le patient ou notre auto-

nomie professionnelle Le questionnement sur

lrsquoobjet de la demande est dans le champ de

compeacutetence des psychologues nous avons eacuteteacute

formeacutes agrave ce travail La demande des meacutedecins

de lrsquoeacutequipe du patient ou de sa famille doit ecirctre

analyseacutee

Peut-on imaginer que se faire connaicirctre

comme neuropsychologue lorsqursquoon est psy-

chologue serait un moyen drsquoeacutechapper agrave la diffi-

culteacute de maintenir notre position singuliegravere

dans le monde de la santeacute

Certes la pratique de la neuropsychologie re-

quiert des connaissances sur le fonctionne-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 14

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

ment du cerveau sur les troubles cognitifs as-

socieacutes aux leacutesions ceacutereacutebrales sur la significa-

tion des localisations anatomo-cliniques et ce

travail permanent de reacuteflexion et drsquoeacutechange

avec les autres intervenants dans la prise en

charge drsquoun patient est enrichissante et parfois

passionnante comme peuvent lrsquoexprimer les

lettres de motivation des demandes de stages

Mais pratiqueacutee par des psychologues elle pour

reste un lieu privileacutegieacute ougrave la parole du patient

peut ecirctre entendue pas seulement sur ses

troubles ou ses capaciteacutes preacuteserveacutees mais sur

ce qursquoil comprend de ce qui lui arrive sur son

ressenti et le psychologue est preacutesent pour

lrsquoaccompagner dans ce nouveau travail psy-

chique Ecirctre speacutecialiseacute en neuropsychologie

est une position exigeante comme pour

chaque psychologue crsquoest lrsquoabsolue neacutecessiteacute

drsquoactualiser nos connaissances sur les patholo-

gies les nouveaux outils mais crsquoest aussi

prendre le risque de partager nos doutes sur

notre approche drsquoun patient dont on prend en

compte lrsquohistoire le contexte affectif social

professionnel Crsquoest une tacircche difficile que

drsquoessayer drsquoaborder un patient dans sa globali-

teacute et pas seulement sur ses troubles cognitifs

Personnellement je ne suis jamais sucircre drsquoavoir

bien analyseacute lrsquoensemble des eacuteleacutements que le

patient me permet drsquoappreacutehender jrsquoai la

chance de ne pas ecirctre seule dans mon service

et de pouvoir partager mes doutes avec mes

collegravegues

Enfin le terme neuropsychologue peut repreacute-

senter une menace pour le corps des psycho-

logues

Nous expeacuterimentons chaque jour la difficulteacute agrave

deacutefendre notre place de psychologue On nous

reproche notre image floue drsquoecirctre des

eacutelectrons libres dans les services drsquoecirctre des

produits de luxe sans nomenclature de nos

activiteacutes (si ce nrsquoest dans la CCAM qui ne con-

cerne que les meacutedecins) Le texte qui eacuteclaire

notre champ drsquoactiviteacute le seul qui ait une valeur

leacutegale est celui de 1985 qui deacutefinit notre statut

et nous savons bien combien lrsquoincitation au res-

pect de ce texte est une tacircche reacutecurrente pour

nous Jrsquoai commenceacute agrave travailler agrave lrsquoAP-HP en

1971 la publication de ce texte puis des circu-

laires de 1991 ont repreacutesenteacute un moment drsquoes-

poir mais jrsquoai appris tout au long de mes an-

neacutees drsquoexpeacuterience que ce travail drsquoexplicitation

de ce qursquoest un psychologue nrsquoa pas de fin

Parfois la confusion qui regravegne dans lrsquoesprit de

nos employeurs les arrangent bien pour

exemple des postes de neuropsychologues

animateurs offerts dans les EPHAD Parfois

cette confusion est sincegravere tel nouveau chef

de service qui travaille depuis de longues an-

neacutees avec des psychologues et qui reccediloit de la

DRH un rappel sur le temps FIR et qui srsquoeacutetonne

de son contenuhellip

Notre code de deacuteontologie est une reacutefeacuterence

indispensable pour nous mais nrsquoest toujours

pas un texte opposable agrave un employeur

Ces textes ont eacuteteacute eacutecrits pour les psycho-

logues ce sont des repegraveres pour les psycho-

logues Il a existeacute un mouvement qui souhaitait

diffeacuterencier les psychologues et les neuropsy-

chologues avec la volonteacute drsquoobtenir un statut agrave

part Quand on connaicirct la difficulteacute drsquoune recon-

naissance leacutegale la fragiliteacute du corps des psy-

chologues toujours precirct agrave se morceler en cen-

taines drsquoassociationshellip on peut se demander si

le meacutetier de psychologue nrsquoest pas effective-

ment en danger et se revendiquer neuropsy-

chologue peacutedopsychologue comme le laisse

entendre lrsquoactuelle fiche meacutetier nous expose

encore plus hellip (heureusement cette fiche doit

ecirctre remplaceacutee en 2012)

Notre seule protection repose sur les textes de

loi qui deacutefinissent le titre de psychologue il nrsquoy

a pas de titre de neuropsychologue ni de titre

de psychologue clinicien et ce nrsquoest pas lrsquoaven-

ture du titre de psychotheacuterapeute ni les travaux

en cours agrave la DGOS qui doivent nous rassu-

rerhellip

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 15

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

Psychologue clinicien en psychotraumatologie

du savoir-faire au savoir-ecirctre

Clara Duchet Hocircpital Tenon Universiteacute Paris Descartes

E n 1997 un deacutecret du ministegravere de la

Santeacute creacutee le reacuteseau des CUMP

(Cellules dUrgence Meacutedico-

Psychologique) propulsant des psychologues

cliniciens sur le terrain de lurgence aux cocircteacutes

de meacutedecins psychiatres et de parameacutedicaux

De nouvelles missions soffrent agrave ces profes-

sionnels peu formeacutes au deacutepart pour intervenir

dans ces contextes de catastrophes collectives

(accidents agrave retentissement majeur catas-

trophes naturelles guerres terrorisme etc)

Peu agrave peu des reacuteflexions et groupes de travail

speacutecifiques se creacuteent (au sein notamment de

lAFORCUMP - Association de recherche et de

formation des CUMP) afin de mieux deacutefinir les

fonctions et les compeacutetences de chacun dans

ce domaine bientocirct nommeacute

psychotraumatologie Cette nouvelle cli-

nique (dans sa forme institutionnelle et dans

sa dimension traumatique en situations

extrecircmes) a souleveacute de nombreux deacutebats

passionneacutes agrave propos de la leacutegitimeacute ou non de

lintervention de terrain (sur les sites et aux

abords des catastrophes) Cependant il sagira

plutocirct de discuter ici de la speacutecialisation eacuteven-

tuellement neacutecessaire des psychologues dans

ce domaine - du cocircteacute du savoir-faire - comme

des retrouvailles avec une position de clinicien

classique - du cocircteacute du savoir-ecirctre et de la

subjectivation

Agrave lrsquoheure ougrave se multipliaient donc diffeacuterentes

formes de violence et notamment au moment

de lrsquoeacutepoque terroriste parisienne (attentats

meacutediatiseacutes St Michel Port-Royal 1995-1996)

les psychologues ont vu leur champ drsquoaction et

leurs fonctions srsquoeacutelargir des nouvelles mis-

sions et nouvelles structures se deacuteveloppaient

pour venir au secours des victimes agrave la de-

mande de nos gouvernants et de psychiatres

militaires expeacuterimenteacutes dans ce domainehellip Jrsquoai

eu la chance de participer agrave ce processus degraves

le deacutebut et tregraves rapidement je me suis poseacutee

des questions sur ces interventions qui mrsquoap-

paraissaient pour ainsi dire hors cadre

Hors cadre parce que dans lrsquourgence

Hors cadre parce que nombre drsquointerventions

avaient lieu sur le terrain peu apregraves la catas-

trophe loin du confort du cabinet ou de lrsquohocircpi-

tal

Je me souviens agrave lrsquoeacutepoque mrsquoecirctre rueacutee sur le

code de deacuteontologie en vigueur depuis le 22

mars 1996 et me rassurer en lisant

La mission fondamentale du psychologue est

de faire reconnaicirctre et respecter la personne

dans sa dimension psychique Son activiteacute

porte sur la composante psychique des indivi-

dus consideacutereacutes isoleacutement ou collectivement

Oufhellip nous nrsquoeacutetions donc pas compleacutetement

hors-cadrehellip cependant je nrsquoavais pas vrai-

ment appris agrave travailler sur les bancs de la fac

Sans la demande du patient (mecircme pour lrsquoen-

fant le parent eacutetait demandeur sinon lrsquoinstitu-

tion scolairehellip)

Sans un cadre institutionnel classique

Et certainement pas en prise directe avec la

reacutealiteacute drsquoun eacuteveacutenementhellip

Quelques options universitaires tout de mecircme

assureacutees par des enseignants ayant participeacute agrave

des missions humanitaires mrsquoavaient deacutejagrave per-

mis drsquointerroger des dispositifs de soins hors

norme

Dans nos deacutebuts jrsquoai donc co-animeacute un groupe

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 16

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

de travail destineacute speacutecifiquement aux

psychologues pour reacutefleacutechir agrave notre pratique

Voici comment nous nous repreacutesentions alors

les choses

Nouvelles missionshellip = hellip nouvelles compeacute-

tences Ce que jrsquoai nommeacute dans mon introduc-

tion savoir-faire

1 NOUVELLES COMPEacuteTENCES REQUISES

ndash DU COcircTEacute DU SAVOIR-FAIRE

Lors des soins immeacutediats ou

defusing (cagraved sur le terrain dans les

heures qui suivent lrsquoattentat la catastrophe

naturelle la prise drsquootages lrsquoaccident col-

lectif etc)

Le psychologue doit reconstruire un cadre en

fonction de la situation qui se preacutesente agrave lui

crsquoest-agrave-dire en labsence de cadre deacutefini

(configuration du lieu dureacutee de la mission

nombre de sujets agrave prendre en charge etc

sont inconnus agrave lrsquoavance) Ceci neacutecessite de sa

part une capaciteacute dadaptation une souplesse

psychique dans son intervention ainsi qursquoun

cadre theacuteorique interne solide pour ne pas ceacute-

der nous mecircme agrave la panique ou au deacuteborde-

ment eacutemotionnel Le cadre theacuteorique solide

renvoyait surtout pour nous aux eacutecrits sur le

traumatisme et agrave ce qursquoon appelait alors la

victimologie

Pour illustrer ce propos je peux vous parler

drsquoune mission effectueacutee agrave Pointe Noire au Con-

go lorsque nous eacutetions chargeacutes avec un psy-

chiatre militaire de lrsquoeacutevaluation psychopatholo-

gique des ressortissants franccedilais en pleine

guerre civile (octobre 1997) Nous avons effec-

tivement ducirc nous adapter agrave lrsquoabsence de cadre

rassurant dans le sens ougrave nos deacuteplacements

eacutetaient extrecircmement limiteacutes en raison du con-

texte drsquoinseacutecuriteacute permanente marqueacute par des

tirs quotidiens drsquoarmes automatiques Il srsquoagis-

sait eacutegalement drsquoinventer des lieux de consulta-

tions et des modes drsquoapproches originaux pour

cette population bien souvent cloicirctreacutee dans les

appartements deacutevasteacutes par les milices armeacutees

Mais je souhaite citer drsquoautres situations moins

exceptionnelles afin de vous montrer agrave quel

point le psychologue dans ce travail drsquourgence

peut ecirctre ameneacute agrave reacutealiser des entretiens dans

des lieux inhabituels voire insolites comme agrave

bord drsquoun avion lorsque nous avons proceacutedeacute au

rapatriement des victimes du crash drsquoavion du

Seacuteneacutegal (en feacutevrier 1997) ou dans un car lors-

que nous avons accompagneacute les familles des

enfants victimes de lrsquoavalanche des Orres ou

encore dans un aeacuteroport lors de lrsquoaccueil de

populations reacutefugieacutees (du Congo ou du Kosso-

vo) ou dans une citeacute universitaire pour la prise

en charge des victimes drsquoattentats etc

Ici le psychologue doit ecirctre precirct agrave aller vers les

victimes sans attendre une demande de leur

part (drsquoautant plus que les personnes sont sou-

vent en eacutetat de choc de confusion de sideacutera-

tion etc) Alors rappelons-le que notre forma-

tion nous apprend plutocirct agrave travailler avec la de-

mande du patient comme principe inheacuterent agrave

la rencontre theacuterapeutique

Ensuite le psychologue est ameneacute agrave srsquointerro-

ger sur la position de neutraliteacute bienveillante

Alors que neutraliteacute signifie ne pas eacutemettre de

jugements de critiques de deacutesapprobation

nous voyons comment dans lrsquourgence le clini-

cien peut (je dirais mecircme doit) juger de lrsquoadap-

tation drsquoun comportement par exemple quitte agrave

deacutecider drsquoune hospitalisation ou drsquoun rapatrie-

ment En effet le psychologue doit savoir repeacute-

rer et informer les victimes des symptocircmes

psychopathologiques eacuteventuels favoriser la

demande de prise en charge theacuterapeutique ul-

teacuterieure si besoin est repeacuterer et orienter les

personnes les plus fragiles en faisant bien la

distinction entre eacutetat de stress aigu et entreacutee

potentielle dans une pathologie traumatique

Mecircme si ces fonctions de diagnostic drsquoeacutevalua-

tion drsquoorientation existent dans le cadre de

notre profession celles qui visent agrave informer agrave

lrsquoavance et agrave preacutevenir relegravevent habituellement

plutocirct de la speacutecificiteacute meacutedicale

Par ailleurs sur le terrain la position et latti-

tude du psychologue sont encore une fois un

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 17

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

peu particuliegraveres pour lui puisqursquoil doit assurer

une preacutesence rassurante contenante (voire

maternante au sens de Winnicott) apporter de

la chaleur et de lhumaniteacute Lrsquointervention drsquour-

gence se situe du cocircteacute du holding Ferenczi

en charge des soldats en prise avec des neacute-

vroses de guerre soulignait deacutejagrave ce pheacuteno-

megravene de reacutegression des patients les faisant re-

venir agrave un stade archaiumlque (en proie agrave des an-

goisses violentes et massives de destruction

morcellementhellip) et agrave des comportements in-

fantiles (ne plus savoir marcher perdre son

autonomie pour les besoins de la vie quoti-

dienne etc) Ici le traumatisme est externe et

agit par effraction physique et psychique deacute-

sorganisant les modaliteacutes deacutefensives habi-

tuelles On dit aussi que le traumatisme est en-

treacute par tous les pores de la peau et envahit

tous les sens (visuels olfactifs auditifs etc) Il

srsquoagit alors pour le psychologue drsquoexercer une

veacuteritable fonction de pare-excitation

drsquoenveloppe protectrice (Au sens de D Winni-

cott et de D Anzieu) fonction qui peut srsquoac-

compagner de gestes apaisants

Travailler dans ce type de dispositif ne srsquoimpro-

vise pashellip Ainsi le psychologue doit avoir reccedilu

une formation speacutecifique A lrsquoappui un nouvel

Extrait du code de deacuteontologie des psycho-

logues chapitre compeacutetences

Le psychologue tient ses compeacutetences de

connaissances theacuteoriques reacuteguliegraverement mises

agrave jour drsquoune formation continue et drsquoune forma-

tion agrave discerner son implication professionnelle

dans la compreacutehension drsquoautrui

Pour notre domaine drsquointervention la for-

mation porte avant tout sur

1 La clinique traumatique la symptomatologie

de la neacutevrose traumatique de lrsquoESPT mais

aussi de tous les eacutetats de deacutesorganisa-

tion aigus des comportements de panique col-

lective etc elle porte eacutegalement sur le fonc-

tionnement psychique entraveacute par le trauma

donnant lieu agrave des reacuteameacutenagements transi-

toires parfois tregraves eacuteloigneacutes drsquoune clinique clas-

sique

2 La dynamique de groupe un groupe pris

dans une catastrophe repreacutesente une enve-

loppe psychique groupale qui elle-mecircme peut

se trouver effracteacutee par la violence de lrsquoeacuteveacutene-

ment le collectif est alors briseacute et ne pourra

plus fonctionner comme avanthellip Que la prise

en charge soit groupale ou bien mecircme indivi-

duelle il est fondamental drsquoecirctre au clair avec

ces concepts de la clinique groupale

Nous venons de pointer les principales con-

naissances et compeacutetences neacutecessaires au

psychologue qui intervient dans lrsquourgence ou

dans des dispositifs de soins exceptionnels mis

en place suite agrave des eacuteveacutenements qui sortent de

lrsquoordinairehellip pour autant ce savoir-faire nrsquoa de

sens que srsquoil srsquoarticule avec un savoir-ecirctre

propre agrave la fonction habituelle du psychologue

2 LORSQUE LE SAVOIR-FAIRE REJOINT

LE SAVOIR-EcircTRE

Je poursuis ma lecture du code de deacuteontologie

(chapitre compeacutetences) le psychologue est

garant de ses qualifications particuliegraveres et deacute-

finit ses limites propres compte tenu de sa for-

mation et de son expeacuterience Il refuse toute in-

tervention lorsqursquoil sait ne pas avoir les compeacute-

tences requises Ainsi il doit savoir sil peut

assurer un soin immeacutediat dans lrsquourgence ou srsquoil

doit refuser ce type de mission en fonction de

ses limites personnelles et professionnelles de

sa vulneacuterabiliteacute (changeante au fil du temps et

de son histoire personnelle) de ses projections

eacuteventuelles

Il est inviteacute eacutegalement agrave repeacuterer et agrave connaicirctre

ses propres reacuteactions psychiques agrave leacutecoute de

ce type de patients de ce qui tient parfois de

lintoleacuterable savoir ou apprendre agrave repeacuterer

ses limites personnelles ses propres fan-

tasmes de sauveur ou ses mouvements

drsquoidentification agrave la victime crsquoest agrave dire ses

propres eacutelans contre-transfeacuterentiels Ces con-

naissances restent largement favoriseacutees par un

travail personnel au cours duquel le psycho-

logue a appris agrave ecirctre eacutecouteacute et par la mise en

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 18

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

place de supervision reacuteguliegravere

Dans le cadre de lrsquourgence meacutedico-

psychologique le psychologue est le seul agrave de-

voir se passer drsquoinstrument (pas de mateacuteriel

meacutedical ni de theacuterapeutique meacutedicamenteuse

ou encore de mateacuteriel technique reacuteserveacutes aux

meacutedecins infirmiers secouristes etc) De ce

fait comme lrsquoexprime Colette Chiland il devient

son propre instrument celui qui permet de

comprendre et drsquointervenir agrave mains nues

Lrsquooriginaliteacute de sa formation vient du travail sur

soi que le clinicien a effectueacute pour acqueacuterir

une certaine maicirctrise de lui-mecircme comme ins-

trument Autrement dit ce que le psychologue

met au service de lrsquoautre ce ne sont pas seule-

ment ses connaissances mais aussi son appa-

reil psychique sa psycheacute son fonctionnement

sa capaciteacute de ressentir de comprendre et

drsquoeacutelaborer Le savoir du clinicien devient un sa-

voir vivant incarneacute ougrave il paie de sa personne

Crsquoest principalement cette position qui le dis-

tingue drsquoun autre intervenant

Dans la clinique du traumatisme il est fonda-

mental de prendre conscience de ce qursquoon

eacuteprouve lors de lrsquoeacutecoute drsquoun blesseacute psychique

aux prises avec des pheacutenomegravenes drsquoeffractions

internes afin de ne pas ecirctre gouverneacute par des

reacuteactions non controcircleacutees dans la compreacutehen-

sion du patient et dans la reacuteponse qursquoon lui

donnera Nous voyons comment cette eacutecoute

ne peut se contenter drsquoun savoir plaqueacute elle

doit ecirctre au contraire un travail actif qui permet

des allers ndash retours entre probleacutematique per-

sonnelle et ressenti du patient sans que cette

premiegravere nrsquointerfegravere de maniegravere neacutegative Et

crsquoest bien en restant sensible et en acceptant

de le rester dans les limites que nous venons

de fixer que le sujet se sentira libre drsquoexprimer

eacutemotions penseacutees honteuses sentiments de

culpabiliteacute et drsquohumiliation inheacuterents agrave la dyna-

mique traumatique

Enfin nous le savons bien lrsquoeacutecoute srsquoexerce

dans un double registre ce qui est dit et ce qui

nrsquoest pas dit le contenu manifeste et le conte-

nu latent Ces dimensions concernent tout au-

tant le clinicien qui doit savoir se taire pour lais-

ser lrsquoautre parler et parler pour lui faciliter la pa-

role Dans notre contexte drsquourgence meacutedico-

psychologique le psychologue doit eacutegalement

chercher agrave eacutetablir petit agrave petit et degraves que pos-

sible une distinction entre fantasmes

(individuels) et eacuteveacutenements reacuteels (veacutecus par

tous) pour diffeacuterencier angoisse interne

(subjective) et peur (objective) des objets ex-

ternes

Il est ainsi un passeur agrave ce moment de frac-

ture dans lrsquohistoire du sujet Il fait alors le lien

entre le passeacute la bregraveche traumatique et la

reconstruction agrave venir

EN CONCLUSION

Dans un contexte hors du commun puisque

hors cadre et souvent hors demande il me

paraicirct essentiel de garder nos re-

pegraveres classiques de psychologue clinicien

Soulignons que nous restons pour le patient un

psychologue supposeacute savoir Dans cette cli-

nique deacuteroutante et violente bien entendu le

cadre interne tapisseacute de connaissances speacuteci-

fiques devient opeacuterant et garant de notre pro-

fessionnalisme Nous voyons finalement agrave quel

point la speacutecialisation est en partie incontour-

nable (mais comme pour tout autre type de cli-

nique les soins psychiques aupregraves de sujets

deacutependants en fin de vie de patients psycho-

tiques de nourrissons de familles de sans-

logishellip ne srsquoimprovisent pas drsquoavantage) sans

nous faire perdre de vue le socle de formation

commun qui nous reacuteunit et met en exergue la

speacutecificiteacute du Psychologue qui se caracteacuterise

bien par son orientation vers lrsquoeacutecoute qui prend

sens eacutecoute drsquoune parole drsquoun trajet drsquoune

rupture dans la continuiteacute discours drsquoun sujet

agent de son propre destin

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 19

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

Aider agrave penser limpensable en oncologie

Anna Elli Pardo Oncologie meacutedicale Hocircpital Saint-Louis

J ai commenceacute agrave travailler agrave lhocircpital

comme psychologue en oncologie agrave la fin

des anneacutees 80

Le contexte eacutetait diffeacuterent de maintenant

Deux choses mavaient beaucoup marqueacutee et

interpelleacutee

- le manque de prise en charge de la douleur

- lattitude qui consiste agrave cacher la maladie et

sa graviteacute aux patients

La douleur neacutetait pas une cible de laction theacute-

rapeutique elle avait une valeur diagnostique

supposeacutee sameacuteliorer avec les traitements de

la maladie sans une attention particuliegravere agrave son

traitement (1)

Le meacutedecin eacutetait perccedilu comme deacutetenteur dune

veacuteriteacute qui faisait loi

Voilagrave quelques propos quil neacutetait pas rare

dentendre de la part du meacutedecin au patient

Faites-moi confiance ne pensez agrave rien la chi-

miotheacuterapie cest mon problegraveme vous pensez

agrave gueacuterir on aura toujours une moleacutecule pour

vous soigner on va se battre

Au deacutecegraves du patient on pouvait entendre il

est mort mais en reacutemission

Et le meacutedecin sadressant agrave moi ne parlez

pas de la mort aux patients vous savez on a

deacutejagrave vireacute une psychologue

Plusieurs eacuteveacutenements vont faire eacutevoluer la meacute-

decine et son discours dans la prise en charge

du patient

Agrave la fin du XXegraveme siegravecle lOrganisation Mon-

diale de la Santeacute (circulaire du 19-1-1994) a

deacutefini comme prioriteacute la lutte contre la dou-

leur

La creacuteation des eacutequipes anti-douleur sera un

eacuteveacutenement important ainsi que la recherche de

nouveaux antalgiques Lrsquoeacutevolution de cette

prise en charge va se reacutepandre en canceacuterolo-

gie et dans la meacutedecine en geacuteneacuteral

Les premiers Eacutetats Geacuteneacuteraux de la Ligue

contre le Cancer ont donneacute la parole aux pa-

tients il y a eu une demande de psychologues

dans les services pour une prise en compte de

la deacutetresse psychique

Le Plan Cancer en 2006 va donner des direc-

tives qui reacuteglementent aujourdhui la consulta-

tion dannonce et les soins de supports

La psycho-oncologie neacutee aux Eacutetats-Unis arrive

aussi en Europe et cest en 1994 quest creacuteeacutee

la Socieacuteteacute Franccedilaise de Psycho-Oncologie

(SFPO)

Son but est de deacutevelopper des outils des meacute-

thodes pour deacutepister et ainsi traiter preacutecoce-

ment les risques des difficulteacutes psychologiques

Elle sinscrit dans une approche bio-psycho-

sociale de la maladie canceacutereuse La speacutecifici-

teacute nest pas la prise en compte de la subjectivi-

teacute du patient mais ladaptation de celui-ci aux

diffeacuterentes situations traverseacutees pendant la ma-

ladie Cette discipline qui eacutetudie les attitudes

psychologiques et eacutemotionnelles survenant

pendant la maladie canceacutereuse pourrait laisser

croire quil y a des reacuteactions speacutecifiques agrave cette

maladie Son approche est de plus en plus co-

gnitivo-adaptative avec protocoles reacutefeacuterentiels

deacutemarche qualiteacute

Dans le champ de la psycho-oncologie on

trouve le terme de psycho-oncologue

Ce mot est utiliseacute de faccedilon un peu anarchique

on y trouve le psychologue le psychiatre mais

aussi dautres professionnels intervenant au-

pregraves des malades et de leur famille Ce nest

pas parce que nous avons quelques connais-

sances en oncologie que nous pouvons utiliser

ladjectif oncologue

Ce terme peut ecirctre source de confusion il ne

deacutefinit pas notre speacutecificiteacute et il me paraicirct aussi

seacutegreacutegatif dune pathologie

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 20

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

Cest pour cela que nous voulons garder le

terme de psychologue clinicien

Dans ce mot il y a la dimension clinique cest agrave

dire lobservation du patient agrave son chevet

Mon travail consiste agrave accompagner soutenir

le patient dans ce parcours difficile quil entre-

prend avec la maladie

Le cancer produit un remaniement identitaire

pour le sujet ce qui neacutecessite de lui offrir un

espace de parole

Cest la psychanalyse qui de mon point de vue

offre les meilleurs outils pour travailler la cli-

nique du reacuteel Cest avec notre propre parcours

analytique que nous psychologues pouvons

bien prendre en compte la dimension incons-

ciente propre agrave lhumain

Je ne me situe donc pas dans le champ de la

psycho-oncologie au discours trop normatif

Notre clinique dans un service dhospitalisation

Cest agrave tout stade deacutevolution de la maladie

quun travail theacuterapeutique peut se mettre en

place avec le psychologue

On a beaucoup parleacute du dispositif dannonce

annonce du diagnostic visant agrave assurer agrave la fois

une bonne administration du soin et son

humanisation

Ces consultations cherchent agrave atteacutenuer limpact

traumatique Il est proposeacute au patient de ren-

contrer un psychologue

Il nest pas rare que le patient me dise ils ne

se rendent pas compte il y a trop dinforma-

tions drsquoun seul coup je nai pas encore reacutealiseacute

que jai un cancer et on me parle de perruque

pour la perte des cheveux de dieacuteteacuteticien de

psy mais je nen suis pas lagrave moi

Pour les patients cest la deacutecouverte brutale du

diagnostic puis le choc des traitements Nous

savons que le temps psychique nest pas le

temps meacutedical et que dans cette clinique cest

au cas par cas que nous pouvons intervenir ce

qui est traumatique pour un patient ne lest pas

pour un autre

Un patient me disait reacutecemment le cancer

menvahit je ne pense quagrave ccedila je ne peux plus

lire regarder un film il est omnipreacutesent Voilagrave

une description du reacuteel

Il sagit de faire entendre agrave une eacutequipe meacutedi-

cale tourneacutee plus vers la maladie que vers le

malade et ce dans une organisation tregraves tech-

nique et de plus en plus sophistiqueacutee la neacuteces-

siteacute de prendre en compte la subjectiviteacute du pa-

tient dans un espace qui en paraicirct deacutepourvu

La demande de leacutequipe vis agrave vis du psy peut

correspondre agrave une demande de compliance

au traitement que le patient refuse elle sou-

haite aussi souvent que le psy reacuteconforte le pa-

tient agrave qui on a donneacute une mauvaise nouvelle

Comme dit Jeacuterocircme Alric dans son article Qui

eacutecoute quoi la sphegravere psychologique de-

vient une fonction constituante de la personne

globale au mecircme titre que la sphegravere digestive

dermatologique et dont il faut soccuper (2)

Au psychologue de faire valoir aupregraves du pa-

tient lintention de lui donner une place pour

entendre et faire entendre sa position subjec-

tive

Souvent je suis interpelleacutee par les soignants

dans des situations de deacutetresse par exemple

quand les antalgiques se reacutevegravelent inefficaces

ou sont refuseacutes Dans les entretiens les pa-

tients deacuteplient leur histoire leur roman fami-

lial La douleur physique se mecircle agrave la souf-

france psychique

Une patiente qui avait un cancer du sein avec

des meacutetastases osseuses me disait jai mal

lagrave en me montrant sa poitrine

Je lui avais demandeacute si elle en avait parleacute au

meacutedecin

Elle me reacutepondit en me regardant droit dans les

yeux cette douleur-lagrave le meacutedecin ne peut

pas me la soigner cest lhistoire avec mon ma-

ri qui me fait mal Celui-ci lavait quitteacutee et elle

se retrouvait seule avec son jeune fils

En quelques mots elle avait situeacute ce qui la fai-

sait souffrir au-delagrave des localisations meacutetasta-

tiques Elle savait faire la diffeacuterence entre le

physique et ce qui venait lagrave sajouter agrave sa

propre histoire douloureuse

Comme dit Clavreul dans Lordre meacutedical la

souffrance renvoie le sujet qui leacuteprouve agrave son

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 21

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

fantasme cest-agrave-dire agrave sa propre histoire et au

discours quil peut tenir sur son histoire Il y a

un seul discours qui se tienne sur la souf-

france et cest celui de la personne qui

leacuteprouve (3)

Un patient encore reacutecemment me disait ne pas

vouloir devenir grabataire comme son pegravere

Il seacutetait occupeacute de lui depuis son plus jeune

acircge il poussait la chaise roulante dans ses deacute-

placements il eacutetait sa beacutequille Mon patient ar-

riveacute en fin de vie voudra jusqursquoau bout se deacute-

placer aux toilettes et rester indeacutependant dans

les gestes du quotidien

Aux soignants qui ne comprenaient pas pour-

quoi il sobstinait agrave vouloir faire tout seul des

gestes devenus si difficiles il a fallu dire sans

reacuteveacuteler le pourquoi combien ceacutetait important

pour le patient de garder cette indeacutependance

Ceacutetait pour lui sa digniteacute sa liberteacute sa volonteacute

Je voudrais mettre laccent sur la singulariteacute de

ces rencontres avec des patients deacutejagrave tregraves gra-

vement atteints et qui degraves le premier entretien

se saisissent de cette possibiliteacute de parole

Il y a la douleur et lautre versant de la souf-

france langoisse

Monsieur O est un patient algeacuterien qui a eacuteteacute

opeacutereacute drsquoun cancer du poumon Avant linterven-

tion chirurgicale il se sentait precirct agrave affronter

cette eacutepreuve cest apregraves quil a senti ses

forces diminuer Jai changeacute je ne suis plus le

mecircme quavant en fait je crois que je nai pas

accepteacute lopeacuteration Il dit regretter il aurait preacute-

feacutereacute vivre avec son cancer il serait mort avec

Ce qui semble bouleverser ce patient nest pas

tant la maladie en elle-mecircme que ses conseacute-

quences Avec ce bout de corps quon lui a reti-

reacute cest aussi toute une part de lui qui semble

partie

Leacutepreuve du cancer entraicircne toujours une at-

teinte de linteacutegriteacute corporelle

Ce corps qui est traiteacute par le meacutedical de faccedilon

organique biologique revient souvent dans le

discours des patients Ce qui eacutemerge cest

lhorreur des amputations des meacutetastases qui

se reacutepandent agrave linteacuterieur du corps mais aussi

ce qui se donne agrave voir agrave toucher Un corps en-

dommageacute que le patient a du mal agrave reconnaicirctre

comme le sien qui se bouche qui enfle qui

eacutetouffe

Le corps peut devenir un objet agrave controcircler per-

seacutecuteur qui nest plus investi de deacutesir Cette

parole descriptive du corps peut prendre toute

la place dans le discours du patient avant que

quelque chose du subjectif nrsquoapparaisse

Cest dans un deuxiegraveme temps que Monsieur

O apregraves avoir exprimeacute limpossibiliteacute daccep-

ter cette perte anatomique ndash une partie du pou-

mon ndash pourra associer sur dautres pertes qui

viennent sintriquer entre passeacute et preacutesent

Langoisse de mort est tregraves freacutequente dans

cette pathologie dans les entretiens il ne sagit

pas de viser directement ce que nous pensons

ecirctre lobjet de cette angoisse mais de soutenir

dans la conversation les deacutetours de cette indi-

cible

Lintervention aupregraves de la famille nest pas

rare

Monsieur L 63 ans a un cancer de la vessie et

il est deacutecrit par leacutequipe soignante comme tregraves

exigeant et peacutenible Je deacutecide daller me preacute-

senter

Il me fait une description assez preacutecise de sa

maladie qui a deacutebuteacute il y a quelques mois Je

lui demande ce quil pense lui de tout ccedila Il me

regarde attend plusieurs secondes et me reacute-

vegravele que sa femme a une maladie heacutematolo-

gique agrave surveiller et quil sinquiegravete beaucoup

pour elle Ils nont pas denfant Il ajoute que

dans le service on ne lui fait pas grand-chose

son eacutetat ne srsquoameacuteliore pas quil serait mieux

avec sa femme En mecircme temps elle ne peut

pas soccuper de lui agrave la maison Il part dans

un SSR (soins de suite et de reacuteeacuteducation)

Quelques semaines apregraves il revient dans le

service et il demande agrave me voir Il va ecirctre tregraves

direct On vient de lui parler de son mauvais

pronostic agrave court terme il veut que je le ren-

contre avec sa femme Il me dit Elle deacuteprime

Si je meurs elle va se laisser mourir Pour moi

cest insupportable Effectivement sa femme

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 22

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

est tregraves deacuteprimeacutee affaiblie par sa maladie

mais elle accepte de voir son geacuteneacuteraliste et

prendre un traitement On lui trouve un heacuteber-

gement agrave la Maison des Parents pour lui eacuteviter

lrsquohocirctel Elle sera sur place pour voir son mari

elle pourra eacutechanger avec les familles heacuteber-

geacutees agrave la Maison des Parents Petit agrave petit elle

tisse des liens Son mari deacutecline rapidement je

la vois dans la chambre elle me parle de lui

des choses quils aimaient faire ensemble Elle

est calme rassureacutee par la preacutesence de

lrsquoeacutequipe Apregraves la mort de son mari nous nous

sommes revues puis teacuteleacutephoneacute et rapidement

elle prend la deacutecision de deacutemeacutenager agrave Annecy

pregraves dune amie Elle aura un suivi heacutematolo-

gique lagrave-bas

Jai souvent penseacute agrave cet homme dont le dis-

cours eacutetait centreacute sur la plainte et qui a changeacute

rapidement de registre agrave partir du moment ougrave

on a pris en compte sa souffrance et soutenu

sa femme aupregraves de lui

Dans notre travail il me paraicirct important de

rendre compte aux eacutequipes de nos interven-

tions pour permettre aux soignants des eacuteclair-

cissements sur la souffrance psychologique

des patients Cela peut permettre un change-

ment de rapport soignant-patient dans des si-

tuations ougrave le patient par langoisse sous-

jacente se montre peacutenible pour lrsquoeacutequipe voire

agressif agrave son eacutegard

Toujours pour ce qui concerne la famille une

reacuteelle eacutevolution a eacuteteacute la prise en compte des

enfants du patient Degraves le diagnostic et tout le

long de la maladie une attention particuliegravere de

la part de leacutequipe permet deacuteviter les situations

dramatiques que lon rencontrait dans le pas-

seacute lorsque lenfant deacutecouvrait la graviteacute de la

maladie du parent la veille de la mort de celui-

ci sans avoir eu la possibiliteacute de sy preacuteparer et

den parler

Pour conclure je dirai que la science et la tech-

niciteacute ont beaucoup eacutevolueacute agrave lhocircpital mais quil

y a eu peu de changement du cocircteacute de la prise

en compte meacutedicale de la dimension subjective

des patients

On est passeacute dune prise en charge de la dou-

leur qui eacutetait nieacutee agrave des situations parfois de

surmeacutedicalisation La meacutedecine malgreacute ses

progregraves consideacuterables ne peut pas soulager

toute les douleurs et encore moins de faccedilon

systeacutematique et protocolaire Elle doit tenir

compte de la singulariteacute de chaque patient

De mecircme sil y a encore une vingtaine dan-

neacutees on ne donnait pas suffisamment dinfor-

mations meacutedicales sur la maladie et le devenir

du patient on est passeacute aujourdhui agrave un trop

dinformations dans loptique de dire la veacuteriteacute

au malade et de le preacuteparer sur le chemin de

sa fin de vie

Il nest pas rare que je rencontre un patient agrave

qui on a asseneacute une veacuteriteacute meacutedicale quil ne

voulait pas entendre Pour le patient il sagit de

pouvoir se deacuteprendre de ce savoir meacutedical qui

peut venir empecirccher toute penseacutee le cristalli-

ser dans une angoisse de mort et entraicircner le

sujet vers une mort psychique avant la mort

reacuteelle

Nous sommes lagrave pour partager ce temps avec

lui ce temps qui est incertain et qui permet au

sujet davoir des interrogations exprimer des

affects

Le psychologue dorientation analytique peut

apporter agrave ses eacutequipes un eacuteclairage des situa-

tions

Une collaboration avec les meacutedecins est agrave en-

courager encore faut-il que les meacutedecins puis-

sent prendre le temps et donc se deacutetacher

dune pure gestion des soins pour penser et

analyser leur pratique

1 Baszanger I 1995 Douleur et meacutedecine La

fin dun oubli Le Seuil

2 Alric J 2004 Qui eacutecoute quoi Essai de

repeacuterage de deux postures deacutecoute possible agrave

lhocircpital Eregraves in Collectif sous la direction de

Patrick Ben Soussan Le cancer approche psy-

chodynamique chez ladulte

3 Clavreul J 1978 LOrdre meacutedical Paris Le

Seuil

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 23

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

Modeacuterateur Franccediloise Adriansen CA de Psyclihos

gt Le psychologue entre les lignes des textes

officiels

Nadine Labbeacute Hocircpital Cochin Page 24

gt Titre de psychotheacuterapeute si vous avez man-

queacute le deacutebuthellip

Virginie Rocard Hocircpital Sainte Peacuterine Page 32

gt Psychotheacuterapeute agrave quel titre

Patrice Nomineacute Hocircpital Fernand Widal Page 43

Loi HPST titre de psychotheacuterapeutehellip

Quels changements pour le meacutetier de

psychologue

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 24

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

Le psychologue entre les lignes des textes officiels

Nadine Labbeacute Hocircpital Cochin

V ingt ans se sont eacutecouleacutes depuis la creacutea-tion de Psyclihos Depuis de nombreux rapports textes officiels ont eacuteteacute diffuseacutes

qui concernent la santeacute dune maniegravere geacuteneacute-rale et plus particuliegraverement la santeacute mentale Quelle place nous psychologues avons-nous dans ces eacutecrits De fait lorsque lon interroge la bibliothegraveque des rapports publics sur le site de la Documen-tation franccedilaise sur le terme Psychologue on saperccediloit que seule une liste constitueacutee dune petite cinquantaine de reacutefeacuterences apparaicirct un peu plus toutefois que pour le terme psychiatre qui apparaicirct dans 47 rapports mais beaucoup moins que celui dinfirmier qui apparaicirct dans 121 rapports Jai choisi parmi ces textes ceux qui mont sem-bleacute les plus significatifs dune certaine image du psychologue vu par les politiques ou ladmi-nistration Je vais maintenant vous preacutesenter cette compilation dextraits dans un ordre chro-nologique Lun des premiers rapports qui cite les psycho-logues porte sur les Strateacutegies drsquoutilisation des antiretroviraux dans lrsquoinfection par le VIH en 1998 Il affirme Le soutien par les psy-chologues est lune des pratiques diverses des services hospitaliers qui meacuteritent drsquoecirctre deacuteve-loppeacutees La mecircme anneacutee un rapport sur les Uniteacutes agrave encadrement eacuteducatif renforceacute et leur ap-port agrave lheacutebergement des mineurs deacutelin-quants fait agrave la demande de lInspection Geacuteneacute-rale des Affaires Sociales preacuteconise Afin de preacutevenir lusure des eacutequipes et aussi de leur apporter une certaine capaciteacute de recul il faut mettre en place des proceacutedures de soutien au moment des crises et de supervision dans les-quelles le recours au psychologue simpose En 2000 un rapport au Premier ministre Lionel Jospin Pour une nouvelle politique publique

daide aux victimes fait le constat suivant Pour le reacuteseau de lINAVEM (Feacutedeacuteration natio-nale daide aux victimes et de meacutediation qui comprend 150 associations) les emplois de psychologue repreacutesentent seulement 9 des emplois salarieacutes Cet aspect pourtant fonda-mental de laide aux victimes nest pas suffi-samment deacuteveloppeacute En 1994 lintervention dun psychologue con-cernait environ un quart des associations daide aux victimes Le rapport propose la creacuteation de centres daide pour enfant-adolescent et adulte com-prenant obligatoirement des psychologues cli-niciens Des groupes de parole et deacutecoute pour en-fants victimes seraient animeacutes par des psycho-logues scolaires ayant suivi une formation speacute-cifique ou des psychologues cliniciens exteacute-rieurs Le projet dinteacutegration de psychologues clini-ciens dans les milieux scolaires semble alors ecirctre au cœur de la nouvelle politique publique daide aux victimes Une politique ambitieuse sur le papier hellip Les suites don-neacutees agrave ce rapport ont eacuteteacute la creacuteation dun numeacutero national daide aux victimes en 2001

Pourtant en 2000 on sinteacuteresse beaucoup agrave nous le rapport du Haut comiteacute de la santeacute pu-blique sur la souffrance psychique des ado-lescents et des jeunes adultes consacre un paragraphe au rocircle du psychologue dans le chapitre intituleacute Lrsquoinstitution scolaire Bilan en CM2 Il est eacutecrit

Le recours agrave un psychologue dans le milieu scolaire est pratiquement limiteacute aux tests drsquoorientation Lrsquoabsence de psychologue dans le secondaire semble faire partie de cette mau-vaise image de la psychiatrie qui persiste dans le grand public Le regard drsquoun psychologue exteacuterieur agrave lrsquoeacuteta-blissement dans des reacuteunions reacuteguliegraveres de synthegravese et de concertation peut ecirctre preacutecieux

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 25

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

Ces contacts auraient de plus lrsquoavantage de relier les prises en charge de situations diffi-ciles entre lrsquointeacuterieur et lrsquoexteacuterieur des eacutetablisse-ments et de faire se connaicirctre les profession-nels des diffeacuterentes structures Ainsi 20 des adolescents pensent avoir be-soin de consulter un psychologue mais 137 disent avoir renonceacute du fait de difficulteacutes finan-ciegraveres Toujours en 2000 au colloque sur lrsquoEnfance maltraiteacutee la Ministre deacuteleacutegueacutee agrave lrsquoEnfance et agrave la famille reacuteclame Un psy pour chaque enfant Dans son second rapport Claire Brisset la deacute-fenseure des enfants sinteacuteresse eacutegalement au rocircle des psychologues et agrave leur formation Pour elle les psychologues souffrent depuis longtemps dun problegraveme didentiteacute du fait dune reconnaissance tardive de leur profes-sion et de lexistence de plusieurs types de psychologues recruteacutes agrave des niveaux deacutetudes diffeacuterents en reacutefeacuterence aux psychologues sco-laires et conseillers dorientation- psycho-logues La Deacutefenseure des Enfants propose d -Institutionnaliser les psychotheacuterapies den-fants et dadolescents par des psychologues cliniciens sur prescription du psychiatre et rembourseacutees par la Seacutecuriteacute sociale De la mecircme faccedilon quun meacutedecin speacutecialiste prescrit des seacuteances de kineacutesitheacuterapie qui sont alors rembourseacutees par la seacutecuriteacute sociale un psychiatre aussi bien dans le public que dans le priveacute doit pouvoir prescrire des theacuterapies effectueacutees par un psychologue clinicien Cette mesure qui se pratique deacutejagrave dans cer-tains pays europeacuteens comme lAllemagne ne peut ecirctre mise en place quaux conditions sui-vantes - quune formation homogegravene de psychologie clinique sanctionneacutee par un diplocircme unique soit organiseacutee - que cette formation permette dacceacuteder agrave un nouveau statut de psychologue clinicien recon-nu par lensemble des administrations concer-neacutees - que cette formation soit agrave la fois theacuteorique et pratique Cette reacuteforme permettrait de - mieux utiliser les compeacutetences des nombreux psychologues qualifieacutes actuellement deacutepour-vus dun emploi agrave temps plein ou contraints faute de poste dexercer dautres meacutetiers

Dans cette hypothegravese le psychiatre aurait le rocircle danimateur de leacutequipe soignante et de supervision des psychotheacuterapies meneacutees par les psychologues cliniciens En outre un tel scheacutema devrait pouvoir sappli-quer non seulement dans les structures pu-bliques mais aussi dans le secteur libeacuteral Les psychologues cliniciens peu nombreux en libeacute-ral pourraient alors sinstaller en cabinet (au mecircme titre que les infirmiegraveres ou les masseurs kineacutesitheacuterapeutes) En ce deacutebut des anneacutees 2000 les politiques sinteacuteressent beaucoup aux questions relatives agrave la santeacute en juillet 2000 Martine Aubry alors ministre de lemploi et de la solidariteacute confie aux Drs Piel et Roelandt une mission de reacute-flexion et de prospective dans le domaine de la santeacute mentale qui donnera lieu un an plus tard agrave un rapport intituleacute De la psychiatrie vers la santeacute mentale Un rapport dans lequel on parle peu des psychologues si ce nest pour dire que leur formation est insuffisante et quun internat en psychologie est neacutecessaire ce dont on reparlera beaucoup dans les anneacutees sui-vantes En aoucirct 2001 Psyclihos travaille sur le 1

er rap-

port deacutetape du groupe de travail de la DGS sur leacutevolution des meacutetiers en santeacute mentale Des psychologues de toute la France choqueacutes et inquiets se reacuteunissent au sein du Collectif Na-tional des Psychologues de la FPH Les me-sures preacuteconiseacutees par le 2

egraveme rapport deacutetape

paru en janvier 2002 mettent le feu aux poudres Pour rappel le rapport insiste sur le deacuteveloppement des reacuteseaux de santeacute la mise en place de proceacutedures de protocoleshellip Et surtout il preacutevoit des niveaux dintervention hieacuterarchiseacutes avec des intervenants de 1

egravere

ligne des professionnels de soins primaires et des intervenants speacutecialiseacutes et deacutejagrave des glisse-ments de compeacutetences vers les infirmiers et les meacutedecins geacuteneacuteralistes Il est agrave nouveau question de transfert de com-peacutetences en 2003 avec le rapport Berland sur la deacutemographie des professions de santeacute au titre eacuteloquent Coopeacuteration des professions de santeacute le transfert de tacircches et de compeacute-tences Le chapitre qui nous concerne sinti-tule Un transfert de compeacutetences en psychia-trie difficile agrave organiser Le Pr Berland eacutecrit Les auditions que jai pu mener lors de la mis-

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Quels changements pour le meacutetier de psychologue

sion deacutemographie des professions de santeacute et les eacutechanges que jai pu avoir avec les psy-chiatres ont reacuteveacuteleacute de reacuteelles difficulteacutes agrave envi-sager le transfert de compeacutetences dans le champ de cette speacutecialiteacute En effet si certains professionnels considegraverent souhaitable la mise en perspective de collaborations organiseacutees avec les psychologues cliniciens dautres la trouvent inutile ou non souhaitablehellip Il est neacute-cessaire denvisager la part de lactiviteacute aujour-dhui assureacutee par les psychiatres qui doit ecirctre confieacutee en toute collaboration agrave des psychologues praticiens formeacutes agrave la fois par les faculteacutes de psychologie et les faculteacutes de meacutedecine pour construire ce nouveau meacutetier qui reacutepond agrave un besoin clairement identifieacute Au mecircme moment est diffuseacute le rapport Cleacutery Melun intituleacute Plan dactions pour le deacutevelop-pement de la psychiatrie et la promotion de la santeacute mentale qui reprend les principales pro-positions des rapports preacuteceacutedents par ex con-cernant la reacuteorganisation des soins en psychia-trie Concernant la formation des psycho-logues Ces formations sont tregraves diverses sui-vant les universiteacutes certaines eacutetant speacuteciali-seacutees dans la psychanalyse ce qui aboutit agrave des formations mono reacutefeacuterenceacutees Il en va de mecircme des stages qui sont souvent difficiles agrave trouver et ne permettent pas toujours dassister aux entretiens avec les patients Enfin dans un contexte de plus en plus seacutelectif les examens theacuteoriques et formels prennent le pas sur lac-complissement dun stage et lobtention dune formation clinique Il poursuit Les psychologues souhaitent eux-mecircmes faire progresser cette situation Ils se sont doteacutes dun code de deacuteontologie qui pose des prin-cipes clairs notamment au regard de leur for-mationhellipAvec un stage qui doit correspondre agrave leacutequivalent dun internat en psychologie dont la dureacutee ne devrait pas ecirctre infeacuterieure agrave 2 se-mestres et dont le contenu devrait faire lobjet dune validation finale Toujours en 2003 il faut un rapport eacutecrit par une psychologue pour que le terme soit citeacute 97 fois soit presque dans une page sur deux Cest le rapport de Marie de Hennezel sur Fin de vie le devoir daccompagnement Elle preacuteconise une preacutesence renforceacutee de psy-chologues dans tous les services sensibles

Pour favoriser le maintien agrave domicile des per-sonnes elle demande que lrsquoon eacutetudie la possi-biliteacute drsquoun financement drsquoun forfait de 3 agrave 5 seacuteances avec un psychologue pour un accom-pagnement de fin de vie sur le modegravele de ce qui est proposeacute dans le plan cancerElle de-mande la creacuteation dau moins un mi-temps de psychologue pour chaque service confronteacute agrave la fin de vie des patients Pour elle la Formation universitaire du psycho-logue ne le preacutepare pas neacutecessairement agrave la confrontation avec la mort drsquoautrui et son cor-tegravege drsquoangoisses et de fantasmes Elle ajoute Crsquoest la raison pour laquelle nous estimons qursquoune formation compleacutementaire personnelle (psychanalyse) ou une formation dans le cadre drsquoun DU de soins palliatifs ou drsquoun stage drsquoune semaine au moins dans une uniteacute de soins palliatifs (USP) doit lui permettre d lsquoeacutevaluer srsquoil est precirct ou non agrave travailler dans un service confronteacute agrave la mort des patients srsquoil peut accueillir sans trop drsquoangoisse celles des autres patients familles soignants Pour les psychologues de ville elle pose la question drsquoun conventionnement de la profes-sion puisque seuls les psychologues libeacuteraux inteacutegreacutes dans un reacuteseau (dans le cadre drsquoun groupement de coopeacuteration sanitaire) et reacutemu-neacutereacutes agrave la vacation sont pris en charge par lrsquoassurance maladie Elle ajoute Cela limite consideacuterablement lrsquooffre drsquoaide psychologique agrave domicile En mars 2005 la Commission Peacuterinataliteacute en-fants et adolescents recommande le renforcement des eacutequipes de materniteacute en psychologues dans le but de Mieux prendre en charge la santeacute mentale et les troubles psy-chiatriques de la megravere etou du couple En 2005 le rapport Santeacute justice et dange-rositeacutes pour une meilleure preacutevention de la reacutecidive eacutevoque les formations initiale et conti-nue des psychologues dans le domaine meacutedico-leacutegal qui devraient ecirctre renforceacutees afin de mieux prendre en consideacuteration les probleacutema-tiques relatives agrave la dangerositeacute psychiatrique dans la pratique clinique et la mise en oeuvre de lrsquoexpertise peacutenale Le rapporteur revendique la possibiliteacute pour les psychologues drsquoassurer le suivi du condam-neacute et demande laugmentation des effectifs des services peacutenitentiaires drsquoinsertion et de proba-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 27

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

tion notamment par lrsquointeacutegration de psycho-logues au sein des eacutequipes Dans son rapport sur Le fonctionnement des services dinformation et dorientation lIns-pection geacuteneacuterale de lEducation nationale re-met largement en question le statut des con-seillers dorientation-psychologues Des divergences de vues interviennent sou-vent entre ceux qui sont issus de la psycholo-gie essentiellement clinique et les autres qursquoils aient eacutetudieacute la psychologie du travail ou la so-ciologie lrsquoeacuteconomie le droit lrsquohistoire ou la phi-losophie Lrsquoouverture drsquoesprit des seconds aux questions du marcheacute de lrsquoemploi ou mecircme aux perspec-tives de deacutecentralisation est freacutequente Les psychologues cliniciens semblent plus autocen-treacutes individualistes voulant se concentrer sur leur pratique au jour le jour de conseil et drsquoac-compagnement des individus deacutesireux drsquoap-porter des solutions au cas par cas(sic ) Lrsquoeacutevolution de la profession qui a gagneacute le titre de psychologue en 1991 va dans le sens drsquoune eacutemancipation tout agrave fait eacutetonnante Les COPsy constituent un cas singulier drsquoexercice libeacuteral au sein mecircme de la fonction publique Ils nrsquoont en fait de comptes agrave rendre agrave personne lrsquoautori-teacute des directeurs est purement formelle (hellip) Et comble les conseillers ne sont pas inspecteacutes() Le rapport propose de scinder le corps des COPsy avec dun cocircteacute des psychologues de lenseignement secondaire et de lautre des conseillers dinformation et dorientation Les missions des psychologues de leacuteducation seraient centreacutees sur le deacutepistage et lexamen des eacutelegraveves pour lesquels on craint une inadap-tation la preacutevention des deacutecrochages la preacute-vention des conduites addictives en lien avec le personnel meacutedico-social leacutecoute un premier accompagnement dans les cas de profondes souffrances psychologiques le lien avec les services exteacuterieurs hellip Dans les eacutetablissements les psychologues complegraveteraient et renforceraient leacutequipe eacutedu-cative et meacutedico-sociale Pour lIGEN il est manifeste que les conseil-lers drsquoorientation-psychologues nrsquoont ni le temps ni les compeacutetences ni les moyens de faire face seuls agrave lrsquoensemble des missions que les usagers (au sens large du terme) pour-raient attendre drsquoeux Si beaucoup de responsables ministeacuteriels re-

grettent fortement lappellation de psycho-logues du statut de 1991 il faut reconnaicirctre que peu de personnels souhaitent labrogation totale de cette appellation y compris parmi ceux qui ont eacuteteacute recruteacutes avant 1990 sans avoir fait deacutetudes initiales de psychologie Il convient aussi de signaler quil y a unanimiteacute pour consideacuterer quon ne peut pas faire de psy-chologie clinique ou theacuterapeutique dans les eacutetablissements Tous pensent mecircme que cest impossible En fait en 1991 il aurait fallu creacuteer par la loi un statut de conseiller qui existe dans dautres pays Pour autant les auteurs concluent que la ques-tion de labrogation du statut de psychologue a eacuteteacute poseacutee mais ils ont consideacutereacute que ce neacutetait pas opportun dans le contexte actuel Mais le recrutement doit ecirctre diversifieacute Il srsquoagit de mettre un terme au monopole des li-cencieacutes en psychologie qui de lrsquoavis de la grande majoriteacute de nos interlocuteurs et notam-ment de lrsquoencadrement des services drsquoorienta-tion et des formateurs nrsquoest nullement imposeacute par lrsquoexercice des missions et a reacuteduit la diver-siteacute intellectuelle qui caracteacuterisait le corps avant 1991 En outre le poids excessif des li-cencieacutes en psychologie a favoriseacute des attitudes drsquoindividualisme et de repli au deacutetriment des autres facettes de la profession Dans le rapport fait au nom de la mission dinformation sur la famille et les droits de lenfant en 2006 Valeacuterie Peacutecresse et Patrick Bloche recommandent de faire prendre en charge par lassurance-maladie les consulta-tions des mineurs et de leur famille aupregraves de psychologues sur prescription meacutedicale afin dameacuteliorer la prise en charge des enfants et de leur famille On reparle encore de formation des psycho-logues en 2006 avec le rapport de la mission parlementaire de Jean-Paul GARRAUD sur la dangerositeacute Il comprend un chapitre impor-tant relatif agrave lexpertise psychologique et au psychologue expert on eacutetait agrave leacutepoque en pleine affaire dOutreau Il souligne encore une fois lrsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute des diplocircmes tous les psy-chologues ne suivent pas une formation en psychopathologie clinique et peuvent avoir des formations theacuteoriques tregraves diverses Il conviendrait de redeacutefinir le champ drsquointerven-tion des psychologues fondeacute sur leur qualifica-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 28

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

tion professionnelle et drsquoenvisager les possibili-teacutes de lrsquoarticulation de leurs expertises avec celles effectueacutees par les psychiatres Organiser une confeacuterence de consensus sur lrsquoexpertise psychologique afin de reacutefleacutechir sur les objectifs et les limites des expertises psy-chologiques lrsquoidentiteacute lrsquoeacutethique et la deacuteontolo-gie des experts leur solitude ainsi que sur les modaliteacutes pertinentes de reacutealisation des exper-tises et de leur eacutevaluation Ceci est resteacute un vœu pieux agrave ce jour hellip Il revendique Une plus grande qualification des formations des psychologues Outre une maturiteacute professionnelle une forma-tion particuliegravere est neacutecessaire (connaissance des diffeacuterents types et champs drsquoexpertise des proceacutedures judiciaires aspects criminolo-giques deacuteontologiqueshellip) Cette speacutecialisation pourrait deacutecouler drsquoun cur-sus post-universitaire en psychologie clinique et pathologique agrave lrsquoexemple des DU sur la pratique de lrsquoexpertise psychologique ou la psy-chologie leacutegale (Universiteacute Lille Aix-Marseille Rouen Poitiershellip) En 2007 les psychologues sont les stars du rapport de lIGAS consacreacute agrave Gestion et utili-sation des ressources humaines dans 6 eacuteta-blissements de santeacute speacutecialiseacutes en psy-chiatrie le terme psychologue apparaicirct 224 fois Les reacuteveacutelations sont lagrave encore fracassantes Il faut adapter le statut et le cursus de forma-tion et de carriegravere des psychologues pour mieux utiliser leurs compeacutetences et les inteacutegrer dans les eacutequipes Les problegravemes de peacutenurie de psychiatres doivent ecirctre anticipeacutes par une seacuterie de mesures - augmenter les attributions des psychologues en leur permettant dans certains cas deffec-tuer des actes jusque lagrave reacuteserveacutes aux meacutede-cins - ouvrir une formation de manager de structure psychiatrique agrave des cadres intermeacutediaires type cadre supeacuterieur de santeacute psychologue cadre socio-eacuteducatif Il serait possible douvrir le concours de cadre supeacuterieur de santeacute agrave dautres professions soi-gnantes psychologues eacuteducateurs speacuteciali-seacutes assistants de service social Les psychologues peuvent-ils remplacer les psychiatres et agrave quel prix Ce nest pas seulement parce quon manque

de psychiatres cest aussi parce que les psy-chologues repreacutesentent une certaine tradition de la psychiatrie europeacuteenne pas uniquement arc-bouteacutee sur les traitements chimiotheacuterapeu-tiques Cest aussi parce quils possegravedent en principe des compeacutetences permettant de deacuteve-lopper des aspects tregraves importants en psychia-trie - eacutevaluation des capaciteacutes cognitives et mise au point de programmes de reacutehabilitation - psychotheacuterapies de diverses natures eacutegale-ment de soutien dans les cas de traitement meacute-dicamenteux lourd - supervision de groupes de soignants pour eacuteviter les pheacutenomegravenes de chroniciteacute de mal-traitance - encadrement deacutequipes notamment de pro-fessionnels dhorizons divers Il est clair quil serait eacutegalement inteacuteressant de pouvoir leur confier des accueils de 1

egravere ligne

degraves lors que nombre de demandes de consul-tation signifient plutocirct une souffrance psychique quune pathologie psychiatrique La question de savoir sils devraient avoir le droit de prescrire ou de renouveler des pres-criptions au long cours meacuterite decirctre poseacutee Une telle eacutevolution neacutecessiterait une speacutecialisa-tion apregraves le diplocircme geacuteneacuteral de psychologue peut-ecirctre linstauration de ce que daucuns ap-pellent un internat et cette fois commun avec linternat en psychiatrie En attendant davoir notre ordonnancier si tant est que nous le souhaitions les tacircches speacuteci-fiques en psychiatrie pour les psychologues tout ce qui sapparente au bilan agrave leacutevaluation aux psychotheacuterapies de diverses obeacutediences Voilagrave ce que pensent les politiques et les admi-nistratifs de notre meacutetier mais ccedila nest pas la reacutealiteacute de notre meacutetier Tout dabord quelques chiffres sur la deacutemogra-phie des psychologues Nous sommes de plus en plus nombreux de 5500 eacutequivalents temps plein en 1997 agrave 11500 en 2009 preuve que notre rocircle est de plus en plus reconnu par les eacutetablissements Il reste encore beaucoup agrave faire en clinique priveacutee ougrave ils ne sont que 350 ETP La preacutecariteacute est tou-jours le lot de notre profession Il y a deux fois plus de psychologues agrave temps partiel que dans les autres emplois non meacutedicaux 40 de psy-chologues sont agrave temps partiel dans le public plus des trois quarts dans le priveacute soit le

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double La profession est tregraves feacuteminiseacutee avec 8 femmes sur 10 psychologues elles ont en moyenne cinq ans de moins que leurs con-fregraveres masculins la moyenne dacircge eacutetant de 42 ans Les femmes de moins de 40 ans repreacute-sentent 38 des effectifs nationaux La densiteacute nationale des psychologues est de 37 psychologues pour 100000 habitants soit un psychologue pour 2700 Par comparaison celle des psychiatres est de 22 pour 100000 habitants La densiteacute en psychologues libeacuteraux est de 7 Concernant les secteurs dactiviteacute 87 des psychologues sont salarieacutes Un tiers exerce dans un eacutetablissement de santeacute principalement du secteur public ougrave 7 sur 10 sont employeacutes agrave plein temps Lexercice en libeacuteral ne concerne que 8 des effectifs Comment les psychologues perccediloivent-ils leur meacutetier Dana Castro et Marie Santiago ont publieacute dans Le Journal des psychologues ndeg 233 deacutec 2005- janv 2006 les Reacutesultats dune enquecircte na-tionale sur Evolution des repreacutesentations et construction identitaire du meacutetier de psy-chologue Les donneacutees ont eacuteteacute recueillies agrave partir de 93 questionnaires suite agrave une enquecircte nationale lanceacutee par le Journal des Psychologues aupregraves de ses lecteurs fin 2004 Les reacutesultats montrent que les psychologues ont une image assez steacutereacuteotypeacutee de leur meacute-tier qui ne se modifie pas significativement ni au cours des eacutetudes ni agrave lentreacutee dans la vie professionnelle Au deacutebut de leurs eacutetudes 50 des reacutepondants perccediloivent le psychologue comme un speacutecialiste de laide et de leacutecoute Pour 27 cest un meacutetier qui sexerce en solitaire 30 disent ne pas en avoir une repreacutesentation preacute-cise La repreacutesentation de la profession eacutevolue pro-gressivement Apregraves quelques anneacutees dexer-cice le psychologue perccediloit davantage sa fonc-tion certes encore comme un meacutetier daide et deacutecoute pour la moitieacute dentre eux mais qui sexerce en eacutequipe pour 21 selon des moda-liteacutes et avec des outils speacutecifiques au premier rang desquels lentretien et lexamen psycholo-giques pour 18 des reacutepondants La repreacutesentation du meacutetier se modifie-t-elle au

cours du cursus universitaire - Non pour 22 des reacutepondants pour lesquels elle reste identique tout au long du parcours - Oui pour 36 pour lesquels elle se modifie gracircce aux enseignements theacuteoriques en lien avec la clinique et la psychopathologie - Encore oui pour 34 pour lesquels elle se transforme gracircce aux stages et au contact des professionnels Dune maniegravere geacuteneacuterale les psychologues comptent sur eux-mecircmes et leurs compeacutetences en matiegravere dexpeacuterience dapprentissage sur le tas de solidariteacute et de travail en eacutequipe plutocirct que sur la qualification qui elle valorise les titres les connaissances formelles la revendi-cation de lautonomie et les distinctions statu-taires Seul 1 des reacutepondants eacutevoque les no-tions dorganisation du travail en terme de sta-tut professionnel de cadre A de reacutemuneacuteration de formation ou de titre proteacutegeacute de psycho-logue Autant dire quil reste beaucoup de tra-vail pour avoir une repreacutesentation profession-nelle qui puisse ecirctre partageacutee tant par les psy-chologues que par leurs partenaires profes-sionnels ougrave compeacutetence personnelle et qualifi-cation professionnelle sont indispensables Pourtant 78 des reacutepondants deacutecrivent des difficulteacutes au sein de leur institution Un sur 5 estime que ses collegravegues ne connaissent pas son meacutetier et quils en ont une image neacutegative qui est veacutecue comme deacutevalorisante 17 se sentent isoleacutes dans les eacutequipes avec lesquelles ils travaillent Une eacutetude plus reacutecente puisquelle date de 2010 vient compleacuteter la preacuteceacutedente il sagit de celle de Elise Marchetti Claude Lafrogne et Sandrine Schoenenberger eacutegalement publieacutee dans le Journal des psychologues ndeg 283 deacutec 2010- janv 2011 et qui sintitule Que pensent-ils de nous Etude des repreacutesentations so-ciales du psychologue Que pensent les psychologues deux-mecircmes Ils eacutevoquent lobjet de leur travail la psycheacute le cadre de leur activiteacute (cadre theacuteorique pra-tique eacutethique) et le contenu mecircme de leur tra-vail agrave savoir leacutevaluation et laccompagnement Chez les professionnels du meacutedico-social nos collegravegues deux repreacutesentations saffrontent Les eacuteducateurs techniques et les reacuteeacuteducateurs (peacutedicure podologue masseur kineacutesitheacutera-peute ergotheacuterapeute psychomotricien ortho-

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phoniste orthoptiste ou dieacuteteacuteticien) ont une vi-sion neacutegative le psychologue se confond avec le psychanalyste le charlatan en lien eacutetroit avec la psychiatrie la folie Les personnels administratifs et les eacuteducateurs ont une vision plus positive et concregraveteet sont plus attacheacutes au cadre cadre de travail du psychologue lui-mecircme mais aussi la contribu-tion quil peut apporter dans le cadre dun tra-vail pluridisciplinaire Quant aux sujets de la population geacuteneacuterale on doit distinguer ceux qui ont deacutejagrave eu recours au psychologue et ceux qui nont jamais consulteacute Ceux qui nont jamais consulteacute ont un discours plutocirct positif mais abstrait centreacute sur la dualiteacute problegraveme-reacutesolution (motifs-beacuteneacutefices) Les autres qui sont plus jeunes et plutocirct des femmes cherchent agrave deacutefinir ce quest un psy-chologue avec une vision plus concregravete de notre activiteacute de nos meacutethodes et une eacutevoca-tion de la sphegravere affective et du veacutecu person-nel Toutefois les sujets ayant deacutejagrave consulteacute un psychologue ont tendance agrave le confondre avec le speacutecialiste meacutedical cest-agrave-dire le psy-chiatre Dans Transformation de la psychiatrie et pratiques des psychologues LASAR Labora-toire danalyse socio-anthropologique du risque Universiteacute de Caen 2002 sous la direction dAnne Golse Le discours dAnne Golse sociologue est plus optimiste Elle eacutecrit La profession de psycho-logue se visibilise de plus en plus que ce soit dans la prise en charge des malades mentaux ou de la souffrance psychique On le voit dans la croissance deacutemographique certes encore modeste de cette profession mais cela sappreacute-hende eacutegalement dans la maniegravere dont les textes administratifs mentionnent (psychiatres psychologues) ou bien (psychiatres ou psycho-logues) Mais cette eacutemergence nouvelle dune certaine pariteacute dans les textes vient eacutegalement reconnaicirctre que de plus en plus de demandes sont directement adresseacutees au psychologue et marque lindividualisation de cette profession agrave coteacute de celles de psychiatres ou dinfirmiers Dans un rapport au Conseil national de lOrdre des meacutedecins en 2001 sur le suivi du malade mental il est dit que les psychologues pren-nent de plus en plus de place dans le monde de la psychiatrie relayant ou mecircme remplaccedilant les psychiatres dont le nombre va en diminuant

tregraves seacuterieusement Toutefois les psychologues ne sont pas satis-faits de leur place au sein de la psychiatrie pu-blique ni personnel meacutedical ni personnel pa-rameacutedical ils elles ont du mal agrave trouver leur place dans lunivers hospitalier marqueacute par lexistence de ce partage clair Le psychologue agrave la fois dedans et dehors eacuteprouve une ab-sence de lien avec linstitution et pour certains un sentiment dinexistence institutionnelle chro-nique Le psychologue nest pas dans le soin mecircme sil contribue aux soins ce qui renvoie agrave sa neacutecessaire place dexteacuterioriteacute et agrave la trans-versaliteacute de sa fonction Comme leacutecrivait Co-lette Chiland en 1983 le statut du psychologue clinicien est une position intermeacutediaire et sin-guliegravere qui le maintien dans un espace pro-fessionnel eacutetriqueacute Certains ressentent de lamertume agrave ecirctre reacuteduits au rocircle de psychotheacute-rapeutes etou estiment ne pas ecirctre reconnus comme des professionnels agrave part entiegravere ils se qualifient de sous-psychiatres quand deacutepen-dants du psychiatre ils ne peuvent directement recevoir les patients qui font appel agrave eux Cette revendication des psychologues est devenue pour certains un carcan qui limite le champ de leur intervention Les psychologues sont lobjet dambivalence Ils peuvent ecirctre consideacutereacutes comme la profession montante en raison de la chute de la deacutemographie des psychiatres et de la de-mande sociale qui leur est adresseacutee les psy-chologues pourraient ecirctre en 1

egravere ligne pour

supplanter ces absences mais la mise en cause de leur statut et de leur formation par le reacutecent statut de psychotheacuterapeute les fragilise Pour conclure je citerai Marc Turpyn au col-loque Le psychologue clinicien le singulier et le collectif La profession de psychologue est-elle un symptocircme de lrsquoinstitution hospita-liegravere Un certain nombre de signes permet depuis longtemps de le penser son identiteacute indeacutefinis-sable sa situation drsquoexception dans un en-semble institutionnel globalement meacutedical son inexistence dans les instances de lrsquohocircpital les oublis reacuteguliers dont elle fait lrsquoobjet dans les textes sa position institutionnelle hors hieacuterar-chie les interrogations reacutecurrentes sur ses sta-tuts lrsquoincompreacutehension de ses outils de travail par les administrations etc Ce qui est nouveau ce sont les nombreuses

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tentatives pour mettre un terme agrave cette position symptomatique volonteacute de faire entrer la pro-fession dans le champ meacutedical fiches meacutetier deacutefinition de compeacutetences introduction de speacute-cialiteacutes preacute-identifieacutees en articulation avec les neurosciences et les approches comportemen-tales circulaire drsquoapplication visant au controcircle ou agrave la disparition des activiteacutes de FIR etc Nrsquooublions pas que la preacutecariteacute entretenue des psychologues le deacutesir de reconnaissance la peur ndash comme lrsquoa montreacute reacutecemment la mise en application du deacutecret sur le titre de psycho-theacuterapeute ndash poussent aussi agrave la normalisation Normaliser la profession serait sans doute la reacuteduire agrave lrsquoombre drsquoelle-mecircme

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Titre de psychotheacuterapeute si vous avez manqueacute le deacutebut

Virginie Rocard Hocircpital Sainte Peacuterine

M AI 1999 PROPOSITION DrsquoAMENDEMENT

PAR B ACCOYER

Devant lrsquoabsence de reacuteglementation autour de lrsquoexercice de la psychotheacuterapie et dans un contexte de lutte contre les deacuterives sectaires sous couvert de psychotheacuterapie un premier amendement est proposeacute par Bernard Accoyer meacutedecin et deacuteputeacute Ce premier amendement porte sur lrsquousage du titre de psychotheacuterapeute il est proposeacute le 4 mai 1999 agrave lrsquooccasion de lrsquoexamen du projet de loi relatif agrave la Couverture maladie universelle (CMU) OCTOBRE 1999 PROPOSITION DE LOI PAR

BACCOYER

Lrsquoamendement preacuteceacutedent ayant eacuteteacute refuseacute BAccoyer deacutepose le 13 octobre 1999 la pre-miegravere proposition de loi (ndeg 1844) visant agrave reacute-glementer le titre de psychotheacuterapeute Lrsquounique article preacutecise Lrsquousage du titre de psychotheacuterapeute est strictement reacuteserveacute drsquoune part aux titulaires du diplocircme de docteur en meacutedecine qualifieacute en psychiatrie et drsquoautre part aux titulaires drsquoun diplocircme de troisiegraveme cycle en psychologie Dans lrsquoexposeacute des motifs on retrouve deux professions de la santeacute mentale sont formeacutees par les universiteacutes franccedilaises les psycho-logues et les meacutedecins psychiatres Les condi-tions daccegraves et dutilisation de ces titres sont eacutetroitement encadreacutees par la loi Pourtant il existe un grave vide juridique concernant lexercice de la psychotheacuterapie La profession de psychotheacuterapeute nest en effet agrave ce jour toujours pas deacutefinie par le code de la santeacute publique Ainsi de trop nombreuses per-sonnes insuffisamment qualifieacutees voire non qualifieacutees se deacuteclarent et sinstituent psycho-theacuterapeutes en toute impuniteacute faisant courir les plus grands dangers agrave des personnes qui

par deacutefinition sont vulneacuterables et risquent de voir leur deacutetresse et leur pathologie aggra-veacutees MARS 2000 est enregistreacutee agrave la Preacutesidence de lAssembleacutee nationale sous le ndeg 2288 une pro-position de loi relative agrave lexercice de la profes-sion de psychotheacuterapeute par les deacuteputeacutes MM Jean-Michel Marchand Andreacute Aschieri Mme Marie-Heacutelegravene Aubert MM Yves Cochet et Noeumll Mamegraverehellip AVRIL 2000 PROPOSITION DE LOI DE

BACCOYER

26 avril 2000 nouvelle proposition de loi de BAccoyer Loi ndeg2342 relative agrave la prescription et agrave la conduite des psychotheacuterapies Dans lrsquoexposeacute des motifs on retrouve En labsence de disposition du code de la santeacute publique concernant lusage des psychotheacutera-pies quiconque le souhaite peut actuellement visser sa plaque de psychotheacuterapeute et preacutetendre soigner (hellip) Ainsi le rapport de la mission interministeacuterielle de lutte contre les sectes remis en feacutevrier 2000 au Premier mi-nistre signale que certaines techniques psy-chotheacuterapiques sont devenues un outil au ser-vice de linfiltration sectaire et il suggegravere au se-creacutetariat dEtat agrave la Santeacute de cadrer ces pra-tiques Cest la raison pour laquelle javais dores et deacutejagrave deacuteposeacute le 13 octobre 1999 avec quatre-vingt-un collegravegues une proposition de loi ndeg1844 visant agrave reacuteserver lusage du titre de psychotheacuterapeute agrave des personnes titulaires de diplocircmes universitaires() Dans ce con-texte il convient deacutesormais de consideacuterer les psychotheacuterapies comme un veacuteritable traite-ment A ce titre cest leur prescription et leurs applications qui apparaissent comme devant ecirctre reacuteserveacutees agrave des professionnels deacuteten-teurs de diplocircmes universitaires attestant dune formation institutionnelle garantie dune compeacutetence theacuteorique pouvant ecirctre doubleacutee

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dune expeacuterience pratique et dun travail sur soi (hellip) Cependant certains professionnels bien que non-psychiatres ou non-psychologues cliniciens preacutesentent de solides connaissances et une expeacuterience de la patho-logie mentale et du fonctionnement psychique Il convient donc quun jury composeacute duniversi-taires et de professionnels soit habiliteacute agrave vali-der leurs compeacutetences et agrave autoriser lexercice des psychotheacuterapies agrave ceux qui pratiquent deacute-jagrave depuis plus de cinq anneacutees agrave compter de promulgation de la preacutesente loi

PROPOSITION DE LOI Article unique Il est inseacutereacute apregraves larticle L 360 du code de la santeacute publique un article L 360-1 ainsi reacutedigeacute Les psychotheacuterapies sont des traitements meacutedico-psychologiques des souffrances mentales Comme toute theacuterapeutique leur prescription et leur mise en oeuvre ne peuvent relever que de professionnels qualifieacutes meacutedecins quali-fieacutes en psychiatrie et psychologues clini-ciens Les professionnels qui dispensent des psychotheacuterapies depuis plus de cinq ans agrave la date de promulgation de la preacute-sente loi pourront poursuivre cette activiteacute theacuterapeutique apregraves eacutevaluation de leurs connaissances et pratiques par un jury composeacute duniversitaires et de profession-nels dont la composition est fixeacutee par deacute-cret en Conseil dEtat

OCTOBRE 2003 AMENDEMENT AU PROJET DE LOI SUR LE CODE DE LA SANTEacute PUBLIC B AC-

COYER

8 Octobre 2003 agrave lrsquoAssembleacutee nationale B Ac-coyer deacutepose un amendement ndeg71 Les psychotheacuterapies sont des traitements meacute-dico-psychologiques des souffrances mentales Comme toute theacuterapeutique leur prescription et leur mise en oeuvre ne peuvent relever que de professionnels qualifieacutes en psychiatrie de psychologues cliniciens et meacutedecins ayant sui-vis les formations requises Crsquoest la 3eme version (ndeg336) qui est adopteacutee agrave lrsquounanimiteacute le 8 octobre 2003 par lrsquoAssembleacutee Nationale Les psychotheacuterapies constituent des outils theacuterapeutiques utiliseacutes dans le traite-ment des troubles mentaux Les diffeacuterentes ca-teacutegories de psychotheacuterapie sont fixeacutees par deacute-cret du ministre chargeacute de la Santeacute Leur mise en œuvre ne peut relever que de meacutedecins

psychiatres ou de meacutedecins et psychologues ayant les qualifications professionnelles re-quises fixeacute par ce mecircme deacutecret Lrsquoagence Na-tionale drsquoAccreacuteditation et drsquoEvaluation en Santeacute apporte son concours agrave lrsquoeacutelaboration de ces conditions (hellip) On ne parle plus ici de lrsquousage drsquoun titre de psy-chotheacuterapeute mais drsquoune deacutefinition de la psy-chotheacuterapie JANVIER 2004 AMENDEMENT ACCOYER ANNU-

LANT LE PREacuteCEacuteDENT

Le 19 janvier 2004 lrsquoamendement Accoyer de-venu entre temps amendement 363 About-Matteacutei annulant le preacuteceacutedent est voteacute par le Seacutenat en ces termes Lrsquousage du titre de psychotheacuterapeute est reacute-serveacute aux professionnels inscrits au registre national de psychotheacuterapeutes (hellip) Sont dis-penseacutes de lrsquoinscription les titulaires drsquoun di-plocircme de docteur en meacutedecine les psycho-logues titulaires drsquoun diplocircme drsquoeacutetat et les psy-chanalystes reacuteguliegraverement enregistreacutes dans les annuaires de leurs associations Les modaliteacutes drsquoapplication du preacutesent article sont fixeacutees par deacutecret Ici les psychanalystes reacuteguliegraverement enregis-treacutes dans les annuaires de leurs associations font leur apparition dans la liste des personnes habiliteacutees agrave user du titre de psychotheacuterapeute

AVRIL 2004 AMENDEMENT DUBERNARD

8 avril 2004 est voteacute agrave lrsquoAssembleacutee nationale lrsquoamendement devenu depuis amendement 344 preacutesenteacute par Jean-Marie Dubernard rap-porteur de la commission des affaires cultu-relles familiales et sociales

POLITIQUE DE SANTE PUBLIQUE (Nordm 1364)

(DEUXIEME LECTURE)

Amendement Nordm 344 preacutesenteacute par M Jean-Michel Dubernard rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles familiales et sociales Article 18 quater La conduite des psychotheacuterapies neacuteces-site soit une formation theacuteorique et pra-tique en psychopathologie clinique soit une formation reconnue par les associa-tions de psychanalystes (hellip) Lrsquousage du

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titre de psychotheacuterapeute est reacuteserveacute aux professionnels inscrits au registre national des psychotheacuterapeutes (hellip) Sont dispen-seacutes de lrsquoinscription sur la liste viseacutee agrave lrsquoali-neacutea preacuteceacutedent les titulaires drsquoun diplocircme de docteur en meacutedecine les personnes autoriseacutees agrave faire usage du titre de psy-chologue dans des conditions deacutefinies par lrsquoarticle 44 portant diverses dispositions drsquoordre social nordm85-772 du 25 juillet 1985 et les psychanalystes reacuteguliegraverement enre-gistreacutes dans les annuaires de leurs asso-ciations

Dans lrsquoexposeacute sommaire on retrouve pour conduire des psychotheacuterapies il est neacutecessaire drsquoavoir suivi une formation theacuteorique et pratique en psychopathologie La condition de lrsquoinscrip-tion sur le registre national est maintenue (hellip)Lrsquoamendement continue agrave preacutevoir que les titu-laires drsquoun diplocircme de meacutedecine les psycho-logues et les psychanalystes sont dispenseacutes de lrsquoenregistrement Ces professionnels devront satisfaire agrave lrsquoobligation de formation mention-neacutee au premier alineacutea de lrsquoarticle

9 AOUT 2004 LOI SUR LE TITRE DE PSYCHOTHEacute-

RAPEUTE ARTICLE 52

Le 28 juillet 2004 a eu lieu la reacuteunion de la commission mixte paritaire qui reacutevise lrsquoamende-ment qui est examineacute en seacuteances publiques par lrsquoAssembleacutee Nationale et le Seacutenat le 30 juil-let 2004 et devient le 09 aoucirct 2004 la loi ndeg2004-806 lrsquoarticle 52 relative agrave la politique de santeacute publique Sa parution est dans le JO ndeg185 du 11 aoucirct 2004 page 14277 texte ndeg 4 Dans cette loi larticle 18 quater revu par la commission mixte a eacuteteacute inteacutegralement repris et devient larticle 52 de la dite Loi

Article 52 Lusage du titre de psychotheacuterapeute est reacuteserveacute aux professionnels inscrits au re-gistre national des psychotheacuterapeutes Linscription est enregistreacutee sur une liste dresseacutee par le repreacutesentant de lEtat dans le deacutepartement de leur reacutesidence profes-sionnelle Elle est tenue agrave jour mise agrave la disposition du public et publieacutee reacuteguliegravere-ment Cette liste mentionne les formations suivies par le professionnel En cas de transfert de la reacutesidence professionnelle dans un autre deacutepartement une nouvelle

inscription est obligatoire La mecircme obli-gation simpose aux personnes qui apregraves deux ans dinterruption veulent agrave nou-veau faire usage du titre de psychotheacutera-peute Linscription sur la liste viseacutee agrave lalineacutea preacuteceacutedent est de droit pour les titulaires dun diplocircme de docteur en meacutedecine les personnes autoriseacutees agrave faire usage du titre de psychologue dans les conditions deacutefinies par larticle 44 de la loi ndeg 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses disposi-tions dordre social et les psychanalystes reacuteguliegraverement enregistreacutes dans les an-nuaires de leurs associations Un deacutecret en Conseil dEtat preacutecise les modaliteacutes dapplication du preacutesent article et les conditions de formation theacuteoriques et pratiques en psychopathologie clinique que doivent remplir les personnes viseacutees aux deuxiegraveme et troisiegraveme alineacuteas

Cet article introduit comme condition de lrsquousage du titre une formation theacuteorique et pratique en psychopathologie clinique alors qursquoil stipule dans le mecircme temps que lrsquoinscription est de droit pour certains professionnels ce qui pose-ra beaucoup de problegravemes pour lrsquoeacutecriture des projets de deacutecret 2005-2009 AVANT-PROJET DrsquoAPPLICATION DE

LA LOI

Les concertations avec les professionnels con-cerneacutes par lrsquoeacutecriture drsquoun avant-projet de deacutecret relatif agrave lrsquousage du titre de psychotheacuterapeute deacutebutent en 2005 Beaucoup de versions vont voir le jour et susciter de vives reacuteactions des professionnels Le ministegravere reacuteunit les organi-sations professionnelles agrave plusieurs reprises pour leur soumettre ces projets Quelques exemples des diffeacuterentes versions de lrsquoavant-projet de deacutecret de loi Version de lrsquoavant projet de deacutecret relatif agrave lrsquousage du titre de psychotheacuterapeute 10 janvier 2006

Art1 Lrsquousage du titre de psychotheacutera-peute neacutecessite une deacutemarche volontaire de la part des professionnels pratiquant les psychotheacuterapies Inscription sur une liste deacutepartementale (hellip) Art2 Lrsquoinscription sur la liste deacutepartemen-

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tale est subordonneacutee pour les professionnels viseacutes au 3

egraveme ali-

neacutea lrsquoattestation de la certification de la for-mation en psychopathologie clinique lrsquoattestation de lrsquoobtention du diplocircme de docteur en meacutedecine ou de lrsquoun des di-plocircme viseacutes au deacutecret ndeg 90-255 du 22 mars 1990 modifieacute (liste des diplocircmes permettant de faire usage professionnel du titre de psychologue) ou de lrsquoinscrip-tion agrave un annuaire drsquoassociations de psy-chanalystes pour les autres professionnels

Lrsquoattestation de la certification de la for-mation en psychopathologie clinique Le cas eacutecheacuteant lrsquoattestation de lrsquoobtention drsquoun diplocircme relatif agrave une profession reacute-glementeacutee dans le champ sanitaire et so-cial Une deacuteclaration sur lrsquohonneur faisant eacutetat des autres formations suivies dans le do-maine de la pratique de la psychotheacutera-pie parmi les quatre approches sui-vantes analytique systeacutemique cognitivo-comportementaliste inteacutegrative La deacuteclaration sur lrsquohonneur mentionne notamment lrsquointituleacute et la date drsquoobtention du diplocircme la dureacutee de la formation le nom et les coordonneacutees de lrsquoorganisme de formation public ou priveacute qui a deacutelivreacute le diplocircme (hellip) Art8 Le cahier des charges susviseacute deacutefi-nit les modaliteacutes de la formation en psy-chopathologie clinique laquelle est drsquoun niveau master Il vise agrave permettre au pro-fessionnel souhaitant user du titre de psy-chotheacuterapeute drsquoacqueacuterir Une connaissance du fonctionnement psychique Une capaciteacute de discrimination de base des situations pathologiques en santeacute mentale Une connaissance de la diversiteacute des theacuteories se rapportant agrave la psychopatholo-gie Une connaissance des 4 principales ap-proches de psychotheacuterapie vali-deacutees scientifiquement (analytique systeacute-mique cognitivo-comportementaliste in-teacutegrative) (hellip)

Il est eacutevoqueacute un niveau master pas de men-

tion drsquoune formation universitaire la loi ne parle que drsquoune formation agrave la psychopathologie cli-nique et stipule ce que seraient les approches psychotheacuterapiques valables scientifiquement ce qui nrsquoest pas sans questionner Titre ouvert aux deacutetenteurs drsquoun diplocircme relatif agrave une pro-fession reacuteglementeacutee dans les champs sani-taires et sociaux ne correspond pas aux preacute requis de la formation en psychopathologie cli-nique Par la suite le descriptif des diffeacuterentes ap-proches de psychotheacuterapie disparaicirct au profit drsquoune connaissance des principales ap-proches utiliseacutees en psychotheacuterapie sans preacute-cision Est indiqueacute le nombre drsquoheures de for-mation theacuteorique (150 heures dans une ver-sion 500 dans une autrehellip) et de stage pra-tique Est stipuleacute que la formation en psychopa-thologie clinique peut ecirctre confieacutee agrave lrsquoUniversiteacute ou agrave des organismes passant convention avec lrsquoUniversiteacute Pour les professionnels inscrits de droit on retrouve les docteurs en meacutedecine quelles que soient leurs speacutecialiteacutes les psycho-logues quelle que soit leur formation et les psy-chanalystes reacuteguliegraverement inscrits dans un an-nuaire drsquoassociation de psychanalystes ce qui nrsquoest pas un titre proteacutegeacute On exige par ailleurs de ces mecircmes professionnels une formation compleacutementaire en psychopathologie viseacutee agrave lrsquoalineacutea 4 de lrsquoarticle 52 ce qui posera pro-blegraveme certaines professions pouvant faire usage du titre de psychotheacuterapeute de droit doivent dans le mecircme texte de loi attester drsquoune formation compleacutementaire Pour tous les professionnels le cas eacutecheacuteant une deacuteclaration sur lrsquohonneur faisant eacutetat des autres formations suivies dans le domaine de la pratique de psychotheacuterapie une attestation drsquoobtention drsquoun diplocircme relatif agrave une profes-sion reacuteglementeacutee par le code de la santeacute pu-blique ou le code de la famille et de lrsquoaction so-ciale Le cahier des charges deacutefinit les modaliteacutes de la formation en psychopathologie clinique pour acqueacuterir ou valider une connaissance des fonctionnements et des processus psychiques une connaissance des critegraveres de discerne-ment des grandes pathologies psychiatriques une connaissance des diffeacuterentes theacuteories se rapportant agrave la psychopathologie une connais-sance des principales approches utiliseacutees en psychotheacuterapie

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 36

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

Le Ministegravere de la Santeacute ne parvient pas agrave faire aboutir lrsquoeacutecriture de deacutecrets drsquoapplication de-vant faire face aux contestations des diffeacuterents professionnels Au printemps 2008 le Ministegravere de la Santeacute deacutecide drsquoarrecircter un des projets de deacutecret drsquoap-plication de lrsquoarticle 52 soumis au CNESER (Conseil National de lrsquoEnseignement Supeacuterieur et de la Recherche) le 16 juin 2008 Dans la note de preacutesentation on retrouve il ne srsquoagit pas de creacuteer une nouvelle profession ni drsquoen-cadrer la formation et la pratique de la psycho-theacuterapie mais de preacuteciser les conditions dans lesquelles il peut ecirctre fait usage de ce titre Il y est exigeacute pour tous professionnels drsquoavoir valideacute une formation theacuteorique de 400 heures (cest-agrave-dire infeacuterieure au total de la formation en psychopathologie clinique drsquoun Master de Psychologie clinique) et un stage pratique de 5 mois Possibiliteacutes de dispenses partielles de forma-tion selon les cateacutegories professionnelles con-cerneacutees (meacutedecins meacutedecins psychiatres psy-chologues psychanalystes) 18 MARS 2009 PROJET DE LOI PORTANT REacute-

FORME DE LrsquoHOcircPITAL ET RELATIF AUX PATIENTS

Agrave LA SANTEacute ET AUX TERRITOIRES

23 JUILLET 2009 ARTICLE 91 DE LA LOI HPST

Lrsquoarticle 91 de la loi HPST du 21 juillet 2009 opegravere une modification de lrsquoarticle 52 de la loi du 9 aoucirct 2004 pour reacutesoudre les difficulteacutes rencontreacutees agrave eacutecrire un deacutecret drsquoapplication Il modifie lrsquoarticle 52 portant sur lrsquousage du titre de psychotheacuterapeute

Article 52 de la loi ndeg 2004-806 du 9 aoucirct 2004 modifieacute par lrsquoarticle 91 de la loi ndeg 2009

-879 du 21 juillet 2009 Lrsquousage du titre de psychotheacuterapeute est reacuteserveacute aux professionnels inscrits au re-gistre national des psychotheacuterapeutes [hellip] Un deacutecret en Conseil drsquoEacutetat preacutecise les modaliteacutes drsquoapplication du preacutesent ar-ticle et les conditions de formation theacuteo-rique et pratique en psychopathologie cli-nique que doivent remplir lrsquoensemble des professionnels souhaitant srsquoinscrire au registre national des psychotheacuterapeutes Il deacutefinit les conditions dans lesquelles les ministres chargeacutes de la santeacute et de lrsquoen-

seignement supeacuterieur agreacuteent les eacutetablis-sements autoriseacutes agrave deacutelivrer cette forma-tion Lrsquoaccegraves agrave cette formation est reacuteserveacute aux titulaires drsquoun diplocircme de niveau doctorat donnant le droit drsquoexercer la meacutedecine en France ou drsquoun diplocircme de niveau master dont la speacutecialiteacute ou la mention est la psy-chologie ou la psychanalyse Le deacutecret en Conseil drsquoEacutetat deacutefinit les conditions dans lesquelles les titulaires drsquoun diplocircme de docteur en meacutedecine les personnes autoriseacutees agrave faire usage du titre de psychologue dans les conditions deacutefinies par lrsquoarticle 44 de la loi ndeg 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses disposi-tions drsquoordre social et les psychanalystes reacuteguliegraverement enregistreacutes dans les an-nuaires de leurs associations peuvent beacute-neacuteficier drsquoune dispense totale ou partielle pour la formation en psychopathologie clinique [hellip] Le deacutecret en Conseil drsquoEtat preacutecise eacutegale-ment les dispositions transitoires dont pourront beacuteneacuteficier les professionnels jus-tifiant dau moins cinq ans de pratique de la psychotheacuterapie agrave la date de publication du deacutecret

Il nrsquoy a plus de notion de professionnels inscrits de droit la formation en psychopatho-logie clinique est exigible de tous et lrsquoaccegraves agrave cette formation requiert un niveau de diplocircme eacuteleveacute titre de docteur en meacutedecine master de psychologie ou de psychanalyse Y sont tou-jours mentionneacutes les psychanalystes reacuteguliegrave-rement enregistreacutes dans les annuaires de leurs associations 20 MAI 2010 DEacuteCRET DrsquoAPPLICATION RELATIF Agrave LrsquoUSAGE DU TITRE DE PSYCHOTHEacuteRAPEUTE (CF

ANNEXE)

Le 20 mai 2010 paraicirct le deacutecret relatif agrave lrsquousage du titre de psychotheacuterapeute publieacute au JO ndeg0117 du 22 mai 2010 (deacutecret ndeg 2010-534) Ce deacutecret deacutefinit les critegraveres de formation en psychopathologie clinique exigeacutee fixe les con-ditions drsquoagreacutement des eacutetablissements de for-mation preacutecise les dispenses partielles ou to-tales de formation dont peuvent beacuteneacuteficier les meacutedecins psychologues et psychanalystes et enfin arrecircte les dispositions transitoires appli-cables aux psychotheacuterapeutes en exercice agrave

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Quels changements pour le meacutetier de psychologue

la date de publication du deacutecret Il nrsquoy est tou-jours pas fait mention de formation agrave la pra-tique psychotheacuterapique Il preacutecise une condition de diplocircme minimal pour avoir accegraves agrave cette formation Elle est reacute-serveacutee aux personnes titulaires drsquoun doctorat de meacutedecine ou drsquoun master ayant pour men-tion ou pour speacutecialiteacute la psychologie ou la psy-chanalyse Les psychiatres sont exempteacutes de formation compleacutementaire Les meacutedecins non psy-chiatres seront contraints agrave une formation com-pleacutementaire On retrouve la notion de psychologue clinicien qui ne correspond pas agrave un titre proteacutegeacute comme tel ni un parcours de formation identifieacutee Les psychologues clini-ciens nrsquoont pas de dispense totale et devront se soumettre agrave une formation theacuteorique et pra-tique compleacutementaire La formation theacuteorique comprend 400 heures drsquoenseignement pour acqueacuterir ou valider des connaissances relatives au deacuteveloppement fonctionnement et processus psychiques aux critegraveres de discernement des grandes patholo-gies psychiatriques aux diffeacuterentes theacuteories se rapportant agrave la psychopathologie aux princi-pales approches utiliseacutees en psychotheacuterapie Le stage est drsquoune dureacutee minimale de cinq mois Les professionnels justifiant drsquoau moins 5 ans de pratique de la psychotheacuterapie peuvent ecirctre inscrits sur la liste deacutepartementale apregraves avis de la commission reacutegionale drsquoinscription Le deacutecret ne preacutecise pas la cateacutegorie professionnelle nrsquoappartenant agrave aucune des cateacutegories preacuteceacutedentes que lrsquoon voit en effet apparaicirctre dans lrsquoannexe du deacutecret Le deacutecret a renforceacute le niveau exigeacute pour agreacuteer les eacutetablissements de formation Les psychologues notamment par le biais de leurs organisations professionnelles et syndi-cales ont deacuteposeacute un recours juridique contre le deacutecret relatif agrave lrsquousage du titre de psychotheacutera-peute le 12 juillet 2010 Ils contestaient notam-ment que lrsquoon exige drsquoeux des formations com-pleacutementaires qui sont deacutejagrave incluses dans leur formation initiale Le recours a eacuteteacute examineacute le mercredi 21 sep-tembre 2011 Le rapporteur public a conclu au rejet de lrsquoensemble des requecirctes porteacute contre le deacutecret ndeg2010-534 du 20 mai 2010 arrecirct du Conseil drsquoEtat du 27 octobre 2011 Ce deacutecret

est jugeacute conforme agrave lrsquoarticle 52 de la loi ndeg2004-806 du 9 aoucirct 2004 relative agrave la politique de santeacute publique modifieacutee par la loi ndeg2011-940 du 10 aoucirct 2011-art 47 (V) Les organisations professionnelles de psychologues sont en pourparler et eacutevoquent une modification de lrsquoannexe du deacutecret qui pourrait ecirctre en reacuteeacutecri-ture pour mettre agrave pariteacute psychologues et psy-chiatres pour la dispense totale de lrsquoenseigne-ment theacuteorique et du stage srsquoil a eacuteteacute effectueacute pendant les eacutetudes Fin 2011 les bureaux concerneacutes au Ministegravere de la Santeacute et au Ministegravere de lrsquoenseignement Supeacuterieur et de la Recherche examinent un projet de modification de lrsquoannexe du deacutecret du 20 mai 2010 afin de preacutevoir une dispense de formation theacuteorique compleacutementaire et de stage pour les titulaires du titre de psychologue ayant accompli le stage professionnel lieacute agrave lrsquoob-tention de ce titre dans les conditions preacutevues agrave lrsquoart4 du deacutecret du 20 mai 2010 Une dis-pense de toute formation theacuteorique mais reacuteali-sation drsquoun stage de 2 mois dans les conditions de lrsquoart4 du deacutecret pour les titulaires du titre de psychologue dont le stage professionnel lieacute agrave lrsquoobtention de ce titre nrsquoa pas eacuteteacute reacutealiseacute dans les conditions de cet article (voir sites des orga-nisations professionnelles et syndicales)

CONCLUSION

Au deacutecours de ce long cheminement pour lrsquoeacutela-borer une loi portant sur lrsquousage du titre de psy-chotheacuterapeute on remarquera lrsquoimpasse faite sur la formation agrave la pratique de la psychotheacute-rapie elle-mecircme Ce titre pourra ecirctre en effet deacutelivreacute agrave des personnes dont on nrsquoaura pas exi-geacute de formation agrave la psychotheacuterapie mais une formation agrave la psychopathologie clinique Une confusion suppleacutementaire dans la visibiliteacute des professions et leurs missions est introduite par le biais drsquoun nouveau titre de psychotheacuterapeute Il est agrave souligner que concernant les profes-sions reacuteglementeacutees dont font partie les psy-chologues la pratique de la psychotheacuterapie peut sous reacuteserve drsquoune formation compleacute-mentaire personnelle faire partie de leur activi-teacute Le titre de psychotheacuterapeute ne leur est donc pas neacutecessaire (Cf argumentaires sur le site des organisations professionnelles et syn-dicales)

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Quels changements pour le meacutetier de psychologue

Decret ndeg2010-534 du 20 mai 2010 relatif agrave lrsquousage du titre de psychotheacuterapeute

Article 1 Linscription sur le registre national des psy-chotheacuterapeutes mentionneacute agrave larticle 52 de la loi du 9 aoucirct 2004 susviseacutee est subordon-neacutee agrave la validation dune formation en psy-chopathologie clinique de 400 heures mini-mum et dun stage pratique dune dureacutee mi-nimale correspondant agrave cinq mois effectueacute

dans les conditions preacutevues agrave larticle 4Laccegraves agrave cette formation est reacuteserveacute aux titulaires dun diplocircme de niveau doctorat donnant le droit dexercer la meacutedecine en France ou dun diplocircme de niveau master dont la speacutecialiteacute ou la mention est la psy-

chologie ou la psychanalyse Article 2 Par deacuterogation aux dispositions de larticle preacuteceacutedent les professionnels mentionneacutes au cinquiegraveme alineacutea de larticle 52 de la loi preacuteciteacutee sont dispenseacutes en tout ou partie de la formation et du stage dans les conditions

preacutevues par lannexe 1 du preacutesent deacutecret Article 3 La formation mentionneacutee agrave larticle 1er vise agrave permettre aux professionnels souhaitant user du titre de psychotheacuterapeute dacqueacuterir

et de valider des connaissances relatives 1deg Aux deacuteveloppement fonctionnement et

processus psychiques 2deg Aux critegraveres de

discernement des grandes pathologies psy-

chiatriques 3deg Aux diffeacuterentes theacuteories se

rapportant agrave la psychopathologie 4deg Aux

principales approches utiliseacutees en psycho-

theacuterapie Article 4 Le stage pratique mentionneacute agrave larticle 1er seffectue agrave temps plein ou agrave temps partiel de faccedilon continue ou par peacuteriodes fraction-

neacuteesIl est accompli dans un eacutetablissement

public ou priveacute deacutetenant lautorisation men-tionneacutee agrave larticle L 6122-1 du code de la santeacute publique ou agrave larticle L 313-1-1 du code de laction sociale et des familles Toutefois le site du stage ne peut ecirctre le

lieu de travail de la personne en formationLe stage est placeacute sous la responsabiliteacute conjointe dun membre de leacutequipe de for-mation dun eacutetablissement agreacuteeacute en appli-

cation des articles 10 et 15 et dun profes-sionnel de leacutetablissement mentionneacute au

deuxiegraveme alineacutea maicirctre de stageIl donne

lieu agrave un rapport sur lexpeacuterience profes-sionnelle acquise soutenu devant les res-ponsables du stage et un responsable de la

formation de leacutetablissement agreacuteeacuteLe

stage est valideacute par le responsable de la

formation Article 5 Le contenu de la formation theacuteorique et pra-tique mentionneacutee agrave larticle 1er les critegraveres et modaliteacutes de son eacutevaluation ainsi que les objectifs du stage sont deacutefinis par un cahier des charges pris par arrecircteacute conjoint des mi-nistres chargeacutes de la santeacute et de lenseigne-ment supeacuterieur et publieacute au Journal officiel

de la Reacutepublique franccedilaise Article 6 Leacutetablissement de formation sassure au moment de linscription que le candidat jus-tifie de lun des diplocircmes ou titres de forma-tion mentionneacutes au quatriegraveme alineacutea de lar-ticle 52 de la loi du 9 aoucirct 2004 ou dun di-plocircme ou titre de formation reconnu eacutequiva-lent dans un autre Etat membre de lUnion europeacuteenne ou un autre Etat partie agrave lac-

cord sur lEspace eacuteconomique europeacuteen CHAPITRE II LE REGISTRE NATIONAL DES

PSYCHOTHERAPEUTES Article 7 ― Linscription sur la liste deacutepartementale

mentionneacutee au deuxiegraveme alineacutea de larticle 52 de la loi du 9 aoucirct 2004 est effectueacutee par le preacutefet du deacutepar-tement de la reacutesidence profession-

nelle principale du demandeurElle

est gratuite Elle doit avoir eacuteteacute effec-tueacutee avant toute utilisation du titre de

psychotheacuterapeuteDans le cas ougrave le

professionnel exerce dans plusieurs sites en tant que psychotheacuterapeute il est tenu de le deacuteclarer et de mention-ner les diffeacuterentes adresses de ses

lieux dexerciceEn cas de change-

ment de situation professionnelle le professionnel en informe les services

du preacutefet - La demande est adresseacutee au directeur geacute-

neacuteral de lagence reacutegionale de santeacute

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Quels changements pour le meacutetier de psychologue

dans le ressort duquel se situe la reacute-sidence professionnelle du deman-deur Celui-ci deacutelivre un accuseacute de reacuteception dans les conditions fixeacutees par le deacutecret du 6 juin 2001 susviseacute apregraves reacuteception de lensemble des piegraveces justificatives mentionneacutees agrave larticle 8 et assure linstruction pour le compte du preacutefet Il fait connaicirctre agrave ce dernier son avis sur la demande dinscription dans le deacutelai de 45

joursLe silence gardeacute par lautoriteacute

preacutefectorale agrave lexpiration dun deacutelai de deux mois agrave compter de la reacutecep-tion du dossier complet vaut deacutecision

de rejet de la demande - Lensemble des listes deacutepartementales

constitue le registre national des psy-

chotheacuterapeutes Article 8 I ― En vue de leur inscription sur la liste deacutepartementale les professionnels fournis-

sent 1deg La copie dune piegravece didentiteacute 2deg Lattestation de lobtention du titre de for-mation mentionneacute agrave larticle L 4131-1 du code de la santeacute publique ou du diplocircme de

niveau master mentionneacute agrave larticle 6 3deg

Lattestation de la formation en psychopa-thologie clinique mentionneacutee agrave larticle 1er agrave lexception des professionnels beacuteneacuteficiant

dune dispense totale 4deg Le cas eacutecheacuteant

lattestation denregistrement pour les pro-fessions et titres reacuteglementeacutes par le code de la santeacute publique et le code de laction

sociale et des familles II - Les professionnels appartenant agrave lune des trois cateacutegories mentionneacutees au cin-quiegraveme alineacutea de larticle 52 de la loi du 9 aoucirct 2004 susviseacutee fournissent en outre se-

lon les cas 1deg Soit lattestation de lobten-

tion du titre de formation de speacutecialiste en

psychiatrie 2deg Soit lattestation de lobten-

tion de lun des diplocircmes mentionneacutes au deacutecret du 22 mars 1990 susviseacute permettant de faire usage professionnel du titre de psy-chologue ou lautorisation obtenue en appli-cation des alineacuteas II et III de larticle 44 de

la loi du 25 juillet 1985 susviseacutee 3deg Soit

lattestation de lenregistrement reacutegulier dans un annuaire dassociation de psycha-

nalystesCette attestation est eacutetablie par le

preacutesident de lassociation Elle est accom-pagneacutee dune copie de linsertion la plus reacute-cente au Journal officiel de la Reacutepublique franccedilaise concernant lassociation et men-

tionnant son objetIII - Les modaliteacutes de

preacutesentation de la demande dinscription et notamment la composition du dossier ac-compagnant la demande sont fixeacutees par arrecircteacute du ministre chargeacute de la santeacute publieacute au Journal officiel de la Reacutepublique fran-

ccedilaise Article 9 La liste deacutepartementale mentionne pour

chaque professionnel 1deg Son identiteacute 2deg

Son lieu dexercice principal et sil y a lieu

ses lieux dexercice secondaires 3deg Le cas

eacutecheacuteant la mention et la date dobtention des diplocircmes relatifs aux professions de santeacute mentionneacutees dans la quatriegraveme partie du code de la santeacute publique ou agrave la profes-sion de psychologue la date de lautorisa-tion obtenue en application des alineacuteas II et III de larticle 44 de la loi du 25 juillet 1985 susviseacutee ou le nom de lassociation de psy-chanalystes dans lannuaire de laquelle le professionnel est reacuteguliegraverement enregistreacute

4deg Le nom de leacutetablissement de formation

ayant deacutelivreacute lattestation de formation en psychopathologie clinique ainsi que la date

de deacutelivrance de cette attestationCe docu-

ment preacutesente la liste des inscrits selon leur

profession dorigineCette liste est tenue

gratuitement agrave la disposition du public Elle est publieacutee chaque anneacutee au recueil des

actes administratifs de la preacutefecture

CHAPITRE III AGREMENT DES ETABLISSE-

MENTS DE FORMATION Article 10 ― Les eacutetablissements autoriseacutes agrave deacutelivrer

la formation preacutevue agrave larticle 1er sont agreacuteeacutes pour quatre ans par les ministres chargeacutes de la santeacute et de lenseignement supeacuterieur apregraves avis dune commission reacutegionale dagreacute-

ment - La commission reacutegionale dagreacutement est

composeacutee de six personnaliteacutes quali-fieacutees titulaires et de six personnaliteacutes

qualifieacutees suppleacuteantesCes person-

naliteacutes sont nommeacutees pour trois ans

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Quels changements pour le meacutetier de psychologue

par le directeur geacuteneacuteral de lagence reacutegionale de santeacute qui les choisit en raison de leurs compeacutetences dans les domaines de la formation et de leur expeacuterience professionnelle dans le champ de la psychiatrie de la psy-chanalyse ou de la psychopathologie clinique sans quaucune des trois cateacutegories de professionnels men-tionneacutees au cinquiegraveme alineacutea de lar-ticle 52 de la loi du 9 aoucirct 2004 sus-viseacutee ne soit majoritaire au sein de la

commissionParmi ces personnali-

teacutes siegravegent deux professeurs des universiteacutes speacutecialiseacutes en psychia-

trie psychologie ou psychanalyseLe directeur geacuteneacuteral de lagence reacute-gionale de santeacute deacutesigne le preacutesident

de la commissionLe mandat des

membres de la commission est re-

nouvelable une fois Article 11 Lavis motiveacute de la commission est rendu

au regard des eacuteleacutements suivants 1deg La

conformiteacute du contenu de la formation pro-poseacutee aux conditions poseacutees aux articles

1er 2 3 4 et 5 du preacutesent deacutecret 2deg La

conformiteacute des conditions et modaliteacutes de validation de la formation theacuteorique et pra-tique preacutevues par leacutetablissement au regard des dispositions preacutevues par larrecircteacute men-

tionneacute agrave larticle 5 du preacutesent deacutecret 3deg

Lengagement de leacutetablissement dans une deacutemarche deacutevaluation de la qualiteacute de la formation dispenseacutee Il fait lobjet dun dos-sier indiquant la structure publique ou pri-veacutee de son choix agrave laquelle sera confieacutee leacutevaluation en cause ainsi que le processus deacutevaluation retenu Ce dossier preacutecise en outre le statut de leacutevaluation la meacutethode utiliseacutee les indicateurs retenus et les diffeacute-rentes phases de leacutevaluation lidentiteacute et la qualification des eacutevaluateurs ainsi que le

calendrier preacutevisionnel de leacutevaluation 4deg

La qualiteacute de leacutequipe peacutedagogique respon-sable qui est composeacutee notamment densei-gnants permanents de professionnels de santeacute ainsi que de personnes autoriseacutees agrave porter le titre de psychotheacuterapeute Cette eacutequipe est placeacutee sous lautoriteacute dun con-seil scientifique comprenant notamment un

titulaire dun titre de formation mentionneacute agrave larticle L 4131-1 du code de la santeacute pu-

blique 5deg Ladeacutequation des moyens peacuteda-

gogiques par rapport au projet peacutedagogique et agrave leffectif des eacutelegraveves dans les diffeacuterentes

anneacutees de formation 6deg La conformiteacute des

locaux en matiegravere de seacutecuriteacute et daccessi-biliteacute ainsi que leur adeacutequation par rapport au projet peacutedagogique et agrave leffectif des eacutelegraveves dans les diffeacuterentes anneacutees de for-

mationLes eacutetablissements denseigne-

ment priveacutes doivent en outre satisfaire aux prescriptions des articles L 731-1 agrave L 731-

17 du code de leacuteducation Article 12 La personne physique ou morale juridique-ment responsable dun eacutetablissement de formation deacutesirant assurer la formation mentionneacutee agrave larticle 1er eacutetablit un dossier

de demande dagreacutementCe dossier est

adresseacute au plus tard six mois avant la date de louverture de la formation au directeur geacuteneacuteral de lagence reacutegionale de santeacute dans le ressort duquel leacutetablissement a son

siegravege socialCelui-ci en accuse reacuteception

dans les conditions fixeacutees par le deacutecret du 6

juin 2001 susviseacuteLa composition de ce

dossier est fixeacutee par arrecircteacute conjoint des mi-nistres chargeacutes de la santeacute et de lenseigne-ment supeacuterieur Il comporte notamment les statuts de leacutetablissement de formation et sa capaciteacute daccueil la description des forma-tions deacutelivreacutees la description des locaux et des moyens peacutedagogiques Il preacutecise sagissant de la formation en psychopatho-logie clinique le contenu de la formation theacuteorique et pratique deacutelivreacutee le descriptif du corps enseignant (effectifs qualiteacute quali-fication) la nature des activiteacutes et de la par-ticipation agrave la recherche de leacutequipe respon-

sable de la formation Article 13 Tout dossier deacuteposeacute est transmis par le di-recteur geacuteneacuteral de lagence reacutegionale de santeacute au secreacutetariat de la commission dans un deacutelai dun mois agrave compter de laccuseacute de

reacuteception de la demande initialeLa com-

mission se reacuteunit sur convocation de son preacutesident et dans les conditions fixeacutees par le deacutecret du 8 juin 2006 susviseacute Elle rend son avis dans le deacutelai de deux mois agrave

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Quels changements pour le meacutetier de psychologue

compter de sa saisineLe repreacutesentant de

leacutetablissement de formation est entendu par la commission reacutegionale sil en formule le souhait au moment du deacutepocirct de la candi-

dature ou agrave la demande de la commissionLavis est notifieacute agrave leacutetablissement qui a in-

troduit la demande Article 14 En cas davis neacutegatif et dans un deacutelai dun mois suivant sa notification le repreacutesentant de leacutetablissement de formation peut de-mander au directeur geacuteneacuteral de lagence reacutegionale de santeacute de convoquer une nou-

velle reacuteunion de la commissionCelle-ci

siegravege dans une formation eacutelargie agrave len-semble de ses membres titulaires et sup-

pleacuteantsSon avis se substitue au premier

avis rendu Article 15 La deacutecision dagreacutement intervient au plus tard six mois apregraves le deacutepocirct de la demande initiale En cas de recours dans les condi-tions preacutevues agrave larticle 14 ce deacutelai est pro-

longeacute de deux moisLe silence de ladmi-

nistration agrave lexpiration de ce deacutelai vaut deacute-

cision de rejetLa suspension ou le retrait

de lagreacutement sont prononceacutes par deacutecision motiveacutee des ministres chargeacutes de la santeacute et de lenseignement supeacuterieur apregraves que leacutetablissement a eacuteteacute mis agrave mecircme de preacute-senter ses observations lorsque le contenu ou les modaliteacutes dorganisation de la forma-tion cessent decirctre conformes aux condi-tions preacutevues agrave larticle 11 du preacutesent deacute-

cret CHAPITRE IV DISPOSITIONS TRANSI-

TOIRES Article 16

I ― Les professionnels justifiant dau moins cinq ans de pratique de la psychotheacutera-pie agrave la date de publication du preacutesent deacutecret peuvent ecirctre inscrits sur la liste deacutepartementale mentionneacutee agrave larticle 7 alors mecircme quils ne remplissent pas les conditions de formation et de diplocircme preacutevues aux articles 1er et 6 du preacutesent deacutecret Cette deacuterogation est accordeacutee par le preacutefet du deacutepartement de la reacutesi-dence professionnelle du demandeur apregraves avis de la commission reacutegionale dinscription Le professionnel preacutesente

cette autorisation lors de sa demande dinscription sur la liste deacutepartementale

des psychotheacuterapeutes II - La commission mentionneacutee au I est preacutesi-

deacutee par le directeur geacuteneacuteral de lagence reacutegionale de santeacute ou par la personne quil a reacuteguliegraverement deacutesigneacutee pour le repreacutesenter Elle comprend six person-naliteacutes qualifieacutees titulaires et six person-naliteacutes suppleacuteantes appartenant agrave lune des trois cateacutegories mentionneacutees au cin-quiegraveme alineacutea de larticle 52 de la loi du 9 aoucirct 2004 susviseacutee et nommeacutees par le directeur geacuteneacuteral de lagence reacutegio-nale de santeacute qui les choisit en raison de leurs compeacutetences dans les domaines de la formation et de leur expeacuterience professionnelle dans le champ de la psychiatrie de la psychanalyse ou de la psychopathologie clinique sans quau-cune de ces trois cateacutegories de profes-sionnels ne soit majoritaire au sein de la commission Ses membres sont nom-meacutes pour une dureacutee de trois ans renou-

velable une foisLa commission se reacuteu-

nit dans les conditions fixeacutees par le deacute-

cret du 8 juin 2006 susviseacuteLes frais de

deacuteplacement et de seacutejour de ses membres sont pris en charge dans les conditions preacutevues par la reacuteglementation

applicable aux fonctionnaires de lEtatLa commission sassure que les forma-tions preacuteceacutedemment valideacutees par le pro-fessionnel et son expeacuterience profession-nelle peuvent ecirctre admises en eacutequiva-lence de la formation minimale preacutevue agrave larticle 1er et le cas eacutecheacuteant du di-plocircme preacutevu agrave larticle 6 Elle deacutefinit si neacutecessaire la nature et la dureacutee de la formation compleacutementaire neacutecessaire agrave linscription sur le registre des psycho-

theacuterapeutesLe professionnel est en-

tendu par la commission sil en formule le souhait au moment du deacutepocirct de son dossier ou agrave la demande de la commis-

sion Article 17 Les professionnels qui souhaitent obtenir une autorisation dinscription sur le registre des psychotheacuterapeutes en application de larticle 16 preacutesentent dans le deacutelai dun an

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 42

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

agrave compter de la publication du preacutesent deacute-cret un dossier en ce sens dans les condi-

tions preacutevues agrave larticle 7Cette demande

est accompagneacutee des piegraveces justificatives notamment administratives attestant de

lexercice de la psychotheacuterapieA la reacutecep-

tion du dossier complet il est deacutelivreacute agrave linteacuteresseacute un accuseacute de reacuteception deacutelivreacute dans les conditions fixeacutees par le deacutecret du 6 juin 2001 susviseacute Celui-ci permet au pro-fessionnel qui utilisait preacuteceacutedemment le titre de psychotheacuterapeute de continuer agrave lutiliser

jusquagrave lintervention de la deacutecisionLe si-

lence gardeacute pendant plus de six mois sur une demande preacutesenteacutee au titre du I de lar-ticle 16 vaut deacutecision de rejet Dans les cas ougrave en application de ces dispositions il est demandeacute au candidat de justifier dune for-mation compleacutementaire celle-ci doit ecirctre effectueacutee avant le 1er janvier 2014 Si cette exigence nest pas remplie le preacutefet retire le professionnel des inscrits sur la liste deacute-

partementale des psychotheacuterapeutes Article 18 Les dispositions du preacutesent deacutecret entrent

en vigueur agrave compter du 1er juillet 2010Pour lapplication du preacutesent deacutecret agrave Saint-Pierre-et-Miquelon les compeacutetences deacutevo-lues au directeur geacuteneacuteral de lagence reacutegio-nale de santeacute par le preacutesent deacutecret sont exerceacutees par les services chargeacutes de lad-

ministration territoriale de la santeacute Article 19 Le ministre de linteacuterieur de loutre-mer et des collectiviteacutes territoriales la ministre de lenseignement supeacuterieur et de la re-cherche la ministre de la santeacute et des sports et la ministre aupregraves du ministre de linteacuterieur de loutre-mer et des collectiviteacutes territoriales chargeacutee de loutre-mer sont chargeacutes chacun en ce qui le concerne de lexeacutecution du preacutesent deacutecret qui sera pu-blieacute au Journal officiel de la Reacutepublique franccedilaise

ANNEXE NOMBRES DHEURES DE FORMATION

EN PSYCHOPATHOLOGIE CLINIQUEEXIGEacuteES DES CANDIDATS AU TITRE DE

PSYCHOTHEacuteRAPEUTE

THEgraveME de formation

PSYCHIATRES Dispense totale

MEacuteDECINS non psychiatres

PSYCHOLOGUES cliniciens

PSYCHOLOGUES non cliniciens

PSYCHANALYSTES Reacuteguliegraverement enre-gistreacutes dans leur annuaires

PROFESSIONNELS nappartenant agrave aucune des cateacutego-ries preacuteceacutedentes

Deacuteveloppement fonctionnement et processus psychiques

0 h

0 h

0 h

0 h

0 h

100 h

Critegraveres de discernement des grandes pathologies psychiatriques

0 h

0 h

50 h

100 h

100 h

100 h

Theacuteories se rapportant agrave la psychopatholo-gie

0 h

100 h

50 h

100 h

50 h

100 h

Principale ap-proches utili-seacutees en psycho-theacuterapie

0 h

100 h

50 h

100 h

50 h

100 h

Stage

0 mois

2 mois

2 mois

5 mois

2 mois

5 mois

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 43

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

Psychotheacuterapeute agrave quel titre

Patrice Nomineacute CSAPA Espace Murger - Service de Psychiatrie

Adulte du Pr Jean Pierre Leacutepine Hocircpital Fernand Widal

L a preacuteoccupation des pouvoirs publics de

reacuteglementer la pratique officielle de la

psychotheacuterapie provoque des turbu-

lences dans le petit monde des psychologues

qui se targuent drsquoen effectuer sous les formes

les plus diverses et qui se voient sommeacutes de

faire la preuve de leur formation dans ce do-

maine agrave deacutefaut de faire de mecircme en ce qui

concerne leur compeacutetence ce qui par ailleurs

nrsquoest guegravere deacutemontrable

Chacun drsquoentre eux peut bien entendu invoquer

son expeacuterience ineffable ou le prestige accordeacute

agrave sa theacuteorie de reacutefeacuterence pour estimer leacutegitime

de srsquoaffranchir drsquoune telle justification tout en

ne perdant pas de vue qursquoun statut estampilleacute

par lrsquoautoriteacute administrative peut garantir la

poursuite sereine de telles activiteacutes Pour les

plus eacuteclectiques le choix drsquoune eacutecole certifiante

ressemblera agrave un mariage de raison

Crsquoest donc au prix drsquoune soumission agrave lrsquoautoriteacute

que lrsquoexercice drsquoune telle liberteacute peut espeacuterer

se perpeacutetuer Crsquoest lagrave lrsquoune des formes de la

reacutesignation peu glorieuse certes agrave laquelle on

pourrait preacutefeacuterer le discernement formulation

bien plus acceptable au regard de lrsquoestime de

soi Crsquoest ce dont semblent avoir manqueacute celui

ou celle ou ceux qui ont cru bon drsquoaller couiner

dans une oreille des plus compatissantes que

la pratique de la psychotheacuterapie devait ecirctre reacute-

serveacutee agrave des professionnels persuadeacutes de sa-

voir y faire et capables de preacutesenter des ga-

ranties plutocirct qursquoagrave des gougnafiers mecircme pas

fichus drsquoexhiber la moindre preuve convain-

cante de la leacutegitimiteacute de leurs preacutetentions Ce

qui est drsquoailleurs la reacutealiteacute Mais comment

srsquoeacutetonner drsquoune telle beacutevue si lrsquoon srsquoen rap-

porte agrave la ceacutelegravebre Loi de Murphy qui eacutenonce

que sil y a plusieurs faccedilons de faire quelque

chose et que lune delles peut aboutir agrave une

catastrophe alors quelquun la choisira

Les mecircmes qui reacuteclamaient la mise en place

drsquoune reacuteglementation officielle reacuteservant le titre

de psychotheacuterapeute agrave des professionnels de

qualiteacute ducircment formeacutes agrave cet effet sont parmi

les premiers agrave protester contre les formes don-

neacutees agrave cette derniegravere par une souveraineteacute deacute-

ficitaire dont lrsquoexercice autoritaire nous rappelle

que nous sommes destineacutes agrave nous faire ap-

prendre ce que lrsquoon sait deacutejagrave par des gens qui

nrsquoy connaissent rien Agrave lrsquoheure de la prolifeacutera-

tion des reacutefeacuterentiels et des protocoles reacuteclamer

encore un peu plus de controcircles et de veacuterifica-

tions suspicieuses ne peut que servir de via-

tique aux frileux de la subjectiviteacute qui sont

friands de contraintes rassurantes Et on ne

srsquoeacutetonnera pas de les voir se formaliser drsquoen

avoir appeleacute agrave Raminagrobis comme dans la

ceacutelegravebre fable de Jean de La Fontaine Le

chat la belette et le petit lapin

Crsquoeacutetait un chat vivant comme un deacutevot ermite

Un chat faisant la chattemite

Un saint homme de chat bien fourreacute gros et

gras

Arbitre expert sur tous les cas

Et de voir se faire croquer tout uniment secta-

teurs et protestataires tout marris drsquoavoir con-

senti agrave lrsquoincompeacutetence et la condescendance

de deacutecideurs comme on dit le sort de leurs

activiteacutes Drsquoougrave la singularisation des heacutesitants

ameacutenagements survenus qui vident du proceacute-

deacute la geacuteneacuteralisation qursquoil visait au profit de re-

connaissances professionnelles plus contrai-

gnantes encore par la judiciarisation des liber-

teacutes du mecircme tonneau Et ce qui ne peut agrave lrsquoeacutevi-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 44

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

dence valoir pour tous nrsquoa que peu de chances

de valoir davantage pour chacun Ce seraient

donc des organisations professionnelles qui se

verraient deacutecerner des preacuterogatives pour les

beacuteneacuteficiaires qui auront eu la bonne ideacutee de srsquoy

glisser Cela veacuterifie tout agrave la fois la meacuteta-loi de

Cooper qui eacutenonce qursquoune prolifeacuteration de

nouvelles lois creacutee une prolifeacuteration de nou-

veaux vides juridiques et ce bon vieux pro-

verbe qui dit que le clou qui deacutepasse attire le

marteau

On savait deacutenombrer quelques centaines de

types de psychotheacuterapies pleacutethore drsquoautant

plus deacuterisoire que cette recension ne concerne

le plus souvent que des techniques psychotheacute-

rapiques certes impliqueacutees dans des disposi-

tifs agrave viseacutee theacuterapeutique mais certainement

incapables de deacutefinir la psychotheacuterapie car

comment eacutetablir un modegravele de lrsquoindeacutefinissable

Pour autant il sera difficile de deacutemontrer que la

formation certifieacutee agrave une technique psychotheacute-

rapique est assimilable agrave la performance de sa

mise en oeuvre Car qursquoen est-il vraiment dans

la reacutealiteacute de ces audacieuses pratiques Srsquoagit

-il drsquoune illusion entretenue par les theacuterapeutes

sur lrsquointeacuterecirct de leurs manœuvres Les patients

qui srsquoy exposent ne font-ils que changer de re-

gistre de repreacutesentations ou accegravedent-ils reacuteelle-

ment agrave une autre dimension de leur ecirctre Et

comment srsquoaccommodent-ils des aventures

parfois interminables dans lesquelles de telles

situations les plongent

Ces derniers qui se sont aperccedilus que le destin

commenccedilait agrave leur masser les eacutepaules srsquoils

nrsquoacceptent la perspective du changement que

par neacutecessiteacute et la neacutecessiteacute que parce que

leur sentiment drsquoexistence se trouve en deacutelica-

tesse se trouvent le plus souvent agrave la re-

cherche drsquoun sentiment perdu celui de la com-

pleacutetude Et ce sont eux qui deacutecident finalement

si leur rencontre avec un ou une psychologue

doit prendre cette tournure apregraves avoir eacutepuiseacute

tout ce qui leur avait jusque-lagrave permis drsquoy

eacutechapper Ils nrsquoont plus confiance dans la reacuteali-

teacute qui nrsquoest elle-mecircme apregraves tout qursquoun pres-

sentiment collectif Crsquoest que le patient qui se

reacutesout agrave consulter fait la preuve qursquoil a reacuteussi agrave

surmonter sa honte de devoir neacutecessiter une

telle deacutemarche ce qui deacutemontre lrsquoexistence de

la premiegravere ressource personnelle qui lui ap-

partient Si le patient neacuteglige ce qui le pousse agrave

changer alors le changement lui-mecircme est neacute-

gligeacute Il doit rencontrer une attitude telle qursquoil en

ressentira de la consideacuteration premiegravere res-

source theacuterapeutique en retour agrave la disposition

du psychotheacuterapeute

Et puis on voit tous les jours des patients aller

mieux en deacutepit de nos subtiles interventions

peut-ecirctre gracircce aux perfectibiliteacutes de celles-ci

Le patient met son talent agrave notre service mais

pour le bon deacuteroulement des choses il doit ecirctre

eacuteclaireacute sur ses responsabiliteacutes Prisonnier des

circonstances ce qui le rend malheureux le

patient soucieux de participer agrave son eacutemancipa-

tion doit inciter son ou sa psychotheacuterapeute

par des questions simples et bienveillantes agrave

reformuler ce qursquoil comprend de la situation et agrave

exprimer son ressenti Il est essentiel que le

theacuterapeute se sente eacutecouteacute informeacute et respec-

teacute Il ne doit pas craindre de lrsquoimportuner

puisque de toute faccedilon ce sera le cas En preacute-

servant la liberteacute de penseacutee de ce dernier et en

veillant agrave le faire participer aux orientations de

la theacuterapie le patient doit mettre une grande

conviction agrave le convaincre qursquoil est la personne

concerneacutee en premier lieu par le choix de celle-

ci avec la capaciteacute de reacutefleacutechir et de prendre

les deacutecisions qui le concernent agrave partir des in-

formations qursquoil partage avec lui Le patient de-

vra eacutegalement precircter attention aux signes de

conduites addictives ou aux troubles obses-

sionnels compulsifs du psychotheacuterapeute Un

signe drsquoappel agrave connaicirctre est la position con-

descendante ou le silence obstineacute ou encore

la somnolence difficilement dissimuleacutee qui sont

sans rapport avec les attentes drsquoeacutecoute et de

compreacutehension que le patient tente drsquoexprimer

Le patient doit savoir que la preacutevalence du sui-

cide de la deacutepression du syndrome deacutecision-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 45

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

nel de lrsquoalcoolisme et de la toxicomanie est

bien supeacuterieure chez les psychotheacuterapeutes agrave

celle de la population geacuteneacuterale Il srsquoefforcera

donc de lui faciliter la vie par de petites atten-

tions ou remarques gratifiantes afin de ne pas

alimenter les fameux dysfonctionnements dont

les protocoles theacuterapeutiques se sont enticheacutes

Enfin les interlocuteurs ne devront jamais

perdre de vue que lrsquoon nrsquoest jamais autant deacuteccedilu

que par les illusions que lrsquoon perd Bref pour le

privilegravege drsquoune synergie additive de bon aloi le

patient et son psy doivent parvenir agrave se persua-

der que leur liberteacute de manoeuvre consiste agrave

faire tout ce que permet la longueur de la

chaicircne qui les assujettit Et la principale recom-

mandation exigeacutee pour les deux acteurs de ces

proceacutedeacutes interactifs tant pour le patient que

pour son psy semble devoir se fonder sur une

robuste et saine suspicion mutuelle La reacutecipro-

citeacute est la clef de tous les rapports humains

Si lrsquoon veut bien eacutecarter un instant les passion-

nantes preacutesentations de cas superbement rap-

porteacutes par leurs auteurs et dont les colloques

sont friands ougrave tout est eacutelucideacute et dans les-

quelles tout semble srsquoexpliquer facilement ougrave

la posture adopteacutee par le ou la psychotheacutera-

peute srsquoest trouveacutee bien venue ougrave ses inter-

preacutetations se sont reacuteveacuteleacutees pertinentes et ses

interventions judicieuses qui auront abouti agrave

un reacutesultat suffisamment satisfaisant pour ecirctre

exposeacute on srsquoautorisera agrave penser que ces preacute-

sentations sont sans doute davantage drsquoineacutevi-

tables reconstructions que la traduction fidegravele

du deacuteroulement des eacuteveacutenements de lrsquoordre de

lrsquoimplacable authenticiteacute dont se montre ca-

pable une cameacutera de surveillance de distribu-

teur de billets de banque Apregraves tout si le men-

songe est le secret de la vie amoureuse crsquoest

aussi le ciment de la vie sociale La subjectiviteacute

srsquoinsinue partout peut-ecirctre plus encore dans

les souvenirs que dans les activiteacutes de percep-

tion Un souvenir est un mensonge qui dit tou-

jours la veacuteriteacute a eacutecrit Jean Cocteau recons-

truction conjecturale mais sincegravere expression

dans lrsquoinstant de sa remeacutemoration puisque tout

peut ecirctre exact sans que rien ne soit vrai En

theacuteorie tout srsquoexplique en pratique tout se

complique Ce nrsquoest pourtant pas une raison

pour faire les gros yeux aux garnements de la

psychotheacuterapie Qui srsquointeacuteresserait agrave la pein-

ture dans le seul but de devenir trafiquant

drsquoœuvres drsquoart

Or ce que redoute la theacuterapeutique crsquoest lrsquoer-

reur la faute restant beaucoup plus inconce-

vable qursquoelle est exceptionnelle et lrsquoeacutechec trop

reacutecurrent tandis que ce queacutevite la circonspec-

tion mdash en ne versant daucuns cocircteacutes mdash crsquoest la

partialiteacute Crsquoest donc vrai quelle apparaicirct ordi-

naire commune qursquoelle ne se dissipe pas

comme le fait le theacuteorique dans ses cabrioles

et si elle ne fait pas toujours la preuve drsquoune

grande inventiviteacute elle nrsquoest pas hanteacutee par

lrsquoexigence de la coheacuterence ce spectre des pe-

tits esprits Elle ne cherche pas non plus agrave sus-

citer la contradiction ni ne vise agrave se singulari-

ser en prenant une position mais elle aspire agrave

conserver lrsquoesprit ouvert agrave tous les possibles

quitte agrave cultiver le paradoxe Crsquoest sans doute

pour cette raison que quand lrsquoadresse agrave un pa-

tient se reacutevegravele theacuterapeutique ce nrsquoest pas une

surprise totale crsquoest le plus souvent lrsquoaboutis-

sement drsquoune deacutemarche heuristique Ceux qui

srsquoembarrassent dans un diagnostic ce qursquoils

srsquoimaginent indispensable avant toute entre-

prise et auquel ils finissent par croire et ce fai-

sant faire croire implicitement au patient qursquoil

srsquoapplique agrave lui mecircme quand ils ne cegravedent pas

agrave la tentation de lui en faire la reacuteveacutelation peu-

vent finir par srsquoenfermer dans une illusion com-

mune Une telle disposition est assimilable

dans son essence au preacutesupposeacute On voit la

difficulteacute apparaicirctre dans les efforts drsquoy faire

piegravece et que cela ne preacutesage rien de bon

Pourtant on a bien souvent vu la situation theacute-

rapeutique eacutevoluer favorablement en deacutepit de

ces preacutemisses douteuses Qursquoen penser Si

lrsquoon considegravere que la tacircche fondamentale du

psychotheacuterapeute est bien de reacutesoudre des

problegravemes de maniegravere efficace et dynamique

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 46

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

si lrsquoon peut srsquoeacutecarter un tant soit peu des con-

ceptions traditionnelles des problegravemes psycho-

pathologiques mettre en doute lrsquoexistence de

deacuteficits agrave reacuteparer ou agrave compenser chez le pa-

tient srsquoautoriser agrave penser que la reacutesistance au

changement de ce dernier nrsquoa rien agrave voir avec

la rentabiliteacute speacutecifique de symptocircmes en

terme de pouvoir interpersonnel on peut envi-

sager drsquointroduire des solutions qui ne srsquoentre-

tiennent pas elles-mecircmes et deviennent des

obstacles au changement Alors le theacuterapeute

peut se contenter drsquoamorcer un changement et

deacutecliner la neacutecessiteacute de srsquoengager agrave lrsquoaccompa-

gner jusqursquoagrave son terme Et quand les venues

du patient deviennent plus rares se souvenir

que Freud deacuteclarait que la cure est termineacutee

quand le patient ne vient plus

On connaicirct les dispositions favorables du pa-

tient agrave srsquoidentifier au profil qursquoon lui propose Et

si les patients se montrent rarement agrave la hau-

teur de ce que lrsquoon attend drsquoeux crsquoest parce

que lrsquoon attend quelque chose de leur part qui

soit agrave la hauteur de nos preacutetendues compeacute-

tences dont rappelons-nous il srsquoagit de reacutegle-

menter la mise en oeuvre Or lrsquoobjectif du theacute-

rapeute peut-il ecirctre leacutegitimement de confirmer

ses convictions Srsquoil interpregravete les causes du

mal-ecirctre de ses patients en fonction dun scheacute-

ma geacuteneacuteral et preacuteeacutetabli ne les trahit-il pas Et

serait-il bien congru de proposer des theacuterapies

en precirct-agrave-porter mecircme en demi-taille plutocirct

que faire dans le sur mesure en fonction des

ressources que le patient a lrsquoair de preacutesenter

Les deux acteurs de lrsquoaffaire risquent de rater

ce qursquoils recherchent implicitement en croyant y

gagner quelque chose le theacuterapeute la confir-

mation de ses convictions et le patient un

eacuteclaircissement de ses difficulteacutes en mecircme

temps que son adoption par une autoriteacute qui

lrsquoenteacuterine Toute clarteacute se paie drsquoun mystegravere et

comme une conscience claire est le signe

drsquoune mauvaise meacutemoire on nrsquoen saura pas

beaucoup plus les ideacutees nettes et distinctes

chegraveres agrave Reneacute Descartes nrsquoont guegravere fait la

preuve de leur eacutevidence La responsabiliteacute du

theacuterapeute srsquoeacutemaille de tant de deacuteterminants

que ce dernier est tout agrave fait capable de se ran-

ger agrave ce qursquoil croit justifieacute Mais la croyance

nrsquoest pas seulement une ideacutee que lrsquoesprit pos-

segravede crsquoest eacutegalement une ideacutee qui possegravede

lrsquoesprit Le plus grand deacuteregraveglement de lrsquoesprit

est de croire que les choses sont parce que

lrsquoon veut qursquoelles soient Les psychologues sa-

vent si bien identifier les situations qui se precircte-

ront au beacuteneacutefice de leur clairvoyance qursquoils

sont eacutegalement fortement sujets agrave lrsquoisseacutegoureacutee

facirccheuse pathologie qui deacutesigne un don parti-

culier pour toujours chercher drsquoabord dans la

mauvaise poche

Toutefois une relation de confiance une fois

installeacutee ccedila commence agrave rouler mais au fil du

temps la roue finit par prendre du jeu et les

orientations agrave srsquoinstaller dans le confort agrave srsquoen-

liser dans lrsquoanamnegravese agrave travailler obstineacutement

la reacutepeacutetition agrave se contenter de pointer des meacute-

canismes quant ccedila ne se reacuteduit pas agrave la pro-

duction de regrettables rationalisations Il srsquoagit

plutocirct de reacuteapprendre des conduites au patient

apregraves qursquoil en ait renouveleacute le choix agrave srsquoenga-

ger dans des activiteacutes qui permettent de modi-

fier substantiellement les modes de penseacutee Le

but ultime de la psychotheacuterapie nest pas seu-

lement deacuteliminer des comportements deacuteplo-

rables cest dapprendre agrave mieux geacuterer ses

propres processus mentaux agrave affronter avec

plus de reacuteussite des situations oppressantes et

agrave deacutevelopper des opeacuterations psychiques plus

performantes et une maniegravere drsquoecirctre au monde

plus eacutepanouissante une expression de la

sphegravere psychique privileacutegiant la valorisation

des aspirations individuelles qui deacutebouche sur

la preacutedilection pour lrsquoespace inteacuterieur caracteacuteri-

seacute sur lequel on pense souvent ecirctre suscep-

tible de pouvoir agir Mais comment juger ac-

ceptable que le patient se retrouve dans la po-

sition de celui qui la cleacute de son appartement agrave

la main se voit contraint drsquoactionner la son-

nette pour rentrer chez lui

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 47

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

Tout ceci pour suggeacuterer une approche zeacuteteacute-

tique des psychotheacuterapies pour autant qursquoelle

puisse ecirctre soupccedilonneacutee de participer agrave lrsquoactua-

lisation de la confusion des genres qui permet-

trait drsquoeffectuer la distinction entre drsquoune part la

psychotechnique de la theacuterapie que la revendi-

cation du titre de psychotheacuterapeute tendrait agrave

certifier au prix drsquoun reacuteductionnisme preacutejudi-

ciable agrave la pratique clinique et au meacutepris drsquoune

certaine creacuteativiteacute et la conduite drsquoun projet

psychotheacuterapique circonspect avec des tech-

niques approprieacutees et individualiseacutees jouant le

rocircle drsquoun outil directionnel

Les psychologues sont censeacutes distinguer le

subjectif de lrsquoirrationnel Il ne sagit pas dex-

clure la subjectiviteacute ni mecircme de la reacuteduire

mais de la conserver au cœur de la pratique de

la psychologie clinique Cest lagrave au cœur de la

subjectiviteacute de lindividuel que celle-ci peut

justifier sa speacutecificiteacute En revanche on ne se

preacuteoccupera pas des ayatollahs de la psycha-

nalyse au masque douloureux et au regard fil-

trant arborant un air drsquoen savoir long ni des

forceneacutes du dressage cognitif qui se deacutesolent

de ne pas voir le patient marcher mieux que

cela dans la combine Pas plus drsquoailleurs que

de tous les gardes-frontiegraveres des succegraves qui

leur eacutechappent qui sont des envieux comme

tous les censeurs Agrave Theacuterapik Park les psy-

chotheacuteraptors chassent tout autant en meute

qursquoen snipers

Il est important de tendre vers une pratique

permissive en accordant au patient la possibili-

teacute de reacutealiser que lorigine des changements se

trouve en lui comme il pense de celle des pro-

blegravemes qui sont les siens qui pourra de cette

faccedilon acqueacuterir une autonomie dans son pro-

cessus de traitement Mais lrsquoon a appris que ce

reacutesultat ne peut ecirctre obtenu que si lrsquoon accorde

au patient la possibiliteacute de tricher Cette faculteacute

le poussera rarement agrave en user mais sa virtua-

liteacute qursquoil est en mesure de srsquoapproprier facilite-

ra bien souvent la survenue des identifications

rechercheacutees par le theacuterapeute parce que le

patient en fera ainsi plus facilement son affaire

Crsquoest en quelque sorte entrer par la porte de

derriegravere dans le champ complexe de la forma-

tion du reacuteel

Cette approche zeacuteteacutetique estomperait eacutegale-

ment la suspicion de thaumaturgie qui revien-

drait au professionnel qui srsquoappuyant sur la

conviction qursquoil y a quelque chose agrave soigner

chez le patient au titre de lrsquoadheacutesion de ce der-

nier agrave la proposition drsquoune telle assertion

srsquoexempterait du titre en vertu de lrsquoautorisation

qursquoil srsquooctroierait agrave lui-mecircme de pratiquer Pen-

ser par soi-mecircme crsquoest souvent penser tout

seul ou pire penser comme tout le monde

Mieux vaut peut-ecirctre penser contre soi-mecircme

et se faire agrave soi-mecircme les objections des

autres Toutes les psychotheacuterapies ont leurs

chimegraveres apregraves lesquelles elles courent sans

jamais les attraper Mais avantageusement en

chemin elles srsquooctroient des opportuniteacutes qui

ne sont pas toutes neacutegligeables Et sans ou-

blier que quand la sinceacuteriteacute confine agrave lrsquoarbi-

traire on en vient agrave regretter lrsquohypocrisie

comme lrsquoa magistralement exprimeacute Descartes

on peut deacutecider que lrsquoon nrsquoest sucircr de rien et

que lrsquoon nrsquoest mecircme pas sucircr que lrsquoon nrsquoest sucircr

de rien cesser de consideacuterer que les pro-

blegravemes compliqueacutes neacutecessitent forceacutement des

solutions compliqueacutees Il y a aussi des psycho-

theacuterapies qui durent des anneacutees et un mauvais

esprit pourrait eacutetablir une comparaison avec les

banques qui quoiqursquoun virement par ordinateur

ne prenne qursquoune seconde aiment en faire tout

un plat afin que les fonds demeurent un mo-

ment dans leur systegraveme et leur rapportent

Comme nous vivons irreacutesistiblement dans un

monde de repreacutesentations la seacuteduction du titre

peut exciter la convoitise mdash celle-ci constituant

la plus formidable des motivations humaines mdash

de psychotheacuterapeutes en quecircte de reconnais-

sance Mais ce sont les ideacutees les plus seacutedui-

santes qui ont le plus souvent besoin de se re-

maquiller Le terme de trompe-couillon deacutesi-

gnant le maquillage en langue verte est trop

illustratif dans le domaine des psychotheacuterapies

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 48

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

pour deacutecourager complegravetement la tentation de

srsquoinsurger contre lrsquoeacuteventualiteacute de sa pertinence

Le titre de psychotheacuterapeute ressemble agrave la

queue du Mickey de notre enfance qursquoil fallait

attraper pour avoir un tour gratuit de manegravege

On peut bien courir encore longtemps apregraves

son obtention mais si lrsquoon veut finir de rouler le

peacutetard il faudra bien se reacutesoudre au bout drsquoun

moment agrave cesser de rechercher le petit bout de

shit tombeacute sur la moquette marron

Alors psychotheacuterapeute agrave quel titre quand la

proposition theacuterapeutique tiendrait tout entiegravere

en quatriegraveme de couverture Et lrsquoon peut ajou-

ter agrave notre accablement la conjoncture imagi-

naire que nous ne nous en remettrons jamais

et deacutecider que la psychotheacuterapie est devenue

un business Bien sucircr ces consideacuterations ne

srsquoappliquent pas aux psychotheacuterapeutes pour

lesquels rien nrsquoest impossible eacutequipeacutes du tout

agrave lrsquoego agrave soi qui sont si lrsquoon peut dire la protu-

beacuterance de la profession Elles ne srsquoappliquent

pas davantage agrave ces professionnels dont

lrsquoinaptitude est semblable agrave celle des jeunes

paresseux ces mammifegraveres arboricoles de la

forecirct breacutesilienne auxquels il arrive freacutequem-

ment drsquoempoigner leurs propres pattes agrave la

place des branches si bien qursquoils tombent des

arbres

Enfin lrsquoexigence de ce titre fait voir se multiplier

des instituts de formation agrave la psychotheacuterapie

neacutes de la derniegravere pluie qui ne feraient que

precirccher pour leur paroisse agrave des ouailles fasci-

neacutees par la quecircte de la qualification Il suffirait

alors de deacutetenir le titre de psychotheacuterapeute

pour le devenir tandis que ceux ou celles qui

en possegravedent la compeacutetence et qui se risquent

agrave en pratiquer verraient fragiliseacutee leur deacutetermi-

nation agrave y recourir sans lrsquoestampille de sa sa-

cralisation Crsquoest ainsi qursquoun meacutecanicien de la

relation identifieacute comme speacutecialiste du soin et

de la gestion des relations interpersonnelles

viendra disqualifier la prodigieuse diversiteacute des

fonctionnaliteacutes de la psychologie clinique agrave la-

quelle nous sommes tous attacheacutes Et lrsquoon ver-

ra des psychotheacuterapeutes nantis de bons certi-

ficats srsquoeacutevertuer dans la profession et y forger

leur reacuteussite juste pour prouver que crsquoest pos-

sible Les exigences des employeurs se mon-

treront de plus en plus impeacuteratives sur ce point

les assureurs jouant le rocircle drsquoagences de nota-

tion et lrsquoon nrsquoengagera deacutesormais que des

eacutebeacutenistes qualifieacutes comme caissiers chez Ikea

Quand le doute est leveacute il deacutebouche sur une

incertitude et le psychotheacuterapeute ballotteacute au

greacute des vagues de lrsquooceacutean du deacutesir de nou-

velles contraintes reacuteglementaires dans sa lutte

contre la deacutereacuteliction par tous les temps se

trouve embarrasseacute par le choix impossible

entre deux deacutesillusions voir que lrsquoeacutetendue du

champ de la pratique de la psychotheacuterapie se

precircte deacutesormais deacutecideacutement mal agrave son entre-

prise ou constater combien ccedila va ecirctre difficile

de lrsquoentreprendre agrave ses propres conditions

Crsquoest comme eacuteprouver le deacutesappointement de

la dame constatant que la lunette des toilettes

nrsquoest pas abaisseacutee ou la consternation du

monsieur qui deacutecouvre que la mecircme lunette ne

tient pas releveacutee Mais quitte agrave voyager sur le

Titanic pourquoi pas en premiegravere classe

La vie professionnelle nous rappelle combien le

monde peut paraicirctre singulier lorsqursquoon le re-

garde apregraves avoir fait un simple pas sur le cocircteacute

Lrsquoexercice de la psychotheacuterapie srsquoassaisonne

de pas mal drsquohumiliteacute et drsquoun peu de creacuteativiteacute

Peut-on ecirctre agrave la fois malin et intelligent Les

psychologues cliniciens pratiquent volontiers

lrsquousage des deux adverbes fondamentaux qui

eacuteveillent lrsquointelligence des enfants pourquoi

et comment Lrsquointelligence incite agrave la reacute-

flexion et la reacuteflexion conduit au scepticisme

Le scepticisme lui megravene agrave lrsquoironie Lrsquoironie

cette meacutelancolie de la luciditeacute agrave son tour se

preacutesente agrave lrsquoesprit mdash qui se trouve en apport

direct avec lrsquohumour mdash qui fait si bon meacutenage

avec la fantaisie Et la vie devient une chose

deacutelicieuse aussitocirct qursquoon deacutecide de ne plus la

prendre tout agrave fait au seacuterieux

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 49

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

Modeacuterateur Patrice Nomineacute Hocircpital Fernand Widal

gt La dimension culturelle dans leacutecoute des pa-

tients migrants africains

Jacqueline Faure Hocircpital Tenon Page 50

gt Psychologue en reacuteanimation peacutediatrique teacute-

moignage drsquoune pratique en eacutevolution

Muriel Derome Hocircpital Raymond Poincareacute Page 60

gt Seacutejour de vacances quelle place pour le psy-

chologue

Ceacuteline Le Bivic Hocircpital Eacutemile Roux Page 63

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques

transversaliteacute de nos cliniques

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 50

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

La dimension culturelle dans leacutecoute des patients migrants

africains une approche originale avec lrsquoassociation URACA

Jacqueline Faure Service des maladies infectieuses et

tropicales Centre de la dreacutepanocytose Hocircpital Tenon

Lrsquohomme universel nrsquoexiste pas il est inscrit

dans une culture dans un cadre Or ce cadre

est universel il nrsquoexiste pas drsquohomme sans cul-

ture

L rsquohocircpital Tenon est situeacute agrave lrsquoEst de Paris

bon nombre de patients migrants infec-

teacutes par le VIH y sont soigneacutes Du fait de

lrsquoexistence drsquoune materniteacute au sein de lrsquohocircpital

beaucoup de femmes migrantes apprennent

leur seacuteropositiviteacute agrave lrsquoinfection par le VIH-sida

au cours du suivi de leur grossesse La grande

majoriteacute de ces patients est originaire drsquoAfrique

de lrsquoOuest

Degraves 1993 nous avons mis en place un parte-

nariat avec lrsquoassociation URACA pour aider

les patients en difficulteacute face au diagnostic de

lrsquoinfection par le VIH-sida et aussi les soignants

rencontrant des problegravemes dans la prise en

charge de certains patients

Au deacutebut les soignants et moi-mecircme pensions

que la plupart des patients africains ne com-

prenaient rien Peu agrave peu avec lrsquoaide drsquoURA-

CA nous avons pris conscience que nous-

mecircmes ne les comprenions pas toujours ou

bien encore que nous ne savions pas nous

faire comprendre drsquoeux

Cette association daide aux Africains intervient

dans diffeacuterents domaines accueil aide juri-

dique sociale solidariteacute preacutevention informa-

tion recherche dans le domaine de la santeacute

(toxicomanie SIDA dreacutepanocytose troubles

psychiatriques) et propose aussi des consulta-

tions drsquoethnomeacutedecine

Ainsi bien souvent les difficulteacutes avec les pa-

tients drsquoorigine eacutetrangegravere sont lieacutees agrave des pro-

blegravemes de communication et de compreacutehen-

sion mutuelles dans la relation soignant-soigneacute

En comprenant lrsquoeacuteveacutenement migratoire et son

impact dans la deacutecouverte drsquoune maladie

grave en eacutetant sensibiliseacutes agrave lrsquoimportance de la

dimension culturelle dans le soin nous avons

ainsi ameacutelioreacute lrsquoaccueil et la prise en charge de

ces patients

Un systegraveme culturel est constitueacute drsquoune

langue drsquoun systegraveme de parenteacute drsquoun corpus

de techniques et de maniegraveres de faire (la pa-

rure la cuisine les arts les techniques de

soins les techniques de maternagehellip) Tous

ces eacuteleacutements eacutepars sont structureacutes de maniegravere

coheacuterente par des maniegraveres de penser les re-

preacutesentations [] Les repreacutesentations permet-

tent aux individus dun mecircme groupe dappreacute-

hender le monde selon les modaliteacutes com-

munes repreacutesentations de la mort de la con-

ception

Jemploie ce mot culture agrave contrecœur avec

la crainte decirctre mal compris Par ce terme je

ne deacutesigne pas leacutecume luxueuse dune civilisa-

tion mais lesprit tregraves particulier dun peuple

insaisissable

Cette prise en charge globale avec lrsquoassocia-

tion URACA srsquoeffectue sous 4 formes

1 le soutien communautaire

2 la meacutediation culturelle

3 la consultation dethnomeacutedecine une prise

en charge transculturelle

4 la formation mutuelle partage de savoir

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 51

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

1 LE SOUTIEN COMMUNAUTAIRE

Je me sens coupeacute en deux diviseacute une partie

de moi-mecircme nrsquoest pas ici nous dit tel patient

La deacutecision la plus terrible que jrsquoaie eu agrave pren-

dre dans ma vie crsquoest de rester ici pour me soi-

gner et ecirctre ainsi seacutepareacutee des miens raconte

cette femme dans un sanglot difficilement con-

tenu

Crsquoest tregraves dur drsquoecirctre seulehellipJe ne suis pas ha-

bitueacuteehellipici quand tu sors de ta maison per-

sonne ne se parlehellip

Le soutien communautaire drsquoURACA srsquoorga-

nise de plusieurs faccedilons

Visite hebdomadaire au chevet du patient avec

le port dun repas africain par la nourriture

par le dialogue dans la langue quand cest pos-

sible par la preacutesence de ses pairs quelque

chose du pays est ainsi recreacuteeacutee et apaise le

malade

Accueil quotidien au sein de lrsquoassociation re-

pas atelier couture atelier informatique aides

dans les deacutemarches administratives assem-

bleacutee des femmes Tout ceci dans une am-

biance comme au pays

Ces visites sont proposeacutees aux malades isoleacutes

du fait du diagnostic ou qui nrsquoont pas de famille

ici

La migration est une eacutepreuve qui provoque

chez le sujet une deacutestabilisation une fragiliteacute

lieacutees agrave diffeacuterentes pertes

perte de lrsquoenveloppe culturelle la culture struc-

ture le psychisme humain dans la migration il

nrsquoy a plus ce cadre culturel Changer drsquounivers

implique la perte brutale drsquoune langue drsquoun

systegraveme de reacutefeacuterence drsquoun systegraveme de co-

dage des perceptions des sensations et des

repreacutesentations en un mot une acculturation

[] La perte de lrsquoenveloppe culturelle va donc

provoquer des modifications de lrsquoenveloppe

psychique [hellip]

la perte de repegraveres difficulteacutes au niveau du

changement de climat de la nourriture dans

les deacuteplacements dans la ville dans les deacute-

marches administratives Difficulteacutes et mecircme

souffrance dans la perte de la langue drsquoorigine

Julia Kristeva drsquoorigine bulgare psychanalyste

et eacutecrivain dit ceci hellip il y a mort dans la perte

drsquoune langue natalehellip

la perte drsquoune certaine identiteacute ecirctre Camara

ou Toure ecirctre peul ou bambara nrsquoest pas so-

cialement reconnu le migrant devient un eacutetran-

ger un noir puis agrave lrsquohocircpital eacuteventuellement un

seacuteropositif

la perte du groupe lrsquoisolement est douloureu-

sement ressenti pour tout eacutetranger La solitude

pour un Africain crsquoest mortelhellip nous explique

Monsieur Diarra meacutediateur ethnoclinicien agrave

URACA

Autant drsquoeacuteleacutements qui favorisent un eacutetat de vul-

neacuterabiliteacute propice agrave une deacutecompensation soma-

tique ou psychologique (deacutepression) Le dia-

gnostic drsquoune maladie grave vient renforcer

cette fragiliteacute La solitude dans les chambres

individuelles de nos hocircpitaux modernes - que

nous occidentaux appreacutecions beaucoup - peut

ecirctre mal supporteacutee par le patient africain elle

est mecircme parfois anxiogegravene Un Africain nest

jamais seul Au pays sil est hospitaliseacute sa fa-

mille lentoure dort dans sa chambre

Par ces visites hebdomadaires un tissu rela-

tionnel est ainsi creacuteeacute qui peut se poursuivre agrave

la sortie Le soutien communautaire permet au

patient isoleacute dans la preacutecariteacute de retrouver ce

lien structurant du groupe qui lui faisait deacutefaut

depuis son deacutepart dAfrique Soutien qui va lrsquoai-

der agrave mieux supporter sa maladie et agrave mieux se

soigner Pour un Africain appartenir au groupe

est vital cest pourquoi la grande crainte du

malade est que son entourage soit au courant

du diagnostic et le rejette Le malade ne peut

pas ou ne veut pas partager sa souffrance

avec ses proches La honte la crainte de lex-

clusion peuvent le conduire agrave un retrait difficile

agrave supporter Pour lAfricain lisolement est in-

concevable Sa force vitale est en relation

constante avec celle des ancecirctres proches et

lointains et des membres du groupe La plus

grande calamiteacute consiste agrave en ecirctre retrancheacute et

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 52

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

reacuteduit ainsi agrave une existence deacuteficiente sans

protection voueacutee au neacuteant

Cette association communautaire nrsquoest pas

speacutecifiquement cibleacutee SIDA bien que ses

membres soient formeacutes agrave cette pathologie A

lrsquohocircpital elle apporte son aide agrave tout patient

quelle que soit sa maladie Le patient pourra

srsquoil le souhaite aborder son diagnostic et il nrsquoest

pas rare qursquoil le fasse Apaisement et soulage-

ment pour lui de constater que ce dont il

souffre ne fait pas peur Il peut retrouver con-

fiance en lui

2 LA MEacuteDIATION CULTURELLE

Le meacutediateur ethnoclinicien connaicirct bien la cul-

ture du patient originaire drsquoAfrique de lrsquoOuest et

il parle plusieurs langues (peul bambara sara-

koleacute wolof hellip) Il intervient dans diffeacuterentes

situations

Pour faciliter la communication entre le meacutede-

cin et le patient quand des explications concer-

nant la maladie le traitement nrsquoont pas eacuteteacute

comprises Il ne srsquoagit pas drsquoune simple inter-

preacutetation mais drsquoune formulation adapteacutee agrave la

personne agrave sa culture Les messages de preacute-

vention concernant la sexualiteacute par exemple

seront mieux accepteacutes et entendus si la sensi-

biliteacute du patient voire sa pudeur sont respec-

teacutees

Pour aider agrave la reacutesolution de conflits entre pa-

tient-soignant ou patient-famille ou soignant-

famille

Reacutecemment nous avons organiseacute une meacutedia-

tion culturelle pour une patiente ne parlant pas

du tout le franccedilais accompagneacutee de son fils

maicirctrisant parfaitement notre langue Le meacutede-

cin lrsquoassistante sociale le meacutediateur et moi-

mecircme eacutetions reacuteunis pour essayer de com-

prendre le conflit familial Tout eacutetranger utilise

la langue eacutetrangegravere comme un pansement

comme une sorte drsquoonguent de cregraveme sur les

anciennes blessureshellip La langue seconde ne

permet pas drsquo acceacuteder agrave son for inteacuterieur ex-

plique Julia Kristeva Ainsi le fils pouvant tout

agrave fait communiquer avec nous en franccedilais

srsquoest spontaneacutement adresseacute au meacutediateur en

bambara De toute eacutevidence sa langue natale

lui permettait drsquoecirctre au plus pregraves de la situation

douloureuse qursquoil vivait avec sa megravere

Le meacutediateur apporte des eacuteclaircissements sur

le contexte culturel sur le sens de tel conflit

familial sur la place des uns et des autres dans

telle famille (la place de lrsquooncle maternel par

exemple le systegraveme de filiation) Il aide les soi-

gnants souvent deacutestabiliseacutes par le manque de

repegraveres ou qui interpregravetent mal telle attitude

Par exemple lrsquoextension de la deacutenomination

fregravere sœur cousin megravere dans lrsquoentourage du

patient Les soignants ne savent plus qui est

qui Des doutes surgissent voire de la suspi-

cion Les soignants ont lrsquoimpression drsquoecirctre ma-

nipuleacutes ou trompeacutes

Le meacutediateur ethnoclinicien tient selon la for-

mule de T Nathan une sorte de position du

diplomate entre deux univers antagonistes

3 LA CONSULTATION DETHNOMEacuteDECINE UNE

PRISE EN CHARGE TRANSCULTURELLE

La culture permet un codage de lrsquoensemble de

lrsquoexpeacuterience veacutecue par un individu elle permet

drsquoanticiper le sens de ce qui peut survenir et

donc de maicirctriser la violence de lrsquoimpreacutevu et

par conseacutequent du non-sens

Angoisse de mort deacutecompensation psychia-

trique (ideacutees suicidaires syndrome anxio-

deacutepressif eacutetat deacutelirant) incompreacutehension ou

deacuteni du diagnostic deacutetresse psychologique

autant de reacuteactions face agrave la maladie grave qui

peuvent concerner tout patient (occidental ou

non) mais qui neacutecessitent pour certains pa-

tients migrants une approche tenant compte du

contexte de la migration et des speacutecificiteacutes cul-

turelles

Cette maladie je sais drsquoougrave ccedila vient mon pegravere

mrsquoa donneacutee en sorcellerie nous dit cette pa-

tiente qui ne prend pas ses meacutedicaments et

dont lrsquoeacutetat srsquoaggrave

Je suis travailleacute je le sens crsquoest les parents

de ma femme qui nrsquoont jamais accepteacute notre

mariage crsquoest eux qui font des choses sur

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 53

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

moihellip

Ou bien encore ce patient en phase asympto-

matique de lrsquoinfection par le VIH-sida qui ex-

plique Je ne suis pas malade la preuve le

meacutedecin ne me donne pas de traitement

Ainsi dans certains cas le patient en difficulteacute

en souffrance peut refuser de se soigner au

prix drsquoune aggravation de son eacutetat se santeacute De

plus les messages de preacutevention ne sont pas

entendus et les risques de propagation du virus

sont accrus

Cette consultation qui srsquoinspire de lrsquoethnopsy-

chiatrie reacuteunit autour du patient (accompagneacute

ou non de membres de sa famille ou de

proches)

- leacutequipe de lassociation URACA le Dr Mous-

sa Maman meacutedecin et theacuterapeute traditionnel

qui dirige les entretiens le meacutediateur ethnocli-

nicien la psychologue Pendant 10 ans cette

eacutequipe a eacuteteacute compleacuteteacutee par la preacutesence des

tradipraticiens africains gueacuterisseurs tradition-

nels du Nord Beacutenin qui sont venus une fois par

an pour une dureacutee de deux mois (cette action

originale a pu se mettre en place gracircce agrave des

creacutedits le Sidaction par exemple qui nrsquoexistent

plus aujourdrsquohui)

- leacutequipe soignante le meacutedecin reacutefeacuterent les

infirmiegraveres la psychologue linterne les ex-

ternes lassistante sociale sage-femme kineacute-

sitheacuterapeutehellip Les soignants ont ainsi accegraves

en situation clinique agrave lunivers culturel du pa-

tient

Le recours aux pratiques traditionnelles est tregraves

freacutequent en Afrique Les systegravemes traditionnels

de soin relegravevent drsquo une logique complexe

drsquoune rationaliteacute profonde (T Nathan) avec

une capaciteacute agrave srsquoadapter aux nouvelles situa-

tions aux nouvelles maladies Cette deacute-

marche ne remet pas en cause la confiance

envers notre meacutedecine moderne La theacuterapie

traditionnelle apporte des protections fonda-

mentales (T Nathan)

Tregraves souvent en Afrique les theacuterapies tradition-

nelles se deacuteroulent en groupe avec la famille

et ceux qui ont une affiniteacute avec le malade Ici agrave

lhocircpital les participants sont reacuteunis en cercle

autour du patient Le groupe constitue une en-

veloppe psychique qui est en soi theacuterapeu-

tique Les soignants par leur preacutesence accor-

dent une place agrave lrsquoidentiteacute culturelle du patient

agrave ses maniegraveres de vivre de se soignerhellip

Dans les cultures de tradition orale les eacuteveacutene-

ments importants de la vie tels que la nais-

sance le mariage la maladie la mort (avec

lrsquoimportance des ancecirctres) sont penseacutes diffeacute-

remment Il existe une reacutealiteacute invisible on ac-

corde vie force et pouvoir au mineacuteral au veacutegeacute-

tal agrave lrsquoanimal Le sang le lait maternel ont des

pouvoirs beacuteneacutefiques ou maleacutefiques

Les speacutecialistes de lrsquoanthropologie pensent

que le modegravele de lrsquoorganisation sociale com-

munautaire plus freacutequent dans les socieacuteteacutes

non industrialiseacutees ougrave le groupe maintient une

preacutegnance importante sur lrsquoindividu favorise

une expeacuterience du corps veacutecu comme global

il nrsquoy a pas de rupture entre lrsquohomme et le cos-

mos le corps est permeacuteable On lui reconnaicirct

une dimension transcendante et la maladie

qui plus est chronique comme la dreacutepanocy-

tose peut ecirctre inteacutegreacutee dans une reacutealiteacute plus

large exteacuterieure au corps de la meacutedecine des

hocircpitaux

Lors de ces consultations drsquoethnomeacutedecine les

deux systegravemes culturels occidental et tradition-

nel sont reconnus lrsquoun nrsquoexcluant pas lrsquoautre

Le patient peut aborder en toute confiance des

preacuteoccupations qui lui sont speacutecifiques sans

craindre le ridicule Les deux systegravemes de re-

preacutesentations occidentales et traditionnelles

dans lesquels navigue le migrant peuvent

coexister sans sopposer Paradoxalement

lrsquoapproche traditionnelle donne dans certains

cas sens et coheacuterence au discours meacutedical

scientifique Il est difficile de rendre compte

drsquoune consultation drsquoethnomeacutedecine (de mecircme

qursquoil est difficile de parler drsquoune seacuteance de psy-

chotheacuterapie ou drsquoanalyse bien que ce ne soit

pas du mecircme ordre) Il ne srsquoagit pas drsquoune con-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 54

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

sultation traditionnelle ce nrsquoest ni le lieu ni le

cadre Nous sommes dans lrsquoentre-deux

Le nom la parenteacute lrsquoappartenance ethnique la

langue natale sont des eacuteleacutements systeacutematique-

ment abordeacutes Ces reacutefeacuterences agrave la filiation agrave

lrsquoethnie rappellent implicitement au malade le

lien agrave sa famille et son appartenance agrave un

groupe Les tradipraticiens se preacutesentent aussi

se nomment racontent dougrave ils viennent Le

dialogue qui srsquoinstaure est bien souvent eacutenig-

matique pour lrsquooccidental Le langage allusif

meacutetaphorique suggestif qui est utiliseacute est tout

agrave fait entendu par le patient agrave la diffeacuterence des

soignants qui sont deacuteconcerteacutes du moins lors

des premiegraveres consultations Peu agrave peu les

soignants vont se familiariser Par la suite ils

peuvent communiquer diffeacuteremment avec tel

patient et mieux deacutecoder sa maniegravere drsquoecirctre ou

de srsquoexprimer

Les repreacutesentations ancestrales de la maladie

et les eacutetiologies traditionnelles (possession es-

prits ou ancecirctres meacutecontents sorcellerie trans-

gression de tabous ou non respect de rituels

familiaux) ne sont pas systeacutematiquement eacutevo-

queacutees et lorsqursquoelles le sont crsquoest toujours de

maniegravere implicite La maladie comme lrsquoacci-

dent la perte drsquoun emploi ou toute autre mani-

festation de malchance de malheur est le

signe drsquoun deacutesordre -dont il faut comprendre le

sens- et qui concerne non seulement le patient

mais aussi sa famille

Monsieur C originaire du Mali connaicirct bien les

diffeacuterents modes de transmission et nous en

discutons ensemble et dans ce mecircme entre-

tien perplexe il se questionne Je ne sais

pas drsquoougrave ccedila vienthellip

Chez nous la maladie quelle soit physique ou

mentale ne concerne pas uniquement lindividu

toucheacute mais aussi sa famille tout le

groupe (M Maman Journeacutee transculturelle

Des gueacuterisseurs agrave lhocircpital des soignants au

village 29 septembre 2001 hocircpital Tenon

Paris) Derriegravere lhistoire de lindividu se profile

toujours le devenir de la communauteacute toute en-

tiegravere [ ] La cause du mal qui rompt leacutequilibre

dun organisme fait peser une lourde menace

sur le corps social

Bien souvent agrave lissu de ces consultations le

patient va contacter la famille au pays qui elle

aussi va intervenir selon ses coutumes par des

priegraveres rituels ou sacrifices

La proposition dune prise en charge transcul-

turelle nest pertinente que si elle fait sens pour

le patient sil se reconnaicirct des liens avec sa

culture dorigine Le patient peut ecirctre occiden-

taliseacute (eacutetudes supeacuterieures vivant en France

depuis de nombreuses anneacutees hellip) ou dorigine

rurale analphabegravete ayant gardeacute des liens avec

son village il peut ecirctre musulman ou chreacutetien

Les indications sont variables

- incompreacutehension du diagnostic Lrsquoexemple

de Monsieur K malgreacute une seacuterologie positive

il reste persuadeacute de nrsquoecirctre pas malade Cepen-

dant il accompagne aux consultations sa

femme et leur fille toutes les deux seacuteropositives

et sous traitement

- refus du traitement les causes sont mul-

tiples Mme T vient reacuteguliegraverement agrave ses con-

sultations le meacutedecin veut deacutesormais lui pres-

crire un traitement qursquoelle refuse Si je dis que

je suis seacuteropositive personne ne voudra se

marier avec moi Une autre patiente

srsquoinquiegravete Je ne veux pas du traitement si je

deviens indeacutetectable alors ougrave sera le virus

- problegraveme drsquoobservance les causes sont va-

rieacutees preacutecariteacute incompreacutehension ou refus du

diagnostic probleacutematique personnelle plus pro-

fonde

- souffrance psychique le patient peut ecirctre

tregraves observant ses reacutesultats biologiques sont

satisfaisants le patient va tregraves bien selon le

meacutedecin mais persiste en lui une douleur mo-

rale difficile parfois agrave repeacuterer Il faut savoir deacute-

coder le sens du sourire (qui ne signifie pas

toujours la joie) lrsquoabsence de plainte Julia

Kristeva explique que les eacutetrangers sont expo-

seacutes aux maladies psychosomatiques ils sont

dans cet espegravece de vernis de la langue se-

conde mais le fond reste douloureux et le fond

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 55

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

eacuteclate sous la forme de la migraine quand ce

nrsquoest pas le cancerhellip

- pathologie psychiatrique troubles du com-

portement (deacutelire agitation violencehellip) syn-

drome deacutepressif risque suicidaire angoisse de

mort plaintes somatiques sans cause orga-

nique (douleurs diffuses sensation de malaise

le corps parle ccedila chauffe ccedila se deacuteplace)

- fin de vie angoisse isolement

- conflits conjugaux ou familiaux aggraveacutes ou

reacuteactionnels agrave la pathologie (risque de divorce

tel mari qui nrsquoassume plus ses responsabiliteacutes

sexualiteacute devenue difficile impossible (refus du

preacuteservatif par exemple)

- Lrsquoannonce du diagnostic Lrsquoannonce drsquoune

maladie grave est toujours une eacutepreuve pour

tout malade Crsquoest un moment-cleacute dans la prise

en charge du patient Dans le cas de lrsquoinfection

par le VIH la formulation peut ecirctre une donneacutee

brutale Tel ce meacutedecin qui annonce agrave

une femme enceinte vih2 asymptomatique

vous avez le SIDA Veacuteritable violence ver-

bale qui provoque un choc psychique avec

risque suicidaire si ce nrsquoest la fuite et le refus

de soin

Actuellement chez certains soignants on as-

siste agrave une banalisation du diagnostic lieacute aux

possibiliteacutes de traitement Mais crsquoest oublier le

deacutecalage avec le niveau de connaissance du

malade et crsquoest aussi meacuteconnaicirctre les effets

sur le patient de la reacutealiteacute dramatique de la ma-

ladie au pays Certains ont vu des proches

mourir du SIDA drsquoune mort lente sans soin et

dans la solitude Tous les patients eacutevoquent

une forte angoisse Deux mois apregraves il y a en-

core en moi cette grande peur quand le meacutede-

cin mrsquoa parleacute En entendant les propos de

lrsquoinfirmier Je vous apporte vos meacutedicaments

du SIDA Mme B nous raconte comment elle

a protesteacute et reacuteagi vivement Vous ne devez

pas dire cela Ainsi dans certains cas le meacute-

decin peut utiliser drsquoautres formulations le

virus de la maladie la maladie qui passe de

lrsquohomme agrave la femme la grande maladie

Dans les cultures de tradition orale les mots

ont une force un pouvoir Prononcer le mot SI-

DA activerait en quelque sorte le potentiel mor-

tel de cette maladie Ainsi dans certains cas le

meacutedecin peut utiliser drsquoautres formules le vi-

rus de la maladie la maladie qui passe de

lrsquohomme agrave la femme la grande maladie

Deux ou trois consultations ont lieu ainsi agrave lhocirc-

pital pour chaque malade Les tradipraticiens

vont dire ce quils ont vu et vont donner leurs

indications theacuterapeutiques le suivi peut se

poursuivre apregraves leur retour au village ougrave ils

continuent si crsquoest neacutecessaire agrave travailler

pour le patient Les situations sont tregraves varieacutees

et les reacuteponses le sont tout autant

QUELQUES EXTRAITS DE CONSULTATION

Ce patient ne se sent pas malade il nrsquoa aucun

signe de la maladie il ne comprend pas pour-

quoi le meacutedecin insiste pour qursquoil prenne un

traitement qui plus est agrave vie On lui rappelle

qursquoau pays le gueacuterisseur a lui aussi son labo-

ratoire qursquoil voit et qursquoil peut demander de

faire des choses agrave celui qui vient le consulter

pour sa protection ce parfois toute la vie

Cette analogie explicite permet de confirmer la

validiteacute de lrsquoapproche meacutedicale Ce mode drsquoex-

pression imageacutee qui est familiegravere au patient

voir dans le sable faire des rituels pour la

protection reacutesonne en lui et lrsquoaide agrave adheacuterer

aux prescriptions meacutedicales Moi-mecircme jrsquoem-

ploie souvent le terme protection pour parler

du beacuteneacutefice de la tritheacuterapie jrsquoutilise des

images qui font sens pour le patient et je com-

prends mieux celles qursquoil utilise lui-mecircme De

mecircme il mrsquoarrive de lui signaler nos expres-

sions speacutecifiquement franccedilaises ou nos pro-

verbes afin de lui faire connaicirctre aussi notre

propre maniegravere drsquoexprimer certaines choses

Tel autre patient srsquoaggrave il prend mal ses

traitements et il vit dans une grande preacutecariteacute

Drsquoembleacutee lors du premier entretien psycholo-

gique il mrsquoexplique que sa sœur au pays a par-

leacute de sorcellerie Au cours de la consultation

drsquoethnomeacutedecine on lui demande de solliciter

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 56

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

sa famille au pays pour savoir ce qui doit ecirctre

fait aupregraves de la riviegravere sacreacutee qursquoil a eacutevoqueacutee

En Afrique les deacutefunts les ancecirctres doivent

ecirctre veacuteneacutereacutes par des rituels propres agrave chaque

famille si ce rituel a eacuteteacute abandonneacute des con-

seacutequences neacutegatives peuvent rejaillir sur un de

ses membres mecircme tregraves eacuteloigneacute On peut re-

marquer qursquoici lrsquohypothegravese de la sorcellerie est

eacutecarteacutee crsquoest une autre eacutetiologie traditionnelle

qui est avanceacutee agrave laquelle le patient adhegravere il

va contacter en effet son oncle au sujet de la

riviegravere sacreacutee Le patient devient actif non seu-

lement pour srsquooccuper des choses du pays

mais aussi pour faire des deacutemarches ici sa si-

tuation meacutedicale et sociale va consideacuterable-

ment srsquoameacuteliorer il trouve par la suite un heacute-

bergement puis un travail

Pour cette autre patiente un long temps de la

seacuteance va ecirctre consacreacute au reacutecit de la deacutecou-

verte de sa maladie de son bouleversement

de son angoisse concernant lrsquoavenir Des pa-

roles apaisantes lui sont dites puis on va lui de-

mander drsquoeacutecrire ses recircves de telle et telle nuit

au cours desquelles les gueacuterisseurs

travailleront pour elle Suite au rapport de ses

recircves ils lui prescrivent un traitement elle de-

vra se laver avec une preacuteparation agrave base de

plantes Conjointement le suivi psychologique

classique se poursuit elle reprend confiance

dans la vie

Aacute tel autre il est demandeacute drsquoapporter une petite

boicircte en bois ou encore un tissu blanc et un

parfum Aacute un autre il est dit drsquoaller chercher un

certain nombre de cailloux le long drsquoun cours

drsquoeau ici en France Certaines prescrip-

tions sont plus compliqueacutees sacrifices rituels

agrave effectuer au pays objets agrave rapporter Cela

peut prendre plusieurs semaines Si la pres-

cription est impossible agrave reacutealiser par le patient

lui-mecircme sur place ou par sa famille en

Afrique les gueacuterisseurs le feront en son nom agrave

leur retour au pays Dans la meacutedecine tradition-

nelle lrsquouniteacute cosmique crsquoest-agrave-dire la parenteacute

homme-nature est constamment preacutesente

Lrsquohomme est relieacute au monde mineacuteral veacutegeacutetal

ou animal mais aussi agrave celui des deacutefunts des

esprits et bien-sucircr agrave sa famille agrave son groupe

LE SUIVI DE GROSSESSE DE MME T

Depuis des anneacutees la patiente souffre en plus

de lrsquoinfection par le VIH de troubles du compor-

tement difficiles agrave diagnostiquer elle a un suivi

psychiatrique qui ne suffit pas agrave la soulager

Elle traverse des peacuteriodes drsquoagitation drsquoagres-

siviteacute et mecircme de violence Dans ses crises

elle peut aller jusqursquoagrave lrsquoautomutilation ou la ten-

tative de suicide Agrave drsquoautres moments elle est

totalement abattue leacutethargique Bien qursquoelle

connaisse sa maladie lieacutee au VIH lrsquoobservance

de sa tritheacuterapie est fonction de son eacutetat psy-

chique Elle a beacuteneacuteficieacute agrave plusieurs reprises de

consultations drsquoethnomeacutedecine en particulier

lors de cette derniegravere grossesse Du fait des

mauvais reacutesultats biologiques car elle ne prend

plus ses antireacutetroviraux le risque de contami-

nation megravere-enfant est particuliegraverement eacuteleveacute

Tregraves deacuteprimeacutee elle est transfeacutereacutee dans le ser-

vice de psychiatrie de notre hocircpital et le psy-

chiatre accepte qursquoagrave cocircteacute des traitements clas-

siques (antideacutepresseurs anxiolytiques) elle

fasse les soins traditionnels prescrits Elle a

donc une permission pour aller au marcheacute agrave

cocircteacute de lrsquohocircpital acheter un œuf blanc Elle doit

ensuite mettre cet œuf dans une grosse boicircte

drsquoallumettes exercice un peu difficile car lrsquoœuf

risque de se casser Le tout est mis dans une

calebasse recouverte drsquoun tissu blanc qursquoelle

entrepose sous son lit plus preacuteciseacutement agrave la

tecircte du lit En effet il est important qursquoelle

dorme avec cette calebasse pregraves de sa tecircte

pendant un certain nombre de nuits Puis la ca-

lebasse avec son contenu (lrsquoœuf dans la boicircte)

est remise aux gueacuterisseurs de retour au pays

ils vont effectuer leur travail agrave la termitiegravere sa-

creacutee A son retour en France le Dr Maman

remet un onguent agrave la patiente preacuteparation

faite agrave partir de lrsquoœuf et drsquoautres eacuteleacutements Elle

doit mettre reacuteguliegraverement cette pommade au-

tour de son nombril jusqursquoagrave lrsquoaccouchement

Lrsquoeacutetat psychique de la patiente srsquoameacuteliore elle

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 57

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

reprend correctement son traitement lrsquoenfant

naicirct et ne sera pas contamineacute par le VIH Dans

les anneacutees qui suivront son eacutetat psychologique

se deacutegradera agrave nouveau nous nrsquoavons jamais

reacuteussi agrave la stabiliser compleacutetement Nrsquoayant ja-

mais bien suivi sa tritheacuterapie elle deacutecegravede agrave la

suite des complications du sida

A partir de cet exemple nous pouvons voir le

principe de non-seacuteparativiteacute principe essentiel

agrave lrsquoœuvre dans la meacutedecine traditionnelle afri-

caine Nous sommes ici dans un systegraveme de

penseacutee primordiale magique qui fonctionne

par analogie nous sommes dans le non-

seacutepareacute agrave la diffeacuterence de la penseacutee scientifique

qui individualise Dans ce cas clinique on voit

comment tout est relieacute il y a identiteacute entre la

grossesse et lrsquoœuf passage de lrsquohumain agrave

lrsquoanimal et aussi passage drsquoun continent agrave

lrsquoautre les gueacuterisseurs travaillant agrave distance

pour la patiente Citons agrave ce propos Pierre

Lembeye psychiatre et psychanalyste hellip

nous pouvons parler de rsquorsquonon-seacuteparativiteacutersquorsquo de

la meacutedecine traditionnelle par rapport agrave la meacute-

decine occidentale qui privileacutegie le mode seacutepa-

ratif et dont le maicirctre mot est diffeacuterence tandis

que celui des socieacuteteacutes anhistoriques est identi-

teacute La science en particulier la meacutedecine a

fait des progregraves en isolant en seacuteparant Citons

aussi Jean Benoist Lrsquoopposition carteacutesienne

entre le corps et lrsquoacircme a libeacutereacute la biologie et

donc la meacutedecine des interdits qui sacralisent

le corps hellip Lrsquoesprit lrsquoacircme tout ce qui eacutetait cou-

ramment deacutesigneacute par ces termes srsquoest prodi-

gieusement eacuteloigneacute de lrsquohorizon meacutedical

(Benoist 1993) A lrsquohocircpital crsquoest bien lrsquoorgane

malade que lrsquoon soigne mais rarement la per-

sonne dans sa globaliteacute et encore moins son

groupe familial Nous pensons analysons sur

le mode seacuteparatif celui de la coupure et selon

Pierre Lembeye La psychanalyse avec lrsquohy-

pothegravese de lrsquoinconscient opegravere aussi une cou-

pure avec le conscient Les lapsus les recircves

sont des manifestations de lrsquoinconscient alors

que dans la tradition africaine il nrsquoy a pas cette

seacuteparation par exemple chez les Ashantis au

Ghana si un homme recircve qursquoil couche avec sa

voisine il est puni et sa voisine aussi De

mecircme la psychiatrie pense aussi les probleacutema-

tiques sur le mode de la coupure le terme

schizophreacutenie provient de schizo du grec

schizein signifiant fractionnement fissure divi-

sion (P Lembeye) Dans les traitements tradi-

tionnels crsquoest la question du lien qui est au pre-

mier plan Nous avons lrsquoexemple de ce beacutebeacute

acircgeacute de huit mois enfant-cordon preacutesentant

des troubles du comportement et dont le traite-

ment est deacutecrit par Eacuteric de Rosny hellip le cor-

don ombilical le retenant aux entrailles de

lrsquoautre monde nrsquoaurait pas eacuteteacute coupeacute hellip Il srsquoagit

de lui crever les yeux crsquoest-agrave-dire de lui

rendre invisible le monde des Ancecirctreshellip (De

Rosny 1996 123-133)

La penseacutee magique qui est agrave lrsquoœuvre dans les

theacuterapies traditionnelles a-t-elle deacuteserteacute notre

systegraveme de penseacutee occidentale Dominique

Folscheid professeur de philosophie nous rap-

pelle ceci Notre meacutedecine moderniste est

due agrave lrsquoessor de la rationaliteacute mais on a oublieacute

que dans la Gregravece Antique la rationaliteacute deacutebu-

tante (avec les philosophes) srsquoaccompagnait

drsquoune vie mystique florissante Rappelons le

serment drsquoHippocrate premier code de deacuteonto-

logie meacutedical Je jure par Apollon meacutedecin

par Esculape par Hygeacutee et Panaceacutee par tous

les dieux et toutes les deacuteesseshellip Dans son

livre La nuit les Yeux ouverts Eacuteric de Rosny

cite Pierre Fegravevre Ce monde de la gueacuterison et

de la sorcellerie a quelque chose drsquounheimlich

(agrave la fois lsquolsquomysteacuterieuxrsquorsquo et lsquolsquoinquieacutetantrsquorsquo) et pour-

tant il eacuteveille des reacutesonances au plus profond

de nous-mecircmes et lrsquoon ne sait pas les-

quelles (de Rosny 1996 17) Nous-mecircmes

sans en avoir veacuteritablement conscience fonc-

tionnons sur le mode du lien du non-seacutepareacute

par exemple Reneacute Spitz psychiatre et psycha-

nalyste a deacutecrit en 1946 lrsquohospitalisme alteacutera-

tion physique grave srsquoinstallant chez le tregraves

jeune enfant placeacute en institution et seacutepareacute de

sa megravere crsquoest pourquoi aujourdrsquohui en peacutediatrie

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 58

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

on facilite la preacutesence de la megravere qui peut dor-

mir au chevet de son enfant un autre

exemple celui du syndrome de glissement des

personnes acircgeacutees hospitaliseacutees qui coupeacutees de

leur environnement habituel se laissent mourir

et dans un autre registre que dire de lrsquoabsence

de chambre ndeg13 dans nos hocircpitaux nos hocirc-

tels

4 FORMATION MUTUELLE PARTAGE DE SAVOIR

Un eacutechange des savoirs srsquoest instaureacute entre les

soignants de lrsquohocircpital et lrsquoassociation

1 au niveau de lrsquoassociation les membres

drsquoURACA sont formeacutes agrave la pathologie du sida

les meacutedecins apportent leur connaissance meacute-

dicale avec des mises agrave jour sur lrsquoeacutevolution de

la pathologie et des traitements Des reacuteunions

agrave thegraveme sont organiseacutees avec un eacutelargisse-

ment agrave drsquoautres pathologies (heacutepatites dreacutepa-

nocytose)

2 au niveau des soignants formation en situa-

tion clinique participation au cycle annuel de

confeacuterences drsquoUraca voyages drsquoeacutetude dans le

village du Dr Maman au Nord-Beacutenin effectueacutes

par des meacutedecins psychiatres psychologues

assistante sociale infirmiegraveres de lrsquoAP-HP

(participation agrave des theacuterapies traditionnelles

dont le culte de danses de possession expeacute-

rience drsquoune certaine situation migratoire vil-

lage dans la brousse repegraveres diffeacuterents cadre

culturel autre adaptation au climat agrave la nourri-

turehellip)

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LrsquoAfrique des gueacuterisons eacuted Karthala 1994

La nuit les yeux ouverts eacuted Seuil 1996

Justice et sorcellerie Collectif sous la direc-

tion drsquoE de Rosny eacuted Karthala 2006

LrsquoAfrique de lrsquooraliteacute et lrsquoaccueil de lrsquoEacutecriture

Paris Revue Christus ndeg225 2010

Collectif

La notion de personne en Afrique Noire Ed

LHarmattan 1973

Soins et cultures 2egravemes

Rencontres Transcul-

turelles de Tenon-Uraca Les Cahiers de

lrsquoURACA ndeg12 juin 2005 (teacuteleacutechargeable sur le

site wwwuracaorg)

Pratiques theacuterapeutiques et cultures regards

croiseacutes 3egravemes

Rencontres Transculturelles de

Tenon-Uraca 2010 videacuteos de la journeacutee en

ligne sur wwwuracaorg)

Retrouvez

toute lrsquoactualiteacute de Psyclihos

les enregistrements des con-

feacuterences ainsi que le journal

des 20 ans

sur notre site internet

wwwpsyclihosorg

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 60

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

Psychologue en reacuteanimation peacutediatrique teacutemoignage drsquoune

pratique en eacutevolution

Muriel Derome Hocircpital Raymond Poincareacute

L e propos de cette preacutesentation sera de

teacutemoigner de leacutevolution drsquoune pratique

de psychologue au sein dun pocircle de peacute-

diatrie bien speacutecifique celui de lrsquoHocircpital Ray-

mond Poincareacute de Garches Laccueil denfants

en deacutecompensation neuro respiratoire souf-

frant de polyhandicap de maladies chroniques

ou arrivant suite agrave un eacuteveacutenement traumatique

brutal (accident intoxication insuffisance respi-

ratoire) rend la preacutesence du psychologue neacute-

cessaire

Avec Jean en phase terminale nous reacutefleacutechi-

rons au rocircle du psychologue dans lrsquoaccom-

pagnement des enfants en fin de vie

Dautres cas cliniques preacutesenteacutes agrave loral illus-

treront ensuite les modaliteacutes de la prise en

charge post-traumatique denfants et de

leurs familles

Enfin nous terminerons par exposer la speacutecifi-

citeacute de notre travail aupregraves des soignants

ACCOMPAGNER DES ENFANTS GRAVEMENT MA-

LADES OU EN FIN DE VIE

Lors de notre premiegravere rencontre Jean nous

dit Je sais que je vais mourir mais les meacutede-

cins sont trop lacircches pour me le dire et mes

parents sont trop tristes pour mrsquoen parler

Nous lui reacutepondons Je ne te connais pas

mais en tout cas je trouve que cest super que

tu puisses en parler et que tu ne gardes pas

tout ccedila pour toi

Tregraves eacutetonneacute il reprend Alors lagrave crsquoest bizarre

drsquohabitude degraves que je dis que je vais mourir

tout le monde me dit rdquoMais arrecircte Nrsquoimporte

quoi Ne raconte pas des becirctisesrdquo Mais moi je

ne suis pas fou je sais ce que je dis et pour-

quoi je le dis et je veux pouvoir en parler

La question redoutable est tregraves vite apparue

Est-ce que crsquoest vrai que je vais mourir Il

faut alors pouvoir reacutepondre Je pense que si

tu dis ccedila crsquoest que tu as de bonnes raisons de

le penserhellip Tu es le seul agrave savoir exactement

ce que tu vis Raconte-moi qursquoest-ce qui te fait

dire ccedila

Jour apregraves jour gracircce agrave un travail psycholo-

gique Jean exprime de plus en plus sa souf-

france Se sentant eacutecouteacute il entre progressive-

ment dans une autre phase celle de lrsquoaccepta-

tion

Accompagner un enfant en fin de vie crsquoest

avant tout rester agrave son eacutecoute affronter les

questions qui mettent si mal agrave lrsquoaise (mecircme si

et surtout si on ne sait pas comment y reacute-

pondre ) Et crsquoest aussi accueillir ses interroga-

tions sur sa propre mort pour lutter contre la

solitude la peur lrsquoangoisse la colegravere

ACCOMPAGNER LES FAMILLES

Avec la megravere de Jean nous deacutecouvrons ce qui

se joue autour de la porte Degraves que nous nous

preacutesentons elle nous reacutepond Merci on nrsquoa

besoin de rien (Puis sortant de la

chambre) mais surtout vous ne lui dites pas

qursquoil va mourir vous ne lui parlerez de rien -

Oh moi non mais lui il en parle beaucoup

Tregraves surprise la megravere accepte alors de venir

en parler dans notre bureauhellip Lrsquoaccompagne-

ment commence

En phase terminale Jean perd toute autonomie

motrice et tous ses sens agrave lrsquoexception de la

vue Il ne peut plus parler Sa megravere terroriseacutee

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 61

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

par la situation demande aux eacutequipes de lui

donner quelque chose pour dormir deacutefiniti-

vement Nous lui montrons alors qursquoune com-

munication subsiste gracircce agrave lrsquoinstauration drsquoun

code (lettres sur un tableau) avec des signes

de tecircte et des clignements drsquoœil Elle srsquoaperccediloit

alors que Jean cherche avant tout agrave savourer

les petits bonheurs de chaque jour Elle reste

ainsi jusquau bout en lien avec son fils

Accompagner les parents cest accueillir

leur eacutepuisement leurs doutes leur ambiva-

lence parfois mecircme leur demande deuthana-

sie et leur redonner une image positive deux-

mecircmes pour leur permettre drsquoinvestir lrsquoinstant

preacutesent et ainsi favoriser un accompagnement

de qualiteacute

ACCOMPAGNER AUSSI LES AUTRES ENFANTS HOS-

PITALISEacuteS ET LEURS FAMILLES

Il nous semble important de susciter des

occasions drsquoaborder le sujet de la mort en lais-

sant les familles libres de saisir ou non ces op-

portuniteacutes

ACCOMPAGNER LES SOIGNANTS

DANS LIMMEacuteDIATETEacute DE LA REacuteALITEacute CLINIQUE

En deacutecalage les eacutequipes srsquointerrogent

Doit-on vraiment lui infliger ccedila jusqursquoau bout

Sa megravere a peut-ecirctre raison on devrait peut-

ecirctre lrsquoendormir pour qursquoil ne se sente pas humi-

lieacute drsquoecirctre si diminueacute Moi je ne supporterais

pashellip Les soignants sont alors tellement preacute-

occupeacutes par la deacutecision qursquoils pensent devoir

prendre qursquoils ne se rendent pas compte que

cette megravere est en train de vivre lrsquoun des plus

grands moments drsquoamour avec son fils Le psy-

chologue devient alors le lien entre les diffeacute-

rents protagonistes en rapportant certains des

propos de Jean Je suis bienhellip Comme ce

rayon de soleil est beau aujourdrsquohuihellip La

communication se remet agrave fonctionner Leurs

regards se posent alors diffeacuteremment sur lui

La peacuteriode de fin de vie drsquoun patient con-

fronte chaque soignant agrave ses limites Chacun

perd ses illusions de toute-puissance et se re-

trouve confronteacute agrave sa propre angoisse de mort

Certains deacutestabiliseacutes ne peuvent pas suppor-

ter lideacutee decirctre confronteacute agrave la proximiteacute de la

mort Pour surmonter sans trop de seacutequelles

la confrontation reacutepeacuteteacutee agrave la maladie grave et agrave

la mort il est neacutecessaire que chacun puisse

ecirctre attentif agrave soi-mecircme agrave ses propres be-

soins pour ecirctre dans un juste rapport agrave lrsquoautre

Il sagit decirctre toucheacute sans ecirctre impliqueacute affecti-

vement cest agrave dire sans tomber dans leacutemotivi-

teacute

Apregraves chaque deacutecegraves le psychologue est

lagrave pour inviter ceux qui le deacutesirent agrave mettre en

mots ce qui a eacuteteacute veacutecu La parole partageacutee per-

met de ne pas fixer des souvenirs culpabili-

sants ou anxiogegravenes

AU LONG COURS LE TRAVAIL INSTITUTIONNEL

Le soutien des eacutequipes pluridisciplinaires

est une part tregraves importante du travail du psy-

chologue en milieu hospitalier Lrsquoeacutecoute et les

eacutechanges contribuent agrave ce que tregraves lentement

les habitudes et les mentaliteacutes eacutevoluent Ces

rencontres pourront selon les situations avoir

lieu de faccedilon formelle ou informelle (le plus

souvent dans les couloirs)

Le soutien au long cours des eacutequipes fait par-

tie inteacutegrante du travail institutionnel Diffeacuterents

outils permettent de lrsquoaccompagner au mieux

LA REacuteUNION DE SYNTHEgraveSE

Dans notre service la reacuteunion de syn-

thegravese hebdomadaire permet de se poser pour

reacutefleacutechir en eacutequipe pluridisciplinaire agrave ce que

nous vivons Il est primordial drsquoaider chaque

intervenant agrave mettre des mots sur les situations

rencontreacutees surtout quand les points de vue

sont divergents Mais il srsquoagit drsquoun travail de

longue haleine car si nous nrsquoy sommes pas

vigilants les discussions restent tregraves meacutedicales

et eacutevitent drsquoaborder lrsquoenfant et sa famille dans

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 62

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

leur globaliteacute Le psychologue par sa faccedilon de

relever les paradoxes de poser les questions

eacutethiques ou simplement de faire entendre une

autre approche que celle purement somatique

aide les eacutequipes agrave reacutefleacutechir agrave leur maniegravere

drsquoaborder les familles

LA SYNTHEgraveSE DES SYNTHEgraveSES

Une fois par an nous prenons le temps

de relire les moments forts de lrsquoanneacutee en met-

tant des mots sur ce qui a reacuteussi ou eacutechoueacute ce

qui nous a manqueacute ce qui nous a marqueacute

choqueacute ou qui est resteacute incompris Mettre des

mots agrave distance sur des malentendus (en lien

avec une famille ou un fonctionnement interne)

permet davancer en eacutequipe Nous veillons

aussi agrave reprendre point par point les eacuteleacutements

positifs rappeler les enfants sauveacutes les fa-

milles qui remercient et valoriser les eacutequipes

est essentiel pour maintenir la motivation et

lrsquoinvestissement de chacun

ET LE PSYCHOLOGUE DANS TOUT CcedilA

Face agrave ces enfants gravement malades ou en

fin de vie nous devons apprendre agrave nous

adapter Il nous faut par exemple pour pouvoir

accueillir un enfant sans aucune autonomie

respiratoire dans notre bureau apprendre au

minimum les gestes de reacuteanimation agrave effectuer

en attendant qursquoun soignant prenne la relegraveve

Alors que nous avons appris agrave ne pas toucher

il nous faut comprendre ce que le patient nous

dit non plus agrave travers des mots mais agrave travers

des maux agrave travers son corps une poigneacutee

de main un regard une mimiquehellip nous de-

vons sentir lrsquoexpression non verbale de lrsquoan-

goisse Deacuteceler si le patient a besoin de silence

ou au contraire srsquoil attend nos questions En-

fin il faut quelquefois avec une extrecircme deacuteli-

catesse et une grande attention chercher agrave re-

formuler ce que le patient nous dit avec des

lettres montreacutees sur un tableau un hochement

de tecircte ou simplement un regard

Ecirctre psychologue va souvent de pair avec une

invitation permanente agrave se remettre en ques-

tion Il srsquoagit drsquoaccepter de douter plutocirct que de

chercher des certitudes Pour srsquoadapter agrave la

speacutecificiteacute de chaque situation il nous faudra

surtout ecirctre creacuteatif et oser inventer Dans le

cas contraire notre travail restera sans doute

superficiel car il apparaicirctra comme en deacuteca-

lage par rapport aux situations veacutecues par les

patients et les eacutequipes qui les prennent en

charge

Au niveau institutionnel le travail du psycho-

logue ne porte de fruits qursquoagrave tregraves long terme

Alors ne nous deacutecourageons pas (Le deacutecou-

ragement nrsquoest-il pas notre pire ennemi ) Veil-

lons agrave prendre soin de nous soyons attentifs agrave

nos propres besoins Ne nous barricadons pas

devant la deacutetresse mais au contraire appre-

nons agrave ralentir et agrave ressentir ce qui est toucheacute

en nous Comme leacutequilibriste sur la corde

nous devons essayer davancer en souplesse

pour ne tomber ni dans lindiffeacuterence ni dans la

fusion avec les situations dramatiques rencon-

treacutees

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 63

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

Seacutejour de vacances quelle place pour le psychologue

Ceacuteline Le Bivic Geacuteriatrie Hocircpital Eacutemile Roux

M esure 1 du plan Alzheimer 2008-

2012 deacuteveloppement et diversifica-

tion des structures de reacutepits

Parce qursquoils sont contraints de veiller constam-

ment sur les malades les aidants sont soumis

agrave une pression permanente Il existe des struc-

tures qui leur permettent de souffler en offrant

par ailleurs une prestation theacuterapeutique aux

malades pendant une ou plusieurs demi-

journeacutees

Afin drsquoeacutelargir les missions des accueils de jour

qui ne srsquoadressent qursquoaux personnes malades

ont eacuteteacute deacuteveloppeacutees les plates-formes drsquoac-

compagnement et de reacutepit Il srsquoagit drsquooffrir aux

aidants et aux couples des activiteacutes de soutien

de reacutepit agrave domicile ou en couple et de deacutevelop-

pement de la vie sociale

Il existe des actions de reacutepit agrave domicile de

garde agrave domicile de nuit drsquoactiviteacutes sociales

culturelles pour le couple maladeaidant et de

seacutejours vacances

Jacqueline agrave la fin drsquoun seacutejour vacances mrsquoa

confieacute deux feuilles de cahier manuscrites Jrsquoai

eacutecrit ccedila Vous le lirez si vous voulez

Je me legraveve agrave 7h Prise des meacutedicaments de

Guy Je deacutejeune moment tranquille je fais ma

toilette Je vais ouvrir les volets chez maman Il

est 8h30 Je preacutepare les meacutedicaments et le pe-

tit deacutejeuner de Guy Quelques fois je le fais

manger si je peux Je fais les lits je com-

mence agrave preacuteparer le deacutejeuner Passage du

SSIAD Pendant ce temps je preacutepare une les-

sive pratiquement une tous les jours Apregraves le

passage du SSIAD souvent il a besoin drsquoaller

aux toilettes le deacuteculotter nettoyer les WC le

reculotter ranger la salle de bain et finir ce qui

a eacuteteacute commenceacute (je ne peux rien faire en sui-

vant) Souvent fais de lrsquoadministratif preacuteparer

le courrier aller agrave la poste et au pain Il vient

avec moi il faut lrsquoaider agrave monter dans la voiture

et souvent lrsquoaider agrave descendre Il est 11h il faut

eacutetendre le linge lrsquoaider agrave faire sa gym preacuteparer

et porter le plateau agrave maman Midi Lrsquoheure de

preacuteparer et donner les meacutedicaments Mettre le

couvert couper les aliments lrsquoaider Pour lui il

faut bien 90 min de pose pour deacutejeuner

Apregraves desservir le preacuteparer pour la sieste le

deacuteculotter et reculotter lrsquoaider agrave se coucher

finir de ranger la cuisine lever et plier le linge

Il est environ 14h Petite pause 15h-15h30 la

sieste est finie Sortie dans le jardin toujours

accompagneacute Lrsquoaider agrave srsquohabiller agrave se deacutesha-

biller 16h prise des meacutedicaments et goucircter

Quelquefois passages agrave la sortie de lrsquoeacutecole

des petits enfants et leur papa Aux beaux

jours travail agrave lrsquoexteacuterieur (plus de 2000m2) La

tonte du gazon est faite par mon garccedilon et jrsquoai

agrave peu pregraves 40h par an par la caisse de retraite

compleacutementaire Jrsquoai une aide-meacutenagegravere 3 h

le mardi matin et 1 h le mercredi matin Jrsquoen

profite pour aller faire les courses ou aller chez

le docteur le dentiste ou le coiffeur ou autre

chose Et 3h le jeudi apregraves-midi Lagrave crsquoest mon

repos hebdomadaire et pas toujours Je vais agrave

lrsquoaquagym avec 2 amies mais juste en peacuteriode

scolaire On est loin des 2 jours de congeacutes par

semaine mais jrsquoen demande pas tant Vers 17h

-17h30 petite promenade dans le jardin apregraves

preacuteparation du dicircner 19h prise des meacutedica-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 64

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

ments Le dicircner pour lui il faut compter 90 min

Ensuite desservir Vers 20h30 je vais deacuteshabil-

ler maman Pour lrsquoinstant elle se couche sans

aide mais au deacutebut du printemps jrsquoallais la cou-

cher vers 22h Entre-temps je deacuteshabille Guy

passage aux toilettes prise des meacutedicaments

et apregraves le coucher

Il est 22h Je respire un peu Je fais un brin de

toilette Je prends mon somnifegravere et je me

couche Je mrsquoendors ou je ne mrsquoendors pas Lagrave

on peut pleurer Personne ne le voit Dans la

nuit je me legraveve une ou deux fois quand il a be-

soin de faire son pipi

Et cela 365 jours par an Et je ne me plains

pas Il y a pire Il y a aussi mieux

Jacqueline est comme 35 millions de fran-

ccedilais Elle fait partie des personnes que lrsquoon

nomme aidant familial drsquoun proche Il srsquoagit de

son mari Cela fait 12 ans qursquoil est malade Le

quotidien de Jacqueline est rythmeacute autour de

son eacutepoux et de sa pathologie eacutevolutive

En geacuterontologie le mot aidant est utiliseacute voire

parfois revendiqueacute Un aidant mais qursquoest-ce

que crsquoest Selon lrsquoassurance maladie crsquoest

celui qui apporte seul ou en compleacutement de

lrsquointervention des professionnels lrsquoaide humaine

rendue neacutecessaire par la perte drsquoautonomie de

la personne acircgeacutee ou destineacutee agrave preacutevenir une

perte drsquoautonomie et qui nrsquoest pas salarieacute pour

cette aide

Depuis une quinzaine drsquoanneacutees le veacutecu des

aidants familiaux fait lrsquoobjet de recherches On

sait aujourdrsquohui que 800 000 personnes sont

recenseacutees comme eacutetant en eacutetat de deacutepen-

dance en France crsquoest-agrave-dire qursquoelles ne peu-

vent pas effectuer de maniegravere autonome les

actes de la vie courante Et que cela est forte-

ment correacuteleacute agrave lrsquoavanceacutee en acircge la personne

aideacutee a 76 ans en moyenne

Si le lien familial preacutedomine lrsquoaidant peut aussi

ecirctre un ami ou un voisin Il srsquoagit le plus sou-

vent drsquoune femme acircgeacutee de plus de 50 ans

Bien que deux tiers des aidants srsquooccupent

quotidiennement de la personne aideacutee 60

drsquoentre eux continuent agrave avoir une activiteacute sala-

rieacutee

Lrsquoaide agrave un proche dure en moyenne 7 ans

Dans la relation drsquoaide plusieurs probleacutema-

tiques sont en jeu le deuil du parent conjoint

tel qursquoil eacutetait auparavant le renversement des

rocircles de lrsquoordre des geacuteneacuterations la crainte face

agrave son propre vieillissement les difficulteacutes de

communication avec le proche malade la

crainte de la perte du lien

La relation drsquoaide a ses apports la majoriteacute

des aidants disent se sentir utile et trouver du

plaisir dans cette relation Mais elle a aussi ses

limites et ses risques On sait aujourdrsquohui que

la mortaliteacute des aidants augmenterait de 63

que le risque de deacutepression est multiplieacute par 3

Dans cette aide au quotidien le rythme la reacute-

peacutetition lrsquoeacutevolution de la maladie peuvent ame-

ner agrave des sentiments drsquoisolement de surme-

nage et drsquoeacutepuisement

Si plus de 60 des personnes atteintes de la

maladie drsquoAlzheimer ou apparenteacutees vivent agrave

leur domicile crsquoest gracircce agrave un aidant familial

qui toute la journeacutee est dans le faire Lrsquoaidant

familial contrairement agrave lrsquoaidant professionnel

nrsquoest pas formeacute agrave cet accompagnement il base

sa relation agrave partir drsquoun lien affectif avec la per-

sonne qursquoil aide Il peut ecirctre reacutemuneacutereacute sil a

lrsquoacircge de travailler et qursquoil nrsquoest pas son conjoint

Il nrsquoa pas drsquoheures fixes

On peut donc comprendre le besoin parfois de

se poser un peu

Plutocirct que le mot vacances est apparu reacute-

cemment le mot reacutepit

Des seacutejours de reacutepit pour les aidants

Une expression forte qui vient nommer la souf-

france du proche dans la relation drsquoaide

Agrave croire que la personne dite aideacutee nrsquoa elle

pas besoin de temps de pause et que son quo-

tidien lui suffit parfaitement La femme de

Pierre me dira mon meacutedecin et son neuro-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 65

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

logue mrsquoavaient deacuteconseilleacute de lrsquoemmener ici

En France les vacances sont un droit pour les

salarieacuteshellip

Mais au fait agrave quoi ccedila sert des vacances Eh

bien avant tout agrave couper avec le quotidien An-

dreacute Comte-Sponville eacutevoque les vacances

comme un moment de liberteacute

Srsquoaccorder une pause crsquoest ainsi que nous

avons nommeacute le seacutejour de vacances que je

vais vous preacutesenter

Le seacutejour est proposeacute par une caisse de re-

traite compleacutementaire qui contacte ses adheacute-

rents Le point commun est qursquoil existe entre un

adheacuterent et un de ses proches une relation

drsquoaide au quotidien Le projet a eacuteteacute construit et

penseacute avec une association qui intervient dans

lrsquoaccompagnement de lrsquoavanceacutee en Acircge

Le groupe est composeacute en moyenne de 7

couples la moyenne drsquoacircge des aidants est de

74 ans et celle des aideacutes de 80 ans

Les participants viennent de la France entiegravere

Ils ne se connaissent pas Nous ne les con-

naissons pas

La majoriteacute des aideacutes preacutesentent des pro-

blegravemes cognitifs ou des difficulteacutes motrices

Le lieu est une structure de vacances (type reacute-

sidence hocircteliegravere) adapteacutee aux personnes han-

dicapeacutees

Le seacutejour a eacuteteacute penseacute avec la preacutesence de

deux personnes dite en fil rouge de la se-

maine la coordonnatrice de lrsquoassociation creacutea-

trice du projet et la psychologue Partager le

quotidien du petit deacutejeuner au dicircner de lrsquoac-

cueil jusqursquoau deacutepart

Drsquoautres intervenants (intervenant en Taiuml-Chi

Chuan une socio-estheacuteticienne intervenant en

chant et expression corporelle activiteacute autour

de la terre) rejoignent le groupe en deacutecaleacute afin

de conserver une alternance des pratiques

mais aussi une preacutesence renforceacutee en milieu

de semaine moment ougrave nous pouvons com-

mencer agrave seacuteparer les duos

Lrsquoaspect meacutedicaliseacute parfois neacutecessaire est re-

layeacute par des infirmiegraveres libeacuterales qui intervien-

nent sur le lieu de vacances

Le planning de la semaine est proposeacute avec

des activiteacutes ensemble seacutepareacutees en groupe

individuelles toujours dans la proposition et

non dans la contrainte Le rythme des journeacutees

srsquoadapte tous les jours

Les objectifs de la semaine

Permettre agrave chacun aidant comme aideacute de

srsquoaccorder veacuteritablement une pause en profi-

tant pleinement du site et drsquoun accompagne-

ment qui facilite leur quotidien pendant la se-

maine (absence de tacircches meacutenagegraveres repas

servis au restaurant possibiliteacute drsquoaccompagne-

ment de la personne aideacutee pour quelques

heures proposition drsquoanimations proposition

de temps dlsquoeacutechanges et de paroles)

Favoriser lrsquoacquisition et le partage drsquooutils mecirc-

lant expeacuteriences et connaissances que les per-

sonnes pourront reacuteutiliser une fois de retour au

domicile

Nous ne nommons pas les personnes par leur

fonction aidant ou aideacute mais par leur preacutenom

Chaque duo est composeacute drsquoune personne

ayant un badge vert et lrsquoautre saumon Ainsi

certaines activiteacutes sont proposeacutees agrave tous et

drsquoautres agrave chaque groupe de couleur diffeacuterente

Lrsquoanalyse des questionnaires de satisfaction ou

du bilan oral nous confortent encore dans lrsquoideacutee

que ces objectifs reacutepondent bien agrave ceux des

personnes et sont atteignables dans le cadre

de ces seacutejours

Crsquoest lrsquooccasion de partager une semaine de

vacances tout agrave fait diffeacuterente du quotidien et

des repegraveres de chacun Le groupe se creacutee degraves

les premiegraveres heures de rencontre agrave lrsquoarriveacutee

Tout au long de la semaine chacun eacutevolue

dans sa propre probleacutematique

Les aidants deacutecouvrant drsquoautres pairs eacutechan-

geant avec drsquoautres prenant distance vis agrave vis

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 66

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

de leur veacutecu et deacutecouvrant le comportement de

leur proche avec drsquoautres personnes profes-

sionnels ou non

Les aideacutes qui se sont saisis des possibiliteacutes

offertes de faire autrement deacutecouvrir drsquoautres

vivre des moments de plaisir malgreacute le handi-

cap ou la maladie Eacutechanger avec drsquoautres qui

vivent des situations similaires

Lrsquoeacutevolution du groupe dans lequel une con-

fiance mutuelle srsquoinstalle et permet des interac-

tions et des eacutechanges tregraves riches humaine-

ment Chacun a pu recevoir et apporter agrave

lrsquoautre qursquoil soit aideacute ou aidant

Durant tout le seacutejour tout le monde peut se po-

ser deacutecouvrir lrsquoautre se deacutecouvrir dans des

moments partageacutes individuels ou collectifs

Proposer plein drsquounivers diffeacuterents des compeacute-

tences diffeacuterentes (prof de tai-chi le corps

penseacute le chant le savoir de lrsquoeacutemotion la socio-

estheacuteticienne le mieux avec soi-mecircme)hellip

Et le psychologue dans tout ccedila

Dans ce type de vacances jrsquointerviens en bi-

nocircme avec la responsable du seacutejour du deacutebut

du seacutejour jusqursquoau deacutepart des participants

Je me preacutesente en tant que psychologue Pour

la plupart crsquoest la premiegravere fois qursquoils rencon-

trent quelqursquoun de cette profession Vous allez

mrsquoanalyser me demande Jacques au deacutebut

du seacutejour Finalement vous ecirctes sympas les

psys Vous croyez qursquoil en y en pregraves de chez

moi me demandera-t-il en fin de seacutejour

Je suis tout le temps avec eux du soir au ma-

tin Pas tregraves acadeacutemique comme cadre de tra-

vail et pourtant comme souvent la clinique

vient nous proposer de penser autrement

Le rocircle essentiel du psychologue est que du

deacutebut agrave la fin du seacutejour il propose ce que je

nomme des bras psychiques Les 4 bras les

bras du cadre formel et les bras psychiques Fil

rouge tout le long du seacutejour Crsquoest par ce cadre

-lagrave que chacun va pouvoir se deacutetendre libeacuterer

la parole Lacirccher le faire du quotidien pour

tendre vers le vivre le ressentir et le partager

durant le seacutejour

Pour le psychologue partager le quotidien (du

petit deacutejeuner au dicircner) crsquoest ne pas ecirctre tout

le temps dans la distance mais ecirctre dans la

juste distance Alterner des moments formels

proposition de groupes de parole durant le seacute-

jour pour les personnes en situations drsquoaider et

celles qui reccediloivent de lrsquoaide) et de temps infor-

mels Crsquoest ecirctre disponible Crsquoest garantir lrsquoexis-

tence du maintien de la vie psychique et recon-

naicirctre la personne en tant que sujet pensant

ressentant deacutesirant

Tisser des liens Lacirccher le bras de son malade

changer de bras Faire confiance agrave lrsquoautre et

deacutecouvrir ainsi que lrsquoon peut soutenir lrsquoautre

dans ce qursquoil est capable de donner Faire con-

fiance est possible si le cadre est suffisamment

contenant pour se lrsquoautoriser

Deacutecloisonner les rocircles et les fonctions de cha-

cun Les cloisons tombent Le fil qui nous tient

et nous unit dans le lien agrave lrsquoautre reste Prendre

soin de soi

Exemple du massage des mains avec la socio-

estheacuteticienne En groupe de parole eacutemerge

alors que les mains ne servent pas qursquoagrave se te-

nir ou tenir lrsquoautre les mains se croisent dans

le relationnel et la communication Ne plus ecirctre

dans le soigner la maladie mais dans le pren-

dre soin de ce qui nous lie agrave lrsquoautre

Accompagner lrsquoaidant agrave cheminer vers le si

moi je vais mieux alors lui ira peut ecirctre mieux

au lieu de si il va bien je vais bien

Durant le seacutejour je prends des notes tous les

soirs sur chaque participant Notes drsquoimpres-

sion de ressenti et de questions qui me per-

mettent de comprendre lrsquoeacutevolution psycho-

dynamique de chacun et de chaque duo

Deux fois en moyenne durant le seacutejour jrsquoap-

pelle une collegravegue afin de pouvoir parler pen-

ser et eacutelaborer le veacutecu partageacute

Je propose un moment de reacuteflexion sur la rela-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 67

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

tion drsquoaide avec les aidants Je propose un

temps de parole et drsquoeacutechange sur le veacutecu de

lrsquoaideacute

Lors du bilan le rocircle de la psychologue est tou-

jours valoriseacute Non confondu avec les temps

drsquoanimation crsquoest un espace drsquoeacutechange de soi

et de lrsquointime qui est possible parce qursquoun lien

de confiance dans le quotidien srsquoest creacuteeacute Nous

partageons nos savoirs ceux de ma connais-

sance avec ceux de leur expeacuterience Jrsquoai deacute-

couvert ce que crsquoest une psy Ce nest pas si

grave ccedila srsquoavegravere mecircme plutocirct utile

Ces seacutejours sont lrsquooccasion aussi pour les pro-

fessionnels intervenants drsquoenrichir leurs con-

naissances et leurs pratiques vis-agrave-vis de ce

qursquoest la relation aidant-aideacute en partageant leur

quotidien pendant quelques jours

Comprendre le lien aidantaideacute dans ce qui se

joue au quotidien au plus intime au plus pro-

fond

Le seacutejour ne dure qursquoune semaine Cette se-

maine est en dehors du quotidien de chacun

Elle montre que de vivre eacutechanger rire parta-

ger du plaisir avec drsquoautres est possible et es-

sentiel Elle permet ainsi aux couples ou duos

de se ressourcer et de repeacuterer les plaisirs qui

fondent et nourrissent leur relation partageacutee

Merci de votre attention

Retrouvez

toute lrsquoactualiteacute de Psyclihos

les enregistrements des con-

feacuterences ainsi que le journal

des 20 ans

sur notre site internet

wwwpsyclihosorg

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 68

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

Modeacuterateur Martine Shindo Hocircpital Saint Louis

gt Laccompagnement psychologique par teacuteleacute-

phone dans les maladies de Creutzfeldt-Jakob

Marie-Lise Babonneau Hocircpital Pitieacute Salpecirctriegravere Page 69

gt Parents face agrave linterruption meacutedicale de

grossesse des mots en images

Natascia Serbandini Hocircpital Jean Verdier Page 78

gt Psychologue clinicien aupregraves du personnel

missions enjeux limites

Isabelle Fretigny Hocircpital Saint Louis Elodie Travers Hocircpital Henri Mondor

Page 82

Cliniques particuliegraveres

Pratiques innovantes

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 69

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

Laccompagnement psychologique par teacuteleacutephone dans les

maladies de Creutzfeldt-Jakob

Marie-Lise Babonneau Hocircpital Pitieacute Salpecirctriegravere

L a Cellule Nationale de Reacutefeacuterence des

Maladies de Creutzfeldt-Jakob (MCJ) a

eacuteteacute creacuteeacutee en 2001 par le Ministegravere des

Solidariteacutes de la Santeacute et de la Famille A la

disposition du grand public et des profession-

nels de terrain elle a pour mission lrsquoaide au

diagnostic et agrave la prise en charge meacutedicale so-

ciale et psychologique des patients et de leur

famille

La Cellule est nicheacutee au cœur de lrsquohocircpital de la

Pitieacute-Salpecirctriegravere dans lrsquoune des trois loges au-

trefois destineacutees aux alieacuteneacutes Elle a la particu-

lariteacute de ne pas accueillir physiquement le pu-

blic auquel elle srsquoadresse lrsquoaide qursquoelle pro-

pose srsquoeffectue essentiellement par teacuteleacutephone

En juin 2003 jrsquointegravegre pour un tiers-temps de

psychologue lrsquoeacutequipe deacutejagrave composeacutee drsquoun meacute-

decin coordinateur drsquoun meacutedecin attacheacute

drsquoune assistante sociale drsquoune assistante de

recherche clinique et drsquoune secreacutetaire

A cette eacutepoque je treacutebuche agrave lrsquoenvi sur lrsquoimpro-

nonccedilable Creutzfeldt-Jakob et examine drsquoun

œil dubitatif ma fiche de poste comment assu-

rer un soutien psychologique exclusivement

teacuteleacutephonique Eacutetait-ce reacutealisable efficace ad-

missible

PREacuteAMBULE

Les Maladies de Creutzfeldt-Jakob sont con-

nues de longue date les premiers cas ont eacuteteacute

deacutecrits par Creutzfeldt et Jakob dans les an-

neacutees 1920 Ce sont des maladies neurodeacutegeacute-

neacuteratives rares (qui se traduisent par une deacute-

mence et une grabatisation) 15 cas par mil-

lion drsquohabitants et par an dans tous les pays ougrave

existe une surveillance eacutepideacutemiologique En

France elles concernent une centaine de cas

par an

Principalement connues du grand public sous

le nom de maladie de la vache folle il existe

pourtant trois formes diffeacuterentes de MCJ avec

pour chacune drsquoelles ses speacutecificiteacutes On les

classe en fonction de leur mode de transmis-

sion la forme sporadique (aleacuteatoire) les

formes heacutereacuteditaires (MCJ geacuteneacutetiques syn-

drome de Gertsmann-Straussler-Scheinker

Insomnie Fatale Familiale) et les formes ac-

quises (formes iatrogegravenes des hormones de

croissance variante de la MCJ)

Le poste de psychologue avait eacuteteacute creacuteeacute pour se

consacrer principalement au travail drsquoeacutecoute

des personnes agrave risque de deacutevelopper une

MCJ suite agrave un traitement par hormones de

croissance contamineacutees Puis il srsquoest eacutetendu agrave

lrsquoeacutecoute de toute personne concerneacutee directe-

ment ou non par une MCJ quelle qursquoen soit la

forme

DE LrsquoENTRETIEN PONCTUEL AU SUIVI

La nature teacuteleacutephonique des entretiens psycho-

logiques est le fait drsquoune indeacutepassable reacutealiteacute

la dimension nationale du champ drsquointervention

de la Cellule exclut lrsquoeacuteventualiteacute drsquoentretiens en

face agrave face Mais si en 2011 les suivis psycho-

logiques par teacuteleacutephone se deacuteveloppent agrave

grands pas en 2003 rien nrsquoeacutetait moins eacutevident

que cette forme drsquoaccompagnement lagrave

Agrave cette eacutepoque drsquoailleurs la prise en charge

psychologique au sein de la Cellule se limitait agrave

la proposition drsquoun entretien teacuteleacutephonique pour

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 70

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

faire le point agrave des personnes qui avaient ap-

peleacute pour une toute autre demande principale-

ment drsquoordre meacutedical ou social Agrave lrsquooccasion de

ces demandes certains appelants manifes-

taient des signes de souffrance lieacutee agrave leur si-

tuation peur de la maladie du risque de la deacute-

velopper anxieacuteteacute suite agrave lrsquoannonce de la mala-

die drsquoun proche imminence de son deacutecegraves etc

Les membres de lrsquoeacutequipe les informaient alors

de la possibiliteacute drsquoecirctre contacteacute par la psycho-

logue de la Cellule pour parler des difficulteacutes

qursquoils traversaient en ces moments critiques

Ces entretiens teacuteleacutephoniques ponctuels (de 45

minutes) eacutetaient destineacutes agrave contenir les an-

goisses et la deacutetresse des appelants Puis au

besoin jrsquoorganisais un suivi psychologique de

proximiteacute (psychologues ou psychiatres libeacute-

raux Centres Meacutedico-Psychologiques

(CMP)

Ainsi la proceacutedure entretien ponctuel - reacuteorien-

tation nous semblait reacutepondre au besoin ponc-

tuel drsquoeacutetayage des appelants et correspondre

aux exigences de fonctionnement en plate-

forme nationale de la Cellule Circonscrite pla-

nifieacutee et probablement eacuteconomique sur le plan

psychique cette proceacutedure nous rassurait-elle

aussi Quand bien mecircme elle a plieacute sous le

poids de la reacutealiteacute et a consideacuterablement eacutevo-

lueacute depuis 2003

En effet alors que le nombre annuel de ma-

lades concerneacutes par les MCJ demeure stable

le volume annuel drsquoentretiens psychologiques

lui est passeacute de 40 agrave 260 en huit ans Ainsi

110 personnes ont eacuteteacute suivies ou ont beacuteneacuteficieacute

de seacutequences de soutien de plus de 3 entre-

tiens teacuteleacutephoniques Cela repreacutesente 84 des

personnes ayant eu un premier contact avec le

psychologue Et tandis que la proceacutedure preacute-

voyait un ou deux entretiens la dureacutee des sui-

vis est en moyenne de neuf mois (de trois se-

maines agrave trois ans) drsquoune rythmiciteacute allant drsquoun

entretien hebdomadaire agrave un entretien men-

suel en fonction des besoins Comment expli-

quer cette eacutevolution

Faut-il incriminer les traditionnels obstacles re-

latifs agrave la prise en charge psychologique de

proximiteacute rareteacute des psychologues dans cer-

taines reacutegions surcoucirct financier drsquoune theacuterapie

CMP engorgeacuteshellip Peut-ecirctre mais ils ne suf-

fisent pas agrave expliquer lrsquoaugmentation remar-

quable du nombre drsquoentretiens psychologiques

ni lrsquoallongement de la dureacutee des suivis

Aujourdrsquohui nous pouvons avancer drsquoautres

arguments pour expliquer cette eacutevolution ce

sont les particulariteacutes de la maladie tout autant

que celles lieacutees agrave la teacuteleacutephonie qui ont engen-

dreacute ce dispositif innovant de prise en charge

psychologique

LE CADRE

Un constat les orientations pourtant

travailleacutees (contact teacuteleacutephonique avec le psy-

chologue de proximiteacute informations deacutetailleacutees

sur les speacutecificiteacutes de la maladie et leur impact

sur lrsquoentourage) nrsquoont qursquoexceptionnellement

abouti les patients demandaient agrave reprendre

contact avec la psychologue de la Cellule Par-

tant de ce constat le dispositif drsquoaide psycholo-

gique proposeacute par le psychologue aux per-

sonnes qui appelaient a rapidement eacutevolueacute

Les quelques hypothegraveses concernant la difficul-

teacute du recours agrave la proximiteacute seront abordeacutees

tout au long de cet article

Agrave lrsquoheure actuelle quelle que soit la forme de

MCJ lrsquoappelant contacte la Cellule pour une

demande drsquoaide principalement drsquoordre meacutedi-

cal Les deux meacutedecins nrsquoeacutetant pas preacutesents agrave

la Cellule en permanence crsquoest la secreacutetaire

qui recueille les attentes Elle preacutesente le fonc-

tionnement global de la Cellule et eacutevoque sys-

teacutematiquement la possibiliteacute drsquoecirctre contacteacute par

la psychologue Lorsqursquoelle ressent particuliegrave-

rement intenseacutement la deacutetresse de lrsquoappelant

elle insiste sur lrsquoimportance drsquoun entretien avec

la psychologue qui connaicirct tregraves bien la mala-

die un argument de poids pour les personnes

deacutesempareacutees qui heacutesitent pourtant agrave demander

de lrsquoaide

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 71

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

Rares sont ceux qui demandent spontaneacutement

un entretien psychologique Mais rares sont

ceux qui le refusent lorsqursquoil leur est proposeacute

Cette invitation agrave ecirctre entendu loin de court-

circuiter la deacutelicate question de la demande

theacuterapeutique nous semble plutocirct lui permettre

drsquoadvenir Agrave ce titre nul doute que le deacutevelop-

pement du nombre de suivis psychologiques

reacutealiseacutes agrave la Cellule est en rapport direct avec

les qualiteacutes drsquoaccueil et lrsquoacuiteacute intuitive de sa

secreacutetaire

Ainsi cette derniegravere prend note des disponibili-

teacutes horaires de lrsquoappelant et apregraves avoir re-

cueilli lrsquoaccord preacutealable de ce dernier me les

transmet au plus vite Mon premier appel au

cours duquel nous eacutevoquons la situation de

crise a souvent lieu dans les 48 heures Cette

reacuteactiviteacute de prise de contact est un eacuteleacutement

deacuteterminant dans lrsquoeacutetablissement drsquoun lien de

confiance la premiegravere pierre drsquoun espace con-

tenant

Nous ne reacutealisons pas ou peu drsquoentretiens en

urgence la Cellule ne srsquoapparente pas agrave une

permanence drsquoeacutecoute 24h24 Drsquoailleurs la

simple date de rendez-vous sur mon agenda a

suffit agrave me calmer (hellip) Jrsquoeacutetais compleacutetement

bloqueacutee paniqueacutee et je me suis remise agrave pen-

ser et agrave geacuterer le quotidien que je ne geacuterais

plus

Ce premier entretien a une tonaliteacute toute parti-

culiegravere Agrave lrsquoinverse peut-ecirctre drsquoun premier ren-

dez-vous en face agrave face lrsquoentretien teacuteleacutepho-

nique semble provoquer un relacircchement des

meacutecanismes de deacutefenses et lrsquoeacutemergence des

processus primaires affolement pleurs pen-

seacutees parfois deacutesorganiseacutees coq agrave lrsquoacircne Lrsquoap-

pelant se deacuteverse deacuteballe tout en vrac Un

relacircchement induit drsquoabord par lrsquoabsence

drsquoinformations visuelles cette sorte de veacutecu

drsquoanonymat qui autorise la leveacutee de la cen-

sure Vous ne me voyez pas alors je peux

tout dire sans conseacutequences Pourtant nom

preacutenom situation familiale et localisation geacuteo-

graphique pourraient objectivement freiner le

veacutecu drsquoanonymat Il nrsquoen est rien Ce premier

entretien ndash et les quelques suivants - souli-

gnent ainsi la primauteacute du voir sur le savoir de

lrsquoautre

Un relacircchement doublement favoriseacute par le fait

que lrsquoappelant demeure dans un espace qui lui

est propre familier choisi Je suis dans ma

chambre jrsquoai fermeacute la porte Je me suis ins-

talleacutee dans ma voiture pour notre rendez-vous

ici je suis tranquille et en seacutecuriteacute

Notons que le psychologue nrsquoeacutechappe pas agrave

cet effet de relacircchement calfeutreacute qursquoil est

dans son espace soustrait au poids du regard

de lrsquoautre Un relacircchement du corps qui favo-

rise le flottement neacutecessaire agrave son travail

drsquoeacutecoute des processus inconscients agrave lrsquoœuvre

chez lrsquoappelant

Dans la tregraves grande majoriteacute des cas le pre-

mier appel donne lieu agrave un second rendez-vous

teacuteleacutephonique dont nous convenons ensemble

des termes (date et heure) Le choix de la du-

reacutee des entretiens (toujours de 45 minutes) deacute-

coule certainement de notre pratique de lrsquoentre-

tien en face-agrave-face mais il srsquoest aveacutereacute tout agrave fait

pertinent dans la pratique de lrsquoentretien teacuteleacute-

phonique puisque trois quarts drsquoheure laissent

le temps agrave la personne drsquoeacutelaborer ses ressen-

tis Cette dureacutee nrsquoest pas drsquoembleacutee annonceacutee

mais plutocirct suggeacutereacutee Nous allons en rester lagrave

pour aujourdrsquohui parce qursquoil est lrsquoheurehellip nous

nous retrouvons donc lehellip agravehellip conclut systeacute-

matiquement nos entretiens

Crsquoest freacutequemment au deacutecours du troisiegraveme

entretien que les questions se posent sur la

poursuite et les modaliteacutes de la prise en

charge Vous consultez ougrave Je vous dois

combien Jrsquoai droit agrave combien drsquoentre-

tiens Agrave ces questions la prise en charge

exclusivement teacuteleacutephonique (aucun deacuteplace-

ment) la gratuiteacute (la Cellule prend en charge

tous les entretiens) et la possibiliteacute drsquoecirctre suivi

tant que le besoin srsquoen fait sentir srsquoapparente agrave

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 72

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

un apaisant holding winicottien Dans ma si-

tuation crsquoest incroyable drsquoavoir le droit de se

laisser porterhellip

Les particulariteacutes du dispositif de suivi teacuteleacutepho-

nique semblent ainsi reacutepondre aux exigences

de la reacutealiteacute des appelants La premiegravere drsquoentre

-elles lrsquoabsence de deacuteplacement et la grande

souplesse drsquoorganisation qui en deacutecoule allegravege

consideacuterablement leur quotidien phagocyteacute par

la maladie Une theacuterapie en cabinet aurait eacuteteacute

inconciliable avec notre reacutealiteacutehellip tout autant

qursquoinfiltreacute de sentiments de culpabiliteacute

Comment prendre le temps de me plaindre

alors qursquoelle est en train de mourirhellip Je sais

que crsquoest important de parler mais je nrsquoaurais

pas pris le temps de consulter pour moi tandis

que ce temps est si preacutecieuxhellip je veux le pas-

ser aupregraves drsquoellehellip ccedila me soigne de ne pas

perdre une minute Ainsi pourtant installeacutes

chez eux ils peuvent srsquoabsenter sans culpabili-

teacute excessive Je ne suis pas loin de lui mais je

suis en consultation juste pour moihellip Je suis

seule avec lui

La seconde particulariteacute du suivi psychologique

par teacuteleacutephone compareacute agrave un dispositif theacutera-

peutique classique reacuteside dans le fait que crsquoest

le psychologue qui appelle systeacutematiquement

le patient Au moment ougrave lrsquoeacutetayage social fami-

lial et parfois professionnel se fissure et ougrave la

difficulteacute drsquoappeler agrave lrsquoaide se fait sentir cette

deacutemarche inverseacutee nrsquoest pas deacutenueacutee drsquoeffet

theacuterapeutique Crsquoest toujours nous qui de-

mandons partout de lrsquoaidehellip et lagrave quel repos

que ce soit vous qui veniez jusqursquoagrave moihellip Je

nrsquoaurais pas eu la force de faire une deacutemarche

de plushellip ccedila mrsquoaide agrave continuerhellip

Enfin ajoutons que dans ce temps extra-

ordinaire ougrave tout leur coucircte ougrave crsquoest nous qui

donnons tout de nous tout notre temps toute

notre eacutenergiehellip la gratuiteacute de la prise en

charge est un eacuteleacutement important pour les per-

sonnes qui appellent Cette gratuiteacute de soins

repreacutesentative des modaliteacutes de prises en

charge psychologiques agrave lrsquohocircpital contribue agrave

restaurer leur sentiment drsquoecirctre consideacutereacutees et

reconnues dans leur souffrance On srsquooccupe

aussi de moi

Neacuteanmoins certains appelants qui avaient en-

visageacute de consulter en libeacuteral ainsi precircts agrave de-

mander de lrsquoaide se deacuteplacer et payer leur

seacuteance srsquoeacutetaient vus confronteacutes agrave un autre

obstacle somme-toute infranchissable le ca-

ractegravere indicible du veacutecu des MCJ Comment

parler agrave quelqursquoun qui nrsquoa jamais vu cette mala-

die monstrueuse (hellip) Il faut la voir pour sa-

voirhellip Ici (agrave la Cellule) je suis en seacutecuriteacute vous

savez de quoi je parle sans que jrsquoen parle vrai-

ment (hellip) vous avez les mecircmes images que

moi dans la tecircte Pour ces appelants qui cher-

chent une communauteacute drsquoexpeacuterience le psy-

chologue se doit drsquoecirctre un sujet dont le savoir

nrsquoest pas que supposeacute

SUIVI POUR QUI SUIVI POUR QUOI

Nous distinguons trois cateacutegories drsquoappelants

les personnes malades crsquoest agrave dire symptoma-

tiques leur entourage (conjoints enfants pa-

rents fregraveres et sœurs) et les personnes agrave

risque de deacutevelopper la maladie (drsquoorigine geacute-

neacutetique ou iatrogegravene) Les appels des profes-

sionnels (assez rares) ne seront pas traiteacutes

dans cet article

En huit ans seulement trois personnes ma-

lades ont eacuteteacute en contact avec le psychologue

par teacuteleacutephone et nrsquoont beacuteneacuteficieacute que de deux

entretiens en moyenne En effet dans la majo-

riteacute des cas la maladie est suspecteacutee tardive-

ment apregraves une longue peacuteriode drsquoerrance meacute-

dicale Si bien que le patient deacutejagrave tregraves sympto-

matique est rarement en capaciteacute de parler

suffisamment distinctement (dysarthrie) pour

beacuteneacuteficier drsquoun entretien teacuteleacutephonique Drsquoautant

que les troubles neuropsychologiques et psy-

chiatriques associeacutes agrave une freacutequente anoso-

gnosie et une eacutevolution preacutecipiteacutee de la mala-

die rendent complexes la mise en place drsquoun

suivi

Monsieur K prend contact avec la Cellule ef-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 73

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

frayeacute par la deacutegradation de son eacutetat il tremble

tombe et perd la meacutemoire Il craint drsquoecirctre atteint

de la maladie de Creutzfeldt-Jakob dont il se

sait agrave risque suite agrave un traitement par hor-

mones de croissance contamineacutees Je nrsquoose

pas en parler on va me regarder bizarrement

et srsquoinquieacuteter peut-ecirctre pour rien Mais lrsquoentre-

tien est difficile agrave mener au regard des troubles

cognitifs et dysarthriques de Monsieur K Nous

convenons neacuteanmoins drsquoun rendez-vous teacuteleacute-

phonique la semaine suivante Le jour-dit je

lrsquoappelle agrave son domicile Il ne se souvient ni de

moi ni de la raison de mon appel Il comprend

agrave peine les mots que je prononce Il raccroche

Crsquoest donc principalement agrave lrsquoentourage du ma-

lade que srsquoadresse le soutien psychologique

par teacuteleacutephone un entourage deacutemuni devant

cette maladie que personne ne connaicirct qui

effraie tout le monde et qui laisse chacun en

proie agrave un profond sentiment drsquoisolement Freacute-

quemment rencontreacute au deacutecours drsquoautres pa-

thologies neurodeacutegeacuteneacuteratives le sentiment

drsquoisolement semble pourtant exacerbeacute par les

speacutecificiteacutes de cette maladie meacuteconnue que

les meacutedias ont tocirct fait drsquoassimiler agrave une forme

de peste contagieuse foudroyante

monstrueuse Des qualificatifs qui srsquoillustrent

parfois crucircment dans la reacutealiteacute par un compor-

tement exageacutereacutement eacutevitant du corps meacutedical

Ils portent des masques des gants et entrent

prudemment dans la chambre Que dire en-

core de lrsquoamalgame de toutes les formes de

MCJ avec la plus meacutediatiseacutee drsquoentre-elles -la

vache folle - si ce nrsquoest qursquoil en ajoute au senti-

ment drsquoeacutetrangeteacute qursquoelles provoquent deacutejagrave

Ce nrsquoest pas un animal crsquoest un ecirctre hu-

main Mais ce nrsquoest pas tant la maladie qui

est contagieuse que lrsquoidentification menaccedilante

qursquoelle propose lrsquoidentification agrave lrsquoEcirctre animal

archaiumlque et agrave lrsquoEcirctre deacutement qui nrsquoest plus lui-

mecircme agrave la fois posseacutedeacute et deacuteposseacutedeacute de

son humaniteacute Les MCJ quelle qursquoen soit la

forme figureraient-elles la barbarie au sens

eacutetranger et sauvage du terme

Les familles sont comme prises au piegravege de

ces repreacutesentations collectives dont la vio-

lence inouiumle (jamais entendue) semblent les

expulser aux confins de la communauteacute hu-

maine Quand on a dit ce qursquoil avait tout le

monde a disparuhellip On a eu beau expliquer

qursquoil nrsquoy avait pas de risque de transmission

les gens sont terrifieacutes et prennent leur distance

Il nrsquoy a plus personne agrave qui parler Mais cette

expulsion nrsquoest pas toujours le fait du monde

exteacuterieur Lrsquoentourage peut se retirer spontaneacute-

ment du monde pour se soustraire au regard

que ce dernier pourrait porter sur lui Je ne

voulais pas qursquoon nous regarde comme des

becircteshellip alors jrsquoai disparu de la circulation

Dans ce contexte de mise en quarantaine dic-

teacutee ou spontaneacutee la seule ideacutee de lrsquoexistence

de la Cellule fait fonction de terre drsquoasile de

support identificatoire Un support identifica-

toire renarcissisant Ici je peux reprendre

forme humainehellip il y a quelqursquoun au bout du fil

Quelqursquounhellip et je me sens quelqursquoun en mi-

roir Parce qursquoavec tout ce qui nous arrive je

me sens tantocirct comme un chien galeux tantocirct

trimbaleacute comme un objethellip et de par son nu-

meacutero drsquoappel unique doubleacute drsquoune prise en

charge globale un support identificatoire struc-

turant Jrsquoai lrsquoimpression qursquoelle part en mor-

ceauxhellip petit bout par petit bouthellip lrsquoeacutequilibre la

tecircte la marche la vision la parolehellip sa vie

part en lambeauxhellip et moi je nrsquoarrive plus agrave

me rassemblerhellip Mais il y a tout le monde

(meacutedecins assistante sociale psychologue)

ici agrave la Cellulehellip ccedila me rassure de savoir que

vous parlez tous la mecircme langue que vous

faites corps

Outre lrsquoentourage des malades des personnes

dites agrave risque font appel agrave la Cellule des per-

sonnes agrave risque de MCJ suite agrave un traitement

par hormones de croissance contamineacutees et

des personnes agrave risque de MCJ drsquoorigine geacute-

neacutetique Dans les deux cas le veacutecu subjectif de

risque prend en otage les perspectives drsquoave-

nir Parce qursquoil annonce en mecircme temps le pire

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 74

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

et la possibiliteacute drsquoy eacutechapper parce qursquoil

nrsquoindique ni la victime ni lrsquoheure de la catas-

trophe le risque peut donner agrave cette derniegravere

un caractegravere omnipreacutesent Quand je vais

bien je me prends agrave espeacuterer que je ne serai

jamais malade que tout ccedila nrsquoeacutetait qursquoun cau-

chemar Mais quand je me sens mal le risque

drsquoecirctre malade se transforme en fataliteacute Je me

sens condamneacutee (hellip) Finalement que ce soit

par lrsquoespoir ou la fataliteacute crsquoest un peu lagrave tout le

temps un peu partout en moi

Et si des moments drsquoaccalmie subsistent crsquoest

souvent un eacuteleacutement de la reacutealiteacute preacutesent ou agrave

venir qui vient attiser les angoisses drsquoecirctre ma-

lade

Concernant le drame des hormones de crois-

sance contamineacutees ce sont principalement les

diffeacuterentes eacutetapes du procegraves (ouverture en

2008 4 mois drsquoaudience rendu de justice en

2009 et mise en appel en 2010) qui ont deacuteclen-

cheacute une recrudescence des appels des per-

sonnes agrave risque Crsquoest cette histoire de pro-

cegraves (hellip) je lis tous les articles dans la presse

(hellip) Depuis je vais reacuteguliegraverement sur le site de

lrsquoInvs pour veacuterifier le nombre de deacutecegraves leurs

acircgeshellip Je me dis que moi crsquoest bon je suis

plus vieille ou jrsquoai reccedilu les hormones plus tard

(hellip) Je comprends ce procegraves mais je le mau-

dis Je me sentais bien ces derniers temps

Jrsquoavais construit mon petit igloo avec mon mari

dedans Et lagrave je souhaite hurler qursquoon mrsquoa cas-

seacute mon igloo Durant tout le deacuteroulement du

procegraves certains de ces jeunes agrave risque ont

eacuteteacute deacutebordeacutes par un puissant sentiment

drsquoambivalence entre le deacutesir et la peur qursquoon

leur reconnaisse le preacutejudice subi crsquoest agrave dire

le coucirct psychique de se savoir contamineacute Re-

connaissance qui aurait signeacute la reacutealiteacute du

risque qursquoils encouraient Si le procegraves vient agrave

statuer que je suis victime je ne pourrai plus

me dire que crsquoest juste un cauchemar et que je

vais me reacuteveiller (hellip) et puis jrsquoai peur que ccedila se

traduise par le deacuteclenchement de la maladie

Paradoxe de cette victimation crsquoest la meacutede-

cine qui a rendu malade Dire que crsquoeacutetait

pour me soignerhellip quelle ironiehellip Je nrsquoai pas

de symptocircme je sais mais je suis deacutejagrave morte

De peur Et en ces temps juridiques agiteacutes la

Cellule et ses meacutedecins tout particuliegraverement

se sont vus parfois pris dans les mecircmes filets

ambivalents On a fait confiance aveugleacutement

agrave la meacutedecine Comment pouvions-nous imagi-

ner que le mal viendrait de lagrave ougrave on lrsquoattendait

le moins A qui faire confiance maintenant

Notamment encourageacutes par les associations

avec lesquelles la Cellule entretient des liens

eacutetroits certains parents de jeunes agrave risque

ont fait appel agrave nous Notre vie est faite de

hauts et de bas Lorsqursquoon apprend qursquoun

jeune est mort toute lrsquohistoire remonte et puis

le temps passe et on fait comme si ccedila nrsquoexistait

plus Mais ces oscillations crsquoest de la tor-

ture Comment ne pas eacutevoquer aussi le veacutecu

dramatique de ces autres parents qui ont perdu

leur enfant parfois il y a longtemps Des pa-

rents encore submergeacutes par la peine et rongeacutes

par un fort sentiment de culpabiliteacute drsquoavoir

donneacute le feu vert aux meacutedecins pour gagner

quelques centimegravetreshellip drsquoavoir moi-mecircme

fait les injections drsquohormones Un sentiment de

culpabiliteacute exacerbeacute par la relaxe geacuteneacuterale des

preacutevenus apregraves 20 ans de proceacutedure Il y a

des victimes il faut des coupables (hellip) Crsquoest

comme si la Justice nous avait deacutesigneacutes cou-

pables agrave leur place

Dans ce contexte ougrave preacutedominent les senti-

ments de culpabiliteacute et parfois de honte le teacuteleacute-

phone est un outil de grand secours puisqursquoil

permet aux personnes de se soustraire au re-

gard de lrsquoAutre Cet Autre objet drsquoimplacables

projections accusatrices Je nrsquoaurais pas pu

consulter un psychologue en face-agrave face Jrsquoau-

rais eu trop peur de lire sur son visage le deacute-

goucirct le rejet le jugementhellip lagrave je peux dire ce

que je veux je ne vois pas votre reacuteactionhellip

crsquoest moins dur Mais pourquoi le psychologue

de la Cellule se precircte-il si rarement aux projec-

tions de nature perseacutecutrice Reacutepond-il agrave la

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 75

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

neacutecessiteacute de sauvegarder un bon objet Un

bon objet inteacuteriorisable susceptible de restaurer

a minima le narcissisme parental

Concernant les formes heacutereacuteditaires de MCJ

dans la majoriteacute des cas lorsque le diagnostic

tombe le malade est deacutejagrave au stade terminal de

la maladie Les membres agrave risque de la fa-

mille se retrouvent donc confronteacutes agrave deux

drames simultaneacutes la perte imminente de leur

proche et lrsquohorreur de leur possible devenir

Voilagrave en une fraction de seconde le monde

bascule Je regardais ma megravere mourir jrsquoima-

ginais que jrsquoallais finir comme elle et je pensais

agrave mes enfants qui auraient peut-ecirctre le mecircme

destin Puis viennent les angoisses pour les

fregraveres et sœurs leurs enfants crsquoest lrsquoheacuteca-

tombehellip

Comment en parler aux enfants Peut-on

continuer agrave vivre normalement en sachant que

tout peut basculer en quelques mois Je

nrsquoarrecircte pas de pleurer est-ce le deacutebut de la

maladie Faut-il faire le test geacuteneacutetique

Autant de questions difficiles agrave adresser agrave lrsquoen-

tourage Jrsquoai appeleacute la Cellule parce que je ne

veux pas affoler mon mari mes enfantshellip (hellip)

et je ne suis pas encore precircte agrave me retrouver

en consultation de geacuteneacutetique (hellip) ce serait trop

reacuteel (hellip) pour lrsquoinstant quand je raccroche je

peux faire comme si ccedila nrsquoexistait pas

NATURE DE LrsquoESPACE TEacuteLEacutePHONIQUE

Mais de quelle nature est cet espace teacuteleacutepho-

nique pour autoriser le patient agrave maintenir en

dehors de sa reacutealiteacute le contenu qursquoil y deacutepose

Lrsquoabsence de corps en preacutesence et lrsquoimmateacuteria-

liteacute de la voix comme unique canal de commu-

nication seraient-elles la clef du choix des pa-

tients drsquoun suivi teacuteleacutephonique plutocirct qursquoen cabi-

net Le teacuteleacutephone permettrait-il au patient de

srsquoaffranchir ponctuellement drsquoun trop de reacuteel et

de se proteacuteger de lrsquoeffraction qursquoopegravere la crudi-

teacute de ses preacuteoccupations mateacuterielles orga-

niques mais aussi existentielles Serait-elle la

figuration de ce temps intra-uteacuterin ougrave tout de la

reacutealiteacute sauf la megravere eacutetait en dehors ce temps

ougrave le lien intime avec elle nrsquoeacutetait que sons Je

vous parle et vous me parlez aussi dans le

creux de lrsquooreillehellip Vous ecirctes un peu mon es-

pace proteacutegeacute mon espace secret Ce temps

reacutevolu ougrave le lieu de rencontre (le ventre mater-

nel) entre la megravere et lrsquoenfant eacutetait lrsquoobjet de tous

les fantasmes Que dire drsquoautre en effet du lieu

de rencontre entre le psychologue et le pa-

tient qursquoil nrsquoest que scegravene psychique pur es-

pace temporel un ensemble chacun chez soi

Un espace qui srsquooffrirait donc plus encore et

plus subitement agrave la reacutegression du patient que

le divan de lrsquoanalyste ou lrsquoentretien agrave domicile

Parce qursquoelle les prive drsquoinformations agrave carac-

tegravere visuel (regards mimiques postures ges-

tuelles) et puisque rien ne fait obstacle ni chez

le patient ni chez le psychologue aux diffeacute-

rentes repreacutesentations fantasmatiques que

chacun a de lrsquoautre la teacuteleacutephonie se precircte agrave

une activiteacute imaginaire deacutebrideacutee Seules des

informations agrave caractegravere sonore telles que le

timbre de la voix les rythmes tons silences

intonations et bruits ambiants (il allume une ci-

garette elle ferme une porte la voix reacutesonne

comme dans un espace vide) donnent force et

forme agrave lrsquoespace theacuterapeutique Elles seules et

dans une immeacutediateteacute remarquable suffisent agrave

faire surgir le visage le corps et le lieu de

lrsquoautre Des lapsus agrave caractegravere visuels srsquoim-

miscent drsquoailleurs dans le discours des pa-

tients et du psychologue Je vois drsquoici la tecircte

que vous faites Nos rencontres teacuteleacutepho-

niques On se voit la semaine prochaine Des

deacutetails comme la silhouette la couleur des

yeux des cheveux des vecirctements un canapeacute

des photos au mur des sourcils fronceacutes ou une

moue deacutefaite sont-ils lrsquoexpression paroxystique

de lrsquoactiviteacute fantasmatique agrave lrsquoœuvre dans la

relation transfeacutero-contre-transfeacuterentielle entre

le patient et son theacuterapeute

Pourquoi lrsquoimage de cette patiente-lagrave tarde agrave se

construire en moi apparaicirct puis disparaicirct sans

que je puisse la saisir Parce qursquoelle joue agrave

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 76

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

cache-cache avec son pegravere malade qui ne

doit pas la voir dans cet eacutetat de terreur Pour-

quoi ai-je oublieacute drsquoappeler ce patient aujour-

drsquohui alors que son nom est surligneacute dans mon

agenda Parce qursquoil me reacutepegravete chaque fois

que tout le monde lrsquooublie Pourquoi cet

autre patient a-t-il exceptionnellement deman-

deacute agrave deacuteplacer son rendez-vous Parce qursquoil

eacutetait justement question lors de notre dernier

entretien de deacuteplacer son agressiviteacute pour

eacutepargner sa femme malade

Pourquoi cette megravere au beau milieu de son

suivi donne-t-elle mon numeacutero au fils qui ne

lrsquoeacutecoute plus Pourquoi ce fils accepte-t-il

drsquoappeler le psychologue de sa megravere Pour-

quoi le psychologue accepte-t-il de suivre seacute-

pareacutement deux membres de la mecircme famille

tandis qursquoil heacutesiterait agrave le faire en cabinet

Parce que les espaces ndash uniquement fantas-

meacutes- sont bien distincts en lui et que leur rela-

tion reacuteclame drsquoecirctre tierciseacutee

Pourquoi cette demande impeacuterieuse de me voir

en consultation Parce que cette patiente non

reconnue par la justice dans son statut de

victime des hormones de croissance contami-

neacutees a besoin drsquoecirctre reconnue au sens pre-

mier du terme par le psychologue

Pourquoi cette crainte en moi agrave lrsquoideacutee de voir

ces patients-lagrave comme on pourrait avoir agrave

craindre de transgresser la regravegle fondamentale

drsquoabstinence Dans ce contexte de suivi teacuteleacute-

phonique -qui induit lrsquoeacuterotisation du lien agrave la

voix et un sentiment paradoxal de grande

proximiteacute voir serait-il devenu un eacutequivalent de

toucher et lrsquoacting out agrave eacuteviter

Ces quelques exemples de questionnements

du psychologue autour des manifestations

transfeacutero-contre-transfeacuterentielles agrave lrsquoœuvre

dans le suivi teacuteleacutephonique nous semblent rele-

ver drsquoun processus de type theacuterapie drsquoinspira-

tion analytique Un processus qui se partage

souvent en deux temps un temps de plainte et

un temps drsquoeacutelaboration psychique complexe au

cours duquel le patient rapporte spontaneacutement

ses recircves Des recircves dont le mateacuteriel fait lrsquoobjet

drsquointerpreacutetations par le psychologue

SUIVI TEacuteLEacutePHONIQUE AVEC OU SANS FIN

Il arrive qursquoapregraves le deacutecegraves de son proche le

patient srsquointerroge sur la leacutegitimiteacute de la pour-

suite du suivi comme si la survie du malade

avait jusqursquoici conditionneacute son droit agrave en beacuteneacutefi-

cier Il nrsquoen est rien alors tout ne srsquoarrecircte pas

pour moi non plus Cet espace temporel

sans corps en preacutesence qui a proteacutegeacute le pa-

tient des angoisses inheacuterentes agrave la reacutealiteacute

drsquoune seacuteparation annonceacutee permet et catalyse

mecircme parfois le travail de deuil Vous ecirctes un

peu comme mon fregravere [mort depuis 3 mois] je

ne le vois pas mais il est lagravehellip je ne le vois pas

mais je lrsquoentends parfoishellip comme avec vous

jrsquoapprends agrave dialoguer agrave lrsquointeacuterieur de moi avec

lui

La sortie du dispositif de soutien teacuteleacutephonique

est longuement travailleacute eacutevocation de lrsquoapregraves

eacutelaboration de la seacuteparation espacement pro-

gressif des entretiens Un cheminement au

cours duquel surgissent plus explicitement les

traces du caractegravere transitionnel de lrsquoespace

teacuteleacutephonique Un espace qui sans ecirctre une

permanence drsquoeacutecoute a eacutetayeacute le sentiment de

permanence drsquoobjet Je ne vous ai jamais

vuehellip alors je nrsquoai pas peur de ne plus vous

voir Vous ecirctes un peu comme toujours lagrave

CONCLUSION

La Cellule Nationale de Reacutefeacuterence des Mala-

dies de Creutzfeldt-Jakob a pour mission lrsquoaide

au diagnostic et agrave la prise en charge meacutedicale

sociale et psychologique des patients et de leur

famille Lrsquoaide proposeacutee srsquoeffectue essentielle-

ment par teacuteleacutephone

La faisabiliteacute et la leacutegitimiteacute drsquoun soutien psy-

chologique exclusivement teacuteleacutephonique a eacuteteacute

lrsquoobjet de nombreuses interrogations pour le

psychologue quelle est la nature de cet es-

pace particulier drsquoaccompagnement Quels en

sont les beacuteneacutefices Peut-on soutenir un veacuteri-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 77

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

table travail psychique dans le cadre de ce dis-

positif Est-il leacutegitime de parler de travail psy-

chotheacuterapeutique

Les 110 suivis psychologiques effectueacutes agrave la

Cellule depuis 2003 nous permettent aujour-

drsquohui drsquoaffirmer que notre travail de psycho-

logue ne se limite pas agrave une pure fonction de

soutien En effet bien que tregraves eacuteloigneacute de la

situation analytique le processus agrave lrsquoœuvre

dans le dispositif teacuteleacutephonique semble srsquoappa-

renter agrave celui drsquoun dispositif de type psychotheacute-

rapeutique drsquoinspiration analytique le cadre

est poseacute et penseacute par le psychologue

(entretiens de 45 minutes notion de rendez-

vous teacuteleacutephoniques rythmiciteacute souvent hebdo-

madaire suivi au long cours) lrsquoassociation

libre est encourageacutee lrsquointerpreacutetation des dires

lrsquoanalyse des recircves lrsquoanalyse du transfert et du

contre-transfert par le psychologue est freacute-

quente et le patient effectue un veacuteritable travail

drsquoeacutelaboration psychique au deacutecours du suivi

Lrsquoexpeacuterience nous deacutemontre que les particulari-

teacutes de lrsquoaccompagnement teacuteleacutephonique

(notamment privation drsquoinformations visuelles)

ne freinent pas le processus theacuterapeutique

Elles pourraient mecircme le favoriser

(relacircchement du systegraveme deacutefensif)

Ainsi ce dispositif innovant de prise en charge

psychologique agrave lrsquohocircpital est au service drsquoune

difficulteacute des personnes qui y ont recours la

crainte et ou lrsquoimpossibiliteacute drsquoaller consulter un

psychologue en face-agrave face

Retrouvez

toute lrsquoactualiteacute de Psyclihos

les enregistrements des con-

feacuterences ainsi que le journal

des 20 ans

sur notre site internet

wwwpsyclihosorg

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 78

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

Parents face agrave linterruption meacutedicale de grossesse des mots

en images

Natascia Serbandini

Service de gyneacutecologie-obsteacutetrique Hocircpital Jean Verdier

A pregraves avoir eacutevoqueacute briegravevement les speacute-

cificiteacutes du deuil peacuterinatal je vais vous

preacutesenter une pratique nouvelle au sein

de lrsquoAPHP un groupe de parole hospitalier

destineacute aux femmes ayant fait une interruption

meacutedicale de grossesse Ce groupe est neacute en

2008 un an apregraves sa creacuteation nous avons choi-

si drsquointroduire une cameacutera lors des seacuteances

Enfin je deacutecrirai lrsquoimpact de la cameacutera sur le

groupe et le projet de film que nous sommes

en train de reacutealiser

LES SPEacuteCIFICITEacuteS DU DEUIL PEacuteRINATAL

La deacutecouverte dune pathologie fœtale incu-

rable pendant la grossesse est un eacuteveacutenement

hautement traumatique pour les parents du fu-

tur beacutebeacute Lhocircpital Jean Verdier unique Centre

Pluridisciplinaire de Diagnostic Preacutenatal du 93

accueille et accompagne les parents degraves lrsquoan-

nonce du diagnostic jusqursquoagrave lrsquointerruption meacutedi-

cale de grossesse quand les parents la deman-

dent

Le deuil peacuterinatal preacutesente des speacutecificiteacutes qui

le distinguent du deuil classique il est toujours

accompagneacute drsquoun fort sentiment de culpabili-

teacute amplifieacute dans le cadre des Interruptions Meacute-

dicales de Grossesse par la prise de deacutecision

(Tous les textes en italique sont issus de teacutemoi-

gnages de femmes lors du groupe de parole)

Pendant le travail je le sentais encore mon

beacutebeacute est neacute vivant jrsquoavais vraiment cette sen-

sation qursquoil voulait se battre Jrsquoai enleveacute tout cet

espoir de vie et je me demande de quel droit

Crsquoest cette impression drsquoavoir le choix sur sa

vie ou sa mort crsquoest tellement lourd agrave porter

Une autre speacutecificiteacute est lrsquoabsence drsquoun veacutecu

partageacute avec cet enfant en dehors de la gros-

sesse Geneviegraveve Delaisi de Parseval

(psychanalyste) Comment faire le deuil de ce

qui nrsquoa pas eu lieu drsquoon ne sait quoi et de

presque rien Lrsquoobjet perdu reste agrave perdre

comment accepter la seacuteparation drsquoavec un ecirctre

que lrsquoon nrsquoa pas connu

Le deuil est un processus intrapsychique con-

seacutecutif agrave la perte drsquoun objet drsquoattachement par

lequel le sujet reacuteussit progressivement agrave se deacute-

tacher de celui ci Jean Philippe Legros

(psychologue psychanalyste au centre de meacute-

decine foetale Cochin-St Vincent de Paul) dans

lrsquoarticle L lsquoarrecirct de vie in utero ou lrsquoerrance des

fœtus un possible deuil preacutecise que dans le

deuil peacuterinatal il srsquoagit drsquoun deacutetachement sans

renoncement

Ensuite il srsquoagit drsquoun deuil feacuteminin un deuil

veacutecu tregraves diffeacuteremment dans le couple

Mon mari lui a pris sa deacutecisionhellipje ne dis pas

que ccedila a eacuteteacute facile ccedila a ducirc ecirctre dur pour lui

aussi moi je la portais je la sentais bouger

Cette mort est intoleacuterable pour la megravere en lien

avec le sentiment drsquoomnipotence propre agrave la

grossesse intoleacuterable pour la megravere qui con-

naissait ce beacutebeacute et qui a ressenti ses mouve-

ments

Ce sentiment de toute puissance est amplifieacute

par le fait que la demande drsquoInterruption Meacutedi-

cale de Grossesse revient agrave la femme seule

signataire selon la loi

Je sais qursquoil souffre qursquoil est malheureux il a

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 79

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

la mecircme peine et la mecircme tristesse que moi

mais il ne llsquoexprime pas pareil il y a une culpa-

biliteacute plus importante chez la megravere

La perte du beacutebeacute est parfois difficilement re-

connue par les pegraveres qui nrsquoosent pas manifes-

ter leur souffrance et qui se projettent plus rapi-

dement dans lrsquoavenir

Leur deacutetresse reacutesulte en grande partie de la

mise agrave mal de la fonction contenante protec-

trice de la femme enceinte qursquoils assuraient

avant lrsquointerruption

Ce deuil est deacutepourvu drsquoune dimension so-

ciale Franccediloise Moleacutenat (peacutedopsychiatre) dit

Iil existe une cicatrice dans le corps de la

megravere mais pas de cicatrice sociale

Beaucoup de personnes mrsquoont dit crsquoest

dingue que lrsquoadministration franccedilaise se mecircle

de ccedila (en parlant de la reconnaissance agrave la

Mairie) alors qursquoil nrsquoy a mecircme pas de beacutebeacute il

eacutetait pas neacute

Les rituels autour du deuil ont une fonction psy-

chique ils offrent au mort un deacutedommagement

symbolique Ils assurent une reconnaissance

de la peine des proches par le groupe

Crsquoest seulement depuis quelques anneacutees que

les rites et rituels sociaux autour des beacutebeacutes

morts in utero ont pris leur place agrave travers la

reconnaissance agrave lrsquoEtat Civil et lrsquoeacutevolution des

pratiques drsquoaccompagnement dans les materni-

teacutes (preacutesentation du corps du beacutebeacute organisa-

tion drsquoobsegraveques)

Ce travail est reacutealiseacute dans le but de creacuteer et

drsquoancrer des souvenirs de cet enfant afin de

faire des parents des parents

Jrsquoavais toujours une photo de mon fils dans

mon portefeuille jrsquoen avais besoin Crsquoest peut

ecirctre parce que je ne voulais pas qursquoon me dise

que crsquoeacutetait rien

LE GROUPE DE PAROLE Agrave JEAN VERDIER

Lors des entretiens avec le gyneacutecologue ou

dans le cadre drsquoun suivi psychologique quelque

temps apregraves les Interruptions Meacutedicales les

femmes eacutevoquaient de maniegravere reacutecurrente leur

solitude lrsquoimpossibiliteacute de partager leur souf-

france et le temps passant de ne plus pouvoir

parler de leur beacutebeacute dans le cercle familial et

amical Cet oubli de lrsquoentourage et la reprise

drsquoune vie normale est source de culpabiliteacute

elles avaient le sentiment drsquoabandonner agrave nou-

veau leur beacutebeacute

Jrsquoai lrsquoimpression que personne ne me com-

prend jrsquoai lrsquoimpression drsquoecirctre seule au monde

de me noyer je survis Les gens ne peuvent

pas comprendre notre situation je nrsquoarrive pas

agrave leur dire ma souffrance immense

De cela est neacutee lrsquoideacutee de proposer un espace

drsquoeacutechanges entre femmes sous forme de

groupe de paroles Ce projet a eacuteteacute creacuteeacute agrave lini-

tiative commune du gyneacutecologue responsable

du Centre de Diagnostic Anteacutenatal et de moi-

mecircme

Il srsquoagit drsquoun groupe ouvert agrave toutes les femmes

ayant veacutecu une Interruption Meacutedicale de Gros-

sesse agrave Jean Verdier

Le groupe se reacuteunit une fois par mois pendant

une heure et demie et est co-animeacute par un bi-

nocircme psychologuepsychiatre et meacutedecinsage

femme

Le groupe constitue un cadre de confiance

une enveloppe psychique comme le dit An-

zieu propice agrave la mise en commun des charges

affectives et agrave lrsquoaccompagnement du deuil

De plus comme le rappelle Jean Philippe Le-

gros apregraves la perte drsquoun enfant par IMG la

crainte de la megravere contrairement aux parents

drsquoenfants porteurs drsquohandicap est lrsquoabsence du

regard des autres dans le reacuteel Cet ecirctre invi-

sible pour les yeux cet enfant que personne

drsquoautre nrsquoa connu risque de disparaicirctre Drsquoougrave

lrsquoimportance de creacuteer un espace physique (par

rapport aux espaces virtuels les forums sur

Internet tregraves freacutequenteacutees par les megraveres en-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 80

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

deuilleacutees) et psychique au sein de lrsquohocircpital afin

de reconnaicirctre lrsquoexistence de ces beacutebeacutes et per-

mettre agrave ces femmes drsquoecirctre megraveres

Les autres nous parlent comme si on avait

perdu quelque chose crsquoest quand mecircme un

ecirctre vivant crsquoeacutetait quand mecircme notre enfant

Lrsquoobjectif principal du groupe est de permettre

le partage drsquoexpeacuterience de ce deuil si particu-

lier drsquoecirctre rassureacutee par le parcours des autres

dans un cadre de reacutefeacuterence suffisamment

bon pour le dire avec les mots de Winnicott

Crsquoest vrai que discuter avec drsquoautres per-

sonnes qui lrsquoont veacutecu il y a longtemps et qui ont

su deacutepasser certaines eacutetapes ccedila aide ccedila

donne des cleacutes pour passer agrave lrsquoeacutetape suivante

LrsquoIDEacuteE DU FILM DES MOTS EN IMAGES

Le groupe a eacuteteacute tregraves freacutequenteacute degraves le deacutebut

Apregraves un an de fonctionnement le gyneacutecologue

a proposeacute drsquointroduire une camera afin de fil-

mer les seacuteances pour teacutemoigner de cette expeacute-

rience positive et faire connaicirctre cette pratique

Cette proposition a eacuteteacute discuteacutee par les

femmes au sein du groupe elles ont adopteacute

cette ideacutee et ont eacutelaboreacute avec nous les objectifs

du film

Teacutemoigner autour du deuil peacuterinatal en deacutecri-

vant les diffeacuterentes eacutetapes et souligner les beacute-

neacutefices drsquoun groupe de parole

A partir de leur veacutecu permettre une reacuteflexion

visant agrave ameacuteliorer les pratiques soignantes

dans les accompagnements du deuil peacuterinatal

agrave lrsquohocircpital

Nous avons filmeacute six seacuteances dune heure

trente avec deux techniques une cameacutera fixe

et une cameacutera mobile Ensuite nous avons eacuteta-

bli ensemble un plan pour le film reacutecit en ordre

chronologique du deacuteroulement de lrsquoIMG Les

diffeacuterents chapitres

Lrsquoannonce et la deacutecision lrsquohospitalisation le

retour agrave la maison lrsquoenterrement lrsquoentourage

lrsquoautopsie la grossesse drsquoapregraves le groupe

La preacutesence de la cameacutera a eu un impact sur

le deacuteroulement des seacuteances les theacutematiques

ont eacuteteacute eacutetablies agrave lrsquoavance ce qui a permis de

structurer davantage les seacuteances tout en gar-

dant la liberteacute drsquoaborder les questions eacutevo-

queacutees spontaneacutement par les femmes

Comme le dit Winnicott lrsquoenfant existe dans les

yeux de sa megravere le visage de lrsquoenfant que lrsquoon

nrsquoa pas vu ne permet pas agrave la megravere de se re-

connaicirctre comme megravere

Le film vient srsquoinscrire dans cette neacutecessiteacute de

reconnaissance de laisser une trace de cette

preacutesence de ce beacutebeacute qui nrsquoa plus de corps

physique mais qui existe dans lrsquohistoire fami-

liale

La preacutesence de la cameacutera a donc eu des effets

beacuteneacutefiques pour les femmes mais aussi pour

les soignants la richesse du mateacuteriel clinique

recueilli nous a permis drsquoobserver lrsquoeacutevolution

des femmes dans le processus de deuil et

drsquoanalyser leur posture au sein du groupe ainsi

que celle des animateurs

Si le groupe a fonction de portage pour cer-

taines pour drsquoautres crsquoest le lieu ougrave elles peu-

vent donner un sens agrave ce qursquoelles ont veacutecu en

partageant leur expeacuterience avec drsquoautres

Nous avons constateacute en visionnant les

seacuteances que plusieurs femmes qui semblent

ecirctre dans un deuil normal continuent agrave freacute-

quenter le groupe alors que leur interruption

remonte agrave il y a trois ou quatre ans

Le besoin de continuer agrave eacutevoquer leur beacutebeacute

nrsquoest pas un signe de deuil pathologique mais

une neacutecessiteacute de la ceacuteleacutebration de la meacutemoire

de ces beacutebeacutes disparus Ces femmes veulent

garder comme le dit Jean Philippe Legros une

dose homeacuteopathique du trauma qui gueacuterit de

lui en ne se seacuteparant jamais

Quand jrsquoai dit agrave ma responsable que je mrsquoab-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 81

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

sentais pour venir au groupe de parole elle

mrsquoa dit Ben tu en as deacutejagrave un (enfant) qui est lagrave

pourquoi tu continues agrave aller agrave ce groupe Je

lui ai dit Crsquoest pas parce que jrsquoai reacuteussi agrave

avoir un petit garccedilon que je vais compleacutetement

oublier ce qui concerne mon premier enfant

justement lui il nrsquoest pas lagrave crsquoest pour ccedila que

je continue agrave aller au groupe pour parler de lui

pour le faire exister

Aujourdrsquohui le projet du film est en cours nous

avons imagineacute deux versions

- une version courte de 20 minutes un teacutemoi-

gnage du groupe sur le deuil peacuterinatal agrave diffu-

ser agrave lrsquoexteacuterieur

- une version longue de 52 minutes destineacutee

aux femmes et en interne agrave lrsquohocircpital Jean Ver-

dier

Le premier montage a eacuteteacute visionneacute par les

femmes qui ont participeacute aux choix des extraits

Nous espeacuterons pouvoir le diffuser dans un ave-

nir proche agrave un large nombre de professionnels

de santeacute

Retrouvez

toute lrsquoactualiteacute de Psyclihos

les enregistrements des con-

feacuterences ainsi que le journal

des 20 ans

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PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 82

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

Psychologue clinicien aupregraves du personnel missions

enjeux limites

Isabelle Fretigny Hocircpital Saint Louis

Elodie Travers Hocircpital Henri Mondor

P our cette preacutesentation des missions du

psychologue clinicien aupregraves du per-

sonnel agrave

lrsquoAP-HP nous avons choisi de commencer par

reprendre quelques eacuteleacutements agrave lrsquoorigine de la

creacuteation de nos postes

Dans une seconde partie nous deacutefinirons et

preacutesenterons la diversiteacute des missions speacuteci-

fiques aux psychologues du personnel sur site

A la fois clinique et institutionnelle notre pra-

tique nous amegravene agrave ecirctre en contact reacutegulier

avec les diffeacuterents acteurs internes ou ex-

ternes agrave lrsquoinstitution concerneacutes par la protec-

tion de la santeacute au travail Ainsi cette collabo-

ration neacutecessite un important travail de deacuteve-

loppement et drsquoentretien du reacuteseau

Ensuite nous envisagerons les divers ques-

tionnements souleveacutes par ce poste position-

nement parfois drsquoeacutequilibriste cadre speacutecifique

de prise en charge ou encore limites de cette

pratique

HISTORIQUE

Par la loi de 1983 concernant les droits et obli-

gations des fonctionnaires les personnels hos-

pitaliers de par leur statut sont proteacutegeacutes par

leur administration

A la fin des anneacutees 90 le deacuteveloppement de la

preacutevention des violences apparaicirct comme pri-

mordial puis une circulaire intituleacutee Preacutevention

et accompagnement des situations de vio-

lence est reacutedigeacutee en deacutecembre 2000

Le constat de lrsquoaugmentation de la violence au

quotidien dans les hocircpitaux a fait naicirctre au sein

de lrsquoAP-HP des preacuteoccupations et des de-

mandes au niveau institutionnel Ceci a mobili-

seacute un ensemble drsquoacteurs concerneacutes par la

protection de la santeacute des personnels Ainsi la

mise en place drsquoune cellule drsquoaccueil et de

prise en charge des agents victimes de vio-

lence agrave lrsquoAP-HP eacutemane de ces travaux Deux

postes de psychologues cliniciennes ont eacuteteacute

creacuteeacutes au Siegravege en 2000 et 2001 puis drsquoautres

postes de psychologues cliniciens aupregraves du

personnel ont vu le jour sur diffeacuterents sites de

lrsquoAP-HP

Face agrave lrsquoamplification des violences en milieu

hospitalier lrsquoAP-HP a eacutegalement meneacute en 2004

une campagne drsquoinformation sur le thegraveme

Violences de patients drsquoaccompagnants de

visiteurs comment soutenir les personnels qui

en sont victimes Ces derniers ignorent sou-

vent leurs droits et les circuits internes pour ob-

tenir le meilleur accompagnement dans leurs

deacutemarches Lrsquoeacutelaboration drsquoun guide a permis

de deacutecrire les diffeacuterentes modaliteacutes de prise en

charge en cas drsquoagression prise en charge

meacutedico-psychologique sociale meacutedico-

administrative ou encore juridique

Au-delagrave de la preacutevention et de la prise en

charge de la violence agrave lrsquohocircpital les missions

du psychologue clinicien aupregraves du personnel

sont orienteacutees vers deux axes principaux la

clinique individuelle et collective et les activiteacutes

institutionnelles

DEacuteFINITION DU POSTE ET MISSIONS SPEacuteCIFIQUES

Le poste de psychologue du personnel a pour

fonction principale de creacuteer un espace drsquoeacutecoute

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 83

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

et de prise en charge individuelle ou collective

pour tout le personnel de lrsquohocircpital

Toute personne professionnelle de lrsquohocircpital

peut si elle en a la neacutecessiteacute (si elle le sou-

haite) prendre rendez vous pour une premiegravere

consultation et ce quel qursquoen soit le motif pro-

fessionnel ou personnel

Les bureaux permettent de garantir la confiden-

tialiteacute

Les consultations se font sur rendez-vous afin

drsquoeacuteviter lrsquoattente et pour preacuteserver la discreacutetion

Ils sont libres et totalement confidentiels

Des rendez-vous en soireacutee peuvent ecirctre ameacute-

nageacutes

Le deacutelai maximum drsquoobtention drsquoun rendez-

vous est environ de 15 jours

Le nombre de consultations deacutepend de la de-

mande initiale Il peut aller drsquoun seul entretien agrave

plusieurs Lorsque la personne deacutesire ou neacute-

cessite une prise en charge plus longue elle

est orienteacutee agrave lrsquoexteacuterieur Il est preacuteciseacute agrave tout

agent en deacutebut drsquoentretien que ce lieu de con-

sultation a pour vocation un accompagnement

agrave court ou moyen terme

Il est eacutevident que la fonction de psychologue du

personnel est agrave viseacutee clinique crsquoest agrave dire

- que le psychologue du personnel nrsquointervient

pas directement dans les eacutevaluations utiles agrave la

gestion du personnel et nrsquoeacutemettent aucun avis

concernant lrsquoaptitude au poste de travail des

agents reccedilus en consultation (ce qui est de

lrsquounique ressort du meacutedecin du travail) hellip

- que le psychologue du personnel nrsquoest pas

psychologue du travail donc nrsquointervient pas

dans le reclassement les mobiliteacutes profession-

nelles le recrutementhellipMais nos missions

srsquoaccordent bien sur avec celles du CRH si neacute-

cessaire

Le psychologue du personnel comme les

autres psychologues cliniciens de lrsquoeacutetablisse-

ment deacutepend directement du directeur de lrsquoeacuteta-

blissement et a des liaisons fonctionnelles

avec le drh par exemple ou le meacutedecin du tra-

vail

Il rend un bilan annuel quantitatif indiquant cer-

taines donneacutees de son activiteacute tout en preacuteser-

vant lrsquoanonymat et la confidentialiteacute Il peut arri-

ver que ce bilan soit preacutesenteacute aux instances

types CHSCT

Globalement le temps de travail du psycho-

logue du personnel se reacutepartit comme suit

pratique clinique drsquoune part activiteacutes institu-

tionnelles drsquoautre part

LA PRATIQUE CLINIQUE

bull Clinique individuelle soutien psychologique

du personnel en difficulteacute par entretien indivi-

duel

Notre pratique montre que les deux aspects

professionnels et personnels sont souvent in-

triqueacutes qursquoil peut srsquoagir de souffrance au tra-

vail mais aussi de souffrance personnelle qui

peut avoir des reacutepercussions dans le travail

Les motifs principaux agrave lrsquoorigine de la de-

mande

- sur le plan professionnel sont conflits inter

eacutequipe situations de violence au travail

manque de communication difficulteacutes face aux

pathologies perte du sens du travail voire eacutepui-

sement professionnel

- sur le plan personnel sont difficulteacutes fami-

liales sociales deuils seacuteparations probleacutema-

tiques psychopathologiques maladies chro-

niqueshellip

Ces personnes ne se sont jamais adresseacutees agrave

un professionnel du soin psychique par meacute-

connaissance des professions parfois mais par

meacutefiance eacutegalement et arrivent souvent en

portant des souffrances extrecircmement lourdes

et de longue date

Cateacutegories dominantes qui consultent soi-

gnants et administratifs encadrement

quelques personnels techniques et meacutedico-

techniques et tregraves peu de meacutedecins

Il est difficile drsquoeacutetablir une moyenne du nombre

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 84

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

drsquoagents reccedilus par an sur lrsquoensemble des

postes du personnel Toutefois les demandes

de consultations sont en constantes augmenta-

tions sur la plupart des sites de lrsquoAPHP mais

aussi du fait des regroupements amenant les

psychologues agrave ecirctre solliciteacutees sur plusieurs

eacutetablissements

bull Clinique collective

Les interventions collectives peuvent se

preacutesenter sous deux formes les groupes de

parole et les deacutebriefings psychologiques

Le Groupe de parole permet de creacuteer un lieu

drsquoexpression et drsquoeacutechanges sur un thegraveme don-

neacute ou une probleacutematique speacutecifique au service

(comme par exemple lrsquoagressiviteacute et la violence

des patients notamment aux urgences ou en-

core lrsquoimplication eacutemotionnelle des soignants

lieacutee agrave lrsquoaccompagnement en fin de vie hellip)

Le Deacutebriefing psychologique intervention

collective ponctuelle suite agrave un eacuteveacutenement diffi-

cile ou traumatique (suicide drsquoun patient deacutecegraves

drsquoun personnel agression du personnel par un

patient ou son entouragehellip)

Force est de constater eacutegalement que les de-

mandes de reacutesolution de conflit formuleacutees

comme telles sont aussi tregraves preacutesentes et il

semble utile de distinguer la neacutecessaire reacutesolu-

tion drsquoun conflit qui nrsquoest pas forcement le lieu

et le temps du groupe de parole de la volonteacute

drsquoy trouver un sens Il va de soi que le psycho-

logue nrsquointervient en aucun cas comme meacutedia-

teur car il nrsquoen a pas la formation speacutecifique

mecircme si certaines interventions peuvent par-

fois avoir des effets drsquoapaisement du conflit

Pour ces raisons et preacutealablement agrave toute in-

tervention collective il est important drsquoavoir pu

deacutefinir avec les participants leurs attentes et

pas seulement celles lieacutees au demandeur geacute-

neacuteralement lrsquoencadrement ou la direction

LES ACTIVITEacuteS INSTITUTIONNELLES

bull1- Deacuteveloppement et entretien du reacuteseau

En interne Assistant social du personnel meacute-

decine du travail DRH CRH chef du person-

nel direction des soins psychologues du per-

sonnel drsquoautres sites psychologues des ser-

vices psychiatres hellip

En externe orientation vers les CMP pour les

prises en charge agrave plus long terme etou pour

les suivis psychiatriques orientation vers des

lieux de consultations speacutecialiseacutes (addictologie

consultation douleur troubles du sommeil

troubles du comportement alimentaire associa-

tion drsquoaide aux victimes theacuterapie familiale hellip)

2- Participation aux groupes de travail et de

preacutevention preacutevention des addictions de

lrsquoeacutepuisement professionnel des risques psycho

-sociauxhellip

3- Faire connaicirctre ces postes et notre activiteacute

- A lrsquooccasion drsquoune arriveacutee sur site ou lors

drsquoune creacuteation de poste

- Preacutesentation dans les services directement

aupregraves des eacutequipes

- Preacutesentation lors de formations sur site

propre (accueil des nouveaux arrivants ou sur

des theacutematiques en lien avec nos missions) ou

au Centre de Formation Continue du Personnel

Hospitalier (intervention dans le cadre de la for-

mation Preacutevention du risque psychique et de

lrsquoeacutepuisement professionnel agrave lrsquohocircpital)

- Preacutesentation du rapport drsquoactiviteacutes au Comiteacute

drsquoHygiegravene Seacutecuriteacute et Conditions de Travail

QUESTIONNEMENTS ENJEUX LIMITES

Ce poste nous amegravene en permanence

- agrave repreacuteciser nos missions ce que nous pou-

vons faire et aussi ne pas faire depuis notre

place particuliegravere au sein de lrsquoinstitution

- agrave nous confronter agrave certaines limites

- agrave devoir nous adapter agrave une clinique aussi

riche que varieacutee

Plusieurs limites donc

La question du cadre

- absence de paiement pas de psychotheacutera-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 85

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

pie ce nrsquoest pas agrave lrsquoemployeur de payer on

connaicirct par ailleurs la neacutecessiteacute du paiement

- reacutegulariteacute des horaires il est difficile souvent

impossible pour des personnels ayant des ho-

raires variables qui travaillent en alternance de

pouvoir respecter un horaire fixe de rendez

vous Les annulations les reports sont freacute-

quents agrave cause des changements drsquohoraires

subis par les agents eux-mecircmes Parfois de

notre fait eacutegalement

La question de la confiance

- biais dans la relation

Nous avons le mecircme employeur donc il existe

un biais dans la relation de soutien psycholo-

gique (theacuterapeutique) Pourtant eacutetablir une re-

lation de confiance institutionnelle avec les

agents est essentiel Et faire partie de la mecircme

institution peut parfois paradoxalement rassu-

rer et favoriser une deacutemarche qui ne serait par

ailleurs pas faite

Ayant eacuteteacute recruteacute par la mecircme direction la

question de la confidentialiteacute du travail du

psychologue peut se poser (la confidentialiteacute

est rappeleacute agrave chaque premiegravere rencontre)

- Neacutecessaire et juste distance entre lrsquoinstitution

de son propre travail (visites meacutedicales effec-

tueacutees par un autre meacutedecin du travail attitude

discregravete au sein de lrsquoeacutetablissement hellip)

- Se pose la question du secret partageacute dans

lrsquointeacuterecirct de lrsquoagent et avec son accord cer-

taines informations peuvent parfois ecirctre com-

muniqueacutees (assistantes sociales du personnel

meacutedecin du travailhellip) et inversement

Comment et quand reacuteorienter

- au rythme de chacun (cette premiegravere deacute-

marche a deacutejagrave parfois eacuteteacute extrecircmement longue

et difficile)

- ne marche pas toujours du 1er

coup (combien reviennent parce que cela nrsquoa

pas accrocheacute trop cher tous ces arguments

connus qui peuvent cacher un pas precirct agrave)

Autres limites agrave cette pratique

- question de la neutraliteacute quant au fait de pou-

voir recevoir deux parties drsquoun conflit Nous

sommes lagrave pour tous les agents Et crsquoest bien

lagrave toute la diffeacuterence avec les GH qui ont agrave dis-

position plusieurs psychologues du personnel

- difficulteacute si une personne reccedilue en individuel

participe eacutegalement agrave un groupe de parole hellip

- tous les risques de glissement potentiels aux

places que lrsquoinstitution veut nous faire prendre

lorsque par exemple en lrsquoabsence de meacutedecin

du travail on propose agrave la place de rencon-

trer la psychologue du personnel lorsqursquoil faut

absolument trouver une solution risque drsquoecirctre

interpelleacute en vue de reacutesoudre un conflit avec

ce que cela suppose de rapiditeacute et drsquoefficience

allant agrave lrsquoencontre de la possibiliteacute de penser et

drsquoeacutelaborer

CONCLUSION

Pour le psychologue exercer aupregraves du per-

sonnel appelle parfois agrave des positions drsquoeacutequili-

bristes et neacutecessite de garder une certaine

souplesse

Lrsquointeacuterecirct de ce poste est de faciliter lrsquoaccegraves au

psychologue permettant agrave un public qui nrsquoau-

rait pas forcement fait cette deacutemarche de venir

consulter

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 86

Clocircture de la journeacutee

gt Elodie Sacircles preacutesidente de Psyclihos

Page 87

Clocircture de la journeacutee

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 87

Clocircture de la journeacutee

C ette journeacutee nous a permis de partager

la diversiteacute de nos pratiques La ri-

chesse des interventions nous teacutemoi-

gnent de la vivaciteacute des psychologues hospita-

liers Cest bien la speacutecificiteacute de nos pratiques

qui assure la peacuterenniteacute de nos postes et leur

creacuteation

Jai commenceacute la journeacutee par des remercie-

ments cest ainsi que je vais la clore

Je remercie

le Comiteacute scientifique qui a construit ce pro-

gramme riche et ambitieux qui je lespegravere vous

aura apporteacute de nouvelles ressources

Le Comiteacute drsquoorganisation et les beacuteneacutevoles qui

nous ont reacuteserveacute un accueil souriant et dyna-

mique

Cleacutement ingeacutenieur du son agrave la technique

gracircce agrave qui vous pourrez entendre les interven-

tions de cette journeacutee sur notre site internet

Nous vous demandons donc un peu de pa-

tience avant de pouvoir retrouver les interven-

tions de cette journeacutee sur notre site internet

Nheacutesitez pas agrave nous rejoindre ce qui renforce

toujours notre dynamisme

En vous remerciant de votre preacutesence qui fait

le succegraves de cette journeacutee et nous poussera

qui sait agrave nous retrouver avec notre quart de

siegravecle -)

Dernier deacutetail administratif noubliez pas de

remplir le questionnaire deacutevaluation de la jour-

neacutee et surtout de rendre votre badge en par-

tant Cest important pour nous

Merci agrave tous

Elodie Sacircles preacutesidente de Psyclihos

Retrouvez

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de lAssistance Publique - Hocircpitaux de Paris

Bureau

Eacutelodie Sacircles Preacutesidente

Martine Shindo Vice preacutesidente

Eacutelodie Meacutetivet Secreacutetaire geacuteneacuterale

Nicole Sense Secreacutetaire adjointe

Christine Schwanse Treacutesoriegravere

Catherine Holzman Treacutesoriegravere adjointe

Membres du Conseil dAdministration

Franccediloise Adriansen Marie-Victoire Chopin

Ceacuteline Le Bivic Patrice Nomineacute

Ambre Piquard

Preacutesidente drsquohonneur

Martine Bonnet Lecuir

Pour nous joindre PSYCLIHOS

Uniteacute Gatineau - Lebard Hocircpital Sainte Peacuterine - AP-HP 11 rue Chardon Lagache 75 781 Paris cedex 16

contactpsyclihosorg

Ce journal est aussi le

vocirctre Nos pages vous sont ouvertes

Nheacutesitez pas agrave nous faire parve-

nir vos articles originaux ou non

quelques lignes ou plusieurs

pages sur votre pratique clinique

hospitaliegravere des reacuteflexions autour

dun cas ou dune theacutematique ou

la preacutesentation dun travail de re-

cherchehellip

Au plaisir de vous lire

Le contenu des articles qui paraissent dans le bulle-tin de lrsquoassociation (Le Journal) nrsquoengage que la seule responsabiliteacute de leurs auteurs Les membres du Bureau deacutecident de la publication de tout article qui leur est proposeacute et se reacuteservent le droit de sollici-ter les modifications de forme qursquoils jugent neacuteces-saires

Retrouvez nos actualiteacutes mais aussi de nombreux textes reacuteglementaires sur

notre site internet

wwwpsyclihosorg

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 2

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 3

Le journal Ndeg18 - Janvier 2012

Dans ce numeacutero

Eacuteditorial

Ont participeacute agrave ce numeacutero

Franccediloise ADRIANSEN Marie-Lise BABONNEAU Martine BONNET-LECUIR Marie-Victoire CHOPIN Muriel DEROME Clara DUCHET Anna ELLI-PARDO

Jacqueline FAURE Isabelle FRETIGNY Catherine HOLZMAN Annie KURTZ Nadine LABBE Ceacuteline LE BIVIC Eacutelodie METIVET Patrice NOMINE

Ambre PIQUARD Virginie ROCARD Eacutelodie SALES Christine SCHWANSE Nicole SENSE Natascia SERBANDINI Martine SHINDO Elodie TRAVERS Benoicirct VERDON

Page

Eacuteditorial 3

Ouverture de la journeacutee 7

Ecirctre psychologue ou faire de la

psychologie

Statut fonctions quelles com-

peacutetences

10

Loi HPST titre de psychotheacutera-

peutehellip Quels changements

pour le meacutetier de psychologue

23

Uniteacute dans la diversiteacute des pra-

tiques transversaliteacute de nos

cliniques

49

Cliniques particuliegraveres

Pratiques innovantes

68

Clocircture de la journeacutee 86

Adheacutesion 88

N umeacutero exceptionnel pour commencer

cette nouvelle anneacutee 2012 Nous en pro-

fitons pour vous preacutesenter tous nos

vœux pour cette anneacutee qui commence quelle per-

mette leacutepanouissement de vos projets tant profes-

sionnels que personnels

Voici les actes de notre journeacutee du 24 novembre

2011 organiseacutee agrave loccasion des 20 ans de Psyclihos

Cette journeacutee a eacuteteacute un succegraves comme en teacutemoi-

gnent les nombreux remerciements et encourage-

ments reccedilus ainsi que les eacutevaluations des partici-

pants Cela nous donnera peut-ecirctre leacutenergie de re-

commencer avant notre quart de siegravecle

Vous retrouverez dans ces pages la richesse des

interventions proposeacutees afin de pouvoir prolonger

les reacuteflexions qui se sont engageacutees Les interven-

tions seront prochainement disponibles agrave leacutecoute

sur notre site internet Tregraves bonne lecture agrave tous

Elodie Sacircles preacutesidente

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 4

Le journal Ndeg18 - Janvier 2012

Sommaire deacutetailleacute

Page

Eacuteditorial 3

Psyclihos 20 ans deacutejagrave

Elodie Sacircles

8

Ecirctre ou ne pas ecirctre neuropsychologue

Annie Kurtz

11

Psychologue clinicien en psychotraumatologie du savoir-faire au savoir-ecirctre

Clara Duchet

15

Aider agrave penser limpensable en oncologie

Anna Elli Pardo

19

Le psychologue entre les lignes des textes officiels

Nadine Labbeacute

24

Titre de psychotheacuterapeute si vous avez manqueacute le deacutebuthellip

Virginie Rocard

32

Psychotheacuterapeute agrave quel titre

Patrice Nomineacute

43

La dimension culturelle dans leacutecoute des patients migrants africains

Jacqueline Faure

50

Psychologue en reacuteanimation peacutediatrique teacutemoignage drsquoune pratique en

eacutevolution

Muriel Derome

60

Seacutejour de vacances quelle place pour le psychologue

Ceacuteline Le Bivic

63

Laccompagnement psychologique par teacuteleacutephone dans les maladies de

Creutzfeldt-Jakob

Marie-Lise Babonneau

69

Parents face agrave linterruption meacutedicale de grossesse des mots en images

Natascia Serbandini

78

Psychologue clinicien aupregraves du personnel missions enjeux limites

Isabelle Fretigny

Elodie Travers

82

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 5

20 ans de Psyclihos

Psychologue agrave lHocircpital

une espegravece agrave proteacuteger

Eacutedito

Psyclihos est une association loi 1901 creacuteeacutee en 1991 pour promouvoir la

psychologie clinique et le rocircle des psychologues agrave lhocircpital

Par ses nombreuses actions agrave lintention de ses adheacuterents et des

psychologues hospitaliers Psyclihos est reconnue comme un relais et un

interlocuteur aupregraves des diffeacuterentes instances

Pour fecircter ses 20 ans Psyclihos organise cette journeacutee ouverte agrave ses

adheacuterents et agrave lrsquoensemble des psychologues de lrsquoAP-HP Elle offrira

loccasion de renforcer les liens professionnels entre collegravegues et de

partager la richesse des approches cliniques

Nous vous proposons de nous rencontrer autour des

theacutematiques suivantes

gt Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie Statut

fonctions quelles compeacutetences

gt Loi HPST titre de psychotheacuterapeutehellip Quels

changements pour le meacutetier de psychologue

gt Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de

nos cliniques

gt Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

DRH AP-HP Centre de la Formation et du

Deacuteveloppement des Compeacutetences - Institut de

Formation des Cadres de Santeacute

En partenariat avec

Comiteacute dorganisation

Catherine Holzmann

Ceacuteline Le Bivic

Ambre Piquard

Elodie Sacircles

Nicole Sense

Comiteacute scientifique

Franccediloise Adriansen

Nadine Labbeacute

Patrice Nomineacute

Elodie Sacircles

Christine Schwanse

Martine Shindo

Benoicirct Verdon

Demandez le programme

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 6

8h30 Accueil des participants

9h-9h30 Ouverture

gt Allocution douverture

Alain Burdet DRH AP-HP

gt Psyclihos 20 ans deacutejagrave

Elodie Sacircles preacutesidente de Psyclihos

9h30 - 11h Ecirctre psychologue ou

faire de la psychologie Statut

fonctions quelles compeacutetences

Modeacuterateur Benoicirct Verdon Universiteacute

Paris Descartes

gt Ecirctre ou ne pas ecirctre neuropsychologue

Annie Kurtz Lariboisiegravere

gt P s y c h o l o g u e c l i n i c i e n e n

psychotraumatologie du savoir-faire

au savoir-ecirctre

Clara Duchet Tenon

gt Aider agrave penser limpensable en

oncologie

Anna Elli Pardo Saint-Louis

11h - 11h30 Pause

11h30 - 13h Loi HPST titre de

psychotheacuterapeutehellip Quels changements

pour le meacutetier de psychologue

Modeacuterateur Franccediloise Adriansen

membre du CA de Psyclihos

gt Le psychologue entre les lignes des

textes officiels

Nadine Labbeacute Cochin

gt Titre de psychotheacuterapeute si vous

avez manqueacute le deacutebuthellip

Virginie Rocard Sainte Peacuterine

gt Psychotheacuterapeute agrave quel titre

Patrice Nomineacute Fernand Widal

13h -14h30 Repas libre

14h30 - 16h Uniteacute dans la diversiteacute

des pratiques transversaliteacute de nos

cliniques

Modeacuterateur Patrice Nomineacute Fernand

Widal

gt La dimension culturelle dans leacutecoute

des patients migrants

Jacqueline Faure Tenon

gt P sycho logue en r eacutean imat i on

peacutediatrique teacutemoignage drsquoune pratique

en eacutevolution

Muriel Derome Raymond Poincareacute

gt Seacutejour de vacances quelle place pour

le psychologue

Ceacuteline Le Bivic Eacutemile Roux

16h - 17h30 Cliniques particuliegraveres

pratiques innovantes

Modeacuterateur Martine Shindo Saint

Louis

gt Laccompagnement psychologique par

teacuteleacutephone dans les maladies de

Creutzfeldt-Jakob

Marie-Lise Babonneau Pitieacute Salpecirctriegravere

gt Parents face agrave linterruption meacutedicale

de grossesse des mots en images

Natascia Serbandini Jean Verdier

gt Psychologue clinicien aupregraves du

personnel missions enjeux limites

Isabelle Fretigny Saint Louis

Le programme de la journeacutee

Demandez le programme

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 7

Ouverture de la journeacutee

gt Allocution douverture

Alain Burdet DRH AP-HP

gt Psyclihos 20 ans deacutejagrave

Elodie Sacircles preacutesidente de Psyclihos

Page 7

Ouverture

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 8

Ouverture de la journeacutee

Psyclihos 20 ans deacutejagrave

Elodie Sacircles preacutesidente de Psyclihos

J e vais commencer par quelques remer-

ciements rapides

En premier lieu vous Monsieur Burdet

vous nous avez fait lhonneur douvrir cette

journeacutee Plus quun honneur votre soutien

nous a eacuteteacute si preacutecieux

Quand nous avions eacutevoqueacute avec vous lideacutee

dune journeacutee anniversaire mais alors de faccedilon

encore lointaine dans nos esprits votre encou-

ragement sans faille degraves lannonce de cette

eacuteventualiteacute nous a donneacute leacutenergie daffronter

lorganisation de cet eacuteveacutenement

Cest pourquoi au nom des membres du con-

seil dadministration des comiteacutes scientifiques

et dorganisation je tiens agrave vous remercier cha-

leureusement de votre soutien et du solide inteacute-

recirct que vous teacutemoignez agrave notre profession

Cet engagement de la Direction des res-

sources Humaines de lAPHP agrave nos cocircteacutes

comme il y a 20 ans nous permet de nous re-

trouver dans ce bel amphi pour partager cette

journeacutee Et nous remercions aussi lInstitut de

Formation des Cadres de Santeacute APHP pour

lefficaciteacute de son aide logistique et de la ges-

tion des inscriptions jusqursquoagrave ce jour et mecircme au

-delagrave

Mes remerciements vont aussi agrave vous tous qui

ecirctes ici aujourdrsquohui Nombre dentre vous nous

connaissent deacutejagrave en tant qursquoadheacuterents actuels

ou passeacutes souvent dune grande fideacuteliteacute au

cours des anneacutees Dautres nous suivent avec

inteacuterecirct sans nous avoir (encore ) rejoints et de

nombreux jeunes collegravegues nous deacutecouvrent

ou ont deacutejagrave deacutecouvert notre site internet

Notre site internet sur lequel vous pouvez

suivre lactualiteacute de notre association nous re-

joindre ou vous inscrire agrave notre infolettre Les-

pace adheacuterent propose de nombreux services

comme les postes agrave pourvoir agrave lAP-HP ou agrave la

FPH qui inteacuteressent tous collegravegues quils soient

titulaires contractuels ou en recherche dem-

ploi Bien eacutevidemment ces services sont reacuteser-

veacutes agrave nos adheacuterents tout comme nos bregraveves

par mail qui vous informent de lactualiteacute et nos

journaux

Degraves sa creacuteation Psyclihos sest donneacute pour

rocircle de teacutemoigner de lrsquoapport de la Psychologie

Clinique agrave lrsquohocircpital et den rsquoaffirmer la preacutesence

Informer communiquer et ecirctre un relais entre

les psychologues eacutechanger non seulement

entre pairs mais ecirctre aussi un interlocuteur

pour linstitution quant agrave notre profession

Lrsquohistoire de lrsquoassociation est intimement lieacutee agrave

celle de notre profession puisque Psyclihos voit

sa naissance en janvier 1991 quelques jours

avant cla parution du deacutecret qui fonde le statut

de psychologue hospitalier

1991 -2011 vingt ans de psychologie agrave lhocircpi-

tal nous y voilagrave

Les 20 ans de Psyclihos ont eacuteteacute loccasion

unique de nous replonger dans les archives de

notre association Nous partageons la richesse

de ce singulier voyage dans le temps dans le

Numeacutero speacutecial 20 ans du journal de Psyclihos

que vous trouverez dans vos pochettes

Il retrace lhistoire de Psyclihos agrave travers celle

de la psychologie agrave lhocircpital en sarrecirctant sur

les grandes dates qui ont jalonneacute le meacutetier de

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 9

Ouverture de la journeacutee

psychologue

1991 le deacutecret portant statut particulier de psy-

chologue hospitalier 1996 le code de deacuteonto-

logie 2003 la deacutecentralisation de gestion au

sein de lAP-HP et les conseacutequences que nous

vivons depuis pour nen citer que quelques

uneshellip

Cette plongeacutee historique loin decirctre nostal-

gique nous permet de rappeler au fil des ar-

ticles parus durant ces deux deacutecennies dans

nos journaux combien lactualiteacute de notre pro-

fession sappuie sur son passeacute Connaicirctre cette

histoire notamment pour nos plus jeunes col-

legravegues nous semble neacutecessaire pour com-

prendre les enjeux qui traversent actuellement

notre profession Il est dailleurs eacutetonnant de

lire combien des articles pourtant anciens gar-

dent toute leur fraicirccheur traitant deacutejagrave de pro-

bleacutematiques qui apparaissent reacutecurrentes ou

abordant des questionnements qui aujourdhui

pourraient sembler novateurshellip

Cest donc autour de quelques grands thegravemes

toujours actuels comme la deacuteontologie des

psychologues la saga des concours sur titres

la Fiche meacutetier la fonction FIR la Psychiatrie

de liaison ou les psychotheacuterapies et la loi que

nous vous invitons agrave plonger dans notre journal

speacutecial

Nous retrouvons aujourdrsquohui certains de ces

sujets dans le programme de cette journeacutee

Il illustre les champs drsquointerventions qui ani-

ment lrsquoassociation depuis sa creacuteation la fonc-

tion de psychologue les changements induits

par la leacutegislation la diversiteacute des pratiques et

les cliniques particuliegravereshellip

Nous souhaitons pouvoir teacutemoigner de la ri-

chesse et de la diversiteacute des pratiques des psy-

chologues cliniciens agrave lhocircpital Bien sucircr en 20

ans la place des psychologues hospitaliers a

eacutevolueacute leur nombre aussi La varieacuteteacute des inter-

ventions teacutemoigne de la richesse des champs

dexercice possibles parfois insoupccedilonneacutes au

sein de notre institution quest lAP-HP

Derriegravere un titre un peu provocateur nous sou-

haitons vous mobiliser dans lancrage toujours

neacutecessaire de notre profession au sein de

lAPHP Le cadre de notre exercice est toujours

fragile voire mis agrave mal En ces temps heurteacutes

et parfois incertains nous espeacuterons pouvoir

partager notre eacutenergie pour proteacuteger notre

exercice si particulier Ecirctre psychologue agrave lhocirc-

pital cest bien sucircr ecirctre agrave la rencontre des pa-

tients et de leurs proches dans leurs singulari-

teacutes mais aussi des eacutequipes soignantes sans

oublier la participation agrave la vie institutionnelle

comme ce sera abordeacute dans les diffeacuterentes in-

terventions que vous allez entendre aujour-

dhui

Sans plus attendre nous ceacutedons la place agrave la

premiegravere session de la matineacutee dans le vif du

sujet ecirctre psychologue ou faire de la psycho-

logie statut fonctions quelles compeacute-

tences modeacutereacutee par Benoicirct Verdon long-

temps psychologue hospitalier maintenant au

sein de lUniversiteacute

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 10

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

Modeacuterateur Benoicirct Verdon Universiteacute Paris Descartes

gt Ecirctre ou ne pas ecirctre neuropsychologue

Annie Kurtz Hocircpital Lariboisiegravere Page 11

gt Psychologue clinicien en psychotrauma-

tologie du savoir-faire au savoir-ecirctre

Clara Duchet Hocircpital Tenon Page 15

gt Aider agrave penser limpensable en oncologie

Anna Elli Pardo Hocircpital Saint-Louis Page 19

Ecirctre psychologue ou faire de la

psychologie

Statut fonctions quelles compeacutetences

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 11

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

Ecirctre ou ne pas ecirctre neuropsychologue

Neuropsychologue une espegravece nouvelle Plus reacutesistante

Mieux adapteacutee agrave la vie hospitaliegravere ou aux institutions

Plus respecteacutee des meacutedecins prescripteurs

Annie Kurtz

Service de Neurologie Hocircpital Lariboisiegravere

La reacutealiteacute objective drsquoune atteinte ceacutereacutebrale agrave

lrsquoorigine des troubles preacutesenteacutes par le patient

ne doit jamais occulter le fait drsquoune histoire

drsquoun eacutequilibre psychique et drsquoune individualiteacute

malmeneacutee

Charte des CPCN - Collegraveges des Psycho-

logues Cliniciens speacutecialiseacutes en Neuropsycho-

logie

J rsquoai bien imprudemment accepteacute il y a

quelques mois de prendre la parole pour

ceacuteleacutebrer les 20 ans de lrsquoassociation Psy-

clihos De plus jrsquoai accepteacute de vous faire parta-

ger mes reacuteflexions sur la place du psychologue

dans le champ de la santeacute et cerise sur le gacirc-

teau pour la deacutefense et lrsquoillustration de la neu-

ropsychologie clinique

Mon propos nrsquoest pas de poleacutemiquer mais de

reacutefleacutechir ensemble aux charmes et aux dangers

que repreacutesente le terme de

neuropsychologue si priseacute par certains ac-

tuellement

La preacutesence de psychologues au sein des ser-

vices hospitaliers est ancienne ils ou elles as-

surent agrave la fois le travail de bilan et celui de

soutien aupregraves des patients Mais le genre

neuropsychologue nrsquoexiste que depuis peu

Le terme neuropsychologue seacuteduit beaucoup

les jeunes collegravegues et mecircme certains para-

meacutedicaux comme les orthophonistes les ergo-

theacuterapeutes et mecircme quelques kineacutesitheacutera-

peutes Nombreux sont ceux dans le champ de

la neuropsychologie qui revendique le label

de neuropsychologues Depuis quelques an-

neacutees les lettres de motivation qui accompa-

gnent les demandes de stages srsquoadressent agrave la

neuropsychologue que je suis censeacutee ecirctre et

les candidates et candidats deacuteclarent leur

passion pour le meacutetier de

neuropsychologue Et je mrsquointerroge sur cette

ferveur

Quelle deacutefinition de la neuropsychologie pou-

vons-nous faire nocirctre Il y a 10 ans en mars

2001 le Collegravege des Psychologues Cliniciens

speacutecialiseacutes en Neuropsychologie (CPCN) pour

les Eacutetats Geacuteneacuteraux de la Psychologie deacutefinis-

sait ainsi la neuropsychologie

La neuropsychologie est la discipline qui traite

des relations entre les processus mentaux

sous-tendant le raisonnement lrsquoattention la

meacutemoire la perception les gnosies les

praxies le langage le comportement eacutemotion-

nel et lrsquoactiviteacute du cerveau Lors des leacutesions ceacute-

reacutebrales les conseacutequences concerneront agrave la

fois lrsquoefficience de la cognition et lrsquoadaptabiliteacute

des conduites de lrsquoindividu Cette neacutecessaire

appreacuteciation analytique et syntheacutetique du psy-

chisme humain caracteacuterise lrsquoapproche neurop-

sychologique

La neuropsychologie est un champ multidisci-

plinaire ougrave se retrouvent diffeacuterents meacutetiers et

les zones de recouvrement peuvent ecirctre larges

pour certains Je milite aujourdrsquohui pour deacute-

fendre le fait qursquoun bilan reacutealiseacute par un psycho-

logue mecircme si les tests utiliseacutes par drsquoautres

intervenants sont identiques reste un bilan dif-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 12

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

feacuterent Ce travail drsquoanalyse et synthegravese rappe-

leacute dans la deacutefinition citeacutee fonde la totaliteacute de

nos pratiques en neuropsychologie

Lrsquoacte le plus freacutequent est le bilan bilan pour

plaintes mneacutesiques diagnostic diffeacuterentiel entre

deacutepression et maladie neurodeacutegeacuteneacuterative seacute-

quelles drsquoaccident vasculaire seacutequelles de

traumatisme cracircnien et nous intervenons eacutega-

lement dans le suivi et la reacutehabilitation dans les

services de soins de suite Mecircme dans le cadre

drsquoune eacutevaluation en vue drsquoune reacuteeacuteducation

nous savons devoir tenir compte des mouve-

ments psychiques agrave lrsquoœuvre dans tout individu

et qui vont peser sur ce travail

Notre code de deacuteontologie speacutecifie que le res-

pect de la vie psychique fonde notre action ce

respect de la vie psychique tout au long de nos

anneacutees drsquoeacutetudes nous avons eacuteteacute formeacutes agrave y

porter une attention toute particuliegravere Nos ac-

quis nos savoirs modifient notre approche

Quel peut ecirctre le sens pour un ou une psycho-

logue agrave vouloir changer de nom

Nrsquoest-ce pas alors en gardant notre position de

psychologue et donc aussi clinicien que nos

actions prennent sens dans la prise en soin

des patients

Ce que je redoute le plus est que cette appella-

tion neuropsychologue ne confine les psycho-

logues dans un exercice limiteacute agrave la passation

des tests et au traitement des chiffres qui en

reacutesultent Comme si le neuropsychologue ne

devait mettre en œuvre aucun savoir clinique Il

est vrai que la formation donneacutee par lrsquouniversiteacute

conditionne en partie nos pratiques et cer-

taines universiteacutes ne semblent plus accorder

de place agrave la structure de la personnaliteacute ni aux

aspects thymiques dans leur master de neu-

ropsychologie Replacer le patient dans son

histoire reste primordial quels que soient les

avatars neurologiques

Qursquoavons-nous agrave gagner en devenant

neuropsychologue

Les offres drsquoemploi sont nombreuses et les

jeunes diplocircmeacutes ne restent pas longtemps

sans emploi Les meacutedecins psychiatres neu-

rologues ou geacuteriatres avec qui nous collabo-

rons veulent travailler avec des

neuropsychologues Le risque me paraicirct

grand qursquoils recherchent essentiellement des

testeurs pour leurs publications ou leurs con-

sultations Dans les recherches il srsquoagit pour

des collegravegues formeacutes agrave la psychologie pendant

au moins 4 ans puis speacutecialiseacutes en deuxiegraveme

anneacutee de Master cest-agrave-dire apregraves 5 anneacutees

drsquoeacutetudes drsquoappliquer des protocoles de test

dont ils nrsquoont mecircme pas eu la possibiliteacute de dis-

cuter le contenu et le choix des outils (Les

textes nous reconnaissent pourtant la liberteacute du

choix de nos outils)

La pratique de la neuropsychologie peut ecirctre

passionnante agrave condition de ne pas ecirctre ins-

trumentaliseacutee par les meacutedecins En preacuteparant

mon intervention il mrsquoest apparu que je pour-

rais citer comme eacutetude de cas nombre de si-

tuations de souffrance de nos collegravegues dans

les institutions Je pourrais vous preacutesenter des

vignettes cliniques ougrave les psychologues se

mettent en danger en srsquoenfermant dans cette

appellation qui convient si bien agrave nos collegravegues

drsquoautres disciplines et agrave nos employeurs Dans

les consultations meacutemoire la place faite aux

neuropsychologues peut ecirctre tregraves diffeacuterente

suivant les attentes et les projets de leurs par-

tenaires meacutedicaux ou institutionnels et parfois

ces exigences entraicircnent une veacuteritable souf-

france pour nos collegravegues Peut-on exercer son

savoir-faire et son savoir ecirctre de psychologue

quand on attend de nous de recevoir 4 ou 6

patients par jour Ces bilans TGV laissent peu

de place agrave lrsquointersubjectiviteacute du psychologue et

du patient alors que dans drsquoautres lieux lrsquoeacuteva-

luation peut respecter la singulariteacute du patient

de sa famille et la deacuteontologie du psychologue

Il y a des temps dans la pratique drsquoun bilan

neuropsychologique qui restent des temps cli-

niques Avant drsquoentreprendre un bilan le psy-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 13

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

chologue speacutecialiseacute en neuropsychologie

comme tous les psychologues doit pouvoir in-

terroger la demande de qui vient cette de-

mande le patient le meacutedecin ou la famille et

qursquoen attendent ces diffeacuterents partenaires

Comment cet examen srsquoinscrit-il dans le projet

theacuterapeutique

Lrsquoentretien preacuteliminaire ne consiste pas agrave re-

prendre lrsquoanamnegravese au sens meacutedical histoire

de la maladie mais au sens psychologique

entendre lrsquohistoire drsquoun sujet Comme lrsquoa eacutecrit

Emmanuelle Truong-Minh actuelle preacutesidente

du CPCN agrave propos de ce temps drsquoun bilan

Inscrite dans la relation porteacutee par le langage

crsquoest cette preacutesence agrave lrsquoautre qui fonde notre

action Dans le temps de la consultation que je

reacutealise un entretien que je propose des tests

que JE parle ou que JE eacutecoute je suis lagrave au

moins lagrave de maniegravere absolue et entiegravere Pour

la personne agrave mon sens il nrsquoest rien de plus

preacutecieux que lrsquoeacutetablissement de cette relation

clinique Car ces instants ougrave lrsquoobjectivation de

difficulteacutes qursquoelles soient psychopathologiques

ou neuropsychologiques risque drsquoadvenir sont

fondamentaux dans le parcours de vie le par-

cours de santeacute et le parcours de la maladie de

la personne Pouvoir prendre appui sur cette

relation permet la mise en perspective des diffi-

culteacutes permet de supporter le traumatisme

psychique eacuteventuel permet de srsquoeacutecrouler peut-

ecirctre sans ecirctre seul

Je me souviens drsquoun patient qui mrsquoa eacuteteacute adres-

seacute pour plaintes mneacutesiques et eacuteventuelles seacute-

quelles drsquoun AIT Ce monsieur de 60 ans eacutetait

marieacute pegravere de 3 enfants cadre dirigeant dans

une entreprise A la suite de son accident

ischeacutemique transitoire il avait le sentiment de

ne plus pouvoir faire face agrave ses obligations pro-

fessionnelles Sa vie professionnelle eacutetait para-

siteacutee par le danger de voir ses difficulteacutes cons-

tateacutees par les autres surtout par son respon-

sable hieacuterarchique Degraves le deacutebut de lrsquoentretien

il semblait eacuteprouver une certaine inhibition an-

xieuse son expression spontaneacutee restait fac-

tuelle et retenue Apregraves quelques eacutepreuves

drsquoattention et de meacutemoire sans reacutesultat patho-

logique je mrsquoautorisai agrave abandonner les

eacutepreuves pour poursuivre lrsquoentretien au cours

duquel jrsquoappris que la veille il avait accompa-

gneacute sa megravere contre son greacute dans une institu-

tion pour patients souffrant de maladie

drsquoAlzheimer Alors qursquoil a des fregraveres et sœurs il

avait eacuteteacute seul agrave faire cette deacutemarche contraint

et forceacute par la santeacute chancelante de son

eacutepouse atteinte drsquoun cancer du seinhellip quand

jrsquoeacutevoque avec lui la possibiliteacute drsquoaller en parler

avec un psy il me dit y avoir deacutejagrave penseacute mais

renonceacute parce qursquoil avait peur de srsquoeffondrer

Nous avons la responsabiliteacute de notre bilan

mais nous ne pouvons deacutelivrer un diagnostic

(crsquoest de la compeacutetence du meacutedecin) pourtant

lrsquoentretien dit de restitution est un temps

drsquoeacutechange privileacutegieacute qui rend au patient sa

place de sujet mais ce temps-lagrave prend du

temps et on ne nous le donne pas toujours

Le temps de lrsquoexamen psychologique nrsquoest pas

celui des examens compleacutementaires prescrits

par les meacutedecins On sait bien qursquoil est toujours

utile de faire preacuteciser la demande de refuser

de tester Monsieur X ou Y on teste une hy-

pothegravese pas un individu de dire non parfois

parce qursquoon sait qursquoon ne reacutepondra pas agrave la

question ou parce que les conditions de lrsquoexa-

men ne respectent pas le patient ou notre auto-

nomie professionnelle Le questionnement sur

lrsquoobjet de la demande est dans le champ de

compeacutetence des psychologues nous avons eacuteteacute

formeacutes agrave ce travail La demande des meacutedecins

de lrsquoeacutequipe du patient ou de sa famille doit ecirctre

analyseacutee

Peut-on imaginer que se faire connaicirctre

comme neuropsychologue lorsqursquoon est psy-

chologue serait un moyen drsquoeacutechapper agrave la diffi-

culteacute de maintenir notre position singuliegravere

dans le monde de la santeacute

Certes la pratique de la neuropsychologie re-

quiert des connaissances sur le fonctionne-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 14

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

ment du cerveau sur les troubles cognitifs as-

socieacutes aux leacutesions ceacutereacutebrales sur la significa-

tion des localisations anatomo-cliniques et ce

travail permanent de reacuteflexion et drsquoeacutechange

avec les autres intervenants dans la prise en

charge drsquoun patient est enrichissante et parfois

passionnante comme peuvent lrsquoexprimer les

lettres de motivation des demandes de stages

Mais pratiqueacutee par des psychologues elle pour

reste un lieu privileacutegieacute ougrave la parole du patient

peut ecirctre entendue pas seulement sur ses

troubles ou ses capaciteacutes preacuteserveacutees mais sur

ce qursquoil comprend de ce qui lui arrive sur son

ressenti et le psychologue est preacutesent pour

lrsquoaccompagner dans ce nouveau travail psy-

chique Ecirctre speacutecialiseacute en neuropsychologie

est une position exigeante comme pour

chaque psychologue crsquoest lrsquoabsolue neacutecessiteacute

drsquoactualiser nos connaissances sur les patholo-

gies les nouveaux outils mais crsquoest aussi

prendre le risque de partager nos doutes sur

notre approche drsquoun patient dont on prend en

compte lrsquohistoire le contexte affectif social

professionnel Crsquoest une tacircche difficile que

drsquoessayer drsquoaborder un patient dans sa globali-

teacute et pas seulement sur ses troubles cognitifs

Personnellement je ne suis jamais sucircre drsquoavoir

bien analyseacute lrsquoensemble des eacuteleacutements que le

patient me permet drsquoappreacutehender jrsquoai la

chance de ne pas ecirctre seule dans mon service

et de pouvoir partager mes doutes avec mes

collegravegues

Enfin le terme neuropsychologue peut repreacute-

senter une menace pour le corps des psycho-

logues

Nous expeacuterimentons chaque jour la difficulteacute agrave

deacutefendre notre place de psychologue On nous

reproche notre image floue drsquoecirctre des

eacutelectrons libres dans les services drsquoecirctre des

produits de luxe sans nomenclature de nos

activiteacutes (si ce nrsquoest dans la CCAM qui ne con-

cerne que les meacutedecins) Le texte qui eacuteclaire

notre champ drsquoactiviteacute le seul qui ait une valeur

leacutegale est celui de 1985 qui deacutefinit notre statut

et nous savons bien combien lrsquoincitation au res-

pect de ce texte est une tacircche reacutecurrente pour

nous Jrsquoai commenceacute agrave travailler agrave lrsquoAP-HP en

1971 la publication de ce texte puis des circu-

laires de 1991 ont repreacutesenteacute un moment drsquoes-

poir mais jrsquoai appris tout au long de mes an-

neacutees drsquoexpeacuterience que ce travail drsquoexplicitation

de ce qursquoest un psychologue nrsquoa pas de fin

Parfois la confusion qui regravegne dans lrsquoesprit de

nos employeurs les arrangent bien pour

exemple des postes de neuropsychologues

animateurs offerts dans les EPHAD Parfois

cette confusion est sincegravere tel nouveau chef

de service qui travaille depuis de longues an-

neacutees avec des psychologues et qui reccediloit de la

DRH un rappel sur le temps FIR et qui srsquoeacutetonne

de son contenuhellip

Notre code de deacuteontologie est une reacutefeacuterence

indispensable pour nous mais nrsquoest toujours

pas un texte opposable agrave un employeur

Ces textes ont eacuteteacute eacutecrits pour les psycho-

logues ce sont des repegraveres pour les psycho-

logues Il a existeacute un mouvement qui souhaitait

diffeacuterencier les psychologues et les neuropsy-

chologues avec la volonteacute drsquoobtenir un statut agrave

part Quand on connaicirct la difficulteacute drsquoune recon-

naissance leacutegale la fragiliteacute du corps des psy-

chologues toujours precirct agrave se morceler en cen-

taines drsquoassociationshellip on peut se demander si

le meacutetier de psychologue nrsquoest pas effective-

ment en danger et se revendiquer neuropsy-

chologue peacutedopsychologue comme le laisse

entendre lrsquoactuelle fiche meacutetier nous expose

encore plus hellip (heureusement cette fiche doit

ecirctre remplaceacutee en 2012)

Notre seule protection repose sur les textes de

loi qui deacutefinissent le titre de psychologue il nrsquoy

a pas de titre de neuropsychologue ni de titre

de psychologue clinicien et ce nrsquoest pas lrsquoaven-

ture du titre de psychotheacuterapeute ni les travaux

en cours agrave la DGOS qui doivent nous rassu-

rerhellip

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 15

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

Psychologue clinicien en psychotraumatologie

du savoir-faire au savoir-ecirctre

Clara Duchet Hocircpital Tenon Universiteacute Paris Descartes

E n 1997 un deacutecret du ministegravere de la

Santeacute creacutee le reacuteseau des CUMP

(Cellules dUrgence Meacutedico-

Psychologique) propulsant des psychologues

cliniciens sur le terrain de lurgence aux cocircteacutes

de meacutedecins psychiatres et de parameacutedicaux

De nouvelles missions soffrent agrave ces profes-

sionnels peu formeacutes au deacutepart pour intervenir

dans ces contextes de catastrophes collectives

(accidents agrave retentissement majeur catas-

trophes naturelles guerres terrorisme etc)

Peu agrave peu des reacuteflexions et groupes de travail

speacutecifiques se creacuteent (au sein notamment de

lAFORCUMP - Association de recherche et de

formation des CUMP) afin de mieux deacutefinir les

fonctions et les compeacutetences de chacun dans

ce domaine bientocirct nommeacute

psychotraumatologie Cette nouvelle cli-

nique (dans sa forme institutionnelle et dans

sa dimension traumatique en situations

extrecircmes) a souleveacute de nombreux deacutebats

passionneacutes agrave propos de la leacutegitimeacute ou non de

lintervention de terrain (sur les sites et aux

abords des catastrophes) Cependant il sagira

plutocirct de discuter ici de la speacutecialisation eacuteven-

tuellement neacutecessaire des psychologues dans

ce domaine - du cocircteacute du savoir-faire - comme

des retrouvailles avec une position de clinicien

classique - du cocircteacute du savoir-ecirctre et de la

subjectivation

Agrave lrsquoheure ougrave se multipliaient donc diffeacuterentes

formes de violence et notamment au moment

de lrsquoeacutepoque terroriste parisienne (attentats

meacutediatiseacutes St Michel Port-Royal 1995-1996)

les psychologues ont vu leur champ drsquoaction et

leurs fonctions srsquoeacutelargir des nouvelles mis-

sions et nouvelles structures se deacuteveloppaient

pour venir au secours des victimes agrave la de-

mande de nos gouvernants et de psychiatres

militaires expeacuterimenteacutes dans ce domainehellip Jrsquoai

eu la chance de participer agrave ce processus degraves

le deacutebut et tregraves rapidement je me suis poseacutee

des questions sur ces interventions qui mrsquoap-

paraissaient pour ainsi dire hors cadre

Hors cadre parce que dans lrsquourgence

Hors cadre parce que nombre drsquointerventions

avaient lieu sur le terrain peu apregraves la catas-

trophe loin du confort du cabinet ou de lrsquohocircpi-

tal

Je me souviens agrave lrsquoeacutepoque mrsquoecirctre rueacutee sur le

code de deacuteontologie en vigueur depuis le 22

mars 1996 et me rassurer en lisant

La mission fondamentale du psychologue est

de faire reconnaicirctre et respecter la personne

dans sa dimension psychique Son activiteacute

porte sur la composante psychique des indivi-

dus consideacutereacutes isoleacutement ou collectivement

Oufhellip nous nrsquoeacutetions donc pas compleacutetement

hors-cadrehellip cependant je nrsquoavais pas vrai-

ment appris agrave travailler sur les bancs de la fac

Sans la demande du patient (mecircme pour lrsquoen-

fant le parent eacutetait demandeur sinon lrsquoinstitu-

tion scolairehellip)

Sans un cadre institutionnel classique

Et certainement pas en prise directe avec la

reacutealiteacute drsquoun eacuteveacutenementhellip

Quelques options universitaires tout de mecircme

assureacutees par des enseignants ayant participeacute agrave

des missions humanitaires mrsquoavaient deacutejagrave per-

mis drsquointerroger des dispositifs de soins hors

norme

Dans nos deacutebuts jrsquoai donc co-animeacute un groupe

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 16

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

de travail destineacute speacutecifiquement aux

psychologues pour reacutefleacutechir agrave notre pratique

Voici comment nous nous repreacutesentions alors

les choses

Nouvelles missionshellip = hellip nouvelles compeacute-

tences Ce que jrsquoai nommeacute dans mon introduc-

tion savoir-faire

1 NOUVELLES COMPEacuteTENCES REQUISES

ndash DU COcircTEacute DU SAVOIR-FAIRE

Lors des soins immeacutediats ou

defusing (cagraved sur le terrain dans les

heures qui suivent lrsquoattentat la catastrophe

naturelle la prise drsquootages lrsquoaccident col-

lectif etc)

Le psychologue doit reconstruire un cadre en

fonction de la situation qui se preacutesente agrave lui

crsquoest-agrave-dire en labsence de cadre deacutefini

(configuration du lieu dureacutee de la mission

nombre de sujets agrave prendre en charge etc

sont inconnus agrave lrsquoavance) Ceci neacutecessite de sa

part une capaciteacute dadaptation une souplesse

psychique dans son intervention ainsi qursquoun

cadre theacuteorique interne solide pour ne pas ceacute-

der nous mecircme agrave la panique ou au deacuteborde-

ment eacutemotionnel Le cadre theacuteorique solide

renvoyait surtout pour nous aux eacutecrits sur le

traumatisme et agrave ce qursquoon appelait alors la

victimologie

Pour illustrer ce propos je peux vous parler

drsquoune mission effectueacutee agrave Pointe Noire au Con-

go lorsque nous eacutetions chargeacutes avec un psy-

chiatre militaire de lrsquoeacutevaluation psychopatholo-

gique des ressortissants franccedilais en pleine

guerre civile (octobre 1997) Nous avons effec-

tivement ducirc nous adapter agrave lrsquoabsence de cadre

rassurant dans le sens ougrave nos deacuteplacements

eacutetaient extrecircmement limiteacutes en raison du con-

texte drsquoinseacutecuriteacute permanente marqueacute par des

tirs quotidiens drsquoarmes automatiques Il srsquoagis-

sait eacutegalement drsquoinventer des lieux de consulta-

tions et des modes drsquoapproches originaux pour

cette population bien souvent cloicirctreacutee dans les

appartements deacutevasteacutes par les milices armeacutees

Mais je souhaite citer drsquoautres situations moins

exceptionnelles afin de vous montrer agrave quel

point le psychologue dans ce travail drsquourgence

peut ecirctre ameneacute agrave reacutealiser des entretiens dans

des lieux inhabituels voire insolites comme agrave

bord drsquoun avion lorsque nous avons proceacutedeacute au

rapatriement des victimes du crash drsquoavion du

Seacuteneacutegal (en feacutevrier 1997) ou dans un car lors-

que nous avons accompagneacute les familles des

enfants victimes de lrsquoavalanche des Orres ou

encore dans un aeacuteroport lors de lrsquoaccueil de

populations reacutefugieacutees (du Congo ou du Kosso-

vo) ou dans une citeacute universitaire pour la prise

en charge des victimes drsquoattentats etc

Ici le psychologue doit ecirctre precirct agrave aller vers les

victimes sans attendre une demande de leur

part (drsquoautant plus que les personnes sont sou-

vent en eacutetat de choc de confusion de sideacutera-

tion etc) Alors rappelons-le que notre forma-

tion nous apprend plutocirct agrave travailler avec la de-

mande du patient comme principe inheacuterent agrave

la rencontre theacuterapeutique

Ensuite le psychologue est ameneacute agrave srsquointerro-

ger sur la position de neutraliteacute bienveillante

Alors que neutraliteacute signifie ne pas eacutemettre de

jugements de critiques de deacutesapprobation

nous voyons comment dans lrsquourgence le clini-

cien peut (je dirais mecircme doit) juger de lrsquoadap-

tation drsquoun comportement par exemple quitte agrave

deacutecider drsquoune hospitalisation ou drsquoun rapatrie-

ment En effet le psychologue doit savoir repeacute-

rer et informer les victimes des symptocircmes

psychopathologiques eacuteventuels favoriser la

demande de prise en charge theacuterapeutique ul-

teacuterieure si besoin est repeacuterer et orienter les

personnes les plus fragiles en faisant bien la

distinction entre eacutetat de stress aigu et entreacutee

potentielle dans une pathologie traumatique

Mecircme si ces fonctions de diagnostic drsquoeacutevalua-

tion drsquoorientation existent dans le cadre de

notre profession celles qui visent agrave informer agrave

lrsquoavance et agrave preacutevenir relegravevent habituellement

plutocirct de la speacutecificiteacute meacutedicale

Par ailleurs sur le terrain la position et latti-

tude du psychologue sont encore une fois un

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 17

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

peu particuliegraveres pour lui puisqursquoil doit assurer

une preacutesence rassurante contenante (voire

maternante au sens de Winnicott) apporter de

la chaleur et de lhumaniteacute Lrsquointervention drsquour-

gence se situe du cocircteacute du holding Ferenczi

en charge des soldats en prise avec des neacute-

vroses de guerre soulignait deacutejagrave ce pheacuteno-

megravene de reacutegression des patients les faisant re-

venir agrave un stade archaiumlque (en proie agrave des an-

goisses violentes et massives de destruction

morcellementhellip) et agrave des comportements in-

fantiles (ne plus savoir marcher perdre son

autonomie pour les besoins de la vie quoti-

dienne etc) Ici le traumatisme est externe et

agit par effraction physique et psychique deacute-

sorganisant les modaliteacutes deacutefensives habi-

tuelles On dit aussi que le traumatisme est en-

treacute par tous les pores de la peau et envahit

tous les sens (visuels olfactifs auditifs etc) Il

srsquoagit alors pour le psychologue drsquoexercer une

veacuteritable fonction de pare-excitation

drsquoenveloppe protectrice (Au sens de D Winni-

cott et de D Anzieu) fonction qui peut srsquoac-

compagner de gestes apaisants

Travailler dans ce type de dispositif ne srsquoimpro-

vise pashellip Ainsi le psychologue doit avoir reccedilu

une formation speacutecifique A lrsquoappui un nouvel

Extrait du code de deacuteontologie des psycho-

logues chapitre compeacutetences

Le psychologue tient ses compeacutetences de

connaissances theacuteoriques reacuteguliegraverement mises

agrave jour drsquoune formation continue et drsquoune forma-

tion agrave discerner son implication professionnelle

dans la compreacutehension drsquoautrui

Pour notre domaine drsquointervention la for-

mation porte avant tout sur

1 La clinique traumatique la symptomatologie

de la neacutevrose traumatique de lrsquoESPT mais

aussi de tous les eacutetats de deacutesorganisa-

tion aigus des comportements de panique col-

lective etc elle porte eacutegalement sur le fonc-

tionnement psychique entraveacute par le trauma

donnant lieu agrave des reacuteameacutenagements transi-

toires parfois tregraves eacuteloigneacutes drsquoune clinique clas-

sique

2 La dynamique de groupe un groupe pris

dans une catastrophe repreacutesente une enve-

loppe psychique groupale qui elle-mecircme peut

se trouver effracteacutee par la violence de lrsquoeacuteveacutene-

ment le collectif est alors briseacute et ne pourra

plus fonctionner comme avanthellip Que la prise

en charge soit groupale ou bien mecircme indivi-

duelle il est fondamental drsquoecirctre au clair avec

ces concepts de la clinique groupale

Nous venons de pointer les principales con-

naissances et compeacutetences neacutecessaires au

psychologue qui intervient dans lrsquourgence ou

dans des dispositifs de soins exceptionnels mis

en place suite agrave des eacuteveacutenements qui sortent de

lrsquoordinairehellip pour autant ce savoir-faire nrsquoa de

sens que srsquoil srsquoarticule avec un savoir-ecirctre

propre agrave la fonction habituelle du psychologue

2 LORSQUE LE SAVOIR-FAIRE REJOINT

LE SAVOIR-EcircTRE

Je poursuis ma lecture du code de deacuteontologie

(chapitre compeacutetences) le psychologue est

garant de ses qualifications particuliegraveres et deacute-

finit ses limites propres compte tenu de sa for-

mation et de son expeacuterience Il refuse toute in-

tervention lorsqursquoil sait ne pas avoir les compeacute-

tences requises Ainsi il doit savoir sil peut

assurer un soin immeacutediat dans lrsquourgence ou srsquoil

doit refuser ce type de mission en fonction de

ses limites personnelles et professionnelles de

sa vulneacuterabiliteacute (changeante au fil du temps et

de son histoire personnelle) de ses projections

eacuteventuelles

Il est inviteacute eacutegalement agrave repeacuterer et agrave connaicirctre

ses propres reacuteactions psychiques agrave leacutecoute de

ce type de patients de ce qui tient parfois de

lintoleacuterable savoir ou apprendre agrave repeacuterer

ses limites personnelles ses propres fan-

tasmes de sauveur ou ses mouvements

drsquoidentification agrave la victime crsquoest agrave dire ses

propres eacutelans contre-transfeacuterentiels Ces con-

naissances restent largement favoriseacutees par un

travail personnel au cours duquel le psycho-

logue a appris agrave ecirctre eacutecouteacute et par la mise en

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 18

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

place de supervision reacuteguliegravere

Dans le cadre de lrsquourgence meacutedico-

psychologique le psychologue est le seul agrave de-

voir se passer drsquoinstrument (pas de mateacuteriel

meacutedical ni de theacuterapeutique meacutedicamenteuse

ou encore de mateacuteriel technique reacuteserveacutes aux

meacutedecins infirmiers secouristes etc) De ce

fait comme lrsquoexprime Colette Chiland il devient

son propre instrument celui qui permet de

comprendre et drsquointervenir agrave mains nues

Lrsquooriginaliteacute de sa formation vient du travail sur

soi que le clinicien a effectueacute pour acqueacuterir

une certaine maicirctrise de lui-mecircme comme ins-

trument Autrement dit ce que le psychologue

met au service de lrsquoautre ce ne sont pas seule-

ment ses connaissances mais aussi son appa-

reil psychique sa psycheacute son fonctionnement

sa capaciteacute de ressentir de comprendre et

drsquoeacutelaborer Le savoir du clinicien devient un sa-

voir vivant incarneacute ougrave il paie de sa personne

Crsquoest principalement cette position qui le dis-

tingue drsquoun autre intervenant

Dans la clinique du traumatisme il est fonda-

mental de prendre conscience de ce qursquoon

eacuteprouve lors de lrsquoeacutecoute drsquoun blesseacute psychique

aux prises avec des pheacutenomegravenes drsquoeffractions

internes afin de ne pas ecirctre gouverneacute par des

reacuteactions non controcircleacutees dans la compreacutehen-

sion du patient et dans la reacuteponse qursquoon lui

donnera Nous voyons comment cette eacutecoute

ne peut se contenter drsquoun savoir plaqueacute elle

doit ecirctre au contraire un travail actif qui permet

des allers ndash retours entre probleacutematique per-

sonnelle et ressenti du patient sans que cette

premiegravere nrsquointerfegravere de maniegravere neacutegative Et

crsquoest bien en restant sensible et en acceptant

de le rester dans les limites que nous venons

de fixer que le sujet se sentira libre drsquoexprimer

eacutemotions penseacutees honteuses sentiments de

culpabiliteacute et drsquohumiliation inheacuterents agrave la dyna-

mique traumatique

Enfin nous le savons bien lrsquoeacutecoute srsquoexerce

dans un double registre ce qui est dit et ce qui

nrsquoest pas dit le contenu manifeste et le conte-

nu latent Ces dimensions concernent tout au-

tant le clinicien qui doit savoir se taire pour lais-

ser lrsquoautre parler et parler pour lui faciliter la pa-

role Dans notre contexte drsquourgence meacutedico-

psychologique le psychologue doit eacutegalement

chercher agrave eacutetablir petit agrave petit et degraves que pos-

sible une distinction entre fantasmes

(individuels) et eacuteveacutenements reacuteels (veacutecus par

tous) pour diffeacuterencier angoisse interne

(subjective) et peur (objective) des objets ex-

ternes

Il est ainsi un passeur agrave ce moment de frac-

ture dans lrsquohistoire du sujet Il fait alors le lien

entre le passeacute la bregraveche traumatique et la

reconstruction agrave venir

EN CONCLUSION

Dans un contexte hors du commun puisque

hors cadre et souvent hors demande il me

paraicirct essentiel de garder nos re-

pegraveres classiques de psychologue clinicien

Soulignons que nous restons pour le patient un

psychologue supposeacute savoir Dans cette cli-

nique deacuteroutante et violente bien entendu le

cadre interne tapisseacute de connaissances speacuteci-

fiques devient opeacuterant et garant de notre pro-

fessionnalisme Nous voyons finalement agrave quel

point la speacutecialisation est en partie incontour-

nable (mais comme pour tout autre type de cli-

nique les soins psychiques aupregraves de sujets

deacutependants en fin de vie de patients psycho-

tiques de nourrissons de familles de sans-

logishellip ne srsquoimprovisent pas drsquoavantage) sans

nous faire perdre de vue le socle de formation

commun qui nous reacuteunit et met en exergue la

speacutecificiteacute du Psychologue qui se caracteacuterise

bien par son orientation vers lrsquoeacutecoute qui prend

sens eacutecoute drsquoune parole drsquoun trajet drsquoune

rupture dans la continuiteacute discours drsquoun sujet

agent de son propre destin

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 19

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

Aider agrave penser limpensable en oncologie

Anna Elli Pardo Oncologie meacutedicale Hocircpital Saint-Louis

J ai commenceacute agrave travailler agrave lhocircpital

comme psychologue en oncologie agrave la fin

des anneacutees 80

Le contexte eacutetait diffeacuterent de maintenant

Deux choses mavaient beaucoup marqueacutee et

interpelleacutee

- le manque de prise en charge de la douleur

- lattitude qui consiste agrave cacher la maladie et

sa graviteacute aux patients

La douleur neacutetait pas une cible de laction theacute-

rapeutique elle avait une valeur diagnostique

supposeacutee sameacuteliorer avec les traitements de

la maladie sans une attention particuliegravere agrave son

traitement (1)

Le meacutedecin eacutetait perccedilu comme deacutetenteur dune

veacuteriteacute qui faisait loi

Voilagrave quelques propos quil neacutetait pas rare

dentendre de la part du meacutedecin au patient

Faites-moi confiance ne pensez agrave rien la chi-

miotheacuterapie cest mon problegraveme vous pensez

agrave gueacuterir on aura toujours une moleacutecule pour

vous soigner on va se battre

Au deacutecegraves du patient on pouvait entendre il

est mort mais en reacutemission

Et le meacutedecin sadressant agrave moi ne parlez

pas de la mort aux patients vous savez on a

deacutejagrave vireacute une psychologue

Plusieurs eacuteveacutenements vont faire eacutevoluer la meacute-

decine et son discours dans la prise en charge

du patient

Agrave la fin du XXegraveme siegravecle lOrganisation Mon-

diale de la Santeacute (circulaire du 19-1-1994) a

deacutefini comme prioriteacute la lutte contre la dou-

leur

La creacuteation des eacutequipes anti-douleur sera un

eacuteveacutenement important ainsi que la recherche de

nouveaux antalgiques Lrsquoeacutevolution de cette

prise en charge va se reacutepandre en canceacuterolo-

gie et dans la meacutedecine en geacuteneacuteral

Les premiers Eacutetats Geacuteneacuteraux de la Ligue

contre le Cancer ont donneacute la parole aux pa-

tients il y a eu une demande de psychologues

dans les services pour une prise en compte de

la deacutetresse psychique

Le Plan Cancer en 2006 va donner des direc-

tives qui reacuteglementent aujourdhui la consulta-

tion dannonce et les soins de supports

La psycho-oncologie neacutee aux Eacutetats-Unis arrive

aussi en Europe et cest en 1994 quest creacuteeacutee

la Socieacuteteacute Franccedilaise de Psycho-Oncologie

(SFPO)

Son but est de deacutevelopper des outils des meacute-

thodes pour deacutepister et ainsi traiter preacutecoce-

ment les risques des difficulteacutes psychologiques

Elle sinscrit dans une approche bio-psycho-

sociale de la maladie canceacutereuse La speacutecifici-

teacute nest pas la prise en compte de la subjectivi-

teacute du patient mais ladaptation de celui-ci aux

diffeacuterentes situations traverseacutees pendant la ma-

ladie Cette discipline qui eacutetudie les attitudes

psychologiques et eacutemotionnelles survenant

pendant la maladie canceacutereuse pourrait laisser

croire quil y a des reacuteactions speacutecifiques agrave cette

maladie Son approche est de plus en plus co-

gnitivo-adaptative avec protocoles reacutefeacuterentiels

deacutemarche qualiteacute

Dans le champ de la psycho-oncologie on

trouve le terme de psycho-oncologue

Ce mot est utiliseacute de faccedilon un peu anarchique

on y trouve le psychologue le psychiatre mais

aussi dautres professionnels intervenant au-

pregraves des malades et de leur famille Ce nest

pas parce que nous avons quelques connais-

sances en oncologie que nous pouvons utiliser

ladjectif oncologue

Ce terme peut ecirctre source de confusion il ne

deacutefinit pas notre speacutecificiteacute et il me paraicirct aussi

seacutegreacutegatif dune pathologie

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 20

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

Cest pour cela que nous voulons garder le

terme de psychologue clinicien

Dans ce mot il y a la dimension clinique cest agrave

dire lobservation du patient agrave son chevet

Mon travail consiste agrave accompagner soutenir

le patient dans ce parcours difficile quil entre-

prend avec la maladie

Le cancer produit un remaniement identitaire

pour le sujet ce qui neacutecessite de lui offrir un

espace de parole

Cest la psychanalyse qui de mon point de vue

offre les meilleurs outils pour travailler la cli-

nique du reacuteel Cest avec notre propre parcours

analytique que nous psychologues pouvons

bien prendre en compte la dimension incons-

ciente propre agrave lhumain

Je ne me situe donc pas dans le champ de la

psycho-oncologie au discours trop normatif

Notre clinique dans un service dhospitalisation

Cest agrave tout stade deacutevolution de la maladie

quun travail theacuterapeutique peut se mettre en

place avec le psychologue

On a beaucoup parleacute du dispositif dannonce

annonce du diagnostic visant agrave assurer agrave la fois

une bonne administration du soin et son

humanisation

Ces consultations cherchent agrave atteacutenuer limpact

traumatique Il est proposeacute au patient de ren-

contrer un psychologue

Il nest pas rare que le patient me dise ils ne

se rendent pas compte il y a trop dinforma-

tions drsquoun seul coup je nai pas encore reacutealiseacute

que jai un cancer et on me parle de perruque

pour la perte des cheveux de dieacuteteacuteticien de

psy mais je nen suis pas lagrave moi

Pour les patients cest la deacutecouverte brutale du

diagnostic puis le choc des traitements Nous

savons que le temps psychique nest pas le

temps meacutedical et que dans cette clinique cest

au cas par cas que nous pouvons intervenir ce

qui est traumatique pour un patient ne lest pas

pour un autre

Un patient me disait reacutecemment le cancer

menvahit je ne pense quagrave ccedila je ne peux plus

lire regarder un film il est omnipreacutesent Voilagrave

une description du reacuteel

Il sagit de faire entendre agrave une eacutequipe meacutedi-

cale tourneacutee plus vers la maladie que vers le

malade et ce dans une organisation tregraves tech-

nique et de plus en plus sophistiqueacutee la neacuteces-

siteacute de prendre en compte la subjectiviteacute du pa-

tient dans un espace qui en paraicirct deacutepourvu

La demande de leacutequipe vis agrave vis du psy peut

correspondre agrave une demande de compliance

au traitement que le patient refuse elle sou-

haite aussi souvent que le psy reacuteconforte le pa-

tient agrave qui on a donneacute une mauvaise nouvelle

Comme dit Jeacuterocircme Alric dans son article Qui

eacutecoute quoi la sphegravere psychologique de-

vient une fonction constituante de la personne

globale au mecircme titre que la sphegravere digestive

dermatologique et dont il faut soccuper (2)

Au psychologue de faire valoir aupregraves du pa-

tient lintention de lui donner une place pour

entendre et faire entendre sa position subjec-

tive

Souvent je suis interpelleacutee par les soignants

dans des situations de deacutetresse par exemple

quand les antalgiques se reacutevegravelent inefficaces

ou sont refuseacutes Dans les entretiens les pa-

tients deacuteplient leur histoire leur roman fami-

lial La douleur physique se mecircle agrave la souf-

france psychique

Une patiente qui avait un cancer du sein avec

des meacutetastases osseuses me disait jai mal

lagrave en me montrant sa poitrine

Je lui avais demandeacute si elle en avait parleacute au

meacutedecin

Elle me reacutepondit en me regardant droit dans les

yeux cette douleur-lagrave le meacutedecin ne peut

pas me la soigner cest lhistoire avec mon ma-

ri qui me fait mal Celui-ci lavait quitteacutee et elle

se retrouvait seule avec son jeune fils

En quelques mots elle avait situeacute ce qui la fai-

sait souffrir au-delagrave des localisations meacutetasta-

tiques Elle savait faire la diffeacuterence entre le

physique et ce qui venait lagrave sajouter agrave sa

propre histoire douloureuse

Comme dit Clavreul dans Lordre meacutedical la

souffrance renvoie le sujet qui leacuteprouve agrave son

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 21

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

fantasme cest-agrave-dire agrave sa propre histoire et au

discours quil peut tenir sur son histoire Il y a

un seul discours qui se tienne sur la souf-

france et cest celui de la personne qui

leacuteprouve (3)

Un patient encore reacutecemment me disait ne pas

vouloir devenir grabataire comme son pegravere

Il seacutetait occupeacute de lui depuis son plus jeune

acircge il poussait la chaise roulante dans ses deacute-

placements il eacutetait sa beacutequille Mon patient ar-

riveacute en fin de vie voudra jusqursquoau bout se deacute-

placer aux toilettes et rester indeacutependant dans

les gestes du quotidien

Aux soignants qui ne comprenaient pas pour-

quoi il sobstinait agrave vouloir faire tout seul des

gestes devenus si difficiles il a fallu dire sans

reacuteveacuteler le pourquoi combien ceacutetait important

pour le patient de garder cette indeacutependance

Ceacutetait pour lui sa digniteacute sa liberteacute sa volonteacute

Je voudrais mettre laccent sur la singulariteacute de

ces rencontres avec des patients deacutejagrave tregraves gra-

vement atteints et qui degraves le premier entretien

se saisissent de cette possibiliteacute de parole

Il y a la douleur et lautre versant de la souf-

france langoisse

Monsieur O est un patient algeacuterien qui a eacuteteacute

opeacutereacute drsquoun cancer du poumon Avant linterven-

tion chirurgicale il se sentait precirct agrave affronter

cette eacutepreuve cest apregraves quil a senti ses

forces diminuer Jai changeacute je ne suis plus le

mecircme quavant en fait je crois que je nai pas

accepteacute lopeacuteration Il dit regretter il aurait preacute-

feacutereacute vivre avec son cancer il serait mort avec

Ce qui semble bouleverser ce patient nest pas

tant la maladie en elle-mecircme que ses conseacute-

quences Avec ce bout de corps quon lui a reti-

reacute cest aussi toute une part de lui qui semble

partie

Leacutepreuve du cancer entraicircne toujours une at-

teinte de linteacutegriteacute corporelle

Ce corps qui est traiteacute par le meacutedical de faccedilon

organique biologique revient souvent dans le

discours des patients Ce qui eacutemerge cest

lhorreur des amputations des meacutetastases qui

se reacutepandent agrave linteacuterieur du corps mais aussi

ce qui se donne agrave voir agrave toucher Un corps en-

dommageacute que le patient a du mal agrave reconnaicirctre

comme le sien qui se bouche qui enfle qui

eacutetouffe

Le corps peut devenir un objet agrave controcircler per-

seacutecuteur qui nest plus investi de deacutesir Cette

parole descriptive du corps peut prendre toute

la place dans le discours du patient avant que

quelque chose du subjectif nrsquoapparaisse

Cest dans un deuxiegraveme temps que Monsieur

O apregraves avoir exprimeacute limpossibiliteacute daccep-

ter cette perte anatomique ndash une partie du pou-

mon ndash pourra associer sur dautres pertes qui

viennent sintriquer entre passeacute et preacutesent

Langoisse de mort est tregraves freacutequente dans

cette pathologie dans les entretiens il ne sagit

pas de viser directement ce que nous pensons

ecirctre lobjet de cette angoisse mais de soutenir

dans la conversation les deacutetours de cette indi-

cible

Lintervention aupregraves de la famille nest pas

rare

Monsieur L 63 ans a un cancer de la vessie et

il est deacutecrit par leacutequipe soignante comme tregraves

exigeant et peacutenible Je deacutecide daller me preacute-

senter

Il me fait une description assez preacutecise de sa

maladie qui a deacutebuteacute il y a quelques mois Je

lui demande ce quil pense lui de tout ccedila Il me

regarde attend plusieurs secondes et me reacute-

vegravele que sa femme a une maladie heacutematolo-

gique agrave surveiller et quil sinquiegravete beaucoup

pour elle Ils nont pas denfant Il ajoute que

dans le service on ne lui fait pas grand-chose

son eacutetat ne srsquoameacuteliore pas quil serait mieux

avec sa femme En mecircme temps elle ne peut

pas soccuper de lui agrave la maison Il part dans

un SSR (soins de suite et de reacuteeacuteducation)

Quelques semaines apregraves il revient dans le

service et il demande agrave me voir Il va ecirctre tregraves

direct On vient de lui parler de son mauvais

pronostic agrave court terme il veut que je le ren-

contre avec sa femme Il me dit Elle deacuteprime

Si je meurs elle va se laisser mourir Pour moi

cest insupportable Effectivement sa femme

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 22

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

est tregraves deacuteprimeacutee affaiblie par sa maladie

mais elle accepte de voir son geacuteneacuteraliste et

prendre un traitement On lui trouve un heacuteber-

gement agrave la Maison des Parents pour lui eacuteviter

lrsquohocirctel Elle sera sur place pour voir son mari

elle pourra eacutechanger avec les familles heacuteber-

geacutees agrave la Maison des Parents Petit agrave petit elle

tisse des liens Son mari deacutecline rapidement je

la vois dans la chambre elle me parle de lui

des choses quils aimaient faire ensemble Elle

est calme rassureacutee par la preacutesence de

lrsquoeacutequipe Apregraves la mort de son mari nous nous

sommes revues puis teacuteleacutephoneacute et rapidement

elle prend la deacutecision de deacutemeacutenager agrave Annecy

pregraves dune amie Elle aura un suivi heacutematolo-

gique lagrave-bas

Jai souvent penseacute agrave cet homme dont le dis-

cours eacutetait centreacute sur la plainte et qui a changeacute

rapidement de registre agrave partir du moment ougrave

on a pris en compte sa souffrance et soutenu

sa femme aupregraves de lui

Dans notre travail il me paraicirct important de

rendre compte aux eacutequipes de nos interven-

tions pour permettre aux soignants des eacuteclair-

cissements sur la souffrance psychologique

des patients Cela peut permettre un change-

ment de rapport soignant-patient dans des si-

tuations ougrave le patient par langoisse sous-

jacente se montre peacutenible pour lrsquoeacutequipe voire

agressif agrave son eacutegard

Toujours pour ce qui concerne la famille une

reacuteelle eacutevolution a eacuteteacute la prise en compte des

enfants du patient Degraves le diagnostic et tout le

long de la maladie une attention particuliegravere de

la part de leacutequipe permet deacuteviter les situations

dramatiques que lon rencontrait dans le pas-

seacute lorsque lenfant deacutecouvrait la graviteacute de la

maladie du parent la veille de la mort de celui-

ci sans avoir eu la possibiliteacute de sy preacuteparer et

den parler

Pour conclure je dirai que la science et la tech-

niciteacute ont beaucoup eacutevolueacute agrave lhocircpital mais quil

y a eu peu de changement du cocircteacute de la prise

en compte meacutedicale de la dimension subjective

des patients

On est passeacute dune prise en charge de la dou-

leur qui eacutetait nieacutee agrave des situations parfois de

surmeacutedicalisation La meacutedecine malgreacute ses

progregraves consideacuterables ne peut pas soulager

toute les douleurs et encore moins de faccedilon

systeacutematique et protocolaire Elle doit tenir

compte de la singulariteacute de chaque patient

De mecircme sil y a encore une vingtaine dan-

neacutees on ne donnait pas suffisamment dinfor-

mations meacutedicales sur la maladie et le devenir

du patient on est passeacute aujourdhui agrave un trop

dinformations dans loptique de dire la veacuteriteacute

au malade et de le preacuteparer sur le chemin de

sa fin de vie

Il nest pas rare que je rencontre un patient agrave

qui on a asseneacute une veacuteriteacute meacutedicale quil ne

voulait pas entendre Pour le patient il sagit de

pouvoir se deacuteprendre de ce savoir meacutedical qui

peut venir empecirccher toute penseacutee le cristalli-

ser dans une angoisse de mort et entraicircner le

sujet vers une mort psychique avant la mort

reacuteelle

Nous sommes lagrave pour partager ce temps avec

lui ce temps qui est incertain et qui permet au

sujet davoir des interrogations exprimer des

affects

Le psychologue dorientation analytique peut

apporter agrave ses eacutequipes un eacuteclairage des situa-

tions

Une collaboration avec les meacutedecins est agrave en-

courager encore faut-il que les meacutedecins puis-

sent prendre le temps et donc se deacutetacher

dune pure gestion des soins pour penser et

analyser leur pratique

1 Baszanger I 1995 Douleur et meacutedecine La

fin dun oubli Le Seuil

2 Alric J 2004 Qui eacutecoute quoi Essai de

repeacuterage de deux postures deacutecoute possible agrave

lhocircpital Eregraves in Collectif sous la direction de

Patrick Ben Soussan Le cancer approche psy-

chodynamique chez ladulte

3 Clavreul J 1978 LOrdre meacutedical Paris Le

Seuil

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 23

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

Modeacuterateur Franccediloise Adriansen CA de Psyclihos

gt Le psychologue entre les lignes des textes

officiels

Nadine Labbeacute Hocircpital Cochin Page 24

gt Titre de psychotheacuterapeute si vous avez man-

queacute le deacutebuthellip

Virginie Rocard Hocircpital Sainte Peacuterine Page 32

gt Psychotheacuterapeute agrave quel titre

Patrice Nomineacute Hocircpital Fernand Widal Page 43

Loi HPST titre de psychotheacuterapeutehellip

Quels changements pour le meacutetier de

psychologue

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 24

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

Le psychologue entre les lignes des textes officiels

Nadine Labbeacute Hocircpital Cochin

V ingt ans se sont eacutecouleacutes depuis la creacutea-tion de Psyclihos Depuis de nombreux rapports textes officiels ont eacuteteacute diffuseacutes

qui concernent la santeacute dune maniegravere geacuteneacute-rale et plus particuliegraverement la santeacute mentale Quelle place nous psychologues avons-nous dans ces eacutecrits De fait lorsque lon interroge la bibliothegraveque des rapports publics sur le site de la Documen-tation franccedilaise sur le terme Psychologue on saperccediloit que seule une liste constitueacutee dune petite cinquantaine de reacutefeacuterences apparaicirct un peu plus toutefois que pour le terme psychiatre qui apparaicirct dans 47 rapports mais beaucoup moins que celui dinfirmier qui apparaicirct dans 121 rapports Jai choisi parmi ces textes ceux qui mont sem-bleacute les plus significatifs dune certaine image du psychologue vu par les politiques ou ladmi-nistration Je vais maintenant vous preacutesenter cette compilation dextraits dans un ordre chro-nologique Lun des premiers rapports qui cite les psycho-logues porte sur les Strateacutegies drsquoutilisation des antiretroviraux dans lrsquoinfection par le VIH en 1998 Il affirme Le soutien par les psy-chologues est lune des pratiques diverses des services hospitaliers qui meacuteritent drsquoecirctre deacuteve-loppeacutees La mecircme anneacutee un rapport sur les Uniteacutes agrave encadrement eacuteducatif renforceacute et leur ap-port agrave lheacutebergement des mineurs deacutelin-quants fait agrave la demande de lInspection Geacuteneacute-rale des Affaires Sociales preacuteconise Afin de preacutevenir lusure des eacutequipes et aussi de leur apporter une certaine capaciteacute de recul il faut mettre en place des proceacutedures de soutien au moment des crises et de supervision dans les-quelles le recours au psychologue simpose En 2000 un rapport au Premier ministre Lionel Jospin Pour une nouvelle politique publique

daide aux victimes fait le constat suivant Pour le reacuteseau de lINAVEM (Feacutedeacuteration natio-nale daide aux victimes et de meacutediation qui comprend 150 associations) les emplois de psychologue repreacutesentent seulement 9 des emplois salarieacutes Cet aspect pourtant fonda-mental de laide aux victimes nest pas suffi-samment deacuteveloppeacute En 1994 lintervention dun psychologue con-cernait environ un quart des associations daide aux victimes Le rapport propose la creacuteation de centres daide pour enfant-adolescent et adulte com-prenant obligatoirement des psychologues cli-niciens Des groupes de parole et deacutecoute pour en-fants victimes seraient animeacutes par des psycho-logues scolaires ayant suivi une formation speacute-cifique ou des psychologues cliniciens exteacute-rieurs Le projet dinteacutegration de psychologues clini-ciens dans les milieux scolaires semble alors ecirctre au cœur de la nouvelle politique publique daide aux victimes Une politique ambitieuse sur le papier hellip Les suites don-neacutees agrave ce rapport ont eacuteteacute la creacuteation dun numeacutero national daide aux victimes en 2001

Pourtant en 2000 on sinteacuteresse beaucoup agrave nous le rapport du Haut comiteacute de la santeacute pu-blique sur la souffrance psychique des ado-lescents et des jeunes adultes consacre un paragraphe au rocircle du psychologue dans le chapitre intituleacute Lrsquoinstitution scolaire Bilan en CM2 Il est eacutecrit

Le recours agrave un psychologue dans le milieu scolaire est pratiquement limiteacute aux tests drsquoorientation Lrsquoabsence de psychologue dans le secondaire semble faire partie de cette mau-vaise image de la psychiatrie qui persiste dans le grand public Le regard drsquoun psychologue exteacuterieur agrave lrsquoeacuteta-blissement dans des reacuteunions reacuteguliegraveres de synthegravese et de concertation peut ecirctre preacutecieux

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 25

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

Ces contacts auraient de plus lrsquoavantage de relier les prises en charge de situations diffi-ciles entre lrsquointeacuterieur et lrsquoexteacuterieur des eacutetablisse-ments et de faire se connaicirctre les profession-nels des diffeacuterentes structures Ainsi 20 des adolescents pensent avoir be-soin de consulter un psychologue mais 137 disent avoir renonceacute du fait de difficulteacutes finan-ciegraveres Toujours en 2000 au colloque sur lrsquoEnfance maltraiteacutee la Ministre deacuteleacutegueacutee agrave lrsquoEnfance et agrave la famille reacuteclame Un psy pour chaque enfant Dans son second rapport Claire Brisset la deacute-fenseure des enfants sinteacuteresse eacutegalement au rocircle des psychologues et agrave leur formation Pour elle les psychologues souffrent depuis longtemps dun problegraveme didentiteacute du fait dune reconnaissance tardive de leur profes-sion et de lexistence de plusieurs types de psychologues recruteacutes agrave des niveaux deacutetudes diffeacuterents en reacutefeacuterence aux psychologues sco-laires et conseillers dorientation- psycho-logues La Deacutefenseure des Enfants propose d -Institutionnaliser les psychotheacuterapies den-fants et dadolescents par des psychologues cliniciens sur prescription du psychiatre et rembourseacutees par la Seacutecuriteacute sociale De la mecircme faccedilon quun meacutedecin speacutecialiste prescrit des seacuteances de kineacutesitheacuterapie qui sont alors rembourseacutees par la seacutecuriteacute sociale un psychiatre aussi bien dans le public que dans le priveacute doit pouvoir prescrire des theacuterapies effectueacutees par un psychologue clinicien Cette mesure qui se pratique deacutejagrave dans cer-tains pays europeacuteens comme lAllemagne ne peut ecirctre mise en place quaux conditions sui-vantes - quune formation homogegravene de psychologie clinique sanctionneacutee par un diplocircme unique soit organiseacutee - que cette formation permette dacceacuteder agrave un nouveau statut de psychologue clinicien recon-nu par lensemble des administrations concer-neacutees - que cette formation soit agrave la fois theacuteorique et pratique Cette reacuteforme permettrait de - mieux utiliser les compeacutetences des nombreux psychologues qualifieacutes actuellement deacutepour-vus dun emploi agrave temps plein ou contraints faute de poste dexercer dautres meacutetiers

Dans cette hypothegravese le psychiatre aurait le rocircle danimateur de leacutequipe soignante et de supervision des psychotheacuterapies meneacutees par les psychologues cliniciens En outre un tel scheacutema devrait pouvoir sappli-quer non seulement dans les structures pu-bliques mais aussi dans le secteur libeacuteral Les psychologues cliniciens peu nombreux en libeacute-ral pourraient alors sinstaller en cabinet (au mecircme titre que les infirmiegraveres ou les masseurs kineacutesitheacuterapeutes) En ce deacutebut des anneacutees 2000 les politiques sinteacuteressent beaucoup aux questions relatives agrave la santeacute en juillet 2000 Martine Aubry alors ministre de lemploi et de la solidariteacute confie aux Drs Piel et Roelandt une mission de reacute-flexion et de prospective dans le domaine de la santeacute mentale qui donnera lieu un an plus tard agrave un rapport intituleacute De la psychiatrie vers la santeacute mentale Un rapport dans lequel on parle peu des psychologues si ce nest pour dire que leur formation est insuffisante et quun internat en psychologie est neacutecessaire ce dont on reparlera beaucoup dans les anneacutees sui-vantes En aoucirct 2001 Psyclihos travaille sur le 1

er rap-

port deacutetape du groupe de travail de la DGS sur leacutevolution des meacutetiers en santeacute mentale Des psychologues de toute la France choqueacutes et inquiets se reacuteunissent au sein du Collectif Na-tional des Psychologues de la FPH Les me-sures preacuteconiseacutees par le 2

egraveme rapport deacutetape

paru en janvier 2002 mettent le feu aux poudres Pour rappel le rapport insiste sur le deacuteveloppement des reacuteseaux de santeacute la mise en place de proceacutedures de protocoleshellip Et surtout il preacutevoit des niveaux dintervention hieacuterarchiseacutes avec des intervenants de 1

egravere

ligne des professionnels de soins primaires et des intervenants speacutecialiseacutes et deacutejagrave des glisse-ments de compeacutetences vers les infirmiers et les meacutedecins geacuteneacuteralistes Il est agrave nouveau question de transfert de com-peacutetences en 2003 avec le rapport Berland sur la deacutemographie des professions de santeacute au titre eacuteloquent Coopeacuteration des professions de santeacute le transfert de tacircches et de compeacute-tences Le chapitre qui nous concerne sinti-tule Un transfert de compeacutetences en psychia-trie difficile agrave organiser Le Pr Berland eacutecrit Les auditions que jai pu mener lors de la mis-

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Quels changements pour le meacutetier de psychologue

sion deacutemographie des professions de santeacute et les eacutechanges que jai pu avoir avec les psy-chiatres ont reacuteveacuteleacute de reacuteelles difficulteacutes agrave envi-sager le transfert de compeacutetences dans le champ de cette speacutecialiteacute En effet si certains professionnels considegraverent souhaitable la mise en perspective de collaborations organiseacutees avec les psychologues cliniciens dautres la trouvent inutile ou non souhaitablehellip Il est neacute-cessaire denvisager la part de lactiviteacute aujour-dhui assureacutee par les psychiatres qui doit ecirctre confieacutee en toute collaboration agrave des psychologues praticiens formeacutes agrave la fois par les faculteacutes de psychologie et les faculteacutes de meacutedecine pour construire ce nouveau meacutetier qui reacutepond agrave un besoin clairement identifieacute Au mecircme moment est diffuseacute le rapport Cleacutery Melun intituleacute Plan dactions pour le deacutevelop-pement de la psychiatrie et la promotion de la santeacute mentale qui reprend les principales pro-positions des rapports preacuteceacutedents par ex con-cernant la reacuteorganisation des soins en psychia-trie Concernant la formation des psycho-logues Ces formations sont tregraves diverses sui-vant les universiteacutes certaines eacutetant speacuteciali-seacutees dans la psychanalyse ce qui aboutit agrave des formations mono reacutefeacuterenceacutees Il en va de mecircme des stages qui sont souvent difficiles agrave trouver et ne permettent pas toujours dassister aux entretiens avec les patients Enfin dans un contexte de plus en plus seacutelectif les examens theacuteoriques et formels prennent le pas sur lac-complissement dun stage et lobtention dune formation clinique Il poursuit Les psychologues souhaitent eux-mecircmes faire progresser cette situation Ils se sont doteacutes dun code de deacuteontologie qui pose des prin-cipes clairs notamment au regard de leur for-mationhellipAvec un stage qui doit correspondre agrave leacutequivalent dun internat en psychologie dont la dureacutee ne devrait pas ecirctre infeacuterieure agrave 2 se-mestres et dont le contenu devrait faire lobjet dune validation finale Toujours en 2003 il faut un rapport eacutecrit par une psychologue pour que le terme soit citeacute 97 fois soit presque dans une page sur deux Cest le rapport de Marie de Hennezel sur Fin de vie le devoir daccompagnement Elle preacuteconise une preacutesence renforceacutee de psy-chologues dans tous les services sensibles

Pour favoriser le maintien agrave domicile des per-sonnes elle demande que lrsquoon eacutetudie la possi-biliteacute drsquoun financement drsquoun forfait de 3 agrave 5 seacuteances avec un psychologue pour un accom-pagnement de fin de vie sur le modegravele de ce qui est proposeacute dans le plan cancerElle de-mande la creacuteation dau moins un mi-temps de psychologue pour chaque service confronteacute agrave la fin de vie des patients Pour elle la Formation universitaire du psycho-logue ne le preacutepare pas neacutecessairement agrave la confrontation avec la mort drsquoautrui et son cor-tegravege drsquoangoisses et de fantasmes Elle ajoute Crsquoest la raison pour laquelle nous estimons qursquoune formation compleacutementaire personnelle (psychanalyse) ou une formation dans le cadre drsquoun DU de soins palliatifs ou drsquoun stage drsquoune semaine au moins dans une uniteacute de soins palliatifs (USP) doit lui permettre d lsquoeacutevaluer srsquoil est precirct ou non agrave travailler dans un service confronteacute agrave la mort des patients srsquoil peut accueillir sans trop drsquoangoisse celles des autres patients familles soignants Pour les psychologues de ville elle pose la question drsquoun conventionnement de la profes-sion puisque seuls les psychologues libeacuteraux inteacutegreacutes dans un reacuteseau (dans le cadre drsquoun groupement de coopeacuteration sanitaire) et reacutemu-neacutereacutes agrave la vacation sont pris en charge par lrsquoassurance maladie Elle ajoute Cela limite consideacuterablement lrsquooffre drsquoaide psychologique agrave domicile En mars 2005 la Commission Peacuterinataliteacute en-fants et adolescents recommande le renforcement des eacutequipes de materniteacute en psychologues dans le but de Mieux prendre en charge la santeacute mentale et les troubles psy-chiatriques de la megravere etou du couple En 2005 le rapport Santeacute justice et dange-rositeacutes pour une meilleure preacutevention de la reacutecidive eacutevoque les formations initiale et conti-nue des psychologues dans le domaine meacutedico-leacutegal qui devraient ecirctre renforceacutees afin de mieux prendre en consideacuteration les probleacutema-tiques relatives agrave la dangerositeacute psychiatrique dans la pratique clinique et la mise en oeuvre de lrsquoexpertise peacutenale Le rapporteur revendique la possibiliteacute pour les psychologues drsquoassurer le suivi du condam-neacute et demande laugmentation des effectifs des services peacutenitentiaires drsquoinsertion et de proba-

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Quels changements pour le meacutetier de psychologue

tion notamment par lrsquointeacutegration de psycho-logues au sein des eacutequipes Dans son rapport sur Le fonctionnement des services dinformation et dorientation lIns-pection geacuteneacuterale de lEducation nationale re-met largement en question le statut des con-seillers dorientation-psychologues Des divergences de vues interviennent sou-vent entre ceux qui sont issus de la psycholo-gie essentiellement clinique et les autres qursquoils aient eacutetudieacute la psychologie du travail ou la so-ciologie lrsquoeacuteconomie le droit lrsquohistoire ou la phi-losophie Lrsquoouverture drsquoesprit des seconds aux questions du marcheacute de lrsquoemploi ou mecircme aux perspec-tives de deacutecentralisation est freacutequente Les psychologues cliniciens semblent plus autocen-treacutes individualistes voulant se concentrer sur leur pratique au jour le jour de conseil et drsquoac-compagnement des individus deacutesireux drsquoap-porter des solutions au cas par cas(sic ) Lrsquoeacutevolution de la profession qui a gagneacute le titre de psychologue en 1991 va dans le sens drsquoune eacutemancipation tout agrave fait eacutetonnante Les COPsy constituent un cas singulier drsquoexercice libeacuteral au sein mecircme de la fonction publique Ils nrsquoont en fait de comptes agrave rendre agrave personne lrsquoautori-teacute des directeurs est purement formelle (hellip) Et comble les conseillers ne sont pas inspecteacutes() Le rapport propose de scinder le corps des COPsy avec dun cocircteacute des psychologues de lenseignement secondaire et de lautre des conseillers dinformation et dorientation Les missions des psychologues de leacuteducation seraient centreacutees sur le deacutepistage et lexamen des eacutelegraveves pour lesquels on craint une inadap-tation la preacutevention des deacutecrochages la preacute-vention des conduites addictives en lien avec le personnel meacutedico-social leacutecoute un premier accompagnement dans les cas de profondes souffrances psychologiques le lien avec les services exteacuterieurs hellip Dans les eacutetablissements les psychologues complegraveteraient et renforceraient leacutequipe eacutedu-cative et meacutedico-sociale Pour lIGEN il est manifeste que les conseil-lers drsquoorientation-psychologues nrsquoont ni le temps ni les compeacutetences ni les moyens de faire face seuls agrave lrsquoensemble des missions que les usagers (au sens large du terme) pour-raient attendre drsquoeux Si beaucoup de responsables ministeacuteriels re-

grettent fortement lappellation de psycho-logues du statut de 1991 il faut reconnaicirctre que peu de personnels souhaitent labrogation totale de cette appellation y compris parmi ceux qui ont eacuteteacute recruteacutes avant 1990 sans avoir fait deacutetudes initiales de psychologie Il convient aussi de signaler quil y a unanimiteacute pour consideacuterer quon ne peut pas faire de psy-chologie clinique ou theacuterapeutique dans les eacutetablissements Tous pensent mecircme que cest impossible En fait en 1991 il aurait fallu creacuteer par la loi un statut de conseiller qui existe dans dautres pays Pour autant les auteurs concluent que la ques-tion de labrogation du statut de psychologue a eacuteteacute poseacutee mais ils ont consideacutereacute que ce neacutetait pas opportun dans le contexte actuel Mais le recrutement doit ecirctre diversifieacute Il srsquoagit de mettre un terme au monopole des li-cencieacutes en psychologie qui de lrsquoavis de la grande majoriteacute de nos interlocuteurs et notam-ment de lrsquoencadrement des services drsquoorienta-tion et des formateurs nrsquoest nullement imposeacute par lrsquoexercice des missions et a reacuteduit la diver-siteacute intellectuelle qui caracteacuterisait le corps avant 1991 En outre le poids excessif des li-cencieacutes en psychologie a favoriseacute des attitudes drsquoindividualisme et de repli au deacutetriment des autres facettes de la profession Dans le rapport fait au nom de la mission dinformation sur la famille et les droits de lenfant en 2006 Valeacuterie Peacutecresse et Patrick Bloche recommandent de faire prendre en charge par lassurance-maladie les consulta-tions des mineurs et de leur famille aupregraves de psychologues sur prescription meacutedicale afin dameacuteliorer la prise en charge des enfants et de leur famille On reparle encore de formation des psycho-logues en 2006 avec le rapport de la mission parlementaire de Jean-Paul GARRAUD sur la dangerositeacute Il comprend un chapitre impor-tant relatif agrave lexpertise psychologique et au psychologue expert on eacutetait agrave leacutepoque en pleine affaire dOutreau Il souligne encore une fois lrsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute des diplocircmes tous les psy-chologues ne suivent pas une formation en psychopathologie clinique et peuvent avoir des formations theacuteoriques tregraves diverses Il conviendrait de redeacutefinir le champ drsquointerven-tion des psychologues fondeacute sur leur qualifica-

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Quels changements pour le meacutetier de psychologue

tion professionnelle et drsquoenvisager les possibili-teacutes de lrsquoarticulation de leurs expertises avec celles effectueacutees par les psychiatres Organiser une confeacuterence de consensus sur lrsquoexpertise psychologique afin de reacutefleacutechir sur les objectifs et les limites des expertises psy-chologiques lrsquoidentiteacute lrsquoeacutethique et la deacuteontolo-gie des experts leur solitude ainsi que sur les modaliteacutes pertinentes de reacutealisation des exper-tises et de leur eacutevaluation Ceci est resteacute un vœu pieux agrave ce jour hellip Il revendique Une plus grande qualification des formations des psychologues Outre une maturiteacute professionnelle une forma-tion particuliegravere est neacutecessaire (connaissance des diffeacuterents types et champs drsquoexpertise des proceacutedures judiciaires aspects criminolo-giques deacuteontologiqueshellip) Cette speacutecialisation pourrait deacutecouler drsquoun cur-sus post-universitaire en psychologie clinique et pathologique agrave lrsquoexemple des DU sur la pratique de lrsquoexpertise psychologique ou la psy-chologie leacutegale (Universiteacute Lille Aix-Marseille Rouen Poitiershellip) En 2007 les psychologues sont les stars du rapport de lIGAS consacreacute agrave Gestion et utili-sation des ressources humaines dans 6 eacuteta-blissements de santeacute speacutecialiseacutes en psy-chiatrie le terme psychologue apparaicirct 224 fois Les reacuteveacutelations sont lagrave encore fracassantes Il faut adapter le statut et le cursus de forma-tion et de carriegravere des psychologues pour mieux utiliser leurs compeacutetences et les inteacutegrer dans les eacutequipes Les problegravemes de peacutenurie de psychiatres doivent ecirctre anticipeacutes par une seacuterie de mesures - augmenter les attributions des psychologues en leur permettant dans certains cas deffec-tuer des actes jusque lagrave reacuteserveacutes aux meacutede-cins - ouvrir une formation de manager de structure psychiatrique agrave des cadres intermeacutediaires type cadre supeacuterieur de santeacute psychologue cadre socio-eacuteducatif Il serait possible douvrir le concours de cadre supeacuterieur de santeacute agrave dautres professions soi-gnantes psychologues eacuteducateurs speacuteciali-seacutes assistants de service social Les psychologues peuvent-ils remplacer les psychiatres et agrave quel prix Ce nest pas seulement parce quon manque

de psychiatres cest aussi parce que les psy-chologues repreacutesentent une certaine tradition de la psychiatrie europeacuteenne pas uniquement arc-bouteacutee sur les traitements chimiotheacuterapeu-tiques Cest aussi parce quils possegravedent en principe des compeacutetences permettant de deacuteve-lopper des aspects tregraves importants en psychia-trie - eacutevaluation des capaciteacutes cognitives et mise au point de programmes de reacutehabilitation - psychotheacuterapies de diverses natures eacutegale-ment de soutien dans les cas de traitement meacute-dicamenteux lourd - supervision de groupes de soignants pour eacuteviter les pheacutenomegravenes de chroniciteacute de mal-traitance - encadrement deacutequipes notamment de pro-fessionnels dhorizons divers Il est clair quil serait eacutegalement inteacuteressant de pouvoir leur confier des accueils de 1

egravere ligne

degraves lors que nombre de demandes de consul-tation signifient plutocirct une souffrance psychique quune pathologie psychiatrique La question de savoir sils devraient avoir le droit de prescrire ou de renouveler des pres-criptions au long cours meacuterite decirctre poseacutee Une telle eacutevolution neacutecessiterait une speacutecialisa-tion apregraves le diplocircme geacuteneacuteral de psychologue peut-ecirctre linstauration de ce que daucuns ap-pellent un internat et cette fois commun avec linternat en psychiatrie En attendant davoir notre ordonnancier si tant est que nous le souhaitions les tacircches speacuteci-fiques en psychiatrie pour les psychologues tout ce qui sapparente au bilan agrave leacutevaluation aux psychotheacuterapies de diverses obeacutediences Voilagrave ce que pensent les politiques et les admi-nistratifs de notre meacutetier mais ccedila nest pas la reacutealiteacute de notre meacutetier Tout dabord quelques chiffres sur la deacutemogra-phie des psychologues Nous sommes de plus en plus nombreux de 5500 eacutequivalents temps plein en 1997 agrave 11500 en 2009 preuve que notre rocircle est de plus en plus reconnu par les eacutetablissements Il reste encore beaucoup agrave faire en clinique priveacutee ougrave ils ne sont que 350 ETP La preacutecariteacute est tou-jours le lot de notre profession Il y a deux fois plus de psychologues agrave temps partiel que dans les autres emplois non meacutedicaux 40 de psy-chologues sont agrave temps partiel dans le public plus des trois quarts dans le priveacute soit le

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double La profession est tregraves feacuteminiseacutee avec 8 femmes sur 10 psychologues elles ont en moyenne cinq ans de moins que leurs con-fregraveres masculins la moyenne dacircge eacutetant de 42 ans Les femmes de moins de 40 ans repreacute-sentent 38 des effectifs nationaux La densiteacute nationale des psychologues est de 37 psychologues pour 100000 habitants soit un psychologue pour 2700 Par comparaison celle des psychiatres est de 22 pour 100000 habitants La densiteacute en psychologues libeacuteraux est de 7 Concernant les secteurs dactiviteacute 87 des psychologues sont salarieacutes Un tiers exerce dans un eacutetablissement de santeacute principalement du secteur public ougrave 7 sur 10 sont employeacutes agrave plein temps Lexercice en libeacuteral ne concerne que 8 des effectifs Comment les psychologues perccediloivent-ils leur meacutetier Dana Castro et Marie Santiago ont publieacute dans Le Journal des psychologues ndeg 233 deacutec 2005- janv 2006 les Reacutesultats dune enquecircte na-tionale sur Evolution des repreacutesentations et construction identitaire du meacutetier de psy-chologue Les donneacutees ont eacuteteacute recueillies agrave partir de 93 questionnaires suite agrave une enquecircte nationale lanceacutee par le Journal des Psychologues aupregraves de ses lecteurs fin 2004 Les reacutesultats montrent que les psychologues ont une image assez steacutereacuteotypeacutee de leur meacute-tier qui ne se modifie pas significativement ni au cours des eacutetudes ni agrave lentreacutee dans la vie professionnelle Au deacutebut de leurs eacutetudes 50 des reacutepondants perccediloivent le psychologue comme un speacutecialiste de laide et de leacutecoute Pour 27 cest un meacutetier qui sexerce en solitaire 30 disent ne pas en avoir une repreacutesentation preacute-cise La repreacutesentation de la profession eacutevolue pro-gressivement Apregraves quelques anneacutees dexer-cice le psychologue perccediloit davantage sa fonc-tion certes encore comme un meacutetier daide et deacutecoute pour la moitieacute dentre eux mais qui sexerce en eacutequipe pour 21 selon des moda-liteacutes et avec des outils speacutecifiques au premier rang desquels lentretien et lexamen psycholo-giques pour 18 des reacutepondants La repreacutesentation du meacutetier se modifie-t-elle au

cours du cursus universitaire - Non pour 22 des reacutepondants pour lesquels elle reste identique tout au long du parcours - Oui pour 36 pour lesquels elle se modifie gracircce aux enseignements theacuteoriques en lien avec la clinique et la psychopathologie - Encore oui pour 34 pour lesquels elle se transforme gracircce aux stages et au contact des professionnels Dune maniegravere geacuteneacuterale les psychologues comptent sur eux-mecircmes et leurs compeacutetences en matiegravere dexpeacuterience dapprentissage sur le tas de solidariteacute et de travail en eacutequipe plutocirct que sur la qualification qui elle valorise les titres les connaissances formelles la revendi-cation de lautonomie et les distinctions statu-taires Seul 1 des reacutepondants eacutevoque les no-tions dorganisation du travail en terme de sta-tut professionnel de cadre A de reacutemuneacuteration de formation ou de titre proteacutegeacute de psycho-logue Autant dire quil reste beaucoup de tra-vail pour avoir une repreacutesentation profession-nelle qui puisse ecirctre partageacutee tant par les psy-chologues que par leurs partenaires profes-sionnels ougrave compeacutetence personnelle et qualifi-cation professionnelle sont indispensables Pourtant 78 des reacutepondants deacutecrivent des difficulteacutes au sein de leur institution Un sur 5 estime que ses collegravegues ne connaissent pas son meacutetier et quils en ont une image neacutegative qui est veacutecue comme deacutevalorisante 17 se sentent isoleacutes dans les eacutequipes avec lesquelles ils travaillent Une eacutetude plus reacutecente puisquelle date de 2010 vient compleacuteter la preacuteceacutedente il sagit de celle de Elise Marchetti Claude Lafrogne et Sandrine Schoenenberger eacutegalement publieacutee dans le Journal des psychologues ndeg 283 deacutec 2010- janv 2011 et qui sintitule Que pensent-ils de nous Etude des repreacutesentations so-ciales du psychologue Que pensent les psychologues deux-mecircmes Ils eacutevoquent lobjet de leur travail la psycheacute le cadre de leur activiteacute (cadre theacuteorique pra-tique eacutethique) et le contenu mecircme de leur tra-vail agrave savoir leacutevaluation et laccompagnement Chez les professionnels du meacutedico-social nos collegravegues deux repreacutesentations saffrontent Les eacuteducateurs techniques et les reacuteeacuteducateurs (peacutedicure podologue masseur kineacutesitheacutera-peute ergotheacuterapeute psychomotricien ortho-

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phoniste orthoptiste ou dieacuteteacuteticien) ont une vi-sion neacutegative le psychologue se confond avec le psychanalyste le charlatan en lien eacutetroit avec la psychiatrie la folie Les personnels administratifs et les eacuteducateurs ont une vision plus positive et concregraveteet sont plus attacheacutes au cadre cadre de travail du psychologue lui-mecircme mais aussi la contribu-tion quil peut apporter dans le cadre dun tra-vail pluridisciplinaire Quant aux sujets de la population geacuteneacuterale on doit distinguer ceux qui ont deacutejagrave eu recours au psychologue et ceux qui nont jamais consulteacute Ceux qui nont jamais consulteacute ont un discours plutocirct positif mais abstrait centreacute sur la dualiteacute problegraveme-reacutesolution (motifs-beacuteneacutefices) Les autres qui sont plus jeunes et plutocirct des femmes cherchent agrave deacutefinir ce quest un psy-chologue avec une vision plus concregravete de notre activiteacute de nos meacutethodes et une eacutevoca-tion de la sphegravere affective et du veacutecu person-nel Toutefois les sujets ayant deacutejagrave consulteacute un psychologue ont tendance agrave le confondre avec le speacutecialiste meacutedical cest-agrave-dire le psy-chiatre Dans Transformation de la psychiatrie et pratiques des psychologues LASAR Labora-toire danalyse socio-anthropologique du risque Universiteacute de Caen 2002 sous la direction dAnne Golse Le discours dAnne Golse sociologue est plus optimiste Elle eacutecrit La profession de psycho-logue se visibilise de plus en plus que ce soit dans la prise en charge des malades mentaux ou de la souffrance psychique On le voit dans la croissance deacutemographique certes encore modeste de cette profession mais cela sappreacute-hende eacutegalement dans la maniegravere dont les textes administratifs mentionnent (psychiatres psychologues) ou bien (psychiatres ou psycho-logues) Mais cette eacutemergence nouvelle dune certaine pariteacute dans les textes vient eacutegalement reconnaicirctre que de plus en plus de demandes sont directement adresseacutees au psychologue et marque lindividualisation de cette profession agrave coteacute de celles de psychiatres ou dinfirmiers Dans un rapport au Conseil national de lOrdre des meacutedecins en 2001 sur le suivi du malade mental il est dit que les psychologues pren-nent de plus en plus de place dans le monde de la psychiatrie relayant ou mecircme remplaccedilant les psychiatres dont le nombre va en diminuant

tregraves seacuterieusement Toutefois les psychologues ne sont pas satis-faits de leur place au sein de la psychiatrie pu-blique ni personnel meacutedical ni personnel pa-rameacutedical ils elles ont du mal agrave trouver leur place dans lunivers hospitalier marqueacute par lexistence de ce partage clair Le psychologue agrave la fois dedans et dehors eacuteprouve une ab-sence de lien avec linstitution et pour certains un sentiment dinexistence institutionnelle chro-nique Le psychologue nest pas dans le soin mecircme sil contribue aux soins ce qui renvoie agrave sa neacutecessaire place dexteacuterioriteacute et agrave la trans-versaliteacute de sa fonction Comme leacutecrivait Co-lette Chiland en 1983 le statut du psychologue clinicien est une position intermeacutediaire et sin-guliegravere qui le maintien dans un espace pro-fessionnel eacutetriqueacute Certains ressentent de lamertume agrave ecirctre reacuteduits au rocircle de psychotheacute-rapeutes etou estiment ne pas ecirctre reconnus comme des professionnels agrave part entiegravere ils se qualifient de sous-psychiatres quand deacutepen-dants du psychiatre ils ne peuvent directement recevoir les patients qui font appel agrave eux Cette revendication des psychologues est devenue pour certains un carcan qui limite le champ de leur intervention Les psychologues sont lobjet dambivalence Ils peuvent ecirctre consideacutereacutes comme la profession montante en raison de la chute de la deacutemographie des psychiatres et de la de-mande sociale qui leur est adresseacutee les psy-chologues pourraient ecirctre en 1

egravere ligne pour

supplanter ces absences mais la mise en cause de leur statut et de leur formation par le reacutecent statut de psychotheacuterapeute les fragilise Pour conclure je citerai Marc Turpyn au col-loque Le psychologue clinicien le singulier et le collectif La profession de psychologue est-elle un symptocircme de lrsquoinstitution hospita-liegravere Un certain nombre de signes permet depuis longtemps de le penser son identiteacute indeacutefinis-sable sa situation drsquoexception dans un en-semble institutionnel globalement meacutedical son inexistence dans les instances de lrsquohocircpital les oublis reacuteguliers dont elle fait lrsquoobjet dans les textes sa position institutionnelle hors hieacuterar-chie les interrogations reacutecurrentes sur ses sta-tuts lrsquoincompreacutehension de ses outils de travail par les administrations etc Ce qui est nouveau ce sont les nombreuses

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tentatives pour mettre un terme agrave cette position symptomatique volonteacute de faire entrer la pro-fession dans le champ meacutedical fiches meacutetier deacutefinition de compeacutetences introduction de speacute-cialiteacutes preacute-identifieacutees en articulation avec les neurosciences et les approches comportemen-tales circulaire drsquoapplication visant au controcircle ou agrave la disparition des activiteacutes de FIR etc Nrsquooublions pas que la preacutecariteacute entretenue des psychologues le deacutesir de reconnaissance la peur ndash comme lrsquoa montreacute reacutecemment la mise en application du deacutecret sur le titre de psycho-theacuterapeute ndash poussent aussi agrave la normalisation Normaliser la profession serait sans doute la reacuteduire agrave lrsquoombre drsquoelle-mecircme

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Titre de psychotheacuterapeute si vous avez manqueacute le deacutebut

Virginie Rocard Hocircpital Sainte Peacuterine

M AI 1999 PROPOSITION DrsquoAMENDEMENT

PAR B ACCOYER

Devant lrsquoabsence de reacuteglementation autour de lrsquoexercice de la psychotheacuterapie et dans un contexte de lutte contre les deacuterives sectaires sous couvert de psychotheacuterapie un premier amendement est proposeacute par Bernard Accoyer meacutedecin et deacuteputeacute Ce premier amendement porte sur lrsquousage du titre de psychotheacuterapeute il est proposeacute le 4 mai 1999 agrave lrsquooccasion de lrsquoexamen du projet de loi relatif agrave la Couverture maladie universelle (CMU) OCTOBRE 1999 PROPOSITION DE LOI PAR

BACCOYER

Lrsquoamendement preacuteceacutedent ayant eacuteteacute refuseacute BAccoyer deacutepose le 13 octobre 1999 la pre-miegravere proposition de loi (ndeg 1844) visant agrave reacute-glementer le titre de psychotheacuterapeute Lrsquounique article preacutecise Lrsquousage du titre de psychotheacuterapeute est strictement reacuteserveacute drsquoune part aux titulaires du diplocircme de docteur en meacutedecine qualifieacute en psychiatrie et drsquoautre part aux titulaires drsquoun diplocircme de troisiegraveme cycle en psychologie Dans lrsquoexposeacute des motifs on retrouve deux professions de la santeacute mentale sont formeacutees par les universiteacutes franccedilaises les psycho-logues et les meacutedecins psychiatres Les condi-tions daccegraves et dutilisation de ces titres sont eacutetroitement encadreacutees par la loi Pourtant il existe un grave vide juridique concernant lexercice de la psychotheacuterapie La profession de psychotheacuterapeute nest en effet agrave ce jour toujours pas deacutefinie par le code de la santeacute publique Ainsi de trop nombreuses per-sonnes insuffisamment qualifieacutees voire non qualifieacutees se deacuteclarent et sinstituent psycho-theacuterapeutes en toute impuniteacute faisant courir les plus grands dangers agrave des personnes qui

par deacutefinition sont vulneacuterables et risquent de voir leur deacutetresse et leur pathologie aggra-veacutees MARS 2000 est enregistreacutee agrave la Preacutesidence de lAssembleacutee nationale sous le ndeg 2288 une pro-position de loi relative agrave lexercice de la profes-sion de psychotheacuterapeute par les deacuteputeacutes MM Jean-Michel Marchand Andreacute Aschieri Mme Marie-Heacutelegravene Aubert MM Yves Cochet et Noeumll Mamegraverehellip AVRIL 2000 PROPOSITION DE LOI DE

BACCOYER

26 avril 2000 nouvelle proposition de loi de BAccoyer Loi ndeg2342 relative agrave la prescription et agrave la conduite des psychotheacuterapies Dans lrsquoexposeacute des motifs on retrouve En labsence de disposition du code de la santeacute publique concernant lusage des psychotheacutera-pies quiconque le souhaite peut actuellement visser sa plaque de psychotheacuterapeute et preacutetendre soigner (hellip) Ainsi le rapport de la mission interministeacuterielle de lutte contre les sectes remis en feacutevrier 2000 au Premier mi-nistre signale que certaines techniques psy-chotheacuterapiques sont devenues un outil au ser-vice de linfiltration sectaire et il suggegravere au se-creacutetariat dEtat agrave la Santeacute de cadrer ces pra-tiques Cest la raison pour laquelle javais dores et deacutejagrave deacuteposeacute le 13 octobre 1999 avec quatre-vingt-un collegravegues une proposition de loi ndeg1844 visant agrave reacuteserver lusage du titre de psychotheacuterapeute agrave des personnes titulaires de diplocircmes universitaires() Dans ce con-texte il convient deacutesormais de consideacuterer les psychotheacuterapies comme un veacuteritable traite-ment A ce titre cest leur prescription et leurs applications qui apparaissent comme devant ecirctre reacuteserveacutees agrave des professionnels deacuteten-teurs de diplocircmes universitaires attestant dune formation institutionnelle garantie dune compeacutetence theacuteorique pouvant ecirctre doubleacutee

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dune expeacuterience pratique et dun travail sur soi (hellip) Cependant certains professionnels bien que non-psychiatres ou non-psychologues cliniciens preacutesentent de solides connaissances et une expeacuterience de la patho-logie mentale et du fonctionnement psychique Il convient donc quun jury composeacute duniversi-taires et de professionnels soit habiliteacute agrave vali-der leurs compeacutetences et agrave autoriser lexercice des psychotheacuterapies agrave ceux qui pratiquent deacute-jagrave depuis plus de cinq anneacutees agrave compter de promulgation de la preacutesente loi

PROPOSITION DE LOI Article unique Il est inseacutereacute apregraves larticle L 360 du code de la santeacute publique un article L 360-1 ainsi reacutedigeacute Les psychotheacuterapies sont des traitements meacutedico-psychologiques des souffrances mentales Comme toute theacuterapeutique leur prescription et leur mise en oeuvre ne peuvent relever que de professionnels qualifieacutes meacutedecins quali-fieacutes en psychiatrie et psychologues clini-ciens Les professionnels qui dispensent des psychotheacuterapies depuis plus de cinq ans agrave la date de promulgation de la preacute-sente loi pourront poursuivre cette activiteacute theacuterapeutique apregraves eacutevaluation de leurs connaissances et pratiques par un jury composeacute duniversitaires et de profession-nels dont la composition est fixeacutee par deacute-cret en Conseil dEtat

OCTOBRE 2003 AMENDEMENT AU PROJET DE LOI SUR LE CODE DE LA SANTEacute PUBLIC B AC-

COYER

8 Octobre 2003 agrave lrsquoAssembleacutee nationale B Ac-coyer deacutepose un amendement ndeg71 Les psychotheacuterapies sont des traitements meacute-dico-psychologiques des souffrances mentales Comme toute theacuterapeutique leur prescription et leur mise en oeuvre ne peuvent relever que de professionnels qualifieacutes en psychiatrie de psychologues cliniciens et meacutedecins ayant sui-vis les formations requises Crsquoest la 3eme version (ndeg336) qui est adopteacutee agrave lrsquounanimiteacute le 8 octobre 2003 par lrsquoAssembleacutee Nationale Les psychotheacuterapies constituent des outils theacuterapeutiques utiliseacutes dans le traite-ment des troubles mentaux Les diffeacuterentes ca-teacutegories de psychotheacuterapie sont fixeacutees par deacute-cret du ministre chargeacute de la Santeacute Leur mise en œuvre ne peut relever que de meacutedecins

psychiatres ou de meacutedecins et psychologues ayant les qualifications professionnelles re-quises fixeacute par ce mecircme deacutecret Lrsquoagence Na-tionale drsquoAccreacuteditation et drsquoEvaluation en Santeacute apporte son concours agrave lrsquoeacutelaboration de ces conditions (hellip) On ne parle plus ici de lrsquousage drsquoun titre de psy-chotheacuterapeute mais drsquoune deacutefinition de la psy-chotheacuterapie JANVIER 2004 AMENDEMENT ACCOYER ANNU-

LANT LE PREacuteCEacuteDENT

Le 19 janvier 2004 lrsquoamendement Accoyer de-venu entre temps amendement 363 About-Matteacutei annulant le preacuteceacutedent est voteacute par le Seacutenat en ces termes Lrsquousage du titre de psychotheacuterapeute est reacute-serveacute aux professionnels inscrits au registre national de psychotheacuterapeutes (hellip) Sont dis-penseacutes de lrsquoinscription les titulaires drsquoun di-plocircme de docteur en meacutedecine les psycho-logues titulaires drsquoun diplocircme drsquoeacutetat et les psy-chanalystes reacuteguliegraverement enregistreacutes dans les annuaires de leurs associations Les modaliteacutes drsquoapplication du preacutesent article sont fixeacutees par deacutecret Ici les psychanalystes reacuteguliegraverement enregis-treacutes dans les annuaires de leurs associations font leur apparition dans la liste des personnes habiliteacutees agrave user du titre de psychotheacuterapeute

AVRIL 2004 AMENDEMENT DUBERNARD

8 avril 2004 est voteacute agrave lrsquoAssembleacutee nationale lrsquoamendement devenu depuis amendement 344 preacutesenteacute par Jean-Marie Dubernard rap-porteur de la commission des affaires cultu-relles familiales et sociales

POLITIQUE DE SANTE PUBLIQUE (Nordm 1364)

(DEUXIEME LECTURE)

Amendement Nordm 344 preacutesenteacute par M Jean-Michel Dubernard rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles familiales et sociales Article 18 quater La conduite des psychotheacuterapies neacuteces-site soit une formation theacuteorique et pra-tique en psychopathologie clinique soit une formation reconnue par les associa-tions de psychanalystes (hellip) Lrsquousage du

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titre de psychotheacuterapeute est reacuteserveacute aux professionnels inscrits au registre national des psychotheacuterapeutes (hellip) Sont dispen-seacutes de lrsquoinscription sur la liste viseacutee agrave lrsquoali-neacutea preacuteceacutedent les titulaires drsquoun diplocircme de docteur en meacutedecine les personnes autoriseacutees agrave faire usage du titre de psy-chologue dans des conditions deacutefinies par lrsquoarticle 44 portant diverses dispositions drsquoordre social nordm85-772 du 25 juillet 1985 et les psychanalystes reacuteguliegraverement enre-gistreacutes dans les annuaires de leurs asso-ciations

Dans lrsquoexposeacute sommaire on retrouve pour conduire des psychotheacuterapies il est neacutecessaire drsquoavoir suivi une formation theacuteorique et pratique en psychopathologie La condition de lrsquoinscrip-tion sur le registre national est maintenue (hellip)Lrsquoamendement continue agrave preacutevoir que les titu-laires drsquoun diplocircme de meacutedecine les psycho-logues et les psychanalystes sont dispenseacutes de lrsquoenregistrement Ces professionnels devront satisfaire agrave lrsquoobligation de formation mention-neacutee au premier alineacutea de lrsquoarticle

9 AOUT 2004 LOI SUR LE TITRE DE PSYCHOTHEacute-

RAPEUTE ARTICLE 52

Le 28 juillet 2004 a eu lieu la reacuteunion de la commission mixte paritaire qui reacutevise lrsquoamende-ment qui est examineacute en seacuteances publiques par lrsquoAssembleacutee Nationale et le Seacutenat le 30 juil-let 2004 et devient le 09 aoucirct 2004 la loi ndeg2004-806 lrsquoarticle 52 relative agrave la politique de santeacute publique Sa parution est dans le JO ndeg185 du 11 aoucirct 2004 page 14277 texte ndeg 4 Dans cette loi larticle 18 quater revu par la commission mixte a eacuteteacute inteacutegralement repris et devient larticle 52 de la dite Loi

Article 52 Lusage du titre de psychotheacuterapeute est reacuteserveacute aux professionnels inscrits au re-gistre national des psychotheacuterapeutes Linscription est enregistreacutee sur une liste dresseacutee par le repreacutesentant de lEtat dans le deacutepartement de leur reacutesidence profes-sionnelle Elle est tenue agrave jour mise agrave la disposition du public et publieacutee reacuteguliegravere-ment Cette liste mentionne les formations suivies par le professionnel En cas de transfert de la reacutesidence professionnelle dans un autre deacutepartement une nouvelle

inscription est obligatoire La mecircme obli-gation simpose aux personnes qui apregraves deux ans dinterruption veulent agrave nou-veau faire usage du titre de psychotheacutera-peute Linscription sur la liste viseacutee agrave lalineacutea preacuteceacutedent est de droit pour les titulaires dun diplocircme de docteur en meacutedecine les personnes autoriseacutees agrave faire usage du titre de psychologue dans les conditions deacutefinies par larticle 44 de la loi ndeg 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses disposi-tions dordre social et les psychanalystes reacuteguliegraverement enregistreacutes dans les an-nuaires de leurs associations Un deacutecret en Conseil dEtat preacutecise les modaliteacutes dapplication du preacutesent article et les conditions de formation theacuteoriques et pratiques en psychopathologie clinique que doivent remplir les personnes viseacutees aux deuxiegraveme et troisiegraveme alineacuteas

Cet article introduit comme condition de lrsquousage du titre une formation theacuteorique et pratique en psychopathologie clinique alors qursquoil stipule dans le mecircme temps que lrsquoinscription est de droit pour certains professionnels ce qui pose-ra beaucoup de problegravemes pour lrsquoeacutecriture des projets de deacutecret 2005-2009 AVANT-PROJET DrsquoAPPLICATION DE

LA LOI

Les concertations avec les professionnels con-cerneacutes par lrsquoeacutecriture drsquoun avant-projet de deacutecret relatif agrave lrsquousage du titre de psychotheacuterapeute deacutebutent en 2005 Beaucoup de versions vont voir le jour et susciter de vives reacuteactions des professionnels Le ministegravere reacuteunit les organi-sations professionnelles agrave plusieurs reprises pour leur soumettre ces projets Quelques exemples des diffeacuterentes versions de lrsquoavant-projet de deacutecret de loi Version de lrsquoavant projet de deacutecret relatif agrave lrsquousage du titre de psychotheacuterapeute 10 janvier 2006

Art1 Lrsquousage du titre de psychotheacutera-peute neacutecessite une deacutemarche volontaire de la part des professionnels pratiquant les psychotheacuterapies Inscription sur une liste deacutepartementale (hellip) Art2 Lrsquoinscription sur la liste deacutepartemen-

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tale est subordonneacutee pour les professionnels viseacutes au 3

egraveme ali-

neacutea lrsquoattestation de la certification de la for-mation en psychopathologie clinique lrsquoattestation de lrsquoobtention du diplocircme de docteur en meacutedecine ou de lrsquoun des di-plocircme viseacutes au deacutecret ndeg 90-255 du 22 mars 1990 modifieacute (liste des diplocircmes permettant de faire usage professionnel du titre de psychologue) ou de lrsquoinscrip-tion agrave un annuaire drsquoassociations de psy-chanalystes pour les autres professionnels

Lrsquoattestation de la certification de la for-mation en psychopathologie clinique Le cas eacutecheacuteant lrsquoattestation de lrsquoobtention drsquoun diplocircme relatif agrave une profession reacute-glementeacutee dans le champ sanitaire et so-cial Une deacuteclaration sur lrsquohonneur faisant eacutetat des autres formations suivies dans le do-maine de la pratique de la psychotheacutera-pie parmi les quatre approches sui-vantes analytique systeacutemique cognitivo-comportementaliste inteacutegrative La deacuteclaration sur lrsquohonneur mentionne notamment lrsquointituleacute et la date drsquoobtention du diplocircme la dureacutee de la formation le nom et les coordonneacutees de lrsquoorganisme de formation public ou priveacute qui a deacutelivreacute le diplocircme (hellip) Art8 Le cahier des charges susviseacute deacutefi-nit les modaliteacutes de la formation en psy-chopathologie clinique laquelle est drsquoun niveau master Il vise agrave permettre au pro-fessionnel souhaitant user du titre de psy-chotheacuterapeute drsquoacqueacuterir Une connaissance du fonctionnement psychique Une capaciteacute de discrimination de base des situations pathologiques en santeacute mentale Une connaissance de la diversiteacute des theacuteories se rapportant agrave la psychopatholo-gie Une connaissance des 4 principales ap-proches de psychotheacuterapie vali-deacutees scientifiquement (analytique systeacute-mique cognitivo-comportementaliste in-teacutegrative) (hellip)

Il est eacutevoqueacute un niveau master pas de men-

tion drsquoune formation universitaire la loi ne parle que drsquoune formation agrave la psychopathologie cli-nique et stipule ce que seraient les approches psychotheacuterapiques valables scientifiquement ce qui nrsquoest pas sans questionner Titre ouvert aux deacutetenteurs drsquoun diplocircme relatif agrave une pro-fession reacuteglementeacutee dans les champs sani-taires et sociaux ne correspond pas aux preacute requis de la formation en psychopathologie cli-nique Par la suite le descriptif des diffeacuterentes ap-proches de psychotheacuterapie disparaicirct au profit drsquoune connaissance des principales ap-proches utiliseacutees en psychotheacuterapie sans preacute-cision Est indiqueacute le nombre drsquoheures de for-mation theacuteorique (150 heures dans une ver-sion 500 dans une autrehellip) et de stage pra-tique Est stipuleacute que la formation en psychopa-thologie clinique peut ecirctre confieacutee agrave lrsquoUniversiteacute ou agrave des organismes passant convention avec lrsquoUniversiteacute Pour les professionnels inscrits de droit on retrouve les docteurs en meacutedecine quelles que soient leurs speacutecialiteacutes les psycho-logues quelle que soit leur formation et les psy-chanalystes reacuteguliegraverement inscrits dans un an-nuaire drsquoassociation de psychanalystes ce qui nrsquoest pas un titre proteacutegeacute On exige par ailleurs de ces mecircmes professionnels une formation compleacutementaire en psychopathologie viseacutee agrave lrsquoalineacutea 4 de lrsquoarticle 52 ce qui posera pro-blegraveme certaines professions pouvant faire usage du titre de psychotheacuterapeute de droit doivent dans le mecircme texte de loi attester drsquoune formation compleacutementaire Pour tous les professionnels le cas eacutecheacuteant une deacuteclaration sur lrsquohonneur faisant eacutetat des autres formations suivies dans le domaine de la pratique de psychotheacuterapie une attestation drsquoobtention drsquoun diplocircme relatif agrave une profes-sion reacuteglementeacutee par le code de la santeacute pu-blique ou le code de la famille et de lrsquoaction so-ciale Le cahier des charges deacutefinit les modaliteacutes de la formation en psychopathologie clinique pour acqueacuterir ou valider une connaissance des fonctionnements et des processus psychiques une connaissance des critegraveres de discerne-ment des grandes pathologies psychiatriques une connaissance des diffeacuterentes theacuteories se rapportant agrave la psychopathologie une connais-sance des principales approches utiliseacutees en psychotheacuterapie

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Le Ministegravere de la Santeacute ne parvient pas agrave faire aboutir lrsquoeacutecriture de deacutecrets drsquoapplication de-vant faire face aux contestations des diffeacuterents professionnels Au printemps 2008 le Ministegravere de la Santeacute deacutecide drsquoarrecircter un des projets de deacutecret drsquoap-plication de lrsquoarticle 52 soumis au CNESER (Conseil National de lrsquoEnseignement Supeacuterieur et de la Recherche) le 16 juin 2008 Dans la note de preacutesentation on retrouve il ne srsquoagit pas de creacuteer une nouvelle profession ni drsquoen-cadrer la formation et la pratique de la psycho-theacuterapie mais de preacuteciser les conditions dans lesquelles il peut ecirctre fait usage de ce titre Il y est exigeacute pour tous professionnels drsquoavoir valideacute une formation theacuteorique de 400 heures (cest-agrave-dire infeacuterieure au total de la formation en psychopathologie clinique drsquoun Master de Psychologie clinique) et un stage pratique de 5 mois Possibiliteacutes de dispenses partielles de forma-tion selon les cateacutegories professionnelles con-cerneacutees (meacutedecins meacutedecins psychiatres psy-chologues psychanalystes) 18 MARS 2009 PROJET DE LOI PORTANT REacute-

FORME DE LrsquoHOcircPITAL ET RELATIF AUX PATIENTS

Agrave LA SANTEacute ET AUX TERRITOIRES

23 JUILLET 2009 ARTICLE 91 DE LA LOI HPST

Lrsquoarticle 91 de la loi HPST du 21 juillet 2009 opegravere une modification de lrsquoarticle 52 de la loi du 9 aoucirct 2004 pour reacutesoudre les difficulteacutes rencontreacutees agrave eacutecrire un deacutecret drsquoapplication Il modifie lrsquoarticle 52 portant sur lrsquousage du titre de psychotheacuterapeute

Article 52 de la loi ndeg 2004-806 du 9 aoucirct 2004 modifieacute par lrsquoarticle 91 de la loi ndeg 2009

-879 du 21 juillet 2009 Lrsquousage du titre de psychotheacuterapeute est reacuteserveacute aux professionnels inscrits au re-gistre national des psychotheacuterapeutes [hellip] Un deacutecret en Conseil drsquoEacutetat preacutecise les modaliteacutes drsquoapplication du preacutesent ar-ticle et les conditions de formation theacuteo-rique et pratique en psychopathologie cli-nique que doivent remplir lrsquoensemble des professionnels souhaitant srsquoinscrire au registre national des psychotheacuterapeutes Il deacutefinit les conditions dans lesquelles les ministres chargeacutes de la santeacute et de lrsquoen-

seignement supeacuterieur agreacuteent les eacutetablis-sements autoriseacutes agrave deacutelivrer cette forma-tion Lrsquoaccegraves agrave cette formation est reacuteserveacute aux titulaires drsquoun diplocircme de niveau doctorat donnant le droit drsquoexercer la meacutedecine en France ou drsquoun diplocircme de niveau master dont la speacutecialiteacute ou la mention est la psy-chologie ou la psychanalyse Le deacutecret en Conseil drsquoEacutetat deacutefinit les conditions dans lesquelles les titulaires drsquoun diplocircme de docteur en meacutedecine les personnes autoriseacutees agrave faire usage du titre de psychologue dans les conditions deacutefinies par lrsquoarticle 44 de la loi ndeg 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses disposi-tions drsquoordre social et les psychanalystes reacuteguliegraverement enregistreacutes dans les an-nuaires de leurs associations peuvent beacute-neacuteficier drsquoune dispense totale ou partielle pour la formation en psychopathologie clinique [hellip] Le deacutecret en Conseil drsquoEtat preacutecise eacutegale-ment les dispositions transitoires dont pourront beacuteneacuteficier les professionnels jus-tifiant dau moins cinq ans de pratique de la psychotheacuterapie agrave la date de publication du deacutecret

Il nrsquoy a plus de notion de professionnels inscrits de droit la formation en psychopatho-logie clinique est exigible de tous et lrsquoaccegraves agrave cette formation requiert un niveau de diplocircme eacuteleveacute titre de docteur en meacutedecine master de psychologie ou de psychanalyse Y sont tou-jours mentionneacutes les psychanalystes reacuteguliegrave-rement enregistreacutes dans les annuaires de leurs associations 20 MAI 2010 DEacuteCRET DrsquoAPPLICATION RELATIF Agrave LrsquoUSAGE DU TITRE DE PSYCHOTHEacuteRAPEUTE (CF

ANNEXE)

Le 20 mai 2010 paraicirct le deacutecret relatif agrave lrsquousage du titre de psychotheacuterapeute publieacute au JO ndeg0117 du 22 mai 2010 (deacutecret ndeg 2010-534) Ce deacutecret deacutefinit les critegraveres de formation en psychopathologie clinique exigeacutee fixe les con-ditions drsquoagreacutement des eacutetablissements de for-mation preacutecise les dispenses partielles ou to-tales de formation dont peuvent beacuteneacuteficier les meacutedecins psychologues et psychanalystes et enfin arrecircte les dispositions transitoires appli-cables aux psychotheacuterapeutes en exercice agrave

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Quels changements pour le meacutetier de psychologue

la date de publication du deacutecret Il nrsquoy est tou-jours pas fait mention de formation agrave la pra-tique psychotheacuterapique Il preacutecise une condition de diplocircme minimal pour avoir accegraves agrave cette formation Elle est reacute-serveacutee aux personnes titulaires drsquoun doctorat de meacutedecine ou drsquoun master ayant pour men-tion ou pour speacutecialiteacute la psychologie ou la psy-chanalyse Les psychiatres sont exempteacutes de formation compleacutementaire Les meacutedecins non psy-chiatres seront contraints agrave une formation com-pleacutementaire On retrouve la notion de psychologue clinicien qui ne correspond pas agrave un titre proteacutegeacute comme tel ni un parcours de formation identifieacutee Les psychologues clini-ciens nrsquoont pas de dispense totale et devront se soumettre agrave une formation theacuteorique et pra-tique compleacutementaire La formation theacuteorique comprend 400 heures drsquoenseignement pour acqueacuterir ou valider des connaissances relatives au deacuteveloppement fonctionnement et processus psychiques aux critegraveres de discernement des grandes patholo-gies psychiatriques aux diffeacuterentes theacuteories se rapportant agrave la psychopathologie aux princi-pales approches utiliseacutees en psychotheacuterapie Le stage est drsquoune dureacutee minimale de cinq mois Les professionnels justifiant drsquoau moins 5 ans de pratique de la psychotheacuterapie peuvent ecirctre inscrits sur la liste deacutepartementale apregraves avis de la commission reacutegionale drsquoinscription Le deacutecret ne preacutecise pas la cateacutegorie professionnelle nrsquoappartenant agrave aucune des cateacutegories preacuteceacutedentes que lrsquoon voit en effet apparaicirctre dans lrsquoannexe du deacutecret Le deacutecret a renforceacute le niveau exigeacute pour agreacuteer les eacutetablissements de formation Les psychologues notamment par le biais de leurs organisations professionnelles et syndi-cales ont deacuteposeacute un recours juridique contre le deacutecret relatif agrave lrsquousage du titre de psychotheacutera-peute le 12 juillet 2010 Ils contestaient notam-ment que lrsquoon exige drsquoeux des formations com-pleacutementaires qui sont deacutejagrave incluses dans leur formation initiale Le recours a eacuteteacute examineacute le mercredi 21 sep-tembre 2011 Le rapporteur public a conclu au rejet de lrsquoensemble des requecirctes porteacute contre le deacutecret ndeg2010-534 du 20 mai 2010 arrecirct du Conseil drsquoEtat du 27 octobre 2011 Ce deacutecret

est jugeacute conforme agrave lrsquoarticle 52 de la loi ndeg2004-806 du 9 aoucirct 2004 relative agrave la politique de santeacute publique modifieacutee par la loi ndeg2011-940 du 10 aoucirct 2011-art 47 (V) Les organisations professionnelles de psychologues sont en pourparler et eacutevoquent une modification de lrsquoannexe du deacutecret qui pourrait ecirctre en reacuteeacutecri-ture pour mettre agrave pariteacute psychologues et psy-chiatres pour la dispense totale de lrsquoenseigne-ment theacuteorique et du stage srsquoil a eacuteteacute effectueacute pendant les eacutetudes Fin 2011 les bureaux concerneacutes au Ministegravere de la Santeacute et au Ministegravere de lrsquoenseignement Supeacuterieur et de la Recherche examinent un projet de modification de lrsquoannexe du deacutecret du 20 mai 2010 afin de preacutevoir une dispense de formation theacuteorique compleacutementaire et de stage pour les titulaires du titre de psychologue ayant accompli le stage professionnel lieacute agrave lrsquoob-tention de ce titre dans les conditions preacutevues agrave lrsquoart4 du deacutecret du 20 mai 2010 Une dis-pense de toute formation theacuteorique mais reacuteali-sation drsquoun stage de 2 mois dans les conditions de lrsquoart4 du deacutecret pour les titulaires du titre de psychologue dont le stage professionnel lieacute agrave lrsquoobtention de ce titre nrsquoa pas eacuteteacute reacutealiseacute dans les conditions de cet article (voir sites des orga-nisations professionnelles et syndicales)

CONCLUSION

Au deacutecours de ce long cheminement pour lrsquoeacutela-borer une loi portant sur lrsquousage du titre de psy-chotheacuterapeute on remarquera lrsquoimpasse faite sur la formation agrave la pratique de la psychotheacute-rapie elle-mecircme Ce titre pourra ecirctre en effet deacutelivreacute agrave des personnes dont on nrsquoaura pas exi-geacute de formation agrave la psychotheacuterapie mais une formation agrave la psychopathologie clinique Une confusion suppleacutementaire dans la visibiliteacute des professions et leurs missions est introduite par le biais drsquoun nouveau titre de psychotheacuterapeute Il est agrave souligner que concernant les profes-sions reacuteglementeacutees dont font partie les psy-chologues la pratique de la psychotheacuterapie peut sous reacuteserve drsquoune formation compleacute-mentaire personnelle faire partie de leur activi-teacute Le titre de psychotheacuterapeute ne leur est donc pas neacutecessaire (Cf argumentaires sur le site des organisations professionnelles et syn-dicales)

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Quels changements pour le meacutetier de psychologue

Decret ndeg2010-534 du 20 mai 2010 relatif agrave lrsquousage du titre de psychotheacuterapeute

Article 1 Linscription sur le registre national des psy-chotheacuterapeutes mentionneacute agrave larticle 52 de la loi du 9 aoucirct 2004 susviseacutee est subordon-neacutee agrave la validation dune formation en psy-chopathologie clinique de 400 heures mini-mum et dun stage pratique dune dureacutee mi-nimale correspondant agrave cinq mois effectueacute

dans les conditions preacutevues agrave larticle 4Laccegraves agrave cette formation est reacuteserveacute aux titulaires dun diplocircme de niveau doctorat donnant le droit dexercer la meacutedecine en France ou dun diplocircme de niveau master dont la speacutecialiteacute ou la mention est la psy-

chologie ou la psychanalyse Article 2 Par deacuterogation aux dispositions de larticle preacuteceacutedent les professionnels mentionneacutes au cinquiegraveme alineacutea de larticle 52 de la loi preacuteciteacutee sont dispenseacutes en tout ou partie de la formation et du stage dans les conditions

preacutevues par lannexe 1 du preacutesent deacutecret Article 3 La formation mentionneacutee agrave larticle 1er vise agrave permettre aux professionnels souhaitant user du titre de psychotheacuterapeute dacqueacuterir

et de valider des connaissances relatives 1deg Aux deacuteveloppement fonctionnement et

processus psychiques 2deg Aux critegraveres de

discernement des grandes pathologies psy-

chiatriques 3deg Aux diffeacuterentes theacuteories se

rapportant agrave la psychopathologie 4deg Aux

principales approches utiliseacutees en psycho-

theacuterapie Article 4 Le stage pratique mentionneacute agrave larticle 1er seffectue agrave temps plein ou agrave temps partiel de faccedilon continue ou par peacuteriodes fraction-

neacuteesIl est accompli dans un eacutetablissement

public ou priveacute deacutetenant lautorisation men-tionneacutee agrave larticle L 6122-1 du code de la santeacute publique ou agrave larticle L 313-1-1 du code de laction sociale et des familles Toutefois le site du stage ne peut ecirctre le

lieu de travail de la personne en formationLe stage est placeacute sous la responsabiliteacute conjointe dun membre de leacutequipe de for-mation dun eacutetablissement agreacuteeacute en appli-

cation des articles 10 et 15 et dun profes-sionnel de leacutetablissement mentionneacute au

deuxiegraveme alineacutea maicirctre de stageIl donne

lieu agrave un rapport sur lexpeacuterience profes-sionnelle acquise soutenu devant les res-ponsables du stage et un responsable de la

formation de leacutetablissement agreacuteeacuteLe

stage est valideacute par le responsable de la

formation Article 5 Le contenu de la formation theacuteorique et pra-tique mentionneacutee agrave larticle 1er les critegraveres et modaliteacutes de son eacutevaluation ainsi que les objectifs du stage sont deacutefinis par un cahier des charges pris par arrecircteacute conjoint des mi-nistres chargeacutes de la santeacute et de lenseigne-ment supeacuterieur et publieacute au Journal officiel

de la Reacutepublique franccedilaise Article 6 Leacutetablissement de formation sassure au moment de linscription que le candidat jus-tifie de lun des diplocircmes ou titres de forma-tion mentionneacutes au quatriegraveme alineacutea de lar-ticle 52 de la loi du 9 aoucirct 2004 ou dun di-plocircme ou titre de formation reconnu eacutequiva-lent dans un autre Etat membre de lUnion europeacuteenne ou un autre Etat partie agrave lac-

cord sur lEspace eacuteconomique europeacuteen CHAPITRE II LE REGISTRE NATIONAL DES

PSYCHOTHERAPEUTES Article 7 ― Linscription sur la liste deacutepartementale

mentionneacutee au deuxiegraveme alineacutea de larticle 52 de la loi du 9 aoucirct 2004 est effectueacutee par le preacutefet du deacutepar-tement de la reacutesidence profession-

nelle principale du demandeurElle

est gratuite Elle doit avoir eacuteteacute effec-tueacutee avant toute utilisation du titre de

psychotheacuterapeuteDans le cas ougrave le

professionnel exerce dans plusieurs sites en tant que psychotheacuterapeute il est tenu de le deacuteclarer et de mention-ner les diffeacuterentes adresses de ses

lieux dexerciceEn cas de change-

ment de situation professionnelle le professionnel en informe les services

du preacutefet - La demande est adresseacutee au directeur geacute-

neacuteral de lagence reacutegionale de santeacute

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dans le ressort duquel se situe la reacute-sidence professionnelle du deman-deur Celui-ci deacutelivre un accuseacute de reacuteception dans les conditions fixeacutees par le deacutecret du 6 juin 2001 susviseacute apregraves reacuteception de lensemble des piegraveces justificatives mentionneacutees agrave larticle 8 et assure linstruction pour le compte du preacutefet Il fait connaicirctre agrave ce dernier son avis sur la demande dinscription dans le deacutelai de 45

joursLe silence gardeacute par lautoriteacute

preacutefectorale agrave lexpiration dun deacutelai de deux mois agrave compter de la reacutecep-tion du dossier complet vaut deacutecision

de rejet de la demande - Lensemble des listes deacutepartementales

constitue le registre national des psy-

chotheacuterapeutes Article 8 I ― En vue de leur inscription sur la liste deacutepartementale les professionnels fournis-

sent 1deg La copie dune piegravece didentiteacute 2deg Lattestation de lobtention du titre de for-mation mentionneacute agrave larticle L 4131-1 du code de la santeacute publique ou du diplocircme de

niveau master mentionneacute agrave larticle 6 3deg

Lattestation de la formation en psychopa-thologie clinique mentionneacutee agrave larticle 1er agrave lexception des professionnels beacuteneacuteficiant

dune dispense totale 4deg Le cas eacutecheacuteant

lattestation denregistrement pour les pro-fessions et titres reacuteglementeacutes par le code de la santeacute publique et le code de laction

sociale et des familles II - Les professionnels appartenant agrave lune des trois cateacutegories mentionneacutees au cin-quiegraveme alineacutea de larticle 52 de la loi du 9 aoucirct 2004 susviseacutee fournissent en outre se-

lon les cas 1deg Soit lattestation de lobten-

tion du titre de formation de speacutecialiste en

psychiatrie 2deg Soit lattestation de lobten-

tion de lun des diplocircmes mentionneacutes au deacutecret du 22 mars 1990 susviseacute permettant de faire usage professionnel du titre de psy-chologue ou lautorisation obtenue en appli-cation des alineacuteas II et III de larticle 44 de

la loi du 25 juillet 1985 susviseacutee 3deg Soit

lattestation de lenregistrement reacutegulier dans un annuaire dassociation de psycha-

nalystesCette attestation est eacutetablie par le

preacutesident de lassociation Elle est accom-pagneacutee dune copie de linsertion la plus reacute-cente au Journal officiel de la Reacutepublique franccedilaise concernant lassociation et men-

tionnant son objetIII - Les modaliteacutes de

preacutesentation de la demande dinscription et notamment la composition du dossier ac-compagnant la demande sont fixeacutees par arrecircteacute du ministre chargeacute de la santeacute publieacute au Journal officiel de la Reacutepublique fran-

ccedilaise Article 9 La liste deacutepartementale mentionne pour

chaque professionnel 1deg Son identiteacute 2deg

Son lieu dexercice principal et sil y a lieu

ses lieux dexercice secondaires 3deg Le cas

eacutecheacuteant la mention et la date dobtention des diplocircmes relatifs aux professions de santeacute mentionneacutees dans la quatriegraveme partie du code de la santeacute publique ou agrave la profes-sion de psychologue la date de lautorisa-tion obtenue en application des alineacuteas II et III de larticle 44 de la loi du 25 juillet 1985 susviseacutee ou le nom de lassociation de psy-chanalystes dans lannuaire de laquelle le professionnel est reacuteguliegraverement enregistreacute

4deg Le nom de leacutetablissement de formation

ayant deacutelivreacute lattestation de formation en psychopathologie clinique ainsi que la date

de deacutelivrance de cette attestationCe docu-

ment preacutesente la liste des inscrits selon leur

profession dorigineCette liste est tenue

gratuitement agrave la disposition du public Elle est publieacutee chaque anneacutee au recueil des

actes administratifs de la preacutefecture

CHAPITRE III AGREMENT DES ETABLISSE-

MENTS DE FORMATION Article 10 ― Les eacutetablissements autoriseacutes agrave deacutelivrer

la formation preacutevue agrave larticle 1er sont agreacuteeacutes pour quatre ans par les ministres chargeacutes de la santeacute et de lenseignement supeacuterieur apregraves avis dune commission reacutegionale dagreacute-

ment - La commission reacutegionale dagreacutement est

composeacutee de six personnaliteacutes quali-fieacutees titulaires et de six personnaliteacutes

qualifieacutees suppleacuteantesCes person-

naliteacutes sont nommeacutees pour trois ans

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Quels changements pour le meacutetier de psychologue

par le directeur geacuteneacuteral de lagence reacutegionale de santeacute qui les choisit en raison de leurs compeacutetences dans les domaines de la formation et de leur expeacuterience professionnelle dans le champ de la psychiatrie de la psy-chanalyse ou de la psychopathologie clinique sans quaucune des trois cateacutegories de professionnels men-tionneacutees au cinquiegraveme alineacutea de lar-ticle 52 de la loi du 9 aoucirct 2004 sus-viseacutee ne soit majoritaire au sein de la

commissionParmi ces personnali-

teacutes siegravegent deux professeurs des universiteacutes speacutecialiseacutes en psychia-

trie psychologie ou psychanalyseLe directeur geacuteneacuteral de lagence reacute-gionale de santeacute deacutesigne le preacutesident

de la commissionLe mandat des

membres de la commission est re-

nouvelable une fois Article 11 Lavis motiveacute de la commission est rendu

au regard des eacuteleacutements suivants 1deg La

conformiteacute du contenu de la formation pro-poseacutee aux conditions poseacutees aux articles

1er 2 3 4 et 5 du preacutesent deacutecret 2deg La

conformiteacute des conditions et modaliteacutes de validation de la formation theacuteorique et pra-tique preacutevues par leacutetablissement au regard des dispositions preacutevues par larrecircteacute men-

tionneacute agrave larticle 5 du preacutesent deacutecret 3deg

Lengagement de leacutetablissement dans une deacutemarche deacutevaluation de la qualiteacute de la formation dispenseacutee Il fait lobjet dun dos-sier indiquant la structure publique ou pri-veacutee de son choix agrave laquelle sera confieacutee leacutevaluation en cause ainsi que le processus deacutevaluation retenu Ce dossier preacutecise en outre le statut de leacutevaluation la meacutethode utiliseacutee les indicateurs retenus et les diffeacute-rentes phases de leacutevaluation lidentiteacute et la qualification des eacutevaluateurs ainsi que le

calendrier preacutevisionnel de leacutevaluation 4deg

La qualiteacute de leacutequipe peacutedagogique respon-sable qui est composeacutee notamment densei-gnants permanents de professionnels de santeacute ainsi que de personnes autoriseacutees agrave porter le titre de psychotheacuterapeute Cette eacutequipe est placeacutee sous lautoriteacute dun con-seil scientifique comprenant notamment un

titulaire dun titre de formation mentionneacute agrave larticle L 4131-1 du code de la santeacute pu-

blique 5deg Ladeacutequation des moyens peacuteda-

gogiques par rapport au projet peacutedagogique et agrave leffectif des eacutelegraveves dans les diffeacuterentes

anneacutees de formation 6deg La conformiteacute des

locaux en matiegravere de seacutecuriteacute et daccessi-biliteacute ainsi que leur adeacutequation par rapport au projet peacutedagogique et agrave leffectif des eacutelegraveves dans les diffeacuterentes anneacutees de for-

mationLes eacutetablissements denseigne-

ment priveacutes doivent en outre satisfaire aux prescriptions des articles L 731-1 agrave L 731-

17 du code de leacuteducation Article 12 La personne physique ou morale juridique-ment responsable dun eacutetablissement de formation deacutesirant assurer la formation mentionneacutee agrave larticle 1er eacutetablit un dossier

de demande dagreacutementCe dossier est

adresseacute au plus tard six mois avant la date de louverture de la formation au directeur geacuteneacuteral de lagence reacutegionale de santeacute dans le ressort duquel leacutetablissement a son

siegravege socialCelui-ci en accuse reacuteception

dans les conditions fixeacutees par le deacutecret du 6

juin 2001 susviseacuteLa composition de ce

dossier est fixeacutee par arrecircteacute conjoint des mi-nistres chargeacutes de la santeacute et de lenseigne-ment supeacuterieur Il comporte notamment les statuts de leacutetablissement de formation et sa capaciteacute daccueil la description des forma-tions deacutelivreacutees la description des locaux et des moyens peacutedagogiques Il preacutecise sagissant de la formation en psychopatho-logie clinique le contenu de la formation theacuteorique et pratique deacutelivreacutee le descriptif du corps enseignant (effectifs qualiteacute quali-fication) la nature des activiteacutes et de la par-ticipation agrave la recherche de leacutequipe respon-

sable de la formation Article 13 Tout dossier deacuteposeacute est transmis par le di-recteur geacuteneacuteral de lagence reacutegionale de santeacute au secreacutetariat de la commission dans un deacutelai dun mois agrave compter de laccuseacute de

reacuteception de la demande initialeLa com-

mission se reacuteunit sur convocation de son preacutesident et dans les conditions fixeacutees par le deacutecret du 8 juin 2006 susviseacute Elle rend son avis dans le deacutelai de deux mois agrave

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Quels changements pour le meacutetier de psychologue

compter de sa saisineLe repreacutesentant de

leacutetablissement de formation est entendu par la commission reacutegionale sil en formule le souhait au moment du deacutepocirct de la candi-

dature ou agrave la demande de la commissionLavis est notifieacute agrave leacutetablissement qui a in-

troduit la demande Article 14 En cas davis neacutegatif et dans un deacutelai dun mois suivant sa notification le repreacutesentant de leacutetablissement de formation peut de-mander au directeur geacuteneacuteral de lagence reacutegionale de santeacute de convoquer une nou-

velle reacuteunion de la commissionCelle-ci

siegravege dans une formation eacutelargie agrave len-semble de ses membres titulaires et sup-

pleacuteantsSon avis se substitue au premier

avis rendu Article 15 La deacutecision dagreacutement intervient au plus tard six mois apregraves le deacutepocirct de la demande initiale En cas de recours dans les condi-tions preacutevues agrave larticle 14 ce deacutelai est pro-

longeacute de deux moisLe silence de ladmi-

nistration agrave lexpiration de ce deacutelai vaut deacute-

cision de rejetLa suspension ou le retrait

de lagreacutement sont prononceacutes par deacutecision motiveacutee des ministres chargeacutes de la santeacute et de lenseignement supeacuterieur apregraves que leacutetablissement a eacuteteacute mis agrave mecircme de preacute-senter ses observations lorsque le contenu ou les modaliteacutes dorganisation de la forma-tion cessent decirctre conformes aux condi-tions preacutevues agrave larticle 11 du preacutesent deacute-

cret CHAPITRE IV DISPOSITIONS TRANSI-

TOIRES Article 16

I ― Les professionnels justifiant dau moins cinq ans de pratique de la psychotheacutera-pie agrave la date de publication du preacutesent deacutecret peuvent ecirctre inscrits sur la liste deacutepartementale mentionneacutee agrave larticle 7 alors mecircme quils ne remplissent pas les conditions de formation et de diplocircme preacutevues aux articles 1er et 6 du preacutesent deacutecret Cette deacuterogation est accordeacutee par le preacutefet du deacutepartement de la reacutesi-dence professionnelle du demandeur apregraves avis de la commission reacutegionale dinscription Le professionnel preacutesente

cette autorisation lors de sa demande dinscription sur la liste deacutepartementale

des psychotheacuterapeutes II - La commission mentionneacutee au I est preacutesi-

deacutee par le directeur geacuteneacuteral de lagence reacutegionale de santeacute ou par la personne quil a reacuteguliegraverement deacutesigneacutee pour le repreacutesenter Elle comprend six person-naliteacutes qualifieacutees titulaires et six person-naliteacutes suppleacuteantes appartenant agrave lune des trois cateacutegories mentionneacutees au cin-quiegraveme alineacutea de larticle 52 de la loi du 9 aoucirct 2004 susviseacutee et nommeacutees par le directeur geacuteneacuteral de lagence reacutegio-nale de santeacute qui les choisit en raison de leurs compeacutetences dans les domaines de la formation et de leur expeacuterience professionnelle dans le champ de la psychiatrie de la psychanalyse ou de la psychopathologie clinique sans quau-cune de ces trois cateacutegories de profes-sionnels ne soit majoritaire au sein de la commission Ses membres sont nom-meacutes pour une dureacutee de trois ans renou-

velable une foisLa commission se reacuteu-

nit dans les conditions fixeacutees par le deacute-

cret du 8 juin 2006 susviseacuteLes frais de

deacuteplacement et de seacutejour de ses membres sont pris en charge dans les conditions preacutevues par la reacuteglementation

applicable aux fonctionnaires de lEtatLa commission sassure que les forma-tions preacuteceacutedemment valideacutees par le pro-fessionnel et son expeacuterience profession-nelle peuvent ecirctre admises en eacutequiva-lence de la formation minimale preacutevue agrave larticle 1er et le cas eacutecheacuteant du di-plocircme preacutevu agrave larticle 6 Elle deacutefinit si neacutecessaire la nature et la dureacutee de la formation compleacutementaire neacutecessaire agrave linscription sur le registre des psycho-

theacuterapeutesLe professionnel est en-

tendu par la commission sil en formule le souhait au moment du deacutepocirct de son dossier ou agrave la demande de la commis-

sion Article 17 Les professionnels qui souhaitent obtenir une autorisation dinscription sur le registre des psychotheacuterapeutes en application de larticle 16 preacutesentent dans le deacutelai dun an

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Quels changements pour le meacutetier de psychologue

agrave compter de la publication du preacutesent deacute-cret un dossier en ce sens dans les condi-

tions preacutevues agrave larticle 7Cette demande

est accompagneacutee des piegraveces justificatives notamment administratives attestant de

lexercice de la psychotheacuterapieA la reacutecep-

tion du dossier complet il est deacutelivreacute agrave linteacuteresseacute un accuseacute de reacuteception deacutelivreacute dans les conditions fixeacutees par le deacutecret du 6 juin 2001 susviseacute Celui-ci permet au pro-fessionnel qui utilisait preacuteceacutedemment le titre de psychotheacuterapeute de continuer agrave lutiliser

jusquagrave lintervention de la deacutecisionLe si-

lence gardeacute pendant plus de six mois sur une demande preacutesenteacutee au titre du I de lar-ticle 16 vaut deacutecision de rejet Dans les cas ougrave en application de ces dispositions il est demandeacute au candidat de justifier dune for-mation compleacutementaire celle-ci doit ecirctre effectueacutee avant le 1er janvier 2014 Si cette exigence nest pas remplie le preacutefet retire le professionnel des inscrits sur la liste deacute-

partementale des psychotheacuterapeutes Article 18 Les dispositions du preacutesent deacutecret entrent

en vigueur agrave compter du 1er juillet 2010Pour lapplication du preacutesent deacutecret agrave Saint-Pierre-et-Miquelon les compeacutetences deacutevo-lues au directeur geacuteneacuteral de lagence reacutegio-nale de santeacute par le preacutesent deacutecret sont exerceacutees par les services chargeacutes de lad-

ministration territoriale de la santeacute Article 19 Le ministre de linteacuterieur de loutre-mer et des collectiviteacutes territoriales la ministre de lenseignement supeacuterieur et de la re-cherche la ministre de la santeacute et des sports et la ministre aupregraves du ministre de linteacuterieur de loutre-mer et des collectiviteacutes territoriales chargeacutee de loutre-mer sont chargeacutes chacun en ce qui le concerne de lexeacutecution du preacutesent deacutecret qui sera pu-blieacute au Journal officiel de la Reacutepublique franccedilaise

ANNEXE NOMBRES DHEURES DE FORMATION

EN PSYCHOPATHOLOGIE CLINIQUEEXIGEacuteES DES CANDIDATS AU TITRE DE

PSYCHOTHEacuteRAPEUTE

THEgraveME de formation

PSYCHIATRES Dispense totale

MEacuteDECINS non psychiatres

PSYCHOLOGUES cliniciens

PSYCHOLOGUES non cliniciens

PSYCHANALYSTES Reacuteguliegraverement enre-gistreacutes dans leur annuaires

PROFESSIONNELS nappartenant agrave aucune des cateacutego-ries preacuteceacutedentes

Deacuteveloppement fonctionnement et processus psychiques

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Critegraveres de discernement des grandes pathologies psychiatriques

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Theacuteories se rapportant agrave la psychopatholo-gie

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Principale ap-proches utili-seacutees en psycho-theacuterapie

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Stage

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2 mois

5 mois

2 mois

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PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 43

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

Psychotheacuterapeute agrave quel titre

Patrice Nomineacute CSAPA Espace Murger - Service de Psychiatrie

Adulte du Pr Jean Pierre Leacutepine Hocircpital Fernand Widal

L a preacuteoccupation des pouvoirs publics de

reacuteglementer la pratique officielle de la

psychotheacuterapie provoque des turbu-

lences dans le petit monde des psychologues

qui se targuent drsquoen effectuer sous les formes

les plus diverses et qui se voient sommeacutes de

faire la preuve de leur formation dans ce do-

maine agrave deacutefaut de faire de mecircme en ce qui

concerne leur compeacutetence ce qui par ailleurs

nrsquoest guegravere deacutemontrable

Chacun drsquoentre eux peut bien entendu invoquer

son expeacuterience ineffable ou le prestige accordeacute

agrave sa theacuteorie de reacutefeacuterence pour estimer leacutegitime

de srsquoaffranchir drsquoune telle justification tout en

ne perdant pas de vue qursquoun statut estampilleacute

par lrsquoautoriteacute administrative peut garantir la

poursuite sereine de telles activiteacutes Pour les

plus eacuteclectiques le choix drsquoune eacutecole certifiante

ressemblera agrave un mariage de raison

Crsquoest donc au prix drsquoune soumission agrave lrsquoautoriteacute

que lrsquoexercice drsquoune telle liberteacute peut espeacuterer

se perpeacutetuer Crsquoest lagrave lrsquoune des formes de la

reacutesignation peu glorieuse certes agrave laquelle on

pourrait preacutefeacuterer le discernement formulation

bien plus acceptable au regard de lrsquoestime de

soi Crsquoest ce dont semblent avoir manqueacute celui

ou celle ou ceux qui ont cru bon drsquoaller couiner

dans une oreille des plus compatissantes que

la pratique de la psychotheacuterapie devait ecirctre reacute-

serveacutee agrave des professionnels persuadeacutes de sa-

voir y faire et capables de preacutesenter des ga-

ranties plutocirct qursquoagrave des gougnafiers mecircme pas

fichus drsquoexhiber la moindre preuve convain-

cante de la leacutegitimiteacute de leurs preacutetentions Ce

qui est drsquoailleurs la reacutealiteacute Mais comment

srsquoeacutetonner drsquoune telle beacutevue si lrsquoon srsquoen rap-

porte agrave la ceacutelegravebre Loi de Murphy qui eacutenonce

que sil y a plusieurs faccedilons de faire quelque

chose et que lune delles peut aboutir agrave une

catastrophe alors quelquun la choisira

Les mecircmes qui reacuteclamaient la mise en place

drsquoune reacuteglementation officielle reacuteservant le titre

de psychotheacuterapeute agrave des professionnels de

qualiteacute ducircment formeacutes agrave cet effet sont parmi

les premiers agrave protester contre les formes don-

neacutees agrave cette derniegravere par une souveraineteacute deacute-

ficitaire dont lrsquoexercice autoritaire nous rappelle

que nous sommes destineacutes agrave nous faire ap-

prendre ce que lrsquoon sait deacutejagrave par des gens qui

nrsquoy connaissent rien Agrave lrsquoheure de la prolifeacutera-

tion des reacutefeacuterentiels et des protocoles reacuteclamer

encore un peu plus de controcircles et de veacuterifica-

tions suspicieuses ne peut que servir de via-

tique aux frileux de la subjectiviteacute qui sont

friands de contraintes rassurantes Et on ne

srsquoeacutetonnera pas de les voir se formaliser drsquoen

avoir appeleacute agrave Raminagrobis comme dans la

ceacutelegravebre fable de Jean de La Fontaine Le

chat la belette et le petit lapin

Crsquoeacutetait un chat vivant comme un deacutevot ermite

Un chat faisant la chattemite

Un saint homme de chat bien fourreacute gros et

gras

Arbitre expert sur tous les cas

Et de voir se faire croquer tout uniment secta-

teurs et protestataires tout marris drsquoavoir con-

senti agrave lrsquoincompeacutetence et la condescendance

de deacutecideurs comme on dit le sort de leurs

activiteacutes Drsquoougrave la singularisation des heacutesitants

ameacutenagements survenus qui vident du proceacute-

deacute la geacuteneacuteralisation qursquoil visait au profit de re-

connaissances professionnelles plus contrai-

gnantes encore par la judiciarisation des liber-

teacutes du mecircme tonneau Et ce qui ne peut agrave lrsquoeacutevi-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 44

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

dence valoir pour tous nrsquoa que peu de chances

de valoir davantage pour chacun Ce seraient

donc des organisations professionnelles qui se

verraient deacutecerner des preacuterogatives pour les

beacuteneacuteficiaires qui auront eu la bonne ideacutee de srsquoy

glisser Cela veacuterifie tout agrave la fois la meacuteta-loi de

Cooper qui eacutenonce qursquoune prolifeacuteration de

nouvelles lois creacutee une prolifeacuteration de nou-

veaux vides juridiques et ce bon vieux pro-

verbe qui dit que le clou qui deacutepasse attire le

marteau

On savait deacutenombrer quelques centaines de

types de psychotheacuterapies pleacutethore drsquoautant

plus deacuterisoire que cette recension ne concerne

le plus souvent que des techniques psychotheacute-

rapiques certes impliqueacutees dans des disposi-

tifs agrave viseacutee theacuterapeutique mais certainement

incapables de deacutefinir la psychotheacuterapie car

comment eacutetablir un modegravele de lrsquoindeacutefinissable

Pour autant il sera difficile de deacutemontrer que la

formation certifieacutee agrave une technique psychotheacute-

rapique est assimilable agrave la performance de sa

mise en oeuvre Car qursquoen est-il vraiment dans

la reacutealiteacute de ces audacieuses pratiques Srsquoagit

-il drsquoune illusion entretenue par les theacuterapeutes

sur lrsquointeacuterecirct de leurs manœuvres Les patients

qui srsquoy exposent ne font-ils que changer de re-

gistre de repreacutesentations ou accegravedent-ils reacuteelle-

ment agrave une autre dimension de leur ecirctre Et

comment srsquoaccommodent-ils des aventures

parfois interminables dans lesquelles de telles

situations les plongent

Ces derniers qui se sont aperccedilus que le destin

commenccedilait agrave leur masser les eacutepaules srsquoils

nrsquoacceptent la perspective du changement que

par neacutecessiteacute et la neacutecessiteacute que parce que

leur sentiment drsquoexistence se trouve en deacutelica-

tesse se trouvent le plus souvent agrave la re-

cherche drsquoun sentiment perdu celui de la com-

pleacutetude Et ce sont eux qui deacutecident finalement

si leur rencontre avec un ou une psychologue

doit prendre cette tournure apregraves avoir eacutepuiseacute

tout ce qui leur avait jusque-lagrave permis drsquoy

eacutechapper Ils nrsquoont plus confiance dans la reacuteali-

teacute qui nrsquoest elle-mecircme apregraves tout qursquoun pres-

sentiment collectif Crsquoest que le patient qui se

reacutesout agrave consulter fait la preuve qursquoil a reacuteussi agrave

surmonter sa honte de devoir neacutecessiter une

telle deacutemarche ce qui deacutemontre lrsquoexistence de

la premiegravere ressource personnelle qui lui ap-

partient Si le patient neacuteglige ce qui le pousse agrave

changer alors le changement lui-mecircme est neacute-

gligeacute Il doit rencontrer une attitude telle qursquoil en

ressentira de la consideacuteration premiegravere res-

source theacuterapeutique en retour agrave la disposition

du psychotheacuterapeute

Et puis on voit tous les jours des patients aller

mieux en deacutepit de nos subtiles interventions

peut-ecirctre gracircce aux perfectibiliteacutes de celles-ci

Le patient met son talent agrave notre service mais

pour le bon deacuteroulement des choses il doit ecirctre

eacuteclaireacute sur ses responsabiliteacutes Prisonnier des

circonstances ce qui le rend malheureux le

patient soucieux de participer agrave son eacutemancipa-

tion doit inciter son ou sa psychotheacuterapeute

par des questions simples et bienveillantes agrave

reformuler ce qursquoil comprend de la situation et agrave

exprimer son ressenti Il est essentiel que le

theacuterapeute se sente eacutecouteacute informeacute et respec-

teacute Il ne doit pas craindre de lrsquoimportuner

puisque de toute faccedilon ce sera le cas En preacute-

servant la liberteacute de penseacutee de ce dernier et en

veillant agrave le faire participer aux orientations de

la theacuterapie le patient doit mettre une grande

conviction agrave le convaincre qursquoil est la personne

concerneacutee en premier lieu par le choix de celle-

ci avec la capaciteacute de reacutefleacutechir et de prendre

les deacutecisions qui le concernent agrave partir des in-

formations qursquoil partage avec lui Le patient de-

vra eacutegalement precircter attention aux signes de

conduites addictives ou aux troubles obses-

sionnels compulsifs du psychotheacuterapeute Un

signe drsquoappel agrave connaicirctre est la position con-

descendante ou le silence obstineacute ou encore

la somnolence difficilement dissimuleacutee qui sont

sans rapport avec les attentes drsquoeacutecoute et de

compreacutehension que le patient tente drsquoexprimer

Le patient doit savoir que la preacutevalence du sui-

cide de la deacutepression du syndrome deacutecision-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 45

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

nel de lrsquoalcoolisme et de la toxicomanie est

bien supeacuterieure chez les psychotheacuterapeutes agrave

celle de la population geacuteneacuterale Il srsquoefforcera

donc de lui faciliter la vie par de petites atten-

tions ou remarques gratifiantes afin de ne pas

alimenter les fameux dysfonctionnements dont

les protocoles theacuterapeutiques se sont enticheacutes

Enfin les interlocuteurs ne devront jamais

perdre de vue que lrsquoon nrsquoest jamais autant deacuteccedilu

que par les illusions que lrsquoon perd Bref pour le

privilegravege drsquoune synergie additive de bon aloi le

patient et son psy doivent parvenir agrave se persua-

der que leur liberteacute de manoeuvre consiste agrave

faire tout ce que permet la longueur de la

chaicircne qui les assujettit Et la principale recom-

mandation exigeacutee pour les deux acteurs de ces

proceacutedeacutes interactifs tant pour le patient que

pour son psy semble devoir se fonder sur une

robuste et saine suspicion mutuelle La reacutecipro-

citeacute est la clef de tous les rapports humains

Si lrsquoon veut bien eacutecarter un instant les passion-

nantes preacutesentations de cas superbement rap-

porteacutes par leurs auteurs et dont les colloques

sont friands ougrave tout est eacutelucideacute et dans les-

quelles tout semble srsquoexpliquer facilement ougrave

la posture adopteacutee par le ou la psychotheacutera-

peute srsquoest trouveacutee bien venue ougrave ses inter-

preacutetations se sont reacuteveacuteleacutees pertinentes et ses

interventions judicieuses qui auront abouti agrave

un reacutesultat suffisamment satisfaisant pour ecirctre

exposeacute on srsquoautorisera agrave penser que ces preacute-

sentations sont sans doute davantage drsquoineacutevi-

tables reconstructions que la traduction fidegravele

du deacuteroulement des eacuteveacutenements de lrsquoordre de

lrsquoimplacable authenticiteacute dont se montre ca-

pable une cameacutera de surveillance de distribu-

teur de billets de banque Apregraves tout si le men-

songe est le secret de la vie amoureuse crsquoest

aussi le ciment de la vie sociale La subjectiviteacute

srsquoinsinue partout peut-ecirctre plus encore dans

les souvenirs que dans les activiteacutes de percep-

tion Un souvenir est un mensonge qui dit tou-

jours la veacuteriteacute a eacutecrit Jean Cocteau recons-

truction conjecturale mais sincegravere expression

dans lrsquoinstant de sa remeacutemoration puisque tout

peut ecirctre exact sans que rien ne soit vrai En

theacuteorie tout srsquoexplique en pratique tout se

complique Ce nrsquoest pourtant pas une raison

pour faire les gros yeux aux garnements de la

psychotheacuterapie Qui srsquointeacuteresserait agrave la pein-

ture dans le seul but de devenir trafiquant

drsquoœuvres drsquoart

Or ce que redoute la theacuterapeutique crsquoest lrsquoer-

reur la faute restant beaucoup plus inconce-

vable qursquoelle est exceptionnelle et lrsquoeacutechec trop

reacutecurrent tandis que ce queacutevite la circonspec-

tion mdash en ne versant daucuns cocircteacutes mdash crsquoest la

partialiteacute Crsquoest donc vrai quelle apparaicirct ordi-

naire commune qursquoelle ne se dissipe pas

comme le fait le theacuteorique dans ses cabrioles

et si elle ne fait pas toujours la preuve drsquoune

grande inventiviteacute elle nrsquoest pas hanteacutee par

lrsquoexigence de la coheacuterence ce spectre des pe-

tits esprits Elle ne cherche pas non plus agrave sus-

citer la contradiction ni ne vise agrave se singulari-

ser en prenant une position mais elle aspire agrave

conserver lrsquoesprit ouvert agrave tous les possibles

quitte agrave cultiver le paradoxe Crsquoest sans doute

pour cette raison que quand lrsquoadresse agrave un pa-

tient se reacutevegravele theacuterapeutique ce nrsquoest pas une

surprise totale crsquoest le plus souvent lrsquoaboutis-

sement drsquoune deacutemarche heuristique Ceux qui

srsquoembarrassent dans un diagnostic ce qursquoils

srsquoimaginent indispensable avant toute entre-

prise et auquel ils finissent par croire et ce fai-

sant faire croire implicitement au patient qursquoil

srsquoapplique agrave lui mecircme quand ils ne cegravedent pas

agrave la tentation de lui en faire la reacuteveacutelation peu-

vent finir par srsquoenfermer dans une illusion com-

mune Une telle disposition est assimilable

dans son essence au preacutesupposeacute On voit la

difficulteacute apparaicirctre dans les efforts drsquoy faire

piegravece et que cela ne preacutesage rien de bon

Pourtant on a bien souvent vu la situation theacute-

rapeutique eacutevoluer favorablement en deacutepit de

ces preacutemisses douteuses Qursquoen penser Si

lrsquoon considegravere que la tacircche fondamentale du

psychotheacuterapeute est bien de reacutesoudre des

problegravemes de maniegravere efficace et dynamique

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 46

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

si lrsquoon peut srsquoeacutecarter un tant soit peu des con-

ceptions traditionnelles des problegravemes psycho-

pathologiques mettre en doute lrsquoexistence de

deacuteficits agrave reacuteparer ou agrave compenser chez le pa-

tient srsquoautoriser agrave penser que la reacutesistance au

changement de ce dernier nrsquoa rien agrave voir avec

la rentabiliteacute speacutecifique de symptocircmes en

terme de pouvoir interpersonnel on peut envi-

sager drsquointroduire des solutions qui ne srsquoentre-

tiennent pas elles-mecircmes et deviennent des

obstacles au changement Alors le theacuterapeute

peut se contenter drsquoamorcer un changement et

deacutecliner la neacutecessiteacute de srsquoengager agrave lrsquoaccompa-

gner jusqursquoagrave son terme Et quand les venues

du patient deviennent plus rares se souvenir

que Freud deacuteclarait que la cure est termineacutee

quand le patient ne vient plus

On connaicirct les dispositions favorables du pa-

tient agrave srsquoidentifier au profil qursquoon lui propose Et

si les patients se montrent rarement agrave la hau-

teur de ce que lrsquoon attend drsquoeux crsquoest parce

que lrsquoon attend quelque chose de leur part qui

soit agrave la hauteur de nos preacutetendues compeacute-

tences dont rappelons-nous il srsquoagit de reacutegle-

menter la mise en oeuvre Or lrsquoobjectif du theacute-

rapeute peut-il ecirctre leacutegitimement de confirmer

ses convictions Srsquoil interpregravete les causes du

mal-ecirctre de ses patients en fonction dun scheacute-

ma geacuteneacuteral et preacuteeacutetabli ne les trahit-il pas Et

serait-il bien congru de proposer des theacuterapies

en precirct-agrave-porter mecircme en demi-taille plutocirct

que faire dans le sur mesure en fonction des

ressources que le patient a lrsquoair de preacutesenter

Les deux acteurs de lrsquoaffaire risquent de rater

ce qursquoils recherchent implicitement en croyant y

gagner quelque chose le theacuterapeute la confir-

mation de ses convictions et le patient un

eacuteclaircissement de ses difficulteacutes en mecircme

temps que son adoption par une autoriteacute qui

lrsquoenteacuterine Toute clarteacute se paie drsquoun mystegravere et

comme une conscience claire est le signe

drsquoune mauvaise meacutemoire on nrsquoen saura pas

beaucoup plus les ideacutees nettes et distinctes

chegraveres agrave Reneacute Descartes nrsquoont guegravere fait la

preuve de leur eacutevidence La responsabiliteacute du

theacuterapeute srsquoeacutemaille de tant de deacuteterminants

que ce dernier est tout agrave fait capable de se ran-

ger agrave ce qursquoil croit justifieacute Mais la croyance

nrsquoest pas seulement une ideacutee que lrsquoesprit pos-

segravede crsquoest eacutegalement une ideacutee qui possegravede

lrsquoesprit Le plus grand deacuteregraveglement de lrsquoesprit

est de croire que les choses sont parce que

lrsquoon veut qursquoelles soient Les psychologues sa-

vent si bien identifier les situations qui se precircte-

ront au beacuteneacutefice de leur clairvoyance qursquoils

sont eacutegalement fortement sujets agrave lrsquoisseacutegoureacutee

facirccheuse pathologie qui deacutesigne un don parti-

culier pour toujours chercher drsquoabord dans la

mauvaise poche

Toutefois une relation de confiance une fois

installeacutee ccedila commence agrave rouler mais au fil du

temps la roue finit par prendre du jeu et les

orientations agrave srsquoinstaller dans le confort agrave srsquoen-

liser dans lrsquoanamnegravese agrave travailler obstineacutement

la reacutepeacutetition agrave se contenter de pointer des meacute-

canismes quant ccedila ne se reacuteduit pas agrave la pro-

duction de regrettables rationalisations Il srsquoagit

plutocirct de reacuteapprendre des conduites au patient

apregraves qursquoil en ait renouveleacute le choix agrave srsquoenga-

ger dans des activiteacutes qui permettent de modi-

fier substantiellement les modes de penseacutee Le

but ultime de la psychotheacuterapie nest pas seu-

lement deacuteliminer des comportements deacuteplo-

rables cest dapprendre agrave mieux geacuterer ses

propres processus mentaux agrave affronter avec

plus de reacuteussite des situations oppressantes et

agrave deacutevelopper des opeacuterations psychiques plus

performantes et une maniegravere drsquoecirctre au monde

plus eacutepanouissante une expression de la

sphegravere psychique privileacutegiant la valorisation

des aspirations individuelles qui deacutebouche sur

la preacutedilection pour lrsquoespace inteacuterieur caracteacuteri-

seacute sur lequel on pense souvent ecirctre suscep-

tible de pouvoir agir Mais comment juger ac-

ceptable que le patient se retrouve dans la po-

sition de celui qui la cleacute de son appartement agrave

la main se voit contraint drsquoactionner la son-

nette pour rentrer chez lui

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 47

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

Tout ceci pour suggeacuterer une approche zeacuteteacute-

tique des psychotheacuterapies pour autant qursquoelle

puisse ecirctre soupccedilonneacutee de participer agrave lrsquoactua-

lisation de la confusion des genres qui permet-

trait drsquoeffectuer la distinction entre drsquoune part la

psychotechnique de la theacuterapie que la revendi-

cation du titre de psychotheacuterapeute tendrait agrave

certifier au prix drsquoun reacuteductionnisme preacutejudi-

ciable agrave la pratique clinique et au meacutepris drsquoune

certaine creacuteativiteacute et la conduite drsquoun projet

psychotheacuterapique circonspect avec des tech-

niques approprieacutees et individualiseacutees jouant le

rocircle drsquoun outil directionnel

Les psychologues sont censeacutes distinguer le

subjectif de lrsquoirrationnel Il ne sagit pas dex-

clure la subjectiviteacute ni mecircme de la reacuteduire

mais de la conserver au cœur de la pratique de

la psychologie clinique Cest lagrave au cœur de la

subjectiviteacute de lindividuel que celle-ci peut

justifier sa speacutecificiteacute En revanche on ne se

preacuteoccupera pas des ayatollahs de la psycha-

nalyse au masque douloureux et au regard fil-

trant arborant un air drsquoen savoir long ni des

forceneacutes du dressage cognitif qui se deacutesolent

de ne pas voir le patient marcher mieux que

cela dans la combine Pas plus drsquoailleurs que

de tous les gardes-frontiegraveres des succegraves qui

leur eacutechappent qui sont des envieux comme

tous les censeurs Agrave Theacuterapik Park les psy-

chotheacuteraptors chassent tout autant en meute

qursquoen snipers

Il est important de tendre vers une pratique

permissive en accordant au patient la possibili-

teacute de reacutealiser que lorigine des changements se

trouve en lui comme il pense de celle des pro-

blegravemes qui sont les siens qui pourra de cette

faccedilon acqueacuterir une autonomie dans son pro-

cessus de traitement Mais lrsquoon a appris que ce

reacutesultat ne peut ecirctre obtenu que si lrsquoon accorde

au patient la possibiliteacute de tricher Cette faculteacute

le poussera rarement agrave en user mais sa virtua-

liteacute qursquoil est en mesure de srsquoapproprier facilite-

ra bien souvent la survenue des identifications

rechercheacutees par le theacuterapeute parce que le

patient en fera ainsi plus facilement son affaire

Crsquoest en quelque sorte entrer par la porte de

derriegravere dans le champ complexe de la forma-

tion du reacuteel

Cette approche zeacuteteacutetique estomperait eacutegale-

ment la suspicion de thaumaturgie qui revien-

drait au professionnel qui srsquoappuyant sur la

conviction qursquoil y a quelque chose agrave soigner

chez le patient au titre de lrsquoadheacutesion de ce der-

nier agrave la proposition drsquoune telle assertion

srsquoexempterait du titre en vertu de lrsquoautorisation

qursquoil srsquooctroierait agrave lui-mecircme de pratiquer Pen-

ser par soi-mecircme crsquoest souvent penser tout

seul ou pire penser comme tout le monde

Mieux vaut peut-ecirctre penser contre soi-mecircme

et se faire agrave soi-mecircme les objections des

autres Toutes les psychotheacuterapies ont leurs

chimegraveres apregraves lesquelles elles courent sans

jamais les attraper Mais avantageusement en

chemin elles srsquooctroient des opportuniteacutes qui

ne sont pas toutes neacutegligeables Et sans ou-

blier que quand la sinceacuteriteacute confine agrave lrsquoarbi-

traire on en vient agrave regretter lrsquohypocrisie

comme lrsquoa magistralement exprimeacute Descartes

on peut deacutecider que lrsquoon nrsquoest sucircr de rien et

que lrsquoon nrsquoest mecircme pas sucircr que lrsquoon nrsquoest sucircr

de rien cesser de consideacuterer que les pro-

blegravemes compliqueacutes neacutecessitent forceacutement des

solutions compliqueacutees Il y a aussi des psycho-

theacuterapies qui durent des anneacutees et un mauvais

esprit pourrait eacutetablir une comparaison avec les

banques qui quoiqursquoun virement par ordinateur

ne prenne qursquoune seconde aiment en faire tout

un plat afin que les fonds demeurent un mo-

ment dans leur systegraveme et leur rapportent

Comme nous vivons irreacutesistiblement dans un

monde de repreacutesentations la seacuteduction du titre

peut exciter la convoitise mdash celle-ci constituant

la plus formidable des motivations humaines mdash

de psychotheacuterapeutes en quecircte de reconnais-

sance Mais ce sont les ideacutees les plus seacutedui-

santes qui ont le plus souvent besoin de se re-

maquiller Le terme de trompe-couillon deacutesi-

gnant le maquillage en langue verte est trop

illustratif dans le domaine des psychotheacuterapies

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 48

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

pour deacutecourager complegravetement la tentation de

srsquoinsurger contre lrsquoeacuteventualiteacute de sa pertinence

Le titre de psychotheacuterapeute ressemble agrave la

queue du Mickey de notre enfance qursquoil fallait

attraper pour avoir un tour gratuit de manegravege

On peut bien courir encore longtemps apregraves

son obtention mais si lrsquoon veut finir de rouler le

peacutetard il faudra bien se reacutesoudre au bout drsquoun

moment agrave cesser de rechercher le petit bout de

shit tombeacute sur la moquette marron

Alors psychotheacuterapeute agrave quel titre quand la

proposition theacuterapeutique tiendrait tout entiegravere

en quatriegraveme de couverture Et lrsquoon peut ajou-

ter agrave notre accablement la conjoncture imagi-

naire que nous ne nous en remettrons jamais

et deacutecider que la psychotheacuterapie est devenue

un business Bien sucircr ces consideacuterations ne

srsquoappliquent pas aux psychotheacuterapeutes pour

lesquels rien nrsquoest impossible eacutequipeacutes du tout

agrave lrsquoego agrave soi qui sont si lrsquoon peut dire la protu-

beacuterance de la profession Elles ne srsquoappliquent

pas davantage agrave ces professionnels dont

lrsquoinaptitude est semblable agrave celle des jeunes

paresseux ces mammifegraveres arboricoles de la

forecirct breacutesilienne auxquels il arrive freacutequem-

ment drsquoempoigner leurs propres pattes agrave la

place des branches si bien qursquoils tombent des

arbres

Enfin lrsquoexigence de ce titre fait voir se multiplier

des instituts de formation agrave la psychotheacuterapie

neacutes de la derniegravere pluie qui ne feraient que

precirccher pour leur paroisse agrave des ouailles fasci-

neacutees par la quecircte de la qualification Il suffirait

alors de deacutetenir le titre de psychotheacuterapeute

pour le devenir tandis que ceux ou celles qui

en possegravedent la compeacutetence et qui se risquent

agrave en pratiquer verraient fragiliseacutee leur deacutetermi-

nation agrave y recourir sans lrsquoestampille de sa sa-

cralisation Crsquoest ainsi qursquoun meacutecanicien de la

relation identifieacute comme speacutecialiste du soin et

de la gestion des relations interpersonnelles

viendra disqualifier la prodigieuse diversiteacute des

fonctionnaliteacutes de la psychologie clinique agrave la-

quelle nous sommes tous attacheacutes Et lrsquoon ver-

ra des psychotheacuterapeutes nantis de bons certi-

ficats srsquoeacutevertuer dans la profession et y forger

leur reacuteussite juste pour prouver que crsquoest pos-

sible Les exigences des employeurs se mon-

treront de plus en plus impeacuteratives sur ce point

les assureurs jouant le rocircle drsquoagences de nota-

tion et lrsquoon nrsquoengagera deacutesormais que des

eacutebeacutenistes qualifieacutes comme caissiers chez Ikea

Quand le doute est leveacute il deacutebouche sur une

incertitude et le psychotheacuterapeute ballotteacute au

greacute des vagues de lrsquooceacutean du deacutesir de nou-

velles contraintes reacuteglementaires dans sa lutte

contre la deacutereacuteliction par tous les temps se

trouve embarrasseacute par le choix impossible

entre deux deacutesillusions voir que lrsquoeacutetendue du

champ de la pratique de la psychotheacuterapie se

precircte deacutesormais deacutecideacutement mal agrave son entre-

prise ou constater combien ccedila va ecirctre difficile

de lrsquoentreprendre agrave ses propres conditions

Crsquoest comme eacuteprouver le deacutesappointement de

la dame constatant que la lunette des toilettes

nrsquoest pas abaisseacutee ou la consternation du

monsieur qui deacutecouvre que la mecircme lunette ne

tient pas releveacutee Mais quitte agrave voyager sur le

Titanic pourquoi pas en premiegravere classe

La vie professionnelle nous rappelle combien le

monde peut paraicirctre singulier lorsqursquoon le re-

garde apregraves avoir fait un simple pas sur le cocircteacute

Lrsquoexercice de la psychotheacuterapie srsquoassaisonne

de pas mal drsquohumiliteacute et drsquoun peu de creacuteativiteacute

Peut-on ecirctre agrave la fois malin et intelligent Les

psychologues cliniciens pratiquent volontiers

lrsquousage des deux adverbes fondamentaux qui

eacuteveillent lrsquointelligence des enfants pourquoi

et comment Lrsquointelligence incite agrave la reacute-

flexion et la reacuteflexion conduit au scepticisme

Le scepticisme lui megravene agrave lrsquoironie Lrsquoironie

cette meacutelancolie de la luciditeacute agrave son tour se

preacutesente agrave lrsquoesprit mdash qui se trouve en apport

direct avec lrsquohumour mdash qui fait si bon meacutenage

avec la fantaisie Et la vie devient une chose

deacutelicieuse aussitocirct qursquoon deacutecide de ne plus la

prendre tout agrave fait au seacuterieux

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 49

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

Modeacuterateur Patrice Nomineacute Hocircpital Fernand Widal

gt La dimension culturelle dans leacutecoute des pa-

tients migrants africains

Jacqueline Faure Hocircpital Tenon Page 50

gt Psychologue en reacuteanimation peacutediatrique teacute-

moignage drsquoune pratique en eacutevolution

Muriel Derome Hocircpital Raymond Poincareacute Page 60

gt Seacutejour de vacances quelle place pour le psy-

chologue

Ceacuteline Le Bivic Hocircpital Eacutemile Roux Page 63

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques

transversaliteacute de nos cliniques

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 50

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

La dimension culturelle dans leacutecoute des patients migrants

africains une approche originale avec lrsquoassociation URACA

Jacqueline Faure Service des maladies infectieuses et

tropicales Centre de la dreacutepanocytose Hocircpital Tenon

Lrsquohomme universel nrsquoexiste pas il est inscrit

dans une culture dans un cadre Or ce cadre

est universel il nrsquoexiste pas drsquohomme sans cul-

ture

L rsquohocircpital Tenon est situeacute agrave lrsquoEst de Paris

bon nombre de patients migrants infec-

teacutes par le VIH y sont soigneacutes Du fait de

lrsquoexistence drsquoune materniteacute au sein de lrsquohocircpital

beaucoup de femmes migrantes apprennent

leur seacuteropositiviteacute agrave lrsquoinfection par le VIH-sida

au cours du suivi de leur grossesse La grande

majoriteacute de ces patients est originaire drsquoAfrique

de lrsquoOuest

Degraves 1993 nous avons mis en place un parte-

nariat avec lrsquoassociation URACA pour aider

les patients en difficulteacute face au diagnostic de

lrsquoinfection par le VIH-sida et aussi les soignants

rencontrant des problegravemes dans la prise en

charge de certains patients

Au deacutebut les soignants et moi-mecircme pensions

que la plupart des patients africains ne com-

prenaient rien Peu agrave peu avec lrsquoaide drsquoURA-

CA nous avons pris conscience que nous-

mecircmes ne les comprenions pas toujours ou

bien encore que nous ne savions pas nous

faire comprendre drsquoeux

Cette association daide aux Africains intervient

dans diffeacuterents domaines accueil aide juri-

dique sociale solidariteacute preacutevention informa-

tion recherche dans le domaine de la santeacute

(toxicomanie SIDA dreacutepanocytose troubles

psychiatriques) et propose aussi des consulta-

tions drsquoethnomeacutedecine

Ainsi bien souvent les difficulteacutes avec les pa-

tients drsquoorigine eacutetrangegravere sont lieacutees agrave des pro-

blegravemes de communication et de compreacutehen-

sion mutuelles dans la relation soignant-soigneacute

En comprenant lrsquoeacuteveacutenement migratoire et son

impact dans la deacutecouverte drsquoune maladie

grave en eacutetant sensibiliseacutes agrave lrsquoimportance de la

dimension culturelle dans le soin nous avons

ainsi ameacutelioreacute lrsquoaccueil et la prise en charge de

ces patients

Un systegraveme culturel est constitueacute drsquoune

langue drsquoun systegraveme de parenteacute drsquoun corpus

de techniques et de maniegraveres de faire (la pa-

rure la cuisine les arts les techniques de

soins les techniques de maternagehellip) Tous

ces eacuteleacutements eacutepars sont structureacutes de maniegravere

coheacuterente par des maniegraveres de penser les re-

preacutesentations [] Les repreacutesentations permet-

tent aux individus dun mecircme groupe dappreacute-

hender le monde selon les modaliteacutes com-

munes repreacutesentations de la mort de la con-

ception

Jemploie ce mot culture agrave contrecœur avec

la crainte decirctre mal compris Par ce terme je

ne deacutesigne pas leacutecume luxueuse dune civilisa-

tion mais lesprit tregraves particulier dun peuple

insaisissable

Cette prise en charge globale avec lrsquoassocia-

tion URACA srsquoeffectue sous 4 formes

1 le soutien communautaire

2 la meacutediation culturelle

3 la consultation dethnomeacutedecine une prise

en charge transculturelle

4 la formation mutuelle partage de savoir

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 51

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

1 LE SOUTIEN COMMUNAUTAIRE

Je me sens coupeacute en deux diviseacute une partie

de moi-mecircme nrsquoest pas ici nous dit tel patient

La deacutecision la plus terrible que jrsquoaie eu agrave pren-

dre dans ma vie crsquoest de rester ici pour me soi-

gner et ecirctre ainsi seacutepareacutee des miens raconte

cette femme dans un sanglot difficilement con-

tenu

Crsquoest tregraves dur drsquoecirctre seulehellipJe ne suis pas ha-

bitueacuteehellipici quand tu sors de ta maison per-

sonne ne se parlehellip

Le soutien communautaire drsquoURACA srsquoorga-

nise de plusieurs faccedilons

Visite hebdomadaire au chevet du patient avec

le port dun repas africain par la nourriture

par le dialogue dans la langue quand cest pos-

sible par la preacutesence de ses pairs quelque

chose du pays est ainsi recreacuteeacutee et apaise le

malade

Accueil quotidien au sein de lrsquoassociation re-

pas atelier couture atelier informatique aides

dans les deacutemarches administratives assem-

bleacutee des femmes Tout ceci dans une am-

biance comme au pays

Ces visites sont proposeacutees aux malades isoleacutes

du fait du diagnostic ou qui nrsquoont pas de famille

ici

La migration est une eacutepreuve qui provoque

chez le sujet une deacutestabilisation une fragiliteacute

lieacutees agrave diffeacuterentes pertes

perte de lrsquoenveloppe culturelle la culture struc-

ture le psychisme humain dans la migration il

nrsquoy a plus ce cadre culturel Changer drsquounivers

implique la perte brutale drsquoune langue drsquoun

systegraveme de reacutefeacuterence drsquoun systegraveme de co-

dage des perceptions des sensations et des

repreacutesentations en un mot une acculturation

[] La perte de lrsquoenveloppe culturelle va donc

provoquer des modifications de lrsquoenveloppe

psychique [hellip]

la perte de repegraveres difficulteacutes au niveau du

changement de climat de la nourriture dans

les deacuteplacements dans la ville dans les deacute-

marches administratives Difficulteacutes et mecircme

souffrance dans la perte de la langue drsquoorigine

Julia Kristeva drsquoorigine bulgare psychanalyste

et eacutecrivain dit ceci hellip il y a mort dans la perte

drsquoune langue natalehellip

la perte drsquoune certaine identiteacute ecirctre Camara

ou Toure ecirctre peul ou bambara nrsquoest pas so-

cialement reconnu le migrant devient un eacutetran-

ger un noir puis agrave lrsquohocircpital eacuteventuellement un

seacuteropositif

la perte du groupe lrsquoisolement est douloureu-

sement ressenti pour tout eacutetranger La solitude

pour un Africain crsquoest mortelhellip nous explique

Monsieur Diarra meacutediateur ethnoclinicien agrave

URACA

Autant drsquoeacuteleacutements qui favorisent un eacutetat de vul-

neacuterabiliteacute propice agrave une deacutecompensation soma-

tique ou psychologique (deacutepression) Le dia-

gnostic drsquoune maladie grave vient renforcer

cette fragiliteacute La solitude dans les chambres

individuelles de nos hocircpitaux modernes - que

nous occidentaux appreacutecions beaucoup - peut

ecirctre mal supporteacutee par le patient africain elle

est mecircme parfois anxiogegravene Un Africain nest

jamais seul Au pays sil est hospitaliseacute sa fa-

mille lentoure dort dans sa chambre

Par ces visites hebdomadaires un tissu rela-

tionnel est ainsi creacuteeacute qui peut se poursuivre agrave

la sortie Le soutien communautaire permet au

patient isoleacute dans la preacutecariteacute de retrouver ce

lien structurant du groupe qui lui faisait deacutefaut

depuis son deacutepart dAfrique Soutien qui va lrsquoai-

der agrave mieux supporter sa maladie et agrave mieux se

soigner Pour un Africain appartenir au groupe

est vital cest pourquoi la grande crainte du

malade est que son entourage soit au courant

du diagnostic et le rejette Le malade ne peut

pas ou ne veut pas partager sa souffrance

avec ses proches La honte la crainte de lex-

clusion peuvent le conduire agrave un retrait difficile

agrave supporter Pour lAfricain lisolement est in-

concevable Sa force vitale est en relation

constante avec celle des ancecirctres proches et

lointains et des membres du groupe La plus

grande calamiteacute consiste agrave en ecirctre retrancheacute et

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 52

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

reacuteduit ainsi agrave une existence deacuteficiente sans

protection voueacutee au neacuteant

Cette association communautaire nrsquoest pas

speacutecifiquement cibleacutee SIDA bien que ses

membres soient formeacutes agrave cette pathologie A

lrsquohocircpital elle apporte son aide agrave tout patient

quelle que soit sa maladie Le patient pourra

srsquoil le souhaite aborder son diagnostic et il nrsquoest

pas rare qursquoil le fasse Apaisement et soulage-

ment pour lui de constater que ce dont il

souffre ne fait pas peur Il peut retrouver con-

fiance en lui

2 LA MEacuteDIATION CULTURELLE

Le meacutediateur ethnoclinicien connaicirct bien la cul-

ture du patient originaire drsquoAfrique de lrsquoOuest et

il parle plusieurs langues (peul bambara sara-

koleacute wolof hellip) Il intervient dans diffeacuterentes

situations

Pour faciliter la communication entre le meacutede-

cin et le patient quand des explications concer-

nant la maladie le traitement nrsquoont pas eacuteteacute

comprises Il ne srsquoagit pas drsquoune simple inter-

preacutetation mais drsquoune formulation adapteacutee agrave la

personne agrave sa culture Les messages de preacute-

vention concernant la sexualiteacute par exemple

seront mieux accepteacutes et entendus si la sensi-

biliteacute du patient voire sa pudeur sont respec-

teacutees

Pour aider agrave la reacutesolution de conflits entre pa-

tient-soignant ou patient-famille ou soignant-

famille

Reacutecemment nous avons organiseacute une meacutedia-

tion culturelle pour une patiente ne parlant pas

du tout le franccedilais accompagneacutee de son fils

maicirctrisant parfaitement notre langue Le meacutede-

cin lrsquoassistante sociale le meacutediateur et moi-

mecircme eacutetions reacuteunis pour essayer de com-

prendre le conflit familial Tout eacutetranger utilise

la langue eacutetrangegravere comme un pansement

comme une sorte drsquoonguent de cregraveme sur les

anciennes blessureshellip La langue seconde ne

permet pas drsquo acceacuteder agrave son for inteacuterieur ex-

plique Julia Kristeva Ainsi le fils pouvant tout

agrave fait communiquer avec nous en franccedilais

srsquoest spontaneacutement adresseacute au meacutediateur en

bambara De toute eacutevidence sa langue natale

lui permettait drsquoecirctre au plus pregraves de la situation

douloureuse qursquoil vivait avec sa megravere

Le meacutediateur apporte des eacuteclaircissements sur

le contexte culturel sur le sens de tel conflit

familial sur la place des uns et des autres dans

telle famille (la place de lrsquooncle maternel par

exemple le systegraveme de filiation) Il aide les soi-

gnants souvent deacutestabiliseacutes par le manque de

repegraveres ou qui interpregravetent mal telle attitude

Par exemple lrsquoextension de la deacutenomination

fregravere sœur cousin megravere dans lrsquoentourage du

patient Les soignants ne savent plus qui est

qui Des doutes surgissent voire de la suspi-

cion Les soignants ont lrsquoimpression drsquoecirctre ma-

nipuleacutes ou trompeacutes

Le meacutediateur ethnoclinicien tient selon la for-

mule de T Nathan une sorte de position du

diplomate entre deux univers antagonistes

3 LA CONSULTATION DETHNOMEacuteDECINE UNE

PRISE EN CHARGE TRANSCULTURELLE

La culture permet un codage de lrsquoensemble de

lrsquoexpeacuterience veacutecue par un individu elle permet

drsquoanticiper le sens de ce qui peut survenir et

donc de maicirctriser la violence de lrsquoimpreacutevu et

par conseacutequent du non-sens

Angoisse de mort deacutecompensation psychia-

trique (ideacutees suicidaires syndrome anxio-

deacutepressif eacutetat deacutelirant) incompreacutehension ou

deacuteni du diagnostic deacutetresse psychologique

autant de reacuteactions face agrave la maladie grave qui

peuvent concerner tout patient (occidental ou

non) mais qui neacutecessitent pour certains pa-

tients migrants une approche tenant compte du

contexte de la migration et des speacutecificiteacutes cul-

turelles

Cette maladie je sais drsquoougrave ccedila vient mon pegravere

mrsquoa donneacutee en sorcellerie nous dit cette pa-

tiente qui ne prend pas ses meacutedicaments et

dont lrsquoeacutetat srsquoaggrave

Je suis travailleacute je le sens crsquoest les parents

de ma femme qui nrsquoont jamais accepteacute notre

mariage crsquoest eux qui font des choses sur

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 53

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

moihellip

Ou bien encore ce patient en phase asympto-

matique de lrsquoinfection par le VIH-sida qui ex-

plique Je ne suis pas malade la preuve le

meacutedecin ne me donne pas de traitement

Ainsi dans certains cas le patient en difficulteacute

en souffrance peut refuser de se soigner au

prix drsquoune aggravation de son eacutetat se santeacute De

plus les messages de preacutevention ne sont pas

entendus et les risques de propagation du virus

sont accrus

Cette consultation qui srsquoinspire de lrsquoethnopsy-

chiatrie reacuteunit autour du patient (accompagneacute

ou non de membres de sa famille ou de

proches)

- leacutequipe de lassociation URACA le Dr Mous-

sa Maman meacutedecin et theacuterapeute traditionnel

qui dirige les entretiens le meacutediateur ethnocli-

nicien la psychologue Pendant 10 ans cette

eacutequipe a eacuteteacute compleacuteteacutee par la preacutesence des

tradipraticiens africains gueacuterisseurs tradition-

nels du Nord Beacutenin qui sont venus une fois par

an pour une dureacutee de deux mois (cette action

originale a pu se mettre en place gracircce agrave des

creacutedits le Sidaction par exemple qui nrsquoexistent

plus aujourdrsquohui)

- leacutequipe soignante le meacutedecin reacutefeacuterent les

infirmiegraveres la psychologue linterne les ex-

ternes lassistante sociale sage-femme kineacute-

sitheacuterapeutehellip Les soignants ont ainsi accegraves

en situation clinique agrave lunivers culturel du pa-

tient

Le recours aux pratiques traditionnelles est tregraves

freacutequent en Afrique Les systegravemes traditionnels

de soin relegravevent drsquo une logique complexe

drsquoune rationaliteacute profonde (T Nathan) avec

une capaciteacute agrave srsquoadapter aux nouvelles situa-

tions aux nouvelles maladies Cette deacute-

marche ne remet pas en cause la confiance

envers notre meacutedecine moderne La theacuterapie

traditionnelle apporte des protections fonda-

mentales (T Nathan)

Tregraves souvent en Afrique les theacuterapies tradition-

nelles se deacuteroulent en groupe avec la famille

et ceux qui ont une affiniteacute avec le malade Ici agrave

lhocircpital les participants sont reacuteunis en cercle

autour du patient Le groupe constitue une en-

veloppe psychique qui est en soi theacuterapeu-

tique Les soignants par leur preacutesence accor-

dent une place agrave lrsquoidentiteacute culturelle du patient

agrave ses maniegraveres de vivre de se soignerhellip

Dans les cultures de tradition orale les eacuteveacutene-

ments importants de la vie tels que la nais-

sance le mariage la maladie la mort (avec

lrsquoimportance des ancecirctres) sont penseacutes diffeacute-

remment Il existe une reacutealiteacute invisible on ac-

corde vie force et pouvoir au mineacuteral au veacutegeacute-

tal agrave lrsquoanimal Le sang le lait maternel ont des

pouvoirs beacuteneacutefiques ou maleacutefiques

Les speacutecialistes de lrsquoanthropologie pensent

que le modegravele de lrsquoorganisation sociale com-

munautaire plus freacutequent dans les socieacuteteacutes

non industrialiseacutees ougrave le groupe maintient une

preacutegnance importante sur lrsquoindividu favorise

une expeacuterience du corps veacutecu comme global

il nrsquoy a pas de rupture entre lrsquohomme et le cos-

mos le corps est permeacuteable On lui reconnaicirct

une dimension transcendante et la maladie

qui plus est chronique comme la dreacutepanocy-

tose peut ecirctre inteacutegreacutee dans une reacutealiteacute plus

large exteacuterieure au corps de la meacutedecine des

hocircpitaux

Lors de ces consultations drsquoethnomeacutedecine les

deux systegravemes culturels occidental et tradition-

nel sont reconnus lrsquoun nrsquoexcluant pas lrsquoautre

Le patient peut aborder en toute confiance des

preacuteoccupations qui lui sont speacutecifiques sans

craindre le ridicule Les deux systegravemes de re-

preacutesentations occidentales et traditionnelles

dans lesquels navigue le migrant peuvent

coexister sans sopposer Paradoxalement

lrsquoapproche traditionnelle donne dans certains

cas sens et coheacuterence au discours meacutedical

scientifique Il est difficile de rendre compte

drsquoune consultation drsquoethnomeacutedecine (de mecircme

qursquoil est difficile de parler drsquoune seacuteance de psy-

chotheacuterapie ou drsquoanalyse bien que ce ne soit

pas du mecircme ordre) Il ne srsquoagit pas drsquoune con-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 54

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

sultation traditionnelle ce nrsquoest ni le lieu ni le

cadre Nous sommes dans lrsquoentre-deux

Le nom la parenteacute lrsquoappartenance ethnique la

langue natale sont des eacuteleacutements systeacutematique-

ment abordeacutes Ces reacutefeacuterences agrave la filiation agrave

lrsquoethnie rappellent implicitement au malade le

lien agrave sa famille et son appartenance agrave un

groupe Les tradipraticiens se preacutesentent aussi

se nomment racontent dougrave ils viennent Le

dialogue qui srsquoinstaure est bien souvent eacutenig-

matique pour lrsquooccidental Le langage allusif

meacutetaphorique suggestif qui est utiliseacute est tout

agrave fait entendu par le patient agrave la diffeacuterence des

soignants qui sont deacuteconcerteacutes du moins lors

des premiegraveres consultations Peu agrave peu les

soignants vont se familiariser Par la suite ils

peuvent communiquer diffeacuteremment avec tel

patient et mieux deacutecoder sa maniegravere drsquoecirctre ou

de srsquoexprimer

Les repreacutesentations ancestrales de la maladie

et les eacutetiologies traditionnelles (possession es-

prits ou ancecirctres meacutecontents sorcellerie trans-

gression de tabous ou non respect de rituels

familiaux) ne sont pas systeacutematiquement eacutevo-

queacutees et lorsqursquoelles le sont crsquoest toujours de

maniegravere implicite La maladie comme lrsquoacci-

dent la perte drsquoun emploi ou toute autre mani-

festation de malchance de malheur est le

signe drsquoun deacutesordre -dont il faut comprendre le

sens- et qui concerne non seulement le patient

mais aussi sa famille

Monsieur C originaire du Mali connaicirct bien les

diffeacuterents modes de transmission et nous en

discutons ensemble et dans ce mecircme entre-

tien perplexe il se questionne Je ne sais

pas drsquoougrave ccedila vienthellip

Chez nous la maladie quelle soit physique ou

mentale ne concerne pas uniquement lindividu

toucheacute mais aussi sa famille tout le

groupe (M Maman Journeacutee transculturelle

Des gueacuterisseurs agrave lhocircpital des soignants au

village 29 septembre 2001 hocircpital Tenon

Paris) Derriegravere lhistoire de lindividu se profile

toujours le devenir de la communauteacute toute en-

tiegravere [ ] La cause du mal qui rompt leacutequilibre

dun organisme fait peser une lourde menace

sur le corps social

Bien souvent agrave lissu de ces consultations le

patient va contacter la famille au pays qui elle

aussi va intervenir selon ses coutumes par des

priegraveres rituels ou sacrifices

La proposition dune prise en charge transcul-

turelle nest pertinente que si elle fait sens pour

le patient sil se reconnaicirct des liens avec sa

culture dorigine Le patient peut ecirctre occiden-

taliseacute (eacutetudes supeacuterieures vivant en France

depuis de nombreuses anneacutees hellip) ou dorigine

rurale analphabegravete ayant gardeacute des liens avec

son village il peut ecirctre musulman ou chreacutetien

Les indications sont variables

- incompreacutehension du diagnostic Lrsquoexemple

de Monsieur K malgreacute une seacuterologie positive

il reste persuadeacute de nrsquoecirctre pas malade Cepen-

dant il accompagne aux consultations sa

femme et leur fille toutes les deux seacuteropositives

et sous traitement

- refus du traitement les causes sont mul-

tiples Mme T vient reacuteguliegraverement agrave ses con-

sultations le meacutedecin veut deacutesormais lui pres-

crire un traitement qursquoelle refuse Si je dis que

je suis seacuteropositive personne ne voudra se

marier avec moi Une autre patiente

srsquoinquiegravete Je ne veux pas du traitement si je

deviens indeacutetectable alors ougrave sera le virus

- problegraveme drsquoobservance les causes sont va-

rieacutees preacutecariteacute incompreacutehension ou refus du

diagnostic probleacutematique personnelle plus pro-

fonde

- souffrance psychique le patient peut ecirctre

tregraves observant ses reacutesultats biologiques sont

satisfaisants le patient va tregraves bien selon le

meacutedecin mais persiste en lui une douleur mo-

rale difficile parfois agrave repeacuterer Il faut savoir deacute-

coder le sens du sourire (qui ne signifie pas

toujours la joie) lrsquoabsence de plainte Julia

Kristeva explique que les eacutetrangers sont expo-

seacutes aux maladies psychosomatiques ils sont

dans cet espegravece de vernis de la langue se-

conde mais le fond reste douloureux et le fond

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 55

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

eacuteclate sous la forme de la migraine quand ce

nrsquoest pas le cancerhellip

- pathologie psychiatrique troubles du com-

portement (deacutelire agitation violencehellip) syn-

drome deacutepressif risque suicidaire angoisse de

mort plaintes somatiques sans cause orga-

nique (douleurs diffuses sensation de malaise

le corps parle ccedila chauffe ccedila se deacuteplace)

- fin de vie angoisse isolement

- conflits conjugaux ou familiaux aggraveacutes ou

reacuteactionnels agrave la pathologie (risque de divorce

tel mari qui nrsquoassume plus ses responsabiliteacutes

sexualiteacute devenue difficile impossible (refus du

preacuteservatif par exemple)

- Lrsquoannonce du diagnostic Lrsquoannonce drsquoune

maladie grave est toujours une eacutepreuve pour

tout malade Crsquoest un moment-cleacute dans la prise

en charge du patient Dans le cas de lrsquoinfection

par le VIH la formulation peut ecirctre une donneacutee

brutale Tel ce meacutedecin qui annonce agrave

une femme enceinte vih2 asymptomatique

vous avez le SIDA Veacuteritable violence ver-

bale qui provoque un choc psychique avec

risque suicidaire si ce nrsquoest la fuite et le refus

de soin

Actuellement chez certains soignants on as-

siste agrave une banalisation du diagnostic lieacute aux

possibiliteacutes de traitement Mais crsquoest oublier le

deacutecalage avec le niveau de connaissance du

malade et crsquoest aussi meacuteconnaicirctre les effets

sur le patient de la reacutealiteacute dramatique de la ma-

ladie au pays Certains ont vu des proches

mourir du SIDA drsquoune mort lente sans soin et

dans la solitude Tous les patients eacutevoquent

une forte angoisse Deux mois apregraves il y a en-

core en moi cette grande peur quand le meacutede-

cin mrsquoa parleacute En entendant les propos de

lrsquoinfirmier Je vous apporte vos meacutedicaments

du SIDA Mme B nous raconte comment elle

a protesteacute et reacuteagi vivement Vous ne devez

pas dire cela Ainsi dans certains cas le meacute-

decin peut utiliser drsquoautres formulations le

virus de la maladie la maladie qui passe de

lrsquohomme agrave la femme la grande maladie

Dans les cultures de tradition orale les mots

ont une force un pouvoir Prononcer le mot SI-

DA activerait en quelque sorte le potentiel mor-

tel de cette maladie Ainsi dans certains cas le

meacutedecin peut utiliser drsquoautres formules le vi-

rus de la maladie la maladie qui passe de

lrsquohomme agrave la femme la grande maladie

Deux ou trois consultations ont lieu ainsi agrave lhocirc-

pital pour chaque malade Les tradipraticiens

vont dire ce quils ont vu et vont donner leurs

indications theacuterapeutiques le suivi peut se

poursuivre apregraves leur retour au village ougrave ils

continuent si crsquoest neacutecessaire agrave travailler

pour le patient Les situations sont tregraves varieacutees

et les reacuteponses le sont tout autant

QUELQUES EXTRAITS DE CONSULTATION

Ce patient ne se sent pas malade il nrsquoa aucun

signe de la maladie il ne comprend pas pour-

quoi le meacutedecin insiste pour qursquoil prenne un

traitement qui plus est agrave vie On lui rappelle

qursquoau pays le gueacuterisseur a lui aussi son labo-

ratoire qursquoil voit et qursquoil peut demander de

faire des choses agrave celui qui vient le consulter

pour sa protection ce parfois toute la vie

Cette analogie explicite permet de confirmer la

validiteacute de lrsquoapproche meacutedicale Ce mode drsquoex-

pression imageacutee qui est familiegravere au patient

voir dans le sable faire des rituels pour la

protection reacutesonne en lui et lrsquoaide agrave adheacuterer

aux prescriptions meacutedicales Moi-mecircme jrsquoem-

ploie souvent le terme protection pour parler

du beacuteneacutefice de la tritheacuterapie jrsquoutilise des

images qui font sens pour le patient et je com-

prends mieux celles qursquoil utilise lui-mecircme De

mecircme il mrsquoarrive de lui signaler nos expres-

sions speacutecifiquement franccedilaises ou nos pro-

verbes afin de lui faire connaicirctre aussi notre

propre maniegravere drsquoexprimer certaines choses

Tel autre patient srsquoaggrave il prend mal ses

traitements et il vit dans une grande preacutecariteacute

Drsquoembleacutee lors du premier entretien psycholo-

gique il mrsquoexplique que sa sœur au pays a par-

leacute de sorcellerie Au cours de la consultation

drsquoethnomeacutedecine on lui demande de solliciter

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 56

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

sa famille au pays pour savoir ce qui doit ecirctre

fait aupregraves de la riviegravere sacreacutee qursquoil a eacutevoqueacutee

En Afrique les deacutefunts les ancecirctres doivent

ecirctre veacuteneacutereacutes par des rituels propres agrave chaque

famille si ce rituel a eacuteteacute abandonneacute des con-

seacutequences neacutegatives peuvent rejaillir sur un de

ses membres mecircme tregraves eacuteloigneacute On peut re-

marquer qursquoici lrsquohypothegravese de la sorcellerie est

eacutecarteacutee crsquoest une autre eacutetiologie traditionnelle

qui est avanceacutee agrave laquelle le patient adhegravere il

va contacter en effet son oncle au sujet de la

riviegravere sacreacutee Le patient devient actif non seu-

lement pour srsquooccuper des choses du pays

mais aussi pour faire des deacutemarches ici sa si-

tuation meacutedicale et sociale va consideacuterable-

ment srsquoameacuteliorer il trouve par la suite un heacute-

bergement puis un travail

Pour cette autre patiente un long temps de la

seacuteance va ecirctre consacreacute au reacutecit de la deacutecou-

verte de sa maladie de son bouleversement

de son angoisse concernant lrsquoavenir Des pa-

roles apaisantes lui sont dites puis on va lui de-

mander drsquoeacutecrire ses recircves de telle et telle nuit

au cours desquelles les gueacuterisseurs

travailleront pour elle Suite au rapport de ses

recircves ils lui prescrivent un traitement elle de-

vra se laver avec une preacuteparation agrave base de

plantes Conjointement le suivi psychologique

classique se poursuit elle reprend confiance

dans la vie

Aacute tel autre il est demandeacute drsquoapporter une petite

boicircte en bois ou encore un tissu blanc et un

parfum Aacute un autre il est dit drsquoaller chercher un

certain nombre de cailloux le long drsquoun cours

drsquoeau ici en France Certaines prescrip-

tions sont plus compliqueacutees sacrifices rituels

agrave effectuer au pays objets agrave rapporter Cela

peut prendre plusieurs semaines Si la pres-

cription est impossible agrave reacutealiser par le patient

lui-mecircme sur place ou par sa famille en

Afrique les gueacuterisseurs le feront en son nom agrave

leur retour au pays Dans la meacutedecine tradition-

nelle lrsquouniteacute cosmique crsquoest-agrave-dire la parenteacute

homme-nature est constamment preacutesente

Lrsquohomme est relieacute au monde mineacuteral veacutegeacutetal

ou animal mais aussi agrave celui des deacutefunts des

esprits et bien-sucircr agrave sa famille agrave son groupe

LE SUIVI DE GROSSESSE DE MME T

Depuis des anneacutees la patiente souffre en plus

de lrsquoinfection par le VIH de troubles du compor-

tement difficiles agrave diagnostiquer elle a un suivi

psychiatrique qui ne suffit pas agrave la soulager

Elle traverse des peacuteriodes drsquoagitation drsquoagres-

siviteacute et mecircme de violence Dans ses crises

elle peut aller jusqursquoagrave lrsquoautomutilation ou la ten-

tative de suicide Agrave drsquoautres moments elle est

totalement abattue leacutethargique Bien qursquoelle

connaisse sa maladie lieacutee au VIH lrsquoobservance

de sa tritheacuterapie est fonction de son eacutetat psy-

chique Elle a beacuteneacuteficieacute agrave plusieurs reprises de

consultations drsquoethnomeacutedecine en particulier

lors de cette derniegravere grossesse Du fait des

mauvais reacutesultats biologiques car elle ne prend

plus ses antireacutetroviraux le risque de contami-

nation megravere-enfant est particuliegraverement eacuteleveacute

Tregraves deacuteprimeacutee elle est transfeacutereacutee dans le ser-

vice de psychiatrie de notre hocircpital et le psy-

chiatre accepte qursquoagrave cocircteacute des traitements clas-

siques (antideacutepresseurs anxiolytiques) elle

fasse les soins traditionnels prescrits Elle a

donc une permission pour aller au marcheacute agrave

cocircteacute de lrsquohocircpital acheter un œuf blanc Elle doit

ensuite mettre cet œuf dans une grosse boicircte

drsquoallumettes exercice un peu difficile car lrsquoœuf

risque de se casser Le tout est mis dans une

calebasse recouverte drsquoun tissu blanc qursquoelle

entrepose sous son lit plus preacuteciseacutement agrave la

tecircte du lit En effet il est important qursquoelle

dorme avec cette calebasse pregraves de sa tecircte

pendant un certain nombre de nuits Puis la ca-

lebasse avec son contenu (lrsquoœuf dans la boicircte)

est remise aux gueacuterisseurs de retour au pays

ils vont effectuer leur travail agrave la termitiegravere sa-

creacutee A son retour en France le Dr Maman

remet un onguent agrave la patiente preacuteparation

faite agrave partir de lrsquoœuf et drsquoautres eacuteleacutements Elle

doit mettre reacuteguliegraverement cette pommade au-

tour de son nombril jusqursquoagrave lrsquoaccouchement

Lrsquoeacutetat psychique de la patiente srsquoameacuteliore elle

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 57

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

reprend correctement son traitement lrsquoenfant

naicirct et ne sera pas contamineacute par le VIH Dans

les anneacutees qui suivront son eacutetat psychologique

se deacutegradera agrave nouveau nous nrsquoavons jamais

reacuteussi agrave la stabiliser compleacutetement Nrsquoayant ja-

mais bien suivi sa tritheacuterapie elle deacutecegravede agrave la

suite des complications du sida

A partir de cet exemple nous pouvons voir le

principe de non-seacuteparativiteacute principe essentiel

agrave lrsquoœuvre dans la meacutedecine traditionnelle afri-

caine Nous sommes ici dans un systegraveme de

penseacutee primordiale magique qui fonctionne

par analogie nous sommes dans le non-

seacutepareacute agrave la diffeacuterence de la penseacutee scientifique

qui individualise Dans ce cas clinique on voit

comment tout est relieacute il y a identiteacute entre la

grossesse et lrsquoœuf passage de lrsquohumain agrave

lrsquoanimal et aussi passage drsquoun continent agrave

lrsquoautre les gueacuterisseurs travaillant agrave distance

pour la patiente Citons agrave ce propos Pierre

Lembeye psychiatre et psychanalyste hellip

nous pouvons parler de rsquorsquonon-seacuteparativiteacutersquorsquo de

la meacutedecine traditionnelle par rapport agrave la meacute-

decine occidentale qui privileacutegie le mode seacutepa-

ratif et dont le maicirctre mot est diffeacuterence tandis

que celui des socieacuteteacutes anhistoriques est identi-

teacute La science en particulier la meacutedecine a

fait des progregraves en isolant en seacuteparant Citons

aussi Jean Benoist Lrsquoopposition carteacutesienne

entre le corps et lrsquoacircme a libeacutereacute la biologie et

donc la meacutedecine des interdits qui sacralisent

le corps hellip Lrsquoesprit lrsquoacircme tout ce qui eacutetait cou-

ramment deacutesigneacute par ces termes srsquoest prodi-

gieusement eacuteloigneacute de lrsquohorizon meacutedical

(Benoist 1993) A lrsquohocircpital crsquoest bien lrsquoorgane

malade que lrsquoon soigne mais rarement la per-

sonne dans sa globaliteacute et encore moins son

groupe familial Nous pensons analysons sur

le mode seacuteparatif celui de la coupure et selon

Pierre Lembeye La psychanalyse avec lrsquohy-

pothegravese de lrsquoinconscient opegravere aussi une cou-

pure avec le conscient Les lapsus les recircves

sont des manifestations de lrsquoinconscient alors

que dans la tradition africaine il nrsquoy a pas cette

seacuteparation par exemple chez les Ashantis au

Ghana si un homme recircve qursquoil couche avec sa

voisine il est puni et sa voisine aussi De

mecircme la psychiatrie pense aussi les probleacutema-

tiques sur le mode de la coupure le terme

schizophreacutenie provient de schizo du grec

schizein signifiant fractionnement fissure divi-

sion (P Lembeye) Dans les traitements tradi-

tionnels crsquoest la question du lien qui est au pre-

mier plan Nous avons lrsquoexemple de ce beacutebeacute

acircgeacute de huit mois enfant-cordon preacutesentant

des troubles du comportement et dont le traite-

ment est deacutecrit par Eacuteric de Rosny hellip le cor-

don ombilical le retenant aux entrailles de

lrsquoautre monde nrsquoaurait pas eacuteteacute coupeacute hellip Il srsquoagit

de lui crever les yeux crsquoest-agrave-dire de lui

rendre invisible le monde des Ancecirctreshellip (De

Rosny 1996 123-133)

La penseacutee magique qui est agrave lrsquoœuvre dans les

theacuterapies traditionnelles a-t-elle deacuteserteacute notre

systegraveme de penseacutee occidentale Dominique

Folscheid professeur de philosophie nous rap-

pelle ceci Notre meacutedecine moderniste est

due agrave lrsquoessor de la rationaliteacute mais on a oublieacute

que dans la Gregravece Antique la rationaliteacute deacutebu-

tante (avec les philosophes) srsquoaccompagnait

drsquoune vie mystique florissante Rappelons le

serment drsquoHippocrate premier code de deacuteonto-

logie meacutedical Je jure par Apollon meacutedecin

par Esculape par Hygeacutee et Panaceacutee par tous

les dieux et toutes les deacuteesseshellip Dans son

livre La nuit les Yeux ouverts Eacuteric de Rosny

cite Pierre Fegravevre Ce monde de la gueacuterison et

de la sorcellerie a quelque chose drsquounheimlich

(agrave la fois lsquolsquomysteacuterieuxrsquorsquo et lsquolsquoinquieacutetantrsquorsquo) et pour-

tant il eacuteveille des reacutesonances au plus profond

de nous-mecircmes et lrsquoon ne sait pas les-

quelles (de Rosny 1996 17) Nous-mecircmes

sans en avoir veacuteritablement conscience fonc-

tionnons sur le mode du lien du non-seacutepareacute

par exemple Reneacute Spitz psychiatre et psycha-

nalyste a deacutecrit en 1946 lrsquohospitalisme alteacutera-

tion physique grave srsquoinstallant chez le tregraves

jeune enfant placeacute en institution et seacutepareacute de

sa megravere crsquoest pourquoi aujourdrsquohui en peacutediatrie

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 58

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

on facilite la preacutesence de la megravere qui peut dor-

mir au chevet de son enfant un autre

exemple celui du syndrome de glissement des

personnes acircgeacutees hospitaliseacutees qui coupeacutees de

leur environnement habituel se laissent mourir

et dans un autre registre que dire de lrsquoabsence

de chambre ndeg13 dans nos hocircpitaux nos hocirc-

tels

4 FORMATION MUTUELLE PARTAGE DE SAVOIR

Un eacutechange des savoirs srsquoest instaureacute entre les

soignants de lrsquohocircpital et lrsquoassociation

1 au niveau de lrsquoassociation les membres

drsquoURACA sont formeacutes agrave la pathologie du sida

les meacutedecins apportent leur connaissance meacute-

dicale avec des mises agrave jour sur lrsquoeacutevolution de

la pathologie et des traitements Des reacuteunions

agrave thegraveme sont organiseacutees avec un eacutelargisse-

ment agrave drsquoautres pathologies (heacutepatites dreacutepa-

nocytose)

2 au niveau des soignants formation en situa-

tion clinique participation au cycle annuel de

confeacuterences drsquoUraca voyages drsquoeacutetude dans le

village du Dr Maman au Nord-Beacutenin effectueacutes

par des meacutedecins psychiatres psychologues

assistante sociale infirmiegraveres de lrsquoAP-HP

(participation agrave des theacuterapies traditionnelles

dont le culte de danses de possession expeacute-

rience drsquoune certaine situation migratoire vil-

lage dans la brousse repegraveres diffeacuterents cadre

culturel autre adaptation au climat agrave la nourri-

turehellip)

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LrsquoAfrique des gueacuterisons eacuted Karthala 1994

La nuit les yeux ouverts eacuted Seuil 1996

Justice et sorcellerie Collectif sous la direc-

tion drsquoE de Rosny eacuted Karthala 2006

LrsquoAfrique de lrsquooraliteacute et lrsquoaccueil de lrsquoEacutecriture

Paris Revue Christus ndeg225 2010

Collectif

La notion de personne en Afrique Noire Ed

LHarmattan 1973

Soins et cultures 2egravemes

Rencontres Transcul-

turelles de Tenon-Uraca Les Cahiers de

lrsquoURACA ndeg12 juin 2005 (teacuteleacutechargeable sur le

site wwwuracaorg)

Pratiques theacuterapeutiques et cultures regards

croiseacutes 3egravemes

Rencontres Transculturelles de

Tenon-Uraca 2010 videacuteos de la journeacutee en

ligne sur wwwuracaorg)

Retrouvez

toute lrsquoactualiteacute de Psyclihos

les enregistrements des con-

feacuterences ainsi que le journal

des 20 ans

sur notre site internet

wwwpsyclihosorg

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 60

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

Psychologue en reacuteanimation peacutediatrique teacutemoignage drsquoune

pratique en eacutevolution

Muriel Derome Hocircpital Raymond Poincareacute

L e propos de cette preacutesentation sera de

teacutemoigner de leacutevolution drsquoune pratique

de psychologue au sein dun pocircle de peacute-

diatrie bien speacutecifique celui de lrsquoHocircpital Ray-

mond Poincareacute de Garches Laccueil denfants

en deacutecompensation neuro respiratoire souf-

frant de polyhandicap de maladies chroniques

ou arrivant suite agrave un eacuteveacutenement traumatique

brutal (accident intoxication insuffisance respi-

ratoire) rend la preacutesence du psychologue neacute-

cessaire

Avec Jean en phase terminale nous reacutefleacutechi-

rons au rocircle du psychologue dans lrsquoaccom-

pagnement des enfants en fin de vie

Dautres cas cliniques preacutesenteacutes agrave loral illus-

treront ensuite les modaliteacutes de la prise en

charge post-traumatique denfants et de

leurs familles

Enfin nous terminerons par exposer la speacutecifi-

citeacute de notre travail aupregraves des soignants

ACCOMPAGNER DES ENFANTS GRAVEMENT MA-

LADES OU EN FIN DE VIE

Lors de notre premiegravere rencontre Jean nous

dit Je sais que je vais mourir mais les meacutede-

cins sont trop lacircches pour me le dire et mes

parents sont trop tristes pour mrsquoen parler

Nous lui reacutepondons Je ne te connais pas

mais en tout cas je trouve que cest super que

tu puisses en parler et que tu ne gardes pas

tout ccedila pour toi

Tregraves eacutetonneacute il reprend Alors lagrave crsquoest bizarre

drsquohabitude degraves que je dis que je vais mourir

tout le monde me dit rdquoMais arrecircte Nrsquoimporte

quoi Ne raconte pas des becirctisesrdquo Mais moi je

ne suis pas fou je sais ce que je dis et pour-

quoi je le dis et je veux pouvoir en parler

La question redoutable est tregraves vite apparue

Est-ce que crsquoest vrai que je vais mourir Il

faut alors pouvoir reacutepondre Je pense que si

tu dis ccedila crsquoest que tu as de bonnes raisons de

le penserhellip Tu es le seul agrave savoir exactement

ce que tu vis Raconte-moi qursquoest-ce qui te fait

dire ccedila

Jour apregraves jour gracircce agrave un travail psycholo-

gique Jean exprime de plus en plus sa souf-

france Se sentant eacutecouteacute il entre progressive-

ment dans une autre phase celle de lrsquoaccepta-

tion

Accompagner un enfant en fin de vie crsquoest

avant tout rester agrave son eacutecoute affronter les

questions qui mettent si mal agrave lrsquoaise (mecircme si

et surtout si on ne sait pas comment y reacute-

pondre ) Et crsquoest aussi accueillir ses interroga-

tions sur sa propre mort pour lutter contre la

solitude la peur lrsquoangoisse la colegravere

ACCOMPAGNER LES FAMILLES

Avec la megravere de Jean nous deacutecouvrons ce qui

se joue autour de la porte Degraves que nous nous

preacutesentons elle nous reacutepond Merci on nrsquoa

besoin de rien (Puis sortant de la

chambre) mais surtout vous ne lui dites pas

qursquoil va mourir vous ne lui parlerez de rien -

Oh moi non mais lui il en parle beaucoup

Tregraves surprise la megravere accepte alors de venir

en parler dans notre bureauhellip Lrsquoaccompagne-

ment commence

En phase terminale Jean perd toute autonomie

motrice et tous ses sens agrave lrsquoexception de la

vue Il ne peut plus parler Sa megravere terroriseacutee

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 61

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

par la situation demande aux eacutequipes de lui

donner quelque chose pour dormir deacutefiniti-

vement Nous lui montrons alors qursquoune com-

munication subsiste gracircce agrave lrsquoinstauration drsquoun

code (lettres sur un tableau) avec des signes

de tecircte et des clignements drsquoœil Elle srsquoaperccediloit

alors que Jean cherche avant tout agrave savourer

les petits bonheurs de chaque jour Elle reste

ainsi jusquau bout en lien avec son fils

Accompagner les parents cest accueillir

leur eacutepuisement leurs doutes leur ambiva-

lence parfois mecircme leur demande deuthana-

sie et leur redonner une image positive deux-

mecircmes pour leur permettre drsquoinvestir lrsquoinstant

preacutesent et ainsi favoriser un accompagnement

de qualiteacute

ACCOMPAGNER AUSSI LES AUTRES ENFANTS HOS-

PITALISEacuteS ET LEURS FAMILLES

Il nous semble important de susciter des

occasions drsquoaborder le sujet de la mort en lais-

sant les familles libres de saisir ou non ces op-

portuniteacutes

ACCOMPAGNER LES SOIGNANTS

DANS LIMMEacuteDIATETEacute DE LA REacuteALITEacute CLINIQUE

En deacutecalage les eacutequipes srsquointerrogent

Doit-on vraiment lui infliger ccedila jusqursquoau bout

Sa megravere a peut-ecirctre raison on devrait peut-

ecirctre lrsquoendormir pour qursquoil ne se sente pas humi-

lieacute drsquoecirctre si diminueacute Moi je ne supporterais

pashellip Les soignants sont alors tellement preacute-

occupeacutes par la deacutecision qursquoils pensent devoir

prendre qursquoils ne se rendent pas compte que

cette megravere est en train de vivre lrsquoun des plus

grands moments drsquoamour avec son fils Le psy-

chologue devient alors le lien entre les diffeacute-

rents protagonistes en rapportant certains des

propos de Jean Je suis bienhellip Comme ce

rayon de soleil est beau aujourdrsquohuihellip La

communication se remet agrave fonctionner Leurs

regards se posent alors diffeacuteremment sur lui

La peacuteriode de fin de vie drsquoun patient con-

fronte chaque soignant agrave ses limites Chacun

perd ses illusions de toute-puissance et se re-

trouve confronteacute agrave sa propre angoisse de mort

Certains deacutestabiliseacutes ne peuvent pas suppor-

ter lideacutee decirctre confronteacute agrave la proximiteacute de la

mort Pour surmonter sans trop de seacutequelles

la confrontation reacutepeacuteteacutee agrave la maladie grave et agrave

la mort il est neacutecessaire que chacun puisse

ecirctre attentif agrave soi-mecircme agrave ses propres be-

soins pour ecirctre dans un juste rapport agrave lrsquoautre

Il sagit decirctre toucheacute sans ecirctre impliqueacute affecti-

vement cest agrave dire sans tomber dans leacutemotivi-

teacute

Apregraves chaque deacutecegraves le psychologue est

lagrave pour inviter ceux qui le deacutesirent agrave mettre en

mots ce qui a eacuteteacute veacutecu La parole partageacutee per-

met de ne pas fixer des souvenirs culpabili-

sants ou anxiogegravenes

AU LONG COURS LE TRAVAIL INSTITUTIONNEL

Le soutien des eacutequipes pluridisciplinaires

est une part tregraves importante du travail du psy-

chologue en milieu hospitalier Lrsquoeacutecoute et les

eacutechanges contribuent agrave ce que tregraves lentement

les habitudes et les mentaliteacutes eacutevoluent Ces

rencontres pourront selon les situations avoir

lieu de faccedilon formelle ou informelle (le plus

souvent dans les couloirs)

Le soutien au long cours des eacutequipes fait par-

tie inteacutegrante du travail institutionnel Diffeacuterents

outils permettent de lrsquoaccompagner au mieux

LA REacuteUNION DE SYNTHEgraveSE

Dans notre service la reacuteunion de syn-

thegravese hebdomadaire permet de se poser pour

reacutefleacutechir en eacutequipe pluridisciplinaire agrave ce que

nous vivons Il est primordial drsquoaider chaque

intervenant agrave mettre des mots sur les situations

rencontreacutees surtout quand les points de vue

sont divergents Mais il srsquoagit drsquoun travail de

longue haleine car si nous nrsquoy sommes pas

vigilants les discussions restent tregraves meacutedicales

et eacutevitent drsquoaborder lrsquoenfant et sa famille dans

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 62

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

leur globaliteacute Le psychologue par sa faccedilon de

relever les paradoxes de poser les questions

eacutethiques ou simplement de faire entendre une

autre approche que celle purement somatique

aide les eacutequipes agrave reacutefleacutechir agrave leur maniegravere

drsquoaborder les familles

LA SYNTHEgraveSE DES SYNTHEgraveSES

Une fois par an nous prenons le temps

de relire les moments forts de lrsquoanneacutee en met-

tant des mots sur ce qui a reacuteussi ou eacutechoueacute ce

qui nous a manqueacute ce qui nous a marqueacute

choqueacute ou qui est resteacute incompris Mettre des

mots agrave distance sur des malentendus (en lien

avec une famille ou un fonctionnement interne)

permet davancer en eacutequipe Nous veillons

aussi agrave reprendre point par point les eacuteleacutements

positifs rappeler les enfants sauveacutes les fa-

milles qui remercient et valoriser les eacutequipes

est essentiel pour maintenir la motivation et

lrsquoinvestissement de chacun

ET LE PSYCHOLOGUE DANS TOUT CcedilA

Face agrave ces enfants gravement malades ou en

fin de vie nous devons apprendre agrave nous

adapter Il nous faut par exemple pour pouvoir

accueillir un enfant sans aucune autonomie

respiratoire dans notre bureau apprendre au

minimum les gestes de reacuteanimation agrave effectuer

en attendant qursquoun soignant prenne la relegraveve

Alors que nous avons appris agrave ne pas toucher

il nous faut comprendre ce que le patient nous

dit non plus agrave travers des mots mais agrave travers

des maux agrave travers son corps une poigneacutee

de main un regard une mimiquehellip nous de-

vons sentir lrsquoexpression non verbale de lrsquoan-

goisse Deacuteceler si le patient a besoin de silence

ou au contraire srsquoil attend nos questions En-

fin il faut quelquefois avec une extrecircme deacuteli-

catesse et une grande attention chercher agrave re-

formuler ce que le patient nous dit avec des

lettres montreacutees sur un tableau un hochement

de tecircte ou simplement un regard

Ecirctre psychologue va souvent de pair avec une

invitation permanente agrave se remettre en ques-

tion Il srsquoagit drsquoaccepter de douter plutocirct que de

chercher des certitudes Pour srsquoadapter agrave la

speacutecificiteacute de chaque situation il nous faudra

surtout ecirctre creacuteatif et oser inventer Dans le

cas contraire notre travail restera sans doute

superficiel car il apparaicirctra comme en deacuteca-

lage par rapport aux situations veacutecues par les

patients et les eacutequipes qui les prennent en

charge

Au niveau institutionnel le travail du psycho-

logue ne porte de fruits qursquoagrave tregraves long terme

Alors ne nous deacutecourageons pas (Le deacutecou-

ragement nrsquoest-il pas notre pire ennemi ) Veil-

lons agrave prendre soin de nous soyons attentifs agrave

nos propres besoins Ne nous barricadons pas

devant la deacutetresse mais au contraire appre-

nons agrave ralentir et agrave ressentir ce qui est toucheacute

en nous Comme leacutequilibriste sur la corde

nous devons essayer davancer en souplesse

pour ne tomber ni dans lindiffeacuterence ni dans la

fusion avec les situations dramatiques rencon-

treacutees

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 63

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

Seacutejour de vacances quelle place pour le psychologue

Ceacuteline Le Bivic Geacuteriatrie Hocircpital Eacutemile Roux

M esure 1 du plan Alzheimer 2008-

2012 deacuteveloppement et diversifica-

tion des structures de reacutepits

Parce qursquoils sont contraints de veiller constam-

ment sur les malades les aidants sont soumis

agrave une pression permanente Il existe des struc-

tures qui leur permettent de souffler en offrant

par ailleurs une prestation theacuterapeutique aux

malades pendant une ou plusieurs demi-

journeacutees

Afin drsquoeacutelargir les missions des accueils de jour

qui ne srsquoadressent qursquoaux personnes malades

ont eacuteteacute deacuteveloppeacutees les plates-formes drsquoac-

compagnement et de reacutepit Il srsquoagit drsquooffrir aux

aidants et aux couples des activiteacutes de soutien

de reacutepit agrave domicile ou en couple et de deacutevelop-

pement de la vie sociale

Il existe des actions de reacutepit agrave domicile de

garde agrave domicile de nuit drsquoactiviteacutes sociales

culturelles pour le couple maladeaidant et de

seacutejours vacances

Jacqueline agrave la fin drsquoun seacutejour vacances mrsquoa

confieacute deux feuilles de cahier manuscrites Jrsquoai

eacutecrit ccedila Vous le lirez si vous voulez

Je me legraveve agrave 7h Prise des meacutedicaments de

Guy Je deacutejeune moment tranquille je fais ma

toilette Je vais ouvrir les volets chez maman Il

est 8h30 Je preacutepare les meacutedicaments et le pe-

tit deacutejeuner de Guy Quelques fois je le fais

manger si je peux Je fais les lits je com-

mence agrave preacuteparer le deacutejeuner Passage du

SSIAD Pendant ce temps je preacutepare une les-

sive pratiquement une tous les jours Apregraves le

passage du SSIAD souvent il a besoin drsquoaller

aux toilettes le deacuteculotter nettoyer les WC le

reculotter ranger la salle de bain et finir ce qui

a eacuteteacute commenceacute (je ne peux rien faire en sui-

vant) Souvent fais de lrsquoadministratif preacuteparer

le courrier aller agrave la poste et au pain Il vient

avec moi il faut lrsquoaider agrave monter dans la voiture

et souvent lrsquoaider agrave descendre Il est 11h il faut

eacutetendre le linge lrsquoaider agrave faire sa gym preacuteparer

et porter le plateau agrave maman Midi Lrsquoheure de

preacuteparer et donner les meacutedicaments Mettre le

couvert couper les aliments lrsquoaider Pour lui il

faut bien 90 min de pose pour deacutejeuner

Apregraves desservir le preacuteparer pour la sieste le

deacuteculotter et reculotter lrsquoaider agrave se coucher

finir de ranger la cuisine lever et plier le linge

Il est environ 14h Petite pause 15h-15h30 la

sieste est finie Sortie dans le jardin toujours

accompagneacute Lrsquoaider agrave srsquohabiller agrave se deacutesha-

biller 16h prise des meacutedicaments et goucircter

Quelquefois passages agrave la sortie de lrsquoeacutecole

des petits enfants et leur papa Aux beaux

jours travail agrave lrsquoexteacuterieur (plus de 2000m2) La

tonte du gazon est faite par mon garccedilon et jrsquoai

agrave peu pregraves 40h par an par la caisse de retraite

compleacutementaire Jrsquoai une aide-meacutenagegravere 3 h

le mardi matin et 1 h le mercredi matin Jrsquoen

profite pour aller faire les courses ou aller chez

le docteur le dentiste ou le coiffeur ou autre

chose Et 3h le jeudi apregraves-midi Lagrave crsquoest mon

repos hebdomadaire et pas toujours Je vais agrave

lrsquoaquagym avec 2 amies mais juste en peacuteriode

scolaire On est loin des 2 jours de congeacutes par

semaine mais jrsquoen demande pas tant Vers 17h

-17h30 petite promenade dans le jardin apregraves

preacuteparation du dicircner 19h prise des meacutedica-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 64

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

ments Le dicircner pour lui il faut compter 90 min

Ensuite desservir Vers 20h30 je vais deacuteshabil-

ler maman Pour lrsquoinstant elle se couche sans

aide mais au deacutebut du printemps jrsquoallais la cou-

cher vers 22h Entre-temps je deacuteshabille Guy

passage aux toilettes prise des meacutedicaments

et apregraves le coucher

Il est 22h Je respire un peu Je fais un brin de

toilette Je prends mon somnifegravere et je me

couche Je mrsquoendors ou je ne mrsquoendors pas Lagrave

on peut pleurer Personne ne le voit Dans la

nuit je me legraveve une ou deux fois quand il a be-

soin de faire son pipi

Et cela 365 jours par an Et je ne me plains

pas Il y a pire Il y a aussi mieux

Jacqueline est comme 35 millions de fran-

ccedilais Elle fait partie des personnes que lrsquoon

nomme aidant familial drsquoun proche Il srsquoagit de

son mari Cela fait 12 ans qursquoil est malade Le

quotidien de Jacqueline est rythmeacute autour de

son eacutepoux et de sa pathologie eacutevolutive

En geacuterontologie le mot aidant est utiliseacute voire

parfois revendiqueacute Un aidant mais qursquoest-ce

que crsquoest Selon lrsquoassurance maladie crsquoest

celui qui apporte seul ou en compleacutement de

lrsquointervention des professionnels lrsquoaide humaine

rendue neacutecessaire par la perte drsquoautonomie de

la personne acircgeacutee ou destineacutee agrave preacutevenir une

perte drsquoautonomie et qui nrsquoest pas salarieacute pour

cette aide

Depuis une quinzaine drsquoanneacutees le veacutecu des

aidants familiaux fait lrsquoobjet de recherches On

sait aujourdrsquohui que 800 000 personnes sont

recenseacutees comme eacutetant en eacutetat de deacutepen-

dance en France crsquoest-agrave-dire qursquoelles ne peu-

vent pas effectuer de maniegravere autonome les

actes de la vie courante Et que cela est forte-

ment correacuteleacute agrave lrsquoavanceacutee en acircge la personne

aideacutee a 76 ans en moyenne

Si le lien familial preacutedomine lrsquoaidant peut aussi

ecirctre un ami ou un voisin Il srsquoagit le plus sou-

vent drsquoune femme acircgeacutee de plus de 50 ans

Bien que deux tiers des aidants srsquooccupent

quotidiennement de la personne aideacutee 60

drsquoentre eux continuent agrave avoir une activiteacute sala-

rieacutee

Lrsquoaide agrave un proche dure en moyenne 7 ans

Dans la relation drsquoaide plusieurs probleacutema-

tiques sont en jeu le deuil du parent conjoint

tel qursquoil eacutetait auparavant le renversement des

rocircles de lrsquoordre des geacuteneacuterations la crainte face

agrave son propre vieillissement les difficulteacutes de

communication avec le proche malade la

crainte de la perte du lien

La relation drsquoaide a ses apports la majoriteacute

des aidants disent se sentir utile et trouver du

plaisir dans cette relation Mais elle a aussi ses

limites et ses risques On sait aujourdrsquohui que

la mortaliteacute des aidants augmenterait de 63

que le risque de deacutepression est multiplieacute par 3

Dans cette aide au quotidien le rythme la reacute-

peacutetition lrsquoeacutevolution de la maladie peuvent ame-

ner agrave des sentiments drsquoisolement de surme-

nage et drsquoeacutepuisement

Si plus de 60 des personnes atteintes de la

maladie drsquoAlzheimer ou apparenteacutees vivent agrave

leur domicile crsquoest gracircce agrave un aidant familial

qui toute la journeacutee est dans le faire Lrsquoaidant

familial contrairement agrave lrsquoaidant professionnel

nrsquoest pas formeacute agrave cet accompagnement il base

sa relation agrave partir drsquoun lien affectif avec la per-

sonne qursquoil aide Il peut ecirctre reacutemuneacutereacute sil a

lrsquoacircge de travailler et qursquoil nrsquoest pas son conjoint

Il nrsquoa pas drsquoheures fixes

On peut donc comprendre le besoin parfois de

se poser un peu

Plutocirct que le mot vacances est apparu reacute-

cemment le mot reacutepit

Des seacutejours de reacutepit pour les aidants

Une expression forte qui vient nommer la souf-

france du proche dans la relation drsquoaide

Agrave croire que la personne dite aideacutee nrsquoa elle

pas besoin de temps de pause et que son quo-

tidien lui suffit parfaitement La femme de

Pierre me dira mon meacutedecin et son neuro-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 65

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

logue mrsquoavaient deacuteconseilleacute de lrsquoemmener ici

En France les vacances sont un droit pour les

salarieacuteshellip

Mais au fait agrave quoi ccedila sert des vacances Eh

bien avant tout agrave couper avec le quotidien An-

dreacute Comte-Sponville eacutevoque les vacances

comme un moment de liberteacute

Srsquoaccorder une pause crsquoest ainsi que nous

avons nommeacute le seacutejour de vacances que je

vais vous preacutesenter

Le seacutejour est proposeacute par une caisse de re-

traite compleacutementaire qui contacte ses adheacute-

rents Le point commun est qursquoil existe entre un

adheacuterent et un de ses proches une relation

drsquoaide au quotidien Le projet a eacuteteacute construit et

penseacute avec une association qui intervient dans

lrsquoaccompagnement de lrsquoavanceacutee en Acircge

Le groupe est composeacute en moyenne de 7

couples la moyenne drsquoacircge des aidants est de

74 ans et celle des aideacutes de 80 ans

Les participants viennent de la France entiegravere

Ils ne se connaissent pas Nous ne les con-

naissons pas

La majoriteacute des aideacutes preacutesentent des pro-

blegravemes cognitifs ou des difficulteacutes motrices

Le lieu est une structure de vacances (type reacute-

sidence hocircteliegravere) adapteacutee aux personnes han-

dicapeacutees

Le seacutejour a eacuteteacute penseacute avec la preacutesence de

deux personnes dite en fil rouge de la se-

maine la coordonnatrice de lrsquoassociation creacutea-

trice du projet et la psychologue Partager le

quotidien du petit deacutejeuner au dicircner de lrsquoac-

cueil jusqursquoau deacutepart

Drsquoautres intervenants (intervenant en Taiuml-Chi

Chuan une socio-estheacuteticienne intervenant en

chant et expression corporelle activiteacute autour

de la terre) rejoignent le groupe en deacutecaleacute afin

de conserver une alternance des pratiques

mais aussi une preacutesence renforceacutee en milieu

de semaine moment ougrave nous pouvons com-

mencer agrave seacuteparer les duos

Lrsquoaspect meacutedicaliseacute parfois neacutecessaire est re-

layeacute par des infirmiegraveres libeacuterales qui intervien-

nent sur le lieu de vacances

Le planning de la semaine est proposeacute avec

des activiteacutes ensemble seacutepareacutees en groupe

individuelles toujours dans la proposition et

non dans la contrainte Le rythme des journeacutees

srsquoadapte tous les jours

Les objectifs de la semaine

Permettre agrave chacun aidant comme aideacute de

srsquoaccorder veacuteritablement une pause en profi-

tant pleinement du site et drsquoun accompagne-

ment qui facilite leur quotidien pendant la se-

maine (absence de tacircches meacutenagegraveres repas

servis au restaurant possibiliteacute drsquoaccompagne-

ment de la personne aideacutee pour quelques

heures proposition drsquoanimations proposition

de temps dlsquoeacutechanges et de paroles)

Favoriser lrsquoacquisition et le partage drsquooutils mecirc-

lant expeacuteriences et connaissances que les per-

sonnes pourront reacuteutiliser une fois de retour au

domicile

Nous ne nommons pas les personnes par leur

fonction aidant ou aideacute mais par leur preacutenom

Chaque duo est composeacute drsquoune personne

ayant un badge vert et lrsquoautre saumon Ainsi

certaines activiteacutes sont proposeacutees agrave tous et

drsquoautres agrave chaque groupe de couleur diffeacuterente

Lrsquoanalyse des questionnaires de satisfaction ou

du bilan oral nous confortent encore dans lrsquoideacutee

que ces objectifs reacutepondent bien agrave ceux des

personnes et sont atteignables dans le cadre

de ces seacutejours

Crsquoest lrsquooccasion de partager une semaine de

vacances tout agrave fait diffeacuterente du quotidien et

des repegraveres de chacun Le groupe se creacutee degraves

les premiegraveres heures de rencontre agrave lrsquoarriveacutee

Tout au long de la semaine chacun eacutevolue

dans sa propre probleacutematique

Les aidants deacutecouvrant drsquoautres pairs eacutechan-

geant avec drsquoautres prenant distance vis agrave vis

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 66

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

de leur veacutecu et deacutecouvrant le comportement de

leur proche avec drsquoautres personnes profes-

sionnels ou non

Les aideacutes qui se sont saisis des possibiliteacutes

offertes de faire autrement deacutecouvrir drsquoautres

vivre des moments de plaisir malgreacute le handi-

cap ou la maladie Eacutechanger avec drsquoautres qui

vivent des situations similaires

Lrsquoeacutevolution du groupe dans lequel une con-

fiance mutuelle srsquoinstalle et permet des interac-

tions et des eacutechanges tregraves riches humaine-

ment Chacun a pu recevoir et apporter agrave

lrsquoautre qursquoil soit aideacute ou aidant

Durant tout le seacutejour tout le monde peut se po-

ser deacutecouvrir lrsquoautre se deacutecouvrir dans des

moments partageacutes individuels ou collectifs

Proposer plein drsquounivers diffeacuterents des compeacute-

tences diffeacuterentes (prof de tai-chi le corps

penseacute le chant le savoir de lrsquoeacutemotion la socio-

estheacuteticienne le mieux avec soi-mecircme)hellip

Et le psychologue dans tout ccedila

Dans ce type de vacances jrsquointerviens en bi-

nocircme avec la responsable du seacutejour du deacutebut

du seacutejour jusqursquoau deacutepart des participants

Je me preacutesente en tant que psychologue Pour

la plupart crsquoest la premiegravere fois qursquoils rencon-

trent quelqursquoun de cette profession Vous allez

mrsquoanalyser me demande Jacques au deacutebut

du seacutejour Finalement vous ecirctes sympas les

psys Vous croyez qursquoil en y en pregraves de chez

moi me demandera-t-il en fin de seacutejour

Je suis tout le temps avec eux du soir au ma-

tin Pas tregraves acadeacutemique comme cadre de tra-

vail et pourtant comme souvent la clinique

vient nous proposer de penser autrement

Le rocircle essentiel du psychologue est que du

deacutebut agrave la fin du seacutejour il propose ce que je

nomme des bras psychiques Les 4 bras les

bras du cadre formel et les bras psychiques Fil

rouge tout le long du seacutejour Crsquoest par ce cadre

-lagrave que chacun va pouvoir se deacutetendre libeacuterer

la parole Lacirccher le faire du quotidien pour

tendre vers le vivre le ressentir et le partager

durant le seacutejour

Pour le psychologue partager le quotidien (du

petit deacutejeuner au dicircner) crsquoest ne pas ecirctre tout

le temps dans la distance mais ecirctre dans la

juste distance Alterner des moments formels

proposition de groupes de parole durant le seacute-

jour pour les personnes en situations drsquoaider et

celles qui reccediloivent de lrsquoaide) et de temps infor-

mels Crsquoest ecirctre disponible Crsquoest garantir lrsquoexis-

tence du maintien de la vie psychique et recon-

naicirctre la personne en tant que sujet pensant

ressentant deacutesirant

Tisser des liens Lacirccher le bras de son malade

changer de bras Faire confiance agrave lrsquoautre et

deacutecouvrir ainsi que lrsquoon peut soutenir lrsquoautre

dans ce qursquoil est capable de donner Faire con-

fiance est possible si le cadre est suffisamment

contenant pour se lrsquoautoriser

Deacutecloisonner les rocircles et les fonctions de cha-

cun Les cloisons tombent Le fil qui nous tient

et nous unit dans le lien agrave lrsquoautre reste Prendre

soin de soi

Exemple du massage des mains avec la socio-

estheacuteticienne En groupe de parole eacutemerge

alors que les mains ne servent pas qursquoagrave se te-

nir ou tenir lrsquoautre les mains se croisent dans

le relationnel et la communication Ne plus ecirctre

dans le soigner la maladie mais dans le pren-

dre soin de ce qui nous lie agrave lrsquoautre

Accompagner lrsquoaidant agrave cheminer vers le si

moi je vais mieux alors lui ira peut ecirctre mieux

au lieu de si il va bien je vais bien

Durant le seacutejour je prends des notes tous les

soirs sur chaque participant Notes drsquoimpres-

sion de ressenti et de questions qui me per-

mettent de comprendre lrsquoeacutevolution psycho-

dynamique de chacun et de chaque duo

Deux fois en moyenne durant le seacutejour jrsquoap-

pelle une collegravegue afin de pouvoir parler pen-

ser et eacutelaborer le veacutecu partageacute

Je propose un moment de reacuteflexion sur la rela-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 67

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

tion drsquoaide avec les aidants Je propose un

temps de parole et drsquoeacutechange sur le veacutecu de

lrsquoaideacute

Lors du bilan le rocircle de la psychologue est tou-

jours valoriseacute Non confondu avec les temps

drsquoanimation crsquoest un espace drsquoeacutechange de soi

et de lrsquointime qui est possible parce qursquoun lien

de confiance dans le quotidien srsquoest creacuteeacute Nous

partageons nos savoirs ceux de ma connais-

sance avec ceux de leur expeacuterience Jrsquoai deacute-

couvert ce que crsquoest une psy Ce nest pas si

grave ccedila srsquoavegravere mecircme plutocirct utile

Ces seacutejours sont lrsquooccasion aussi pour les pro-

fessionnels intervenants drsquoenrichir leurs con-

naissances et leurs pratiques vis-agrave-vis de ce

qursquoest la relation aidant-aideacute en partageant leur

quotidien pendant quelques jours

Comprendre le lien aidantaideacute dans ce qui se

joue au quotidien au plus intime au plus pro-

fond

Le seacutejour ne dure qursquoune semaine Cette se-

maine est en dehors du quotidien de chacun

Elle montre que de vivre eacutechanger rire parta-

ger du plaisir avec drsquoautres est possible et es-

sentiel Elle permet ainsi aux couples ou duos

de se ressourcer et de repeacuterer les plaisirs qui

fondent et nourrissent leur relation partageacutee

Merci de votre attention

Retrouvez

toute lrsquoactualiteacute de Psyclihos

les enregistrements des con-

feacuterences ainsi que le journal

des 20 ans

sur notre site internet

wwwpsyclihosorg

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 68

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

Modeacuterateur Martine Shindo Hocircpital Saint Louis

gt Laccompagnement psychologique par teacuteleacute-

phone dans les maladies de Creutzfeldt-Jakob

Marie-Lise Babonneau Hocircpital Pitieacute Salpecirctriegravere Page 69

gt Parents face agrave linterruption meacutedicale de

grossesse des mots en images

Natascia Serbandini Hocircpital Jean Verdier Page 78

gt Psychologue clinicien aupregraves du personnel

missions enjeux limites

Isabelle Fretigny Hocircpital Saint Louis Elodie Travers Hocircpital Henri Mondor

Page 82

Cliniques particuliegraveres

Pratiques innovantes

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 69

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

Laccompagnement psychologique par teacuteleacutephone dans les

maladies de Creutzfeldt-Jakob

Marie-Lise Babonneau Hocircpital Pitieacute Salpecirctriegravere

L a Cellule Nationale de Reacutefeacuterence des

Maladies de Creutzfeldt-Jakob (MCJ) a

eacuteteacute creacuteeacutee en 2001 par le Ministegravere des

Solidariteacutes de la Santeacute et de la Famille A la

disposition du grand public et des profession-

nels de terrain elle a pour mission lrsquoaide au

diagnostic et agrave la prise en charge meacutedicale so-

ciale et psychologique des patients et de leur

famille

La Cellule est nicheacutee au cœur de lrsquohocircpital de la

Pitieacute-Salpecirctriegravere dans lrsquoune des trois loges au-

trefois destineacutees aux alieacuteneacutes Elle a la particu-

lariteacute de ne pas accueillir physiquement le pu-

blic auquel elle srsquoadresse lrsquoaide qursquoelle pro-

pose srsquoeffectue essentiellement par teacuteleacutephone

En juin 2003 jrsquointegravegre pour un tiers-temps de

psychologue lrsquoeacutequipe deacutejagrave composeacutee drsquoun meacute-

decin coordinateur drsquoun meacutedecin attacheacute

drsquoune assistante sociale drsquoune assistante de

recherche clinique et drsquoune secreacutetaire

A cette eacutepoque je treacutebuche agrave lrsquoenvi sur lrsquoimpro-

nonccedilable Creutzfeldt-Jakob et examine drsquoun

œil dubitatif ma fiche de poste comment assu-

rer un soutien psychologique exclusivement

teacuteleacutephonique Eacutetait-ce reacutealisable efficace ad-

missible

PREacuteAMBULE

Les Maladies de Creutzfeldt-Jakob sont con-

nues de longue date les premiers cas ont eacuteteacute

deacutecrits par Creutzfeldt et Jakob dans les an-

neacutees 1920 Ce sont des maladies neurodeacutegeacute-

neacuteratives rares (qui se traduisent par une deacute-

mence et une grabatisation) 15 cas par mil-

lion drsquohabitants et par an dans tous les pays ougrave

existe une surveillance eacutepideacutemiologique En

France elles concernent une centaine de cas

par an

Principalement connues du grand public sous

le nom de maladie de la vache folle il existe

pourtant trois formes diffeacuterentes de MCJ avec

pour chacune drsquoelles ses speacutecificiteacutes On les

classe en fonction de leur mode de transmis-

sion la forme sporadique (aleacuteatoire) les

formes heacutereacuteditaires (MCJ geacuteneacutetiques syn-

drome de Gertsmann-Straussler-Scheinker

Insomnie Fatale Familiale) et les formes ac-

quises (formes iatrogegravenes des hormones de

croissance variante de la MCJ)

Le poste de psychologue avait eacuteteacute creacuteeacute pour se

consacrer principalement au travail drsquoeacutecoute

des personnes agrave risque de deacutevelopper une

MCJ suite agrave un traitement par hormones de

croissance contamineacutees Puis il srsquoest eacutetendu agrave

lrsquoeacutecoute de toute personne concerneacutee directe-

ment ou non par une MCJ quelle qursquoen soit la

forme

DE LrsquoENTRETIEN PONCTUEL AU SUIVI

La nature teacuteleacutephonique des entretiens psycho-

logiques est le fait drsquoune indeacutepassable reacutealiteacute

la dimension nationale du champ drsquointervention

de la Cellule exclut lrsquoeacuteventualiteacute drsquoentretiens en

face agrave face Mais si en 2011 les suivis psycho-

logiques par teacuteleacutephone se deacuteveloppent agrave

grands pas en 2003 rien nrsquoeacutetait moins eacutevident

que cette forme drsquoaccompagnement lagrave

Agrave cette eacutepoque drsquoailleurs la prise en charge

psychologique au sein de la Cellule se limitait agrave

la proposition drsquoun entretien teacuteleacutephonique pour

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 70

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

faire le point agrave des personnes qui avaient ap-

peleacute pour une toute autre demande principale-

ment drsquoordre meacutedical ou social Agrave lrsquooccasion de

ces demandes certains appelants manifes-

taient des signes de souffrance lieacutee agrave leur si-

tuation peur de la maladie du risque de la deacute-

velopper anxieacuteteacute suite agrave lrsquoannonce de la mala-

die drsquoun proche imminence de son deacutecegraves etc

Les membres de lrsquoeacutequipe les informaient alors

de la possibiliteacute drsquoecirctre contacteacute par la psycho-

logue de la Cellule pour parler des difficulteacutes

qursquoils traversaient en ces moments critiques

Ces entretiens teacuteleacutephoniques ponctuels (de 45

minutes) eacutetaient destineacutes agrave contenir les an-

goisses et la deacutetresse des appelants Puis au

besoin jrsquoorganisais un suivi psychologique de

proximiteacute (psychologues ou psychiatres libeacute-

raux Centres Meacutedico-Psychologiques

(CMP)

Ainsi la proceacutedure entretien ponctuel - reacuteorien-

tation nous semblait reacutepondre au besoin ponc-

tuel drsquoeacutetayage des appelants et correspondre

aux exigences de fonctionnement en plate-

forme nationale de la Cellule Circonscrite pla-

nifieacutee et probablement eacuteconomique sur le plan

psychique cette proceacutedure nous rassurait-elle

aussi Quand bien mecircme elle a plieacute sous le

poids de la reacutealiteacute et a consideacuterablement eacutevo-

lueacute depuis 2003

En effet alors que le nombre annuel de ma-

lades concerneacutes par les MCJ demeure stable

le volume annuel drsquoentretiens psychologiques

lui est passeacute de 40 agrave 260 en huit ans Ainsi

110 personnes ont eacuteteacute suivies ou ont beacuteneacuteficieacute

de seacutequences de soutien de plus de 3 entre-

tiens teacuteleacutephoniques Cela repreacutesente 84 des

personnes ayant eu un premier contact avec le

psychologue Et tandis que la proceacutedure preacute-

voyait un ou deux entretiens la dureacutee des sui-

vis est en moyenne de neuf mois (de trois se-

maines agrave trois ans) drsquoune rythmiciteacute allant drsquoun

entretien hebdomadaire agrave un entretien men-

suel en fonction des besoins Comment expli-

quer cette eacutevolution

Faut-il incriminer les traditionnels obstacles re-

latifs agrave la prise en charge psychologique de

proximiteacute rareteacute des psychologues dans cer-

taines reacutegions surcoucirct financier drsquoune theacuterapie

CMP engorgeacuteshellip Peut-ecirctre mais ils ne suf-

fisent pas agrave expliquer lrsquoaugmentation remar-

quable du nombre drsquoentretiens psychologiques

ni lrsquoallongement de la dureacutee des suivis

Aujourdrsquohui nous pouvons avancer drsquoautres

arguments pour expliquer cette eacutevolution ce

sont les particulariteacutes de la maladie tout autant

que celles lieacutees agrave la teacuteleacutephonie qui ont engen-

dreacute ce dispositif innovant de prise en charge

psychologique

LE CADRE

Un constat les orientations pourtant

travailleacutees (contact teacuteleacutephonique avec le psy-

chologue de proximiteacute informations deacutetailleacutees

sur les speacutecificiteacutes de la maladie et leur impact

sur lrsquoentourage) nrsquoont qursquoexceptionnellement

abouti les patients demandaient agrave reprendre

contact avec la psychologue de la Cellule Par-

tant de ce constat le dispositif drsquoaide psycholo-

gique proposeacute par le psychologue aux per-

sonnes qui appelaient a rapidement eacutevolueacute

Les quelques hypothegraveses concernant la difficul-

teacute du recours agrave la proximiteacute seront abordeacutees

tout au long de cet article

Agrave lrsquoheure actuelle quelle que soit la forme de

MCJ lrsquoappelant contacte la Cellule pour une

demande drsquoaide principalement drsquoordre meacutedi-

cal Les deux meacutedecins nrsquoeacutetant pas preacutesents agrave

la Cellule en permanence crsquoest la secreacutetaire

qui recueille les attentes Elle preacutesente le fonc-

tionnement global de la Cellule et eacutevoque sys-

teacutematiquement la possibiliteacute drsquoecirctre contacteacute par

la psychologue Lorsqursquoelle ressent particuliegrave-

rement intenseacutement la deacutetresse de lrsquoappelant

elle insiste sur lrsquoimportance drsquoun entretien avec

la psychologue qui connaicirct tregraves bien la mala-

die un argument de poids pour les personnes

deacutesempareacutees qui heacutesitent pourtant agrave demander

de lrsquoaide

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 71

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

Rares sont ceux qui demandent spontaneacutement

un entretien psychologique Mais rares sont

ceux qui le refusent lorsqursquoil leur est proposeacute

Cette invitation agrave ecirctre entendu loin de court-

circuiter la deacutelicate question de la demande

theacuterapeutique nous semble plutocirct lui permettre

drsquoadvenir Agrave ce titre nul doute que le deacutevelop-

pement du nombre de suivis psychologiques

reacutealiseacutes agrave la Cellule est en rapport direct avec

les qualiteacutes drsquoaccueil et lrsquoacuiteacute intuitive de sa

secreacutetaire

Ainsi cette derniegravere prend note des disponibili-

teacutes horaires de lrsquoappelant et apregraves avoir re-

cueilli lrsquoaccord preacutealable de ce dernier me les

transmet au plus vite Mon premier appel au

cours duquel nous eacutevoquons la situation de

crise a souvent lieu dans les 48 heures Cette

reacuteactiviteacute de prise de contact est un eacuteleacutement

deacuteterminant dans lrsquoeacutetablissement drsquoun lien de

confiance la premiegravere pierre drsquoun espace con-

tenant

Nous ne reacutealisons pas ou peu drsquoentretiens en

urgence la Cellule ne srsquoapparente pas agrave une

permanence drsquoeacutecoute 24h24 Drsquoailleurs la

simple date de rendez-vous sur mon agenda a

suffit agrave me calmer (hellip) Jrsquoeacutetais compleacutetement

bloqueacutee paniqueacutee et je me suis remise agrave pen-

ser et agrave geacuterer le quotidien que je ne geacuterais

plus

Ce premier entretien a une tonaliteacute toute parti-

culiegravere Agrave lrsquoinverse peut-ecirctre drsquoun premier ren-

dez-vous en face agrave face lrsquoentretien teacuteleacutepho-

nique semble provoquer un relacircchement des

meacutecanismes de deacutefenses et lrsquoeacutemergence des

processus primaires affolement pleurs pen-

seacutees parfois deacutesorganiseacutees coq agrave lrsquoacircne Lrsquoap-

pelant se deacuteverse deacuteballe tout en vrac Un

relacircchement induit drsquoabord par lrsquoabsence

drsquoinformations visuelles cette sorte de veacutecu

drsquoanonymat qui autorise la leveacutee de la cen-

sure Vous ne me voyez pas alors je peux

tout dire sans conseacutequences Pourtant nom

preacutenom situation familiale et localisation geacuteo-

graphique pourraient objectivement freiner le

veacutecu drsquoanonymat Il nrsquoen est rien Ce premier

entretien ndash et les quelques suivants - souli-

gnent ainsi la primauteacute du voir sur le savoir de

lrsquoautre

Un relacircchement doublement favoriseacute par le fait

que lrsquoappelant demeure dans un espace qui lui

est propre familier choisi Je suis dans ma

chambre jrsquoai fermeacute la porte Je me suis ins-

talleacutee dans ma voiture pour notre rendez-vous

ici je suis tranquille et en seacutecuriteacute

Notons que le psychologue nrsquoeacutechappe pas agrave

cet effet de relacircchement calfeutreacute qursquoil est

dans son espace soustrait au poids du regard

de lrsquoautre Un relacircchement du corps qui favo-

rise le flottement neacutecessaire agrave son travail

drsquoeacutecoute des processus inconscients agrave lrsquoœuvre

chez lrsquoappelant

Dans la tregraves grande majoriteacute des cas le pre-

mier appel donne lieu agrave un second rendez-vous

teacuteleacutephonique dont nous convenons ensemble

des termes (date et heure) Le choix de la du-

reacutee des entretiens (toujours de 45 minutes) deacute-

coule certainement de notre pratique de lrsquoentre-

tien en face-agrave-face mais il srsquoest aveacutereacute tout agrave fait

pertinent dans la pratique de lrsquoentretien teacuteleacute-

phonique puisque trois quarts drsquoheure laissent

le temps agrave la personne drsquoeacutelaborer ses ressen-

tis Cette dureacutee nrsquoest pas drsquoembleacutee annonceacutee

mais plutocirct suggeacutereacutee Nous allons en rester lagrave

pour aujourdrsquohui parce qursquoil est lrsquoheurehellip nous

nous retrouvons donc lehellip agravehellip conclut systeacute-

matiquement nos entretiens

Crsquoest freacutequemment au deacutecours du troisiegraveme

entretien que les questions se posent sur la

poursuite et les modaliteacutes de la prise en

charge Vous consultez ougrave Je vous dois

combien Jrsquoai droit agrave combien drsquoentre-

tiens Agrave ces questions la prise en charge

exclusivement teacuteleacutephonique (aucun deacuteplace-

ment) la gratuiteacute (la Cellule prend en charge

tous les entretiens) et la possibiliteacute drsquoecirctre suivi

tant que le besoin srsquoen fait sentir srsquoapparente agrave

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 72

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

un apaisant holding winicottien Dans ma si-

tuation crsquoest incroyable drsquoavoir le droit de se

laisser porterhellip

Les particulariteacutes du dispositif de suivi teacuteleacutepho-

nique semblent ainsi reacutepondre aux exigences

de la reacutealiteacute des appelants La premiegravere drsquoentre

-elles lrsquoabsence de deacuteplacement et la grande

souplesse drsquoorganisation qui en deacutecoule allegravege

consideacuterablement leur quotidien phagocyteacute par

la maladie Une theacuterapie en cabinet aurait eacuteteacute

inconciliable avec notre reacutealiteacutehellip tout autant

qursquoinfiltreacute de sentiments de culpabiliteacute

Comment prendre le temps de me plaindre

alors qursquoelle est en train de mourirhellip Je sais

que crsquoest important de parler mais je nrsquoaurais

pas pris le temps de consulter pour moi tandis

que ce temps est si preacutecieuxhellip je veux le pas-

ser aupregraves drsquoellehellip ccedila me soigne de ne pas

perdre une minute Ainsi pourtant installeacutes

chez eux ils peuvent srsquoabsenter sans culpabili-

teacute excessive Je ne suis pas loin de lui mais je

suis en consultation juste pour moihellip Je suis

seule avec lui

La seconde particulariteacute du suivi psychologique

par teacuteleacutephone compareacute agrave un dispositif theacutera-

peutique classique reacuteside dans le fait que crsquoest

le psychologue qui appelle systeacutematiquement

le patient Au moment ougrave lrsquoeacutetayage social fami-

lial et parfois professionnel se fissure et ougrave la

difficulteacute drsquoappeler agrave lrsquoaide se fait sentir cette

deacutemarche inverseacutee nrsquoest pas deacutenueacutee drsquoeffet

theacuterapeutique Crsquoest toujours nous qui de-

mandons partout de lrsquoaidehellip et lagrave quel repos

que ce soit vous qui veniez jusqursquoagrave moihellip Je

nrsquoaurais pas eu la force de faire une deacutemarche

de plushellip ccedila mrsquoaide agrave continuerhellip

Enfin ajoutons que dans ce temps extra-

ordinaire ougrave tout leur coucircte ougrave crsquoest nous qui

donnons tout de nous tout notre temps toute

notre eacutenergiehellip la gratuiteacute de la prise en

charge est un eacuteleacutement important pour les per-

sonnes qui appellent Cette gratuiteacute de soins

repreacutesentative des modaliteacutes de prises en

charge psychologiques agrave lrsquohocircpital contribue agrave

restaurer leur sentiment drsquoecirctre consideacutereacutees et

reconnues dans leur souffrance On srsquooccupe

aussi de moi

Neacuteanmoins certains appelants qui avaient en-

visageacute de consulter en libeacuteral ainsi precircts agrave de-

mander de lrsquoaide se deacuteplacer et payer leur

seacuteance srsquoeacutetaient vus confronteacutes agrave un autre

obstacle somme-toute infranchissable le ca-

ractegravere indicible du veacutecu des MCJ Comment

parler agrave quelqursquoun qui nrsquoa jamais vu cette mala-

die monstrueuse (hellip) Il faut la voir pour sa-

voirhellip Ici (agrave la Cellule) je suis en seacutecuriteacute vous

savez de quoi je parle sans que jrsquoen parle vrai-

ment (hellip) vous avez les mecircmes images que

moi dans la tecircte Pour ces appelants qui cher-

chent une communauteacute drsquoexpeacuterience le psy-

chologue se doit drsquoecirctre un sujet dont le savoir

nrsquoest pas que supposeacute

SUIVI POUR QUI SUIVI POUR QUOI

Nous distinguons trois cateacutegories drsquoappelants

les personnes malades crsquoest agrave dire symptoma-

tiques leur entourage (conjoints enfants pa-

rents fregraveres et sœurs) et les personnes agrave

risque de deacutevelopper la maladie (drsquoorigine geacute-

neacutetique ou iatrogegravene) Les appels des profes-

sionnels (assez rares) ne seront pas traiteacutes

dans cet article

En huit ans seulement trois personnes ma-

lades ont eacuteteacute en contact avec le psychologue

par teacuteleacutephone et nrsquoont beacuteneacuteficieacute que de deux

entretiens en moyenne En effet dans la majo-

riteacute des cas la maladie est suspecteacutee tardive-

ment apregraves une longue peacuteriode drsquoerrance meacute-

dicale Si bien que le patient deacutejagrave tregraves sympto-

matique est rarement en capaciteacute de parler

suffisamment distinctement (dysarthrie) pour

beacuteneacuteficier drsquoun entretien teacuteleacutephonique Drsquoautant

que les troubles neuropsychologiques et psy-

chiatriques associeacutes agrave une freacutequente anoso-

gnosie et une eacutevolution preacutecipiteacutee de la mala-

die rendent complexes la mise en place drsquoun

suivi

Monsieur K prend contact avec la Cellule ef-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 73

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

frayeacute par la deacutegradation de son eacutetat il tremble

tombe et perd la meacutemoire Il craint drsquoecirctre atteint

de la maladie de Creutzfeldt-Jakob dont il se

sait agrave risque suite agrave un traitement par hor-

mones de croissance contamineacutees Je nrsquoose

pas en parler on va me regarder bizarrement

et srsquoinquieacuteter peut-ecirctre pour rien Mais lrsquoentre-

tien est difficile agrave mener au regard des troubles

cognitifs et dysarthriques de Monsieur K Nous

convenons neacuteanmoins drsquoun rendez-vous teacuteleacute-

phonique la semaine suivante Le jour-dit je

lrsquoappelle agrave son domicile Il ne se souvient ni de

moi ni de la raison de mon appel Il comprend

agrave peine les mots que je prononce Il raccroche

Crsquoest donc principalement agrave lrsquoentourage du ma-

lade que srsquoadresse le soutien psychologique

par teacuteleacutephone un entourage deacutemuni devant

cette maladie que personne ne connaicirct qui

effraie tout le monde et qui laisse chacun en

proie agrave un profond sentiment drsquoisolement Freacute-

quemment rencontreacute au deacutecours drsquoautres pa-

thologies neurodeacutegeacuteneacuteratives le sentiment

drsquoisolement semble pourtant exacerbeacute par les

speacutecificiteacutes de cette maladie meacuteconnue que

les meacutedias ont tocirct fait drsquoassimiler agrave une forme

de peste contagieuse foudroyante

monstrueuse Des qualificatifs qui srsquoillustrent

parfois crucircment dans la reacutealiteacute par un compor-

tement exageacutereacutement eacutevitant du corps meacutedical

Ils portent des masques des gants et entrent

prudemment dans la chambre Que dire en-

core de lrsquoamalgame de toutes les formes de

MCJ avec la plus meacutediatiseacutee drsquoentre-elles -la

vache folle - si ce nrsquoest qursquoil en ajoute au senti-

ment drsquoeacutetrangeteacute qursquoelles provoquent deacutejagrave

Ce nrsquoest pas un animal crsquoest un ecirctre hu-

main Mais ce nrsquoest pas tant la maladie qui

est contagieuse que lrsquoidentification menaccedilante

qursquoelle propose lrsquoidentification agrave lrsquoEcirctre animal

archaiumlque et agrave lrsquoEcirctre deacutement qui nrsquoest plus lui-

mecircme agrave la fois posseacutedeacute et deacuteposseacutedeacute de

son humaniteacute Les MCJ quelle qursquoen soit la

forme figureraient-elles la barbarie au sens

eacutetranger et sauvage du terme

Les familles sont comme prises au piegravege de

ces repreacutesentations collectives dont la vio-

lence inouiumle (jamais entendue) semblent les

expulser aux confins de la communauteacute hu-

maine Quand on a dit ce qursquoil avait tout le

monde a disparuhellip On a eu beau expliquer

qursquoil nrsquoy avait pas de risque de transmission

les gens sont terrifieacutes et prennent leur distance

Il nrsquoy a plus personne agrave qui parler Mais cette

expulsion nrsquoest pas toujours le fait du monde

exteacuterieur Lrsquoentourage peut se retirer spontaneacute-

ment du monde pour se soustraire au regard

que ce dernier pourrait porter sur lui Je ne

voulais pas qursquoon nous regarde comme des

becircteshellip alors jrsquoai disparu de la circulation

Dans ce contexte de mise en quarantaine dic-

teacutee ou spontaneacutee la seule ideacutee de lrsquoexistence

de la Cellule fait fonction de terre drsquoasile de

support identificatoire Un support identifica-

toire renarcissisant Ici je peux reprendre

forme humainehellip il y a quelqursquoun au bout du fil

Quelqursquounhellip et je me sens quelqursquoun en mi-

roir Parce qursquoavec tout ce qui nous arrive je

me sens tantocirct comme un chien galeux tantocirct

trimbaleacute comme un objethellip et de par son nu-

meacutero drsquoappel unique doubleacute drsquoune prise en

charge globale un support identificatoire struc-

turant Jrsquoai lrsquoimpression qursquoelle part en mor-

ceauxhellip petit bout par petit bouthellip lrsquoeacutequilibre la

tecircte la marche la vision la parolehellip sa vie

part en lambeauxhellip et moi je nrsquoarrive plus agrave

me rassemblerhellip Mais il y a tout le monde

(meacutedecins assistante sociale psychologue)

ici agrave la Cellulehellip ccedila me rassure de savoir que

vous parlez tous la mecircme langue que vous

faites corps

Outre lrsquoentourage des malades des personnes

dites agrave risque font appel agrave la Cellule des per-

sonnes agrave risque de MCJ suite agrave un traitement

par hormones de croissance contamineacutees et

des personnes agrave risque de MCJ drsquoorigine geacute-

neacutetique Dans les deux cas le veacutecu subjectif de

risque prend en otage les perspectives drsquoave-

nir Parce qursquoil annonce en mecircme temps le pire

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 74

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

et la possibiliteacute drsquoy eacutechapper parce qursquoil

nrsquoindique ni la victime ni lrsquoheure de la catas-

trophe le risque peut donner agrave cette derniegravere

un caractegravere omnipreacutesent Quand je vais

bien je me prends agrave espeacuterer que je ne serai

jamais malade que tout ccedila nrsquoeacutetait qursquoun cau-

chemar Mais quand je me sens mal le risque

drsquoecirctre malade se transforme en fataliteacute Je me

sens condamneacutee (hellip) Finalement que ce soit

par lrsquoespoir ou la fataliteacute crsquoest un peu lagrave tout le

temps un peu partout en moi

Et si des moments drsquoaccalmie subsistent crsquoest

souvent un eacuteleacutement de la reacutealiteacute preacutesent ou agrave

venir qui vient attiser les angoisses drsquoecirctre ma-

lade

Concernant le drame des hormones de crois-

sance contamineacutees ce sont principalement les

diffeacuterentes eacutetapes du procegraves (ouverture en

2008 4 mois drsquoaudience rendu de justice en

2009 et mise en appel en 2010) qui ont deacuteclen-

cheacute une recrudescence des appels des per-

sonnes agrave risque Crsquoest cette histoire de pro-

cegraves (hellip) je lis tous les articles dans la presse

(hellip) Depuis je vais reacuteguliegraverement sur le site de

lrsquoInvs pour veacuterifier le nombre de deacutecegraves leurs

acircgeshellip Je me dis que moi crsquoest bon je suis

plus vieille ou jrsquoai reccedilu les hormones plus tard

(hellip) Je comprends ce procegraves mais je le mau-

dis Je me sentais bien ces derniers temps

Jrsquoavais construit mon petit igloo avec mon mari

dedans Et lagrave je souhaite hurler qursquoon mrsquoa cas-

seacute mon igloo Durant tout le deacuteroulement du

procegraves certains de ces jeunes agrave risque ont

eacuteteacute deacutebordeacutes par un puissant sentiment

drsquoambivalence entre le deacutesir et la peur qursquoon

leur reconnaisse le preacutejudice subi crsquoest agrave dire

le coucirct psychique de se savoir contamineacute Re-

connaissance qui aurait signeacute la reacutealiteacute du

risque qursquoils encouraient Si le procegraves vient agrave

statuer que je suis victime je ne pourrai plus

me dire que crsquoest juste un cauchemar et que je

vais me reacuteveiller (hellip) et puis jrsquoai peur que ccedila se

traduise par le deacuteclenchement de la maladie

Paradoxe de cette victimation crsquoest la meacutede-

cine qui a rendu malade Dire que crsquoeacutetait

pour me soignerhellip quelle ironiehellip Je nrsquoai pas

de symptocircme je sais mais je suis deacutejagrave morte

De peur Et en ces temps juridiques agiteacutes la

Cellule et ses meacutedecins tout particuliegraverement

se sont vus parfois pris dans les mecircmes filets

ambivalents On a fait confiance aveugleacutement

agrave la meacutedecine Comment pouvions-nous imagi-

ner que le mal viendrait de lagrave ougrave on lrsquoattendait

le moins A qui faire confiance maintenant

Notamment encourageacutes par les associations

avec lesquelles la Cellule entretient des liens

eacutetroits certains parents de jeunes agrave risque

ont fait appel agrave nous Notre vie est faite de

hauts et de bas Lorsqursquoon apprend qursquoun

jeune est mort toute lrsquohistoire remonte et puis

le temps passe et on fait comme si ccedila nrsquoexistait

plus Mais ces oscillations crsquoest de la tor-

ture Comment ne pas eacutevoquer aussi le veacutecu

dramatique de ces autres parents qui ont perdu

leur enfant parfois il y a longtemps Des pa-

rents encore submergeacutes par la peine et rongeacutes

par un fort sentiment de culpabiliteacute drsquoavoir

donneacute le feu vert aux meacutedecins pour gagner

quelques centimegravetreshellip drsquoavoir moi-mecircme

fait les injections drsquohormones Un sentiment de

culpabiliteacute exacerbeacute par la relaxe geacuteneacuterale des

preacutevenus apregraves 20 ans de proceacutedure Il y a

des victimes il faut des coupables (hellip) Crsquoest

comme si la Justice nous avait deacutesigneacutes cou-

pables agrave leur place

Dans ce contexte ougrave preacutedominent les senti-

ments de culpabiliteacute et parfois de honte le teacuteleacute-

phone est un outil de grand secours puisqursquoil

permet aux personnes de se soustraire au re-

gard de lrsquoAutre Cet Autre objet drsquoimplacables

projections accusatrices Je nrsquoaurais pas pu

consulter un psychologue en face-agrave face Jrsquoau-

rais eu trop peur de lire sur son visage le deacute-

goucirct le rejet le jugementhellip lagrave je peux dire ce

que je veux je ne vois pas votre reacuteactionhellip

crsquoest moins dur Mais pourquoi le psychologue

de la Cellule se precircte-il si rarement aux projec-

tions de nature perseacutecutrice Reacutepond-il agrave la

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 75

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

neacutecessiteacute de sauvegarder un bon objet Un

bon objet inteacuteriorisable susceptible de restaurer

a minima le narcissisme parental

Concernant les formes heacutereacuteditaires de MCJ

dans la majoriteacute des cas lorsque le diagnostic

tombe le malade est deacutejagrave au stade terminal de

la maladie Les membres agrave risque de la fa-

mille se retrouvent donc confronteacutes agrave deux

drames simultaneacutes la perte imminente de leur

proche et lrsquohorreur de leur possible devenir

Voilagrave en une fraction de seconde le monde

bascule Je regardais ma megravere mourir jrsquoima-

ginais que jrsquoallais finir comme elle et je pensais

agrave mes enfants qui auraient peut-ecirctre le mecircme

destin Puis viennent les angoisses pour les

fregraveres et sœurs leurs enfants crsquoest lrsquoheacuteca-

tombehellip

Comment en parler aux enfants Peut-on

continuer agrave vivre normalement en sachant que

tout peut basculer en quelques mois Je

nrsquoarrecircte pas de pleurer est-ce le deacutebut de la

maladie Faut-il faire le test geacuteneacutetique

Autant de questions difficiles agrave adresser agrave lrsquoen-

tourage Jrsquoai appeleacute la Cellule parce que je ne

veux pas affoler mon mari mes enfantshellip (hellip)

et je ne suis pas encore precircte agrave me retrouver

en consultation de geacuteneacutetique (hellip) ce serait trop

reacuteel (hellip) pour lrsquoinstant quand je raccroche je

peux faire comme si ccedila nrsquoexistait pas

NATURE DE LrsquoESPACE TEacuteLEacutePHONIQUE

Mais de quelle nature est cet espace teacuteleacutepho-

nique pour autoriser le patient agrave maintenir en

dehors de sa reacutealiteacute le contenu qursquoil y deacutepose

Lrsquoabsence de corps en preacutesence et lrsquoimmateacuteria-

liteacute de la voix comme unique canal de commu-

nication seraient-elles la clef du choix des pa-

tients drsquoun suivi teacuteleacutephonique plutocirct qursquoen cabi-

net Le teacuteleacutephone permettrait-il au patient de

srsquoaffranchir ponctuellement drsquoun trop de reacuteel et

de se proteacuteger de lrsquoeffraction qursquoopegravere la crudi-

teacute de ses preacuteoccupations mateacuterielles orga-

niques mais aussi existentielles Serait-elle la

figuration de ce temps intra-uteacuterin ougrave tout de la

reacutealiteacute sauf la megravere eacutetait en dehors ce temps

ougrave le lien intime avec elle nrsquoeacutetait que sons Je

vous parle et vous me parlez aussi dans le

creux de lrsquooreillehellip Vous ecirctes un peu mon es-

pace proteacutegeacute mon espace secret Ce temps

reacutevolu ougrave le lieu de rencontre (le ventre mater-

nel) entre la megravere et lrsquoenfant eacutetait lrsquoobjet de tous

les fantasmes Que dire drsquoautre en effet du lieu

de rencontre entre le psychologue et le pa-

tient qursquoil nrsquoest que scegravene psychique pur es-

pace temporel un ensemble chacun chez soi

Un espace qui srsquooffrirait donc plus encore et

plus subitement agrave la reacutegression du patient que

le divan de lrsquoanalyste ou lrsquoentretien agrave domicile

Parce qursquoelle les prive drsquoinformations agrave carac-

tegravere visuel (regards mimiques postures ges-

tuelles) et puisque rien ne fait obstacle ni chez

le patient ni chez le psychologue aux diffeacute-

rentes repreacutesentations fantasmatiques que

chacun a de lrsquoautre la teacuteleacutephonie se precircte agrave

une activiteacute imaginaire deacutebrideacutee Seules des

informations agrave caractegravere sonore telles que le

timbre de la voix les rythmes tons silences

intonations et bruits ambiants (il allume une ci-

garette elle ferme une porte la voix reacutesonne

comme dans un espace vide) donnent force et

forme agrave lrsquoespace theacuterapeutique Elles seules et

dans une immeacutediateteacute remarquable suffisent agrave

faire surgir le visage le corps et le lieu de

lrsquoautre Des lapsus agrave caractegravere visuels srsquoim-

miscent drsquoailleurs dans le discours des pa-

tients et du psychologue Je vois drsquoici la tecircte

que vous faites Nos rencontres teacuteleacutepho-

niques On se voit la semaine prochaine Des

deacutetails comme la silhouette la couleur des

yeux des cheveux des vecirctements un canapeacute

des photos au mur des sourcils fronceacutes ou une

moue deacutefaite sont-ils lrsquoexpression paroxystique

de lrsquoactiviteacute fantasmatique agrave lrsquoœuvre dans la

relation transfeacutero-contre-transfeacuterentielle entre

le patient et son theacuterapeute

Pourquoi lrsquoimage de cette patiente-lagrave tarde agrave se

construire en moi apparaicirct puis disparaicirct sans

que je puisse la saisir Parce qursquoelle joue agrave

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 76

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

cache-cache avec son pegravere malade qui ne

doit pas la voir dans cet eacutetat de terreur Pour-

quoi ai-je oublieacute drsquoappeler ce patient aujour-

drsquohui alors que son nom est surligneacute dans mon

agenda Parce qursquoil me reacutepegravete chaque fois

que tout le monde lrsquooublie Pourquoi cet

autre patient a-t-il exceptionnellement deman-

deacute agrave deacuteplacer son rendez-vous Parce qursquoil

eacutetait justement question lors de notre dernier

entretien de deacuteplacer son agressiviteacute pour

eacutepargner sa femme malade

Pourquoi cette megravere au beau milieu de son

suivi donne-t-elle mon numeacutero au fils qui ne

lrsquoeacutecoute plus Pourquoi ce fils accepte-t-il

drsquoappeler le psychologue de sa megravere Pour-

quoi le psychologue accepte-t-il de suivre seacute-

pareacutement deux membres de la mecircme famille

tandis qursquoil heacutesiterait agrave le faire en cabinet

Parce que les espaces ndash uniquement fantas-

meacutes- sont bien distincts en lui et que leur rela-

tion reacuteclame drsquoecirctre tierciseacutee

Pourquoi cette demande impeacuterieuse de me voir

en consultation Parce que cette patiente non

reconnue par la justice dans son statut de

victime des hormones de croissance contami-

neacutees a besoin drsquoecirctre reconnue au sens pre-

mier du terme par le psychologue

Pourquoi cette crainte en moi agrave lrsquoideacutee de voir

ces patients-lagrave comme on pourrait avoir agrave

craindre de transgresser la regravegle fondamentale

drsquoabstinence Dans ce contexte de suivi teacuteleacute-

phonique -qui induit lrsquoeacuterotisation du lien agrave la

voix et un sentiment paradoxal de grande

proximiteacute voir serait-il devenu un eacutequivalent de

toucher et lrsquoacting out agrave eacuteviter

Ces quelques exemples de questionnements

du psychologue autour des manifestations

transfeacutero-contre-transfeacuterentielles agrave lrsquoœuvre

dans le suivi teacuteleacutephonique nous semblent rele-

ver drsquoun processus de type theacuterapie drsquoinspira-

tion analytique Un processus qui se partage

souvent en deux temps un temps de plainte et

un temps drsquoeacutelaboration psychique complexe au

cours duquel le patient rapporte spontaneacutement

ses recircves Des recircves dont le mateacuteriel fait lrsquoobjet

drsquointerpreacutetations par le psychologue

SUIVI TEacuteLEacutePHONIQUE AVEC OU SANS FIN

Il arrive qursquoapregraves le deacutecegraves de son proche le

patient srsquointerroge sur la leacutegitimiteacute de la pour-

suite du suivi comme si la survie du malade

avait jusqursquoici conditionneacute son droit agrave en beacuteneacutefi-

cier Il nrsquoen est rien alors tout ne srsquoarrecircte pas

pour moi non plus Cet espace temporel

sans corps en preacutesence qui a proteacutegeacute le pa-

tient des angoisses inheacuterentes agrave la reacutealiteacute

drsquoune seacuteparation annonceacutee permet et catalyse

mecircme parfois le travail de deuil Vous ecirctes un

peu comme mon fregravere [mort depuis 3 mois] je

ne le vois pas mais il est lagravehellip je ne le vois pas

mais je lrsquoentends parfoishellip comme avec vous

jrsquoapprends agrave dialoguer agrave lrsquointeacuterieur de moi avec

lui

La sortie du dispositif de soutien teacuteleacutephonique

est longuement travailleacute eacutevocation de lrsquoapregraves

eacutelaboration de la seacuteparation espacement pro-

gressif des entretiens Un cheminement au

cours duquel surgissent plus explicitement les

traces du caractegravere transitionnel de lrsquoespace

teacuteleacutephonique Un espace qui sans ecirctre une

permanence drsquoeacutecoute a eacutetayeacute le sentiment de

permanence drsquoobjet Je ne vous ai jamais

vuehellip alors je nrsquoai pas peur de ne plus vous

voir Vous ecirctes un peu comme toujours lagrave

CONCLUSION

La Cellule Nationale de Reacutefeacuterence des Mala-

dies de Creutzfeldt-Jakob a pour mission lrsquoaide

au diagnostic et agrave la prise en charge meacutedicale

sociale et psychologique des patients et de leur

famille Lrsquoaide proposeacutee srsquoeffectue essentielle-

ment par teacuteleacutephone

La faisabiliteacute et la leacutegitimiteacute drsquoun soutien psy-

chologique exclusivement teacuteleacutephonique a eacuteteacute

lrsquoobjet de nombreuses interrogations pour le

psychologue quelle est la nature de cet es-

pace particulier drsquoaccompagnement Quels en

sont les beacuteneacutefices Peut-on soutenir un veacuteri-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 77

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

table travail psychique dans le cadre de ce dis-

positif Est-il leacutegitime de parler de travail psy-

chotheacuterapeutique

Les 110 suivis psychologiques effectueacutes agrave la

Cellule depuis 2003 nous permettent aujour-

drsquohui drsquoaffirmer que notre travail de psycho-

logue ne se limite pas agrave une pure fonction de

soutien En effet bien que tregraves eacuteloigneacute de la

situation analytique le processus agrave lrsquoœuvre

dans le dispositif teacuteleacutephonique semble srsquoappa-

renter agrave celui drsquoun dispositif de type psychotheacute-

rapeutique drsquoinspiration analytique le cadre

est poseacute et penseacute par le psychologue

(entretiens de 45 minutes notion de rendez-

vous teacuteleacutephoniques rythmiciteacute souvent hebdo-

madaire suivi au long cours) lrsquoassociation

libre est encourageacutee lrsquointerpreacutetation des dires

lrsquoanalyse des recircves lrsquoanalyse du transfert et du

contre-transfert par le psychologue est freacute-

quente et le patient effectue un veacuteritable travail

drsquoeacutelaboration psychique au deacutecours du suivi

Lrsquoexpeacuterience nous deacutemontre que les particulari-

teacutes de lrsquoaccompagnement teacuteleacutephonique

(notamment privation drsquoinformations visuelles)

ne freinent pas le processus theacuterapeutique

Elles pourraient mecircme le favoriser

(relacircchement du systegraveme deacutefensif)

Ainsi ce dispositif innovant de prise en charge

psychologique agrave lrsquohocircpital est au service drsquoune

difficulteacute des personnes qui y ont recours la

crainte et ou lrsquoimpossibiliteacute drsquoaller consulter un

psychologue en face-agrave face

Retrouvez

toute lrsquoactualiteacute de Psyclihos

les enregistrements des con-

feacuterences ainsi que le journal

des 20 ans

sur notre site internet

wwwpsyclihosorg

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 78

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

Parents face agrave linterruption meacutedicale de grossesse des mots

en images

Natascia Serbandini

Service de gyneacutecologie-obsteacutetrique Hocircpital Jean Verdier

A pregraves avoir eacutevoqueacute briegravevement les speacute-

cificiteacutes du deuil peacuterinatal je vais vous

preacutesenter une pratique nouvelle au sein

de lrsquoAPHP un groupe de parole hospitalier

destineacute aux femmes ayant fait une interruption

meacutedicale de grossesse Ce groupe est neacute en

2008 un an apregraves sa creacuteation nous avons choi-

si drsquointroduire une cameacutera lors des seacuteances

Enfin je deacutecrirai lrsquoimpact de la cameacutera sur le

groupe et le projet de film que nous sommes

en train de reacutealiser

LES SPEacuteCIFICITEacuteS DU DEUIL PEacuteRINATAL

La deacutecouverte dune pathologie fœtale incu-

rable pendant la grossesse est un eacuteveacutenement

hautement traumatique pour les parents du fu-

tur beacutebeacute Lhocircpital Jean Verdier unique Centre

Pluridisciplinaire de Diagnostic Preacutenatal du 93

accueille et accompagne les parents degraves lrsquoan-

nonce du diagnostic jusqursquoagrave lrsquointerruption meacutedi-

cale de grossesse quand les parents la deman-

dent

Le deuil peacuterinatal preacutesente des speacutecificiteacutes qui

le distinguent du deuil classique il est toujours

accompagneacute drsquoun fort sentiment de culpabili-

teacute amplifieacute dans le cadre des Interruptions Meacute-

dicales de Grossesse par la prise de deacutecision

(Tous les textes en italique sont issus de teacutemoi-

gnages de femmes lors du groupe de parole)

Pendant le travail je le sentais encore mon

beacutebeacute est neacute vivant jrsquoavais vraiment cette sen-

sation qursquoil voulait se battre Jrsquoai enleveacute tout cet

espoir de vie et je me demande de quel droit

Crsquoest cette impression drsquoavoir le choix sur sa

vie ou sa mort crsquoest tellement lourd agrave porter

Une autre speacutecificiteacute est lrsquoabsence drsquoun veacutecu

partageacute avec cet enfant en dehors de la gros-

sesse Geneviegraveve Delaisi de Parseval

(psychanalyste) Comment faire le deuil de ce

qui nrsquoa pas eu lieu drsquoon ne sait quoi et de

presque rien Lrsquoobjet perdu reste agrave perdre

comment accepter la seacuteparation drsquoavec un ecirctre

que lrsquoon nrsquoa pas connu

Le deuil est un processus intrapsychique con-

seacutecutif agrave la perte drsquoun objet drsquoattachement par

lequel le sujet reacuteussit progressivement agrave se deacute-

tacher de celui ci Jean Philippe Legros

(psychologue psychanalyste au centre de meacute-

decine foetale Cochin-St Vincent de Paul) dans

lrsquoarticle L lsquoarrecirct de vie in utero ou lrsquoerrance des

fœtus un possible deuil preacutecise que dans le

deuil peacuterinatal il srsquoagit drsquoun deacutetachement sans

renoncement

Ensuite il srsquoagit drsquoun deuil feacuteminin un deuil

veacutecu tregraves diffeacuteremment dans le couple

Mon mari lui a pris sa deacutecisionhellipje ne dis pas

que ccedila a eacuteteacute facile ccedila a ducirc ecirctre dur pour lui

aussi moi je la portais je la sentais bouger

Cette mort est intoleacuterable pour la megravere en lien

avec le sentiment drsquoomnipotence propre agrave la

grossesse intoleacuterable pour la megravere qui con-

naissait ce beacutebeacute et qui a ressenti ses mouve-

ments

Ce sentiment de toute puissance est amplifieacute

par le fait que la demande drsquoInterruption Meacutedi-

cale de Grossesse revient agrave la femme seule

signataire selon la loi

Je sais qursquoil souffre qursquoil est malheureux il a

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 79

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

la mecircme peine et la mecircme tristesse que moi

mais il ne llsquoexprime pas pareil il y a une culpa-

biliteacute plus importante chez la megravere

La perte du beacutebeacute est parfois difficilement re-

connue par les pegraveres qui nrsquoosent pas manifes-

ter leur souffrance et qui se projettent plus rapi-

dement dans lrsquoavenir

Leur deacutetresse reacutesulte en grande partie de la

mise agrave mal de la fonction contenante protec-

trice de la femme enceinte qursquoils assuraient

avant lrsquointerruption

Ce deuil est deacutepourvu drsquoune dimension so-

ciale Franccediloise Moleacutenat (peacutedopsychiatre) dit

Iil existe une cicatrice dans le corps de la

megravere mais pas de cicatrice sociale

Beaucoup de personnes mrsquoont dit crsquoest

dingue que lrsquoadministration franccedilaise se mecircle

de ccedila (en parlant de la reconnaissance agrave la

Mairie) alors qursquoil nrsquoy a mecircme pas de beacutebeacute il

eacutetait pas neacute

Les rituels autour du deuil ont une fonction psy-

chique ils offrent au mort un deacutedommagement

symbolique Ils assurent une reconnaissance

de la peine des proches par le groupe

Crsquoest seulement depuis quelques anneacutees que

les rites et rituels sociaux autour des beacutebeacutes

morts in utero ont pris leur place agrave travers la

reconnaissance agrave lrsquoEtat Civil et lrsquoeacutevolution des

pratiques drsquoaccompagnement dans les materni-

teacutes (preacutesentation du corps du beacutebeacute organisa-

tion drsquoobsegraveques)

Ce travail est reacutealiseacute dans le but de creacuteer et

drsquoancrer des souvenirs de cet enfant afin de

faire des parents des parents

Jrsquoavais toujours une photo de mon fils dans

mon portefeuille jrsquoen avais besoin Crsquoest peut

ecirctre parce que je ne voulais pas qursquoon me dise

que crsquoeacutetait rien

LE GROUPE DE PAROLE Agrave JEAN VERDIER

Lors des entretiens avec le gyneacutecologue ou

dans le cadre drsquoun suivi psychologique quelque

temps apregraves les Interruptions Meacutedicales les

femmes eacutevoquaient de maniegravere reacutecurrente leur

solitude lrsquoimpossibiliteacute de partager leur souf-

france et le temps passant de ne plus pouvoir

parler de leur beacutebeacute dans le cercle familial et

amical Cet oubli de lrsquoentourage et la reprise

drsquoune vie normale est source de culpabiliteacute

elles avaient le sentiment drsquoabandonner agrave nou-

veau leur beacutebeacute

Jrsquoai lrsquoimpression que personne ne me com-

prend jrsquoai lrsquoimpression drsquoecirctre seule au monde

de me noyer je survis Les gens ne peuvent

pas comprendre notre situation je nrsquoarrive pas

agrave leur dire ma souffrance immense

De cela est neacutee lrsquoideacutee de proposer un espace

drsquoeacutechanges entre femmes sous forme de

groupe de paroles Ce projet a eacuteteacute creacuteeacute agrave lini-

tiative commune du gyneacutecologue responsable

du Centre de Diagnostic Anteacutenatal et de moi-

mecircme

Il srsquoagit drsquoun groupe ouvert agrave toutes les femmes

ayant veacutecu une Interruption Meacutedicale de Gros-

sesse agrave Jean Verdier

Le groupe se reacuteunit une fois par mois pendant

une heure et demie et est co-animeacute par un bi-

nocircme psychologuepsychiatre et meacutedecinsage

femme

Le groupe constitue un cadre de confiance

une enveloppe psychique comme le dit An-

zieu propice agrave la mise en commun des charges

affectives et agrave lrsquoaccompagnement du deuil

De plus comme le rappelle Jean Philippe Le-

gros apregraves la perte drsquoun enfant par IMG la

crainte de la megravere contrairement aux parents

drsquoenfants porteurs drsquohandicap est lrsquoabsence du

regard des autres dans le reacuteel Cet ecirctre invi-

sible pour les yeux cet enfant que personne

drsquoautre nrsquoa connu risque de disparaicirctre Drsquoougrave

lrsquoimportance de creacuteer un espace physique (par

rapport aux espaces virtuels les forums sur

Internet tregraves freacutequenteacutees par les megraveres en-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 80

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

deuilleacutees) et psychique au sein de lrsquohocircpital afin

de reconnaicirctre lrsquoexistence de ces beacutebeacutes et per-

mettre agrave ces femmes drsquoecirctre megraveres

Les autres nous parlent comme si on avait

perdu quelque chose crsquoest quand mecircme un

ecirctre vivant crsquoeacutetait quand mecircme notre enfant

Lrsquoobjectif principal du groupe est de permettre

le partage drsquoexpeacuterience de ce deuil si particu-

lier drsquoecirctre rassureacutee par le parcours des autres

dans un cadre de reacutefeacuterence suffisamment

bon pour le dire avec les mots de Winnicott

Crsquoest vrai que discuter avec drsquoautres per-

sonnes qui lrsquoont veacutecu il y a longtemps et qui ont

su deacutepasser certaines eacutetapes ccedila aide ccedila

donne des cleacutes pour passer agrave lrsquoeacutetape suivante

LrsquoIDEacuteE DU FILM DES MOTS EN IMAGES

Le groupe a eacuteteacute tregraves freacutequenteacute degraves le deacutebut

Apregraves un an de fonctionnement le gyneacutecologue

a proposeacute drsquointroduire une camera afin de fil-

mer les seacuteances pour teacutemoigner de cette expeacute-

rience positive et faire connaicirctre cette pratique

Cette proposition a eacuteteacute discuteacutee par les

femmes au sein du groupe elles ont adopteacute

cette ideacutee et ont eacutelaboreacute avec nous les objectifs

du film

Teacutemoigner autour du deuil peacuterinatal en deacutecri-

vant les diffeacuterentes eacutetapes et souligner les beacute-

neacutefices drsquoun groupe de parole

A partir de leur veacutecu permettre une reacuteflexion

visant agrave ameacuteliorer les pratiques soignantes

dans les accompagnements du deuil peacuterinatal

agrave lrsquohocircpital

Nous avons filmeacute six seacuteances dune heure

trente avec deux techniques une cameacutera fixe

et une cameacutera mobile Ensuite nous avons eacuteta-

bli ensemble un plan pour le film reacutecit en ordre

chronologique du deacuteroulement de lrsquoIMG Les

diffeacuterents chapitres

Lrsquoannonce et la deacutecision lrsquohospitalisation le

retour agrave la maison lrsquoenterrement lrsquoentourage

lrsquoautopsie la grossesse drsquoapregraves le groupe

La preacutesence de la cameacutera a eu un impact sur

le deacuteroulement des seacuteances les theacutematiques

ont eacuteteacute eacutetablies agrave lrsquoavance ce qui a permis de

structurer davantage les seacuteances tout en gar-

dant la liberteacute drsquoaborder les questions eacutevo-

queacutees spontaneacutement par les femmes

Comme le dit Winnicott lrsquoenfant existe dans les

yeux de sa megravere le visage de lrsquoenfant que lrsquoon

nrsquoa pas vu ne permet pas agrave la megravere de se re-

connaicirctre comme megravere

Le film vient srsquoinscrire dans cette neacutecessiteacute de

reconnaissance de laisser une trace de cette

preacutesence de ce beacutebeacute qui nrsquoa plus de corps

physique mais qui existe dans lrsquohistoire fami-

liale

La preacutesence de la cameacutera a donc eu des effets

beacuteneacutefiques pour les femmes mais aussi pour

les soignants la richesse du mateacuteriel clinique

recueilli nous a permis drsquoobserver lrsquoeacutevolution

des femmes dans le processus de deuil et

drsquoanalyser leur posture au sein du groupe ainsi

que celle des animateurs

Si le groupe a fonction de portage pour cer-

taines pour drsquoautres crsquoest le lieu ougrave elles peu-

vent donner un sens agrave ce qursquoelles ont veacutecu en

partageant leur expeacuterience avec drsquoautres

Nous avons constateacute en visionnant les

seacuteances que plusieurs femmes qui semblent

ecirctre dans un deuil normal continuent agrave freacute-

quenter le groupe alors que leur interruption

remonte agrave il y a trois ou quatre ans

Le besoin de continuer agrave eacutevoquer leur beacutebeacute

nrsquoest pas un signe de deuil pathologique mais

une neacutecessiteacute de la ceacuteleacutebration de la meacutemoire

de ces beacutebeacutes disparus Ces femmes veulent

garder comme le dit Jean Philippe Legros une

dose homeacuteopathique du trauma qui gueacuterit de

lui en ne se seacuteparant jamais

Quand jrsquoai dit agrave ma responsable que je mrsquoab-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 81

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

sentais pour venir au groupe de parole elle

mrsquoa dit Ben tu en as deacutejagrave un (enfant) qui est lagrave

pourquoi tu continues agrave aller agrave ce groupe Je

lui ai dit Crsquoest pas parce que jrsquoai reacuteussi agrave

avoir un petit garccedilon que je vais compleacutetement

oublier ce qui concerne mon premier enfant

justement lui il nrsquoest pas lagrave crsquoest pour ccedila que

je continue agrave aller au groupe pour parler de lui

pour le faire exister

Aujourdrsquohui le projet du film est en cours nous

avons imagineacute deux versions

- une version courte de 20 minutes un teacutemoi-

gnage du groupe sur le deuil peacuterinatal agrave diffu-

ser agrave lrsquoexteacuterieur

- une version longue de 52 minutes destineacutee

aux femmes et en interne agrave lrsquohocircpital Jean Ver-

dier

Le premier montage a eacuteteacute visionneacute par les

femmes qui ont participeacute aux choix des extraits

Nous espeacuterons pouvoir le diffuser dans un ave-

nir proche agrave un large nombre de professionnels

de santeacute

Retrouvez

toute lrsquoactualiteacute de Psyclihos

les enregistrements des con-

feacuterences ainsi que le journal

des 20 ans

sur notre site internet

wwwpsyclihosorg

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 82

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

Psychologue clinicien aupregraves du personnel missions

enjeux limites

Isabelle Fretigny Hocircpital Saint Louis

Elodie Travers Hocircpital Henri Mondor

P our cette preacutesentation des missions du

psychologue clinicien aupregraves du per-

sonnel agrave

lrsquoAP-HP nous avons choisi de commencer par

reprendre quelques eacuteleacutements agrave lrsquoorigine de la

creacuteation de nos postes

Dans une seconde partie nous deacutefinirons et

preacutesenterons la diversiteacute des missions speacuteci-

fiques aux psychologues du personnel sur site

A la fois clinique et institutionnelle notre pra-

tique nous amegravene agrave ecirctre en contact reacutegulier

avec les diffeacuterents acteurs internes ou ex-

ternes agrave lrsquoinstitution concerneacutes par la protec-

tion de la santeacute au travail Ainsi cette collabo-

ration neacutecessite un important travail de deacuteve-

loppement et drsquoentretien du reacuteseau

Ensuite nous envisagerons les divers ques-

tionnements souleveacutes par ce poste position-

nement parfois drsquoeacutequilibriste cadre speacutecifique

de prise en charge ou encore limites de cette

pratique

HISTORIQUE

Par la loi de 1983 concernant les droits et obli-

gations des fonctionnaires les personnels hos-

pitaliers de par leur statut sont proteacutegeacutes par

leur administration

A la fin des anneacutees 90 le deacuteveloppement de la

preacutevention des violences apparaicirct comme pri-

mordial puis une circulaire intituleacutee Preacutevention

et accompagnement des situations de vio-

lence est reacutedigeacutee en deacutecembre 2000

Le constat de lrsquoaugmentation de la violence au

quotidien dans les hocircpitaux a fait naicirctre au sein

de lrsquoAP-HP des preacuteoccupations et des de-

mandes au niveau institutionnel Ceci a mobili-

seacute un ensemble drsquoacteurs concerneacutes par la

protection de la santeacute des personnels Ainsi la

mise en place drsquoune cellule drsquoaccueil et de

prise en charge des agents victimes de vio-

lence agrave lrsquoAP-HP eacutemane de ces travaux Deux

postes de psychologues cliniciennes ont eacuteteacute

creacuteeacutes au Siegravege en 2000 et 2001 puis drsquoautres

postes de psychologues cliniciens aupregraves du

personnel ont vu le jour sur diffeacuterents sites de

lrsquoAP-HP

Face agrave lrsquoamplification des violences en milieu

hospitalier lrsquoAP-HP a eacutegalement meneacute en 2004

une campagne drsquoinformation sur le thegraveme

Violences de patients drsquoaccompagnants de

visiteurs comment soutenir les personnels qui

en sont victimes Ces derniers ignorent sou-

vent leurs droits et les circuits internes pour ob-

tenir le meilleur accompagnement dans leurs

deacutemarches Lrsquoeacutelaboration drsquoun guide a permis

de deacutecrire les diffeacuterentes modaliteacutes de prise en

charge en cas drsquoagression prise en charge

meacutedico-psychologique sociale meacutedico-

administrative ou encore juridique

Au-delagrave de la preacutevention et de la prise en

charge de la violence agrave lrsquohocircpital les missions

du psychologue clinicien aupregraves du personnel

sont orienteacutees vers deux axes principaux la

clinique individuelle et collective et les activiteacutes

institutionnelles

DEacuteFINITION DU POSTE ET MISSIONS SPEacuteCIFIQUES

Le poste de psychologue du personnel a pour

fonction principale de creacuteer un espace drsquoeacutecoute

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 83

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

et de prise en charge individuelle ou collective

pour tout le personnel de lrsquohocircpital

Toute personne professionnelle de lrsquohocircpital

peut si elle en a la neacutecessiteacute (si elle le sou-

haite) prendre rendez vous pour une premiegravere

consultation et ce quel qursquoen soit le motif pro-

fessionnel ou personnel

Les bureaux permettent de garantir la confiden-

tialiteacute

Les consultations se font sur rendez-vous afin

drsquoeacuteviter lrsquoattente et pour preacuteserver la discreacutetion

Ils sont libres et totalement confidentiels

Des rendez-vous en soireacutee peuvent ecirctre ameacute-

nageacutes

Le deacutelai maximum drsquoobtention drsquoun rendez-

vous est environ de 15 jours

Le nombre de consultations deacutepend de la de-

mande initiale Il peut aller drsquoun seul entretien agrave

plusieurs Lorsque la personne deacutesire ou neacute-

cessite une prise en charge plus longue elle

est orienteacutee agrave lrsquoexteacuterieur Il est preacuteciseacute agrave tout

agent en deacutebut drsquoentretien que ce lieu de con-

sultation a pour vocation un accompagnement

agrave court ou moyen terme

Il est eacutevident que la fonction de psychologue du

personnel est agrave viseacutee clinique crsquoest agrave dire

- que le psychologue du personnel nrsquointervient

pas directement dans les eacutevaluations utiles agrave la

gestion du personnel et nrsquoeacutemettent aucun avis

concernant lrsquoaptitude au poste de travail des

agents reccedilus en consultation (ce qui est de

lrsquounique ressort du meacutedecin du travail) hellip

- que le psychologue du personnel nrsquoest pas

psychologue du travail donc nrsquointervient pas

dans le reclassement les mobiliteacutes profession-

nelles le recrutementhellipMais nos missions

srsquoaccordent bien sur avec celles du CRH si neacute-

cessaire

Le psychologue du personnel comme les

autres psychologues cliniciens de lrsquoeacutetablisse-

ment deacutepend directement du directeur de lrsquoeacuteta-

blissement et a des liaisons fonctionnelles

avec le drh par exemple ou le meacutedecin du tra-

vail

Il rend un bilan annuel quantitatif indiquant cer-

taines donneacutees de son activiteacute tout en preacuteser-

vant lrsquoanonymat et la confidentialiteacute Il peut arri-

ver que ce bilan soit preacutesenteacute aux instances

types CHSCT

Globalement le temps de travail du psycho-

logue du personnel se reacutepartit comme suit

pratique clinique drsquoune part activiteacutes institu-

tionnelles drsquoautre part

LA PRATIQUE CLINIQUE

bull Clinique individuelle soutien psychologique

du personnel en difficulteacute par entretien indivi-

duel

Notre pratique montre que les deux aspects

professionnels et personnels sont souvent in-

triqueacutes qursquoil peut srsquoagir de souffrance au tra-

vail mais aussi de souffrance personnelle qui

peut avoir des reacutepercussions dans le travail

Les motifs principaux agrave lrsquoorigine de la de-

mande

- sur le plan professionnel sont conflits inter

eacutequipe situations de violence au travail

manque de communication difficulteacutes face aux

pathologies perte du sens du travail voire eacutepui-

sement professionnel

- sur le plan personnel sont difficulteacutes fami-

liales sociales deuils seacuteparations probleacutema-

tiques psychopathologiques maladies chro-

niqueshellip

Ces personnes ne se sont jamais adresseacutees agrave

un professionnel du soin psychique par meacute-

connaissance des professions parfois mais par

meacutefiance eacutegalement et arrivent souvent en

portant des souffrances extrecircmement lourdes

et de longue date

Cateacutegories dominantes qui consultent soi-

gnants et administratifs encadrement

quelques personnels techniques et meacutedico-

techniques et tregraves peu de meacutedecins

Il est difficile drsquoeacutetablir une moyenne du nombre

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 84

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

drsquoagents reccedilus par an sur lrsquoensemble des

postes du personnel Toutefois les demandes

de consultations sont en constantes augmenta-

tions sur la plupart des sites de lrsquoAPHP mais

aussi du fait des regroupements amenant les

psychologues agrave ecirctre solliciteacutees sur plusieurs

eacutetablissements

bull Clinique collective

Les interventions collectives peuvent se

preacutesenter sous deux formes les groupes de

parole et les deacutebriefings psychologiques

Le Groupe de parole permet de creacuteer un lieu

drsquoexpression et drsquoeacutechanges sur un thegraveme don-

neacute ou une probleacutematique speacutecifique au service

(comme par exemple lrsquoagressiviteacute et la violence

des patients notamment aux urgences ou en-

core lrsquoimplication eacutemotionnelle des soignants

lieacutee agrave lrsquoaccompagnement en fin de vie hellip)

Le Deacutebriefing psychologique intervention

collective ponctuelle suite agrave un eacuteveacutenement diffi-

cile ou traumatique (suicide drsquoun patient deacutecegraves

drsquoun personnel agression du personnel par un

patient ou son entouragehellip)

Force est de constater eacutegalement que les de-

mandes de reacutesolution de conflit formuleacutees

comme telles sont aussi tregraves preacutesentes et il

semble utile de distinguer la neacutecessaire reacutesolu-

tion drsquoun conflit qui nrsquoest pas forcement le lieu

et le temps du groupe de parole de la volonteacute

drsquoy trouver un sens Il va de soi que le psycho-

logue nrsquointervient en aucun cas comme meacutedia-

teur car il nrsquoen a pas la formation speacutecifique

mecircme si certaines interventions peuvent par-

fois avoir des effets drsquoapaisement du conflit

Pour ces raisons et preacutealablement agrave toute in-

tervention collective il est important drsquoavoir pu

deacutefinir avec les participants leurs attentes et

pas seulement celles lieacutees au demandeur geacute-

neacuteralement lrsquoencadrement ou la direction

LES ACTIVITEacuteS INSTITUTIONNELLES

bull1- Deacuteveloppement et entretien du reacuteseau

En interne Assistant social du personnel meacute-

decine du travail DRH CRH chef du person-

nel direction des soins psychologues du per-

sonnel drsquoautres sites psychologues des ser-

vices psychiatres hellip

En externe orientation vers les CMP pour les

prises en charge agrave plus long terme etou pour

les suivis psychiatriques orientation vers des

lieux de consultations speacutecialiseacutes (addictologie

consultation douleur troubles du sommeil

troubles du comportement alimentaire associa-

tion drsquoaide aux victimes theacuterapie familiale hellip)

2- Participation aux groupes de travail et de

preacutevention preacutevention des addictions de

lrsquoeacutepuisement professionnel des risques psycho

-sociauxhellip

3- Faire connaicirctre ces postes et notre activiteacute

- A lrsquooccasion drsquoune arriveacutee sur site ou lors

drsquoune creacuteation de poste

- Preacutesentation dans les services directement

aupregraves des eacutequipes

- Preacutesentation lors de formations sur site

propre (accueil des nouveaux arrivants ou sur

des theacutematiques en lien avec nos missions) ou

au Centre de Formation Continue du Personnel

Hospitalier (intervention dans le cadre de la for-

mation Preacutevention du risque psychique et de

lrsquoeacutepuisement professionnel agrave lrsquohocircpital)

- Preacutesentation du rapport drsquoactiviteacutes au Comiteacute

drsquoHygiegravene Seacutecuriteacute et Conditions de Travail

QUESTIONNEMENTS ENJEUX LIMITES

Ce poste nous amegravene en permanence

- agrave repreacuteciser nos missions ce que nous pou-

vons faire et aussi ne pas faire depuis notre

place particuliegravere au sein de lrsquoinstitution

- agrave nous confronter agrave certaines limites

- agrave devoir nous adapter agrave une clinique aussi

riche que varieacutee

Plusieurs limites donc

La question du cadre

- absence de paiement pas de psychotheacutera-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 85

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

pie ce nrsquoest pas agrave lrsquoemployeur de payer on

connaicirct par ailleurs la neacutecessiteacute du paiement

- reacutegulariteacute des horaires il est difficile souvent

impossible pour des personnels ayant des ho-

raires variables qui travaillent en alternance de

pouvoir respecter un horaire fixe de rendez

vous Les annulations les reports sont freacute-

quents agrave cause des changements drsquohoraires

subis par les agents eux-mecircmes Parfois de

notre fait eacutegalement

La question de la confiance

- biais dans la relation

Nous avons le mecircme employeur donc il existe

un biais dans la relation de soutien psycholo-

gique (theacuterapeutique) Pourtant eacutetablir une re-

lation de confiance institutionnelle avec les

agents est essentiel Et faire partie de la mecircme

institution peut parfois paradoxalement rassu-

rer et favoriser une deacutemarche qui ne serait par

ailleurs pas faite

Ayant eacuteteacute recruteacute par la mecircme direction la

question de la confidentialiteacute du travail du

psychologue peut se poser (la confidentialiteacute

est rappeleacute agrave chaque premiegravere rencontre)

- Neacutecessaire et juste distance entre lrsquoinstitution

de son propre travail (visites meacutedicales effec-

tueacutees par un autre meacutedecin du travail attitude

discregravete au sein de lrsquoeacutetablissement hellip)

- Se pose la question du secret partageacute dans

lrsquointeacuterecirct de lrsquoagent et avec son accord cer-

taines informations peuvent parfois ecirctre com-

muniqueacutees (assistantes sociales du personnel

meacutedecin du travailhellip) et inversement

Comment et quand reacuteorienter

- au rythme de chacun (cette premiegravere deacute-

marche a deacutejagrave parfois eacuteteacute extrecircmement longue

et difficile)

- ne marche pas toujours du 1er

coup (combien reviennent parce que cela nrsquoa

pas accrocheacute trop cher tous ces arguments

connus qui peuvent cacher un pas precirct agrave)

Autres limites agrave cette pratique

- question de la neutraliteacute quant au fait de pou-

voir recevoir deux parties drsquoun conflit Nous

sommes lagrave pour tous les agents Et crsquoest bien

lagrave toute la diffeacuterence avec les GH qui ont agrave dis-

position plusieurs psychologues du personnel

- difficulteacute si une personne reccedilue en individuel

participe eacutegalement agrave un groupe de parole hellip

- tous les risques de glissement potentiels aux

places que lrsquoinstitution veut nous faire prendre

lorsque par exemple en lrsquoabsence de meacutedecin

du travail on propose agrave la place de rencon-

trer la psychologue du personnel lorsqursquoil faut

absolument trouver une solution risque drsquoecirctre

interpelleacute en vue de reacutesoudre un conflit avec

ce que cela suppose de rapiditeacute et drsquoefficience

allant agrave lrsquoencontre de la possibiliteacute de penser et

drsquoeacutelaborer

CONCLUSION

Pour le psychologue exercer aupregraves du per-

sonnel appelle parfois agrave des positions drsquoeacutequili-

bristes et neacutecessite de garder une certaine

souplesse

Lrsquointeacuterecirct de ce poste est de faciliter lrsquoaccegraves au

psychologue permettant agrave un public qui nrsquoau-

rait pas forcement fait cette deacutemarche de venir

consulter

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 86

Clocircture de la journeacutee

gt Elodie Sacircles preacutesidente de Psyclihos

Page 87

Clocircture de la journeacutee

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 87

Clocircture de la journeacutee

C ette journeacutee nous a permis de partager

la diversiteacute de nos pratiques La ri-

chesse des interventions nous teacutemoi-

gnent de la vivaciteacute des psychologues hospita-

liers Cest bien la speacutecificiteacute de nos pratiques

qui assure la peacuterenniteacute de nos postes et leur

creacuteation

Jai commenceacute la journeacutee par des remercie-

ments cest ainsi que je vais la clore

Je remercie

le Comiteacute scientifique qui a construit ce pro-

gramme riche et ambitieux qui je lespegravere vous

aura apporteacute de nouvelles ressources

Le Comiteacute drsquoorganisation et les beacuteneacutevoles qui

nous ont reacuteserveacute un accueil souriant et dyna-

mique

Cleacutement ingeacutenieur du son agrave la technique

gracircce agrave qui vous pourrez entendre les interven-

tions de cette journeacutee sur notre site internet

Nous vous demandons donc un peu de pa-

tience avant de pouvoir retrouver les interven-

tions de cette journeacutee sur notre site internet

Nheacutesitez pas agrave nous rejoindre ce qui renforce

toujours notre dynamisme

En vous remerciant de votre preacutesence qui fait

le succegraves de cette journeacutee et nous poussera

qui sait agrave nous retrouver avec notre quart de

siegravecle -)

Dernier deacutetail administratif noubliez pas de

remplir le questionnaire deacutevaluation de la jour-

neacutee et surtout de rendre votre badge en par-

tant Cest important pour nous

Merci agrave tous

Elodie Sacircles preacutesidente de Psyclihos

Retrouvez

toute lrsquoactualiteacute de Psyclihos

les enregistrements des con-

feacuterences ainsi que le journal

des 20 ans

sur notre site internet

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BULLETIN DrsquoADHESION

Cotisation annuelle incluant lrsquoabonnement au journal et laccegraves agrave lespace adheacuterent sur notre site

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Contractuel ou retraiteacute 30 euro

Membres associeacutes Jeune diplocircmeacute lt3ans sans emploi 25 euro

Eacutetudiant (master 1 ou 2) 15 euro

Justificatif obligatoire agrave joindre copie du haut du bulletin de salaire du diplocircme ou du certificat de

scolariteacute

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Nom

Preacutenom

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Courriel

Adresse professionnelle (preacuteciser le nom du chef de service)

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Date et signature

A adresser avec votre chegraveque agrave lordre de Psyclihos agrave

Christine SCHWANSE psychologue

Heacutematologie Adulte - Myosotis 3 Hocircpital Saint Louis

par courrier 1 Avenue Claude Vellefaux ndash 75 010 Paris

Association des Psychologues Cliniciens Hospitaliers de lrsquoAssistance Publique

Hocircpitaux de Paris

Page 3: Les 20 ans de Psyclihos

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 3

Le journal Ndeg18 - Janvier 2012

Dans ce numeacutero

Eacuteditorial

Ont participeacute agrave ce numeacutero

Franccediloise ADRIANSEN Marie-Lise BABONNEAU Martine BONNET-LECUIR Marie-Victoire CHOPIN Muriel DEROME Clara DUCHET Anna ELLI-PARDO

Jacqueline FAURE Isabelle FRETIGNY Catherine HOLZMAN Annie KURTZ Nadine LABBE Ceacuteline LE BIVIC Eacutelodie METIVET Patrice NOMINE

Ambre PIQUARD Virginie ROCARD Eacutelodie SALES Christine SCHWANSE Nicole SENSE Natascia SERBANDINI Martine SHINDO Elodie TRAVERS Benoicirct VERDON

Page

Eacuteditorial 3

Ouverture de la journeacutee 7

Ecirctre psychologue ou faire de la

psychologie

Statut fonctions quelles com-

peacutetences

10

Loi HPST titre de psychotheacutera-

peutehellip Quels changements

pour le meacutetier de psychologue

23

Uniteacute dans la diversiteacute des pra-

tiques transversaliteacute de nos

cliniques

49

Cliniques particuliegraveres

Pratiques innovantes

68

Clocircture de la journeacutee 86

Adheacutesion 88

N umeacutero exceptionnel pour commencer

cette nouvelle anneacutee 2012 Nous en pro-

fitons pour vous preacutesenter tous nos

vœux pour cette anneacutee qui commence quelle per-

mette leacutepanouissement de vos projets tant profes-

sionnels que personnels

Voici les actes de notre journeacutee du 24 novembre

2011 organiseacutee agrave loccasion des 20 ans de Psyclihos

Cette journeacutee a eacuteteacute un succegraves comme en teacutemoi-

gnent les nombreux remerciements et encourage-

ments reccedilus ainsi que les eacutevaluations des partici-

pants Cela nous donnera peut-ecirctre leacutenergie de re-

commencer avant notre quart de siegravecle

Vous retrouverez dans ces pages la richesse des

interventions proposeacutees afin de pouvoir prolonger

les reacuteflexions qui se sont engageacutees Les interven-

tions seront prochainement disponibles agrave leacutecoute

sur notre site internet Tregraves bonne lecture agrave tous

Elodie Sacircles preacutesidente

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 4

Le journal Ndeg18 - Janvier 2012

Sommaire deacutetailleacute

Page

Eacuteditorial 3

Psyclihos 20 ans deacutejagrave

Elodie Sacircles

8

Ecirctre ou ne pas ecirctre neuropsychologue

Annie Kurtz

11

Psychologue clinicien en psychotraumatologie du savoir-faire au savoir-ecirctre

Clara Duchet

15

Aider agrave penser limpensable en oncologie

Anna Elli Pardo

19

Le psychologue entre les lignes des textes officiels

Nadine Labbeacute

24

Titre de psychotheacuterapeute si vous avez manqueacute le deacutebuthellip

Virginie Rocard

32

Psychotheacuterapeute agrave quel titre

Patrice Nomineacute

43

La dimension culturelle dans leacutecoute des patients migrants africains

Jacqueline Faure

50

Psychologue en reacuteanimation peacutediatrique teacutemoignage drsquoune pratique en

eacutevolution

Muriel Derome

60

Seacutejour de vacances quelle place pour le psychologue

Ceacuteline Le Bivic

63

Laccompagnement psychologique par teacuteleacutephone dans les maladies de

Creutzfeldt-Jakob

Marie-Lise Babonneau

69

Parents face agrave linterruption meacutedicale de grossesse des mots en images

Natascia Serbandini

78

Psychologue clinicien aupregraves du personnel missions enjeux limites

Isabelle Fretigny

Elodie Travers

82

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 5

20 ans de Psyclihos

Psychologue agrave lHocircpital

une espegravece agrave proteacuteger

Eacutedito

Psyclihos est une association loi 1901 creacuteeacutee en 1991 pour promouvoir la

psychologie clinique et le rocircle des psychologues agrave lhocircpital

Par ses nombreuses actions agrave lintention de ses adheacuterents et des

psychologues hospitaliers Psyclihos est reconnue comme un relais et un

interlocuteur aupregraves des diffeacuterentes instances

Pour fecircter ses 20 ans Psyclihos organise cette journeacutee ouverte agrave ses

adheacuterents et agrave lrsquoensemble des psychologues de lrsquoAP-HP Elle offrira

loccasion de renforcer les liens professionnels entre collegravegues et de

partager la richesse des approches cliniques

Nous vous proposons de nous rencontrer autour des

theacutematiques suivantes

gt Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie Statut

fonctions quelles compeacutetences

gt Loi HPST titre de psychotheacuterapeutehellip Quels

changements pour le meacutetier de psychologue

gt Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de

nos cliniques

gt Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

DRH AP-HP Centre de la Formation et du

Deacuteveloppement des Compeacutetences - Institut de

Formation des Cadres de Santeacute

En partenariat avec

Comiteacute dorganisation

Catherine Holzmann

Ceacuteline Le Bivic

Ambre Piquard

Elodie Sacircles

Nicole Sense

Comiteacute scientifique

Franccediloise Adriansen

Nadine Labbeacute

Patrice Nomineacute

Elodie Sacircles

Christine Schwanse

Martine Shindo

Benoicirct Verdon

Demandez le programme

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 6

8h30 Accueil des participants

9h-9h30 Ouverture

gt Allocution douverture

Alain Burdet DRH AP-HP

gt Psyclihos 20 ans deacutejagrave

Elodie Sacircles preacutesidente de Psyclihos

9h30 - 11h Ecirctre psychologue ou

faire de la psychologie Statut

fonctions quelles compeacutetences

Modeacuterateur Benoicirct Verdon Universiteacute

Paris Descartes

gt Ecirctre ou ne pas ecirctre neuropsychologue

Annie Kurtz Lariboisiegravere

gt P s y c h o l o g u e c l i n i c i e n e n

psychotraumatologie du savoir-faire

au savoir-ecirctre

Clara Duchet Tenon

gt Aider agrave penser limpensable en

oncologie

Anna Elli Pardo Saint-Louis

11h - 11h30 Pause

11h30 - 13h Loi HPST titre de

psychotheacuterapeutehellip Quels changements

pour le meacutetier de psychologue

Modeacuterateur Franccediloise Adriansen

membre du CA de Psyclihos

gt Le psychologue entre les lignes des

textes officiels

Nadine Labbeacute Cochin

gt Titre de psychotheacuterapeute si vous

avez manqueacute le deacutebuthellip

Virginie Rocard Sainte Peacuterine

gt Psychotheacuterapeute agrave quel titre

Patrice Nomineacute Fernand Widal

13h -14h30 Repas libre

14h30 - 16h Uniteacute dans la diversiteacute

des pratiques transversaliteacute de nos

cliniques

Modeacuterateur Patrice Nomineacute Fernand

Widal

gt La dimension culturelle dans leacutecoute

des patients migrants

Jacqueline Faure Tenon

gt P sycho logue en r eacutean imat i on

peacutediatrique teacutemoignage drsquoune pratique

en eacutevolution

Muriel Derome Raymond Poincareacute

gt Seacutejour de vacances quelle place pour

le psychologue

Ceacuteline Le Bivic Eacutemile Roux

16h - 17h30 Cliniques particuliegraveres

pratiques innovantes

Modeacuterateur Martine Shindo Saint

Louis

gt Laccompagnement psychologique par

teacuteleacutephone dans les maladies de

Creutzfeldt-Jakob

Marie-Lise Babonneau Pitieacute Salpecirctriegravere

gt Parents face agrave linterruption meacutedicale

de grossesse des mots en images

Natascia Serbandini Jean Verdier

gt Psychologue clinicien aupregraves du

personnel missions enjeux limites

Isabelle Fretigny Saint Louis

Le programme de la journeacutee

Demandez le programme

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 7

Ouverture de la journeacutee

gt Allocution douverture

Alain Burdet DRH AP-HP

gt Psyclihos 20 ans deacutejagrave

Elodie Sacircles preacutesidente de Psyclihos

Page 7

Ouverture

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 8

Ouverture de la journeacutee

Psyclihos 20 ans deacutejagrave

Elodie Sacircles preacutesidente de Psyclihos

J e vais commencer par quelques remer-

ciements rapides

En premier lieu vous Monsieur Burdet

vous nous avez fait lhonneur douvrir cette

journeacutee Plus quun honneur votre soutien

nous a eacuteteacute si preacutecieux

Quand nous avions eacutevoqueacute avec vous lideacutee

dune journeacutee anniversaire mais alors de faccedilon

encore lointaine dans nos esprits votre encou-

ragement sans faille degraves lannonce de cette

eacuteventualiteacute nous a donneacute leacutenergie daffronter

lorganisation de cet eacuteveacutenement

Cest pourquoi au nom des membres du con-

seil dadministration des comiteacutes scientifiques

et dorganisation je tiens agrave vous remercier cha-

leureusement de votre soutien et du solide inteacute-

recirct que vous teacutemoignez agrave notre profession

Cet engagement de la Direction des res-

sources Humaines de lAPHP agrave nos cocircteacutes

comme il y a 20 ans nous permet de nous re-

trouver dans ce bel amphi pour partager cette

journeacutee Et nous remercions aussi lInstitut de

Formation des Cadres de Santeacute APHP pour

lefficaciteacute de son aide logistique et de la ges-

tion des inscriptions jusqursquoagrave ce jour et mecircme au

-delagrave

Mes remerciements vont aussi agrave vous tous qui

ecirctes ici aujourdrsquohui Nombre dentre vous nous

connaissent deacutejagrave en tant qursquoadheacuterents actuels

ou passeacutes souvent dune grande fideacuteliteacute au

cours des anneacutees Dautres nous suivent avec

inteacuterecirct sans nous avoir (encore ) rejoints et de

nombreux jeunes collegravegues nous deacutecouvrent

ou ont deacutejagrave deacutecouvert notre site internet

Notre site internet sur lequel vous pouvez

suivre lactualiteacute de notre association nous re-

joindre ou vous inscrire agrave notre infolettre Les-

pace adheacuterent propose de nombreux services

comme les postes agrave pourvoir agrave lAP-HP ou agrave la

FPH qui inteacuteressent tous collegravegues quils soient

titulaires contractuels ou en recherche dem-

ploi Bien eacutevidemment ces services sont reacuteser-

veacutes agrave nos adheacuterents tout comme nos bregraveves

par mail qui vous informent de lactualiteacute et nos

journaux

Degraves sa creacuteation Psyclihos sest donneacute pour

rocircle de teacutemoigner de lrsquoapport de la Psychologie

Clinique agrave lrsquohocircpital et den rsquoaffirmer la preacutesence

Informer communiquer et ecirctre un relais entre

les psychologues eacutechanger non seulement

entre pairs mais ecirctre aussi un interlocuteur

pour linstitution quant agrave notre profession

Lrsquohistoire de lrsquoassociation est intimement lieacutee agrave

celle de notre profession puisque Psyclihos voit

sa naissance en janvier 1991 quelques jours

avant cla parution du deacutecret qui fonde le statut

de psychologue hospitalier

1991 -2011 vingt ans de psychologie agrave lhocircpi-

tal nous y voilagrave

Les 20 ans de Psyclihos ont eacuteteacute loccasion

unique de nous replonger dans les archives de

notre association Nous partageons la richesse

de ce singulier voyage dans le temps dans le

Numeacutero speacutecial 20 ans du journal de Psyclihos

que vous trouverez dans vos pochettes

Il retrace lhistoire de Psyclihos agrave travers celle

de la psychologie agrave lhocircpital en sarrecirctant sur

les grandes dates qui ont jalonneacute le meacutetier de

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 9

Ouverture de la journeacutee

psychologue

1991 le deacutecret portant statut particulier de psy-

chologue hospitalier 1996 le code de deacuteonto-

logie 2003 la deacutecentralisation de gestion au

sein de lAP-HP et les conseacutequences que nous

vivons depuis pour nen citer que quelques

uneshellip

Cette plongeacutee historique loin decirctre nostal-

gique nous permet de rappeler au fil des ar-

ticles parus durant ces deux deacutecennies dans

nos journaux combien lactualiteacute de notre pro-

fession sappuie sur son passeacute Connaicirctre cette

histoire notamment pour nos plus jeunes col-

legravegues nous semble neacutecessaire pour com-

prendre les enjeux qui traversent actuellement

notre profession Il est dailleurs eacutetonnant de

lire combien des articles pourtant anciens gar-

dent toute leur fraicirccheur traitant deacutejagrave de pro-

bleacutematiques qui apparaissent reacutecurrentes ou

abordant des questionnements qui aujourdhui

pourraient sembler novateurshellip

Cest donc autour de quelques grands thegravemes

toujours actuels comme la deacuteontologie des

psychologues la saga des concours sur titres

la Fiche meacutetier la fonction FIR la Psychiatrie

de liaison ou les psychotheacuterapies et la loi que

nous vous invitons agrave plonger dans notre journal

speacutecial

Nous retrouvons aujourdrsquohui certains de ces

sujets dans le programme de cette journeacutee

Il illustre les champs drsquointerventions qui ani-

ment lrsquoassociation depuis sa creacuteation la fonc-

tion de psychologue les changements induits

par la leacutegislation la diversiteacute des pratiques et

les cliniques particuliegravereshellip

Nous souhaitons pouvoir teacutemoigner de la ri-

chesse et de la diversiteacute des pratiques des psy-

chologues cliniciens agrave lhocircpital Bien sucircr en 20

ans la place des psychologues hospitaliers a

eacutevolueacute leur nombre aussi La varieacuteteacute des inter-

ventions teacutemoigne de la richesse des champs

dexercice possibles parfois insoupccedilonneacutes au

sein de notre institution quest lAP-HP

Derriegravere un titre un peu provocateur nous sou-

haitons vous mobiliser dans lancrage toujours

neacutecessaire de notre profession au sein de

lAPHP Le cadre de notre exercice est toujours

fragile voire mis agrave mal En ces temps heurteacutes

et parfois incertains nous espeacuterons pouvoir

partager notre eacutenergie pour proteacuteger notre

exercice si particulier Ecirctre psychologue agrave lhocirc-

pital cest bien sucircr ecirctre agrave la rencontre des pa-

tients et de leurs proches dans leurs singulari-

teacutes mais aussi des eacutequipes soignantes sans

oublier la participation agrave la vie institutionnelle

comme ce sera abordeacute dans les diffeacuterentes in-

terventions que vous allez entendre aujour-

dhui

Sans plus attendre nous ceacutedons la place agrave la

premiegravere session de la matineacutee dans le vif du

sujet ecirctre psychologue ou faire de la psycho-

logie statut fonctions quelles compeacute-

tences modeacutereacutee par Benoicirct Verdon long-

temps psychologue hospitalier maintenant au

sein de lUniversiteacute

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 10

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

Modeacuterateur Benoicirct Verdon Universiteacute Paris Descartes

gt Ecirctre ou ne pas ecirctre neuropsychologue

Annie Kurtz Hocircpital Lariboisiegravere Page 11

gt Psychologue clinicien en psychotrauma-

tologie du savoir-faire au savoir-ecirctre

Clara Duchet Hocircpital Tenon Page 15

gt Aider agrave penser limpensable en oncologie

Anna Elli Pardo Hocircpital Saint-Louis Page 19

Ecirctre psychologue ou faire de la

psychologie

Statut fonctions quelles compeacutetences

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 11

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

Ecirctre ou ne pas ecirctre neuropsychologue

Neuropsychologue une espegravece nouvelle Plus reacutesistante

Mieux adapteacutee agrave la vie hospitaliegravere ou aux institutions

Plus respecteacutee des meacutedecins prescripteurs

Annie Kurtz

Service de Neurologie Hocircpital Lariboisiegravere

La reacutealiteacute objective drsquoune atteinte ceacutereacutebrale agrave

lrsquoorigine des troubles preacutesenteacutes par le patient

ne doit jamais occulter le fait drsquoune histoire

drsquoun eacutequilibre psychique et drsquoune individualiteacute

malmeneacutee

Charte des CPCN - Collegraveges des Psycho-

logues Cliniciens speacutecialiseacutes en Neuropsycho-

logie

J rsquoai bien imprudemment accepteacute il y a

quelques mois de prendre la parole pour

ceacuteleacutebrer les 20 ans de lrsquoassociation Psy-

clihos De plus jrsquoai accepteacute de vous faire parta-

ger mes reacuteflexions sur la place du psychologue

dans le champ de la santeacute et cerise sur le gacirc-

teau pour la deacutefense et lrsquoillustration de la neu-

ropsychologie clinique

Mon propos nrsquoest pas de poleacutemiquer mais de

reacutefleacutechir ensemble aux charmes et aux dangers

que repreacutesente le terme de

neuropsychologue si priseacute par certains ac-

tuellement

La preacutesence de psychologues au sein des ser-

vices hospitaliers est ancienne ils ou elles as-

surent agrave la fois le travail de bilan et celui de

soutien aupregraves des patients Mais le genre

neuropsychologue nrsquoexiste que depuis peu

Le terme neuropsychologue seacuteduit beaucoup

les jeunes collegravegues et mecircme certains para-

meacutedicaux comme les orthophonistes les ergo-

theacuterapeutes et mecircme quelques kineacutesitheacutera-

peutes Nombreux sont ceux dans le champ de

la neuropsychologie qui revendique le label

de neuropsychologues Depuis quelques an-

neacutees les lettres de motivation qui accompa-

gnent les demandes de stages srsquoadressent agrave la

neuropsychologue que je suis censeacutee ecirctre et

les candidates et candidats deacuteclarent leur

passion pour le meacutetier de

neuropsychologue Et je mrsquointerroge sur cette

ferveur

Quelle deacutefinition de la neuropsychologie pou-

vons-nous faire nocirctre Il y a 10 ans en mars

2001 le Collegravege des Psychologues Cliniciens

speacutecialiseacutes en Neuropsychologie (CPCN) pour

les Eacutetats Geacuteneacuteraux de la Psychologie deacutefinis-

sait ainsi la neuropsychologie

La neuropsychologie est la discipline qui traite

des relations entre les processus mentaux

sous-tendant le raisonnement lrsquoattention la

meacutemoire la perception les gnosies les

praxies le langage le comportement eacutemotion-

nel et lrsquoactiviteacute du cerveau Lors des leacutesions ceacute-

reacutebrales les conseacutequences concerneront agrave la

fois lrsquoefficience de la cognition et lrsquoadaptabiliteacute

des conduites de lrsquoindividu Cette neacutecessaire

appreacuteciation analytique et syntheacutetique du psy-

chisme humain caracteacuterise lrsquoapproche neurop-

sychologique

La neuropsychologie est un champ multidisci-

plinaire ougrave se retrouvent diffeacuterents meacutetiers et

les zones de recouvrement peuvent ecirctre larges

pour certains Je milite aujourdrsquohui pour deacute-

fendre le fait qursquoun bilan reacutealiseacute par un psycho-

logue mecircme si les tests utiliseacutes par drsquoautres

intervenants sont identiques reste un bilan dif-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 12

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

feacuterent Ce travail drsquoanalyse et synthegravese rappe-

leacute dans la deacutefinition citeacutee fonde la totaliteacute de

nos pratiques en neuropsychologie

Lrsquoacte le plus freacutequent est le bilan bilan pour

plaintes mneacutesiques diagnostic diffeacuterentiel entre

deacutepression et maladie neurodeacutegeacuteneacuterative seacute-

quelles drsquoaccident vasculaire seacutequelles de

traumatisme cracircnien et nous intervenons eacutega-

lement dans le suivi et la reacutehabilitation dans les

services de soins de suite Mecircme dans le cadre

drsquoune eacutevaluation en vue drsquoune reacuteeacuteducation

nous savons devoir tenir compte des mouve-

ments psychiques agrave lrsquoœuvre dans tout individu

et qui vont peser sur ce travail

Notre code de deacuteontologie speacutecifie que le res-

pect de la vie psychique fonde notre action ce

respect de la vie psychique tout au long de nos

anneacutees drsquoeacutetudes nous avons eacuteteacute formeacutes agrave y

porter une attention toute particuliegravere Nos ac-

quis nos savoirs modifient notre approche

Quel peut ecirctre le sens pour un ou une psycho-

logue agrave vouloir changer de nom

Nrsquoest-ce pas alors en gardant notre position de

psychologue et donc aussi clinicien que nos

actions prennent sens dans la prise en soin

des patients

Ce que je redoute le plus est que cette appella-

tion neuropsychologue ne confine les psycho-

logues dans un exercice limiteacute agrave la passation

des tests et au traitement des chiffres qui en

reacutesultent Comme si le neuropsychologue ne

devait mettre en œuvre aucun savoir clinique Il

est vrai que la formation donneacutee par lrsquouniversiteacute

conditionne en partie nos pratiques et cer-

taines universiteacutes ne semblent plus accorder

de place agrave la structure de la personnaliteacute ni aux

aspects thymiques dans leur master de neu-

ropsychologie Replacer le patient dans son

histoire reste primordial quels que soient les

avatars neurologiques

Qursquoavons-nous agrave gagner en devenant

neuropsychologue

Les offres drsquoemploi sont nombreuses et les

jeunes diplocircmeacutes ne restent pas longtemps

sans emploi Les meacutedecins psychiatres neu-

rologues ou geacuteriatres avec qui nous collabo-

rons veulent travailler avec des

neuropsychologues Le risque me paraicirct

grand qursquoils recherchent essentiellement des

testeurs pour leurs publications ou leurs con-

sultations Dans les recherches il srsquoagit pour

des collegravegues formeacutes agrave la psychologie pendant

au moins 4 ans puis speacutecialiseacutes en deuxiegraveme

anneacutee de Master cest-agrave-dire apregraves 5 anneacutees

drsquoeacutetudes drsquoappliquer des protocoles de test

dont ils nrsquoont mecircme pas eu la possibiliteacute de dis-

cuter le contenu et le choix des outils (Les

textes nous reconnaissent pourtant la liberteacute du

choix de nos outils)

La pratique de la neuropsychologie peut ecirctre

passionnante agrave condition de ne pas ecirctre ins-

trumentaliseacutee par les meacutedecins En preacuteparant

mon intervention il mrsquoest apparu que je pour-

rais citer comme eacutetude de cas nombre de si-

tuations de souffrance de nos collegravegues dans

les institutions Je pourrais vous preacutesenter des

vignettes cliniques ougrave les psychologues se

mettent en danger en srsquoenfermant dans cette

appellation qui convient si bien agrave nos collegravegues

drsquoautres disciplines et agrave nos employeurs Dans

les consultations meacutemoire la place faite aux

neuropsychologues peut ecirctre tregraves diffeacuterente

suivant les attentes et les projets de leurs par-

tenaires meacutedicaux ou institutionnels et parfois

ces exigences entraicircnent une veacuteritable souf-

france pour nos collegravegues Peut-on exercer son

savoir-faire et son savoir ecirctre de psychologue

quand on attend de nous de recevoir 4 ou 6

patients par jour Ces bilans TGV laissent peu

de place agrave lrsquointersubjectiviteacute du psychologue et

du patient alors que dans drsquoautres lieux lrsquoeacuteva-

luation peut respecter la singulariteacute du patient

de sa famille et la deacuteontologie du psychologue

Il y a des temps dans la pratique drsquoun bilan

neuropsychologique qui restent des temps cli-

niques Avant drsquoentreprendre un bilan le psy-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 13

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

chologue speacutecialiseacute en neuropsychologie

comme tous les psychologues doit pouvoir in-

terroger la demande de qui vient cette de-

mande le patient le meacutedecin ou la famille et

qursquoen attendent ces diffeacuterents partenaires

Comment cet examen srsquoinscrit-il dans le projet

theacuterapeutique

Lrsquoentretien preacuteliminaire ne consiste pas agrave re-

prendre lrsquoanamnegravese au sens meacutedical histoire

de la maladie mais au sens psychologique

entendre lrsquohistoire drsquoun sujet Comme lrsquoa eacutecrit

Emmanuelle Truong-Minh actuelle preacutesidente

du CPCN agrave propos de ce temps drsquoun bilan

Inscrite dans la relation porteacutee par le langage

crsquoest cette preacutesence agrave lrsquoautre qui fonde notre

action Dans le temps de la consultation que je

reacutealise un entretien que je propose des tests

que JE parle ou que JE eacutecoute je suis lagrave au

moins lagrave de maniegravere absolue et entiegravere Pour

la personne agrave mon sens il nrsquoest rien de plus

preacutecieux que lrsquoeacutetablissement de cette relation

clinique Car ces instants ougrave lrsquoobjectivation de

difficulteacutes qursquoelles soient psychopathologiques

ou neuropsychologiques risque drsquoadvenir sont

fondamentaux dans le parcours de vie le par-

cours de santeacute et le parcours de la maladie de

la personne Pouvoir prendre appui sur cette

relation permet la mise en perspective des diffi-

culteacutes permet de supporter le traumatisme

psychique eacuteventuel permet de srsquoeacutecrouler peut-

ecirctre sans ecirctre seul

Je me souviens drsquoun patient qui mrsquoa eacuteteacute adres-

seacute pour plaintes mneacutesiques et eacuteventuelles seacute-

quelles drsquoun AIT Ce monsieur de 60 ans eacutetait

marieacute pegravere de 3 enfants cadre dirigeant dans

une entreprise A la suite de son accident

ischeacutemique transitoire il avait le sentiment de

ne plus pouvoir faire face agrave ses obligations pro-

fessionnelles Sa vie professionnelle eacutetait para-

siteacutee par le danger de voir ses difficulteacutes cons-

tateacutees par les autres surtout par son respon-

sable hieacuterarchique Degraves le deacutebut de lrsquoentretien

il semblait eacuteprouver une certaine inhibition an-

xieuse son expression spontaneacutee restait fac-

tuelle et retenue Apregraves quelques eacutepreuves

drsquoattention et de meacutemoire sans reacutesultat patho-

logique je mrsquoautorisai agrave abandonner les

eacutepreuves pour poursuivre lrsquoentretien au cours

duquel jrsquoappris que la veille il avait accompa-

gneacute sa megravere contre son greacute dans une institu-

tion pour patients souffrant de maladie

drsquoAlzheimer Alors qursquoil a des fregraveres et sœurs il

avait eacuteteacute seul agrave faire cette deacutemarche contraint

et forceacute par la santeacute chancelante de son

eacutepouse atteinte drsquoun cancer du seinhellip quand

jrsquoeacutevoque avec lui la possibiliteacute drsquoaller en parler

avec un psy il me dit y avoir deacutejagrave penseacute mais

renonceacute parce qursquoil avait peur de srsquoeffondrer

Nous avons la responsabiliteacute de notre bilan

mais nous ne pouvons deacutelivrer un diagnostic

(crsquoest de la compeacutetence du meacutedecin) pourtant

lrsquoentretien dit de restitution est un temps

drsquoeacutechange privileacutegieacute qui rend au patient sa

place de sujet mais ce temps-lagrave prend du

temps et on ne nous le donne pas toujours

Le temps de lrsquoexamen psychologique nrsquoest pas

celui des examens compleacutementaires prescrits

par les meacutedecins On sait bien qursquoil est toujours

utile de faire preacuteciser la demande de refuser

de tester Monsieur X ou Y on teste une hy-

pothegravese pas un individu de dire non parfois

parce qursquoon sait qursquoon ne reacutepondra pas agrave la

question ou parce que les conditions de lrsquoexa-

men ne respectent pas le patient ou notre auto-

nomie professionnelle Le questionnement sur

lrsquoobjet de la demande est dans le champ de

compeacutetence des psychologues nous avons eacuteteacute

formeacutes agrave ce travail La demande des meacutedecins

de lrsquoeacutequipe du patient ou de sa famille doit ecirctre

analyseacutee

Peut-on imaginer que se faire connaicirctre

comme neuropsychologue lorsqursquoon est psy-

chologue serait un moyen drsquoeacutechapper agrave la diffi-

culteacute de maintenir notre position singuliegravere

dans le monde de la santeacute

Certes la pratique de la neuropsychologie re-

quiert des connaissances sur le fonctionne-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 14

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

ment du cerveau sur les troubles cognitifs as-

socieacutes aux leacutesions ceacutereacutebrales sur la significa-

tion des localisations anatomo-cliniques et ce

travail permanent de reacuteflexion et drsquoeacutechange

avec les autres intervenants dans la prise en

charge drsquoun patient est enrichissante et parfois

passionnante comme peuvent lrsquoexprimer les

lettres de motivation des demandes de stages

Mais pratiqueacutee par des psychologues elle pour

reste un lieu privileacutegieacute ougrave la parole du patient

peut ecirctre entendue pas seulement sur ses

troubles ou ses capaciteacutes preacuteserveacutees mais sur

ce qursquoil comprend de ce qui lui arrive sur son

ressenti et le psychologue est preacutesent pour

lrsquoaccompagner dans ce nouveau travail psy-

chique Ecirctre speacutecialiseacute en neuropsychologie

est une position exigeante comme pour

chaque psychologue crsquoest lrsquoabsolue neacutecessiteacute

drsquoactualiser nos connaissances sur les patholo-

gies les nouveaux outils mais crsquoest aussi

prendre le risque de partager nos doutes sur

notre approche drsquoun patient dont on prend en

compte lrsquohistoire le contexte affectif social

professionnel Crsquoest une tacircche difficile que

drsquoessayer drsquoaborder un patient dans sa globali-

teacute et pas seulement sur ses troubles cognitifs

Personnellement je ne suis jamais sucircre drsquoavoir

bien analyseacute lrsquoensemble des eacuteleacutements que le

patient me permet drsquoappreacutehender jrsquoai la

chance de ne pas ecirctre seule dans mon service

et de pouvoir partager mes doutes avec mes

collegravegues

Enfin le terme neuropsychologue peut repreacute-

senter une menace pour le corps des psycho-

logues

Nous expeacuterimentons chaque jour la difficulteacute agrave

deacutefendre notre place de psychologue On nous

reproche notre image floue drsquoecirctre des

eacutelectrons libres dans les services drsquoecirctre des

produits de luxe sans nomenclature de nos

activiteacutes (si ce nrsquoest dans la CCAM qui ne con-

cerne que les meacutedecins) Le texte qui eacuteclaire

notre champ drsquoactiviteacute le seul qui ait une valeur

leacutegale est celui de 1985 qui deacutefinit notre statut

et nous savons bien combien lrsquoincitation au res-

pect de ce texte est une tacircche reacutecurrente pour

nous Jrsquoai commenceacute agrave travailler agrave lrsquoAP-HP en

1971 la publication de ce texte puis des circu-

laires de 1991 ont repreacutesenteacute un moment drsquoes-

poir mais jrsquoai appris tout au long de mes an-

neacutees drsquoexpeacuterience que ce travail drsquoexplicitation

de ce qursquoest un psychologue nrsquoa pas de fin

Parfois la confusion qui regravegne dans lrsquoesprit de

nos employeurs les arrangent bien pour

exemple des postes de neuropsychologues

animateurs offerts dans les EPHAD Parfois

cette confusion est sincegravere tel nouveau chef

de service qui travaille depuis de longues an-

neacutees avec des psychologues et qui reccediloit de la

DRH un rappel sur le temps FIR et qui srsquoeacutetonne

de son contenuhellip

Notre code de deacuteontologie est une reacutefeacuterence

indispensable pour nous mais nrsquoest toujours

pas un texte opposable agrave un employeur

Ces textes ont eacuteteacute eacutecrits pour les psycho-

logues ce sont des repegraveres pour les psycho-

logues Il a existeacute un mouvement qui souhaitait

diffeacuterencier les psychologues et les neuropsy-

chologues avec la volonteacute drsquoobtenir un statut agrave

part Quand on connaicirct la difficulteacute drsquoune recon-

naissance leacutegale la fragiliteacute du corps des psy-

chologues toujours precirct agrave se morceler en cen-

taines drsquoassociationshellip on peut se demander si

le meacutetier de psychologue nrsquoest pas effective-

ment en danger et se revendiquer neuropsy-

chologue peacutedopsychologue comme le laisse

entendre lrsquoactuelle fiche meacutetier nous expose

encore plus hellip (heureusement cette fiche doit

ecirctre remplaceacutee en 2012)

Notre seule protection repose sur les textes de

loi qui deacutefinissent le titre de psychologue il nrsquoy

a pas de titre de neuropsychologue ni de titre

de psychologue clinicien et ce nrsquoest pas lrsquoaven-

ture du titre de psychotheacuterapeute ni les travaux

en cours agrave la DGOS qui doivent nous rassu-

rerhellip

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 15

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

Psychologue clinicien en psychotraumatologie

du savoir-faire au savoir-ecirctre

Clara Duchet Hocircpital Tenon Universiteacute Paris Descartes

E n 1997 un deacutecret du ministegravere de la

Santeacute creacutee le reacuteseau des CUMP

(Cellules dUrgence Meacutedico-

Psychologique) propulsant des psychologues

cliniciens sur le terrain de lurgence aux cocircteacutes

de meacutedecins psychiatres et de parameacutedicaux

De nouvelles missions soffrent agrave ces profes-

sionnels peu formeacutes au deacutepart pour intervenir

dans ces contextes de catastrophes collectives

(accidents agrave retentissement majeur catas-

trophes naturelles guerres terrorisme etc)

Peu agrave peu des reacuteflexions et groupes de travail

speacutecifiques se creacuteent (au sein notamment de

lAFORCUMP - Association de recherche et de

formation des CUMP) afin de mieux deacutefinir les

fonctions et les compeacutetences de chacun dans

ce domaine bientocirct nommeacute

psychotraumatologie Cette nouvelle cli-

nique (dans sa forme institutionnelle et dans

sa dimension traumatique en situations

extrecircmes) a souleveacute de nombreux deacutebats

passionneacutes agrave propos de la leacutegitimeacute ou non de

lintervention de terrain (sur les sites et aux

abords des catastrophes) Cependant il sagira

plutocirct de discuter ici de la speacutecialisation eacuteven-

tuellement neacutecessaire des psychologues dans

ce domaine - du cocircteacute du savoir-faire - comme

des retrouvailles avec une position de clinicien

classique - du cocircteacute du savoir-ecirctre et de la

subjectivation

Agrave lrsquoheure ougrave se multipliaient donc diffeacuterentes

formes de violence et notamment au moment

de lrsquoeacutepoque terroriste parisienne (attentats

meacutediatiseacutes St Michel Port-Royal 1995-1996)

les psychologues ont vu leur champ drsquoaction et

leurs fonctions srsquoeacutelargir des nouvelles mis-

sions et nouvelles structures se deacuteveloppaient

pour venir au secours des victimes agrave la de-

mande de nos gouvernants et de psychiatres

militaires expeacuterimenteacutes dans ce domainehellip Jrsquoai

eu la chance de participer agrave ce processus degraves

le deacutebut et tregraves rapidement je me suis poseacutee

des questions sur ces interventions qui mrsquoap-

paraissaient pour ainsi dire hors cadre

Hors cadre parce que dans lrsquourgence

Hors cadre parce que nombre drsquointerventions

avaient lieu sur le terrain peu apregraves la catas-

trophe loin du confort du cabinet ou de lrsquohocircpi-

tal

Je me souviens agrave lrsquoeacutepoque mrsquoecirctre rueacutee sur le

code de deacuteontologie en vigueur depuis le 22

mars 1996 et me rassurer en lisant

La mission fondamentale du psychologue est

de faire reconnaicirctre et respecter la personne

dans sa dimension psychique Son activiteacute

porte sur la composante psychique des indivi-

dus consideacutereacutes isoleacutement ou collectivement

Oufhellip nous nrsquoeacutetions donc pas compleacutetement

hors-cadrehellip cependant je nrsquoavais pas vrai-

ment appris agrave travailler sur les bancs de la fac

Sans la demande du patient (mecircme pour lrsquoen-

fant le parent eacutetait demandeur sinon lrsquoinstitu-

tion scolairehellip)

Sans un cadre institutionnel classique

Et certainement pas en prise directe avec la

reacutealiteacute drsquoun eacuteveacutenementhellip

Quelques options universitaires tout de mecircme

assureacutees par des enseignants ayant participeacute agrave

des missions humanitaires mrsquoavaient deacutejagrave per-

mis drsquointerroger des dispositifs de soins hors

norme

Dans nos deacutebuts jrsquoai donc co-animeacute un groupe

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 16

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

de travail destineacute speacutecifiquement aux

psychologues pour reacutefleacutechir agrave notre pratique

Voici comment nous nous repreacutesentions alors

les choses

Nouvelles missionshellip = hellip nouvelles compeacute-

tences Ce que jrsquoai nommeacute dans mon introduc-

tion savoir-faire

1 NOUVELLES COMPEacuteTENCES REQUISES

ndash DU COcircTEacute DU SAVOIR-FAIRE

Lors des soins immeacutediats ou

defusing (cagraved sur le terrain dans les

heures qui suivent lrsquoattentat la catastrophe

naturelle la prise drsquootages lrsquoaccident col-

lectif etc)

Le psychologue doit reconstruire un cadre en

fonction de la situation qui se preacutesente agrave lui

crsquoest-agrave-dire en labsence de cadre deacutefini

(configuration du lieu dureacutee de la mission

nombre de sujets agrave prendre en charge etc

sont inconnus agrave lrsquoavance) Ceci neacutecessite de sa

part une capaciteacute dadaptation une souplesse

psychique dans son intervention ainsi qursquoun

cadre theacuteorique interne solide pour ne pas ceacute-

der nous mecircme agrave la panique ou au deacuteborde-

ment eacutemotionnel Le cadre theacuteorique solide

renvoyait surtout pour nous aux eacutecrits sur le

traumatisme et agrave ce qursquoon appelait alors la

victimologie

Pour illustrer ce propos je peux vous parler

drsquoune mission effectueacutee agrave Pointe Noire au Con-

go lorsque nous eacutetions chargeacutes avec un psy-

chiatre militaire de lrsquoeacutevaluation psychopatholo-

gique des ressortissants franccedilais en pleine

guerre civile (octobre 1997) Nous avons effec-

tivement ducirc nous adapter agrave lrsquoabsence de cadre

rassurant dans le sens ougrave nos deacuteplacements

eacutetaient extrecircmement limiteacutes en raison du con-

texte drsquoinseacutecuriteacute permanente marqueacute par des

tirs quotidiens drsquoarmes automatiques Il srsquoagis-

sait eacutegalement drsquoinventer des lieux de consulta-

tions et des modes drsquoapproches originaux pour

cette population bien souvent cloicirctreacutee dans les

appartements deacutevasteacutes par les milices armeacutees

Mais je souhaite citer drsquoautres situations moins

exceptionnelles afin de vous montrer agrave quel

point le psychologue dans ce travail drsquourgence

peut ecirctre ameneacute agrave reacutealiser des entretiens dans

des lieux inhabituels voire insolites comme agrave

bord drsquoun avion lorsque nous avons proceacutedeacute au

rapatriement des victimes du crash drsquoavion du

Seacuteneacutegal (en feacutevrier 1997) ou dans un car lors-

que nous avons accompagneacute les familles des

enfants victimes de lrsquoavalanche des Orres ou

encore dans un aeacuteroport lors de lrsquoaccueil de

populations reacutefugieacutees (du Congo ou du Kosso-

vo) ou dans une citeacute universitaire pour la prise

en charge des victimes drsquoattentats etc

Ici le psychologue doit ecirctre precirct agrave aller vers les

victimes sans attendre une demande de leur

part (drsquoautant plus que les personnes sont sou-

vent en eacutetat de choc de confusion de sideacutera-

tion etc) Alors rappelons-le que notre forma-

tion nous apprend plutocirct agrave travailler avec la de-

mande du patient comme principe inheacuterent agrave

la rencontre theacuterapeutique

Ensuite le psychologue est ameneacute agrave srsquointerro-

ger sur la position de neutraliteacute bienveillante

Alors que neutraliteacute signifie ne pas eacutemettre de

jugements de critiques de deacutesapprobation

nous voyons comment dans lrsquourgence le clini-

cien peut (je dirais mecircme doit) juger de lrsquoadap-

tation drsquoun comportement par exemple quitte agrave

deacutecider drsquoune hospitalisation ou drsquoun rapatrie-

ment En effet le psychologue doit savoir repeacute-

rer et informer les victimes des symptocircmes

psychopathologiques eacuteventuels favoriser la

demande de prise en charge theacuterapeutique ul-

teacuterieure si besoin est repeacuterer et orienter les

personnes les plus fragiles en faisant bien la

distinction entre eacutetat de stress aigu et entreacutee

potentielle dans une pathologie traumatique

Mecircme si ces fonctions de diagnostic drsquoeacutevalua-

tion drsquoorientation existent dans le cadre de

notre profession celles qui visent agrave informer agrave

lrsquoavance et agrave preacutevenir relegravevent habituellement

plutocirct de la speacutecificiteacute meacutedicale

Par ailleurs sur le terrain la position et latti-

tude du psychologue sont encore une fois un

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 17

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

peu particuliegraveres pour lui puisqursquoil doit assurer

une preacutesence rassurante contenante (voire

maternante au sens de Winnicott) apporter de

la chaleur et de lhumaniteacute Lrsquointervention drsquour-

gence se situe du cocircteacute du holding Ferenczi

en charge des soldats en prise avec des neacute-

vroses de guerre soulignait deacutejagrave ce pheacuteno-

megravene de reacutegression des patients les faisant re-

venir agrave un stade archaiumlque (en proie agrave des an-

goisses violentes et massives de destruction

morcellementhellip) et agrave des comportements in-

fantiles (ne plus savoir marcher perdre son

autonomie pour les besoins de la vie quoti-

dienne etc) Ici le traumatisme est externe et

agit par effraction physique et psychique deacute-

sorganisant les modaliteacutes deacutefensives habi-

tuelles On dit aussi que le traumatisme est en-

treacute par tous les pores de la peau et envahit

tous les sens (visuels olfactifs auditifs etc) Il

srsquoagit alors pour le psychologue drsquoexercer une

veacuteritable fonction de pare-excitation

drsquoenveloppe protectrice (Au sens de D Winni-

cott et de D Anzieu) fonction qui peut srsquoac-

compagner de gestes apaisants

Travailler dans ce type de dispositif ne srsquoimpro-

vise pashellip Ainsi le psychologue doit avoir reccedilu

une formation speacutecifique A lrsquoappui un nouvel

Extrait du code de deacuteontologie des psycho-

logues chapitre compeacutetences

Le psychologue tient ses compeacutetences de

connaissances theacuteoriques reacuteguliegraverement mises

agrave jour drsquoune formation continue et drsquoune forma-

tion agrave discerner son implication professionnelle

dans la compreacutehension drsquoautrui

Pour notre domaine drsquointervention la for-

mation porte avant tout sur

1 La clinique traumatique la symptomatologie

de la neacutevrose traumatique de lrsquoESPT mais

aussi de tous les eacutetats de deacutesorganisa-

tion aigus des comportements de panique col-

lective etc elle porte eacutegalement sur le fonc-

tionnement psychique entraveacute par le trauma

donnant lieu agrave des reacuteameacutenagements transi-

toires parfois tregraves eacuteloigneacutes drsquoune clinique clas-

sique

2 La dynamique de groupe un groupe pris

dans une catastrophe repreacutesente une enve-

loppe psychique groupale qui elle-mecircme peut

se trouver effracteacutee par la violence de lrsquoeacuteveacutene-

ment le collectif est alors briseacute et ne pourra

plus fonctionner comme avanthellip Que la prise

en charge soit groupale ou bien mecircme indivi-

duelle il est fondamental drsquoecirctre au clair avec

ces concepts de la clinique groupale

Nous venons de pointer les principales con-

naissances et compeacutetences neacutecessaires au

psychologue qui intervient dans lrsquourgence ou

dans des dispositifs de soins exceptionnels mis

en place suite agrave des eacuteveacutenements qui sortent de

lrsquoordinairehellip pour autant ce savoir-faire nrsquoa de

sens que srsquoil srsquoarticule avec un savoir-ecirctre

propre agrave la fonction habituelle du psychologue

2 LORSQUE LE SAVOIR-FAIRE REJOINT

LE SAVOIR-EcircTRE

Je poursuis ma lecture du code de deacuteontologie

(chapitre compeacutetences) le psychologue est

garant de ses qualifications particuliegraveres et deacute-

finit ses limites propres compte tenu de sa for-

mation et de son expeacuterience Il refuse toute in-

tervention lorsqursquoil sait ne pas avoir les compeacute-

tences requises Ainsi il doit savoir sil peut

assurer un soin immeacutediat dans lrsquourgence ou srsquoil

doit refuser ce type de mission en fonction de

ses limites personnelles et professionnelles de

sa vulneacuterabiliteacute (changeante au fil du temps et

de son histoire personnelle) de ses projections

eacuteventuelles

Il est inviteacute eacutegalement agrave repeacuterer et agrave connaicirctre

ses propres reacuteactions psychiques agrave leacutecoute de

ce type de patients de ce qui tient parfois de

lintoleacuterable savoir ou apprendre agrave repeacuterer

ses limites personnelles ses propres fan-

tasmes de sauveur ou ses mouvements

drsquoidentification agrave la victime crsquoest agrave dire ses

propres eacutelans contre-transfeacuterentiels Ces con-

naissances restent largement favoriseacutees par un

travail personnel au cours duquel le psycho-

logue a appris agrave ecirctre eacutecouteacute et par la mise en

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 18

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

place de supervision reacuteguliegravere

Dans le cadre de lrsquourgence meacutedico-

psychologique le psychologue est le seul agrave de-

voir se passer drsquoinstrument (pas de mateacuteriel

meacutedical ni de theacuterapeutique meacutedicamenteuse

ou encore de mateacuteriel technique reacuteserveacutes aux

meacutedecins infirmiers secouristes etc) De ce

fait comme lrsquoexprime Colette Chiland il devient

son propre instrument celui qui permet de

comprendre et drsquointervenir agrave mains nues

Lrsquooriginaliteacute de sa formation vient du travail sur

soi que le clinicien a effectueacute pour acqueacuterir

une certaine maicirctrise de lui-mecircme comme ins-

trument Autrement dit ce que le psychologue

met au service de lrsquoautre ce ne sont pas seule-

ment ses connaissances mais aussi son appa-

reil psychique sa psycheacute son fonctionnement

sa capaciteacute de ressentir de comprendre et

drsquoeacutelaborer Le savoir du clinicien devient un sa-

voir vivant incarneacute ougrave il paie de sa personne

Crsquoest principalement cette position qui le dis-

tingue drsquoun autre intervenant

Dans la clinique du traumatisme il est fonda-

mental de prendre conscience de ce qursquoon

eacuteprouve lors de lrsquoeacutecoute drsquoun blesseacute psychique

aux prises avec des pheacutenomegravenes drsquoeffractions

internes afin de ne pas ecirctre gouverneacute par des

reacuteactions non controcircleacutees dans la compreacutehen-

sion du patient et dans la reacuteponse qursquoon lui

donnera Nous voyons comment cette eacutecoute

ne peut se contenter drsquoun savoir plaqueacute elle

doit ecirctre au contraire un travail actif qui permet

des allers ndash retours entre probleacutematique per-

sonnelle et ressenti du patient sans que cette

premiegravere nrsquointerfegravere de maniegravere neacutegative Et

crsquoest bien en restant sensible et en acceptant

de le rester dans les limites que nous venons

de fixer que le sujet se sentira libre drsquoexprimer

eacutemotions penseacutees honteuses sentiments de

culpabiliteacute et drsquohumiliation inheacuterents agrave la dyna-

mique traumatique

Enfin nous le savons bien lrsquoeacutecoute srsquoexerce

dans un double registre ce qui est dit et ce qui

nrsquoest pas dit le contenu manifeste et le conte-

nu latent Ces dimensions concernent tout au-

tant le clinicien qui doit savoir se taire pour lais-

ser lrsquoautre parler et parler pour lui faciliter la pa-

role Dans notre contexte drsquourgence meacutedico-

psychologique le psychologue doit eacutegalement

chercher agrave eacutetablir petit agrave petit et degraves que pos-

sible une distinction entre fantasmes

(individuels) et eacuteveacutenements reacuteels (veacutecus par

tous) pour diffeacuterencier angoisse interne

(subjective) et peur (objective) des objets ex-

ternes

Il est ainsi un passeur agrave ce moment de frac-

ture dans lrsquohistoire du sujet Il fait alors le lien

entre le passeacute la bregraveche traumatique et la

reconstruction agrave venir

EN CONCLUSION

Dans un contexte hors du commun puisque

hors cadre et souvent hors demande il me

paraicirct essentiel de garder nos re-

pegraveres classiques de psychologue clinicien

Soulignons que nous restons pour le patient un

psychologue supposeacute savoir Dans cette cli-

nique deacuteroutante et violente bien entendu le

cadre interne tapisseacute de connaissances speacuteci-

fiques devient opeacuterant et garant de notre pro-

fessionnalisme Nous voyons finalement agrave quel

point la speacutecialisation est en partie incontour-

nable (mais comme pour tout autre type de cli-

nique les soins psychiques aupregraves de sujets

deacutependants en fin de vie de patients psycho-

tiques de nourrissons de familles de sans-

logishellip ne srsquoimprovisent pas drsquoavantage) sans

nous faire perdre de vue le socle de formation

commun qui nous reacuteunit et met en exergue la

speacutecificiteacute du Psychologue qui se caracteacuterise

bien par son orientation vers lrsquoeacutecoute qui prend

sens eacutecoute drsquoune parole drsquoun trajet drsquoune

rupture dans la continuiteacute discours drsquoun sujet

agent de son propre destin

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 19

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

Aider agrave penser limpensable en oncologie

Anna Elli Pardo Oncologie meacutedicale Hocircpital Saint-Louis

J ai commenceacute agrave travailler agrave lhocircpital

comme psychologue en oncologie agrave la fin

des anneacutees 80

Le contexte eacutetait diffeacuterent de maintenant

Deux choses mavaient beaucoup marqueacutee et

interpelleacutee

- le manque de prise en charge de la douleur

- lattitude qui consiste agrave cacher la maladie et

sa graviteacute aux patients

La douleur neacutetait pas une cible de laction theacute-

rapeutique elle avait une valeur diagnostique

supposeacutee sameacuteliorer avec les traitements de

la maladie sans une attention particuliegravere agrave son

traitement (1)

Le meacutedecin eacutetait perccedilu comme deacutetenteur dune

veacuteriteacute qui faisait loi

Voilagrave quelques propos quil neacutetait pas rare

dentendre de la part du meacutedecin au patient

Faites-moi confiance ne pensez agrave rien la chi-

miotheacuterapie cest mon problegraveme vous pensez

agrave gueacuterir on aura toujours une moleacutecule pour

vous soigner on va se battre

Au deacutecegraves du patient on pouvait entendre il

est mort mais en reacutemission

Et le meacutedecin sadressant agrave moi ne parlez

pas de la mort aux patients vous savez on a

deacutejagrave vireacute une psychologue

Plusieurs eacuteveacutenements vont faire eacutevoluer la meacute-

decine et son discours dans la prise en charge

du patient

Agrave la fin du XXegraveme siegravecle lOrganisation Mon-

diale de la Santeacute (circulaire du 19-1-1994) a

deacutefini comme prioriteacute la lutte contre la dou-

leur

La creacuteation des eacutequipes anti-douleur sera un

eacuteveacutenement important ainsi que la recherche de

nouveaux antalgiques Lrsquoeacutevolution de cette

prise en charge va se reacutepandre en canceacuterolo-

gie et dans la meacutedecine en geacuteneacuteral

Les premiers Eacutetats Geacuteneacuteraux de la Ligue

contre le Cancer ont donneacute la parole aux pa-

tients il y a eu une demande de psychologues

dans les services pour une prise en compte de

la deacutetresse psychique

Le Plan Cancer en 2006 va donner des direc-

tives qui reacuteglementent aujourdhui la consulta-

tion dannonce et les soins de supports

La psycho-oncologie neacutee aux Eacutetats-Unis arrive

aussi en Europe et cest en 1994 quest creacuteeacutee

la Socieacuteteacute Franccedilaise de Psycho-Oncologie

(SFPO)

Son but est de deacutevelopper des outils des meacute-

thodes pour deacutepister et ainsi traiter preacutecoce-

ment les risques des difficulteacutes psychologiques

Elle sinscrit dans une approche bio-psycho-

sociale de la maladie canceacutereuse La speacutecifici-

teacute nest pas la prise en compte de la subjectivi-

teacute du patient mais ladaptation de celui-ci aux

diffeacuterentes situations traverseacutees pendant la ma-

ladie Cette discipline qui eacutetudie les attitudes

psychologiques et eacutemotionnelles survenant

pendant la maladie canceacutereuse pourrait laisser

croire quil y a des reacuteactions speacutecifiques agrave cette

maladie Son approche est de plus en plus co-

gnitivo-adaptative avec protocoles reacutefeacuterentiels

deacutemarche qualiteacute

Dans le champ de la psycho-oncologie on

trouve le terme de psycho-oncologue

Ce mot est utiliseacute de faccedilon un peu anarchique

on y trouve le psychologue le psychiatre mais

aussi dautres professionnels intervenant au-

pregraves des malades et de leur famille Ce nest

pas parce que nous avons quelques connais-

sances en oncologie que nous pouvons utiliser

ladjectif oncologue

Ce terme peut ecirctre source de confusion il ne

deacutefinit pas notre speacutecificiteacute et il me paraicirct aussi

seacutegreacutegatif dune pathologie

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 20

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

Cest pour cela que nous voulons garder le

terme de psychologue clinicien

Dans ce mot il y a la dimension clinique cest agrave

dire lobservation du patient agrave son chevet

Mon travail consiste agrave accompagner soutenir

le patient dans ce parcours difficile quil entre-

prend avec la maladie

Le cancer produit un remaniement identitaire

pour le sujet ce qui neacutecessite de lui offrir un

espace de parole

Cest la psychanalyse qui de mon point de vue

offre les meilleurs outils pour travailler la cli-

nique du reacuteel Cest avec notre propre parcours

analytique que nous psychologues pouvons

bien prendre en compte la dimension incons-

ciente propre agrave lhumain

Je ne me situe donc pas dans le champ de la

psycho-oncologie au discours trop normatif

Notre clinique dans un service dhospitalisation

Cest agrave tout stade deacutevolution de la maladie

quun travail theacuterapeutique peut se mettre en

place avec le psychologue

On a beaucoup parleacute du dispositif dannonce

annonce du diagnostic visant agrave assurer agrave la fois

une bonne administration du soin et son

humanisation

Ces consultations cherchent agrave atteacutenuer limpact

traumatique Il est proposeacute au patient de ren-

contrer un psychologue

Il nest pas rare que le patient me dise ils ne

se rendent pas compte il y a trop dinforma-

tions drsquoun seul coup je nai pas encore reacutealiseacute

que jai un cancer et on me parle de perruque

pour la perte des cheveux de dieacuteteacuteticien de

psy mais je nen suis pas lagrave moi

Pour les patients cest la deacutecouverte brutale du

diagnostic puis le choc des traitements Nous

savons que le temps psychique nest pas le

temps meacutedical et que dans cette clinique cest

au cas par cas que nous pouvons intervenir ce

qui est traumatique pour un patient ne lest pas

pour un autre

Un patient me disait reacutecemment le cancer

menvahit je ne pense quagrave ccedila je ne peux plus

lire regarder un film il est omnipreacutesent Voilagrave

une description du reacuteel

Il sagit de faire entendre agrave une eacutequipe meacutedi-

cale tourneacutee plus vers la maladie que vers le

malade et ce dans une organisation tregraves tech-

nique et de plus en plus sophistiqueacutee la neacuteces-

siteacute de prendre en compte la subjectiviteacute du pa-

tient dans un espace qui en paraicirct deacutepourvu

La demande de leacutequipe vis agrave vis du psy peut

correspondre agrave une demande de compliance

au traitement que le patient refuse elle sou-

haite aussi souvent que le psy reacuteconforte le pa-

tient agrave qui on a donneacute une mauvaise nouvelle

Comme dit Jeacuterocircme Alric dans son article Qui

eacutecoute quoi la sphegravere psychologique de-

vient une fonction constituante de la personne

globale au mecircme titre que la sphegravere digestive

dermatologique et dont il faut soccuper (2)

Au psychologue de faire valoir aupregraves du pa-

tient lintention de lui donner une place pour

entendre et faire entendre sa position subjec-

tive

Souvent je suis interpelleacutee par les soignants

dans des situations de deacutetresse par exemple

quand les antalgiques se reacutevegravelent inefficaces

ou sont refuseacutes Dans les entretiens les pa-

tients deacuteplient leur histoire leur roman fami-

lial La douleur physique se mecircle agrave la souf-

france psychique

Une patiente qui avait un cancer du sein avec

des meacutetastases osseuses me disait jai mal

lagrave en me montrant sa poitrine

Je lui avais demandeacute si elle en avait parleacute au

meacutedecin

Elle me reacutepondit en me regardant droit dans les

yeux cette douleur-lagrave le meacutedecin ne peut

pas me la soigner cest lhistoire avec mon ma-

ri qui me fait mal Celui-ci lavait quitteacutee et elle

se retrouvait seule avec son jeune fils

En quelques mots elle avait situeacute ce qui la fai-

sait souffrir au-delagrave des localisations meacutetasta-

tiques Elle savait faire la diffeacuterence entre le

physique et ce qui venait lagrave sajouter agrave sa

propre histoire douloureuse

Comme dit Clavreul dans Lordre meacutedical la

souffrance renvoie le sujet qui leacuteprouve agrave son

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 21

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

fantasme cest-agrave-dire agrave sa propre histoire et au

discours quil peut tenir sur son histoire Il y a

un seul discours qui se tienne sur la souf-

france et cest celui de la personne qui

leacuteprouve (3)

Un patient encore reacutecemment me disait ne pas

vouloir devenir grabataire comme son pegravere

Il seacutetait occupeacute de lui depuis son plus jeune

acircge il poussait la chaise roulante dans ses deacute-

placements il eacutetait sa beacutequille Mon patient ar-

riveacute en fin de vie voudra jusqursquoau bout se deacute-

placer aux toilettes et rester indeacutependant dans

les gestes du quotidien

Aux soignants qui ne comprenaient pas pour-

quoi il sobstinait agrave vouloir faire tout seul des

gestes devenus si difficiles il a fallu dire sans

reacuteveacuteler le pourquoi combien ceacutetait important

pour le patient de garder cette indeacutependance

Ceacutetait pour lui sa digniteacute sa liberteacute sa volonteacute

Je voudrais mettre laccent sur la singulariteacute de

ces rencontres avec des patients deacutejagrave tregraves gra-

vement atteints et qui degraves le premier entretien

se saisissent de cette possibiliteacute de parole

Il y a la douleur et lautre versant de la souf-

france langoisse

Monsieur O est un patient algeacuterien qui a eacuteteacute

opeacutereacute drsquoun cancer du poumon Avant linterven-

tion chirurgicale il se sentait precirct agrave affronter

cette eacutepreuve cest apregraves quil a senti ses

forces diminuer Jai changeacute je ne suis plus le

mecircme quavant en fait je crois que je nai pas

accepteacute lopeacuteration Il dit regretter il aurait preacute-

feacutereacute vivre avec son cancer il serait mort avec

Ce qui semble bouleverser ce patient nest pas

tant la maladie en elle-mecircme que ses conseacute-

quences Avec ce bout de corps quon lui a reti-

reacute cest aussi toute une part de lui qui semble

partie

Leacutepreuve du cancer entraicircne toujours une at-

teinte de linteacutegriteacute corporelle

Ce corps qui est traiteacute par le meacutedical de faccedilon

organique biologique revient souvent dans le

discours des patients Ce qui eacutemerge cest

lhorreur des amputations des meacutetastases qui

se reacutepandent agrave linteacuterieur du corps mais aussi

ce qui se donne agrave voir agrave toucher Un corps en-

dommageacute que le patient a du mal agrave reconnaicirctre

comme le sien qui se bouche qui enfle qui

eacutetouffe

Le corps peut devenir un objet agrave controcircler per-

seacutecuteur qui nest plus investi de deacutesir Cette

parole descriptive du corps peut prendre toute

la place dans le discours du patient avant que

quelque chose du subjectif nrsquoapparaisse

Cest dans un deuxiegraveme temps que Monsieur

O apregraves avoir exprimeacute limpossibiliteacute daccep-

ter cette perte anatomique ndash une partie du pou-

mon ndash pourra associer sur dautres pertes qui

viennent sintriquer entre passeacute et preacutesent

Langoisse de mort est tregraves freacutequente dans

cette pathologie dans les entretiens il ne sagit

pas de viser directement ce que nous pensons

ecirctre lobjet de cette angoisse mais de soutenir

dans la conversation les deacutetours de cette indi-

cible

Lintervention aupregraves de la famille nest pas

rare

Monsieur L 63 ans a un cancer de la vessie et

il est deacutecrit par leacutequipe soignante comme tregraves

exigeant et peacutenible Je deacutecide daller me preacute-

senter

Il me fait une description assez preacutecise de sa

maladie qui a deacutebuteacute il y a quelques mois Je

lui demande ce quil pense lui de tout ccedila Il me

regarde attend plusieurs secondes et me reacute-

vegravele que sa femme a une maladie heacutematolo-

gique agrave surveiller et quil sinquiegravete beaucoup

pour elle Ils nont pas denfant Il ajoute que

dans le service on ne lui fait pas grand-chose

son eacutetat ne srsquoameacuteliore pas quil serait mieux

avec sa femme En mecircme temps elle ne peut

pas soccuper de lui agrave la maison Il part dans

un SSR (soins de suite et de reacuteeacuteducation)

Quelques semaines apregraves il revient dans le

service et il demande agrave me voir Il va ecirctre tregraves

direct On vient de lui parler de son mauvais

pronostic agrave court terme il veut que je le ren-

contre avec sa femme Il me dit Elle deacuteprime

Si je meurs elle va se laisser mourir Pour moi

cest insupportable Effectivement sa femme

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 22

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

est tregraves deacuteprimeacutee affaiblie par sa maladie

mais elle accepte de voir son geacuteneacuteraliste et

prendre un traitement On lui trouve un heacuteber-

gement agrave la Maison des Parents pour lui eacuteviter

lrsquohocirctel Elle sera sur place pour voir son mari

elle pourra eacutechanger avec les familles heacuteber-

geacutees agrave la Maison des Parents Petit agrave petit elle

tisse des liens Son mari deacutecline rapidement je

la vois dans la chambre elle me parle de lui

des choses quils aimaient faire ensemble Elle

est calme rassureacutee par la preacutesence de

lrsquoeacutequipe Apregraves la mort de son mari nous nous

sommes revues puis teacuteleacutephoneacute et rapidement

elle prend la deacutecision de deacutemeacutenager agrave Annecy

pregraves dune amie Elle aura un suivi heacutematolo-

gique lagrave-bas

Jai souvent penseacute agrave cet homme dont le dis-

cours eacutetait centreacute sur la plainte et qui a changeacute

rapidement de registre agrave partir du moment ougrave

on a pris en compte sa souffrance et soutenu

sa femme aupregraves de lui

Dans notre travail il me paraicirct important de

rendre compte aux eacutequipes de nos interven-

tions pour permettre aux soignants des eacuteclair-

cissements sur la souffrance psychologique

des patients Cela peut permettre un change-

ment de rapport soignant-patient dans des si-

tuations ougrave le patient par langoisse sous-

jacente se montre peacutenible pour lrsquoeacutequipe voire

agressif agrave son eacutegard

Toujours pour ce qui concerne la famille une

reacuteelle eacutevolution a eacuteteacute la prise en compte des

enfants du patient Degraves le diagnostic et tout le

long de la maladie une attention particuliegravere de

la part de leacutequipe permet deacuteviter les situations

dramatiques que lon rencontrait dans le pas-

seacute lorsque lenfant deacutecouvrait la graviteacute de la

maladie du parent la veille de la mort de celui-

ci sans avoir eu la possibiliteacute de sy preacuteparer et

den parler

Pour conclure je dirai que la science et la tech-

niciteacute ont beaucoup eacutevolueacute agrave lhocircpital mais quil

y a eu peu de changement du cocircteacute de la prise

en compte meacutedicale de la dimension subjective

des patients

On est passeacute dune prise en charge de la dou-

leur qui eacutetait nieacutee agrave des situations parfois de

surmeacutedicalisation La meacutedecine malgreacute ses

progregraves consideacuterables ne peut pas soulager

toute les douleurs et encore moins de faccedilon

systeacutematique et protocolaire Elle doit tenir

compte de la singulariteacute de chaque patient

De mecircme sil y a encore une vingtaine dan-

neacutees on ne donnait pas suffisamment dinfor-

mations meacutedicales sur la maladie et le devenir

du patient on est passeacute aujourdhui agrave un trop

dinformations dans loptique de dire la veacuteriteacute

au malade et de le preacuteparer sur le chemin de

sa fin de vie

Il nest pas rare que je rencontre un patient agrave

qui on a asseneacute une veacuteriteacute meacutedicale quil ne

voulait pas entendre Pour le patient il sagit de

pouvoir se deacuteprendre de ce savoir meacutedical qui

peut venir empecirccher toute penseacutee le cristalli-

ser dans une angoisse de mort et entraicircner le

sujet vers une mort psychique avant la mort

reacuteelle

Nous sommes lagrave pour partager ce temps avec

lui ce temps qui est incertain et qui permet au

sujet davoir des interrogations exprimer des

affects

Le psychologue dorientation analytique peut

apporter agrave ses eacutequipes un eacuteclairage des situa-

tions

Une collaboration avec les meacutedecins est agrave en-

courager encore faut-il que les meacutedecins puis-

sent prendre le temps et donc se deacutetacher

dune pure gestion des soins pour penser et

analyser leur pratique

1 Baszanger I 1995 Douleur et meacutedecine La

fin dun oubli Le Seuil

2 Alric J 2004 Qui eacutecoute quoi Essai de

repeacuterage de deux postures deacutecoute possible agrave

lhocircpital Eregraves in Collectif sous la direction de

Patrick Ben Soussan Le cancer approche psy-

chodynamique chez ladulte

3 Clavreul J 1978 LOrdre meacutedical Paris Le

Seuil

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 23

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

Modeacuterateur Franccediloise Adriansen CA de Psyclihos

gt Le psychologue entre les lignes des textes

officiels

Nadine Labbeacute Hocircpital Cochin Page 24

gt Titre de psychotheacuterapeute si vous avez man-

queacute le deacutebuthellip

Virginie Rocard Hocircpital Sainte Peacuterine Page 32

gt Psychotheacuterapeute agrave quel titre

Patrice Nomineacute Hocircpital Fernand Widal Page 43

Loi HPST titre de psychotheacuterapeutehellip

Quels changements pour le meacutetier de

psychologue

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 24

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

Le psychologue entre les lignes des textes officiels

Nadine Labbeacute Hocircpital Cochin

V ingt ans se sont eacutecouleacutes depuis la creacutea-tion de Psyclihos Depuis de nombreux rapports textes officiels ont eacuteteacute diffuseacutes

qui concernent la santeacute dune maniegravere geacuteneacute-rale et plus particuliegraverement la santeacute mentale Quelle place nous psychologues avons-nous dans ces eacutecrits De fait lorsque lon interroge la bibliothegraveque des rapports publics sur le site de la Documen-tation franccedilaise sur le terme Psychologue on saperccediloit que seule une liste constitueacutee dune petite cinquantaine de reacutefeacuterences apparaicirct un peu plus toutefois que pour le terme psychiatre qui apparaicirct dans 47 rapports mais beaucoup moins que celui dinfirmier qui apparaicirct dans 121 rapports Jai choisi parmi ces textes ceux qui mont sem-bleacute les plus significatifs dune certaine image du psychologue vu par les politiques ou ladmi-nistration Je vais maintenant vous preacutesenter cette compilation dextraits dans un ordre chro-nologique Lun des premiers rapports qui cite les psycho-logues porte sur les Strateacutegies drsquoutilisation des antiretroviraux dans lrsquoinfection par le VIH en 1998 Il affirme Le soutien par les psy-chologues est lune des pratiques diverses des services hospitaliers qui meacuteritent drsquoecirctre deacuteve-loppeacutees La mecircme anneacutee un rapport sur les Uniteacutes agrave encadrement eacuteducatif renforceacute et leur ap-port agrave lheacutebergement des mineurs deacutelin-quants fait agrave la demande de lInspection Geacuteneacute-rale des Affaires Sociales preacuteconise Afin de preacutevenir lusure des eacutequipes et aussi de leur apporter une certaine capaciteacute de recul il faut mettre en place des proceacutedures de soutien au moment des crises et de supervision dans les-quelles le recours au psychologue simpose En 2000 un rapport au Premier ministre Lionel Jospin Pour une nouvelle politique publique

daide aux victimes fait le constat suivant Pour le reacuteseau de lINAVEM (Feacutedeacuteration natio-nale daide aux victimes et de meacutediation qui comprend 150 associations) les emplois de psychologue repreacutesentent seulement 9 des emplois salarieacutes Cet aspect pourtant fonda-mental de laide aux victimes nest pas suffi-samment deacuteveloppeacute En 1994 lintervention dun psychologue con-cernait environ un quart des associations daide aux victimes Le rapport propose la creacuteation de centres daide pour enfant-adolescent et adulte com-prenant obligatoirement des psychologues cli-niciens Des groupes de parole et deacutecoute pour en-fants victimes seraient animeacutes par des psycho-logues scolaires ayant suivi une formation speacute-cifique ou des psychologues cliniciens exteacute-rieurs Le projet dinteacutegration de psychologues clini-ciens dans les milieux scolaires semble alors ecirctre au cœur de la nouvelle politique publique daide aux victimes Une politique ambitieuse sur le papier hellip Les suites don-neacutees agrave ce rapport ont eacuteteacute la creacuteation dun numeacutero national daide aux victimes en 2001

Pourtant en 2000 on sinteacuteresse beaucoup agrave nous le rapport du Haut comiteacute de la santeacute pu-blique sur la souffrance psychique des ado-lescents et des jeunes adultes consacre un paragraphe au rocircle du psychologue dans le chapitre intituleacute Lrsquoinstitution scolaire Bilan en CM2 Il est eacutecrit

Le recours agrave un psychologue dans le milieu scolaire est pratiquement limiteacute aux tests drsquoorientation Lrsquoabsence de psychologue dans le secondaire semble faire partie de cette mau-vaise image de la psychiatrie qui persiste dans le grand public Le regard drsquoun psychologue exteacuterieur agrave lrsquoeacuteta-blissement dans des reacuteunions reacuteguliegraveres de synthegravese et de concertation peut ecirctre preacutecieux

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Ces contacts auraient de plus lrsquoavantage de relier les prises en charge de situations diffi-ciles entre lrsquointeacuterieur et lrsquoexteacuterieur des eacutetablisse-ments et de faire se connaicirctre les profession-nels des diffeacuterentes structures Ainsi 20 des adolescents pensent avoir be-soin de consulter un psychologue mais 137 disent avoir renonceacute du fait de difficulteacutes finan-ciegraveres Toujours en 2000 au colloque sur lrsquoEnfance maltraiteacutee la Ministre deacuteleacutegueacutee agrave lrsquoEnfance et agrave la famille reacuteclame Un psy pour chaque enfant Dans son second rapport Claire Brisset la deacute-fenseure des enfants sinteacuteresse eacutegalement au rocircle des psychologues et agrave leur formation Pour elle les psychologues souffrent depuis longtemps dun problegraveme didentiteacute du fait dune reconnaissance tardive de leur profes-sion et de lexistence de plusieurs types de psychologues recruteacutes agrave des niveaux deacutetudes diffeacuterents en reacutefeacuterence aux psychologues sco-laires et conseillers dorientation- psycho-logues La Deacutefenseure des Enfants propose d -Institutionnaliser les psychotheacuterapies den-fants et dadolescents par des psychologues cliniciens sur prescription du psychiatre et rembourseacutees par la Seacutecuriteacute sociale De la mecircme faccedilon quun meacutedecin speacutecialiste prescrit des seacuteances de kineacutesitheacuterapie qui sont alors rembourseacutees par la seacutecuriteacute sociale un psychiatre aussi bien dans le public que dans le priveacute doit pouvoir prescrire des theacuterapies effectueacutees par un psychologue clinicien Cette mesure qui se pratique deacutejagrave dans cer-tains pays europeacuteens comme lAllemagne ne peut ecirctre mise en place quaux conditions sui-vantes - quune formation homogegravene de psychologie clinique sanctionneacutee par un diplocircme unique soit organiseacutee - que cette formation permette dacceacuteder agrave un nouveau statut de psychologue clinicien recon-nu par lensemble des administrations concer-neacutees - que cette formation soit agrave la fois theacuteorique et pratique Cette reacuteforme permettrait de - mieux utiliser les compeacutetences des nombreux psychologues qualifieacutes actuellement deacutepour-vus dun emploi agrave temps plein ou contraints faute de poste dexercer dautres meacutetiers

Dans cette hypothegravese le psychiatre aurait le rocircle danimateur de leacutequipe soignante et de supervision des psychotheacuterapies meneacutees par les psychologues cliniciens En outre un tel scheacutema devrait pouvoir sappli-quer non seulement dans les structures pu-bliques mais aussi dans le secteur libeacuteral Les psychologues cliniciens peu nombreux en libeacute-ral pourraient alors sinstaller en cabinet (au mecircme titre que les infirmiegraveres ou les masseurs kineacutesitheacuterapeutes) En ce deacutebut des anneacutees 2000 les politiques sinteacuteressent beaucoup aux questions relatives agrave la santeacute en juillet 2000 Martine Aubry alors ministre de lemploi et de la solidariteacute confie aux Drs Piel et Roelandt une mission de reacute-flexion et de prospective dans le domaine de la santeacute mentale qui donnera lieu un an plus tard agrave un rapport intituleacute De la psychiatrie vers la santeacute mentale Un rapport dans lequel on parle peu des psychologues si ce nest pour dire que leur formation est insuffisante et quun internat en psychologie est neacutecessaire ce dont on reparlera beaucoup dans les anneacutees sui-vantes En aoucirct 2001 Psyclihos travaille sur le 1

er rap-

port deacutetape du groupe de travail de la DGS sur leacutevolution des meacutetiers en santeacute mentale Des psychologues de toute la France choqueacutes et inquiets se reacuteunissent au sein du Collectif Na-tional des Psychologues de la FPH Les me-sures preacuteconiseacutees par le 2

egraveme rapport deacutetape

paru en janvier 2002 mettent le feu aux poudres Pour rappel le rapport insiste sur le deacuteveloppement des reacuteseaux de santeacute la mise en place de proceacutedures de protocoleshellip Et surtout il preacutevoit des niveaux dintervention hieacuterarchiseacutes avec des intervenants de 1

egravere

ligne des professionnels de soins primaires et des intervenants speacutecialiseacutes et deacutejagrave des glisse-ments de compeacutetences vers les infirmiers et les meacutedecins geacuteneacuteralistes Il est agrave nouveau question de transfert de com-peacutetences en 2003 avec le rapport Berland sur la deacutemographie des professions de santeacute au titre eacuteloquent Coopeacuteration des professions de santeacute le transfert de tacircches et de compeacute-tences Le chapitre qui nous concerne sinti-tule Un transfert de compeacutetences en psychia-trie difficile agrave organiser Le Pr Berland eacutecrit Les auditions que jai pu mener lors de la mis-

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Quels changements pour le meacutetier de psychologue

sion deacutemographie des professions de santeacute et les eacutechanges que jai pu avoir avec les psy-chiatres ont reacuteveacuteleacute de reacuteelles difficulteacutes agrave envi-sager le transfert de compeacutetences dans le champ de cette speacutecialiteacute En effet si certains professionnels considegraverent souhaitable la mise en perspective de collaborations organiseacutees avec les psychologues cliniciens dautres la trouvent inutile ou non souhaitablehellip Il est neacute-cessaire denvisager la part de lactiviteacute aujour-dhui assureacutee par les psychiatres qui doit ecirctre confieacutee en toute collaboration agrave des psychologues praticiens formeacutes agrave la fois par les faculteacutes de psychologie et les faculteacutes de meacutedecine pour construire ce nouveau meacutetier qui reacutepond agrave un besoin clairement identifieacute Au mecircme moment est diffuseacute le rapport Cleacutery Melun intituleacute Plan dactions pour le deacutevelop-pement de la psychiatrie et la promotion de la santeacute mentale qui reprend les principales pro-positions des rapports preacuteceacutedents par ex con-cernant la reacuteorganisation des soins en psychia-trie Concernant la formation des psycho-logues Ces formations sont tregraves diverses sui-vant les universiteacutes certaines eacutetant speacuteciali-seacutees dans la psychanalyse ce qui aboutit agrave des formations mono reacutefeacuterenceacutees Il en va de mecircme des stages qui sont souvent difficiles agrave trouver et ne permettent pas toujours dassister aux entretiens avec les patients Enfin dans un contexte de plus en plus seacutelectif les examens theacuteoriques et formels prennent le pas sur lac-complissement dun stage et lobtention dune formation clinique Il poursuit Les psychologues souhaitent eux-mecircmes faire progresser cette situation Ils se sont doteacutes dun code de deacuteontologie qui pose des prin-cipes clairs notamment au regard de leur for-mationhellipAvec un stage qui doit correspondre agrave leacutequivalent dun internat en psychologie dont la dureacutee ne devrait pas ecirctre infeacuterieure agrave 2 se-mestres et dont le contenu devrait faire lobjet dune validation finale Toujours en 2003 il faut un rapport eacutecrit par une psychologue pour que le terme soit citeacute 97 fois soit presque dans une page sur deux Cest le rapport de Marie de Hennezel sur Fin de vie le devoir daccompagnement Elle preacuteconise une preacutesence renforceacutee de psy-chologues dans tous les services sensibles

Pour favoriser le maintien agrave domicile des per-sonnes elle demande que lrsquoon eacutetudie la possi-biliteacute drsquoun financement drsquoun forfait de 3 agrave 5 seacuteances avec un psychologue pour un accom-pagnement de fin de vie sur le modegravele de ce qui est proposeacute dans le plan cancerElle de-mande la creacuteation dau moins un mi-temps de psychologue pour chaque service confronteacute agrave la fin de vie des patients Pour elle la Formation universitaire du psycho-logue ne le preacutepare pas neacutecessairement agrave la confrontation avec la mort drsquoautrui et son cor-tegravege drsquoangoisses et de fantasmes Elle ajoute Crsquoest la raison pour laquelle nous estimons qursquoune formation compleacutementaire personnelle (psychanalyse) ou une formation dans le cadre drsquoun DU de soins palliatifs ou drsquoun stage drsquoune semaine au moins dans une uniteacute de soins palliatifs (USP) doit lui permettre d lsquoeacutevaluer srsquoil est precirct ou non agrave travailler dans un service confronteacute agrave la mort des patients srsquoil peut accueillir sans trop drsquoangoisse celles des autres patients familles soignants Pour les psychologues de ville elle pose la question drsquoun conventionnement de la profes-sion puisque seuls les psychologues libeacuteraux inteacutegreacutes dans un reacuteseau (dans le cadre drsquoun groupement de coopeacuteration sanitaire) et reacutemu-neacutereacutes agrave la vacation sont pris en charge par lrsquoassurance maladie Elle ajoute Cela limite consideacuterablement lrsquooffre drsquoaide psychologique agrave domicile En mars 2005 la Commission Peacuterinataliteacute en-fants et adolescents recommande le renforcement des eacutequipes de materniteacute en psychologues dans le but de Mieux prendre en charge la santeacute mentale et les troubles psy-chiatriques de la megravere etou du couple En 2005 le rapport Santeacute justice et dange-rositeacutes pour une meilleure preacutevention de la reacutecidive eacutevoque les formations initiale et conti-nue des psychologues dans le domaine meacutedico-leacutegal qui devraient ecirctre renforceacutees afin de mieux prendre en consideacuteration les probleacutema-tiques relatives agrave la dangerositeacute psychiatrique dans la pratique clinique et la mise en oeuvre de lrsquoexpertise peacutenale Le rapporteur revendique la possibiliteacute pour les psychologues drsquoassurer le suivi du condam-neacute et demande laugmentation des effectifs des services peacutenitentiaires drsquoinsertion et de proba-

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tion notamment par lrsquointeacutegration de psycho-logues au sein des eacutequipes Dans son rapport sur Le fonctionnement des services dinformation et dorientation lIns-pection geacuteneacuterale de lEducation nationale re-met largement en question le statut des con-seillers dorientation-psychologues Des divergences de vues interviennent sou-vent entre ceux qui sont issus de la psycholo-gie essentiellement clinique et les autres qursquoils aient eacutetudieacute la psychologie du travail ou la so-ciologie lrsquoeacuteconomie le droit lrsquohistoire ou la phi-losophie Lrsquoouverture drsquoesprit des seconds aux questions du marcheacute de lrsquoemploi ou mecircme aux perspec-tives de deacutecentralisation est freacutequente Les psychologues cliniciens semblent plus autocen-treacutes individualistes voulant se concentrer sur leur pratique au jour le jour de conseil et drsquoac-compagnement des individus deacutesireux drsquoap-porter des solutions au cas par cas(sic ) Lrsquoeacutevolution de la profession qui a gagneacute le titre de psychologue en 1991 va dans le sens drsquoune eacutemancipation tout agrave fait eacutetonnante Les COPsy constituent un cas singulier drsquoexercice libeacuteral au sein mecircme de la fonction publique Ils nrsquoont en fait de comptes agrave rendre agrave personne lrsquoautori-teacute des directeurs est purement formelle (hellip) Et comble les conseillers ne sont pas inspecteacutes() Le rapport propose de scinder le corps des COPsy avec dun cocircteacute des psychologues de lenseignement secondaire et de lautre des conseillers dinformation et dorientation Les missions des psychologues de leacuteducation seraient centreacutees sur le deacutepistage et lexamen des eacutelegraveves pour lesquels on craint une inadap-tation la preacutevention des deacutecrochages la preacute-vention des conduites addictives en lien avec le personnel meacutedico-social leacutecoute un premier accompagnement dans les cas de profondes souffrances psychologiques le lien avec les services exteacuterieurs hellip Dans les eacutetablissements les psychologues complegraveteraient et renforceraient leacutequipe eacutedu-cative et meacutedico-sociale Pour lIGEN il est manifeste que les conseil-lers drsquoorientation-psychologues nrsquoont ni le temps ni les compeacutetences ni les moyens de faire face seuls agrave lrsquoensemble des missions que les usagers (au sens large du terme) pour-raient attendre drsquoeux Si beaucoup de responsables ministeacuteriels re-

grettent fortement lappellation de psycho-logues du statut de 1991 il faut reconnaicirctre que peu de personnels souhaitent labrogation totale de cette appellation y compris parmi ceux qui ont eacuteteacute recruteacutes avant 1990 sans avoir fait deacutetudes initiales de psychologie Il convient aussi de signaler quil y a unanimiteacute pour consideacuterer quon ne peut pas faire de psy-chologie clinique ou theacuterapeutique dans les eacutetablissements Tous pensent mecircme que cest impossible En fait en 1991 il aurait fallu creacuteer par la loi un statut de conseiller qui existe dans dautres pays Pour autant les auteurs concluent que la ques-tion de labrogation du statut de psychologue a eacuteteacute poseacutee mais ils ont consideacutereacute que ce neacutetait pas opportun dans le contexte actuel Mais le recrutement doit ecirctre diversifieacute Il srsquoagit de mettre un terme au monopole des li-cencieacutes en psychologie qui de lrsquoavis de la grande majoriteacute de nos interlocuteurs et notam-ment de lrsquoencadrement des services drsquoorienta-tion et des formateurs nrsquoest nullement imposeacute par lrsquoexercice des missions et a reacuteduit la diver-siteacute intellectuelle qui caracteacuterisait le corps avant 1991 En outre le poids excessif des li-cencieacutes en psychologie a favoriseacute des attitudes drsquoindividualisme et de repli au deacutetriment des autres facettes de la profession Dans le rapport fait au nom de la mission dinformation sur la famille et les droits de lenfant en 2006 Valeacuterie Peacutecresse et Patrick Bloche recommandent de faire prendre en charge par lassurance-maladie les consulta-tions des mineurs et de leur famille aupregraves de psychologues sur prescription meacutedicale afin dameacuteliorer la prise en charge des enfants et de leur famille On reparle encore de formation des psycho-logues en 2006 avec le rapport de la mission parlementaire de Jean-Paul GARRAUD sur la dangerositeacute Il comprend un chapitre impor-tant relatif agrave lexpertise psychologique et au psychologue expert on eacutetait agrave leacutepoque en pleine affaire dOutreau Il souligne encore une fois lrsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute des diplocircmes tous les psy-chologues ne suivent pas une formation en psychopathologie clinique et peuvent avoir des formations theacuteoriques tregraves diverses Il conviendrait de redeacutefinir le champ drsquointerven-tion des psychologues fondeacute sur leur qualifica-

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tion professionnelle et drsquoenvisager les possibili-teacutes de lrsquoarticulation de leurs expertises avec celles effectueacutees par les psychiatres Organiser une confeacuterence de consensus sur lrsquoexpertise psychologique afin de reacutefleacutechir sur les objectifs et les limites des expertises psy-chologiques lrsquoidentiteacute lrsquoeacutethique et la deacuteontolo-gie des experts leur solitude ainsi que sur les modaliteacutes pertinentes de reacutealisation des exper-tises et de leur eacutevaluation Ceci est resteacute un vœu pieux agrave ce jour hellip Il revendique Une plus grande qualification des formations des psychologues Outre une maturiteacute professionnelle une forma-tion particuliegravere est neacutecessaire (connaissance des diffeacuterents types et champs drsquoexpertise des proceacutedures judiciaires aspects criminolo-giques deacuteontologiqueshellip) Cette speacutecialisation pourrait deacutecouler drsquoun cur-sus post-universitaire en psychologie clinique et pathologique agrave lrsquoexemple des DU sur la pratique de lrsquoexpertise psychologique ou la psy-chologie leacutegale (Universiteacute Lille Aix-Marseille Rouen Poitiershellip) En 2007 les psychologues sont les stars du rapport de lIGAS consacreacute agrave Gestion et utili-sation des ressources humaines dans 6 eacuteta-blissements de santeacute speacutecialiseacutes en psy-chiatrie le terme psychologue apparaicirct 224 fois Les reacuteveacutelations sont lagrave encore fracassantes Il faut adapter le statut et le cursus de forma-tion et de carriegravere des psychologues pour mieux utiliser leurs compeacutetences et les inteacutegrer dans les eacutequipes Les problegravemes de peacutenurie de psychiatres doivent ecirctre anticipeacutes par une seacuterie de mesures - augmenter les attributions des psychologues en leur permettant dans certains cas deffec-tuer des actes jusque lagrave reacuteserveacutes aux meacutede-cins - ouvrir une formation de manager de structure psychiatrique agrave des cadres intermeacutediaires type cadre supeacuterieur de santeacute psychologue cadre socio-eacuteducatif Il serait possible douvrir le concours de cadre supeacuterieur de santeacute agrave dautres professions soi-gnantes psychologues eacuteducateurs speacuteciali-seacutes assistants de service social Les psychologues peuvent-ils remplacer les psychiatres et agrave quel prix Ce nest pas seulement parce quon manque

de psychiatres cest aussi parce que les psy-chologues repreacutesentent une certaine tradition de la psychiatrie europeacuteenne pas uniquement arc-bouteacutee sur les traitements chimiotheacuterapeu-tiques Cest aussi parce quils possegravedent en principe des compeacutetences permettant de deacuteve-lopper des aspects tregraves importants en psychia-trie - eacutevaluation des capaciteacutes cognitives et mise au point de programmes de reacutehabilitation - psychotheacuterapies de diverses natures eacutegale-ment de soutien dans les cas de traitement meacute-dicamenteux lourd - supervision de groupes de soignants pour eacuteviter les pheacutenomegravenes de chroniciteacute de mal-traitance - encadrement deacutequipes notamment de pro-fessionnels dhorizons divers Il est clair quil serait eacutegalement inteacuteressant de pouvoir leur confier des accueils de 1

egravere ligne

degraves lors que nombre de demandes de consul-tation signifient plutocirct une souffrance psychique quune pathologie psychiatrique La question de savoir sils devraient avoir le droit de prescrire ou de renouveler des pres-criptions au long cours meacuterite decirctre poseacutee Une telle eacutevolution neacutecessiterait une speacutecialisa-tion apregraves le diplocircme geacuteneacuteral de psychologue peut-ecirctre linstauration de ce que daucuns ap-pellent un internat et cette fois commun avec linternat en psychiatrie En attendant davoir notre ordonnancier si tant est que nous le souhaitions les tacircches speacuteci-fiques en psychiatrie pour les psychologues tout ce qui sapparente au bilan agrave leacutevaluation aux psychotheacuterapies de diverses obeacutediences Voilagrave ce que pensent les politiques et les admi-nistratifs de notre meacutetier mais ccedila nest pas la reacutealiteacute de notre meacutetier Tout dabord quelques chiffres sur la deacutemogra-phie des psychologues Nous sommes de plus en plus nombreux de 5500 eacutequivalents temps plein en 1997 agrave 11500 en 2009 preuve que notre rocircle est de plus en plus reconnu par les eacutetablissements Il reste encore beaucoup agrave faire en clinique priveacutee ougrave ils ne sont que 350 ETP La preacutecariteacute est tou-jours le lot de notre profession Il y a deux fois plus de psychologues agrave temps partiel que dans les autres emplois non meacutedicaux 40 de psy-chologues sont agrave temps partiel dans le public plus des trois quarts dans le priveacute soit le

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double La profession est tregraves feacuteminiseacutee avec 8 femmes sur 10 psychologues elles ont en moyenne cinq ans de moins que leurs con-fregraveres masculins la moyenne dacircge eacutetant de 42 ans Les femmes de moins de 40 ans repreacute-sentent 38 des effectifs nationaux La densiteacute nationale des psychologues est de 37 psychologues pour 100000 habitants soit un psychologue pour 2700 Par comparaison celle des psychiatres est de 22 pour 100000 habitants La densiteacute en psychologues libeacuteraux est de 7 Concernant les secteurs dactiviteacute 87 des psychologues sont salarieacutes Un tiers exerce dans un eacutetablissement de santeacute principalement du secteur public ougrave 7 sur 10 sont employeacutes agrave plein temps Lexercice en libeacuteral ne concerne que 8 des effectifs Comment les psychologues perccediloivent-ils leur meacutetier Dana Castro et Marie Santiago ont publieacute dans Le Journal des psychologues ndeg 233 deacutec 2005- janv 2006 les Reacutesultats dune enquecircte na-tionale sur Evolution des repreacutesentations et construction identitaire du meacutetier de psy-chologue Les donneacutees ont eacuteteacute recueillies agrave partir de 93 questionnaires suite agrave une enquecircte nationale lanceacutee par le Journal des Psychologues aupregraves de ses lecteurs fin 2004 Les reacutesultats montrent que les psychologues ont une image assez steacutereacuteotypeacutee de leur meacute-tier qui ne se modifie pas significativement ni au cours des eacutetudes ni agrave lentreacutee dans la vie professionnelle Au deacutebut de leurs eacutetudes 50 des reacutepondants perccediloivent le psychologue comme un speacutecialiste de laide et de leacutecoute Pour 27 cest un meacutetier qui sexerce en solitaire 30 disent ne pas en avoir une repreacutesentation preacute-cise La repreacutesentation de la profession eacutevolue pro-gressivement Apregraves quelques anneacutees dexer-cice le psychologue perccediloit davantage sa fonc-tion certes encore comme un meacutetier daide et deacutecoute pour la moitieacute dentre eux mais qui sexerce en eacutequipe pour 21 selon des moda-liteacutes et avec des outils speacutecifiques au premier rang desquels lentretien et lexamen psycholo-giques pour 18 des reacutepondants La repreacutesentation du meacutetier se modifie-t-elle au

cours du cursus universitaire - Non pour 22 des reacutepondants pour lesquels elle reste identique tout au long du parcours - Oui pour 36 pour lesquels elle se modifie gracircce aux enseignements theacuteoriques en lien avec la clinique et la psychopathologie - Encore oui pour 34 pour lesquels elle se transforme gracircce aux stages et au contact des professionnels Dune maniegravere geacuteneacuterale les psychologues comptent sur eux-mecircmes et leurs compeacutetences en matiegravere dexpeacuterience dapprentissage sur le tas de solidariteacute et de travail en eacutequipe plutocirct que sur la qualification qui elle valorise les titres les connaissances formelles la revendi-cation de lautonomie et les distinctions statu-taires Seul 1 des reacutepondants eacutevoque les no-tions dorganisation du travail en terme de sta-tut professionnel de cadre A de reacutemuneacuteration de formation ou de titre proteacutegeacute de psycho-logue Autant dire quil reste beaucoup de tra-vail pour avoir une repreacutesentation profession-nelle qui puisse ecirctre partageacutee tant par les psy-chologues que par leurs partenaires profes-sionnels ougrave compeacutetence personnelle et qualifi-cation professionnelle sont indispensables Pourtant 78 des reacutepondants deacutecrivent des difficulteacutes au sein de leur institution Un sur 5 estime que ses collegravegues ne connaissent pas son meacutetier et quils en ont une image neacutegative qui est veacutecue comme deacutevalorisante 17 se sentent isoleacutes dans les eacutequipes avec lesquelles ils travaillent Une eacutetude plus reacutecente puisquelle date de 2010 vient compleacuteter la preacuteceacutedente il sagit de celle de Elise Marchetti Claude Lafrogne et Sandrine Schoenenberger eacutegalement publieacutee dans le Journal des psychologues ndeg 283 deacutec 2010- janv 2011 et qui sintitule Que pensent-ils de nous Etude des repreacutesentations so-ciales du psychologue Que pensent les psychologues deux-mecircmes Ils eacutevoquent lobjet de leur travail la psycheacute le cadre de leur activiteacute (cadre theacuteorique pra-tique eacutethique) et le contenu mecircme de leur tra-vail agrave savoir leacutevaluation et laccompagnement Chez les professionnels du meacutedico-social nos collegravegues deux repreacutesentations saffrontent Les eacuteducateurs techniques et les reacuteeacuteducateurs (peacutedicure podologue masseur kineacutesitheacutera-peute ergotheacuterapeute psychomotricien ortho-

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phoniste orthoptiste ou dieacuteteacuteticien) ont une vi-sion neacutegative le psychologue se confond avec le psychanalyste le charlatan en lien eacutetroit avec la psychiatrie la folie Les personnels administratifs et les eacuteducateurs ont une vision plus positive et concregraveteet sont plus attacheacutes au cadre cadre de travail du psychologue lui-mecircme mais aussi la contribu-tion quil peut apporter dans le cadre dun tra-vail pluridisciplinaire Quant aux sujets de la population geacuteneacuterale on doit distinguer ceux qui ont deacutejagrave eu recours au psychologue et ceux qui nont jamais consulteacute Ceux qui nont jamais consulteacute ont un discours plutocirct positif mais abstrait centreacute sur la dualiteacute problegraveme-reacutesolution (motifs-beacuteneacutefices) Les autres qui sont plus jeunes et plutocirct des femmes cherchent agrave deacutefinir ce quest un psy-chologue avec une vision plus concregravete de notre activiteacute de nos meacutethodes et une eacutevoca-tion de la sphegravere affective et du veacutecu person-nel Toutefois les sujets ayant deacutejagrave consulteacute un psychologue ont tendance agrave le confondre avec le speacutecialiste meacutedical cest-agrave-dire le psy-chiatre Dans Transformation de la psychiatrie et pratiques des psychologues LASAR Labora-toire danalyse socio-anthropologique du risque Universiteacute de Caen 2002 sous la direction dAnne Golse Le discours dAnne Golse sociologue est plus optimiste Elle eacutecrit La profession de psycho-logue se visibilise de plus en plus que ce soit dans la prise en charge des malades mentaux ou de la souffrance psychique On le voit dans la croissance deacutemographique certes encore modeste de cette profession mais cela sappreacute-hende eacutegalement dans la maniegravere dont les textes administratifs mentionnent (psychiatres psychologues) ou bien (psychiatres ou psycho-logues) Mais cette eacutemergence nouvelle dune certaine pariteacute dans les textes vient eacutegalement reconnaicirctre que de plus en plus de demandes sont directement adresseacutees au psychologue et marque lindividualisation de cette profession agrave coteacute de celles de psychiatres ou dinfirmiers Dans un rapport au Conseil national de lOrdre des meacutedecins en 2001 sur le suivi du malade mental il est dit que les psychologues pren-nent de plus en plus de place dans le monde de la psychiatrie relayant ou mecircme remplaccedilant les psychiatres dont le nombre va en diminuant

tregraves seacuterieusement Toutefois les psychologues ne sont pas satis-faits de leur place au sein de la psychiatrie pu-blique ni personnel meacutedical ni personnel pa-rameacutedical ils elles ont du mal agrave trouver leur place dans lunivers hospitalier marqueacute par lexistence de ce partage clair Le psychologue agrave la fois dedans et dehors eacuteprouve une ab-sence de lien avec linstitution et pour certains un sentiment dinexistence institutionnelle chro-nique Le psychologue nest pas dans le soin mecircme sil contribue aux soins ce qui renvoie agrave sa neacutecessaire place dexteacuterioriteacute et agrave la trans-versaliteacute de sa fonction Comme leacutecrivait Co-lette Chiland en 1983 le statut du psychologue clinicien est une position intermeacutediaire et sin-guliegravere qui le maintien dans un espace pro-fessionnel eacutetriqueacute Certains ressentent de lamertume agrave ecirctre reacuteduits au rocircle de psychotheacute-rapeutes etou estiment ne pas ecirctre reconnus comme des professionnels agrave part entiegravere ils se qualifient de sous-psychiatres quand deacutepen-dants du psychiatre ils ne peuvent directement recevoir les patients qui font appel agrave eux Cette revendication des psychologues est devenue pour certains un carcan qui limite le champ de leur intervention Les psychologues sont lobjet dambivalence Ils peuvent ecirctre consideacutereacutes comme la profession montante en raison de la chute de la deacutemographie des psychiatres et de la de-mande sociale qui leur est adresseacutee les psy-chologues pourraient ecirctre en 1

egravere ligne pour

supplanter ces absences mais la mise en cause de leur statut et de leur formation par le reacutecent statut de psychotheacuterapeute les fragilise Pour conclure je citerai Marc Turpyn au col-loque Le psychologue clinicien le singulier et le collectif La profession de psychologue est-elle un symptocircme de lrsquoinstitution hospita-liegravere Un certain nombre de signes permet depuis longtemps de le penser son identiteacute indeacutefinis-sable sa situation drsquoexception dans un en-semble institutionnel globalement meacutedical son inexistence dans les instances de lrsquohocircpital les oublis reacuteguliers dont elle fait lrsquoobjet dans les textes sa position institutionnelle hors hieacuterar-chie les interrogations reacutecurrentes sur ses sta-tuts lrsquoincompreacutehension de ses outils de travail par les administrations etc Ce qui est nouveau ce sont les nombreuses

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tentatives pour mettre un terme agrave cette position symptomatique volonteacute de faire entrer la pro-fession dans le champ meacutedical fiches meacutetier deacutefinition de compeacutetences introduction de speacute-cialiteacutes preacute-identifieacutees en articulation avec les neurosciences et les approches comportemen-tales circulaire drsquoapplication visant au controcircle ou agrave la disparition des activiteacutes de FIR etc Nrsquooublions pas que la preacutecariteacute entretenue des psychologues le deacutesir de reconnaissance la peur ndash comme lrsquoa montreacute reacutecemment la mise en application du deacutecret sur le titre de psycho-theacuterapeute ndash poussent aussi agrave la normalisation Normaliser la profession serait sans doute la reacuteduire agrave lrsquoombre drsquoelle-mecircme

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Titre de psychotheacuterapeute si vous avez manqueacute le deacutebut

Virginie Rocard Hocircpital Sainte Peacuterine

M AI 1999 PROPOSITION DrsquoAMENDEMENT

PAR B ACCOYER

Devant lrsquoabsence de reacuteglementation autour de lrsquoexercice de la psychotheacuterapie et dans un contexte de lutte contre les deacuterives sectaires sous couvert de psychotheacuterapie un premier amendement est proposeacute par Bernard Accoyer meacutedecin et deacuteputeacute Ce premier amendement porte sur lrsquousage du titre de psychotheacuterapeute il est proposeacute le 4 mai 1999 agrave lrsquooccasion de lrsquoexamen du projet de loi relatif agrave la Couverture maladie universelle (CMU) OCTOBRE 1999 PROPOSITION DE LOI PAR

BACCOYER

Lrsquoamendement preacuteceacutedent ayant eacuteteacute refuseacute BAccoyer deacutepose le 13 octobre 1999 la pre-miegravere proposition de loi (ndeg 1844) visant agrave reacute-glementer le titre de psychotheacuterapeute Lrsquounique article preacutecise Lrsquousage du titre de psychotheacuterapeute est strictement reacuteserveacute drsquoune part aux titulaires du diplocircme de docteur en meacutedecine qualifieacute en psychiatrie et drsquoautre part aux titulaires drsquoun diplocircme de troisiegraveme cycle en psychologie Dans lrsquoexposeacute des motifs on retrouve deux professions de la santeacute mentale sont formeacutees par les universiteacutes franccedilaises les psycho-logues et les meacutedecins psychiatres Les condi-tions daccegraves et dutilisation de ces titres sont eacutetroitement encadreacutees par la loi Pourtant il existe un grave vide juridique concernant lexercice de la psychotheacuterapie La profession de psychotheacuterapeute nest en effet agrave ce jour toujours pas deacutefinie par le code de la santeacute publique Ainsi de trop nombreuses per-sonnes insuffisamment qualifieacutees voire non qualifieacutees se deacuteclarent et sinstituent psycho-theacuterapeutes en toute impuniteacute faisant courir les plus grands dangers agrave des personnes qui

par deacutefinition sont vulneacuterables et risquent de voir leur deacutetresse et leur pathologie aggra-veacutees MARS 2000 est enregistreacutee agrave la Preacutesidence de lAssembleacutee nationale sous le ndeg 2288 une pro-position de loi relative agrave lexercice de la profes-sion de psychotheacuterapeute par les deacuteputeacutes MM Jean-Michel Marchand Andreacute Aschieri Mme Marie-Heacutelegravene Aubert MM Yves Cochet et Noeumll Mamegraverehellip AVRIL 2000 PROPOSITION DE LOI DE

BACCOYER

26 avril 2000 nouvelle proposition de loi de BAccoyer Loi ndeg2342 relative agrave la prescription et agrave la conduite des psychotheacuterapies Dans lrsquoexposeacute des motifs on retrouve En labsence de disposition du code de la santeacute publique concernant lusage des psychotheacutera-pies quiconque le souhaite peut actuellement visser sa plaque de psychotheacuterapeute et preacutetendre soigner (hellip) Ainsi le rapport de la mission interministeacuterielle de lutte contre les sectes remis en feacutevrier 2000 au Premier mi-nistre signale que certaines techniques psy-chotheacuterapiques sont devenues un outil au ser-vice de linfiltration sectaire et il suggegravere au se-creacutetariat dEtat agrave la Santeacute de cadrer ces pra-tiques Cest la raison pour laquelle javais dores et deacutejagrave deacuteposeacute le 13 octobre 1999 avec quatre-vingt-un collegravegues une proposition de loi ndeg1844 visant agrave reacuteserver lusage du titre de psychotheacuterapeute agrave des personnes titulaires de diplocircmes universitaires() Dans ce con-texte il convient deacutesormais de consideacuterer les psychotheacuterapies comme un veacuteritable traite-ment A ce titre cest leur prescription et leurs applications qui apparaissent comme devant ecirctre reacuteserveacutees agrave des professionnels deacuteten-teurs de diplocircmes universitaires attestant dune formation institutionnelle garantie dune compeacutetence theacuteorique pouvant ecirctre doubleacutee

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dune expeacuterience pratique et dun travail sur soi (hellip) Cependant certains professionnels bien que non-psychiatres ou non-psychologues cliniciens preacutesentent de solides connaissances et une expeacuterience de la patho-logie mentale et du fonctionnement psychique Il convient donc quun jury composeacute duniversi-taires et de professionnels soit habiliteacute agrave vali-der leurs compeacutetences et agrave autoriser lexercice des psychotheacuterapies agrave ceux qui pratiquent deacute-jagrave depuis plus de cinq anneacutees agrave compter de promulgation de la preacutesente loi

PROPOSITION DE LOI Article unique Il est inseacutereacute apregraves larticle L 360 du code de la santeacute publique un article L 360-1 ainsi reacutedigeacute Les psychotheacuterapies sont des traitements meacutedico-psychologiques des souffrances mentales Comme toute theacuterapeutique leur prescription et leur mise en oeuvre ne peuvent relever que de professionnels qualifieacutes meacutedecins quali-fieacutes en psychiatrie et psychologues clini-ciens Les professionnels qui dispensent des psychotheacuterapies depuis plus de cinq ans agrave la date de promulgation de la preacute-sente loi pourront poursuivre cette activiteacute theacuterapeutique apregraves eacutevaluation de leurs connaissances et pratiques par un jury composeacute duniversitaires et de profession-nels dont la composition est fixeacutee par deacute-cret en Conseil dEtat

OCTOBRE 2003 AMENDEMENT AU PROJET DE LOI SUR LE CODE DE LA SANTEacute PUBLIC B AC-

COYER

8 Octobre 2003 agrave lrsquoAssembleacutee nationale B Ac-coyer deacutepose un amendement ndeg71 Les psychotheacuterapies sont des traitements meacute-dico-psychologiques des souffrances mentales Comme toute theacuterapeutique leur prescription et leur mise en oeuvre ne peuvent relever que de professionnels qualifieacutes en psychiatrie de psychologues cliniciens et meacutedecins ayant sui-vis les formations requises Crsquoest la 3eme version (ndeg336) qui est adopteacutee agrave lrsquounanimiteacute le 8 octobre 2003 par lrsquoAssembleacutee Nationale Les psychotheacuterapies constituent des outils theacuterapeutiques utiliseacutes dans le traite-ment des troubles mentaux Les diffeacuterentes ca-teacutegories de psychotheacuterapie sont fixeacutees par deacute-cret du ministre chargeacute de la Santeacute Leur mise en œuvre ne peut relever que de meacutedecins

psychiatres ou de meacutedecins et psychologues ayant les qualifications professionnelles re-quises fixeacute par ce mecircme deacutecret Lrsquoagence Na-tionale drsquoAccreacuteditation et drsquoEvaluation en Santeacute apporte son concours agrave lrsquoeacutelaboration de ces conditions (hellip) On ne parle plus ici de lrsquousage drsquoun titre de psy-chotheacuterapeute mais drsquoune deacutefinition de la psy-chotheacuterapie JANVIER 2004 AMENDEMENT ACCOYER ANNU-

LANT LE PREacuteCEacuteDENT

Le 19 janvier 2004 lrsquoamendement Accoyer de-venu entre temps amendement 363 About-Matteacutei annulant le preacuteceacutedent est voteacute par le Seacutenat en ces termes Lrsquousage du titre de psychotheacuterapeute est reacute-serveacute aux professionnels inscrits au registre national de psychotheacuterapeutes (hellip) Sont dis-penseacutes de lrsquoinscription les titulaires drsquoun di-plocircme de docteur en meacutedecine les psycho-logues titulaires drsquoun diplocircme drsquoeacutetat et les psy-chanalystes reacuteguliegraverement enregistreacutes dans les annuaires de leurs associations Les modaliteacutes drsquoapplication du preacutesent article sont fixeacutees par deacutecret Ici les psychanalystes reacuteguliegraverement enregis-treacutes dans les annuaires de leurs associations font leur apparition dans la liste des personnes habiliteacutees agrave user du titre de psychotheacuterapeute

AVRIL 2004 AMENDEMENT DUBERNARD

8 avril 2004 est voteacute agrave lrsquoAssembleacutee nationale lrsquoamendement devenu depuis amendement 344 preacutesenteacute par Jean-Marie Dubernard rap-porteur de la commission des affaires cultu-relles familiales et sociales

POLITIQUE DE SANTE PUBLIQUE (Nordm 1364)

(DEUXIEME LECTURE)

Amendement Nordm 344 preacutesenteacute par M Jean-Michel Dubernard rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles familiales et sociales Article 18 quater La conduite des psychotheacuterapies neacuteces-site soit une formation theacuteorique et pra-tique en psychopathologie clinique soit une formation reconnue par les associa-tions de psychanalystes (hellip) Lrsquousage du

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titre de psychotheacuterapeute est reacuteserveacute aux professionnels inscrits au registre national des psychotheacuterapeutes (hellip) Sont dispen-seacutes de lrsquoinscription sur la liste viseacutee agrave lrsquoali-neacutea preacuteceacutedent les titulaires drsquoun diplocircme de docteur en meacutedecine les personnes autoriseacutees agrave faire usage du titre de psy-chologue dans des conditions deacutefinies par lrsquoarticle 44 portant diverses dispositions drsquoordre social nordm85-772 du 25 juillet 1985 et les psychanalystes reacuteguliegraverement enre-gistreacutes dans les annuaires de leurs asso-ciations

Dans lrsquoexposeacute sommaire on retrouve pour conduire des psychotheacuterapies il est neacutecessaire drsquoavoir suivi une formation theacuteorique et pratique en psychopathologie La condition de lrsquoinscrip-tion sur le registre national est maintenue (hellip)Lrsquoamendement continue agrave preacutevoir que les titu-laires drsquoun diplocircme de meacutedecine les psycho-logues et les psychanalystes sont dispenseacutes de lrsquoenregistrement Ces professionnels devront satisfaire agrave lrsquoobligation de formation mention-neacutee au premier alineacutea de lrsquoarticle

9 AOUT 2004 LOI SUR LE TITRE DE PSYCHOTHEacute-

RAPEUTE ARTICLE 52

Le 28 juillet 2004 a eu lieu la reacuteunion de la commission mixte paritaire qui reacutevise lrsquoamende-ment qui est examineacute en seacuteances publiques par lrsquoAssembleacutee Nationale et le Seacutenat le 30 juil-let 2004 et devient le 09 aoucirct 2004 la loi ndeg2004-806 lrsquoarticle 52 relative agrave la politique de santeacute publique Sa parution est dans le JO ndeg185 du 11 aoucirct 2004 page 14277 texte ndeg 4 Dans cette loi larticle 18 quater revu par la commission mixte a eacuteteacute inteacutegralement repris et devient larticle 52 de la dite Loi

Article 52 Lusage du titre de psychotheacuterapeute est reacuteserveacute aux professionnels inscrits au re-gistre national des psychotheacuterapeutes Linscription est enregistreacutee sur une liste dresseacutee par le repreacutesentant de lEtat dans le deacutepartement de leur reacutesidence profes-sionnelle Elle est tenue agrave jour mise agrave la disposition du public et publieacutee reacuteguliegravere-ment Cette liste mentionne les formations suivies par le professionnel En cas de transfert de la reacutesidence professionnelle dans un autre deacutepartement une nouvelle

inscription est obligatoire La mecircme obli-gation simpose aux personnes qui apregraves deux ans dinterruption veulent agrave nou-veau faire usage du titre de psychotheacutera-peute Linscription sur la liste viseacutee agrave lalineacutea preacuteceacutedent est de droit pour les titulaires dun diplocircme de docteur en meacutedecine les personnes autoriseacutees agrave faire usage du titre de psychologue dans les conditions deacutefinies par larticle 44 de la loi ndeg 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses disposi-tions dordre social et les psychanalystes reacuteguliegraverement enregistreacutes dans les an-nuaires de leurs associations Un deacutecret en Conseil dEtat preacutecise les modaliteacutes dapplication du preacutesent article et les conditions de formation theacuteoriques et pratiques en psychopathologie clinique que doivent remplir les personnes viseacutees aux deuxiegraveme et troisiegraveme alineacuteas

Cet article introduit comme condition de lrsquousage du titre une formation theacuteorique et pratique en psychopathologie clinique alors qursquoil stipule dans le mecircme temps que lrsquoinscription est de droit pour certains professionnels ce qui pose-ra beaucoup de problegravemes pour lrsquoeacutecriture des projets de deacutecret 2005-2009 AVANT-PROJET DrsquoAPPLICATION DE

LA LOI

Les concertations avec les professionnels con-cerneacutes par lrsquoeacutecriture drsquoun avant-projet de deacutecret relatif agrave lrsquousage du titre de psychotheacuterapeute deacutebutent en 2005 Beaucoup de versions vont voir le jour et susciter de vives reacuteactions des professionnels Le ministegravere reacuteunit les organi-sations professionnelles agrave plusieurs reprises pour leur soumettre ces projets Quelques exemples des diffeacuterentes versions de lrsquoavant-projet de deacutecret de loi Version de lrsquoavant projet de deacutecret relatif agrave lrsquousage du titre de psychotheacuterapeute 10 janvier 2006

Art1 Lrsquousage du titre de psychotheacutera-peute neacutecessite une deacutemarche volontaire de la part des professionnels pratiquant les psychotheacuterapies Inscription sur une liste deacutepartementale (hellip) Art2 Lrsquoinscription sur la liste deacutepartemen-

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tale est subordonneacutee pour les professionnels viseacutes au 3

egraveme ali-

neacutea lrsquoattestation de la certification de la for-mation en psychopathologie clinique lrsquoattestation de lrsquoobtention du diplocircme de docteur en meacutedecine ou de lrsquoun des di-plocircme viseacutes au deacutecret ndeg 90-255 du 22 mars 1990 modifieacute (liste des diplocircmes permettant de faire usage professionnel du titre de psychologue) ou de lrsquoinscrip-tion agrave un annuaire drsquoassociations de psy-chanalystes pour les autres professionnels

Lrsquoattestation de la certification de la for-mation en psychopathologie clinique Le cas eacutecheacuteant lrsquoattestation de lrsquoobtention drsquoun diplocircme relatif agrave une profession reacute-glementeacutee dans le champ sanitaire et so-cial Une deacuteclaration sur lrsquohonneur faisant eacutetat des autres formations suivies dans le do-maine de la pratique de la psychotheacutera-pie parmi les quatre approches sui-vantes analytique systeacutemique cognitivo-comportementaliste inteacutegrative La deacuteclaration sur lrsquohonneur mentionne notamment lrsquointituleacute et la date drsquoobtention du diplocircme la dureacutee de la formation le nom et les coordonneacutees de lrsquoorganisme de formation public ou priveacute qui a deacutelivreacute le diplocircme (hellip) Art8 Le cahier des charges susviseacute deacutefi-nit les modaliteacutes de la formation en psy-chopathologie clinique laquelle est drsquoun niveau master Il vise agrave permettre au pro-fessionnel souhaitant user du titre de psy-chotheacuterapeute drsquoacqueacuterir Une connaissance du fonctionnement psychique Une capaciteacute de discrimination de base des situations pathologiques en santeacute mentale Une connaissance de la diversiteacute des theacuteories se rapportant agrave la psychopatholo-gie Une connaissance des 4 principales ap-proches de psychotheacuterapie vali-deacutees scientifiquement (analytique systeacute-mique cognitivo-comportementaliste in-teacutegrative) (hellip)

Il est eacutevoqueacute un niveau master pas de men-

tion drsquoune formation universitaire la loi ne parle que drsquoune formation agrave la psychopathologie cli-nique et stipule ce que seraient les approches psychotheacuterapiques valables scientifiquement ce qui nrsquoest pas sans questionner Titre ouvert aux deacutetenteurs drsquoun diplocircme relatif agrave une pro-fession reacuteglementeacutee dans les champs sani-taires et sociaux ne correspond pas aux preacute requis de la formation en psychopathologie cli-nique Par la suite le descriptif des diffeacuterentes ap-proches de psychotheacuterapie disparaicirct au profit drsquoune connaissance des principales ap-proches utiliseacutees en psychotheacuterapie sans preacute-cision Est indiqueacute le nombre drsquoheures de for-mation theacuteorique (150 heures dans une ver-sion 500 dans une autrehellip) et de stage pra-tique Est stipuleacute que la formation en psychopa-thologie clinique peut ecirctre confieacutee agrave lrsquoUniversiteacute ou agrave des organismes passant convention avec lrsquoUniversiteacute Pour les professionnels inscrits de droit on retrouve les docteurs en meacutedecine quelles que soient leurs speacutecialiteacutes les psycho-logues quelle que soit leur formation et les psy-chanalystes reacuteguliegraverement inscrits dans un an-nuaire drsquoassociation de psychanalystes ce qui nrsquoest pas un titre proteacutegeacute On exige par ailleurs de ces mecircmes professionnels une formation compleacutementaire en psychopathologie viseacutee agrave lrsquoalineacutea 4 de lrsquoarticle 52 ce qui posera pro-blegraveme certaines professions pouvant faire usage du titre de psychotheacuterapeute de droit doivent dans le mecircme texte de loi attester drsquoune formation compleacutementaire Pour tous les professionnels le cas eacutecheacuteant une deacuteclaration sur lrsquohonneur faisant eacutetat des autres formations suivies dans le domaine de la pratique de psychotheacuterapie une attestation drsquoobtention drsquoun diplocircme relatif agrave une profes-sion reacuteglementeacutee par le code de la santeacute pu-blique ou le code de la famille et de lrsquoaction so-ciale Le cahier des charges deacutefinit les modaliteacutes de la formation en psychopathologie clinique pour acqueacuterir ou valider une connaissance des fonctionnements et des processus psychiques une connaissance des critegraveres de discerne-ment des grandes pathologies psychiatriques une connaissance des diffeacuterentes theacuteories se rapportant agrave la psychopathologie une connais-sance des principales approches utiliseacutees en psychotheacuterapie

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Le Ministegravere de la Santeacute ne parvient pas agrave faire aboutir lrsquoeacutecriture de deacutecrets drsquoapplication de-vant faire face aux contestations des diffeacuterents professionnels Au printemps 2008 le Ministegravere de la Santeacute deacutecide drsquoarrecircter un des projets de deacutecret drsquoap-plication de lrsquoarticle 52 soumis au CNESER (Conseil National de lrsquoEnseignement Supeacuterieur et de la Recherche) le 16 juin 2008 Dans la note de preacutesentation on retrouve il ne srsquoagit pas de creacuteer une nouvelle profession ni drsquoen-cadrer la formation et la pratique de la psycho-theacuterapie mais de preacuteciser les conditions dans lesquelles il peut ecirctre fait usage de ce titre Il y est exigeacute pour tous professionnels drsquoavoir valideacute une formation theacuteorique de 400 heures (cest-agrave-dire infeacuterieure au total de la formation en psychopathologie clinique drsquoun Master de Psychologie clinique) et un stage pratique de 5 mois Possibiliteacutes de dispenses partielles de forma-tion selon les cateacutegories professionnelles con-cerneacutees (meacutedecins meacutedecins psychiatres psy-chologues psychanalystes) 18 MARS 2009 PROJET DE LOI PORTANT REacute-

FORME DE LrsquoHOcircPITAL ET RELATIF AUX PATIENTS

Agrave LA SANTEacute ET AUX TERRITOIRES

23 JUILLET 2009 ARTICLE 91 DE LA LOI HPST

Lrsquoarticle 91 de la loi HPST du 21 juillet 2009 opegravere une modification de lrsquoarticle 52 de la loi du 9 aoucirct 2004 pour reacutesoudre les difficulteacutes rencontreacutees agrave eacutecrire un deacutecret drsquoapplication Il modifie lrsquoarticle 52 portant sur lrsquousage du titre de psychotheacuterapeute

Article 52 de la loi ndeg 2004-806 du 9 aoucirct 2004 modifieacute par lrsquoarticle 91 de la loi ndeg 2009

-879 du 21 juillet 2009 Lrsquousage du titre de psychotheacuterapeute est reacuteserveacute aux professionnels inscrits au re-gistre national des psychotheacuterapeutes [hellip] Un deacutecret en Conseil drsquoEacutetat preacutecise les modaliteacutes drsquoapplication du preacutesent ar-ticle et les conditions de formation theacuteo-rique et pratique en psychopathologie cli-nique que doivent remplir lrsquoensemble des professionnels souhaitant srsquoinscrire au registre national des psychotheacuterapeutes Il deacutefinit les conditions dans lesquelles les ministres chargeacutes de la santeacute et de lrsquoen-

seignement supeacuterieur agreacuteent les eacutetablis-sements autoriseacutes agrave deacutelivrer cette forma-tion Lrsquoaccegraves agrave cette formation est reacuteserveacute aux titulaires drsquoun diplocircme de niveau doctorat donnant le droit drsquoexercer la meacutedecine en France ou drsquoun diplocircme de niveau master dont la speacutecialiteacute ou la mention est la psy-chologie ou la psychanalyse Le deacutecret en Conseil drsquoEacutetat deacutefinit les conditions dans lesquelles les titulaires drsquoun diplocircme de docteur en meacutedecine les personnes autoriseacutees agrave faire usage du titre de psychologue dans les conditions deacutefinies par lrsquoarticle 44 de la loi ndeg 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses disposi-tions drsquoordre social et les psychanalystes reacuteguliegraverement enregistreacutes dans les an-nuaires de leurs associations peuvent beacute-neacuteficier drsquoune dispense totale ou partielle pour la formation en psychopathologie clinique [hellip] Le deacutecret en Conseil drsquoEtat preacutecise eacutegale-ment les dispositions transitoires dont pourront beacuteneacuteficier les professionnels jus-tifiant dau moins cinq ans de pratique de la psychotheacuterapie agrave la date de publication du deacutecret

Il nrsquoy a plus de notion de professionnels inscrits de droit la formation en psychopatho-logie clinique est exigible de tous et lrsquoaccegraves agrave cette formation requiert un niveau de diplocircme eacuteleveacute titre de docteur en meacutedecine master de psychologie ou de psychanalyse Y sont tou-jours mentionneacutes les psychanalystes reacuteguliegrave-rement enregistreacutes dans les annuaires de leurs associations 20 MAI 2010 DEacuteCRET DrsquoAPPLICATION RELATIF Agrave LrsquoUSAGE DU TITRE DE PSYCHOTHEacuteRAPEUTE (CF

ANNEXE)

Le 20 mai 2010 paraicirct le deacutecret relatif agrave lrsquousage du titre de psychotheacuterapeute publieacute au JO ndeg0117 du 22 mai 2010 (deacutecret ndeg 2010-534) Ce deacutecret deacutefinit les critegraveres de formation en psychopathologie clinique exigeacutee fixe les con-ditions drsquoagreacutement des eacutetablissements de for-mation preacutecise les dispenses partielles ou to-tales de formation dont peuvent beacuteneacuteficier les meacutedecins psychologues et psychanalystes et enfin arrecircte les dispositions transitoires appli-cables aux psychotheacuterapeutes en exercice agrave

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Quels changements pour le meacutetier de psychologue

la date de publication du deacutecret Il nrsquoy est tou-jours pas fait mention de formation agrave la pra-tique psychotheacuterapique Il preacutecise une condition de diplocircme minimal pour avoir accegraves agrave cette formation Elle est reacute-serveacutee aux personnes titulaires drsquoun doctorat de meacutedecine ou drsquoun master ayant pour men-tion ou pour speacutecialiteacute la psychologie ou la psy-chanalyse Les psychiatres sont exempteacutes de formation compleacutementaire Les meacutedecins non psy-chiatres seront contraints agrave une formation com-pleacutementaire On retrouve la notion de psychologue clinicien qui ne correspond pas agrave un titre proteacutegeacute comme tel ni un parcours de formation identifieacutee Les psychologues clini-ciens nrsquoont pas de dispense totale et devront se soumettre agrave une formation theacuteorique et pra-tique compleacutementaire La formation theacuteorique comprend 400 heures drsquoenseignement pour acqueacuterir ou valider des connaissances relatives au deacuteveloppement fonctionnement et processus psychiques aux critegraveres de discernement des grandes patholo-gies psychiatriques aux diffeacuterentes theacuteories se rapportant agrave la psychopathologie aux princi-pales approches utiliseacutees en psychotheacuterapie Le stage est drsquoune dureacutee minimale de cinq mois Les professionnels justifiant drsquoau moins 5 ans de pratique de la psychotheacuterapie peuvent ecirctre inscrits sur la liste deacutepartementale apregraves avis de la commission reacutegionale drsquoinscription Le deacutecret ne preacutecise pas la cateacutegorie professionnelle nrsquoappartenant agrave aucune des cateacutegories preacuteceacutedentes que lrsquoon voit en effet apparaicirctre dans lrsquoannexe du deacutecret Le deacutecret a renforceacute le niveau exigeacute pour agreacuteer les eacutetablissements de formation Les psychologues notamment par le biais de leurs organisations professionnelles et syndi-cales ont deacuteposeacute un recours juridique contre le deacutecret relatif agrave lrsquousage du titre de psychotheacutera-peute le 12 juillet 2010 Ils contestaient notam-ment que lrsquoon exige drsquoeux des formations com-pleacutementaires qui sont deacutejagrave incluses dans leur formation initiale Le recours a eacuteteacute examineacute le mercredi 21 sep-tembre 2011 Le rapporteur public a conclu au rejet de lrsquoensemble des requecirctes porteacute contre le deacutecret ndeg2010-534 du 20 mai 2010 arrecirct du Conseil drsquoEtat du 27 octobre 2011 Ce deacutecret

est jugeacute conforme agrave lrsquoarticle 52 de la loi ndeg2004-806 du 9 aoucirct 2004 relative agrave la politique de santeacute publique modifieacutee par la loi ndeg2011-940 du 10 aoucirct 2011-art 47 (V) Les organisations professionnelles de psychologues sont en pourparler et eacutevoquent une modification de lrsquoannexe du deacutecret qui pourrait ecirctre en reacuteeacutecri-ture pour mettre agrave pariteacute psychologues et psy-chiatres pour la dispense totale de lrsquoenseigne-ment theacuteorique et du stage srsquoil a eacuteteacute effectueacute pendant les eacutetudes Fin 2011 les bureaux concerneacutes au Ministegravere de la Santeacute et au Ministegravere de lrsquoenseignement Supeacuterieur et de la Recherche examinent un projet de modification de lrsquoannexe du deacutecret du 20 mai 2010 afin de preacutevoir une dispense de formation theacuteorique compleacutementaire et de stage pour les titulaires du titre de psychologue ayant accompli le stage professionnel lieacute agrave lrsquoob-tention de ce titre dans les conditions preacutevues agrave lrsquoart4 du deacutecret du 20 mai 2010 Une dis-pense de toute formation theacuteorique mais reacuteali-sation drsquoun stage de 2 mois dans les conditions de lrsquoart4 du deacutecret pour les titulaires du titre de psychologue dont le stage professionnel lieacute agrave lrsquoobtention de ce titre nrsquoa pas eacuteteacute reacutealiseacute dans les conditions de cet article (voir sites des orga-nisations professionnelles et syndicales)

CONCLUSION

Au deacutecours de ce long cheminement pour lrsquoeacutela-borer une loi portant sur lrsquousage du titre de psy-chotheacuterapeute on remarquera lrsquoimpasse faite sur la formation agrave la pratique de la psychotheacute-rapie elle-mecircme Ce titre pourra ecirctre en effet deacutelivreacute agrave des personnes dont on nrsquoaura pas exi-geacute de formation agrave la psychotheacuterapie mais une formation agrave la psychopathologie clinique Une confusion suppleacutementaire dans la visibiliteacute des professions et leurs missions est introduite par le biais drsquoun nouveau titre de psychotheacuterapeute Il est agrave souligner que concernant les profes-sions reacuteglementeacutees dont font partie les psy-chologues la pratique de la psychotheacuterapie peut sous reacuteserve drsquoune formation compleacute-mentaire personnelle faire partie de leur activi-teacute Le titre de psychotheacuterapeute ne leur est donc pas neacutecessaire (Cf argumentaires sur le site des organisations professionnelles et syn-dicales)

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 38

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

Decret ndeg2010-534 du 20 mai 2010 relatif agrave lrsquousage du titre de psychotheacuterapeute

Article 1 Linscription sur le registre national des psy-chotheacuterapeutes mentionneacute agrave larticle 52 de la loi du 9 aoucirct 2004 susviseacutee est subordon-neacutee agrave la validation dune formation en psy-chopathologie clinique de 400 heures mini-mum et dun stage pratique dune dureacutee mi-nimale correspondant agrave cinq mois effectueacute

dans les conditions preacutevues agrave larticle 4Laccegraves agrave cette formation est reacuteserveacute aux titulaires dun diplocircme de niveau doctorat donnant le droit dexercer la meacutedecine en France ou dun diplocircme de niveau master dont la speacutecialiteacute ou la mention est la psy-

chologie ou la psychanalyse Article 2 Par deacuterogation aux dispositions de larticle preacuteceacutedent les professionnels mentionneacutes au cinquiegraveme alineacutea de larticle 52 de la loi preacuteciteacutee sont dispenseacutes en tout ou partie de la formation et du stage dans les conditions

preacutevues par lannexe 1 du preacutesent deacutecret Article 3 La formation mentionneacutee agrave larticle 1er vise agrave permettre aux professionnels souhaitant user du titre de psychotheacuterapeute dacqueacuterir

et de valider des connaissances relatives 1deg Aux deacuteveloppement fonctionnement et

processus psychiques 2deg Aux critegraveres de

discernement des grandes pathologies psy-

chiatriques 3deg Aux diffeacuterentes theacuteories se

rapportant agrave la psychopathologie 4deg Aux

principales approches utiliseacutees en psycho-

theacuterapie Article 4 Le stage pratique mentionneacute agrave larticle 1er seffectue agrave temps plein ou agrave temps partiel de faccedilon continue ou par peacuteriodes fraction-

neacuteesIl est accompli dans un eacutetablissement

public ou priveacute deacutetenant lautorisation men-tionneacutee agrave larticle L 6122-1 du code de la santeacute publique ou agrave larticle L 313-1-1 du code de laction sociale et des familles Toutefois le site du stage ne peut ecirctre le

lieu de travail de la personne en formationLe stage est placeacute sous la responsabiliteacute conjointe dun membre de leacutequipe de for-mation dun eacutetablissement agreacuteeacute en appli-

cation des articles 10 et 15 et dun profes-sionnel de leacutetablissement mentionneacute au

deuxiegraveme alineacutea maicirctre de stageIl donne

lieu agrave un rapport sur lexpeacuterience profes-sionnelle acquise soutenu devant les res-ponsables du stage et un responsable de la

formation de leacutetablissement agreacuteeacuteLe

stage est valideacute par le responsable de la

formation Article 5 Le contenu de la formation theacuteorique et pra-tique mentionneacutee agrave larticle 1er les critegraveres et modaliteacutes de son eacutevaluation ainsi que les objectifs du stage sont deacutefinis par un cahier des charges pris par arrecircteacute conjoint des mi-nistres chargeacutes de la santeacute et de lenseigne-ment supeacuterieur et publieacute au Journal officiel

de la Reacutepublique franccedilaise Article 6 Leacutetablissement de formation sassure au moment de linscription que le candidat jus-tifie de lun des diplocircmes ou titres de forma-tion mentionneacutes au quatriegraveme alineacutea de lar-ticle 52 de la loi du 9 aoucirct 2004 ou dun di-plocircme ou titre de formation reconnu eacutequiva-lent dans un autre Etat membre de lUnion europeacuteenne ou un autre Etat partie agrave lac-

cord sur lEspace eacuteconomique europeacuteen CHAPITRE II LE REGISTRE NATIONAL DES

PSYCHOTHERAPEUTES Article 7 ― Linscription sur la liste deacutepartementale

mentionneacutee au deuxiegraveme alineacutea de larticle 52 de la loi du 9 aoucirct 2004 est effectueacutee par le preacutefet du deacutepar-tement de la reacutesidence profession-

nelle principale du demandeurElle

est gratuite Elle doit avoir eacuteteacute effec-tueacutee avant toute utilisation du titre de

psychotheacuterapeuteDans le cas ougrave le

professionnel exerce dans plusieurs sites en tant que psychotheacuterapeute il est tenu de le deacuteclarer et de mention-ner les diffeacuterentes adresses de ses

lieux dexerciceEn cas de change-

ment de situation professionnelle le professionnel en informe les services

du preacutefet - La demande est adresseacutee au directeur geacute-

neacuteral de lagence reacutegionale de santeacute

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 39

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

dans le ressort duquel se situe la reacute-sidence professionnelle du deman-deur Celui-ci deacutelivre un accuseacute de reacuteception dans les conditions fixeacutees par le deacutecret du 6 juin 2001 susviseacute apregraves reacuteception de lensemble des piegraveces justificatives mentionneacutees agrave larticle 8 et assure linstruction pour le compte du preacutefet Il fait connaicirctre agrave ce dernier son avis sur la demande dinscription dans le deacutelai de 45

joursLe silence gardeacute par lautoriteacute

preacutefectorale agrave lexpiration dun deacutelai de deux mois agrave compter de la reacutecep-tion du dossier complet vaut deacutecision

de rejet de la demande - Lensemble des listes deacutepartementales

constitue le registre national des psy-

chotheacuterapeutes Article 8 I ― En vue de leur inscription sur la liste deacutepartementale les professionnels fournis-

sent 1deg La copie dune piegravece didentiteacute 2deg Lattestation de lobtention du titre de for-mation mentionneacute agrave larticle L 4131-1 du code de la santeacute publique ou du diplocircme de

niveau master mentionneacute agrave larticle 6 3deg

Lattestation de la formation en psychopa-thologie clinique mentionneacutee agrave larticle 1er agrave lexception des professionnels beacuteneacuteficiant

dune dispense totale 4deg Le cas eacutecheacuteant

lattestation denregistrement pour les pro-fessions et titres reacuteglementeacutes par le code de la santeacute publique et le code de laction

sociale et des familles II - Les professionnels appartenant agrave lune des trois cateacutegories mentionneacutees au cin-quiegraveme alineacutea de larticle 52 de la loi du 9 aoucirct 2004 susviseacutee fournissent en outre se-

lon les cas 1deg Soit lattestation de lobten-

tion du titre de formation de speacutecialiste en

psychiatrie 2deg Soit lattestation de lobten-

tion de lun des diplocircmes mentionneacutes au deacutecret du 22 mars 1990 susviseacute permettant de faire usage professionnel du titre de psy-chologue ou lautorisation obtenue en appli-cation des alineacuteas II et III de larticle 44 de

la loi du 25 juillet 1985 susviseacutee 3deg Soit

lattestation de lenregistrement reacutegulier dans un annuaire dassociation de psycha-

nalystesCette attestation est eacutetablie par le

preacutesident de lassociation Elle est accom-pagneacutee dune copie de linsertion la plus reacute-cente au Journal officiel de la Reacutepublique franccedilaise concernant lassociation et men-

tionnant son objetIII - Les modaliteacutes de

preacutesentation de la demande dinscription et notamment la composition du dossier ac-compagnant la demande sont fixeacutees par arrecircteacute du ministre chargeacute de la santeacute publieacute au Journal officiel de la Reacutepublique fran-

ccedilaise Article 9 La liste deacutepartementale mentionne pour

chaque professionnel 1deg Son identiteacute 2deg

Son lieu dexercice principal et sil y a lieu

ses lieux dexercice secondaires 3deg Le cas

eacutecheacuteant la mention et la date dobtention des diplocircmes relatifs aux professions de santeacute mentionneacutees dans la quatriegraveme partie du code de la santeacute publique ou agrave la profes-sion de psychologue la date de lautorisa-tion obtenue en application des alineacuteas II et III de larticle 44 de la loi du 25 juillet 1985 susviseacutee ou le nom de lassociation de psy-chanalystes dans lannuaire de laquelle le professionnel est reacuteguliegraverement enregistreacute

4deg Le nom de leacutetablissement de formation

ayant deacutelivreacute lattestation de formation en psychopathologie clinique ainsi que la date

de deacutelivrance de cette attestationCe docu-

ment preacutesente la liste des inscrits selon leur

profession dorigineCette liste est tenue

gratuitement agrave la disposition du public Elle est publieacutee chaque anneacutee au recueil des

actes administratifs de la preacutefecture

CHAPITRE III AGREMENT DES ETABLISSE-

MENTS DE FORMATION Article 10 ― Les eacutetablissements autoriseacutes agrave deacutelivrer

la formation preacutevue agrave larticle 1er sont agreacuteeacutes pour quatre ans par les ministres chargeacutes de la santeacute et de lenseignement supeacuterieur apregraves avis dune commission reacutegionale dagreacute-

ment - La commission reacutegionale dagreacutement est

composeacutee de six personnaliteacutes quali-fieacutees titulaires et de six personnaliteacutes

qualifieacutees suppleacuteantesCes person-

naliteacutes sont nommeacutees pour trois ans

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 40

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

par le directeur geacuteneacuteral de lagence reacutegionale de santeacute qui les choisit en raison de leurs compeacutetences dans les domaines de la formation et de leur expeacuterience professionnelle dans le champ de la psychiatrie de la psy-chanalyse ou de la psychopathologie clinique sans quaucune des trois cateacutegories de professionnels men-tionneacutees au cinquiegraveme alineacutea de lar-ticle 52 de la loi du 9 aoucirct 2004 sus-viseacutee ne soit majoritaire au sein de la

commissionParmi ces personnali-

teacutes siegravegent deux professeurs des universiteacutes speacutecialiseacutes en psychia-

trie psychologie ou psychanalyseLe directeur geacuteneacuteral de lagence reacute-gionale de santeacute deacutesigne le preacutesident

de la commissionLe mandat des

membres de la commission est re-

nouvelable une fois Article 11 Lavis motiveacute de la commission est rendu

au regard des eacuteleacutements suivants 1deg La

conformiteacute du contenu de la formation pro-poseacutee aux conditions poseacutees aux articles

1er 2 3 4 et 5 du preacutesent deacutecret 2deg La

conformiteacute des conditions et modaliteacutes de validation de la formation theacuteorique et pra-tique preacutevues par leacutetablissement au regard des dispositions preacutevues par larrecircteacute men-

tionneacute agrave larticle 5 du preacutesent deacutecret 3deg

Lengagement de leacutetablissement dans une deacutemarche deacutevaluation de la qualiteacute de la formation dispenseacutee Il fait lobjet dun dos-sier indiquant la structure publique ou pri-veacutee de son choix agrave laquelle sera confieacutee leacutevaluation en cause ainsi que le processus deacutevaluation retenu Ce dossier preacutecise en outre le statut de leacutevaluation la meacutethode utiliseacutee les indicateurs retenus et les diffeacute-rentes phases de leacutevaluation lidentiteacute et la qualification des eacutevaluateurs ainsi que le

calendrier preacutevisionnel de leacutevaluation 4deg

La qualiteacute de leacutequipe peacutedagogique respon-sable qui est composeacutee notamment densei-gnants permanents de professionnels de santeacute ainsi que de personnes autoriseacutees agrave porter le titre de psychotheacuterapeute Cette eacutequipe est placeacutee sous lautoriteacute dun con-seil scientifique comprenant notamment un

titulaire dun titre de formation mentionneacute agrave larticle L 4131-1 du code de la santeacute pu-

blique 5deg Ladeacutequation des moyens peacuteda-

gogiques par rapport au projet peacutedagogique et agrave leffectif des eacutelegraveves dans les diffeacuterentes

anneacutees de formation 6deg La conformiteacute des

locaux en matiegravere de seacutecuriteacute et daccessi-biliteacute ainsi que leur adeacutequation par rapport au projet peacutedagogique et agrave leffectif des eacutelegraveves dans les diffeacuterentes anneacutees de for-

mationLes eacutetablissements denseigne-

ment priveacutes doivent en outre satisfaire aux prescriptions des articles L 731-1 agrave L 731-

17 du code de leacuteducation Article 12 La personne physique ou morale juridique-ment responsable dun eacutetablissement de formation deacutesirant assurer la formation mentionneacutee agrave larticle 1er eacutetablit un dossier

de demande dagreacutementCe dossier est

adresseacute au plus tard six mois avant la date de louverture de la formation au directeur geacuteneacuteral de lagence reacutegionale de santeacute dans le ressort duquel leacutetablissement a son

siegravege socialCelui-ci en accuse reacuteception

dans les conditions fixeacutees par le deacutecret du 6

juin 2001 susviseacuteLa composition de ce

dossier est fixeacutee par arrecircteacute conjoint des mi-nistres chargeacutes de la santeacute et de lenseigne-ment supeacuterieur Il comporte notamment les statuts de leacutetablissement de formation et sa capaciteacute daccueil la description des forma-tions deacutelivreacutees la description des locaux et des moyens peacutedagogiques Il preacutecise sagissant de la formation en psychopatho-logie clinique le contenu de la formation theacuteorique et pratique deacutelivreacutee le descriptif du corps enseignant (effectifs qualiteacute quali-fication) la nature des activiteacutes et de la par-ticipation agrave la recherche de leacutequipe respon-

sable de la formation Article 13 Tout dossier deacuteposeacute est transmis par le di-recteur geacuteneacuteral de lagence reacutegionale de santeacute au secreacutetariat de la commission dans un deacutelai dun mois agrave compter de laccuseacute de

reacuteception de la demande initialeLa com-

mission se reacuteunit sur convocation de son preacutesident et dans les conditions fixeacutees par le deacutecret du 8 juin 2006 susviseacute Elle rend son avis dans le deacutelai de deux mois agrave

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 41

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

compter de sa saisineLe repreacutesentant de

leacutetablissement de formation est entendu par la commission reacutegionale sil en formule le souhait au moment du deacutepocirct de la candi-

dature ou agrave la demande de la commissionLavis est notifieacute agrave leacutetablissement qui a in-

troduit la demande Article 14 En cas davis neacutegatif et dans un deacutelai dun mois suivant sa notification le repreacutesentant de leacutetablissement de formation peut de-mander au directeur geacuteneacuteral de lagence reacutegionale de santeacute de convoquer une nou-

velle reacuteunion de la commissionCelle-ci

siegravege dans une formation eacutelargie agrave len-semble de ses membres titulaires et sup-

pleacuteantsSon avis se substitue au premier

avis rendu Article 15 La deacutecision dagreacutement intervient au plus tard six mois apregraves le deacutepocirct de la demande initiale En cas de recours dans les condi-tions preacutevues agrave larticle 14 ce deacutelai est pro-

longeacute de deux moisLe silence de ladmi-

nistration agrave lexpiration de ce deacutelai vaut deacute-

cision de rejetLa suspension ou le retrait

de lagreacutement sont prononceacutes par deacutecision motiveacutee des ministres chargeacutes de la santeacute et de lenseignement supeacuterieur apregraves que leacutetablissement a eacuteteacute mis agrave mecircme de preacute-senter ses observations lorsque le contenu ou les modaliteacutes dorganisation de la forma-tion cessent decirctre conformes aux condi-tions preacutevues agrave larticle 11 du preacutesent deacute-

cret CHAPITRE IV DISPOSITIONS TRANSI-

TOIRES Article 16

I ― Les professionnels justifiant dau moins cinq ans de pratique de la psychotheacutera-pie agrave la date de publication du preacutesent deacutecret peuvent ecirctre inscrits sur la liste deacutepartementale mentionneacutee agrave larticle 7 alors mecircme quils ne remplissent pas les conditions de formation et de diplocircme preacutevues aux articles 1er et 6 du preacutesent deacutecret Cette deacuterogation est accordeacutee par le preacutefet du deacutepartement de la reacutesi-dence professionnelle du demandeur apregraves avis de la commission reacutegionale dinscription Le professionnel preacutesente

cette autorisation lors de sa demande dinscription sur la liste deacutepartementale

des psychotheacuterapeutes II - La commission mentionneacutee au I est preacutesi-

deacutee par le directeur geacuteneacuteral de lagence reacutegionale de santeacute ou par la personne quil a reacuteguliegraverement deacutesigneacutee pour le repreacutesenter Elle comprend six person-naliteacutes qualifieacutees titulaires et six person-naliteacutes suppleacuteantes appartenant agrave lune des trois cateacutegories mentionneacutees au cin-quiegraveme alineacutea de larticle 52 de la loi du 9 aoucirct 2004 susviseacutee et nommeacutees par le directeur geacuteneacuteral de lagence reacutegio-nale de santeacute qui les choisit en raison de leurs compeacutetences dans les domaines de la formation et de leur expeacuterience professionnelle dans le champ de la psychiatrie de la psychanalyse ou de la psychopathologie clinique sans quau-cune de ces trois cateacutegories de profes-sionnels ne soit majoritaire au sein de la commission Ses membres sont nom-meacutes pour une dureacutee de trois ans renou-

velable une foisLa commission se reacuteu-

nit dans les conditions fixeacutees par le deacute-

cret du 8 juin 2006 susviseacuteLes frais de

deacuteplacement et de seacutejour de ses membres sont pris en charge dans les conditions preacutevues par la reacuteglementation

applicable aux fonctionnaires de lEtatLa commission sassure que les forma-tions preacuteceacutedemment valideacutees par le pro-fessionnel et son expeacuterience profession-nelle peuvent ecirctre admises en eacutequiva-lence de la formation minimale preacutevue agrave larticle 1er et le cas eacutecheacuteant du di-plocircme preacutevu agrave larticle 6 Elle deacutefinit si neacutecessaire la nature et la dureacutee de la formation compleacutementaire neacutecessaire agrave linscription sur le registre des psycho-

theacuterapeutesLe professionnel est en-

tendu par la commission sil en formule le souhait au moment du deacutepocirct de son dossier ou agrave la demande de la commis-

sion Article 17 Les professionnels qui souhaitent obtenir une autorisation dinscription sur le registre des psychotheacuterapeutes en application de larticle 16 preacutesentent dans le deacutelai dun an

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 42

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

agrave compter de la publication du preacutesent deacute-cret un dossier en ce sens dans les condi-

tions preacutevues agrave larticle 7Cette demande

est accompagneacutee des piegraveces justificatives notamment administratives attestant de

lexercice de la psychotheacuterapieA la reacutecep-

tion du dossier complet il est deacutelivreacute agrave linteacuteresseacute un accuseacute de reacuteception deacutelivreacute dans les conditions fixeacutees par le deacutecret du 6 juin 2001 susviseacute Celui-ci permet au pro-fessionnel qui utilisait preacuteceacutedemment le titre de psychotheacuterapeute de continuer agrave lutiliser

jusquagrave lintervention de la deacutecisionLe si-

lence gardeacute pendant plus de six mois sur une demande preacutesenteacutee au titre du I de lar-ticle 16 vaut deacutecision de rejet Dans les cas ougrave en application de ces dispositions il est demandeacute au candidat de justifier dune for-mation compleacutementaire celle-ci doit ecirctre effectueacutee avant le 1er janvier 2014 Si cette exigence nest pas remplie le preacutefet retire le professionnel des inscrits sur la liste deacute-

partementale des psychotheacuterapeutes Article 18 Les dispositions du preacutesent deacutecret entrent

en vigueur agrave compter du 1er juillet 2010Pour lapplication du preacutesent deacutecret agrave Saint-Pierre-et-Miquelon les compeacutetences deacutevo-lues au directeur geacuteneacuteral de lagence reacutegio-nale de santeacute par le preacutesent deacutecret sont exerceacutees par les services chargeacutes de lad-

ministration territoriale de la santeacute Article 19 Le ministre de linteacuterieur de loutre-mer et des collectiviteacutes territoriales la ministre de lenseignement supeacuterieur et de la re-cherche la ministre de la santeacute et des sports et la ministre aupregraves du ministre de linteacuterieur de loutre-mer et des collectiviteacutes territoriales chargeacutee de loutre-mer sont chargeacutes chacun en ce qui le concerne de lexeacutecution du preacutesent deacutecret qui sera pu-blieacute au Journal officiel de la Reacutepublique franccedilaise

ANNEXE NOMBRES DHEURES DE FORMATION

EN PSYCHOPATHOLOGIE CLINIQUEEXIGEacuteES DES CANDIDATS AU TITRE DE

PSYCHOTHEacuteRAPEUTE

THEgraveME de formation

PSYCHIATRES Dispense totale

MEacuteDECINS non psychiatres

PSYCHOLOGUES cliniciens

PSYCHOLOGUES non cliniciens

PSYCHANALYSTES Reacuteguliegraverement enre-gistreacutes dans leur annuaires

PROFESSIONNELS nappartenant agrave aucune des cateacutego-ries preacuteceacutedentes

Deacuteveloppement fonctionnement et processus psychiques

0 h

0 h

0 h

0 h

0 h

100 h

Critegraveres de discernement des grandes pathologies psychiatriques

0 h

0 h

50 h

100 h

100 h

100 h

Theacuteories se rapportant agrave la psychopatholo-gie

0 h

100 h

50 h

100 h

50 h

100 h

Principale ap-proches utili-seacutees en psycho-theacuterapie

0 h

100 h

50 h

100 h

50 h

100 h

Stage

0 mois

2 mois

2 mois

5 mois

2 mois

5 mois

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 43

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

Psychotheacuterapeute agrave quel titre

Patrice Nomineacute CSAPA Espace Murger - Service de Psychiatrie

Adulte du Pr Jean Pierre Leacutepine Hocircpital Fernand Widal

L a preacuteoccupation des pouvoirs publics de

reacuteglementer la pratique officielle de la

psychotheacuterapie provoque des turbu-

lences dans le petit monde des psychologues

qui se targuent drsquoen effectuer sous les formes

les plus diverses et qui se voient sommeacutes de

faire la preuve de leur formation dans ce do-

maine agrave deacutefaut de faire de mecircme en ce qui

concerne leur compeacutetence ce qui par ailleurs

nrsquoest guegravere deacutemontrable

Chacun drsquoentre eux peut bien entendu invoquer

son expeacuterience ineffable ou le prestige accordeacute

agrave sa theacuteorie de reacutefeacuterence pour estimer leacutegitime

de srsquoaffranchir drsquoune telle justification tout en

ne perdant pas de vue qursquoun statut estampilleacute

par lrsquoautoriteacute administrative peut garantir la

poursuite sereine de telles activiteacutes Pour les

plus eacuteclectiques le choix drsquoune eacutecole certifiante

ressemblera agrave un mariage de raison

Crsquoest donc au prix drsquoune soumission agrave lrsquoautoriteacute

que lrsquoexercice drsquoune telle liberteacute peut espeacuterer

se perpeacutetuer Crsquoest lagrave lrsquoune des formes de la

reacutesignation peu glorieuse certes agrave laquelle on

pourrait preacutefeacuterer le discernement formulation

bien plus acceptable au regard de lrsquoestime de

soi Crsquoest ce dont semblent avoir manqueacute celui

ou celle ou ceux qui ont cru bon drsquoaller couiner

dans une oreille des plus compatissantes que

la pratique de la psychotheacuterapie devait ecirctre reacute-

serveacutee agrave des professionnels persuadeacutes de sa-

voir y faire et capables de preacutesenter des ga-

ranties plutocirct qursquoagrave des gougnafiers mecircme pas

fichus drsquoexhiber la moindre preuve convain-

cante de la leacutegitimiteacute de leurs preacutetentions Ce

qui est drsquoailleurs la reacutealiteacute Mais comment

srsquoeacutetonner drsquoune telle beacutevue si lrsquoon srsquoen rap-

porte agrave la ceacutelegravebre Loi de Murphy qui eacutenonce

que sil y a plusieurs faccedilons de faire quelque

chose et que lune delles peut aboutir agrave une

catastrophe alors quelquun la choisira

Les mecircmes qui reacuteclamaient la mise en place

drsquoune reacuteglementation officielle reacuteservant le titre

de psychotheacuterapeute agrave des professionnels de

qualiteacute ducircment formeacutes agrave cet effet sont parmi

les premiers agrave protester contre les formes don-

neacutees agrave cette derniegravere par une souveraineteacute deacute-

ficitaire dont lrsquoexercice autoritaire nous rappelle

que nous sommes destineacutes agrave nous faire ap-

prendre ce que lrsquoon sait deacutejagrave par des gens qui

nrsquoy connaissent rien Agrave lrsquoheure de la prolifeacutera-

tion des reacutefeacuterentiels et des protocoles reacuteclamer

encore un peu plus de controcircles et de veacuterifica-

tions suspicieuses ne peut que servir de via-

tique aux frileux de la subjectiviteacute qui sont

friands de contraintes rassurantes Et on ne

srsquoeacutetonnera pas de les voir se formaliser drsquoen

avoir appeleacute agrave Raminagrobis comme dans la

ceacutelegravebre fable de Jean de La Fontaine Le

chat la belette et le petit lapin

Crsquoeacutetait un chat vivant comme un deacutevot ermite

Un chat faisant la chattemite

Un saint homme de chat bien fourreacute gros et

gras

Arbitre expert sur tous les cas

Et de voir se faire croquer tout uniment secta-

teurs et protestataires tout marris drsquoavoir con-

senti agrave lrsquoincompeacutetence et la condescendance

de deacutecideurs comme on dit le sort de leurs

activiteacutes Drsquoougrave la singularisation des heacutesitants

ameacutenagements survenus qui vident du proceacute-

deacute la geacuteneacuteralisation qursquoil visait au profit de re-

connaissances professionnelles plus contrai-

gnantes encore par la judiciarisation des liber-

teacutes du mecircme tonneau Et ce qui ne peut agrave lrsquoeacutevi-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 44

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

dence valoir pour tous nrsquoa que peu de chances

de valoir davantage pour chacun Ce seraient

donc des organisations professionnelles qui se

verraient deacutecerner des preacuterogatives pour les

beacuteneacuteficiaires qui auront eu la bonne ideacutee de srsquoy

glisser Cela veacuterifie tout agrave la fois la meacuteta-loi de

Cooper qui eacutenonce qursquoune prolifeacuteration de

nouvelles lois creacutee une prolifeacuteration de nou-

veaux vides juridiques et ce bon vieux pro-

verbe qui dit que le clou qui deacutepasse attire le

marteau

On savait deacutenombrer quelques centaines de

types de psychotheacuterapies pleacutethore drsquoautant

plus deacuterisoire que cette recension ne concerne

le plus souvent que des techniques psychotheacute-

rapiques certes impliqueacutees dans des disposi-

tifs agrave viseacutee theacuterapeutique mais certainement

incapables de deacutefinir la psychotheacuterapie car

comment eacutetablir un modegravele de lrsquoindeacutefinissable

Pour autant il sera difficile de deacutemontrer que la

formation certifieacutee agrave une technique psychotheacute-

rapique est assimilable agrave la performance de sa

mise en oeuvre Car qursquoen est-il vraiment dans

la reacutealiteacute de ces audacieuses pratiques Srsquoagit

-il drsquoune illusion entretenue par les theacuterapeutes

sur lrsquointeacuterecirct de leurs manœuvres Les patients

qui srsquoy exposent ne font-ils que changer de re-

gistre de repreacutesentations ou accegravedent-ils reacuteelle-

ment agrave une autre dimension de leur ecirctre Et

comment srsquoaccommodent-ils des aventures

parfois interminables dans lesquelles de telles

situations les plongent

Ces derniers qui se sont aperccedilus que le destin

commenccedilait agrave leur masser les eacutepaules srsquoils

nrsquoacceptent la perspective du changement que

par neacutecessiteacute et la neacutecessiteacute que parce que

leur sentiment drsquoexistence se trouve en deacutelica-

tesse se trouvent le plus souvent agrave la re-

cherche drsquoun sentiment perdu celui de la com-

pleacutetude Et ce sont eux qui deacutecident finalement

si leur rencontre avec un ou une psychologue

doit prendre cette tournure apregraves avoir eacutepuiseacute

tout ce qui leur avait jusque-lagrave permis drsquoy

eacutechapper Ils nrsquoont plus confiance dans la reacuteali-

teacute qui nrsquoest elle-mecircme apregraves tout qursquoun pres-

sentiment collectif Crsquoest que le patient qui se

reacutesout agrave consulter fait la preuve qursquoil a reacuteussi agrave

surmonter sa honte de devoir neacutecessiter une

telle deacutemarche ce qui deacutemontre lrsquoexistence de

la premiegravere ressource personnelle qui lui ap-

partient Si le patient neacuteglige ce qui le pousse agrave

changer alors le changement lui-mecircme est neacute-

gligeacute Il doit rencontrer une attitude telle qursquoil en

ressentira de la consideacuteration premiegravere res-

source theacuterapeutique en retour agrave la disposition

du psychotheacuterapeute

Et puis on voit tous les jours des patients aller

mieux en deacutepit de nos subtiles interventions

peut-ecirctre gracircce aux perfectibiliteacutes de celles-ci

Le patient met son talent agrave notre service mais

pour le bon deacuteroulement des choses il doit ecirctre

eacuteclaireacute sur ses responsabiliteacutes Prisonnier des

circonstances ce qui le rend malheureux le

patient soucieux de participer agrave son eacutemancipa-

tion doit inciter son ou sa psychotheacuterapeute

par des questions simples et bienveillantes agrave

reformuler ce qursquoil comprend de la situation et agrave

exprimer son ressenti Il est essentiel que le

theacuterapeute se sente eacutecouteacute informeacute et respec-

teacute Il ne doit pas craindre de lrsquoimportuner

puisque de toute faccedilon ce sera le cas En preacute-

servant la liberteacute de penseacutee de ce dernier et en

veillant agrave le faire participer aux orientations de

la theacuterapie le patient doit mettre une grande

conviction agrave le convaincre qursquoil est la personne

concerneacutee en premier lieu par le choix de celle-

ci avec la capaciteacute de reacutefleacutechir et de prendre

les deacutecisions qui le concernent agrave partir des in-

formations qursquoil partage avec lui Le patient de-

vra eacutegalement precircter attention aux signes de

conduites addictives ou aux troubles obses-

sionnels compulsifs du psychotheacuterapeute Un

signe drsquoappel agrave connaicirctre est la position con-

descendante ou le silence obstineacute ou encore

la somnolence difficilement dissimuleacutee qui sont

sans rapport avec les attentes drsquoeacutecoute et de

compreacutehension que le patient tente drsquoexprimer

Le patient doit savoir que la preacutevalence du sui-

cide de la deacutepression du syndrome deacutecision-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 45

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

nel de lrsquoalcoolisme et de la toxicomanie est

bien supeacuterieure chez les psychotheacuterapeutes agrave

celle de la population geacuteneacuterale Il srsquoefforcera

donc de lui faciliter la vie par de petites atten-

tions ou remarques gratifiantes afin de ne pas

alimenter les fameux dysfonctionnements dont

les protocoles theacuterapeutiques se sont enticheacutes

Enfin les interlocuteurs ne devront jamais

perdre de vue que lrsquoon nrsquoest jamais autant deacuteccedilu

que par les illusions que lrsquoon perd Bref pour le

privilegravege drsquoune synergie additive de bon aloi le

patient et son psy doivent parvenir agrave se persua-

der que leur liberteacute de manoeuvre consiste agrave

faire tout ce que permet la longueur de la

chaicircne qui les assujettit Et la principale recom-

mandation exigeacutee pour les deux acteurs de ces

proceacutedeacutes interactifs tant pour le patient que

pour son psy semble devoir se fonder sur une

robuste et saine suspicion mutuelle La reacutecipro-

citeacute est la clef de tous les rapports humains

Si lrsquoon veut bien eacutecarter un instant les passion-

nantes preacutesentations de cas superbement rap-

porteacutes par leurs auteurs et dont les colloques

sont friands ougrave tout est eacutelucideacute et dans les-

quelles tout semble srsquoexpliquer facilement ougrave

la posture adopteacutee par le ou la psychotheacutera-

peute srsquoest trouveacutee bien venue ougrave ses inter-

preacutetations se sont reacuteveacuteleacutees pertinentes et ses

interventions judicieuses qui auront abouti agrave

un reacutesultat suffisamment satisfaisant pour ecirctre

exposeacute on srsquoautorisera agrave penser que ces preacute-

sentations sont sans doute davantage drsquoineacutevi-

tables reconstructions que la traduction fidegravele

du deacuteroulement des eacuteveacutenements de lrsquoordre de

lrsquoimplacable authenticiteacute dont se montre ca-

pable une cameacutera de surveillance de distribu-

teur de billets de banque Apregraves tout si le men-

songe est le secret de la vie amoureuse crsquoest

aussi le ciment de la vie sociale La subjectiviteacute

srsquoinsinue partout peut-ecirctre plus encore dans

les souvenirs que dans les activiteacutes de percep-

tion Un souvenir est un mensonge qui dit tou-

jours la veacuteriteacute a eacutecrit Jean Cocteau recons-

truction conjecturale mais sincegravere expression

dans lrsquoinstant de sa remeacutemoration puisque tout

peut ecirctre exact sans que rien ne soit vrai En

theacuteorie tout srsquoexplique en pratique tout se

complique Ce nrsquoest pourtant pas une raison

pour faire les gros yeux aux garnements de la

psychotheacuterapie Qui srsquointeacuteresserait agrave la pein-

ture dans le seul but de devenir trafiquant

drsquoœuvres drsquoart

Or ce que redoute la theacuterapeutique crsquoest lrsquoer-

reur la faute restant beaucoup plus inconce-

vable qursquoelle est exceptionnelle et lrsquoeacutechec trop

reacutecurrent tandis que ce queacutevite la circonspec-

tion mdash en ne versant daucuns cocircteacutes mdash crsquoest la

partialiteacute Crsquoest donc vrai quelle apparaicirct ordi-

naire commune qursquoelle ne se dissipe pas

comme le fait le theacuteorique dans ses cabrioles

et si elle ne fait pas toujours la preuve drsquoune

grande inventiviteacute elle nrsquoest pas hanteacutee par

lrsquoexigence de la coheacuterence ce spectre des pe-

tits esprits Elle ne cherche pas non plus agrave sus-

citer la contradiction ni ne vise agrave se singulari-

ser en prenant une position mais elle aspire agrave

conserver lrsquoesprit ouvert agrave tous les possibles

quitte agrave cultiver le paradoxe Crsquoest sans doute

pour cette raison que quand lrsquoadresse agrave un pa-

tient se reacutevegravele theacuterapeutique ce nrsquoest pas une

surprise totale crsquoest le plus souvent lrsquoaboutis-

sement drsquoune deacutemarche heuristique Ceux qui

srsquoembarrassent dans un diagnostic ce qursquoils

srsquoimaginent indispensable avant toute entre-

prise et auquel ils finissent par croire et ce fai-

sant faire croire implicitement au patient qursquoil

srsquoapplique agrave lui mecircme quand ils ne cegravedent pas

agrave la tentation de lui en faire la reacuteveacutelation peu-

vent finir par srsquoenfermer dans une illusion com-

mune Une telle disposition est assimilable

dans son essence au preacutesupposeacute On voit la

difficulteacute apparaicirctre dans les efforts drsquoy faire

piegravece et que cela ne preacutesage rien de bon

Pourtant on a bien souvent vu la situation theacute-

rapeutique eacutevoluer favorablement en deacutepit de

ces preacutemisses douteuses Qursquoen penser Si

lrsquoon considegravere que la tacircche fondamentale du

psychotheacuterapeute est bien de reacutesoudre des

problegravemes de maniegravere efficace et dynamique

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 46

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

si lrsquoon peut srsquoeacutecarter un tant soit peu des con-

ceptions traditionnelles des problegravemes psycho-

pathologiques mettre en doute lrsquoexistence de

deacuteficits agrave reacuteparer ou agrave compenser chez le pa-

tient srsquoautoriser agrave penser que la reacutesistance au

changement de ce dernier nrsquoa rien agrave voir avec

la rentabiliteacute speacutecifique de symptocircmes en

terme de pouvoir interpersonnel on peut envi-

sager drsquointroduire des solutions qui ne srsquoentre-

tiennent pas elles-mecircmes et deviennent des

obstacles au changement Alors le theacuterapeute

peut se contenter drsquoamorcer un changement et

deacutecliner la neacutecessiteacute de srsquoengager agrave lrsquoaccompa-

gner jusqursquoagrave son terme Et quand les venues

du patient deviennent plus rares se souvenir

que Freud deacuteclarait que la cure est termineacutee

quand le patient ne vient plus

On connaicirct les dispositions favorables du pa-

tient agrave srsquoidentifier au profil qursquoon lui propose Et

si les patients se montrent rarement agrave la hau-

teur de ce que lrsquoon attend drsquoeux crsquoest parce

que lrsquoon attend quelque chose de leur part qui

soit agrave la hauteur de nos preacutetendues compeacute-

tences dont rappelons-nous il srsquoagit de reacutegle-

menter la mise en oeuvre Or lrsquoobjectif du theacute-

rapeute peut-il ecirctre leacutegitimement de confirmer

ses convictions Srsquoil interpregravete les causes du

mal-ecirctre de ses patients en fonction dun scheacute-

ma geacuteneacuteral et preacuteeacutetabli ne les trahit-il pas Et

serait-il bien congru de proposer des theacuterapies

en precirct-agrave-porter mecircme en demi-taille plutocirct

que faire dans le sur mesure en fonction des

ressources que le patient a lrsquoair de preacutesenter

Les deux acteurs de lrsquoaffaire risquent de rater

ce qursquoils recherchent implicitement en croyant y

gagner quelque chose le theacuterapeute la confir-

mation de ses convictions et le patient un

eacuteclaircissement de ses difficulteacutes en mecircme

temps que son adoption par une autoriteacute qui

lrsquoenteacuterine Toute clarteacute se paie drsquoun mystegravere et

comme une conscience claire est le signe

drsquoune mauvaise meacutemoire on nrsquoen saura pas

beaucoup plus les ideacutees nettes et distinctes

chegraveres agrave Reneacute Descartes nrsquoont guegravere fait la

preuve de leur eacutevidence La responsabiliteacute du

theacuterapeute srsquoeacutemaille de tant de deacuteterminants

que ce dernier est tout agrave fait capable de se ran-

ger agrave ce qursquoil croit justifieacute Mais la croyance

nrsquoest pas seulement une ideacutee que lrsquoesprit pos-

segravede crsquoest eacutegalement une ideacutee qui possegravede

lrsquoesprit Le plus grand deacuteregraveglement de lrsquoesprit

est de croire que les choses sont parce que

lrsquoon veut qursquoelles soient Les psychologues sa-

vent si bien identifier les situations qui se precircte-

ront au beacuteneacutefice de leur clairvoyance qursquoils

sont eacutegalement fortement sujets agrave lrsquoisseacutegoureacutee

facirccheuse pathologie qui deacutesigne un don parti-

culier pour toujours chercher drsquoabord dans la

mauvaise poche

Toutefois une relation de confiance une fois

installeacutee ccedila commence agrave rouler mais au fil du

temps la roue finit par prendre du jeu et les

orientations agrave srsquoinstaller dans le confort agrave srsquoen-

liser dans lrsquoanamnegravese agrave travailler obstineacutement

la reacutepeacutetition agrave se contenter de pointer des meacute-

canismes quant ccedila ne se reacuteduit pas agrave la pro-

duction de regrettables rationalisations Il srsquoagit

plutocirct de reacuteapprendre des conduites au patient

apregraves qursquoil en ait renouveleacute le choix agrave srsquoenga-

ger dans des activiteacutes qui permettent de modi-

fier substantiellement les modes de penseacutee Le

but ultime de la psychotheacuterapie nest pas seu-

lement deacuteliminer des comportements deacuteplo-

rables cest dapprendre agrave mieux geacuterer ses

propres processus mentaux agrave affronter avec

plus de reacuteussite des situations oppressantes et

agrave deacutevelopper des opeacuterations psychiques plus

performantes et une maniegravere drsquoecirctre au monde

plus eacutepanouissante une expression de la

sphegravere psychique privileacutegiant la valorisation

des aspirations individuelles qui deacutebouche sur

la preacutedilection pour lrsquoespace inteacuterieur caracteacuteri-

seacute sur lequel on pense souvent ecirctre suscep-

tible de pouvoir agir Mais comment juger ac-

ceptable que le patient se retrouve dans la po-

sition de celui qui la cleacute de son appartement agrave

la main se voit contraint drsquoactionner la son-

nette pour rentrer chez lui

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 47

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

Tout ceci pour suggeacuterer une approche zeacuteteacute-

tique des psychotheacuterapies pour autant qursquoelle

puisse ecirctre soupccedilonneacutee de participer agrave lrsquoactua-

lisation de la confusion des genres qui permet-

trait drsquoeffectuer la distinction entre drsquoune part la

psychotechnique de la theacuterapie que la revendi-

cation du titre de psychotheacuterapeute tendrait agrave

certifier au prix drsquoun reacuteductionnisme preacutejudi-

ciable agrave la pratique clinique et au meacutepris drsquoune

certaine creacuteativiteacute et la conduite drsquoun projet

psychotheacuterapique circonspect avec des tech-

niques approprieacutees et individualiseacutees jouant le

rocircle drsquoun outil directionnel

Les psychologues sont censeacutes distinguer le

subjectif de lrsquoirrationnel Il ne sagit pas dex-

clure la subjectiviteacute ni mecircme de la reacuteduire

mais de la conserver au cœur de la pratique de

la psychologie clinique Cest lagrave au cœur de la

subjectiviteacute de lindividuel que celle-ci peut

justifier sa speacutecificiteacute En revanche on ne se

preacuteoccupera pas des ayatollahs de la psycha-

nalyse au masque douloureux et au regard fil-

trant arborant un air drsquoen savoir long ni des

forceneacutes du dressage cognitif qui se deacutesolent

de ne pas voir le patient marcher mieux que

cela dans la combine Pas plus drsquoailleurs que

de tous les gardes-frontiegraveres des succegraves qui

leur eacutechappent qui sont des envieux comme

tous les censeurs Agrave Theacuterapik Park les psy-

chotheacuteraptors chassent tout autant en meute

qursquoen snipers

Il est important de tendre vers une pratique

permissive en accordant au patient la possibili-

teacute de reacutealiser que lorigine des changements se

trouve en lui comme il pense de celle des pro-

blegravemes qui sont les siens qui pourra de cette

faccedilon acqueacuterir une autonomie dans son pro-

cessus de traitement Mais lrsquoon a appris que ce

reacutesultat ne peut ecirctre obtenu que si lrsquoon accorde

au patient la possibiliteacute de tricher Cette faculteacute

le poussera rarement agrave en user mais sa virtua-

liteacute qursquoil est en mesure de srsquoapproprier facilite-

ra bien souvent la survenue des identifications

rechercheacutees par le theacuterapeute parce que le

patient en fera ainsi plus facilement son affaire

Crsquoest en quelque sorte entrer par la porte de

derriegravere dans le champ complexe de la forma-

tion du reacuteel

Cette approche zeacuteteacutetique estomperait eacutegale-

ment la suspicion de thaumaturgie qui revien-

drait au professionnel qui srsquoappuyant sur la

conviction qursquoil y a quelque chose agrave soigner

chez le patient au titre de lrsquoadheacutesion de ce der-

nier agrave la proposition drsquoune telle assertion

srsquoexempterait du titre en vertu de lrsquoautorisation

qursquoil srsquooctroierait agrave lui-mecircme de pratiquer Pen-

ser par soi-mecircme crsquoest souvent penser tout

seul ou pire penser comme tout le monde

Mieux vaut peut-ecirctre penser contre soi-mecircme

et se faire agrave soi-mecircme les objections des

autres Toutes les psychotheacuterapies ont leurs

chimegraveres apregraves lesquelles elles courent sans

jamais les attraper Mais avantageusement en

chemin elles srsquooctroient des opportuniteacutes qui

ne sont pas toutes neacutegligeables Et sans ou-

blier que quand la sinceacuteriteacute confine agrave lrsquoarbi-

traire on en vient agrave regretter lrsquohypocrisie

comme lrsquoa magistralement exprimeacute Descartes

on peut deacutecider que lrsquoon nrsquoest sucircr de rien et

que lrsquoon nrsquoest mecircme pas sucircr que lrsquoon nrsquoest sucircr

de rien cesser de consideacuterer que les pro-

blegravemes compliqueacutes neacutecessitent forceacutement des

solutions compliqueacutees Il y a aussi des psycho-

theacuterapies qui durent des anneacutees et un mauvais

esprit pourrait eacutetablir une comparaison avec les

banques qui quoiqursquoun virement par ordinateur

ne prenne qursquoune seconde aiment en faire tout

un plat afin que les fonds demeurent un mo-

ment dans leur systegraveme et leur rapportent

Comme nous vivons irreacutesistiblement dans un

monde de repreacutesentations la seacuteduction du titre

peut exciter la convoitise mdash celle-ci constituant

la plus formidable des motivations humaines mdash

de psychotheacuterapeutes en quecircte de reconnais-

sance Mais ce sont les ideacutees les plus seacutedui-

santes qui ont le plus souvent besoin de se re-

maquiller Le terme de trompe-couillon deacutesi-

gnant le maquillage en langue verte est trop

illustratif dans le domaine des psychotheacuterapies

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 48

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

pour deacutecourager complegravetement la tentation de

srsquoinsurger contre lrsquoeacuteventualiteacute de sa pertinence

Le titre de psychotheacuterapeute ressemble agrave la

queue du Mickey de notre enfance qursquoil fallait

attraper pour avoir un tour gratuit de manegravege

On peut bien courir encore longtemps apregraves

son obtention mais si lrsquoon veut finir de rouler le

peacutetard il faudra bien se reacutesoudre au bout drsquoun

moment agrave cesser de rechercher le petit bout de

shit tombeacute sur la moquette marron

Alors psychotheacuterapeute agrave quel titre quand la

proposition theacuterapeutique tiendrait tout entiegravere

en quatriegraveme de couverture Et lrsquoon peut ajou-

ter agrave notre accablement la conjoncture imagi-

naire que nous ne nous en remettrons jamais

et deacutecider que la psychotheacuterapie est devenue

un business Bien sucircr ces consideacuterations ne

srsquoappliquent pas aux psychotheacuterapeutes pour

lesquels rien nrsquoest impossible eacutequipeacutes du tout

agrave lrsquoego agrave soi qui sont si lrsquoon peut dire la protu-

beacuterance de la profession Elles ne srsquoappliquent

pas davantage agrave ces professionnels dont

lrsquoinaptitude est semblable agrave celle des jeunes

paresseux ces mammifegraveres arboricoles de la

forecirct breacutesilienne auxquels il arrive freacutequem-

ment drsquoempoigner leurs propres pattes agrave la

place des branches si bien qursquoils tombent des

arbres

Enfin lrsquoexigence de ce titre fait voir se multiplier

des instituts de formation agrave la psychotheacuterapie

neacutes de la derniegravere pluie qui ne feraient que

precirccher pour leur paroisse agrave des ouailles fasci-

neacutees par la quecircte de la qualification Il suffirait

alors de deacutetenir le titre de psychotheacuterapeute

pour le devenir tandis que ceux ou celles qui

en possegravedent la compeacutetence et qui se risquent

agrave en pratiquer verraient fragiliseacutee leur deacutetermi-

nation agrave y recourir sans lrsquoestampille de sa sa-

cralisation Crsquoest ainsi qursquoun meacutecanicien de la

relation identifieacute comme speacutecialiste du soin et

de la gestion des relations interpersonnelles

viendra disqualifier la prodigieuse diversiteacute des

fonctionnaliteacutes de la psychologie clinique agrave la-

quelle nous sommes tous attacheacutes Et lrsquoon ver-

ra des psychotheacuterapeutes nantis de bons certi-

ficats srsquoeacutevertuer dans la profession et y forger

leur reacuteussite juste pour prouver que crsquoest pos-

sible Les exigences des employeurs se mon-

treront de plus en plus impeacuteratives sur ce point

les assureurs jouant le rocircle drsquoagences de nota-

tion et lrsquoon nrsquoengagera deacutesormais que des

eacutebeacutenistes qualifieacutes comme caissiers chez Ikea

Quand le doute est leveacute il deacutebouche sur une

incertitude et le psychotheacuterapeute ballotteacute au

greacute des vagues de lrsquooceacutean du deacutesir de nou-

velles contraintes reacuteglementaires dans sa lutte

contre la deacutereacuteliction par tous les temps se

trouve embarrasseacute par le choix impossible

entre deux deacutesillusions voir que lrsquoeacutetendue du

champ de la pratique de la psychotheacuterapie se

precircte deacutesormais deacutecideacutement mal agrave son entre-

prise ou constater combien ccedila va ecirctre difficile

de lrsquoentreprendre agrave ses propres conditions

Crsquoest comme eacuteprouver le deacutesappointement de

la dame constatant que la lunette des toilettes

nrsquoest pas abaisseacutee ou la consternation du

monsieur qui deacutecouvre que la mecircme lunette ne

tient pas releveacutee Mais quitte agrave voyager sur le

Titanic pourquoi pas en premiegravere classe

La vie professionnelle nous rappelle combien le

monde peut paraicirctre singulier lorsqursquoon le re-

garde apregraves avoir fait un simple pas sur le cocircteacute

Lrsquoexercice de la psychotheacuterapie srsquoassaisonne

de pas mal drsquohumiliteacute et drsquoun peu de creacuteativiteacute

Peut-on ecirctre agrave la fois malin et intelligent Les

psychologues cliniciens pratiquent volontiers

lrsquousage des deux adverbes fondamentaux qui

eacuteveillent lrsquointelligence des enfants pourquoi

et comment Lrsquointelligence incite agrave la reacute-

flexion et la reacuteflexion conduit au scepticisme

Le scepticisme lui megravene agrave lrsquoironie Lrsquoironie

cette meacutelancolie de la luciditeacute agrave son tour se

preacutesente agrave lrsquoesprit mdash qui se trouve en apport

direct avec lrsquohumour mdash qui fait si bon meacutenage

avec la fantaisie Et la vie devient une chose

deacutelicieuse aussitocirct qursquoon deacutecide de ne plus la

prendre tout agrave fait au seacuterieux

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 49

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

Modeacuterateur Patrice Nomineacute Hocircpital Fernand Widal

gt La dimension culturelle dans leacutecoute des pa-

tients migrants africains

Jacqueline Faure Hocircpital Tenon Page 50

gt Psychologue en reacuteanimation peacutediatrique teacute-

moignage drsquoune pratique en eacutevolution

Muriel Derome Hocircpital Raymond Poincareacute Page 60

gt Seacutejour de vacances quelle place pour le psy-

chologue

Ceacuteline Le Bivic Hocircpital Eacutemile Roux Page 63

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques

transversaliteacute de nos cliniques

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 50

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

La dimension culturelle dans leacutecoute des patients migrants

africains une approche originale avec lrsquoassociation URACA

Jacqueline Faure Service des maladies infectieuses et

tropicales Centre de la dreacutepanocytose Hocircpital Tenon

Lrsquohomme universel nrsquoexiste pas il est inscrit

dans une culture dans un cadre Or ce cadre

est universel il nrsquoexiste pas drsquohomme sans cul-

ture

L rsquohocircpital Tenon est situeacute agrave lrsquoEst de Paris

bon nombre de patients migrants infec-

teacutes par le VIH y sont soigneacutes Du fait de

lrsquoexistence drsquoune materniteacute au sein de lrsquohocircpital

beaucoup de femmes migrantes apprennent

leur seacuteropositiviteacute agrave lrsquoinfection par le VIH-sida

au cours du suivi de leur grossesse La grande

majoriteacute de ces patients est originaire drsquoAfrique

de lrsquoOuest

Degraves 1993 nous avons mis en place un parte-

nariat avec lrsquoassociation URACA pour aider

les patients en difficulteacute face au diagnostic de

lrsquoinfection par le VIH-sida et aussi les soignants

rencontrant des problegravemes dans la prise en

charge de certains patients

Au deacutebut les soignants et moi-mecircme pensions

que la plupart des patients africains ne com-

prenaient rien Peu agrave peu avec lrsquoaide drsquoURA-

CA nous avons pris conscience que nous-

mecircmes ne les comprenions pas toujours ou

bien encore que nous ne savions pas nous

faire comprendre drsquoeux

Cette association daide aux Africains intervient

dans diffeacuterents domaines accueil aide juri-

dique sociale solidariteacute preacutevention informa-

tion recherche dans le domaine de la santeacute

(toxicomanie SIDA dreacutepanocytose troubles

psychiatriques) et propose aussi des consulta-

tions drsquoethnomeacutedecine

Ainsi bien souvent les difficulteacutes avec les pa-

tients drsquoorigine eacutetrangegravere sont lieacutees agrave des pro-

blegravemes de communication et de compreacutehen-

sion mutuelles dans la relation soignant-soigneacute

En comprenant lrsquoeacuteveacutenement migratoire et son

impact dans la deacutecouverte drsquoune maladie

grave en eacutetant sensibiliseacutes agrave lrsquoimportance de la

dimension culturelle dans le soin nous avons

ainsi ameacutelioreacute lrsquoaccueil et la prise en charge de

ces patients

Un systegraveme culturel est constitueacute drsquoune

langue drsquoun systegraveme de parenteacute drsquoun corpus

de techniques et de maniegraveres de faire (la pa-

rure la cuisine les arts les techniques de

soins les techniques de maternagehellip) Tous

ces eacuteleacutements eacutepars sont structureacutes de maniegravere

coheacuterente par des maniegraveres de penser les re-

preacutesentations [] Les repreacutesentations permet-

tent aux individus dun mecircme groupe dappreacute-

hender le monde selon les modaliteacutes com-

munes repreacutesentations de la mort de la con-

ception

Jemploie ce mot culture agrave contrecœur avec

la crainte decirctre mal compris Par ce terme je

ne deacutesigne pas leacutecume luxueuse dune civilisa-

tion mais lesprit tregraves particulier dun peuple

insaisissable

Cette prise en charge globale avec lrsquoassocia-

tion URACA srsquoeffectue sous 4 formes

1 le soutien communautaire

2 la meacutediation culturelle

3 la consultation dethnomeacutedecine une prise

en charge transculturelle

4 la formation mutuelle partage de savoir

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 51

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

1 LE SOUTIEN COMMUNAUTAIRE

Je me sens coupeacute en deux diviseacute une partie

de moi-mecircme nrsquoest pas ici nous dit tel patient

La deacutecision la plus terrible que jrsquoaie eu agrave pren-

dre dans ma vie crsquoest de rester ici pour me soi-

gner et ecirctre ainsi seacutepareacutee des miens raconte

cette femme dans un sanglot difficilement con-

tenu

Crsquoest tregraves dur drsquoecirctre seulehellipJe ne suis pas ha-

bitueacuteehellipici quand tu sors de ta maison per-

sonne ne se parlehellip

Le soutien communautaire drsquoURACA srsquoorga-

nise de plusieurs faccedilons

Visite hebdomadaire au chevet du patient avec

le port dun repas africain par la nourriture

par le dialogue dans la langue quand cest pos-

sible par la preacutesence de ses pairs quelque

chose du pays est ainsi recreacuteeacutee et apaise le

malade

Accueil quotidien au sein de lrsquoassociation re-

pas atelier couture atelier informatique aides

dans les deacutemarches administratives assem-

bleacutee des femmes Tout ceci dans une am-

biance comme au pays

Ces visites sont proposeacutees aux malades isoleacutes

du fait du diagnostic ou qui nrsquoont pas de famille

ici

La migration est une eacutepreuve qui provoque

chez le sujet une deacutestabilisation une fragiliteacute

lieacutees agrave diffeacuterentes pertes

perte de lrsquoenveloppe culturelle la culture struc-

ture le psychisme humain dans la migration il

nrsquoy a plus ce cadre culturel Changer drsquounivers

implique la perte brutale drsquoune langue drsquoun

systegraveme de reacutefeacuterence drsquoun systegraveme de co-

dage des perceptions des sensations et des

repreacutesentations en un mot une acculturation

[] La perte de lrsquoenveloppe culturelle va donc

provoquer des modifications de lrsquoenveloppe

psychique [hellip]

la perte de repegraveres difficulteacutes au niveau du

changement de climat de la nourriture dans

les deacuteplacements dans la ville dans les deacute-

marches administratives Difficulteacutes et mecircme

souffrance dans la perte de la langue drsquoorigine

Julia Kristeva drsquoorigine bulgare psychanalyste

et eacutecrivain dit ceci hellip il y a mort dans la perte

drsquoune langue natalehellip

la perte drsquoune certaine identiteacute ecirctre Camara

ou Toure ecirctre peul ou bambara nrsquoest pas so-

cialement reconnu le migrant devient un eacutetran-

ger un noir puis agrave lrsquohocircpital eacuteventuellement un

seacuteropositif

la perte du groupe lrsquoisolement est douloureu-

sement ressenti pour tout eacutetranger La solitude

pour un Africain crsquoest mortelhellip nous explique

Monsieur Diarra meacutediateur ethnoclinicien agrave

URACA

Autant drsquoeacuteleacutements qui favorisent un eacutetat de vul-

neacuterabiliteacute propice agrave une deacutecompensation soma-

tique ou psychologique (deacutepression) Le dia-

gnostic drsquoune maladie grave vient renforcer

cette fragiliteacute La solitude dans les chambres

individuelles de nos hocircpitaux modernes - que

nous occidentaux appreacutecions beaucoup - peut

ecirctre mal supporteacutee par le patient africain elle

est mecircme parfois anxiogegravene Un Africain nest

jamais seul Au pays sil est hospitaliseacute sa fa-

mille lentoure dort dans sa chambre

Par ces visites hebdomadaires un tissu rela-

tionnel est ainsi creacuteeacute qui peut se poursuivre agrave

la sortie Le soutien communautaire permet au

patient isoleacute dans la preacutecariteacute de retrouver ce

lien structurant du groupe qui lui faisait deacutefaut

depuis son deacutepart dAfrique Soutien qui va lrsquoai-

der agrave mieux supporter sa maladie et agrave mieux se

soigner Pour un Africain appartenir au groupe

est vital cest pourquoi la grande crainte du

malade est que son entourage soit au courant

du diagnostic et le rejette Le malade ne peut

pas ou ne veut pas partager sa souffrance

avec ses proches La honte la crainte de lex-

clusion peuvent le conduire agrave un retrait difficile

agrave supporter Pour lAfricain lisolement est in-

concevable Sa force vitale est en relation

constante avec celle des ancecirctres proches et

lointains et des membres du groupe La plus

grande calamiteacute consiste agrave en ecirctre retrancheacute et

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 52

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

reacuteduit ainsi agrave une existence deacuteficiente sans

protection voueacutee au neacuteant

Cette association communautaire nrsquoest pas

speacutecifiquement cibleacutee SIDA bien que ses

membres soient formeacutes agrave cette pathologie A

lrsquohocircpital elle apporte son aide agrave tout patient

quelle que soit sa maladie Le patient pourra

srsquoil le souhaite aborder son diagnostic et il nrsquoest

pas rare qursquoil le fasse Apaisement et soulage-

ment pour lui de constater que ce dont il

souffre ne fait pas peur Il peut retrouver con-

fiance en lui

2 LA MEacuteDIATION CULTURELLE

Le meacutediateur ethnoclinicien connaicirct bien la cul-

ture du patient originaire drsquoAfrique de lrsquoOuest et

il parle plusieurs langues (peul bambara sara-

koleacute wolof hellip) Il intervient dans diffeacuterentes

situations

Pour faciliter la communication entre le meacutede-

cin et le patient quand des explications concer-

nant la maladie le traitement nrsquoont pas eacuteteacute

comprises Il ne srsquoagit pas drsquoune simple inter-

preacutetation mais drsquoune formulation adapteacutee agrave la

personne agrave sa culture Les messages de preacute-

vention concernant la sexualiteacute par exemple

seront mieux accepteacutes et entendus si la sensi-

biliteacute du patient voire sa pudeur sont respec-

teacutees

Pour aider agrave la reacutesolution de conflits entre pa-

tient-soignant ou patient-famille ou soignant-

famille

Reacutecemment nous avons organiseacute une meacutedia-

tion culturelle pour une patiente ne parlant pas

du tout le franccedilais accompagneacutee de son fils

maicirctrisant parfaitement notre langue Le meacutede-

cin lrsquoassistante sociale le meacutediateur et moi-

mecircme eacutetions reacuteunis pour essayer de com-

prendre le conflit familial Tout eacutetranger utilise

la langue eacutetrangegravere comme un pansement

comme une sorte drsquoonguent de cregraveme sur les

anciennes blessureshellip La langue seconde ne

permet pas drsquo acceacuteder agrave son for inteacuterieur ex-

plique Julia Kristeva Ainsi le fils pouvant tout

agrave fait communiquer avec nous en franccedilais

srsquoest spontaneacutement adresseacute au meacutediateur en

bambara De toute eacutevidence sa langue natale

lui permettait drsquoecirctre au plus pregraves de la situation

douloureuse qursquoil vivait avec sa megravere

Le meacutediateur apporte des eacuteclaircissements sur

le contexte culturel sur le sens de tel conflit

familial sur la place des uns et des autres dans

telle famille (la place de lrsquooncle maternel par

exemple le systegraveme de filiation) Il aide les soi-

gnants souvent deacutestabiliseacutes par le manque de

repegraveres ou qui interpregravetent mal telle attitude

Par exemple lrsquoextension de la deacutenomination

fregravere sœur cousin megravere dans lrsquoentourage du

patient Les soignants ne savent plus qui est

qui Des doutes surgissent voire de la suspi-

cion Les soignants ont lrsquoimpression drsquoecirctre ma-

nipuleacutes ou trompeacutes

Le meacutediateur ethnoclinicien tient selon la for-

mule de T Nathan une sorte de position du

diplomate entre deux univers antagonistes

3 LA CONSULTATION DETHNOMEacuteDECINE UNE

PRISE EN CHARGE TRANSCULTURELLE

La culture permet un codage de lrsquoensemble de

lrsquoexpeacuterience veacutecue par un individu elle permet

drsquoanticiper le sens de ce qui peut survenir et

donc de maicirctriser la violence de lrsquoimpreacutevu et

par conseacutequent du non-sens

Angoisse de mort deacutecompensation psychia-

trique (ideacutees suicidaires syndrome anxio-

deacutepressif eacutetat deacutelirant) incompreacutehension ou

deacuteni du diagnostic deacutetresse psychologique

autant de reacuteactions face agrave la maladie grave qui

peuvent concerner tout patient (occidental ou

non) mais qui neacutecessitent pour certains pa-

tients migrants une approche tenant compte du

contexte de la migration et des speacutecificiteacutes cul-

turelles

Cette maladie je sais drsquoougrave ccedila vient mon pegravere

mrsquoa donneacutee en sorcellerie nous dit cette pa-

tiente qui ne prend pas ses meacutedicaments et

dont lrsquoeacutetat srsquoaggrave

Je suis travailleacute je le sens crsquoest les parents

de ma femme qui nrsquoont jamais accepteacute notre

mariage crsquoest eux qui font des choses sur

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 53

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

moihellip

Ou bien encore ce patient en phase asympto-

matique de lrsquoinfection par le VIH-sida qui ex-

plique Je ne suis pas malade la preuve le

meacutedecin ne me donne pas de traitement

Ainsi dans certains cas le patient en difficulteacute

en souffrance peut refuser de se soigner au

prix drsquoune aggravation de son eacutetat se santeacute De

plus les messages de preacutevention ne sont pas

entendus et les risques de propagation du virus

sont accrus

Cette consultation qui srsquoinspire de lrsquoethnopsy-

chiatrie reacuteunit autour du patient (accompagneacute

ou non de membres de sa famille ou de

proches)

- leacutequipe de lassociation URACA le Dr Mous-

sa Maman meacutedecin et theacuterapeute traditionnel

qui dirige les entretiens le meacutediateur ethnocli-

nicien la psychologue Pendant 10 ans cette

eacutequipe a eacuteteacute compleacuteteacutee par la preacutesence des

tradipraticiens africains gueacuterisseurs tradition-

nels du Nord Beacutenin qui sont venus une fois par

an pour une dureacutee de deux mois (cette action

originale a pu se mettre en place gracircce agrave des

creacutedits le Sidaction par exemple qui nrsquoexistent

plus aujourdrsquohui)

- leacutequipe soignante le meacutedecin reacutefeacuterent les

infirmiegraveres la psychologue linterne les ex-

ternes lassistante sociale sage-femme kineacute-

sitheacuterapeutehellip Les soignants ont ainsi accegraves

en situation clinique agrave lunivers culturel du pa-

tient

Le recours aux pratiques traditionnelles est tregraves

freacutequent en Afrique Les systegravemes traditionnels

de soin relegravevent drsquo une logique complexe

drsquoune rationaliteacute profonde (T Nathan) avec

une capaciteacute agrave srsquoadapter aux nouvelles situa-

tions aux nouvelles maladies Cette deacute-

marche ne remet pas en cause la confiance

envers notre meacutedecine moderne La theacuterapie

traditionnelle apporte des protections fonda-

mentales (T Nathan)

Tregraves souvent en Afrique les theacuterapies tradition-

nelles se deacuteroulent en groupe avec la famille

et ceux qui ont une affiniteacute avec le malade Ici agrave

lhocircpital les participants sont reacuteunis en cercle

autour du patient Le groupe constitue une en-

veloppe psychique qui est en soi theacuterapeu-

tique Les soignants par leur preacutesence accor-

dent une place agrave lrsquoidentiteacute culturelle du patient

agrave ses maniegraveres de vivre de se soignerhellip

Dans les cultures de tradition orale les eacuteveacutene-

ments importants de la vie tels que la nais-

sance le mariage la maladie la mort (avec

lrsquoimportance des ancecirctres) sont penseacutes diffeacute-

remment Il existe une reacutealiteacute invisible on ac-

corde vie force et pouvoir au mineacuteral au veacutegeacute-

tal agrave lrsquoanimal Le sang le lait maternel ont des

pouvoirs beacuteneacutefiques ou maleacutefiques

Les speacutecialistes de lrsquoanthropologie pensent

que le modegravele de lrsquoorganisation sociale com-

munautaire plus freacutequent dans les socieacuteteacutes

non industrialiseacutees ougrave le groupe maintient une

preacutegnance importante sur lrsquoindividu favorise

une expeacuterience du corps veacutecu comme global

il nrsquoy a pas de rupture entre lrsquohomme et le cos-

mos le corps est permeacuteable On lui reconnaicirct

une dimension transcendante et la maladie

qui plus est chronique comme la dreacutepanocy-

tose peut ecirctre inteacutegreacutee dans une reacutealiteacute plus

large exteacuterieure au corps de la meacutedecine des

hocircpitaux

Lors de ces consultations drsquoethnomeacutedecine les

deux systegravemes culturels occidental et tradition-

nel sont reconnus lrsquoun nrsquoexcluant pas lrsquoautre

Le patient peut aborder en toute confiance des

preacuteoccupations qui lui sont speacutecifiques sans

craindre le ridicule Les deux systegravemes de re-

preacutesentations occidentales et traditionnelles

dans lesquels navigue le migrant peuvent

coexister sans sopposer Paradoxalement

lrsquoapproche traditionnelle donne dans certains

cas sens et coheacuterence au discours meacutedical

scientifique Il est difficile de rendre compte

drsquoune consultation drsquoethnomeacutedecine (de mecircme

qursquoil est difficile de parler drsquoune seacuteance de psy-

chotheacuterapie ou drsquoanalyse bien que ce ne soit

pas du mecircme ordre) Il ne srsquoagit pas drsquoune con-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 54

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

sultation traditionnelle ce nrsquoest ni le lieu ni le

cadre Nous sommes dans lrsquoentre-deux

Le nom la parenteacute lrsquoappartenance ethnique la

langue natale sont des eacuteleacutements systeacutematique-

ment abordeacutes Ces reacutefeacuterences agrave la filiation agrave

lrsquoethnie rappellent implicitement au malade le

lien agrave sa famille et son appartenance agrave un

groupe Les tradipraticiens se preacutesentent aussi

se nomment racontent dougrave ils viennent Le

dialogue qui srsquoinstaure est bien souvent eacutenig-

matique pour lrsquooccidental Le langage allusif

meacutetaphorique suggestif qui est utiliseacute est tout

agrave fait entendu par le patient agrave la diffeacuterence des

soignants qui sont deacuteconcerteacutes du moins lors

des premiegraveres consultations Peu agrave peu les

soignants vont se familiariser Par la suite ils

peuvent communiquer diffeacuteremment avec tel

patient et mieux deacutecoder sa maniegravere drsquoecirctre ou

de srsquoexprimer

Les repreacutesentations ancestrales de la maladie

et les eacutetiologies traditionnelles (possession es-

prits ou ancecirctres meacutecontents sorcellerie trans-

gression de tabous ou non respect de rituels

familiaux) ne sont pas systeacutematiquement eacutevo-

queacutees et lorsqursquoelles le sont crsquoest toujours de

maniegravere implicite La maladie comme lrsquoacci-

dent la perte drsquoun emploi ou toute autre mani-

festation de malchance de malheur est le

signe drsquoun deacutesordre -dont il faut comprendre le

sens- et qui concerne non seulement le patient

mais aussi sa famille

Monsieur C originaire du Mali connaicirct bien les

diffeacuterents modes de transmission et nous en

discutons ensemble et dans ce mecircme entre-

tien perplexe il se questionne Je ne sais

pas drsquoougrave ccedila vienthellip

Chez nous la maladie quelle soit physique ou

mentale ne concerne pas uniquement lindividu

toucheacute mais aussi sa famille tout le

groupe (M Maman Journeacutee transculturelle

Des gueacuterisseurs agrave lhocircpital des soignants au

village 29 septembre 2001 hocircpital Tenon

Paris) Derriegravere lhistoire de lindividu se profile

toujours le devenir de la communauteacute toute en-

tiegravere [ ] La cause du mal qui rompt leacutequilibre

dun organisme fait peser une lourde menace

sur le corps social

Bien souvent agrave lissu de ces consultations le

patient va contacter la famille au pays qui elle

aussi va intervenir selon ses coutumes par des

priegraveres rituels ou sacrifices

La proposition dune prise en charge transcul-

turelle nest pertinente que si elle fait sens pour

le patient sil se reconnaicirct des liens avec sa

culture dorigine Le patient peut ecirctre occiden-

taliseacute (eacutetudes supeacuterieures vivant en France

depuis de nombreuses anneacutees hellip) ou dorigine

rurale analphabegravete ayant gardeacute des liens avec

son village il peut ecirctre musulman ou chreacutetien

Les indications sont variables

- incompreacutehension du diagnostic Lrsquoexemple

de Monsieur K malgreacute une seacuterologie positive

il reste persuadeacute de nrsquoecirctre pas malade Cepen-

dant il accompagne aux consultations sa

femme et leur fille toutes les deux seacuteropositives

et sous traitement

- refus du traitement les causes sont mul-

tiples Mme T vient reacuteguliegraverement agrave ses con-

sultations le meacutedecin veut deacutesormais lui pres-

crire un traitement qursquoelle refuse Si je dis que

je suis seacuteropositive personne ne voudra se

marier avec moi Une autre patiente

srsquoinquiegravete Je ne veux pas du traitement si je

deviens indeacutetectable alors ougrave sera le virus

- problegraveme drsquoobservance les causes sont va-

rieacutees preacutecariteacute incompreacutehension ou refus du

diagnostic probleacutematique personnelle plus pro-

fonde

- souffrance psychique le patient peut ecirctre

tregraves observant ses reacutesultats biologiques sont

satisfaisants le patient va tregraves bien selon le

meacutedecin mais persiste en lui une douleur mo-

rale difficile parfois agrave repeacuterer Il faut savoir deacute-

coder le sens du sourire (qui ne signifie pas

toujours la joie) lrsquoabsence de plainte Julia

Kristeva explique que les eacutetrangers sont expo-

seacutes aux maladies psychosomatiques ils sont

dans cet espegravece de vernis de la langue se-

conde mais le fond reste douloureux et le fond

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 55

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

eacuteclate sous la forme de la migraine quand ce

nrsquoest pas le cancerhellip

- pathologie psychiatrique troubles du com-

portement (deacutelire agitation violencehellip) syn-

drome deacutepressif risque suicidaire angoisse de

mort plaintes somatiques sans cause orga-

nique (douleurs diffuses sensation de malaise

le corps parle ccedila chauffe ccedila se deacuteplace)

- fin de vie angoisse isolement

- conflits conjugaux ou familiaux aggraveacutes ou

reacuteactionnels agrave la pathologie (risque de divorce

tel mari qui nrsquoassume plus ses responsabiliteacutes

sexualiteacute devenue difficile impossible (refus du

preacuteservatif par exemple)

- Lrsquoannonce du diagnostic Lrsquoannonce drsquoune

maladie grave est toujours une eacutepreuve pour

tout malade Crsquoest un moment-cleacute dans la prise

en charge du patient Dans le cas de lrsquoinfection

par le VIH la formulation peut ecirctre une donneacutee

brutale Tel ce meacutedecin qui annonce agrave

une femme enceinte vih2 asymptomatique

vous avez le SIDA Veacuteritable violence ver-

bale qui provoque un choc psychique avec

risque suicidaire si ce nrsquoest la fuite et le refus

de soin

Actuellement chez certains soignants on as-

siste agrave une banalisation du diagnostic lieacute aux

possibiliteacutes de traitement Mais crsquoest oublier le

deacutecalage avec le niveau de connaissance du

malade et crsquoest aussi meacuteconnaicirctre les effets

sur le patient de la reacutealiteacute dramatique de la ma-

ladie au pays Certains ont vu des proches

mourir du SIDA drsquoune mort lente sans soin et

dans la solitude Tous les patients eacutevoquent

une forte angoisse Deux mois apregraves il y a en-

core en moi cette grande peur quand le meacutede-

cin mrsquoa parleacute En entendant les propos de

lrsquoinfirmier Je vous apporte vos meacutedicaments

du SIDA Mme B nous raconte comment elle

a protesteacute et reacuteagi vivement Vous ne devez

pas dire cela Ainsi dans certains cas le meacute-

decin peut utiliser drsquoautres formulations le

virus de la maladie la maladie qui passe de

lrsquohomme agrave la femme la grande maladie

Dans les cultures de tradition orale les mots

ont une force un pouvoir Prononcer le mot SI-

DA activerait en quelque sorte le potentiel mor-

tel de cette maladie Ainsi dans certains cas le

meacutedecin peut utiliser drsquoautres formules le vi-

rus de la maladie la maladie qui passe de

lrsquohomme agrave la femme la grande maladie

Deux ou trois consultations ont lieu ainsi agrave lhocirc-

pital pour chaque malade Les tradipraticiens

vont dire ce quils ont vu et vont donner leurs

indications theacuterapeutiques le suivi peut se

poursuivre apregraves leur retour au village ougrave ils

continuent si crsquoest neacutecessaire agrave travailler

pour le patient Les situations sont tregraves varieacutees

et les reacuteponses le sont tout autant

QUELQUES EXTRAITS DE CONSULTATION

Ce patient ne se sent pas malade il nrsquoa aucun

signe de la maladie il ne comprend pas pour-

quoi le meacutedecin insiste pour qursquoil prenne un

traitement qui plus est agrave vie On lui rappelle

qursquoau pays le gueacuterisseur a lui aussi son labo-

ratoire qursquoil voit et qursquoil peut demander de

faire des choses agrave celui qui vient le consulter

pour sa protection ce parfois toute la vie

Cette analogie explicite permet de confirmer la

validiteacute de lrsquoapproche meacutedicale Ce mode drsquoex-

pression imageacutee qui est familiegravere au patient

voir dans le sable faire des rituels pour la

protection reacutesonne en lui et lrsquoaide agrave adheacuterer

aux prescriptions meacutedicales Moi-mecircme jrsquoem-

ploie souvent le terme protection pour parler

du beacuteneacutefice de la tritheacuterapie jrsquoutilise des

images qui font sens pour le patient et je com-

prends mieux celles qursquoil utilise lui-mecircme De

mecircme il mrsquoarrive de lui signaler nos expres-

sions speacutecifiquement franccedilaises ou nos pro-

verbes afin de lui faire connaicirctre aussi notre

propre maniegravere drsquoexprimer certaines choses

Tel autre patient srsquoaggrave il prend mal ses

traitements et il vit dans une grande preacutecariteacute

Drsquoembleacutee lors du premier entretien psycholo-

gique il mrsquoexplique que sa sœur au pays a par-

leacute de sorcellerie Au cours de la consultation

drsquoethnomeacutedecine on lui demande de solliciter

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 56

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

sa famille au pays pour savoir ce qui doit ecirctre

fait aupregraves de la riviegravere sacreacutee qursquoil a eacutevoqueacutee

En Afrique les deacutefunts les ancecirctres doivent

ecirctre veacuteneacutereacutes par des rituels propres agrave chaque

famille si ce rituel a eacuteteacute abandonneacute des con-

seacutequences neacutegatives peuvent rejaillir sur un de

ses membres mecircme tregraves eacuteloigneacute On peut re-

marquer qursquoici lrsquohypothegravese de la sorcellerie est

eacutecarteacutee crsquoest une autre eacutetiologie traditionnelle

qui est avanceacutee agrave laquelle le patient adhegravere il

va contacter en effet son oncle au sujet de la

riviegravere sacreacutee Le patient devient actif non seu-

lement pour srsquooccuper des choses du pays

mais aussi pour faire des deacutemarches ici sa si-

tuation meacutedicale et sociale va consideacuterable-

ment srsquoameacuteliorer il trouve par la suite un heacute-

bergement puis un travail

Pour cette autre patiente un long temps de la

seacuteance va ecirctre consacreacute au reacutecit de la deacutecou-

verte de sa maladie de son bouleversement

de son angoisse concernant lrsquoavenir Des pa-

roles apaisantes lui sont dites puis on va lui de-

mander drsquoeacutecrire ses recircves de telle et telle nuit

au cours desquelles les gueacuterisseurs

travailleront pour elle Suite au rapport de ses

recircves ils lui prescrivent un traitement elle de-

vra se laver avec une preacuteparation agrave base de

plantes Conjointement le suivi psychologique

classique se poursuit elle reprend confiance

dans la vie

Aacute tel autre il est demandeacute drsquoapporter une petite

boicircte en bois ou encore un tissu blanc et un

parfum Aacute un autre il est dit drsquoaller chercher un

certain nombre de cailloux le long drsquoun cours

drsquoeau ici en France Certaines prescrip-

tions sont plus compliqueacutees sacrifices rituels

agrave effectuer au pays objets agrave rapporter Cela

peut prendre plusieurs semaines Si la pres-

cription est impossible agrave reacutealiser par le patient

lui-mecircme sur place ou par sa famille en

Afrique les gueacuterisseurs le feront en son nom agrave

leur retour au pays Dans la meacutedecine tradition-

nelle lrsquouniteacute cosmique crsquoest-agrave-dire la parenteacute

homme-nature est constamment preacutesente

Lrsquohomme est relieacute au monde mineacuteral veacutegeacutetal

ou animal mais aussi agrave celui des deacutefunts des

esprits et bien-sucircr agrave sa famille agrave son groupe

LE SUIVI DE GROSSESSE DE MME T

Depuis des anneacutees la patiente souffre en plus

de lrsquoinfection par le VIH de troubles du compor-

tement difficiles agrave diagnostiquer elle a un suivi

psychiatrique qui ne suffit pas agrave la soulager

Elle traverse des peacuteriodes drsquoagitation drsquoagres-

siviteacute et mecircme de violence Dans ses crises

elle peut aller jusqursquoagrave lrsquoautomutilation ou la ten-

tative de suicide Agrave drsquoautres moments elle est

totalement abattue leacutethargique Bien qursquoelle

connaisse sa maladie lieacutee au VIH lrsquoobservance

de sa tritheacuterapie est fonction de son eacutetat psy-

chique Elle a beacuteneacuteficieacute agrave plusieurs reprises de

consultations drsquoethnomeacutedecine en particulier

lors de cette derniegravere grossesse Du fait des

mauvais reacutesultats biologiques car elle ne prend

plus ses antireacutetroviraux le risque de contami-

nation megravere-enfant est particuliegraverement eacuteleveacute

Tregraves deacuteprimeacutee elle est transfeacutereacutee dans le ser-

vice de psychiatrie de notre hocircpital et le psy-

chiatre accepte qursquoagrave cocircteacute des traitements clas-

siques (antideacutepresseurs anxiolytiques) elle

fasse les soins traditionnels prescrits Elle a

donc une permission pour aller au marcheacute agrave

cocircteacute de lrsquohocircpital acheter un œuf blanc Elle doit

ensuite mettre cet œuf dans une grosse boicircte

drsquoallumettes exercice un peu difficile car lrsquoœuf

risque de se casser Le tout est mis dans une

calebasse recouverte drsquoun tissu blanc qursquoelle

entrepose sous son lit plus preacuteciseacutement agrave la

tecircte du lit En effet il est important qursquoelle

dorme avec cette calebasse pregraves de sa tecircte

pendant un certain nombre de nuits Puis la ca-

lebasse avec son contenu (lrsquoœuf dans la boicircte)

est remise aux gueacuterisseurs de retour au pays

ils vont effectuer leur travail agrave la termitiegravere sa-

creacutee A son retour en France le Dr Maman

remet un onguent agrave la patiente preacuteparation

faite agrave partir de lrsquoœuf et drsquoautres eacuteleacutements Elle

doit mettre reacuteguliegraverement cette pommade au-

tour de son nombril jusqursquoagrave lrsquoaccouchement

Lrsquoeacutetat psychique de la patiente srsquoameacuteliore elle

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 57

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

reprend correctement son traitement lrsquoenfant

naicirct et ne sera pas contamineacute par le VIH Dans

les anneacutees qui suivront son eacutetat psychologique

se deacutegradera agrave nouveau nous nrsquoavons jamais

reacuteussi agrave la stabiliser compleacutetement Nrsquoayant ja-

mais bien suivi sa tritheacuterapie elle deacutecegravede agrave la

suite des complications du sida

A partir de cet exemple nous pouvons voir le

principe de non-seacuteparativiteacute principe essentiel

agrave lrsquoœuvre dans la meacutedecine traditionnelle afri-

caine Nous sommes ici dans un systegraveme de

penseacutee primordiale magique qui fonctionne

par analogie nous sommes dans le non-

seacutepareacute agrave la diffeacuterence de la penseacutee scientifique

qui individualise Dans ce cas clinique on voit

comment tout est relieacute il y a identiteacute entre la

grossesse et lrsquoœuf passage de lrsquohumain agrave

lrsquoanimal et aussi passage drsquoun continent agrave

lrsquoautre les gueacuterisseurs travaillant agrave distance

pour la patiente Citons agrave ce propos Pierre

Lembeye psychiatre et psychanalyste hellip

nous pouvons parler de rsquorsquonon-seacuteparativiteacutersquorsquo de

la meacutedecine traditionnelle par rapport agrave la meacute-

decine occidentale qui privileacutegie le mode seacutepa-

ratif et dont le maicirctre mot est diffeacuterence tandis

que celui des socieacuteteacutes anhistoriques est identi-

teacute La science en particulier la meacutedecine a

fait des progregraves en isolant en seacuteparant Citons

aussi Jean Benoist Lrsquoopposition carteacutesienne

entre le corps et lrsquoacircme a libeacutereacute la biologie et

donc la meacutedecine des interdits qui sacralisent

le corps hellip Lrsquoesprit lrsquoacircme tout ce qui eacutetait cou-

ramment deacutesigneacute par ces termes srsquoest prodi-

gieusement eacuteloigneacute de lrsquohorizon meacutedical

(Benoist 1993) A lrsquohocircpital crsquoest bien lrsquoorgane

malade que lrsquoon soigne mais rarement la per-

sonne dans sa globaliteacute et encore moins son

groupe familial Nous pensons analysons sur

le mode seacuteparatif celui de la coupure et selon

Pierre Lembeye La psychanalyse avec lrsquohy-

pothegravese de lrsquoinconscient opegravere aussi une cou-

pure avec le conscient Les lapsus les recircves

sont des manifestations de lrsquoinconscient alors

que dans la tradition africaine il nrsquoy a pas cette

seacuteparation par exemple chez les Ashantis au

Ghana si un homme recircve qursquoil couche avec sa

voisine il est puni et sa voisine aussi De

mecircme la psychiatrie pense aussi les probleacutema-

tiques sur le mode de la coupure le terme

schizophreacutenie provient de schizo du grec

schizein signifiant fractionnement fissure divi-

sion (P Lembeye) Dans les traitements tradi-

tionnels crsquoest la question du lien qui est au pre-

mier plan Nous avons lrsquoexemple de ce beacutebeacute

acircgeacute de huit mois enfant-cordon preacutesentant

des troubles du comportement et dont le traite-

ment est deacutecrit par Eacuteric de Rosny hellip le cor-

don ombilical le retenant aux entrailles de

lrsquoautre monde nrsquoaurait pas eacuteteacute coupeacute hellip Il srsquoagit

de lui crever les yeux crsquoest-agrave-dire de lui

rendre invisible le monde des Ancecirctreshellip (De

Rosny 1996 123-133)

La penseacutee magique qui est agrave lrsquoœuvre dans les

theacuterapies traditionnelles a-t-elle deacuteserteacute notre

systegraveme de penseacutee occidentale Dominique

Folscheid professeur de philosophie nous rap-

pelle ceci Notre meacutedecine moderniste est

due agrave lrsquoessor de la rationaliteacute mais on a oublieacute

que dans la Gregravece Antique la rationaliteacute deacutebu-

tante (avec les philosophes) srsquoaccompagnait

drsquoune vie mystique florissante Rappelons le

serment drsquoHippocrate premier code de deacuteonto-

logie meacutedical Je jure par Apollon meacutedecin

par Esculape par Hygeacutee et Panaceacutee par tous

les dieux et toutes les deacuteesseshellip Dans son

livre La nuit les Yeux ouverts Eacuteric de Rosny

cite Pierre Fegravevre Ce monde de la gueacuterison et

de la sorcellerie a quelque chose drsquounheimlich

(agrave la fois lsquolsquomysteacuterieuxrsquorsquo et lsquolsquoinquieacutetantrsquorsquo) et pour-

tant il eacuteveille des reacutesonances au plus profond

de nous-mecircmes et lrsquoon ne sait pas les-

quelles (de Rosny 1996 17) Nous-mecircmes

sans en avoir veacuteritablement conscience fonc-

tionnons sur le mode du lien du non-seacutepareacute

par exemple Reneacute Spitz psychiatre et psycha-

nalyste a deacutecrit en 1946 lrsquohospitalisme alteacutera-

tion physique grave srsquoinstallant chez le tregraves

jeune enfant placeacute en institution et seacutepareacute de

sa megravere crsquoest pourquoi aujourdrsquohui en peacutediatrie

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 58

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

on facilite la preacutesence de la megravere qui peut dor-

mir au chevet de son enfant un autre

exemple celui du syndrome de glissement des

personnes acircgeacutees hospitaliseacutees qui coupeacutees de

leur environnement habituel se laissent mourir

et dans un autre registre que dire de lrsquoabsence

de chambre ndeg13 dans nos hocircpitaux nos hocirc-

tels

4 FORMATION MUTUELLE PARTAGE DE SAVOIR

Un eacutechange des savoirs srsquoest instaureacute entre les

soignants de lrsquohocircpital et lrsquoassociation

1 au niveau de lrsquoassociation les membres

drsquoURACA sont formeacutes agrave la pathologie du sida

les meacutedecins apportent leur connaissance meacute-

dicale avec des mises agrave jour sur lrsquoeacutevolution de

la pathologie et des traitements Des reacuteunions

agrave thegraveme sont organiseacutees avec un eacutelargisse-

ment agrave drsquoautres pathologies (heacutepatites dreacutepa-

nocytose)

2 au niveau des soignants formation en situa-

tion clinique participation au cycle annuel de

confeacuterences drsquoUraca voyages drsquoeacutetude dans le

village du Dr Maman au Nord-Beacutenin effectueacutes

par des meacutedecins psychiatres psychologues

assistante sociale infirmiegraveres de lrsquoAP-HP

(participation agrave des theacuterapies traditionnelles

dont le culte de danses de possession expeacute-

rience drsquoune certaine situation migratoire vil-

lage dans la brousse repegraveres diffeacuterents cadre

culturel autre adaptation au climat agrave la nourri-

turehellip)

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LrsquoAfrique des gueacuterisons eacuted Karthala 1994

La nuit les yeux ouverts eacuted Seuil 1996

Justice et sorcellerie Collectif sous la direc-

tion drsquoE de Rosny eacuted Karthala 2006

LrsquoAfrique de lrsquooraliteacute et lrsquoaccueil de lrsquoEacutecriture

Paris Revue Christus ndeg225 2010

Collectif

La notion de personne en Afrique Noire Ed

LHarmattan 1973

Soins et cultures 2egravemes

Rencontres Transcul-

turelles de Tenon-Uraca Les Cahiers de

lrsquoURACA ndeg12 juin 2005 (teacuteleacutechargeable sur le

site wwwuracaorg)

Pratiques theacuterapeutiques et cultures regards

croiseacutes 3egravemes

Rencontres Transculturelles de

Tenon-Uraca 2010 videacuteos de la journeacutee en

ligne sur wwwuracaorg)

Retrouvez

toute lrsquoactualiteacute de Psyclihos

les enregistrements des con-

feacuterences ainsi que le journal

des 20 ans

sur notre site internet

wwwpsyclihosorg

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 60

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

Psychologue en reacuteanimation peacutediatrique teacutemoignage drsquoune

pratique en eacutevolution

Muriel Derome Hocircpital Raymond Poincareacute

L e propos de cette preacutesentation sera de

teacutemoigner de leacutevolution drsquoune pratique

de psychologue au sein dun pocircle de peacute-

diatrie bien speacutecifique celui de lrsquoHocircpital Ray-

mond Poincareacute de Garches Laccueil denfants

en deacutecompensation neuro respiratoire souf-

frant de polyhandicap de maladies chroniques

ou arrivant suite agrave un eacuteveacutenement traumatique

brutal (accident intoxication insuffisance respi-

ratoire) rend la preacutesence du psychologue neacute-

cessaire

Avec Jean en phase terminale nous reacutefleacutechi-

rons au rocircle du psychologue dans lrsquoaccom-

pagnement des enfants en fin de vie

Dautres cas cliniques preacutesenteacutes agrave loral illus-

treront ensuite les modaliteacutes de la prise en

charge post-traumatique denfants et de

leurs familles

Enfin nous terminerons par exposer la speacutecifi-

citeacute de notre travail aupregraves des soignants

ACCOMPAGNER DES ENFANTS GRAVEMENT MA-

LADES OU EN FIN DE VIE

Lors de notre premiegravere rencontre Jean nous

dit Je sais que je vais mourir mais les meacutede-

cins sont trop lacircches pour me le dire et mes

parents sont trop tristes pour mrsquoen parler

Nous lui reacutepondons Je ne te connais pas

mais en tout cas je trouve que cest super que

tu puisses en parler et que tu ne gardes pas

tout ccedila pour toi

Tregraves eacutetonneacute il reprend Alors lagrave crsquoest bizarre

drsquohabitude degraves que je dis que je vais mourir

tout le monde me dit rdquoMais arrecircte Nrsquoimporte

quoi Ne raconte pas des becirctisesrdquo Mais moi je

ne suis pas fou je sais ce que je dis et pour-

quoi je le dis et je veux pouvoir en parler

La question redoutable est tregraves vite apparue

Est-ce que crsquoest vrai que je vais mourir Il

faut alors pouvoir reacutepondre Je pense que si

tu dis ccedila crsquoest que tu as de bonnes raisons de

le penserhellip Tu es le seul agrave savoir exactement

ce que tu vis Raconte-moi qursquoest-ce qui te fait

dire ccedila

Jour apregraves jour gracircce agrave un travail psycholo-

gique Jean exprime de plus en plus sa souf-

france Se sentant eacutecouteacute il entre progressive-

ment dans une autre phase celle de lrsquoaccepta-

tion

Accompagner un enfant en fin de vie crsquoest

avant tout rester agrave son eacutecoute affronter les

questions qui mettent si mal agrave lrsquoaise (mecircme si

et surtout si on ne sait pas comment y reacute-

pondre ) Et crsquoest aussi accueillir ses interroga-

tions sur sa propre mort pour lutter contre la

solitude la peur lrsquoangoisse la colegravere

ACCOMPAGNER LES FAMILLES

Avec la megravere de Jean nous deacutecouvrons ce qui

se joue autour de la porte Degraves que nous nous

preacutesentons elle nous reacutepond Merci on nrsquoa

besoin de rien (Puis sortant de la

chambre) mais surtout vous ne lui dites pas

qursquoil va mourir vous ne lui parlerez de rien -

Oh moi non mais lui il en parle beaucoup

Tregraves surprise la megravere accepte alors de venir

en parler dans notre bureauhellip Lrsquoaccompagne-

ment commence

En phase terminale Jean perd toute autonomie

motrice et tous ses sens agrave lrsquoexception de la

vue Il ne peut plus parler Sa megravere terroriseacutee

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 61

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

par la situation demande aux eacutequipes de lui

donner quelque chose pour dormir deacutefiniti-

vement Nous lui montrons alors qursquoune com-

munication subsiste gracircce agrave lrsquoinstauration drsquoun

code (lettres sur un tableau) avec des signes

de tecircte et des clignements drsquoœil Elle srsquoaperccediloit

alors que Jean cherche avant tout agrave savourer

les petits bonheurs de chaque jour Elle reste

ainsi jusquau bout en lien avec son fils

Accompagner les parents cest accueillir

leur eacutepuisement leurs doutes leur ambiva-

lence parfois mecircme leur demande deuthana-

sie et leur redonner une image positive deux-

mecircmes pour leur permettre drsquoinvestir lrsquoinstant

preacutesent et ainsi favoriser un accompagnement

de qualiteacute

ACCOMPAGNER AUSSI LES AUTRES ENFANTS HOS-

PITALISEacuteS ET LEURS FAMILLES

Il nous semble important de susciter des

occasions drsquoaborder le sujet de la mort en lais-

sant les familles libres de saisir ou non ces op-

portuniteacutes

ACCOMPAGNER LES SOIGNANTS

DANS LIMMEacuteDIATETEacute DE LA REacuteALITEacute CLINIQUE

En deacutecalage les eacutequipes srsquointerrogent

Doit-on vraiment lui infliger ccedila jusqursquoau bout

Sa megravere a peut-ecirctre raison on devrait peut-

ecirctre lrsquoendormir pour qursquoil ne se sente pas humi-

lieacute drsquoecirctre si diminueacute Moi je ne supporterais

pashellip Les soignants sont alors tellement preacute-

occupeacutes par la deacutecision qursquoils pensent devoir

prendre qursquoils ne se rendent pas compte que

cette megravere est en train de vivre lrsquoun des plus

grands moments drsquoamour avec son fils Le psy-

chologue devient alors le lien entre les diffeacute-

rents protagonistes en rapportant certains des

propos de Jean Je suis bienhellip Comme ce

rayon de soleil est beau aujourdrsquohuihellip La

communication se remet agrave fonctionner Leurs

regards se posent alors diffeacuteremment sur lui

La peacuteriode de fin de vie drsquoun patient con-

fronte chaque soignant agrave ses limites Chacun

perd ses illusions de toute-puissance et se re-

trouve confronteacute agrave sa propre angoisse de mort

Certains deacutestabiliseacutes ne peuvent pas suppor-

ter lideacutee decirctre confronteacute agrave la proximiteacute de la

mort Pour surmonter sans trop de seacutequelles

la confrontation reacutepeacuteteacutee agrave la maladie grave et agrave

la mort il est neacutecessaire que chacun puisse

ecirctre attentif agrave soi-mecircme agrave ses propres be-

soins pour ecirctre dans un juste rapport agrave lrsquoautre

Il sagit decirctre toucheacute sans ecirctre impliqueacute affecti-

vement cest agrave dire sans tomber dans leacutemotivi-

teacute

Apregraves chaque deacutecegraves le psychologue est

lagrave pour inviter ceux qui le deacutesirent agrave mettre en

mots ce qui a eacuteteacute veacutecu La parole partageacutee per-

met de ne pas fixer des souvenirs culpabili-

sants ou anxiogegravenes

AU LONG COURS LE TRAVAIL INSTITUTIONNEL

Le soutien des eacutequipes pluridisciplinaires

est une part tregraves importante du travail du psy-

chologue en milieu hospitalier Lrsquoeacutecoute et les

eacutechanges contribuent agrave ce que tregraves lentement

les habitudes et les mentaliteacutes eacutevoluent Ces

rencontres pourront selon les situations avoir

lieu de faccedilon formelle ou informelle (le plus

souvent dans les couloirs)

Le soutien au long cours des eacutequipes fait par-

tie inteacutegrante du travail institutionnel Diffeacuterents

outils permettent de lrsquoaccompagner au mieux

LA REacuteUNION DE SYNTHEgraveSE

Dans notre service la reacuteunion de syn-

thegravese hebdomadaire permet de se poser pour

reacutefleacutechir en eacutequipe pluridisciplinaire agrave ce que

nous vivons Il est primordial drsquoaider chaque

intervenant agrave mettre des mots sur les situations

rencontreacutees surtout quand les points de vue

sont divergents Mais il srsquoagit drsquoun travail de

longue haleine car si nous nrsquoy sommes pas

vigilants les discussions restent tregraves meacutedicales

et eacutevitent drsquoaborder lrsquoenfant et sa famille dans

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 62

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

leur globaliteacute Le psychologue par sa faccedilon de

relever les paradoxes de poser les questions

eacutethiques ou simplement de faire entendre une

autre approche que celle purement somatique

aide les eacutequipes agrave reacutefleacutechir agrave leur maniegravere

drsquoaborder les familles

LA SYNTHEgraveSE DES SYNTHEgraveSES

Une fois par an nous prenons le temps

de relire les moments forts de lrsquoanneacutee en met-

tant des mots sur ce qui a reacuteussi ou eacutechoueacute ce

qui nous a manqueacute ce qui nous a marqueacute

choqueacute ou qui est resteacute incompris Mettre des

mots agrave distance sur des malentendus (en lien

avec une famille ou un fonctionnement interne)

permet davancer en eacutequipe Nous veillons

aussi agrave reprendre point par point les eacuteleacutements

positifs rappeler les enfants sauveacutes les fa-

milles qui remercient et valoriser les eacutequipes

est essentiel pour maintenir la motivation et

lrsquoinvestissement de chacun

ET LE PSYCHOLOGUE DANS TOUT CcedilA

Face agrave ces enfants gravement malades ou en

fin de vie nous devons apprendre agrave nous

adapter Il nous faut par exemple pour pouvoir

accueillir un enfant sans aucune autonomie

respiratoire dans notre bureau apprendre au

minimum les gestes de reacuteanimation agrave effectuer

en attendant qursquoun soignant prenne la relegraveve

Alors que nous avons appris agrave ne pas toucher

il nous faut comprendre ce que le patient nous

dit non plus agrave travers des mots mais agrave travers

des maux agrave travers son corps une poigneacutee

de main un regard une mimiquehellip nous de-

vons sentir lrsquoexpression non verbale de lrsquoan-

goisse Deacuteceler si le patient a besoin de silence

ou au contraire srsquoil attend nos questions En-

fin il faut quelquefois avec une extrecircme deacuteli-

catesse et une grande attention chercher agrave re-

formuler ce que le patient nous dit avec des

lettres montreacutees sur un tableau un hochement

de tecircte ou simplement un regard

Ecirctre psychologue va souvent de pair avec une

invitation permanente agrave se remettre en ques-

tion Il srsquoagit drsquoaccepter de douter plutocirct que de

chercher des certitudes Pour srsquoadapter agrave la

speacutecificiteacute de chaque situation il nous faudra

surtout ecirctre creacuteatif et oser inventer Dans le

cas contraire notre travail restera sans doute

superficiel car il apparaicirctra comme en deacuteca-

lage par rapport aux situations veacutecues par les

patients et les eacutequipes qui les prennent en

charge

Au niveau institutionnel le travail du psycho-

logue ne porte de fruits qursquoagrave tregraves long terme

Alors ne nous deacutecourageons pas (Le deacutecou-

ragement nrsquoest-il pas notre pire ennemi ) Veil-

lons agrave prendre soin de nous soyons attentifs agrave

nos propres besoins Ne nous barricadons pas

devant la deacutetresse mais au contraire appre-

nons agrave ralentir et agrave ressentir ce qui est toucheacute

en nous Comme leacutequilibriste sur la corde

nous devons essayer davancer en souplesse

pour ne tomber ni dans lindiffeacuterence ni dans la

fusion avec les situations dramatiques rencon-

treacutees

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 63

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

Seacutejour de vacances quelle place pour le psychologue

Ceacuteline Le Bivic Geacuteriatrie Hocircpital Eacutemile Roux

M esure 1 du plan Alzheimer 2008-

2012 deacuteveloppement et diversifica-

tion des structures de reacutepits

Parce qursquoils sont contraints de veiller constam-

ment sur les malades les aidants sont soumis

agrave une pression permanente Il existe des struc-

tures qui leur permettent de souffler en offrant

par ailleurs une prestation theacuterapeutique aux

malades pendant une ou plusieurs demi-

journeacutees

Afin drsquoeacutelargir les missions des accueils de jour

qui ne srsquoadressent qursquoaux personnes malades

ont eacuteteacute deacuteveloppeacutees les plates-formes drsquoac-

compagnement et de reacutepit Il srsquoagit drsquooffrir aux

aidants et aux couples des activiteacutes de soutien

de reacutepit agrave domicile ou en couple et de deacutevelop-

pement de la vie sociale

Il existe des actions de reacutepit agrave domicile de

garde agrave domicile de nuit drsquoactiviteacutes sociales

culturelles pour le couple maladeaidant et de

seacutejours vacances

Jacqueline agrave la fin drsquoun seacutejour vacances mrsquoa

confieacute deux feuilles de cahier manuscrites Jrsquoai

eacutecrit ccedila Vous le lirez si vous voulez

Je me legraveve agrave 7h Prise des meacutedicaments de

Guy Je deacutejeune moment tranquille je fais ma

toilette Je vais ouvrir les volets chez maman Il

est 8h30 Je preacutepare les meacutedicaments et le pe-

tit deacutejeuner de Guy Quelques fois je le fais

manger si je peux Je fais les lits je com-

mence agrave preacuteparer le deacutejeuner Passage du

SSIAD Pendant ce temps je preacutepare une les-

sive pratiquement une tous les jours Apregraves le

passage du SSIAD souvent il a besoin drsquoaller

aux toilettes le deacuteculotter nettoyer les WC le

reculotter ranger la salle de bain et finir ce qui

a eacuteteacute commenceacute (je ne peux rien faire en sui-

vant) Souvent fais de lrsquoadministratif preacuteparer

le courrier aller agrave la poste et au pain Il vient

avec moi il faut lrsquoaider agrave monter dans la voiture

et souvent lrsquoaider agrave descendre Il est 11h il faut

eacutetendre le linge lrsquoaider agrave faire sa gym preacuteparer

et porter le plateau agrave maman Midi Lrsquoheure de

preacuteparer et donner les meacutedicaments Mettre le

couvert couper les aliments lrsquoaider Pour lui il

faut bien 90 min de pose pour deacutejeuner

Apregraves desservir le preacuteparer pour la sieste le

deacuteculotter et reculotter lrsquoaider agrave se coucher

finir de ranger la cuisine lever et plier le linge

Il est environ 14h Petite pause 15h-15h30 la

sieste est finie Sortie dans le jardin toujours

accompagneacute Lrsquoaider agrave srsquohabiller agrave se deacutesha-

biller 16h prise des meacutedicaments et goucircter

Quelquefois passages agrave la sortie de lrsquoeacutecole

des petits enfants et leur papa Aux beaux

jours travail agrave lrsquoexteacuterieur (plus de 2000m2) La

tonte du gazon est faite par mon garccedilon et jrsquoai

agrave peu pregraves 40h par an par la caisse de retraite

compleacutementaire Jrsquoai une aide-meacutenagegravere 3 h

le mardi matin et 1 h le mercredi matin Jrsquoen

profite pour aller faire les courses ou aller chez

le docteur le dentiste ou le coiffeur ou autre

chose Et 3h le jeudi apregraves-midi Lagrave crsquoest mon

repos hebdomadaire et pas toujours Je vais agrave

lrsquoaquagym avec 2 amies mais juste en peacuteriode

scolaire On est loin des 2 jours de congeacutes par

semaine mais jrsquoen demande pas tant Vers 17h

-17h30 petite promenade dans le jardin apregraves

preacuteparation du dicircner 19h prise des meacutedica-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 64

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

ments Le dicircner pour lui il faut compter 90 min

Ensuite desservir Vers 20h30 je vais deacuteshabil-

ler maman Pour lrsquoinstant elle se couche sans

aide mais au deacutebut du printemps jrsquoallais la cou-

cher vers 22h Entre-temps je deacuteshabille Guy

passage aux toilettes prise des meacutedicaments

et apregraves le coucher

Il est 22h Je respire un peu Je fais un brin de

toilette Je prends mon somnifegravere et je me

couche Je mrsquoendors ou je ne mrsquoendors pas Lagrave

on peut pleurer Personne ne le voit Dans la

nuit je me legraveve une ou deux fois quand il a be-

soin de faire son pipi

Et cela 365 jours par an Et je ne me plains

pas Il y a pire Il y a aussi mieux

Jacqueline est comme 35 millions de fran-

ccedilais Elle fait partie des personnes que lrsquoon

nomme aidant familial drsquoun proche Il srsquoagit de

son mari Cela fait 12 ans qursquoil est malade Le

quotidien de Jacqueline est rythmeacute autour de

son eacutepoux et de sa pathologie eacutevolutive

En geacuterontologie le mot aidant est utiliseacute voire

parfois revendiqueacute Un aidant mais qursquoest-ce

que crsquoest Selon lrsquoassurance maladie crsquoest

celui qui apporte seul ou en compleacutement de

lrsquointervention des professionnels lrsquoaide humaine

rendue neacutecessaire par la perte drsquoautonomie de

la personne acircgeacutee ou destineacutee agrave preacutevenir une

perte drsquoautonomie et qui nrsquoest pas salarieacute pour

cette aide

Depuis une quinzaine drsquoanneacutees le veacutecu des

aidants familiaux fait lrsquoobjet de recherches On

sait aujourdrsquohui que 800 000 personnes sont

recenseacutees comme eacutetant en eacutetat de deacutepen-

dance en France crsquoest-agrave-dire qursquoelles ne peu-

vent pas effectuer de maniegravere autonome les

actes de la vie courante Et que cela est forte-

ment correacuteleacute agrave lrsquoavanceacutee en acircge la personne

aideacutee a 76 ans en moyenne

Si le lien familial preacutedomine lrsquoaidant peut aussi

ecirctre un ami ou un voisin Il srsquoagit le plus sou-

vent drsquoune femme acircgeacutee de plus de 50 ans

Bien que deux tiers des aidants srsquooccupent

quotidiennement de la personne aideacutee 60

drsquoentre eux continuent agrave avoir une activiteacute sala-

rieacutee

Lrsquoaide agrave un proche dure en moyenne 7 ans

Dans la relation drsquoaide plusieurs probleacutema-

tiques sont en jeu le deuil du parent conjoint

tel qursquoil eacutetait auparavant le renversement des

rocircles de lrsquoordre des geacuteneacuterations la crainte face

agrave son propre vieillissement les difficulteacutes de

communication avec le proche malade la

crainte de la perte du lien

La relation drsquoaide a ses apports la majoriteacute

des aidants disent se sentir utile et trouver du

plaisir dans cette relation Mais elle a aussi ses

limites et ses risques On sait aujourdrsquohui que

la mortaliteacute des aidants augmenterait de 63

que le risque de deacutepression est multiplieacute par 3

Dans cette aide au quotidien le rythme la reacute-

peacutetition lrsquoeacutevolution de la maladie peuvent ame-

ner agrave des sentiments drsquoisolement de surme-

nage et drsquoeacutepuisement

Si plus de 60 des personnes atteintes de la

maladie drsquoAlzheimer ou apparenteacutees vivent agrave

leur domicile crsquoest gracircce agrave un aidant familial

qui toute la journeacutee est dans le faire Lrsquoaidant

familial contrairement agrave lrsquoaidant professionnel

nrsquoest pas formeacute agrave cet accompagnement il base

sa relation agrave partir drsquoun lien affectif avec la per-

sonne qursquoil aide Il peut ecirctre reacutemuneacutereacute sil a

lrsquoacircge de travailler et qursquoil nrsquoest pas son conjoint

Il nrsquoa pas drsquoheures fixes

On peut donc comprendre le besoin parfois de

se poser un peu

Plutocirct que le mot vacances est apparu reacute-

cemment le mot reacutepit

Des seacutejours de reacutepit pour les aidants

Une expression forte qui vient nommer la souf-

france du proche dans la relation drsquoaide

Agrave croire que la personne dite aideacutee nrsquoa elle

pas besoin de temps de pause et que son quo-

tidien lui suffit parfaitement La femme de

Pierre me dira mon meacutedecin et son neuro-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 65

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

logue mrsquoavaient deacuteconseilleacute de lrsquoemmener ici

En France les vacances sont un droit pour les

salarieacuteshellip

Mais au fait agrave quoi ccedila sert des vacances Eh

bien avant tout agrave couper avec le quotidien An-

dreacute Comte-Sponville eacutevoque les vacances

comme un moment de liberteacute

Srsquoaccorder une pause crsquoest ainsi que nous

avons nommeacute le seacutejour de vacances que je

vais vous preacutesenter

Le seacutejour est proposeacute par une caisse de re-

traite compleacutementaire qui contacte ses adheacute-

rents Le point commun est qursquoil existe entre un

adheacuterent et un de ses proches une relation

drsquoaide au quotidien Le projet a eacuteteacute construit et

penseacute avec une association qui intervient dans

lrsquoaccompagnement de lrsquoavanceacutee en Acircge

Le groupe est composeacute en moyenne de 7

couples la moyenne drsquoacircge des aidants est de

74 ans et celle des aideacutes de 80 ans

Les participants viennent de la France entiegravere

Ils ne se connaissent pas Nous ne les con-

naissons pas

La majoriteacute des aideacutes preacutesentent des pro-

blegravemes cognitifs ou des difficulteacutes motrices

Le lieu est une structure de vacances (type reacute-

sidence hocircteliegravere) adapteacutee aux personnes han-

dicapeacutees

Le seacutejour a eacuteteacute penseacute avec la preacutesence de

deux personnes dite en fil rouge de la se-

maine la coordonnatrice de lrsquoassociation creacutea-

trice du projet et la psychologue Partager le

quotidien du petit deacutejeuner au dicircner de lrsquoac-

cueil jusqursquoau deacutepart

Drsquoautres intervenants (intervenant en Taiuml-Chi

Chuan une socio-estheacuteticienne intervenant en

chant et expression corporelle activiteacute autour

de la terre) rejoignent le groupe en deacutecaleacute afin

de conserver une alternance des pratiques

mais aussi une preacutesence renforceacutee en milieu

de semaine moment ougrave nous pouvons com-

mencer agrave seacuteparer les duos

Lrsquoaspect meacutedicaliseacute parfois neacutecessaire est re-

layeacute par des infirmiegraveres libeacuterales qui intervien-

nent sur le lieu de vacances

Le planning de la semaine est proposeacute avec

des activiteacutes ensemble seacutepareacutees en groupe

individuelles toujours dans la proposition et

non dans la contrainte Le rythme des journeacutees

srsquoadapte tous les jours

Les objectifs de la semaine

Permettre agrave chacun aidant comme aideacute de

srsquoaccorder veacuteritablement une pause en profi-

tant pleinement du site et drsquoun accompagne-

ment qui facilite leur quotidien pendant la se-

maine (absence de tacircches meacutenagegraveres repas

servis au restaurant possibiliteacute drsquoaccompagne-

ment de la personne aideacutee pour quelques

heures proposition drsquoanimations proposition

de temps dlsquoeacutechanges et de paroles)

Favoriser lrsquoacquisition et le partage drsquooutils mecirc-

lant expeacuteriences et connaissances que les per-

sonnes pourront reacuteutiliser une fois de retour au

domicile

Nous ne nommons pas les personnes par leur

fonction aidant ou aideacute mais par leur preacutenom

Chaque duo est composeacute drsquoune personne

ayant un badge vert et lrsquoautre saumon Ainsi

certaines activiteacutes sont proposeacutees agrave tous et

drsquoautres agrave chaque groupe de couleur diffeacuterente

Lrsquoanalyse des questionnaires de satisfaction ou

du bilan oral nous confortent encore dans lrsquoideacutee

que ces objectifs reacutepondent bien agrave ceux des

personnes et sont atteignables dans le cadre

de ces seacutejours

Crsquoest lrsquooccasion de partager une semaine de

vacances tout agrave fait diffeacuterente du quotidien et

des repegraveres de chacun Le groupe se creacutee degraves

les premiegraveres heures de rencontre agrave lrsquoarriveacutee

Tout au long de la semaine chacun eacutevolue

dans sa propre probleacutematique

Les aidants deacutecouvrant drsquoautres pairs eacutechan-

geant avec drsquoautres prenant distance vis agrave vis

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 66

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

de leur veacutecu et deacutecouvrant le comportement de

leur proche avec drsquoautres personnes profes-

sionnels ou non

Les aideacutes qui se sont saisis des possibiliteacutes

offertes de faire autrement deacutecouvrir drsquoautres

vivre des moments de plaisir malgreacute le handi-

cap ou la maladie Eacutechanger avec drsquoautres qui

vivent des situations similaires

Lrsquoeacutevolution du groupe dans lequel une con-

fiance mutuelle srsquoinstalle et permet des interac-

tions et des eacutechanges tregraves riches humaine-

ment Chacun a pu recevoir et apporter agrave

lrsquoautre qursquoil soit aideacute ou aidant

Durant tout le seacutejour tout le monde peut se po-

ser deacutecouvrir lrsquoautre se deacutecouvrir dans des

moments partageacutes individuels ou collectifs

Proposer plein drsquounivers diffeacuterents des compeacute-

tences diffeacuterentes (prof de tai-chi le corps

penseacute le chant le savoir de lrsquoeacutemotion la socio-

estheacuteticienne le mieux avec soi-mecircme)hellip

Et le psychologue dans tout ccedila

Dans ce type de vacances jrsquointerviens en bi-

nocircme avec la responsable du seacutejour du deacutebut

du seacutejour jusqursquoau deacutepart des participants

Je me preacutesente en tant que psychologue Pour

la plupart crsquoest la premiegravere fois qursquoils rencon-

trent quelqursquoun de cette profession Vous allez

mrsquoanalyser me demande Jacques au deacutebut

du seacutejour Finalement vous ecirctes sympas les

psys Vous croyez qursquoil en y en pregraves de chez

moi me demandera-t-il en fin de seacutejour

Je suis tout le temps avec eux du soir au ma-

tin Pas tregraves acadeacutemique comme cadre de tra-

vail et pourtant comme souvent la clinique

vient nous proposer de penser autrement

Le rocircle essentiel du psychologue est que du

deacutebut agrave la fin du seacutejour il propose ce que je

nomme des bras psychiques Les 4 bras les

bras du cadre formel et les bras psychiques Fil

rouge tout le long du seacutejour Crsquoest par ce cadre

-lagrave que chacun va pouvoir se deacutetendre libeacuterer

la parole Lacirccher le faire du quotidien pour

tendre vers le vivre le ressentir et le partager

durant le seacutejour

Pour le psychologue partager le quotidien (du

petit deacutejeuner au dicircner) crsquoest ne pas ecirctre tout

le temps dans la distance mais ecirctre dans la

juste distance Alterner des moments formels

proposition de groupes de parole durant le seacute-

jour pour les personnes en situations drsquoaider et

celles qui reccediloivent de lrsquoaide) et de temps infor-

mels Crsquoest ecirctre disponible Crsquoest garantir lrsquoexis-

tence du maintien de la vie psychique et recon-

naicirctre la personne en tant que sujet pensant

ressentant deacutesirant

Tisser des liens Lacirccher le bras de son malade

changer de bras Faire confiance agrave lrsquoautre et

deacutecouvrir ainsi que lrsquoon peut soutenir lrsquoautre

dans ce qursquoil est capable de donner Faire con-

fiance est possible si le cadre est suffisamment

contenant pour se lrsquoautoriser

Deacutecloisonner les rocircles et les fonctions de cha-

cun Les cloisons tombent Le fil qui nous tient

et nous unit dans le lien agrave lrsquoautre reste Prendre

soin de soi

Exemple du massage des mains avec la socio-

estheacuteticienne En groupe de parole eacutemerge

alors que les mains ne servent pas qursquoagrave se te-

nir ou tenir lrsquoautre les mains se croisent dans

le relationnel et la communication Ne plus ecirctre

dans le soigner la maladie mais dans le pren-

dre soin de ce qui nous lie agrave lrsquoautre

Accompagner lrsquoaidant agrave cheminer vers le si

moi je vais mieux alors lui ira peut ecirctre mieux

au lieu de si il va bien je vais bien

Durant le seacutejour je prends des notes tous les

soirs sur chaque participant Notes drsquoimpres-

sion de ressenti et de questions qui me per-

mettent de comprendre lrsquoeacutevolution psycho-

dynamique de chacun et de chaque duo

Deux fois en moyenne durant le seacutejour jrsquoap-

pelle une collegravegue afin de pouvoir parler pen-

ser et eacutelaborer le veacutecu partageacute

Je propose un moment de reacuteflexion sur la rela-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 67

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

tion drsquoaide avec les aidants Je propose un

temps de parole et drsquoeacutechange sur le veacutecu de

lrsquoaideacute

Lors du bilan le rocircle de la psychologue est tou-

jours valoriseacute Non confondu avec les temps

drsquoanimation crsquoest un espace drsquoeacutechange de soi

et de lrsquointime qui est possible parce qursquoun lien

de confiance dans le quotidien srsquoest creacuteeacute Nous

partageons nos savoirs ceux de ma connais-

sance avec ceux de leur expeacuterience Jrsquoai deacute-

couvert ce que crsquoest une psy Ce nest pas si

grave ccedila srsquoavegravere mecircme plutocirct utile

Ces seacutejours sont lrsquooccasion aussi pour les pro-

fessionnels intervenants drsquoenrichir leurs con-

naissances et leurs pratiques vis-agrave-vis de ce

qursquoest la relation aidant-aideacute en partageant leur

quotidien pendant quelques jours

Comprendre le lien aidantaideacute dans ce qui se

joue au quotidien au plus intime au plus pro-

fond

Le seacutejour ne dure qursquoune semaine Cette se-

maine est en dehors du quotidien de chacun

Elle montre que de vivre eacutechanger rire parta-

ger du plaisir avec drsquoautres est possible et es-

sentiel Elle permet ainsi aux couples ou duos

de se ressourcer et de repeacuterer les plaisirs qui

fondent et nourrissent leur relation partageacutee

Merci de votre attention

Retrouvez

toute lrsquoactualiteacute de Psyclihos

les enregistrements des con-

feacuterences ainsi que le journal

des 20 ans

sur notre site internet

wwwpsyclihosorg

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 68

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

Modeacuterateur Martine Shindo Hocircpital Saint Louis

gt Laccompagnement psychologique par teacuteleacute-

phone dans les maladies de Creutzfeldt-Jakob

Marie-Lise Babonneau Hocircpital Pitieacute Salpecirctriegravere Page 69

gt Parents face agrave linterruption meacutedicale de

grossesse des mots en images

Natascia Serbandini Hocircpital Jean Verdier Page 78

gt Psychologue clinicien aupregraves du personnel

missions enjeux limites

Isabelle Fretigny Hocircpital Saint Louis Elodie Travers Hocircpital Henri Mondor

Page 82

Cliniques particuliegraveres

Pratiques innovantes

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 69

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

Laccompagnement psychologique par teacuteleacutephone dans les

maladies de Creutzfeldt-Jakob

Marie-Lise Babonneau Hocircpital Pitieacute Salpecirctriegravere

L a Cellule Nationale de Reacutefeacuterence des

Maladies de Creutzfeldt-Jakob (MCJ) a

eacuteteacute creacuteeacutee en 2001 par le Ministegravere des

Solidariteacutes de la Santeacute et de la Famille A la

disposition du grand public et des profession-

nels de terrain elle a pour mission lrsquoaide au

diagnostic et agrave la prise en charge meacutedicale so-

ciale et psychologique des patients et de leur

famille

La Cellule est nicheacutee au cœur de lrsquohocircpital de la

Pitieacute-Salpecirctriegravere dans lrsquoune des trois loges au-

trefois destineacutees aux alieacuteneacutes Elle a la particu-

lariteacute de ne pas accueillir physiquement le pu-

blic auquel elle srsquoadresse lrsquoaide qursquoelle pro-

pose srsquoeffectue essentiellement par teacuteleacutephone

En juin 2003 jrsquointegravegre pour un tiers-temps de

psychologue lrsquoeacutequipe deacutejagrave composeacutee drsquoun meacute-

decin coordinateur drsquoun meacutedecin attacheacute

drsquoune assistante sociale drsquoune assistante de

recherche clinique et drsquoune secreacutetaire

A cette eacutepoque je treacutebuche agrave lrsquoenvi sur lrsquoimpro-

nonccedilable Creutzfeldt-Jakob et examine drsquoun

œil dubitatif ma fiche de poste comment assu-

rer un soutien psychologique exclusivement

teacuteleacutephonique Eacutetait-ce reacutealisable efficace ad-

missible

PREacuteAMBULE

Les Maladies de Creutzfeldt-Jakob sont con-

nues de longue date les premiers cas ont eacuteteacute

deacutecrits par Creutzfeldt et Jakob dans les an-

neacutees 1920 Ce sont des maladies neurodeacutegeacute-

neacuteratives rares (qui se traduisent par une deacute-

mence et une grabatisation) 15 cas par mil-

lion drsquohabitants et par an dans tous les pays ougrave

existe une surveillance eacutepideacutemiologique En

France elles concernent une centaine de cas

par an

Principalement connues du grand public sous

le nom de maladie de la vache folle il existe

pourtant trois formes diffeacuterentes de MCJ avec

pour chacune drsquoelles ses speacutecificiteacutes On les

classe en fonction de leur mode de transmis-

sion la forme sporadique (aleacuteatoire) les

formes heacutereacuteditaires (MCJ geacuteneacutetiques syn-

drome de Gertsmann-Straussler-Scheinker

Insomnie Fatale Familiale) et les formes ac-

quises (formes iatrogegravenes des hormones de

croissance variante de la MCJ)

Le poste de psychologue avait eacuteteacute creacuteeacute pour se

consacrer principalement au travail drsquoeacutecoute

des personnes agrave risque de deacutevelopper une

MCJ suite agrave un traitement par hormones de

croissance contamineacutees Puis il srsquoest eacutetendu agrave

lrsquoeacutecoute de toute personne concerneacutee directe-

ment ou non par une MCJ quelle qursquoen soit la

forme

DE LrsquoENTRETIEN PONCTUEL AU SUIVI

La nature teacuteleacutephonique des entretiens psycho-

logiques est le fait drsquoune indeacutepassable reacutealiteacute

la dimension nationale du champ drsquointervention

de la Cellule exclut lrsquoeacuteventualiteacute drsquoentretiens en

face agrave face Mais si en 2011 les suivis psycho-

logiques par teacuteleacutephone se deacuteveloppent agrave

grands pas en 2003 rien nrsquoeacutetait moins eacutevident

que cette forme drsquoaccompagnement lagrave

Agrave cette eacutepoque drsquoailleurs la prise en charge

psychologique au sein de la Cellule se limitait agrave

la proposition drsquoun entretien teacuteleacutephonique pour

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 70

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

faire le point agrave des personnes qui avaient ap-

peleacute pour une toute autre demande principale-

ment drsquoordre meacutedical ou social Agrave lrsquooccasion de

ces demandes certains appelants manifes-

taient des signes de souffrance lieacutee agrave leur si-

tuation peur de la maladie du risque de la deacute-

velopper anxieacuteteacute suite agrave lrsquoannonce de la mala-

die drsquoun proche imminence de son deacutecegraves etc

Les membres de lrsquoeacutequipe les informaient alors

de la possibiliteacute drsquoecirctre contacteacute par la psycho-

logue de la Cellule pour parler des difficulteacutes

qursquoils traversaient en ces moments critiques

Ces entretiens teacuteleacutephoniques ponctuels (de 45

minutes) eacutetaient destineacutes agrave contenir les an-

goisses et la deacutetresse des appelants Puis au

besoin jrsquoorganisais un suivi psychologique de

proximiteacute (psychologues ou psychiatres libeacute-

raux Centres Meacutedico-Psychologiques

(CMP)

Ainsi la proceacutedure entretien ponctuel - reacuteorien-

tation nous semblait reacutepondre au besoin ponc-

tuel drsquoeacutetayage des appelants et correspondre

aux exigences de fonctionnement en plate-

forme nationale de la Cellule Circonscrite pla-

nifieacutee et probablement eacuteconomique sur le plan

psychique cette proceacutedure nous rassurait-elle

aussi Quand bien mecircme elle a plieacute sous le

poids de la reacutealiteacute et a consideacuterablement eacutevo-

lueacute depuis 2003

En effet alors que le nombre annuel de ma-

lades concerneacutes par les MCJ demeure stable

le volume annuel drsquoentretiens psychologiques

lui est passeacute de 40 agrave 260 en huit ans Ainsi

110 personnes ont eacuteteacute suivies ou ont beacuteneacuteficieacute

de seacutequences de soutien de plus de 3 entre-

tiens teacuteleacutephoniques Cela repreacutesente 84 des

personnes ayant eu un premier contact avec le

psychologue Et tandis que la proceacutedure preacute-

voyait un ou deux entretiens la dureacutee des sui-

vis est en moyenne de neuf mois (de trois se-

maines agrave trois ans) drsquoune rythmiciteacute allant drsquoun

entretien hebdomadaire agrave un entretien men-

suel en fonction des besoins Comment expli-

quer cette eacutevolution

Faut-il incriminer les traditionnels obstacles re-

latifs agrave la prise en charge psychologique de

proximiteacute rareteacute des psychologues dans cer-

taines reacutegions surcoucirct financier drsquoune theacuterapie

CMP engorgeacuteshellip Peut-ecirctre mais ils ne suf-

fisent pas agrave expliquer lrsquoaugmentation remar-

quable du nombre drsquoentretiens psychologiques

ni lrsquoallongement de la dureacutee des suivis

Aujourdrsquohui nous pouvons avancer drsquoautres

arguments pour expliquer cette eacutevolution ce

sont les particulariteacutes de la maladie tout autant

que celles lieacutees agrave la teacuteleacutephonie qui ont engen-

dreacute ce dispositif innovant de prise en charge

psychologique

LE CADRE

Un constat les orientations pourtant

travailleacutees (contact teacuteleacutephonique avec le psy-

chologue de proximiteacute informations deacutetailleacutees

sur les speacutecificiteacutes de la maladie et leur impact

sur lrsquoentourage) nrsquoont qursquoexceptionnellement

abouti les patients demandaient agrave reprendre

contact avec la psychologue de la Cellule Par-

tant de ce constat le dispositif drsquoaide psycholo-

gique proposeacute par le psychologue aux per-

sonnes qui appelaient a rapidement eacutevolueacute

Les quelques hypothegraveses concernant la difficul-

teacute du recours agrave la proximiteacute seront abordeacutees

tout au long de cet article

Agrave lrsquoheure actuelle quelle que soit la forme de

MCJ lrsquoappelant contacte la Cellule pour une

demande drsquoaide principalement drsquoordre meacutedi-

cal Les deux meacutedecins nrsquoeacutetant pas preacutesents agrave

la Cellule en permanence crsquoest la secreacutetaire

qui recueille les attentes Elle preacutesente le fonc-

tionnement global de la Cellule et eacutevoque sys-

teacutematiquement la possibiliteacute drsquoecirctre contacteacute par

la psychologue Lorsqursquoelle ressent particuliegrave-

rement intenseacutement la deacutetresse de lrsquoappelant

elle insiste sur lrsquoimportance drsquoun entretien avec

la psychologue qui connaicirct tregraves bien la mala-

die un argument de poids pour les personnes

deacutesempareacutees qui heacutesitent pourtant agrave demander

de lrsquoaide

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 71

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

Rares sont ceux qui demandent spontaneacutement

un entretien psychologique Mais rares sont

ceux qui le refusent lorsqursquoil leur est proposeacute

Cette invitation agrave ecirctre entendu loin de court-

circuiter la deacutelicate question de la demande

theacuterapeutique nous semble plutocirct lui permettre

drsquoadvenir Agrave ce titre nul doute que le deacutevelop-

pement du nombre de suivis psychologiques

reacutealiseacutes agrave la Cellule est en rapport direct avec

les qualiteacutes drsquoaccueil et lrsquoacuiteacute intuitive de sa

secreacutetaire

Ainsi cette derniegravere prend note des disponibili-

teacutes horaires de lrsquoappelant et apregraves avoir re-

cueilli lrsquoaccord preacutealable de ce dernier me les

transmet au plus vite Mon premier appel au

cours duquel nous eacutevoquons la situation de

crise a souvent lieu dans les 48 heures Cette

reacuteactiviteacute de prise de contact est un eacuteleacutement

deacuteterminant dans lrsquoeacutetablissement drsquoun lien de

confiance la premiegravere pierre drsquoun espace con-

tenant

Nous ne reacutealisons pas ou peu drsquoentretiens en

urgence la Cellule ne srsquoapparente pas agrave une

permanence drsquoeacutecoute 24h24 Drsquoailleurs la

simple date de rendez-vous sur mon agenda a

suffit agrave me calmer (hellip) Jrsquoeacutetais compleacutetement

bloqueacutee paniqueacutee et je me suis remise agrave pen-

ser et agrave geacuterer le quotidien que je ne geacuterais

plus

Ce premier entretien a une tonaliteacute toute parti-

culiegravere Agrave lrsquoinverse peut-ecirctre drsquoun premier ren-

dez-vous en face agrave face lrsquoentretien teacuteleacutepho-

nique semble provoquer un relacircchement des

meacutecanismes de deacutefenses et lrsquoeacutemergence des

processus primaires affolement pleurs pen-

seacutees parfois deacutesorganiseacutees coq agrave lrsquoacircne Lrsquoap-

pelant se deacuteverse deacuteballe tout en vrac Un

relacircchement induit drsquoabord par lrsquoabsence

drsquoinformations visuelles cette sorte de veacutecu

drsquoanonymat qui autorise la leveacutee de la cen-

sure Vous ne me voyez pas alors je peux

tout dire sans conseacutequences Pourtant nom

preacutenom situation familiale et localisation geacuteo-

graphique pourraient objectivement freiner le

veacutecu drsquoanonymat Il nrsquoen est rien Ce premier

entretien ndash et les quelques suivants - souli-

gnent ainsi la primauteacute du voir sur le savoir de

lrsquoautre

Un relacircchement doublement favoriseacute par le fait

que lrsquoappelant demeure dans un espace qui lui

est propre familier choisi Je suis dans ma

chambre jrsquoai fermeacute la porte Je me suis ins-

talleacutee dans ma voiture pour notre rendez-vous

ici je suis tranquille et en seacutecuriteacute

Notons que le psychologue nrsquoeacutechappe pas agrave

cet effet de relacircchement calfeutreacute qursquoil est

dans son espace soustrait au poids du regard

de lrsquoautre Un relacircchement du corps qui favo-

rise le flottement neacutecessaire agrave son travail

drsquoeacutecoute des processus inconscients agrave lrsquoœuvre

chez lrsquoappelant

Dans la tregraves grande majoriteacute des cas le pre-

mier appel donne lieu agrave un second rendez-vous

teacuteleacutephonique dont nous convenons ensemble

des termes (date et heure) Le choix de la du-

reacutee des entretiens (toujours de 45 minutes) deacute-

coule certainement de notre pratique de lrsquoentre-

tien en face-agrave-face mais il srsquoest aveacutereacute tout agrave fait

pertinent dans la pratique de lrsquoentretien teacuteleacute-

phonique puisque trois quarts drsquoheure laissent

le temps agrave la personne drsquoeacutelaborer ses ressen-

tis Cette dureacutee nrsquoest pas drsquoembleacutee annonceacutee

mais plutocirct suggeacutereacutee Nous allons en rester lagrave

pour aujourdrsquohui parce qursquoil est lrsquoheurehellip nous

nous retrouvons donc lehellip agravehellip conclut systeacute-

matiquement nos entretiens

Crsquoest freacutequemment au deacutecours du troisiegraveme

entretien que les questions se posent sur la

poursuite et les modaliteacutes de la prise en

charge Vous consultez ougrave Je vous dois

combien Jrsquoai droit agrave combien drsquoentre-

tiens Agrave ces questions la prise en charge

exclusivement teacuteleacutephonique (aucun deacuteplace-

ment) la gratuiteacute (la Cellule prend en charge

tous les entretiens) et la possibiliteacute drsquoecirctre suivi

tant que le besoin srsquoen fait sentir srsquoapparente agrave

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 72

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

un apaisant holding winicottien Dans ma si-

tuation crsquoest incroyable drsquoavoir le droit de se

laisser porterhellip

Les particulariteacutes du dispositif de suivi teacuteleacutepho-

nique semblent ainsi reacutepondre aux exigences

de la reacutealiteacute des appelants La premiegravere drsquoentre

-elles lrsquoabsence de deacuteplacement et la grande

souplesse drsquoorganisation qui en deacutecoule allegravege

consideacuterablement leur quotidien phagocyteacute par

la maladie Une theacuterapie en cabinet aurait eacuteteacute

inconciliable avec notre reacutealiteacutehellip tout autant

qursquoinfiltreacute de sentiments de culpabiliteacute

Comment prendre le temps de me plaindre

alors qursquoelle est en train de mourirhellip Je sais

que crsquoest important de parler mais je nrsquoaurais

pas pris le temps de consulter pour moi tandis

que ce temps est si preacutecieuxhellip je veux le pas-

ser aupregraves drsquoellehellip ccedila me soigne de ne pas

perdre une minute Ainsi pourtant installeacutes

chez eux ils peuvent srsquoabsenter sans culpabili-

teacute excessive Je ne suis pas loin de lui mais je

suis en consultation juste pour moihellip Je suis

seule avec lui

La seconde particulariteacute du suivi psychologique

par teacuteleacutephone compareacute agrave un dispositif theacutera-

peutique classique reacuteside dans le fait que crsquoest

le psychologue qui appelle systeacutematiquement

le patient Au moment ougrave lrsquoeacutetayage social fami-

lial et parfois professionnel se fissure et ougrave la

difficulteacute drsquoappeler agrave lrsquoaide se fait sentir cette

deacutemarche inverseacutee nrsquoest pas deacutenueacutee drsquoeffet

theacuterapeutique Crsquoest toujours nous qui de-

mandons partout de lrsquoaidehellip et lagrave quel repos

que ce soit vous qui veniez jusqursquoagrave moihellip Je

nrsquoaurais pas eu la force de faire une deacutemarche

de plushellip ccedila mrsquoaide agrave continuerhellip

Enfin ajoutons que dans ce temps extra-

ordinaire ougrave tout leur coucircte ougrave crsquoest nous qui

donnons tout de nous tout notre temps toute

notre eacutenergiehellip la gratuiteacute de la prise en

charge est un eacuteleacutement important pour les per-

sonnes qui appellent Cette gratuiteacute de soins

repreacutesentative des modaliteacutes de prises en

charge psychologiques agrave lrsquohocircpital contribue agrave

restaurer leur sentiment drsquoecirctre consideacutereacutees et

reconnues dans leur souffrance On srsquooccupe

aussi de moi

Neacuteanmoins certains appelants qui avaient en-

visageacute de consulter en libeacuteral ainsi precircts agrave de-

mander de lrsquoaide se deacuteplacer et payer leur

seacuteance srsquoeacutetaient vus confronteacutes agrave un autre

obstacle somme-toute infranchissable le ca-

ractegravere indicible du veacutecu des MCJ Comment

parler agrave quelqursquoun qui nrsquoa jamais vu cette mala-

die monstrueuse (hellip) Il faut la voir pour sa-

voirhellip Ici (agrave la Cellule) je suis en seacutecuriteacute vous

savez de quoi je parle sans que jrsquoen parle vrai-

ment (hellip) vous avez les mecircmes images que

moi dans la tecircte Pour ces appelants qui cher-

chent une communauteacute drsquoexpeacuterience le psy-

chologue se doit drsquoecirctre un sujet dont le savoir

nrsquoest pas que supposeacute

SUIVI POUR QUI SUIVI POUR QUOI

Nous distinguons trois cateacutegories drsquoappelants

les personnes malades crsquoest agrave dire symptoma-

tiques leur entourage (conjoints enfants pa-

rents fregraveres et sœurs) et les personnes agrave

risque de deacutevelopper la maladie (drsquoorigine geacute-

neacutetique ou iatrogegravene) Les appels des profes-

sionnels (assez rares) ne seront pas traiteacutes

dans cet article

En huit ans seulement trois personnes ma-

lades ont eacuteteacute en contact avec le psychologue

par teacuteleacutephone et nrsquoont beacuteneacuteficieacute que de deux

entretiens en moyenne En effet dans la majo-

riteacute des cas la maladie est suspecteacutee tardive-

ment apregraves une longue peacuteriode drsquoerrance meacute-

dicale Si bien que le patient deacutejagrave tregraves sympto-

matique est rarement en capaciteacute de parler

suffisamment distinctement (dysarthrie) pour

beacuteneacuteficier drsquoun entretien teacuteleacutephonique Drsquoautant

que les troubles neuropsychologiques et psy-

chiatriques associeacutes agrave une freacutequente anoso-

gnosie et une eacutevolution preacutecipiteacutee de la mala-

die rendent complexes la mise en place drsquoun

suivi

Monsieur K prend contact avec la Cellule ef-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 73

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

frayeacute par la deacutegradation de son eacutetat il tremble

tombe et perd la meacutemoire Il craint drsquoecirctre atteint

de la maladie de Creutzfeldt-Jakob dont il se

sait agrave risque suite agrave un traitement par hor-

mones de croissance contamineacutees Je nrsquoose

pas en parler on va me regarder bizarrement

et srsquoinquieacuteter peut-ecirctre pour rien Mais lrsquoentre-

tien est difficile agrave mener au regard des troubles

cognitifs et dysarthriques de Monsieur K Nous

convenons neacuteanmoins drsquoun rendez-vous teacuteleacute-

phonique la semaine suivante Le jour-dit je

lrsquoappelle agrave son domicile Il ne se souvient ni de

moi ni de la raison de mon appel Il comprend

agrave peine les mots que je prononce Il raccroche

Crsquoest donc principalement agrave lrsquoentourage du ma-

lade que srsquoadresse le soutien psychologique

par teacuteleacutephone un entourage deacutemuni devant

cette maladie que personne ne connaicirct qui

effraie tout le monde et qui laisse chacun en

proie agrave un profond sentiment drsquoisolement Freacute-

quemment rencontreacute au deacutecours drsquoautres pa-

thologies neurodeacutegeacuteneacuteratives le sentiment

drsquoisolement semble pourtant exacerbeacute par les

speacutecificiteacutes de cette maladie meacuteconnue que

les meacutedias ont tocirct fait drsquoassimiler agrave une forme

de peste contagieuse foudroyante

monstrueuse Des qualificatifs qui srsquoillustrent

parfois crucircment dans la reacutealiteacute par un compor-

tement exageacutereacutement eacutevitant du corps meacutedical

Ils portent des masques des gants et entrent

prudemment dans la chambre Que dire en-

core de lrsquoamalgame de toutes les formes de

MCJ avec la plus meacutediatiseacutee drsquoentre-elles -la

vache folle - si ce nrsquoest qursquoil en ajoute au senti-

ment drsquoeacutetrangeteacute qursquoelles provoquent deacutejagrave

Ce nrsquoest pas un animal crsquoest un ecirctre hu-

main Mais ce nrsquoest pas tant la maladie qui

est contagieuse que lrsquoidentification menaccedilante

qursquoelle propose lrsquoidentification agrave lrsquoEcirctre animal

archaiumlque et agrave lrsquoEcirctre deacutement qui nrsquoest plus lui-

mecircme agrave la fois posseacutedeacute et deacuteposseacutedeacute de

son humaniteacute Les MCJ quelle qursquoen soit la

forme figureraient-elles la barbarie au sens

eacutetranger et sauvage du terme

Les familles sont comme prises au piegravege de

ces repreacutesentations collectives dont la vio-

lence inouiumle (jamais entendue) semblent les

expulser aux confins de la communauteacute hu-

maine Quand on a dit ce qursquoil avait tout le

monde a disparuhellip On a eu beau expliquer

qursquoil nrsquoy avait pas de risque de transmission

les gens sont terrifieacutes et prennent leur distance

Il nrsquoy a plus personne agrave qui parler Mais cette

expulsion nrsquoest pas toujours le fait du monde

exteacuterieur Lrsquoentourage peut se retirer spontaneacute-

ment du monde pour se soustraire au regard

que ce dernier pourrait porter sur lui Je ne

voulais pas qursquoon nous regarde comme des

becircteshellip alors jrsquoai disparu de la circulation

Dans ce contexte de mise en quarantaine dic-

teacutee ou spontaneacutee la seule ideacutee de lrsquoexistence

de la Cellule fait fonction de terre drsquoasile de

support identificatoire Un support identifica-

toire renarcissisant Ici je peux reprendre

forme humainehellip il y a quelqursquoun au bout du fil

Quelqursquounhellip et je me sens quelqursquoun en mi-

roir Parce qursquoavec tout ce qui nous arrive je

me sens tantocirct comme un chien galeux tantocirct

trimbaleacute comme un objethellip et de par son nu-

meacutero drsquoappel unique doubleacute drsquoune prise en

charge globale un support identificatoire struc-

turant Jrsquoai lrsquoimpression qursquoelle part en mor-

ceauxhellip petit bout par petit bouthellip lrsquoeacutequilibre la

tecircte la marche la vision la parolehellip sa vie

part en lambeauxhellip et moi je nrsquoarrive plus agrave

me rassemblerhellip Mais il y a tout le monde

(meacutedecins assistante sociale psychologue)

ici agrave la Cellulehellip ccedila me rassure de savoir que

vous parlez tous la mecircme langue que vous

faites corps

Outre lrsquoentourage des malades des personnes

dites agrave risque font appel agrave la Cellule des per-

sonnes agrave risque de MCJ suite agrave un traitement

par hormones de croissance contamineacutees et

des personnes agrave risque de MCJ drsquoorigine geacute-

neacutetique Dans les deux cas le veacutecu subjectif de

risque prend en otage les perspectives drsquoave-

nir Parce qursquoil annonce en mecircme temps le pire

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 74

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

et la possibiliteacute drsquoy eacutechapper parce qursquoil

nrsquoindique ni la victime ni lrsquoheure de la catas-

trophe le risque peut donner agrave cette derniegravere

un caractegravere omnipreacutesent Quand je vais

bien je me prends agrave espeacuterer que je ne serai

jamais malade que tout ccedila nrsquoeacutetait qursquoun cau-

chemar Mais quand je me sens mal le risque

drsquoecirctre malade se transforme en fataliteacute Je me

sens condamneacutee (hellip) Finalement que ce soit

par lrsquoespoir ou la fataliteacute crsquoest un peu lagrave tout le

temps un peu partout en moi

Et si des moments drsquoaccalmie subsistent crsquoest

souvent un eacuteleacutement de la reacutealiteacute preacutesent ou agrave

venir qui vient attiser les angoisses drsquoecirctre ma-

lade

Concernant le drame des hormones de crois-

sance contamineacutees ce sont principalement les

diffeacuterentes eacutetapes du procegraves (ouverture en

2008 4 mois drsquoaudience rendu de justice en

2009 et mise en appel en 2010) qui ont deacuteclen-

cheacute une recrudescence des appels des per-

sonnes agrave risque Crsquoest cette histoire de pro-

cegraves (hellip) je lis tous les articles dans la presse

(hellip) Depuis je vais reacuteguliegraverement sur le site de

lrsquoInvs pour veacuterifier le nombre de deacutecegraves leurs

acircgeshellip Je me dis que moi crsquoest bon je suis

plus vieille ou jrsquoai reccedilu les hormones plus tard

(hellip) Je comprends ce procegraves mais je le mau-

dis Je me sentais bien ces derniers temps

Jrsquoavais construit mon petit igloo avec mon mari

dedans Et lagrave je souhaite hurler qursquoon mrsquoa cas-

seacute mon igloo Durant tout le deacuteroulement du

procegraves certains de ces jeunes agrave risque ont

eacuteteacute deacutebordeacutes par un puissant sentiment

drsquoambivalence entre le deacutesir et la peur qursquoon

leur reconnaisse le preacutejudice subi crsquoest agrave dire

le coucirct psychique de se savoir contamineacute Re-

connaissance qui aurait signeacute la reacutealiteacute du

risque qursquoils encouraient Si le procegraves vient agrave

statuer que je suis victime je ne pourrai plus

me dire que crsquoest juste un cauchemar et que je

vais me reacuteveiller (hellip) et puis jrsquoai peur que ccedila se

traduise par le deacuteclenchement de la maladie

Paradoxe de cette victimation crsquoest la meacutede-

cine qui a rendu malade Dire que crsquoeacutetait

pour me soignerhellip quelle ironiehellip Je nrsquoai pas

de symptocircme je sais mais je suis deacutejagrave morte

De peur Et en ces temps juridiques agiteacutes la

Cellule et ses meacutedecins tout particuliegraverement

se sont vus parfois pris dans les mecircmes filets

ambivalents On a fait confiance aveugleacutement

agrave la meacutedecine Comment pouvions-nous imagi-

ner que le mal viendrait de lagrave ougrave on lrsquoattendait

le moins A qui faire confiance maintenant

Notamment encourageacutes par les associations

avec lesquelles la Cellule entretient des liens

eacutetroits certains parents de jeunes agrave risque

ont fait appel agrave nous Notre vie est faite de

hauts et de bas Lorsqursquoon apprend qursquoun

jeune est mort toute lrsquohistoire remonte et puis

le temps passe et on fait comme si ccedila nrsquoexistait

plus Mais ces oscillations crsquoest de la tor-

ture Comment ne pas eacutevoquer aussi le veacutecu

dramatique de ces autres parents qui ont perdu

leur enfant parfois il y a longtemps Des pa-

rents encore submergeacutes par la peine et rongeacutes

par un fort sentiment de culpabiliteacute drsquoavoir

donneacute le feu vert aux meacutedecins pour gagner

quelques centimegravetreshellip drsquoavoir moi-mecircme

fait les injections drsquohormones Un sentiment de

culpabiliteacute exacerbeacute par la relaxe geacuteneacuterale des

preacutevenus apregraves 20 ans de proceacutedure Il y a

des victimes il faut des coupables (hellip) Crsquoest

comme si la Justice nous avait deacutesigneacutes cou-

pables agrave leur place

Dans ce contexte ougrave preacutedominent les senti-

ments de culpabiliteacute et parfois de honte le teacuteleacute-

phone est un outil de grand secours puisqursquoil

permet aux personnes de se soustraire au re-

gard de lrsquoAutre Cet Autre objet drsquoimplacables

projections accusatrices Je nrsquoaurais pas pu

consulter un psychologue en face-agrave face Jrsquoau-

rais eu trop peur de lire sur son visage le deacute-

goucirct le rejet le jugementhellip lagrave je peux dire ce

que je veux je ne vois pas votre reacuteactionhellip

crsquoest moins dur Mais pourquoi le psychologue

de la Cellule se precircte-il si rarement aux projec-

tions de nature perseacutecutrice Reacutepond-il agrave la

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 75

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

neacutecessiteacute de sauvegarder un bon objet Un

bon objet inteacuteriorisable susceptible de restaurer

a minima le narcissisme parental

Concernant les formes heacutereacuteditaires de MCJ

dans la majoriteacute des cas lorsque le diagnostic

tombe le malade est deacutejagrave au stade terminal de

la maladie Les membres agrave risque de la fa-

mille se retrouvent donc confronteacutes agrave deux

drames simultaneacutes la perte imminente de leur

proche et lrsquohorreur de leur possible devenir

Voilagrave en une fraction de seconde le monde

bascule Je regardais ma megravere mourir jrsquoima-

ginais que jrsquoallais finir comme elle et je pensais

agrave mes enfants qui auraient peut-ecirctre le mecircme

destin Puis viennent les angoisses pour les

fregraveres et sœurs leurs enfants crsquoest lrsquoheacuteca-

tombehellip

Comment en parler aux enfants Peut-on

continuer agrave vivre normalement en sachant que

tout peut basculer en quelques mois Je

nrsquoarrecircte pas de pleurer est-ce le deacutebut de la

maladie Faut-il faire le test geacuteneacutetique

Autant de questions difficiles agrave adresser agrave lrsquoen-

tourage Jrsquoai appeleacute la Cellule parce que je ne

veux pas affoler mon mari mes enfantshellip (hellip)

et je ne suis pas encore precircte agrave me retrouver

en consultation de geacuteneacutetique (hellip) ce serait trop

reacuteel (hellip) pour lrsquoinstant quand je raccroche je

peux faire comme si ccedila nrsquoexistait pas

NATURE DE LrsquoESPACE TEacuteLEacutePHONIQUE

Mais de quelle nature est cet espace teacuteleacutepho-

nique pour autoriser le patient agrave maintenir en

dehors de sa reacutealiteacute le contenu qursquoil y deacutepose

Lrsquoabsence de corps en preacutesence et lrsquoimmateacuteria-

liteacute de la voix comme unique canal de commu-

nication seraient-elles la clef du choix des pa-

tients drsquoun suivi teacuteleacutephonique plutocirct qursquoen cabi-

net Le teacuteleacutephone permettrait-il au patient de

srsquoaffranchir ponctuellement drsquoun trop de reacuteel et

de se proteacuteger de lrsquoeffraction qursquoopegravere la crudi-

teacute de ses preacuteoccupations mateacuterielles orga-

niques mais aussi existentielles Serait-elle la

figuration de ce temps intra-uteacuterin ougrave tout de la

reacutealiteacute sauf la megravere eacutetait en dehors ce temps

ougrave le lien intime avec elle nrsquoeacutetait que sons Je

vous parle et vous me parlez aussi dans le

creux de lrsquooreillehellip Vous ecirctes un peu mon es-

pace proteacutegeacute mon espace secret Ce temps

reacutevolu ougrave le lieu de rencontre (le ventre mater-

nel) entre la megravere et lrsquoenfant eacutetait lrsquoobjet de tous

les fantasmes Que dire drsquoautre en effet du lieu

de rencontre entre le psychologue et le pa-

tient qursquoil nrsquoest que scegravene psychique pur es-

pace temporel un ensemble chacun chez soi

Un espace qui srsquooffrirait donc plus encore et

plus subitement agrave la reacutegression du patient que

le divan de lrsquoanalyste ou lrsquoentretien agrave domicile

Parce qursquoelle les prive drsquoinformations agrave carac-

tegravere visuel (regards mimiques postures ges-

tuelles) et puisque rien ne fait obstacle ni chez

le patient ni chez le psychologue aux diffeacute-

rentes repreacutesentations fantasmatiques que

chacun a de lrsquoautre la teacuteleacutephonie se precircte agrave

une activiteacute imaginaire deacutebrideacutee Seules des

informations agrave caractegravere sonore telles que le

timbre de la voix les rythmes tons silences

intonations et bruits ambiants (il allume une ci-

garette elle ferme une porte la voix reacutesonne

comme dans un espace vide) donnent force et

forme agrave lrsquoespace theacuterapeutique Elles seules et

dans une immeacutediateteacute remarquable suffisent agrave

faire surgir le visage le corps et le lieu de

lrsquoautre Des lapsus agrave caractegravere visuels srsquoim-

miscent drsquoailleurs dans le discours des pa-

tients et du psychologue Je vois drsquoici la tecircte

que vous faites Nos rencontres teacuteleacutepho-

niques On se voit la semaine prochaine Des

deacutetails comme la silhouette la couleur des

yeux des cheveux des vecirctements un canapeacute

des photos au mur des sourcils fronceacutes ou une

moue deacutefaite sont-ils lrsquoexpression paroxystique

de lrsquoactiviteacute fantasmatique agrave lrsquoœuvre dans la

relation transfeacutero-contre-transfeacuterentielle entre

le patient et son theacuterapeute

Pourquoi lrsquoimage de cette patiente-lagrave tarde agrave se

construire en moi apparaicirct puis disparaicirct sans

que je puisse la saisir Parce qursquoelle joue agrave

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 76

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

cache-cache avec son pegravere malade qui ne

doit pas la voir dans cet eacutetat de terreur Pour-

quoi ai-je oublieacute drsquoappeler ce patient aujour-

drsquohui alors que son nom est surligneacute dans mon

agenda Parce qursquoil me reacutepegravete chaque fois

que tout le monde lrsquooublie Pourquoi cet

autre patient a-t-il exceptionnellement deman-

deacute agrave deacuteplacer son rendez-vous Parce qursquoil

eacutetait justement question lors de notre dernier

entretien de deacuteplacer son agressiviteacute pour

eacutepargner sa femme malade

Pourquoi cette megravere au beau milieu de son

suivi donne-t-elle mon numeacutero au fils qui ne

lrsquoeacutecoute plus Pourquoi ce fils accepte-t-il

drsquoappeler le psychologue de sa megravere Pour-

quoi le psychologue accepte-t-il de suivre seacute-

pareacutement deux membres de la mecircme famille

tandis qursquoil heacutesiterait agrave le faire en cabinet

Parce que les espaces ndash uniquement fantas-

meacutes- sont bien distincts en lui et que leur rela-

tion reacuteclame drsquoecirctre tierciseacutee

Pourquoi cette demande impeacuterieuse de me voir

en consultation Parce que cette patiente non

reconnue par la justice dans son statut de

victime des hormones de croissance contami-

neacutees a besoin drsquoecirctre reconnue au sens pre-

mier du terme par le psychologue

Pourquoi cette crainte en moi agrave lrsquoideacutee de voir

ces patients-lagrave comme on pourrait avoir agrave

craindre de transgresser la regravegle fondamentale

drsquoabstinence Dans ce contexte de suivi teacuteleacute-

phonique -qui induit lrsquoeacuterotisation du lien agrave la

voix et un sentiment paradoxal de grande

proximiteacute voir serait-il devenu un eacutequivalent de

toucher et lrsquoacting out agrave eacuteviter

Ces quelques exemples de questionnements

du psychologue autour des manifestations

transfeacutero-contre-transfeacuterentielles agrave lrsquoœuvre

dans le suivi teacuteleacutephonique nous semblent rele-

ver drsquoun processus de type theacuterapie drsquoinspira-

tion analytique Un processus qui se partage

souvent en deux temps un temps de plainte et

un temps drsquoeacutelaboration psychique complexe au

cours duquel le patient rapporte spontaneacutement

ses recircves Des recircves dont le mateacuteriel fait lrsquoobjet

drsquointerpreacutetations par le psychologue

SUIVI TEacuteLEacutePHONIQUE AVEC OU SANS FIN

Il arrive qursquoapregraves le deacutecegraves de son proche le

patient srsquointerroge sur la leacutegitimiteacute de la pour-

suite du suivi comme si la survie du malade

avait jusqursquoici conditionneacute son droit agrave en beacuteneacutefi-

cier Il nrsquoen est rien alors tout ne srsquoarrecircte pas

pour moi non plus Cet espace temporel

sans corps en preacutesence qui a proteacutegeacute le pa-

tient des angoisses inheacuterentes agrave la reacutealiteacute

drsquoune seacuteparation annonceacutee permet et catalyse

mecircme parfois le travail de deuil Vous ecirctes un

peu comme mon fregravere [mort depuis 3 mois] je

ne le vois pas mais il est lagravehellip je ne le vois pas

mais je lrsquoentends parfoishellip comme avec vous

jrsquoapprends agrave dialoguer agrave lrsquointeacuterieur de moi avec

lui

La sortie du dispositif de soutien teacuteleacutephonique

est longuement travailleacute eacutevocation de lrsquoapregraves

eacutelaboration de la seacuteparation espacement pro-

gressif des entretiens Un cheminement au

cours duquel surgissent plus explicitement les

traces du caractegravere transitionnel de lrsquoespace

teacuteleacutephonique Un espace qui sans ecirctre une

permanence drsquoeacutecoute a eacutetayeacute le sentiment de

permanence drsquoobjet Je ne vous ai jamais

vuehellip alors je nrsquoai pas peur de ne plus vous

voir Vous ecirctes un peu comme toujours lagrave

CONCLUSION

La Cellule Nationale de Reacutefeacuterence des Mala-

dies de Creutzfeldt-Jakob a pour mission lrsquoaide

au diagnostic et agrave la prise en charge meacutedicale

sociale et psychologique des patients et de leur

famille Lrsquoaide proposeacutee srsquoeffectue essentielle-

ment par teacuteleacutephone

La faisabiliteacute et la leacutegitimiteacute drsquoun soutien psy-

chologique exclusivement teacuteleacutephonique a eacuteteacute

lrsquoobjet de nombreuses interrogations pour le

psychologue quelle est la nature de cet es-

pace particulier drsquoaccompagnement Quels en

sont les beacuteneacutefices Peut-on soutenir un veacuteri-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 77

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

table travail psychique dans le cadre de ce dis-

positif Est-il leacutegitime de parler de travail psy-

chotheacuterapeutique

Les 110 suivis psychologiques effectueacutes agrave la

Cellule depuis 2003 nous permettent aujour-

drsquohui drsquoaffirmer que notre travail de psycho-

logue ne se limite pas agrave une pure fonction de

soutien En effet bien que tregraves eacuteloigneacute de la

situation analytique le processus agrave lrsquoœuvre

dans le dispositif teacuteleacutephonique semble srsquoappa-

renter agrave celui drsquoun dispositif de type psychotheacute-

rapeutique drsquoinspiration analytique le cadre

est poseacute et penseacute par le psychologue

(entretiens de 45 minutes notion de rendez-

vous teacuteleacutephoniques rythmiciteacute souvent hebdo-

madaire suivi au long cours) lrsquoassociation

libre est encourageacutee lrsquointerpreacutetation des dires

lrsquoanalyse des recircves lrsquoanalyse du transfert et du

contre-transfert par le psychologue est freacute-

quente et le patient effectue un veacuteritable travail

drsquoeacutelaboration psychique au deacutecours du suivi

Lrsquoexpeacuterience nous deacutemontre que les particulari-

teacutes de lrsquoaccompagnement teacuteleacutephonique

(notamment privation drsquoinformations visuelles)

ne freinent pas le processus theacuterapeutique

Elles pourraient mecircme le favoriser

(relacircchement du systegraveme deacutefensif)

Ainsi ce dispositif innovant de prise en charge

psychologique agrave lrsquohocircpital est au service drsquoune

difficulteacute des personnes qui y ont recours la

crainte et ou lrsquoimpossibiliteacute drsquoaller consulter un

psychologue en face-agrave face

Retrouvez

toute lrsquoactualiteacute de Psyclihos

les enregistrements des con-

feacuterences ainsi que le journal

des 20 ans

sur notre site internet

wwwpsyclihosorg

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 78

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

Parents face agrave linterruption meacutedicale de grossesse des mots

en images

Natascia Serbandini

Service de gyneacutecologie-obsteacutetrique Hocircpital Jean Verdier

A pregraves avoir eacutevoqueacute briegravevement les speacute-

cificiteacutes du deuil peacuterinatal je vais vous

preacutesenter une pratique nouvelle au sein

de lrsquoAPHP un groupe de parole hospitalier

destineacute aux femmes ayant fait une interruption

meacutedicale de grossesse Ce groupe est neacute en

2008 un an apregraves sa creacuteation nous avons choi-

si drsquointroduire une cameacutera lors des seacuteances

Enfin je deacutecrirai lrsquoimpact de la cameacutera sur le

groupe et le projet de film que nous sommes

en train de reacutealiser

LES SPEacuteCIFICITEacuteS DU DEUIL PEacuteRINATAL

La deacutecouverte dune pathologie fœtale incu-

rable pendant la grossesse est un eacuteveacutenement

hautement traumatique pour les parents du fu-

tur beacutebeacute Lhocircpital Jean Verdier unique Centre

Pluridisciplinaire de Diagnostic Preacutenatal du 93

accueille et accompagne les parents degraves lrsquoan-

nonce du diagnostic jusqursquoagrave lrsquointerruption meacutedi-

cale de grossesse quand les parents la deman-

dent

Le deuil peacuterinatal preacutesente des speacutecificiteacutes qui

le distinguent du deuil classique il est toujours

accompagneacute drsquoun fort sentiment de culpabili-

teacute amplifieacute dans le cadre des Interruptions Meacute-

dicales de Grossesse par la prise de deacutecision

(Tous les textes en italique sont issus de teacutemoi-

gnages de femmes lors du groupe de parole)

Pendant le travail je le sentais encore mon

beacutebeacute est neacute vivant jrsquoavais vraiment cette sen-

sation qursquoil voulait se battre Jrsquoai enleveacute tout cet

espoir de vie et je me demande de quel droit

Crsquoest cette impression drsquoavoir le choix sur sa

vie ou sa mort crsquoest tellement lourd agrave porter

Une autre speacutecificiteacute est lrsquoabsence drsquoun veacutecu

partageacute avec cet enfant en dehors de la gros-

sesse Geneviegraveve Delaisi de Parseval

(psychanalyste) Comment faire le deuil de ce

qui nrsquoa pas eu lieu drsquoon ne sait quoi et de

presque rien Lrsquoobjet perdu reste agrave perdre

comment accepter la seacuteparation drsquoavec un ecirctre

que lrsquoon nrsquoa pas connu

Le deuil est un processus intrapsychique con-

seacutecutif agrave la perte drsquoun objet drsquoattachement par

lequel le sujet reacuteussit progressivement agrave se deacute-

tacher de celui ci Jean Philippe Legros

(psychologue psychanalyste au centre de meacute-

decine foetale Cochin-St Vincent de Paul) dans

lrsquoarticle L lsquoarrecirct de vie in utero ou lrsquoerrance des

fœtus un possible deuil preacutecise que dans le

deuil peacuterinatal il srsquoagit drsquoun deacutetachement sans

renoncement

Ensuite il srsquoagit drsquoun deuil feacuteminin un deuil

veacutecu tregraves diffeacuteremment dans le couple

Mon mari lui a pris sa deacutecisionhellipje ne dis pas

que ccedila a eacuteteacute facile ccedila a ducirc ecirctre dur pour lui

aussi moi je la portais je la sentais bouger

Cette mort est intoleacuterable pour la megravere en lien

avec le sentiment drsquoomnipotence propre agrave la

grossesse intoleacuterable pour la megravere qui con-

naissait ce beacutebeacute et qui a ressenti ses mouve-

ments

Ce sentiment de toute puissance est amplifieacute

par le fait que la demande drsquoInterruption Meacutedi-

cale de Grossesse revient agrave la femme seule

signataire selon la loi

Je sais qursquoil souffre qursquoil est malheureux il a

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 79

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

la mecircme peine et la mecircme tristesse que moi

mais il ne llsquoexprime pas pareil il y a une culpa-

biliteacute plus importante chez la megravere

La perte du beacutebeacute est parfois difficilement re-

connue par les pegraveres qui nrsquoosent pas manifes-

ter leur souffrance et qui se projettent plus rapi-

dement dans lrsquoavenir

Leur deacutetresse reacutesulte en grande partie de la

mise agrave mal de la fonction contenante protec-

trice de la femme enceinte qursquoils assuraient

avant lrsquointerruption

Ce deuil est deacutepourvu drsquoune dimension so-

ciale Franccediloise Moleacutenat (peacutedopsychiatre) dit

Iil existe une cicatrice dans le corps de la

megravere mais pas de cicatrice sociale

Beaucoup de personnes mrsquoont dit crsquoest

dingue que lrsquoadministration franccedilaise se mecircle

de ccedila (en parlant de la reconnaissance agrave la

Mairie) alors qursquoil nrsquoy a mecircme pas de beacutebeacute il

eacutetait pas neacute

Les rituels autour du deuil ont une fonction psy-

chique ils offrent au mort un deacutedommagement

symbolique Ils assurent une reconnaissance

de la peine des proches par le groupe

Crsquoest seulement depuis quelques anneacutees que

les rites et rituels sociaux autour des beacutebeacutes

morts in utero ont pris leur place agrave travers la

reconnaissance agrave lrsquoEtat Civil et lrsquoeacutevolution des

pratiques drsquoaccompagnement dans les materni-

teacutes (preacutesentation du corps du beacutebeacute organisa-

tion drsquoobsegraveques)

Ce travail est reacutealiseacute dans le but de creacuteer et

drsquoancrer des souvenirs de cet enfant afin de

faire des parents des parents

Jrsquoavais toujours une photo de mon fils dans

mon portefeuille jrsquoen avais besoin Crsquoest peut

ecirctre parce que je ne voulais pas qursquoon me dise

que crsquoeacutetait rien

LE GROUPE DE PAROLE Agrave JEAN VERDIER

Lors des entretiens avec le gyneacutecologue ou

dans le cadre drsquoun suivi psychologique quelque

temps apregraves les Interruptions Meacutedicales les

femmes eacutevoquaient de maniegravere reacutecurrente leur

solitude lrsquoimpossibiliteacute de partager leur souf-

france et le temps passant de ne plus pouvoir

parler de leur beacutebeacute dans le cercle familial et

amical Cet oubli de lrsquoentourage et la reprise

drsquoune vie normale est source de culpabiliteacute

elles avaient le sentiment drsquoabandonner agrave nou-

veau leur beacutebeacute

Jrsquoai lrsquoimpression que personne ne me com-

prend jrsquoai lrsquoimpression drsquoecirctre seule au monde

de me noyer je survis Les gens ne peuvent

pas comprendre notre situation je nrsquoarrive pas

agrave leur dire ma souffrance immense

De cela est neacutee lrsquoideacutee de proposer un espace

drsquoeacutechanges entre femmes sous forme de

groupe de paroles Ce projet a eacuteteacute creacuteeacute agrave lini-

tiative commune du gyneacutecologue responsable

du Centre de Diagnostic Anteacutenatal et de moi-

mecircme

Il srsquoagit drsquoun groupe ouvert agrave toutes les femmes

ayant veacutecu une Interruption Meacutedicale de Gros-

sesse agrave Jean Verdier

Le groupe se reacuteunit une fois par mois pendant

une heure et demie et est co-animeacute par un bi-

nocircme psychologuepsychiatre et meacutedecinsage

femme

Le groupe constitue un cadre de confiance

une enveloppe psychique comme le dit An-

zieu propice agrave la mise en commun des charges

affectives et agrave lrsquoaccompagnement du deuil

De plus comme le rappelle Jean Philippe Le-

gros apregraves la perte drsquoun enfant par IMG la

crainte de la megravere contrairement aux parents

drsquoenfants porteurs drsquohandicap est lrsquoabsence du

regard des autres dans le reacuteel Cet ecirctre invi-

sible pour les yeux cet enfant que personne

drsquoautre nrsquoa connu risque de disparaicirctre Drsquoougrave

lrsquoimportance de creacuteer un espace physique (par

rapport aux espaces virtuels les forums sur

Internet tregraves freacutequenteacutees par les megraveres en-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 80

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

deuilleacutees) et psychique au sein de lrsquohocircpital afin

de reconnaicirctre lrsquoexistence de ces beacutebeacutes et per-

mettre agrave ces femmes drsquoecirctre megraveres

Les autres nous parlent comme si on avait

perdu quelque chose crsquoest quand mecircme un

ecirctre vivant crsquoeacutetait quand mecircme notre enfant

Lrsquoobjectif principal du groupe est de permettre

le partage drsquoexpeacuterience de ce deuil si particu-

lier drsquoecirctre rassureacutee par le parcours des autres

dans un cadre de reacutefeacuterence suffisamment

bon pour le dire avec les mots de Winnicott

Crsquoest vrai que discuter avec drsquoautres per-

sonnes qui lrsquoont veacutecu il y a longtemps et qui ont

su deacutepasser certaines eacutetapes ccedila aide ccedila

donne des cleacutes pour passer agrave lrsquoeacutetape suivante

LrsquoIDEacuteE DU FILM DES MOTS EN IMAGES

Le groupe a eacuteteacute tregraves freacutequenteacute degraves le deacutebut

Apregraves un an de fonctionnement le gyneacutecologue

a proposeacute drsquointroduire une camera afin de fil-

mer les seacuteances pour teacutemoigner de cette expeacute-

rience positive et faire connaicirctre cette pratique

Cette proposition a eacuteteacute discuteacutee par les

femmes au sein du groupe elles ont adopteacute

cette ideacutee et ont eacutelaboreacute avec nous les objectifs

du film

Teacutemoigner autour du deuil peacuterinatal en deacutecri-

vant les diffeacuterentes eacutetapes et souligner les beacute-

neacutefices drsquoun groupe de parole

A partir de leur veacutecu permettre une reacuteflexion

visant agrave ameacuteliorer les pratiques soignantes

dans les accompagnements du deuil peacuterinatal

agrave lrsquohocircpital

Nous avons filmeacute six seacuteances dune heure

trente avec deux techniques une cameacutera fixe

et une cameacutera mobile Ensuite nous avons eacuteta-

bli ensemble un plan pour le film reacutecit en ordre

chronologique du deacuteroulement de lrsquoIMG Les

diffeacuterents chapitres

Lrsquoannonce et la deacutecision lrsquohospitalisation le

retour agrave la maison lrsquoenterrement lrsquoentourage

lrsquoautopsie la grossesse drsquoapregraves le groupe

La preacutesence de la cameacutera a eu un impact sur

le deacuteroulement des seacuteances les theacutematiques

ont eacuteteacute eacutetablies agrave lrsquoavance ce qui a permis de

structurer davantage les seacuteances tout en gar-

dant la liberteacute drsquoaborder les questions eacutevo-

queacutees spontaneacutement par les femmes

Comme le dit Winnicott lrsquoenfant existe dans les

yeux de sa megravere le visage de lrsquoenfant que lrsquoon

nrsquoa pas vu ne permet pas agrave la megravere de se re-

connaicirctre comme megravere

Le film vient srsquoinscrire dans cette neacutecessiteacute de

reconnaissance de laisser une trace de cette

preacutesence de ce beacutebeacute qui nrsquoa plus de corps

physique mais qui existe dans lrsquohistoire fami-

liale

La preacutesence de la cameacutera a donc eu des effets

beacuteneacutefiques pour les femmes mais aussi pour

les soignants la richesse du mateacuteriel clinique

recueilli nous a permis drsquoobserver lrsquoeacutevolution

des femmes dans le processus de deuil et

drsquoanalyser leur posture au sein du groupe ainsi

que celle des animateurs

Si le groupe a fonction de portage pour cer-

taines pour drsquoautres crsquoest le lieu ougrave elles peu-

vent donner un sens agrave ce qursquoelles ont veacutecu en

partageant leur expeacuterience avec drsquoautres

Nous avons constateacute en visionnant les

seacuteances que plusieurs femmes qui semblent

ecirctre dans un deuil normal continuent agrave freacute-

quenter le groupe alors que leur interruption

remonte agrave il y a trois ou quatre ans

Le besoin de continuer agrave eacutevoquer leur beacutebeacute

nrsquoest pas un signe de deuil pathologique mais

une neacutecessiteacute de la ceacuteleacutebration de la meacutemoire

de ces beacutebeacutes disparus Ces femmes veulent

garder comme le dit Jean Philippe Legros une

dose homeacuteopathique du trauma qui gueacuterit de

lui en ne se seacuteparant jamais

Quand jrsquoai dit agrave ma responsable que je mrsquoab-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 81

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

sentais pour venir au groupe de parole elle

mrsquoa dit Ben tu en as deacutejagrave un (enfant) qui est lagrave

pourquoi tu continues agrave aller agrave ce groupe Je

lui ai dit Crsquoest pas parce que jrsquoai reacuteussi agrave

avoir un petit garccedilon que je vais compleacutetement

oublier ce qui concerne mon premier enfant

justement lui il nrsquoest pas lagrave crsquoest pour ccedila que

je continue agrave aller au groupe pour parler de lui

pour le faire exister

Aujourdrsquohui le projet du film est en cours nous

avons imagineacute deux versions

- une version courte de 20 minutes un teacutemoi-

gnage du groupe sur le deuil peacuterinatal agrave diffu-

ser agrave lrsquoexteacuterieur

- une version longue de 52 minutes destineacutee

aux femmes et en interne agrave lrsquohocircpital Jean Ver-

dier

Le premier montage a eacuteteacute visionneacute par les

femmes qui ont participeacute aux choix des extraits

Nous espeacuterons pouvoir le diffuser dans un ave-

nir proche agrave un large nombre de professionnels

de santeacute

Retrouvez

toute lrsquoactualiteacute de Psyclihos

les enregistrements des con-

feacuterences ainsi que le journal

des 20 ans

sur notre site internet

wwwpsyclihosorg

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 82

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

Psychologue clinicien aupregraves du personnel missions

enjeux limites

Isabelle Fretigny Hocircpital Saint Louis

Elodie Travers Hocircpital Henri Mondor

P our cette preacutesentation des missions du

psychologue clinicien aupregraves du per-

sonnel agrave

lrsquoAP-HP nous avons choisi de commencer par

reprendre quelques eacuteleacutements agrave lrsquoorigine de la

creacuteation de nos postes

Dans une seconde partie nous deacutefinirons et

preacutesenterons la diversiteacute des missions speacuteci-

fiques aux psychologues du personnel sur site

A la fois clinique et institutionnelle notre pra-

tique nous amegravene agrave ecirctre en contact reacutegulier

avec les diffeacuterents acteurs internes ou ex-

ternes agrave lrsquoinstitution concerneacutes par la protec-

tion de la santeacute au travail Ainsi cette collabo-

ration neacutecessite un important travail de deacuteve-

loppement et drsquoentretien du reacuteseau

Ensuite nous envisagerons les divers ques-

tionnements souleveacutes par ce poste position-

nement parfois drsquoeacutequilibriste cadre speacutecifique

de prise en charge ou encore limites de cette

pratique

HISTORIQUE

Par la loi de 1983 concernant les droits et obli-

gations des fonctionnaires les personnels hos-

pitaliers de par leur statut sont proteacutegeacutes par

leur administration

A la fin des anneacutees 90 le deacuteveloppement de la

preacutevention des violences apparaicirct comme pri-

mordial puis une circulaire intituleacutee Preacutevention

et accompagnement des situations de vio-

lence est reacutedigeacutee en deacutecembre 2000

Le constat de lrsquoaugmentation de la violence au

quotidien dans les hocircpitaux a fait naicirctre au sein

de lrsquoAP-HP des preacuteoccupations et des de-

mandes au niveau institutionnel Ceci a mobili-

seacute un ensemble drsquoacteurs concerneacutes par la

protection de la santeacute des personnels Ainsi la

mise en place drsquoune cellule drsquoaccueil et de

prise en charge des agents victimes de vio-

lence agrave lrsquoAP-HP eacutemane de ces travaux Deux

postes de psychologues cliniciennes ont eacuteteacute

creacuteeacutes au Siegravege en 2000 et 2001 puis drsquoautres

postes de psychologues cliniciens aupregraves du

personnel ont vu le jour sur diffeacuterents sites de

lrsquoAP-HP

Face agrave lrsquoamplification des violences en milieu

hospitalier lrsquoAP-HP a eacutegalement meneacute en 2004

une campagne drsquoinformation sur le thegraveme

Violences de patients drsquoaccompagnants de

visiteurs comment soutenir les personnels qui

en sont victimes Ces derniers ignorent sou-

vent leurs droits et les circuits internes pour ob-

tenir le meilleur accompagnement dans leurs

deacutemarches Lrsquoeacutelaboration drsquoun guide a permis

de deacutecrire les diffeacuterentes modaliteacutes de prise en

charge en cas drsquoagression prise en charge

meacutedico-psychologique sociale meacutedico-

administrative ou encore juridique

Au-delagrave de la preacutevention et de la prise en

charge de la violence agrave lrsquohocircpital les missions

du psychologue clinicien aupregraves du personnel

sont orienteacutees vers deux axes principaux la

clinique individuelle et collective et les activiteacutes

institutionnelles

DEacuteFINITION DU POSTE ET MISSIONS SPEacuteCIFIQUES

Le poste de psychologue du personnel a pour

fonction principale de creacuteer un espace drsquoeacutecoute

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 83

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

et de prise en charge individuelle ou collective

pour tout le personnel de lrsquohocircpital

Toute personne professionnelle de lrsquohocircpital

peut si elle en a la neacutecessiteacute (si elle le sou-

haite) prendre rendez vous pour une premiegravere

consultation et ce quel qursquoen soit le motif pro-

fessionnel ou personnel

Les bureaux permettent de garantir la confiden-

tialiteacute

Les consultations se font sur rendez-vous afin

drsquoeacuteviter lrsquoattente et pour preacuteserver la discreacutetion

Ils sont libres et totalement confidentiels

Des rendez-vous en soireacutee peuvent ecirctre ameacute-

nageacutes

Le deacutelai maximum drsquoobtention drsquoun rendez-

vous est environ de 15 jours

Le nombre de consultations deacutepend de la de-

mande initiale Il peut aller drsquoun seul entretien agrave

plusieurs Lorsque la personne deacutesire ou neacute-

cessite une prise en charge plus longue elle

est orienteacutee agrave lrsquoexteacuterieur Il est preacuteciseacute agrave tout

agent en deacutebut drsquoentretien que ce lieu de con-

sultation a pour vocation un accompagnement

agrave court ou moyen terme

Il est eacutevident que la fonction de psychologue du

personnel est agrave viseacutee clinique crsquoest agrave dire

- que le psychologue du personnel nrsquointervient

pas directement dans les eacutevaluations utiles agrave la

gestion du personnel et nrsquoeacutemettent aucun avis

concernant lrsquoaptitude au poste de travail des

agents reccedilus en consultation (ce qui est de

lrsquounique ressort du meacutedecin du travail) hellip

- que le psychologue du personnel nrsquoest pas

psychologue du travail donc nrsquointervient pas

dans le reclassement les mobiliteacutes profession-

nelles le recrutementhellipMais nos missions

srsquoaccordent bien sur avec celles du CRH si neacute-

cessaire

Le psychologue du personnel comme les

autres psychologues cliniciens de lrsquoeacutetablisse-

ment deacutepend directement du directeur de lrsquoeacuteta-

blissement et a des liaisons fonctionnelles

avec le drh par exemple ou le meacutedecin du tra-

vail

Il rend un bilan annuel quantitatif indiquant cer-

taines donneacutees de son activiteacute tout en preacuteser-

vant lrsquoanonymat et la confidentialiteacute Il peut arri-

ver que ce bilan soit preacutesenteacute aux instances

types CHSCT

Globalement le temps de travail du psycho-

logue du personnel se reacutepartit comme suit

pratique clinique drsquoune part activiteacutes institu-

tionnelles drsquoautre part

LA PRATIQUE CLINIQUE

bull Clinique individuelle soutien psychologique

du personnel en difficulteacute par entretien indivi-

duel

Notre pratique montre que les deux aspects

professionnels et personnels sont souvent in-

triqueacutes qursquoil peut srsquoagir de souffrance au tra-

vail mais aussi de souffrance personnelle qui

peut avoir des reacutepercussions dans le travail

Les motifs principaux agrave lrsquoorigine de la de-

mande

- sur le plan professionnel sont conflits inter

eacutequipe situations de violence au travail

manque de communication difficulteacutes face aux

pathologies perte du sens du travail voire eacutepui-

sement professionnel

- sur le plan personnel sont difficulteacutes fami-

liales sociales deuils seacuteparations probleacutema-

tiques psychopathologiques maladies chro-

niqueshellip

Ces personnes ne se sont jamais adresseacutees agrave

un professionnel du soin psychique par meacute-

connaissance des professions parfois mais par

meacutefiance eacutegalement et arrivent souvent en

portant des souffrances extrecircmement lourdes

et de longue date

Cateacutegories dominantes qui consultent soi-

gnants et administratifs encadrement

quelques personnels techniques et meacutedico-

techniques et tregraves peu de meacutedecins

Il est difficile drsquoeacutetablir une moyenne du nombre

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 84

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

drsquoagents reccedilus par an sur lrsquoensemble des

postes du personnel Toutefois les demandes

de consultations sont en constantes augmenta-

tions sur la plupart des sites de lrsquoAPHP mais

aussi du fait des regroupements amenant les

psychologues agrave ecirctre solliciteacutees sur plusieurs

eacutetablissements

bull Clinique collective

Les interventions collectives peuvent se

preacutesenter sous deux formes les groupes de

parole et les deacutebriefings psychologiques

Le Groupe de parole permet de creacuteer un lieu

drsquoexpression et drsquoeacutechanges sur un thegraveme don-

neacute ou une probleacutematique speacutecifique au service

(comme par exemple lrsquoagressiviteacute et la violence

des patients notamment aux urgences ou en-

core lrsquoimplication eacutemotionnelle des soignants

lieacutee agrave lrsquoaccompagnement en fin de vie hellip)

Le Deacutebriefing psychologique intervention

collective ponctuelle suite agrave un eacuteveacutenement diffi-

cile ou traumatique (suicide drsquoun patient deacutecegraves

drsquoun personnel agression du personnel par un

patient ou son entouragehellip)

Force est de constater eacutegalement que les de-

mandes de reacutesolution de conflit formuleacutees

comme telles sont aussi tregraves preacutesentes et il

semble utile de distinguer la neacutecessaire reacutesolu-

tion drsquoun conflit qui nrsquoest pas forcement le lieu

et le temps du groupe de parole de la volonteacute

drsquoy trouver un sens Il va de soi que le psycho-

logue nrsquointervient en aucun cas comme meacutedia-

teur car il nrsquoen a pas la formation speacutecifique

mecircme si certaines interventions peuvent par-

fois avoir des effets drsquoapaisement du conflit

Pour ces raisons et preacutealablement agrave toute in-

tervention collective il est important drsquoavoir pu

deacutefinir avec les participants leurs attentes et

pas seulement celles lieacutees au demandeur geacute-

neacuteralement lrsquoencadrement ou la direction

LES ACTIVITEacuteS INSTITUTIONNELLES

bull1- Deacuteveloppement et entretien du reacuteseau

En interne Assistant social du personnel meacute-

decine du travail DRH CRH chef du person-

nel direction des soins psychologues du per-

sonnel drsquoautres sites psychologues des ser-

vices psychiatres hellip

En externe orientation vers les CMP pour les

prises en charge agrave plus long terme etou pour

les suivis psychiatriques orientation vers des

lieux de consultations speacutecialiseacutes (addictologie

consultation douleur troubles du sommeil

troubles du comportement alimentaire associa-

tion drsquoaide aux victimes theacuterapie familiale hellip)

2- Participation aux groupes de travail et de

preacutevention preacutevention des addictions de

lrsquoeacutepuisement professionnel des risques psycho

-sociauxhellip

3- Faire connaicirctre ces postes et notre activiteacute

- A lrsquooccasion drsquoune arriveacutee sur site ou lors

drsquoune creacuteation de poste

- Preacutesentation dans les services directement

aupregraves des eacutequipes

- Preacutesentation lors de formations sur site

propre (accueil des nouveaux arrivants ou sur

des theacutematiques en lien avec nos missions) ou

au Centre de Formation Continue du Personnel

Hospitalier (intervention dans le cadre de la for-

mation Preacutevention du risque psychique et de

lrsquoeacutepuisement professionnel agrave lrsquohocircpital)

- Preacutesentation du rapport drsquoactiviteacutes au Comiteacute

drsquoHygiegravene Seacutecuriteacute et Conditions de Travail

QUESTIONNEMENTS ENJEUX LIMITES

Ce poste nous amegravene en permanence

- agrave repreacuteciser nos missions ce que nous pou-

vons faire et aussi ne pas faire depuis notre

place particuliegravere au sein de lrsquoinstitution

- agrave nous confronter agrave certaines limites

- agrave devoir nous adapter agrave une clinique aussi

riche que varieacutee

Plusieurs limites donc

La question du cadre

- absence de paiement pas de psychotheacutera-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 85

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

pie ce nrsquoest pas agrave lrsquoemployeur de payer on

connaicirct par ailleurs la neacutecessiteacute du paiement

- reacutegulariteacute des horaires il est difficile souvent

impossible pour des personnels ayant des ho-

raires variables qui travaillent en alternance de

pouvoir respecter un horaire fixe de rendez

vous Les annulations les reports sont freacute-

quents agrave cause des changements drsquohoraires

subis par les agents eux-mecircmes Parfois de

notre fait eacutegalement

La question de la confiance

- biais dans la relation

Nous avons le mecircme employeur donc il existe

un biais dans la relation de soutien psycholo-

gique (theacuterapeutique) Pourtant eacutetablir une re-

lation de confiance institutionnelle avec les

agents est essentiel Et faire partie de la mecircme

institution peut parfois paradoxalement rassu-

rer et favoriser une deacutemarche qui ne serait par

ailleurs pas faite

Ayant eacuteteacute recruteacute par la mecircme direction la

question de la confidentialiteacute du travail du

psychologue peut se poser (la confidentialiteacute

est rappeleacute agrave chaque premiegravere rencontre)

- Neacutecessaire et juste distance entre lrsquoinstitution

de son propre travail (visites meacutedicales effec-

tueacutees par un autre meacutedecin du travail attitude

discregravete au sein de lrsquoeacutetablissement hellip)

- Se pose la question du secret partageacute dans

lrsquointeacuterecirct de lrsquoagent et avec son accord cer-

taines informations peuvent parfois ecirctre com-

muniqueacutees (assistantes sociales du personnel

meacutedecin du travailhellip) et inversement

Comment et quand reacuteorienter

- au rythme de chacun (cette premiegravere deacute-

marche a deacutejagrave parfois eacuteteacute extrecircmement longue

et difficile)

- ne marche pas toujours du 1er

coup (combien reviennent parce que cela nrsquoa

pas accrocheacute trop cher tous ces arguments

connus qui peuvent cacher un pas precirct agrave)

Autres limites agrave cette pratique

- question de la neutraliteacute quant au fait de pou-

voir recevoir deux parties drsquoun conflit Nous

sommes lagrave pour tous les agents Et crsquoest bien

lagrave toute la diffeacuterence avec les GH qui ont agrave dis-

position plusieurs psychologues du personnel

- difficulteacute si une personne reccedilue en individuel

participe eacutegalement agrave un groupe de parole hellip

- tous les risques de glissement potentiels aux

places que lrsquoinstitution veut nous faire prendre

lorsque par exemple en lrsquoabsence de meacutedecin

du travail on propose agrave la place de rencon-

trer la psychologue du personnel lorsqursquoil faut

absolument trouver une solution risque drsquoecirctre

interpelleacute en vue de reacutesoudre un conflit avec

ce que cela suppose de rapiditeacute et drsquoefficience

allant agrave lrsquoencontre de la possibiliteacute de penser et

drsquoeacutelaborer

CONCLUSION

Pour le psychologue exercer aupregraves du per-

sonnel appelle parfois agrave des positions drsquoeacutequili-

bristes et neacutecessite de garder une certaine

souplesse

Lrsquointeacuterecirct de ce poste est de faciliter lrsquoaccegraves au

psychologue permettant agrave un public qui nrsquoau-

rait pas forcement fait cette deacutemarche de venir

consulter

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 86

Clocircture de la journeacutee

gt Elodie Sacircles preacutesidente de Psyclihos

Page 87

Clocircture de la journeacutee

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 87

Clocircture de la journeacutee

C ette journeacutee nous a permis de partager

la diversiteacute de nos pratiques La ri-

chesse des interventions nous teacutemoi-

gnent de la vivaciteacute des psychologues hospita-

liers Cest bien la speacutecificiteacute de nos pratiques

qui assure la peacuterenniteacute de nos postes et leur

creacuteation

Jai commenceacute la journeacutee par des remercie-

ments cest ainsi que je vais la clore

Je remercie

le Comiteacute scientifique qui a construit ce pro-

gramme riche et ambitieux qui je lespegravere vous

aura apporteacute de nouvelles ressources

Le Comiteacute drsquoorganisation et les beacuteneacutevoles qui

nous ont reacuteserveacute un accueil souriant et dyna-

mique

Cleacutement ingeacutenieur du son agrave la technique

gracircce agrave qui vous pourrez entendre les interven-

tions de cette journeacutee sur notre site internet

Nous vous demandons donc un peu de pa-

tience avant de pouvoir retrouver les interven-

tions de cette journeacutee sur notre site internet

Nheacutesitez pas agrave nous rejoindre ce qui renforce

toujours notre dynamisme

En vous remerciant de votre preacutesence qui fait

le succegraves de cette journeacutee et nous poussera

qui sait agrave nous retrouver avec notre quart de

siegravecle -)

Dernier deacutetail administratif noubliez pas de

remplir le questionnaire deacutevaluation de la jour-

neacutee et surtout de rendre votre badge en par-

tant Cest important pour nous

Merci agrave tous

Elodie Sacircles preacutesidente de Psyclihos

Retrouvez

toute lrsquoactualiteacute de Psyclihos

les enregistrements des con-

feacuterences ainsi que le journal

des 20 ans

sur notre site internet

wwwpsyclihosorg

BULLETIN DrsquoADHESION

Cotisation annuelle incluant lrsquoabonnement au journal et laccegraves agrave lespace adheacuterent sur notre site

internet

Membres actifs Titulaire 45 euro

Contractuel ou retraiteacute 30 euro

Membres associeacutes Jeune diplocircmeacute lt3ans sans emploi 25 euro

Eacutetudiant (master 1 ou 2) 15 euro

Justificatif obligatoire agrave joindre copie du haut du bulletin de salaire du diplocircme ou du certificat de

scolariteacute

Renseignements concernant lrsquoadheacuterent

Nom

Preacutenom

Adresse personnelle

Teacuteleacutephone

Courriel

Adresse professionnelle (preacuteciser le nom du chef de service)

Teacuteleacutephone

Courriel (pour recevoir nos Bregraveves)

Date et signature

A adresser avec votre chegraveque agrave lordre de Psyclihos agrave

Christine SCHWANSE psychologue

Heacutematologie Adulte - Myosotis 3 Hocircpital Saint Louis

par courrier 1 Avenue Claude Vellefaux ndash 75 010 Paris

Association des Psychologues Cliniciens Hospitaliers de lrsquoAssistance Publique

Hocircpitaux de Paris

Page 4: Les 20 ans de Psyclihos

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 4

Le journal Ndeg18 - Janvier 2012

Sommaire deacutetailleacute

Page

Eacuteditorial 3

Psyclihos 20 ans deacutejagrave

Elodie Sacircles

8

Ecirctre ou ne pas ecirctre neuropsychologue

Annie Kurtz

11

Psychologue clinicien en psychotraumatologie du savoir-faire au savoir-ecirctre

Clara Duchet

15

Aider agrave penser limpensable en oncologie

Anna Elli Pardo

19

Le psychologue entre les lignes des textes officiels

Nadine Labbeacute

24

Titre de psychotheacuterapeute si vous avez manqueacute le deacutebuthellip

Virginie Rocard

32

Psychotheacuterapeute agrave quel titre

Patrice Nomineacute

43

La dimension culturelle dans leacutecoute des patients migrants africains

Jacqueline Faure

50

Psychologue en reacuteanimation peacutediatrique teacutemoignage drsquoune pratique en

eacutevolution

Muriel Derome

60

Seacutejour de vacances quelle place pour le psychologue

Ceacuteline Le Bivic

63

Laccompagnement psychologique par teacuteleacutephone dans les maladies de

Creutzfeldt-Jakob

Marie-Lise Babonneau

69

Parents face agrave linterruption meacutedicale de grossesse des mots en images

Natascia Serbandini

78

Psychologue clinicien aupregraves du personnel missions enjeux limites

Isabelle Fretigny

Elodie Travers

82

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 5

20 ans de Psyclihos

Psychologue agrave lHocircpital

une espegravece agrave proteacuteger

Eacutedito

Psyclihos est une association loi 1901 creacuteeacutee en 1991 pour promouvoir la

psychologie clinique et le rocircle des psychologues agrave lhocircpital

Par ses nombreuses actions agrave lintention de ses adheacuterents et des

psychologues hospitaliers Psyclihos est reconnue comme un relais et un

interlocuteur aupregraves des diffeacuterentes instances

Pour fecircter ses 20 ans Psyclihos organise cette journeacutee ouverte agrave ses

adheacuterents et agrave lrsquoensemble des psychologues de lrsquoAP-HP Elle offrira

loccasion de renforcer les liens professionnels entre collegravegues et de

partager la richesse des approches cliniques

Nous vous proposons de nous rencontrer autour des

theacutematiques suivantes

gt Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie Statut

fonctions quelles compeacutetences

gt Loi HPST titre de psychotheacuterapeutehellip Quels

changements pour le meacutetier de psychologue

gt Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de

nos cliniques

gt Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

DRH AP-HP Centre de la Formation et du

Deacuteveloppement des Compeacutetences - Institut de

Formation des Cadres de Santeacute

En partenariat avec

Comiteacute dorganisation

Catherine Holzmann

Ceacuteline Le Bivic

Ambre Piquard

Elodie Sacircles

Nicole Sense

Comiteacute scientifique

Franccediloise Adriansen

Nadine Labbeacute

Patrice Nomineacute

Elodie Sacircles

Christine Schwanse

Martine Shindo

Benoicirct Verdon

Demandez le programme

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 6

8h30 Accueil des participants

9h-9h30 Ouverture

gt Allocution douverture

Alain Burdet DRH AP-HP

gt Psyclihos 20 ans deacutejagrave

Elodie Sacircles preacutesidente de Psyclihos

9h30 - 11h Ecirctre psychologue ou

faire de la psychologie Statut

fonctions quelles compeacutetences

Modeacuterateur Benoicirct Verdon Universiteacute

Paris Descartes

gt Ecirctre ou ne pas ecirctre neuropsychologue

Annie Kurtz Lariboisiegravere

gt P s y c h o l o g u e c l i n i c i e n e n

psychotraumatologie du savoir-faire

au savoir-ecirctre

Clara Duchet Tenon

gt Aider agrave penser limpensable en

oncologie

Anna Elli Pardo Saint-Louis

11h - 11h30 Pause

11h30 - 13h Loi HPST titre de

psychotheacuterapeutehellip Quels changements

pour le meacutetier de psychologue

Modeacuterateur Franccediloise Adriansen

membre du CA de Psyclihos

gt Le psychologue entre les lignes des

textes officiels

Nadine Labbeacute Cochin

gt Titre de psychotheacuterapeute si vous

avez manqueacute le deacutebuthellip

Virginie Rocard Sainte Peacuterine

gt Psychotheacuterapeute agrave quel titre

Patrice Nomineacute Fernand Widal

13h -14h30 Repas libre

14h30 - 16h Uniteacute dans la diversiteacute

des pratiques transversaliteacute de nos

cliniques

Modeacuterateur Patrice Nomineacute Fernand

Widal

gt La dimension culturelle dans leacutecoute

des patients migrants

Jacqueline Faure Tenon

gt P sycho logue en r eacutean imat i on

peacutediatrique teacutemoignage drsquoune pratique

en eacutevolution

Muriel Derome Raymond Poincareacute

gt Seacutejour de vacances quelle place pour

le psychologue

Ceacuteline Le Bivic Eacutemile Roux

16h - 17h30 Cliniques particuliegraveres

pratiques innovantes

Modeacuterateur Martine Shindo Saint

Louis

gt Laccompagnement psychologique par

teacuteleacutephone dans les maladies de

Creutzfeldt-Jakob

Marie-Lise Babonneau Pitieacute Salpecirctriegravere

gt Parents face agrave linterruption meacutedicale

de grossesse des mots en images

Natascia Serbandini Jean Verdier

gt Psychologue clinicien aupregraves du

personnel missions enjeux limites

Isabelle Fretigny Saint Louis

Le programme de la journeacutee

Demandez le programme

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 7

Ouverture de la journeacutee

gt Allocution douverture

Alain Burdet DRH AP-HP

gt Psyclihos 20 ans deacutejagrave

Elodie Sacircles preacutesidente de Psyclihos

Page 7

Ouverture

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 8

Ouverture de la journeacutee

Psyclihos 20 ans deacutejagrave

Elodie Sacircles preacutesidente de Psyclihos

J e vais commencer par quelques remer-

ciements rapides

En premier lieu vous Monsieur Burdet

vous nous avez fait lhonneur douvrir cette

journeacutee Plus quun honneur votre soutien

nous a eacuteteacute si preacutecieux

Quand nous avions eacutevoqueacute avec vous lideacutee

dune journeacutee anniversaire mais alors de faccedilon

encore lointaine dans nos esprits votre encou-

ragement sans faille degraves lannonce de cette

eacuteventualiteacute nous a donneacute leacutenergie daffronter

lorganisation de cet eacuteveacutenement

Cest pourquoi au nom des membres du con-

seil dadministration des comiteacutes scientifiques

et dorganisation je tiens agrave vous remercier cha-

leureusement de votre soutien et du solide inteacute-

recirct que vous teacutemoignez agrave notre profession

Cet engagement de la Direction des res-

sources Humaines de lAPHP agrave nos cocircteacutes

comme il y a 20 ans nous permet de nous re-

trouver dans ce bel amphi pour partager cette

journeacutee Et nous remercions aussi lInstitut de

Formation des Cadres de Santeacute APHP pour

lefficaciteacute de son aide logistique et de la ges-

tion des inscriptions jusqursquoagrave ce jour et mecircme au

-delagrave

Mes remerciements vont aussi agrave vous tous qui

ecirctes ici aujourdrsquohui Nombre dentre vous nous

connaissent deacutejagrave en tant qursquoadheacuterents actuels

ou passeacutes souvent dune grande fideacuteliteacute au

cours des anneacutees Dautres nous suivent avec

inteacuterecirct sans nous avoir (encore ) rejoints et de

nombreux jeunes collegravegues nous deacutecouvrent

ou ont deacutejagrave deacutecouvert notre site internet

Notre site internet sur lequel vous pouvez

suivre lactualiteacute de notre association nous re-

joindre ou vous inscrire agrave notre infolettre Les-

pace adheacuterent propose de nombreux services

comme les postes agrave pourvoir agrave lAP-HP ou agrave la

FPH qui inteacuteressent tous collegravegues quils soient

titulaires contractuels ou en recherche dem-

ploi Bien eacutevidemment ces services sont reacuteser-

veacutes agrave nos adheacuterents tout comme nos bregraveves

par mail qui vous informent de lactualiteacute et nos

journaux

Degraves sa creacuteation Psyclihos sest donneacute pour

rocircle de teacutemoigner de lrsquoapport de la Psychologie

Clinique agrave lrsquohocircpital et den rsquoaffirmer la preacutesence

Informer communiquer et ecirctre un relais entre

les psychologues eacutechanger non seulement

entre pairs mais ecirctre aussi un interlocuteur

pour linstitution quant agrave notre profession

Lrsquohistoire de lrsquoassociation est intimement lieacutee agrave

celle de notre profession puisque Psyclihos voit

sa naissance en janvier 1991 quelques jours

avant cla parution du deacutecret qui fonde le statut

de psychologue hospitalier

1991 -2011 vingt ans de psychologie agrave lhocircpi-

tal nous y voilagrave

Les 20 ans de Psyclihos ont eacuteteacute loccasion

unique de nous replonger dans les archives de

notre association Nous partageons la richesse

de ce singulier voyage dans le temps dans le

Numeacutero speacutecial 20 ans du journal de Psyclihos

que vous trouverez dans vos pochettes

Il retrace lhistoire de Psyclihos agrave travers celle

de la psychologie agrave lhocircpital en sarrecirctant sur

les grandes dates qui ont jalonneacute le meacutetier de

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 9

Ouverture de la journeacutee

psychologue

1991 le deacutecret portant statut particulier de psy-

chologue hospitalier 1996 le code de deacuteonto-

logie 2003 la deacutecentralisation de gestion au

sein de lAP-HP et les conseacutequences que nous

vivons depuis pour nen citer que quelques

uneshellip

Cette plongeacutee historique loin decirctre nostal-

gique nous permet de rappeler au fil des ar-

ticles parus durant ces deux deacutecennies dans

nos journaux combien lactualiteacute de notre pro-

fession sappuie sur son passeacute Connaicirctre cette

histoire notamment pour nos plus jeunes col-

legravegues nous semble neacutecessaire pour com-

prendre les enjeux qui traversent actuellement

notre profession Il est dailleurs eacutetonnant de

lire combien des articles pourtant anciens gar-

dent toute leur fraicirccheur traitant deacutejagrave de pro-

bleacutematiques qui apparaissent reacutecurrentes ou

abordant des questionnements qui aujourdhui

pourraient sembler novateurshellip

Cest donc autour de quelques grands thegravemes

toujours actuels comme la deacuteontologie des

psychologues la saga des concours sur titres

la Fiche meacutetier la fonction FIR la Psychiatrie

de liaison ou les psychotheacuterapies et la loi que

nous vous invitons agrave plonger dans notre journal

speacutecial

Nous retrouvons aujourdrsquohui certains de ces

sujets dans le programme de cette journeacutee

Il illustre les champs drsquointerventions qui ani-

ment lrsquoassociation depuis sa creacuteation la fonc-

tion de psychologue les changements induits

par la leacutegislation la diversiteacute des pratiques et

les cliniques particuliegravereshellip

Nous souhaitons pouvoir teacutemoigner de la ri-

chesse et de la diversiteacute des pratiques des psy-

chologues cliniciens agrave lhocircpital Bien sucircr en 20

ans la place des psychologues hospitaliers a

eacutevolueacute leur nombre aussi La varieacuteteacute des inter-

ventions teacutemoigne de la richesse des champs

dexercice possibles parfois insoupccedilonneacutes au

sein de notre institution quest lAP-HP

Derriegravere un titre un peu provocateur nous sou-

haitons vous mobiliser dans lancrage toujours

neacutecessaire de notre profession au sein de

lAPHP Le cadre de notre exercice est toujours

fragile voire mis agrave mal En ces temps heurteacutes

et parfois incertains nous espeacuterons pouvoir

partager notre eacutenergie pour proteacuteger notre

exercice si particulier Ecirctre psychologue agrave lhocirc-

pital cest bien sucircr ecirctre agrave la rencontre des pa-

tients et de leurs proches dans leurs singulari-

teacutes mais aussi des eacutequipes soignantes sans

oublier la participation agrave la vie institutionnelle

comme ce sera abordeacute dans les diffeacuterentes in-

terventions que vous allez entendre aujour-

dhui

Sans plus attendre nous ceacutedons la place agrave la

premiegravere session de la matineacutee dans le vif du

sujet ecirctre psychologue ou faire de la psycho-

logie statut fonctions quelles compeacute-

tences modeacutereacutee par Benoicirct Verdon long-

temps psychologue hospitalier maintenant au

sein de lUniversiteacute

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 10

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

Modeacuterateur Benoicirct Verdon Universiteacute Paris Descartes

gt Ecirctre ou ne pas ecirctre neuropsychologue

Annie Kurtz Hocircpital Lariboisiegravere Page 11

gt Psychologue clinicien en psychotrauma-

tologie du savoir-faire au savoir-ecirctre

Clara Duchet Hocircpital Tenon Page 15

gt Aider agrave penser limpensable en oncologie

Anna Elli Pardo Hocircpital Saint-Louis Page 19

Ecirctre psychologue ou faire de la

psychologie

Statut fonctions quelles compeacutetences

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 11

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

Ecirctre ou ne pas ecirctre neuropsychologue

Neuropsychologue une espegravece nouvelle Plus reacutesistante

Mieux adapteacutee agrave la vie hospitaliegravere ou aux institutions

Plus respecteacutee des meacutedecins prescripteurs

Annie Kurtz

Service de Neurologie Hocircpital Lariboisiegravere

La reacutealiteacute objective drsquoune atteinte ceacutereacutebrale agrave

lrsquoorigine des troubles preacutesenteacutes par le patient

ne doit jamais occulter le fait drsquoune histoire

drsquoun eacutequilibre psychique et drsquoune individualiteacute

malmeneacutee

Charte des CPCN - Collegraveges des Psycho-

logues Cliniciens speacutecialiseacutes en Neuropsycho-

logie

J rsquoai bien imprudemment accepteacute il y a

quelques mois de prendre la parole pour

ceacuteleacutebrer les 20 ans de lrsquoassociation Psy-

clihos De plus jrsquoai accepteacute de vous faire parta-

ger mes reacuteflexions sur la place du psychologue

dans le champ de la santeacute et cerise sur le gacirc-

teau pour la deacutefense et lrsquoillustration de la neu-

ropsychologie clinique

Mon propos nrsquoest pas de poleacutemiquer mais de

reacutefleacutechir ensemble aux charmes et aux dangers

que repreacutesente le terme de

neuropsychologue si priseacute par certains ac-

tuellement

La preacutesence de psychologues au sein des ser-

vices hospitaliers est ancienne ils ou elles as-

surent agrave la fois le travail de bilan et celui de

soutien aupregraves des patients Mais le genre

neuropsychologue nrsquoexiste que depuis peu

Le terme neuropsychologue seacuteduit beaucoup

les jeunes collegravegues et mecircme certains para-

meacutedicaux comme les orthophonistes les ergo-

theacuterapeutes et mecircme quelques kineacutesitheacutera-

peutes Nombreux sont ceux dans le champ de

la neuropsychologie qui revendique le label

de neuropsychologues Depuis quelques an-

neacutees les lettres de motivation qui accompa-

gnent les demandes de stages srsquoadressent agrave la

neuropsychologue que je suis censeacutee ecirctre et

les candidates et candidats deacuteclarent leur

passion pour le meacutetier de

neuropsychologue Et je mrsquointerroge sur cette

ferveur

Quelle deacutefinition de la neuropsychologie pou-

vons-nous faire nocirctre Il y a 10 ans en mars

2001 le Collegravege des Psychologues Cliniciens

speacutecialiseacutes en Neuropsychologie (CPCN) pour

les Eacutetats Geacuteneacuteraux de la Psychologie deacutefinis-

sait ainsi la neuropsychologie

La neuropsychologie est la discipline qui traite

des relations entre les processus mentaux

sous-tendant le raisonnement lrsquoattention la

meacutemoire la perception les gnosies les

praxies le langage le comportement eacutemotion-

nel et lrsquoactiviteacute du cerveau Lors des leacutesions ceacute-

reacutebrales les conseacutequences concerneront agrave la

fois lrsquoefficience de la cognition et lrsquoadaptabiliteacute

des conduites de lrsquoindividu Cette neacutecessaire

appreacuteciation analytique et syntheacutetique du psy-

chisme humain caracteacuterise lrsquoapproche neurop-

sychologique

La neuropsychologie est un champ multidisci-

plinaire ougrave se retrouvent diffeacuterents meacutetiers et

les zones de recouvrement peuvent ecirctre larges

pour certains Je milite aujourdrsquohui pour deacute-

fendre le fait qursquoun bilan reacutealiseacute par un psycho-

logue mecircme si les tests utiliseacutes par drsquoautres

intervenants sont identiques reste un bilan dif-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 12

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

feacuterent Ce travail drsquoanalyse et synthegravese rappe-

leacute dans la deacutefinition citeacutee fonde la totaliteacute de

nos pratiques en neuropsychologie

Lrsquoacte le plus freacutequent est le bilan bilan pour

plaintes mneacutesiques diagnostic diffeacuterentiel entre

deacutepression et maladie neurodeacutegeacuteneacuterative seacute-

quelles drsquoaccident vasculaire seacutequelles de

traumatisme cracircnien et nous intervenons eacutega-

lement dans le suivi et la reacutehabilitation dans les

services de soins de suite Mecircme dans le cadre

drsquoune eacutevaluation en vue drsquoune reacuteeacuteducation

nous savons devoir tenir compte des mouve-

ments psychiques agrave lrsquoœuvre dans tout individu

et qui vont peser sur ce travail

Notre code de deacuteontologie speacutecifie que le res-

pect de la vie psychique fonde notre action ce

respect de la vie psychique tout au long de nos

anneacutees drsquoeacutetudes nous avons eacuteteacute formeacutes agrave y

porter une attention toute particuliegravere Nos ac-

quis nos savoirs modifient notre approche

Quel peut ecirctre le sens pour un ou une psycho-

logue agrave vouloir changer de nom

Nrsquoest-ce pas alors en gardant notre position de

psychologue et donc aussi clinicien que nos

actions prennent sens dans la prise en soin

des patients

Ce que je redoute le plus est que cette appella-

tion neuropsychologue ne confine les psycho-

logues dans un exercice limiteacute agrave la passation

des tests et au traitement des chiffres qui en

reacutesultent Comme si le neuropsychologue ne

devait mettre en œuvre aucun savoir clinique Il

est vrai que la formation donneacutee par lrsquouniversiteacute

conditionne en partie nos pratiques et cer-

taines universiteacutes ne semblent plus accorder

de place agrave la structure de la personnaliteacute ni aux

aspects thymiques dans leur master de neu-

ropsychologie Replacer le patient dans son

histoire reste primordial quels que soient les

avatars neurologiques

Qursquoavons-nous agrave gagner en devenant

neuropsychologue

Les offres drsquoemploi sont nombreuses et les

jeunes diplocircmeacutes ne restent pas longtemps

sans emploi Les meacutedecins psychiatres neu-

rologues ou geacuteriatres avec qui nous collabo-

rons veulent travailler avec des

neuropsychologues Le risque me paraicirct

grand qursquoils recherchent essentiellement des

testeurs pour leurs publications ou leurs con-

sultations Dans les recherches il srsquoagit pour

des collegravegues formeacutes agrave la psychologie pendant

au moins 4 ans puis speacutecialiseacutes en deuxiegraveme

anneacutee de Master cest-agrave-dire apregraves 5 anneacutees

drsquoeacutetudes drsquoappliquer des protocoles de test

dont ils nrsquoont mecircme pas eu la possibiliteacute de dis-

cuter le contenu et le choix des outils (Les

textes nous reconnaissent pourtant la liberteacute du

choix de nos outils)

La pratique de la neuropsychologie peut ecirctre

passionnante agrave condition de ne pas ecirctre ins-

trumentaliseacutee par les meacutedecins En preacuteparant

mon intervention il mrsquoest apparu que je pour-

rais citer comme eacutetude de cas nombre de si-

tuations de souffrance de nos collegravegues dans

les institutions Je pourrais vous preacutesenter des

vignettes cliniques ougrave les psychologues se

mettent en danger en srsquoenfermant dans cette

appellation qui convient si bien agrave nos collegravegues

drsquoautres disciplines et agrave nos employeurs Dans

les consultations meacutemoire la place faite aux

neuropsychologues peut ecirctre tregraves diffeacuterente

suivant les attentes et les projets de leurs par-

tenaires meacutedicaux ou institutionnels et parfois

ces exigences entraicircnent une veacuteritable souf-

france pour nos collegravegues Peut-on exercer son

savoir-faire et son savoir ecirctre de psychologue

quand on attend de nous de recevoir 4 ou 6

patients par jour Ces bilans TGV laissent peu

de place agrave lrsquointersubjectiviteacute du psychologue et

du patient alors que dans drsquoautres lieux lrsquoeacuteva-

luation peut respecter la singulariteacute du patient

de sa famille et la deacuteontologie du psychologue

Il y a des temps dans la pratique drsquoun bilan

neuropsychologique qui restent des temps cli-

niques Avant drsquoentreprendre un bilan le psy-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 13

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

chologue speacutecialiseacute en neuropsychologie

comme tous les psychologues doit pouvoir in-

terroger la demande de qui vient cette de-

mande le patient le meacutedecin ou la famille et

qursquoen attendent ces diffeacuterents partenaires

Comment cet examen srsquoinscrit-il dans le projet

theacuterapeutique

Lrsquoentretien preacuteliminaire ne consiste pas agrave re-

prendre lrsquoanamnegravese au sens meacutedical histoire

de la maladie mais au sens psychologique

entendre lrsquohistoire drsquoun sujet Comme lrsquoa eacutecrit

Emmanuelle Truong-Minh actuelle preacutesidente

du CPCN agrave propos de ce temps drsquoun bilan

Inscrite dans la relation porteacutee par le langage

crsquoest cette preacutesence agrave lrsquoautre qui fonde notre

action Dans le temps de la consultation que je

reacutealise un entretien que je propose des tests

que JE parle ou que JE eacutecoute je suis lagrave au

moins lagrave de maniegravere absolue et entiegravere Pour

la personne agrave mon sens il nrsquoest rien de plus

preacutecieux que lrsquoeacutetablissement de cette relation

clinique Car ces instants ougrave lrsquoobjectivation de

difficulteacutes qursquoelles soient psychopathologiques

ou neuropsychologiques risque drsquoadvenir sont

fondamentaux dans le parcours de vie le par-

cours de santeacute et le parcours de la maladie de

la personne Pouvoir prendre appui sur cette

relation permet la mise en perspective des diffi-

culteacutes permet de supporter le traumatisme

psychique eacuteventuel permet de srsquoeacutecrouler peut-

ecirctre sans ecirctre seul

Je me souviens drsquoun patient qui mrsquoa eacuteteacute adres-

seacute pour plaintes mneacutesiques et eacuteventuelles seacute-

quelles drsquoun AIT Ce monsieur de 60 ans eacutetait

marieacute pegravere de 3 enfants cadre dirigeant dans

une entreprise A la suite de son accident

ischeacutemique transitoire il avait le sentiment de

ne plus pouvoir faire face agrave ses obligations pro-

fessionnelles Sa vie professionnelle eacutetait para-

siteacutee par le danger de voir ses difficulteacutes cons-

tateacutees par les autres surtout par son respon-

sable hieacuterarchique Degraves le deacutebut de lrsquoentretien

il semblait eacuteprouver une certaine inhibition an-

xieuse son expression spontaneacutee restait fac-

tuelle et retenue Apregraves quelques eacutepreuves

drsquoattention et de meacutemoire sans reacutesultat patho-

logique je mrsquoautorisai agrave abandonner les

eacutepreuves pour poursuivre lrsquoentretien au cours

duquel jrsquoappris que la veille il avait accompa-

gneacute sa megravere contre son greacute dans une institu-

tion pour patients souffrant de maladie

drsquoAlzheimer Alors qursquoil a des fregraveres et sœurs il

avait eacuteteacute seul agrave faire cette deacutemarche contraint

et forceacute par la santeacute chancelante de son

eacutepouse atteinte drsquoun cancer du seinhellip quand

jrsquoeacutevoque avec lui la possibiliteacute drsquoaller en parler

avec un psy il me dit y avoir deacutejagrave penseacute mais

renonceacute parce qursquoil avait peur de srsquoeffondrer

Nous avons la responsabiliteacute de notre bilan

mais nous ne pouvons deacutelivrer un diagnostic

(crsquoest de la compeacutetence du meacutedecin) pourtant

lrsquoentretien dit de restitution est un temps

drsquoeacutechange privileacutegieacute qui rend au patient sa

place de sujet mais ce temps-lagrave prend du

temps et on ne nous le donne pas toujours

Le temps de lrsquoexamen psychologique nrsquoest pas

celui des examens compleacutementaires prescrits

par les meacutedecins On sait bien qursquoil est toujours

utile de faire preacuteciser la demande de refuser

de tester Monsieur X ou Y on teste une hy-

pothegravese pas un individu de dire non parfois

parce qursquoon sait qursquoon ne reacutepondra pas agrave la

question ou parce que les conditions de lrsquoexa-

men ne respectent pas le patient ou notre auto-

nomie professionnelle Le questionnement sur

lrsquoobjet de la demande est dans le champ de

compeacutetence des psychologues nous avons eacuteteacute

formeacutes agrave ce travail La demande des meacutedecins

de lrsquoeacutequipe du patient ou de sa famille doit ecirctre

analyseacutee

Peut-on imaginer que se faire connaicirctre

comme neuropsychologue lorsqursquoon est psy-

chologue serait un moyen drsquoeacutechapper agrave la diffi-

culteacute de maintenir notre position singuliegravere

dans le monde de la santeacute

Certes la pratique de la neuropsychologie re-

quiert des connaissances sur le fonctionne-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 14

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

ment du cerveau sur les troubles cognitifs as-

socieacutes aux leacutesions ceacutereacutebrales sur la significa-

tion des localisations anatomo-cliniques et ce

travail permanent de reacuteflexion et drsquoeacutechange

avec les autres intervenants dans la prise en

charge drsquoun patient est enrichissante et parfois

passionnante comme peuvent lrsquoexprimer les

lettres de motivation des demandes de stages

Mais pratiqueacutee par des psychologues elle pour

reste un lieu privileacutegieacute ougrave la parole du patient

peut ecirctre entendue pas seulement sur ses

troubles ou ses capaciteacutes preacuteserveacutees mais sur

ce qursquoil comprend de ce qui lui arrive sur son

ressenti et le psychologue est preacutesent pour

lrsquoaccompagner dans ce nouveau travail psy-

chique Ecirctre speacutecialiseacute en neuropsychologie

est une position exigeante comme pour

chaque psychologue crsquoest lrsquoabsolue neacutecessiteacute

drsquoactualiser nos connaissances sur les patholo-

gies les nouveaux outils mais crsquoest aussi

prendre le risque de partager nos doutes sur

notre approche drsquoun patient dont on prend en

compte lrsquohistoire le contexte affectif social

professionnel Crsquoest une tacircche difficile que

drsquoessayer drsquoaborder un patient dans sa globali-

teacute et pas seulement sur ses troubles cognitifs

Personnellement je ne suis jamais sucircre drsquoavoir

bien analyseacute lrsquoensemble des eacuteleacutements que le

patient me permet drsquoappreacutehender jrsquoai la

chance de ne pas ecirctre seule dans mon service

et de pouvoir partager mes doutes avec mes

collegravegues

Enfin le terme neuropsychologue peut repreacute-

senter une menace pour le corps des psycho-

logues

Nous expeacuterimentons chaque jour la difficulteacute agrave

deacutefendre notre place de psychologue On nous

reproche notre image floue drsquoecirctre des

eacutelectrons libres dans les services drsquoecirctre des

produits de luxe sans nomenclature de nos

activiteacutes (si ce nrsquoest dans la CCAM qui ne con-

cerne que les meacutedecins) Le texte qui eacuteclaire

notre champ drsquoactiviteacute le seul qui ait une valeur

leacutegale est celui de 1985 qui deacutefinit notre statut

et nous savons bien combien lrsquoincitation au res-

pect de ce texte est une tacircche reacutecurrente pour

nous Jrsquoai commenceacute agrave travailler agrave lrsquoAP-HP en

1971 la publication de ce texte puis des circu-

laires de 1991 ont repreacutesenteacute un moment drsquoes-

poir mais jrsquoai appris tout au long de mes an-

neacutees drsquoexpeacuterience que ce travail drsquoexplicitation

de ce qursquoest un psychologue nrsquoa pas de fin

Parfois la confusion qui regravegne dans lrsquoesprit de

nos employeurs les arrangent bien pour

exemple des postes de neuropsychologues

animateurs offerts dans les EPHAD Parfois

cette confusion est sincegravere tel nouveau chef

de service qui travaille depuis de longues an-

neacutees avec des psychologues et qui reccediloit de la

DRH un rappel sur le temps FIR et qui srsquoeacutetonne

de son contenuhellip

Notre code de deacuteontologie est une reacutefeacuterence

indispensable pour nous mais nrsquoest toujours

pas un texte opposable agrave un employeur

Ces textes ont eacuteteacute eacutecrits pour les psycho-

logues ce sont des repegraveres pour les psycho-

logues Il a existeacute un mouvement qui souhaitait

diffeacuterencier les psychologues et les neuropsy-

chologues avec la volonteacute drsquoobtenir un statut agrave

part Quand on connaicirct la difficulteacute drsquoune recon-

naissance leacutegale la fragiliteacute du corps des psy-

chologues toujours precirct agrave se morceler en cen-

taines drsquoassociationshellip on peut se demander si

le meacutetier de psychologue nrsquoest pas effective-

ment en danger et se revendiquer neuropsy-

chologue peacutedopsychologue comme le laisse

entendre lrsquoactuelle fiche meacutetier nous expose

encore plus hellip (heureusement cette fiche doit

ecirctre remplaceacutee en 2012)

Notre seule protection repose sur les textes de

loi qui deacutefinissent le titre de psychologue il nrsquoy

a pas de titre de neuropsychologue ni de titre

de psychologue clinicien et ce nrsquoest pas lrsquoaven-

ture du titre de psychotheacuterapeute ni les travaux

en cours agrave la DGOS qui doivent nous rassu-

rerhellip

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 15

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

Psychologue clinicien en psychotraumatologie

du savoir-faire au savoir-ecirctre

Clara Duchet Hocircpital Tenon Universiteacute Paris Descartes

E n 1997 un deacutecret du ministegravere de la

Santeacute creacutee le reacuteseau des CUMP

(Cellules dUrgence Meacutedico-

Psychologique) propulsant des psychologues

cliniciens sur le terrain de lurgence aux cocircteacutes

de meacutedecins psychiatres et de parameacutedicaux

De nouvelles missions soffrent agrave ces profes-

sionnels peu formeacutes au deacutepart pour intervenir

dans ces contextes de catastrophes collectives

(accidents agrave retentissement majeur catas-

trophes naturelles guerres terrorisme etc)

Peu agrave peu des reacuteflexions et groupes de travail

speacutecifiques se creacuteent (au sein notamment de

lAFORCUMP - Association de recherche et de

formation des CUMP) afin de mieux deacutefinir les

fonctions et les compeacutetences de chacun dans

ce domaine bientocirct nommeacute

psychotraumatologie Cette nouvelle cli-

nique (dans sa forme institutionnelle et dans

sa dimension traumatique en situations

extrecircmes) a souleveacute de nombreux deacutebats

passionneacutes agrave propos de la leacutegitimeacute ou non de

lintervention de terrain (sur les sites et aux

abords des catastrophes) Cependant il sagira

plutocirct de discuter ici de la speacutecialisation eacuteven-

tuellement neacutecessaire des psychologues dans

ce domaine - du cocircteacute du savoir-faire - comme

des retrouvailles avec une position de clinicien

classique - du cocircteacute du savoir-ecirctre et de la

subjectivation

Agrave lrsquoheure ougrave se multipliaient donc diffeacuterentes

formes de violence et notamment au moment

de lrsquoeacutepoque terroriste parisienne (attentats

meacutediatiseacutes St Michel Port-Royal 1995-1996)

les psychologues ont vu leur champ drsquoaction et

leurs fonctions srsquoeacutelargir des nouvelles mis-

sions et nouvelles structures se deacuteveloppaient

pour venir au secours des victimes agrave la de-

mande de nos gouvernants et de psychiatres

militaires expeacuterimenteacutes dans ce domainehellip Jrsquoai

eu la chance de participer agrave ce processus degraves

le deacutebut et tregraves rapidement je me suis poseacutee

des questions sur ces interventions qui mrsquoap-

paraissaient pour ainsi dire hors cadre

Hors cadre parce que dans lrsquourgence

Hors cadre parce que nombre drsquointerventions

avaient lieu sur le terrain peu apregraves la catas-

trophe loin du confort du cabinet ou de lrsquohocircpi-

tal

Je me souviens agrave lrsquoeacutepoque mrsquoecirctre rueacutee sur le

code de deacuteontologie en vigueur depuis le 22

mars 1996 et me rassurer en lisant

La mission fondamentale du psychologue est

de faire reconnaicirctre et respecter la personne

dans sa dimension psychique Son activiteacute

porte sur la composante psychique des indivi-

dus consideacutereacutes isoleacutement ou collectivement

Oufhellip nous nrsquoeacutetions donc pas compleacutetement

hors-cadrehellip cependant je nrsquoavais pas vrai-

ment appris agrave travailler sur les bancs de la fac

Sans la demande du patient (mecircme pour lrsquoen-

fant le parent eacutetait demandeur sinon lrsquoinstitu-

tion scolairehellip)

Sans un cadre institutionnel classique

Et certainement pas en prise directe avec la

reacutealiteacute drsquoun eacuteveacutenementhellip

Quelques options universitaires tout de mecircme

assureacutees par des enseignants ayant participeacute agrave

des missions humanitaires mrsquoavaient deacutejagrave per-

mis drsquointerroger des dispositifs de soins hors

norme

Dans nos deacutebuts jrsquoai donc co-animeacute un groupe

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 16

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

de travail destineacute speacutecifiquement aux

psychologues pour reacutefleacutechir agrave notre pratique

Voici comment nous nous repreacutesentions alors

les choses

Nouvelles missionshellip = hellip nouvelles compeacute-

tences Ce que jrsquoai nommeacute dans mon introduc-

tion savoir-faire

1 NOUVELLES COMPEacuteTENCES REQUISES

ndash DU COcircTEacute DU SAVOIR-FAIRE

Lors des soins immeacutediats ou

defusing (cagraved sur le terrain dans les

heures qui suivent lrsquoattentat la catastrophe

naturelle la prise drsquootages lrsquoaccident col-

lectif etc)

Le psychologue doit reconstruire un cadre en

fonction de la situation qui se preacutesente agrave lui

crsquoest-agrave-dire en labsence de cadre deacutefini

(configuration du lieu dureacutee de la mission

nombre de sujets agrave prendre en charge etc

sont inconnus agrave lrsquoavance) Ceci neacutecessite de sa

part une capaciteacute dadaptation une souplesse

psychique dans son intervention ainsi qursquoun

cadre theacuteorique interne solide pour ne pas ceacute-

der nous mecircme agrave la panique ou au deacuteborde-

ment eacutemotionnel Le cadre theacuteorique solide

renvoyait surtout pour nous aux eacutecrits sur le

traumatisme et agrave ce qursquoon appelait alors la

victimologie

Pour illustrer ce propos je peux vous parler

drsquoune mission effectueacutee agrave Pointe Noire au Con-

go lorsque nous eacutetions chargeacutes avec un psy-

chiatre militaire de lrsquoeacutevaluation psychopatholo-

gique des ressortissants franccedilais en pleine

guerre civile (octobre 1997) Nous avons effec-

tivement ducirc nous adapter agrave lrsquoabsence de cadre

rassurant dans le sens ougrave nos deacuteplacements

eacutetaient extrecircmement limiteacutes en raison du con-

texte drsquoinseacutecuriteacute permanente marqueacute par des

tirs quotidiens drsquoarmes automatiques Il srsquoagis-

sait eacutegalement drsquoinventer des lieux de consulta-

tions et des modes drsquoapproches originaux pour

cette population bien souvent cloicirctreacutee dans les

appartements deacutevasteacutes par les milices armeacutees

Mais je souhaite citer drsquoautres situations moins

exceptionnelles afin de vous montrer agrave quel

point le psychologue dans ce travail drsquourgence

peut ecirctre ameneacute agrave reacutealiser des entretiens dans

des lieux inhabituels voire insolites comme agrave

bord drsquoun avion lorsque nous avons proceacutedeacute au

rapatriement des victimes du crash drsquoavion du

Seacuteneacutegal (en feacutevrier 1997) ou dans un car lors-

que nous avons accompagneacute les familles des

enfants victimes de lrsquoavalanche des Orres ou

encore dans un aeacuteroport lors de lrsquoaccueil de

populations reacutefugieacutees (du Congo ou du Kosso-

vo) ou dans une citeacute universitaire pour la prise

en charge des victimes drsquoattentats etc

Ici le psychologue doit ecirctre precirct agrave aller vers les

victimes sans attendre une demande de leur

part (drsquoautant plus que les personnes sont sou-

vent en eacutetat de choc de confusion de sideacutera-

tion etc) Alors rappelons-le que notre forma-

tion nous apprend plutocirct agrave travailler avec la de-

mande du patient comme principe inheacuterent agrave

la rencontre theacuterapeutique

Ensuite le psychologue est ameneacute agrave srsquointerro-

ger sur la position de neutraliteacute bienveillante

Alors que neutraliteacute signifie ne pas eacutemettre de

jugements de critiques de deacutesapprobation

nous voyons comment dans lrsquourgence le clini-

cien peut (je dirais mecircme doit) juger de lrsquoadap-

tation drsquoun comportement par exemple quitte agrave

deacutecider drsquoune hospitalisation ou drsquoun rapatrie-

ment En effet le psychologue doit savoir repeacute-

rer et informer les victimes des symptocircmes

psychopathologiques eacuteventuels favoriser la

demande de prise en charge theacuterapeutique ul-

teacuterieure si besoin est repeacuterer et orienter les

personnes les plus fragiles en faisant bien la

distinction entre eacutetat de stress aigu et entreacutee

potentielle dans une pathologie traumatique

Mecircme si ces fonctions de diagnostic drsquoeacutevalua-

tion drsquoorientation existent dans le cadre de

notre profession celles qui visent agrave informer agrave

lrsquoavance et agrave preacutevenir relegravevent habituellement

plutocirct de la speacutecificiteacute meacutedicale

Par ailleurs sur le terrain la position et latti-

tude du psychologue sont encore une fois un

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 17

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

peu particuliegraveres pour lui puisqursquoil doit assurer

une preacutesence rassurante contenante (voire

maternante au sens de Winnicott) apporter de

la chaleur et de lhumaniteacute Lrsquointervention drsquour-

gence se situe du cocircteacute du holding Ferenczi

en charge des soldats en prise avec des neacute-

vroses de guerre soulignait deacutejagrave ce pheacuteno-

megravene de reacutegression des patients les faisant re-

venir agrave un stade archaiumlque (en proie agrave des an-

goisses violentes et massives de destruction

morcellementhellip) et agrave des comportements in-

fantiles (ne plus savoir marcher perdre son

autonomie pour les besoins de la vie quoti-

dienne etc) Ici le traumatisme est externe et

agit par effraction physique et psychique deacute-

sorganisant les modaliteacutes deacutefensives habi-

tuelles On dit aussi que le traumatisme est en-

treacute par tous les pores de la peau et envahit

tous les sens (visuels olfactifs auditifs etc) Il

srsquoagit alors pour le psychologue drsquoexercer une

veacuteritable fonction de pare-excitation

drsquoenveloppe protectrice (Au sens de D Winni-

cott et de D Anzieu) fonction qui peut srsquoac-

compagner de gestes apaisants

Travailler dans ce type de dispositif ne srsquoimpro-

vise pashellip Ainsi le psychologue doit avoir reccedilu

une formation speacutecifique A lrsquoappui un nouvel

Extrait du code de deacuteontologie des psycho-

logues chapitre compeacutetences

Le psychologue tient ses compeacutetences de

connaissances theacuteoriques reacuteguliegraverement mises

agrave jour drsquoune formation continue et drsquoune forma-

tion agrave discerner son implication professionnelle

dans la compreacutehension drsquoautrui

Pour notre domaine drsquointervention la for-

mation porte avant tout sur

1 La clinique traumatique la symptomatologie

de la neacutevrose traumatique de lrsquoESPT mais

aussi de tous les eacutetats de deacutesorganisa-

tion aigus des comportements de panique col-

lective etc elle porte eacutegalement sur le fonc-

tionnement psychique entraveacute par le trauma

donnant lieu agrave des reacuteameacutenagements transi-

toires parfois tregraves eacuteloigneacutes drsquoune clinique clas-

sique

2 La dynamique de groupe un groupe pris

dans une catastrophe repreacutesente une enve-

loppe psychique groupale qui elle-mecircme peut

se trouver effracteacutee par la violence de lrsquoeacuteveacutene-

ment le collectif est alors briseacute et ne pourra

plus fonctionner comme avanthellip Que la prise

en charge soit groupale ou bien mecircme indivi-

duelle il est fondamental drsquoecirctre au clair avec

ces concepts de la clinique groupale

Nous venons de pointer les principales con-

naissances et compeacutetences neacutecessaires au

psychologue qui intervient dans lrsquourgence ou

dans des dispositifs de soins exceptionnels mis

en place suite agrave des eacuteveacutenements qui sortent de

lrsquoordinairehellip pour autant ce savoir-faire nrsquoa de

sens que srsquoil srsquoarticule avec un savoir-ecirctre

propre agrave la fonction habituelle du psychologue

2 LORSQUE LE SAVOIR-FAIRE REJOINT

LE SAVOIR-EcircTRE

Je poursuis ma lecture du code de deacuteontologie

(chapitre compeacutetences) le psychologue est

garant de ses qualifications particuliegraveres et deacute-

finit ses limites propres compte tenu de sa for-

mation et de son expeacuterience Il refuse toute in-

tervention lorsqursquoil sait ne pas avoir les compeacute-

tences requises Ainsi il doit savoir sil peut

assurer un soin immeacutediat dans lrsquourgence ou srsquoil

doit refuser ce type de mission en fonction de

ses limites personnelles et professionnelles de

sa vulneacuterabiliteacute (changeante au fil du temps et

de son histoire personnelle) de ses projections

eacuteventuelles

Il est inviteacute eacutegalement agrave repeacuterer et agrave connaicirctre

ses propres reacuteactions psychiques agrave leacutecoute de

ce type de patients de ce qui tient parfois de

lintoleacuterable savoir ou apprendre agrave repeacuterer

ses limites personnelles ses propres fan-

tasmes de sauveur ou ses mouvements

drsquoidentification agrave la victime crsquoest agrave dire ses

propres eacutelans contre-transfeacuterentiels Ces con-

naissances restent largement favoriseacutees par un

travail personnel au cours duquel le psycho-

logue a appris agrave ecirctre eacutecouteacute et par la mise en

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 18

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

place de supervision reacuteguliegravere

Dans le cadre de lrsquourgence meacutedico-

psychologique le psychologue est le seul agrave de-

voir se passer drsquoinstrument (pas de mateacuteriel

meacutedical ni de theacuterapeutique meacutedicamenteuse

ou encore de mateacuteriel technique reacuteserveacutes aux

meacutedecins infirmiers secouristes etc) De ce

fait comme lrsquoexprime Colette Chiland il devient

son propre instrument celui qui permet de

comprendre et drsquointervenir agrave mains nues

Lrsquooriginaliteacute de sa formation vient du travail sur

soi que le clinicien a effectueacute pour acqueacuterir

une certaine maicirctrise de lui-mecircme comme ins-

trument Autrement dit ce que le psychologue

met au service de lrsquoautre ce ne sont pas seule-

ment ses connaissances mais aussi son appa-

reil psychique sa psycheacute son fonctionnement

sa capaciteacute de ressentir de comprendre et

drsquoeacutelaborer Le savoir du clinicien devient un sa-

voir vivant incarneacute ougrave il paie de sa personne

Crsquoest principalement cette position qui le dis-

tingue drsquoun autre intervenant

Dans la clinique du traumatisme il est fonda-

mental de prendre conscience de ce qursquoon

eacuteprouve lors de lrsquoeacutecoute drsquoun blesseacute psychique

aux prises avec des pheacutenomegravenes drsquoeffractions

internes afin de ne pas ecirctre gouverneacute par des

reacuteactions non controcircleacutees dans la compreacutehen-

sion du patient et dans la reacuteponse qursquoon lui

donnera Nous voyons comment cette eacutecoute

ne peut se contenter drsquoun savoir plaqueacute elle

doit ecirctre au contraire un travail actif qui permet

des allers ndash retours entre probleacutematique per-

sonnelle et ressenti du patient sans que cette

premiegravere nrsquointerfegravere de maniegravere neacutegative Et

crsquoest bien en restant sensible et en acceptant

de le rester dans les limites que nous venons

de fixer que le sujet se sentira libre drsquoexprimer

eacutemotions penseacutees honteuses sentiments de

culpabiliteacute et drsquohumiliation inheacuterents agrave la dyna-

mique traumatique

Enfin nous le savons bien lrsquoeacutecoute srsquoexerce

dans un double registre ce qui est dit et ce qui

nrsquoest pas dit le contenu manifeste et le conte-

nu latent Ces dimensions concernent tout au-

tant le clinicien qui doit savoir se taire pour lais-

ser lrsquoautre parler et parler pour lui faciliter la pa-

role Dans notre contexte drsquourgence meacutedico-

psychologique le psychologue doit eacutegalement

chercher agrave eacutetablir petit agrave petit et degraves que pos-

sible une distinction entre fantasmes

(individuels) et eacuteveacutenements reacuteels (veacutecus par

tous) pour diffeacuterencier angoisse interne

(subjective) et peur (objective) des objets ex-

ternes

Il est ainsi un passeur agrave ce moment de frac-

ture dans lrsquohistoire du sujet Il fait alors le lien

entre le passeacute la bregraveche traumatique et la

reconstruction agrave venir

EN CONCLUSION

Dans un contexte hors du commun puisque

hors cadre et souvent hors demande il me

paraicirct essentiel de garder nos re-

pegraveres classiques de psychologue clinicien

Soulignons que nous restons pour le patient un

psychologue supposeacute savoir Dans cette cli-

nique deacuteroutante et violente bien entendu le

cadre interne tapisseacute de connaissances speacuteci-

fiques devient opeacuterant et garant de notre pro-

fessionnalisme Nous voyons finalement agrave quel

point la speacutecialisation est en partie incontour-

nable (mais comme pour tout autre type de cli-

nique les soins psychiques aupregraves de sujets

deacutependants en fin de vie de patients psycho-

tiques de nourrissons de familles de sans-

logishellip ne srsquoimprovisent pas drsquoavantage) sans

nous faire perdre de vue le socle de formation

commun qui nous reacuteunit et met en exergue la

speacutecificiteacute du Psychologue qui se caracteacuterise

bien par son orientation vers lrsquoeacutecoute qui prend

sens eacutecoute drsquoune parole drsquoun trajet drsquoune

rupture dans la continuiteacute discours drsquoun sujet

agent de son propre destin

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 19

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

Aider agrave penser limpensable en oncologie

Anna Elli Pardo Oncologie meacutedicale Hocircpital Saint-Louis

J ai commenceacute agrave travailler agrave lhocircpital

comme psychologue en oncologie agrave la fin

des anneacutees 80

Le contexte eacutetait diffeacuterent de maintenant

Deux choses mavaient beaucoup marqueacutee et

interpelleacutee

- le manque de prise en charge de la douleur

- lattitude qui consiste agrave cacher la maladie et

sa graviteacute aux patients

La douleur neacutetait pas une cible de laction theacute-

rapeutique elle avait une valeur diagnostique

supposeacutee sameacuteliorer avec les traitements de

la maladie sans une attention particuliegravere agrave son

traitement (1)

Le meacutedecin eacutetait perccedilu comme deacutetenteur dune

veacuteriteacute qui faisait loi

Voilagrave quelques propos quil neacutetait pas rare

dentendre de la part du meacutedecin au patient

Faites-moi confiance ne pensez agrave rien la chi-

miotheacuterapie cest mon problegraveme vous pensez

agrave gueacuterir on aura toujours une moleacutecule pour

vous soigner on va se battre

Au deacutecegraves du patient on pouvait entendre il

est mort mais en reacutemission

Et le meacutedecin sadressant agrave moi ne parlez

pas de la mort aux patients vous savez on a

deacutejagrave vireacute une psychologue

Plusieurs eacuteveacutenements vont faire eacutevoluer la meacute-

decine et son discours dans la prise en charge

du patient

Agrave la fin du XXegraveme siegravecle lOrganisation Mon-

diale de la Santeacute (circulaire du 19-1-1994) a

deacutefini comme prioriteacute la lutte contre la dou-

leur

La creacuteation des eacutequipes anti-douleur sera un

eacuteveacutenement important ainsi que la recherche de

nouveaux antalgiques Lrsquoeacutevolution de cette

prise en charge va se reacutepandre en canceacuterolo-

gie et dans la meacutedecine en geacuteneacuteral

Les premiers Eacutetats Geacuteneacuteraux de la Ligue

contre le Cancer ont donneacute la parole aux pa-

tients il y a eu une demande de psychologues

dans les services pour une prise en compte de

la deacutetresse psychique

Le Plan Cancer en 2006 va donner des direc-

tives qui reacuteglementent aujourdhui la consulta-

tion dannonce et les soins de supports

La psycho-oncologie neacutee aux Eacutetats-Unis arrive

aussi en Europe et cest en 1994 quest creacuteeacutee

la Socieacuteteacute Franccedilaise de Psycho-Oncologie

(SFPO)

Son but est de deacutevelopper des outils des meacute-

thodes pour deacutepister et ainsi traiter preacutecoce-

ment les risques des difficulteacutes psychologiques

Elle sinscrit dans une approche bio-psycho-

sociale de la maladie canceacutereuse La speacutecifici-

teacute nest pas la prise en compte de la subjectivi-

teacute du patient mais ladaptation de celui-ci aux

diffeacuterentes situations traverseacutees pendant la ma-

ladie Cette discipline qui eacutetudie les attitudes

psychologiques et eacutemotionnelles survenant

pendant la maladie canceacutereuse pourrait laisser

croire quil y a des reacuteactions speacutecifiques agrave cette

maladie Son approche est de plus en plus co-

gnitivo-adaptative avec protocoles reacutefeacuterentiels

deacutemarche qualiteacute

Dans le champ de la psycho-oncologie on

trouve le terme de psycho-oncologue

Ce mot est utiliseacute de faccedilon un peu anarchique

on y trouve le psychologue le psychiatre mais

aussi dautres professionnels intervenant au-

pregraves des malades et de leur famille Ce nest

pas parce que nous avons quelques connais-

sances en oncologie que nous pouvons utiliser

ladjectif oncologue

Ce terme peut ecirctre source de confusion il ne

deacutefinit pas notre speacutecificiteacute et il me paraicirct aussi

seacutegreacutegatif dune pathologie

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 20

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

Cest pour cela que nous voulons garder le

terme de psychologue clinicien

Dans ce mot il y a la dimension clinique cest agrave

dire lobservation du patient agrave son chevet

Mon travail consiste agrave accompagner soutenir

le patient dans ce parcours difficile quil entre-

prend avec la maladie

Le cancer produit un remaniement identitaire

pour le sujet ce qui neacutecessite de lui offrir un

espace de parole

Cest la psychanalyse qui de mon point de vue

offre les meilleurs outils pour travailler la cli-

nique du reacuteel Cest avec notre propre parcours

analytique que nous psychologues pouvons

bien prendre en compte la dimension incons-

ciente propre agrave lhumain

Je ne me situe donc pas dans le champ de la

psycho-oncologie au discours trop normatif

Notre clinique dans un service dhospitalisation

Cest agrave tout stade deacutevolution de la maladie

quun travail theacuterapeutique peut se mettre en

place avec le psychologue

On a beaucoup parleacute du dispositif dannonce

annonce du diagnostic visant agrave assurer agrave la fois

une bonne administration du soin et son

humanisation

Ces consultations cherchent agrave atteacutenuer limpact

traumatique Il est proposeacute au patient de ren-

contrer un psychologue

Il nest pas rare que le patient me dise ils ne

se rendent pas compte il y a trop dinforma-

tions drsquoun seul coup je nai pas encore reacutealiseacute

que jai un cancer et on me parle de perruque

pour la perte des cheveux de dieacuteteacuteticien de

psy mais je nen suis pas lagrave moi

Pour les patients cest la deacutecouverte brutale du

diagnostic puis le choc des traitements Nous

savons que le temps psychique nest pas le

temps meacutedical et que dans cette clinique cest

au cas par cas que nous pouvons intervenir ce

qui est traumatique pour un patient ne lest pas

pour un autre

Un patient me disait reacutecemment le cancer

menvahit je ne pense quagrave ccedila je ne peux plus

lire regarder un film il est omnipreacutesent Voilagrave

une description du reacuteel

Il sagit de faire entendre agrave une eacutequipe meacutedi-

cale tourneacutee plus vers la maladie que vers le

malade et ce dans une organisation tregraves tech-

nique et de plus en plus sophistiqueacutee la neacuteces-

siteacute de prendre en compte la subjectiviteacute du pa-

tient dans un espace qui en paraicirct deacutepourvu

La demande de leacutequipe vis agrave vis du psy peut

correspondre agrave une demande de compliance

au traitement que le patient refuse elle sou-

haite aussi souvent que le psy reacuteconforte le pa-

tient agrave qui on a donneacute une mauvaise nouvelle

Comme dit Jeacuterocircme Alric dans son article Qui

eacutecoute quoi la sphegravere psychologique de-

vient une fonction constituante de la personne

globale au mecircme titre que la sphegravere digestive

dermatologique et dont il faut soccuper (2)

Au psychologue de faire valoir aupregraves du pa-

tient lintention de lui donner une place pour

entendre et faire entendre sa position subjec-

tive

Souvent je suis interpelleacutee par les soignants

dans des situations de deacutetresse par exemple

quand les antalgiques se reacutevegravelent inefficaces

ou sont refuseacutes Dans les entretiens les pa-

tients deacuteplient leur histoire leur roman fami-

lial La douleur physique se mecircle agrave la souf-

france psychique

Une patiente qui avait un cancer du sein avec

des meacutetastases osseuses me disait jai mal

lagrave en me montrant sa poitrine

Je lui avais demandeacute si elle en avait parleacute au

meacutedecin

Elle me reacutepondit en me regardant droit dans les

yeux cette douleur-lagrave le meacutedecin ne peut

pas me la soigner cest lhistoire avec mon ma-

ri qui me fait mal Celui-ci lavait quitteacutee et elle

se retrouvait seule avec son jeune fils

En quelques mots elle avait situeacute ce qui la fai-

sait souffrir au-delagrave des localisations meacutetasta-

tiques Elle savait faire la diffeacuterence entre le

physique et ce qui venait lagrave sajouter agrave sa

propre histoire douloureuse

Comme dit Clavreul dans Lordre meacutedical la

souffrance renvoie le sujet qui leacuteprouve agrave son

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 21

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

fantasme cest-agrave-dire agrave sa propre histoire et au

discours quil peut tenir sur son histoire Il y a

un seul discours qui se tienne sur la souf-

france et cest celui de la personne qui

leacuteprouve (3)

Un patient encore reacutecemment me disait ne pas

vouloir devenir grabataire comme son pegravere

Il seacutetait occupeacute de lui depuis son plus jeune

acircge il poussait la chaise roulante dans ses deacute-

placements il eacutetait sa beacutequille Mon patient ar-

riveacute en fin de vie voudra jusqursquoau bout se deacute-

placer aux toilettes et rester indeacutependant dans

les gestes du quotidien

Aux soignants qui ne comprenaient pas pour-

quoi il sobstinait agrave vouloir faire tout seul des

gestes devenus si difficiles il a fallu dire sans

reacuteveacuteler le pourquoi combien ceacutetait important

pour le patient de garder cette indeacutependance

Ceacutetait pour lui sa digniteacute sa liberteacute sa volonteacute

Je voudrais mettre laccent sur la singulariteacute de

ces rencontres avec des patients deacutejagrave tregraves gra-

vement atteints et qui degraves le premier entretien

se saisissent de cette possibiliteacute de parole

Il y a la douleur et lautre versant de la souf-

france langoisse

Monsieur O est un patient algeacuterien qui a eacuteteacute

opeacutereacute drsquoun cancer du poumon Avant linterven-

tion chirurgicale il se sentait precirct agrave affronter

cette eacutepreuve cest apregraves quil a senti ses

forces diminuer Jai changeacute je ne suis plus le

mecircme quavant en fait je crois que je nai pas

accepteacute lopeacuteration Il dit regretter il aurait preacute-

feacutereacute vivre avec son cancer il serait mort avec

Ce qui semble bouleverser ce patient nest pas

tant la maladie en elle-mecircme que ses conseacute-

quences Avec ce bout de corps quon lui a reti-

reacute cest aussi toute une part de lui qui semble

partie

Leacutepreuve du cancer entraicircne toujours une at-

teinte de linteacutegriteacute corporelle

Ce corps qui est traiteacute par le meacutedical de faccedilon

organique biologique revient souvent dans le

discours des patients Ce qui eacutemerge cest

lhorreur des amputations des meacutetastases qui

se reacutepandent agrave linteacuterieur du corps mais aussi

ce qui se donne agrave voir agrave toucher Un corps en-

dommageacute que le patient a du mal agrave reconnaicirctre

comme le sien qui se bouche qui enfle qui

eacutetouffe

Le corps peut devenir un objet agrave controcircler per-

seacutecuteur qui nest plus investi de deacutesir Cette

parole descriptive du corps peut prendre toute

la place dans le discours du patient avant que

quelque chose du subjectif nrsquoapparaisse

Cest dans un deuxiegraveme temps que Monsieur

O apregraves avoir exprimeacute limpossibiliteacute daccep-

ter cette perte anatomique ndash une partie du pou-

mon ndash pourra associer sur dautres pertes qui

viennent sintriquer entre passeacute et preacutesent

Langoisse de mort est tregraves freacutequente dans

cette pathologie dans les entretiens il ne sagit

pas de viser directement ce que nous pensons

ecirctre lobjet de cette angoisse mais de soutenir

dans la conversation les deacutetours de cette indi-

cible

Lintervention aupregraves de la famille nest pas

rare

Monsieur L 63 ans a un cancer de la vessie et

il est deacutecrit par leacutequipe soignante comme tregraves

exigeant et peacutenible Je deacutecide daller me preacute-

senter

Il me fait une description assez preacutecise de sa

maladie qui a deacutebuteacute il y a quelques mois Je

lui demande ce quil pense lui de tout ccedila Il me

regarde attend plusieurs secondes et me reacute-

vegravele que sa femme a une maladie heacutematolo-

gique agrave surveiller et quil sinquiegravete beaucoup

pour elle Ils nont pas denfant Il ajoute que

dans le service on ne lui fait pas grand-chose

son eacutetat ne srsquoameacuteliore pas quil serait mieux

avec sa femme En mecircme temps elle ne peut

pas soccuper de lui agrave la maison Il part dans

un SSR (soins de suite et de reacuteeacuteducation)

Quelques semaines apregraves il revient dans le

service et il demande agrave me voir Il va ecirctre tregraves

direct On vient de lui parler de son mauvais

pronostic agrave court terme il veut que je le ren-

contre avec sa femme Il me dit Elle deacuteprime

Si je meurs elle va se laisser mourir Pour moi

cest insupportable Effectivement sa femme

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 22

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

est tregraves deacuteprimeacutee affaiblie par sa maladie

mais elle accepte de voir son geacuteneacuteraliste et

prendre un traitement On lui trouve un heacuteber-

gement agrave la Maison des Parents pour lui eacuteviter

lrsquohocirctel Elle sera sur place pour voir son mari

elle pourra eacutechanger avec les familles heacuteber-

geacutees agrave la Maison des Parents Petit agrave petit elle

tisse des liens Son mari deacutecline rapidement je

la vois dans la chambre elle me parle de lui

des choses quils aimaient faire ensemble Elle

est calme rassureacutee par la preacutesence de

lrsquoeacutequipe Apregraves la mort de son mari nous nous

sommes revues puis teacuteleacutephoneacute et rapidement

elle prend la deacutecision de deacutemeacutenager agrave Annecy

pregraves dune amie Elle aura un suivi heacutematolo-

gique lagrave-bas

Jai souvent penseacute agrave cet homme dont le dis-

cours eacutetait centreacute sur la plainte et qui a changeacute

rapidement de registre agrave partir du moment ougrave

on a pris en compte sa souffrance et soutenu

sa femme aupregraves de lui

Dans notre travail il me paraicirct important de

rendre compte aux eacutequipes de nos interven-

tions pour permettre aux soignants des eacuteclair-

cissements sur la souffrance psychologique

des patients Cela peut permettre un change-

ment de rapport soignant-patient dans des si-

tuations ougrave le patient par langoisse sous-

jacente se montre peacutenible pour lrsquoeacutequipe voire

agressif agrave son eacutegard

Toujours pour ce qui concerne la famille une

reacuteelle eacutevolution a eacuteteacute la prise en compte des

enfants du patient Degraves le diagnostic et tout le

long de la maladie une attention particuliegravere de

la part de leacutequipe permet deacuteviter les situations

dramatiques que lon rencontrait dans le pas-

seacute lorsque lenfant deacutecouvrait la graviteacute de la

maladie du parent la veille de la mort de celui-

ci sans avoir eu la possibiliteacute de sy preacuteparer et

den parler

Pour conclure je dirai que la science et la tech-

niciteacute ont beaucoup eacutevolueacute agrave lhocircpital mais quil

y a eu peu de changement du cocircteacute de la prise

en compte meacutedicale de la dimension subjective

des patients

On est passeacute dune prise en charge de la dou-

leur qui eacutetait nieacutee agrave des situations parfois de

surmeacutedicalisation La meacutedecine malgreacute ses

progregraves consideacuterables ne peut pas soulager

toute les douleurs et encore moins de faccedilon

systeacutematique et protocolaire Elle doit tenir

compte de la singulariteacute de chaque patient

De mecircme sil y a encore une vingtaine dan-

neacutees on ne donnait pas suffisamment dinfor-

mations meacutedicales sur la maladie et le devenir

du patient on est passeacute aujourdhui agrave un trop

dinformations dans loptique de dire la veacuteriteacute

au malade et de le preacuteparer sur le chemin de

sa fin de vie

Il nest pas rare que je rencontre un patient agrave

qui on a asseneacute une veacuteriteacute meacutedicale quil ne

voulait pas entendre Pour le patient il sagit de

pouvoir se deacuteprendre de ce savoir meacutedical qui

peut venir empecirccher toute penseacutee le cristalli-

ser dans une angoisse de mort et entraicircner le

sujet vers une mort psychique avant la mort

reacuteelle

Nous sommes lagrave pour partager ce temps avec

lui ce temps qui est incertain et qui permet au

sujet davoir des interrogations exprimer des

affects

Le psychologue dorientation analytique peut

apporter agrave ses eacutequipes un eacuteclairage des situa-

tions

Une collaboration avec les meacutedecins est agrave en-

courager encore faut-il que les meacutedecins puis-

sent prendre le temps et donc se deacutetacher

dune pure gestion des soins pour penser et

analyser leur pratique

1 Baszanger I 1995 Douleur et meacutedecine La

fin dun oubli Le Seuil

2 Alric J 2004 Qui eacutecoute quoi Essai de

repeacuterage de deux postures deacutecoute possible agrave

lhocircpital Eregraves in Collectif sous la direction de

Patrick Ben Soussan Le cancer approche psy-

chodynamique chez ladulte

3 Clavreul J 1978 LOrdre meacutedical Paris Le

Seuil

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 23

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

Modeacuterateur Franccediloise Adriansen CA de Psyclihos

gt Le psychologue entre les lignes des textes

officiels

Nadine Labbeacute Hocircpital Cochin Page 24

gt Titre de psychotheacuterapeute si vous avez man-

queacute le deacutebuthellip

Virginie Rocard Hocircpital Sainte Peacuterine Page 32

gt Psychotheacuterapeute agrave quel titre

Patrice Nomineacute Hocircpital Fernand Widal Page 43

Loi HPST titre de psychotheacuterapeutehellip

Quels changements pour le meacutetier de

psychologue

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 24

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

Le psychologue entre les lignes des textes officiels

Nadine Labbeacute Hocircpital Cochin

V ingt ans se sont eacutecouleacutes depuis la creacutea-tion de Psyclihos Depuis de nombreux rapports textes officiels ont eacuteteacute diffuseacutes

qui concernent la santeacute dune maniegravere geacuteneacute-rale et plus particuliegraverement la santeacute mentale Quelle place nous psychologues avons-nous dans ces eacutecrits De fait lorsque lon interroge la bibliothegraveque des rapports publics sur le site de la Documen-tation franccedilaise sur le terme Psychologue on saperccediloit que seule une liste constitueacutee dune petite cinquantaine de reacutefeacuterences apparaicirct un peu plus toutefois que pour le terme psychiatre qui apparaicirct dans 47 rapports mais beaucoup moins que celui dinfirmier qui apparaicirct dans 121 rapports Jai choisi parmi ces textes ceux qui mont sem-bleacute les plus significatifs dune certaine image du psychologue vu par les politiques ou ladmi-nistration Je vais maintenant vous preacutesenter cette compilation dextraits dans un ordre chro-nologique Lun des premiers rapports qui cite les psycho-logues porte sur les Strateacutegies drsquoutilisation des antiretroviraux dans lrsquoinfection par le VIH en 1998 Il affirme Le soutien par les psy-chologues est lune des pratiques diverses des services hospitaliers qui meacuteritent drsquoecirctre deacuteve-loppeacutees La mecircme anneacutee un rapport sur les Uniteacutes agrave encadrement eacuteducatif renforceacute et leur ap-port agrave lheacutebergement des mineurs deacutelin-quants fait agrave la demande de lInspection Geacuteneacute-rale des Affaires Sociales preacuteconise Afin de preacutevenir lusure des eacutequipes et aussi de leur apporter une certaine capaciteacute de recul il faut mettre en place des proceacutedures de soutien au moment des crises et de supervision dans les-quelles le recours au psychologue simpose En 2000 un rapport au Premier ministre Lionel Jospin Pour une nouvelle politique publique

daide aux victimes fait le constat suivant Pour le reacuteseau de lINAVEM (Feacutedeacuteration natio-nale daide aux victimes et de meacutediation qui comprend 150 associations) les emplois de psychologue repreacutesentent seulement 9 des emplois salarieacutes Cet aspect pourtant fonda-mental de laide aux victimes nest pas suffi-samment deacuteveloppeacute En 1994 lintervention dun psychologue con-cernait environ un quart des associations daide aux victimes Le rapport propose la creacuteation de centres daide pour enfant-adolescent et adulte com-prenant obligatoirement des psychologues cli-niciens Des groupes de parole et deacutecoute pour en-fants victimes seraient animeacutes par des psycho-logues scolaires ayant suivi une formation speacute-cifique ou des psychologues cliniciens exteacute-rieurs Le projet dinteacutegration de psychologues clini-ciens dans les milieux scolaires semble alors ecirctre au cœur de la nouvelle politique publique daide aux victimes Une politique ambitieuse sur le papier hellip Les suites don-neacutees agrave ce rapport ont eacuteteacute la creacuteation dun numeacutero national daide aux victimes en 2001

Pourtant en 2000 on sinteacuteresse beaucoup agrave nous le rapport du Haut comiteacute de la santeacute pu-blique sur la souffrance psychique des ado-lescents et des jeunes adultes consacre un paragraphe au rocircle du psychologue dans le chapitre intituleacute Lrsquoinstitution scolaire Bilan en CM2 Il est eacutecrit

Le recours agrave un psychologue dans le milieu scolaire est pratiquement limiteacute aux tests drsquoorientation Lrsquoabsence de psychologue dans le secondaire semble faire partie de cette mau-vaise image de la psychiatrie qui persiste dans le grand public Le regard drsquoun psychologue exteacuterieur agrave lrsquoeacuteta-blissement dans des reacuteunions reacuteguliegraveres de synthegravese et de concertation peut ecirctre preacutecieux

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Ces contacts auraient de plus lrsquoavantage de relier les prises en charge de situations diffi-ciles entre lrsquointeacuterieur et lrsquoexteacuterieur des eacutetablisse-ments et de faire se connaicirctre les profession-nels des diffeacuterentes structures Ainsi 20 des adolescents pensent avoir be-soin de consulter un psychologue mais 137 disent avoir renonceacute du fait de difficulteacutes finan-ciegraveres Toujours en 2000 au colloque sur lrsquoEnfance maltraiteacutee la Ministre deacuteleacutegueacutee agrave lrsquoEnfance et agrave la famille reacuteclame Un psy pour chaque enfant Dans son second rapport Claire Brisset la deacute-fenseure des enfants sinteacuteresse eacutegalement au rocircle des psychologues et agrave leur formation Pour elle les psychologues souffrent depuis longtemps dun problegraveme didentiteacute du fait dune reconnaissance tardive de leur profes-sion et de lexistence de plusieurs types de psychologues recruteacutes agrave des niveaux deacutetudes diffeacuterents en reacutefeacuterence aux psychologues sco-laires et conseillers dorientation- psycho-logues La Deacutefenseure des Enfants propose d -Institutionnaliser les psychotheacuterapies den-fants et dadolescents par des psychologues cliniciens sur prescription du psychiatre et rembourseacutees par la Seacutecuriteacute sociale De la mecircme faccedilon quun meacutedecin speacutecialiste prescrit des seacuteances de kineacutesitheacuterapie qui sont alors rembourseacutees par la seacutecuriteacute sociale un psychiatre aussi bien dans le public que dans le priveacute doit pouvoir prescrire des theacuterapies effectueacutees par un psychologue clinicien Cette mesure qui se pratique deacutejagrave dans cer-tains pays europeacuteens comme lAllemagne ne peut ecirctre mise en place quaux conditions sui-vantes - quune formation homogegravene de psychologie clinique sanctionneacutee par un diplocircme unique soit organiseacutee - que cette formation permette dacceacuteder agrave un nouveau statut de psychologue clinicien recon-nu par lensemble des administrations concer-neacutees - que cette formation soit agrave la fois theacuteorique et pratique Cette reacuteforme permettrait de - mieux utiliser les compeacutetences des nombreux psychologues qualifieacutes actuellement deacutepour-vus dun emploi agrave temps plein ou contraints faute de poste dexercer dautres meacutetiers

Dans cette hypothegravese le psychiatre aurait le rocircle danimateur de leacutequipe soignante et de supervision des psychotheacuterapies meneacutees par les psychologues cliniciens En outre un tel scheacutema devrait pouvoir sappli-quer non seulement dans les structures pu-bliques mais aussi dans le secteur libeacuteral Les psychologues cliniciens peu nombreux en libeacute-ral pourraient alors sinstaller en cabinet (au mecircme titre que les infirmiegraveres ou les masseurs kineacutesitheacuterapeutes) En ce deacutebut des anneacutees 2000 les politiques sinteacuteressent beaucoup aux questions relatives agrave la santeacute en juillet 2000 Martine Aubry alors ministre de lemploi et de la solidariteacute confie aux Drs Piel et Roelandt une mission de reacute-flexion et de prospective dans le domaine de la santeacute mentale qui donnera lieu un an plus tard agrave un rapport intituleacute De la psychiatrie vers la santeacute mentale Un rapport dans lequel on parle peu des psychologues si ce nest pour dire que leur formation est insuffisante et quun internat en psychologie est neacutecessaire ce dont on reparlera beaucoup dans les anneacutees sui-vantes En aoucirct 2001 Psyclihos travaille sur le 1

er rap-

port deacutetape du groupe de travail de la DGS sur leacutevolution des meacutetiers en santeacute mentale Des psychologues de toute la France choqueacutes et inquiets se reacuteunissent au sein du Collectif Na-tional des Psychologues de la FPH Les me-sures preacuteconiseacutees par le 2

egraveme rapport deacutetape

paru en janvier 2002 mettent le feu aux poudres Pour rappel le rapport insiste sur le deacuteveloppement des reacuteseaux de santeacute la mise en place de proceacutedures de protocoleshellip Et surtout il preacutevoit des niveaux dintervention hieacuterarchiseacutes avec des intervenants de 1

egravere

ligne des professionnels de soins primaires et des intervenants speacutecialiseacutes et deacutejagrave des glisse-ments de compeacutetences vers les infirmiers et les meacutedecins geacuteneacuteralistes Il est agrave nouveau question de transfert de com-peacutetences en 2003 avec le rapport Berland sur la deacutemographie des professions de santeacute au titre eacuteloquent Coopeacuteration des professions de santeacute le transfert de tacircches et de compeacute-tences Le chapitre qui nous concerne sinti-tule Un transfert de compeacutetences en psychia-trie difficile agrave organiser Le Pr Berland eacutecrit Les auditions que jai pu mener lors de la mis-

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sion deacutemographie des professions de santeacute et les eacutechanges que jai pu avoir avec les psy-chiatres ont reacuteveacuteleacute de reacuteelles difficulteacutes agrave envi-sager le transfert de compeacutetences dans le champ de cette speacutecialiteacute En effet si certains professionnels considegraverent souhaitable la mise en perspective de collaborations organiseacutees avec les psychologues cliniciens dautres la trouvent inutile ou non souhaitablehellip Il est neacute-cessaire denvisager la part de lactiviteacute aujour-dhui assureacutee par les psychiatres qui doit ecirctre confieacutee en toute collaboration agrave des psychologues praticiens formeacutes agrave la fois par les faculteacutes de psychologie et les faculteacutes de meacutedecine pour construire ce nouveau meacutetier qui reacutepond agrave un besoin clairement identifieacute Au mecircme moment est diffuseacute le rapport Cleacutery Melun intituleacute Plan dactions pour le deacutevelop-pement de la psychiatrie et la promotion de la santeacute mentale qui reprend les principales pro-positions des rapports preacuteceacutedents par ex con-cernant la reacuteorganisation des soins en psychia-trie Concernant la formation des psycho-logues Ces formations sont tregraves diverses sui-vant les universiteacutes certaines eacutetant speacuteciali-seacutees dans la psychanalyse ce qui aboutit agrave des formations mono reacutefeacuterenceacutees Il en va de mecircme des stages qui sont souvent difficiles agrave trouver et ne permettent pas toujours dassister aux entretiens avec les patients Enfin dans un contexte de plus en plus seacutelectif les examens theacuteoriques et formels prennent le pas sur lac-complissement dun stage et lobtention dune formation clinique Il poursuit Les psychologues souhaitent eux-mecircmes faire progresser cette situation Ils se sont doteacutes dun code de deacuteontologie qui pose des prin-cipes clairs notamment au regard de leur for-mationhellipAvec un stage qui doit correspondre agrave leacutequivalent dun internat en psychologie dont la dureacutee ne devrait pas ecirctre infeacuterieure agrave 2 se-mestres et dont le contenu devrait faire lobjet dune validation finale Toujours en 2003 il faut un rapport eacutecrit par une psychologue pour que le terme soit citeacute 97 fois soit presque dans une page sur deux Cest le rapport de Marie de Hennezel sur Fin de vie le devoir daccompagnement Elle preacuteconise une preacutesence renforceacutee de psy-chologues dans tous les services sensibles

Pour favoriser le maintien agrave domicile des per-sonnes elle demande que lrsquoon eacutetudie la possi-biliteacute drsquoun financement drsquoun forfait de 3 agrave 5 seacuteances avec un psychologue pour un accom-pagnement de fin de vie sur le modegravele de ce qui est proposeacute dans le plan cancerElle de-mande la creacuteation dau moins un mi-temps de psychologue pour chaque service confronteacute agrave la fin de vie des patients Pour elle la Formation universitaire du psycho-logue ne le preacutepare pas neacutecessairement agrave la confrontation avec la mort drsquoautrui et son cor-tegravege drsquoangoisses et de fantasmes Elle ajoute Crsquoest la raison pour laquelle nous estimons qursquoune formation compleacutementaire personnelle (psychanalyse) ou une formation dans le cadre drsquoun DU de soins palliatifs ou drsquoun stage drsquoune semaine au moins dans une uniteacute de soins palliatifs (USP) doit lui permettre d lsquoeacutevaluer srsquoil est precirct ou non agrave travailler dans un service confronteacute agrave la mort des patients srsquoil peut accueillir sans trop drsquoangoisse celles des autres patients familles soignants Pour les psychologues de ville elle pose la question drsquoun conventionnement de la profes-sion puisque seuls les psychologues libeacuteraux inteacutegreacutes dans un reacuteseau (dans le cadre drsquoun groupement de coopeacuteration sanitaire) et reacutemu-neacutereacutes agrave la vacation sont pris en charge par lrsquoassurance maladie Elle ajoute Cela limite consideacuterablement lrsquooffre drsquoaide psychologique agrave domicile En mars 2005 la Commission Peacuterinataliteacute en-fants et adolescents recommande le renforcement des eacutequipes de materniteacute en psychologues dans le but de Mieux prendre en charge la santeacute mentale et les troubles psy-chiatriques de la megravere etou du couple En 2005 le rapport Santeacute justice et dange-rositeacutes pour une meilleure preacutevention de la reacutecidive eacutevoque les formations initiale et conti-nue des psychologues dans le domaine meacutedico-leacutegal qui devraient ecirctre renforceacutees afin de mieux prendre en consideacuteration les probleacutema-tiques relatives agrave la dangerositeacute psychiatrique dans la pratique clinique et la mise en oeuvre de lrsquoexpertise peacutenale Le rapporteur revendique la possibiliteacute pour les psychologues drsquoassurer le suivi du condam-neacute et demande laugmentation des effectifs des services peacutenitentiaires drsquoinsertion et de proba-

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tion notamment par lrsquointeacutegration de psycho-logues au sein des eacutequipes Dans son rapport sur Le fonctionnement des services dinformation et dorientation lIns-pection geacuteneacuterale de lEducation nationale re-met largement en question le statut des con-seillers dorientation-psychologues Des divergences de vues interviennent sou-vent entre ceux qui sont issus de la psycholo-gie essentiellement clinique et les autres qursquoils aient eacutetudieacute la psychologie du travail ou la so-ciologie lrsquoeacuteconomie le droit lrsquohistoire ou la phi-losophie Lrsquoouverture drsquoesprit des seconds aux questions du marcheacute de lrsquoemploi ou mecircme aux perspec-tives de deacutecentralisation est freacutequente Les psychologues cliniciens semblent plus autocen-treacutes individualistes voulant se concentrer sur leur pratique au jour le jour de conseil et drsquoac-compagnement des individus deacutesireux drsquoap-porter des solutions au cas par cas(sic ) Lrsquoeacutevolution de la profession qui a gagneacute le titre de psychologue en 1991 va dans le sens drsquoune eacutemancipation tout agrave fait eacutetonnante Les COPsy constituent un cas singulier drsquoexercice libeacuteral au sein mecircme de la fonction publique Ils nrsquoont en fait de comptes agrave rendre agrave personne lrsquoautori-teacute des directeurs est purement formelle (hellip) Et comble les conseillers ne sont pas inspecteacutes() Le rapport propose de scinder le corps des COPsy avec dun cocircteacute des psychologues de lenseignement secondaire et de lautre des conseillers dinformation et dorientation Les missions des psychologues de leacuteducation seraient centreacutees sur le deacutepistage et lexamen des eacutelegraveves pour lesquels on craint une inadap-tation la preacutevention des deacutecrochages la preacute-vention des conduites addictives en lien avec le personnel meacutedico-social leacutecoute un premier accompagnement dans les cas de profondes souffrances psychologiques le lien avec les services exteacuterieurs hellip Dans les eacutetablissements les psychologues complegraveteraient et renforceraient leacutequipe eacutedu-cative et meacutedico-sociale Pour lIGEN il est manifeste que les conseil-lers drsquoorientation-psychologues nrsquoont ni le temps ni les compeacutetences ni les moyens de faire face seuls agrave lrsquoensemble des missions que les usagers (au sens large du terme) pour-raient attendre drsquoeux Si beaucoup de responsables ministeacuteriels re-

grettent fortement lappellation de psycho-logues du statut de 1991 il faut reconnaicirctre que peu de personnels souhaitent labrogation totale de cette appellation y compris parmi ceux qui ont eacuteteacute recruteacutes avant 1990 sans avoir fait deacutetudes initiales de psychologie Il convient aussi de signaler quil y a unanimiteacute pour consideacuterer quon ne peut pas faire de psy-chologie clinique ou theacuterapeutique dans les eacutetablissements Tous pensent mecircme que cest impossible En fait en 1991 il aurait fallu creacuteer par la loi un statut de conseiller qui existe dans dautres pays Pour autant les auteurs concluent que la ques-tion de labrogation du statut de psychologue a eacuteteacute poseacutee mais ils ont consideacutereacute que ce neacutetait pas opportun dans le contexte actuel Mais le recrutement doit ecirctre diversifieacute Il srsquoagit de mettre un terme au monopole des li-cencieacutes en psychologie qui de lrsquoavis de la grande majoriteacute de nos interlocuteurs et notam-ment de lrsquoencadrement des services drsquoorienta-tion et des formateurs nrsquoest nullement imposeacute par lrsquoexercice des missions et a reacuteduit la diver-siteacute intellectuelle qui caracteacuterisait le corps avant 1991 En outre le poids excessif des li-cencieacutes en psychologie a favoriseacute des attitudes drsquoindividualisme et de repli au deacutetriment des autres facettes de la profession Dans le rapport fait au nom de la mission dinformation sur la famille et les droits de lenfant en 2006 Valeacuterie Peacutecresse et Patrick Bloche recommandent de faire prendre en charge par lassurance-maladie les consulta-tions des mineurs et de leur famille aupregraves de psychologues sur prescription meacutedicale afin dameacuteliorer la prise en charge des enfants et de leur famille On reparle encore de formation des psycho-logues en 2006 avec le rapport de la mission parlementaire de Jean-Paul GARRAUD sur la dangerositeacute Il comprend un chapitre impor-tant relatif agrave lexpertise psychologique et au psychologue expert on eacutetait agrave leacutepoque en pleine affaire dOutreau Il souligne encore une fois lrsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute des diplocircmes tous les psy-chologues ne suivent pas une formation en psychopathologie clinique et peuvent avoir des formations theacuteoriques tregraves diverses Il conviendrait de redeacutefinir le champ drsquointerven-tion des psychologues fondeacute sur leur qualifica-

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tion professionnelle et drsquoenvisager les possibili-teacutes de lrsquoarticulation de leurs expertises avec celles effectueacutees par les psychiatres Organiser une confeacuterence de consensus sur lrsquoexpertise psychologique afin de reacutefleacutechir sur les objectifs et les limites des expertises psy-chologiques lrsquoidentiteacute lrsquoeacutethique et la deacuteontolo-gie des experts leur solitude ainsi que sur les modaliteacutes pertinentes de reacutealisation des exper-tises et de leur eacutevaluation Ceci est resteacute un vœu pieux agrave ce jour hellip Il revendique Une plus grande qualification des formations des psychologues Outre une maturiteacute professionnelle une forma-tion particuliegravere est neacutecessaire (connaissance des diffeacuterents types et champs drsquoexpertise des proceacutedures judiciaires aspects criminolo-giques deacuteontologiqueshellip) Cette speacutecialisation pourrait deacutecouler drsquoun cur-sus post-universitaire en psychologie clinique et pathologique agrave lrsquoexemple des DU sur la pratique de lrsquoexpertise psychologique ou la psy-chologie leacutegale (Universiteacute Lille Aix-Marseille Rouen Poitiershellip) En 2007 les psychologues sont les stars du rapport de lIGAS consacreacute agrave Gestion et utili-sation des ressources humaines dans 6 eacuteta-blissements de santeacute speacutecialiseacutes en psy-chiatrie le terme psychologue apparaicirct 224 fois Les reacuteveacutelations sont lagrave encore fracassantes Il faut adapter le statut et le cursus de forma-tion et de carriegravere des psychologues pour mieux utiliser leurs compeacutetences et les inteacutegrer dans les eacutequipes Les problegravemes de peacutenurie de psychiatres doivent ecirctre anticipeacutes par une seacuterie de mesures - augmenter les attributions des psychologues en leur permettant dans certains cas deffec-tuer des actes jusque lagrave reacuteserveacutes aux meacutede-cins - ouvrir une formation de manager de structure psychiatrique agrave des cadres intermeacutediaires type cadre supeacuterieur de santeacute psychologue cadre socio-eacuteducatif Il serait possible douvrir le concours de cadre supeacuterieur de santeacute agrave dautres professions soi-gnantes psychologues eacuteducateurs speacuteciali-seacutes assistants de service social Les psychologues peuvent-ils remplacer les psychiatres et agrave quel prix Ce nest pas seulement parce quon manque

de psychiatres cest aussi parce que les psy-chologues repreacutesentent une certaine tradition de la psychiatrie europeacuteenne pas uniquement arc-bouteacutee sur les traitements chimiotheacuterapeu-tiques Cest aussi parce quils possegravedent en principe des compeacutetences permettant de deacuteve-lopper des aspects tregraves importants en psychia-trie - eacutevaluation des capaciteacutes cognitives et mise au point de programmes de reacutehabilitation - psychotheacuterapies de diverses natures eacutegale-ment de soutien dans les cas de traitement meacute-dicamenteux lourd - supervision de groupes de soignants pour eacuteviter les pheacutenomegravenes de chroniciteacute de mal-traitance - encadrement deacutequipes notamment de pro-fessionnels dhorizons divers Il est clair quil serait eacutegalement inteacuteressant de pouvoir leur confier des accueils de 1

egravere ligne

degraves lors que nombre de demandes de consul-tation signifient plutocirct une souffrance psychique quune pathologie psychiatrique La question de savoir sils devraient avoir le droit de prescrire ou de renouveler des pres-criptions au long cours meacuterite decirctre poseacutee Une telle eacutevolution neacutecessiterait une speacutecialisa-tion apregraves le diplocircme geacuteneacuteral de psychologue peut-ecirctre linstauration de ce que daucuns ap-pellent un internat et cette fois commun avec linternat en psychiatrie En attendant davoir notre ordonnancier si tant est que nous le souhaitions les tacircches speacuteci-fiques en psychiatrie pour les psychologues tout ce qui sapparente au bilan agrave leacutevaluation aux psychotheacuterapies de diverses obeacutediences Voilagrave ce que pensent les politiques et les admi-nistratifs de notre meacutetier mais ccedila nest pas la reacutealiteacute de notre meacutetier Tout dabord quelques chiffres sur la deacutemogra-phie des psychologues Nous sommes de plus en plus nombreux de 5500 eacutequivalents temps plein en 1997 agrave 11500 en 2009 preuve que notre rocircle est de plus en plus reconnu par les eacutetablissements Il reste encore beaucoup agrave faire en clinique priveacutee ougrave ils ne sont que 350 ETP La preacutecariteacute est tou-jours le lot de notre profession Il y a deux fois plus de psychologues agrave temps partiel que dans les autres emplois non meacutedicaux 40 de psy-chologues sont agrave temps partiel dans le public plus des trois quarts dans le priveacute soit le

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double La profession est tregraves feacuteminiseacutee avec 8 femmes sur 10 psychologues elles ont en moyenne cinq ans de moins que leurs con-fregraveres masculins la moyenne dacircge eacutetant de 42 ans Les femmes de moins de 40 ans repreacute-sentent 38 des effectifs nationaux La densiteacute nationale des psychologues est de 37 psychologues pour 100000 habitants soit un psychologue pour 2700 Par comparaison celle des psychiatres est de 22 pour 100000 habitants La densiteacute en psychologues libeacuteraux est de 7 Concernant les secteurs dactiviteacute 87 des psychologues sont salarieacutes Un tiers exerce dans un eacutetablissement de santeacute principalement du secteur public ougrave 7 sur 10 sont employeacutes agrave plein temps Lexercice en libeacuteral ne concerne que 8 des effectifs Comment les psychologues perccediloivent-ils leur meacutetier Dana Castro et Marie Santiago ont publieacute dans Le Journal des psychologues ndeg 233 deacutec 2005- janv 2006 les Reacutesultats dune enquecircte na-tionale sur Evolution des repreacutesentations et construction identitaire du meacutetier de psy-chologue Les donneacutees ont eacuteteacute recueillies agrave partir de 93 questionnaires suite agrave une enquecircte nationale lanceacutee par le Journal des Psychologues aupregraves de ses lecteurs fin 2004 Les reacutesultats montrent que les psychologues ont une image assez steacutereacuteotypeacutee de leur meacute-tier qui ne se modifie pas significativement ni au cours des eacutetudes ni agrave lentreacutee dans la vie professionnelle Au deacutebut de leurs eacutetudes 50 des reacutepondants perccediloivent le psychologue comme un speacutecialiste de laide et de leacutecoute Pour 27 cest un meacutetier qui sexerce en solitaire 30 disent ne pas en avoir une repreacutesentation preacute-cise La repreacutesentation de la profession eacutevolue pro-gressivement Apregraves quelques anneacutees dexer-cice le psychologue perccediloit davantage sa fonc-tion certes encore comme un meacutetier daide et deacutecoute pour la moitieacute dentre eux mais qui sexerce en eacutequipe pour 21 selon des moda-liteacutes et avec des outils speacutecifiques au premier rang desquels lentretien et lexamen psycholo-giques pour 18 des reacutepondants La repreacutesentation du meacutetier se modifie-t-elle au

cours du cursus universitaire - Non pour 22 des reacutepondants pour lesquels elle reste identique tout au long du parcours - Oui pour 36 pour lesquels elle se modifie gracircce aux enseignements theacuteoriques en lien avec la clinique et la psychopathologie - Encore oui pour 34 pour lesquels elle se transforme gracircce aux stages et au contact des professionnels Dune maniegravere geacuteneacuterale les psychologues comptent sur eux-mecircmes et leurs compeacutetences en matiegravere dexpeacuterience dapprentissage sur le tas de solidariteacute et de travail en eacutequipe plutocirct que sur la qualification qui elle valorise les titres les connaissances formelles la revendi-cation de lautonomie et les distinctions statu-taires Seul 1 des reacutepondants eacutevoque les no-tions dorganisation du travail en terme de sta-tut professionnel de cadre A de reacutemuneacuteration de formation ou de titre proteacutegeacute de psycho-logue Autant dire quil reste beaucoup de tra-vail pour avoir une repreacutesentation profession-nelle qui puisse ecirctre partageacutee tant par les psy-chologues que par leurs partenaires profes-sionnels ougrave compeacutetence personnelle et qualifi-cation professionnelle sont indispensables Pourtant 78 des reacutepondants deacutecrivent des difficulteacutes au sein de leur institution Un sur 5 estime que ses collegravegues ne connaissent pas son meacutetier et quils en ont une image neacutegative qui est veacutecue comme deacutevalorisante 17 se sentent isoleacutes dans les eacutequipes avec lesquelles ils travaillent Une eacutetude plus reacutecente puisquelle date de 2010 vient compleacuteter la preacuteceacutedente il sagit de celle de Elise Marchetti Claude Lafrogne et Sandrine Schoenenberger eacutegalement publieacutee dans le Journal des psychologues ndeg 283 deacutec 2010- janv 2011 et qui sintitule Que pensent-ils de nous Etude des repreacutesentations so-ciales du psychologue Que pensent les psychologues deux-mecircmes Ils eacutevoquent lobjet de leur travail la psycheacute le cadre de leur activiteacute (cadre theacuteorique pra-tique eacutethique) et le contenu mecircme de leur tra-vail agrave savoir leacutevaluation et laccompagnement Chez les professionnels du meacutedico-social nos collegravegues deux repreacutesentations saffrontent Les eacuteducateurs techniques et les reacuteeacuteducateurs (peacutedicure podologue masseur kineacutesitheacutera-peute ergotheacuterapeute psychomotricien ortho-

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phoniste orthoptiste ou dieacuteteacuteticien) ont une vi-sion neacutegative le psychologue se confond avec le psychanalyste le charlatan en lien eacutetroit avec la psychiatrie la folie Les personnels administratifs et les eacuteducateurs ont une vision plus positive et concregraveteet sont plus attacheacutes au cadre cadre de travail du psychologue lui-mecircme mais aussi la contribu-tion quil peut apporter dans le cadre dun tra-vail pluridisciplinaire Quant aux sujets de la population geacuteneacuterale on doit distinguer ceux qui ont deacutejagrave eu recours au psychologue et ceux qui nont jamais consulteacute Ceux qui nont jamais consulteacute ont un discours plutocirct positif mais abstrait centreacute sur la dualiteacute problegraveme-reacutesolution (motifs-beacuteneacutefices) Les autres qui sont plus jeunes et plutocirct des femmes cherchent agrave deacutefinir ce quest un psy-chologue avec une vision plus concregravete de notre activiteacute de nos meacutethodes et une eacutevoca-tion de la sphegravere affective et du veacutecu person-nel Toutefois les sujets ayant deacutejagrave consulteacute un psychologue ont tendance agrave le confondre avec le speacutecialiste meacutedical cest-agrave-dire le psy-chiatre Dans Transformation de la psychiatrie et pratiques des psychologues LASAR Labora-toire danalyse socio-anthropologique du risque Universiteacute de Caen 2002 sous la direction dAnne Golse Le discours dAnne Golse sociologue est plus optimiste Elle eacutecrit La profession de psycho-logue se visibilise de plus en plus que ce soit dans la prise en charge des malades mentaux ou de la souffrance psychique On le voit dans la croissance deacutemographique certes encore modeste de cette profession mais cela sappreacute-hende eacutegalement dans la maniegravere dont les textes administratifs mentionnent (psychiatres psychologues) ou bien (psychiatres ou psycho-logues) Mais cette eacutemergence nouvelle dune certaine pariteacute dans les textes vient eacutegalement reconnaicirctre que de plus en plus de demandes sont directement adresseacutees au psychologue et marque lindividualisation de cette profession agrave coteacute de celles de psychiatres ou dinfirmiers Dans un rapport au Conseil national de lOrdre des meacutedecins en 2001 sur le suivi du malade mental il est dit que les psychologues pren-nent de plus en plus de place dans le monde de la psychiatrie relayant ou mecircme remplaccedilant les psychiatres dont le nombre va en diminuant

tregraves seacuterieusement Toutefois les psychologues ne sont pas satis-faits de leur place au sein de la psychiatrie pu-blique ni personnel meacutedical ni personnel pa-rameacutedical ils elles ont du mal agrave trouver leur place dans lunivers hospitalier marqueacute par lexistence de ce partage clair Le psychologue agrave la fois dedans et dehors eacuteprouve une ab-sence de lien avec linstitution et pour certains un sentiment dinexistence institutionnelle chro-nique Le psychologue nest pas dans le soin mecircme sil contribue aux soins ce qui renvoie agrave sa neacutecessaire place dexteacuterioriteacute et agrave la trans-versaliteacute de sa fonction Comme leacutecrivait Co-lette Chiland en 1983 le statut du psychologue clinicien est une position intermeacutediaire et sin-guliegravere qui le maintien dans un espace pro-fessionnel eacutetriqueacute Certains ressentent de lamertume agrave ecirctre reacuteduits au rocircle de psychotheacute-rapeutes etou estiment ne pas ecirctre reconnus comme des professionnels agrave part entiegravere ils se qualifient de sous-psychiatres quand deacutepen-dants du psychiatre ils ne peuvent directement recevoir les patients qui font appel agrave eux Cette revendication des psychologues est devenue pour certains un carcan qui limite le champ de leur intervention Les psychologues sont lobjet dambivalence Ils peuvent ecirctre consideacutereacutes comme la profession montante en raison de la chute de la deacutemographie des psychiatres et de la de-mande sociale qui leur est adresseacutee les psy-chologues pourraient ecirctre en 1

egravere ligne pour

supplanter ces absences mais la mise en cause de leur statut et de leur formation par le reacutecent statut de psychotheacuterapeute les fragilise Pour conclure je citerai Marc Turpyn au col-loque Le psychologue clinicien le singulier et le collectif La profession de psychologue est-elle un symptocircme de lrsquoinstitution hospita-liegravere Un certain nombre de signes permet depuis longtemps de le penser son identiteacute indeacutefinis-sable sa situation drsquoexception dans un en-semble institutionnel globalement meacutedical son inexistence dans les instances de lrsquohocircpital les oublis reacuteguliers dont elle fait lrsquoobjet dans les textes sa position institutionnelle hors hieacuterar-chie les interrogations reacutecurrentes sur ses sta-tuts lrsquoincompreacutehension de ses outils de travail par les administrations etc Ce qui est nouveau ce sont les nombreuses

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tentatives pour mettre un terme agrave cette position symptomatique volonteacute de faire entrer la pro-fession dans le champ meacutedical fiches meacutetier deacutefinition de compeacutetences introduction de speacute-cialiteacutes preacute-identifieacutees en articulation avec les neurosciences et les approches comportemen-tales circulaire drsquoapplication visant au controcircle ou agrave la disparition des activiteacutes de FIR etc Nrsquooublions pas que la preacutecariteacute entretenue des psychologues le deacutesir de reconnaissance la peur ndash comme lrsquoa montreacute reacutecemment la mise en application du deacutecret sur le titre de psycho-theacuterapeute ndash poussent aussi agrave la normalisation Normaliser la profession serait sans doute la reacuteduire agrave lrsquoombre drsquoelle-mecircme

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Titre de psychotheacuterapeute si vous avez manqueacute le deacutebut

Virginie Rocard Hocircpital Sainte Peacuterine

M AI 1999 PROPOSITION DrsquoAMENDEMENT

PAR B ACCOYER

Devant lrsquoabsence de reacuteglementation autour de lrsquoexercice de la psychotheacuterapie et dans un contexte de lutte contre les deacuterives sectaires sous couvert de psychotheacuterapie un premier amendement est proposeacute par Bernard Accoyer meacutedecin et deacuteputeacute Ce premier amendement porte sur lrsquousage du titre de psychotheacuterapeute il est proposeacute le 4 mai 1999 agrave lrsquooccasion de lrsquoexamen du projet de loi relatif agrave la Couverture maladie universelle (CMU) OCTOBRE 1999 PROPOSITION DE LOI PAR

BACCOYER

Lrsquoamendement preacuteceacutedent ayant eacuteteacute refuseacute BAccoyer deacutepose le 13 octobre 1999 la pre-miegravere proposition de loi (ndeg 1844) visant agrave reacute-glementer le titre de psychotheacuterapeute Lrsquounique article preacutecise Lrsquousage du titre de psychotheacuterapeute est strictement reacuteserveacute drsquoune part aux titulaires du diplocircme de docteur en meacutedecine qualifieacute en psychiatrie et drsquoautre part aux titulaires drsquoun diplocircme de troisiegraveme cycle en psychologie Dans lrsquoexposeacute des motifs on retrouve deux professions de la santeacute mentale sont formeacutees par les universiteacutes franccedilaises les psycho-logues et les meacutedecins psychiatres Les condi-tions daccegraves et dutilisation de ces titres sont eacutetroitement encadreacutees par la loi Pourtant il existe un grave vide juridique concernant lexercice de la psychotheacuterapie La profession de psychotheacuterapeute nest en effet agrave ce jour toujours pas deacutefinie par le code de la santeacute publique Ainsi de trop nombreuses per-sonnes insuffisamment qualifieacutees voire non qualifieacutees se deacuteclarent et sinstituent psycho-theacuterapeutes en toute impuniteacute faisant courir les plus grands dangers agrave des personnes qui

par deacutefinition sont vulneacuterables et risquent de voir leur deacutetresse et leur pathologie aggra-veacutees MARS 2000 est enregistreacutee agrave la Preacutesidence de lAssembleacutee nationale sous le ndeg 2288 une pro-position de loi relative agrave lexercice de la profes-sion de psychotheacuterapeute par les deacuteputeacutes MM Jean-Michel Marchand Andreacute Aschieri Mme Marie-Heacutelegravene Aubert MM Yves Cochet et Noeumll Mamegraverehellip AVRIL 2000 PROPOSITION DE LOI DE

BACCOYER

26 avril 2000 nouvelle proposition de loi de BAccoyer Loi ndeg2342 relative agrave la prescription et agrave la conduite des psychotheacuterapies Dans lrsquoexposeacute des motifs on retrouve En labsence de disposition du code de la santeacute publique concernant lusage des psychotheacutera-pies quiconque le souhaite peut actuellement visser sa plaque de psychotheacuterapeute et preacutetendre soigner (hellip) Ainsi le rapport de la mission interministeacuterielle de lutte contre les sectes remis en feacutevrier 2000 au Premier mi-nistre signale que certaines techniques psy-chotheacuterapiques sont devenues un outil au ser-vice de linfiltration sectaire et il suggegravere au se-creacutetariat dEtat agrave la Santeacute de cadrer ces pra-tiques Cest la raison pour laquelle javais dores et deacutejagrave deacuteposeacute le 13 octobre 1999 avec quatre-vingt-un collegravegues une proposition de loi ndeg1844 visant agrave reacuteserver lusage du titre de psychotheacuterapeute agrave des personnes titulaires de diplocircmes universitaires() Dans ce con-texte il convient deacutesormais de consideacuterer les psychotheacuterapies comme un veacuteritable traite-ment A ce titre cest leur prescription et leurs applications qui apparaissent comme devant ecirctre reacuteserveacutees agrave des professionnels deacuteten-teurs de diplocircmes universitaires attestant dune formation institutionnelle garantie dune compeacutetence theacuteorique pouvant ecirctre doubleacutee

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dune expeacuterience pratique et dun travail sur soi (hellip) Cependant certains professionnels bien que non-psychiatres ou non-psychologues cliniciens preacutesentent de solides connaissances et une expeacuterience de la patho-logie mentale et du fonctionnement psychique Il convient donc quun jury composeacute duniversi-taires et de professionnels soit habiliteacute agrave vali-der leurs compeacutetences et agrave autoriser lexercice des psychotheacuterapies agrave ceux qui pratiquent deacute-jagrave depuis plus de cinq anneacutees agrave compter de promulgation de la preacutesente loi

PROPOSITION DE LOI Article unique Il est inseacutereacute apregraves larticle L 360 du code de la santeacute publique un article L 360-1 ainsi reacutedigeacute Les psychotheacuterapies sont des traitements meacutedico-psychologiques des souffrances mentales Comme toute theacuterapeutique leur prescription et leur mise en oeuvre ne peuvent relever que de professionnels qualifieacutes meacutedecins quali-fieacutes en psychiatrie et psychologues clini-ciens Les professionnels qui dispensent des psychotheacuterapies depuis plus de cinq ans agrave la date de promulgation de la preacute-sente loi pourront poursuivre cette activiteacute theacuterapeutique apregraves eacutevaluation de leurs connaissances et pratiques par un jury composeacute duniversitaires et de profession-nels dont la composition est fixeacutee par deacute-cret en Conseil dEtat

OCTOBRE 2003 AMENDEMENT AU PROJET DE LOI SUR LE CODE DE LA SANTEacute PUBLIC B AC-

COYER

8 Octobre 2003 agrave lrsquoAssembleacutee nationale B Ac-coyer deacutepose un amendement ndeg71 Les psychotheacuterapies sont des traitements meacute-dico-psychologiques des souffrances mentales Comme toute theacuterapeutique leur prescription et leur mise en oeuvre ne peuvent relever que de professionnels qualifieacutes en psychiatrie de psychologues cliniciens et meacutedecins ayant sui-vis les formations requises Crsquoest la 3eme version (ndeg336) qui est adopteacutee agrave lrsquounanimiteacute le 8 octobre 2003 par lrsquoAssembleacutee Nationale Les psychotheacuterapies constituent des outils theacuterapeutiques utiliseacutes dans le traite-ment des troubles mentaux Les diffeacuterentes ca-teacutegories de psychotheacuterapie sont fixeacutees par deacute-cret du ministre chargeacute de la Santeacute Leur mise en œuvre ne peut relever que de meacutedecins

psychiatres ou de meacutedecins et psychologues ayant les qualifications professionnelles re-quises fixeacute par ce mecircme deacutecret Lrsquoagence Na-tionale drsquoAccreacuteditation et drsquoEvaluation en Santeacute apporte son concours agrave lrsquoeacutelaboration de ces conditions (hellip) On ne parle plus ici de lrsquousage drsquoun titre de psy-chotheacuterapeute mais drsquoune deacutefinition de la psy-chotheacuterapie JANVIER 2004 AMENDEMENT ACCOYER ANNU-

LANT LE PREacuteCEacuteDENT

Le 19 janvier 2004 lrsquoamendement Accoyer de-venu entre temps amendement 363 About-Matteacutei annulant le preacuteceacutedent est voteacute par le Seacutenat en ces termes Lrsquousage du titre de psychotheacuterapeute est reacute-serveacute aux professionnels inscrits au registre national de psychotheacuterapeutes (hellip) Sont dis-penseacutes de lrsquoinscription les titulaires drsquoun di-plocircme de docteur en meacutedecine les psycho-logues titulaires drsquoun diplocircme drsquoeacutetat et les psy-chanalystes reacuteguliegraverement enregistreacutes dans les annuaires de leurs associations Les modaliteacutes drsquoapplication du preacutesent article sont fixeacutees par deacutecret Ici les psychanalystes reacuteguliegraverement enregis-treacutes dans les annuaires de leurs associations font leur apparition dans la liste des personnes habiliteacutees agrave user du titre de psychotheacuterapeute

AVRIL 2004 AMENDEMENT DUBERNARD

8 avril 2004 est voteacute agrave lrsquoAssembleacutee nationale lrsquoamendement devenu depuis amendement 344 preacutesenteacute par Jean-Marie Dubernard rap-porteur de la commission des affaires cultu-relles familiales et sociales

POLITIQUE DE SANTE PUBLIQUE (Nordm 1364)

(DEUXIEME LECTURE)

Amendement Nordm 344 preacutesenteacute par M Jean-Michel Dubernard rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles familiales et sociales Article 18 quater La conduite des psychotheacuterapies neacuteces-site soit une formation theacuteorique et pra-tique en psychopathologie clinique soit une formation reconnue par les associa-tions de psychanalystes (hellip) Lrsquousage du

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titre de psychotheacuterapeute est reacuteserveacute aux professionnels inscrits au registre national des psychotheacuterapeutes (hellip) Sont dispen-seacutes de lrsquoinscription sur la liste viseacutee agrave lrsquoali-neacutea preacuteceacutedent les titulaires drsquoun diplocircme de docteur en meacutedecine les personnes autoriseacutees agrave faire usage du titre de psy-chologue dans des conditions deacutefinies par lrsquoarticle 44 portant diverses dispositions drsquoordre social nordm85-772 du 25 juillet 1985 et les psychanalystes reacuteguliegraverement enre-gistreacutes dans les annuaires de leurs asso-ciations

Dans lrsquoexposeacute sommaire on retrouve pour conduire des psychotheacuterapies il est neacutecessaire drsquoavoir suivi une formation theacuteorique et pratique en psychopathologie La condition de lrsquoinscrip-tion sur le registre national est maintenue (hellip)Lrsquoamendement continue agrave preacutevoir que les titu-laires drsquoun diplocircme de meacutedecine les psycho-logues et les psychanalystes sont dispenseacutes de lrsquoenregistrement Ces professionnels devront satisfaire agrave lrsquoobligation de formation mention-neacutee au premier alineacutea de lrsquoarticle

9 AOUT 2004 LOI SUR LE TITRE DE PSYCHOTHEacute-

RAPEUTE ARTICLE 52

Le 28 juillet 2004 a eu lieu la reacuteunion de la commission mixte paritaire qui reacutevise lrsquoamende-ment qui est examineacute en seacuteances publiques par lrsquoAssembleacutee Nationale et le Seacutenat le 30 juil-let 2004 et devient le 09 aoucirct 2004 la loi ndeg2004-806 lrsquoarticle 52 relative agrave la politique de santeacute publique Sa parution est dans le JO ndeg185 du 11 aoucirct 2004 page 14277 texte ndeg 4 Dans cette loi larticle 18 quater revu par la commission mixte a eacuteteacute inteacutegralement repris et devient larticle 52 de la dite Loi

Article 52 Lusage du titre de psychotheacuterapeute est reacuteserveacute aux professionnels inscrits au re-gistre national des psychotheacuterapeutes Linscription est enregistreacutee sur une liste dresseacutee par le repreacutesentant de lEtat dans le deacutepartement de leur reacutesidence profes-sionnelle Elle est tenue agrave jour mise agrave la disposition du public et publieacutee reacuteguliegravere-ment Cette liste mentionne les formations suivies par le professionnel En cas de transfert de la reacutesidence professionnelle dans un autre deacutepartement une nouvelle

inscription est obligatoire La mecircme obli-gation simpose aux personnes qui apregraves deux ans dinterruption veulent agrave nou-veau faire usage du titre de psychotheacutera-peute Linscription sur la liste viseacutee agrave lalineacutea preacuteceacutedent est de droit pour les titulaires dun diplocircme de docteur en meacutedecine les personnes autoriseacutees agrave faire usage du titre de psychologue dans les conditions deacutefinies par larticle 44 de la loi ndeg 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses disposi-tions dordre social et les psychanalystes reacuteguliegraverement enregistreacutes dans les an-nuaires de leurs associations Un deacutecret en Conseil dEtat preacutecise les modaliteacutes dapplication du preacutesent article et les conditions de formation theacuteoriques et pratiques en psychopathologie clinique que doivent remplir les personnes viseacutees aux deuxiegraveme et troisiegraveme alineacuteas

Cet article introduit comme condition de lrsquousage du titre une formation theacuteorique et pratique en psychopathologie clinique alors qursquoil stipule dans le mecircme temps que lrsquoinscription est de droit pour certains professionnels ce qui pose-ra beaucoup de problegravemes pour lrsquoeacutecriture des projets de deacutecret 2005-2009 AVANT-PROJET DrsquoAPPLICATION DE

LA LOI

Les concertations avec les professionnels con-cerneacutes par lrsquoeacutecriture drsquoun avant-projet de deacutecret relatif agrave lrsquousage du titre de psychotheacuterapeute deacutebutent en 2005 Beaucoup de versions vont voir le jour et susciter de vives reacuteactions des professionnels Le ministegravere reacuteunit les organi-sations professionnelles agrave plusieurs reprises pour leur soumettre ces projets Quelques exemples des diffeacuterentes versions de lrsquoavant-projet de deacutecret de loi Version de lrsquoavant projet de deacutecret relatif agrave lrsquousage du titre de psychotheacuterapeute 10 janvier 2006

Art1 Lrsquousage du titre de psychotheacutera-peute neacutecessite une deacutemarche volontaire de la part des professionnels pratiquant les psychotheacuterapies Inscription sur une liste deacutepartementale (hellip) Art2 Lrsquoinscription sur la liste deacutepartemen-

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tale est subordonneacutee pour les professionnels viseacutes au 3

egraveme ali-

neacutea lrsquoattestation de la certification de la for-mation en psychopathologie clinique lrsquoattestation de lrsquoobtention du diplocircme de docteur en meacutedecine ou de lrsquoun des di-plocircme viseacutes au deacutecret ndeg 90-255 du 22 mars 1990 modifieacute (liste des diplocircmes permettant de faire usage professionnel du titre de psychologue) ou de lrsquoinscrip-tion agrave un annuaire drsquoassociations de psy-chanalystes pour les autres professionnels

Lrsquoattestation de la certification de la for-mation en psychopathologie clinique Le cas eacutecheacuteant lrsquoattestation de lrsquoobtention drsquoun diplocircme relatif agrave une profession reacute-glementeacutee dans le champ sanitaire et so-cial Une deacuteclaration sur lrsquohonneur faisant eacutetat des autres formations suivies dans le do-maine de la pratique de la psychotheacutera-pie parmi les quatre approches sui-vantes analytique systeacutemique cognitivo-comportementaliste inteacutegrative La deacuteclaration sur lrsquohonneur mentionne notamment lrsquointituleacute et la date drsquoobtention du diplocircme la dureacutee de la formation le nom et les coordonneacutees de lrsquoorganisme de formation public ou priveacute qui a deacutelivreacute le diplocircme (hellip) Art8 Le cahier des charges susviseacute deacutefi-nit les modaliteacutes de la formation en psy-chopathologie clinique laquelle est drsquoun niveau master Il vise agrave permettre au pro-fessionnel souhaitant user du titre de psy-chotheacuterapeute drsquoacqueacuterir Une connaissance du fonctionnement psychique Une capaciteacute de discrimination de base des situations pathologiques en santeacute mentale Une connaissance de la diversiteacute des theacuteories se rapportant agrave la psychopatholo-gie Une connaissance des 4 principales ap-proches de psychotheacuterapie vali-deacutees scientifiquement (analytique systeacute-mique cognitivo-comportementaliste in-teacutegrative) (hellip)

Il est eacutevoqueacute un niveau master pas de men-

tion drsquoune formation universitaire la loi ne parle que drsquoune formation agrave la psychopathologie cli-nique et stipule ce que seraient les approches psychotheacuterapiques valables scientifiquement ce qui nrsquoest pas sans questionner Titre ouvert aux deacutetenteurs drsquoun diplocircme relatif agrave une pro-fession reacuteglementeacutee dans les champs sani-taires et sociaux ne correspond pas aux preacute requis de la formation en psychopathologie cli-nique Par la suite le descriptif des diffeacuterentes ap-proches de psychotheacuterapie disparaicirct au profit drsquoune connaissance des principales ap-proches utiliseacutees en psychotheacuterapie sans preacute-cision Est indiqueacute le nombre drsquoheures de for-mation theacuteorique (150 heures dans une ver-sion 500 dans une autrehellip) et de stage pra-tique Est stipuleacute que la formation en psychopa-thologie clinique peut ecirctre confieacutee agrave lrsquoUniversiteacute ou agrave des organismes passant convention avec lrsquoUniversiteacute Pour les professionnels inscrits de droit on retrouve les docteurs en meacutedecine quelles que soient leurs speacutecialiteacutes les psycho-logues quelle que soit leur formation et les psy-chanalystes reacuteguliegraverement inscrits dans un an-nuaire drsquoassociation de psychanalystes ce qui nrsquoest pas un titre proteacutegeacute On exige par ailleurs de ces mecircmes professionnels une formation compleacutementaire en psychopathologie viseacutee agrave lrsquoalineacutea 4 de lrsquoarticle 52 ce qui posera pro-blegraveme certaines professions pouvant faire usage du titre de psychotheacuterapeute de droit doivent dans le mecircme texte de loi attester drsquoune formation compleacutementaire Pour tous les professionnels le cas eacutecheacuteant une deacuteclaration sur lrsquohonneur faisant eacutetat des autres formations suivies dans le domaine de la pratique de psychotheacuterapie une attestation drsquoobtention drsquoun diplocircme relatif agrave une profes-sion reacuteglementeacutee par le code de la santeacute pu-blique ou le code de la famille et de lrsquoaction so-ciale Le cahier des charges deacutefinit les modaliteacutes de la formation en psychopathologie clinique pour acqueacuterir ou valider une connaissance des fonctionnements et des processus psychiques une connaissance des critegraveres de discerne-ment des grandes pathologies psychiatriques une connaissance des diffeacuterentes theacuteories se rapportant agrave la psychopathologie une connais-sance des principales approches utiliseacutees en psychotheacuterapie

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Le Ministegravere de la Santeacute ne parvient pas agrave faire aboutir lrsquoeacutecriture de deacutecrets drsquoapplication de-vant faire face aux contestations des diffeacuterents professionnels Au printemps 2008 le Ministegravere de la Santeacute deacutecide drsquoarrecircter un des projets de deacutecret drsquoap-plication de lrsquoarticle 52 soumis au CNESER (Conseil National de lrsquoEnseignement Supeacuterieur et de la Recherche) le 16 juin 2008 Dans la note de preacutesentation on retrouve il ne srsquoagit pas de creacuteer une nouvelle profession ni drsquoen-cadrer la formation et la pratique de la psycho-theacuterapie mais de preacuteciser les conditions dans lesquelles il peut ecirctre fait usage de ce titre Il y est exigeacute pour tous professionnels drsquoavoir valideacute une formation theacuteorique de 400 heures (cest-agrave-dire infeacuterieure au total de la formation en psychopathologie clinique drsquoun Master de Psychologie clinique) et un stage pratique de 5 mois Possibiliteacutes de dispenses partielles de forma-tion selon les cateacutegories professionnelles con-cerneacutees (meacutedecins meacutedecins psychiatres psy-chologues psychanalystes) 18 MARS 2009 PROJET DE LOI PORTANT REacute-

FORME DE LrsquoHOcircPITAL ET RELATIF AUX PATIENTS

Agrave LA SANTEacute ET AUX TERRITOIRES

23 JUILLET 2009 ARTICLE 91 DE LA LOI HPST

Lrsquoarticle 91 de la loi HPST du 21 juillet 2009 opegravere une modification de lrsquoarticle 52 de la loi du 9 aoucirct 2004 pour reacutesoudre les difficulteacutes rencontreacutees agrave eacutecrire un deacutecret drsquoapplication Il modifie lrsquoarticle 52 portant sur lrsquousage du titre de psychotheacuterapeute

Article 52 de la loi ndeg 2004-806 du 9 aoucirct 2004 modifieacute par lrsquoarticle 91 de la loi ndeg 2009

-879 du 21 juillet 2009 Lrsquousage du titre de psychotheacuterapeute est reacuteserveacute aux professionnels inscrits au re-gistre national des psychotheacuterapeutes [hellip] Un deacutecret en Conseil drsquoEacutetat preacutecise les modaliteacutes drsquoapplication du preacutesent ar-ticle et les conditions de formation theacuteo-rique et pratique en psychopathologie cli-nique que doivent remplir lrsquoensemble des professionnels souhaitant srsquoinscrire au registre national des psychotheacuterapeutes Il deacutefinit les conditions dans lesquelles les ministres chargeacutes de la santeacute et de lrsquoen-

seignement supeacuterieur agreacuteent les eacutetablis-sements autoriseacutes agrave deacutelivrer cette forma-tion Lrsquoaccegraves agrave cette formation est reacuteserveacute aux titulaires drsquoun diplocircme de niveau doctorat donnant le droit drsquoexercer la meacutedecine en France ou drsquoun diplocircme de niveau master dont la speacutecialiteacute ou la mention est la psy-chologie ou la psychanalyse Le deacutecret en Conseil drsquoEacutetat deacutefinit les conditions dans lesquelles les titulaires drsquoun diplocircme de docteur en meacutedecine les personnes autoriseacutees agrave faire usage du titre de psychologue dans les conditions deacutefinies par lrsquoarticle 44 de la loi ndeg 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses disposi-tions drsquoordre social et les psychanalystes reacuteguliegraverement enregistreacutes dans les an-nuaires de leurs associations peuvent beacute-neacuteficier drsquoune dispense totale ou partielle pour la formation en psychopathologie clinique [hellip] Le deacutecret en Conseil drsquoEtat preacutecise eacutegale-ment les dispositions transitoires dont pourront beacuteneacuteficier les professionnels jus-tifiant dau moins cinq ans de pratique de la psychotheacuterapie agrave la date de publication du deacutecret

Il nrsquoy a plus de notion de professionnels inscrits de droit la formation en psychopatho-logie clinique est exigible de tous et lrsquoaccegraves agrave cette formation requiert un niveau de diplocircme eacuteleveacute titre de docteur en meacutedecine master de psychologie ou de psychanalyse Y sont tou-jours mentionneacutes les psychanalystes reacuteguliegrave-rement enregistreacutes dans les annuaires de leurs associations 20 MAI 2010 DEacuteCRET DrsquoAPPLICATION RELATIF Agrave LrsquoUSAGE DU TITRE DE PSYCHOTHEacuteRAPEUTE (CF

ANNEXE)

Le 20 mai 2010 paraicirct le deacutecret relatif agrave lrsquousage du titre de psychotheacuterapeute publieacute au JO ndeg0117 du 22 mai 2010 (deacutecret ndeg 2010-534) Ce deacutecret deacutefinit les critegraveres de formation en psychopathologie clinique exigeacutee fixe les con-ditions drsquoagreacutement des eacutetablissements de for-mation preacutecise les dispenses partielles ou to-tales de formation dont peuvent beacuteneacuteficier les meacutedecins psychologues et psychanalystes et enfin arrecircte les dispositions transitoires appli-cables aux psychotheacuterapeutes en exercice agrave

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la date de publication du deacutecret Il nrsquoy est tou-jours pas fait mention de formation agrave la pra-tique psychotheacuterapique Il preacutecise une condition de diplocircme minimal pour avoir accegraves agrave cette formation Elle est reacute-serveacutee aux personnes titulaires drsquoun doctorat de meacutedecine ou drsquoun master ayant pour men-tion ou pour speacutecialiteacute la psychologie ou la psy-chanalyse Les psychiatres sont exempteacutes de formation compleacutementaire Les meacutedecins non psy-chiatres seront contraints agrave une formation com-pleacutementaire On retrouve la notion de psychologue clinicien qui ne correspond pas agrave un titre proteacutegeacute comme tel ni un parcours de formation identifieacutee Les psychologues clini-ciens nrsquoont pas de dispense totale et devront se soumettre agrave une formation theacuteorique et pra-tique compleacutementaire La formation theacuteorique comprend 400 heures drsquoenseignement pour acqueacuterir ou valider des connaissances relatives au deacuteveloppement fonctionnement et processus psychiques aux critegraveres de discernement des grandes patholo-gies psychiatriques aux diffeacuterentes theacuteories se rapportant agrave la psychopathologie aux princi-pales approches utiliseacutees en psychotheacuterapie Le stage est drsquoune dureacutee minimale de cinq mois Les professionnels justifiant drsquoau moins 5 ans de pratique de la psychotheacuterapie peuvent ecirctre inscrits sur la liste deacutepartementale apregraves avis de la commission reacutegionale drsquoinscription Le deacutecret ne preacutecise pas la cateacutegorie professionnelle nrsquoappartenant agrave aucune des cateacutegories preacuteceacutedentes que lrsquoon voit en effet apparaicirctre dans lrsquoannexe du deacutecret Le deacutecret a renforceacute le niveau exigeacute pour agreacuteer les eacutetablissements de formation Les psychologues notamment par le biais de leurs organisations professionnelles et syndi-cales ont deacuteposeacute un recours juridique contre le deacutecret relatif agrave lrsquousage du titre de psychotheacutera-peute le 12 juillet 2010 Ils contestaient notam-ment que lrsquoon exige drsquoeux des formations com-pleacutementaires qui sont deacutejagrave incluses dans leur formation initiale Le recours a eacuteteacute examineacute le mercredi 21 sep-tembre 2011 Le rapporteur public a conclu au rejet de lrsquoensemble des requecirctes porteacute contre le deacutecret ndeg2010-534 du 20 mai 2010 arrecirct du Conseil drsquoEtat du 27 octobre 2011 Ce deacutecret

est jugeacute conforme agrave lrsquoarticle 52 de la loi ndeg2004-806 du 9 aoucirct 2004 relative agrave la politique de santeacute publique modifieacutee par la loi ndeg2011-940 du 10 aoucirct 2011-art 47 (V) Les organisations professionnelles de psychologues sont en pourparler et eacutevoquent une modification de lrsquoannexe du deacutecret qui pourrait ecirctre en reacuteeacutecri-ture pour mettre agrave pariteacute psychologues et psy-chiatres pour la dispense totale de lrsquoenseigne-ment theacuteorique et du stage srsquoil a eacuteteacute effectueacute pendant les eacutetudes Fin 2011 les bureaux concerneacutes au Ministegravere de la Santeacute et au Ministegravere de lrsquoenseignement Supeacuterieur et de la Recherche examinent un projet de modification de lrsquoannexe du deacutecret du 20 mai 2010 afin de preacutevoir une dispense de formation theacuteorique compleacutementaire et de stage pour les titulaires du titre de psychologue ayant accompli le stage professionnel lieacute agrave lrsquoob-tention de ce titre dans les conditions preacutevues agrave lrsquoart4 du deacutecret du 20 mai 2010 Une dis-pense de toute formation theacuteorique mais reacuteali-sation drsquoun stage de 2 mois dans les conditions de lrsquoart4 du deacutecret pour les titulaires du titre de psychologue dont le stage professionnel lieacute agrave lrsquoobtention de ce titre nrsquoa pas eacuteteacute reacutealiseacute dans les conditions de cet article (voir sites des orga-nisations professionnelles et syndicales)

CONCLUSION

Au deacutecours de ce long cheminement pour lrsquoeacutela-borer une loi portant sur lrsquousage du titre de psy-chotheacuterapeute on remarquera lrsquoimpasse faite sur la formation agrave la pratique de la psychotheacute-rapie elle-mecircme Ce titre pourra ecirctre en effet deacutelivreacute agrave des personnes dont on nrsquoaura pas exi-geacute de formation agrave la psychotheacuterapie mais une formation agrave la psychopathologie clinique Une confusion suppleacutementaire dans la visibiliteacute des professions et leurs missions est introduite par le biais drsquoun nouveau titre de psychotheacuterapeute Il est agrave souligner que concernant les profes-sions reacuteglementeacutees dont font partie les psy-chologues la pratique de la psychotheacuterapie peut sous reacuteserve drsquoune formation compleacute-mentaire personnelle faire partie de leur activi-teacute Le titre de psychotheacuterapeute ne leur est donc pas neacutecessaire (Cf argumentaires sur le site des organisations professionnelles et syn-dicales)

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Quels changements pour le meacutetier de psychologue

Decret ndeg2010-534 du 20 mai 2010 relatif agrave lrsquousage du titre de psychotheacuterapeute

Article 1 Linscription sur le registre national des psy-chotheacuterapeutes mentionneacute agrave larticle 52 de la loi du 9 aoucirct 2004 susviseacutee est subordon-neacutee agrave la validation dune formation en psy-chopathologie clinique de 400 heures mini-mum et dun stage pratique dune dureacutee mi-nimale correspondant agrave cinq mois effectueacute

dans les conditions preacutevues agrave larticle 4Laccegraves agrave cette formation est reacuteserveacute aux titulaires dun diplocircme de niveau doctorat donnant le droit dexercer la meacutedecine en France ou dun diplocircme de niveau master dont la speacutecialiteacute ou la mention est la psy-

chologie ou la psychanalyse Article 2 Par deacuterogation aux dispositions de larticle preacuteceacutedent les professionnels mentionneacutes au cinquiegraveme alineacutea de larticle 52 de la loi preacuteciteacutee sont dispenseacutes en tout ou partie de la formation et du stage dans les conditions

preacutevues par lannexe 1 du preacutesent deacutecret Article 3 La formation mentionneacutee agrave larticle 1er vise agrave permettre aux professionnels souhaitant user du titre de psychotheacuterapeute dacqueacuterir

et de valider des connaissances relatives 1deg Aux deacuteveloppement fonctionnement et

processus psychiques 2deg Aux critegraveres de

discernement des grandes pathologies psy-

chiatriques 3deg Aux diffeacuterentes theacuteories se

rapportant agrave la psychopathologie 4deg Aux

principales approches utiliseacutees en psycho-

theacuterapie Article 4 Le stage pratique mentionneacute agrave larticle 1er seffectue agrave temps plein ou agrave temps partiel de faccedilon continue ou par peacuteriodes fraction-

neacuteesIl est accompli dans un eacutetablissement

public ou priveacute deacutetenant lautorisation men-tionneacutee agrave larticle L 6122-1 du code de la santeacute publique ou agrave larticle L 313-1-1 du code de laction sociale et des familles Toutefois le site du stage ne peut ecirctre le

lieu de travail de la personne en formationLe stage est placeacute sous la responsabiliteacute conjointe dun membre de leacutequipe de for-mation dun eacutetablissement agreacuteeacute en appli-

cation des articles 10 et 15 et dun profes-sionnel de leacutetablissement mentionneacute au

deuxiegraveme alineacutea maicirctre de stageIl donne

lieu agrave un rapport sur lexpeacuterience profes-sionnelle acquise soutenu devant les res-ponsables du stage et un responsable de la

formation de leacutetablissement agreacuteeacuteLe

stage est valideacute par le responsable de la

formation Article 5 Le contenu de la formation theacuteorique et pra-tique mentionneacutee agrave larticle 1er les critegraveres et modaliteacutes de son eacutevaluation ainsi que les objectifs du stage sont deacutefinis par un cahier des charges pris par arrecircteacute conjoint des mi-nistres chargeacutes de la santeacute et de lenseigne-ment supeacuterieur et publieacute au Journal officiel

de la Reacutepublique franccedilaise Article 6 Leacutetablissement de formation sassure au moment de linscription que le candidat jus-tifie de lun des diplocircmes ou titres de forma-tion mentionneacutes au quatriegraveme alineacutea de lar-ticle 52 de la loi du 9 aoucirct 2004 ou dun di-plocircme ou titre de formation reconnu eacutequiva-lent dans un autre Etat membre de lUnion europeacuteenne ou un autre Etat partie agrave lac-

cord sur lEspace eacuteconomique europeacuteen CHAPITRE II LE REGISTRE NATIONAL DES

PSYCHOTHERAPEUTES Article 7 ― Linscription sur la liste deacutepartementale

mentionneacutee au deuxiegraveme alineacutea de larticle 52 de la loi du 9 aoucirct 2004 est effectueacutee par le preacutefet du deacutepar-tement de la reacutesidence profession-

nelle principale du demandeurElle

est gratuite Elle doit avoir eacuteteacute effec-tueacutee avant toute utilisation du titre de

psychotheacuterapeuteDans le cas ougrave le

professionnel exerce dans plusieurs sites en tant que psychotheacuterapeute il est tenu de le deacuteclarer et de mention-ner les diffeacuterentes adresses de ses

lieux dexerciceEn cas de change-

ment de situation professionnelle le professionnel en informe les services

du preacutefet - La demande est adresseacutee au directeur geacute-

neacuteral de lagence reacutegionale de santeacute

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 39

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

dans le ressort duquel se situe la reacute-sidence professionnelle du deman-deur Celui-ci deacutelivre un accuseacute de reacuteception dans les conditions fixeacutees par le deacutecret du 6 juin 2001 susviseacute apregraves reacuteception de lensemble des piegraveces justificatives mentionneacutees agrave larticle 8 et assure linstruction pour le compte du preacutefet Il fait connaicirctre agrave ce dernier son avis sur la demande dinscription dans le deacutelai de 45

joursLe silence gardeacute par lautoriteacute

preacutefectorale agrave lexpiration dun deacutelai de deux mois agrave compter de la reacutecep-tion du dossier complet vaut deacutecision

de rejet de la demande - Lensemble des listes deacutepartementales

constitue le registre national des psy-

chotheacuterapeutes Article 8 I ― En vue de leur inscription sur la liste deacutepartementale les professionnels fournis-

sent 1deg La copie dune piegravece didentiteacute 2deg Lattestation de lobtention du titre de for-mation mentionneacute agrave larticle L 4131-1 du code de la santeacute publique ou du diplocircme de

niveau master mentionneacute agrave larticle 6 3deg

Lattestation de la formation en psychopa-thologie clinique mentionneacutee agrave larticle 1er agrave lexception des professionnels beacuteneacuteficiant

dune dispense totale 4deg Le cas eacutecheacuteant

lattestation denregistrement pour les pro-fessions et titres reacuteglementeacutes par le code de la santeacute publique et le code de laction

sociale et des familles II - Les professionnels appartenant agrave lune des trois cateacutegories mentionneacutees au cin-quiegraveme alineacutea de larticle 52 de la loi du 9 aoucirct 2004 susviseacutee fournissent en outre se-

lon les cas 1deg Soit lattestation de lobten-

tion du titre de formation de speacutecialiste en

psychiatrie 2deg Soit lattestation de lobten-

tion de lun des diplocircmes mentionneacutes au deacutecret du 22 mars 1990 susviseacute permettant de faire usage professionnel du titre de psy-chologue ou lautorisation obtenue en appli-cation des alineacuteas II et III de larticle 44 de

la loi du 25 juillet 1985 susviseacutee 3deg Soit

lattestation de lenregistrement reacutegulier dans un annuaire dassociation de psycha-

nalystesCette attestation est eacutetablie par le

preacutesident de lassociation Elle est accom-pagneacutee dune copie de linsertion la plus reacute-cente au Journal officiel de la Reacutepublique franccedilaise concernant lassociation et men-

tionnant son objetIII - Les modaliteacutes de

preacutesentation de la demande dinscription et notamment la composition du dossier ac-compagnant la demande sont fixeacutees par arrecircteacute du ministre chargeacute de la santeacute publieacute au Journal officiel de la Reacutepublique fran-

ccedilaise Article 9 La liste deacutepartementale mentionne pour

chaque professionnel 1deg Son identiteacute 2deg

Son lieu dexercice principal et sil y a lieu

ses lieux dexercice secondaires 3deg Le cas

eacutecheacuteant la mention et la date dobtention des diplocircmes relatifs aux professions de santeacute mentionneacutees dans la quatriegraveme partie du code de la santeacute publique ou agrave la profes-sion de psychologue la date de lautorisa-tion obtenue en application des alineacuteas II et III de larticle 44 de la loi du 25 juillet 1985 susviseacutee ou le nom de lassociation de psy-chanalystes dans lannuaire de laquelle le professionnel est reacuteguliegraverement enregistreacute

4deg Le nom de leacutetablissement de formation

ayant deacutelivreacute lattestation de formation en psychopathologie clinique ainsi que la date

de deacutelivrance de cette attestationCe docu-

ment preacutesente la liste des inscrits selon leur

profession dorigineCette liste est tenue

gratuitement agrave la disposition du public Elle est publieacutee chaque anneacutee au recueil des

actes administratifs de la preacutefecture

CHAPITRE III AGREMENT DES ETABLISSE-

MENTS DE FORMATION Article 10 ― Les eacutetablissements autoriseacutes agrave deacutelivrer

la formation preacutevue agrave larticle 1er sont agreacuteeacutes pour quatre ans par les ministres chargeacutes de la santeacute et de lenseignement supeacuterieur apregraves avis dune commission reacutegionale dagreacute-

ment - La commission reacutegionale dagreacutement est

composeacutee de six personnaliteacutes quali-fieacutees titulaires et de six personnaliteacutes

qualifieacutees suppleacuteantesCes person-

naliteacutes sont nommeacutees pour trois ans

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 40

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

par le directeur geacuteneacuteral de lagence reacutegionale de santeacute qui les choisit en raison de leurs compeacutetences dans les domaines de la formation et de leur expeacuterience professionnelle dans le champ de la psychiatrie de la psy-chanalyse ou de la psychopathologie clinique sans quaucune des trois cateacutegories de professionnels men-tionneacutees au cinquiegraveme alineacutea de lar-ticle 52 de la loi du 9 aoucirct 2004 sus-viseacutee ne soit majoritaire au sein de la

commissionParmi ces personnali-

teacutes siegravegent deux professeurs des universiteacutes speacutecialiseacutes en psychia-

trie psychologie ou psychanalyseLe directeur geacuteneacuteral de lagence reacute-gionale de santeacute deacutesigne le preacutesident

de la commissionLe mandat des

membres de la commission est re-

nouvelable une fois Article 11 Lavis motiveacute de la commission est rendu

au regard des eacuteleacutements suivants 1deg La

conformiteacute du contenu de la formation pro-poseacutee aux conditions poseacutees aux articles

1er 2 3 4 et 5 du preacutesent deacutecret 2deg La

conformiteacute des conditions et modaliteacutes de validation de la formation theacuteorique et pra-tique preacutevues par leacutetablissement au regard des dispositions preacutevues par larrecircteacute men-

tionneacute agrave larticle 5 du preacutesent deacutecret 3deg

Lengagement de leacutetablissement dans une deacutemarche deacutevaluation de la qualiteacute de la formation dispenseacutee Il fait lobjet dun dos-sier indiquant la structure publique ou pri-veacutee de son choix agrave laquelle sera confieacutee leacutevaluation en cause ainsi que le processus deacutevaluation retenu Ce dossier preacutecise en outre le statut de leacutevaluation la meacutethode utiliseacutee les indicateurs retenus et les diffeacute-rentes phases de leacutevaluation lidentiteacute et la qualification des eacutevaluateurs ainsi que le

calendrier preacutevisionnel de leacutevaluation 4deg

La qualiteacute de leacutequipe peacutedagogique respon-sable qui est composeacutee notamment densei-gnants permanents de professionnels de santeacute ainsi que de personnes autoriseacutees agrave porter le titre de psychotheacuterapeute Cette eacutequipe est placeacutee sous lautoriteacute dun con-seil scientifique comprenant notamment un

titulaire dun titre de formation mentionneacute agrave larticle L 4131-1 du code de la santeacute pu-

blique 5deg Ladeacutequation des moyens peacuteda-

gogiques par rapport au projet peacutedagogique et agrave leffectif des eacutelegraveves dans les diffeacuterentes

anneacutees de formation 6deg La conformiteacute des

locaux en matiegravere de seacutecuriteacute et daccessi-biliteacute ainsi que leur adeacutequation par rapport au projet peacutedagogique et agrave leffectif des eacutelegraveves dans les diffeacuterentes anneacutees de for-

mationLes eacutetablissements denseigne-

ment priveacutes doivent en outre satisfaire aux prescriptions des articles L 731-1 agrave L 731-

17 du code de leacuteducation Article 12 La personne physique ou morale juridique-ment responsable dun eacutetablissement de formation deacutesirant assurer la formation mentionneacutee agrave larticle 1er eacutetablit un dossier

de demande dagreacutementCe dossier est

adresseacute au plus tard six mois avant la date de louverture de la formation au directeur geacuteneacuteral de lagence reacutegionale de santeacute dans le ressort duquel leacutetablissement a son

siegravege socialCelui-ci en accuse reacuteception

dans les conditions fixeacutees par le deacutecret du 6

juin 2001 susviseacuteLa composition de ce

dossier est fixeacutee par arrecircteacute conjoint des mi-nistres chargeacutes de la santeacute et de lenseigne-ment supeacuterieur Il comporte notamment les statuts de leacutetablissement de formation et sa capaciteacute daccueil la description des forma-tions deacutelivreacutees la description des locaux et des moyens peacutedagogiques Il preacutecise sagissant de la formation en psychopatho-logie clinique le contenu de la formation theacuteorique et pratique deacutelivreacutee le descriptif du corps enseignant (effectifs qualiteacute quali-fication) la nature des activiteacutes et de la par-ticipation agrave la recherche de leacutequipe respon-

sable de la formation Article 13 Tout dossier deacuteposeacute est transmis par le di-recteur geacuteneacuteral de lagence reacutegionale de santeacute au secreacutetariat de la commission dans un deacutelai dun mois agrave compter de laccuseacute de

reacuteception de la demande initialeLa com-

mission se reacuteunit sur convocation de son preacutesident et dans les conditions fixeacutees par le deacutecret du 8 juin 2006 susviseacute Elle rend son avis dans le deacutelai de deux mois agrave

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 41

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

compter de sa saisineLe repreacutesentant de

leacutetablissement de formation est entendu par la commission reacutegionale sil en formule le souhait au moment du deacutepocirct de la candi-

dature ou agrave la demande de la commissionLavis est notifieacute agrave leacutetablissement qui a in-

troduit la demande Article 14 En cas davis neacutegatif et dans un deacutelai dun mois suivant sa notification le repreacutesentant de leacutetablissement de formation peut de-mander au directeur geacuteneacuteral de lagence reacutegionale de santeacute de convoquer une nou-

velle reacuteunion de la commissionCelle-ci

siegravege dans une formation eacutelargie agrave len-semble de ses membres titulaires et sup-

pleacuteantsSon avis se substitue au premier

avis rendu Article 15 La deacutecision dagreacutement intervient au plus tard six mois apregraves le deacutepocirct de la demande initiale En cas de recours dans les condi-tions preacutevues agrave larticle 14 ce deacutelai est pro-

longeacute de deux moisLe silence de ladmi-

nistration agrave lexpiration de ce deacutelai vaut deacute-

cision de rejetLa suspension ou le retrait

de lagreacutement sont prononceacutes par deacutecision motiveacutee des ministres chargeacutes de la santeacute et de lenseignement supeacuterieur apregraves que leacutetablissement a eacuteteacute mis agrave mecircme de preacute-senter ses observations lorsque le contenu ou les modaliteacutes dorganisation de la forma-tion cessent decirctre conformes aux condi-tions preacutevues agrave larticle 11 du preacutesent deacute-

cret CHAPITRE IV DISPOSITIONS TRANSI-

TOIRES Article 16

I ― Les professionnels justifiant dau moins cinq ans de pratique de la psychotheacutera-pie agrave la date de publication du preacutesent deacutecret peuvent ecirctre inscrits sur la liste deacutepartementale mentionneacutee agrave larticle 7 alors mecircme quils ne remplissent pas les conditions de formation et de diplocircme preacutevues aux articles 1er et 6 du preacutesent deacutecret Cette deacuterogation est accordeacutee par le preacutefet du deacutepartement de la reacutesi-dence professionnelle du demandeur apregraves avis de la commission reacutegionale dinscription Le professionnel preacutesente

cette autorisation lors de sa demande dinscription sur la liste deacutepartementale

des psychotheacuterapeutes II - La commission mentionneacutee au I est preacutesi-

deacutee par le directeur geacuteneacuteral de lagence reacutegionale de santeacute ou par la personne quil a reacuteguliegraverement deacutesigneacutee pour le repreacutesenter Elle comprend six person-naliteacutes qualifieacutees titulaires et six person-naliteacutes suppleacuteantes appartenant agrave lune des trois cateacutegories mentionneacutees au cin-quiegraveme alineacutea de larticle 52 de la loi du 9 aoucirct 2004 susviseacutee et nommeacutees par le directeur geacuteneacuteral de lagence reacutegio-nale de santeacute qui les choisit en raison de leurs compeacutetences dans les domaines de la formation et de leur expeacuterience professionnelle dans le champ de la psychiatrie de la psychanalyse ou de la psychopathologie clinique sans quau-cune de ces trois cateacutegories de profes-sionnels ne soit majoritaire au sein de la commission Ses membres sont nom-meacutes pour une dureacutee de trois ans renou-

velable une foisLa commission se reacuteu-

nit dans les conditions fixeacutees par le deacute-

cret du 8 juin 2006 susviseacuteLes frais de

deacuteplacement et de seacutejour de ses membres sont pris en charge dans les conditions preacutevues par la reacuteglementation

applicable aux fonctionnaires de lEtatLa commission sassure que les forma-tions preacuteceacutedemment valideacutees par le pro-fessionnel et son expeacuterience profession-nelle peuvent ecirctre admises en eacutequiva-lence de la formation minimale preacutevue agrave larticle 1er et le cas eacutecheacuteant du di-plocircme preacutevu agrave larticle 6 Elle deacutefinit si neacutecessaire la nature et la dureacutee de la formation compleacutementaire neacutecessaire agrave linscription sur le registre des psycho-

theacuterapeutesLe professionnel est en-

tendu par la commission sil en formule le souhait au moment du deacutepocirct de son dossier ou agrave la demande de la commis-

sion Article 17 Les professionnels qui souhaitent obtenir une autorisation dinscription sur le registre des psychotheacuterapeutes en application de larticle 16 preacutesentent dans le deacutelai dun an

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 42

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

agrave compter de la publication du preacutesent deacute-cret un dossier en ce sens dans les condi-

tions preacutevues agrave larticle 7Cette demande

est accompagneacutee des piegraveces justificatives notamment administratives attestant de

lexercice de la psychotheacuterapieA la reacutecep-

tion du dossier complet il est deacutelivreacute agrave linteacuteresseacute un accuseacute de reacuteception deacutelivreacute dans les conditions fixeacutees par le deacutecret du 6 juin 2001 susviseacute Celui-ci permet au pro-fessionnel qui utilisait preacuteceacutedemment le titre de psychotheacuterapeute de continuer agrave lutiliser

jusquagrave lintervention de la deacutecisionLe si-

lence gardeacute pendant plus de six mois sur une demande preacutesenteacutee au titre du I de lar-ticle 16 vaut deacutecision de rejet Dans les cas ougrave en application de ces dispositions il est demandeacute au candidat de justifier dune for-mation compleacutementaire celle-ci doit ecirctre effectueacutee avant le 1er janvier 2014 Si cette exigence nest pas remplie le preacutefet retire le professionnel des inscrits sur la liste deacute-

partementale des psychotheacuterapeutes Article 18 Les dispositions du preacutesent deacutecret entrent

en vigueur agrave compter du 1er juillet 2010Pour lapplication du preacutesent deacutecret agrave Saint-Pierre-et-Miquelon les compeacutetences deacutevo-lues au directeur geacuteneacuteral de lagence reacutegio-nale de santeacute par le preacutesent deacutecret sont exerceacutees par les services chargeacutes de lad-

ministration territoriale de la santeacute Article 19 Le ministre de linteacuterieur de loutre-mer et des collectiviteacutes territoriales la ministre de lenseignement supeacuterieur et de la re-cherche la ministre de la santeacute et des sports et la ministre aupregraves du ministre de linteacuterieur de loutre-mer et des collectiviteacutes territoriales chargeacutee de loutre-mer sont chargeacutes chacun en ce qui le concerne de lexeacutecution du preacutesent deacutecret qui sera pu-blieacute au Journal officiel de la Reacutepublique franccedilaise

ANNEXE NOMBRES DHEURES DE FORMATION

EN PSYCHOPATHOLOGIE CLINIQUEEXIGEacuteES DES CANDIDATS AU TITRE DE

PSYCHOTHEacuteRAPEUTE

THEgraveME de formation

PSYCHIATRES Dispense totale

MEacuteDECINS non psychiatres

PSYCHOLOGUES cliniciens

PSYCHOLOGUES non cliniciens

PSYCHANALYSTES Reacuteguliegraverement enre-gistreacutes dans leur annuaires

PROFESSIONNELS nappartenant agrave aucune des cateacutego-ries preacuteceacutedentes

Deacuteveloppement fonctionnement et processus psychiques

0 h

0 h

0 h

0 h

0 h

100 h

Critegraveres de discernement des grandes pathologies psychiatriques

0 h

0 h

50 h

100 h

100 h

100 h

Theacuteories se rapportant agrave la psychopatholo-gie

0 h

100 h

50 h

100 h

50 h

100 h

Principale ap-proches utili-seacutees en psycho-theacuterapie

0 h

100 h

50 h

100 h

50 h

100 h

Stage

0 mois

2 mois

2 mois

5 mois

2 mois

5 mois

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 43

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

Psychotheacuterapeute agrave quel titre

Patrice Nomineacute CSAPA Espace Murger - Service de Psychiatrie

Adulte du Pr Jean Pierre Leacutepine Hocircpital Fernand Widal

L a preacuteoccupation des pouvoirs publics de

reacuteglementer la pratique officielle de la

psychotheacuterapie provoque des turbu-

lences dans le petit monde des psychologues

qui se targuent drsquoen effectuer sous les formes

les plus diverses et qui se voient sommeacutes de

faire la preuve de leur formation dans ce do-

maine agrave deacutefaut de faire de mecircme en ce qui

concerne leur compeacutetence ce qui par ailleurs

nrsquoest guegravere deacutemontrable

Chacun drsquoentre eux peut bien entendu invoquer

son expeacuterience ineffable ou le prestige accordeacute

agrave sa theacuteorie de reacutefeacuterence pour estimer leacutegitime

de srsquoaffranchir drsquoune telle justification tout en

ne perdant pas de vue qursquoun statut estampilleacute

par lrsquoautoriteacute administrative peut garantir la

poursuite sereine de telles activiteacutes Pour les

plus eacuteclectiques le choix drsquoune eacutecole certifiante

ressemblera agrave un mariage de raison

Crsquoest donc au prix drsquoune soumission agrave lrsquoautoriteacute

que lrsquoexercice drsquoune telle liberteacute peut espeacuterer

se perpeacutetuer Crsquoest lagrave lrsquoune des formes de la

reacutesignation peu glorieuse certes agrave laquelle on

pourrait preacutefeacuterer le discernement formulation

bien plus acceptable au regard de lrsquoestime de

soi Crsquoest ce dont semblent avoir manqueacute celui

ou celle ou ceux qui ont cru bon drsquoaller couiner

dans une oreille des plus compatissantes que

la pratique de la psychotheacuterapie devait ecirctre reacute-

serveacutee agrave des professionnels persuadeacutes de sa-

voir y faire et capables de preacutesenter des ga-

ranties plutocirct qursquoagrave des gougnafiers mecircme pas

fichus drsquoexhiber la moindre preuve convain-

cante de la leacutegitimiteacute de leurs preacutetentions Ce

qui est drsquoailleurs la reacutealiteacute Mais comment

srsquoeacutetonner drsquoune telle beacutevue si lrsquoon srsquoen rap-

porte agrave la ceacutelegravebre Loi de Murphy qui eacutenonce

que sil y a plusieurs faccedilons de faire quelque

chose et que lune delles peut aboutir agrave une

catastrophe alors quelquun la choisira

Les mecircmes qui reacuteclamaient la mise en place

drsquoune reacuteglementation officielle reacuteservant le titre

de psychotheacuterapeute agrave des professionnels de

qualiteacute ducircment formeacutes agrave cet effet sont parmi

les premiers agrave protester contre les formes don-

neacutees agrave cette derniegravere par une souveraineteacute deacute-

ficitaire dont lrsquoexercice autoritaire nous rappelle

que nous sommes destineacutes agrave nous faire ap-

prendre ce que lrsquoon sait deacutejagrave par des gens qui

nrsquoy connaissent rien Agrave lrsquoheure de la prolifeacutera-

tion des reacutefeacuterentiels et des protocoles reacuteclamer

encore un peu plus de controcircles et de veacuterifica-

tions suspicieuses ne peut que servir de via-

tique aux frileux de la subjectiviteacute qui sont

friands de contraintes rassurantes Et on ne

srsquoeacutetonnera pas de les voir se formaliser drsquoen

avoir appeleacute agrave Raminagrobis comme dans la

ceacutelegravebre fable de Jean de La Fontaine Le

chat la belette et le petit lapin

Crsquoeacutetait un chat vivant comme un deacutevot ermite

Un chat faisant la chattemite

Un saint homme de chat bien fourreacute gros et

gras

Arbitre expert sur tous les cas

Et de voir se faire croquer tout uniment secta-

teurs et protestataires tout marris drsquoavoir con-

senti agrave lrsquoincompeacutetence et la condescendance

de deacutecideurs comme on dit le sort de leurs

activiteacutes Drsquoougrave la singularisation des heacutesitants

ameacutenagements survenus qui vident du proceacute-

deacute la geacuteneacuteralisation qursquoil visait au profit de re-

connaissances professionnelles plus contrai-

gnantes encore par la judiciarisation des liber-

teacutes du mecircme tonneau Et ce qui ne peut agrave lrsquoeacutevi-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 44

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

dence valoir pour tous nrsquoa que peu de chances

de valoir davantage pour chacun Ce seraient

donc des organisations professionnelles qui se

verraient deacutecerner des preacuterogatives pour les

beacuteneacuteficiaires qui auront eu la bonne ideacutee de srsquoy

glisser Cela veacuterifie tout agrave la fois la meacuteta-loi de

Cooper qui eacutenonce qursquoune prolifeacuteration de

nouvelles lois creacutee une prolifeacuteration de nou-

veaux vides juridiques et ce bon vieux pro-

verbe qui dit que le clou qui deacutepasse attire le

marteau

On savait deacutenombrer quelques centaines de

types de psychotheacuterapies pleacutethore drsquoautant

plus deacuterisoire que cette recension ne concerne

le plus souvent que des techniques psychotheacute-

rapiques certes impliqueacutees dans des disposi-

tifs agrave viseacutee theacuterapeutique mais certainement

incapables de deacutefinir la psychotheacuterapie car

comment eacutetablir un modegravele de lrsquoindeacutefinissable

Pour autant il sera difficile de deacutemontrer que la

formation certifieacutee agrave une technique psychotheacute-

rapique est assimilable agrave la performance de sa

mise en oeuvre Car qursquoen est-il vraiment dans

la reacutealiteacute de ces audacieuses pratiques Srsquoagit

-il drsquoune illusion entretenue par les theacuterapeutes

sur lrsquointeacuterecirct de leurs manœuvres Les patients

qui srsquoy exposent ne font-ils que changer de re-

gistre de repreacutesentations ou accegravedent-ils reacuteelle-

ment agrave une autre dimension de leur ecirctre Et

comment srsquoaccommodent-ils des aventures

parfois interminables dans lesquelles de telles

situations les plongent

Ces derniers qui se sont aperccedilus que le destin

commenccedilait agrave leur masser les eacutepaules srsquoils

nrsquoacceptent la perspective du changement que

par neacutecessiteacute et la neacutecessiteacute que parce que

leur sentiment drsquoexistence se trouve en deacutelica-

tesse se trouvent le plus souvent agrave la re-

cherche drsquoun sentiment perdu celui de la com-

pleacutetude Et ce sont eux qui deacutecident finalement

si leur rencontre avec un ou une psychologue

doit prendre cette tournure apregraves avoir eacutepuiseacute

tout ce qui leur avait jusque-lagrave permis drsquoy

eacutechapper Ils nrsquoont plus confiance dans la reacuteali-

teacute qui nrsquoest elle-mecircme apregraves tout qursquoun pres-

sentiment collectif Crsquoest que le patient qui se

reacutesout agrave consulter fait la preuve qursquoil a reacuteussi agrave

surmonter sa honte de devoir neacutecessiter une

telle deacutemarche ce qui deacutemontre lrsquoexistence de

la premiegravere ressource personnelle qui lui ap-

partient Si le patient neacuteglige ce qui le pousse agrave

changer alors le changement lui-mecircme est neacute-

gligeacute Il doit rencontrer une attitude telle qursquoil en

ressentira de la consideacuteration premiegravere res-

source theacuterapeutique en retour agrave la disposition

du psychotheacuterapeute

Et puis on voit tous les jours des patients aller

mieux en deacutepit de nos subtiles interventions

peut-ecirctre gracircce aux perfectibiliteacutes de celles-ci

Le patient met son talent agrave notre service mais

pour le bon deacuteroulement des choses il doit ecirctre

eacuteclaireacute sur ses responsabiliteacutes Prisonnier des

circonstances ce qui le rend malheureux le

patient soucieux de participer agrave son eacutemancipa-

tion doit inciter son ou sa psychotheacuterapeute

par des questions simples et bienveillantes agrave

reformuler ce qursquoil comprend de la situation et agrave

exprimer son ressenti Il est essentiel que le

theacuterapeute se sente eacutecouteacute informeacute et respec-

teacute Il ne doit pas craindre de lrsquoimportuner

puisque de toute faccedilon ce sera le cas En preacute-

servant la liberteacute de penseacutee de ce dernier et en

veillant agrave le faire participer aux orientations de

la theacuterapie le patient doit mettre une grande

conviction agrave le convaincre qursquoil est la personne

concerneacutee en premier lieu par le choix de celle-

ci avec la capaciteacute de reacutefleacutechir et de prendre

les deacutecisions qui le concernent agrave partir des in-

formations qursquoil partage avec lui Le patient de-

vra eacutegalement precircter attention aux signes de

conduites addictives ou aux troubles obses-

sionnels compulsifs du psychotheacuterapeute Un

signe drsquoappel agrave connaicirctre est la position con-

descendante ou le silence obstineacute ou encore

la somnolence difficilement dissimuleacutee qui sont

sans rapport avec les attentes drsquoeacutecoute et de

compreacutehension que le patient tente drsquoexprimer

Le patient doit savoir que la preacutevalence du sui-

cide de la deacutepression du syndrome deacutecision-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 45

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

nel de lrsquoalcoolisme et de la toxicomanie est

bien supeacuterieure chez les psychotheacuterapeutes agrave

celle de la population geacuteneacuterale Il srsquoefforcera

donc de lui faciliter la vie par de petites atten-

tions ou remarques gratifiantes afin de ne pas

alimenter les fameux dysfonctionnements dont

les protocoles theacuterapeutiques se sont enticheacutes

Enfin les interlocuteurs ne devront jamais

perdre de vue que lrsquoon nrsquoest jamais autant deacuteccedilu

que par les illusions que lrsquoon perd Bref pour le

privilegravege drsquoune synergie additive de bon aloi le

patient et son psy doivent parvenir agrave se persua-

der que leur liberteacute de manoeuvre consiste agrave

faire tout ce que permet la longueur de la

chaicircne qui les assujettit Et la principale recom-

mandation exigeacutee pour les deux acteurs de ces

proceacutedeacutes interactifs tant pour le patient que

pour son psy semble devoir se fonder sur une

robuste et saine suspicion mutuelle La reacutecipro-

citeacute est la clef de tous les rapports humains

Si lrsquoon veut bien eacutecarter un instant les passion-

nantes preacutesentations de cas superbement rap-

porteacutes par leurs auteurs et dont les colloques

sont friands ougrave tout est eacutelucideacute et dans les-

quelles tout semble srsquoexpliquer facilement ougrave

la posture adopteacutee par le ou la psychotheacutera-

peute srsquoest trouveacutee bien venue ougrave ses inter-

preacutetations se sont reacuteveacuteleacutees pertinentes et ses

interventions judicieuses qui auront abouti agrave

un reacutesultat suffisamment satisfaisant pour ecirctre

exposeacute on srsquoautorisera agrave penser que ces preacute-

sentations sont sans doute davantage drsquoineacutevi-

tables reconstructions que la traduction fidegravele

du deacuteroulement des eacuteveacutenements de lrsquoordre de

lrsquoimplacable authenticiteacute dont se montre ca-

pable une cameacutera de surveillance de distribu-

teur de billets de banque Apregraves tout si le men-

songe est le secret de la vie amoureuse crsquoest

aussi le ciment de la vie sociale La subjectiviteacute

srsquoinsinue partout peut-ecirctre plus encore dans

les souvenirs que dans les activiteacutes de percep-

tion Un souvenir est un mensonge qui dit tou-

jours la veacuteriteacute a eacutecrit Jean Cocteau recons-

truction conjecturale mais sincegravere expression

dans lrsquoinstant de sa remeacutemoration puisque tout

peut ecirctre exact sans que rien ne soit vrai En

theacuteorie tout srsquoexplique en pratique tout se

complique Ce nrsquoest pourtant pas une raison

pour faire les gros yeux aux garnements de la

psychotheacuterapie Qui srsquointeacuteresserait agrave la pein-

ture dans le seul but de devenir trafiquant

drsquoœuvres drsquoart

Or ce que redoute la theacuterapeutique crsquoest lrsquoer-

reur la faute restant beaucoup plus inconce-

vable qursquoelle est exceptionnelle et lrsquoeacutechec trop

reacutecurrent tandis que ce queacutevite la circonspec-

tion mdash en ne versant daucuns cocircteacutes mdash crsquoest la

partialiteacute Crsquoest donc vrai quelle apparaicirct ordi-

naire commune qursquoelle ne se dissipe pas

comme le fait le theacuteorique dans ses cabrioles

et si elle ne fait pas toujours la preuve drsquoune

grande inventiviteacute elle nrsquoest pas hanteacutee par

lrsquoexigence de la coheacuterence ce spectre des pe-

tits esprits Elle ne cherche pas non plus agrave sus-

citer la contradiction ni ne vise agrave se singulari-

ser en prenant une position mais elle aspire agrave

conserver lrsquoesprit ouvert agrave tous les possibles

quitte agrave cultiver le paradoxe Crsquoest sans doute

pour cette raison que quand lrsquoadresse agrave un pa-

tient se reacutevegravele theacuterapeutique ce nrsquoest pas une

surprise totale crsquoest le plus souvent lrsquoaboutis-

sement drsquoune deacutemarche heuristique Ceux qui

srsquoembarrassent dans un diagnostic ce qursquoils

srsquoimaginent indispensable avant toute entre-

prise et auquel ils finissent par croire et ce fai-

sant faire croire implicitement au patient qursquoil

srsquoapplique agrave lui mecircme quand ils ne cegravedent pas

agrave la tentation de lui en faire la reacuteveacutelation peu-

vent finir par srsquoenfermer dans une illusion com-

mune Une telle disposition est assimilable

dans son essence au preacutesupposeacute On voit la

difficulteacute apparaicirctre dans les efforts drsquoy faire

piegravece et que cela ne preacutesage rien de bon

Pourtant on a bien souvent vu la situation theacute-

rapeutique eacutevoluer favorablement en deacutepit de

ces preacutemisses douteuses Qursquoen penser Si

lrsquoon considegravere que la tacircche fondamentale du

psychotheacuterapeute est bien de reacutesoudre des

problegravemes de maniegravere efficace et dynamique

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 46

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

si lrsquoon peut srsquoeacutecarter un tant soit peu des con-

ceptions traditionnelles des problegravemes psycho-

pathologiques mettre en doute lrsquoexistence de

deacuteficits agrave reacuteparer ou agrave compenser chez le pa-

tient srsquoautoriser agrave penser que la reacutesistance au

changement de ce dernier nrsquoa rien agrave voir avec

la rentabiliteacute speacutecifique de symptocircmes en

terme de pouvoir interpersonnel on peut envi-

sager drsquointroduire des solutions qui ne srsquoentre-

tiennent pas elles-mecircmes et deviennent des

obstacles au changement Alors le theacuterapeute

peut se contenter drsquoamorcer un changement et

deacutecliner la neacutecessiteacute de srsquoengager agrave lrsquoaccompa-

gner jusqursquoagrave son terme Et quand les venues

du patient deviennent plus rares se souvenir

que Freud deacuteclarait que la cure est termineacutee

quand le patient ne vient plus

On connaicirct les dispositions favorables du pa-

tient agrave srsquoidentifier au profil qursquoon lui propose Et

si les patients se montrent rarement agrave la hau-

teur de ce que lrsquoon attend drsquoeux crsquoest parce

que lrsquoon attend quelque chose de leur part qui

soit agrave la hauteur de nos preacutetendues compeacute-

tences dont rappelons-nous il srsquoagit de reacutegle-

menter la mise en oeuvre Or lrsquoobjectif du theacute-

rapeute peut-il ecirctre leacutegitimement de confirmer

ses convictions Srsquoil interpregravete les causes du

mal-ecirctre de ses patients en fonction dun scheacute-

ma geacuteneacuteral et preacuteeacutetabli ne les trahit-il pas Et

serait-il bien congru de proposer des theacuterapies

en precirct-agrave-porter mecircme en demi-taille plutocirct

que faire dans le sur mesure en fonction des

ressources que le patient a lrsquoair de preacutesenter

Les deux acteurs de lrsquoaffaire risquent de rater

ce qursquoils recherchent implicitement en croyant y

gagner quelque chose le theacuterapeute la confir-

mation de ses convictions et le patient un

eacuteclaircissement de ses difficulteacutes en mecircme

temps que son adoption par une autoriteacute qui

lrsquoenteacuterine Toute clarteacute se paie drsquoun mystegravere et

comme une conscience claire est le signe

drsquoune mauvaise meacutemoire on nrsquoen saura pas

beaucoup plus les ideacutees nettes et distinctes

chegraveres agrave Reneacute Descartes nrsquoont guegravere fait la

preuve de leur eacutevidence La responsabiliteacute du

theacuterapeute srsquoeacutemaille de tant de deacuteterminants

que ce dernier est tout agrave fait capable de se ran-

ger agrave ce qursquoil croit justifieacute Mais la croyance

nrsquoest pas seulement une ideacutee que lrsquoesprit pos-

segravede crsquoest eacutegalement une ideacutee qui possegravede

lrsquoesprit Le plus grand deacuteregraveglement de lrsquoesprit

est de croire que les choses sont parce que

lrsquoon veut qursquoelles soient Les psychologues sa-

vent si bien identifier les situations qui se precircte-

ront au beacuteneacutefice de leur clairvoyance qursquoils

sont eacutegalement fortement sujets agrave lrsquoisseacutegoureacutee

facirccheuse pathologie qui deacutesigne un don parti-

culier pour toujours chercher drsquoabord dans la

mauvaise poche

Toutefois une relation de confiance une fois

installeacutee ccedila commence agrave rouler mais au fil du

temps la roue finit par prendre du jeu et les

orientations agrave srsquoinstaller dans le confort agrave srsquoen-

liser dans lrsquoanamnegravese agrave travailler obstineacutement

la reacutepeacutetition agrave se contenter de pointer des meacute-

canismes quant ccedila ne se reacuteduit pas agrave la pro-

duction de regrettables rationalisations Il srsquoagit

plutocirct de reacuteapprendre des conduites au patient

apregraves qursquoil en ait renouveleacute le choix agrave srsquoenga-

ger dans des activiteacutes qui permettent de modi-

fier substantiellement les modes de penseacutee Le

but ultime de la psychotheacuterapie nest pas seu-

lement deacuteliminer des comportements deacuteplo-

rables cest dapprendre agrave mieux geacuterer ses

propres processus mentaux agrave affronter avec

plus de reacuteussite des situations oppressantes et

agrave deacutevelopper des opeacuterations psychiques plus

performantes et une maniegravere drsquoecirctre au monde

plus eacutepanouissante une expression de la

sphegravere psychique privileacutegiant la valorisation

des aspirations individuelles qui deacutebouche sur

la preacutedilection pour lrsquoespace inteacuterieur caracteacuteri-

seacute sur lequel on pense souvent ecirctre suscep-

tible de pouvoir agir Mais comment juger ac-

ceptable que le patient se retrouve dans la po-

sition de celui qui la cleacute de son appartement agrave

la main se voit contraint drsquoactionner la son-

nette pour rentrer chez lui

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 47

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

Tout ceci pour suggeacuterer une approche zeacuteteacute-

tique des psychotheacuterapies pour autant qursquoelle

puisse ecirctre soupccedilonneacutee de participer agrave lrsquoactua-

lisation de la confusion des genres qui permet-

trait drsquoeffectuer la distinction entre drsquoune part la

psychotechnique de la theacuterapie que la revendi-

cation du titre de psychotheacuterapeute tendrait agrave

certifier au prix drsquoun reacuteductionnisme preacutejudi-

ciable agrave la pratique clinique et au meacutepris drsquoune

certaine creacuteativiteacute et la conduite drsquoun projet

psychotheacuterapique circonspect avec des tech-

niques approprieacutees et individualiseacutees jouant le

rocircle drsquoun outil directionnel

Les psychologues sont censeacutes distinguer le

subjectif de lrsquoirrationnel Il ne sagit pas dex-

clure la subjectiviteacute ni mecircme de la reacuteduire

mais de la conserver au cœur de la pratique de

la psychologie clinique Cest lagrave au cœur de la

subjectiviteacute de lindividuel que celle-ci peut

justifier sa speacutecificiteacute En revanche on ne se

preacuteoccupera pas des ayatollahs de la psycha-

nalyse au masque douloureux et au regard fil-

trant arborant un air drsquoen savoir long ni des

forceneacutes du dressage cognitif qui se deacutesolent

de ne pas voir le patient marcher mieux que

cela dans la combine Pas plus drsquoailleurs que

de tous les gardes-frontiegraveres des succegraves qui

leur eacutechappent qui sont des envieux comme

tous les censeurs Agrave Theacuterapik Park les psy-

chotheacuteraptors chassent tout autant en meute

qursquoen snipers

Il est important de tendre vers une pratique

permissive en accordant au patient la possibili-

teacute de reacutealiser que lorigine des changements se

trouve en lui comme il pense de celle des pro-

blegravemes qui sont les siens qui pourra de cette

faccedilon acqueacuterir une autonomie dans son pro-

cessus de traitement Mais lrsquoon a appris que ce

reacutesultat ne peut ecirctre obtenu que si lrsquoon accorde

au patient la possibiliteacute de tricher Cette faculteacute

le poussera rarement agrave en user mais sa virtua-

liteacute qursquoil est en mesure de srsquoapproprier facilite-

ra bien souvent la survenue des identifications

rechercheacutees par le theacuterapeute parce que le

patient en fera ainsi plus facilement son affaire

Crsquoest en quelque sorte entrer par la porte de

derriegravere dans le champ complexe de la forma-

tion du reacuteel

Cette approche zeacuteteacutetique estomperait eacutegale-

ment la suspicion de thaumaturgie qui revien-

drait au professionnel qui srsquoappuyant sur la

conviction qursquoil y a quelque chose agrave soigner

chez le patient au titre de lrsquoadheacutesion de ce der-

nier agrave la proposition drsquoune telle assertion

srsquoexempterait du titre en vertu de lrsquoautorisation

qursquoil srsquooctroierait agrave lui-mecircme de pratiquer Pen-

ser par soi-mecircme crsquoest souvent penser tout

seul ou pire penser comme tout le monde

Mieux vaut peut-ecirctre penser contre soi-mecircme

et se faire agrave soi-mecircme les objections des

autres Toutes les psychotheacuterapies ont leurs

chimegraveres apregraves lesquelles elles courent sans

jamais les attraper Mais avantageusement en

chemin elles srsquooctroient des opportuniteacutes qui

ne sont pas toutes neacutegligeables Et sans ou-

blier que quand la sinceacuteriteacute confine agrave lrsquoarbi-

traire on en vient agrave regretter lrsquohypocrisie

comme lrsquoa magistralement exprimeacute Descartes

on peut deacutecider que lrsquoon nrsquoest sucircr de rien et

que lrsquoon nrsquoest mecircme pas sucircr que lrsquoon nrsquoest sucircr

de rien cesser de consideacuterer que les pro-

blegravemes compliqueacutes neacutecessitent forceacutement des

solutions compliqueacutees Il y a aussi des psycho-

theacuterapies qui durent des anneacutees et un mauvais

esprit pourrait eacutetablir une comparaison avec les

banques qui quoiqursquoun virement par ordinateur

ne prenne qursquoune seconde aiment en faire tout

un plat afin que les fonds demeurent un mo-

ment dans leur systegraveme et leur rapportent

Comme nous vivons irreacutesistiblement dans un

monde de repreacutesentations la seacuteduction du titre

peut exciter la convoitise mdash celle-ci constituant

la plus formidable des motivations humaines mdash

de psychotheacuterapeutes en quecircte de reconnais-

sance Mais ce sont les ideacutees les plus seacutedui-

santes qui ont le plus souvent besoin de se re-

maquiller Le terme de trompe-couillon deacutesi-

gnant le maquillage en langue verte est trop

illustratif dans le domaine des psychotheacuterapies

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 48

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

pour deacutecourager complegravetement la tentation de

srsquoinsurger contre lrsquoeacuteventualiteacute de sa pertinence

Le titre de psychotheacuterapeute ressemble agrave la

queue du Mickey de notre enfance qursquoil fallait

attraper pour avoir un tour gratuit de manegravege

On peut bien courir encore longtemps apregraves

son obtention mais si lrsquoon veut finir de rouler le

peacutetard il faudra bien se reacutesoudre au bout drsquoun

moment agrave cesser de rechercher le petit bout de

shit tombeacute sur la moquette marron

Alors psychotheacuterapeute agrave quel titre quand la

proposition theacuterapeutique tiendrait tout entiegravere

en quatriegraveme de couverture Et lrsquoon peut ajou-

ter agrave notre accablement la conjoncture imagi-

naire que nous ne nous en remettrons jamais

et deacutecider que la psychotheacuterapie est devenue

un business Bien sucircr ces consideacuterations ne

srsquoappliquent pas aux psychotheacuterapeutes pour

lesquels rien nrsquoest impossible eacutequipeacutes du tout

agrave lrsquoego agrave soi qui sont si lrsquoon peut dire la protu-

beacuterance de la profession Elles ne srsquoappliquent

pas davantage agrave ces professionnels dont

lrsquoinaptitude est semblable agrave celle des jeunes

paresseux ces mammifegraveres arboricoles de la

forecirct breacutesilienne auxquels il arrive freacutequem-

ment drsquoempoigner leurs propres pattes agrave la

place des branches si bien qursquoils tombent des

arbres

Enfin lrsquoexigence de ce titre fait voir se multiplier

des instituts de formation agrave la psychotheacuterapie

neacutes de la derniegravere pluie qui ne feraient que

precirccher pour leur paroisse agrave des ouailles fasci-

neacutees par la quecircte de la qualification Il suffirait

alors de deacutetenir le titre de psychotheacuterapeute

pour le devenir tandis que ceux ou celles qui

en possegravedent la compeacutetence et qui se risquent

agrave en pratiquer verraient fragiliseacutee leur deacutetermi-

nation agrave y recourir sans lrsquoestampille de sa sa-

cralisation Crsquoest ainsi qursquoun meacutecanicien de la

relation identifieacute comme speacutecialiste du soin et

de la gestion des relations interpersonnelles

viendra disqualifier la prodigieuse diversiteacute des

fonctionnaliteacutes de la psychologie clinique agrave la-

quelle nous sommes tous attacheacutes Et lrsquoon ver-

ra des psychotheacuterapeutes nantis de bons certi-

ficats srsquoeacutevertuer dans la profession et y forger

leur reacuteussite juste pour prouver que crsquoest pos-

sible Les exigences des employeurs se mon-

treront de plus en plus impeacuteratives sur ce point

les assureurs jouant le rocircle drsquoagences de nota-

tion et lrsquoon nrsquoengagera deacutesormais que des

eacutebeacutenistes qualifieacutes comme caissiers chez Ikea

Quand le doute est leveacute il deacutebouche sur une

incertitude et le psychotheacuterapeute ballotteacute au

greacute des vagues de lrsquooceacutean du deacutesir de nou-

velles contraintes reacuteglementaires dans sa lutte

contre la deacutereacuteliction par tous les temps se

trouve embarrasseacute par le choix impossible

entre deux deacutesillusions voir que lrsquoeacutetendue du

champ de la pratique de la psychotheacuterapie se

precircte deacutesormais deacutecideacutement mal agrave son entre-

prise ou constater combien ccedila va ecirctre difficile

de lrsquoentreprendre agrave ses propres conditions

Crsquoest comme eacuteprouver le deacutesappointement de

la dame constatant que la lunette des toilettes

nrsquoest pas abaisseacutee ou la consternation du

monsieur qui deacutecouvre que la mecircme lunette ne

tient pas releveacutee Mais quitte agrave voyager sur le

Titanic pourquoi pas en premiegravere classe

La vie professionnelle nous rappelle combien le

monde peut paraicirctre singulier lorsqursquoon le re-

garde apregraves avoir fait un simple pas sur le cocircteacute

Lrsquoexercice de la psychotheacuterapie srsquoassaisonne

de pas mal drsquohumiliteacute et drsquoun peu de creacuteativiteacute

Peut-on ecirctre agrave la fois malin et intelligent Les

psychologues cliniciens pratiquent volontiers

lrsquousage des deux adverbes fondamentaux qui

eacuteveillent lrsquointelligence des enfants pourquoi

et comment Lrsquointelligence incite agrave la reacute-

flexion et la reacuteflexion conduit au scepticisme

Le scepticisme lui megravene agrave lrsquoironie Lrsquoironie

cette meacutelancolie de la luciditeacute agrave son tour se

preacutesente agrave lrsquoesprit mdash qui se trouve en apport

direct avec lrsquohumour mdash qui fait si bon meacutenage

avec la fantaisie Et la vie devient une chose

deacutelicieuse aussitocirct qursquoon deacutecide de ne plus la

prendre tout agrave fait au seacuterieux

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 49

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

Modeacuterateur Patrice Nomineacute Hocircpital Fernand Widal

gt La dimension culturelle dans leacutecoute des pa-

tients migrants africains

Jacqueline Faure Hocircpital Tenon Page 50

gt Psychologue en reacuteanimation peacutediatrique teacute-

moignage drsquoune pratique en eacutevolution

Muriel Derome Hocircpital Raymond Poincareacute Page 60

gt Seacutejour de vacances quelle place pour le psy-

chologue

Ceacuteline Le Bivic Hocircpital Eacutemile Roux Page 63

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques

transversaliteacute de nos cliniques

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 50

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

La dimension culturelle dans leacutecoute des patients migrants

africains une approche originale avec lrsquoassociation URACA

Jacqueline Faure Service des maladies infectieuses et

tropicales Centre de la dreacutepanocytose Hocircpital Tenon

Lrsquohomme universel nrsquoexiste pas il est inscrit

dans une culture dans un cadre Or ce cadre

est universel il nrsquoexiste pas drsquohomme sans cul-

ture

L rsquohocircpital Tenon est situeacute agrave lrsquoEst de Paris

bon nombre de patients migrants infec-

teacutes par le VIH y sont soigneacutes Du fait de

lrsquoexistence drsquoune materniteacute au sein de lrsquohocircpital

beaucoup de femmes migrantes apprennent

leur seacuteropositiviteacute agrave lrsquoinfection par le VIH-sida

au cours du suivi de leur grossesse La grande

majoriteacute de ces patients est originaire drsquoAfrique

de lrsquoOuest

Degraves 1993 nous avons mis en place un parte-

nariat avec lrsquoassociation URACA pour aider

les patients en difficulteacute face au diagnostic de

lrsquoinfection par le VIH-sida et aussi les soignants

rencontrant des problegravemes dans la prise en

charge de certains patients

Au deacutebut les soignants et moi-mecircme pensions

que la plupart des patients africains ne com-

prenaient rien Peu agrave peu avec lrsquoaide drsquoURA-

CA nous avons pris conscience que nous-

mecircmes ne les comprenions pas toujours ou

bien encore que nous ne savions pas nous

faire comprendre drsquoeux

Cette association daide aux Africains intervient

dans diffeacuterents domaines accueil aide juri-

dique sociale solidariteacute preacutevention informa-

tion recherche dans le domaine de la santeacute

(toxicomanie SIDA dreacutepanocytose troubles

psychiatriques) et propose aussi des consulta-

tions drsquoethnomeacutedecine

Ainsi bien souvent les difficulteacutes avec les pa-

tients drsquoorigine eacutetrangegravere sont lieacutees agrave des pro-

blegravemes de communication et de compreacutehen-

sion mutuelles dans la relation soignant-soigneacute

En comprenant lrsquoeacuteveacutenement migratoire et son

impact dans la deacutecouverte drsquoune maladie

grave en eacutetant sensibiliseacutes agrave lrsquoimportance de la

dimension culturelle dans le soin nous avons

ainsi ameacutelioreacute lrsquoaccueil et la prise en charge de

ces patients

Un systegraveme culturel est constitueacute drsquoune

langue drsquoun systegraveme de parenteacute drsquoun corpus

de techniques et de maniegraveres de faire (la pa-

rure la cuisine les arts les techniques de

soins les techniques de maternagehellip) Tous

ces eacuteleacutements eacutepars sont structureacutes de maniegravere

coheacuterente par des maniegraveres de penser les re-

preacutesentations [] Les repreacutesentations permet-

tent aux individus dun mecircme groupe dappreacute-

hender le monde selon les modaliteacutes com-

munes repreacutesentations de la mort de la con-

ception

Jemploie ce mot culture agrave contrecœur avec

la crainte decirctre mal compris Par ce terme je

ne deacutesigne pas leacutecume luxueuse dune civilisa-

tion mais lesprit tregraves particulier dun peuple

insaisissable

Cette prise en charge globale avec lrsquoassocia-

tion URACA srsquoeffectue sous 4 formes

1 le soutien communautaire

2 la meacutediation culturelle

3 la consultation dethnomeacutedecine une prise

en charge transculturelle

4 la formation mutuelle partage de savoir

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 51

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

1 LE SOUTIEN COMMUNAUTAIRE

Je me sens coupeacute en deux diviseacute une partie

de moi-mecircme nrsquoest pas ici nous dit tel patient

La deacutecision la plus terrible que jrsquoaie eu agrave pren-

dre dans ma vie crsquoest de rester ici pour me soi-

gner et ecirctre ainsi seacutepareacutee des miens raconte

cette femme dans un sanglot difficilement con-

tenu

Crsquoest tregraves dur drsquoecirctre seulehellipJe ne suis pas ha-

bitueacuteehellipici quand tu sors de ta maison per-

sonne ne se parlehellip

Le soutien communautaire drsquoURACA srsquoorga-

nise de plusieurs faccedilons

Visite hebdomadaire au chevet du patient avec

le port dun repas africain par la nourriture

par le dialogue dans la langue quand cest pos-

sible par la preacutesence de ses pairs quelque

chose du pays est ainsi recreacuteeacutee et apaise le

malade

Accueil quotidien au sein de lrsquoassociation re-

pas atelier couture atelier informatique aides

dans les deacutemarches administratives assem-

bleacutee des femmes Tout ceci dans une am-

biance comme au pays

Ces visites sont proposeacutees aux malades isoleacutes

du fait du diagnostic ou qui nrsquoont pas de famille

ici

La migration est une eacutepreuve qui provoque

chez le sujet une deacutestabilisation une fragiliteacute

lieacutees agrave diffeacuterentes pertes

perte de lrsquoenveloppe culturelle la culture struc-

ture le psychisme humain dans la migration il

nrsquoy a plus ce cadre culturel Changer drsquounivers

implique la perte brutale drsquoune langue drsquoun

systegraveme de reacutefeacuterence drsquoun systegraveme de co-

dage des perceptions des sensations et des

repreacutesentations en un mot une acculturation

[] La perte de lrsquoenveloppe culturelle va donc

provoquer des modifications de lrsquoenveloppe

psychique [hellip]

la perte de repegraveres difficulteacutes au niveau du

changement de climat de la nourriture dans

les deacuteplacements dans la ville dans les deacute-

marches administratives Difficulteacutes et mecircme

souffrance dans la perte de la langue drsquoorigine

Julia Kristeva drsquoorigine bulgare psychanalyste

et eacutecrivain dit ceci hellip il y a mort dans la perte

drsquoune langue natalehellip

la perte drsquoune certaine identiteacute ecirctre Camara

ou Toure ecirctre peul ou bambara nrsquoest pas so-

cialement reconnu le migrant devient un eacutetran-

ger un noir puis agrave lrsquohocircpital eacuteventuellement un

seacuteropositif

la perte du groupe lrsquoisolement est douloureu-

sement ressenti pour tout eacutetranger La solitude

pour un Africain crsquoest mortelhellip nous explique

Monsieur Diarra meacutediateur ethnoclinicien agrave

URACA

Autant drsquoeacuteleacutements qui favorisent un eacutetat de vul-

neacuterabiliteacute propice agrave une deacutecompensation soma-

tique ou psychologique (deacutepression) Le dia-

gnostic drsquoune maladie grave vient renforcer

cette fragiliteacute La solitude dans les chambres

individuelles de nos hocircpitaux modernes - que

nous occidentaux appreacutecions beaucoup - peut

ecirctre mal supporteacutee par le patient africain elle

est mecircme parfois anxiogegravene Un Africain nest

jamais seul Au pays sil est hospitaliseacute sa fa-

mille lentoure dort dans sa chambre

Par ces visites hebdomadaires un tissu rela-

tionnel est ainsi creacuteeacute qui peut se poursuivre agrave

la sortie Le soutien communautaire permet au

patient isoleacute dans la preacutecariteacute de retrouver ce

lien structurant du groupe qui lui faisait deacutefaut

depuis son deacutepart dAfrique Soutien qui va lrsquoai-

der agrave mieux supporter sa maladie et agrave mieux se

soigner Pour un Africain appartenir au groupe

est vital cest pourquoi la grande crainte du

malade est que son entourage soit au courant

du diagnostic et le rejette Le malade ne peut

pas ou ne veut pas partager sa souffrance

avec ses proches La honte la crainte de lex-

clusion peuvent le conduire agrave un retrait difficile

agrave supporter Pour lAfricain lisolement est in-

concevable Sa force vitale est en relation

constante avec celle des ancecirctres proches et

lointains et des membres du groupe La plus

grande calamiteacute consiste agrave en ecirctre retrancheacute et

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 52

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

reacuteduit ainsi agrave une existence deacuteficiente sans

protection voueacutee au neacuteant

Cette association communautaire nrsquoest pas

speacutecifiquement cibleacutee SIDA bien que ses

membres soient formeacutes agrave cette pathologie A

lrsquohocircpital elle apporte son aide agrave tout patient

quelle que soit sa maladie Le patient pourra

srsquoil le souhaite aborder son diagnostic et il nrsquoest

pas rare qursquoil le fasse Apaisement et soulage-

ment pour lui de constater que ce dont il

souffre ne fait pas peur Il peut retrouver con-

fiance en lui

2 LA MEacuteDIATION CULTURELLE

Le meacutediateur ethnoclinicien connaicirct bien la cul-

ture du patient originaire drsquoAfrique de lrsquoOuest et

il parle plusieurs langues (peul bambara sara-

koleacute wolof hellip) Il intervient dans diffeacuterentes

situations

Pour faciliter la communication entre le meacutede-

cin et le patient quand des explications concer-

nant la maladie le traitement nrsquoont pas eacuteteacute

comprises Il ne srsquoagit pas drsquoune simple inter-

preacutetation mais drsquoune formulation adapteacutee agrave la

personne agrave sa culture Les messages de preacute-

vention concernant la sexualiteacute par exemple

seront mieux accepteacutes et entendus si la sensi-

biliteacute du patient voire sa pudeur sont respec-

teacutees

Pour aider agrave la reacutesolution de conflits entre pa-

tient-soignant ou patient-famille ou soignant-

famille

Reacutecemment nous avons organiseacute une meacutedia-

tion culturelle pour une patiente ne parlant pas

du tout le franccedilais accompagneacutee de son fils

maicirctrisant parfaitement notre langue Le meacutede-

cin lrsquoassistante sociale le meacutediateur et moi-

mecircme eacutetions reacuteunis pour essayer de com-

prendre le conflit familial Tout eacutetranger utilise

la langue eacutetrangegravere comme un pansement

comme une sorte drsquoonguent de cregraveme sur les

anciennes blessureshellip La langue seconde ne

permet pas drsquo acceacuteder agrave son for inteacuterieur ex-

plique Julia Kristeva Ainsi le fils pouvant tout

agrave fait communiquer avec nous en franccedilais

srsquoest spontaneacutement adresseacute au meacutediateur en

bambara De toute eacutevidence sa langue natale

lui permettait drsquoecirctre au plus pregraves de la situation

douloureuse qursquoil vivait avec sa megravere

Le meacutediateur apporte des eacuteclaircissements sur

le contexte culturel sur le sens de tel conflit

familial sur la place des uns et des autres dans

telle famille (la place de lrsquooncle maternel par

exemple le systegraveme de filiation) Il aide les soi-

gnants souvent deacutestabiliseacutes par le manque de

repegraveres ou qui interpregravetent mal telle attitude

Par exemple lrsquoextension de la deacutenomination

fregravere sœur cousin megravere dans lrsquoentourage du

patient Les soignants ne savent plus qui est

qui Des doutes surgissent voire de la suspi-

cion Les soignants ont lrsquoimpression drsquoecirctre ma-

nipuleacutes ou trompeacutes

Le meacutediateur ethnoclinicien tient selon la for-

mule de T Nathan une sorte de position du

diplomate entre deux univers antagonistes

3 LA CONSULTATION DETHNOMEacuteDECINE UNE

PRISE EN CHARGE TRANSCULTURELLE

La culture permet un codage de lrsquoensemble de

lrsquoexpeacuterience veacutecue par un individu elle permet

drsquoanticiper le sens de ce qui peut survenir et

donc de maicirctriser la violence de lrsquoimpreacutevu et

par conseacutequent du non-sens

Angoisse de mort deacutecompensation psychia-

trique (ideacutees suicidaires syndrome anxio-

deacutepressif eacutetat deacutelirant) incompreacutehension ou

deacuteni du diagnostic deacutetresse psychologique

autant de reacuteactions face agrave la maladie grave qui

peuvent concerner tout patient (occidental ou

non) mais qui neacutecessitent pour certains pa-

tients migrants une approche tenant compte du

contexte de la migration et des speacutecificiteacutes cul-

turelles

Cette maladie je sais drsquoougrave ccedila vient mon pegravere

mrsquoa donneacutee en sorcellerie nous dit cette pa-

tiente qui ne prend pas ses meacutedicaments et

dont lrsquoeacutetat srsquoaggrave

Je suis travailleacute je le sens crsquoest les parents

de ma femme qui nrsquoont jamais accepteacute notre

mariage crsquoest eux qui font des choses sur

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 53

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

moihellip

Ou bien encore ce patient en phase asympto-

matique de lrsquoinfection par le VIH-sida qui ex-

plique Je ne suis pas malade la preuve le

meacutedecin ne me donne pas de traitement

Ainsi dans certains cas le patient en difficulteacute

en souffrance peut refuser de se soigner au

prix drsquoune aggravation de son eacutetat se santeacute De

plus les messages de preacutevention ne sont pas

entendus et les risques de propagation du virus

sont accrus

Cette consultation qui srsquoinspire de lrsquoethnopsy-

chiatrie reacuteunit autour du patient (accompagneacute

ou non de membres de sa famille ou de

proches)

- leacutequipe de lassociation URACA le Dr Mous-

sa Maman meacutedecin et theacuterapeute traditionnel

qui dirige les entretiens le meacutediateur ethnocli-

nicien la psychologue Pendant 10 ans cette

eacutequipe a eacuteteacute compleacuteteacutee par la preacutesence des

tradipraticiens africains gueacuterisseurs tradition-

nels du Nord Beacutenin qui sont venus une fois par

an pour une dureacutee de deux mois (cette action

originale a pu se mettre en place gracircce agrave des

creacutedits le Sidaction par exemple qui nrsquoexistent

plus aujourdrsquohui)

- leacutequipe soignante le meacutedecin reacutefeacuterent les

infirmiegraveres la psychologue linterne les ex-

ternes lassistante sociale sage-femme kineacute-

sitheacuterapeutehellip Les soignants ont ainsi accegraves

en situation clinique agrave lunivers culturel du pa-

tient

Le recours aux pratiques traditionnelles est tregraves

freacutequent en Afrique Les systegravemes traditionnels

de soin relegravevent drsquo une logique complexe

drsquoune rationaliteacute profonde (T Nathan) avec

une capaciteacute agrave srsquoadapter aux nouvelles situa-

tions aux nouvelles maladies Cette deacute-

marche ne remet pas en cause la confiance

envers notre meacutedecine moderne La theacuterapie

traditionnelle apporte des protections fonda-

mentales (T Nathan)

Tregraves souvent en Afrique les theacuterapies tradition-

nelles se deacuteroulent en groupe avec la famille

et ceux qui ont une affiniteacute avec le malade Ici agrave

lhocircpital les participants sont reacuteunis en cercle

autour du patient Le groupe constitue une en-

veloppe psychique qui est en soi theacuterapeu-

tique Les soignants par leur preacutesence accor-

dent une place agrave lrsquoidentiteacute culturelle du patient

agrave ses maniegraveres de vivre de se soignerhellip

Dans les cultures de tradition orale les eacuteveacutene-

ments importants de la vie tels que la nais-

sance le mariage la maladie la mort (avec

lrsquoimportance des ancecirctres) sont penseacutes diffeacute-

remment Il existe une reacutealiteacute invisible on ac-

corde vie force et pouvoir au mineacuteral au veacutegeacute-

tal agrave lrsquoanimal Le sang le lait maternel ont des

pouvoirs beacuteneacutefiques ou maleacutefiques

Les speacutecialistes de lrsquoanthropologie pensent

que le modegravele de lrsquoorganisation sociale com-

munautaire plus freacutequent dans les socieacuteteacutes

non industrialiseacutees ougrave le groupe maintient une

preacutegnance importante sur lrsquoindividu favorise

une expeacuterience du corps veacutecu comme global

il nrsquoy a pas de rupture entre lrsquohomme et le cos-

mos le corps est permeacuteable On lui reconnaicirct

une dimension transcendante et la maladie

qui plus est chronique comme la dreacutepanocy-

tose peut ecirctre inteacutegreacutee dans une reacutealiteacute plus

large exteacuterieure au corps de la meacutedecine des

hocircpitaux

Lors de ces consultations drsquoethnomeacutedecine les

deux systegravemes culturels occidental et tradition-

nel sont reconnus lrsquoun nrsquoexcluant pas lrsquoautre

Le patient peut aborder en toute confiance des

preacuteoccupations qui lui sont speacutecifiques sans

craindre le ridicule Les deux systegravemes de re-

preacutesentations occidentales et traditionnelles

dans lesquels navigue le migrant peuvent

coexister sans sopposer Paradoxalement

lrsquoapproche traditionnelle donne dans certains

cas sens et coheacuterence au discours meacutedical

scientifique Il est difficile de rendre compte

drsquoune consultation drsquoethnomeacutedecine (de mecircme

qursquoil est difficile de parler drsquoune seacuteance de psy-

chotheacuterapie ou drsquoanalyse bien que ce ne soit

pas du mecircme ordre) Il ne srsquoagit pas drsquoune con-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 54

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

sultation traditionnelle ce nrsquoest ni le lieu ni le

cadre Nous sommes dans lrsquoentre-deux

Le nom la parenteacute lrsquoappartenance ethnique la

langue natale sont des eacuteleacutements systeacutematique-

ment abordeacutes Ces reacutefeacuterences agrave la filiation agrave

lrsquoethnie rappellent implicitement au malade le

lien agrave sa famille et son appartenance agrave un

groupe Les tradipraticiens se preacutesentent aussi

se nomment racontent dougrave ils viennent Le

dialogue qui srsquoinstaure est bien souvent eacutenig-

matique pour lrsquooccidental Le langage allusif

meacutetaphorique suggestif qui est utiliseacute est tout

agrave fait entendu par le patient agrave la diffeacuterence des

soignants qui sont deacuteconcerteacutes du moins lors

des premiegraveres consultations Peu agrave peu les

soignants vont se familiariser Par la suite ils

peuvent communiquer diffeacuteremment avec tel

patient et mieux deacutecoder sa maniegravere drsquoecirctre ou

de srsquoexprimer

Les repreacutesentations ancestrales de la maladie

et les eacutetiologies traditionnelles (possession es-

prits ou ancecirctres meacutecontents sorcellerie trans-

gression de tabous ou non respect de rituels

familiaux) ne sont pas systeacutematiquement eacutevo-

queacutees et lorsqursquoelles le sont crsquoest toujours de

maniegravere implicite La maladie comme lrsquoacci-

dent la perte drsquoun emploi ou toute autre mani-

festation de malchance de malheur est le

signe drsquoun deacutesordre -dont il faut comprendre le

sens- et qui concerne non seulement le patient

mais aussi sa famille

Monsieur C originaire du Mali connaicirct bien les

diffeacuterents modes de transmission et nous en

discutons ensemble et dans ce mecircme entre-

tien perplexe il se questionne Je ne sais

pas drsquoougrave ccedila vienthellip

Chez nous la maladie quelle soit physique ou

mentale ne concerne pas uniquement lindividu

toucheacute mais aussi sa famille tout le

groupe (M Maman Journeacutee transculturelle

Des gueacuterisseurs agrave lhocircpital des soignants au

village 29 septembre 2001 hocircpital Tenon

Paris) Derriegravere lhistoire de lindividu se profile

toujours le devenir de la communauteacute toute en-

tiegravere [ ] La cause du mal qui rompt leacutequilibre

dun organisme fait peser une lourde menace

sur le corps social

Bien souvent agrave lissu de ces consultations le

patient va contacter la famille au pays qui elle

aussi va intervenir selon ses coutumes par des

priegraveres rituels ou sacrifices

La proposition dune prise en charge transcul-

turelle nest pertinente que si elle fait sens pour

le patient sil se reconnaicirct des liens avec sa

culture dorigine Le patient peut ecirctre occiden-

taliseacute (eacutetudes supeacuterieures vivant en France

depuis de nombreuses anneacutees hellip) ou dorigine

rurale analphabegravete ayant gardeacute des liens avec

son village il peut ecirctre musulman ou chreacutetien

Les indications sont variables

- incompreacutehension du diagnostic Lrsquoexemple

de Monsieur K malgreacute une seacuterologie positive

il reste persuadeacute de nrsquoecirctre pas malade Cepen-

dant il accompagne aux consultations sa

femme et leur fille toutes les deux seacuteropositives

et sous traitement

- refus du traitement les causes sont mul-

tiples Mme T vient reacuteguliegraverement agrave ses con-

sultations le meacutedecin veut deacutesormais lui pres-

crire un traitement qursquoelle refuse Si je dis que

je suis seacuteropositive personne ne voudra se

marier avec moi Une autre patiente

srsquoinquiegravete Je ne veux pas du traitement si je

deviens indeacutetectable alors ougrave sera le virus

- problegraveme drsquoobservance les causes sont va-

rieacutees preacutecariteacute incompreacutehension ou refus du

diagnostic probleacutematique personnelle plus pro-

fonde

- souffrance psychique le patient peut ecirctre

tregraves observant ses reacutesultats biologiques sont

satisfaisants le patient va tregraves bien selon le

meacutedecin mais persiste en lui une douleur mo-

rale difficile parfois agrave repeacuterer Il faut savoir deacute-

coder le sens du sourire (qui ne signifie pas

toujours la joie) lrsquoabsence de plainte Julia

Kristeva explique que les eacutetrangers sont expo-

seacutes aux maladies psychosomatiques ils sont

dans cet espegravece de vernis de la langue se-

conde mais le fond reste douloureux et le fond

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 55

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

eacuteclate sous la forme de la migraine quand ce

nrsquoest pas le cancerhellip

- pathologie psychiatrique troubles du com-

portement (deacutelire agitation violencehellip) syn-

drome deacutepressif risque suicidaire angoisse de

mort plaintes somatiques sans cause orga-

nique (douleurs diffuses sensation de malaise

le corps parle ccedila chauffe ccedila se deacuteplace)

- fin de vie angoisse isolement

- conflits conjugaux ou familiaux aggraveacutes ou

reacuteactionnels agrave la pathologie (risque de divorce

tel mari qui nrsquoassume plus ses responsabiliteacutes

sexualiteacute devenue difficile impossible (refus du

preacuteservatif par exemple)

- Lrsquoannonce du diagnostic Lrsquoannonce drsquoune

maladie grave est toujours une eacutepreuve pour

tout malade Crsquoest un moment-cleacute dans la prise

en charge du patient Dans le cas de lrsquoinfection

par le VIH la formulation peut ecirctre une donneacutee

brutale Tel ce meacutedecin qui annonce agrave

une femme enceinte vih2 asymptomatique

vous avez le SIDA Veacuteritable violence ver-

bale qui provoque un choc psychique avec

risque suicidaire si ce nrsquoest la fuite et le refus

de soin

Actuellement chez certains soignants on as-

siste agrave une banalisation du diagnostic lieacute aux

possibiliteacutes de traitement Mais crsquoest oublier le

deacutecalage avec le niveau de connaissance du

malade et crsquoest aussi meacuteconnaicirctre les effets

sur le patient de la reacutealiteacute dramatique de la ma-

ladie au pays Certains ont vu des proches

mourir du SIDA drsquoune mort lente sans soin et

dans la solitude Tous les patients eacutevoquent

une forte angoisse Deux mois apregraves il y a en-

core en moi cette grande peur quand le meacutede-

cin mrsquoa parleacute En entendant les propos de

lrsquoinfirmier Je vous apporte vos meacutedicaments

du SIDA Mme B nous raconte comment elle

a protesteacute et reacuteagi vivement Vous ne devez

pas dire cela Ainsi dans certains cas le meacute-

decin peut utiliser drsquoautres formulations le

virus de la maladie la maladie qui passe de

lrsquohomme agrave la femme la grande maladie

Dans les cultures de tradition orale les mots

ont une force un pouvoir Prononcer le mot SI-

DA activerait en quelque sorte le potentiel mor-

tel de cette maladie Ainsi dans certains cas le

meacutedecin peut utiliser drsquoautres formules le vi-

rus de la maladie la maladie qui passe de

lrsquohomme agrave la femme la grande maladie

Deux ou trois consultations ont lieu ainsi agrave lhocirc-

pital pour chaque malade Les tradipraticiens

vont dire ce quils ont vu et vont donner leurs

indications theacuterapeutiques le suivi peut se

poursuivre apregraves leur retour au village ougrave ils

continuent si crsquoest neacutecessaire agrave travailler

pour le patient Les situations sont tregraves varieacutees

et les reacuteponses le sont tout autant

QUELQUES EXTRAITS DE CONSULTATION

Ce patient ne se sent pas malade il nrsquoa aucun

signe de la maladie il ne comprend pas pour-

quoi le meacutedecin insiste pour qursquoil prenne un

traitement qui plus est agrave vie On lui rappelle

qursquoau pays le gueacuterisseur a lui aussi son labo-

ratoire qursquoil voit et qursquoil peut demander de

faire des choses agrave celui qui vient le consulter

pour sa protection ce parfois toute la vie

Cette analogie explicite permet de confirmer la

validiteacute de lrsquoapproche meacutedicale Ce mode drsquoex-

pression imageacutee qui est familiegravere au patient

voir dans le sable faire des rituels pour la

protection reacutesonne en lui et lrsquoaide agrave adheacuterer

aux prescriptions meacutedicales Moi-mecircme jrsquoem-

ploie souvent le terme protection pour parler

du beacuteneacutefice de la tritheacuterapie jrsquoutilise des

images qui font sens pour le patient et je com-

prends mieux celles qursquoil utilise lui-mecircme De

mecircme il mrsquoarrive de lui signaler nos expres-

sions speacutecifiquement franccedilaises ou nos pro-

verbes afin de lui faire connaicirctre aussi notre

propre maniegravere drsquoexprimer certaines choses

Tel autre patient srsquoaggrave il prend mal ses

traitements et il vit dans une grande preacutecariteacute

Drsquoembleacutee lors du premier entretien psycholo-

gique il mrsquoexplique que sa sœur au pays a par-

leacute de sorcellerie Au cours de la consultation

drsquoethnomeacutedecine on lui demande de solliciter

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 56

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

sa famille au pays pour savoir ce qui doit ecirctre

fait aupregraves de la riviegravere sacreacutee qursquoil a eacutevoqueacutee

En Afrique les deacutefunts les ancecirctres doivent

ecirctre veacuteneacutereacutes par des rituels propres agrave chaque

famille si ce rituel a eacuteteacute abandonneacute des con-

seacutequences neacutegatives peuvent rejaillir sur un de

ses membres mecircme tregraves eacuteloigneacute On peut re-

marquer qursquoici lrsquohypothegravese de la sorcellerie est

eacutecarteacutee crsquoest une autre eacutetiologie traditionnelle

qui est avanceacutee agrave laquelle le patient adhegravere il

va contacter en effet son oncle au sujet de la

riviegravere sacreacutee Le patient devient actif non seu-

lement pour srsquooccuper des choses du pays

mais aussi pour faire des deacutemarches ici sa si-

tuation meacutedicale et sociale va consideacuterable-

ment srsquoameacuteliorer il trouve par la suite un heacute-

bergement puis un travail

Pour cette autre patiente un long temps de la

seacuteance va ecirctre consacreacute au reacutecit de la deacutecou-

verte de sa maladie de son bouleversement

de son angoisse concernant lrsquoavenir Des pa-

roles apaisantes lui sont dites puis on va lui de-

mander drsquoeacutecrire ses recircves de telle et telle nuit

au cours desquelles les gueacuterisseurs

travailleront pour elle Suite au rapport de ses

recircves ils lui prescrivent un traitement elle de-

vra se laver avec une preacuteparation agrave base de

plantes Conjointement le suivi psychologique

classique se poursuit elle reprend confiance

dans la vie

Aacute tel autre il est demandeacute drsquoapporter une petite

boicircte en bois ou encore un tissu blanc et un

parfum Aacute un autre il est dit drsquoaller chercher un

certain nombre de cailloux le long drsquoun cours

drsquoeau ici en France Certaines prescrip-

tions sont plus compliqueacutees sacrifices rituels

agrave effectuer au pays objets agrave rapporter Cela

peut prendre plusieurs semaines Si la pres-

cription est impossible agrave reacutealiser par le patient

lui-mecircme sur place ou par sa famille en

Afrique les gueacuterisseurs le feront en son nom agrave

leur retour au pays Dans la meacutedecine tradition-

nelle lrsquouniteacute cosmique crsquoest-agrave-dire la parenteacute

homme-nature est constamment preacutesente

Lrsquohomme est relieacute au monde mineacuteral veacutegeacutetal

ou animal mais aussi agrave celui des deacutefunts des

esprits et bien-sucircr agrave sa famille agrave son groupe

LE SUIVI DE GROSSESSE DE MME T

Depuis des anneacutees la patiente souffre en plus

de lrsquoinfection par le VIH de troubles du compor-

tement difficiles agrave diagnostiquer elle a un suivi

psychiatrique qui ne suffit pas agrave la soulager

Elle traverse des peacuteriodes drsquoagitation drsquoagres-

siviteacute et mecircme de violence Dans ses crises

elle peut aller jusqursquoagrave lrsquoautomutilation ou la ten-

tative de suicide Agrave drsquoautres moments elle est

totalement abattue leacutethargique Bien qursquoelle

connaisse sa maladie lieacutee au VIH lrsquoobservance

de sa tritheacuterapie est fonction de son eacutetat psy-

chique Elle a beacuteneacuteficieacute agrave plusieurs reprises de

consultations drsquoethnomeacutedecine en particulier

lors de cette derniegravere grossesse Du fait des

mauvais reacutesultats biologiques car elle ne prend

plus ses antireacutetroviraux le risque de contami-

nation megravere-enfant est particuliegraverement eacuteleveacute

Tregraves deacuteprimeacutee elle est transfeacutereacutee dans le ser-

vice de psychiatrie de notre hocircpital et le psy-

chiatre accepte qursquoagrave cocircteacute des traitements clas-

siques (antideacutepresseurs anxiolytiques) elle

fasse les soins traditionnels prescrits Elle a

donc une permission pour aller au marcheacute agrave

cocircteacute de lrsquohocircpital acheter un œuf blanc Elle doit

ensuite mettre cet œuf dans une grosse boicircte

drsquoallumettes exercice un peu difficile car lrsquoœuf

risque de se casser Le tout est mis dans une

calebasse recouverte drsquoun tissu blanc qursquoelle

entrepose sous son lit plus preacuteciseacutement agrave la

tecircte du lit En effet il est important qursquoelle

dorme avec cette calebasse pregraves de sa tecircte

pendant un certain nombre de nuits Puis la ca-

lebasse avec son contenu (lrsquoœuf dans la boicircte)

est remise aux gueacuterisseurs de retour au pays

ils vont effectuer leur travail agrave la termitiegravere sa-

creacutee A son retour en France le Dr Maman

remet un onguent agrave la patiente preacuteparation

faite agrave partir de lrsquoœuf et drsquoautres eacuteleacutements Elle

doit mettre reacuteguliegraverement cette pommade au-

tour de son nombril jusqursquoagrave lrsquoaccouchement

Lrsquoeacutetat psychique de la patiente srsquoameacuteliore elle

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 57

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

reprend correctement son traitement lrsquoenfant

naicirct et ne sera pas contamineacute par le VIH Dans

les anneacutees qui suivront son eacutetat psychologique

se deacutegradera agrave nouveau nous nrsquoavons jamais

reacuteussi agrave la stabiliser compleacutetement Nrsquoayant ja-

mais bien suivi sa tritheacuterapie elle deacutecegravede agrave la

suite des complications du sida

A partir de cet exemple nous pouvons voir le

principe de non-seacuteparativiteacute principe essentiel

agrave lrsquoœuvre dans la meacutedecine traditionnelle afri-

caine Nous sommes ici dans un systegraveme de

penseacutee primordiale magique qui fonctionne

par analogie nous sommes dans le non-

seacutepareacute agrave la diffeacuterence de la penseacutee scientifique

qui individualise Dans ce cas clinique on voit

comment tout est relieacute il y a identiteacute entre la

grossesse et lrsquoœuf passage de lrsquohumain agrave

lrsquoanimal et aussi passage drsquoun continent agrave

lrsquoautre les gueacuterisseurs travaillant agrave distance

pour la patiente Citons agrave ce propos Pierre

Lembeye psychiatre et psychanalyste hellip

nous pouvons parler de rsquorsquonon-seacuteparativiteacutersquorsquo de

la meacutedecine traditionnelle par rapport agrave la meacute-

decine occidentale qui privileacutegie le mode seacutepa-

ratif et dont le maicirctre mot est diffeacuterence tandis

que celui des socieacuteteacutes anhistoriques est identi-

teacute La science en particulier la meacutedecine a

fait des progregraves en isolant en seacuteparant Citons

aussi Jean Benoist Lrsquoopposition carteacutesienne

entre le corps et lrsquoacircme a libeacutereacute la biologie et

donc la meacutedecine des interdits qui sacralisent

le corps hellip Lrsquoesprit lrsquoacircme tout ce qui eacutetait cou-

ramment deacutesigneacute par ces termes srsquoest prodi-

gieusement eacuteloigneacute de lrsquohorizon meacutedical

(Benoist 1993) A lrsquohocircpital crsquoest bien lrsquoorgane

malade que lrsquoon soigne mais rarement la per-

sonne dans sa globaliteacute et encore moins son

groupe familial Nous pensons analysons sur

le mode seacuteparatif celui de la coupure et selon

Pierre Lembeye La psychanalyse avec lrsquohy-

pothegravese de lrsquoinconscient opegravere aussi une cou-

pure avec le conscient Les lapsus les recircves

sont des manifestations de lrsquoinconscient alors

que dans la tradition africaine il nrsquoy a pas cette

seacuteparation par exemple chez les Ashantis au

Ghana si un homme recircve qursquoil couche avec sa

voisine il est puni et sa voisine aussi De

mecircme la psychiatrie pense aussi les probleacutema-

tiques sur le mode de la coupure le terme

schizophreacutenie provient de schizo du grec

schizein signifiant fractionnement fissure divi-

sion (P Lembeye) Dans les traitements tradi-

tionnels crsquoest la question du lien qui est au pre-

mier plan Nous avons lrsquoexemple de ce beacutebeacute

acircgeacute de huit mois enfant-cordon preacutesentant

des troubles du comportement et dont le traite-

ment est deacutecrit par Eacuteric de Rosny hellip le cor-

don ombilical le retenant aux entrailles de

lrsquoautre monde nrsquoaurait pas eacuteteacute coupeacute hellip Il srsquoagit

de lui crever les yeux crsquoest-agrave-dire de lui

rendre invisible le monde des Ancecirctreshellip (De

Rosny 1996 123-133)

La penseacutee magique qui est agrave lrsquoœuvre dans les

theacuterapies traditionnelles a-t-elle deacuteserteacute notre

systegraveme de penseacutee occidentale Dominique

Folscheid professeur de philosophie nous rap-

pelle ceci Notre meacutedecine moderniste est

due agrave lrsquoessor de la rationaliteacute mais on a oublieacute

que dans la Gregravece Antique la rationaliteacute deacutebu-

tante (avec les philosophes) srsquoaccompagnait

drsquoune vie mystique florissante Rappelons le

serment drsquoHippocrate premier code de deacuteonto-

logie meacutedical Je jure par Apollon meacutedecin

par Esculape par Hygeacutee et Panaceacutee par tous

les dieux et toutes les deacuteesseshellip Dans son

livre La nuit les Yeux ouverts Eacuteric de Rosny

cite Pierre Fegravevre Ce monde de la gueacuterison et

de la sorcellerie a quelque chose drsquounheimlich

(agrave la fois lsquolsquomysteacuterieuxrsquorsquo et lsquolsquoinquieacutetantrsquorsquo) et pour-

tant il eacuteveille des reacutesonances au plus profond

de nous-mecircmes et lrsquoon ne sait pas les-

quelles (de Rosny 1996 17) Nous-mecircmes

sans en avoir veacuteritablement conscience fonc-

tionnons sur le mode du lien du non-seacutepareacute

par exemple Reneacute Spitz psychiatre et psycha-

nalyste a deacutecrit en 1946 lrsquohospitalisme alteacutera-

tion physique grave srsquoinstallant chez le tregraves

jeune enfant placeacute en institution et seacutepareacute de

sa megravere crsquoest pourquoi aujourdrsquohui en peacutediatrie

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 58

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

on facilite la preacutesence de la megravere qui peut dor-

mir au chevet de son enfant un autre

exemple celui du syndrome de glissement des

personnes acircgeacutees hospitaliseacutees qui coupeacutees de

leur environnement habituel se laissent mourir

et dans un autre registre que dire de lrsquoabsence

de chambre ndeg13 dans nos hocircpitaux nos hocirc-

tels

4 FORMATION MUTUELLE PARTAGE DE SAVOIR

Un eacutechange des savoirs srsquoest instaureacute entre les

soignants de lrsquohocircpital et lrsquoassociation

1 au niveau de lrsquoassociation les membres

drsquoURACA sont formeacutes agrave la pathologie du sida

les meacutedecins apportent leur connaissance meacute-

dicale avec des mises agrave jour sur lrsquoeacutevolution de

la pathologie et des traitements Des reacuteunions

agrave thegraveme sont organiseacutees avec un eacutelargisse-

ment agrave drsquoautres pathologies (heacutepatites dreacutepa-

nocytose)

2 au niveau des soignants formation en situa-

tion clinique participation au cycle annuel de

confeacuterences drsquoUraca voyages drsquoeacutetude dans le

village du Dr Maman au Nord-Beacutenin effectueacutes

par des meacutedecins psychiatres psychologues

assistante sociale infirmiegraveres de lrsquoAP-HP

(participation agrave des theacuterapies traditionnelles

dont le culte de danses de possession expeacute-

rience drsquoune certaine situation migratoire vil-

lage dans la brousse repegraveres diffeacuterents cadre

culturel autre adaptation au climat agrave la nourri-

turehellip)

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site wwwuracaorg)

Pratiques theacuterapeutiques et cultures regards

croiseacutes 3egravemes

Rencontres Transculturelles de

Tenon-Uraca 2010 videacuteos de la journeacutee en

ligne sur wwwuracaorg)

Retrouvez

toute lrsquoactualiteacute de Psyclihos

les enregistrements des con-

feacuterences ainsi que le journal

des 20 ans

sur notre site internet

wwwpsyclihosorg

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 60

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

Psychologue en reacuteanimation peacutediatrique teacutemoignage drsquoune

pratique en eacutevolution

Muriel Derome Hocircpital Raymond Poincareacute

L e propos de cette preacutesentation sera de

teacutemoigner de leacutevolution drsquoune pratique

de psychologue au sein dun pocircle de peacute-

diatrie bien speacutecifique celui de lrsquoHocircpital Ray-

mond Poincareacute de Garches Laccueil denfants

en deacutecompensation neuro respiratoire souf-

frant de polyhandicap de maladies chroniques

ou arrivant suite agrave un eacuteveacutenement traumatique

brutal (accident intoxication insuffisance respi-

ratoire) rend la preacutesence du psychologue neacute-

cessaire

Avec Jean en phase terminale nous reacutefleacutechi-

rons au rocircle du psychologue dans lrsquoaccom-

pagnement des enfants en fin de vie

Dautres cas cliniques preacutesenteacutes agrave loral illus-

treront ensuite les modaliteacutes de la prise en

charge post-traumatique denfants et de

leurs familles

Enfin nous terminerons par exposer la speacutecifi-

citeacute de notre travail aupregraves des soignants

ACCOMPAGNER DES ENFANTS GRAVEMENT MA-

LADES OU EN FIN DE VIE

Lors de notre premiegravere rencontre Jean nous

dit Je sais que je vais mourir mais les meacutede-

cins sont trop lacircches pour me le dire et mes

parents sont trop tristes pour mrsquoen parler

Nous lui reacutepondons Je ne te connais pas

mais en tout cas je trouve que cest super que

tu puisses en parler et que tu ne gardes pas

tout ccedila pour toi

Tregraves eacutetonneacute il reprend Alors lagrave crsquoest bizarre

drsquohabitude degraves que je dis que je vais mourir

tout le monde me dit rdquoMais arrecircte Nrsquoimporte

quoi Ne raconte pas des becirctisesrdquo Mais moi je

ne suis pas fou je sais ce que je dis et pour-

quoi je le dis et je veux pouvoir en parler

La question redoutable est tregraves vite apparue

Est-ce que crsquoest vrai que je vais mourir Il

faut alors pouvoir reacutepondre Je pense que si

tu dis ccedila crsquoest que tu as de bonnes raisons de

le penserhellip Tu es le seul agrave savoir exactement

ce que tu vis Raconte-moi qursquoest-ce qui te fait

dire ccedila

Jour apregraves jour gracircce agrave un travail psycholo-

gique Jean exprime de plus en plus sa souf-

france Se sentant eacutecouteacute il entre progressive-

ment dans une autre phase celle de lrsquoaccepta-

tion

Accompagner un enfant en fin de vie crsquoest

avant tout rester agrave son eacutecoute affronter les

questions qui mettent si mal agrave lrsquoaise (mecircme si

et surtout si on ne sait pas comment y reacute-

pondre ) Et crsquoest aussi accueillir ses interroga-

tions sur sa propre mort pour lutter contre la

solitude la peur lrsquoangoisse la colegravere

ACCOMPAGNER LES FAMILLES

Avec la megravere de Jean nous deacutecouvrons ce qui

se joue autour de la porte Degraves que nous nous

preacutesentons elle nous reacutepond Merci on nrsquoa

besoin de rien (Puis sortant de la

chambre) mais surtout vous ne lui dites pas

qursquoil va mourir vous ne lui parlerez de rien -

Oh moi non mais lui il en parle beaucoup

Tregraves surprise la megravere accepte alors de venir

en parler dans notre bureauhellip Lrsquoaccompagne-

ment commence

En phase terminale Jean perd toute autonomie

motrice et tous ses sens agrave lrsquoexception de la

vue Il ne peut plus parler Sa megravere terroriseacutee

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 61

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

par la situation demande aux eacutequipes de lui

donner quelque chose pour dormir deacutefiniti-

vement Nous lui montrons alors qursquoune com-

munication subsiste gracircce agrave lrsquoinstauration drsquoun

code (lettres sur un tableau) avec des signes

de tecircte et des clignements drsquoœil Elle srsquoaperccediloit

alors que Jean cherche avant tout agrave savourer

les petits bonheurs de chaque jour Elle reste

ainsi jusquau bout en lien avec son fils

Accompagner les parents cest accueillir

leur eacutepuisement leurs doutes leur ambiva-

lence parfois mecircme leur demande deuthana-

sie et leur redonner une image positive deux-

mecircmes pour leur permettre drsquoinvestir lrsquoinstant

preacutesent et ainsi favoriser un accompagnement

de qualiteacute

ACCOMPAGNER AUSSI LES AUTRES ENFANTS HOS-

PITALISEacuteS ET LEURS FAMILLES

Il nous semble important de susciter des

occasions drsquoaborder le sujet de la mort en lais-

sant les familles libres de saisir ou non ces op-

portuniteacutes

ACCOMPAGNER LES SOIGNANTS

DANS LIMMEacuteDIATETEacute DE LA REacuteALITEacute CLINIQUE

En deacutecalage les eacutequipes srsquointerrogent

Doit-on vraiment lui infliger ccedila jusqursquoau bout

Sa megravere a peut-ecirctre raison on devrait peut-

ecirctre lrsquoendormir pour qursquoil ne se sente pas humi-

lieacute drsquoecirctre si diminueacute Moi je ne supporterais

pashellip Les soignants sont alors tellement preacute-

occupeacutes par la deacutecision qursquoils pensent devoir

prendre qursquoils ne se rendent pas compte que

cette megravere est en train de vivre lrsquoun des plus

grands moments drsquoamour avec son fils Le psy-

chologue devient alors le lien entre les diffeacute-

rents protagonistes en rapportant certains des

propos de Jean Je suis bienhellip Comme ce

rayon de soleil est beau aujourdrsquohuihellip La

communication se remet agrave fonctionner Leurs

regards se posent alors diffeacuteremment sur lui

La peacuteriode de fin de vie drsquoun patient con-

fronte chaque soignant agrave ses limites Chacun

perd ses illusions de toute-puissance et se re-

trouve confronteacute agrave sa propre angoisse de mort

Certains deacutestabiliseacutes ne peuvent pas suppor-

ter lideacutee decirctre confronteacute agrave la proximiteacute de la

mort Pour surmonter sans trop de seacutequelles

la confrontation reacutepeacuteteacutee agrave la maladie grave et agrave

la mort il est neacutecessaire que chacun puisse

ecirctre attentif agrave soi-mecircme agrave ses propres be-

soins pour ecirctre dans un juste rapport agrave lrsquoautre

Il sagit decirctre toucheacute sans ecirctre impliqueacute affecti-

vement cest agrave dire sans tomber dans leacutemotivi-

teacute

Apregraves chaque deacutecegraves le psychologue est

lagrave pour inviter ceux qui le deacutesirent agrave mettre en

mots ce qui a eacuteteacute veacutecu La parole partageacutee per-

met de ne pas fixer des souvenirs culpabili-

sants ou anxiogegravenes

AU LONG COURS LE TRAVAIL INSTITUTIONNEL

Le soutien des eacutequipes pluridisciplinaires

est une part tregraves importante du travail du psy-

chologue en milieu hospitalier Lrsquoeacutecoute et les

eacutechanges contribuent agrave ce que tregraves lentement

les habitudes et les mentaliteacutes eacutevoluent Ces

rencontres pourront selon les situations avoir

lieu de faccedilon formelle ou informelle (le plus

souvent dans les couloirs)

Le soutien au long cours des eacutequipes fait par-

tie inteacutegrante du travail institutionnel Diffeacuterents

outils permettent de lrsquoaccompagner au mieux

LA REacuteUNION DE SYNTHEgraveSE

Dans notre service la reacuteunion de syn-

thegravese hebdomadaire permet de se poser pour

reacutefleacutechir en eacutequipe pluridisciplinaire agrave ce que

nous vivons Il est primordial drsquoaider chaque

intervenant agrave mettre des mots sur les situations

rencontreacutees surtout quand les points de vue

sont divergents Mais il srsquoagit drsquoun travail de

longue haleine car si nous nrsquoy sommes pas

vigilants les discussions restent tregraves meacutedicales

et eacutevitent drsquoaborder lrsquoenfant et sa famille dans

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 62

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

leur globaliteacute Le psychologue par sa faccedilon de

relever les paradoxes de poser les questions

eacutethiques ou simplement de faire entendre une

autre approche que celle purement somatique

aide les eacutequipes agrave reacutefleacutechir agrave leur maniegravere

drsquoaborder les familles

LA SYNTHEgraveSE DES SYNTHEgraveSES

Une fois par an nous prenons le temps

de relire les moments forts de lrsquoanneacutee en met-

tant des mots sur ce qui a reacuteussi ou eacutechoueacute ce

qui nous a manqueacute ce qui nous a marqueacute

choqueacute ou qui est resteacute incompris Mettre des

mots agrave distance sur des malentendus (en lien

avec une famille ou un fonctionnement interne)

permet davancer en eacutequipe Nous veillons

aussi agrave reprendre point par point les eacuteleacutements

positifs rappeler les enfants sauveacutes les fa-

milles qui remercient et valoriser les eacutequipes

est essentiel pour maintenir la motivation et

lrsquoinvestissement de chacun

ET LE PSYCHOLOGUE DANS TOUT CcedilA

Face agrave ces enfants gravement malades ou en

fin de vie nous devons apprendre agrave nous

adapter Il nous faut par exemple pour pouvoir

accueillir un enfant sans aucune autonomie

respiratoire dans notre bureau apprendre au

minimum les gestes de reacuteanimation agrave effectuer

en attendant qursquoun soignant prenne la relegraveve

Alors que nous avons appris agrave ne pas toucher

il nous faut comprendre ce que le patient nous

dit non plus agrave travers des mots mais agrave travers

des maux agrave travers son corps une poigneacutee

de main un regard une mimiquehellip nous de-

vons sentir lrsquoexpression non verbale de lrsquoan-

goisse Deacuteceler si le patient a besoin de silence

ou au contraire srsquoil attend nos questions En-

fin il faut quelquefois avec une extrecircme deacuteli-

catesse et une grande attention chercher agrave re-

formuler ce que le patient nous dit avec des

lettres montreacutees sur un tableau un hochement

de tecircte ou simplement un regard

Ecirctre psychologue va souvent de pair avec une

invitation permanente agrave se remettre en ques-

tion Il srsquoagit drsquoaccepter de douter plutocirct que de

chercher des certitudes Pour srsquoadapter agrave la

speacutecificiteacute de chaque situation il nous faudra

surtout ecirctre creacuteatif et oser inventer Dans le

cas contraire notre travail restera sans doute

superficiel car il apparaicirctra comme en deacuteca-

lage par rapport aux situations veacutecues par les

patients et les eacutequipes qui les prennent en

charge

Au niveau institutionnel le travail du psycho-

logue ne porte de fruits qursquoagrave tregraves long terme

Alors ne nous deacutecourageons pas (Le deacutecou-

ragement nrsquoest-il pas notre pire ennemi ) Veil-

lons agrave prendre soin de nous soyons attentifs agrave

nos propres besoins Ne nous barricadons pas

devant la deacutetresse mais au contraire appre-

nons agrave ralentir et agrave ressentir ce qui est toucheacute

en nous Comme leacutequilibriste sur la corde

nous devons essayer davancer en souplesse

pour ne tomber ni dans lindiffeacuterence ni dans la

fusion avec les situations dramatiques rencon-

treacutees

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 63

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

Seacutejour de vacances quelle place pour le psychologue

Ceacuteline Le Bivic Geacuteriatrie Hocircpital Eacutemile Roux

M esure 1 du plan Alzheimer 2008-

2012 deacuteveloppement et diversifica-

tion des structures de reacutepits

Parce qursquoils sont contraints de veiller constam-

ment sur les malades les aidants sont soumis

agrave une pression permanente Il existe des struc-

tures qui leur permettent de souffler en offrant

par ailleurs une prestation theacuterapeutique aux

malades pendant une ou plusieurs demi-

journeacutees

Afin drsquoeacutelargir les missions des accueils de jour

qui ne srsquoadressent qursquoaux personnes malades

ont eacuteteacute deacuteveloppeacutees les plates-formes drsquoac-

compagnement et de reacutepit Il srsquoagit drsquooffrir aux

aidants et aux couples des activiteacutes de soutien

de reacutepit agrave domicile ou en couple et de deacutevelop-

pement de la vie sociale

Il existe des actions de reacutepit agrave domicile de

garde agrave domicile de nuit drsquoactiviteacutes sociales

culturelles pour le couple maladeaidant et de

seacutejours vacances

Jacqueline agrave la fin drsquoun seacutejour vacances mrsquoa

confieacute deux feuilles de cahier manuscrites Jrsquoai

eacutecrit ccedila Vous le lirez si vous voulez

Je me legraveve agrave 7h Prise des meacutedicaments de

Guy Je deacutejeune moment tranquille je fais ma

toilette Je vais ouvrir les volets chez maman Il

est 8h30 Je preacutepare les meacutedicaments et le pe-

tit deacutejeuner de Guy Quelques fois je le fais

manger si je peux Je fais les lits je com-

mence agrave preacuteparer le deacutejeuner Passage du

SSIAD Pendant ce temps je preacutepare une les-

sive pratiquement une tous les jours Apregraves le

passage du SSIAD souvent il a besoin drsquoaller

aux toilettes le deacuteculotter nettoyer les WC le

reculotter ranger la salle de bain et finir ce qui

a eacuteteacute commenceacute (je ne peux rien faire en sui-

vant) Souvent fais de lrsquoadministratif preacuteparer

le courrier aller agrave la poste et au pain Il vient

avec moi il faut lrsquoaider agrave monter dans la voiture

et souvent lrsquoaider agrave descendre Il est 11h il faut

eacutetendre le linge lrsquoaider agrave faire sa gym preacuteparer

et porter le plateau agrave maman Midi Lrsquoheure de

preacuteparer et donner les meacutedicaments Mettre le

couvert couper les aliments lrsquoaider Pour lui il

faut bien 90 min de pose pour deacutejeuner

Apregraves desservir le preacuteparer pour la sieste le

deacuteculotter et reculotter lrsquoaider agrave se coucher

finir de ranger la cuisine lever et plier le linge

Il est environ 14h Petite pause 15h-15h30 la

sieste est finie Sortie dans le jardin toujours

accompagneacute Lrsquoaider agrave srsquohabiller agrave se deacutesha-

biller 16h prise des meacutedicaments et goucircter

Quelquefois passages agrave la sortie de lrsquoeacutecole

des petits enfants et leur papa Aux beaux

jours travail agrave lrsquoexteacuterieur (plus de 2000m2) La

tonte du gazon est faite par mon garccedilon et jrsquoai

agrave peu pregraves 40h par an par la caisse de retraite

compleacutementaire Jrsquoai une aide-meacutenagegravere 3 h

le mardi matin et 1 h le mercredi matin Jrsquoen

profite pour aller faire les courses ou aller chez

le docteur le dentiste ou le coiffeur ou autre

chose Et 3h le jeudi apregraves-midi Lagrave crsquoest mon

repos hebdomadaire et pas toujours Je vais agrave

lrsquoaquagym avec 2 amies mais juste en peacuteriode

scolaire On est loin des 2 jours de congeacutes par

semaine mais jrsquoen demande pas tant Vers 17h

-17h30 petite promenade dans le jardin apregraves

preacuteparation du dicircner 19h prise des meacutedica-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 64

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

ments Le dicircner pour lui il faut compter 90 min

Ensuite desservir Vers 20h30 je vais deacuteshabil-

ler maman Pour lrsquoinstant elle se couche sans

aide mais au deacutebut du printemps jrsquoallais la cou-

cher vers 22h Entre-temps je deacuteshabille Guy

passage aux toilettes prise des meacutedicaments

et apregraves le coucher

Il est 22h Je respire un peu Je fais un brin de

toilette Je prends mon somnifegravere et je me

couche Je mrsquoendors ou je ne mrsquoendors pas Lagrave

on peut pleurer Personne ne le voit Dans la

nuit je me legraveve une ou deux fois quand il a be-

soin de faire son pipi

Et cela 365 jours par an Et je ne me plains

pas Il y a pire Il y a aussi mieux

Jacqueline est comme 35 millions de fran-

ccedilais Elle fait partie des personnes que lrsquoon

nomme aidant familial drsquoun proche Il srsquoagit de

son mari Cela fait 12 ans qursquoil est malade Le

quotidien de Jacqueline est rythmeacute autour de

son eacutepoux et de sa pathologie eacutevolutive

En geacuterontologie le mot aidant est utiliseacute voire

parfois revendiqueacute Un aidant mais qursquoest-ce

que crsquoest Selon lrsquoassurance maladie crsquoest

celui qui apporte seul ou en compleacutement de

lrsquointervention des professionnels lrsquoaide humaine

rendue neacutecessaire par la perte drsquoautonomie de

la personne acircgeacutee ou destineacutee agrave preacutevenir une

perte drsquoautonomie et qui nrsquoest pas salarieacute pour

cette aide

Depuis une quinzaine drsquoanneacutees le veacutecu des

aidants familiaux fait lrsquoobjet de recherches On

sait aujourdrsquohui que 800 000 personnes sont

recenseacutees comme eacutetant en eacutetat de deacutepen-

dance en France crsquoest-agrave-dire qursquoelles ne peu-

vent pas effectuer de maniegravere autonome les

actes de la vie courante Et que cela est forte-

ment correacuteleacute agrave lrsquoavanceacutee en acircge la personne

aideacutee a 76 ans en moyenne

Si le lien familial preacutedomine lrsquoaidant peut aussi

ecirctre un ami ou un voisin Il srsquoagit le plus sou-

vent drsquoune femme acircgeacutee de plus de 50 ans

Bien que deux tiers des aidants srsquooccupent

quotidiennement de la personne aideacutee 60

drsquoentre eux continuent agrave avoir une activiteacute sala-

rieacutee

Lrsquoaide agrave un proche dure en moyenne 7 ans

Dans la relation drsquoaide plusieurs probleacutema-

tiques sont en jeu le deuil du parent conjoint

tel qursquoil eacutetait auparavant le renversement des

rocircles de lrsquoordre des geacuteneacuterations la crainte face

agrave son propre vieillissement les difficulteacutes de

communication avec le proche malade la

crainte de la perte du lien

La relation drsquoaide a ses apports la majoriteacute

des aidants disent se sentir utile et trouver du

plaisir dans cette relation Mais elle a aussi ses

limites et ses risques On sait aujourdrsquohui que

la mortaliteacute des aidants augmenterait de 63

que le risque de deacutepression est multiplieacute par 3

Dans cette aide au quotidien le rythme la reacute-

peacutetition lrsquoeacutevolution de la maladie peuvent ame-

ner agrave des sentiments drsquoisolement de surme-

nage et drsquoeacutepuisement

Si plus de 60 des personnes atteintes de la

maladie drsquoAlzheimer ou apparenteacutees vivent agrave

leur domicile crsquoest gracircce agrave un aidant familial

qui toute la journeacutee est dans le faire Lrsquoaidant

familial contrairement agrave lrsquoaidant professionnel

nrsquoest pas formeacute agrave cet accompagnement il base

sa relation agrave partir drsquoun lien affectif avec la per-

sonne qursquoil aide Il peut ecirctre reacutemuneacutereacute sil a

lrsquoacircge de travailler et qursquoil nrsquoest pas son conjoint

Il nrsquoa pas drsquoheures fixes

On peut donc comprendre le besoin parfois de

se poser un peu

Plutocirct que le mot vacances est apparu reacute-

cemment le mot reacutepit

Des seacutejours de reacutepit pour les aidants

Une expression forte qui vient nommer la souf-

france du proche dans la relation drsquoaide

Agrave croire que la personne dite aideacutee nrsquoa elle

pas besoin de temps de pause et que son quo-

tidien lui suffit parfaitement La femme de

Pierre me dira mon meacutedecin et son neuro-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 65

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

logue mrsquoavaient deacuteconseilleacute de lrsquoemmener ici

En France les vacances sont un droit pour les

salarieacuteshellip

Mais au fait agrave quoi ccedila sert des vacances Eh

bien avant tout agrave couper avec le quotidien An-

dreacute Comte-Sponville eacutevoque les vacances

comme un moment de liberteacute

Srsquoaccorder une pause crsquoest ainsi que nous

avons nommeacute le seacutejour de vacances que je

vais vous preacutesenter

Le seacutejour est proposeacute par une caisse de re-

traite compleacutementaire qui contacte ses adheacute-

rents Le point commun est qursquoil existe entre un

adheacuterent et un de ses proches une relation

drsquoaide au quotidien Le projet a eacuteteacute construit et

penseacute avec une association qui intervient dans

lrsquoaccompagnement de lrsquoavanceacutee en Acircge

Le groupe est composeacute en moyenne de 7

couples la moyenne drsquoacircge des aidants est de

74 ans et celle des aideacutes de 80 ans

Les participants viennent de la France entiegravere

Ils ne se connaissent pas Nous ne les con-

naissons pas

La majoriteacute des aideacutes preacutesentent des pro-

blegravemes cognitifs ou des difficulteacutes motrices

Le lieu est une structure de vacances (type reacute-

sidence hocircteliegravere) adapteacutee aux personnes han-

dicapeacutees

Le seacutejour a eacuteteacute penseacute avec la preacutesence de

deux personnes dite en fil rouge de la se-

maine la coordonnatrice de lrsquoassociation creacutea-

trice du projet et la psychologue Partager le

quotidien du petit deacutejeuner au dicircner de lrsquoac-

cueil jusqursquoau deacutepart

Drsquoautres intervenants (intervenant en Taiuml-Chi

Chuan une socio-estheacuteticienne intervenant en

chant et expression corporelle activiteacute autour

de la terre) rejoignent le groupe en deacutecaleacute afin

de conserver une alternance des pratiques

mais aussi une preacutesence renforceacutee en milieu

de semaine moment ougrave nous pouvons com-

mencer agrave seacuteparer les duos

Lrsquoaspect meacutedicaliseacute parfois neacutecessaire est re-

layeacute par des infirmiegraveres libeacuterales qui intervien-

nent sur le lieu de vacances

Le planning de la semaine est proposeacute avec

des activiteacutes ensemble seacutepareacutees en groupe

individuelles toujours dans la proposition et

non dans la contrainte Le rythme des journeacutees

srsquoadapte tous les jours

Les objectifs de la semaine

Permettre agrave chacun aidant comme aideacute de

srsquoaccorder veacuteritablement une pause en profi-

tant pleinement du site et drsquoun accompagne-

ment qui facilite leur quotidien pendant la se-

maine (absence de tacircches meacutenagegraveres repas

servis au restaurant possibiliteacute drsquoaccompagne-

ment de la personne aideacutee pour quelques

heures proposition drsquoanimations proposition

de temps dlsquoeacutechanges et de paroles)

Favoriser lrsquoacquisition et le partage drsquooutils mecirc-

lant expeacuteriences et connaissances que les per-

sonnes pourront reacuteutiliser une fois de retour au

domicile

Nous ne nommons pas les personnes par leur

fonction aidant ou aideacute mais par leur preacutenom

Chaque duo est composeacute drsquoune personne

ayant un badge vert et lrsquoautre saumon Ainsi

certaines activiteacutes sont proposeacutees agrave tous et

drsquoautres agrave chaque groupe de couleur diffeacuterente

Lrsquoanalyse des questionnaires de satisfaction ou

du bilan oral nous confortent encore dans lrsquoideacutee

que ces objectifs reacutepondent bien agrave ceux des

personnes et sont atteignables dans le cadre

de ces seacutejours

Crsquoest lrsquooccasion de partager une semaine de

vacances tout agrave fait diffeacuterente du quotidien et

des repegraveres de chacun Le groupe se creacutee degraves

les premiegraveres heures de rencontre agrave lrsquoarriveacutee

Tout au long de la semaine chacun eacutevolue

dans sa propre probleacutematique

Les aidants deacutecouvrant drsquoautres pairs eacutechan-

geant avec drsquoautres prenant distance vis agrave vis

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 66

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

de leur veacutecu et deacutecouvrant le comportement de

leur proche avec drsquoautres personnes profes-

sionnels ou non

Les aideacutes qui se sont saisis des possibiliteacutes

offertes de faire autrement deacutecouvrir drsquoautres

vivre des moments de plaisir malgreacute le handi-

cap ou la maladie Eacutechanger avec drsquoautres qui

vivent des situations similaires

Lrsquoeacutevolution du groupe dans lequel une con-

fiance mutuelle srsquoinstalle et permet des interac-

tions et des eacutechanges tregraves riches humaine-

ment Chacun a pu recevoir et apporter agrave

lrsquoautre qursquoil soit aideacute ou aidant

Durant tout le seacutejour tout le monde peut se po-

ser deacutecouvrir lrsquoautre se deacutecouvrir dans des

moments partageacutes individuels ou collectifs

Proposer plein drsquounivers diffeacuterents des compeacute-

tences diffeacuterentes (prof de tai-chi le corps

penseacute le chant le savoir de lrsquoeacutemotion la socio-

estheacuteticienne le mieux avec soi-mecircme)hellip

Et le psychologue dans tout ccedila

Dans ce type de vacances jrsquointerviens en bi-

nocircme avec la responsable du seacutejour du deacutebut

du seacutejour jusqursquoau deacutepart des participants

Je me preacutesente en tant que psychologue Pour

la plupart crsquoest la premiegravere fois qursquoils rencon-

trent quelqursquoun de cette profession Vous allez

mrsquoanalyser me demande Jacques au deacutebut

du seacutejour Finalement vous ecirctes sympas les

psys Vous croyez qursquoil en y en pregraves de chez

moi me demandera-t-il en fin de seacutejour

Je suis tout le temps avec eux du soir au ma-

tin Pas tregraves acadeacutemique comme cadre de tra-

vail et pourtant comme souvent la clinique

vient nous proposer de penser autrement

Le rocircle essentiel du psychologue est que du

deacutebut agrave la fin du seacutejour il propose ce que je

nomme des bras psychiques Les 4 bras les

bras du cadre formel et les bras psychiques Fil

rouge tout le long du seacutejour Crsquoest par ce cadre

-lagrave que chacun va pouvoir se deacutetendre libeacuterer

la parole Lacirccher le faire du quotidien pour

tendre vers le vivre le ressentir et le partager

durant le seacutejour

Pour le psychologue partager le quotidien (du

petit deacutejeuner au dicircner) crsquoest ne pas ecirctre tout

le temps dans la distance mais ecirctre dans la

juste distance Alterner des moments formels

proposition de groupes de parole durant le seacute-

jour pour les personnes en situations drsquoaider et

celles qui reccediloivent de lrsquoaide) et de temps infor-

mels Crsquoest ecirctre disponible Crsquoest garantir lrsquoexis-

tence du maintien de la vie psychique et recon-

naicirctre la personne en tant que sujet pensant

ressentant deacutesirant

Tisser des liens Lacirccher le bras de son malade

changer de bras Faire confiance agrave lrsquoautre et

deacutecouvrir ainsi que lrsquoon peut soutenir lrsquoautre

dans ce qursquoil est capable de donner Faire con-

fiance est possible si le cadre est suffisamment

contenant pour se lrsquoautoriser

Deacutecloisonner les rocircles et les fonctions de cha-

cun Les cloisons tombent Le fil qui nous tient

et nous unit dans le lien agrave lrsquoautre reste Prendre

soin de soi

Exemple du massage des mains avec la socio-

estheacuteticienne En groupe de parole eacutemerge

alors que les mains ne servent pas qursquoagrave se te-

nir ou tenir lrsquoautre les mains se croisent dans

le relationnel et la communication Ne plus ecirctre

dans le soigner la maladie mais dans le pren-

dre soin de ce qui nous lie agrave lrsquoautre

Accompagner lrsquoaidant agrave cheminer vers le si

moi je vais mieux alors lui ira peut ecirctre mieux

au lieu de si il va bien je vais bien

Durant le seacutejour je prends des notes tous les

soirs sur chaque participant Notes drsquoimpres-

sion de ressenti et de questions qui me per-

mettent de comprendre lrsquoeacutevolution psycho-

dynamique de chacun et de chaque duo

Deux fois en moyenne durant le seacutejour jrsquoap-

pelle une collegravegue afin de pouvoir parler pen-

ser et eacutelaborer le veacutecu partageacute

Je propose un moment de reacuteflexion sur la rela-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 67

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

tion drsquoaide avec les aidants Je propose un

temps de parole et drsquoeacutechange sur le veacutecu de

lrsquoaideacute

Lors du bilan le rocircle de la psychologue est tou-

jours valoriseacute Non confondu avec les temps

drsquoanimation crsquoest un espace drsquoeacutechange de soi

et de lrsquointime qui est possible parce qursquoun lien

de confiance dans le quotidien srsquoest creacuteeacute Nous

partageons nos savoirs ceux de ma connais-

sance avec ceux de leur expeacuterience Jrsquoai deacute-

couvert ce que crsquoest une psy Ce nest pas si

grave ccedila srsquoavegravere mecircme plutocirct utile

Ces seacutejours sont lrsquooccasion aussi pour les pro-

fessionnels intervenants drsquoenrichir leurs con-

naissances et leurs pratiques vis-agrave-vis de ce

qursquoest la relation aidant-aideacute en partageant leur

quotidien pendant quelques jours

Comprendre le lien aidantaideacute dans ce qui se

joue au quotidien au plus intime au plus pro-

fond

Le seacutejour ne dure qursquoune semaine Cette se-

maine est en dehors du quotidien de chacun

Elle montre que de vivre eacutechanger rire parta-

ger du plaisir avec drsquoautres est possible et es-

sentiel Elle permet ainsi aux couples ou duos

de se ressourcer et de repeacuterer les plaisirs qui

fondent et nourrissent leur relation partageacutee

Merci de votre attention

Retrouvez

toute lrsquoactualiteacute de Psyclihos

les enregistrements des con-

feacuterences ainsi que le journal

des 20 ans

sur notre site internet

wwwpsyclihosorg

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 68

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

Modeacuterateur Martine Shindo Hocircpital Saint Louis

gt Laccompagnement psychologique par teacuteleacute-

phone dans les maladies de Creutzfeldt-Jakob

Marie-Lise Babonneau Hocircpital Pitieacute Salpecirctriegravere Page 69

gt Parents face agrave linterruption meacutedicale de

grossesse des mots en images

Natascia Serbandini Hocircpital Jean Verdier Page 78

gt Psychologue clinicien aupregraves du personnel

missions enjeux limites

Isabelle Fretigny Hocircpital Saint Louis Elodie Travers Hocircpital Henri Mondor

Page 82

Cliniques particuliegraveres

Pratiques innovantes

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 69

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

Laccompagnement psychologique par teacuteleacutephone dans les

maladies de Creutzfeldt-Jakob

Marie-Lise Babonneau Hocircpital Pitieacute Salpecirctriegravere

L a Cellule Nationale de Reacutefeacuterence des

Maladies de Creutzfeldt-Jakob (MCJ) a

eacuteteacute creacuteeacutee en 2001 par le Ministegravere des

Solidariteacutes de la Santeacute et de la Famille A la

disposition du grand public et des profession-

nels de terrain elle a pour mission lrsquoaide au

diagnostic et agrave la prise en charge meacutedicale so-

ciale et psychologique des patients et de leur

famille

La Cellule est nicheacutee au cœur de lrsquohocircpital de la

Pitieacute-Salpecirctriegravere dans lrsquoune des trois loges au-

trefois destineacutees aux alieacuteneacutes Elle a la particu-

lariteacute de ne pas accueillir physiquement le pu-

blic auquel elle srsquoadresse lrsquoaide qursquoelle pro-

pose srsquoeffectue essentiellement par teacuteleacutephone

En juin 2003 jrsquointegravegre pour un tiers-temps de

psychologue lrsquoeacutequipe deacutejagrave composeacutee drsquoun meacute-

decin coordinateur drsquoun meacutedecin attacheacute

drsquoune assistante sociale drsquoune assistante de

recherche clinique et drsquoune secreacutetaire

A cette eacutepoque je treacutebuche agrave lrsquoenvi sur lrsquoimpro-

nonccedilable Creutzfeldt-Jakob et examine drsquoun

œil dubitatif ma fiche de poste comment assu-

rer un soutien psychologique exclusivement

teacuteleacutephonique Eacutetait-ce reacutealisable efficace ad-

missible

PREacuteAMBULE

Les Maladies de Creutzfeldt-Jakob sont con-

nues de longue date les premiers cas ont eacuteteacute

deacutecrits par Creutzfeldt et Jakob dans les an-

neacutees 1920 Ce sont des maladies neurodeacutegeacute-

neacuteratives rares (qui se traduisent par une deacute-

mence et une grabatisation) 15 cas par mil-

lion drsquohabitants et par an dans tous les pays ougrave

existe une surveillance eacutepideacutemiologique En

France elles concernent une centaine de cas

par an

Principalement connues du grand public sous

le nom de maladie de la vache folle il existe

pourtant trois formes diffeacuterentes de MCJ avec

pour chacune drsquoelles ses speacutecificiteacutes On les

classe en fonction de leur mode de transmis-

sion la forme sporadique (aleacuteatoire) les

formes heacutereacuteditaires (MCJ geacuteneacutetiques syn-

drome de Gertsmann-Straussler-Scheinker

Insomnie Fatale Familiale) et les formes ac-

quises (formes iatrogegravenes des hormones de

croissance variante de la MCJ)

Le poste de psychologue avait eacuteteacute creacuteeacute pour se

consacrer principalement au travail drsquoeacutecoute

des personnes agrave risque de deacutevelopper une

MCJ suite agrave un traitement par hormones de

croissance contamineacutees Puis il srsquoest eacutetendu agrave

lrsquoeacutecoute de toute personne concerneacutee directe-

ment ou non par une MCJ quelle qursquoen soit la

forme

DE LrsquoENTRETIEN PONCTUEL AU SUIVI

La nature teacuteleacutephonique des entretiens psycho-

logiques est le fait drsquoune indeacutepassable reacutealiteacute

la dimension nationale du champ drsquointervention

de la Cellule exclut lrsquoeacuteventualiteacute drsquoentretiens en

face agrave face Mais si en 2011 les suivis psycho-

logiques par teacuteleacutephone se deacuteveloppent agrave

grands pas en 2003 rien nrsquoeacutetait moins eacutevident

que cette forme drsquoaccompagnement lagrave

Agrave cette eacutepoque drsquoailleurs la prise en charge

psychologique au sein de la Cellule se limitait agrave

la proposition drsquoun entretien teacuteleacutephonique pour

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 70

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

faire le point agrave des personnes qui avaient ap-

peleacute pour une toute autre demande principale-

ment drsquoordre meacutedical ou social Agrave lrsquooccasion de

ces demandes certains appelants manifes-

taient des signes de souffrance lieacutee agrave leur si-

tuation peur de la maladie du risque de la deacute-

velopper anxieacuteteacute suite agrave lrsquoannonce de la mala-

die drsquoun proche imminence de son deacutecegraves etc

Les membres de lrsquoeacutequipe les informaient alors

de la possibiliteacute drsquoecirctre contacteacute par la psycho-

logue de la Cellule pour parler des difficulteacutes

qursquoils traversaient en ces moments critiques

Ces entretiens teacuteleacutephoniques ponctuels (de 45

minutes) eacutetaient destineacutes agrave contenir les an-

goisses et la deacutetresse des appelants Puis au

besoin jrsquoorganisais un suivi psychologique de

proximiteacute (psychologues ou psychiatres libeacute-

raux Centres Meacutedico-Psychologiques

(CMP)

Ainsi la proceacutedure entretien ponctuel - reacuteorien-

tation nous semblait reacutepondre au besoin ponc-

tuel drsquoeacutetayage des appelants et correspondre

aux exigences de fonctionnement en plate-

forme nationale de la Cellule Circonscrite pla-

nifieacutee et probablement eacuteconomique sur le plan

psychique cette proceacutedure nous rassurait-elle

aussi Quand bien mecircme elle a plieacute sous le

poids de la reacutealiteacute et a consideacuterablement eacutevo-

lueacute depuis 2003

En effet alors que le nombre annuel de ma-

lades concerneacutes par les MCJ demeure stable

le volume annuel drsquoentretiens psychologiques

lui est passeacute de 40 agrave 260 en huit ans Ainsi

110 personnes ont eacuteteacute suivies ou ont beacuteneacuteficieacute

de seacutequences de soutien de plus de 3 entre-

tiens teacuteleacutephoniques Cela repreacutesente 84 des

personnes ayant eu un premier contact avec le

psychologue Et tandis que la proceacutedure preacute-

voyait un ou deux entretiens la dureacutee des sui-

vis est en moyenne de neuf mois (de trois se-

maines agrave trois ans) drsquoune rythmiciteacute allant drsquoun

entretien hebdomadaire agrave un entretien men-

suel en fonction des besoins Comment expli-

quer cette eacutevolution

Faut-il incriminer les traditionnels obstacles re-

latifs agrave la prise en charge psychologique de

proximiteacute rareteacute des psychologues dans cer-

taines reacutegions surcoucirct financier drsquoune theacuterapie

CMP engorgeacuteshellip Peut-ecirctre mais ils ne suf-

fisent pas agrave expliquer lrsquoaugmentation remar-

quable du nombre drsquoentretiens psychologiques

ni lrsquoallongement de la dureacutee des suivis

Aujourdrsquohui nous pouvons avancer drsquoautres

arguments pour expliquer cette eacutevolution ce

sont les particulariteacutes de la maladie tout autant

que celles lieacutees agrave la teacuteleacutephonie qui ont engen-

dreacute ce dispositif innovant de prise en charge

psychologique

LE CADRE

Un constat les orientations pourtant

travailleacutees (contact teacuteleacutephonique avec le psy-

chologue de proximiteacute informations deacutetailleacutees

sur les speacutecificiteacutes de la maladie et leur impact

sur lrsquoentourage) nrsquoont qursquoexceptionnellement

abouti les patients demandaient agrave reprendre

contact avec la psychologue de la Cellule Par-

tant de ce constat le dispositif drsquoaide psycholo-

gique proposeacute par le psychologue aux per-

sonnes qui appelaient a rapidement eacutevolueacute

Les quelques hypothegraveses concernant la difficul-

teacute du recours agrave la proximiteacute seront abordeacutees

tout au long de cet article

Agrave lrsquoheure actuelle quelle que soit la forme de

MCJ lrsquoappelant contacte la Cellule pour une

demande drsquoaide principalement drsquoordre meacutedi-

cal Les deux meacutedecins nrsquoeacutetant pas preacutesents agrave

la Cellule en permanence crsquoest la secreacutetaire

qui recueille les attentes Elle preacutesente le fonc-

tionnement global de la Cellule et eacutevoque sys-

teacutematiquement la possibiliteacute drsquoecirctre contacteacute par

la psychologue Lorsqursquoelle ressent particuliegrave-

rement intenseacutement la deacutetresse de lrsquoappelant

elle insiste sur lrsquoimportance drsquoun entretien avec

la psychologue qui connaicirct tregraves bien la mala-

die un argument de poids pour les personnes

deacutesempareacutees qui heacutesitent pourtant agrave demander

de lrsquoaide

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 71

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

Rares sont ceux qui demandent spontaneacutement

un entretien psychologique Mais rares sont

ceux qui le refusent lorsqursquoil leur est proposeacute

Cette invitation agrave ecirctre entendu loin de court-

circuiter la deacutelicate question de la demande

theacuterapeutique nous semble plutocirct lui permettre

drsquoadvenir Agrave ce titre nul doute que le deacutevelop-

pement du nombre de suivis psychologiques

reacutealiseacutes agrave la Cellule est en rapport direct avec

les qualiteacutes drsquoaccueil et lrsquoacuiteacute intuitive de sa

secreacutetaire

Ainsi cette derniegravere prend note des disponibili-

teacutes horaires de lrsquoappelant et apregraves avoir re-

cueilli lrsquoaccord preacutealable de ce dernier me les

transmet au plus vite Mon premier appel au

cours duquel nous eacutevoquons la situation de

crise a souvent lieu dans les 48 heures Cette

reacuteactiviteacute de prise de contact est un eacuteleacutement

deacuteterminant dans lrsquoeacutetablissement drsquoun lien de

confiance la premiegravere pierre drsquoun espace con-

tenant

Nous ne reacutealisons pas ou peu drsquoentretiens en

urgence la Cellule ne srsquoapparente pas agrave une

permanence drsquoeacutecoute 24h24 Drsquoailleurs la

simple date de rendez-vous sur mon agenda a

suffit agrave me calmer (hellip) Jrsquoeacutetais compleacutetement

bloqueacutee paniqueacutee et je me suis remise agrave pen-

ser et agrave geacuterer le quotidien que je ne geacuterais

plus

Ce premier entretien a une tonaliteacute toute parti-

culiegravere Agrave lrsquoinverse peut-ecirctre drsquoun premier ren-

dez-vous en face agrave face lrsquoentretien teacuteleacutepho-

nique semble provoquer un relacircchement des

meacutecanismes de deacutefenses et lrsquoeacutemergence des

processus primaires affolement pleurs pen-

seacutees parfois deacutesorganiseacutees coq agrave lrsquoacircne Lrsquoap-

pelant se deacuteverse deacuteballe tout en vrac Un

relacircchement induit drsquoabord par lrsquoabsence

drsquoinformations visuelles cette sorte de veacutecu

drsquoanonymat qui autorise la leveacutee de la cen-

sure Vous ne me voyez pas alors je peux

tout dire sans conseacutequences Pourtant nom

preacutenom situation familiale et localisation geacuteo-

graphique pourraient objectivement freiner le

veacutecu drsquoanonymat Il nrsquoen est rien Ce premier

entretien ndash et les quelques suivants - souli-

gnent ainsi la primauteacute du voir sur le savoir de

lrsquoautre

Un relacircchement doublement favoriseacute par le fait

que lrsquoappelant demeure dans un espace qui lui

est propre familier choisi Je suis dans ma

chambre jrsquoai fermeacute la porte Je me suis ins-

talleacutee dans ma voiture pour notre rendez-vous

ici je suis tranquille et en seacutecuriteacute

Notons que le psychologue nrsquoeacutechappe pas agrave

cet effet de relacircchement calfeutreacute qursquoil est

dans son espace soustrait au poids du regard

de lrsquoautre Un relacircchement du corps qui favo-

rise le flottement neacutecessaire agrave son travail

drsquoeacutecoute des processus inconscients agrave lrsquoœuvre

chez lrsquoappelant

Dans la tregraves grande majoriteacute des cas le pre-

mier appel donne lieu agrave un second rendez-vous

teacuteleacutephonique dont nous convenons ensemble

des termes (date et heure) Le choix de la du-

reacutee des entretiens (toujours de 45 minutes) deacute-

coule certainement de notre pratique de lrsquoentre-

tien en face-agrave-face mais il srsquoest aveacutereacute tout agrave fait

pertinent dans la pratique de lrsquoentretien teacuteleacute-

phonique puisque trois quarts drsquoheure laissent

le temps agrave la personne drsquoeacutelaborer ses ressen-

tis Cette dureacutee nrsquoest pas drsquoembleacutee annonceacutee

mais plutocirct suggeacutereacutee Nous allons en rester lagrave

pour aujourdrsquohui parce qursquoil est lrsquoheurehellip nous

nous retrouvons donc lehellip agravehellip conclut systeacute-

matiquement nos entretiens

Crsquoest freacutequemment au deacutecours du troisiegraveme

entretien que les questions se posent sur la

poursuite et les modaliteacutes de la prise en

charge Vous consultez ougrave Je vous dois

combien Jrsquoai droit agrave combien drsquoentre-

tiens Agrave ces questions la prise en charge

exclusivement teacuteleacutephonique (aucun deacuteplace-

ment) la gratuiteacute (la Cellule prend en charge

tous les entretiens) et la possibiliteacute drsquoecirctre suivi

tant que le besoin srsquoen fait sentir srsquoapparente agrave

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 72

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

un apaisant holding winicottien Dans ma si-

tuation crsquoest incroyable drsquoavoir le droit de se

laisser porterhellip

Les particulariteacutes du dispositif de suivi teacuteleacutepho-

nique semblent ainsi reacutepondre aux exigences

de la reacutealiteacute des appelants La premiegravere drsquoentre

-elles lrsquoabsence de deacuteplacement et la grande

souplesse drsquoorganisation qui en deacutecoule allegravege

consideacuterablement leur quotidien phagocyteacute par

la maladie Une theacuterapie en cabinet aurait eacuteteacute

inconciliable avec notre reacutealiteacutehellip tout autant

qursquoinfiltreacute de sentiments de culpabiliteacute

Comment prendre le temps de me plaindre

alors qursquoelle est en train de mourirhellip Je sais

que crsquoest important de parler mais je nrsquoaurais

pas pris le temps de consulter pour moi tandis

que ce temps est si preacutecieuxhellip je veux le pas-

ser aupregraves drsquoellehellip ccedila me soigne de ne pas

perdre une minute Ainsi pourtant installeacutes

chez eux ils peuvent srsquoabsenter sans culpabili-

teacute excessive Je ne suis pas loin de lui mais je

suis en consultation juste pour moihellip Je suis

seule avec lui

La seconde particulariteacute du suivi psychologique

par teacuteleacutephone compareacute agrave un dispositif theacutera-

peutique classique reacuteside dans le fait que crsquoest

le psychologue qui appelle systeacutematiquement

le patient Au moment ougrave lrsquoeacutetayage social fami-

lial et parfois professionnel se fissure et ougrave la

difficulteacute drsquoappeler agrave lrsquoaide se fait sentir cette

deacutemarche inverseacutee nrsquoest pas deacutenueacutee drsquoeffet

theacuterapeutique Crsquoest toujours nous qui de-

mandons partout de lrsquoaidehellip et lagrave quel repos

que ce soit vous qui veniez jusqursquoagrave moihellip Je

nrsquoaurais pas eu la force de faire une deacutemarche

de plushellip ccedila mrsquoaide agrave continuerhellip

Enfin ajoutons que dans ce temps extra-

ordinaire ougrave tout leur coucircte ougrave crsquoest nous qui

donnons tout de nous tout notre temps toute

notre eacutenergiehellip la gratuiteacute de la prise en

charge est un eacuteleacutement important pour les per-

sonnes qui appellent Cette gratuiteacute de soins

repreacutesentative des modaliteacutes de prises en

charge psychologiques agrave lrsquohocircpital contribue agrave

restaurer leur sentiment drsquoecirctre consideacutereacutees et

reconnues dans leur souffrance On srsquooccupe

aussi de moi

Neacuteanmoins certains appelants qui avaient en-

visageacute de consulter en libeacuteral ainsi precircts agrave de-

mander de lrsquoaide se deacuteplacer et payer leur

seacuteance srsquoeacutetaient vus confronteacutes agrave un autre

obstacle somme-toute infranchissable le ca-

ractegravere indicible du veacutecu des MCJ Comment

parler agrave quelqursquoun qui nrsquoa jamais vu cette mala-

die monstrueuse (hellip) Il faut la voir pour sa-

voirhellip Ici (agrave la Cellule) je suis en seacutecuriteacute vous

savez de quoi je parle sans que jrsquoen parle vrai-

ment (hellip) vous avez les mecircmes images que

moi dans la tecircte Pour ces appelants qui cher-

chent une communauteacute drsquoexpeacuterience le psy-

chologue se doit drsquoecirctre un sujet dont le savoir

nrsquoest pas que supposeacute

SUIVI POUR QUI SUIVI POUR QUOI

Nous distinguons trois cateacutegories drsquoappelants

les personnes malades crsquoest agrave dire symptoma-

tiques leur entourage (conjoints enfants pa-

rents fregraveres et sœurs) et les personnes agrave

risque de deacutevelopper la maladie (drsquoorigine geacute-

neacutetique ou iatrogegravene) Les appels des profes-

sionnels (assez rares) ne seront pas traiteacutes

dans cet article

En huit ans seulement trois personnes ma-

lades ont eacuteteacute en contact avec le psychologue

par teacuteleacutephone et nrsquoont beacuteneacuteficieacute que de deux

entretiens en moyenne En effet dans la majo-

riteacute des cas la maladie est suspecteacutee tardive-

ment apregraves une longue peacuteriode drsquoerrance meacute-

dicale Si bien que le patient deacutejagrave tregraves sympto-

matique est rarement en capaciteacute de parler

suffisamment distinctement (dysarthrie) pour

beacuteneacuteficier drsquoun entretien teacuteleacutephonique Drsquoautant

que les troubles neuropsychologiques et psy-

chiatriques associeacutes agrave une freacutequente anoso-

gnosie et une eacutevolution preacutecipiteacutee de la mala-

die rendent complexes la mise en place drsquoun

suivi

Monsieur K prend contact avec la Cellule ef-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 73

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

frayeacute par la deacutegradation de son eacutetat il tremble

tombe et perd la meacutemoire Il craint drsquoecirctre atteint

de la maladie de Creutzfeldt-Jakob dont il se

sait agrave risque suite agrave un traitement par hor-

mones de croissance contamineacutees Je nrsquoose

pas en parler on va me regarder bizarrement

et srsquoinquieacuteter peut-ecirctre pour rien Mais lrsquoentre-

tien est difficile agrave mener au regard des troubles

cognitifs et dysarthriques de Monsieur K Nous

convenons neacuteanmoins drsquoun rendez-vous teacuteleacute-

phonique la semaine suivante Le jour-dit je

lrsquoappelle agrave son domicile Il ne se souvient ni de

moi ni de la raison de mon appel Il comprend

agrave peine les mots que je prononce Il raccroche

Crsquoest donc principalement agrave lrsquoentourage du ma-

lade que srsquoadresse le soutien psychologique

par teacuteleacutephone un entourage deacutemuni devant

cette maladie que personne ne connaicirct qui

effraie tout le monde et qui laisse chacun en

proie agrave un profond sentiment drsquoisolement Freacute-

quemment rencontreacute au deacutecours drsquoautres pa-

thologies neurodeacutegeacuteneacuteratives le sentiment

drsquoisolement semble pourtant exacerbeacute par les

speacutecificiteacutes de cette maladie meacuteconnue que

les meacutedias ont tocirct fait drsquoassimiler agrave une forme

de peste contagieuse foudroyante

monstrueuse Des qualificatifs qui srsquoillustrent

parfois crucircment dans la reacutealiteacute par un compor-

tement exageacutereacutement eacutevitant du corps meacutedical

Ils portent des masques des gants et entrent

prudemment dans la chambre Que dire en-

core de lrsquoamalgame de toutes les formes de

MCJ avec la plus meacutediatiseacutee drsquoentre-elles -la

vache folle - si ce nrsquoest qursquoil en ajoute au senti-

ment drsquoeacutetrangeteacute qursquoelles provoquent deacutejagrave

Ce nrsquoest pas un animal crsquoest un ecirctre hu-

main Mais ce nrsquoest pas tant la maladie qui

est contagieuse que lrsquoidentification menaccedilante

qursquoelle propose lrsquoidentification agrave lrsquoEcirctre animal

archaiumlque et agrave lrsquoEcirctre deacutement qui nrsquoest plus lui-

mecircme agrave la fois posseacutedeacute et deacuteposseacutedeacute de

son humaniteacute Les MCJ quelle qursquoen soit la

forme figureraient-elles la barbarie au sens

eacutetranger et sauvage du terme

Les familles sont comme prises au piegravege de

ces repreacutesentations collectives dont la vio-

lence inouiumle (jamais entendue) semblent les

expulser aux confins de la communauteacute hu-

maine Quand on a dit ce qursquoil avait tout le

monde a disparuhellip On a eu beau expliquer

qursquoil nrsquoy avait pas de risque de transmission

les gens sont terrifieacutes et prennent leur distance

Il nrsquoy a plus personne agrave qui parler Mais cette

expulsion nrsquoest pas toujours le fait du monde

exteacuterieur Lrsquoentourage peut se retirer spontaneacute-

ment du monde pour se soustraire au regard

que ce dernier pourrait porter sur lui Je ne

voulais pas qursquoon nous regarde comme des

becircteshellip alors jrsquoai disparu de la circulation

Dans ce contexte de mise en quarantaine dic-

teacutee ou spontaneacutee la seule ideacutee de lrsquoexistence

de la Cellule fait fonction de terre drsquoasile de

support identificatoire Un support identifica-

toire renarcissisant Ici je peux reprendre

forme humainehellip il y a quelqursquoun au bout du fil

Quelqursquounhellip et je me sens quelqursquoun en mi-

roir Parce qursquoavec tout ce qui nous arrive je

me sens tantocirct comme un chien galeux tantocirct

trimbaleacute comme un objethellip et de par son nu-

meacutero drsquoappel unique doubleacute drsquoune prise en

charge globale un support identificatoire struc-

turant Jrsquoai lrsquoimpression qursquoelle part en mor-

ceauxhellip petit bout par petit bouthellip lrsquoeacutequilibre la

tecircte la marche la vision la parolehellip sa vie

part en lambeauxhellip et moi je nrsquoarrive plus agrave

me rassemblerhellip Mais il y a tout le monde

(meacutedecins assistante sociale psychologue)

ici agrave la Cellulehellip ccedila me rassure de savoir que

vous parlez tous la mecircme langue que vous

faites corps

Outre lrsquoentourage des malades des personnes

dites agrave risque font appel agrave la Cellule des per-

sonnes agrave risque de MCJ suite agrave un traitement

par hormones de croissance contamineacutees et

des personnes agrave risque de MCJ drsquoorigine geacute-

neacutetique Dans les deux cas le veacutecu subjectif de

risque prend en otage les perspectives drsquoave-

nir Parce qursquoil annonce en mecircme temps le pire

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 74

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

et la possibiliteacute drsquoy eacutechapper parce qursquoil

nrsquoindique ni la victime ni lrsquoheure de la catas-

trophe le risque peut donner agrave cette derniegravere

un caractegravere omnipreacutesent Quand je vais

bien je me prends agrave espeacuterer que je ne serai

jamais malade que tout ccedila nrsquoeacutetait qursquoun cau-

chemar Mais quand je me sens mal le risque

drsquoecirctre malade se transforme en fataliteacute Je me

sens condamneacutee (hellip) Finalement que ce soit

par lrsquoespoir ou la fataliteacute crsquoest un peu lagrave tout le

temps un peu partout en moi

Et si des moments drsquoaccalmie subsistent crsquoest

souvent un eacuteleacutement de la reacutealiteacute preacutesent ou agrave

venir qui vient attiser les angoisses drsquoecirctre ma-

lade

Concernant le drame des hormones de crois-

sance contamineacutees ce sont principalement les

diffeacuterentes eacutetapes du procegraves (ouverture en

2008 4 mois drsquoaudience rendu de justice en

2009 et mise en appel en 2010) qui ont deacuteclen-

cheacute une recrudescence des appels des per-

sonnes agrave risque Crsquoest cette histoire de pro-

cegraves (hellip) je lis tous les articles dans la presse

(hellip) Depuis je vais reacuteguliegraverement sur le site de

lrsquoInvs pour veacuterifier le nombre de deacutecegraves leurs

acircgeshellip Je me dis que moi crsquoest bon je suis

plus vieille ou jrsquoai reccedilu les hormones plus tard

(hellip) Je comprends ce procegraves mais je le mau-

dis Je me sentais bien ces derniers temps

Jrsquoavais construit mon petit igloo avec mon mari

dedans Et lagrave je souhaite hurler qursquoon mrsquoa cas-

seacute mon igloo Durant tout le deacuteroulement du

procegraves certains de ces jeunes agrave risque ont

eacuteteacute deacutebordeacutes par un puissant sentiment

drsquoambivalence entre le deacutesir et la peur qursquoon

leur reconnaisse le preacutejudice subi crsquoest agrave dire

le coucirct psychique de se savoir contamineacute Re-

connaissance qui aurait signeacute la reacutealiteacute du

risque qursquoils encouraient Si le procegraves vient agrave

statuer que je suis victime je ne pourrai plus

me dire que crsquoest juste un cauchemar et que je

vais me reacuteveiller (hellip) et puis jrsquoai peur que ccedila se

traduise par le deacuteclenchement de la maladie

Paradoxe de cette victimation crsquoest la meacutede-

cine qui a rendu malade Dire que crsquoeacutetait

pour me soignerhellip quelle ironiehellip Je nrsquoai pas

de symptocircme je sais mais je suis deacutejagrave morte

De peur Et en ces temps juridiques agiteacutes la

Cellule et ses meacutedecins tout particuliegraverement

se sont vus parfois pris dans les mecircmes filets

ambivalents On a fait confiance aveugleacutement

agrave la meacutedecine Comment pouvions-nous imagi-

ner que le mal viendrait de lagrave ougrave on lrsquoattendait

le moins A qui faire confiance maintenant

Notamment encourageacutes par les associations

avec lesquelles la Cellule entretient des liens

eacutetroits certains parents de jeunes agrave risque

ont fait appel agrave nous Notre vie est faite de

hauts et de bas Lorsqursquoon apprend qursquoun

jeune est mort toute lrsquohistoire remonte et puis

le temps passe et on fait comme si ccedila nrsquoexistait

plus Mais ces oscillations crsquoest de la tor-

ture Comment ne pas eacutevoquer aussi le veacutecu

dramatique de ces autres parents qui ont perdu

leur enfant parfois il y a longtemps Des pa-

rents encore submergeacutes par la peine et rongeacutes

par un fort sentiment de culpabiliteacute drsquoavoir

donneacute le feu vert aux meacutedecins pour gagner

quelques centimegravetreshellip drsquoavoir moi-mecircme

fait les injections drsquohormones Un sentiment de

culpabiliteacute exacerbeacute par la relaxe geacuteneacuterale des

preacutevenus apregraves 20 ans de proceacutedure Il y a

des victimes il faut des coupables (hellip) Crsquoest

comme si la Justice nous avait deacutesigneacutes cou-

pables agrave leur place

Dans ce contexte ougrave preacutedominent les senti-

ments de culpabiliteacute et parfois de honte le teacuteleacute-

phone est un outil de grand secours puisqursquoil

permet aux personnes de se soustraire au re-

gard de lrsquoAutre Cet Autre objet drsquoimplacables

projections accusatrices Je nrsquoaurais pas pu

consulter un psychologue en face-agrave face Jrsquoau-

rais eu trop peur de lire sur son visage le deacute-

goucirct le rejet le jugementhellip lagrave je peux dire ce

que je veux je ne vois pas votre reacuteactionhellip

crsquoest moins dur Mais pourquoi le psychologue

de la Cellule se precircte-il si rarement aux projec-

tions de nature perseacutecutrice Reacutepond-il agrave la

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 75

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

neacutecessiteacute de sauvegarder un bon objet Un

bon objet inteacuteriorisable susceptible de restaurer

a minima le narcissisme parental

Concernant les formes heacutereacuteditaires de MCJ

dans la majoriteacute des cas lorsque le diagnostic

tombe le malade est deacutejagrave au stade terminal de

la maladie Les membres agrave risque de la fa-

mille se retrouvent donc confronteacutes agrave deux

drames simultaneacutes la perte imminente de leur

proche et lrsquohorreur de leur possible devenir

Voilagrave en une fraction de seconde le monde

bascule Je regardais ma megravere mourir jrsquoima-

ginais que jrsquoallais finir comme elle et je pensais

agrave mes enfants qui auraient peut-ecirctre le mecircme

destin Puis viennent les angoisses pour les

fregraveres et sœurs leurs enfants crsquoest lrsquoheacuteca-

tombehellip

Comment en parler aux enfants Peut-on

continuer agrave vivre normalement en sachant que

tout peut basculer en quelques mois Je

nrsquoarrecircte pas de pleurer est-ce le deacutebut de la

maladie Faut-il faire le test geacuteneacutetique

Autant de questions difficiles agrave adresser agrave lrsquoen-

tourage Jrsquoai appeleacute la Cellule parce que je ne

veux pas affoler mon mari mes enfantshellip (hellip)

et je ne suis pas encore precircte agrave me retrouver

en consultation de geacuteneacutetique (hellip) ce serait trop

reacuteel (hellip) pour lrsquoinstant quand je raccroche je

peux faire comme si ccedila nrsquoexistait pas

NATURE DE LrsquoESPACE TEacuteLEacutePHONIQUE

Mais de quelle nature est cet espace teacuteleacutepho-

nique pour autoriser le patient agrave maintenir en

dehors de sa reacutealiteacute le contenu qursquoil y deacutepose

Lrsquoabsence de corps en preacutesence et lrsquoimmateacuteria-

liteacute de la voix comme unique canal de commu-

nication seraient-elles la clef du choix des pa-

tients drsquoun suivi teacuteleacutephonique plutocirct qursquoen cabi-

net Le teacuteleacutephone permettrait-il au patient de

srsquoaffranchir ponctuellement drsquoun trop de reacuteel et

de se proteacuteger de lrsquoeffraction qursquoopegravere la crudi-

teacute de ses preacuteoccupations mateacuterielles orga-

niques mais aussi existentielles Serait-elle la

figuration de ce temps intra-uteacuterin ougrave tout de la

reacutealiteacute sauf la megravere eacutetait en dehors ce temps

ougrave le lien intime avec elle nrsquoeacutetait que sons Je

vous parle et vous me parlez aussi dans le

creux de lrsquooreillehellip Vous ecirctes un peu mon es-

pace proteacutegeacute mon espace secret Ce temps

reacutevolu ougrave le lieu de rencontre (le ventre mater-

nel) entre la megravere et lrsquoenfant eacutetait lrsquoobjet de tous

les fantasmes Que dire drsquoautre en effet du lieu

de rencontre entre le psychologue et le pa-

tient qursquoil nrsquoest que scegravene psychique pur es-

pace temporel un ensemble chacun chez soi

Un espace qui srsquooffrirait donc plus encore et

plus subitement agrave la reacutegression du patient que

le divan de lrsquoanalyste ou lrsquoentretien agrave domicile

Parce qursquoelle les prive drsquoinformations agrave carac-

tegravere visuel (regards mimiques postures ges-

tuelles) et puisque rien ne fait obstacle ni chez

le patient ni chez le psychologue aux diffeacute-

rentes repreacutesentations fantasmatiques que

chacun a de lrsquoautre la teacuteleacutephonie se precircte agrave

une activiteacute imaginaire deacutebrideacutee Seules des

informations agrave caractegravere sonore telles que le

timbre de la voix les rythmes tons silences

intonations et bruits ambiants (il allume une ci-

garette elle ferme une porte la voix reacutesonne

comme dans un espace vide) donnent force et

forme agrave lrsquoespace theacuterapeutique Elles seules et

dans une immeacutediateteacute remarquable suffisent agrave

faire surgir le visage le corps et le lieu de

lrsquoautre Des lapsus agrave caractegravere visuels srsquoim-

miscent drsquoailleurs dans le discours des pa-

tients et du psychologue Je vois drsquoici la tecircte

que vous faites Nos rencontres teacuteleacutepho-

niques On se voit la semaine prochaine Des

deacutetails comme la silhouette la couleur des

yeux des cheveux des vecirctements un canapeacute

des photos au mur des sourcils fronceacutes ou une

moue deacutefaite sont-ils lrsquoexpression paroxystique

de lrsquoactiviteacute fantasmatique agrave lrsquoœuvre dans la

relation transfeacutero-contre-transfeacuterentielle entre

le patient et son theacuterapeute

Pourquoi lrsquoimage de cette patiente-lagrave tarde agrave se

construire en moi apparaicirct puis disparaicirct sans

que je puisse la saisir Parce qursquoelle joue agrave

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 76

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

cache-cache avec son pegravere malade qui ne

doit pas la voir dans cet eacutetat de terreur Pour-

quoi ai-je oublieacute drsquoappeler ce patient aujour-

drsquohui alors que son nom est surligneacute dans mon

agenda Parce qursquoil me reacutepegravete chaque fois

que tout le monde lrsquooublie Pourquoi cet

autre patient a-t-il exceptionnellement deman-

deacute agrave deacuteplacer son rendez-vous Parce qursquoil

eacutetait justement question lors de notre dernier

entretien de deacuteplacer son agressiviteacute pour

eacutepargner sa femme malade

Pourquoi cette megravere au beau milieu de son

suivi donne-t-elle mon numeacutero au fils qui ne

lrsquoeacutecoute plus Pourquoi ce fils accepte-t-il

drsquoappeler le psychologue de sa megravere Pour-

quoi le psychologue accepte-t-il de suivre seacute-

pareacutement deux membres de la mecircme famille

tandis qursquoil heacutesiterait agrave le faire en cabinet

Parce que les espaces ndash uniquement fantas-

meacutes- sont bien distincts en lui et que leur rela-

tion reacuteclame drsquoecirctre tierciseacutee

Pourquoi cette demande impeacuterieuse de me voir

en consultation Parce que cette patiente non

reconnue par la justice dans son statut de

victime des hormones de croissance contami-

neacutees a besoin drsquoecirctre reconnue au sens pre-

mier du terme par le psychologue

Pourquoi cette crainte en moi agrave lrsquoideacutee de voir

ces patients-lagrave comme on pourrait avoir agrave

craindre de transgresser la regravegle fondamentale

drsquoabstinence Dans ce contexte de suivi teacuteleacute-

phonique -qui induit lrsquoeacuterotisation du lien agrave la

voix et un sentiment paradoxal de grande

proximiteacute voir serait-il devenu un eacutequivalent de

toucher et lrsquoacting out agrave eacuteviter

Ces quelques exemples de questionnements

du psychologue autour des manifestations

transfeacutero-contre-transfeacuterentielles agrave lrsquoœuvre

dans le suivi teacuteleacutephonique nous semblent rele-

ver drsquoun processus de type theacuterapie drsquoinspira-

tion analytique Un processus qui se partage

souvent en deux temps un temps de plainte et

un temps drsquoeacutelaboration psychique complexe au

cours duquel le patient rapporte spontaneacutement

ses recircves Des recircves dont le mateacuteriel fait lrsquoobjet

drsquointerpreacutetations par le psychologue

SUIVI TEacuteLEacutePHONIQUE AVEC OU SANS FIN

Il arrive qursquoapregraves le deacutecegraves de son proche le

patient srsquointerroge sur la leacutegitimiteacute de la pour-

suite du suivi comme si la survie du malade

avait jusqursquoici conditionneacute son droit agrave en beacuteneacutefi-

cier Il nrsquoen est rien alors tout ne srsquoarrecircte pas

pour moi non plus Cet espace temporel

sans corps en preacutesence qui a proteacutegeacute le pa-

tient des angoisses inheacuterentes agrave la reacutealiteacute

drsquoune seacuteparation annonceacutee permet et catalyse

mecircme parfois le travail de deuil Vous ecirctes un

peu comme mon fregravere [mort depuis 3 mois] je

ne le vois pas mais il est lagravehellip je ne le vois pas

mais je lrsquoentends parfoishellip comme avec vous

jrsquoapprends agrave dialoguer agrave lrsquointeacuterieur de moi avec

lui

La sortie du dispositif de soutien teacuteleacutephonique

est longuement travailleacute eacutevocation de lrsquoapregraves

eacutelaboration de la seacuteparation espacement pro-

gressif des entretiens Un cheminement au

cours duquel surgissent plus explicitement les

traces du caractegravere transitionnel de lrsquoespace

teacuteleacutephonique Un espace qui sans ecirctre une

permanence drsquoeacutecoute a eacutetayeacute le sentiment de

permanence drsquoobjet Je ne vous ai jamais

vuehellip alors je nrsquoai pas peur de ne plus vous

voir Vous ecirctes un peu comme toujours lagrave

CONCLUSION

La Cellule Nationale de Reacutefeacuterence des Mala-

dies de Creutzfeldt-Jakob a pour mission lrsquoaide

au diagnostic et agrave la prise en charge meacutedicale

sociale et psychologique des patients et de leur

famille Lrsquoaide proposeacutee srsquoeffectue essentielle-

ment par teacuteleacutephone

La faisabiliteacute et la leacutegitimiteacute drsquoun soutien psy-

chologique exclusivement teacuteleacutephonique a eacuteteacute

lrsquoobjet de nombreuses interrogations pour le

psychologue quelle est la nature de cet es-

pace particulier drsquoaccompagnement Quels en

sont les beacuteneacutefices Peut-on soutenir un veacuteri-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 77

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

table travail psychique dans le cadre de ce dis-

positif Est-il leacutegitime de parler de travail psy-

chotheacuterapeutique

Les 110 suivis psychologiques effectueacutes agrave la

Cellule depuis 2003 nous permettent aujour-

drsquohui drsquoaffirmer que notre travail de psycho-

logue ne se limite pas agrave une pure fonction de

soutien En effet bien que tregraves eacuteloigneacute de la

situation analytique le processus agrave lrsquoœuvre

dans le dispositif teacuteleacutephonique semble srsquoappa-

renter agrave celui drsquoun dispositif de type psychotheacute-

rapeutique drsquoinspiration analytique le cadre

est poseacute et penseacute par le psychologue

(entretiens de 45 minutes notion de rendez-

vous teacuteleacutephoniques rythmiciteacute souvent hebdo-

madaire suivi au long cours) lrsquoassociation

libre est encourageacutee lrsquointerpreacutetation des dires

lrsquoanalyse des recircves lrsquoanalyse du transfert et du

contre-transfert par le psychologue est freacute-

quente et le patient effectue un veacuteritable travail

drsquoeacutelaboration psychique au deacutecours du suivi

Lrsquoexpeacuterience nous deacutemontre que les particulari-

teacutes de lrsquoaccompagnement teacuteleacutephonique

(notamment privation drsquoinformations visuelles)

ne freinent pas le processus theacuterapeutique

Elles pourraient mecircme le favoriser

(relacircchement du systegraveme deacutefensif)

Ainsi ce dispositif innovant de prise en charge

psychologique agrave lrsquohocircpital est au service drsquoune

difficulteacute des personnes qui y ont recours la

crainte et ou lrsquoimpossibiliteacute drsquoaller consulter un

psychologue en face-agrave face

Retrouvez

toute lrsquoactualiteacute de Psyclihos

les enregistrements des con-

feacuterences ainsi que le journal

des 20 ans

sur notre site internet

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PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 78

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

Parents face agrave linterruption meacutedicale de grossesse des mots

en images

Natascia Serbandini

Service de gyneacutecologie-obsteacutetrique Hocircpital Jean Verdier

A pregraves avoir eacutevoqueacute briegravevement les speacute-

cificiteacutes du deuil peacuterinatal je vais vous

preacutesenter une pratique nouvelle au sein

de lrsquoAPHP un groupe de parole hospitalier

destineacute aux femmes ayant fait une interruption

meacutedicale de grossesse Ce groupe est neacute en

2008 un an apregraves sa creacuteation nous avons choi-

si drsquointroduire une cameacutera lors des seacuteances

Enfin je deacutecrirai lrsquoimpact de la cameacutera sur le

groupe et le projet de film que nous sommes

en train de reacutealiser

LES SPEacuteCIFICITEacuteS DU DEUIL PEacuteRINATAL

La deacutecouverte dune pathologie fœtale incu-

rable pendant la grossesse est un eacuteveacutenement

hautement traumatique pour les parents du fu-

tur beacutebeacute Lhocircpital Jean Verdier unique Centre

Pluridisciplinaire de Diagnostic Preacutenatal du 93

accueille et accompagne les parents degraves lrsquoan-

nonce du diagnostic jusqursquoagrave lrsquointerruption meacutedi-

cale de grossesse quand les parents la deman-

dent

Le deuil peacuterinatal preacutesente des speacutecificiteacutes qui

le distinguent du deuil classique il est toujours

accompagneacute drsquoun fort sentiment de culpabili-

teacute amplifieacute dans le cadre des Interruptions Meacute-

dicales de Grossesse par la prise de deacutecision

(Tous les textes en italique sont issus de teacutemoi-

gnages de femmes lors du groupe de parole)

Pendant le travail je le sentais encore mon

beacutebeacute est neacute vivant jrsquoavais vraiment cette sen-

sation qursquoil voulait se battre Jrsquoai enleveacute tout cet

espoir de vie et je me demande de quel droit

Crsquoest cette impression drsquoavoir le choix sur sa

vie ou sa mort crsquoest tellement lourd agrave porter

Une autre speacutecificiteacute est lrsquoabsence drsquoun veacutecu

partageacute avec cet enfant en dehors de la gros-

sesse Geneviegraveve Delaisi de Parseval

(psychanalyste) Comment faire le deuil de ce

qui nrsquoa pas eu lieu drsquoon ne sait quoi et de

presque rien Lrsquoobjet perdu reste agrave perdre

comment accepter la seacuteparation drsquoavec un ecirctre

que lrsquoon nrsquoa pas connu

Le deuil est un processus intrapsychique con-

seacutecutif agrave la perte drsquoun objet drsquoattachement par

lequel le sujet reacuteussit progressivement agrave se deacute-

tacher de celui ci Jean Philippe Legros

(psychologue psychanalyste au centre de meacute-

decine foetale Cochin-St Vincent de Paul) dans

lrsquoarticle L lsquoarrecirct de vie in utero ou lrsquoerrance des

fœtus un possible deuil preacutecise que dans le

deuil peacuterinatal il srsquoagit drsquoun deacutetachement sans

renoncement

Ensuite il srsquoagit drsquoun deuil feacuteminin un deuil

veacutecu tregraves diffeacuteremment dans le couple

Mon mari lui a pris sa deacutecisionhellipje ne dis pas

que ccedila a eacuteteacute facile ccedila a ducirc ecirctre dur pour lui

aussi moi je la portais je la sentais bouger

Cette mort est intoleacuterable pour la megravere en lien

avec le sentiment drsquoomnipotence propre agrave la

grossesse intoleacuterable pour la megravere qui con-

naissait ce beacutebeacute et qui a ressenti ses mouve-

ments

Ce sentiment de toute puissance est amplifieacute

par le fait que la demande drsquoInterruption Meacutedi-

cale de Grossesse revient agrave la femme seule

signataire selon la loi

Je sais qursquoil souffre qursquoil est malheureux il a

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 79

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

la mecircme peine et la mecircme tristesse que moi

mais il ne llsquoexprime pas pareil il y a une culpa-

biliteacute plus importante chez la megravere

La perte du beacutebeacute est parfois difficilement re-

connue par les pegraveres qui nrsquoosent pas manifes-

ter leur souffrance et qui se projettent plus rapi-

dement dans lrsquoavenir

Leur deacutetresse reacutesulte en grande partie de la

mise agrave mal de la fonction contenante protec-

trice de la femme enceinte qursquoils assuraient

avant lrsquointerruption

Ce deuil est deacutepourvu drsquoune dimension so-

ciale Franccediloise Moleacutenat (peacutedopsychiatre) dit

Iil existe une cicatrice dans le corps de la

megravere mais pas de cicatrice sociale

Beaucoup de personnes mrsquoont dit crsquoest

dingue que lrsquoadministration franccedilaise se mecircle

de ccedila (en parlant de la reconnaissance agrave la

Mairie) alors qursquoil nrsquoy a mecircme pas de beacutebeacute il

eacutetait pas neacute

Les rituels autour du deuil ont une fonction psy-

chique ils offrent au mort un deacutedommagement

symbolique Ils assurent une reconnaissance

de la peine des proches par le groupe

Crsquoest seulement depuis quelques anneacutees que

les rites et rituels sociaux autour des beacutebeacutes

morts in utero ont pris leur place agrave travers la

reconnaissance agrave lrsquoEtat Civil et lrsquoeacutevolution des

pratiques drsquoaccompagnement dans les materni-

teacutes (preacutesentation du corps du beacutebeacute organisa-

tion drsquoobsegraveques)

Ce travail est reacutealiseacute dans le but de creacuteer et

drsquoancrer des souvenirs de cet enfant afin de

faire des parents des parents

Jrsquoavais toujours une photo de mon fils dans

mon portefeuille jrsquoen avais besoin Crsquoest peut

ecirctre parce que je ne voulais pas qursquoon me dise

que crsquoeacutetait rien

LE GROUPE DE PAROLE Agrave JEAN VERDIER

Lors des entretiens avec le gyneacutecologue ou

dans le cadre drsquoun suivi psychologique quelque

temps apregraves les Interruptions Meacutedicales les

femmes eacutevoquaient de maniegravere reacutecurrente leur

solitude lrsquoimpossibiliteacute de partager leur souf-

france et le temps passant de ne plus pouvoir

parler de leur beacutebeacute dans le cercle familial et

amical Cet oubli de lrsquoentourage et la reprise

drsquoune vie normale est source de culpabiliteacute

elles avaient le sentiment drsquoabandonner agrave nou-

veau leur beacutebeacute

Jrsquoai lrsquoimpression que personne ne me com-

prend jrsquoai lrsquoimpression drsquoecirctre seule au monde

de me noyer je survis Les gens ne peuvent

pas comprendre notre situation je nrsquoarrive pas

agrave leur dire ma souffrance immense

De cela est neacutee lrsquoideacutee de proposer un espace

drsquoeacutechanges entre femmes sous forme de

groupe de paroles Ce projet a eacuteteacute creacuteeacute agrave lini-

tiative commune du gyneacutecologue responsable

du Centre de Diagnostic Anteacutenatal et de moi-

mecircme

Il srsquoagit drsquoun groupe ouvert agrave toutes les femmes

ayant veacutecu une Interruption Meacutedicale de Gros-

sesse agrave Jean Verdier

Le groupe se reacuteunit une fois par mois pendant

une heure et demie et est co-animeacute par un bi-

nocircme psychologuepsychiatre et meacutedecinsage

femme

Le groupe constitue un cadre de confiance

une enveloppe psychique comme le dit An-

zieu propice agrave la mise en commun des charges

affectives et agrave lrsquoaccompagnement du deuil

De plus comme le rappelle Jean Philippe Le-

gros apregraves la perte drsquoun enfant par IMG la

crainte de la megravere contrairement aux parents

drsquoenfants porteurs drsquohandicap est lrsquoabsence du

regard des autres dans le reacuteel Cet ecirctre invi-

sible pour les yeux cet enfant que personne

drsquoautre nrsquoa connu risque de disparaicirctre Drsquoougrave

lrsquoimportance de creacuteer un espace physique (par

rapport aux espaces virtuels les forums sur

Internet tregraves freacutequenteacutees par les megraveres en-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 80

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

deuilleacutees) et psychique au sein de lrsquohocircpital afin

de reconnaicirctre lrsquoexistence de ces beacutebeacutes et per-

mettre agrave ces femmes drsquoecirctre megraveres

Les autres nous parlent comme si on avait

perdu quelque chose crsquoest quand mecircme un

ecirctre vivant crsquoeacutetait quand mecircme notre enfant

Lrsquoobjectif principal du groupe est de permettre

le partage drsquoexpeacuterience de ce deuil si particu-

lier drsquoecirctre rassureacutee par le parcours des autres

dans un cadre de reacutefeacuterence suffisamment

bon pour le dire avec les mots de Winnicott

Crsquoest vrai que discuter avec drsquoautres per-

sonnes qui lrsquoont veacutecu il y a longtemps et qui ont

su deacutepasser certaines eacutetapes ccedila aide ccedila

donne des cleacutes pour passer agrave lrsquoeacutetape suivante

LrsquoIDEacuteE DU FILM DES MOTS EN IMAGES

Le groupe a eacuteteacute tregraves freacutequenteacute degraves le deacutebut

Apregraves un an de fonctionnement le gyneacutecologue

a proposeacute drsquointroduire une camera afin de fil-

mer les seacuteances pour teacutemoigner de cette expeacute-

rience positive et faire connaicirctre cette pratique

Cette proposition a eacuteteacute discuteacutee par les

femmes au sein du groupe elles ont adopteacute

cette ideacutee et ont eacutelaboreacute avec nous les objectifs

du film

Teacutemoigner autour du deuil peacuterinatal en deacutecri-

vant les diffeacuterentes eacutetapes et souligner les beacute-

neacutefices drsquoun groupe de parole

A partir de leur veacutecu permettre une reacuteflexion

visant agrave ameacuteliorer les pratiques soignantes

dans les accompagnements du deuil peacuterinatal

agrave lrsquohocircpital

Nous avons filmeacute six seacuteances dune heure

trente avec deux techniques une cameacutera fixe

et une cameacutera mobile Ensuite nous avons eacuteta-

bli ensemble un plan pour le film reacutecit en ordre

chronologique du deacuteroulement de lrsquoIMG Les

diffeacuterents chapitres

Lrsquoannonce et la deacutecision lrsquohospitalisation le

retour agrave la maison lrsquoenterrement lrsquoentourage

lrsquoautopsie la grossesse drsquoapregraves le groupe

La preacutesence de la cameacutera a eu un impact sur

le deacuteroulement des seacuteances les theacutematiques

ont eacuteteacute eacutetablies agrave lrsquoavance ce qui a permis de

structurer davantage les seacuteances tout en gar-

dant la liberteacute drsquoaborder les questions eacutevo-

queacutees spontaneacutement par les femmes

Comme le dit Winnicott lrsquoenfant existe dans les

yeux de sa megravere le visage de lrsquoenfant que lrsquoon

nrsquoa pas vu ne permet pas agrave la megravere de se re-

connaicirctre comme megravere

Le film vient srsquoinscrire dans cette neacutecessiteacute de

reconnaissance de laisser une trace de cette

preacutesence de ce beacutebeacute qui nrsquoa plus de corps

physique mais qui existe dans lrsquohistoire fami-

liale

La preacutesence de la cameacutera a donc eu des effets

beacuteneacutefiques pour les femmes mais aussi pour

les soignants la richesse du mateacuteriel clinique

recueilli nous a permis drsquoobserver lrsquoeacutevolution

des femmes dans le processus de deuil et

drsquoanalyser leur posture au sein du groupe ainsi

que celle des animateurs

Si le groupe a fonction de portage pour cer-

taines pour drsquoautres crsquoest le lieu ougrave elles peu-

vent donner un sens agrave ce qursquoelles ont veacutecu en

partageant leur expeacuterience avec drsquoautres

Nous avons constateacute en visionnant les

seacuteances que plusieurs femmes qui semblent

ecirctre dans un deuil normal continuent agrave freacute-

quenter le groupe alors que leur interruption

remonte agrave il y a trois ou quatre ans

Le besoin de continuer agrave eacutevoquer leur beacutebeacute

nrsquoest pas un signe de deuil pathologique mais

une neacutecessiteacute de la ceacuteleacutebration de la meacutemoire

de ces beacutebeacutes disparus Ces femmes veulent

garder comme le dit Jean Philippe Legros une

dose homeacuteopathique du trauma qui gueacuterit de

lui en ne se seacuteparant jamais

Quand jrsquoai dit agrave ma responsable que je mrsquoab-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 81

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

sentais pour venir au groupe de parole elle

mrsquoa dit Ben tu en as deacutejagrave un (enfant) qui est lagrave

pourquoi tu continues agrave aller agrave ce groupe Je

lui ai dit Crsquoest pas parce que jrsquoai reacuteussi agrave

avoir un petit garccedilon que je vais compleacutetement

oublier ce qui concerne mon premier enfant

justement lui il nrsquoest pas lagrave crsquoest pour ccedila que

je continue agrave aller au groupe pour parler de lui

pour le faire exister

Aujourdrsquohui le projet du film est en cours nous

avons imagineacute deux versions

- une version courte de 20 minutes un teacutemoi-

gnage du groupe sur le deuil peacuterinatal agrave diffu-

ser agrave lrsquoexteacuterieur

- une version longue de 52 minutes destineacutee

aux femmes et en interne agrave lrsquohocircpital Jean Ver-

dier

Le premier montage a eacuteteacute visionneacute par les

femmes qui ont participeacute aux choix des extraits

Nous espeacuterons pouvoir le diffuser dans un ave-

nir proche agrave un large nombre de professionnels

de santeacute

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les enregistrements des con-

feacuterences ainsi que le journal

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Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

Psychologue clinicien aupregraves du personnel missions

enjeux limites

Isabelle Fretigny Hocircpital Saint Louis

Elodie Travers Hocircpital Henri Mondor

P our cette preacutesentation des missions du

psychologue clinicien aupregraves du per-

sonnel agrave

lrsquoAP-HP nous avons choisi de commencer par

reprendre quelques eacuteleacutements agrave lrsquoorigine de la

creacuteation de nos postes

Dans une seconde partie nous deacutefinirons et

preacutesenterons la diversiteacute des missions speacuteci-

fiques aux psychologues du personnel sur site

A la fois clinique et institutionnelle notre pra-

tique nous amegravene agrave ecirctre en contact reacutegulier

avec les diffeacuterents acteurs internes ou ex-

ternes agrave lrsquoinstitution concerneacutes par la protec-

tion de la santeacute au travail Ainsi cette collabo-

ration neacutecessite un important travail de deacuteve-

loppement et drsquoentretien du reacuteseau

Ensuite nous envisagerons les divers ques-

tionnements souleveacutes par ce poste position-

nement parfois drsquoeacutequilibriste cadre speacutecifique

de prise en charge ou encore limites de cette

pratique

HISTORIQUE

Par la loi de 1983 concernant les droits et obli-

gations des fonctionnaires les personnels hos-

pitaliers de par leur statut sont proteacutegeacutes par

leur administration

A la fin des anneacutees 90 le deacuteveloppement de la

preacutevention des violences apparaicirct comme pri-

mordial puis une circulaire intituleacutee Preacutevention

et accompagnement des situations de vio-

lence est reacutedigeacutee en deacutecembre 2000

Le constat de lrsquoaugmentation de la violence au

quotidien dans les hocircpitaux a fait naicirctre au sein

de lrsquoAP-HP des preacuteoccupations et des de-

mandes au niveau institutionnel Ceci a mobili-

seacute un ensemble drsquoacteurs concerneacutes par la

protection de la santeacute des personnels Ainsi la

mise en place drsquoune cellule drsquoaccueil et de

prise en charge des agents victimes de vio-

lence agrave lrsquoAP-HP eacutemane de ces travaux Deux

postes de psychologues cliniciennes ont eacuteteacute

creacuteeacutes au Siegravege en 2000 et 2001 puis drsquoautres

postes de psychologues cliniciens aupregraves du

personnel ont vu le jour sur diffeacuterents sites de

lrsquoAP-HP

Face agrave lrsquoamplification des violences en milieu

hospitalier lrsquoAP-HP a eacutegalement meneacute en 2004

une campagne drsquoinformation sur le thegraveme

Violences de patients drsquoaccompagnants de

visiteurs comment soutenir les personnels qui

en sont victimes Ces derniers ignorent sou-

vent leurs droits et les circuits internes pour ob-

tenir le meilleur accompagnement dans leurs

deacutemarches Lrsquoeacutelaboration drsquoun guide a permis

de deacutecrire les diffeacuterentes modaliteacutes de prise en

charge en cas drsquoagression prise en charge

meacutedico-psychologique sociale meacutedico-

administrative ou encore juridique

Au-delagrave de la preacutevention et de la prise en

charge de la violence agrave lrsquohocircpital les missions

du psychologue clinicien aupregraves du personnel

sont orienteacutees vers deux axes principaux la

clinique individuelle et collective et les activiteacutes

institutionnelles

DEacuteFINITION DU POSTE ET MISSIONS SPEacuteCIFIQUES

Le poste de psychologue du personnel a pour

fonction principale de creacuteer un espace drsquoeacutecoute

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 83

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

et de prise en charge individuelle ou collective

pour tout le personnel de lrsquohocircpital

Toute personne professionnelle de lrsquohocircpital

peut si elle en a la neacutecessiteacute (si elle le sou-

haite) prendre rendez vous pour une premiegravere

consultation et ce quel qursquoen soit le motif pro-

fessionnel ou personnel

Les bureaux permettent de garantir la confiden-

tialiteacute

Les consultations se font sur rendez-vous afin

drsquoeacuteviter lrsquoattente et pour preacuteserver la discreacutetion

Ils sont libres et totalement confidentiels

Des rendez-vous en soireacutee peuvent ecirctre ameacute-

nageacutes

Le deacutelai maximum drsquoobtention drsquoun rendez-

vous est environ de 15 jours

Le nombre de consultations deacutepend de la de-

mande initiale Il peut aller drsquoun seul entretien agrave

plusieurs Lorsque la personne deacutesire ou neacute-

cessite une prise en charge plus longue elle

est orienteacutee agrave lrsquoexteacuterieur Il est preacuteciseacute agrave tout

agent en deacutebut drsquoentretien que ce lieu de con-

sultation a pour vocation un accompagnement

agrave court ou moyen terme

Il est eacutevident que la fonction de psychologue du

personnel est agrave viseacutee clinique crsquoest agrave dire

- que le psychologue du personnel nrsquointervient

pas directement dans les eacutevaluations utiles agrave la

gestion du personnel et nrsquoeacutemettent aucun avis

concernant lrsquoaptitude au poste de travail des

agents reccedilus en consultation (ce qui est de

lrsquounique ressort du meacutedecin du travail) hellip

- que le psychologue du personnel nrsquoest pas

psychologue du travail donc nrsquointervient pas

dans le reclassement les mobiliteacutes profession-

nelles le recrutementhellipMais nos missions

srsquoaccordent bien sur avec celles du CRH si neacute-

cessaire

Le psychologue du personnel comme les

autres psychologues cliniciens de lrsquoeacutetablisse-

ment deacutepend directement du directeur de lrsquoeacuteta-

blissement et a des liaisons fonctionnelles

avec le drh par exemple ou le meacutedecin du tra-

vail

Il rend un bilan annuel quantitatif indiquant cer-

taines donneacutees de son activiteacute tout en preacuteser-

vant lrsquoanonymat et la confidentialiteacute Il peut arri-

ver que ce bilan soit preacutesenteacute aux instances

types CHSCT

Globalement le temps de travail du psycho-

logue du personnel se reacutepartit comme suit

pratique clinique drsquoune part activiteacutes institu-

tionnelles drsquoautre part

LA PRATIQUE CLINIQUE

bull Clinique individuelle soutien psychologique

du personnel en difficulteacute par entretien indivi-

duel

Notre pratique montre que les deux aspects

professionnels et personnels sont souvent in-

triqueacutes qursquoil peut srsquoagir de souffrance au tra-

vail mais aussi de souffrance personnelle qui

peut avoir des reacutepercussions dans le travail

Les motifs principaux agrave lrsquoorigine de la de-

mande

- sur le plan professionnel sont conflits inter

eacutequipe situations de violence au travail

manque de communication difficulteacutes face aux

pathologies perte du sens du travail voire eacutepui-

sement professionnel

- sur le plan personnel sont difficulteacutes fami-

liales sociales deuils seacuteparations probleacutema-

tiques psychopathologiques maladies chro-

niqueshellip

Ces personnes ne se sont jamais adresseacutees agrave

un professionnel du soin psychique par meacute-

connaissance des professions parfois mais par

meacutefiance eacutegalement et arrivent souvent en

portant des souffrances extrecircmement lourdes

et de longue date

Cateacutegories dominantes qui consultent soi-

gnants et administratifs encadrement

quelques personnels techniques et meacutedico-

techniques et tregraves peu de meacutedecins

Il est difficile drsquoeacutetablir une moyenne du nombre

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 84

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

drsquoagents reccedilus par an sur lrsquoensemble des

postes du personnel Toutefois les demandes

de consultations sont en constantes augmenta-

tions sur la plupart des sites de lrsquoAPHP mais

aussi du fait des regroupements amenant les

psychologues agrave ecirctre solliciteacutees sur plusieurs

eacutetablissements

bull Clinique collective

Les interventions collectives peuvent se

preacutesenter sous deux formes les groupes de

parole et les deacutebriefings psychologiques

Le Groupe de parole permet de creacuteer un lieu

drsquoexpression et drsquoeacutechanges sur un thegraveme don-

neacute ou une probleacutematique speacutecifique au service

(comme par exemple lrsquoagressiviteacute et la violence

des patients notamment aux urgences ou en-

core lrsquoimplication eacutemotionnelle des soignants

lieacutee agrave lrsquoaccompagnement en fin de vie hellip)

Le Deacutebriefing psychologique intervention

collective ponctuelle suite agrave un eacuteveacutenement diffi-

cile ou traumatique (suicide drsquoun patient deacutecegraves

drsquoun personnel agression du personnel par un

patient ou son entouragehellip)

Force est de constater eacutegalement que les de-

mandes de reacutesolution de conflit formuleacutees

comme telles sont aussi tregraves preacutesentes et il

semble utile de distinguer la neacutecessaire reacutesolu-

tion drsquoun conflit qui nrsquoest pas forcement le lieu

et le temps du groupe de parole de la volonteacute

drsquoy trouver un sens Il va de soi que le psycho-

logue nrsquointervient en aucun cas comme meacutedia-

teur car il nrsquoen a pas la formation speacutecifique

mecircme si certaines interventions peuvent par-

fois avoir des effets drsquoapaisement du conflit

Pour ces raisons et preacutealablement agrave toute in-

tervention collective il est important drsquoavoir pu

deacutefinir avec les participants leurs attentes et

pas seulement celles lieacutees au demandeur geacute-

neacuteralement lrsquoencadrement ou la direction

LES ACTIVITEacuteS INSTITUTIONNELLES

bull1- Deacuteveloppement et entretien du reacuteseau

En interne Assistant social du personnel meacute-

decine du travail DRH CRH chef du person-

nel direction des soins psychologues du per-

sonnel drsquoautres sites psychologues des ser-

vices psychiatres hellip

En externe orientation vers les CMP pour les

prises en charge agrave plus long terme etou pour

les suivis psychiatriques orientation vers des

lieux de consultations speacutecialiseacutes (addictologie

consultation douleur troubles du sommeil

troubles du comportement alimentaire associa-

tion drsquoaide aux victimes theacuterapie familiale hellip)

2- Participation aux groupes de travail et de

preacutevention preacutevention des addictions de

lrsquoeacutepuisement professionnel des risques psycho

-sociauxhellip

3- Faire connaicirctre ces postes et notre activiteacute

- A lrsquooccasion drsquoune arriveacutee sur site ou lors

drsquoune creacuteation de poste

- Preacutesentation dans les services directement

aupregraves des eacutequipes

- Preacutesentation lors de formations sur site

propre (accueil des nouveaux arrivants ou sur

des theacutematiques en lien avec nos missions) ou

au Centre de Formation Continue du Personnel

Hospitalier (intervention dans le cadre de la for-

mation Preacutevention du risque psychique et de

lrsquoeacutepuisement professionnel agrave lrsquohocircpital)

- Preacutesentation du rapport drsquoactiviteacutes au Comiteacute

drsquoHygiegravene Seacutecuriteacute et Conditions de Travail

QUESTIONNEMENTS ENJEUX LIMITES

Ce poste nous amegravene en permanence

- agrave repreacuteciser nos missions ce que nous pou-

vons faire et aussi ne pas faire depuis notre

place particuliegravere au sein de lrsquoinstitution

- agrave nous confronter agrave certaines limites

- agrave devoir nous adapter agrave une clinique aussi

riche que varieacutee

Plusieurs limites donc

La question du cadre

- absence de paiement pas de psychotheacutera-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 85

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

pie ce nrsquoest pas agrave lrsquoemployeur de payer on

connaicirct par ailleurs la neacutecessiteacute du paiement

- reacutegulariteacute des horaires il est difficile souvent

impossible pour des personnels ayant des ho-

raires variables qui travaillent en alternance de

pouvoir respecter un horaire fixe de rendez

vous Les annulations les reports sont freacute-

quents agrave cause des changements drsquohoraires

subis par les agents eux-mecircmes Parfois de

notre fait eacutegalement

La question de la confiance

- biais dans la relation

Nous avons le mecircme employeur donc il existe

un biais dans la relation de soutien psycholo-

gique (theacuterapeutique) Pourtant eacutetablir une re-

lation de confiance institutionnelle avec les

agents est essentiel Et faire partie de la mecircme

institution peut parfois paradoxalement rassu-

rer et favoriser une deacutemarche qui ne serait par

ailleurs pas faite

Ayant eacuteteacute recruteacute par la mecircme direction la

question de la confidentialiteacute du travail du

psychologue peut se poser (la confidentialiteacute

est rappeleacute agrave chaque premiegravere rencontre)

- Neacutecessaire et juste distance entre lrsquoinstitution

de son propre travail (visites meacutedicales effec-

tueacutees par un autre meacutedecin du travail attitude

discregravete au sein de lrsquoeacutetablissement hellip)

- Se pose la question du secret partageacute dans

lrsquointeacuterecirct de lrsquoagent et avec son accord cer-

taines informations peuvent parfois ecirctre com-

muniqueacutees (assistantes sociales du personnel

meacutedecin du travailhellip) et inversement

Comment et quand reacuteorienter

- au rythme de chacun (cette premiegravere deacute-

marche a deacutejagrave parfois eacuteteacute extrecircmement longue

et difficile)

- ne marche pas toujours du 1er

coup (combien reviennent parce que cela nrsquoa

pas accrocheacute trop cher tous ces arguments

connus qui peuvent cacher un pas precirct agrave)

Autres limites agrave cette pratique

- question de la neutraliteacute quant au fait de pou-

voir recevoir deux parties drsquoun conflit Nous

sommes lagrave pour tous les agents Et crsquoest bien

lagrave toute la diffeacuterence avec les GH qui ont agrave dis-

position plusieurs psychologues du personnel

- difficulteacute si une personne reccedilue en individuel

participe eacutegalement agrave un groupe de parole hellip

- tous les risques de glissement potentiels aux

places que lrsquoinstitution veut nous faire prendre

lorsque par exemple en lrsquoabsence de meacutedecin

du travail on propose agrave la place de rencon-

trer la psychologue du personnel lorsqursquoil faut

absolument trouver une solution risque drsquoecirctre

interpelleacute en vue de reacutesoudre un conflit avec

ce que cela suppose de rapiditeacute et drsquoefficience

allant agrave lrsquoencontre de la possibiliteacute de penser et

drsquoeacutelaborer

CONCLUSION

Pour le psychologue exercer aupregraves du per-

sonnel appelle parfois agrave des positions drsquoeacutequili-

bristes et neacutecessite de garder une certaine

souplesse

Lrsquointeacuterecirct de ce poste est de faciliter lrsquoaccegraves au

psychologue permettant agrave un public qui nrsquoau-

rait pas forcement fait cette deacutemarche de venir

consulter

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 86

Clocircture de la journeacutee

gt Elodie Sacircles preacutesidente de Psyclihos

Page 87

Clocircture de la journeacutee

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 87

Clocircture de la journeacutee

C ette journeacutee nous a permis de partager

la diversiteacute de nos pratiques La ri-

chesse des interventions nous teacutemoi-

gnent de la vivaciteacute des psychologues hospita-

liers Cest bien la speacutecificiteacute de nos pratiques

qui assure la peacuterenniteacute de nos postes et leur

creacuteation

Jai commenceacute la journeacutee par des remercie-

ments cest ainsi que je vais la clore

Je remercie

le Comiteacute scientifique qui a construit ce pro-

gramme riche et ambitieux qui je lespegravere vous

aura apporteacute de nouvelles ressources

Le Comiteacute drsquoorganisation et les beacuteneacutevoles qui

nous ont reacuteserveacute un accueil souriant et dyna-

mique

Cleacutement ingeacutenieur du son agrave la technique

gracircce agrave qui vous pourrez entendre les interven-

tions de cette journeacutee sur notre site internet

Nous vous demandons donc un peu de pa-

tience avant de pouvoir retrouver les interven-

tions de cette journeacutee sur notre site internet

Nheacutesitez pas agrave nous rejoindre ce qui renforce

toujours notre dynamisme

En vous remerciant de votre preacutesence qui fait

le succegraves de cette journeacutee et nous poussera

qui sait agrave nous retrouver avec notre quart de

siegravecle -)

Dernier deacutetail administratif noubliez pas de

remplir le questionnaire deacutevaluation de la jour-

neacutee et surtout de rendre votre badge en par-

tant Cest important pour nous

Merci agrave tous

Elodie Sacircles preacutesidente de Psyclihos

Retrouvez

toute lrsquoactualiteacute de Psyclihos

les enregistrements des con-

feacuterences ainsi que le journal

des 20 ans

sur notre site internet

wwwpsyclihosorg

BULLETIN DrsquoADHESION

Cotisation annuelle incluant lrsquoabonnement au journal et laccegraves agrave lespace adheacuterent sur notre site

internet

Membres actifs Titulaire 45 euro

Contractuel ou retraiteacute 30 euro

Membres associeacutes Jeune diplocircmeacute lt3ans sans emploi 25 euro

Eacutetudiant (master 1 ou 2) 15 euro

Justificatif obligatoire agrave joindre copie du haut du bulletin de salaire du diplocircme ou du certificat de

scolariteacute

Renseignements concernant lrsquoadheacuterent

Nom

Preacutenom

Adresse personnelle

Teacuteleacutephone

Courriel

Adresse professionnelle (preacuteciser le nom du chef de service)

Teacuteleacutephone

Courriel (pour recevoir nos Bregraveves)

Date et signature

A adresser avec votre chegraveque agrave lordre de Psyclihos agrave

Christine SCHWANSE psychologue

Heacutematologie Adulte - Myosotis 3 Hocircpital Saint Louis

par courrier 1 Avenue Claude Vellefaux ndash 75 010 Paris

Association des Psychologues Cliniciens Hospitaliers de lrsquoAssistance Publique

Hocircpitaux de Paris

Page 5: Les 20 ans de Psyclihos

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 5

20 ans de Psyclihos

Psychologue agrave lHocircpital

une espegravece agrave proteacuteger

Eacutedito

Psyclihos est une association loi 1901 creacuteeacutee en 1991 pour promouvoir la

psychologie clinique et le rocircle des psychologues agrave lhocircpital

Par ses nombreuses actions agrave lintention de ses adheacuterents et des

psychologues hospitaliers Psyclihos est reconnue comme un relais et un

interlocuteur aupregraves des diffeacuterentes instances

Pour fecircter ses 20 ans Psyclihos organise cette journeacutee ouverte agrave ses

adheacuterents et agrave lrsquoensemble des psychologues de lrsquoAP-HP Elle offrira

loccasion de renforcer les liens professionnels entre collegravegues et de

partager la richesse des approches cliniques

Nous vous proposons de nous rencontrer autour des

theacutematiques suivantes

gt Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie Statut

fonctions quelles compeacutetences

gt Loi HPST titre de psychotheacuterapeutehellip Quels

changements pour le meacutetier de psychologue

gt Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de

nos cliniques

gt Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

DRH AP-HP Centre de la Formation et du

Deacuteveloppement des Compeacutetences - Institut de

Formation des Cadres de Santeacute

En partenariat avec

Comiteacute dorganisation

Catherine Holzmann

Ceacuteline Le Bivic

Ambre Piquard

Elodie Sacircles

Nicole Sense

Comiteacute scientifique

Franccediloise Adriansen

Nadine Labbeacute

Patrice Nomineacute

Elodie Sacircles

Christine Schwanse

Martine Shindo

Benoicirct Verdon

Demandez le programme

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 6

8h30 Accueil des participants

9h-9h30 Ouverture

gt Allocution douverture

Alain Burdet DRH AP-HP

gt Psyclihos 20 ans deacutejagrave

Elodie Sacircles preacutesidente de Psyclihos

9h30 - 11h Ecirctre psychologue ou

faire de la psychologie Statut

fonctions quelles compeacutetences

Modeacuterateur Benoicirct Verdon Universiteacute

Paris Descartes

gt Ecirctre ou ne pas ecirctre neuropsychologue

Annie Kurtz Lariboisiegravere

gt P s y c h o l o g u e c l i n i c i e n e n

psychotraumatologie du savoir-faire

au savoir-ecirctre

Clara Duchet Tenon

gt Aider agrave penser limpensable en

oncologie

Anna Elli Pardo Saint-Louis

11h - 11h30 Pause

11h30 - 13h Loi HPST titre de

psychotheacuterapeutehellip Quels changements

pour le meacutetier de psychologue

Modeacuterateur Franccediloise Adriansen

membre du CA de Psyclihos

gt Le psychologue entre les lignes des

textes officiels

Nadine Labbeacute Cochin

gt Titre de psychotheacuterapeute si vous

avez manqueacute le deacutebuthellip

Virginie Rocard Sainte Peacuterine

gt Psychotheacuterapeute agrave quel titre

Patrice Nomineacute Fernand Widal

13h -14h30 Repas libre

14h30 - 16h Uniteacute dans la diversiteacute

des pratiques transversaliteacute de nos

cliniques

Modeacuterateur Patrice Nomineacute Fernand

Widal

gt La dimension culturelle dans leacutecoute

des patients migrants

Jacqueline Faure Tenon

gt P sycho logue en r eacutean imat i on

peacutediatrique teacutemoignage drsquoune pratique

en eacutevolution

Muriel Derome Raymond Poincareacute

gt Seacutejour de vacances quelle place pour

le psychologue

Ceacuteline Le Bivic Eacutemile Roux

16h - 17h30 Cliniques particuliegraveres

pratiques innovantes

Modeacuterateur Martine Shindo Saint

Louis

gt Laccompagnement psychologique par

teacuteleacutephone dans les maladies de

Creutzfeldt-Jakob

Marie-Lise Babonneau Pitieacute Salpecirctriegravere

gt Parents face agrave linterruption meacutedicale

de grossesse des mots en images

Natascia Serbandini Jean Verdier

gt Psychologue clinicien aupregraves du

personnel missions enjeux limites

Isabelle Fretigny Saint Louis

Le programme de la journeacutee

Demandez le programme

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 7

Ouverture de la journeacutee

gt Allocution douverture

Alain Burdet DRH AP-HP

gt Psyclihos 20 ans deacutejagrave

Elodie Sacircles preacutesidente de Psyclihos

Page 7

Ouverture

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 8

Ouverture de la journeacutee

Psyclihos 20 ans deacutejagrave

Elodie Sacircles preacutesidente de Psyclihos

J e vais commencer par quelques remer-

ciements rapides

En premier lieu vous Monsieur Burdet

vous nous avez fait lhonneur douvrir cette

journeacutee Plus quun honneur votre soutien

nous a eacuteteacute si preacutecieux

Quand nous avions eacutevoqueacute avec vous lideacutee

dune journeacutee anniversaire mais alors de faccedilon

encore lointaine dans nos esprits votre encou-

ragement sans faille degraves lannonce de cette

eacuteventualiteacute nous a donneacute leacutenergie daffronter

lorganisation de cet eacuteveacutenement

Cest pourquoi au nom des membres du con-

seil dadministration des comiteacutes scientifiques

et dorganisation je tiens agrave vous remercier cha-

leureusement de votre soutien et du solide inteacute-

recirct que vous teacutemoignez agrave notre profession

Cet engagement de la Direction des res-

sources Humaines de lAPHP agrave nos cocircteacutes

comme il y a 20 ans nous permet de nous re-

trouver dans ce bel amphi pour partager cette

journeacutee Et nous remercions aussi lInstitut de

Formation des Cadres de Santeacute APHP pour

lefficaciteacute de son aide logistique et de la ges-

tion des inscriptions jusqursquoagrave ce jour et mecircme au

-delagrave

Mes remerciements vont aussi agrave vous tous qui

ecirctes ici aujourdrsquohui Nombre dentre vous nous

connaissent deacutejagrave en tant qursquoadheacuterents actuels

ou passeacutes souvent dune grande fideacuteliteacute au

cours des anneacutees Dautres nous suivent avec

inteacuterecirct sans nous avoir (encore ) rejoints et de

nombreux jeunes collegravegues nous deacutecouvrent

ou ont deacutejagrave deacutecouvert notre site internet

Notre site internet sur lequel vous pouvez

suivre lactualiteacute de notre association nous re-

joindre ou vous inscrire agrave notre infolettre Les-

pace adheacuterent propose de nombreux services

comme les postes agrave pourvoir agrave lAP-HP ou agrave la

FPH qui inteacuteressent tous collegravegues quils soient

titulaires contractuels ou en recherche dem-

ploi Bien eacutevidemment ces services sont reacuteser-

veacutes agrave nos adheacuterents tout comme nos bregraveves

par mail qui vous informent de lactualiteacute et nos

journaux

Degraves sa creacuteation Psyclihos sest donneacute pour

rocircle de teacutemoigner de lrsquoapport de la Psychologie

Clinique agrave lrsquohocircpital et den rsquoaffirmer la preacutesence

Informer communiquer et ecirctre un relais entre

les psychologues eacutechanger non seulement

entre pairs mais ecirctre aussi un interlocuteur

pour linstitution quant agrave notre profession

Lrsquohistoire de lrsquoassociation est intimement lieacutee agrave

celle de notre profession puisque Psyclihos voit

sa naissance en janvier 1991 quelques jours

avant cla parution du deacutecret qui fonde le statut

de psychologue hospitalier

1991 -2011 vingt ans de psychologie agrave lhocircpi-

tal nous y voilagrave

Les 20 ans de Psyclihos ont eacuteteacute loccasion

unique de nous replonger dans les archives de

notre association Nous partageons la richesse

de ce singulier voyage dans le temps dans le

Numeacutero speacutecial 20 ans du journal de Psyclihos

que vous trouverez dans vos pochettes

Il retrace lhistoire de Psyclihos agrave travers celle

de la psychologie agrave lhocircpital en sarrecirctant sur

les grandes dates qui ont jalonneacute le meacutetier de

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 9

Ouverture de la journeacutee

psychologue

1991 le deacutecret portant statut particulier de psy-

chologue hospitalier 1996 le code de deacuteonto-

logie 2003 la deacutecentralisation de gestion au

sein de lAP-HP et les conseacutequences que nous

vivons depuis pour nen citer que quelques

uneshellip

Cette plongeacutee historique loin decirctre nostal-

gique nous permet de rappeler au fil des ar-

ticles parus durant ces deux deacutecennies dans

nos journaux combien lactualiteacute de notre pro-

fession sappuie sur son passeacute Connaicirctre cette

histoire notamment pour nos plus jeunes col-

legravegues nous semble neacutecessaire pour com-

prendre les enjeux qui traversent actuellement

notre profession Il est dailleurs eacutetonnant de

lire combien des articles pourtant anciens gar-

dent toute leur fraicirccheur traitant deacutejagrave de pro-

bleacutematiques qui apparaissent reacutecurrentes ou

abordant des questionnements qui aujourdhui

pourraient sembler novateurshellip

Cest donc autour de quelques grands thegravemes

toujours actuels comme la deacuteontologie des

psychologues la saga des concours sur titres

la Fiche meacutetier la fonction FIR la Psychiatrie

de liaison ou les psychotheacuterapies et la loi que

nous vous invitons agrave plonger dans notre journal

speacutecial

Nous retrouvons aujourdrsquohui certains de ces

sujets dans le programme de cette journeacutee

Il illustre les champs drsquointerventions qui ani-

ment lrsquoassociation depuis sa creacuteation la fonc-

tion de psychologue les changements induits

par la leacutegislation la diversiteacute des pratiques et

les cliniques particuliegravereshellip

Nous souhaitons pouvoir teacutemoigner de la ri-

chesse et de la diversiteacute des pratiques des psy-

chologues cliniciens agrave lhocircpital Bien sucircr en 20

ans la place des psychologues hospitaliers a

eacutevolueacute leur nombre aussi La varieacuteteacute des inter-

ventions teacutemoigne de la richesse des champs

dexercice possibles parfois insoupccedilonneacutes au

sein de notre institution quest lAP-HP

Derriegravere un titre un peu provocateur nous sou-

haitons vous mobiliser dans lancrage toujours

neacutecessaire de notre profession au sein de

lAPHP Le cadre de notre exercice est toujours

fragile voire mis agrave mal En ces temps heurteacutes

et parfois incertains nous espeacuterons pouvoir

partager notre eacutenergie pour proteacuteger notre

exercice si particulier Ecirctre psychologue agrave lhocirc-

pital cest bien sucircr ecirctre agrave la rencontre des pa-

tients et de leurs proches dans leurs singulari-

teacutes mais aussi des eacutequipes soignantes sans

oublier la participation agrave la vie institutionnelle

comme ce sera abordeacute dans les diffeacuterentes in-

terventions que vous allez entendre aujour-

dhui

Sans plus attendre nous ceacutedons la place agrave la

premiegravere session de la matineacutee dans le vif du

sujet ecirctre psychologue ou faire de la psycho-

logie statut fonctions quelles compeacute-

tences modeacutereacutee par Benoicirct Verdon long-

temps psychologue hospitalier maintenant au

sein de lUniversiteacute

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 10

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

Modeacuterateur Benoicirct Verdon Universiteacute Paris Descartes

gt Ecirctre ou ne pas ecirctre neuropsychologue

Annie Kurtz Hocircpital Lariboisiegravere Page 11

gt Psychologue clinicien en psychotrauma-

tologie du savoir-faire au savoir-ecirctre

Clara Duchet Hocircpital Tenon Page 15

gt Aider agrave penser limpensable en oncologie

Anna Elli Pardo Hocircpital Saint-Louis Page 19

Ecirctre psychologue ou faire de la

psychologie

Statut fonctions quelles compeacutetences

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 11

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

Ecirctre ou ne pas ecirctre neuropsychologue

Neuropsychologue une espegravece nouvelle Plus reacutesistante

Mieux adapteacutee agrave la vie hospitaliegravere ou aux institutions

Plus respecteacutee des meacutedecins prescripteurs

Annie Kurtz

Service de Neurologie Hocircpital Lariboisiegravere

La reacutealiteacute objective drsquoune atteinte ceacutereacutebrale agrave

lrsquoorigine des troubles preacutesenteacutes par le patient

ne doit jamais occulter le fait drsquoune histoire

drsquoun eacutequilibre psychique et drsquoune individualiteacute

malmeneacutee

Charte des CPCN - Collegraveges des Psycho-

logues Cliniciens speacutecialiseacutes en Neuropsycho-

logie

J rsquoai bien imprudemment accepteacute il y a

quelques mois de prendre la parole pour

ceacuteleacutebrer les 20 ans de lrsquoassociation Psy-

clihos De plus jrsquoai accepteacute de vous faire parta-

ger mes reacuteflexions sur la place du psychologue

dans le champ de la santeacute et cerise sur le gacirc-

teau pour la deacutefense et lrsquoillustration de la neu-

ropsychologie clinique

Mon propos nrsquoest pas de poleacutemiquer mais de

reacutefleacutechir ensemble aux charmes et aux dangers

que repreacutesente le terme de

neuropsychologue si priseacute par certains ac-

tuellement

La preacutesence de psychologues au sein des ser-

vices hospitaliers est ancienne ils ou elles as-

surent agrave la fois le travail de bilan et celui de

soutien aupregraves des patients Mais le genre

neuropsychologue nrsquoexiste que depuis peu

Le terme neuropsychologue seacuteduit beaucoup

les jeunes collegravegues et mecircme certains para-

meacutedicaux comme les orthophonistes les ergo-

theacuterapeutes et mecircme quelques kineacutesitheacutera-

peutes Nombreux sont ceux dans le champ de

la neuropsychologie qui revendique le label

de neuropsychologues Depuis quelques an-

neacutees les lettres de motivation qui accompa-

gnent les demandes de stages srsquoadressent agrave la

neuropsychologue que je suis censeacutee ecirctre et

les candidates et candidats deacuteclarent leur

passion pour le meacutetier de

neuropsychologue Et je mrsquointerroge sur cette

ferveur

Quelle deacutefinition de la neuropsychologie pou-

vons-nous faire nocirctre Il y a 10 ans en mars

2001 le Collegravege des Psychologues Cliniciens

speacutecialiseacutes en Neuropsychologie (CPCN) pour

les Eacutetats Geacuteneacuteraux de la Psychologie deacutefinis-

sait ainsi la neuropsychologie

La neuropsychologie est la discipline qui traite

des relations entre les processus mentaux

sous-tendant le raisonnement lrsquoattention la

meacutemoire la perception les gnosies les

praxies le langage le comportement eacutemotion-

nel et lrsquoactiviteacute du cerveau Lors des leacutesions ceacute-

reacutebrales les conseacutequences concerneront agrave la

fois lrsquoefficience de la cognition et lrsquoadaptabiliteacute

des conduites de lrsquoindividu Cette neacutecessaire

appreacuteciation analytique et syntheacutetique du psy-

chisme humain caracteacuterise lrsquoapproche neurop-

sychologique

La neuropsychologie est un champ multidisci-

plinaire ougrave se retrouvent diffeacuterents meacutetiers et

les zones de recouvrement peuvent ecirctre larges

pour certains Je milite aujourdrsquohui pour deacute-

fendre le fait qursquoun bilan reacutealiseacute par un psycho-

logue mecircme si les tests utiliseacutes par drsquoautres

intervenants sont identiques reste un bilan dif-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 12

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

feacuterent Ce travail drsquoanalyse et synthegravese rappe-

leacute dans la deacutefinition citeacutee fonde la totaliteacute de

nos pratiques en neuropsychologie

Lrsquoacte le plus freacutequent est le bilan bilan pour

plaintes mneacutesiques diagnostic diffeacuterentiel entre

deacutepression et maladie neurodeacutegeacuteneacuterative seacute-

quelles drsquoaccident vasculaire seacutequelles de

traumatisme cracircnien et nous intervenons eacutega-

lement dans le suivi et la reacutehabilitation dans les

services de soins de suite Mecircme dans le cadre

drsquoune eacutevaluation en vue drsquoune reacuteeacuteducation

nous savons devoir tenir compte des mouve-

ments psychiques agrave lrsquoœuvre dans tout individu

et qui vont peser sur ce travail

Notre code de deacuteontologie speacutecifie que le res-

pect de la vie psychique fonde notre action ce

respect de la vie psychique tout au long de nos

anneacutees drsquoeacutetudes nous avons eacuteteacute formeacutes agrave y

porter une attention toute particuliegravere Nos ac-

quis nos savoirs modifient notre approche

Quel peut ecirctre le sens pour un ou une psycho-

logue agrave vouloir changer de nom

Nrsquoest-ce pas alors en gardant notre position de

psychologue et donc aussi clinicien que nos

actions prennent sens dans la prise en soin

des patients

Ce que je redoute le plus est que cette appella-

tion neuropsychologue ne confine les psycho-

logues dans un exercice limiteacute agrave la passation

des tests et au traitement des chiffres qui en

reacutesultent Comme si le neuropsychologue ne

devait mettre en œuvre aucun savoir clinique Il

est vrai que la formation donneacutee par lrsquouniversiteacute

conditionne en partie nos pratiques et cer-

taines universiteacutes ne semblent plus accorder

de place agrave la structure de la personnaliteacute ni aux

aspects thymiques dans leur master de neu-

ropsychologie Replacer le patient dans son

histoire reste primordial quels que soient les

avatars neurologiques

Qursquoavons-nous agrave gagner en devenant

neuropsychologue

Les offres drsquoemploi sont nombreuses et les

jeunes diplocircmeacutes ne restent pas longtemps

sans emploi Les meacutedecins psychiatres neu-

rologues ou geacuteriatres avec qui nous collabo-

rons veulent travailler avec des

neuropsychologues Le risque me paraicirct

grand qursquoils recherchent essentiellement des

testeurs pour leurs publications ou leurs con-

sultations Dans les recherches il srsquoagit pour

des collegravegues formeacutes agrave la psychologie pendant

au moins 4 ans puis speacutecialiseacutes en deuxiegraveme

anneacutee de Master cest-agrave-dire apregraves 5 anneacutees

drsquoeacutetudes drsquoappliquer des protocoles de test

dont ils nrsquoont mecircme pas eu la possibiliteacute de dis-

cuter le contenu et le choix des outils (Les

textes nous reconnaissent pourtant la liberteacute du

choix de nos outils)

La pratique de la neuropsychologie peut ecirctre

passionnante agrave condition de ne pas ecirctre ins-

trumentaliseacutee par les meacutedecins En preacuteparant

mon intervention il mrsquoest apparu que je pour-

rais citer comme eacutetude de cas nombre de si-

tuations de souffrance de nos collegravegues dans

les institutions Je pourrais vous preacutesenter des

vignettes cliniques ougrave les psychologues se

mettent en danger en srsquoenfermant dans cette

appellation qui convient si bien agrave nos collegravegues

drsquoautres disciplines et agrave nos employeurs Dans

les consultations meacutemoire la place faite aux

neuropsychologues peut ecirctre tregraves diffeacuterente

suivant les attentes et les projets de leurs par-

tenaires meacutedicaux ou institutionnels et parfois

ces exigences entraicircnent une veacuteritable souf-

france pour nos collegravegues Peut-on exercer son

savoir-faire et son savoir ecirctre de psychologue

quand on attend de nous de recevoir 4 ou 6

patients par jour Ces bilans TGV laissent peu

de place agrave lrsquointersubjectiviteacute du psychologue et

du patient alors que dans drsquoautres lieux lrsquoeacuteva-

luation peut respecter la singulariteacute du patient

de sa famille et la deacuteontologie du psychologue

Il y a des temps dans la pratique drsquoun bilan

neuropsychologique qui restent des temps cli-

niques Avant drsquoentreprendre un bilan le psy-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 13

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

chologue speacutecialiseacute en neuropsychologie

comme tous les psychologues doit pouvoir in-

terroger la demande de qui vient cette de-

mande le patient le meacutedecin ou la famille et

qursquoen attendent ces diffeacuterents partenaires

Comment cet examen srsquoinscrit-il dans le projet

theacuterapeutique

Lrsquoentretien preacuteliminaire ne consiste pas agrave re-

prendre lrsquoanamnegravese au sens meacutedical histoire

de la maladie mais au sens psychologique

entendre lrsquohistoire drsquoun sujet Comme lrsquoa eacutecrit

Emmanuelle Truong-Minh actuelle preacutesidente

du CPCN agrave propos de ce temps drsquoun bilan

Inscrite dans la relation porteacutee par le langage

crsquoest cette preacutesence agrave lrsquoautre qui fonde notre

action Dans le temps de la consultation que je

reacutealise un entretien que je propose des tests

que JE parle ou que JE eacutecoute je suis lagrave au

moins lagrave de maniegravere absolue et entiegravere Pour

la personne agrave mon sens il nrsquoest rien de plus

preacutecieux que lrsquoeacutetablissement de cette relation

clinique Car ces instants ougrave lrsquoobjectivation de

difficulteacutes qursquoelles soient psychopathologiques

ou neuropsychologiques risque drsquoadvenir sont

fondamentaux dans le parcours de vie le par-

cours de santeacute et le parcours de la maladie de

la personne Pouvoir prendre appui sur cette

relation permet la mise en perspective des diffi-

culteacutes permet de supporter le traumatisme

psychique eacuteventuel permet de srsquoeacutecrouler peut-

ecirctre sans ecirctre seul

Je me souviens drsquoun patient qui mrsquoa eacuteteacute adres-

seacute pour plaintes mneacutesiques et eacuteventuelles seacute-

quelles drsquoun AIT Ce monsieur de 60 ans eacutetait

marieacute pegravere de 3 enfants cadre dirigeant dans

une entreprise A la suite de son accident

ischeacutemique transitoire il avait le sentiment de

ne plus pouvoir faire face agrave ses obligations pro-

fessionnelles Sa vie professionnelle eacutetait para-

siteacutee par le danger de voir ses difficulteacutes cons-

tateacutees par les autres surtout par son respon-

sable hieacuterarchique Degraves le deacutebut de lrsquoentretien

il semblait eacuteprouver une certaine inhibition an-

xieuse son expression spontaneacutee restait fac-

tuelle et retenue Apregraves quelques eacutepreuves

drsquoattention et de meacutemoire sans reacutesultat patho-

logique je mrsquoautorisai agrave abandonner les

eacutepreuves pour poursuivre lrsquoentretien au cours

duquel jrsquoappris que la veille il avait accompa-

gneacute sa megravere contre son greacute dans une institu-

tion pour patients souffrant de maladie

drsquoAlzheimer Alors qursquoil a des fregraveres et sœurs il

avait eacuteteacute seul agrave faire cette deacutemarche contraint

et forceacute par la santeacute chancelante de son

eacutepouse atteinte drsquoun cancer du seinhellip quand

jrsquoeacutevoque avec lui la possibiliteacute drsquoaller en parler

avec un psy il me dit y avoir deacutejagrave penseacute mais

renonceacute parce qursquoil avait peur de srsquoeffondrer

Nous avons la responsabiliteacute de notre bilan

mais nous ne pouvons deacutelivrer un diagnostic

(crsquoest de la compeacutetence du meacutedecin) pourtant

lrsquoentretien dit de restitution est un temps

drsquoeacutechange privileacutegieacute qui rend au patient sa

place de sujet mais ce temps-lagrave prend du

temps et on ne nous le donne pas toujours

Le temps de lrsquoexamen psychologique nrsquoest pas

celui des examens compleacutementaires prescrits

par les meacutedecins On sait bien qursquoil est toujours

utile de faire preacuteciser la demande de refuser

de tester Monsieur X ou Y on teste une hy-

pothegravese pas un individu de dire non parfois

parce qursquoon sait qursquoon ne reacutepondra pas agrave la

question ou parce que les conditions de lrsquoexa-

men ne respectent pas le patient ou notre auto-

nomie professionnelle Le questionnement sur

lrsquoobjet de la demande est dans le champ de

compeacutetence des psychologues nous avons eacuteteacute

formeacutes agrave ce travail La demande des meacutedecins

de lrsquoeacutequipe du patient ou de sa famille doit ecirctre

analyseacutee

Peut-on imaginer que se faire connaicirctre

comme neuropsychologue lorsqursquoon est psy-

chologue serait un moyen drsquoeacutechapper agrave la diffi-

culteacute de maintenir notre position singuliegravere

dans le monde de la santeacute

Certes la pratique de la neuropsychologie re-

quiert des connaissances sur le fonctionne-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 14

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

ment du cerveau sur les troubles cognitifs as-

socieacutes aux leacutesions ceacutereacutebrales sur la significa-

tion des localisations anatomo-cliniques et ce

travail permanent de reacuteflexion et drsquoeacutechange

avec les autres intervenants dans la prise en

charge drsquoun patient est enrichissante et parfois

passionnante comme peuvent lrsquoexprimer les

lettres de motivation des demandes de stages

Mais pratiqueacutee par des psychologues elle pour

reste un lieu privileacutegieacute ougrave la parole du patient

peut ecirctre entendue pas seulement sur ses

troubles ou ses capaciteacutes preacuteserveacutees mais sur

ce qursquoil comprend de ce qui lui arrive sur son

ressenti et le psychologue est preacutesent pour

lrsquoaccompagner dans ce nouveau travail psy-

chique Ecirctre speacutecialiseacute en neuropsychologie

est une position exigeante comme pour

chaque psychologue crsquoest lrsquoabsolue neacutecessiteacute

drsquoactualiser nos connaissances sur les patholo-

gies les nouveaux outils mais crsquoest aussi

prendre le risque de partager nos doutes sur

notre approche drsquoun patient dont on prend en

compte lrsquohistoire le contexte affectif social

professionnel Crsquoest une tacircche difficile que

drsquoessayer drsquoaborder un patient dans sa globali-

teacute et pas seulement sur ses troubles cognitifs

Personnellement je ne suis jamais sucircre drsquoavoir

bien analyseacute lrsquoensemble des eacuteleacutements que le

patient me permet drsquoappreacutehender jrsquoai la

chance de ne pas ecirctre seule dans mon service

et de pouvoir partager mes doutes avec mes

collegravegues

Enfin le terme neuropsychologue peut repreacute-

senter une menace pour le corps des psycho-

logues

Nous expeacuterimentons chaque jour la difficulteacute agrave

deacutefendre notre place de psychologue On nous

reproche notre image floue drsquoecirctre des

eacutelectrons libres dans les services drsquoecirctre des

produits de luxe sans nomenclature de nos

activiteacutes (si ce nrsquoest dans la CCAM qui ne con-

cerne que les meacutedecins) Le texte qui eacuteclaire

notre champ drsquoactiviteacute le seul qui ait une valeur

leacutegale est celui de 1985 qui deacutefinit notre statut

et nous savons bien combien lrsquoincitation au res-

pect de ce texte est une tacircche reacutecurrente pour

nous Jrsquoai commenceacute agrave travailler agrave lrsquoAP-HP en

1971 la publication de ce texte puis des circu-

laires de 1991 ont repreacutesenteacute un moment drsquoes-

poir mais jrsquoai appris tout au long de mes an-

neacutees drsquoexpeacuterience que ce travail drsquoexplicitation

de ce qursquoest un psychologue nrsquoa pas de fin

Parfois la confusion qui regravegne dans lrsquoesprit de

nos employeurs les arrangent bien pour

exemple des postes de neuropsychologues

animateurs offerts dans les EPHAD Parfois

cette confusion est sincegravere tel nouveau chef

de service qui travaille depuis de longues an-

neacutees avec des psychologues et qui reccediloit de la

DRH un rappel sur le temps FIR et qui srsquoeacutetonne

de son contenuhellip

Notre code de deacuteontologie est une reacutefeacuterence

indispensable pour nous mais nrsquoest toujours

pas un texte opposable agrave un employeur

Ces textes ont eacuteteacute eacutecrits pour les psycho-

logues ce sont des repegraveres pour les psycho-

logues Il a existeacute un mouvement qui souhaitait

diffeacuterencier les psychologues et les neuropsy-

chologues avec la volonteacute drsquoobtenir un statut agrave

part Quand on connaicirct la difficulteacute drsquoune recon-

naissance leacutegale la fragiliteacute du corps des psy-

chologues toujours precirct agrave se morceler en cen-

taines drsquoassociationshellip on peut se demander si

le meacutetier de psychologue nrsquoest pas effective-

ment en danger et se revendiquer neuropsy-

chologue peacutedopsychologue comme le laisse

entendre lrsquoactuelle fiche meacutetier nous expose

encore plus hellip (heureusement cette fiche doit

ecirctre remplaceacutee en 2012)

Notre seule protection repose sur les textes de

loi qui deacutefinissent le titre de psychologue il nrsquoy

a pas de titre de neuropsychologue ni de titre

de psychologue clinicien et ce nrsquoest pas lrsquoaven-

ture du titre de psychotheacuterapeute ni les travaux

en cours agrave la DGOS qui doivent nous rassu-

rerhellip

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 15

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

Psychologue clinicien en psychotraumatologie

du savoir-faire au savoir-ecirctre

Clara Duchet Hocircpital Tenon Universiteacute Paris Descartes

E n 1997 un deacutecret du ministegravere de la

Santeacute creacutee le reacuteseau des CUMP

(Cellules dUrgence Meacutedico-

Psychologique) propulsant des psychologues

cliniciens sur le terrain de lurgence aux cocircteacutes

de meacutedecins psychiatres et de parameacutedicaux

De nouvelles missions soffrent agrave ces profes-

sionnels peu formeacutes au deacutepart pour intervenir

dans ces contextes de catastrophes collectives

(accidents agrave retentissement majeur catas-

trophes naturelles guerres terrorisme etc)

Peu agrave peu des reacuteflexions et groupes de travail

speacutecifiques se creacuteent (au sein notamment de

lAFORCUMP - Association de recherche et de

formation des CUMP) afin de mieux deacutefinir les

fonctions et les compeacutetences de chacun dans

ce domaine bientocirct nommeacute

psychotraumatologie Cette nouvelle cli-

nique (dans sa forme institutionnelle et dans

sa dimension traumatique en situations

extrecircmes) a souleveacute de nombreux deacutebats

passionneacutes agrave propos de la leacutegitimeacute ou non de

lintervention de terrain (sur les sites et aux

abords des catastrophes) Cependant il sagira

plutocirct de discuter ici de la speacutecialisation eacuteven-

tuellement neacutecessaire des psychologues dans

ce domaine - du cocircteacute du savoir-faire - comme

des retrouvailles avec une position de clinicien

classique - du cocircteacute du savoir-ecirctre et de la

subjectivation

Agrave lrsquoheure ougrave se multipliaient donc diffeacuterentes

formes de violence et notamment au moment

de lrsquoeacutepoque terroriste parisienne (attentats

meacutediatiseacutes St Michel Port-Royal 1995-1996)

les psychologues ont vu leur champ drsquoaction et

leurs fonctions srsquoeacutelargir des nouvelles mis-

sions et nouvelles structures se deacuteveloppaient

pour venir au secours des victimes agrave la de-

mande de nos gouvernants et de psychiatres

militaires expeacuterimenteacutes dans ce domainehellip Jrsquoai

eu la chance de participer agrave ce processus degraves

le deacutebut et tregraves rapidement je me suis poseacutee

des questions sur ces interventions qui mrsquoap-

paraissaient pour ainsi dire hors cadre

Hors cadre parce que dans lrsquourgence

Hors cadre parce que nombre drsquointerventions

avaient lieu sur le terrain peu apregraves la catas-

trophe loin du confort du cabinet ou de lrsquohocircpi-

tal

Je me souviens agrave lrsquoeacutepoque mrsquoecirctre rueacutee sur le

code de deacuteontologie en vigueur depuis le 22

mars 1996 et me rassurer en lisant

La mission fondamentale du psychologue est

de faire reconnaicirctre et respecter la personne

dans sa dimension psychique Son activiteacute

porte sur la composante psychique des indivi-

dus consideacutereacutes isoleacutement ou collectivement

Oufhellip nous nrsquoeacutetions donc pas compleacutetement

hors-cadrehellip cependant je nrsquoavais pas vrai-

ment appris agrave travailler sur les bancs de la fac

Sans la demande du patient (mecircme pour lrsquoen-

fant le parent eacutetait demandeur sinon lrsquoinstitu-

tion scolairehellip)

Sans un cadre institutionnel classique

Et certainement pas en prise directe avec la

reacutealiteacute drsquoun eacuteveacutenementhellip

Quelques options universitaires tout de mecircme

assureacutees par des enseignants ayant participeacute agrave

des missions humanitaires mrsquoavaient deacutejagrave per-

mis drsquointerroger des dispositifs de soins hors

norme

Dans nos deacutebuts jrsquoai donc co-animeacute un groupe

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 16

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

de travail destineacute speacutecifiquement aux

psychologues pour reacutefleacutechir agrave notre pratique

Voici comment nous nous repreacutesentions alors

les choses

Nouvelles missionshellip = hellip nouvelles compeacute-

tences Ce que jrsquoai nommeacute dans mon introduc-

tion savoir-faire

1 NOUVELLES COMPEacuteTENCES REQUISES

ndash DU COcircTEacute DU SAVOIR-FAIRE

Lors des soins immeacutediats ou

defusing (cagraved sur le terrain dans les

heures qui suivent lrsquoattentat la catastrophe

naturelle la prise drsquootages lrsquoaccident col-

lectif etc)

Le psychologue doit reconstruire un cadre en

fonction de la situation qui se preacutesente agrave lui

crsquoest-agrave-dire en labsence de cadre deacutefini

(configuration du lieu dureacutee de la mission

nombre de sujets agrave prendre en charge etc

sont inconnus agrave lrsquoavance) Ceci neacutecessite de sa

part une capaciteacute dadaptation une souplesse

psychique dans son intervention ainsi qursquoun

cadre theacuteorique interne solide pour ne pas ceacute-

der nous mecircme agrave la panique ou au deacuteborde-

ment eacutemotionnel Le cadre theacuteorique solide

renvoyait surtout pour nous aux eacutecrits sur le

traumatisme et agrave ce qursquoon appelait alors la

victimologie

Pour illustrer ce propos je peux vous parler

drsquoune mission effectueacutee agrave Pointe Noire au Con-

go lorsque nous eacutetions chargeacutes avec un psy-

chiatre militaire de lrsquoeacutevaluation psychopatholo-

gique des ressortissants franccedilais en pleine

guerre civile (octobre 1997) Nous avons effec-

tivement ducirc nous adapter agrave lrsquoabsence de cadre

rassurant dans le sens ougrave nos deacuteplacements

eacutetaient extrecircmement limiteacutes en raison du con-

texte drsquoinseacutecuriteacute permanente marqueacute par des

tirs quotidiens drsquoarmes automatiques Il srsquoagis-

sait eacutegalement drsquoinventer des lieux de consulta-

tions et des modes drsquoapproches originaux pour

cette population bien souvent cloicirctreacutee dans les

appartements deacutevasteacutes par les milices armeacutees

Mais je souhaite citer drsquoautres situations moins

exceptionnelles afin de vous montrer agrave quel

point le psychologue dans ce travail drsquourgence

peut ecirctre ameneacute agrave reacutealiser des entretiens dans

des lieux inhabituels voire insolites comme agrave

bord drsquoun avion lorsque nous avons proceacutedeacute au

rapatriement des victimes du crash drsquoavion du

Seacuteneacutegal (en feacutevrier 1997) ou dans un car lors-

que nous avons accompagneacute les familles des

enfants victimes de lrsquoavalanche des Orres ou

encore dans un aeacuteroport lors de lrsquoaccueil de

populations reacutefugieacutees (du Congo ou du Kosso-

vo) ou dans une citeacute universitaire pour la prise

en charge des victimes drsquoattentats etc

Ici le psychologue doit ecirctre precirct agrave aller vers les

victimes sans attendre une demande de leur

part (drsquoautant plus que les personnes sont sou-

vent en eacutetat de choc de confusion de sideacutera-

tion etc) Alors rappelons-le que notre forma-

tion nous apprend plutocirct agrave travailler avec la de-

mande du patient comme principe inheacuterent agrave

la rencontre theacuterapeutique

Ensuite le psychologue est ameneacute agrave srsquointerro-

ger sur la position de neutraliteacute bienveillante

Alors que neutraliteacute signifie ne pas eacutemettre de

jugements de critiques de deacutesapprobation

nous voyons comment dans lrsquourgence le clini-

cien peut (je dirais mecircme doit) juger de lrsquoadap-

tation drsquoun comportement par exemple quitte agrave

deacutecider drsquoune hospitalisation ou drsquoun rapatrie-

ment En effet le psychologue doit savoir repeacute-

rer et informer les victimes des symptocircmes

psychopathologiques eacuteventuels favoriser la

demande de prise en charge theacuterapeutique ul-

teacuterieure si besoin est repeacuterer et orienter les

personnes les plus fragiles en faisant bien la

distinction entre eacutetat de stress aigu et entreacutee

potentielle dans une pathologie traumatique

Mecircme si ces fonctions de diagnostic drsquoeacutevalua-

tion drsquoorientation existent dans le cadre de

notre profession celles qui visent agrave informer agrave

lrsquoavance et agrave preacutevenir relegravevent habituellement

plutocirct de la speacutecificiteacute meacutedicale

Par ailleurs sur le terrain la position et latti-

tude du psychologue sont encore une fois un

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 17

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

peu particuliegraveres pour lui puisqursquoil doit assurer

une preacutesence rassurante contenante (voire

maternante au sens de Winnicott) apporter de

la chaleur et de lhumaniteacute Lrsquointervention drsquour-

gence se situe du cocircteacute du holding Ferenczi

en charge des soldats en prise avec des neacute-

vroses de guerre soulignait deacutejagrave ce pheacuteno-

megravene de reacutegression des patients les faisant re-

venir agrave un stade archaiumlque (en proie agrave des an-

goisses violentes et massives de destruction

morcellementhellip) et agrave des comportements in-

fantiles (ne plus savoir marcher perdre son

autonomie pour les besoins de la vie quoti-

dienne etc) Ici le traumatisme est externe et

agit par effraction physique et psychique deacute-

sorganisant les modaliteacutes deacutefensives habi-

tuelles On dit aussi que le traumatisme est en-

treacute par tous les pores de la peau et envahit

tous les sens (visuels olfactifs auditifs etc) Il

srsquoagit alors pour le psychologue drsquoexercer une

veacuteritable fonction de pare-excitation

drsquoenveloppe protectrice (Au sens de D Winni-

cott et de D Anzieu) fonction qui peut srsquoac-

compagner de gestes apaisants

Travailler dans ce type de dispositif ne srsquoimpro-

vise pashellip Ainsi le psychologue doit avoir reccedilu

une formation speacutecifique A lrsquoappui un nouvel

Extrait du code de deacuteontologie des psycho-

logues chapitre compeacutetences

Le psychologue tient ses compeacutetences de

connaissances theacuteoriques reacuteguliegraverement mises

agrave jour drsquoune formation continue et drsquoune forma-

tion agrave discerner son implication professionnelle

dans la compreacutehension drsquoautrui

Pour notre domaine drsquointervention la for-

mation porte avant tout sur

1 La clinique traumatique la symptomatologie

de la neacutevrose traumatique de lrsquoESPT mais

aussi de tous les eacutetats de deacutesorganisa-

tion aigus des comportements de panique col-

lective etc elle porte eacutegalement sur le fonc-

tionnement psychique entraveacute par le trauma

donnant lieu agrave des reacuteameacutenagements transi-

toires parfois tregraves eacuteloigneacutes drsquoune clinique clas-

sique

2 La dynamique de groupe un groupe pris

dans une catastrophe repreacutesente une enve-

loppe psychique groupale qui elle-mecircme peut

se trouver effracteacutee par la violence de lrsquoeacuteveacutene-

ment le collectif est alors briseacute et ne pourra

plus fonctionner comme avanthellip Que la prise

en charge soit groupale ou bien mecircme indivi-

duelle il est fondamental drsquoecirctre au clair avec

ces concepts de la clinique groupale

Nous venons de pointer les principales con-

naissances et compeacutetences neacutecessaires au

psychologue qui intervient dans lrsquourgence ou

dans des dispositifs de soins exceptionnels mis

en place suite agrave des eacuteveacutenements qui sortent de

lrsquoordinairehellip pour autant ce savoir-faire nrsquoa de

sens que srsquoil srsquoarticule avec un savoir-ecirctre

propre agrave la fonction habituelle du psychologue

2 LORSQUE LE SAVOIR-FAIRE REJOINT

LE SAVOIR-EcircTRE

Je poursuis ma lecture du code de deacuteontologie

(chapitre compeacutetences) le psychologue est

garant de ses qualifications particuliegraveres et deacute-

finit ses limites propres compte tenu de sa for-

mation et de son expeacuterience Il refuse toute in-

tervention lorsqursquoil sait ne pas avoir les compeacute-

tences requises Ainsi il doit savoir sil peut

assurer un soin immeacutediat dans lrsquourgence ou srsquoil

doit refuser ce type de mission en fonction de

ses limites personnelles et professionnelles de

sa vulneacuterabiliteacute (changeante au fil du temps et

de son histoire personnelle) de ses projections

eacuteventuelles

Il est inviteacute eacutegalement agrave repeacuterer et agrave connaicirctre

ses propres reacuteactions psychiques agrave leacutecoute de

ce type de patients de ce qui tient parfois de

lintoleacuterable savoir ou apprendre agrave repeacuterer

ses limites personnelles ses propres fan-

tasmes de sauveur ou ses mouvements

drsquoidentification agrave la victime crsquoest agrave dire ses

propres eacutelans contre-transfeacuterentiels Ces con-

naissances restent largement favoriseacutees par un

travail personnel au cours duquel le psycho-

logue a appris agrave ecirctre eacutecouteacute et par la mise en

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 18

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

place de supervision reacuteguliegravere

Dans le cadre de lrsquourgence meacutedico-

psychologique le psychologue est le seul agrave de-

voir se passer drsquoinstrument (pas de mateacuteriel

meacutedical ni de theacuterapeutique meacutedicamenteuse

ou encore de mateacuteriel technique reacuteserveacutes aux

meacutedecins infirmiers secouristes etc) De ce

fait comme lrsquoexprime Colette Chiland il devient

son propre instrument celui qui permet de

comprendre et drsquointervenir agrave mains nues

Lrsquooriginaliteacute de sa formation vient du travail sur

soi que le clinicien a effectueacute pour acqueacuterir

une certaine maicirctrise de lui-mecircme comme ins-

trument Autrement dit ce que le psychologue

met au service de lrsquoautre ce ne sont pas seule-

ment ses connaissances mais aussi son appa-

reil psychique sa psycheacute son fonctionnement

sa capaciteacute de ressentir de comprendre et

drsquoeacutelaborer Le savoir du clinicien devient un sa-

voir vivant incarneacute ougrave il paie de sa personne

Crsquoest principalement cette position qui le dis-

tingue drsquoun autre intervenant

Dans la clinique du traumatisme il est fonda-

mental de prendre conscience de ce qursquoon

eacuteprouve lors de lrsquoeacutecoute drsquoun blesseacute psychique

aux prises avec des pheacutenomegravenes drsquoeffractions

internes afin de ne pas ecirctre gouverneacute par des

reacuteactions non controcircleacutees dans la compreacutehen-

sion du patient et dans la reacuteponse qursquoon lui

donnera Nous voyons comment cette eacutecoute

ne peut se contenter drsquoun savoir plaqueacute elle

doit ecirctre au contraire un travail actif qui permet

des allers ndash retours entre probleacutematique per-

sonnelle et ressenti du patient sans que cette

premiegravere nrsquointerfegravere de maniegravere neacutegative Et

crsquoest bien en restant sensible et en acceptant

de le rester dans les limites que nous venons

de fixer que le sujet se sentira libre drsquoexprimer

eacutemotions penseacutees honteuses sentiments de

culpabiliteacute et drsquohumiliation inheacuterents agrave la dyna-

mique traumatique

Enfin nous le savons bien lrsquoeacutecoute srsquoexerce

dans un double registre ce qui est dit et ce qui

nrsquoest pas dit le contenu manifeste et le conte-

nu latent Ces dimensions concernent tout au-

tant le clinicien qui doit savoir se taire pour lais-

ser lrsquoautre parler et parler pour lui faciliter la pa-

role Dans notre contexte drsquourgence meacutedico-

psychologique le psychologue doit eacutegalement

chercher agrave eacutetablir petit agrave petit et degraves que pos-

sible une distinction entre fantasmes

(individuels) et eacuteveacutenements reacuteels (veacutecus par

tous) pour diffeacuterencier angoisse interne

(subjective) et peur (objective) des objets ex-

ternes

Il est ainsi un passeur agrave ce moment de frac-

ture dans lrsquohistoire du sujet Il fait alors le lien

entre le passeacute la bregraveche traumatique et la

reconstruction agrave venir

EN CONCLUSION

Dans un contexte hors du commun puisque

hors cadre et souvent hors demande il me

paraicirct essentiel de garder nos re-

pegraveres classiques de psychologue clinicien

Soulignons que nous restons pour le patient un

psychologue supposeacute savoir Dans cette cli-

nique deacuteroutante et violente bien entendu le

cadre interne tapisseacute de connaissances speacuteci-

fiques devient opeacuterant et garant de notre pro-

fessionnalisme Nous voyons finalement agrave quel

point la speacutecialisation est en partie incontour-

nable (mais comme pour tout autre type de cli-

nique les soins psychiques aupregraves de sujets

deacutependants en fin de vie de patients psycho-

tiques de nourrissons de familles de sans-

logishellip ne srsquoimprovisent pas drsquoavantage) sans

nous faire perdre de vue le socle de formation

commun qui nous reacuteunit et met en exergue la

speacutecificiteacute du Psychologue qui se caracteacuterise

bien par son orientation vers lrsquoeacutecoute qui prend

sens eacutecoute drsquoune parole drsquoun trajet drsquoune

rupture dans la continuiteacute discours drsquoun sujet

agent de son propre destin

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 19

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

Aider agrave penser limpensable en oncologie

Anna Elli Pardo Oncologie meacutedicale Hocircpital Saint-Louis

J ai commenceacute agrave travailler agrave lhocircpital

comme psychologue en oncologie agrave la fin

des anneacutees 80

Le contexte eacutetait diffeacuterent de maintenant

Deux choses mavaient beaucoup marqueacutee et

interpelleacutee

- le manque de prise en charge de la douleur

- lattitude qui consiste agrave cacher la maladie et

sa graviteacute aux patients

La douleur neacutetait pas une cible de laction theacute-

rapeutique elle avait une valeur diagnostique

supposeacutee sameacuteliorer avec les traitements de

la maladie sans une attention particuliegravere agrave son

traitement (1)

Le meacutedecin eacutetait perccedilu comme deacutetenteur dune

veacuteriteacute qui faisait loi

Voilagrave quelques propos quil neacutetait pas rare

dentendre de la part du meacutedecin au patient

Faites-moi confiance ne pensez agrave rien la chi-

miotheacuterapie cest mon problegraveme vous pensez

agrave gueacuterir on aura toujours une moleacutecule pour

vous soigner on va se battre

Au deacutecegraves du patient on pouvait entendre il

est mort mais en reacutemission

Et le meacutedecin sadressant agrave moi ne parlez

pas de la mort aux patients vous savez on a

deacutejagrave vireacute une psychologue

Plusieurs eacuteveacutenements vont faire eacutevoluer la meacute-

decine et son discours dans la prise en charge

du patient

Agrave la fin du XXegraveme siegravecle lOrganisation Mon-

diale de la Santeacute (circulaire du 19-1-1994) a

deacutefini comme prioriteacute la lutte contre la dou-

leur

La creacuteation des eacutequipes anti-douleur sera un

eacuteveacutenement important ainsi que la recherche de

nouveaux antalgiques Lrsquoeacutevolution de cette

prise en charge va se reacutepandre en canceacuterolo-

gie et dans la meacutedecine en geacuteneacuteral

Les premiers Eacutetats Geacuteneacuteraux de la Ligue

contre le Cancer ont donneacute la parole aux pa-

tients il y a eu une demande de psychologues

dans les services pour une prise en compte de

la deacutetresse psychique

Le Plan Cancer en 2006 va donner des direc-

tives qui reacuteglementent aujourdhui la consulta-

tion dannonce et les soins de supports

La psycho-oncologie neacutee aux Eacutetats-Unis arrive

aussi en Europe et cest en 1994 quest creacuteeacutee

la Socieacuteteacute Franccedilaise de Psycho-Oncologie

(SFPO)

Son but est de deacutevelopper des outils des meacute-

thodes pour deacutepister et ainsi traiter preacutecoce-

ment les risques des difficulteacutes psychologiques

Elle sinscrit dans une approche bio-psycho-

sociale de la maladie canceacutereuse La speacutecifici-

teacute nest pas la prise en compte de la subjectivi-

teacute du patient mais ladaptation de celui-ci aux

diffeacuterentes situations traverseacutees pendant la ma-

ladie Cette discipline qui eacutetudie les attitudes

psychologiques et eacutemotionnelles survenant

pendant la maladie canceacutereuse pourrait laisser

croire quil y a des reacuteactions speacutecifiques agrave cette

maladie Son approche est de plus en plus co-

gnitivo-adaptative avec protocoles reacutefeacuterentiels

deacutemarche qualiteacute

Dans le champ de la psycho-oncologie on

trouve le terme de psycho-oncologue

Ce mot est utiliseacute de faccedilon un peu anarchique

on y trouve le psychologue le psychiatre mais

aussi dautres professionnels intervenant au-

pregraves des malades et de leur famille Ce nest

pas parce que nous avons quelques connais-

sances en oncologie que nous pouvons utiliser

ladjectif oncologue

Ce terme peut ecirctre source de confusion il ne

deacutefinit pas notre speacutecificiteacute et il me paraicirct aussi

seacutegreacutegatif dune pathologie

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 20

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

Cest pour cela que nous voulons garder le

terme de psychologue clinicien

Dans ce mot il y a la dimension clinique cest agrave

dire lobservation du patient agrave son chevet

Mon travail consiste agrave accompagner soutenir

le patient dans ce parcours difficile quil entre-

prend avec la maladie

Le cancer produit un remaniement identitaire

pour le sujet ce qui neacutecessite de lui offrir un

espace de parole

Cest la psychanalyse qui de mon point de vue

offre les meilleurs outils pour travailler la cli-

nique du reacuteel Cest avec notre propre parcours

analytique que nous psychologues pouvons

bien prendre en compte la dimension incons-

ciente propre agrave lhumain

Je ne me situe donc pas dans le champ de la

psycho-oncologie au discours trop normatif

Notre clinique dans un service dhospitalisation

Cest agrave tout stade deacutevolution de la maladie

quun travail theacuterapeutique peut se mettre en

place avec le psychologue

On a beaucoup parleacute du dispositif dannonce

annonce du diagnostic visant agrave assurer agrave la fois

une bonne administration du soin et son

humanisation

Ces consultations cherchent agrave atteacutenuer limpact

traumatique Il est proposeacute au patient de ren-

contrer un psychologue

Il nest pas rare que le patient me dise ils ne

se rendent pas compte il y a trop dinforma-

tions drsquoun seul coup je nai pas encore reacutealiseacute

que jai un cancer et on me parle de perruque

pour la perte des cheveux de dieacuteteacuteticien de

psy mais je nen suis pas lagrave moi

Pour les patients cest la deacutecouverte brutale du

diagnostic puis le choc des traitements Nous

savons que le temps psychique nest pas le

temps meacutedical et que dans cette clinique cest

au cas par cas que nous pouvons intervenir ce

qui est traumatique pour un patient ne lest pas

pour un autre

Un patient me disait reacutecemment le cancer

menvahit je ne pense quagrave ccedila je ne peux plus

lire regarder un film il est omnipreacutesent Voilagrave

une description du reacuteel

Il sagit de faire entendre agrave une eacutequipe meacutedi-

cale tourneacutee plus vers la maladie que vers le

malade et ce dans une organisation tregraves tech-

nique et de plus en plus sophistiqueacutee la neacuteces-

siteacute de prendre en compte la subjectiviteacute du pa-

tient dans un espace qui en paraicirct deacutepourvu

La demande de leacutequipe vis agrave vis du psy peut

correspondre agrave une demande de compliance

au traitement que le patient refuse elle sou-

haite aussi souvent que le psy reacuteconforte le pa-

tient agrave qui on a donneacute une mauvaise nouvelle

Comme dit Jeacuterocircme Alric dans son article Qui

eacutecoute quoi la sphegravere psychologique de-

vient une fonction constituante de la personne

globale au mecircme titre que la sphegravere digestive

dermatologique et dont il faut soccuper (2)

Au psychologue de faire valoir aupregraves du pa-

tient lintention de lui donner une place pour

entendre et faire entendre sa position subjec-

tive

Souvent je suis interpelleacutee par les soignants

dans des situations de deacutetresse par exemple

quand les antalgiques se reacutevegravelent inefficaces

ou sont refuseacutes Dans les entretiens les pa-

tients deacuteplient leur histoire leur roman fami-

lial La douleur physique se mecircle agrave la souf-

france psychique

Une patiente qui avait un cancer du sein avec

des meacutetastases osseuses me disait jai mal

lagrave en me montrant sa poitrine

Je lui avais demandeacute si elle en avait parleacute au

meacutedecin

Elle me reacutepondit en me regardant droit dans les

yeux cette douleur-lagrave le meacutedecin ne peut

pas me la soigner cest lhistoire avec mon ma-

ri qui me fait mal Celui-ci lavait quitteacutee et elle

se retrouvait seule avec son jeune fils

En quelques mots elle avait situeacute ce qui la fai-

sait souffrir au-delagrave des localisations meacutetasta-

tiques Elle savait faire la diffeacuterence entre le

physique et ce qui venait lagrave sajouter agrave sa

propre histoire douloureuse

Comme dit Clavreul dans Lordre meacutedical la

souffrance renvoie le sujet qui leacuteprouve agrave son

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 21

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

fantasme cest-agrave-dire agrave sa propre histoire et au

discours quil peut tenir sur son histoire Il y a

un seul discours qui se tienne sur la souf-

france et cest celui de la personne qui

leacuteprouve (3)

Un patient encore reacutecemment me disait ne pas

vouloir devenir grabataire comme son pegravere

Il seacutetait occupeacute de lui depuis son plus jeune

acircge il poussait la chaise roulante dans ses deacute-

placements il eacutetait sa beacutequille Mon patient ar-

riveacute en fin de vie voudra jusqursquoau bout se deacute-

placer aux toilettes et rester indeacutependant dans

les gestes du quotidien

Aux soignants qui ne comprenaient pas pour-

quoi il sobstinait agrave vouloir faire tout seul des

gestes devenus si difficiles il a fallu dire sans

reacuteveacuteler le pourquoi combien ceacutetait important

pour le patient de garder cette indeacutependance

Ceacutetait pour lui sa digniteacute sa liberteacute sa volonteacute

Je voudrais mettre laccent sur la singulariteacute de

ces rencontres avec des patients deacutejagrave tregraves gra-

vement atteints et qui degraves le premier entretien

se saisissent de cette possibiliteacute de parole

Il y a la douleur et lautre versant de la souf-

france langoisse

Monsieur O est un patient algeacuterien qui a eacuteteacute

opeacutereacute drsquoun cancer du poumon Avant linterven-

tion chirurgicale il se sentait precirct agrave affronter

cette eacutepreuve cest apregraves quil a senti ses

forces diminuer Jai changeacute je ne suis plus le

mecircme quavant en fait je crois que je nai pas

accepteacute lopeacuteration Il dit regretter il aurait preacute-

feacutereacute vivre avec son cancer il serait mort avec

Ce qui semble bouleverser ce patient nest pas

tant la maladie en elle-mecircme que ses conseacute-

quences Avec ce bout de corps quon lui a reti-

reacute cest aussi toute une part de lui qui semble

partie

Leacutepreuve du cancer entraicircne toujours une at-

teinte de linteacutegriteacute corporelle

Ce corps qui est traiteacute par le meacutedical de faccedilon

organique biologique revient souvent dans le

discours des patients Ce qui eacutemerge cest

lhorreur des amputations des meacutetastases qui

se reacutepandent agrave linteacuterieur du corps mais aussi

ce qui se donne agrave voir agrave toucher Un corps en-

dommageacute que le patient a du mal agrave reconnaicirctre

comme le sien qui se bouche qui enfle qui

eacutetouffe

Le corps peut devenir un objet agrave controcircler per-

seacutecuteur qui nest plus investi de deacutesir Cette

parole descriptive du corps peut prendre toute

la place dans le discours du patient avant que

quelque chose du subjectif nrsquoapparaisse

Cest dans un deuxiegraveme temps que Monsieur

O apregraves avoir exprimeacute limpossibiliteacute daccep-

ter cette perte anatomique ndash une partie du pou-

mon ndash pourra associer sur dautres pertes qui

viennent sintriquer entre passeacute et preacutesent

Langoisse de mort est tregraves freacutequente dans

cette pathologie dans les entretiens il ne sagit

pas de viser directement ce que nous pensons

ecirctre lobjet de cette angoisse mais de soutenir

dans la conversation les deacutetours de cette indi-

cible

Lintervention aupregraves de la famille nest pas

rare

Monsieur L 63 ans a un cancer de la vessie et

il est deacutecrit par leacutequipe soignante comme tregraves

exigeant et peacutenible Je deacutecide daller me preacute-

senter

Il me fait une description assez preacutecise de sa

maladie qui a deacutebuteacute il y a quelques mois Je

lui demande ce quil pense lui de tout ccedila Il me

regarde attend plusieurs secondes et me reacute-

vegravele que sa femme a une maladie heacutematolo-

gique agrave surveiller et quil sinquiegravete beaucoup

pour elle Ils nont pas denfant Il ajoute que

dans le service on ne lui fait pas grand-chose

son eacutetat ne srsquoameacuteliore pas quil serait mieux

avec sa femme En mecircme temps elle ne peut

pas soccuper de lui agrave la maison Il part dans

un SSR (soins de suite et de reacuteeacuteducation)

Quelques semaines apregraves il revient dans le

service et il demande agrave me voir Il va ecirctre tregraves

direct On vient de lui parler de son mauvais

pronostic agrave court terme il veut que je le ren-

contre avec sa femme Il me dit Elle deacuteprime

Si je meurs elle va se laisser mourir Pour moi

cest insupportable Effectivement sa femme

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 22

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

est tregraves deacuteprimeacutee affaiblie par sa maladie

mais elle accepte de voir son geacuteneacuteraliste et

prendre un traitement On lui trouve un heacuteber-

gement agrave la Maison des Parents pour lui eacuteviter

lrsquohocirctel Elle sera sur place pour voir son mari

elle pourra eacutechanger avec les familles heacuteber-

geacutees agrave la Maison des Parents Petit agrave petit elle

tisse des liens Son mari deacutecline rapidement je

la vois dans la chambre elle me parle de lui

des choses quils aimaient faire ensemble Elle

est calme rassureacutee par la preacutesence de

lrsquoeacutequipe Apregraves la mort de son mari nous nous

sommes revues puis teacuteleacutephoneacute et rapidement

elle prend la deacutecision de deacutemeacutenager agrave Annecy

pregraves dune amie Elle aura un suivi heacutematolo-

gique lagrave-bas

Jai souvent penseacute agrave cet homme dont le dis-

cours eacutetait centreacute sur la plainte et qui a changeacute

rapidement de registre agrave partir du moment ougrave

on a pris en compte sa souffrance et soutenu

sa femme aupregraves de lui

Dans notre travail il me paraicirct important de

rendre compte aux eacutequipes de nos interven-

tions pour permettre aux soignants des eacuteclair-

cissements sur la souffrance psychologique

des patients Cela peut permettre un change-

ment de rapport soignant-patient dans des si-

tuations ougrave le patient par langoisse sous-

jacente se montre peacutenible pour lrsquoeacutequipe voire

agressif agrave son eacutegard

Toujours pour ce qui concerne la famille une

reacuteelle eacutevolution a eacuteteacute la prise en compte des

enfants du patient Degraves le diagnostic et tout le

long de la maladie une attention particuliegravere de

la part de leacutequipe permet deacuteviter les situations

dramatiques que lon rencontrait dans le pas-

seacute lorsque lenfant deacutecouvrait la graviteacute de la

maladie du parent la veille de la mort de celui-

ci sans avoir eu la possibiliteacute de sy preacuteparer et

den parler

Pour conclure je dirai que la science et la tech-

niciteacute ont beaucoup eacutevolueacute agrave lhocircpital mais quil

y a eu peu de changement du cocircteacute de la prise

en compte meacutedicale de la dimension subjective

des patients

On est passeacute dune prise en charge de la dou-

leur qui eacutetait nieacutee agrave des situations parfois de

surmeacutedicalisation La meacutedecine malgreacute ses

progregraves consideacuterables ne peut pas soulager

toute les douleurs et encore moins de faccedilon

systeacutematique et protocolaire Elle doit tenir

compte de la singulariteacute de chaque patient

De mecircme sil y a encore une vingtaine dan-

neacutees on ne donnait pas suffisamment dinfor-

mations meacutedicales sur la maladie et le devenir

du patient on est passeacute aujourdhui agrave un trop

dinformations dans loptique de dire la veacuteriteacute

au malade et de le preacuteparer sur le chemin de

sa fin de vie

Il nest pas rare que je rencontre un patient agrave

qui on a asseneacute une veacuteriteacute meacutedicale quil ne

voulait pas entendre Pour le patient il sagit de

pouvoir se deacuteprendre de ce savoir meacutedical qui

peut venir empecirccher toute penseacutee le cristalli-

ser dans une angoisse de mort et entraicircner le

sujet vers une mort psychique avant la mort

reacuteelle

Nous sommes lagrave pour partager ce temps avec

lui ce temps qui est incertain et qui permet au

sujet davoir des interrogations exprimer des

affects

Le psychologue dorientation analytique peut

apporter agrave ses eacutequipes un eacuteclairage des situa-

tions

Une collaboration avec les meacutedecins est agrave en-

courager encore faut-il que les meacutedecins puis-

sent prendre le temps et donc se deacutetacher

dune pure gestion des soins pour penser et

analyser leur pratique

1 Baszanger I 1995 Douleur et meacutedecine La

fin dun oubli Le Seuil

2 Alric J 2004 Qui eacutecoute quoi Essai de

repeacuterage de deux postures deacutecoute possible agrave

lhocircpital Eregraves in Collectif sous la direction de

Patrick Ben Soussan Le cancer approche psy-

chodynamique chez ladulte

3 Clavreul J 1978 LOrdre meacutedical Paris Le

Seuil

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 23

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

Modeacuterateur Franccediloise Adriansen CA de Psyclihos

gt Le psychologue entre les lignes des textes

officiels

Nadine Labbeacute Hocircpital Cochin Page 24

gt Titre de psychotheacuterapeute si vous avez man-

queacute le deacutebuthellip

Virginie Rocard Hocircpital Sainte Peacuterine Page 32

gt Psychotheacuterapeute agrave quel titre

Patrice Nomineacute Hocircpital Fernand Widal Page 43

Loi HPST titre de psychotheacuterapeutehellip

Quels changements pour le meacutetier de

psychologue

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 24

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

Le psychologue entre les lignes des textes officiels

Nadine Labbeacute Hocircpital Cochin

V ingt ans se sont eacutecouleacutes depuis la creacutea-tion de Psyclihos Depuis de nombreux rapports textes officiels ont eacuteteacute diffuseacutes

qui concernent la santeacute dune maniegravere geacuteneacute-rale et plus particuliegraverement la santeacute mentale Quelle place nous psychologues avons-nous dans ces eacutecrits De fait lorsque lon interroge la bibliothegraveque des rapports publics sur le site de la Documen-tation franccedilaise sur le terme Psychologue on saperccediloit que seule une liste constitueacutee dune petite cinquantaine de reacutefeacuterences apparaicirct un peu plus toutefois que pour le terme psychiatre qui apparaicirct dans 47 rapports mais beaucoup moins que celui dinfirmier qui apparaicirct dans 121 rapports Jai choisi parmi ces textes ceux qui mont sem-bleacute les plus significatifs dune certaine image du psychologue vu par les politiques ou ladmi-nistration Je vais maintenant vous preacutesenter cette compilation dextraits dans un ordre chro-nologique Lun des premiers rapports qui cite les psycho-logues porte sur les Strateacutegies drsquoutilisation des antiretroviraux dans lrsquoinfection par le VIH en 1998 Il affirme Le soutien par les psy-chologues est lune des pratiques diverses des services hospitaliers qui meacuteritent drsquoecirctre deacuteve-loppeacutees La mecircme anneacutee un rapport sur les Uniteacutes agrave encadrement eacuteducatif renforceacute et leur ap-port agrave lheacutebergement des mineurs deacutelin-quants fait agrave la demande de lInspection Geacuteneacute-rale des Affaires Sociales preacuteconise Afin de preacutevenir lusure des eacutequipes et aussi de leur apporter une certaine capaciteacute de recul il faut mettre en place des proceacutedures de soutien au moment des crises et de supervision dans les-quelles le recours au psychologue simpose En 2000 un rapport au Premier ministre Lionel Jospin Pour une nouvelle politique publique

daide aux victimes fait le constat suivant Pour le reacuteseau de lINAVEM (Feacutedeacuteration natio-nale daide aux victimes et de meacutediation qui comprend 150 associations) les emplois de psychologue repreacutesentent seulement 9 des emplois salarieacutes Cet aspect pourtant fonda-mental de laide aux victimes nest pas suffi-samment deacuteveloppeacute En 1994 lintervention dun psychologue con-cernait environ un quart des associations daide aux victimes Le rapport propose la creacuteation de centres daide pour enfant-adolescent et adulte com-prenant obligatoirement des psychologues cli-niciens Des groupes de parole et deacutecoute pour en-fants victimes seraient animeacutes par des psycho-logues scolaires ayant suivi une formation speacute-cifique ou des psychologues cliniciens exteacute-rieurs Le projet dinteacutegration de psychologues clini-ciens dans les milieux scolaires semble alors ecirctre au cœur de la nouvelle politique publique daide aux victimes Une politique ambitieuse sur le papier hellip Les suites don-neacutees agrave ce rapport ont eacuteteacute la creacuteation dun numeacutero national daide aux victimes en 2001

Pourtant en 2000 on sinteacuteresse beaucoup agrave nous le rapport du Haut comiteacute de la santeacute pu-blique sur la souffrance psychique des ado-lescents et des jeunes adultes consacre un paragraphe au rocircle du psychologue dans le chapitre intituleacute Lrsquoinstitution scolaire Bilan en CM2 Il est eacutecrit

Le recours agrave un psychologue dans le milieu scolaire est pratiquement limiteacute aux tests drsquoorientation Lrsquoabsence de psychologue dans le secondaire semble faire partie de cette mau-vaise image de la psychiatrie qui persiste dans le grand public Le regard drsquoun psychologue exteacuterieur agrave lrsquoeacuteta-blissement dans des reacuteunions reacuteguliegraveres de synthegravese et de concertation peut ecirctre preacutecieux

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 25

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

Ces contacts auraient de plus lrsquoavantage de relier les prises en charge de situations diffi-ciles entre lrsquointeacuterieur et lrsquoexteacuterieur des eacutetablisse-ments et de faire se connaicirctre les profession-nels des diffeacuterentes structures Ainsi 20 des adolescents pensent avoir be-soin de consulter un psychologue mais 137 disent avoir renonceacute du fait de difficulteacutes finan-ciegraveres Toujours en 2000 au colloque sur lrsquoEnfance maltraiteacutee la Ministre deacuteleacutegueacutee agrave lrsquoEnfance et agrave la famille reacuteclame Un psy pour chaque enfant Dans son second rapport Claire Brisset la deacute-fenseure des enfants sinteacuteresse eacutegalement au rocircle des psychologues et agrave leur formation Pour elle les psychologues souffrent depuis longtemps dun problegraveme didentiteacute du fait dune reconnaissance tardive de leur profes-sion et de lexistence de plusieurs types de psychologues recruteacutes agrave des niveaux deacutetudes diffeacuterents en reacutefeacuterence aux psychologues sco-laires et conseillers dorientation- psycho-logues La Deacutefenseure des Enfants propose d -Institutionnaliser les psychotheacuterapies den-fants et dadolescents par des psychologues cliniciens sur prescription du psychiatre et rembourseacutees par la Seacutecuriteacute sociale De la mecircme faccedilon quun meacutedecin speacutecialiste prescrit des seacuteances de kineacutesitheacuterapie qui sont alors rembourseacutees par la seacutecuriteacute sociale un psychiatre aussi bien dans le public que dans le priveacute doit pouvoir prescrire des theacuterapies effectueacutees par un psychologue clinicien Cette mesure qui se pratique deacutejagrave dans cer-tains pays europeacuteens comme lAllemagne ne peut ecirctre mise en place quaux conditions sui-vantes - quune formation homogegravene de psychologie clinique sanctionneacutee par un diplocircme unique soit organiseacutee - que cette formation permette dacceacuteder agrave un nouveau statut de psychologue clinicien recon-nu par lensemble des administrations concer-neacutees - que cette formation soit agrave la fois theacuteorique et pratique Cette reacuteforme permettrait de - mieux utiliser les compeacutetences des nombreux psychologues qualifieacutes actuellement deacutepour-vus dun emploi agrave temps plein ou contraints faute de poste dexercer dautres meacutetiers

Dans cette hypothegravese le psychiatre aurait le rocircle danimateur de leacutequipe soignante et de supervision des psychotheacuterapies meneacutees par les psychologues cliniciens En outre un tel scheacutema devrait pouvoir sappli-quer non seulement dans les structures pu-bliques mais aussi dans le secteur libeacuteral Les psychologues cliniciens peu nombreux en libeacute-ral pourraient alors sinstaller en cabinet (au mecircme titre que les infirmiegraveres ou les masseurs kineacutesitheacuterapeutes) En ce deacutebut des anneacutees 2000 les politiques sinteacuteressent beaucoup aux questions relatives agrave la santeacute en juillet 2000 Martine Aubry alors ministre de lemploi et de la solidariteacute confie aux Drs Piel et Roelandt une mission de reacute-flexion et de prospective dans le domaine de la santeacute mentale qui donnera lieu un an plus tard agrave un rapport intituleacute De la psychiatrie vers la santeacute mentale Un rapport dans lequel on parle peu des psychologues si ce nest pour dire que leur formation est insuffisante et quun internat en psychologie est neacutecessaire ce dont on reparlera beaucoup dans les anneacutees sui-vantes En aoucirct 2001 Psyclihos travaille sur le 1

er rap-

port deacutetape du groupe de travail de la DGS sur leacutevolution des meacutetiers en santeacute mentale Des psychologues de toute la France choqueacutes et inquiets se reacuteunissent au sein du Collectif Na-tional des Psychologues de la FPH Les me-sures preacuteconiseacutees par le 2

egraveme rapport deacutetape

paru en janvier 2002 mettent le feu aux poudres Pour rappel le rapport insiste sur le deacuteveloppement des reacuteseaux de santeacute la mise en place de proceacutedures de protocoleshellip Et surtout il preacutevoit des niveaux dintervention hieacuterarchiseacutes avec des intervenants de 1

egravere

ligne des professionnels de soins primaires et des intervenants speacutecialiseacutes et deacutejagrave des glisse-ments de compeacutetences vers les infirmiers et les meacutedecins geacuteneacuteralistes Il est agrave nouveau question de transfert de com-peacutetences en 2003 avec le rapport Berland sur la deacutemographie des professions de santeacute au titre eacuteloquent Coopeacuteration des professions de santeacute le transfert de tacircches et de compeacute-tences Le chapitre qui nous concerne sinti-tule Un transfert de compeacutetences en psychia-trie difficile agrave organiser Le Pr Berland eacutecrit Les auditions que jai pu mener lors de la mis-

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Quels changements pour le meacutetier de psychologue

sion deacutemographie des professions de santeacute et les eacutechanges que jai pu avoir avec les psy-chiatres ont reacuteveacuteleacute de reacuteelles difficulteacutes agrave envi-sager le transfert de compeacutetences dans le champ de cette speacutecialiteacute En effet si certains professionnels considegraverent souhaitable la mise en perspective de collaborations organiseacutees avec les psychologues cliniciens dautres la trouvent inutile ou non souhaitablehellip Il est neacute-cessaire denvisager la part de lactiviteacute aujour-dhui assureacutee par les psychiatres qui doit ecirctre confieacutee en toute collaboration agrave des psychologues praticiens formeacutes agrave la fois par les faculteacutes de psychologie et les faculteacutes de meacutedecine pour construire ce nouveau meacutetier qui reacutepond agrave un besoin clairement identifieacute Au mecircme moment est diffuseacute le rapport Cleacutery Melun intituleacute Plan dactions pour le deacutevelop-pement de la psychiatrie et la promotion de la santeacute mentale qui reprend les principales pro-positions des rapports preacuteceacutedents par ex con-cernant la reacuteorganisation des soins en psychia-trie Concernant la formation des psycho-logues Ces formations sont tregraves diverses sui-vant les universiteacutes certaines eacutetant speacuteciali-seacutees dans la psychanalyse ce qui aboutit agrave des formations mono reacutefeacuterenceacutees Il en va de mecircme des stages qui sont souvent difficiles agrave trouver et ne permettent pas toujours dassister aux entretiens avec les patients Enfin dans un contexte de plus en plus seacutelectif les examens theacuteoriques et formels prennent le pas sur lac-complissement dun stage et lobtention dune formation clinique Il poursuit Les psychologues souhaitent eux-mecircmes faire progresser cette situation Ils se sont doteacutes dun code de deacuteontologie qui pose des prin-cipes clairs notamment au regard de leur for-mationhellipAvec un stage qui doit correspondre agrave leacutequivalent dun internat en psychologie dont la dureacutee ne devrait pas ecirctre infeacuterieure agrave 2 se-mestres et dont le contenu devrait faire lobjet dune validation finale Toujours en 2003 il faut un rapport eacutecrit par une psychologue pour que le terme soit citeacute 97 fois soit presque dans une page sur deux Cest le rapport de Marie de Hennezel sur Fin de vie le devoir daccompagnement Elle preacuteconise une preacutesence renforceacutee de psy-chologues dans tous les services sensibles

Pour favoriser le maintien agrave domicile des per-sonnes elle demande que lrsquoon eacutetudie la possi-biliteacute drsquoun financement drsquoun forfait de 3 agrave 5 seacuteances avec un psychologue pour un accom-pagnement de fin de vie sur le modegravele de ce qui est proposeacute dans le plan cancerElle de-mande la creacuteation dau moins un mi-temps de psychologue pour chaque service confronteacute agrave la fin de vie des patients Pour elle la Formation universitaire du psycho-logue ne le preacutepare pas neacutecessairement agrave la confrontation avec la mort drsquoautrui et son cor-tegravege drsquoangoisses et de fantasmes Elle ajoute Crsquoest la raison pour laquelle nous estimons qursquoune formation compleacutementaire personnelle (psychanalyse) ou une formation dans le cadre drsquoun DU de soins palliatifs ou drsquoun stage drsquoune semaine au moins dans une uniteacute de soins palliatifs (USP) doit lui permettre d lsquoeacutevaluer srsquoil est precirct ou non agrave travailler dans un service confronteacute agrave la mort des patients srsquoil peut accueillir sans trop drsquoangoisse celles des autres patients familles soignants Pour les psychologues de ville elle pose la question drsquoun conventionnement de la profes-sion puisque seuls les psychologues libeacuteraux inteacutegreacutes dans un reacuteseau (dans le cadre drsquoun groupement de coopeacuteration sanitaire) et reacutemu-neacutereacutes agrave la vacation sont pris en charge par lrsquoassurance maladie Elle ajoute Cela limite consideacuterablement lrsquooffre drsquoaide psychologique agrave domicile En mars 2005 la Commission Peacuterinataliteacute en-fants et adolescents recommande le renforcement des eacutequipes de materniteacute en psychologues dans le but de Mieux prendre en charge la santeacute mentale et les troubles psy-chiatriques de la megravere etou du couple En 2005 le rapport Santeacute justice et dange-rositeacutes pour une meilleure preacutevention de la reacutecidive eacutevoque les formations initiale et conti-nue des psychologues dans le domaine meacutedico-leacutegal qui devraient ecirctre renforceacutees afin de mieux prendre en consideacuteration les probleacutema-tiques relatives agrave la dangerositeacute psychiatrique dans la pratique clinique et la mise en oeuvre de lrsquoexpertise peacutenale Le rapporteur revendique la possibiliteacute pour les psychologues drsquoassurer le suivi du condam-neacute et demande laugmentation des effectifs des services peacutenitentiaires drsquoinsertion et de proba-

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Quels changements pour le meacutetier de psychologue

tion notamment par lrsquointeacutegration de psycho-logues au sein des eacutequipes Dans son rapport sur Le fonctionnement des services dinformation et dorientation lIns-pection geacuteneacuterale de lEducation nationale re-met largement en question le statut des con-seillers dorientation-psychologues Des divergences de vues interviennent sou-vent entre ceux qui sont issus de la psycholo-gie essentiellement clinique et les autres qursquoils aient eacutetudieacute la psychologie du travail ou la so-ciologie lrsquoeacuteconomie le droit lrsquohistoire ou la phi-losophie Lrsquoouverture drsquoesprit des seconds aux questions du marcheacute de lrsquoemploi ou mecircme aux perspec-tives de deacutecentralisation est freacutequente Les psychologues cliniciens semblent plus autocen-treacutes individualistes voulant se concentrer sur leur pratique au jour le jour de conseil et drsquoac-compagnement des individus deacutesireux drsquoap-porter des solutions au cas par cas(sic ) Lrsquoeacutevolution de la profession qui a gagneacute le titre de psychologue en 1991 va dans le sens drsquoune eacutemancipation tout agrave fait eacutetonnante Les COPsy constituent un cas singulier drsquoexercice libeacuteral au sein mecircme de la fonction publique Ils nrsquoont en fait de comptes agrave rendre agrave personne lrsquoautori-teacute des directeurs est purement formelle (hellip) Et comble les conseillers ne sont pas inspecteacutes() Le rapport propose de scinder le corps des COPsy avec dun cocircteacute des psychologues de lenseignement secondaire et de lautre des conseillers dinformation et dorientation Les missions des psychologues de leacuteducation seraient centreacutees sur le deacutepistage et lexamen des eacutelegraveves pour lesquels on craint une inadap-tation la preacutevention des deacutecrochages la preacute-vention des conduites addictives en lien avec le personnel meacutedico-social leacutecoute un premier accompagnement dans les cas de profondes souffrances psychologiques le lien avec les services exteacuterieurs hellip Dans les eacutetablissements les psychologues complegraveteraient et renforceraient leacutequipe eacutedu-cative et meacutedico-sociale Pour lIGEN il est manifeste que les conseil-lers drsquoorientation-psychologues nrsquoont ni le temps ni les compeacutetences ni les moyens de faire face seuls agrave lrsquoensemble des missions que les usagers (au sens large du terme) pour-raient attendre drsquoeux Si beaucoup de responsables ministeacuteriels re-

grettent fortement lappellation de psycho-logues du statut de 1991 il faut reconnaicirctre que peu de personnels souhaitent labrogation totale de cette appellation y compris parmi ceux qui ont eacuteteacute recruteacutes avant 1990 sans avoir fait deacutetudes initiales de psychologie Il convient aussi de signaler quil y a unanimiteacute pour consideacuterer quon ne peut pas faire de psy-chologie clinique ou theacuterapeutique dans les eacutetablissements Tous pensent mecircme que cest impossible En fait en 1991 il aurait fallu creacuteer par la loi un statut de conseiller qui existe dans dautres pays Pour autant les auteurs concluent que la ques-tion de labrogation du statut de psychologue a eacuteteacute poseacutee mais ils ont consideacutereacute que ce neacutetait pas opportun dans le contexte actuel Mais le recrutement doit ecirctre diversifieacute Il srsquoagit de mettre un terme au monopole des li-cencieacutes en psychologie qui de lrsquoavis de la grande majoriteacute de nos interlocuteurs et notam-ment de lrsquoencadrement des services drsquoorienta-tion et des formateurs nrsquoest nullement imposeacute par lrsquoexercice des missions et a reacuteduit la diver-siteacute intellectuelle qui caracteacuterisait le corps avant 1991 En outre le poids excessif des li-cencieacutes en psychologie a favoriseacute des attitudes drsquoindividualisme et de repli au deacutetriment des autres facettes de la profession Dans le rapport fait au nom de la mission dinformation sur la famille et les droits de lenfant en 2006 Valeacuterie Peacutecresse et Patrick Bloche recommandent de faire prendre en charge par lassurance-maladie les consulta-tions des mineurs et de leur famille aupregraves de psychologues sur prescription meacutedicale afin dameacuteliorer la prise en charge des enfants et de leur famille On reparle encore de formation des psycho-logues en 2006 avec le rapport de la mission parlementaire de Jean-Paul GARRAUD sur la dangerositeacute Il comprend un chapitre impor-tant relatif agrave lexpertise psychologique et au psychologue expert on eacutetait agrave leacutepoque en pleine affaire dOutreau Il souligne encore une fois lrsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute des diplocircmes tous les psy-chologues ne suivent pas une formation en psychopathologie clinique et peuvent avoir des formations theacuteoriques tregraves diverses Il conviendrait de redeacutefinir le champ drsquointerven-tion des psychologues fondeacute sur leur qualifica-

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tion professionnelle et drsquoenvisager les possibili-teacutes de lrsquoarticulation de leurs expertises avec celles effectueacutees par les psychiatres Organiser une confeacuterence de consensus sur lrsquoexpertise psychologique afin de reacutefleacutechir sur les objectifs et les limites des expertises psy-chologiques lrsquoidentiteacute lrsquoeacutethique et la deacuteontolo-gie des experts leur solitude ainsi que sur les modaliteacutes pertinentes de reacutealisation des exper-tises et de leur eacutevaluation Ceci est resteacute un vœu pieux agrave ce jour hellip Il revendique Une plus grande qualification des formations des psychologues Outre une maturiteacute professionnelle une forma-tion particuliegravere est neacutecessaire (connaissance des diffeacuterents types et champs drsquoexpertise des proceacutedures judiciaires aspects criminolo-giques deacuteontologiqueshellip) Cette speacutecialisation pourrait deacutecouler drsquoun cur-sus post-universitaire en psychologie clinique et pathologique agrave lrsquoexemple des DU sur la pratique de lrsquoexpertise psychologique ou la psy-chologie leacutegale (Universiteacute Lille Aix-Marseille Rouen Poitiershellip) En 2007 les psychologues sont les stars du rapport de lIGAS consacreacute agrave Gestion et utili-sation des ressources humaines dans 6 eacuteta-blissements de santeacute speacutecialiseacutes en psy-chiatrie le terme psychologue apparaicirct 224 fois Les reacuteveacutelations sont lagrave encore fracassantes Il faut adapter le statut et le cursus de forma-tion et de carriegravere des psychologues pour mieux utiliser leurs compeacutetences et les inteacutegrer dans les eacutequipes Les problegravemes de peacutenurie de psychiatres doivent ecirctre anticipeacutes par une seacuterie de mesures - augmenter les attributions des psychologues en leur permettant dans certains cas deffec-tuer des actes jusque lagrave reacuteserveacutes aux meacutede-cins - ouvrir une formation de manager de structure psychiatrique agrave des cadres intermeacutediaires type cadre supeacuterieur de santeacute psychologue cadre socio-eacuteducatif Il serait possible douvrir le concours de cadre supeacuterieur de santeacute agrave dautres professions soi-gnantes psychologues eacuteducateurs speacuteciali-seacutes assistants de service social Les psychologues peuvent-ils remplacer les psychiatres et agrave quel prix Ce nest pas seulement parce quon manque

de psychiatres cest aussi parce que les psy-chologues repreacutesentent une certaine tradition de la psychiatrie europeacuteenne pas uniquement arc-bouteacutee sur les traitements chimiotheacuterapeu-tiques Cest aussi parce quils possegravedent en principe des compeacutetences permettant de deacuteve-lopper des aspects tregraves importants en psychia-trie - eacutevaluation des capaciteacutes cognitives et mise au point de programmes de reacutehabilitation - psychotheacuterapies de diverses natures eacutegale-ment de soutien dans les cas de traitement meacute-dicamenteux lourd - supervision de groupes de soignants pour eacuteviter les pheacutenomegravenes de chroniciteacute de mal-traitance - encadrement deacutequipes notamment de pro-fessionnels dhorizons divers Il est clair quil serait eacutegalement inteacuteressant de pouvoir leur confier des accueils de 1

egravere ligne

degraves lors que nombre de demandes de consul-tation signifient plutocirct une souffrance psychique quune pathologie psychiatrique La question de savoir sils devraient avoir le droit de prescrire ou de renouveler des pres-criptions au long cours meacuterite decirctre poseacutee Une telle eacutevolution neacutecessiterait une speacutecialisa-tion apregraves le diplocircme geacuteneacuteral de psychologue peut-ecirctre linstauration de ce que daucuns ap-pellent un internat et cette fois commun avec linternat en psychiatrie En attendant davoir notre ordonnancier si tant est que nous le souhaitions les tacircches speacuteci-fiques en psychiatrie pour les psychologues tout ce qui sapparente au bilan agrave leacutevaluation aux psychotheacuterapies de diverses obeacutediences Voilagrave ce que pensent les politiques et les admi-nistratifs de notre meacutetier mais ccedila nest pas la reacutealiteacute de notre meacutetier Tout dabord quelques chiffres sur la deacutemogra-phie des psychologues Nous sommes de plus en plus nombreux de 5500 eacutequivalents temps plein en 1997 agrave 11500 en 2009 preuve que notre rocircle est de plus en plus reconnu par les eacutetablissements Il reste encore beaucoup agrave faire en clinique priveacutee ougrave ils ne sont que 350 ETP La preacutecariteacute est tou-jours le lot de notre profession Il y a deux fois plus de psychologues agrave temps partiel que dans les autres emplois non meacutedicaux 40 de psy-chologues sont agrave temps partiel dans le public plus des trois quarts dans le priveacute soit le

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double La profession est tregraves feacuteminiseacutee avec 8 femmes sur 10 psychologues elles ont en moyenne cinq ans de moins que leurs con-fregraveres masculins la moyenne dacircge eacutetant de 42 ans Les femmes de moins de 40 ans repreacute-sentent 38 des effectifs nationaux La densiteacute nationale des psychologues est de 37 psychologues pour 100000 habitants soit un psychologue pour 2700 Par comparaison celle des psychiatres est de 22 pour 100000 habitants La densiteacute en psychologues libeacuteraux est de 7 Concernant les secteurs dactiviteacute 87 des psychologues sont salarieacutes Un tiers exerce dans un eacutetablissement de santeacute principalement du secteur public ougrave 7 sur 10 sont employeacutes agrave plein temps Lexercice en libeacuteral ne concerne que 8 des effectifs Comment les psychologues perccediloivent-ils leur meacutetier Dana Castro et Marie Santiago ont publieacute dans Le Journal des psychologues ndeg 233 deacutec 2005- janv 2006 les Reacutesultats dune enquecircte na-tionale sur Evolution des repreacutesentations et construction identitaire du meacutetier de psy-chologue Les donneacutees ont eacuteteacute recueillies agrave partir de 93 questionnaires suite agrave une enquecircte nationale lanceacutee par le Journal des Psychologues aupregraves de ses lecteurs fin 2004 Les reacutesultats montrent que les psychologues ont une image assez steacutereacuteotypeacutee de leur meacute-tier qui ne se modifie pas significativement ni au cours des eacutetudes ni agrave lentreacutee dans la vie professionnelle Au deacutebut de leurs eacutetudes 50 des reacutepondants perccediloivent le psychologue comme un speacutecialiste de laide et de leacutecoute Pour 27 cest un meacutetier qui sexerce en solitaire 30 disent ne pas en avoir une repreacutesentation preacute-cise La repreacutesentation de la profession eacutevolue pro-gressivement Apregraves quelques anneacutees dexer-cice le psychologue perccediloit davantage sa fonc-tion certes encore comme un meacutetier daide et deacutecoute pour la moitieacute dentre eux mais qui sexerce en eacutequipe pour 21 selon des moda-liteacutes et avec des outils speacutecifiques au premier rang desquels lentretien et lexamen psycholo-giques pour 18 des reacutepondants La repreacutesentation du meacutetier se modifie-t-elle au

cours du cursus universitaire - Non pour 22 des reacutepondants pour lesquels elle reste identique tout au long du parcours - Oui pour 36 pour lesquels elle se modifie gracircce aux enseignements theacuteoriques en lien avec la clinique et la psychopathologie - Encore oui pour 34 pour lesquels elle se transforme gracircce aux stages et au contact des professionnels Dune maniegravere geacuteneacuterale les psychologues comptent sur eux-mecircmes et leurs compeacutetences en matiegravere dexpeacuterience dapprentissage sur le tas de solidariteacute et de travail en eacutequipe plutocirct que sur la qualification qui elle valorise les titres les connaissances formelles la revendi-cation de lautonomie et les distinctions statu-taires Seul 1 des reacutepondants eacutevoque les no-tions dorganisation du travail en terme de sta-tut professionnel de cadre A de reacutemuneacuteration de formation ou de titre proteacutegeacute de psycho-logue Autant dire quil reste beaucoup de tra-vail pour avoir une repreacutesentation profession-nelle qui puisse ecirctre partageacutee tant par les psy-chologues que par leurs partenaires profes-sionnels ougrave compeacutetence personnelle et qualifi-cation professionnelle sont indispensables Pourtant 78 des reacutepondants deacutecrivent des difficulteacutes au sein de leur institution Un sur 5 estime que ses collegravegues ne connaissent pas son meacutetier et quils en ont une image neacutegative qui est veacutecue comme deacutevalorisante 17 se sentent isoleacutes dans les eacutequipes avec lesquelles ils travaillent Une eacutetude plus reacutecente puisquelle date de 2010 vient compleacuteter la preacuteceacutedente il sagit de celle de Elise Marchetti Claude Lafrogne et Sandrine Schoenenberger eacutegalement publieacutee dans le Journal des psychologues ndeg 283 deacutec 2010- janv 2011 et qui sintitule Que pensent-ils de nous Etude des repreacutesentations so-ciales du psychologue Que pensent les psychologues deux-mecircmes Ils eacutevoquent lobjet de leur travail la psycheacute le cadre de leur activiteacute (cadre theacuteorique pra-tique eacutethique) et le contenu mecircme de leur tra-vail agrave savoir leacutevaluation et laccompagnement Chez les professionnels du meacutedico-social nos collegravegues deux repreacutesentations saffrontent Les eacuteducateurs techniques et les reacuteeacuteducateurs (peacutedicure podologue masseur kineacutesitheacutera-peute ergotheacuterapeute psychomotricien ortho-

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phoniste orthoptiste ou dieacuteteacuteticien) ont une vi-sion neacutegative le psychologue se confond avec le psychanalyste le charlatan en lien eacutetroit avec la psychiatrie la folie Les personnels administratifs et les eacuteducateurs ont une vision plus positive et concregraveteet sont plus attacheacutes au cadre cadre de travail du psychologue lui-mecircme mais aussi la contribu-tion quil peut apporter dans le cadre dun tra-vail pluridisciplinaire Quant aux sujets de la population geacuteneacuterale on doit distinguer ceux qui ont deacutejagrave eu recours au psychologue et ceux qui nont jamais consulteacute Ceux qui nont jamais consulteacute ont un discours plutocirct positif mais abstrait centreacute sur la dualiteacute problegraveme-reacutesolution (motifs-beacuteneacutefices) Les autres qui sont plus jeunes et plutocirct des femmes cherchent agrave deacutefinir ce quest un psy-chologue avec une vision plus concregravete de notre activiteacute de nos meacutethodes et une eacutevoca-tion de la sphegravere affective et du veacutecu person-nel Toutefois les sujets ayant deacutejagrave consulteacute un psychologue ont tendance agrave le confondre avec le speacutecialiste meacutedical cest-agrave-dire le psy-chiatre Dans Transformation de la psychiatrie et pratiques des psychologues LASAR Labora-toire danalyse socio-anthropologique du risque Universiteacute de Caen 2002 sous la direction dAnne Golse Le discours dAnne Golse sociologue est plus optimiste Elle eacutecrit La profession de psycho-logue se visibilise de plus en plus que ce soit dans la prise en charge des malades mentaux ou de la souffrance psychique On le voit dans la croissance deacutemographique certes encore modeste de cette profession mais cela sappreacute-hende eacutegalement dans la maniegravere dont les textes administratifs mentionnent (psychiatres psychologues) ou bien (psychiatres ou psycho-logues) Mais cette eacutemergence nouvelle dune certaine pariteacute dans les textes vient eacutegalement reconnaicirctre que de plus en plus de demandes sont directement adresseacutees au psychologue et marque lindividualisation de cette profession agrave coteacute de celles de psychiatres ou dinfirmiers Dans un rapport au Conseil national de lOrdre des meacutedecins en 2001 sur le suivi du malade mental il est dit que les psychologues pren-nent de plus en plus de place dans le monde de la psychiatrie relayant ou mecircme remplaccedilant les psychiatres dont le nombre va en diminuant

tregraves seacuterieusement Toutefois les psychologues ne sont pas satis-faits de leur place au sein de la psychiatrie pu-blique ni personnel meacutedical ni personnel pa-rameacutedical ils elles ont du mal agrave trouver leur place dans lunivers hospitalier marqueacute par lexistence de ce partage clair Le psychologue agrave la fois dedans et dehors eacuteprouve une ab-sence de lien avec linstitution et pour certains un sentiment dinexistence institutionnelle chro-nique Le psychologue nest pas dans le soin mecircme sil contribue aux soins ce qui renvoie agrave sa neacutecessaire place dexteacuterioriteacute et agrave la trans-versaliteacute de sa fonction Comme leacutecrivait Co-lette Chiland en 1983 le statut du psychologue clinicien est une position intermeacutediaire et sin-guliegravere qui le maintien dans un espace pro-fessionnel eacutetriqueacute Certains ressentent de lamertume agrave ecirctre reacuteduits au rocircle de psychotheacute-rapeutes etou estiment ne pas ecirctre reconnus comme des professionnels agrave part entiegravere ils se qualifient de sous-psychiatres quand deacutepen-dants du psychiatre ils ne peuvent directement recevoir les patients qui font appel agrave eux Cette revendication des psychologues est devenue pour certains un carcan qui limite le champ de leur intervention Les psychologues sont lobjet dambivalence Ils peuvent ecirctre consideacutereacutes comme la profession montante en raison de la chute de la deacutemographie des psychiatres et de la de-mande sociale qui leur est adresseacutee les psy-chologues pourraient ecirctre en 1

egravere ligne pour

supplanter ces absences mais la mise en cause de leur statut et de leur formation par le reacutecent statut de psychotheacuterapeute les fragilise Pour conclure je citerai Marc Turpyn au col-loque Le psychologue clinicien le singulier et le collectif La profession de psychologue est-elle un symptocircme de lrsquoinstitution hospita-liegravere Un certain nombre de signes permet depuis longtemps de le penser son identiteacute indeacutefinis-sable sa situation drsquoexception dans un en-semble institutionnel globalement meacutedical son inexistence dans les instances de lrsquohocircpital les oublis reacuteguliers dont elle fait lrsquoobjet dans les textes sa position institutionnelle hors hieacuterar-chie les interrogations reacutecurrentes sur ses sta-tuts lrsquoincompreacutehension de ses outils de travail par les administrations etc Ce qui est nouveau ce sont les nombreuses

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tentatives pour mettre un terme agrave cette position symptomatique volonteacute de faire entrer la pro-fession dans le champ meacutedical fiches meacutetier deacutefinition de compeacutetences introduction de speacute-cialiteacutes preacute-identifieacutees en articulation avec les neurosciences et les approches comportemen-tales circulaire drsquoapplication visant au controcircle ou agrave la disparition des activiteacutes de FIR etc Nrsquooublions pas que la preacutecariteacute entretenue des psychologues le deacutesir de reconnaissance la peur ndash comme lrsquoa montreacute reacutecemment la mise en application du deacutecret sur le titre de psycho-theacuterapeute ndash poussent aussi agrave la normalisation Normaliser la profession serait sans doute la reacuteduire agrave lrsquoombre drsquoelle-mecircme

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Titre de psychotheacuterapeute si vous avez manqueacute le deacutebut

Virginie Rocard Hocircpital Sainte Peacuterine

M AI 1999 PROPOSITION DrsquoAMENDEMENT

PAR B ACCOYER

Devant lrsquoabsence de reacuteglementation autour de lrsquoexercice de la psychotheacuterapie et dans un contexte de lutte contre les deacuterives sectaires sous couvert de psychotheacuterapie un premier amendement est proposeacute par Bernard Accoyer meacutedecin et deacuteputeacute Ce premier amendement porte sur lrsquousage du titre de psychotheacuterapeute il est proposeacute le 4 mai 1999 agrave lrsquooccasion de lrsquoexamen du projet de loi relatif agrave la Couverture maladie universelle (CMU) OCTOBRE 1999 PROPOSITION DE LOI PAR

BACCOYER

Lrsquoamendement preacuteceacutedent ayant eacuteteacute refuseacute BAccoyer deacutepose le 13 octobre 1999 la pre-miegravere proposition de loi (ndeg 1844) visant agrave reacute-glementer le titre de psychotheacuterapeute Lrsquounique article preacutecise Lrsquousage du titre de psychotheacuterapeute est strictement reacuteserveacute drsquoune part aux titulaires du diplocircme de docteur en meacutedecine qualifieacute en psychiatrie et drsquoautre part aux titulaires drsquoun diplocircme de troisiegraveme cycle en psychologie Dans lrsquoexposeacute des motifs on retrouve deux professions de la santeacute mentale sont formeacutees par les universiteacutes franccedilaises les psycho-logues et les meacutedecins psychiatres Les condi-tions daccegraves et dutilisation de ces titres sont eacutetroitement encadreacutees par la loi Pourtant il existe un grave vide juridique concernant lexercice de la psychotheacuterapie La profession de psychotheacuterapeute nest en effet agrave ce jour toujours pas deacutefinie par le code de la santeacute publique Ainsi de trop nombreuses per-sonnes insuffisamment qualifieacutees voire non qualifieacutees se deacuteclarent et sinstituent psycho-theacuterapeutes en toute impuniteacute faisant courir les plus grands dangers agrave des personnes qui

par deacutefinition sont vulneacuterables et risquent de voir leur deacutetresse et leur pathologie aggra-veacutees MARS 2000 est enregistreacutee agrave la Preacutesidence de lAssembleacutee nationale sous le ndeg 2288 une pro-position de loi relative agrave lexercice de la profes-sion de psychotheacuterapeute par les deacuteputeacutes MM Jean-Michel Marchand Andreacute Aschieri Mme Marie-Heacutelegravene Aubert MM Yves Cochet et Noeumll Mamegraverehellip AVRIL 2000 PROPOSITION DE LOI DE

BACCOYER

26 avril 2000 nouvelle proposition de loi de BAccoyer Loi ndeg2342 relative agrave la prescription et agrave la conduite des psychotheacuterapies Dans lrsquoexposeacute des motifs on retrouve En labsence de disposition du code de la santeacute publique concernant lusage des psychotheacutera-pies quiconque le souhaite peut actuellement visser sa plaque de psychotheacuterapeute et preacutetendre soigner (hellip) Ainsi le rapport de la mission interministeacuterielle de lutte contre les sectes remis en feacutevrier 2000 au Premier mi-nistre signale que certaines techniques psy-chotheacuterapiques sont devenues un outil au ser-vice de linfiltration sectaire et il suggegravere au se-creacutetariat dEtat agrave la Santeacute de cadrer ces pra-tiques Cest la raison pour laquelle javais dores et deacutejagrave deacuteposeacute le 13 octobre 1999 avec quatre-vingt-un collegravegues une proposition de loi ndeg1844 visant agrave reacuteserver lusage du titre de psychotheacuterapeute agrave des personnes titulaires de diplocircmes universitaires() Dans ce con-texte il convient deacutesormais de consideacuterer les psychotheacuterapies comme un veacuteritable traite-ment A ce titre cest leur prescription et leurs applications qui apparaissent comme devant ecirctre reacuteserveacutees agrave des professionnels deacuteten-teurs de diplocircmes universitaires attestant dune formation institutionnelle garantie dune compeacutetence theacuteorique pouvant ecirctre doubleacutee

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dune expeacuterience pratique et dun travail sur soi (hellip) Cependant certains professionnels bien que non-psychiatres ou non-psychologues cliniciens preacutesentent de solides connaissances et une expeacuterience de la patho-logie mentale et du fonctionnement psychique Il convient donc quun jury composeacute duniversi-taires et de professionnels soit habiliteacute agrave vali-der leurs compeacutetences et agrave autoriser lexercice des psychotheacuterapies agrave ceux qui pratiquent deacute-jagrave depuis plus de cinq anneacutees agrave compter de promulgation de la preacutesente loi

PROPOSITION DE LOI Article unique Il est inseacutereacute apregraves larticle L 360 du code de la santeacute publique un article L 360-1 ainsi reacutedigeacute Les psychotheacuterapies sont des traitements meacutedico-psychologiques des souffrances mentales Comme toute theacuterapeutique leur prescription et leur mise en oeuvre ne peuvent relever que de professionnels qualifieacutes meacutedecins quali-fieacutes en psychiatrie et psychologues clini-ciens Les professionnels qui dispensent des psychotheacuterapies depuis plus de cinq ans agrave la date de promulgation de la preacute-sente loi pourront poursuivre cette activiteacute theacuterapeutique apregraves eacutevaluation de leurs connaissances et pratiques par un jury composeacute duniversitaires et de profession-nels dont la composition est fixeacutee par deacute-cret en Conseil dEtat

OCTOBRE 2003 AMENDEMENT AU PROJET DE LOI SUR LE CODE DE LA SANTEacute PUBLIC B AC-

COYER

8 Octobre 2003 agrave lrsquoAssembleacutee nationale B Ac-coyer deacutepose un amendement ndeg71 Les psychotheacuterapies sont des traitements meacute-dico-psychologiques des souffrances mentales Comme toute theacuterapeutique leur prescription et leur mise en oeuvre ne peuvent relever que de professionnels qualifieacutes en psychiatrie de psychologues cliniciens et meacutedecins ayant sui-vis les formations requises Crsquoest la 3eme version (ndeg336) qui est adopteacutee agrave lrsquounanimiteacute le 8 octobre 2003 par lrsquoAssembleacutee Nationale Les psychotheacuterapies constituent des outils theacuterapeutiques utiliseacutes dans le traite-ment des troubles mentaux Les diffeacuterentes ca-teacutegories de psychotheacuterapie sont fixeacutees par deacute-cret du ministre chargeacute de la Santeacute Leur mise en œuvre ne peut relever que de meacutedecins

psychiatres ou de meacutedecins et psychologues ayant les qualifications professionnelles re-quises fixeacute par ce mecircme deacutecret Lrsquoagence Na-tionale drsquoAccreacuteditation et drsquoEvaluation en Santeacute apporte son concours agrave lrsquoeacutelaboration de ces conditions (hellip) On ne parle plus ici de lrsquousage drsquoun titre de psy-chotheacuterapeute mais drsquoune deacutefinition de la psy-chotheacuterapie JANVIER 2004 AMENDEMENT ACCOYER ANNU-

LANT LE PREacuteCEacuteDENT

Le 19 janvier 2004 lrsquoamendement Accoyer de-venu entre temps amendement 363 About-Matteacutei annulant le preacuteceacutedent est voteacute par le Seacutenat en ces termes Lrsquousage du titre de psychotheacuterapeute est reacute-serveacute aux professionnels inscrits au registre national de psychotheacuterapeutes (hellip) Sont dis-penseacutes de lrsquoinscription les titulaires drsquoun di-plocircme de docteur en meacutedecine les psycho-logues titulaires drsquoun diplocircme drsquoeacutetat et les psy-chanalystes reacuteguliegraverement enregistreacutes dans les annuaires de leurs associations Les modaliteacutes drsquoapplication du preacutesent article sont fixeacutees par deacutecret Ici les psychanalystes reacuteguliegraverement enregis-treacutes dans les annuaires de leurs associations font leur apparition dans la liste des personnes habiliteacutees agrave user du titre de psychotheacuterapeute

AVRIL 2004 AMENDEMENT DUBERNARD

8 avril 2004 est voteacute agrave lrsquoAssembleacutee nationale lrsquoamendement devenu depuis amendement 344 preacutesenteacute par Jean-Marie Dubernard rap-porteur de la commission des affaires cultu-relles familiales et sociales

POLITIQUE DE SANTE PUBLIQUE (Nordm 1364)

(DEUXIEME LECTURE)

Amendement Nordm 344 preacutesenteacute par M Jean-Michel Dubernard rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles familiales et sociales Article 18 quater La conduite des psychotheacuterapies neacuteces-site soit une formation theacuteorique et pra-tique en psychopathologie clinique soit une formation reconnue par les associa-tions de psychanalystes (hellip) Lrsquousage du

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titre de psychotheacuterapeute est reacuteserveacute aux professionnels inscrits au registre national des psychotheacuterapeutes (hellip) Sont dispen-seacutes de lrsquoinscription sur la liste viseacutee agrave lrsquoali-neacutea preacuteceacutedent les titulaires drsquoun diplocircme de docteur en meacutedecine les personnes autoriseacutees agrave faire usage du titre de psy-chologue dans des conditions deacutefinies par lrsquoarticle 44 portant diverses dispositions drsquoordre social nordm85-772 du 25 juillet 1985 et les psychanalystes reacuteguliegraverement enre-gistreacutes dans les annuaires de leurs asso-ciations

Dans lrsquoexposeacute sommaire on retrouve pour conduire des psychotheacuterapies il est neacutecessaire drsquoavoir suivi une formation theacuteorique et pratique en psychopathologie La condition de lrsquoinscrip-tion sur le registre national est maintenue (hellip)Lrsquoamendement continue agrave preacutevoir que les titu-laires drsquoun diplocircme de meacutedecine les psycho-logues et les psychanalystes sont dispenseacutes de lrsquoenregistrement Ces professionnels devront satisfaire agrave lrsquoobligation de formation mention-neacutee au premier alineacutea de lrsquoarticle

9 AOUT 2004 LOI SUR LE TITRE DE PSYCHOTHEacute-

RAPEUTE ARTICLE 52

Le 28 juillet 2004 a eu lieu la reacuteunion de la commission mixte paritaire qui reacutevise lrsquoamende-ment qui est examineacute en seacuteances publiques par lrsquoAssembleacutee Nationale et le Seacutenat le 30 juil-let 2004 et devient le 09 aoucirct 2004 la loi ndeg2004-806 lrsquoarticle 52 relative agrave la politique de santeacute publique Sa parution est dans le JO ndeg185 du 11 aoucirct 2004 page 14277 texte ndeg 4 Dans cette loi larticle 18 quater revu par la commission mixte a eacuteteacute inteacutegralement repris et devient larticle 52 de la dite Loi

Article 52 Lusage du titre de psychotheacuterapeute est reacuteserveacute aux professionnels inscrits au re-gistre national des psychotheacuterapeutes Linscription est enregistreacutee sur une liste dresseacutee par le repreacutesentant de lEtat dans le deacutepartement de leur reacutesidence profes-sionnelle Elle est tenue agrave jour mise agrave la disposition du public et publieacutee reacuteguliegravere-ment Cette liste mentionne les formations suivies par le professionnel En cas de transfert de la reacutesidence professionnelle dans un autre deacutepartement une nouvelle

inscription est obligatoire La mecircme obli-gation simpose aux personnes qui apregraves deux ans dinterruption veulent agrave nou-veau faire usage du titre de psychotheacutera-peute Linscription sur la liste viseacutee agrave lalineacutea preacuteceacutedent est de droit pour les titulaires dun diplocircme de docteur en meacutedecine les personnes autoriseacutees agrave faire usage du titre de psychologue dans les conditions deacutefinies par larticle 44 de la loi ndeg 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses disposi-tions dordre social et les psychanalystes reacuteguliegraverement enregistreacutes dans les an-nuaires de leurs associations Un deacutecret en Conseil dEtat preacutecise les modaliteacutes dapplication du preacutesent article et les conditions de formation theacuteoriques et pratiques en psychopathologie clinique que doivent remplir les personnes viseacutees aux deuxiegraveme et troisiegraveme alineacuteas

Cet article introduit comme condition de lrsquousage du titre une formation theacuteorique et pratique en psychopathologie clinique alors qursquoil stipule dans le mecircme temps que lrsquoinscription est de droit pour certains professionnels ce qui pose-ra beaucoup de problegravemes pour lrsquoeacutecriture des projets de deacutecret 2005-2009 AVANT-PROJET DrsquoAPPLICATION DE

LA LOI

Les concertations avec les professionnels con-cerneacutes par lrsquoeacutecriture drsquoun avant-projet de deacutecret relatif agrave lrsquousage du titre de psychotheacuterapeute deacutebutent en 2005 Beaucoup de versions vont voir le jour et susciter de vives reacuteactions des professionnels Le ministegravere reacuteunit les organi-sations professionnelles agrave plusieurs reprises pour leur soumettre ces projets Quelques exemples des diffeacuterentes versions de lrsquoavant-projet de deacutecret de loi Version de lrsquoavant projet de deacutecret relatif agrave lrsquousage du titre de psychotheacuterapeute 10 janvier 2006

Art1 Lrsquousage du titre de psychotheacutera-peute neacutecessite une deacutemarche volontaire de la part des professionnels pratiquant les psychotheacuterapies Inscription sur une liste deacutepartementale (hellip) Art2 Lrsquoinscription sur la liste deacutepartemen-

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Quels changements pour le meacutetier de psychologue

tale est subordonneacutee pour les professionnels viseacutes au 3

egraveme ali-

neacutea lrsquoattestation de la certification de la for-mation en psychopathologie clinique lrsquoattestation de lrsquoobtention du diplocircme de docteur en meacutedecine ou de lrsquoun des di-plocircme viseacutes au deacutecret ndeg 90-255 du 22 mars 1990 modifieacute (liste des diplocircmes permettant de faire usage professionnel du titre de psychologue) ou de lrsquoinscrip-tion agrave un annuaire drsquoassociations de psy-chanalystes pour les autres professionnels

Lrsquoattestation de la certification de la for-mation en psychopathologie clinique Le cas eacutecheacuteant lrsquoattestation de lrsquoobtention drsquoun diplocircme relatif agrave une profession reacute-glementeacutee dans le champ sanitaire et so-cial Une deacuteclaration sur lrsquohonneur faisant eacutetat des autres formations suivies dans le do-maine de la pratique de la psychotheacutera-pie parmi les quatre approches sui-vantes analytique systeacutemique cognitivo-comportementaliste inteacutegrative La deacuteclaration sur lrsquohonneur mentionne notamment lrsquointituleacute et la date drsquoobtention du diplocircme la dureacutee de la formation le nom et les coordonneacutees de lrsquoorganisme de formation public ou priveacute qui a deacutelivreacute le diplocircme (hellip) Art8 Le cahier des charges susviseacute deacutefi-nit les modaliteacutes de la formation en psy-chopathologie clinique laquelle est drsquoun niveau master Il vise agrave permettre au pro-fessionnel souhaitant user du titre de psy-chotheacuterapeute drsquoacqueacuterir Une connaissance du fonctionnement psychique Une capaciteacute de discrimination de base des situations pathologiques en santeacute mentale Une connaissance de la diversiteacute des theacuteories se rapportant agrave la psychopatholo-gie Une connaissance des 4 principales ap-proches de psychotheacuterapie vali-deacutees scientifiquement (analytique systeacute-mique cognitivo-comportementaliste in-teacutegrative) (hellip)

Il est eacutevoqueacute un niveau master pas de men-

tion drsquoune formation universitaire la loi ne parle que drsquoune formation agrave la psychopathologie cli-nique et stipule ce que seraient les approches psychotheacuterapiques valables scientifiquement ce qui nrsquoest pas sans questionner Titre ouvert aux deacutetenteurs drsquoun diplocircme relatif agrave une pro-fession reacuteglementeacutee dans les champs sani-taires et sociaux ne correspond pas aux preacute requis de la formation en psychopathologie cli-nique Par la suite le descriptif des diffeacuterentes ap-proches de psychotheacuterapie disparaicirct au profit drsquoune connaissance des principales ap-proches utiliseacutees en psychotheacuterapie sans preacute-cision Est indiqueacute le nombre drsquoheures de for-mation theacuteorique (150 heures dans une ver-sion 500 dans une autrehellip) et de stage pra-tique Est stipuleacute que la formation en psychopa-thologie clinique peut ecirctre confieacutee agrave lrsquoUniversiteacute ou agrave des organismes passant convention avec lrsquoUniversiteacute Pour les professionnels inscrits de droit on retrouve les docteurs en meacutedecine quelles que soient leurs speacutecialiteacutes les psycho-logues quelle que soit leur formation et les psy-chanalystes reacuteguliegraverement inscrits dans un an-nuaire drsquoassociation de psychanalystes ce qui nrsquoest pas un titre proteacutegeacute On exige par ailleurs de ces mecircmes professionnels une formation compleacutementaire en psychopathologie viseacutee agrave lrsquoalineacutea 4 de lrsquoarticle 52 ce qui posera pro-blegraveme certaines professions pouvant faire usage du titre de psychotheacuterapeute de droit doivent dans le mecircme texte de loi attester drsquoune formation compleacutementaire Pour tous les professionnels le cas eacutecheacuteant une deacuteclaration sur lrsquohonneur faisant eacutetat des autres formations suivies dans le domaine de la pratique de psychotheacuterapie une attestation drsquoobtention drsquoun diplocircme relatif agrave une profes-sion reacuteglementeacutee par le code de la santeacute pu-blique ou le code de la famille et de lrsquoaction so-ciale Le cahier des charges deacutefinit les modaliteacutes de la formation en psychopathologie clinique pour acqueacuterir ou valider une connaissance des fonctionnements et des processus psychiques une connaissance des critegraveres de discerne-ment des grandes pathologies psychiatriques une connaissance des diffeacuterentes theacuteories se rapportant agrave la psychopathologie une connais-sance des principales approches utiliseacutees en psychotheacuterapie

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Quels changements pour le meacutetier de psychologue

Le Ministegravere de la Santeacute ne parvient pas agrave faire aboutir lrsquoeacutecriture de deacutecrets drsquoapplication de-vant faire face aux contestations des diffeacuterents professionnels Au printemps 2008 le Ministegravere de la Santeacute deacutecide drsquoarrecircter un des projets de deacutecret drsquoap-plication de lrsquoarticle 52 soumis au CNESER (Conseil National de lrsquoEnseignement Supeacuterieur et de la Recherche) le 16 juin 2008 Dans la note de preacutesentation on retrouve il ne srsquoagit pas de creacuteer une nouvelle profession ni drsquoen-cadrer la formation et la pratique de la psycho-theacuterapie mais de preacuteciser les conditions dans lesquelles il peut ecirctre fait usage de ce titre Il y est exigeacute pour tous professionnels drsquoavoir valideacute une formation theacuteorique de 400 heures (cest-agrave-dire infeacuterieure au total de la formation en psychopathologie clinique drsquoun Master de Psychologie clinique) et un stage pratique de 5 mois Possibiliteacutes de dispenses partielles de forma-tion selon les cateacutegories professionnelles con-cerneacutees (meacutedecins meacutedecins psychiatres psy-chologues psychanalystes) 18 MARS 2009 PROJET DE LOI PORTANT REacute-

FORME DE LrsquoHOcircPITAL ET RELATIF AUX PATIENTS

Agrave LA SANTEacute ET AUX TERRITOIRES

23 JUILLET 2009 ARTICLE 91 DE LA LOI HPST

Lrsquoarticle 91 de la loi HPST du 21 juillet 2009 opegravere une modification de lrsquoarticle 52 de la loi du 9 aoucirct 2004 pour reacutesoudre les difficulteacutes rencontreacutees agrave eacutecrire un deacutecret drsquoapplication Il modifie lrsquoarticle 52 portant sur lrsquousage du titre de psychotheacuterapeute

Article 52 de la loi ndeg 2004-806 du 9 aoucirct 2004 modifieacute par lrsquoarticle 91 de la loi ndeg 2009

-879 du 21 juillet 2009 Lrsquousage du titre de psychotheacuterapeute est reacuteserveacute aux professionnels inscrits au re-gistre national des psychotheacuterapeutes [hellip] Un deacutecret en Conseil drsquoEacutetat preacutecise les modaliteacutes drsquoapplication du preacutesent ar-ticle et les conditions de formation theacuteo-rique et pratique en psychopathologie cli-nique que doivent remplir lrsquoensemble des professionnels souhaitant srsquoinscrire au registre national des psychotheacuterapeutes Il deacutefinit les conditions dans lesquelles les ministres chargeacutes de la santeacute et de lrsquoen-

seignement supeacuterieur agreacuteent les eacutetablis-sements autoriseacutes agrave deacutelivrer cette forma-tion Lrsquoaccegraves agrave cette formation est reacuteserveacute aux titulaires drsquoun diplocircme de niveau doctorat donnant le droit drsquoexercer la meacutedecine en France ou drsquoun diplocircme de niveau master dont la speacutecialiteacute ou la mention est la psy-chologie ou la psychanalyse Le deacutecret en Conseil drsquoEacutetat deacutefinit les conditions dans lesquelles les titulaires drsquoun diplocircme de docteur en meacutedecine les personnes autoriseacutees agrave faire usage du titre de psychologue dans les conditions deacutefinies par lrsquoarticle 44 de la loi ndeg 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses disposi-tions drsquoordre social et les psychanalystes reacuteguliegraverement enregistreacutes dans les an-nuaires de leurs associations peuvent beacute-neacuteficier drsquoune dispense totale ou partielle pour la formation en psychopathologie clinique [hellip] Le deacutecret en Conseil drsquoEtat preacutecise eacutegale-ment les dispositions transitoires dont pourront beacuteneacuteficier les professionnels jus-tifiant dau moins cinq ans de pratique de la psychotheacuterapie agrave la date de publication du deacutecret

Il nrsquoy a plus de notion de professionnels inscrits de droit la formation en psychopatho-logie clinique est exigible de tous et lrsquoaccegraves agrave cette formation requiert un niveau de diplocircme eacuteleveacute titre de docteur en meacutedecine master de psychologie ou de psychanalyse Y sont tou-jours mentionneacutes les psychanalystes reacuteguliegrave-rement enregistreacutes dans les annuaires de leurs associations 20 MAI 2010 DEacuteCRET DrsquoAPPLICATION RELATIF Agrave LrsquoUSAGE DU TITRE DE PSYCHOTHEacuteRAPEUTE (CF

ANNEXE)

Le 20 mai 2010 paraicirct le deacutecret relatif agrave lrsquousage du titre de psychotheacuterapeute publieacute au JO ndeg0117 du 22 mai 2010 (deacutecret ndeg 2010-534) Ce deacutecret deacutefinit les critegraveres de formation en psychopathologie clinique exigeacutee fixe les con-ditions drsquoagreacutement des eacutetablissements de for-mation preacutecise les dispenses partielles ou to-tales de formation dont peuvent beacuteneacuteficier les meacutedecins psychologues et psychanalystes et enfin arrecircte les dispositions transitoires appli-cables aux psychotheacuterapeutes en exercice agrave

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Quels changements pour le meacutetier de psychologue

la date de publication du deacutecret Il nrsquoy est tou-jours pas fait mention de formation agrave la pra-tique psychotheacuterapique Il preacutecise une condition de diplocircme minimal pour avoir accegraves agrave cette formation Elle est reacute-serveacutee aux personnes titulaires drsquoun doctorat de meacutedecine ou drsquoun master ayant pour men-tion ou pour speacutecialiteacute la psychologie ou la psy-chanalyse Les psychiatres sont exempteacutes de formation compleacutementaire Les meacutedecins non psy-chiatres seront contraints agrave une formation com-pleacutementaire On retrouve la notion de psychologue clinicien qui ne correspond pas agrave un titre proteacutegeacute comme tel ni un parcours de formation identifieacutee Les psychologues clini-ciens nrsquoont pas de dispense totale et devront se soumettre agrave une formation theacuteorique et pra-tique compleacutementaire La formation theacuteorique comprend 400 heures drsquoenseignement pour acqueacuterir ou valider des connaissances relatives au deacuteveloppement fonctionnement et processus psychiques aux critegraveres de discernement des grandes patholo-gies psychiatriques aux diffeacuterentes theacuteories se rapportant agrave la psychopathologie aux princi-pales approches utiliseacutees en psychotheacuterapie Le stage est drsquoune dureacutee minimale de cinq mois Les professionnels justifiant drsquoau moins 5 ans de pratique de la psychotheacuterapie peuvent ecirctre inscrits sur la liste deacutepartementale apregraves avis de la commission reacutegionale drsquoinscription Le deacutecret ne preacutecise pas la cateacutegorie professionnelle nrsquoappartenant agrave aucune des cateacutegories preacuteceacutedentes que lrsquoon voit en effet apparaicirctre dans lrsquoannexe du deacutecret Le deacutecret a renforceacute le niveau exigeacute pour agreacuteer les eacutetablissements de formation Les psychologues notamment par le biais de leurs organisations professionnelles et syndi-cales ont deacuteposeacute un recours juridique contre le deacutecret relatif agrave lrsquousage du titre de psychotheacutera-peute le 12 juillet 2010 Ils contestaient notam-ment que lrsquoon exige drsquoeux des formations com-pleacutementaires qui sont deacutejagrave incluses dans leur formation initiale Le recours a eacuteteacute examineacute le mercredi 21 sep-tembre 2011 Le rapporteur public a conclu au rejet de lrsquoensemble des requecirctes porteacute contre le deacutecret ndeg2010-534 du 20 mai 2010 arrecirct du Conseil drsquoEtat du 27 octobre 2011 Ce deacutecret

est jugeacute conforme agrave lrsquoarticle 52 de la loi ndeg2004-806 du 9 aoucirct 2004 relative agrave la politique de santeacute publique modifieacutee par la loi ndeg2011-940 du 10 aoucirct 2011-art 47 (V) Les organisations professionnelles de psychologues sont en pourparler et eacutevoquent une modification de lrsquoannexe du deacutecret qui pourrait ecirctre en reacuteeacutecri-ture pour mettre agrave pariteacute psychologues et psy-chiatres pour la dispense totale de lrsquoenseigne-ment theacuteorique et du stage srsquoil a eacuteteacute effectueacute pendant les eacutetudes Fin 2011 les bureaux concerneacutes au Ministegravere de la Santeacute et au Ministegravere de lrsquoenseignement Supeacuterieur et de la Recherche examinent un projet de modification de lrsquoannexe du deacutecret du 20 mai 2010 afin de preacutevoir une dispense de formation theacuteorique compleacutementaire et de stage pour les titulaires du titre de psychologue ayant accompli le stage professionnel lieacute agrave lrsquoob-tention de ce titre dans les conditions preacutevues agrave lrsquoart4 du deacutecret du 20 mai 2010 Une dis-pense de toute formation theacuteorique mais reacuteali-sation drsquoun stage de 2 mois dans les conditions de lrsquoart4 du deacutecret pour les titulaires du titre de psychologue dont le stage professionnel lieacute agrave lrsquoobtention de ce titre nrsquoa pas eacuteteacute reacutealiseacute dans les conditions de cet article (voir sites des orga-nisations professionnelles et syndicales)

CONCLUSION

Au deacutecours de ce long cheminement pour lrsquoeacutela-borer une loi portant sur lrsquousage du titre de psy-chotheacuterapeute on remarquera lrsquoimpasse faite sur la formation agrave la pratique de la psychotheacute-rapie elle-mecircme Ce titre pourra ecirctre en effet deacutelivreacute agrave des personnes dont on nrsquoaura pas exi-geacute de formation agrave la psychotheacuterapie mais une formation agrave la psychopathologie clinique Une confusion suppleacutementaire dans la visibiliteacute des professions et leurs missions est introduite par le biais drsquoun nouveau titre de psychotheacuterapeute Il est agrave souligner que concernant les profes-sions reacuteglementeacutees dont font partie les psy-chologues la pratique de la psychotheacuterapie peut sous reacuteserve drsquoune formation compleacute-mentaire personnelle faire partie de leur activi-teacute Le titre de psychotheacuterapeute ne leur est donc pas neacutecessaire (Cf argumentaires sur le site des organisations professionnelles et syn-dicales)

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Quels changements pour le meacutetier de psychologue

Decret ndeg2010-534 du 20 mai 2010 relatif agrave lrsquousage du titre de psychotheacuterapeute

Article 1 Linscription sur le registre national des psy-chotheacuterapeutes mentionneacute agrave larticle 52 de la loi du 9 aoucirct 2004 susviseacutee est subordon-neacutee agrave la validation dune formation en psy-chopathologie clinique de 400 heures mini-mum et dun stage pratique dune dureacutee mi-nimale correspondant agrave cinq mois effectueacute

dans les conditions preacutevues agrave larticle 4Laccegraves agrave cette formation est reacuteserveacute aux titulaires dun diplocircme de niveau doctorat donnant le droit dexercer la meacutedecine en France ou dun diplocircme de niveau master dont la speacutecialiteacute ou la mention est la psy-

chologie ou la psychanalyse Article 2 Par deacuterogation aux dispositions de larticle preacuteceacutedent les professionnels mentionneacutes au cinquiegraveme alineacutea de larticle 52 de la loi preacuteciteacutee sont dispenseacutes en tout ou partie de la formation et du stage dans les conditions

preacutevues par lannexe 1 du preacutesent deacutecret Article 3 La formation mentionneacutee agrave larticle 1er vise agrave permettre aux professionnels souhaitant user du titre de psychotheacuterapeute dacqueacuterir

et de valider des connaissances relatives 1deg Aux deacuteveloppement fonctionnement et

processus psychiques 2deg Aux critegraveres de

discernement des grandes pathologies psy-

chiatriques 3deg Aux diffeacuterentes theacuteories se

rapportant agrave la psychopathologie 4deg Aux

principales approches utiliseacutees en psycho-

theacuterapie Article 4 Le stage pratique mentionneacute agrave larticle 1er seffectue agrave temps plein ou agrave temps partiel de faccedilon continue ou par peacuteriodes fraction-

neacuteesIl est accompli dans un eacutetablissement

public ou priveacute deacutetenant lautorisation men-tionneacutee agrave larticle L 6122-1 du code de la santeacute publique ou agrave larticle L 313-1-1 du code de laction sociale et des familles Toutefois le site du stage ne peut ecirctre le

lieu de travail de la personne en formationLe stage est placeacute sous la responsabiliteacute conjointe dun membre de leacutequipe de for-mation dun eacutetablissement agreacuteeacute en appli-

cation des articles 10 et 15 et dun profes-sionnel de leacutetablissement mentionneacute au

deuxiegraveme alineacutea maicirctre de stageIl donne

lieu agrave un rapport sur lexpeacuterience profes-sionnelle acquise soutenu devant les res-ponsables du stage et un responsable de la

formation de leacutetablissement agreacuteeacuteLe

stage est valideacute par le responsable de la

formation Article 5 Le contenu de la formation theacuteorique et pra-tique mentionneacutee agrave larticle 1er les critegraveres et modaliteacutes de son eacutevaluation ainsi que les objectifs du stage sont deacutefinis par un cahier des charges pris par arrecircteacute conjoint des mi-nistres chargeacutes de la santeacute et de lenseigne-ment supeacuterieur et publieacute au Journal officiel

de la Reacutepublique franccedilaise Article 6 Leacutetablissement de formation sassure au moment de linscription que le candidat jus-tifie de lun des diplocircmes ou titres de forma-tion mentionneacutes au quatriegraveme alineacutea de lar-ticle 52 de la loi du 9 aoucirct 2004 ou dun di-plocircme ou titre de formation reconnu eacutequiva-lent dans un autre Etat membre de lUnion europeacuteenne ou un autre Etat partie agrave lac-

cord sur lEspace eacuteconomique europeacuteen CHAPITRE II LE REGISTRE NATIONAL DES

PSYCHOTHERAPEUTES Article 7 ― Linscription sur la liste deacutepartementale

mentionneacutee au deuxiegraveme alineacutea de larticle 52 de la loi du 9 aoucirct 2004 est effectueacutee par le preacutefet du deacutepar-tement de la reacutesidence profession-

nelle principale du demandeurElle

est gratuite Elle doit avoir eacuteteacute effec-tueacutee avant toute utilisation du titre de

psychotheacuterapeuteDans le cas ougrave le

professionnel exerce dans plusieurs sites en tant que psychotheacuterapeute il est tenu de le deacuteclarer et de mention-ner les diffeacuterentes adresses de ses

lieux dexerciceEn cas de change-

ment de situation professionnelle le professionnel en informe les services

du preacutefet - La demande est adresseacutee au directeur geacute-

neacuteral de lagence reacutegionale de santeacute

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Quels changements pour le meacutetier de psychologue

dans le ressort duquel se situe la reacute-sidence professionnelle du deman-deur Celui-ci deacutelivre un accuseacute de reacuteception dans les conditions fixeacutees par le deacutecret du 6 juin 2001 susviseacute apregraves reacuteception de lensemble des piegraveces justificatives mentionneacutees agrave larticle 8 et assure linstruction pour le compte du preacutefet Il fait connaicirctre agrave ce dernier son avis sur la demande dinscription dans le deacutelai de 45

joursLe silence gardeacute par lautoriteacute

preacutefectorale agrave lexpiration dun deacutelai de deux mois agrave compter de la reacutecep-tion du dossier complet vaut deacutecision

de rejet de la demande - Lensemble des listes deacutepartementales

constitue le registre national des psy-

chotheacuterapeutes Article 8 I ― En vue de leur inscription sur la liste deacutepartementale les professionnels fournis-

sent 1deg La copie dune piegravece didentiteacute 2deg Lattestation de lobtention du titre de for-mation mentionneacute agrave larticle L 4131-1 du code de la santeacute publique ou du diplocircme de

niveau master mentionneacute agrave larticle 6 3deg

Lattestation de la formation en psychopa-thologie clinique mentionneacutee agrave larticle 1er agrave lexception des professionnels beacuteneacuteficiant

dune dispense totale 4deg Le cas eacutecheacuteant

lattestation denregistrement pour les pro-fessions et titres reacuteglementeacutes par le code de la santeacute publique et le code de laction

sociale et des familles II - Les professionnels appartenant agrave lune des trois cateacutegories mentionneacutees au cin-quiegraveme alineacutea de larticle 52 de la loi du 9 aoucirct 2004 susviseacutee fournissent en outre se-

lon les cas 1deg Soit lattestation de lobten-

tion du titre de formation de speacutecialiste en

psychiatrie 2deg Soit lattestation de lobten-

tion de lun des diplocircmes mentionneacutes au deacutecret du 22 mars 1990 susviseacute permettant de faire usage professionnel du titre de psy-chologue ou lautorisation obtenue en appli-cation des alineacuteas II et III de larticle 44 de

la loi du 25 juillet 1985 susviseacutee 3deg Soit

lattestation de lenregistrement reacutegulier dans un annuaire dassociation de psycha-

nalystesCette attestation est eacutetablie par le

preacutesident de lassociation Elle est accom-pagneacutee dune copie de linsertion la plus reacute-cente au Journal officiel de la Reacutepublique franccedilaise concernant lassociation et men-

tionnant son objetIII - Les modaliteacutes de

preacutesentation de la demande dinscription et notamment la composition du dossier ac-compagnant la demande sont fixeacutees par arrecircteacute du ministre chargeacute de la santeacute publieacute au Journal officiel de la Reacutepublique fran-

ccedilaise Article 9 La liste deacutepartementale mentionne pour

chaque professionnel 1deg Son identiteacute 2deg

Son lieu dexercice principal et sil y a lieu

ses lieux dexercice secondaires 3deg Le cas

eacutecheacuteant la mention et la date dobtention des diplocircmes relatifs aux professions de santeacute mentionneacutees dans la quatriegraveme partie du code de la santeacute publique ou agrave la profes-sion de psychologue la date de lautorisa-tion obtenue en application des alineacuteas II et III de larticle 44 de la loi du 25 juillet 1985 susviseacutee ou le nom de lassociation de psy-chanalystes dans lannuaire de laquelle le professionnel est reacuteguliegraverement enregistreacute

4deg Le nom de leacutetablissement de formation

ayant deacutelivreacute lattestation de formation en psychopathologie clinique ainsi que la date

de deacutelivrance de cette attestationCe docu-

ment preacutesente la liste des inscrits selon leur

profession dorigineCette liste est tenue

gratuitement agrave la disposition du public Elle est publieacutee chaque anneacutee au recueil des

actes administratifs de la preacutefecture

CHAPITRE III AGREMENT DES ETABLISSE-

MENTS DE FORMATION Article 10 ― Les eacutetablissements autoriseacutes agrave deacutelivrer

la formation preacutevue agrave larticle 1er sont agreacuteeacutes pour quatre ans par les ministres chargeacutes de la santeacute et de lenseignement supeacuterieur apregraves avis dune commission reacutegionale dagreacute-

ment - La commission reacutegionale dagreacutement est

composeacutee de six personnaliteacutes quali-fieacutees titulaires et de six personnaliteacutes

qualifieacutees suppleacuteantesCes person-

naliteacutes sont nommeacutees pour trois ans

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Quels changements pour le meacutetier de psychologue

par le directeur geacuteneacuteral de lagence reacutegionale de santeacute qui les choisit en raison de leurs compeacutetences dans les domaines de la formation et de leur expeacuterience professionnelle dans le champ de la psychiatrie de la psy-chanalyse ou de la psychopathologie clinique sans quaucune des trois cateacutegories de professionnels men-tionneacutees au cinquiegraveme alineacutea de lar-ticle 52 de la loi du 9 aoucirct 2004 sus-viseacutee ne soit majoritaire au sein de la

commissionParmi ces personnali-

teacutes siegravegent deux professeurs des universiteacutes speacutecialiseacutes en psychia-

trie psychologie ou psychanalyseLe directeur geacuteneacuteral de lagence reacute-gionale de santeacute deacutesigne le preacutesident

de la commissionLe mandat des

membres de la commission est re-

nouvelable une fois Article 11 Lavis motiveacute de la commission est rendu

au regard des eacuteleacutements suivants 1deg La

conformiteacute du contenu de la formation pro-poseacutee aux conditions poseacutees aux articles

1er 2 3 4 et 5 du preacutesent deacutecret 2deg La

conformiteacute des conditions et modaliteacutes de validation de la formation theacuteorique et pra-tique preacutevues par leacutetablissement au regard des dispositions preacutevues par larrecircteacute men-

tionneacute agrave larticle 5 du preacutesent deacutecret 3deg

Lengagement de leacutetablissement dans une deacutemarche deacutevaluation de la qualiteacute de la formation dispenseacutee Il fait lobjet dun dos-sier indiquant la structure publique ou pri-veacutee de son choix agrave laquelle sera confieacutee leacutevaluation en cause ainsi que le processus deacutevaluation retenu Ce dossier preacutecise en outre le statut de leacutevaluation la meacutethode utiliseacutee les indicateurs retenus et les diffeacute-rentes phases de leacutevaluation lidentiteacute et la qualification des eacutevaluateurs ainsi que le

calendrier preacutevisionnel de leacutevaluation 4deg

La qualiteacute de leacutequipe peacutedagogique respon-sable qui est composeacutee notamment densei-gnants permanents de professionnels de santeacute ainsi que de personnes autoriseacutees agrave porter le titre de psychotheacuterapeute Cette eacutequipe est placeacutee sous lautoriteacute dun con-seil scientifique comprenant notamment un

titulaire dun titre de formation mentionneacute agrave larticle L 4131-1 du code de la santeacute pu-

blique 5deg Ladeacutequation des moyens peacuteda-

gogiques par rapport au projet peacutedagogique et agrave leffectif des eacutelegraveves dans les diffeacuterentes

anneacutees de formation 6deg La conformiteacute des

locaux en matiegravere de seacutecuriteacute et daccessi-biliteacute ainsi que leur adeacutequation par rapport au projet peacutedagogique et agrave leffectif des eacutelegraveves dans les diffeacuterentes anneacutees de for-

mationLes eacutetablissements denseigne-

ment priveacutes doivent en outre satisfaire aux prescriptions des articles L 731-1 agrave L 731-

17 du code de leacuteducation Article 12 La personne physique ou morale juridique-ment responsable dun eacutetablissement de formation deacutesirant assurer la formation mentionneacutee agrave larticle 1er eacutetablit un dossier

de demande dagreacutementCe dossier est

adresseacute au plus tard six mois avant la date de louverture de la formation au directeur geacuteneacuteral de lagence reacutegionale de santeacute dans le ressort duquel leacutetablissement a son

siegravege socialCelui-ci en accuse reacuteception

dans les conditions fixeacutees par le deacutecret du 6

juin 2001 susviseacuteLa composition de ce

dossier est fixeacutee par arrecircteacute conjoint des mi-nistres chargeacutes de la santeacute et de lenseigne-ment supeacuterieur Il comporte notamment les statuts de leacutetablissement de formation et sa capaciteacute daccueil la description des forma-tions deacutelivreacutees la description des locaux et des moyens peacutedagogiques Il preacutecise sagissant de la formation en psychopatho-logie clinique le contenu de la formation theacuteorique et pratique deacutelivreacutee le descriptif du corps enseignant (effectifs qualiteacute quali-fication) la nature des activiteacutes et de la par-ticipation agrave la recherche de leacutequipe respon-

sable de la formation Article 13 Tout dossier deacuteposeacute est transmis par le di-recteur geacuteneacuteral de lagence reacutegionale de santeacute au secreacutetariat de la commission dans un deacutelai dun mois agrave compter de laccuseacute de

reacuteception de la demande initialeLa com-

mission se reacuteunit sur convocation de son preacutesident et dans les conditions fixeacutees par le deacutecret du 8 juin 2006 susviseacute Elle rend son avis dans le deacutelai de deux mois agrave

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 41

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

compter de sa saisineLe repreacutesentant de

leacutetablissement de formation est entendu par la commission reacutegionale sil en formule le souhait au moment du deacutepocirct de la candi-

dature ou agrave la demande de la commissionLavis est notifieacute agrave leacutetablissement qui a in-

troduit la demande Article 14 En cas davis neacutegatif et dans un deacutelai dun mois suivant sa notification le repreacutesentant de leacutetablissement de formation peut de-mander au directeur geacuteneacuteral de lagence reacutegionale de santeacute de convoquer une nou-

velle reacuteunion de la commissionCelle-ci

siegravege dans une formation eacutelargie agrave len-semble de ses membres titulaires et sup-

pleacuteantsSon avis se substitue au premier

avis rendu Article 15 La deacutecision dagreacutement intervient au plus tard six mois apregraves le deacutepocirct de la demande initiale En cas de recours dans les condi-tions preacutevues agrave larticle 14 ce deacutelai est pro-

longeacute de deux moisLe silence de ladmi-

nistration agrave lexpiration de ce deacutelai vaut deacute-

cision de rejetLa suspension ou le retrait

de lagreacutement sont prononceacutes par deacutecision motiveacutee des ministres chargeacutes de la santeacute et de lenseignement supeacuterieur apregraves que leacutetablissement a eacuteteacute mis agrave mecircme de preacute-senter ses observations lorsque le contenu ou les modaliteacutes dorganisation de la forma-tion cessent decirctre conformes aux condi-tions preacutevues agrave larticle 11 du preacutesent deacute-

cret CHAPITRE IV DISPOSITIONS TRANSI-

TOIRES Article 16

I ― Les professionnels justifiant dau moins cinq ans de pratique de la psychotheacutera-pie agrave la date de publication du preacutesent deacutecret peuvent ecirctre inscrits sur la liste deacutepartementale mentionneacutee agrave larticle 7 alors mecircme quils ne remplissent pas les conditions de formation et de diplocircme preacutevues aux articles 1er et 6 du preacutesent deacutecret Cette deacuterogation est accordeacutee par le preacutefet du deacutepartement de la reacutesi-dence professionnelle du demandeur apregraves avis de la commission reacutegionale dinscription Le professionnel preacutesente

cette autorisation lors de sa demande dinscription sur la liste deacutepartementale

des psychotheacuterapeutes II - La commission mentionneacutee au I est preacutesi-

deacutee par le directeur geacuteneacuteral de lagence reacutegionale de santeacute ou par la personne quil a reacuteguliegraverement deacutesigneacutee pour le repreacutesenter Elle comprend six person-naliteacutes qualifieacutees titulaires et six person-naliteacutes suppleacuteantes appartenant agrave lune des trois cateacutegories mentionneacutees au cin-quiegraveme alineacutea de larticle 52 de la loi du 9 aoucirct 2004 susviseacutee et nommeacutees par le directeur geacuteneacuteral de lagence reacutegio-nale de santeacute qui les choisit en raison de leurs compeacutetences dans les domaines de la formation et de leur expeacuterience professionnelle dans le champ de la psychiatrie de la psychanalyse ou de la psychopathologie clinique sans quau-cune de ces trois cateacutegories de profes-sionnels ne soit majoritaire au sein de la commission Ses membres sont nom-meacutes pour une dureacutee de trois ans renou-

velable une foisLa commission se reacuteu-

nit dans les conditions fixeacutees par le deacute-

cret du 8 juin 2006 susviseacuteLes frais de

deacuteplacement et de seacutejour de ses membres sont pris en charge dans les conditions preacutevues par la reacuteglementation

applicable aux fonctionnaires de lEtatLa commission sassure que les forma-tions preacuteceacutedemment valideacutees par le pro-fessionnel et son expeacuterience profession-nelle peuvent ecirctre admises en eacutequiva-lence de la formation minimale preacutevue agrave larticle 1er et le cas eacutecheacuteant du di-plocircme preacutevu agrave larticle 6 Elle deacutefinit si neacutecessaire la nature et la dureacutee de la formation compleacutementaire neacutecessaire agrave linscription sur le registre des psycho-

theacuterapeutesLe professionnel est en-

tendu par la commission sil en formule le souhait au moment du deacutepocirct de son dossier ou agrave la demande de la commis-

sion Article 17 Les professionnels qui souhaitent obtenir une autorisation dinscription sur le registre des psychotheacuterapeutes en application de larticle 16 preacutesentent dans le deacutelai dun an

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 42

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

agrave compter de la publication du preacutesent deacute-cret un dossier en ce sens dans les condi-

tions preacutevues agrave larticle 7Cette demande

est accompagneacutee des piegraveces justificatives notamment administratives attestant de

lexercice de la psychotheacuterapieA la reacutecep-

tion du dossier complet il est deacutelivreacute agrave linteacuteresseacute un accuseacute de reacuteception deacutelivreacute dans les conditions fixeacutees par le deacutecret du 6 juin 2001 susviseacute Celui-ci permet au pro-fessionnel qui utilisait preacuteceacutedemment le titre de psychotheacuterapeute de continuer agrave lutiliser

jusquagrave lintervention de la deacutecisionLe si-

lence gardeacute pendant plus de six mois sur une demande preacutesenteacutee au titre du I de lar-ticle 16 vaut deacutecision de rejet Dans les cas ougrave en application de ces dispositions il est demandeacute au candidat de justifier dune for-mation compleacutementaire celle-ci doit ecirctre effectueacutee avant le 1er janvier 2014 Si cette exigence nest pas remplie le preacutefet retire le professionnel des inscrits sur la liste deacute-

partementale des psychotheacuterapeutes Article 18 Les dispositions du preacutesent deacutecret entrent

en vigueur agrave compter du 1er juillet 2010Pour lapplication du preacutesent deacutecret agrave Saint-Pierre-et-Miquelon les compeacutetences deacutevo-lues au directeur geacuteneacuteral de lagence reacutegio-nale de santeacute par le preacutesent deacutecret sont exerceacutees par les services chargeacutes de lad-

ministration territoriale de la santeacute Article 19 Le ministre de linteacuterieur de loutre-mer et des collectiviteacutes territoriales la ministre de lenseignement supeacuterieur et de la re-cherche la ministre de la santeacute et des sports et la ministre aupregraves du ministre de linteacuterieur de loutre-mer et des collectiviteacutes territoriales chargeacutee de loutre-mer sont chargeacutes chacun en ce qui le concerne de lexeacutecution du preacutesent deacutecret qui sera pu-blieacute au Journal officiel de la Reacutepublique franccedilaise

ANNEXE NOMBRES DHEURES DE FORMATION

EN PSYCHOPATHOLOGIE CLINIQUEEXIGEacuteES DES CANDIDATS AU TITRE DE

PSYCHOTHEacuteRAPEUTE

THEgraveME de formation

PSYCHIATRES Dispense totale

MEacuteDECINS non psychiatres

PSYCHOLOGUES cliniciens

PSYCHOLOGUES non cliniciens

PSYCHANALYSTES Reacuteguliegraverement enre-gistreacutes dans leur annuaires

PROFESSIONNELS nappartenant agrave aucune des cateacutego-ries preacuteceacutedentes

Deacuteveloppement fonctionnement et processus psychiques

0 h

0 h

0 h

0 h

0 h

100 h

Critegraveres de discernement des grandes pathologies psychiatriques

0 h

0 h

50 h

100 h

100 h

100 h

Theacuteories se rapportant agrave la psychopatholo-gie

0 h

100 h

50 h

100 h

50 h

100 h

Principale ap-proches utili-seacutees en psycho-theacuterapie

0 h

100 h

50 h

100 h

50 h

100 h

Stage

0 mois

2 mois

2 mois

5 mois

2 mois

5 mois

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 43

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

Psychotheacuterapeute agrave quel titre

Patrice Nomineacute CSAPA Espace Murger - Service de Psychiatrie

Adulte du Pr Jean Pierre Leacutepine Hocircpital Fernand Widal

L a preacuteoccupation des pouvoirs publics de

reacuteglementer la pratique officielle de la

psychotheacuterapie provoque des turbu-

lences dans le petit monde des psychologues

qui se targuent drsquoen effectuer sous les formes

les plus diverses et qui se voient sommeacutes de

faire la preuve de leur formation dans ce do-

maine agrave deacutefaut de faire de mecircme en ce qui

concerne leur compeacutetence ce qui par ailleurs

nrsquoest guegravere deacutemontrable

Chacun drsquoentre eux peut bien entendu invoquer

son expeacuterience ineffable ou le prestige accordeacute

agrave sa theacuteorie de reacutefeacuterence pour estimer leacutegitime

de srsquoaffranchir drsquoune telle justification tout en

ne perdant pas de vue qursquoun statut estampilleacute

par lrsquoautoriteacute administrative peut garantir la

poursuite sereine de telles activiteacutes Pour les

plus eacuteclectiques le choix drsquoune eacutecole certifiante

ressemblera agrave un mariage de raison

Crsquoest donc au prix drsquoune soumission agrave lrsquoautoriteacute

que lrsquoexercice drsquoune telle liberteacute peut espeacuterer

se perpeacutetuer Crsquoest lagrave lrsquoune des formes de la

reacutesignation peu glorieuse certes agrave laquelle on

pourrait preacutefeacuterer le discernement formulation

bien plus acceptable au regard de lrsquoestime de

soi Crsquoest ce dont semblent avoir manqueacute celui

ou celle ou ceux qui ont cru bon drsquoaller couiner

dans une oreille des plus compatissantes que

la pratique de la psychotheacuterapie devait ecirctre reacute-

serveacutee agrave des professionnels persuadeacutes de sa-

voir y faire et capables de preacutesenter des ga-

ranties plutocirct qursquoagrave des gougnafiers mecircme pas

fichus drsquoexhiber la moindre preuve convain-

cante de la leacutegitimiteacute de leurs preacutetentions Ce

qui est drsquoailleurs la reacutealiteacute Mais comment

srsquoeacutetonner drsquoune telle beacutevue si lrsquoon srsquoen rap-

porte agrave la ceacutelegravebre Loi de Murphy qui eacutenonce

que sil y a plusieurs faccedilons de faire quelque

chose et que lune delles peut aboutir agrave une

catastrophe alors quelquun la choisira

Les mecircmes qui reacuteclamaient la mise en place

drsquoune reacuteglementation officielle reacuteservant le titre

de psychotheacuterapeute agrave des professionnels de

qualiteacute ducircment formeacutes agrave cet effet sont parmi

les premiers agrave protester contre les formes don-

neacutees agrave cette derniegravere par une souveraineteacute deacute-

ficitaire dont lrsquoexercice autoritaire nous rappelle

que nous sommes destineacutes agrave nous faire ap-

prendre ce que lrsquoon sait deacutejagrave par des gens qui

nrsquoy connaissent rien Agrave lrsquoheure de la prolifeacutera-

tion des reacutefeacuterentiels et des protocoles reacuteclamer

encore un peu plus de controcircles et de veacuterifica-

tions suspicieuses ne peut que servir de via-

tique aux frileux de la subjectiviteacute qui sont

friands de contraintes rassurantes Et on ne

srsquoeacutetonnera pas de les voir se formaliser drsquoen

avoir appeleacute agrave Raminagrobis comme dans la

ceacutelegravebre fable de Jean de La Fontaine Le

chat la belette et le petit lapin

Crsquoeacutetait un chat vivant comme un deacutevot ermite

Un chat faisant la chattemite

Un saint homme de chat bien fourreacute gros et

gras

Arbitre expert sur tous les cas

Et de voir se faire croquer tout uniment secta-

teurs et protestataires tout marris drsquoavoir con-

senti agrave lrsquoincompeacutetence et la condescendance

de deacutecideurs comme on dit le sort de leurs

activiteacutes Drsquoougrave la singularisation des heacutesitants

ameacutenagements survenus qui vident du proceacute-

deacute la geacuteneacuteralisation qursquoil visait au profit de re-

connaissances professionnelles plus contrai-

gnantes encore par la judiciarisation des liber-

teacutes du mecircme tonneau Et ce qui ne peut agrave lrsquoeacutevi-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 44

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

dence valoir pour tous nrsquoa que peu de chances

de valoir davantage pour chacun Ce seraient

donc des organisations professionnelles qui se

verraient deacutecerner des preacuterogatives pour les

beacuteneacuteficiaires qui auront eu la bonne ideacutee de srsquoy

glisser Cela veacuterifie tout agrave la fois la meacuteta-loi de

Cooper qui eacutenonce qursquoune prolifeacuteration de

nouvelles lois creacutee une prolifeacuteration de nou-

veaux vides juridiques et ce bon vieux pro-

verbe qui dit que le clou qui deacutepasse attire le

marteau

On savait deacutenombrer quelques centaines de

types de psychotheacuterapies pleacutethore drsquoautant

plus deacuterisoire que cette recension ne concerne

le plus souvent que des techniques psychotheacute-

rapiques certes impliqueacutees dans des disposi-

tifs agrave viseacutee theacuterapeutique mais certainement

incapables de deacutefinir la psychotheacuterapie car

comment eacutetablir un modegravele de lrsquoindeacutefinissable

Pour autant il sera difficile de deacutemontrer que la

formation certifieacutee agrave une technique psychotheacute-

rapique est assimilable agrave la performance de sa

mise en oeuvre Car qursquoen est-il vraiment dans

la reacutealiteacute de ces audacieuses pratiques Srsquoagit

-il drsquoune illusion entretenue par les theacuterapeutes

sur lrsquointeacuterecirct de leurs manœuvres Les patients

qui srsquoy exposent ne font-ils que changer de re-

gistre de repreacutesentations ou accegravedent-ils reacuteelle-

ment agrave une autre dimension de leur ecirctre Et

comment srsquoaccommodent-ils des aventures

parfois interminables dans lesquelles de telles

situations les plongent

Ces derniers qui se sont aperccedilus que le destin

commenccedilait agrave leur masser les eacutepaules srsquoils

nrsquoacceptent la perspective du changement que

par neacutecessiteacute et la neacutecessiteacute que parce que

leur sentiment drsquoexistence se trouve en deacutelica-

tesse se trouvent le plus souvent agrave la re-

cherche drsquoun sentiment perdu celui de la com-

pleacutetude Et ce sont eux qui deacutecident finalement

si leur rencontre avec un ou une psychologue

doit prendre cette tournure apregraves avoir eacutepuiseacute

tout ce qui leur avait jusque-lagrave permis drsquoy

eacutechapper Ils nrsquoont plus confiance dans la reacuteali-

teacute qui nrsquoest elle-mecircme apregraves tout qursquoun pres-

sentiment collectif Crsquoest que le patient qui se

reacutesout agrave consulter fait la preuve qursquoil a reacuteussi agrave

surmonter sa honte de devoir neacutecessiter une

telle deacutemarche ce qui deacutemontre lrsquoexistence de

la premiegravere ressource personnelle qui lui ap-

partient Si le patient neacuteglige ce qui le pousse agrave

changer alors le changement lui-mecircme est neacute-

gligeacute Il doit rencontrer une attitude telle qursquoil en

ressentira de la consideacuteration premiegravere res-

source theacuterapeutique en retour agrave la disposition

du psychotheacuterapeute

Et puis on voit tous les jours des patients aller

mieux en deacutepit de nos subtiles interventions

peut-ecirctre gracircce aux perfectibiliteacutes de celles-ci

Le patient met son talent agrave notre service mais

pour le bon deacuteroulement des choses il doit ecirctre

eacuteclaireacute sur ses responsabiliteacutes Prisonnier des

circonstances ce qui le rend malheureux le

patient soucieux de participer agrave son eacutemancipa-

tion doit inciter son ou sa psychotheacuterapeute

par des questions simples et bienveillantes agrave

reformuler ce qursquoil comprend de la situation et agrave

exprimer son ressenti Il est essentiel que le

theacuterapeute se sente eacutecouteacute informeacute et respec-

teacute Il ne doit pas craindre de lrsquoimportuner

puisque de toute faccedilon ce sera le cas En preacute-

servant la liberteacute de penseacutee de ce dernier et en

veillant agrave le faire participer aux orientations de

la theacuterapie le patient doit mettre une grande

conviction agrave le convaincre qursquoil est la personne

concerneacutee en premier lieu par le choix de celle-

ci avec la capaciteacute de reacutefleacutechir et de prendre

les deacutecisions qui le concernent agrave partir des in-

formations qursquoil partage avec lui Le patient de-

vra eacutegalement precircter attention aux signes de

conduites addictives ou aux troubles obses-

sionnels compulsifs du psychotheacuterapeute Un

signe drsquoappel agrave connaicirctre est la position con-

descendante ou le silence obstineacute ou encore

la somnolence difficilement dissimuleacutee qui sont

sans rapport avec les attentes drsquoeacutecoute et de

compreacutehension que le patient tente drsquoexprimer

Le patient doit savoir que la preacutevalence du sui-

cide de la deacutepression du syndrome deacutecision-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 45

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

nel de lrsquoalcoolisme et de la toxicomanie est

bien supeacuterieure chez les psychotheacuterapeutes agrave

celle de la population geacuteneacuterale Il srsquoefforcera

donc de lui faciliter la vie par de petites atten-

tions ou remarques gratifiantes afin de ne pas

alimenter les fameux dysfonctionnements dont

les protocoles theacuterapeutiques se sont enticheacutes

Enfin les interlocuteurs ne devront jamais

perdre de vue que lrsquoon nrsquoest jamais autant deacuteccedilu

que par les illusions que lrsquoon perd Bref pour le

privilegravege drsquoune synergie additive de bon aloi le

patient et son psy doivent parvenir agrave se persua-

der que leur liberteacute de manoeuvre consiste agrave

faire tout ce que permet la longueur de la

chaicircne qui les assujettit Et la principale recom-

mandation exigeacutee pour les deux acteurs de ces

proceacutedeacutes interactifs tant pour le patient que

pour son psy semble devoir se fonder sur une

robuste et saine suspicion mutuelle La reacutecipro-

citeacute est la clef de tous les rapports humains

Si lrsquoon veut bien eacutecarter un instant les passion-

nantes preacutesentations de cas superbement rap-

porteacutes par leurs auteurs et dont les colloques

sont friands ougrave tout est eacutelucideacute et dans les-

quelles tout semble srsquoexpliquer facilement ougrave

la posture adopteacutee par le ou la psychotheacutera-

peute srsquoest trouveacutee bien venue ougrave ses inter-

preacutetations se sont reacuteveacuteleacutees pertinentes et ses

interventions judicieuses qui auront abouti agrave

un reacutesultat suffisamment satisfaisant pour ecirctre

exposeacute on srsquoautorisera agrave penser que ces preacute-

sentations sont sans doute davantage drsquoineacutevi-

tables reconstructions que la traduction fidegravele

du deacuteroulement des eacuteveacutenements de lrsquoordre de

lrsquoimplacable authenticiteacute dont se montre ca-

pable une cameacutera de surveillance de distribu-

teur de billets de banque Apregraves tout si le men-

songe est le secret de la vie amoureuse crsquoest

aussi le ciment de la vie sociale La subjectiviteacute

srsquoinsinue partout peut-ecirctre plus encore dans

les souvenirs que dans les activiteacutes de percep-

tion Un souvenir est un mensonge qui dit tou-

jours la veacuteriteacute a eacutecrit Jean Cocteau recons-

truction conjecturale mais sincegravere expression

dans lrsquoinstant de sa remeacutemoration puisque tout

peut ecirctre exact sans que rien ne soit vrai En

theacuteorie tout srsquoexplique en pratique tout se

complique Ce nrsquoest pourtant pas une raison

pour faire les gros yeux aux garnements de la

psychotheacuterapie Qui srsquointeacuteresserait agrave la pein-

ture dans le seul but de devenir trafiquant

drsquoœuvres drsquoart

Or ce que redoute la theacuterapeutique crsquoest lrsquoer-

reur la faute restant beaucoup plus inconce-

vable qursquoelle est exceptionnelle et lrsquoeacutechec trop

reacutecurrent tandis que ce queacutevite la circonspec-

tion mdash en ne versant daucuns cocircteacutes mdash crsquoest la

partialiteacute Crsquoest donc vrai quelle apparaicirct ordi-

naire commune qursquoelle ne se dissipe pas

comme le fait le theacuteorique dans ses cabrioles

et si elle ne fait pas toujours la preuve drsquoune

grande inventiviteacute elle nrsquoest pas hanteacutee par

lrsquoexigence de la coheacuterence ce spectre des pe-

tits esprits Elle ne cherche pas non plus agrave sus-

citer la contradiction ni ne vise agrave se singulari-

ser en prenant une position mais elle aspire agrave

conserver lrsquoesprit ouvert agrave tous les possibles

quitte agrave cultiver le paradoxe Crsquoest sans doute

pour cette raison que quand lrsquoadresse agrave un pa-

tient se reacutevegravele theacuterapeutique ce nrsquoest pas une

surprise totale crsquoest le plus souvent lrsquoaboutis-

sement drsquoune deacutemarche heuristique Ceux qui

srsquoembarrassent dans un diagnostic ce qursquoils

srsquoimaginent indispensable avant toute entre-

prise et auquel ils finissent par croire et ce fai-

sant faire croire implicitement au patient qursquoil

srsquoapplique agrave lui mecircme quand ils ne cegravedent pas

agrave la tentation de lui en faire la reacuteveacutelation peu-

vent finir par srsquoenfermer dans une illusion com-

mune Une telle disposition est assimilable

dans son essence au preacutesupposeacute On voit la

difficulteacute apparaicirctre dans les efforts drsquoy faire

piegravece et que cela ne preacutesage rien de bon

Pourtant on a bien souvent vu la situation theacute-

rapeutique eacutevoluer favorablement en deacutepit de

ces preacutemisses douteuses Qursquoen penser Si

lrsquoon considegravere que la tacircche fondamentale du

psychotheacuterapeute est bien de reacutesoudre des

problegravemes de maniegravere efficace et dynamique

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 46

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

si lrsquoon peut srsquoeacutecarter un tant soit peu des con-

ceptions traditionnelles des problegravemes psycho-

pathologiques mettre en doute lrsquoexistence de

deacuteficits agrave reacuteparer ou agrave compenser chez le pa-

tient srsquoautoriser agrave penser que la reacutesistance au

changement de ce dernier nrsquoa rien agrave voir avec

la rentabiliteacute speacutecifique de symptocircmes en

terme de pouvoir interpersonnel on peut envi-

sager drsquointroduire des solutions qui ne srsquoentre-

tiennent pas elles-mecircmes et deviennent des

obstacles au changement Alors le theacuterapeute

peut se contenter drsquoamorcer un changement et

deacutecliner la neacutecessiteacute de srsquoengager agrave lrsquoaccompa-

gner jusqursquoagrave son terme Et quand les venues

du patient deviennent plus rares se souvenir

que Freud deacuteclarait que la cure est termineacutee

quand le patient ne vient plus

On connaicirct les dispositions favorables du pa-

tient agrave srsquoidentifier au profil qursquoon lui propose Et

si les patients se montrent rarement agrave la hau-

teur de ce que lrsquoon attend drsquoeux crsquoest parce

que lrsquoon attend quelque chose de leur part qui

soit agrave la hauteur de nos preacutetendues compeacute-

tences dont rappelons-nous il srsquoagit de reacutegle-

menter la mise en oeuvre Or lrsquoobjectif du theacute-

rapeute peut-il ecirctre leacutegitimement de confirmer

ses convictions Srsquoil interpregravete les causes du

mal-ecirctre de ses patients en fonction dun scheacute-

ma geacuteneacuteral et preacuteeacutetabli ne les trahit-il pas Et

serait-il bien congru de proposer des theacuterapies

en precirct-agrave-porter mecircme en demi-taille plutocirct

que faire dans le sur mesure en fonction des

ressources que le patient a lrsquoair de preacutesenter

Les deux acteurs de lrsquoaffaire risquent de rater

ce qursquoils recherchent implicitement en croyant y

gagner quelque chose le theacuterapeute la confir-

mation de ses convictions et le patient un

eacuteclaircissement de ses difficulteacutes en mecircme

temps que son adoption par une autoriteacute qui

lrsquoenteacuterine Toute clarteacute se paie drsquoun mystegravere et

comme une conscience claire est le signe

drsquoune mauvaise meacutemoire on nrsquoen saura pas

beaucoup plus les ideacutees nettes et distinctes

chegraveres agrave Reneacute Descartes nrsquoont guegravere fait la

preuve de leur eacutevidence La responsabiliteacute du

theacuterapeute srsquoeacutemaille de tant de deacuteterminants

que ce dernier est tout agrave fait capable de se ran-

ger agrave ce qursquoil croit justifieacute Mais la croyance

nrsquoest pas seulement une ideacutee que lrsquoesprit pos-

segravede crsquoest eacutegalement une ideacutee qui possegravede

lrsquoesprit Le plus grand deacuteregraveglement de lrsquoesprit

est de croire que les choses sont parce que

lrsquoon veut qursquoelles soient Les psychologues sa-

vent si bien identifier les situations qui se precircte-

ront au beacuteneacutefice de leur clairvoyance qursquoils

sont eacutegalement fortement sujets agrave lrsquoisseacutegoureacutee

facirccheuse pathologie qui deacutesigne un don parti-

culier pour toujours chercher drsquoabord dans la

mauvaise poche

Toutefois une relation de confiance une fois

installeacutee ccedila commence agrave rouler mais au fil du

temps la roue finit par prendre du jeu et les

orientations agrave srsquoinstaller dans le confort agrave srsquoen-

liser dans lrsquoanamnegravese agrave travailler obstineacutement

la reacutepeacutetition agrave se contenter de pointer des meacute-

canismes quant ccedila ne se reacuteduit pas agrave la pro-

duction de regrettables rationalisations Il srsquoagit

plutocirct de reacuteapprendre des conduites au patient

apregraves qursquoil en ait renouveleacute le choix agrave srsquoenga-

ger dans des activiteacutes qui permettent de modi-

fier substantiellement les modes de penseacutee Le

but ultime de la psychotheacuterapie nest pas seu-

lement deacuteliminer des comportements deacuteplo-

rables cest dapprendre agrave mieux geacuterer ses

propres processus mentaux agrave affronter avec

plus de reacuteussite des situations oppressantes et

agrave deacutevelopper des opeacuterations psychiques plus

performantes et une maniegravere drsquoecirctre au monde

plus eacutepanouissante une expression de la

sphegravere psychique privileacutegiant la valorisation

des aspirations individuelles qui deacutebouche sur

la preacutedilection pour lrsquoespace inteacuterieur caracteacuteri-

seacute sur lequel on pense souvent ecirctre suscep-

tible de pouvoir agir Mais comment juger ac-

ceptable que le patient se retrouve dans la po-

sition de celui qui la cleacute de son appartement agrave

la main se voit contraint drsquoactionner la son-

nette pour rentrer chez lui

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 47

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

Tout ceci pour suggeacuterer une approche zeacuteteacute-

tique des psychotheacuterapies pour autant qursquoelle

puisse ecirctre soupccedilonneacutee de participer agrave lrsquoactua-

lisation de la confusion des genres qui permet-

trait drsquoeffectuer la distinction entre drsquoune part la

psychotechnique de la theacuterapie que la revendi-

cation du titre de psychotheacuterapeute tendrait agrave

certifier au prix drsquoun reacuteductionnisme preacutejudi-

ciable agrave la pratique clinique et au meacutepris drsquoune

certaine creacuteativiteacute et la conduite drsquoun projet

psychotheacuterapique circonspect avec des tech-

niques approprieacutees et individualiseacutees jouant le

rocircle drsquoun outil directionnel

Les psychologues sont censeacutes distinguer le

subjectif de lrsquoirrationnel Il ne sagit pas dex-

clure la subjectiviteacute ni mecircme de la reacuteduire

mais de la conserver au cœur de la pratique de

la psychologie clinique Cest lagrave au cœur de la

subjectiviteacute de lindividuel que celle-ci peut

justifier sa speacutecificiteacute En revanche on ne se

preacuteoccupera pas des ayatollahs de la psycha-

nalyse au masque douloureux et au regard fil-

trant arborant un air drsquoen savoir long ni des

forceneacutes du dressage cognitif qui se deacutesolent

de ne pas voir le patient marcher mieux que

cela dans la combine Pas plus drsquoailleurs que

de tous les gardes-frontiegraveres des succegraves qui

leur eacutechappent qui sont des envieux comme

tous les censeurs Agrave Theacuterapik Park les psy-

chotheacuteraptors chassent tout autant en meute

qursquoen snipers

Il est important de tendre vers une pratique

permissive en accordant au patient la possibili-

teacute de reacutealiser que lorigine des changements se

trouve en lui comme il pense de celle des pro-

blegravemes qui sont les siens qui pourra de cette

faccedilon acqueacuterir une autonomie dans son pro-

cessus de traitement Mais lrsquoon a appris que ce

reacutesultat ne peut ecirctre obtenu que si lrsquoon accorde

au patient la possibiliteacute de tricher Cette faculteacute

le poussera rarement agrave en user mais sa virtua-

liteacute qursquoil est en mesure de srsquoapproprier facilite-

ra bien souvent la survenue des identifications

rechercheacutees par le theacuterapeute parce que le

patient en fera ainsi plus facilement son affaire

Crsquoest en quelque sorte entrer par la porte de

derriegravere dans le champ complexe de la forma-

tion du reacuteel

Cette approche zeacuteteacutetique estomperait eacutegale-

ment la suspicion de thaumaturgie qui revien-

drait au professionnel qui srsquoappuyant sur la

conviction qursquoil y a quelque chose agrave soigner

chez le patient au titre de lrsquoadheacutesion de ce der-

nier agrave la proposition drsquoune telle assertion

srsquoexempterait du titre en vertu de lrsquoautorisation

qursquoil srsquooctroierait agrave lui-mecircme de pratiquer Pen-

ser par soi-mecircme crsquoest souvent penser tout

seul ou pire penser comme tout le monde

Mieux vaut peut-ecirctre penser contre soi-mecircme

et se faire agrave soi-mecircme les objections des

autres Toutes les psychotheacuterapies ont leurs

chimegraveres apregraves lesquelles elles courent sans

jamais les attraper Mais avantageusement en

chemin elles srsquooctroient des opportuniteacutes qui

ne sont pas toutes neacutegligeables Et sans ou-

blier que quand la sinceacuteriteacute confine agrave lrsquoarbi-

traire on en vient agrave regretter lrsquohypocrisie

comme lrsquoa magistralement exprimeacute Descartes

on peut deacutecider que lrsquoon nrsquoest sucircr de rien et

que lrsquoon nrsquoest mecircme pas sucircr que lrsquoon nrsquoest sucircr

de rien cesser de consideacuterer que les pro-

blegravemes compliqueacutes neacutecessitent forceacutement des

solutions compliqueacutees Il y a aussi des psycho-

theacuterapies qui durent des anneacutees et un mauvais

esprit pourrait eacutetablir une comparaison avec les

banques qui quoiqursquoun virement par ordinateur

ne prenne qursquoune seconde aiment en faire tout

un plat afin que les fonds demeurent un mo-

ment dans leur systegraveme et leur rapportent

Comme nous vivons irreacutesistiblement dans un

monde de repreacutesentations la seacuteduction du titre

peut exciter la convoitise mdash celle-ci constituant

la plus formidable des motivations humaines mdash

de psychotheacuterapeutes en quecircte de reconnais-

sance Mais ce sont les ideacutees les plus seacutedui-

santes qui ont le plus souvent besoin de se re-

maquiller Le terme de trompe-couillon deacutesi-

gnant le maquillage en langue verte est trop

illustratif dans le domaine des psychotheacuterapies

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 48

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

pour deacutecourager complegravetement la tentation de

srsquoinsurger contre lrsquoeacuteventualiteacute de sa pertinence

Le titre de psychotheacuterapeute ressemble agrave la

queue du Mickey de notre enfance qursquoil fallait

attraper pour avoir un tour gratuit de manegravege

On peut bien courir encore longtemps apregraves

son obtention mais si lrsquoon veut finir de rouler le

peacutetard il faudra bien se reacutesoudre au bout drsquoun

moment agrave cesser de rechercher le petit bout de

shit tombeacute sur la moquette marron

Alors psychotheacuterapeute agrave quel titre quand la

proposition theacuterapeutique tiendrait tout entiegravere

en quatriegraveme de couverture Et lrsquoon peut ajou-

ter agrave notre accablement la conjoncture imagi-

naire que nous ne nous en remettrons jamais

et deacutecider que la psychotheacuterapie est devenue

un business Bien sucircr ces consideacuterations ne

srsquoappliquent pas aux psychotheacuterapeutes pour

lesquels rien nrsquoest impossible eacutequipeacutes du tout

agrave lrsquoego agrave soi qui sont si lrsquoon peut dire la protu-

beacuterance de la profession Elles ne srsquoappliquent

pas davantage agrave ces professionnels dont

lrsquoinaptitude est semblable agrave celle des jeunes

paresseux ces mammifegraveres arboricoles de la

forecirct breacutesilienne auxquels il arrive freacutequem-

ment drsquoempoigner leurs propres pattes agrave la

place des branches si bien qursquoils tombent des

arbres

Enfin lrsquoexigence de ce titre fait voir se multiplier

des instituts de formation agrave la psychotheacuterapie

neacutes de la derniegravere pluie qui ne feraient que

precirccher pour leur paroisse agrave des ouailles fasci-

neacutees par la quecircte de la qualification Il suffirait

alors de deacutetenir le titre de psychotheacuterapeute

pour le devenir tandis que ceux ou celles qui

en possegravedent la compeacutetence et qui se risquent

agrave en pratiquer verraient fragiliseacutee leur deacutetermi-

nation agrave y recourir sans lrsquoestampille de sa sa-

cralisation Crsquoest ainsi qursquoun meacutecanicien de la

relation identifieacute comme speacutecialiste du soin et

de la gestion des relations interpersonnelles

viendra disqualifier la prodigieuse diversiteacute des

fonctionnaliteacutes de la psychologie clinique agrave la-

quelle nous sommes tous attacheacutes Et lrsquoon ver-

ra des psychotheacuterapeutes nantis de bons certi-

ficats srsquoeacutevertuer dans la profession et y forger

leur reacuteussite juste pour prouver que crsquoest pos-

sible Les exigences des employeurs se mon-

treront de plus en plus impeacuteratives sur ce point

les assureurs jouant le rocircle drsquoagences de nota-

tion et lrsquoon nrsquoengagera deacutesormais que des

eacutebeacutenistes qualifieacutes comme caissiers chez Ikea

Quand le doute est leveacute il deacutebouche sur une

incertitude et le psychotheacuterapeute ballotteacute au

greacute des vagues de lrsquooceacutean du deacutesir de nou-

velles contraintes reacuteglementaires dans sa lutte

contre la deacutereacuteliction par tous les temps se

trouve embarrasseacute par le choix impossible

entre deux deacutesillusions voir que lrsquoeacutetendue du

champ de la pratique de la psychotheacuterapie se

precircte deacutesormais deacutecideacutement mal agrave son entre-

prise ou constater combien ccedila va ecirctre difficile

de lrsquoentreprendre agrave ses propres conditions

Crsquoest comme eacuteprouver le deacutesappointement de

la dame constatant que la lunette des toilettes

nrsquoest pas abaisseacutee ou la consternation du

monsieur qui deacutecouvre que la mecircme lunette ne

tient pas releveacutee Mais quitte agrave voyager sur le

Titanic pourquoi pas en premiegravere classe

La vie professionnelle nous rappelle combien le

monde peut paraicirctre singulier lorsqursquoon le re-

garde apregraves avoir fait un simple pas sur le cocircteacute

Lrsquoexercice de la psychotheacuterapie srsquoassaisonne

de pas mal drsquohumiliteacute et drsquoun peu de creacuteativiteacute

Peut-on ecirctre agrave la fois malin et intelligent Les

psychologues cliniciens pratiquent volontiers

lrsquousage des deux adverbes fondamentaux qui

eacuteveillent lrsquointelligence des enfants pourquoi

et comment Lrsquointelligence incite agrave la reacute-

flexion et la reacuteflexion conduit au scepticisme

Le scepticisme lui megravene agrave lrsquoironie Lrsquoironie

cette meacutelancolie de la luciditeacute agrave son tour se

preacutesente agrave lrsquoesprit mdash qui se trouve en apport

direct avec lrsquohumour mdash qui fait si bon meacutenage

avec la fantaisie Et la vie devient une chose

deacutelicieuse aussitocirct qursquoon deacutecide de ne plus la

prendre tout agrave fait au seacuterieux

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 49

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

Modeacuterateur Patrice Nomineacute Hocircpital Fernand Widal

gt La dimension culturelle dans leacutecoute des pa-

tients migrants africains

Jacqueline Faure Hocircpital Tenon Page 50

gt Psychologue en reacuteanimation peacutediatrique teacute-

moignage drsquoune pratique en eacutevolution

Muriel Derome Hocircpital Raymond Poincareacute Page 60

gt Seacutejour de vacances quelle place pour le psy-

chologue

Ceacuteline Le Bivic Hocircpital Eacutemile Roux Page 63

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques

transversaliteacute de nos cliniques

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 50

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

La dimension culturelle dans leacutecoute des patients migrants

africains une approche originale avec lrsquoassociation URACA

Jacqueline Faure Service des maladies infectieuses et

tropicales Centre de la dreacutepanocytose Hocircpital Tenon

Lrsquohomme universel nrsquoexiste pas il est inscrit

dans une culture dans un cadre Or ce cadre

est universel il nrsquoexiste pas drsquohomme sans cul-

ture

L rsquohocircpital Tenon est situeacute agrave lrsquoEst de Paris

bon nombre de patients migrants infec-

teacutes par le VIH y sont soigneacutes Du fait de

lrsquoexistence drsquoune materniteacute au sein de lrsquohocircpital

beaucoup de femmes migrantes apprennent

leur seacuteropositiviteacute agrave lrsquoinfection par le VIH-sida

au cours du suivi de leur grossesse La grande

majoriteacute de ces patients est originaire drsquoAfrique

de lrsquoOuest

Degraves 1993 nous avons mis en place un parte-

nariat avec lrsquoassociation URACA pour aider

les patients en difficulteacute face au diagnostic de

lrsquoinfection par le VIH-sida et aussi les soignants

rencontrant des problegravemes dans la prise en

charge de certains patients

Au deacutebut les soignants et moi-mecircme pensions

que la plupart des patients africains ne com-

prenaient rien Peu agrave peu avec lrsquoaide drsquoURA-

CA nous avons pris conscience que nous-

mecircmes ne les comprenions pas toujours ou

bien encore que nous ne savions pas nous

faire comprendre drsquoeux

Cette association daide aux Africains intervient

dans diffeacuterents domaines accueil aide juri-

dique sociale solidariteacute preacutevention informa-

tion recherche dans le domaine de la santeacute

(toxicomanie SIDA dreacutepanocytose troubles

psychiatriques) et propose aussi des consulta-

tions drsquoethnomeacutedecine

Ainsi bien souvent les difficulteacutes avec les pa-

tients drsquoorigine eacutetrangegravere sont lieacutees agrave des pro-

blegravemes de communication et de compreacutehen-

sion mutuelles dans la relation soignant-soigneacute

En comprenant lrsquoeacuteveacutenement migratoire et son

impact dans la deacutecouverte drsquoune maladie

grave en eacutetant sensibiliseacutes agrave lrsquoimportance de la

dimension culturelle dans le soin nous avons

ainsi ameacutelioreacute lrsquoaccueil et la prise en charge de

ces patients

Un systegraveme culturel est constitueacute drsquoune

langue drsquoun systegraveme de parenteacute drsquoun corpus

de techniques et de maniegraveres de faire (la pa-

rure la cuisine les arts les techniques de

soins les techniques de maternagehellip) Tous

ces eacuteleacutements eacutepars sont structureacutes de maniegravere

coheacuterente par des maniegraveres de penser les re-

preacutesentations [] Les repreacutesentations permet-

tent aux individus dun mecircme groupe dappreacute-

hender le monde selon les modaliteacutes com-

munes repreacutesentations de la mort de la con-

ception

Jemploie ce mot culture agrave contrecœur avec

la crainte decirctre mal compris Par ce terme je

ne deacutesigne pas leacutecume luxueuse dune civilisa-

tion mais lesprit tregraves particulier dun peuple

insaisissable

Cette prise en charge globale avec lrsquoassocia-

tion URACA srsquoeffectue sous 4 formes

1 le soutien communautaire

2 la meacutediation culturelle

3 la consultation dethnomeacutedecine une prise

en charge transculturelle

4 la formation mutuelle partage de savoir

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 51

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

1 LE SOUTIEN COMMUNAUTAIRE

Je me sens coupeacute en deux diviseacute une partie

de moi-mecircme nrsquoest pas ici nous dit tel patient

La deacutecision la plus terrible que jrsquoaie eu agrave pren-

dre dans ma vie crsquoest de rester ici pour me soi-

gner et ecirctre ainsi seacutepareacutee des miens raconte

cette femme dans un sanglot difficilement con-

tenu

Crsquoest tregraves dur drsquoecirctre seulehellipJe ne suis pas ha-

bitueacuteehellipici quand tu sors de ta maison per-

sonne ne se parlehellip

Le soutien communautaire drsquoURACA srsquoorga-

nise de plusieurs faccedilons

Visite hebdomadaire au chevet du patient avec

le port dun repas africain par la nourriture

par le dialogue dans la langue quand cest pos-

sible par la preacutesence de ses pairs quelque

chose du pays est ainsi recreacuteeacutee et apaise le

malade

Accueil quotidien au sein de lrsquoassociation re-

pas atelier couture atelier informatique aides

dans les deacutemarches administratives assem-

bleacutee des femmes Tout ceci dans une am-

biance comme au pays

Ces visites sont proposeacutees aux malades isoleacutes

du fait du diagnostic ou qui nrsquoont pas de famille

ici

La migration est une eacutepreuve qui provoque

chez le sujet une deacutestabilisation une fragiliteacute

lieacutees agrave diffeacuterentes pertes

perte de lrsquoenveloppe culturelle la culture struc-

ture le psychisme humain dans la migration il

nrsquoy a plus ce cadre culturel Changer drsquounivers

implique la perte brutale drsquoune langue drsquoun

systegraveme de reacutefeacuterence drsquoun systegraveme de co-

dage des perceptions des sensations et des

repreacutesentations en un mot une acculturation

[] La perte de lrsquoenveloppe culturelle va donc

provoquer des modifications de lrsquoenveloppe

psychique [hellip]

la perte de repegraveres difficulteacutes au niveau du

changement de climat de la nourriture dans

les deacuteplacements dans la ville dans les deacute-

marches administratives Difficulteacutes et mecircme

souffrance dans la perte de la langue drsquoorigine

Julia Kristeva drsquoorigine bulgare psychanalyste

et eacutecrivain dit ceci hellip il y a mort dans la perte

drsquoune langue natalehellip

la perte drsquoune certaine identiteacute ecirctre Camara

ou Toure ecirctre peul ou bambara nrsquoest pas so-

cialement reconnu le migrant devient un eacutetran-

ger un noir puis agrave lrsquohocircpital eacuteventuellement un

seacuteropositif

la perte du groupe lrsquoisolement est douloureu-

sement ressenti pour tout eacutetranger La solitude

pour un Africain crsquoest mortelhellip nous explique

Monsieur Diarra meacutediateur ethnoclinicien agrave

URACA

Autant drsquoeacuteleacutements qui favorisent un eacutetat de vul-

neacuterabiliteacute propice agrave une deacutecompensation soma-

tique ou psychologique (deacutepression) Le dia-

gnostic drsquoune maladie grave vient renforcer

cette fragiliteacute La solitude dans les chambres

individuelles de nos hocircpitaux modernes - que

nous occidentaux appreacutecions beaucoup - peut

ecirctre mal supporteacutee par le patient africain elle

est mecircme parfois anxiogegravene Un Africain nest

jamais seul Au pays sil est hospitaliseacute sa fa-

mille lentoure dort dans sa chambre

Par ces visites hebdomadaires un tissu rela-

tionnel est ainsi creacuteeacute qui peut se poursuivre agrave

la sortie Le soutien communautaire permet au

patient isoleacute dans la preacutecariteacute de retrouver ce

lien structurant du groupe qui lui faisait deacutefaut

depuis son deacutepart dAfrique Soutien qui va lrsquoai-

der agrave mieux supporter sa maladie et agrave mieux se

soigner Pour un Africain appartenir au groupe

est vital cest pourquoi la grande crainte du

malade est que son entourage soit au courant

du diagnostic et le rejette Le malade ne peut

pas ou ne veut pas partager sa souffrance

avec ses proches La honte la crainte de lex-

clusion peuvent le conduire agrave un retrait difficile

agrave supporter Pour lAfricain lisolement est in-

concevable Sa force vitale est en relation

constante avec celle des ancecirctres proches et

lointains et des membres du groupe La plus

grande calamiteacute consiste agrave en ecirctre retrancheacute et

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 52

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

reacuteduit ainsi agrave une existence deacuteficiente sans

protection voueacutee au neacuteant

Cette association communautaire nrsquoest pas

speacutecifiquement cibleacutee SIDA bien que ses

membres soient formeacutes agrave cette pathologie A

lrsquohocircpital elle apporte son aide agrave tout patient

quelle que soit sa maladie Le patient pourra

srsquoil le souhaite aborder son diagnostic et il nrsquoest

pas rare qursquoil le fasse Apaisement et soulage-

ment pour lui de constater que ce dont il

souffre ne fait pas peur Il peut retrouver con-

fiance en lui

2 LA MEacuteDIATION CULTURELLE

Le meacutediateur ethnoclinicien connaicirct bien la cul-

ture du patient originaire drsquoAfrique de lrsquoOuest et

il parle plusieurs langues (peul bambara sara-

koleacute wolof hellip) Il intervient dans diffeacuterentes

situations

Pour faciliter la communication entre le meacutede-

cin et le patient quand des explications concer-

nant la maladie le traitement nrsquoont pas eacuteteacute

comprises Il ne srsquoagit pas drsquoune simple inter-

preacutetation mais drsquoune formulation adapteacutee agrave la

personne agrave sa culture Les messages de preacute-

vention concernant la sexualiteacute par exemple

seront mieux accepteacutes et entendus si la sensi-

biliteacute du patient voire sa pudeur sont respec-

teacutees

Pour aider agrave la reacutesolution de conflits entre pa-

tient-soignant ou patient-famille ou soignant-

famille

Reacutecemment nous avons organiseacute une meacutedia-

tion culturelle pour une patiente ne parlant pas

du tout le franccedilais accompagneacutee de son fils

maicirctrisant parfaitement notre langue Le meacutede-

cin lrsquoassistante sociale le meacutediateur et moi-

mecircme eacutetions reacuteunis pour essayer de com-

prendre le conflit familial Tout eacutetranger utilise

la langue eacutetrangegravere comme un pansement

comme une sorte drsquoonguent de cregraveme sur les

anciennes blessureshellip La langue seconde ne

permet pas drsquo acceacuteder agrave son for inteacuterieur ex-

plique Julia Kristeva Ainsi le fils pouvant tout

agrave fait communiquer avec nous en franccedilais

srsquoest spontaneacutement adresseacute au meacutediateur en

bambara De toute eacutevidence sa langue natale

lui permettait drsquoecirctre au plus pregraves de la situation

douloureuse qursquoil vivait avec sa megravere

Le meacutediateur apporte des eacuteclaircissements sur

le contexte culturel sur le sens de tel conflit

familial sur la place des uns et des autres dans

telle famille (la place de lrsquooncle maternel par

exemple le systegraveme de filiation) Il aide les soi-

gnants souvent deacutestabiliseacutes par le manque de

repegraveres ou qui interpregravetent mal telle attitude

Par exemple lrsquoextension de la deacutenomination

fregravere sœur cousin megravere dans lrsquoentourage du

patient Les soignants ne savent plus qui est

qui Des doutes surgissent voire de la suspi-

cion Les soignants ont lrsquoimpression drsquoecirctre ma-

nipuleacutes ou trompeacutes

Le meacutediateur ethnoclinicien tient selon la for-

mule de T Nathan une sorte de position du

diplomate entre deux univers antagonistes

3 LA CONSULTATION DETHNOMEacuteDECINE UNE

PRISE EN CHARGE TRANSCULTURELLE

La culture permet un codage de lrsquoensemble de

lrsquoexpeacuterience veacutecue par un individu elle permet

drsquoanticiper le sens de ce qui peut survenir et

donc de maicirctriser la violence de lrsquoimpreacutevu et

par conseacutequent du non-sens

Angoisse de mort deacutecompensation psychia-

trique (ideacutees suicidaires syndrome anxio-

deacutepressif eacutetat deacutelirant) incompreacutehension ou

deacuteni du diagnostic deacutetresse psychologique

autant de reacuteactions face agrave la maladie grave qui

peuvent concerner tout patient (occidental ou

non) mais qui neacutecessitent pour certains pa-

tients migrants une approche tenant compte du

contexte de la migration et des speacutecificiteacutes cul-

turelles

Cette maladie je sais drsquoougrave ccedila vient mon pegravere

mrsquoa donneacutee en sorcellerie nous dit cette pa-

tiente qui ne prend pas ses meacutedicaments et

dont lrsquoeacutetat srsquoaggrave

Je suis travailleacute je le sens crsquoest les parents

de ma femme qui nrsquoont jamais accepteacute notre

mariage crsquoest eux qui font des choses sur

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 53

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

moihellip

Ou bien encore ce patient en phase asympto-

matique de lrsquoinfection par le VIH-sida qui ex-

plique Je ne suis pas malade la preuve le

meacutedecin ne me donne pas de traitement

Ainsi dans certains cas le patient en difficulteacute

en souffrance peut refuser de se soigner au

prix drsquoune aggravation de son eacutetat se santeacute De

plus les messages de preacutevention ne sont pas

entendus et les risques de propagation du virus

sont accrus

Cette consultation qui srsquoinspire de lrsquoethnopsy-

chiatrie reacuteunit autour du patient (accompagneacute

ou non de membres de sa famille ou de

proches)

- leacutequipe de lassociation URACA le Dr Mous-

sa Maman meacutedecin et theacuterapeute traditionnel

qui dirige les entretiens le meacutediateur ethnocli-

nicien la psychologue Pendant 10 ans cette

eacutequipe a eacuteteacute compleacuteteacutee par la preacutesence des

tradipraticiens africains gueacuterisseurs tradition-

nels du Nord Beacutenin qui sont venus une fois par

an pour une dureacutee de deux mois (cette action

originale a pu se mettre en place gracircce agrave des

creacutedits le Sidaction par exemple qui nrsquoexistent

plus aujourdrsquohui)

- leacutequipe soignante le meacutedecin reacutefeacuterent les

infirmiegraveres la psychologue linterne les ex-

ternes lassistante sociale sage-femme kineacute-

sitheacuterapeutehellip Les soignants ont ainsi accegraves

en situation clinique agrave lunivers culturel du pa-

tient

Le recours aux pratiques traditionnelles est tregraves

freacutequent en Afrique Les systegravemes traditionnels

de soin relegravevent drsquo une logique complexe

drsquoune rationaliteacute profonde (T Nathan) avec

une capaciteacute agrave srsquoadapter aux nouvelles situa-

tions aux nouvelles maladies Cette deacute-

marche ne remet pas en cause la confiance

envers notre meacutedecine moderne La theacuterapie

traditionnelle apporte des protections fonda-

mentales (T Nathan)

Tregraves souvent en Afrique les theacuterapies tradition-

nelles se deacuteroulent en groupe avec la famille

et ceux qui ont une affiniteacute avec le malade Ici agrave

lhocircpital les participants sont reacuteunis en cercle

autour du patient Le groupe constitue une en-

veloppe psychique qui est en soi theacuterapeu-

tique Les soignants par leur preacutesence accor-

dent une place agrave lrsquoidentiteacute culturelle du patient

agrave ses maniegraveres de vivre de se soignerhellip

Dans les cultures de tradition orale les eacuteveacutene-

ments importants de la vie tels que la nais-

sance le mariage la maladie la mort (avec

lrsquoimportance des ancecirctres) sont penseacutes diffeacute-

remment Il existe une reacutealiteacute invisible on ac-

corde vie force et pouvoir au mineacuteral au veacutegeacute-

tal agrave lrsquoanimal Le sang le lait maternel ont des

pouvoirs beacuteneacutefiques ou maleacutefiques

Les speacutecialistes de lrsquoanthropologie pensent

que le modegravele de lrsquoorganisation sociale com-

munautaire plus freacutequent dans les socieacuteteacutes

non industrialiseacutees ougrave le groupe maintient une

preacutegnance importante sur lrsquoindividu favorise

une expeacuterience du corps veacutecu comme global

il nrsquoy a pas de rupture entre lrsquohomme et le cos-

mos le corps est permeacuteable On lui reconnaicirct

une dimension transcendante et la maladie

qui plus est chronique comme la dreacutepanocy-

tose peut ecirctre inteacutegreacutee dans une reacutealiteacute plus

large exteacuterieure au corps de la meacutedecine des

hocircpitaux

Lors de ces consultations drsquoethnomeacutedecine les

deux systegravemes culturels occidental et tradition-

nel sont reconnus lrsquoun nrsquoexcluant pas lrsquoautre

Le patient peut aborder en toute confiance des

preacuteoccupations qui lui sont speacutecifiques sans

craindre le ridicule Les deux systegravemes de re-

preacutesentations occidentales et traditionnelles

dans lesquels navigue le migrant peuvent

coexister sans sopposer Paradoxalement

lrsquoapproche traditionnelle donne dans certains

cas sens et coheacuterence au discours meacutedical

scientifique Il est difficile de rendre compte

drsquoune consultation drsquoethnomeacutedecine (de mecircme

qursquoil est difficile de parler drsquoune seacuteance de psy-

chotheacuterapie ou drsquoanalyse bien que ce ne soit

pas du mecircme ordre) Il ne srsquoagit pas drsquoune con-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 54

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

sultation traditionnelle ce nrsquoest ni le lieu ni le

cadre Nous sommes dans lrsquoentre-deux

Le nom la parenteacute lrsquoappartenance ethnique la

langue natale sont des eacuteleacutements systeacutematique-

ment abordeacutes Ces reacutefeacuterences agrave la filiation agrave

lrsquoethnie rappellent implicitement au malade le

lien agrave sa famille et son appartenance agrave un

groupe Les tradipraticiens se preacutesentent aussi

se nomment racontent dougrave ils viennent Le

dialogue qui srsquoinstaure est bien souvent eacutenig-

matique pour lrsquooccidental Le langage allusif

meacutetaphorique suggestif qui est utiliseacute est tout

agrave fait entendu par le patient agrave la diffeacuterence des

soignants qui sont deacuteconcerteacutes du moins lors

des premiegraveres consultations Peu agrave peu les

soignants vont se familiariser Par la suite ils

peuvent communiquer diffeacuteremment avec tel

patient et mieux deacutecoder sa maniegravere drsquoecirctre ou

de srsquoexprimer

Les repreacutesentations ancestrales de la maladie

et les eacutetiologies traditionnelles (possession es-

prits ou ancecirctres meacutecontents sorcellerie trans-

gression de tabous ou non respect de rituels

familiaux) ne sont pas systeacutematiquement eacutevo-

queacutees et lorsqursquoelles le sont crsquoest toujours de

maniegravere implicite La maladie comme lrsquoacci-

dent la perte drsquoun emploi ou toute autre mani-

festation de malchance de malheur est le

signe drsquoun deacutesordre -dont il faut comprendre le

sens- et qui concerne non seulement le patient

mais aussi sa famille

Monsieur C originaire du Mali connaicirct bien les

diffeacuterents modes de transmission et nous en

discutons ensemble et dans ce mecircme entre-

tien perplexe il se questionne Je ne sais

pas drsquoougrave ccedila vienthellip

Chez nous la maladie quelle soit physique ou

mentale ne concerne pas uniquement lindividu

toucheacute mais aussi sa famille tout le

groupe (M Maman Journeacutee transculturelle

Des gueacuterisseurs agrave lhocircpital des soignants au

village 29 septembre 2001 hocircpital Tenon

Paris) Derriegravere lhistoire de lindividu se profile

toujours le devenir de la communauteacute toute en-

tiegravere [ ] La cause du mal qui rompt leacutequilibre

dun organisme fait peser une lourde menace

sur le corps social

Bien souvent agrave lissu de ces consultations le

patient va contacter la famille au pays qui elle

aussi va intervenir selon ses coutumes par des

priegraveres rituels ou sacrifices

La proposition dune prise en charge transcul-

turelle nest pertinente que si elle fait sens pour

le patient sil se reconnaicirct des liens avec sa

culture dorigine Le patient peut ecirctre occiden-

taliseacute (eacutetudes supeacuterieures vivant en France

depuis de nombreuses anneacutees hellip) ou dorigine

rurale analphabegravete ayant gardeacute des liens avec

son village il peut ecirctre musulman ou chreacutetien

Les indications sont variables

- incompreacutehension du diagnostic Lrsquoexemple

de Monsieur K malgreacute une seacuterologie positive

il reste persuadeacute de nrsquoecirctre pas malade Cepen-

dant il accompagne aux consultations sa

femme et leur fille toutes les deux seacuteropositives

et sous traitement

- refus du traitement les causes sont mul-

tiples Mme T vient reacuteguliegraverement agrave ses con-

sultations le meacutedecin veut deacutesormais lui pres-

crire un traitement qursquoelle refuse Si je dis que

je suis seacuteropositive personne ne voudra se

marier avec moi Une autre patiente

srsquoinquiegravete Je ne veux pas du traitement si je

deviens indeacutetectable alors ougrave sera le virus

- problegraveme drsquoobservance les causes sont va-

rieacutees preacutecariteacute incompreacutehension ou refus du

diagnostic probleacutematique personnelle plus pro-

fonde

- souffrance psychique le patient peut ecirctre

tregraves observant ses reacutesultats biologiques sont

satisfaisants le patient va tregraves bien selon le

meacutedecin mais persiste en lui une douleur mo-

rale difficile parfois agrave repeacuterer Il faut savoir deacute-

coder le sens du sourire (qui ne signifie pas

toujours la joie) lrsquoabsence de plainte Julia

Kristeva explique que les eacutetrangers sont expo-

seacutes aux maladies psychosomatiques ils sont

dans cet espegravece de vernis de la langue se-

conde mais le fond reste douloureux et le fond

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 55

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

eacuteclate sous la forme de la migraine quand ce

nrsquoest pas le cancerhellip

- pathologie psychiatrique troubles du com-

portement (deacutelire agitation violencehellip) syn-

drome deacutepressif risque suicidaire angoisse de

mort plaintes somatiques sans cause orga-

nique (douleurs diffuses sensation de malaise

le corps parle ccedila chauffe ccedila se deacuteplace)

- fin de vie angoisse isolement

- conflits conjugaux ou familiaux aggraveacutes ou

reacuteactionnels agrave la pathologie (risque de divorce

tel mari qui nrsquoassume plus ses responsabiliteacutes

sexualiteacute devenue difficile impossible (refus du

preacuteservatif par exemple)

- Lrsquoannonce du diagnostic Lrsquoannonce drsquoune

maladie grave est toujours une eacutepreuve pour

tout malade Crsquoest un moment-cleacute dans la prise

en charge du patient Dans le cas de lrsquoinfection

par le VIH la formulation peut ecirctre une donneacutee

brutale Tel ce meacutedecin qui annonce agrave

une femme enceinte vih2 asymptomatique

vous avez le SIDA Veacuteritable violence ver-

bale qui provoque un choc psychique avec

risque suicidaire si ce nrsquoest la fuite et le refus

de soin

Actuellement chez certains soignants on as-

siste agrave une banalisation du diagnostic lieacute aux

possibiliteacutes de traitement Mais crsquoest oublier le

deacutecalage avec le niveau de connaissance du

malade et crsquoest aussi meacuteconnaicirctre les effets

sur le patient de la reacutealiteacute dramatique de la ma-

ladie au pays Certains ont vu des proches

mourir du SIDA drsquoune mort lente sans soin et

dans la solitude Tous les patients eacutevoquent

une forte angoisse Deux mois apregraves il y a en-

core en moi cette grande peur quand le meacutede-

cin mrsquoa parleacute En entendant les propos de

lrsquoinfirmier Je vous apporte vos meacutedicaments

du SIDA Mme B nous raconte comment elle

a protesteacute et reacuteagi vivement Vous ne devez

pas dire cela Ainsi dans certains cas le meacute-

decin peut utiliser drsquoautres formulations le

virus de la maladie la maladie qui passe de

lrsquohomme agrave la femme la grande maladie

Dans les cultures de tradition orale les mots

ont une force un pouvoir Prononcer le mot SI-

DA activerait en quelque sorte le potentiel mor-

tel de cette maladie Ainsi dans certains cas le

meacutedecin peut utiliser drsquoautres formules le vi-

rus de la maladie la maladie qui passe de

lrsquohomme agrave la femme la grande maladie

Deux ou trois consultations ont lieu ainsi agrave lhocirc-

pital pour chaque malade Les tradipraticiens

vont dire ce quils ont vu et vont donner leurs

indications theacuterapeutiques le suivi peut se

poursuivre apregraves leur retour au village ougrave ils

continuent si crsquoest neacutecessaire agrave travailler

pour le patient Les situations sont tregraves varieacutees

et les reacuteponses le sont tout autant

QUELQUES EXTRAITS DE CONSULTATION

Ce patient ne se sent pas malade il nrsquoa aucun

signe de la maladie il ne comprend pas pour-

quoi le meacutedecin insiste pour qursquoil prenne un

traitement qui plus est agrave vie On lui rappelle

qursquoau pays le gueacuterisseur a lui aussi son labo-

ratoire qursquoil voit et qursquoil peut demander de

faire des choses agrave celui qui vient le consulter

pour sa protection ce parfois toute la vie

Cette analogie explicite permet de confirmer la

validiteacute de lrsquoapproche meacutedicale Ce mode drsquoex-

pression imageacutee qui est familiegravere au patient

voir dans le sable faire des rituels pour la

protection reacutesonne en lui et lrsquoaide agrave adheacuterer

aux prescriptions meacutedicales Moi-mecircme jrsquoem-

ploie souvent le terme protection pour parler

du beacuteneacutefice de la tritheacuterapie jrsquoutilise des

images qui font sens pour le patient et je com-

prends mieux celles qursquoil utilise lui-mecircme De

mecircme il mrsquoarrive de lui signaler nos expres-

sions speacutecifiquement franccedilaises ou nos pro-

verbes afin de lui faire connaicirctre aussi notre

propre maniegravere drsquoexprimer certaines choses

Tel autre patient srsquoaggrave il prend mal ses

traitements et il vit dans une grande preacutecariteacute

Drsquoembleacutee lors du premier entretien psycholo-

gique il mrsquoexplique que sa sœur au pays a par-

leacute de sorcellerie Au cours de la consultation

drsquoethnomeacutedecine on lui demande de solliciter

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 56

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

sa famille au pays pour savoir ce qui doit ecirctre

fait aupregraves de la riviegravere sacreacutee qursquoil a eacutevoqueacutee

En Afrique les deacutefunts les ancecirctres doivent

ecirctre veacuteneacutereacutes par des rituels propres agrave chaque

famille si ce rituel a eacuteteacute abandonneacute des con-

seacutequences neacutegatives peuvent rejaillir sur un de

ses membres mecircme tregraves eacuteloigneacute On peut re-

marquer qursquoici lrsquohypothegravese de la sorcellerie est

eacutecarteacutee crsquoest une autre eacutetiologie traditionnelle

qui est avanceacutee agrave laquelle le patient adhegravere il

va contacter en effet son oncle au sujet de la

riviegravere sacreacutee Le patient devient actif non seu-

lement pour srsquooccuper des choses du pays

mais aussi pour faire des deacutemarches ici sa si-

tuation meacutedicale et sociale va consideacuterable-

ment srsquoameacuteliorer il trouve par la suite un heacute-

bergement puis un travail

Pour cette autre patiente un long temps de la

seacuteance va ecirctre consacreacute au reacutecit de la deacutecou-

verte de sa maladie de son bouleversement

de son angoisse concernant lrsquoavenir Des pa-

roles apaisantes lui sont dites puis on va lui de-

mander drsquoeacutecrire ses recircves de telle et telle nuit

au cours desquelles les gueacuterisseurs

travailleront pour elle Suite au rapport de ses

recircves ils lui prescrivent un traitement elle de-

vra se laver avec une preacuteparation agrave base de

plantes Conjointement le suivi psychologique

classique se poursuit elle reprend confiance

dans la vie

Aacute tel autre il est demandeacute drsquoapporter une petite

boicircte en bois ou encore un tissu blanc et un

parfum Aacute un autre il est dit drsquoaller chercher un

certain nombre de cailloux le long drsquoun cours

drsquoeau ici en France Certaines prescrip-

tions sont plus compliqueacutees sacrifices rituels

agrave effectuer au pays objets agrave rapporter Cela

peut prendre plusieurs semaines Si la pres-

cription est impossible agrave reacutealiser par le patient

lui-mecircme sur place ou par sa famille en

Afrique les gueacuterisseurs le feront en son nom agrave

leur retour au pays Dans la meacutedecine tradition-

nelle lrsquouniteacute cosmique crsquoest-agrave-dire la parenteacute

homme-nature est constamment preacutesente

Lrsquohomme est relieacute au monde mineacuteral veacutegeacutetal

ou animal mais aussi agrave celui des deacutefunts des

esprits et bien-sucircr agrave sa famille agrave son groupe

LE SUIVI DE GROSSESSE DE MME T

Depuis des anneacutees la patiente souffre en plus

de lrsquoinfection par le VIH de troubles du compor-

tement difficiles agrave diagnostiquer elle a un suivi

psychiatrique qui ne suffit pas agrave la soulager

Elle traverse des peacuteriodes drsquoagitation drsquoagres-

siviteacute et mecircme de violence Dans ses crises

elle peut aller jusqursquoagrave lrsquoautomutilation ou la ten-

tative de suicide Agrave drsquoautres moments elle est

totalement abattue leacutethargique Bien qursquoelle

connaisse sa maladie lieacutee au VIH lrsquoobservance

de sa tritheacuterapie est fonction de son eacutetat psy-

chique Elle a beacuteneacuteficieacute agrave plusieurs reprises de

consultations drsquoethnomeacutedecine en particulier

lors de cette derniegravere grossesse Du fait des

mauvais reacutesultats biologiques car elle ne prend

plus ses antireacutetroviraux le risque de contami-

nation megravere-enfant est particuliegraverement eacuteleveacute

Tregraves deacuteprimeacutee elle est transfeacutereacutee dans le ser-

vice de psychiatrie de notre hocircpital et le psy-

chiatre accepte qursquoagrave cocircteacute des traitements clas-

siques (antideacutepresseurs anxiolytiques) elle

fasse les soins traditionnels prescrits Elle a

donc une permission pour aller au marcheacute agrave

cocircteacute de lrsquohocircpital acheter un œuf blanc Elle doit

ensuite mettre cet œuf dans une grosse boicircte

drsquoallumettes exercice un peu difficile car lrsquoœuf

risque de se casser Le tout est mis dans une

calebasse recouverte drsquoun tissu blanc qursquoelle

entrepose sous son lit plus preacuteciseacutement agrave la

tecircte du lit En effet il est important qursquoelle

dorme avec cette calebasse pregraves de sa tecircte

pendant un certain nombre de nuits Puis la ca-

lebasse avec son contenu (lrsquoœuf dans la boicircte)

est remise aux gueacuterisseurs de retour au pays

ils vont effectuer leur travail agrave la termitiegravere sa-

creacutee A son retour en France le Dr Maman

remet un onguent agrave la patiente preacuteparation

faite agrave partir de lrsquoœuf et drsquoautres eacuteleacutements Elle

doit mettre reacuteguliegraverement cette pommade au-

tour de son nombril jusqursquoagrave lrsquoaccouchement

Lrsquoeacutetat psychique de la patiente srsquoameacuteliore elle

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 57

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

reprend correctement son traitement lrsquoenfant

naicirct et ne sera pas contamineacute par le VIH Dans

les anneacutees qui suivront son eacutetat psychologique

se deacutegradera agrave nouveau nous nrsquoavons jamais

reacuteussi agrave la stabiliser compleacutetement Nrsquoayant ja-

mais bien suivi sa tritheacuterapie elle deacutecegravede agrave la

suite des complications du sida

A partir de cet exemple nous pouvons voir le

principe de non-seacuteparativiteacute principe essentiel

agrave lrsquoœuvre dans la meacutedecine traditionnelle afri-

caine Nous sommes ici dans un systegraveme de

penseacutee primordiale magique qui fonctionne

par analogie nous sommes dans le non-

seacutepareacute agrave la diffeacuterence de la penseacutee scientifique

qui individualise Dans ce cas clinique on voit

comment tout est relieacute il y a identiteacute entre la

grossesse et lrsquoœuf passage de lrsquohumain agrave

lrsquoanimal et aussi passage drsquoun continent agrave

lrsquoautre les gueacuterisseurs travaillant agrave distance

pour la patiente Citons agrave ce propos Pierre

Lembeye psychiatre et psychanalyste hellip

nous pouvons parler de rsquorsquonon-seacuteparativiteacutersquorsquo de

la meacutedecine traditionnelle par rapport agrave la meacute-

decine occidentale qui privileacutegie le mode seacutepa-

ratif et dont le maicirctre mot est diffeacuterence tandis

que celui des socieacuteteacutes anhistoriques est identi-

teacute La science en particulier la meacutedecine a

fait des progregraves en isolant en seacuteparant Citons

aussi Jean Benoist Lrsquoopposition carteacutesienne

entre le corps et lrsquoacircme a libeacutereacute la biologie et

donc la meacutedecine des interdits qui sacralisent

le corps hellip Lrsquoesprit lrsquoacircme tout ce qui eacutetait cou-

ramment deacutesigneacute par ces termes srsquoest prodi-

gieusement eacuteloigneacute de lrsquohorizon meacutedical

(Benoist 1993) A lrsquohocircpital crsquoest bien lrsquoorgane

malade que lrsquoon soigne mais rarement la per-

sonne dans sa globaliteacute et encore moins son

groupe familial Nous pensons analysons sur

le mode seacuteparatif celui de la coupure et selon

Pierre Lembeye La psychanalyse avec lrsquohy-

pothegravese de lrsquoinconscient opegravere aussi une cou-

pure avec le conscient Les lapsus les recircves

sont des manifestations de lrsquoinconscient alors

que dans la tradition africaine il nrsquoy a pas cette

seacuteparation par exemple chez les Ashantis au

Ghana si un homme recircve qursquoil couche avec sa

voisine il est puni et sa voisine aussi De

mecircme la psychiatrie pense aussi les probleacutema-

tiques sur le mode de la coupure le terme

schizophreacutenie provient de schizo du grec

schizein signifiant fractionnement fissure divi-

sion (P Lembeye) Dans les traitements tradi-

tionnels crsquoest la question du lien qui est au pre-

mier plan Nous avons lrsquoexemple de ce beacutebeacute

acircgeacute de huit mois enfant-cordon preacutesentant

des troubles du comportement et dont le traite-

ment est deacutecrit par Eacuteric de Rosny hellip le cor-

don ombilical le retenant aux entrailles de

lrsquoautre monde nrsquoaurait pas eacuteteacute coupeacute hellip Il srsquoagit

de lui crever les yeux crsquoest-agrave-dire de lui

rendre invisible le monde des Ancecirctreshellip (De

Rosny 1996 123-133)

La penseacutee magique qui est agrave lrsquoœuvre dans les

theacuterapies traditionnelles a-t-elle deacuteserteacute notre

systegraveme de penseacutee occidentale Dominique

Folscheid professeur de philosophie nous rap-

pelle ceci Notre meacutedecine moderniste est

due agrave lrsquoessor de la rationaliteacute mais on a oublieacute

que dans la Gregravece Antique la rationaliteacute deacutebu-

tante (avec les philosophes) srsquoaccompagnait

drsquoune vie mystique florissante Rappelons le

serment drsquoHippocrate premier code de deacuteonto-

logie meacutedical Je jure par Apollon meacutedecin

par Esculape par Hygeacutee et Panaceacutee par tous

les dieux et toutes les deacuteesseshellip Dans son

livre La nuit les Yeux ouverts Eacuteric de Rosny

cite Pierre Fegravevre Ce monde de la gueacuterison et

de la sorcellerie a quelque chose drsquounheimlich

(agrave la fois lsquolsquomysteacuterieuxrsquorsquo et lsquolsquoinquieacutetantrsquorsquo) et pour-

tant il eacuteveille des reacutesonances au plus profond

de nous-mecircmes et lrsquoon ne sait pas les-

quelles (de Rosny 1996 17) Nous-mecircmes

sans en avoir veacuteritablement conscience fonc-

tionnons sur le mode du lien du non-seacutepareacute

par exemple Reneacute Spitz psychiatre et psycha-

nalyste a deacutecrit en 1946 lrsquohospitalisme alteacutera-

tion physique grave srsquoinstallant chez le tregraves

jeune enfant placeacute en institution et seacutepareacute de

sa megravere crsquoest pourquoi aujourdrsquohui en peacutediatrie

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 58

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

on facilite la preacutesence de la megravere qui peut dor-

mir au chevet de son enfant un autre

exemple celui du syndrome de glissement des

personnes acircgeacutees hospitaliseacutees qui coupeacutees de

leur environnement habituel se laissent mourir

et dans un autre registre que dire de lrsquoabsence

de chambre ndeg13 dans nos hocircpitaux nos hocirc-

tels

4 FORMATION MUTUELLE PARTAGE DE SAVOIR

Un eacutechange des savoirs srsquoest instaureacute entre les

soignants de lrsquohocircpital et lrsquoassociation

1 au niveau de lrsquoassociation les membres

drsquoURACA sont formeacutes agrave la pathologie du sida

les meacutedecins apportent leur connaissance meacute-

dicale avec des mises agrave jour sur lrsquoeacutevolution de

la pathologie et des traitements Des reacuteunions

agrave thegraveme sont organiseacutees avec un eacutelargisse-

ment agrave drsquoautres pathologies (heacutepatites dreacutepa-

nocytose)

2 au niveau des soignants formation en situa-

tion clinique participation au cycle annuel de

confeacuterences drsquoUraca voyages drsquoeacutetude dans le

village du Dr Maman au Nord-Beacutenin effectueacutes

par des meacutedecins psychiatres psychologues

assistante sociale infirmiegraveres de lrsquoAP-HP

(participation agrave des theacuterapies traditionnelles

dont le culte de danses de possession expeacute-

rience drsquoune certaine situation migratoire vil-

lage dans la brousse repegraveres diffeacuterents cadre

culturel autre adaptation au climat agrave la nourri-

turehellip)

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Justice et sorcellerie Collectif sous la direc-

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LrsquoAfrique de lrsquooraliteacute et lrsquoaccueil de lrsquoEacutecriture

Paris Revue Christus ndeg225 2010

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La notion de personne en Afrique Noire Ed

LHarmattan 1973

Soins et cultures 2egravemes

Rencontres Transcul-

turelles de Tenon-Uraca Les Cahiers de

lrsquoURACA ndeg12 juin 2005 (teacuteleacutechargeable sur le

site wwwuracaorg)

Pratiques theacuterapeutiques et cultures regards

croiseacutes 3egravemes

Rencontres Transculturelles de

Tenon-Uraca 2010 videacuteos de la journeacutee en

ligne sur wwwuracaorg)

Retrouvez

toute lrsquoactualiteacute de Psyclihos

les enregistrements des con-

feacuterences ainsi que le journal

des 20 ans

sur notre site internet

wwwpsyclihosorg

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 60

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

Psychologue en reacuteanimation peacutediatrique teacutemoignage drsquoune

pratique en eacutevolution

Muriel Derome Hocircpital Raymond Poincareacute

L e propos de cette preacutesentation sera de

teacutemoigner de leacutevolution drsquoune pratique

de psychologue au sein dun pocircle de peacute-

diatrie bien speacutecifique celui de lrsquoHocircpital Ray-

mond Poincareacute de Garches Laccueil denfants

en deacutecompensation neuro respiratoire souf-

frant de polyhandicap de maladies chroniques

ou arrivant suite agrave un eacuteveacutenement traumatique

brutal (accident intoxication insuffisance respi-

ratoire) rend la preacutesence du psychologue neacute-

cessaire

Avec Jean en phase terminale nous reacutefleacutechi-

rons au rocircle du psychologue dans lrsquoaccom-

pagnement des enfants en fin de vie

Dautres cas cliniques preacutesenteacutes agrave loral illus-

treront ensuite les modaliteacutes de la prise en

charge post-traumatique denfants et de

leurs familles

Enfin nous terminerons par exposer la speacutecifi-

citeacute de notre travail aupregraves des soignants

ACCOMPAGNER DES ENFANTS GRAVEMENT MA-

LADES OU EN FIN DE VIE

Lors de notre premiegravere rencontre Jean nous

dit Je sais que je vais mourir mais les meacutede-

cins sont trop lacircches pour me le dire et mes

parents sont trop tristes pour mrsquoen parler

Nous lui reacutepondons Je ne te connais pas

mais en tout cas je trouve que cest super que

tu puisses en parler et que tu ne gardes pas

tout ccedila pour toi

Tregraves eacutetonneacute il reprend Alors lagrave crsquoest bizarre

drsquohabitude degraves que je dis que je vais mourir

tout le monde me dit rdquoMais arrecircte Nrsquoimporte

quoi Ne raconte pas des becirctisesrdquo Mais moi je

ne suis pas fou je sais ce que je dis et pour-

quoi je le dis et je veux pouvoir en parler

La question redoutable est tregraves vite apparue

Est-ce que crsquoest vrai que je vais mourir Il

faut alors pouvoir reacutepondre Je pense que si

tu dis ccedila crsquoest que tu as de bonnes raisons de

le penserhellip Tu es le seul agrave savoir exactement

ce que tu vis Raconte-moi qursquoest-ce qui te fait

dire ccedila

Jour apregraves jour gracircce agrave un travail psycholo-

gique Jean exprime de plus en plus sa souf-

france Se sentant eacutecouteacute il entre progressive-

ment dans une autre phase celle de lrsquoaccepta-

tion

Accompagner un enfant en fin de vie crsquoest

avant tout rester agrave son eacutecoute affronter les

questions qui mettent si mal agrave lrsquoaise (mecircme si

et surtout si on ne sait pas comment y reacute-

pondre ) Et crsquoest aussi accueillir ses interroga-

tions sur sa propre mort pour lutter contre la

solitude la peur lrsquoangoisse la colegravere

ACCOMPAGNER LES FAMILLES

Avec la megravere de Jean nous deacutecouvrons ce qui

se joue autour de la porte Degraves que nous nous

preacutesentons elle nous reacutepond Merci on nrsquoa

besoin de rien (Puis sortant de la

chambre) mais surtout vous ne lui dites pas

qursquoil va mourir vous ne lui parlerez de rien -

Oh moi non mais lui il en parle beaucoup

Tregraves surprise la megravere accepte alors de venir

en parler dans notre bureauhellip Lrsquoaccompagne-

ment commence

En phase terminale Jean perd toute autonomie

motrice et tous ses sens agrave lrsquoexception de la

vue Il ne peut plus parler Sa megravere terroriseacutee

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 61

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

par la situation demande aux eacutequipes de lui

donner quelque chose pour dormir deacutefiniti-

vement Nous lui montrons alors qursquoune com-

munication subsiste gracircce agrave lrsquoinstauration drsquoun

code (lettres sur un tableau) avec des signes

de tecircte et des clignements drsquoœil Elle srsquoaperccediloit

alors que Jean cherche avant tout agrave savourer

les petits bonheurs de chaque jour Elle reste

ainsi jusquau bout en lien avec son fils

Accompagner les parents cest accueillir

leur eacutepuisement leurs doutes leur ambiva-

lence parfois mecircme leur demande deuthana-

sie et leur redonner une image positive deux-

mecircmes pour leur permettre drsquoinvestir lrsquoinstant

preacutesent et ainsi favoriser un accompagnement

de qualiteacute

ACCOMPAGNER AUSSI LES AUTRES ENFANTS HOS-

PITALISEacuteS ET LEURS FAMILLES

Il nous semble important de susciter des

occasions drsquoaborder le sujet de la mort en lais-

sant les familles libres de saisir ou non ces op-

portuniteacutes

ACCOMPAGNER LES SOIGNANTS

DANS LIMMEacuteDIATETEacute DE LA REacuteALITEacute CLINIQUE

En deacutecalage les eacutequipes srsquointerrogent

Doit-on vraiment lui infliger ccedila jusqursquoau bout

Sa megravere a peut-ecirctre raison on devrait peut-

ecirctre lrsquoendormir pour qursquoil ne se sente pas humi-

lieacute drsquoecirctre si diminueacute Moi je ne supporterais

pashellip Les soignants sont alors tellement preacute-

occupeacutes par la deacutecision qursquoils pensent devoir

prendre qursquoils ne se rendent pas compte que

cette megravere est en train de vivre lrsquoun des plus

grands moments drsquoamour avec son fils Le psy-

chologue devient alors le lien entre les diffeacute-

rents protagonistes en rapportant certains des

propos de Jean Je suis bienhellip Comme ce

rayon de soleil est beau aujourdrsquohuihellip La

communication se remet agrave fonctionner Leurs

regards se posent alors diffeacuteremment sur lui

La peacuteriode de fin de vie drsquoun patient con-

fronte chaque soignant agrave ses limites Chacun

perd ses illusions de toute-puissance et se re-

trouve confronteacute agrave sa propre angoisse de mort

Certains deacutestabiliseacutes ne peuvent pas suppor-

ter lideacutee decirctre confronteacute agrave la proximiteacute de la

mort Pour surmonter sans trop de seacutequelles

la confrontation reacutepeacuteteacutee agrave la maladie grave et agrave

la mort il est neacutecessaire que chacun puisse

ecirctre attentif agrave soi-mecircme agrave ses propres be-

soins pour ecirctre dans un juste rapport agrave lrsquoautre

Il sagit decirctre toucheacute sans ecirctre impliqueacute affecti-

vement cest agrave dire sans tomber dans leacutemotivi-

teacute

Apregraves chaque deacutecegraves le psychologue est

lagrave pour inviter ceux qui le deacutesirent agrave mettre en

mots ce qui a eacuteteacute veacutecu La parole partageacutee per-

met de ne pas fixer des souvenirs culpabili-

sants ou anxiogegravenes

AU LONG COURS LE TRAVAIL INSTITUTIONNEL

Le soutien des eacutequipes pluridisciplinaires

est une part tregraves importante du travail du psy-

chologue en milieu hospitalier Lrsquoeacutecoute et les

eacutechanges contribuent agrave ce que tregraves lentement

les habitudes et les mentaliteacutes eacutevoluent Ces

rencontres pourront selon les situations avoir

lieu de faccedilon formelle ou informelle (le plus

souvent dans les couloirs)

Le soutien au long cours des eacutequipes fait par-

tie inteacutegrante du travail institutionnel Diffeacuterents

outils permettent de lrsquoaccompagner au mieux

LA REacuteUNION DE SYNTHEgraveSE

Dans notre service la reacuteunion de syn-

thegravese hebdomadaire permet de se poser pour

reacutefleacutechir en eacutequipe pluridisciplinaire agrave ce que

nous vivons Il est primordial drsquoaider chaque

intervenant agrave mettre des mots sur les situations

rencontreacutees surtout quand les points de vue

sont divergents Mais il srsquoagit drsquoun travail de

longue haleine car si nous nrsquoy sommes pas

vigilants les discussions restent tregraves meacutedicales

et eacutevitent drsquoaborder lrsquoenfant et sa famille dans

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 62

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

leur globaliteacute Le psychologue par sa faccedilon de

relever les paradoxes de poser les questions

eacutethiques ou simplement de faire entendre une

autre approche que celle purement somatique

aide les eacutequipes agrave reacutefleacutechir agrave leur maniegravere

drsquoaborder les familles

LA SYNTHEgraveSE DES SYNTHEgraveSES

Une fois par an nous prenons le temps

de relire les moments forts de lrsquoanneacutee en met-

tant des mots sur ce qui a reacuteussi ou eacutechoueacute ce

qui nous a manqueacute ce qui nous a marqueacute

choqueacute ou qui est resteacute incompris Mettre des

mots agrave distance sur des malentendus (en lien

avec une famille ou un fonctionnement interne)

permet davancer en eacutequipe Nous veillons

aussi agrave reprendre point par point les eacuteleacutements

positifs rappeler les enfants sauveacutes les fa-

milles qui remercient et valoriser les eacutequipes

est essentiel pour maintenir la motivation et

lrsquoinvestissement de chacun

ET LE PSYCHOLOGUE DANS TOUT CcedilA

Face agrave ces enfants gravement malades ou en

fin de vie nous devons apprendre agrave nous

adapter Il nous faut par exemple pour pouvoir

accueillir un enfant sans aucune autonomie

respiratoire dans notre bureau apprendre au

minimum les gestes de reacuteanimation agrave effectuer

en attendant qursquoun soignant prenne la relegraveve

Alors que nous avons appris agrave ne pas toucher

il nous faut comprendre ce que le patient nous

dit non plus agrave travers des mots mais agrave travers

des maux agrave travers son corps une poigneacutee

de main un regard une mimiquehellip nous de-

vons sentir lrsquoexpression non verbale de lrsquoan-

goisse Deacuteceler si le patient a besoin de silence

ou au contraire srsquoil attend nos questions En-

fin il faut quelquefois avec une extrecircme deacuteli-

catesse et une grande attention chercher agrave re-

formuler ce que le patient nous dit avec des

lettres montreacutees sur un tableau un hochement

de tecircte ou simplement un regard

Ecirctre psychologue va souvent de pair avec une

invitation permanente agrave se remettre en ques-

tion Il srsquoagit drsquoaccepter de douter plutocirct que de

chercher des certitudes Pour srsquoadapter agrave la

speacutecificiteacute de chaque situation il nous faudra

surtout ecirctre creacuteatif et oser inventer Dans le

cas contraire notre travail restera sans doute

superficiel car il apparaicirctra comme en deacuteca-

lage par rapport aux situations veacutecues par les

patients et les eacutequipes qui les prennent en

charge

Au niveau institutionnel le travail du psycho-

logue ne porte de fruits qursquoagrave tregraves long terme

Alors ne nous deacutecourageons pas (Le deacutecou-

ragement nrsquoest-il pas notre pire ennemi ) Veil-

lons agrave prendre soin de nous soyons attentifs agrave

nos propres besoins Ne nous barricadons pas

devant la deacutetresse mais au contraire appre-

nons agrave ralentir et agrave ressentir ce qui est toucheacute

en nous Comme leacutequilibriste sur la corde

nous devons essayer davancer en souplesse

pour ne tomber ni dans lindiffeacuterence ni dans la

fusion avec les situations dramatiques rencon-

treacutees

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 63

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

Seacutejour de vacances quelle place pour le psychologue

Ceacuteline Le Bivic Geacuteriatrie Hocircpital Eacutemile Roux

M esure 1 du plan Alzheimer 2008-

2012 deacuteveloppement et diversifica-

tion des structures de reacutepits

Parce qursquoils sont contraints de veiller constam-

ment sur les malades les aidants sont soumis

agrave une pression permanente Il existe des struc-

tures qui leur permettent de souffler en offrant

par ailleurs une prestation theacuterapeutique aux

malades pendant une ou plusieurs demi-

journeacutees

Afin drsquoeacutelargir les missions des accueils de jour

qui ne srsquoadressent qursquoaux personnes malades

ont eacuteteacute deacuteveloppeacutees les plates-formes drsquoac-

compagnement et de reacutepit Il srsquoagit drsquooffrir aux

aidants et aux couples des activiteacutes de soutien

de reacutepit agrave domicile ou en couple et de deacutevelop-

pement de la vie sociale

Il existe des actions de reacutepit agrave domicile de

garde agrave domicile de nuit drsquoactiviteacutes sociales

culturelles pour le couple maladeaidant et de

seacutejours vacances

Jacqueline agrave la fin drsquoun seacutejour vacances mrsquoa

confieacute deux feuilles de cahier manuscrites Jrsquoai

eacutecrit ccedila Vous le lirez si vous voulez

Je me legraveve agrave 7h Prise des meacutedicaments de

Guy Je deacutejeune moment tranquille je fais ma

toilette Je vais ouvrir les volets chez maman Il

est 8h30 Je preacutepare les meacutedicaments et le pe-

tit deacutejeuner de Guy Quelques fois je le fais

manger si je peux Je fais les lits je com-

mence agrave preacuteparer le deacutejeuner Passage du

SSIAD Pendant ce temps je preacutepare une les-

sive pratiquement une tous les jours Apregraves le

passage du SSIAD souvent il a besoin drsquoaller

aux toilettes le deacuteculotter nettoyer les WC le

reculotter ranger la salle de bain et finir ce qui

a eacuteteacute commenceacute (je ne peux rien faire en sui-

vant) Souvent fais de lrsquoadministratif preacuteparer

le courrier aller agrave la poste et au pain Il vient

avec moi il faut lrsquoaider agrave monter dans la voiture

et souvent lrsquoaider agrave descendre Il est 11h il faut

eacutetendre le linge lrsquoaider agrave faire sa gym preacuteparer

et porter le plateau agrave maman Midi Lrsquoheure de

preacuteparer et donner les meacutedicaments Mettre le

couvert couper les aliments lrsquoaider Pour lui il

faut bien 90 min de pose pour deacutejeuner

Apregraves desservir le preacuteparer pour la sieste le

deacuteculotter et reculotter lrsquoaider agrave se coucher

finir de ranger la cuisine lever et plier le linge

Il est environ 14h Petite pause 15h-15h30 la

sieste est finie Sortie dans le jardin toujours

accompagneacute Lrsquoaider agrave srsquohabiller agrave se deacutesha-

biller 16h prise des meacutedicaments et goucircter

Quelquefois passages agrave la sortie de lrsquoeacutecole

des petits enfants et leur papa Aux beaux

jours travail agrave lrsquoexteacuterieur (plus de 2000m2) La

tonte du gazon est faite par mon garccedilon et jrsquoai

agrave peu pregraves 40h par an par la caisse de retraite

compleacutementaire Jrsquoai une aide-meacutenagegravere 3 h

le mardi matin et 1 h le mercredi matin Jrsquoen

profite pour aller faire les courses ou aller chez

le docteur le dentiste ou le coiffeur ou autre

chose Et 3h le jeudi apregraves-midi Lagrave crsquoest mon

repos hebdomadaire et pas toujours Je vais agrave

lrsquoaquagym avec 2 amies mais juste en peacuteriode

scolaire On est loin des 2 jours de congeacutes par

semaine mais jrsquoen demande pas tant Vers 17h

-17h30 petite promenade dans le jardin apregraves

preacuteparation du dicircner 19h prise des meacutedica-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 64

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

ments Le dicircner pour lui il faut compter 90 min

Ensuite desservir Vers 20h30 je vais deacuteshabil-

ler maman Pour lrsquoinstant elle se couche sans

aide mais au deacutebut du printemps jrsquoallais la cou-

cher vers 22h Entre-temps je deacuteshabille Guy

passage aux toilettes prise des meacutedicaments

et apregraves le coucher

Il est 22h Je respire un peu Je fais un brin de

toilette Je prends mon somnifegravere et je me

couche Je mrsquoendors ou je ne mrsquoendors pas Lagrave

on peut pleurer Personne ne le voit Dans la

nuit je me legraveve une ou deux fois quand il a be-

soin de faire son pipi

Et cela 365 jours par an Et je ne me plains

pas Il y a pire Il y a aussi mieux

Jacqueline est comme 35 millions de fran-

ccedilais Elle fait partie des personnes que lrsquoon

nomme aidant familial drsquoun proche Il srsquoagit de

son mari Cela fait 12 ans qursquoil est malade Le

quotidien de Jacqueline est rythmeacute autour de

son eacutepoux et de sa pathologie eacutevolutive

En geacuterontologie le mot aidant est utiliseacute voire

parfois revendiqueacute Un aidant mais qursquoest-ce

que crsquoest Selon lrsquoassurance maladie crsquoest

celui qui apporte seul ou en compleacutement de

lrsquointervention des professionnels lrsquoaide humaine

rendue neacutecessaire par la perte drsquoautonomie de

la personne acircgeacutee ou destineacutee agrave preacutevenir une

perte drsquoautonomie et qui nrsquoest pas salarieacute pour

cette aide

Depuis une quinzaine drsquoanneacutees le veacutecu des

aidants familiaux fait lrsquoobjet de recherches On

sait aujourdrsquohui que 800 000 personnes sont

recenseacutees comme eacutetant en eacutetat de deacutepen-

dance en France crsquoest-agrave-dire qursquoelles ne peu-

vent pas effectuer de maniegravere autonome les

actes de la vie courante Et que cela est forte-

ment correacuteleacute agrave lrsquoavanceacutee en acircge la personne

aideacutee a 76 ans en moyenne

Si le lien familial preacutedomine lrsquoaidant peut aussi

ecirctre un ami ou un voisin Il srsquoagit le plus sou-

vent drsquoune femme acircgeacutee de plus de 50 ans

Bien que deux tiers des aidants srsquooccupent

quotidiennement de la personne aideacutee 60

drsquoentre eux continuent agrave avoir une activiteacute sala-

rieacutee

Lrsquoaide agrave un proche dure en moyenne 7 ans

Dans la relation drsquoaide plusieurs probleacutema-

tiques sont en jeu le deuil du parent conjoint

tel qursquoil eacutetait auparavant le renversement des

rocircles de lrsquoordre des geacuteneacuterations la crainte face

agrave son propre vieillissement les difficulteacutes de

communication avec le proche malade la

crainte de la perte du lien

La relation drsquoaide a ses apports la majoriteacute

des aidants disent se sentir utile et trouver du

plaisir dans cette relation Mais elle a aussi ses

limites et ses risques On sait aujourdrsquohui que

la mortaliteacute des aidants augmenterait de 63

que le risque de deacutepression est multiplieacute par 3

Dans cette aide au quotidien le rythme la reacute-

peacutetition lrsquoeacutevolution de la maladie peuvent ame-

ner agrave des sentiments drsquoisolement de surme-

nage et drsquoeacutepuisement

Si plus de 60 des personnes atteintes de la

maladie drsquoAlzheimer ou apparenteacutees vivent agrave

leur domicile crsquoest gracircce agrave un aidant familial

qui toute la journeacutee est dans le faire Lrsquoaidant

familial contrairement agrave lrsquoaidant professionnel

nrsquoest pas formeacute agrave cet accompagnement il base

sa relation agrave partir drsquoun lien affectif avec la per-

sonne qursquoil aide Il peut ecirctre reacutemuneacutereacute sil a

lrsquoacircge de travailler et qursquoil nrsquoest pas son conjoint

Il nrsquoa pas drsquoheures fixes

On peut donc comprendre le besoin parfois de

se poser un peu

Plutocirct que le mot vacances est apparu reacute-

cemment le mot reacutepit

Des seacutejours de reacutepit pour les aidants

Une expression forte qui vient nommer la souf-

france du proche dans la relation drsquoaide

Agrave croire que la personne dite aideacutee nrsquoa elle

pas besoin de temps de pause et que son quo-

tidien lui suffit parfaitement La femme de

Pierre me dira mon meacutedecin et son neuro-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 65

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

logue mrsquoavaient deacuteconseilleacute de lrsquoemmener ici

En France les vacances sont un droit pour les

salarieacuteshellip

Mais au fait agrave quoi ccedila sert des vacances Eh

bien avant tout agrave couper avec le quotidien An-

dreacute Comte-Sponville eacutevoque les vacances

comme un moment de liberteacute

Srsquoaccorder une pause crsquoest ainsi que nous

avons nommeacute le seacutejour de vacances que je

vais vous preacutesenter

Le seacutejour est proposeacute par une caisse de re-

traite compleacutementaire qui contacte ses adheacute-

rents Le point commun est qursquoil existe entre un

adheacuterent et un de ses proches une relation

drsquoaide au quotidien Le projet a eacuteteacute construit et

penseacute avec une association qui intervient dans

lrsquoaccompagnement de lrsquoavanceacutee en Acircge

Le groupe est composeacute en moyenne de 7

couples la moyenne drsquoacircge des aidants est de

74 ans et celle des aideacutes de 80 ans

Les participants viennent de la France entiegravere

Ils ne se connaissent pas Nous ne les con-

naissons pas

La majoriteacute des aideacutes preacutesentent des pro-

blegravemes cognitifs ou des difficulteacutes motrices

Le lieu est une structure de vacances (type reacute-

sidence hocircteliegravere) adapteacutee aux personnes han-

dicapeacutees

Le seacutejour a eacuteteacute penseacute avec la preacutesence de

deux personnes dite en fil rouge de la se-

maine la coordonnatrice de lrsquoassociation creacutea-

trice du projet et la psychologue Partager le

quotidien du petit deacutejeuner au dicircner de lrsquoac-

cueil jusqursquoau deacutepart

Drsquoautres intervenants (intervenant en Taiuml-Chi

Chuan une socio-estheacuteticienne intervenant en

chant et expression corporelle activiteacute autour

de la terre) rejoignent le groupe en deacutecaleacute afin

de conserver une alternance des pratiques

mais aussi une preacutesence renforceacutee en milieu

de semaine moment ougrave nous pouvons com-

mencer agrave seacuteparer les duos

Lrsquoaspect meacutedicaliseacute parfois neacutecessaire est re-

layeacute par des infirmiegraveres libeacuterales qui intervien-

nent sur le lieu de vacances

Le planning de la semaine est proposeacute avec

des activiteacutes ensemble seacutepareacutees en groupe

individuelles toujours dans la proposition et

non dans la contrainte Le rythme des journeacutees

srsquoadapte tous les jours

Les objectifs de la semaine

Permettre agrave chacun aidant comme aideacute de

srsquoaccorder veacuteritablement une pause en profi-

tant pleinement du site et drsquoun accompagne-

ment qui facilite leur quotidien pendant la se-

maine (absence de tacircches meacutenagegraveres repas

servis au restaurant possibiliteacute drsquoaccompagne-

ment de la personne aideacutee pour quelques

heures proposition drsquoanimations proposition

de temps dlsquoeacutechanges et de paroles)

Favoriser lrsquoacquisition et le partage drsquooutils mecirc-

lant expeacuteriences et connaissances que les per-

sonnes pourront reacuteutiliser une fois de retour au

domicile

Nous ne nommons pas les personnes par leur

fonction aidant ou aideacute mais par leur preacutenom

Chaque duo est composeacute drsquoune personne

ayant un badge vert et lrsquoautre saumon Ainsi

certaines activiteacutes sont proposeacutees agrave tous et

drsquoautres agrave chaque groupe de couleur diffeacuterente

Lrsquoanalyse des questionnaires de satisfaction ou

du bilan oral nous confortent encore dans lrsquoideacutee

que ces objectifs reacutepondent bien agrave ceux des

personnes et sont atteignables dans le cadre

de ces seacutejours

Crsquoest lrsquooccasion de partager une semaine de

vacances tout agrave fait diffeacuterente du quotidien et

des repegraveres de chacun Le groupe se creacutee degraves

les premiegraveres heures de rencontre agrave lrsquoarriveacutee

Tout au long de la semaine chacun eacutevolue

dans sa propre probleacutematique

Les aidants deacutecouvrant drsquoautres pairs eacutechan-

geant avec drsquoautres prenant distance vis agrave vis

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 66

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

de leur veacutecu et deacutecouvrant le comportement de

leur proche avec drsquoautres personnes profes-

sionnels ou non

Les aideacutes qui se sont saisis des possibiliteacutes

offertes de faire autrement deacutecouvrir drsquoautres

vivre des moments de plaisir malgreacute le handi-

cap ou la maladie Eacutechanger avec drsquoautres qui

vivent des situations similaires

Lrsquoeacutevolution du groupe dans lequel une con-

fiance mutuelle srsquoinstalle et permet des interac-

tions et des eacutechanges tregraves riches humaine-

ment Chacun a pu recevoir et apporter agrave

lrsquoautre qursquoil soit aideacute ou aidant

Durant tout le seacutejour tout le monde peut se po-

ser deacutecouvrir lrsquoautre se deacutecouvrir dans des

moments partageacutes individuels ou collectifs

Proposer plein drsquounivers diffeacuterents des compeacute-

tences diffeacuterentes (prof de tai-chi le corps

penseacute le chant le savoir de lrsquoeacutemotion la socio-

estheacuteticienne le mieux avec soi-mecircme)hellip

Et le psychologue dans tout ccedila

Dans ce type de vacances jrsquointerviens en bi-

nocircme avec la responsable du seacutejour du deacutebut

du seacutejour jusqursquoau deacutepart des participants

Je me preacutesente en tant que psychologue Pour

la plupart crsquoest la premiegravere fois qursquoils rencon-

trent quelqursquoun de cette profession Vous allez

mrsquoanalyser me demande Jacques au deacutebut

du seacutejour Finalement vous ecirctes sympas les

psys Vous croyez qursquoil en y en pregraves de chez

moi me demandera-t-il en fin de seacutejour

Je suis tout le temps avec eux du soir au ma-

tin Pas tregraves acadeacutemique comme cadre de tra-

vail et pourtant comme souvent la clinique

vient nous proposer de penser autrement

Le rocircle essentiel du psychologue est que du

deacutebut agrave la fin du seacutejour il propose ce que je

nomme des bras psychiques Les 4 bras les

bras du cadre formel et les bras psychiques Fil

rouge tout le long du seacutejour Crsquoest par ce cadre

-lagrave que chacun va pouvoir se deacutetendre libeacuterer

la parole Lacirccher le faire du quotidien pour

tendre vers le vivre le ressentir et le partager

durant le seacutejour

Pour le psychologue partager le quotidien (du

petit deacutejeuner au dicircner) crsquoest ne pas ecirctre tout

le temps dans la distance mais ecirctre dans la

juste distance Alterner des moments formels

proposition de groupes de parole durant le seacute-

jour pour les personnes en situations drsquoaider et

celles qui reccediloivent de lrsquoaide) et de temps infor-

mels Crsquoest ecirctre disponible Crsquoest garantir lrsquoexis-

tence du maintien de la vie psychique et recon-

naicirctre la personne en tant que sujet pensant

ressentant deacutesirant

Tisser des liens Lacirccher le bras de son malade

changer de bras Faire confiance agrave lrsquoautre et

deacutecouvrir ainsi que lrsquoon peut soutenir lrsquoautre

dans ce qursquoil est capable de donner Faire con-

fiance est possible si le cadre est suffisamment

contenant pour se lrsquoautoriser

Deacutecloisonner les rocircles et les fonctions de cha-

cun Les cloisons tombent Le fil qui nous tient

et nous unit dans le lien agrave lrsquoautre reste Prendre

soin de soi

Exemple du massage des mains avec la socio-

estheacuteticienne En groupe de parole eacutemerge

alors que les mains ne servent pas qursquoagrave se te-

nir ou tenir lrsquoautre les mains se croisent dans

le relationnel et la communication Ne plus ecirctre

dans le soigner la maladie mais dans le pren-

dre soin de ce qui nous lie agrave lrsquoautre

Accompagner lrsquoaidant agrave cheminer vers le si

moi je vais mieux alors lui ira peut ecirctre mieux

au lieu de si il va bien je vais bien

Durant le seacutejour je prends des notes tous les

soirs sur chaque participant Notes drsquoimpres-

sion de ressenti et de questions qui me per-

mettent de comprendre lrsquoeacutevolution psycho-

dynamique de chacun et de chaque duo

Deux fois en moyenne durant le seacutejour jrsquoap-

pelle une collegravegue afin de pouvoir parler pen-

ser et eacutelaborer le veacutecu partageacute

Je propose un moment de reacuteflexion sur la rela-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 67

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

tion drsquoaide avec les aidants Je propose un

temps de parole et drsquoeacutechange sur le veacutecu de

lrsquoaideacute

Lors du bilan le rocircle de la psychologue est tou-

jours valoriseacute Non confondu avec les temps

drsquoanimation crsquoest un espace drsquoeacutechange de soi

et de lrsquointime qui est possible parce qursquoun lien

de confiance dans le quotidien srsquoest creacuteeacute Nous

partageons nos savoirs ceux de ma connais-

sance avec ceux de leur expeacuterience Jrsquoai deacute-

couvert ce que crsquoest une psy Ce nest pas si

grave ccedila srsquoavegravere mecircme plutocirct utile

Ces seacutejours sont lrsquooccasion aussi pour les pro-

fessionnels intervenants drsquoenrichir leurs con-

naissances et leurs pratiques vis-agrave-vis de ce

qursquoest la relation aidant-aideacute en partageant leur

quotidien pendant quelques jours

Comprendre le lien aidantaideacute dans ce qui se

joue au quotidien au plus intime au plus pro-

fond

Le seacutejour ne dure qursquoune semaine Cette se-

maine est en dehors du quotidien de chacun

Elle montre que de vivre eacutechanger rire parta-

ger du plaisir avec drsquoautres est possible et es-

sentiel Elle permet ainsi aux couples ou duos

de se ressourcer et de repeacuterer les plaisirs qui

fondent et nourrissent leur relation partageacutee

Merci de votre attention

Retrouvez

toute lrsquoactualiteacute de Psyclihos

les enregistrements des con-

feacuterences ainsi que le journal

des 20 ans

sur notre site internet

wwwpsyclihosorg

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 68

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

Modeacuterateur Martine Shindo Hocircpital Saint Louis

gt Laccompagnement psychologique par teacuteleacute-

phone dans les maladies de Creutzfeldt-Jakob

Marie-Lise Babonneau Hocircpital Pitieacute Salpecirctriegravere Page 69

gt Parents face agrave linterruption meacutedicale de

grossesse des mots en images

Natascia Serbandini Hocircpital Jean Verdier Page 78

gt Psychologue clinicien aupregraves du personnel

missions enjeux limites

Isabelle Fretigny Hocircpital Saint Louis Elodie Travers Hocircpital Henri Mondor

Page 82

Cliniques particuliegraveres

Pratiques innovantes

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 69

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

Laccompagnement psychologique par teacuteleacutephone dans les

maladies de Creutzfeldt-Jakob

Marie-Lise Babonneau Hocircpital Pitieacute Salpecirctriegravere

L a Cellule Nationale de Reacutefeacuterence des

Maladies de Creutzfeldt-Jakob (MCJ) a

eacuteteacute creacuteeacutee en 2001 par le Ministegravere des

Solidariteacutes de la Santeacute et de la Famille A la

disposition du grand public et des profession-

nels de terrain elle a pour mission lrsquoaide au

diagnostic et agrave la prise en charge meacutedicale so-

ciale et psychologique des patients et de leur

famille

La Cellule est nicheacutee au cœur de lrsquohocircpital de la

Pitieacute-Salpecirctriegravere dans lrsquoune des trois loges au-

trefois destineacutees aux alieacuteneacutes Elle a la particu-

lariteacute de ne pas accueillir physiquement le pu-

blic auquel elle srsquoadresse lrsquoaide qursquoelle pro-

pose srsquoeffectue essentiellement par teacuteleacutephone

En juin 2003 jrsquointegravegre pour un tiers-temps de

psychologue lrsquoeacutequipe deacutejagrave composeacutee drsquoun meacute-

decin coordinateur drsquoun meacutedecin attacheacute

drsquoune assistante sociale drsquoune assistante de

recherche clinique et drsquoune secreacutetaire

A cette eacutepoque je treacutebuche agrave lrsquoenvi sur lrsquoimpro-

nonccedilable Creutzfeldt-Jakob et examine drsquoun

œil dubitatif ma fiche de poste comment assu-

rer un soutien psychologique exclusivement

teacuteleacutephonique Eacutetait-ce reacutealisable efficace ad-

missible

PREacuteAMBULE

Les Maladies de Creutzfeldt-Jakob sont con-

nues de longue date les premiers cas ont eacuteteacute

deacutecrits par Creutzfeldt et Jakob dans les an-

neacutees 1920 Ce sont des maladies neurodeacutegeacute-

neacuteratives rares (qui se traduisent par une deacute-

mence et une grabatisation) 15 cas par mil-

lion drsquohabitants et par an dans tous les pays ougrave

existe une surveillance eacutepideacutemiologique En

France elles concernent une centaine de cas

par an

Principalement connues du grand public sous

le nom de maladie de la vache folle il existe

pourtant trois formes diffeacuterentes de MCJ avec

pour chacune drsquoelles ses speacutecificiteacutes On les

classe en fonction de leur mode de transmis-

sion la forme sporadique (aleacuteatoire) les

formes heacutereacuteditaires (MCJ geacuteneacutetiques syn-

drome de Gertsmann-Straussler-Scheinker

Insomnie Fatale Familiale) et les formes ac-

quises (formes iatrogegravenes des hormones de

croissance variante de la MCJ)

Le poste de psychologue avait eacuteteacute creacuteeacute pour se

consacrer principalement au travail drsquoeacutecoute

des personnes agrave risque de deacutevelopper une

MCJ suite agrave un traitement par hormones de

croissance contamineacutees Puis il srsquoest eacutetendu agrave

lrsquoeacutecoute de toute personne concerneacutee directe-

ment ou non par une MCJ quelle qursquoen soit la

forme

DE LrsquoENTRETIEN PONCTUEL AU SUIVI

La nature teacuteleacutephonique des entretiens psycho-

logiques est le fait drsquoune indeacutepassable reacutealiteacute

la dimension nationale du champ drsquointervention

de la Cellule exclut lrsquoeacuteventualiteacute drsquoentretiens en

face agrave face Mais si en 2011 les suivis psycho-

logiques par teacuteleacutephone se deacuteveloppent agrave

grands pas en 2003 rien nrsquoeacutetait moins eacutevident

que cette forme drsquoaccompagnement lagrave

Agrave cette eacutepoque drsquoailleurs la prise en charge

psychologique au sein de la Cellule se limitait agrave

la proposition drsquoun entretien teacuteleacutephonique pour

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 70

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

faire le point agrave des personnes qui avaient ap-

peleacute pour une toute autre demande principale-

ment drsquoordre meacutedical ou social Agrave lrsquooccasion de

ces demandes certains appelants manifes-

taient des signes de souffrance lieacutee agrave leur si-

tuation peur de la maladie du risque de la deacute-

velopper anxieacuteteacute suite agrave lrsquoannonce de la mala-

die drsquoun proche imminence de son deacutecegraves etc

Les membres de lrsquoeacutequipe les informaient alors

de la possibiliteacute drsquoecirctre contacteacute par la psycho-

logue de la Cellule pour parler des difficulteacutes

qursquoils traversaient en ces moments critiques

Ces entretiens teacuteleacutephoniques ponctuels (de 45

minutes) eacutetaient destineacutes agrave contenir les an-

goisses et la deacutetresse des appelants Puis au

besoin jrsquoorganisais un suivi psychologique de

proximiteacute (psychologues ou psychiatres libeacute-

raux Centres Meacutedico-Psychologiques

(CMP)

Ainsi la proceacutedure entretien ponctuel - reacuteorien-

tation nous semblait reacutepondre au besoin ponc-

tuel drsquoeacutetayage des appelants et correspondre

aux exigences de fonctionnement en plate-

forme nationale de la Cellule Circonscrite pla-

nifieacutee et probablement eacuteconomique sur le plan

psychique cette proceacutedure nous rassurait-elle

aussi Quand bien mecircme elle a plieacute sous le

poids de la reacutealiteacute et a consideacuterablement eacutevo-

lueacute depuis 2003

En effet alors que le nombre annuel de ma-

lades concerneacutes par les MCJ demeure stable

le volume annuel drsquoentretiens psychologiques

lui est passeacute de 40 agrave 260 en huit ans Ainsi

110 personnes ont eacuteteacute suivies ou ont beacuteneacuteficieacute

de seacutequences de soutien de plus de 3 entre-

tiens teacuteleacutephoniques Cela repreacutesente 84 des

personnes ayant eu un premier contact avec le

psychologue Et tandis que la proceacutedure preacute-

voyait un ou deux entretiens la dureacutee des sui-

vis est en moyenne de neuf mois (de trois se-

maines agrave trois ans) drsquoune rythmiciteacute allant drsquoun

entretien hebdomadaire agrave un entretien men-

suel en fonction des besoins Comment expli-

quer cette eacutevolution

Faut-il incriminer les traditionnels obstacles re-

latifs agrave la prise en charge psychologique de

proximiteacute rareteacute des psychologues dans cer-

taines reacutegions surcoucirct financier drsquoune theacuterapie

CMP engorgeacuteshellip Peut-ecirctre mais ils ne suf-

fisent pas agrave expliquer lrsquoaugmentation remar-

quable du nombre drsquoentretiens psychologiques

ni lrsquoallongement de la dureacutee des suivis

Aujourdrsquohui nous pouvons avancer drsquoautres

arguments pour expliquer cette eacutevolution ce

sont les particulariteacutes de la maladie tout autant

que celles lieacutees agrave la teacuteleacutephonie qui ont engen-

dreacute ce dispositif innovant de prise en charge

psychologique

LE CADRE

Un constat les orientations pourtant

travailleacutees (contact teacuteleacutephonique avec le psy-

chologue de proximiteacute informations deacutetailleacutees

sur les speacutecificiteacutes de la maladie et leur impact

sur lrsquoentourage) nrsquoont qursquoexceptionnellement

abouti les patients demandaient agrave reprendre

contact avec la psychologue de la Cellule Par-

tant de ce constat le dispositif drsquoaide psycholo-

gique proposeacute par le psychologue aux per-

sonnes qui appelaient a rapidement eacutevolueacute

Les quelques hypothegraveses concernant la difficul-

teacute du recours agrave la proximiteacute seront abordeacutees

tout au long de cet article

Agrave lrsquoheure actuelle quelle que soit la forme de

MCJ lrsquoappelant contacte la Cellule pour une

demande drsquoaide principalement drsquoordre meacutedi-

cal Les deux meacutedecins nrsquoeacutetant pas preacutesents agrave

la Cellule en permanence crsquoest la secreacutetaire

qui recueille les attentes Elle preacutesente le fonc-

tionnement global de la Cellule et eacutevoque sys-

teacutematiquement la possibiliteacute drsquoecirctre contacteacute par

la psychologue Lorsqursquoelle ressent particuliegrave-

rement intenseacutement la deacutetresse de lrsquoappelant

elle insiste sur lrsquoimportance drsquoun entretien avec

la psychologue qui connaicirct tregraves bien la mala-

die un argument de poids pour les personnes

deacutesempareacutees qui heacutesitent pourtant agrave demander

de lrsquoaide

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 71

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

Rares sont ceux qui demandent spontaneacutement

un entretien psychologique Mais rares sont

ceux qui le refusent lorsqursquoil leur est proposeacute

Cette invitation agrave ecirctre entendu loin de court-

circuiter la deacutelicate question de la demande

theacuterapeutique nous semble plutocirct lui permettre

drsquoadvenir Agrave ce titre nul doute que le deacutevelop-

pement du nombre de suivis psychologiques

reacutealiseacutes agrave la Cellule est en rapport direct avec

les qualiteacutes drsquoaccueil et lrsquoacuiteacute intuitive de sa

secreacutetaire

Ainsi cette derniegravere prend note des disponibili-

teacutes horaires de lrsquoappelant et apregraves avoir re-

cueilli lrsquoaccord preacutealable de ce dernier me les

transmet au plus vite Mon premier appel au

cours duquel nous eacutevoquons la situation de

crise a souvent lieu dans les 48 heures Cette

reacuteactiviteacute de prise de contact est un eacuteleacutement

deacuteterminant dans lrsquoeacutetablissement drsquoun lien de

confiance la premiegravere pierre drsquoun espace con-

tenant

Nous ne reacutealisons pas ou peu drsquoentretiens en

urgence la Cellule ne srsquoapparente pas agrave une

permanence drsquoeacutecoute 24h24 Drsquoailleurs la

simple date de rendez-vous sur mon agenda a

suffit agrave me calmer (hellip) Jrsquoeacutetais compleacutetement

bloqueacutee paniqueacutee et je me suis remise agrave pen-

ser et agrave geacuterer le quotidien que je ne geacuterais

plus

Ce premier entretien a une tonaliteacute toute parti-

culiegravere Agrave lrsquoinverse peut-ecirctre drsquoun premier ren-

dez-vous en face agrave face lrsquoentretien teacuteleacutepho-

nique semble provoquer un relacircchement des

meacutecanismes de deacutefenses et lrsquoeacutemergence des

processus primaires affolement pleurs pen-

seacutees parfois deacutesorganiseacutees coq agrave lrsquoacircne Lrsquoap-

pelant se deacuteverse deacuteballe tout en vrac Un

relacircchement induit drsquoabord par lrsquoabsence

drsquoinformations visuelles cette sorte de veacutecu

drsquoanonymat qui autorise la leveacutee de la cen-

sure Vous ne me voyez pas alors je peux

tout dire sans conseacutequences Pourtant nom

preacutenom situation familiale et localisation geacuteo-

graphique pourraient objectivement freiner le

veacutecu drsquoanonymat Il nrsquoen est rien Ce premier

entretien ndash et les quelques suivants - souli-

gnent ainsi la primauteacute du voir sur le savoir de

lrsquoautre

Un relacircchement doublement favoriseacute par le fait

que lrsquoappelant demeure dans un espace qui lui

est propre familier choisi Je suis dans ma

chambre jrsquoai fermeacute la porte Je me suis ins-

talleacutee dans ma voiture pour notre rendez-vous

ici je suis tranquille et en seacutecuriteacute

Notons que le psychologue nrsquoeacutechappe pas agrave

cet effet de relacircchement calfeutreacute qursquoil est

dans son espace soustrait au poids du regard

de lrsquoautre Un relacircchement du corps qui favo-

rise le flottement neacutecessaire agrave son travail

drsquoeacutecoute des processus inconscients agrave lrsquoœuvre

chez lrsquoappelant

Dans la tregraves grande majoriteacute des cas le pre-

mier appel donne lieu agrave un second rendez-vous

teacuteleacutephonique dont nous convenons ensemble

des termes (date et heure) Le choix de la du-

reacutee des entretiens (toujours de 45 minutes) deacute-

coule certainement de notre pratique de lrsquoentre-

tien en face-agrave-face mais il srsquoest aveacutereacute tout agrave fait

pertinent dans la pratique de lrsquoentretien teacuteleacute-

phonique puisque trois quarts drsquoheure laissent

le temps agrave la personne drsquoeacutelaborer ses ressen-

tis Cette dureacutee nrsquoest pas drsquoembleacutee annonceacutee

mais plutocirct suggeacutereacutee Nous allons en rester lagrave

pour aujourdrsquohui parce qursquoil est lrsquoheurehellip nous

nous retrouvons donc lehellip agravehellip conclut systeacute-

matiquement nos entretiens

Crsquoest freacutequemment au deacutecours du troisiegraveme

entretien que les questions se posent sur la

poursuite et les modaliteacutes de la prise en

charge Vous consultez ougrave Je vous dois

combien Jrsquoai droit agrave combien drsquoentre-

tiens Agrave ces questions la prise en charge

exclusivement teacuteleacutephonique (aucun deacuteplace-

ment) la gratuiteacute (la Cellule prend en charge

tous les entretiens) et la possibiliteacute drsquoecirctre suivi

tant que le besoin srsquoen fait sentir srsquoapparente agrave

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 72

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

un apaisant holding winicottien Dans ma si-

tuation crsquoest incroyable drsquoavoir le droit de se

laisser porterhellip

Les particulariteacutes du dispositif de suivi teacuteleacutepho-

nique semblent ainsi reacutepondre aux exigences

de la reacutealiteacute des appelants La premiegravere drsquoentre

-elles lrsquoabsence de deacuteplacement et la grande

souplesse drsquoorganisation qui en deacutecoule allegravege

consideacuterablement leur quotidien phagocyteacute par

la maladie Une theacuterapie en cabinet aurait eacuteteacute

inconciliable avec notre reacutealiteacutehellip tout autant

qursquoinfiltreacute de sentiments de culpabiliteacute

Comment prendre le temps de me plaindre

alors qursquoelle est en train de mourirhellip Je sais

que crsquoest important de parler mais je nrsquoaurais

pas pris le temps de consulter pour moi tandis

que ce temps est si preacutecieuxhellip je veux le pas-

ser aupregraves drsquoellehellip ccedila me soigne de ne pas

perdre une minute Ainsi pourtant installeacutes

chez eux ils peuvent srsquoabsenter sans culpabili-

teacute excessive Je ne suis pas loin de lui mais je

suis en consultation juste pour moihellip Je suis

seule avec lui

La seconde particulariteacute du suivi psychologique

par teacuteleacutephone compareacute agrave un dispositif theacutera-

peutique classique reacuteside dans le fait que crsquoest

le psychologue qui appelle systeacutematiquement

le patient Au moment ougrave lrsquoeacutetayage social fami-

lial et parfois professionnel se fissure et ougrave la

difficulteacute drsquoappeler agrave lrsquoaide se fait sentir cette

deacutemarche inverseacutee nrsquoest pas deacutenueacutee drsquoeffet

theacuterapeutique Crsquoest toujours nous qui de-

mandons partout de lrsquoaidehellip et lagrave quel repos

que ce soit vous qui veniez jusqursquoagrave moihellip Je

nrsquoaurais pas eu la force de faire une deacutemarche

de plushellip ccedila mrsquoaide agrave continuerhellip

Enfin ajoutons que dans ce temps extra-

ordinaire ougrave tout leur coucircte ougrave crsquoest nous qui

donnons tout de nous tout notre temps toute

notre eacutenergiehellip la gratuiteacute de la prise en

charge est un eacuteleacutement important pour les per-

sonnes qui appellent Cette gratuiteacute de soins

repreacutesentative des modaliteacutes de prises en

charge psychologiques agrave lrsquohocircpital contribue agrave

restaurer leur sentiment drsquoecirctre consideacutereacutees et

reconnues dans leur souffrance On srsquooccupe

aussi de moi

Neacuteanmoins certains appelants qui avaient en-

visageacute de consulter en libeacuteral ainsi precircts agrave de-

mander de lrsquoaide se deacuteplacer et payer leur

seacuteance srsquoeacutetaient vus confronteacutes agrave un autre

obstacle somme-toute infranchissable le ca-

ractegravere indicible du veacutecu des MCJ Comment

parler agrave quelqursquoun qui nrsquoa jamais vu cette mala-

die monstrueuse (hellip) Il faut la voir pour sa-

voirhellip Ici (agrave la Cellule) je suis en seacutecuriteacute vous

savez de quoi je parle sans que jrsquoen parle vrai-

ment (hellip) vous avez les mecircmes images que

moi dans la tecircte Pour ces appelants qui cher-

chent une communauteacute drsquoexpeacuterience le psy-

chologue se doit drsquoecirctre un sujet dont le savoir

nrsquoest pas que supposeacute

SUIVI POUR QUI SUIVI POUR QUOI

Nous distinguons trois cateacutegories drsquoappelants

les personnes malades crsquoest agrave dire symptoma-

tiques leur entourage (conjoints enfants pa-

rents fregraveres et sœurs) et les personnes agrave

risque de deacutevelopper la maladie (drsquoorigine geacute-

neacutetique ou iatrogegravene) Les appels des profes-

sionnels (assez rares) ne seront pas traiteacutes

dans cet article

En huit ans seulement trois personnes ma-

lades ont eacuteteacute en contact avec le psychologue

par teacuteleacutephone et nrsquoont beacuteneacuteficieacute que de deux

entretiens en moyenne En effet dans la majo-

riteacute des cas la maladie est suspecteacutee tardive-

ment apregraves une longue peacuteriode drsquoerrance meacute-

dicale Si bien que le patient deacutejagrave tregraves sympto-

matique est rarement en capaciteacute de parler

suffisamment distinctement (dysarthrie) pour

beacuteneacuteficier drsquoun entretien teacuteleacutephonique Drsquoautant

que les troubles neuropsychologiques et psy-

chiatriques associeacutes agrave une freacutequente anoso-

gnosie et une eacutevolution preacutecipiteacutee de la mala-

die rendent complexes la mise en place drsquoun

suivi

Monsieur K prend contact avec la Cellule ef-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 73

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

frayeacute par la deacutegradation de son eacutetat il tremble

tombe et perd la meacutemoire Il craint drsquoecirctre atteint

de la maladie de Creutzfeldt-Jakob dont il se

sait agrave risque suite agrave un traitement par hor-

mones de croissance contamineacutees Je nrsquoose

pas en parler on va me regarder bizarrement

et srsquoinquieacuteter peut-ecirctre pour rien Mais lrsquoentre-

tien est difficile agrave mener au regard des troubles

cognitifs et dysarthriques de Monsieur K Nous

convenons neacuteanmoins drsquoun rendez-vous teacuteleacute-

phonique la semaine suivante Le jour-dit je

lrsquoappelle agrave son domicile Il ne se souvient ni de

moi ni de la raison de mon appel Il comprend

agrave peine les mots que je prononce Il raccroche

Crsquoest donc principalement agrave lrsquoentourage du ma-

lade que srsquoadresse le soutien psychologique

par teacuteleacutephone un entourage deacutemuni devant

cette maladie que personne ne connaicirct qui

effraie tout le monde et qui laisse chacun en

proie agrave un profond sentiment drsquoisolement Freacute-

quemment rencontreacute au deacutecours drsquoautres pa-

thologies neurodeacutegeacuteneacuteratives le sentiment

drsquoisolement semble pourtant exacerbeacute par les

speacutecificiteacutes de cette maladie meacuteconnue que

les meacutedias ont tocirct fait drsquoassimiler agrave une forme

de peste contagieuse foudroyante

monstrueuse Des qualificatifs qui srsquoillustrent

parfois crucircment dans la reacutealiteacute par un compor-

tement exageacutereacutement eacutevitant du corps meacutedical

Ils portent des masques des gants et entrent

prudemment dans la chambre Que dire en-

core de lrsquoamalgame de toutes les formes de

MCJ avec la plus meacutediatiseacutee drsquoentre-elles -la

vache folle - si ce nrsquoest qursquoil en ajoute au senti-

ment drsquoeacutetrangeteacute qursquoelles provoquent deacutejagrave

Ce nrsquoest pas un animal crsquoest un ecirctre hu-

main Mais ce nrsquoest pas tant la maladie qui

est contagieuse que lrsquoidentification menaccedilante

qursquoelle propose lrsquoidentification agrave lrsquoEcirctre animal

archaiumlque et agrave lrsquoEcirctre deacutement qui nrsquoest plus lui-

mecircme agrave la fois posseacutedeacute et deacuteposseacutedeacute de

son humaniteacute Les MCJ quelle qursquoen soit la

forme figureraient-elles la barbarie au sens

eacutetranger et sauvage du terme

Les familles sont comme prises au piegravege de

ces repreacutesentations collectives dont la vio-

lence inouiumle (jamais entendue) semblent les

expulser aux confins de la communauteacute hu-

maine Quand on a dit ce qursquoil avait tout le

monde a disparuhellip On a eu beau expliquer

qursquoil nrsquoy avait pas de risque de transmission

les gens sont terrifieacutes et prennent leur distance

Il nrsquoy a plus personne agrave qui parler Mais cette

expulsion nrsquoest pas toujours le fait du monde

exteacuterieur Lrsquoentourage peut se retirer spontaneacute-

ment du monde pour se soustraire au regard

que ce dernier pourrait porter sur lui Je ne

voulais pas qursquoon nous regarde comme des

becircteshellip alors jrsquoai disparu de la circulation

Dans ce contexte de mise en quarantaine dic-

teacutee ou spontaneacutee la seule ideacutee de lrsquoexistence

de la Cellule fait fonction de terre drsquoasile de

support identificatoire Un support identifica-

toire renarcissisant Ici je peux reprendre

forme humainehellip il y a quelqursquoun au bout du fil

Quelqursquounhellip et je me sens quelqursquoun en mi-

roir Parce qursquoavec tout ce qui nous arrive je

me sens tantocirct comme un chien galeux tantocirct

trimbaleacute comme un objethellip et de par son nu-

meacutero drsquoappel unique doubleacute drsquoune prise en

charge globale un support identificatoire struc-

turant Jrsquoai lrsquoimpression qursquoelle part en mor-

ceauxhellip petit bout par petit bouthellip lrsquoeacutequilibre la

tecircte la marche la vision la parolehellip sa vie

part en lambeauxhellip et moi je nrsquoarrive plus agrave

me rassemblerhellip Mais il y a tout le monde

(meacutedecins assistante sociale psychologue)

ici agrave la Cellulehellip ccedila me rassure de savoir que

vous parlez tous la mecircme langue que vous

faites corps

Outre lrsquoentourage des malades des personnes

dites agrave risque font appel agrave la Cellule des per-

sonnes agrave risque de MCJ suite agrave un traitement

par hormones de croissance contamineacutees et

des personnes agrave risque de MCJ drsquoorigine geacute-

neacutetique Dans les deux cas le veacutecu subjectif de

risque prend en otage les perspectives drsquoave-

nir Parce qursquoil annonce en mecircme temps le pire

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 74

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

et la possibiliteacute drsquoy eacutechapper parce qursquoil

nrsquoindique ni la victime ni lrsquoheure de la catas-

trophe le risque peut donner agrave cette derniegravere

un caractegravere omnipreacutesent Quand je vais

bien je me prends agrave espeacuterer que je ne serai

jamais malade que tout ccedila nrsquoeacutetait qursquoun cau-

chemar Mais quand je me sens mal le risque

drsquoecirctre malade se transforme en fataliteacute Je me

sens condamneacutee (hellip) Finalement que ce soit

par lrsquoespoir ou la fataliteacute crsquoest un peu lagrave tout le

temps un peu partout en moi

Et si des moments drsquoaccalmie subsistent crsquoest

souvent un eacuteleacutement de la reacutealiteacute preacutesent ou agrave

venir qui vient attiser les angoisses drsquoecirctre ma-

lade

Concernant le drame des hormones de crois-

sance contamineacutees ce sont principalement les

diffeacuterentes eacutetapes du procegraves (ouverture en

2008 4 mois drsquoaudience rendu de justice en

2009 et mise en appel en 2010) qui ont deacuteclen-

cheacute une recrudescence des appels des per-

sonnes agrave risque Crsquoest cette histoire de pro-

cegraves (hellip) je lis tous les articles dans la presse

(hellip) Depuis je vais reacuteguliegraverement sur le site de

lrsquoInvs pour veacuterifier le nombre de deacutecegraves leurs

acircgeshellip Je me dis que moi crsquoest bon je suis

plus vieille ou jrsquoai reccedilu les hormones plus tard

(hellip) Je comprends ce procegraves mais je le mau-

dis Je me sentais bien ces derniers temps

Jrsquoavais construit mon petit igloo avec mon mari

dedans Et lagrave je souhaite hurler qursquoon mrsquoa cas-

seacute mon igloo Durant tout le deacuteroulement du

procegraves certains de ces jeunes agrave risque ont

eacuteteacute deacutebordeacutes par un puissant sentiment

drsquoambivalence entre le deacutesir et la peur qursquoon

leur reconnaisse le preacutejudice subi crsquoest agrave dire

le coucirct psychique de se savoir contamineacute Re-

connaissance qui aurait signeacute la reacutealiteacute du

risque qursquoils encouraient Si le procegraves vient agrave

statuer que je suis victime je ne pourrai plus

me dire que crsquoest juste un cauchemar et que je

vais me reacuteveiller (hellip) et puis jrsquoai peur que ccedila se

traduise par le deacuteclenchement de la maladie

Paradoxe de cette victimation crsquoest la meacutede-

cine qui a rendu malade Dire que crsquoeacutetait

pour me soignerhellip quelle ironiehellip Je nrsquoai pas

de symptocircme je sais mais je suis deacutejagrave morte

De peur Et en ces temps juridiques agiteacutes la

Cellule et ses meacutedecins tout particuliegraverement

se sont vus parfois pris dans les mecircmes filets

ambivalents On a fait confiance aveugleacutement

agrave la meacutedecine Comment pouvions-nous imagi-

ner que le mal viendrait de lagrave ougrave on lrsquoattendait

le moins A qui faire confiance maintenant

Notamment encourageacutes par les associations

avec lesquelles la Cellule entretient des liens

eacutetroits certains parents de jeunes agrave risque

ont fait appel agrave nous Notre vie est faite de

hauts et de bas Lorsqursquoon apprend qursquoun

jeune est mort toute lrsquohistoire remonte et puis

le temps passe et on fait comme si ccedila nrsquoexistait

plus Mais ces oscillations crsquoest de la tor-

ture Comment ne pas eacutevoquer aussi le veacutecu

dramatique de ces autres parents qui ont perdu

leur enfant parfois il y a longtemps Des pa-

rents encore submergeacutes par la peine et rongeacutes

par un fort sentiment de culpabiliteacute drsquoavoir

donneacute le feu vert aux meacutedecins pour gagner

quelques centimegravetreshellip drsquoavoir moi-mecircme

fait les injections drsquohormones Un sentiment de

culpabiliteacute exacerbeacute par la relaxe geacuteneacuterale des

preacutevenus apregraves 20 ans de proceacutedure Il y a

des victimes il faut des coupables (hellip) Crsquoest

comme si la Justice nous avait deacutesigneacutes cou-

pables agrave leur place

Dans ce contexte ougrave preacutedominent les senti-

ments de culpabiliteacute et parfois de honte le teacuteleacute-

phone est un outil de grand secours puisqursquoil

permet aux personnes de se soustraire au re-

gard de lrsquoAutre Cet Autre objet drsquoimplacables

projections accusatrices Je nrsquoaurais pas pu

consulter un psychologue en face-agrave face Jrsquoau-

rais eu trop peur de lire sur son visage le deacute-

goucirct le rejet le jugementhellip lagrave je peux dire ce

que je veux je ne vois pas votre reacuteactionhellip

crsquoest moins dur Mais pourquoi le psychologue

de la Cellule se precircte-il si rarement aux projec-

tions de nature perseacutecutrice Reacutepond-il agrave la

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 75

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

neacutecessiteacute de sauvegarder un bon objet Un

bon objet inteacuteriorisable susceptible de restaurer

a minima le narcissisme parental

Concernant les formes heacutereacuteditaires de MCJ

dans la majoriteacute des cas lorsque le diagnostic

tombe le malade est deacutejagrave au stade terminal de

la maladie Les membres agrave risque de la fa-

mille se retrouvent donc confronteacutes agrave deux

drames simultaneacutes la perte imminente de leur

proche et lrsquohorreur de leur possible devenir

Voilagrave en une fraction de seconde le monde

bascule Je regardais ma megravere mourir jrsquoima-

ginais que jrsquoallais finir comme elle et je pensais

agrave mes enfants qui auraient peut-ecirctre le mecircme

destin Puis viennent les angoisses pour les

fregraveres et sœurs leurs enfants crsquoest lrsquoheacuteca-

tombehellip

Comment en parler aux enfants Peut-on

continuer agrave vivre normalement en sachant que

tout peut basculer en quelques mois Je

nrsquoarrecircte pas de pleurer est-ce le deacutebut de la

maladie Faut-il faire le test geacuteneacutetique

Autant de questions difficiles agrave adresser agrave lrsquoen-

tourage Jrsquoai appeleacute la Cellule parce que je ne

veux pas affoler mon mari mes enfantshellip (hellip)

et je ne suis pas encore precircte agrave me retrouver

en consultation de geacuteneacutetique (hellip) ce serait trop

reacuteel (hellip) pour lrsquoinstant quand je raccroche je

peux faire comme si ccedila nrsquoexistait pas

NATURE DE LrsquoESPACE TEacuteLEacutePHONIQUE

Mais de quelle nature est cet espace teacuteleacutepho-

nique pour autoriser le patient agrave maintenir en

dehors de sa reacutealiteacute le contenu qursquoil y deacutepose

Lrsquoabsence de corps en preacutesence et lrsquoimmateacuteria-

liteacute de la voix comme unique canal de commu-

nication seraient-elles la clef du choix des pa-

tients drsquoun suivi teacuteleacutephonique plutocirct qursquoen cabi-

net Le teacuteleacutephone permettrait-il au patient de

srsquoaffranchir ponctuellement drsquoun trop de reacuteel et

de se proteacuteger de lrsquoeffraction qursquoopegravere la crudi-

teacute de ses preacuteoccupations mateacuterielles orga-

niques mais aussi existentielles Serait-elle la

figuration de ce temps intra-uteacuterin ougrave tout de la

reacutealiteacute sauf la megravere eacutetait en dehors ce temps

ougrave le lien intime avec elle nrsquoeacutetait que sons Je

vous parle et vous me parlez aussi dans le

creux de lrsquooreillehellip Vous ecirctes un peu mon es-

pace proteacutegeacute mon espace secret Ce temps

reacutevolu ougrave le lieu de rencontre (le ventre mater-

nel) entre la megravere et lrsquoenfant eacutetait lrsquoobjet de tous

les fantasmes Que dire drsquoautre en effet du lieu

de rencontre entre le psychologue et le pa-

tient qursquoil nrsquoest que scegravene psychique pur es-

pace temporel un ensemble chacun chez soi

Un espace qui srsquooffrirait donc plus encore et

plus subitement agrave la reacutegression du patient que

le divan de lrsquoanalyste ou lrsquoentretien agrave domicile

Parce qursquoelle les prive drsquoinformations agrave carac-

tegravere visuel (regards mimiques postures ges-

tuelles) et puisque rien ne fait obstacle ni chez

le patient ni chez le psychologue aux diffeacute-

rentes repreacutesentations fantasmatiques que

chacun a de lrsquoautre la teacuteleacutephonie se precircte agrave

une activiteacute imaginaire deacutebrideacutee Seules des

informations agrave caractegravere sonore telles que le

timbre de la voix les rythmes tons silences

intonations et bruits ambiants (il allume une ci-

garette elle ferme une porte la voix reacutesonne

comme dans un espace vide) donnent force et

forme agrave lrsquoespace theacuterapeutique Elles seules et

dans une immeacutediateteacute remarquable suffisent agrave

faire surgir le visage le corps et le lieu de

lrsquoautre Des lapsus agrave caractegravere visuels srsquoim-

miscent drsquoailleurs dans le discours des pa-

tients et du psychologue Je vois drsquoici la tecircte

que vous faites Nos rencontres teacuteleacutepho-

niques On se voit la semaine prochaine Des

deacutetails comme la silhouette la couleur des

yeux des cheveux des vecirctements un canapeacute

des photos au mur des sourcils fronceacutes ou une

moue deacutefaite sont-ils lrsquoexpression paroxystique

de lrsquoactiviteacute fantasmatique agrave lrsquoœuvre dans la

relation transfeacutero-contre-transfeacuterentielle entre

le patient et son theacuterapeute

Pourquoi lrsquoimage de cette patiente-lagrave tarde agrave se

construire en moi apparaicirct puis disparaicirct sans

que je puisse la saisir Parce qursquoelle joue agrave

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 76

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

cache-cache avec son pegravere malade qui ne

doit pas la voir dans cet eacutetat de terreur Pour-

quoi ai-je oublieacute drsquoappeler ce patient aujour-

drsquohui alors que son nom est surligneacute dans mon

agenda Parce qursquoil me reacutepegravete chaque fois

que tout le monde lrsquooublie Pourquoi cet

autre patient a-t-il exceptionnellement deman-

deacute agrave deacuteplacer son rendez-vous Parce qursquoil

eacutetait justement question lors de notre dernier

entretien de deacuteplacer son agressiviteacute pour

eacutepargner sa femme malade

Pourquoi cette megravere au beau milieu de son

suivi donne-t-elle mon numeacutero au fils qui ne

lrsquoeacutecoute plus Pourquoi ce fils accepte-t-il

drsquoappeler le psychologue de sa megravere Pour-

quoi le psychologue accepte-t-il de suivre seacute-

pareacutement deux membres de la mecircme famille

tandis qursquoil heacutesiterait agrave le faire en cabinet

Parce que les espaces ndash uniquement fantas-

meacutes- sont bien distincts en lui et que leur rela-

tion reacuteclame drsquoecirctre tierciseacutee

Pourquoi cette demande impeacuterieuse de me voir

en consultation Parce que cette patiente non

reconnue par la justice dans son statut de

victime des hormones de croissance contami-

neacutees a besoin drsquoecirctre reconnue au sens pre-

mier du terme par le psychologue

Pourquoi cette crainte en moi agrave lrsquoideacutee de voir

ces patients-lagrave comme on pourrait avoir agrave

craindre de transgresser la regravegle fondamentale

drsquoabstinence Dans ce contexte de suivi teacuteleacute-

phonique -qui induit lrsquoeacuterotisation du lien agrave la

voix et un sentiment paradoxal de grande

proximiteacute voir serait-il devenu un eacutequivalent de

toucher et lrsquoacting out agrave eacuteviter

Ces quelques exemples de questionnements

du psychologue autour des manifestations

transfeacutero-contre-transfeacuterentielles agrave lrsquoœuvre

dans le suivi teacuteleacutephonique nous semblent rele-

ver drsquoun processus de type theacuterapie drsquoinspira-

tion analytique Un processus qui se partage

souvent en deux temps un temps de plainte et

un temps drsquoeacutelaboration psychique complexe au

cours duquel le patient rapporte spontaneacutement

ses recircves Des recircves dont le mateacuteriel fait lrsquoobjet

drsquointerpreacutetations par le psychologue

SUIVI TEacuteLEacutePHONIQUE AVEC OU SANS FIN

Il arrive qursquoapregraves le deacutecegraves de son proche le

patient srsquointerroge sur la leacutegitimiteacute de la pour-

suite du suivi comme si la survie du malade

avait jusqursquoici conditionneacute son droit agrave en beacuteneacutefi-

cier Il nrsquoen est rien alors tout ne srsquoarrecircte pas

pour moi non plus Cet espace temporel

sans corps en preacutesence qui a proteacutegeacute le pa-

tient des angoisses inheacuterentes agrave la reacutealiteacute

drsquoune seacuteparation annonceacutee permet et catalyse

mecircme parfois le travail de deuil Vous ecirctes un

peu comme mon fregravere [mort depuis 3 mois] je

ne le vois pas mais il est lagravehellip je ne le vois pas

mais je lrsquoentends parfoishellip comme avec vous

jrsquoapprends agrave dialoguer agrave lrsquointeacuterieur de moi avec

lui

La sortie du dispositif de soutien teacuteleacutephonique

est longuement travailleacute eacutevocation de lrsquoapregraves

eacutelaboration de la seacuteparation espacement pro-

gressif des entretiens Un cheminement au

cours duquel surgissent plus explicitement les

traces du caractegravere transitionnel de lrsquoespace

teacuteleacutephonique Un espace qui sans ecirctre une

permanence drsquoeacutecoute a eacutetayeacute le sentiment de

permanence drsquoobjet Je ne vous ai jamais

vuehellip alors je nrsquoai pas peur de ne plus vous

voir Vous ecirctes un peu comme toujours lagrave

CONCLUSION

La Cellule Nationale de Reacutefeacuterence des Mala-

dies de Creutzfeldt-Jakob a pour mission lrsquoaide

au diagnostic et agrave la prise en charge meacutedicale

sociale et psychologique des patients et de leur

famille Lrsquoaide proposeacutee srsquoeffectue essentielle-

ment par teacuteleacutephone

La faisabiliteacute et la leacutegitimiteacute drsquoun soutien psy-

chologique exclusivement teacuteleacutephonique a eacuteteacute

lrsquoobjet de nombreuses interrogations pour le

psychologue quelle est la nature de cet es-

pace particulier drsquoaccompagnement Quels en

sont les beacuteneacutefices Peut-on soutenir un veacuteri-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 77

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

table travail psychique dans le cadre de ce dis-

positif Est-il leacutegitime de parler de travail psy-

chotheacuterapeutique

Les 110 suivis psychologiques effectueacutes agrave la

Cellule depuis 2003 nous permettent aujour-

drsquohui drsquoaffirmer que notre travail de psycho-

logue ne se limite pas agrave une pure fonction de

soutien En effet bien que tregraves eacuteloigneacute de la

situation analytique le processus agrave lrsquoœuvre

dans le dispositif teacuteleacutephonique semble srsquoappa-

renter agrave celui drsquoun dispositif de type psychotheacute-

rapeutique drsquoinspiration analytique le cadre

est poseacute et penseacute par le psychologue

(entretiens de 45 minutes notion de rendez-

vous teacuteleacutephoniques rythmiciteacute souvent hebdo-

madaire suivi au long cours) lrsquoassociation

libre est encourageacutee lrsquointerpreacutetation des dires

lrsquoanalyse des recircves lrsquoanalyse du transfert et du

contre-transfert par le psychologue est freacute-

quente et le patient effectue un veacuteritable travail

drsquoeacutelaboration psychique au deacutecours du suivi

Lrsquoexpeacuterience nous deacutemontre que les particulari-

teacutes de lrsquoaccompagnement teacuteleacutephonique

(notamment privation drsquoinformations visuelles)

ne freinent pas le processus theacuterapeutique

Elles pourraient mecircme le favoriser

(relacircchement du systegraveme deacutefensif)

Ainsi ce dispositif innovant de prise en charge

psychologique agrave lrsquohocircpital est au service drsquoune

difficulteacute des personnes qui y ont recours la

crainte et ou lrsquoimpossibiliteacute drsquoaller consulter un

psychologue en face-agrave face

Retrouvez

toute lrsquoactualiteacute de Psyclihos

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feacuterences ainsi que le journal

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PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 78

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

Parents face agrave linterruption meacutedicale de grossesse des mots

en images

Natascia Serbandini

Service de gyneacutecologie-obsteacutetrique Hocircpital Jean Verdier

A pregraves avoir eacutevoqueacute briegravevement les speacute-

cificiteacutes du deuil peacuterinatal je vais vous

preacutesenter une pratique nouvelle au sein

de lrsquoAPHP un groupe de parole hospitalier

destineacute aux femmes ayant fait une interruption

meacutedicale de grossesse Ce groupe est neacute en

2008 un an apregraves sa creacuteation nous avons choi-

si drsquointroduire une cameacutera lors des seacuteances

Enfin je deacutecrirai lrsquoimpact de la cameacutera sur le

groupe et le projet de film que nous sommes

en train de reacutealiser

LES SPEacuteCIFICITEacuteS DU DEUIL PEacuteRINATAL

La deacutecouverte dune pathologie fœtale incu-

rable pendant la grossesse est un eacuteveacutenement

hautement traumatique pour les parents du fu-

tur beacutebeacute Lhocircpital Jean Verdier unique Centre

Pluridisciplinaire de Diagnostic Preacutenatal du 93

accueille et accompagne les parents degraves lrsquoan-

nonce du diagnostic jusqursquoagrave lrsquointerruption meacutedi-

cale de grossesse quand les parents la deman-

dent

Le deuil peacuterinatal preacutesente des speacutecificiteacutes qui

le distinguent du deuil classique il est toujours

accompagneacute drsquoun fort sentiment de culpabili-

teacute amplifieacute dans le cadre des Interruptions Meacute-

dicales de Grossesse par la prise de deacutecision

(Tous les textes en italique sont issus de teacutemoi-

gnages de femmes lors du groupe de parole)

Pendant le travail je le sentais encore mon

beacutebeacute est neacute vivant jrsquoavais vraiment cette sen-

sation qursquoil voulait se battre Jrsquoai enleveacute tout cet

espoir de vie et je me demande de quel droit

Crsquoest cette impression drsquoavoir le choix sur sa

vie ou sa mort crsquoest tellement lourd agrave porter

Une autre speacutecificiteacute est lrsquoabsence drsquoun veacutecu

partageacute avec cet enfant en dehors de la gros-

sesse Geneviegraveve Delaisi de Parseval

(psychanalyste) Comment faire le deuil de ce

qui nrsquoa pas eu lieu drsquoon ne sait quoi et de

presque rien Lrsquoobjet perdu reste agrave perdre

comment accepter la seacuteparation drsquoavec un ecirctre

que lrsquoon nrsquoa pas connu

Le deuil est un processus intrapsychique con-

seacutecutif agrave la perte drsquoun objet drsquoattachement par

lequel le sujet reacuteussit progressivement agrave se deacute-

tacher de celui ci Jean Philippe Legros

(psychologue psychanalyste au centre de meacute-

decine foetale Cochin-St Vincent de Paul) dans

lrsquoarticle L lsquoarrecirct de vie in utero ou lrsquoerrance des

fœtus un possible deuil preacutecise que dans le

deuil peacuterinatal il srsquoagit drsquoun deacutetachement sans

renoncement

Ensuite il srsquoagit drsquoun deuil feacuteminin un deuil

veacutecu tregraves diffeacuteremment dans le couple

Mon mari lui a pris sa deacutecisionhellipje ne dis pas

que ccedila a eacuteteacute facile ccedila a ducirc ecirctre dur pour lui

aussi moi je la portais je la sentais bouger

Cette mort est intoleacuterable pour la megravere en lien

avec le sentiment drsquoomnipotence propre agrave la

grossesse intoleacuterable pour la megravere qui con-

naissait ce beacutebeacute et qui a ressenti ses mouve-

ments

Ce sentiment de toute puissance est amplifieacute

par le fait que la demande drsquoInterruption Meacutedi-

cale de Grossesse revient agrave la femme seule

signataire selon la loi

Je sais qursquoil souffre qursquoil est malheureux il a

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 79

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

la mecircme peine et la mecircme tristesse que moi

mais il ne llsquoexprime pas pareil il y a une culpa-

biliteacute plus importante chez la megravere

La perte du beacutebeacute est parfois difficilement re-

connue par les pegraveres qui nrsquoosent pas manifes-

ter leur souffrance et qui se projettent plus rapi-

dement dans lrsquoavenir

Leur deacutetresse reacutesulte en grande partie de la

mise agrave mal de la fonction contenante protec-

trice de la femme enceinte qursquoils assuraient

avant lrsquointerruption

Ce deuil est deacutepourvu drsquoune dimension so-

ciale Franccediloise Moleacutenat (peacutedopsychiatre) dit

Iil existe une cicatrice dans le corps de la

megravere mais pas de cicatrice sociale

Beaucoup de personnes mrsquoont dit crsquoest

dingue que lrsquoadministration franccedilaise se mecircle

de ccedila (en parlant de la reconnaissance agrave la

Mairie) alors qursquoil nrsquoy a mecircme pas de beacutebeacute il

eacutetait pas neacute

Les rituels autour du deuil ont une fonction psy-

chique ils offrent au mort un deacutedommagement

symbolique Ils assurent une reconnaissance

de la peine des proches par le groupe

Crsquoest seulement depuis quelques anneacutees que

les rites et rituels sociaux autour des beacutebeacutes

morts in utero ont pris leur place agrave travers la

reconnaissance agrave lrsquoEtat Civil et lrsquoeacutevolution des

pratiques drsquoaccompagnement dans les materni-

teacutes (preacutesentation du corps du beacutebeacute organisa-

tion drsquoobsegraveques)

Ce travail est reacutealiseacute dans le but de creacuteer et

drsquoancrer des souvenirs de cet enfant afin de

faire des parents des parents

Jrsquoavais toujours une photo de mon fils dans

mon portefeuille jrsquoen avais besoin Crsquoest peut

ecirctre parce que je ne voulais pas qursquoon me dise

que crsquoeacutetait rien

LE GROUPE DE PAROLE Agrave JEAN VERDIER

Lors des entretiens avec le gyneacutecologue ou

dans le cadre drsquoun suivi psychologique quelque

temps apregraves les Interruptions Meacutedicales les

femmes eacutevoquaient de maniegravere reacutecurrente leur

solitude lrsquoimpossibiliteacute de partager leur souf-

france et le temps passant de ne plus pouvoir

parler de leur beacutebeacute dans le cercle familial et

amical Cet oubli de lrsquoentourage et la reprise

drsquoune vie normale est source de culpabiliteacute

elles avaient le sentiment drsquoabandonner agrave nou-

veau leur beacutebeacute

Jrsquoai lrsquoimpression que personne ne me com-

prend jrsquoai lrsquoimpression drsquoecirctre seule au monde

de me noyer je survis Les gens ne peuvent

pas comprendre notre situation je nrsquoarrive pas

agrave leur dire ma souffrance immense

De cela est neacutee lrsquoideacutee de proposer un espace

drsquoeacutechanges entre femmes sous forme de

groupe de paroles Ce projet a eacuteteacute creacuteeacute agrave lini-

tiative commune du gyneacutecologue responsable

du Centre de Diagnostic Anteacutenatal et de moi-

mecircme

Il srsquoagit drsquoun groupe ouvert agrave toutes les femmes

ayant veacutecu une Interruption Meacutedicale de Gros-

sesse agrave Jean Verdier

Le groupe se reacuteunit une fois par mois pendant

une heure et demie et est co-animeacute par un bi-

nocircme psychologuepsychiatre et meacutedecinsage

femme

Le groupe constitue un cadre de confiance

une enveloppe psychique comme le dit An-

zieu propice agrave la mise en commun des charges

affectives et agrave lrsquoaccompagnement du deuil

De plus comme le rappelle Jean Philippe Le-

gros apregraves la perte drsquoun enfant par IMG la

crainte de la megravere contrairement aux parents

drsquoenfants porteurs drsquohandicap est lrsquoabsence du

regard des autres dans le reacuteel Cet ecirctre invi-

sible pour les yeux cet enfant que personne

drsquoautre nrsquoa connu risque de disparaicirctre Drsquoougrave

lrsquoimportance de creacuteer un espace physique (par

rapport aux espaces virtuels les forums sur

Internet tregraves freacutequenteacutees par les megraveres en-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 80

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

deuilleacutees) et psychique au sein de lrsquohocircpital afin

de reconnaicirctre lrsquoexistence de ces beacutebeacutes et per-

mettre agrave ces femmes drsquoecirctre megraveres

Les autres nous parlent comme si on avait

perdu quelque chose crsquoest quand mecircme un

ecirctre vivant crsquoeacutetait quand mecircme notre enfant

Lrsquoobjectif principal du groupe est de permettre

le partage drsquoexpeacuterience de ce deuil si particu-

lier drsquoecirctre rassureacutee par le parcours des autres

dans un cadre de reacutefeacuterence suffisamment

bon pour le dire avec les mots de Winnicott

Crsquoest vrai que discuter avec drsquoautres per-

sonnes qui lrsquoont veacutecu il y a longtemps et qui ont

su deacutepasser certaines eacutetapes ccedila aide ccedila

donne des cleacutes pour passer agrave lrsquoeacutetape suivante

LrsquoIDEacuteE DU FILM DES MOTS EN IMAGES

Le groupe a eacuteteacute tregraves freacutequenteacute degraves le deacutebut

Apregraves un an de fonctionnement le gyneacutecologue

a proposeacute drsquointroduire une camera afin de fil-

mer les seacuteances pour teacutemoigner de cette expeacute-

rience positive et faire connaicirctre cette pratique

Cette proposition a eacuteteacute discuteacutee par les

femmes au sein du groupe elles ont adopteacute

cette ideacutee et ont eacutelaboreacute avec nous les objectifs

du film

Teacutemoigner autour du deuil peacuterinatal en deacutecri-

vant les diffeacuterentes eacutetapes et souligner les beacute-

neacutefices drsquoun groupe de parole

A partir de leur veacutecu permettre une reacuteflexion

visant agrave ameacuteliorer les pratiques soignantes

dans les accompagnements du deuil peacuterinatal

agrave lrsquohocircpital

Nous avons filmeacute six seacuteances dune heure

trente avec deux techniques une cameacutera fixe

et une cameacutera mobile Ensuite nous avons eacuteta-

bli ensemble un plan pour le film reacutecit en ordre

chronologique du deacuteroulement de lrsquoIMG Les

diffeacuterents chapitres

Lrsquoannonce et la deacutecision lrsquohospitalisation le

retour agrave la maison lrsquoenterrement lrsquoentourage

lrsquoautopsie la grossesse drsquoapregraves le groupe

La preacutesence de la cameacutera a eu un impact sur

le deacuteroulement des seacuteances les theacutematiques

ont eacuteteacute eacutetablies agrave lrsquoavance ce qui a permis de

structurer davantage les seacuteances tout en gar-

dant la liberteacute drsquoaborder les questions eacutevo-

queacutees spontaneacutement par les femmes

Comme le dit Winnicott lrsquoenfant existe dans les

yeux de sa megravere le visage de lrsquoenfant que lrsquoon

nrsquoa pas vu ne permet pas agrave la megravere de se re-

connaicirctre comme megravere

Le film vient srsquoinscrire dans cette neacutecessiteacute de

reconnaissance de laisser une trace de cette

preacutesence de ce beacutebeacute qui nrsquoa plus de corps

physique mais qui existe dans lrsquohistoire fami-

liale

La preacutesence de la cameacutera a donc eu des effets

beacuteneacutefiques pour les femmes mais aussi pour

les soignants la richesse du mateacuteriel clinique

recueilli nous a permis drsquoobserver lrsquoeacutevolution

des femmes dans le processus de deuil et

drsquoanalyser leur posture au sein du groupe ainsi

que celle des animateurs

Si le groupe a fonction de portage pour cer-

taines pour drsquoautres crsquoest le lieu ougrave elles peu-

vent donner un sens agrave ce qursquoelles ont veacutecu en

partageant leur expeacuterience avec drsquoautres

Nous avons constateacute en visionnant les

seacuteances que plusieurs femmes qui semblent

ecirctre dans un deuil normal continuent agrave freacute-

quenter le groupe alors que leur interruption

remonte agrave il y a trois ou quatre ans

Le besoin de continuer agrave eacutevoquer leur beacutebeacute

nrsquoest pas un signe de deuil pathologique mais

une neacutecessiteacute de la ceacuteleacutebration de la meacutemoire

de ces beacutebeacutes disparus Ces femmes veulent

garder comme le dit Jean Philippe Legros une

dose homeacuteopathique du trauma qui gueacuterit de

lui en ne se seacuteparant jamais

Quand jrsquoai dit agrave ma responsable que je mrsquoab-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 81

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

sentais pour venir au groupe de parole elle

mrsquoa dit Ben tu en as deacutejagrave un (enfant) qui est lagrave

pourquoi tu continues agrave aller agrave ce groupe Je

lui ai dit Crsquoest pas parce que jrsquoai reacuteussi agrave

avoir un petit garccedilon que je vais compleacutetement

oublier ce qui concerne mon premier enfant

justement lui il nrsquoest pas lagrave crsquoest pour ccedila que

je continue agrave aller au groupe pour parler de lui

pour le faire exister

Aujourdrsquohui le projet du film est en cours nous

avons imagineacute deux versions

- une version courte de 20 minutes un teacutemoi-

gnage du groupe sur le deuil peacuterinatal agrave diffu-

ser agrave lrsquoexteacuterieur

- une version longue de 52 minutes destineacutee

aux femmes et en interne agrave lrsquohocircpital Jean Ver-

dier

Le premier montage a eacuteteacute visionneacute par les

femmes qui ont participeacute aux choix des extraits

Nous espeacuterons pouvoir le diffuser dans un ave-

nir proche agrave un large nombre de professionnels

de santeacute

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Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

Psychologue clinicien aupregraves du personnel missions

enjeux limites

Isabelle Fretigny Hocircpital Saint Louis

Elodie Travers Hocircpital Henri Mondor

P our cette preacutesentation des missions du

psychologue clinicien aupregraves du per-

sonnel agrave

lrsquoAP-HP nous avons choisi de commencer par

reprendre quelques eacuteleacutements agrave lrsquoorigine de la

creacuteation de nos postes

Dans une seconde partie nous deacutefinirons et

preacutesenterons la diversiteacute des missions speacuteci-

fiques aux psychologues du personnel sur site

A la fois clinique et institutionnelle notre pra-

tique nous amegravene agrave ecirctre en contact reacutegulier

avec les diffeacuterents acteurs internes ou ex-

ternes agrave lrsquoinstitution concerneacutes par la protec-

tion de la santeacute au travail Ainsi cette collabo-

ration neacutecessite un important travail de deacuteve-

loppement et drsquoentretien du reacuteseau

Ensuite nous envisagerons les divers ques-

tionnements souleveacutes par ce poste position-

nement parfois drsquoeacutequilibriste cadre speacutecifique

de prise en charge ou encore limites de cette

pratique

HISTORIQUE

Par la loi de 1983 concernant les droits et obli-

gations des fonctionnaires les personnels hos-

pitaliers de par leur statut sont proteacutegeacutes par

leur administration

A la fin des anneacutees 90 le deacuteveloppement de la

preacutevention des violences apparaicirct comme pri-

mordial puis une circulaire intituleacutee Preacutevention

et accompagnement des situations de vio-

lence est reacutedigeacutee en deacutecembre 2000

Le constat de lrsquoaugmentation de la violence au

quotidien dans les hocircpitaux a fait naicirctre au sein

de lrsquoAP-HP des preacuteoccupations et des de-

mandes au niveau institutionnel Ceci a mobili-

seacute un ensemble drsquoacteurs concerneacutes par la

protection de la santeacute des personnels Ainsi la

mise en place drsquoune cellule drsquoaccueil et de

prise en charge des agents victimes de vio-

lence agrave lrsquoAP-HP eacutemane de ces travaux Deux

postes de psychologues cliniciennes ont eacuteteacute

creacuteeacutes au Siegravege en 2000 et 2001 puis drsquoautres

postes de psychologues cliniciens aupregraves du

personnel ont vu le jour sur diffeacuterents sites de

lrsquoAP-HP

Face agrave lrsquoamplification des violences en milieu

hospitalier lrsquoAP-HP a eacutegalement meneacute en 2004

une campagne drsquoinformation sur le thegraveme

Violences de patients drsquoaccompagnants de

visiteurs comment soutenir les personnels qui

en sont victimes Ces derniers ignorent sou-

vent leurs droits et les circuits internes pour ob-

tenir le meilleur accompagnement dans leurs

deacutemarches Lrsquoeacutelaboration drsquoun guide a permis

de deacutecrire les diffeacuterentes modaliteacutes de prise en

charge en cas drsquoagression prise en charge

meacutedico-psychologique sociale meacutedico-

administrative ou encore juridique

Au-delagrave de la preacutevention et de la prise en

charge de la violence agrave lrsquohocircpital les missions

du psychologue clinicien aupregraves du personnel

sont orienteacutees vers deux axes principaux la

clinique individuelle et collective et les activiteacutes

institutionnelles

DEacuteFINITION DU POSTE ET MISSIONS SPEacuteCIFIQUES

Le poste de psychologue du personnel a pour

fonction principale de creacuteer un espace drsquoeacutecoute

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 83

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

et de prise en charge individuelle ou collective

pour tout le personnel de lrsquohocircpital

Toute personne professionnelle de lrsquohocircpital

peut si elle en a la neacutecessiteacute (si elle le sou-

haite) prendre rendez vous pour une premiegravere

consultation et ce quel qursquoen soit le motif pro-

fessionnel ou personnel

Les bureaux permettent de garantir la confiden-

tialiteacute

Les consultations se font sur rendez-vous afin

drsquoeacuteviter lrsquoattente et pour preacuteserver la discreacutetion

Ils sont libres et totalement confidentiels

Des rendez-vous en soireacutee peuvent ecirctre ameacute-

nageacutes

Le deacutelai maximum drsquoobtention drsquoun rendez-

vous est environ de 15 jours

Le nombre de consultations deacutepend de la de-

mande initiale Il peut aller drsquoun seul entretien agrave

plusieurs Lorsque la personne deacutesire ou neacute-

cessite une prise en charge plus longue elle

est orienteacutee agrave lrsquoexteacuterieur Il est preacuteciseacute agrave tout

agent en deacutebut drsquoentretien que ce lieu de con-

sultation a pour vocation un accompagnement

agrave court ou moyen terme

Il est eacutevident que la fonction de psychologue du

personnel est agrave viseacutee clinique crsquoest agrave dire

- que le psychologue du personnel nrsquointervient

pas directement dans les eacutevaluations utiles agrave la

gestion du personnel et nrsquoeacutemettent aucun avis

concernant lrsquoaptitude au poste de travail des

agents reccedilus en consultation (ce qui est de

lrsquounique ressort du meacutedecin du travail) hellip

- que le psychologue du personnel nrsquoest pas

psychologue du travail donc nrsquointervient pas

dans le reclassement les mobiliteacutes profession-

nelles le recrutementhellipMais nos missions

srsquoaccordent bien sur avec celles du CRH si neacute-

cessaire

Le psychologue du personnel comme les

autres psychologues cliniciens de lrsquoeacutetablisse-

ment deacutepend directement du directeur de lrsquoeacuteta-

blissement et a des liaisons fonctionnelles

avec le drh par exemple ou le meacutedecin du tra-

vail

Il rend un bilan annuel quantitatif indiquant cer-

taines donneacutees de son activiteacute tout en preacuteser-

vant lrsquoanonymat et la confidentialiteacute Il peut arri-

ver que ce bilan soit preacutesenteacute aux instances

types CHSCT

Globalement le temps de travail du psycho-

logue du personnel se reacutepartit comme suit

pratique clinique drsquoune part activiteacutes institu-

tionnelles drsquoautre part

LA PRATIQUE CLINIQUE

bull Clinique individuelle soutien psychologique

du personnel en difficulteacute par entretien indivi-

duel

Notre pratique montre que les deux aspects

professionnels et personnels sont souvent in-

triqueacutes qursquoil peut srsquoagir de souffrance au tra-

vail mais aussi de souffrance personnelle qui

peut avoir des reacutepercussions dans le travail

Les motifs principaux agrave lrsquoorigine de la de-

mande

- sur le plan professionnel sont conflits inter

eacutequipe situations de violence au travail

manque de communication difficulteacutes face aux

pathologies perte du sens du travail voire eacutepui-

sement professionnel

- sur le plan personnel sont difficulteacutes fami-

liales sociales deuils seacuteparations probleacutema-

tiques psychopathologiques maladies chro-

niqueshellip

Ces personnes ne se sont jamais adresseacutees agrave

un professionnel du soin psychique par meacute-

connaissance des professions parfois mais par

meacutefiance eacutegalement et arrivent souvent en

portant des souffrances extrecircmement lourdes

et de longue date

Cateacutegories dominantes qui consultent soi-

gnants et administratifs encadrement

quelques personnels techniques et meacutedico-

techniques et tregraves peu de meacutedecins

Il est difficile drsquoeacutetablir une moyenne du nombre

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 84

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

drsquoagents reccedilus par an sur lrsquoensemble des

postes du personnel Toutefois les demandes

de consultations sont en constantes augmenta-

tions sur la plupart des sites de lrsquoAPHP mais

aussi du fait des regroupements amenant les

psychologues agrave ecirctre solliciteacutees sur plusieurs

eacutetablissements

bull Clinique collective

Les interventions collectives peuvent se

preacutesenter sous deux formes les groupes de

parole et les deacutebriefings psychologiques

Le Groupe de parole permet de creacuteer un lieu

drsquoexpression et drsquoeacutechanges sur un thegraveme don-

neacute ou une probleacutematique speacutecifique au service

(comme par exemple lrsquoagressiviteacute et la violence

des patients notamment aux urgences ou en-

core lrsquoimplication eacutemotionnelle des soignants

lieacutee agrave lrsquoaccompagnement en fin de vie hellip)

Le Deacutebriefing psychologique intervention

collective ponctuelle suite agrave un eacuteveacutenement diffi-

cile ou traumatique (suicide drsquoun patient deacutecegraves

drsquoun personnel agression du personnel par un

patient ou son entouragehellip)

Force est de constater eacutegalement que les de-

mandes de reacutesolution de conflit formuleacutees

comme telles sont aussi tregraves preacutesentes et il

semble utile de distinguer la neacutecessaire reacutesolu-

tion drsquoun conflit qui nrsquoest pas forcement le lieu

et le temps du groupe de parole de la volonteacute

drsquoy trouver un sens Il va de soi que le psycho-

logue nrsquointervient en aucun cas comme meacutedia-

teur car il nrsquoen a pas la formation speacutecifique

mecircme si certaines interventions peuvent par-

fois avoir des effets drsquoapaisement du conflit

Pour ces raisons et preacutealablement agrave toute in-

tervention collective il est important drsquoavoir pu

deacutefinir avec les participants leurs attentes et

pas seulement celles lieacutees au demandeur geacute-

neacuteralement lrsquoencadrement ou la direction

LES ACTIVITEacuteS INSTITUTIONNELLES

bull1- Deacuteveloppement et entretien du reacuteseau

En interne Assistant social du personnel meacute-

decine du travail DRH CRH chef du person-

nel direction des soins psychologues du per-

sonnel drsquoautres sites psychologues des ser-

vices psychiatres hellip

En externe orientation vers les CMP pour les

prises en charge agrave plus long terme etou pour

les suivis psychiatriques orientation vers des

lieux de consultations speacutecialiseacutes (addictologie

consultation douleur troubles du sommeil

troubles du comportement alimentaire associa-

tion drsquoaide aux victimes theacuterapie familiale hellip)

2- Participation aux groupes de travail et de

preacutevention preacutevention des addictions de

lrsquoeacutepuisement professionnel des risques psycho

-sociauxhellip

3- Faire connaicirctre ces postes et notre activiteacute

- A lrsquooccasion drsquoune arriveacutee sur site ou lors

drsquoune creacuteation de poste

- Preacutesentation dans les services directement

aupregraves des eacutequipes

- Preacutesentation lors de formations sur site

propre (accueil des nouveaux arrivants ou sur

des theacutematiques en lien avec nos missions) ou

au Centre de Formation Continue du Personnel

Hospitalier (intervention dans le cadre de la for-

mation Preacutevention du risque psychique et de

lrsquoeacutepuisement professionnel agrave lrsquohocircpital)

- Preacutesentation du rapport drsquoactiviteacutes au Comiteacute

drsquoHygiegravene Seacutecuriteacute et Conditions de Travail

QUESTIONNEMENTS ENJEUX LIMITES

Ce poste nous amegravene en permanence

- agrave repreacuteciser nos missions ce que nous pou-

vons faire et aussi ne pas faire depuis notre

place particuliegravere au sein de lrsquoinstitution

- agrave nous confronter agrave certaines limites

- agrave devoir nous adapter agrave une clinique aussi

riche que varieacutee

Plusieurs limites donc

La question du cadre

- absence de paiement pas de psychotheacutera-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 85

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

pie ce nrsquoest pas agrave lrsquoemployeur de payer on

connaicirct par ailleurs la neacutecessiteacute du paiement

- reacutegulariteacute des horaires il est difficile souvent

impossible pour des personnels ayant des ho-

raires variables qui travaillent en alternance de

pouvoir respecter un horaire fixe de rendez

vous Les annulations les reports sont freacute-

quents agrave cause des changements drsquohoraires

subis par les agents eux-mecircmes Parfois de

notre fait eacutegalement

La question de la confiance

- biais dans la relation

Nous avons le mecircme employeur donc il existe

un biais dans la relation de soutien psycholo-

gique (theacuterapeutique) Pourtant eacutetablir une re-

lation de confiance institutionnelle avec les

agents est essentiel Et faire partie de la mecircme

institution peut parfois paradoxalement rassu-

rer et favoriser une deacutemarche qui ne serait par

ailleurs pas faite

Ayant eacuteteacute recruteacute par la mecircme direction la

question de la confidentialiteacute du travail du

psychologue peut se poser (la confidentialiteacute

est rappeleacute agrave chaque premiegravere rencontre)

- Neacutecessaire et juste distance entre lrsquoinstitution

de son propre travail (visites meacutedicales effec-

tueacutees par un autre meacutedecin du travail attitude

discregravete au sein de lrsquoeacutetablissement hellip)

- Se pose la question du secret partageacute dans

lrsquointeacuterecirct de lrsquoagent et avec son accord cer-

taines informations peuvent parfois ecirctre com-

muniqueacutees (assistantes sociales du personnel

meacutedecin du travailhellip) et inversement

Comment et quand reacuteorienter

- au rythme de chacun (cette premiegravere deacute-

marche a deacutejagrave parfois eacuteteacute extrecircmement longue

et difficile)

- ne marche pas toujours du 1er

coup (combien reviennent parce que cela nrsquoa

pas accrocheacute trop cher tous ces arguments

connus qui peuvent cacher un pas precirct agrave)

Autres limites agrave cette pratique

- question de la neutraliteacute quant au fait de pou-

voir recevoir deux parties drsquoun conflit Nous

sommes lagrave pour tous les agents Et crsquoest bien

lagrave toute la diffeacuterence avec les GH qui ont agrave dis-

position plusieurs psychologues du personnel

- difficulteacute si une personne reccedilue en individuel

participe eacutegalement agrave un groupe de parole hellip

- tous les risques de glissement potentiels aux

places que lrsquoinstitution veut nous faire prendre

lorsque par exemple en lrsquoabsence de meacutedecin

du travail on propose agrave la place de rencon-

trer la psychologue du personnel lorsqursquoil faut

absolument trouver une solution risque drsquoecirctre

interpelleacute en vue de reacutesoudre un conflit avec

ce que cela suppose de rapiditeacute et drsquoefficience

allant agrave lrsquoencontre de la possibiliteacute de penser et

drsquoeacutelaborer

CONCLUSION

Pour le psychologue exercer aupregraves du per-

sonnel appelle parfois agrave des positions drsquoeacutequili-

bristes et neacutecessite de garder une certaine

souplesse

Lrsquointeacuterecirct de ce poste est de faciliter lrsquoaccegraves au

psychologue permettant agrave un public qui nrsquoau-

rait pas forcement fait cette deacutemarche de venir

consulter

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 86

Clocircture de la journeacutee

gt Elodie Sacircles preacutesidente de Psyclihos

Page 87

Clocircture de la journeacutee

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 87

Clocircture de la journeacutee

C ette journeacutee nous a permis de partager

la diversiteacute de nos pratiques La ri-

chesse des interventions nous teacutemoi-

gnent de la vivaciteacute des psychologues hospita-

liers Cest bien la speacutecificiteacute de nos pratiques

qui assure la peacuterenniteacute de nos postes et leur

creacuteation

Jai commenceacute la journeacutee par des remercie-

ments cest ainsi que je vais la clore

Je remercie

le Comiteacute scientifique qui a construit ce pro-

gramme riche et ambitieux qui je lespegravere vous

aura apporteacute de nouvelles ressources

Le Comiteacute drsquoorganisation et les beacuteneacutevoles qui

nous ont reacuteserveacute un accueil souriant et dyna-

mique

Cleacutement ingeacutenieur du son agrave la technique

gracircce agrave qui vous pourrez entendre les interven-

tions de cette journeacutee sur notre site internet

Nous vous demandons donc un peu de pa-

tience avant de pouvoir retrouver les interven-

tions de cette journeacutee sur notre site internet

Nheacutesitez pas agrave nous rejoindre ce qui renforce

toujours notre dynamisme

En vous remerciant de votre preacutesence qui fait

le succegraves de cette journeacutee et nous poussera

qui sait agrave nous retrouver avec notre quart de

siegravecle -)

Dernier deacutetail administratif noubliez pas de

remplir le questionnaire deacutevaluation de la jour-

neacutee et surtout de rendre votre badge en par-

tant Cest important pour nous

Merci agrave tous

Elodie Sacircles preacutesidente de Psyclihos

Retrouvez

toute lrsquoactualiteacute de Psyclihos

les enregistrements des con-

feacuterences ainsi que le journal

des 20 ans

sur notre site internet

wwwpsyclihosorg

BULLETIN DrsquoADHESION

Cotisation annuelle incluant lrsquoabonnement au journal et laccegraves agrave lespace adheacuterent sur notre site

internet

Membres actifs Titulaire 45 euro

Contractuel ou retraiteacute 30 euro

Membres associeacutes Jeune diplocircmeacute lt3ans sans emploi 25 euro

Eacutetudiant (master 1 ou 2) 15 euro

Justificatif obligatoire agrave joindre copie du haut du bulletin de salaire du diplocircme ou du certificat de

scolariteacute

Renseignements concernant lrsquoadheacuterent

Nom

Preacutenom

Adresse personnelle

Teacuteleacutephone

Courriel

Adresse professionnelle (preacuteciser le nom du chef de service)

Teacuteleacutephone

Courriel (pour recevoir nos Bregraveves)

Date et signature

A adresser avec votre chegraveque agrave lordre de Psyclihos agrave

Christine SCHWANSE psychologue

Heacutematologie Adulte - Myosotis 3 Hocircpital Saint Louis

par courrier 1 Avenue Claude Vellefaux ndash 75 010 Paris

Association des Psychologues Cliniciens Hospitaliers de lrsquoAssistance Publique

Hocircpitaux de Paris

Page 6: Les 20 ans de Psyclihos

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 6

8h30 Accueil des participants

9h-9h30 Ouverture

gt Allocution douverture

Alain Burdet DRH AP-HP

gt Psyclihos 20 ans deacutejagrave

Elodie Sacircles preacutesidente de Psyclihos

9h30 - 11h Ecirctre psychologue ou

faire de la psychologie Statut

fonctions quelles compeacutetences

Modeacuterateur Benoicirct Verdon Universiteacute

Paris Descartes

gt Ecirctre ou ne pas ecirctre neuropsychologue

Annie Kurtz Lariboisiegravere

gt P s y c h o l o g u e c l i n i c i e n e n

psychotraumatologie du savoir-faire

au savoir-ecirctre

Clara Duchet Tenon

gt Aider agrave penser limpensable en

oncologie

Anna Elli Pardo Saint-Louis

11h - 11h30 Pause

11h30 - 13h Loi HPST titre de

psychotheacuterapeutehellip Quels changements

pour le meacutetier de psychologue

Modeacuterateur Franccediloise Adriansen

membre du CA de Psyclihos

gt Le psychologue entre les lignes des

textes officiels

Nadine Labbeacute Cochin

gt Titre de psychotheacuterapeute si vous

avez manqueacute le deacutebuthellip

Virginie Rocard Sainte Peacuterine

gt Psychotheacuterapeute agrave quel titre

Patrice Nomineacute Fernand Widal

13h -14h30 Repas libre

14h30 - 16h Uniteacute dans la diversiteacute

des pratiques transversaliteacute de nos

cliniques

Modeacuterateur Patrice Nomineacute Fernand

Widal

gt La dimension culturelle dans leacutecoute

des patients migrants

Jacqueline Faure Tenon

gt P sycho logue en r eacutean imat i on

peacutediatrique teacutemoignage drsquoune pratique

en eacutevolution

Muriel Derome Raymond Poincareacute

gt Seacutejour de vacances quelle place pour

le psychologue

Ceacuteline Le Bivic Eacutemile Roux

16h - 17h30 Cliniques particuliegraveres

pratiques innovantes

Modeacuterateur Martine Shindo Saint

Louis

gt Laccompagnement psychologique par

teacuteleacutephone dans les maladies de

Creutzfeldt-Jakob

Marie-Lise Babonneau Pitieacute Salpecirctriegravere

gt Parents face agrave linterruption meacutedicale

de grossesse des mots en images

Natascia Serbandini Jean Verdier

gt Psychologue clinicien aupregraves du

personnel missions enjeux limites

Isabelle Fretigny Saint Louis

Le programme de la journeacutee

Demandez le programme

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 7

Ouverture de la journeacutee

gt Allocution douverture

Alain Burdet DRH AP-HP

gt Psyclihos 20 ans deacutejagrave

Elodie Sacircles preacutesidente de Psyclihos

Page 7

Ouverture

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 8

Ouverture de la journeacutee

Psyclihos 20 ans deacutejagrave

Elodie Sacircles preacutesidente de Psyclihos

J e vais commencer par quelques remer-

ciements rapides

En premier lieu vous Monsieur Burdet

vous nous avez fait lhonneur douvrir cette

journeacutee Plus quun honneur votre soutien

nous a eacuteteacute si preacutecieux

Quand nous avions eacutevoqueacute avec vous lideacutee

dune journeacutee anniversaire mais alors de faccedilon

encore lointaine dans nos esprits votre encou-

ragement sans faille degraves lannonce de cette

eacuteventualiteacute nous a donneacute leacutenergie daffronter

lorganisation de cet eacuteveacutenement

Cest pourquoi au nom des membres du con-

seil dadministration des comiteacutes scientifiques

et dorganisation je tiens agrave vous remercier cha-

leureusement de votre soutien et du solide inteacute-

recirct que vous teacutemoignez agrave notre profession

Cet engagement de la Direction des res-

sources Humaines de lAPHP agrave nos cocircteacutes

comme il y a 20 ans nous permet de nous re-

trouver dans ce bel amphi pour partager cette

journeacutee Et nous remercions aussi lInstitut de

Formation des Cadres de Santeacute APHP pour

lefficaciteacute de son aide logistique et de la ges-

tion des inscriptions jusqursquoagrave ce jour et mecircme au

-delagrave

Mes remerciements vont aussi agrave vous tous qui

ecirctes ici aujourdrsquohui Nombre dentre vous nous

connaissent deacutejagrave en tant qursquoadheacuterents actuels

ou passeacutes souvent dune grande fideacuteliteacute au

cours des anneacutees Dautres nous suivent avec

inteacuterecirct sans nous avoir (encore ) rejoints et de

nombreux jeunes collegravegues nous deacutecouvrent

ou ont deacutejagrave deacutecouvert notre site internet

Notre site internet sur lequel vous pouvez

suivre lactualiteacute de notre association nous re-

joindre ou vous inscrire agrave notre infolettre Les-

pace adheacuterent propose de nombreux services

comme les postes agrave pourvoir agrave lAP-HP ou agrave la

FPH qui inteacuteressent tous collegravegues quils soient

titulaires contractuels ou en recherche dem-

ploi Bien eacutevidemment ces services sont reacuteser-

veacutes agrave nos adheacuterents tout comme nos bregraveves

par mail qui vous informent de lactualiteacute et nos

journaux

Degraves sa creacuteation Psyclihos sest donneacute pour

rocircle de teacutemoigner de lrsquoapport de la Psychologie

Clinique agrave lrsquohocircpital et den rsquoaffirmer la preacutesence

Informer communiquer et ecirctre un relais entre

les psychologues eacutechanger non seulement

entre pairs mais ecirctre aussi un interlocuteur

pour linstitution quant agrave notre profession

Lrsquohistoire de lrsquoassociation est intimement lieacutee agrave

celle de notre profession puisque Psyclihos voit

sa naissance en janvier 1991 quelques jours

avant cla parution du deacutecret qui fonde le statut

de psychologue hospitalier

1991 -2011 vingt ans de psychologie agrave lhocircpi-

tal nous y voilagrave

Les 20 ans de Psyclihos ont eacuteteacute loccasion

unique de nous replonger dans les archives de

notre association Nous partageons la richesse

de ce singulier voyage dans le temps dans le

Numeacutero speacutecial 20 ans du journal de Psyclihos

que vous trouverez dans vos pochettes

Il retrace lhistoire de Psyclihos agrave travers celle

de la psychologie agrave lhocircpital en sarrecirctant sur

les grandes dates qui ont jalonneacute le meacutetier de

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 9

Ouverture de la journeacutee

psychologue

1991 le deacutecret portant statut particulier de psy-

chologue hospitalier 1996 le code de deacuteonto-

logie 2003 la deacutecentralisation de gestion au

sein de lAP-HP et les conseacutequences que nous

vivons depuis pour nen citer que quelques

uneshellip

Cette plongeacutee historique loin decirctre nostal-

gique nous permet de rappeler au fil des ar-

ticles parus durant ces deux deacutecennies dans

nos journaux combien lactualiteacute de notre pro-

fession sappuie sur son passeacute Connaicirctre cette

histoire notamment pour nos plus jeunes col-

legravegues nous semble neacutecessaire pour com-

prendre les enjeux qui traversent actuellement

notre profession Il est dailleurs eacutetonnant de

lire combien des articles pourtant anciens gar-

dent toute leur fraicirccheur traitant deacutejagrave de pro-

bleacutematiques qui apparaissent reacutecurrentes ou

abordant des questionnements qui aujourdhui

pourraient sembler novateurshellip

Cest donc autour de quelques grands thegravemes

toujours actuels comme la deacuteontologie des

psychologues la saga des concours sur titres

la Fiche meacutetier la fonction FIR la Psychiatrie

de liaison ou les psychotheacuterapies et la loi que

nous vous invitons agrave plonger dans notre journal

speacutecial

Nous retrouvons aujourdrsquohui certains de ces

sujets dans le programme de cette journeacutee

Il illustre les champs drsquointerventions qui ani-

ment lrsquoassociation depuis sa creacuteation la fonc-

tion de psychologue les changements induits

par la leacutegislation la diversiteacute des pratiques et

les cliniques particuliegravereshellip

Nous souhaitons pouvoir teacutemoigner de la ri-

chesse et de la diversiteacute des pratiques des psy-

chologues cliniciens agrave lhocircpital Bien sucircr en 20

ans la place des psychologues hospitaliers a

eacutevolueacute leur nombre aussi La varieacuteteacute des inter-

ventions teacutemoigne de la richesse des champs

dexercice possibles parfois insoupccedilonneacutes au

sein de notre institution quest lAP-HP

Derriegravere un titre un peu provocateur nous sou-

haitons vous mobiliser dans lancrage toujours

neacutecessaire de notre profession au sein de

lAPHP Le cadre de notre exercice est toujours

fragile voire mis agrave mal En ces temps heurteacutes

et parfois incertains nous espeacuterons pouvoir

partager notre eacutenergie pour proteacuteger notre

exercice si particulier Ecirctre psychologue agrave lhocirc-

pital cest bien sucircr ecirctre agrave la rencontre des pa-

tients et de leurs proches dans leurs singulari-

teacutes mais aussi des eacutequipes soignantes sans

oublier la participation agrave la vie institutionnelle

comme ce sera abordeacute dans les diffeacuterentes in-

terventions que vous allez entendre aujour-

dhui

Sans plus attendre nous ceacutedons la place agrave la

premiegravere session de la matineacutee dans le vif du

sujet ecirctre psychologue ou faire de la psycho-

logie statut fonctions quelles compeacute-

tences modeacutereacutee par Benoicirct Verdon long-

temps psychologue hospitalier maintenant au

sein de lUniversiteacute

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 10

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

Modeacuterateur Benoicirct Verdon Universiteacute Paris Descartes

gt Ecirctre ou ne pas ecirctre neuropsychologue

Annie Kurtz Hocircpital Lariboisiegravere Page 11

gt Psychologue clinicien en psychotrauma-

tologie du savoir-faire au savoir-ecirctre

Clara Duchet Hocircpital Tenon Page 15

gt Aider agrave penser limpensable en oncologie

Anna Elli Pardo Hocircpital Saint-Louis Page 19

Ecirctre psychologue ou faire de la

psychologie

Statut fonctions quelles compeacutetences

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 11

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

Ecirctre ou ne pas ecirctre neuropsychologue

Neuropsychologue une espegravece nouvelle Plus reacutesistante

Mieux adapteacutee agrave la vie hospitaliegravere ou aux institutions

Plus respecteacutee des meacutedecins prescripteurs

Annie Kurtz

Service de Neurologie Hocircpital Lariboisiegravere

La reacutealiteacute objective drsquoune atteinte ceacutereacutebrale agrave

lrsquoorigine des troubles preacutesenteacutes par le patient

ne doit jamais occulter le fait drsquoune histoire

drsquoun eacutequilibre psychique et drsquoune individualiteacute

malmeneacutee

Charte des CPCN - Collegraveges des Psycho-

logues Cliniciens speacutecialiseacutes en Neuropsycho-

logie

J rsquoai bien imprudemment accepteacute il y a

quelques mois de prendre la parole pour

ceacuteleacutebrer les 20 ans de lrsquoassociation Psy-

clihos De plus jrsquoai accepteacute de vous faire parta-

ger mes reacuteflexions sur la place du psychologue

dans le champ de la santeacute et cerise sur le gacirc-

teau pour la deacutefense et lrsquoillustration de la neu-

ropsychologie clinique

Mon propos nrsquoest pas de poleacutemiquer mais de

reacutefleacutechir ensemble aux charmes et aux dangers

que repreacutesente le terme de

neuropsychologue si priseacute par certains ac-

tuellement

La preacutesence de psychologues au sein des ser-

vices hospitaliers est ancienne ils ou elles as-

surent agrave la fois le travail de bilan et celui de

soutien aupregraves des patients Mais le genre

neuropsychologue nrsquoexiste que depuis peu

Le terme neuropsychologue seacuteduit beaucoup

les jeunes collegravegues et mecircme certains para-

meacutedicaux comme les orthophonistes les ergo-

theacuterapeutes et mecircme quelques kineacutesitheacutera-

peutes Nombreux sont ceux dans le champ de

la neuropsychologie qui revendique le label

de neuropsychologues Depuis quelques an-

neacutees les lettres de motivation qui accompa-

gnent les demandes de stages srsquoadressent agrave la

neuropsychologue que je suis censeacutee ecirctre et

les candidates et candidats deacuteclarent leur

passion pour le meacutetier de

neuropsychologue Et je mrsquointerroge sur cette

ferveur

Quelle deacutefinition de la neuropsychologie pou-

vons-nous faire nocirctre Il y a 10 ans en mars

2001 le Collegravege des Psychologues Cliniciens

speacutecialiseacutes en Neuropsychologie (CPCN) pour

les Eacutetats Geacuteneacuteraux de la Psychologie deacutefinis-

sait ainsi la neuropsychologie

La neuropsychologie est la discipline qui traite

des relations entre les processus mentaux

sous-tendant le raisonnement lrsquoattention la

meacutemoire la perception les gnosies les

praxies le langage le comportement eacutemotion-

nel et lrsquoactiviteacute du cerveau Lors des leacutesions ceacute-

reacutebrales les conseacutequences concerneront agrave la

fois lrsquoefficience de la cognition et lrsquoadaptabiliteacute

des conduites de lrsquoindividu Cette neacutecessaire

appreacuteciation analytique et syntheacutetique du psy-

chisme humain caracteacuterise lrsquoapproche neurop-

sychologique

La neuropsychologie est un champ multidisci-

plinaire ougrave se retrouvent diffeacuterents meacutetiers et

les zones de recouvrement peuvent ecirctre larges

pour certains Je milite aujourdrsquohui pour deacute-

fendre le fait qursquoun bilan reacutealiseacute par un psycho-

logue mecircme si les tests utiliseacutes par drsquoautres

intervenants sont identiques reste un bilan dif-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 12

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

feacuterent Ce travail drsquoanalyse et synthegravese rappe-

leacute dans la deacutefinition citeacutee fonde la totaliteacute de

nos pratiques en neuropsychologie

Lrsquoacte le plus freacutequent est le bilan bilan pour

plaintes mneacutesiques diagnostic diffeacuterentiel entre

deacutepression et maladie neurodeacutegeacuteneacuterative seacute-

quelles drsquoaccident vasculaire seacutequelles de

traumatisme cracircnien et nous intervenons eacutega-

lement dans le suivi et la reacutehabilitation dans les

services de soins de suite Mecircme dans le cadre

drsquoune eacutevaluation en vue drsquoune reacuteeacuteducation

nous savons devoir tenir compte des mouve-

ments psychiques agrave lrsquoœuvre dans tout individu

et qui vont peser sur ce travail

Notre code de deacuteontologie speacutecifie que le res-

pect de la vie psychique fonde notre action ce

respect de la vie psychique tout au long de nos

anneacutees drsquoeacutetudes nous avons eacuteteacute formeacutes agrave y

porter une attention toute particuliegravere Nos ac-

quis nos savoirs modifient notre approche

Quel peut ecirctre le sens pour un ou une psycho-

logue agrave vouloir changer de nom

Nrsquoest-ce pas alors en gardant notre position de

psychologue et donc aussi clinicien que nos

actions prennent sens dans la prise en soin

des patients

Ce que je redoute le plus est que cette appella-

tion neuropsychologue ne confine les psycho-

logues dans un exercice limiteacute agrave la passation

des tests et au traitement des chiffres qui en

reacutesultent Comme si le neuropsychologue ne

devait mettre en œuvre aucun savoir clinique Il

est vrai que la formation donneacutee par lrsquouniversiteacute

conditionne en partie nos pratiques et cer-

taines universiteacutes ne semblent plus accorder

de place agrave la structure de la personnaliteacute ni aux

aspects thymiques dans leur master de neu-

ropsychologie Replacer le patient dans son

histoire reste primordial quels que soient les

avatars neurologiques

Qursquoavons-nous agrave gagner en devenant

neuropsychologue

Les offres drsquoemploi sont nombreuses et les

jeunes diplocircmeacutes ne restent pas longtemps

sans emploi Les meacutedecins psychiatres neu-

rologues ou geacuteriatres avec qui nous collabo-

rons veulent travailler avec des

neuropsychologues Le risque me paraicirct

grand qursquoils recherchent essentiellement des

testeurs pour leurs publications ou leurs con-

sultations Dans les recherches il srsquoagit pour

des collegravegues formeacutes agrave la psychologie pendant

au moins 4 ans puis speacutecialiseacutes en deuxiegraveme

anneacutee de Master cest-agrave-dire apregraves 5 anneacutees

drsquoeacutetudes drsquoappliquer des protocoles de test

dont ils nrsquoont mecircme pas eu la possibiliteacute de dis-

cuter le contenu et le choix des outils (Les

textes nous reconnaissent pourtant la liberteacute du

choix de nos outils)

La pratique de la neuropsychologie peut ecirctre

passionnante agrave condition de ne pas ecirctre ins-

trumentaliseacutee par les meacutedecins En preacuteparant

mon intervention il mrsquoest apparu que je pour-

rais citer comme eacutetude de cas nombre de si-

tuations de souffrance de nos collegravegues dans

les institutions Je pourrais vous preacutesenter des

vignettes cliniques ougrave les psychologues se

mettent en danger en srsquoenfermant dans cette

appellation qui convient si bien agrave nos collegravegues

drsquoautres disciplines et agrave nos employeurs Dans

les consultations meacutemoire la place faite aux

neuropsychologues peut ecirctre tregraves diffeacuterente

suivant les attentes et les projets de leurs par-

tenaires meacutedicaux ou institutionnels et parfois

ces exigences entraicircnent une veacuteritable souf-

france pour nos collegravegues Peut-on exercer son

savoir-faire et son savoir ecirctre de psychologue

quand on attend de nous de recevoir 4 ou 6

patients par jour Ces bilans TGV laissent peu

de place agrave lrsquointersubjectiviteacute du psychologue et

du patient alors que dans drsquoautres lieux lrsquoeacuteva-

luation peut respecter la singulariteacute du patient

de sa famille et la deacuteontologie du psychologue

Il y a des temps dans la pratique drsquoun bilan

neuropsychologique qui restent des temps cli-

niques Avant drsquoentreprendre un bilan le psy-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 13

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

chologue speacutecialiseacute en neuropsychologie

comme tous les psychologues doit pouvoir in-

terroger la demande de qui vient cette de-

mande le patient le meacutedecin ou la famille et

qursquoen attendent ces diffeacuterents partenaires

Comment cet examen srsquoinscrit-il dans le projet

theacuterapeutique

Lrsquoentretien preacuteliminaire ne consiste pas agrave re-

prendre lrsquoanamnegravese au sens meacutedical histoire

de la maladie mais au sens psychologique

entendre lrsquohistoire drsquoun sujet Comme lrsquoa eacutecrit

Emmanuelle Truong-Minh actuelle preacutesidente

du CPCN agrave propos de ce temps drsquoun bilan

Inscrite dans la relation porteacutee par le langage

crsquoest cette preacutesence agrave lrsquoautre qui fonde notre

action Dans le temps de la consultation que je

reacutealise un entretien que je propose des tests

que JE parle ou que JE eacutecoute je suis lagrave au

moins lagrave de maniegravere absolue et entiegravere Pour

la personne agrave mon sens il nrsquoest rien de plus

preacutecieux que lrsquoeacutetablissement de cette relation

clinique Car ces instants ougrave lrsquoobjectivation de

difficulteacutes qursquoelles soient psychopathologiques

ou neuropsychologiques risque drsquoadvenir sont

fondamentaux dans le parcours de vie le par-

cours de santeacute et le parcours de la maladie de

la personne Pouvoir prendre appui sur cette

relation permet la mise en perspective des diffi-

culteacutes permet de supporter le traumatisme

psychique eacuteventuel permet de srsquoeacutecrouler peut-

ecirctre sans ecirctre seul

Je me souviens drsquoun patient qui mrsquoa eacuteteacute adres-

seacute pour plaintes mneacutesiques et eacuteventuelles seacute-

quelles drsquoun AIT Ce monsieur de 60 ans eacutetait

marieacute pegravere de 3 enfants cadre dirigeant dans

une entreprise A la suite de son accident

ischeacutemique transitoire il avait le sentiment de

ne plus pouvoir faire face agrave ses obligations pro-

fessionnelles Sa vie professionnelle eacutetait para-

siteacutee par le danger de voir ses difficulteacutes cons-

tateacutees par les autres surtout par son respon-

sable hieacuterarchique Degraves le deacutebut de lrsquoentretien

il semblait eacuteprouver une certaine inhibition an-

xieuse son expression spontaneacutee restait fac-

tuelle et retenue Apregraves quelques eacutepreuves

drsquoattention et de meacutemoire sans reacutesultat patho-

logique je mrsquoautorisai agrave abandonner les

eacutepreuves pour poursuivre lrsquoentretien au cours

duquel jrsquoappris que la veille il avait accompa-

gneacute sa megravere contre son greacute dans une institu-

tion pour patients souffrant de maladie

drsquoAlzheimer Alors qursquoil a des fregraveres et sœurs il

avait eacuteteacute seul agrave faire cette deacutemarche contraint

et forceacute par la santeacute chancelante de son

eacutepouse atteinte drsquoun cancer du seinhellip quand

jrsquoeacutevoque avec lui la possibiliteacute drsquoaller en parler

avec un psy il me dit y avoir deacutejagrave penseacute mais

renonceacute parce qursquoil avait peur de srsquoeffondrer

Nous avons la responsabiliteacute de notre bilan

mais nous ne pouvons deacutelivrer un diagnostic

(crsquoest de la compeacutetence du meacutedecin) pourtant

lrsquoentretien dit de restitution est un temps

drsquoeacutechange privileacutegieacute qui rend au patient sa

place de sujet mais ce temps-lagrave prend du

temps et on ne nous le donne pas toujours

Le temps de lrsquoexamen psychologique nrsquoest pas

celui des examens compleacutementaires prescrits

par les meacutedecins On sait bien qursquoil est toujours

utile de faire preacuteciser la demande de refuser

de tester Monsieur X ou Y on teste une hy-

pothegravese pas un individu de dire non parfois

parce qursquoon sait qursquoon ne reacutepondra pas agrave la

question ou parce que les conditions de lrsquoexa-

men ne respectent pas le patient ou notre auto-

nomie professionnelle Le questionnement sur

lrsquoobjet de la demande est dans le champ de

compeacutetence des psychologues nous avons eacuteteacute

formeacutes agrave ce travail La demande des meacutedecins

de lrsquoeacutequipe du patient ou de sa famille doit ecirctre

analyseacutee

Peut-on imaginer que se faire connaicirctre

comme neuropsychologue lorsqursquoon est psy-

chologue serait un moyen drsquoeacutechapper agrave la diffi-

culteacute de maintenir notre position singuliegravere

dans le monde de la santeacute

Certes la pratique de la neuropsychologie re-

quiert des connaissances sur le fonctionne-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 14

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

ment du cerveau sur les troubles cognitifs as-

socieacutes aux leacutesions ceacutereacutebrales sur la significa-

tion des localisations anatomo-cliniques et ce

travail permanent de reacuteflexion et drsquoeacutechange

avec les autres intervenants dans la prise en

charge drsquoun patient est enrichissante et parfois

passionnante comme peuvent lrsquoexprimer les

lettres de motivation des demandes de stages

Mais pratiqueacutee par des psychologues elle pour

reste un lieu privileacutegieacute ougrave la parole du patient

peut ecirctre entendue pas seulement sur ses

troubles ou ses capaciteacutes preacuteserveacutees mais sur

ce qursquoil comprend de ce qui lui arrive sur son

ressenti et le psychologue est preacutesent pour

lrsquoaccompagner dans ce nouveau travail psy-

chique Ecirctre speacutecialiseacute en neuropsychologie

est une position exigeante comme pour

chaque psychologue crsquoest lrsquoabsolue neacutecessiteacute

drsquoactualiser nos connaissances sur les patholo-

gies les nouveaux outils mais crsquoest aussi

prendre le risque de partager nos doutes sur

notre approche drsquoun patient dont on prend en

compte lrsquohistoire le contexte affectif social

professionnel Crsquoest une tacircche difficile que

drsquoessayer drsquoaborder un patient dans sa globali-

teacute et pas seulement sur ses troubles cognitifs

Personnellement je ne suis jamais sucircre drsquoavoir

bien analyseacute lrsquoensemble des eacuteleacutements que le

patient me permet drsquoappreacutehender jrsquoai la

chance de ne pas ecirctre seule dans mon service

et de pouvoir partager mes doutes avec mes

collegravegues

Enfin le terme neuropsychologue peut repreacute-

senter une menace pour le corps des psycho-

logues

Nous expeacuterimentons chaque jour la difficulteacute agrave

deacutefendre notre place de psychologue On nous

reproche notre image floue drsquoecirctre des

eacutelectrons libres dans les services drsquoecirctre des

produits de luxe sans nomenclature de nos

activiteacutes (si ce nrsquoest dans la CCAM qui ne con-

cerne que les meacutedecins) Le texte qui eacuteclaire

notre champ drsquoactiviteacute le seul qui ait une valeur

leacutegale est celui de 1985 qui deacutefinit notre statut

et nous savons bien combien lrsquoincitation au res-

pect de ce texte est une tacircche reacutecurrente pour

nous Jrsquoai commenceacute agrave travailler agrave lrsquoAP-HP en

1971 la publication de ce texte puis des circu-

laires de 1991 ont repreacutesenteacute un moment drsquoes-

poir mais jrsquoai appris tout au long de mes an-

neacutees drsquoexpeacuterience que ce travail drsquoexplicitation

de ce qursquoest un psychologue nrsquoa pas de fin

Parfois la confusion qui regravegne dans lrsquoesprit de

nos employeurs les arrangent bien pour

exemple des postes de neuropsychologues

animateurs offerts dans les EPHAD Parfois

cette confusion est sincegravere tel nouveau chef

de service qui travaille depuis de longues an-

neacutees avec des psychologues et qui reccediloit de la

DRH un rappel sur le temps FIR et qui srsquoeacutetonne

de son contenuhellip

Notre code de deacuteontologie est une reacutefeacuterence

indispensable pour nous mais nrsquoest toujours

pas un texte opposable agrave un employeur

Ces textes ont eacuteteacute eacutecrits pour les psycho-

logues ce sont des repegraveres pour les psycho-

logues Il a existeacute un mouvement qui souhaitait

diffeacuterencier les psychologues et les neuropsy-

chologues avec la volonteacute drsquoobtenir un statut agrave

part Quand on connaicirct la difficulteacute drsquoune recon-

naissance leacutegale la fragiliteacute du corps des psy-

chologues toujours precirct agrave se morceler en cen-

taines drsquoassociationshellip on peut se demander si

le meacutetier de psychologue nrsquoest pas effective-

ment en danger et se revendiquer neuropsy-

chologue peacutedopsychologue comme le laisse

entendre lrsquoactuelle fiche meacutetier nous expose

encore plus hellip (heureusement cette fiche doit

ecirctre remplaceacutee en 2012)

Notre seule protection repose sur les textes de

loi qui deacutefinissent le titre de psychologue il nrsquoy

a pas de titre de neuropsychologue ni de titre

de psychologue clinicien et ce nrsquoest pas lrsquoaven-

ture du titre de psychotheacuterapeute ni les travaux

en cours agrave la DGOS qui doivent nous rassu-

rerhellip

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 15

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

Psychologue clinicien en psychotraumatologie

du savoir-faire au savoir-ecirctre

Clara Duchet Hocircpital Tenon Universiteacute Paris Descartes

E n 1997 un deacutecret du ministegravere de la

Santeacute creacutee le reacuteseau des CUMP

(Cellules dUrgence Meacutedico-

Psychologique) propulsant des psychologues

cliniciens sur le terrain de lurgence aux cocircteacutes

de meacutedecins psychiatres et de parameacutedicaux

De nouvelles missions soffrent agrave ces profes-

sionnels peu formeacutes au deacutepart pour intervenir

dans ces contextes de catastrophes collectives

(accidents agrave retentissement majeur catas-

trophes naturelles guerres terrorisme etc)

Peu agrave peu des reacuteflexions et groupes de travail

speacutecifiques se creacuteent (au sein notamment de

lAFORCUMP - Association de recherche et de

formation des CUMP) afin de mieux deacutefinir les

fonctions et les compeacutetences de chacun dans

ce domaine bientocirct nommeacute

psychotraumatologie Cette nouvelle cli-

nique (dans sa forme institutionnelle et dans

sa dimension traumatique en situations

extrecircmes) a souleveacute de nombreux deacutebats

passionneacutes agrave propos de la leacutegitimeacute ou non de

lintervention de terrain (sur les sites et aux

abords des catastrophes) Cependant il sagira

plutocirct de discuter ici de la speacutecialisation eacuteven-

tuellement neacutecessaire des psychologues dans

ce domaine - du cocircteacute du savoir-faire - comme

des retrouvailles avec une position de clinicien

classique - du cocircteacute du savoir-ecirctre et de la

subjectivation

Agrave lrsquoheure ougrave se multipliaient donc diffeacuterentes

formes de violence et notamment au moment

de lrsquoeacutepoque terroriste parisienne (attentats

meacutediatiseacutes St Michel Port-Royal 1995-1996)

les psychologues ont vu leur champ drsquoaction et

leurs fonctions srsquoeacutelargir des nouvelles mis-

sions et nouvelles structures se deacuteveloppaient

pour venir au secours des victimes agrave la de-

mande de nos gouvernants et de psychiatres

militaires expeacuterimenteacutes dans ce domainehellip Jrsquoai

eu la chance de participer agrave ce processus degraves

le deacutebut et tregraves rapidement je me suis poseacutee

des questions sur ces interventions qui mrsquoap-

paraissaient pour ainsi dire hors cadre

Hors cadre parce que dans lrsquourgence

Hors cadre parce que nombre drsquointerventions

avaient lieu sur le terrain peu apregraves la catas-

trophe loin du confort du cabinet ou de lrsquohocircpi-

tal

Je me souviens agrave lrsquoeacutepoque mrsquoecirctre rueacutee sur le

code de deacuteontologie en vigueur depuis le 22

mars 1996 et me rassurer en lisant

La mission fondamentale du psychologue est

de faire reconnaicirctre et respecter la personne

dans sa dimension psychique Son activiteacute

porte sur la composante psychique des indivi-

dus consideacutereacutes isoleacutement ou collectivement

Oufhellip nous nrsquoeacutetions donc pas compleacutetement

hors-cadrehellip cependant je nrsquoavais pas vrai-

ment appris agrave travailler sur les bancs de la fac

Sans la demande du patient (mecircme pour lrsquoen-

fant le parent eacutetait demandeur sinon lrsquoinstitu-

tion scolairehellip)

Sans un cadre institutionnel classique

Et certainement pas en prise directe avec la

reacutealiteacute drsquoun eacuteveacutenementhellip

Quelques options universitaires tout de mecircme

assureacutees par des enseignants ayant participeacute agrave

des missions humanitaires mrsquoavaient deacutejagrave per-

mis drsquointerroger des dispositifs de soins hors

norme

Dans nos deacutebuts jrsquoai donc co-animeacute un groupe

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 16

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

de travail destineacute speacutecifiquement aux

psychologues pour reacutefleacutechir agrave notre pratique

Voici comment nous nous repreacutesentions alors

les choses

Nouvelles missionshellip = hellip nouvelles compeacute-

tences Ce que jrsquoai nommeacute dans mon introduc-

tion savoir-faire

1 NOUVELLES COMPEacuteTENCES REQUISES

ndash DU COcircTEacute DU SAVOIR-FAIRE

Lors des soins immeacutediats ou

defusing (cagraved sur le terrain dans les

heures qui suivent lrsquoattentat la catastrophe

naturelle la prise drsquootages lrsquoaccident col-

lectif etc)

Le psychologue doit reconstruire un cadre en

fonction de la situation qui se preacutesente agrave lui

crsquoest-agrave-dire en labsence de cadre deacutefini

(configuration du lieu dureacutee de la mission

nombre de sujets agrave prendre en charge etc

sont inconnus agrave lrsquoavance) Ceci neacutecessite de sa

part une capaciteacute dadaptation une souplesse

psychique dans son intervention ainsi qursquoun

cadre theacuteorique interne solide pour ne pas ceacute-

der nous mecircme agrave la panique ou au deacuteborde-

ment eacutemotionnel Le cadre theacuteorique solide

renvoyait surtout pour nous aux eacutecrits sur le

traumatisme et agrave ce qursquoon appelait alors la

victimologie

Pour illustrer ce propos je peux vous parler

drsquoune mission effectueacutee agrave Pointe Noire au Con-

go lorsque nous eacutetions chargeacutes avec un psy-

chiatre militaire de lrsquoeacutevaluation psychopatholo-

gique des ressortissants franccedilais en pleine

guerre civile (octobre 1997) Nous avons effec-

tivement ducirc nous adapter agrave lrsquoabsence de cadre

rassurant dans le sens ougrave nos deacuteplacements

eacutetaient extrecircmement limiteacutes en raison du con-

texte drsquoinseacutecuriteacute permanente marqueacute par des

tirs quotidiens drsquoarmes automatiques Il srsquoagis-

sait eacutegalement drsquoinventer des lieux de consulta-

tions et des modes drsquoapproches originaux pour

cette population bien souvent cloicirctreacutee dans les

appartements deacutevasteacutes par les milices armeacutees

Mais je souhaite citer drsquoautres situations moins

exceptionnelles afin de vous montrer agrave quel

point le psychologue dans ce travail drsquourgence

peut ecirctre ameneacute agrave reacutealiser des entretiens dans

des lieux inhabituels voire insolites comme agrave

bord drsquoun avion lorsque nous avons proceacutedeacute au

rapatriement des victimes du crash drsquoavion du

Seacuteneacutegal (en feacutevrier 1997) ou dans un car lors-

que nous avons accompagneacute les familles des

enfants victimes de lrsquoavalanche des Orres ou

encore dans un aeacuteroport lors de lrsquoaccueil de

populations reacutefugieacutees (du Congo ou du Kosso-

vo) ou dans une citeacute universitaire pour la prise

en charge des victimes drsquoattentats etc

Ici le psychologue doit ecirctre precirct agrave aller vers les

victimes sans attendre une demande de leur

part (drsquoautant plus que les personnes sont sou-

vent en eacutetat de choc de confusion de sideacutera-

tion etc) Alors rappelons-le que notre forma-

tion nous apprend plutocirct agrave travailler avec la de-

mande du patient comme principe inheacuterent agrave

la rencontre theacuterapeutique

Ensuite le psychologue est ameneacute agrave srsquointerro-

ger sur la position de neutraliteacute bienveillante

Alors que neutraliteacute signifie ne pas eacutemettre de

jugements de critiques de deacutesapprobation

nous voyons comment dans lrsquourgence le clini-

cien peut (je dirais mecircme doit) juger de lrsquoadap-

tation drsquoun comportement par exemple quitte agrave

deacutecider drsquoune hospitalisation ou drsquoun rapatrie-

ment En effet le psychologue doit savoir repeacute-

rer et informer les victimes des symptocircmes

psychopathologiques eacuteventuels favoriser la

demande de prise en charge theacuterapeutique ul-

teacuterieure si besoin est repeacuterer et orienter les

personnes les plus fragiles en faisant bien la

distinction entre eacutetat de stress aigu et entreacutee

potentielle dans une pathologie traumatique

Mecircme si ces fonctions de diagnostic drsquoeacutevalua-

tion drsquoorientation existent dans le cadre de

notre profession celles qui visent agrave informer agrave

lrsquoavance et agrave preacutevenir relegravevent habituellement

plutocirct de la speacutecificiteacute meacutedicale

Par ailleurs sur le terrain la position et latti-

tude du psychologue sont encore une fois un

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 17

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

peu particuliegraveres pour lui puisqursquoil doit assurer

une preacutesence rassurante contenante (voire

maternante au sens de Winnicott) apporter de

la chaleur et de lhumaniteacute Lrsquointervention drsquour-

gence se situe du cocircteacute du holding Ferenczi

en charge des soldats en prise avec des neacute-

vroses de guerre soulignait deacutejagrave ce pheacuteno-

megravene de reacutegression des patients les faisant re-

venir agrave un stade archaiumlque (en proie agrave des an-

goisses violentes et massives de destruction

morcellementhellip) et agrave des comportements in-

fantiles (ne plus savoir marcher perdre son

autonomie pour les besoins de la vie quoti-

dienne etc) Ici le traumatisme est externe et

agit par effraction physique et psychique deacute-

sorganisant les modaliteacutes deacutefensives habi-

tuelles On dit aussi que le traumatisme est en-

treacute par tous les pores de la peau et envahit

tous les sens (visuels olfactifs auditifs etc) Il

srsquoagit alors pour le psychologue drsquoexercer une

veacuteritable fonction de pare-excitation

drsquoenveloppe protectrice (Au sens de D Winni-

cott et de D Anzieu) fonction qui peut srsquoac-

compagner de gestes apaisants

Travailler dans ce type de dispositif ne srsquoimpro-

vise pashellip Ainsi le psychologue doit avoir reccedilu

une formation speacutecifique A lrsquoappui un nouvel

Extrait du code de deacuteontologie des psycho-

logues chapitre compeacutetences

Le psychologue tient ses compeacutetences de

connaissances theacuteoriques reacuteguliegraverement mises

agrave jour drsquoune formation continue et drsquoune forma-

tion agrave discerner son implication professionnelle

dans la compreacutehension drsquoautrui

Pour notre domaine drsquointervention la for-

mation porte avant tout sur

1 La clinique traumatique la symptomatologie

de la neacutevrose traumatique de lrsquoESPT mais

aussi de tous les eacutetats de deacutesorganisa-

tion aigus des comportements de panique col-

lective etc elle porte eacutegalement sur le fonc-

tionnement psychique entraveacute par le trauma

donnant lieu agrave des reacuteameacutenagements transi-

toires parfois tregraves eacuteloigneacutes drsquoune clinique clas-

sique

2 La dynamique de groupe un groupe pris

dans une catastrophe repreacutesente une enve-

loppe psychique groupale qui elle-mecircme peut

se trouver effracteacutee par la violence de lrsquoeacuteveacutene-

ment le collectif est alors briseacute et ne pourra

plus fonctionner comme avanthellip Que la prise

en charge soit groupale ou bien mecircme indivi-

duelle il est fondamental drsquoecirctre au clair avec

ces concepts de la clinique groupale

Nous venons de pointer les principales con-

naissances et compeacutetences neacutecessaires au

psychologue qui intervient dans lrsquourgence ou

dans des dispositifs de soins exceptionnels mis

en place suite agrave des eacuteveacutenements qui sortent de

lrsquoordinairehellip pour autant ce savoir-faire nrsquoa de

sens que srsquoil srsquoarticule avec un savoir-ecirctre

propre agrave la fonction habituelle du psychologue

2 LORSQUE LE SAVOIR-FAIRE REJOINT

LE SAVOIR-EcircTRE

Je poursuis ma lecture du code de deacuteontologie

(chapitre compeacutetences) le psychologue est

garant de ses qualifications particuliegraveres et deacute-

finit ses limites propres compte tenu de sa for-

mation et de son expeacuterience Il refuse toute in-

tervention lorsqursquoil sait ne pas avoir les compeacute-

tences requises Ainsi il doit savoir sil peut

assurer un soin immeacutediat dans lrsquourgence ou srsquoil

doit refuser ce type de mission en fonction de

ses limites personnelles et professionnelles de

sa vulneacuterabiliteacute (changeante au fil du temps et

de son histoire personnelle) de ses projections

eacuteventuelles

Il est inviteacute eacutegalement agrave repeacuterer et agrave connaicirctre

ses propres reacuteactions psychiques agrave leacutecoute de

ce type de patients de ce qui tient parfois de

lintoleacuterable savoir ou apprendre agrave repeacuterer

ses limites personnelles ses propres fan-

tasmes de sauveur ou ses mouvements

drsquoidentification agrave la victime crsquoest agrave dire ses

propres eacutelans contre-transfeacuterentiels Ces con-

naissances restent largement favoriseacutees par un

travail personnel au cours duquel le psycho-

logue a appris agrave ecirctre eacutecouteacute et par la mise en

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 18

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

place de supervision reacuteguliegravere

Dans le cadre de lrsquourgence meacutedico-

psychologique le psychologue est le seul agrave de-

voir se passer drsquoinstrument (pas de mateacuteriel

meacutedical ni de theacuterapeutique meacutedicamenteuse

ou encore de mateacuteriel technique reacuteserveacutes aux

meacutedecins infirmiers secouristes etc) De ce

fait comme lrsquoexprime Colette Chiland il devient

son propre instrument celui qui permet de

comprendre et drsquointervenir agrave mains nues

Lrsquooriginaliteacute de sa formation vient du travail sur

soi que le clinicien a effectueacute pour acqueacuterir

une certaine maicirctrise de lui-mecircme comme ins-

trument Autrement dit ce que le psychologue

met au service de lrsquoautre ce ne sont pas seule-

ment ses connaissances mais aussi son appa-

reil psychique sa psycheacute son fonctionnement

sa capaciteacute de ressentir de comprendre et

drsquoeacutelaborer Le savoir du clinicien devient un sa-

voir vivant incarneacute ougrave il paie de sa personne

Crsquoest principalement cette position qui le dis-

tingue drsquoun autre intervenant

Dans la clinique du traumatisme il est fonda-

mental de prendre conscience de ce qursquoon

eacuteprouve lors de lrsquoeacutecoute drsquoun blesseacute psychique

aux prises avec des pheacutenomegravenes drsquoeffractions

internes afin de ne pas ecirctre gouverneacute par des

reacuteactions non controcircleacutees dans la compreacutehen-

sion du patient et dans la reacuteponse qursquoon lui

donnera Nous voyons comment cette eacutecoute

ne peut se contenter drsquoun savoir plaqueacute elle

doit ecirctre au contraire un travail actif qui permet

des allers ndash retours entre probleacutematique per-

sonnelle et ressenti du patient sans que cette

premiegravere nrsquointerfegravere de maniegravere neacutegative Et

crsquoest bien en restant sensible et en acceptant

de le rester dans les limites que nous venons

de fixer que le sujet se sentira libre drsquoexprimer

eacutemotions penseacutees honteuses sentiments de

culpabiliteacute et drsquohumiliation inheacuterents agrave la dyna-

mique traumatique

Enfin nous le savons bien lrsquoeacutecoute srsquoexerce

dans un double registre ce qui est dit et ce qui

nrsquoest pas dit le contenu manifeste et le conte-

nu latent Ces dimensions concernent tout au-

tant le clinicien qui doit savoir se taire pour lais-

ser lrsquoautre parler et parler pour lui faciliter la pa-

role Dans notre contexte drsquourgence meacutedico-

psychologique le psychologue doit eacutegalement

chercher agrave eacutetablir petit agrave petit et degraves que pos-

sible une distinction entre fantasmes

(individuels) et eacuteveacutenements reacuteels (veacutecus par

tous) pour diffeacuterencier angoisse interne

(subjective) et peur (objective) des objets ex-

ternes

Il est ainsi un passeur agrave ce moment de frac-

ture dans lrsquohistoire du sujet Il fait alors le lien

entre le passeacute la bregraveche traumatique et la

reconstruction agrave venir

EN CONCLUSION

Dans un contexte hors du commun puisque

hors cadre et souvent hors demande il me

paraicirct essentiel de garder nos re-

pegraveres classiques de psychologue clinicien

Soulignons que nous restons pour le patient un

psychologue supposeacute savoir Dans cette cli-

nique deacuteroutante et violente bien entendu le

cadre interne tapisseacute de connaissances speacuteci-

fiques devient opeacuterant et garant de notre pro-

fessionnalisme Nous voyons finalement agrave quel

point la speacutecialisation est en partie incontour-

nable (mais comme pour tout autre type de cli-

nique les soins psychiques aupregraves de sujets

deacutependants en fin de vie de patients psycho-

tiques de nourrissons de familles de sans-

logishellip ne srsquoimprovisent pas drsquoavantage) sans

nous faire perdre de vue le socle de formation

commun qui nous reacuteunit et met en exergue la

speacutecificiteacute du Psychologue qui se caracteacuterise

bien par son orientation vers lrsquoeacutecoute qui prend

sens eacutecoute drsquoune parole drsquoun trajet drsquoune

rupture dans la continuiteacute discours drsquoun sujet

agent de son propre destin

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 19

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

Aider agrave penser limpensable en oncologie

Anna Elli Pardo Oncologie meacutedicale Hocircpital Saint-Louis

J ai commenceacute agrave travailler agrave lhocircpital

comme psychologue en oncologie agrave la fin

des anneacutees 80

Le contexte eacutetait diffeacuterent de maintenant

Deux choses mavaient beaucoup marqueacutee et

interpelleacutee

- le manque de prise en charge de la douleur

- lattitude qui consiste agrave cacher la maladie et

sa graviteacute aux patients

La douleur neacutetait pas une cible de laction theacute-

rapeutique elle avait une valeur diagnostique

supposeacutee sameacuteliorer avec les traitements de

la maladie sans une attention particuliegravere agrave son

traitement (1)

Le meacutedecin eacutetait perccedilu comme deacutetenteur dune

veacuteriteacute qui faisait loi

Voilagrave quelques propos quil neacutetait pas rare

dentendre de la part du meacutedecin au patient

Faites-moi confiance ne pensez agrave rien la chi-

miotheacuterapie cest mon problegraveme vous pensez

agrave gueacuterir on aura toujours une moleacutecule pour

vous soigner on va se battre

Au deacutecegraves du patient on pouvait entendre il

est mort mais en reacutemission

Et le meacutedecin sadressant agrave moi ne parlez

pas de la mort aux patients vous savez on a

deacutejagrave vireacute une psychologue

Plusieurs eacuteveacutenements vont faire eacutevoluer la meacute-

decine et son discours dans la prise en charge

du patient

Agrave la fin du XXegraveme siegravecle lOrganisation Mon-

diale de la Santeacute (circulaire du 19-1-1994) a

deacutefini comme prioriteacute la lutte contre la dou-

leur

La creacuteation des eacutequipes anti-douleur sera un

eacuteveacutenement important ainsi que la recherche de

nouveaux antalgiques Lrsquoeacutevolution de cette

prise en charge va se reacutepandre en canceacuterolo-

gie et dans la meacutedecine en geacuteneacuteral

Les premiers Eacutetats Geacuteneacuteraux de la Ligue

contre le Cancer ont donneacute la parole aux pa-

tients il y a eu une demande de psychologues

dans les services pour une prise en compte de

la deacutetresse psychique

Le Plan Cancer en 2006 va donner des direc-

tives qui reacuteglementent aujourdhui la consulta-

tion dannonce et les soins de supports

La psycho-oncologie neacutee aux Eacutetats-Unis arrive

aussi en Europe et cest en 1994 quest creacuteeacutee

la Socieacuteteacute Franccedilaise de Psycho-Oncologie

(SFPO)

Son but est de deacutevelopper des outils des meacute-

thodes pour deacutepister et ainsi traiter preacutecoce-

ment les risques des difficulteacutes psychologiques

Elle sinscrit dans une approche bio-psycho-

sociale de la maladie canceacutereuse La speacutecifici-

teacute nest pas la prise en compte de la subjectivi-

teacute du patient mais ladaptation de celui-ci aux

diffeacuterentes situations traverseacutees pendant la ma-

ladie Cette discipline qui eacutetudie les attitudes

psychologiques et eacutemotionnelles survenant

pendant la maladie canceacutereuse pourrait laisser

croire quil y a des reacuteactions speacutecifiques agrave cette

maladie Son approche est de plus en plus co-

gnitivo-adaptative avec protocoles reacutefeacuterentiels

deacutemarche qualiteacute

Dans le champ de la psycho-oncologie on

trouve le terme de psycho-oncologue

Ce mot est utiliseacute de faccedilon un peu anarchique

on y trouve le psychologue le psychiatre mais

aussi dautres professionnels intervenant au-

pregraves des malades et de leur famille Ce nest

pas parce que nous avons quelques connais-

sances en oncologie que nous pouvons utiliser

ladjectif oncologue

Ce terme peut ecirctre source de confusion il ne

deacutefinit pas notre speacutecificiteacute et il me paraicirct aussi

seacutegreacutegatif dune pathologie

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 20

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

Cest pour cela que nous voulons garder le

terme de psychologue clinicien

Dans ce mot il y a la dimension clinique cest agrave

dire lobservation du patient agrave son chevet

Mon travail consiste agrave accompagner soutenir

le patient dans ce parcours difficile quil entre-

prend avec la maladie

Le cancer produit un remaniement identitaire

pour le sujet ce qui neacutecessite de lui offrir un

espace de parole

Cest la psychanalyse qui de mon point de vue

offre les meilleurs outils pour travailler la cli-

nique du reacuteel Cest avec notre propre parcours

analytique que nous psychologues pouvons

bien prendre en compte la dimension incons-

ciente propre agrave lhumain

Je ne me situe donc pas dans le champ de la

psycho-oncologie au discours trop normatif

Notre clinique dans un service dhospitalisation

Cest agrave tout stade deacutevolution de la maladie

quun travail theacuterapeutique peut se mettre en

place avec le psychologue

On a beaucoup parleacute du dispositif dannonce

annonce du diagnostic visant agrave assurer agrave la fois

une bonne administration du soin et son

humanisation

Ces consultations cherchent agrave atteacutenuer limpact

traumatique Il est proposeacute au patient de ren-

contrer un psychologue

Il nest pas rare que le patient me dise ils ne

se rendent pas compte il y a trop dinforma-

tions drsquoun seul coup je nai pas encore reacutealiseacute

que jai un cancer et on me parle de perruque

pour la perte des cheveux de dieacuteteacuteticien de

psy mais je nen suis pas lagrave moi

Pour les patients cest la deacutecouverte brutale du

diagnostic puis le choc des traitements Nous

savons que le temps psychique nest pas le

temps meacutedical et que dans cette clinique cest

au cas par cas que nous pouvons intervenir ce

qui est traumatique pour un patient ne lest pas

pour un autre

Un patient me disait reacutecemment le cancer

menvahit je ne pense quagrave ccedila je ne peux plus

lire regarder un film il est omnipreacutesent Voilagrave

une description du reacuteel

Il sagit de faire entendre agrave une eacutequipe meacutedi-

cale tourneacutee plus vers la maladie que vers le

malade et ce dans une organisation tregraves tech-

nique et de plus en plus sophistiqueacutee la neacuteces-

siteacute de prendre en compte la subjectiviteacute du pa-

tient dans un espace qui en paraicirct deacutepourvu

La demande de leacutequipe vis agrave vis du psy peut

correspondre agrave une demande de compliance

au traitement que le patient refuse elle sou-

haite aussi souvent que le psy reacuteconforte le pa-

tient agrave qui on a donneacute une mauvaise nouvelle

Comme dit Jeacuterocircme Alric dans son article Qui

eacutecoute quoi la sphegravere psychologique de-

vient une fonction constituante de la personne

globale au mecircme titre que la sphegravere digestive

dermatologique et dont il faut soccuper (2)

Au psychologue de faire valoir aupregraves du pa-

tient lintention de lui donner une place pour

entendre et faire entendre sa position subjec-

tive

Souvent je suis interpelleacutee par les soignants

dans des situations de deacutetresse par exemple

quand les antalgiques se reacutevegravelent inefficaces

ou sont refuseacutes Dans les entretiens les pa-

tients deacuteplient leur histoire leur roman fami-

lial La douleur physique se mecircle agrave la souf-

france psychique

Une patiente qui avait un cancer du sein avec

des meacutetastases osseuses me disait jai mal

lagrave en me montrant sa poitrine

Je lui avais demandeacute si elle en avait parleacute au

meacutedecin

Elle me reacutepondit en me regardant droit dans les

yeux cette douleur-lagrave le meacutedecin ne peut

pas me la soigner cest lhistoire avec mon ma-

ri qui me fait mal Celui-ci lavait quitteacutee et elle

se retrouvait seule avec son jeune fils

En quelques mots elle avait situeacute ce qui la fai-

sait souffrir au-delagrave des localisations meacutetasta-

tiques Elle savait faire la diffeacuterence entre le

physique et ce qui venait lagrave sajouter agrave sa

propre histoire douloureuse

Comme dit Clavreul dans Lordre meacutedical la

souffrance renvoie le sujet qui leacuteprouve agrave son

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 21

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

fantasme cest-agrave-dire agrave sa propre histoire et au

discours quil peut tenir sur son histoire Il y a

un seul discours qui se tienne sur la souf-

france et cest celui de la personne qui

leacuteprouve (3)

Un patient encore reacutecemment me disait ne pas

vouloir devenir grabataire comme son pegravere

Il seacutetait occupeacute de lui depuis son plus jeune

acircge il poussait la chaise roulante dans ses deacute-

placements il eacutetait sa beacutequille Mon patient ar-

riveacute en fin de vie voudra jusqursquoau bout se deacute-

placer aux toilettes et rester indeacutependant dans

les gestes du quotidien

Aux soignants qui ne comprenaient pas pour-

quoi il sobstinait agrave vouloir faire tout seul des

gestes devenus si difficiles il a fallu dire sans

reacuteveacuteler le pourquoi combien ceacutetait important

pour le patient de garder cette indeacutependance

Ceacutetait pour lui sa digniteacute sa liberteacute sa volonteacute

Je voudrais mettre laccent sur la singulariteacute de

ces rencontres avec des patients deacutejagrave tregraves gra-

vement atteints et qui degraves le premier entretien

se saisissent de cette possibiliteacute de parole

Il y a la douleur et lautre versant de la souf-

france langoisse

Monsieur O est un patient algeacuterien qui a eacuteteacute

opeacutereacute drsquoun cancer du poumon Avant linterven-

tion chirurgicale il se sentait precirct agrave affronter

cette eacutepreuve cest apregraves quil a senti ses

forces diminuer Jai changeacute je ne suis plus le

mecircme quavant en fait je crois que je nai pas

accepteacute lopeacuteration Il dit regretter il aurait preacute-

feacutereacute vivre avec son cancer il serait mort avec

Ce qui semble bouleverser ce patient nest pas

tant la maladie en elle-mecircme que ses conseacute-

quences Avec ce bout de corps quon lui a reti-

reacute cest aussi toute une part de lui qui semble

partie

Leacutepreuve du cancer entraicircne toujours une at-

teinte de linteacutegriteacute corporelle

Ce corps qui est traiteacute par le meacutedical de faccedilon

organique biologique revient souvent dans le

discours des patients Ce qui eacutemerge cest

lhorreur des amputations des meacutetastases qui

se reacutepandent agrave linteacuterieur du corps mais aussi

ce qui se donne agrave voir agrave toucher Un corps en-

dommageacute que le patient a du mal agrave reconnaicirctre

comme le sien qui se bouche qui enfle qui

eacutetouffe

Le corps peut devenir un objet agrave controcircler per-

seacutecuteur qui nest plus investi de deacutesir Cette

parole descriptive du corps peut prendre toute

la place dans le discours du patient avant que

quelque chose du subjectif nrsquoapparaisse

Cest dans un deuxiegraveme temps que Monsieur

O apregraves avoir exprimeacute limpossibiliteacute daccep-

ter cette perte anatomique ndash une partie du pou-

mon ndash pourra associer sur dautres pertes qui

viennent sintriquer entre passeacute et preacutesent

Langoisse de mort est tregraves freacutequente dans

cette pathologie dans les entretiens il ne sagit

pas de viser directement ce que nous pensons

ecirctre lobjet de cette angoisse mais de soutenir

dans la conversation les deacutetours de cette indi-

cible

Lintervention aupregraves de la famille nest pas

rare

Monsieur L 63 ans a un cancer de la vessie et

il est deacutecrit par leacutequipe soignante comme tregraves

exigeant et peacutenible Je deacutecide daller me preacute-

senter

Il me fait une description assez preacutecise de sa

maladie qui a deacutebuteacute il y a quelques mois Je

lui demande ce quil pense lui de tout ccedila Il me

regarde attend plusieurs secondes et me reacute-

vegravele que sa femme a une maladie heacutematolo-

gique agrave surveiller et quil sinquiegravete beaucoup

pour elle Ils nont pas denfant Il ajoute que

dans le service on ne lui fait pas grand-chose

son eacutetat ne srsquoameacuteliore pas quil serait mieux

avec sa femme En mecircme temps elle ne peut

pas soccuper de lui agrave la maison Il part dans

un SSR (soins de suite et de reacuteeacuteducation)

Quelques semaines apregraves il revient dans le

service et il demande agrave me voir Il va ecirctre tregraves

direct On vient de lui parler de son mauvais

pronostic agrave court terme il veut que je le ren-

contre avec sa femme Il me dit Elle deacuteprime

Si je meurs elle va se laisser mourir Pour moi

cest insupportable Effectivement sa femme

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 22

Ecirctre psychologue ou faire de la psychologie

est tregraves deacuteprimeacutee affaiblie par sa maladie

mais elle accepte de voir son geacuteneacuteraliste et

prendre un traitement On lui trouve un heacuteber-

gement agrave la Maison des Parents pour lui eacuteviter

lrsquohocirctel Elle sera sur place pour voir son mari

elle pourra eacutechanger avec les familles heacuteber-

geacutees agrave la Maison des Parents Petit agrave petit elle

tisse des liens Son mari deacutecline rapidement je

la vois dans la chambre elle me parle de lui

des choses quils aimaient faire ensemble Elle

est calme rassureacutee par la preacutesence de

lrsquoeacutequipe Apregraves la mort de son mari nous nous

sommes revues puis teacuteleacutephoneacute et rapidement

elle prend la deacutecision de deacutemeacutenager agrave Annecy

pregraves dune amie Elle aura un suivi heacutematolo-

gique lagrave-bas

Jai souvent penseacute agrave cet homme dont le dis-

cours eacutetait centreacute sur la plainte et qui a changeacute

rapidement de registre agrave partir du moment ougrave

on a pris en compte sa souffrance et soutenu

sa femme aupregraves de lui

Dans notre travail il me paraicirct important de

rendre compte aux eacutequipes de nos interven-

tions pour permettre aux soignants des eacuteclair-

cissements sur la souffrance psychologique

des patients Cela peut permettre un change-

ment de rapport soignant-patient dans des si-

tuations ougrave le patient par langoisse sous-

jacente se montre peacutenible pour lrsquoeacutequipe voire

agressif agrave son eacutegard

Toujours pour ce qui concerne la famille une

reacuteelle eacutevolution a eacuteteacute la prise en compte des

enfants du patient Degraves le diagnostic et tout le

long de la maladie une attention particuliegravere de

la part de leacutequipe permet deacuteviter les situations

dramatiques que lon rencontrait dans le pas-

seacute lorsque lenfant deacutecouvrait la graviteacute de la

maladie du parent la veille de la mort de celui-

ci sans avoir eu la possibiliteacute de sy preacuteparer et

den parler

Pour conclure je dirai que la science et la tech-

niciteacute ont beaucoup eacutevolueacute agrave lhocircpital mais quil

y a eu peu de changement du cocircteacute de la prise

en compte meacutedicale de la dimension subjective

des patients

On est passeacute dune prise en charge de la dou-

leur qui eacutetait nieacutee agrave des situations parfois de

surmeacutedicalisation La meacutedecine malgreacute ses

progregraves consideacuterables ne peut pas soulager

toute les douleurs et encore moins de faccedilon

systeacutematique et protocolaire Elle doit tenir

compte de la singulariteacute de chaque patient

De mecircme sil y a encore une vingtaine dan-

neacutees on ne donnait pas suffisamment dinfor-

mations meacutedicales sur la maladie et le devenir

du patient on est passeacute aujourdhui agrave un trop

dinformations dans loptique de dire la veacuteriteacute

au malade et de le preacuteparer sur le chemin de

sa fin de vie

Il nest pas rare que je rencontre un patient agrave

qui on a asseneacute une veacuteriteacute meacutedicale quil ne

voulait pas entendre Pour le patient il sagit de

pouvoir se deacuteprendre de ce savoir meacutedical qui

peut venir empecirccher toute penseacutee le cristalli-

ser dans une angoisse de mort et entraicircner le

sujet vers une mort psychique avant la mort

reacuteelle

Nous sommes lagrave pour partager ce temps avec

lui ce temps qui est incertain et qui permet au

sujet davoir des interrogations exprimer des

affects

Le psychologue dorientation analytique peut

apporter agrave ses eacutequipes un eacuteclairage des situa-

tions

Une collaboration avec les meacutedecins est agrave en-

courager encore faut-il que les meacutedecins puis-

sent prendre le temps et donc se deacutetacher

dune pure gestion des soins pour penser et

analyser leur pratique

1 Baszanger I 1995 Douleur et meacutedecine La

fin dun oubli Le Seuil

2 Alric J 2004 Qui eacutecoute quoi Essai de

repeacuterage de deux postures deacutecoute possible agrave

lhocircpital Eregraves in Collectif sous la direction de

Patrick Ben Soussan Le cancer approche psy-

chodynamique chez ladulte

3 Clavreul J 1978 LOrdre meacutedical Paris Le

Seuil

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 23

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

Modeacuterateur Franccediloise Adriansen CA de Psyclihos

gt Le psychologue entre les lignes des textes

officiels

Nadine Labbeacute Hocircpital Cochin Page 24

gt Titre de psychotheacuterapeute si vous avez man-

queacute le deacutebuthellip

Virginie Rocard Hocircpital Sainte Peacuterine Page 32

gt Psychotheacuterapeute agrave quel titre

Patrice Nomineacute Hocircpital Fernand Widal Page 43

Loi HPST titre de psychotheacuterapeutehellip

Quels changements pour le meacutetier de

psychologue

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 24

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

Le psychologue entre les lignes des textes officiels

Nadine Labbeacute Hocircpital Cochin

V ingt ans se sont eacutecouleacutes depuis la creacutea-tion de Psyclihos Depuis de nombreux rapports textes officiels ont eacuteteacute diffuseacutes

qui concernent la santeacute dune maniegravere geacuteneacute-rale et plus particuliegraverement la santeacute mentale Quelle place nous psychologues avons-nous dans ces eacutecrits De fait lorsque lon interroge la bibliothegraveque des rapports publics sur le site de la Documen-tation franccedilaise sur le terme Psychologue on saperccediloit que seule une liste constitueacutee dune petite cinquantaine de reacutefeacuterences apparaicirct un peu plus toutefois que pour le terme psychiatre qui apparaicirct dans 47 rapports mais beaucoup moins que celui dinfirmier qui apparaicirct dans 121 rapports Jai choisi parmi ces textes ceux qui mont sem-bleacute les plus significatifs dune certaine image du psychologue vu par les politiques ou ladmi-nistration Je vais maintenant vous preacutesenter cette compilation dextraits dans un ordre chro-nologique Lun des premiers rapports qui cite les psycho-logues porte sur les Strateacutegies drsquoutilisation des antiretroviraux dans lrsquoinfection par le VIH en 1998 Il affirme Le soutien par les psy-chologues est lune des pratiques diverses des services hospitaliers qui meacuteritent drsquoecirctre deacuteve-loppeacutees La mecircme anneacutee un rapport sur les Uniteacutes agrave encadrement eacuteducatif renforceacute et leur ap-port agrave lheacutebergement des mineurs deacutelin-quants fait agrave la demande de lInspection Geacuteneacute-rale des Affaires Sociales preacuteconise Afin de preacutevenir lusure des eacutequipes et aussi de leur apporter une certaine capaciteacute de recul il faut mettre en place des proceacutedures de soutien au moment des crises et de supervision dans les-quelles le recours au psychologue simpose En 2000 un rapport au Premier ministre Lionel Jospin Pour une nouvelle politique publique

daide aux victimes fait le constat suivant Pour le reacuteseau de lINAVEM (Feacutedeacuteration natio-nale daide aux victimes et de meacutediation qui comprend 150 associations) les emplois de psychologue repreacutesentent seulement 9 des emplois salarieacutes Cet aspect pourtant fonda-mental de laide aux victimes nest pas suffi-samment deacuteveloppeacute En 1994 lintervention dun psychologue con-cernait environ un quart des associations daide aux victimes Le rapport propose la creacuteation de centres daide pour enfant-adolescent et adulte com-prenant obligatoirement des psychologues cli-niciens Des groupes de parole et deacutecoute pour en-fants victimes seraient animeacutes par des psycho-logues scolaires ayant suivi une formation speacute-cifique ou des psychologues cliniciens exteacute-rieurs Le projet dinteacutegration de psychologues clini-ciens dans les milieux scolaires semble alors ecirctre au cœur de la nouvelle politique publique daide aux victimes Une politique ambitieuse sur le papier hellip Les suites don-neacutees agrave ce rapport ont eacuteteacute la creacuteation dun numeacutero national daide aux victimes en 2001

Pourtant en 2000 on sinteacuteresse beaucoup agrave nous le rapport du Haut comiteacute de la santeacute pu-blique sur la souffrance psychique des ado-lescents et des jeunes adultes consacre un paragraphe au rocircle du psychologue dans le chapitre intituleacute Lrsquoinstitution scolaire Bilan en CM2 Il est eacutecrit

Le recours agrave un psychologue dans le milieu scolaire est pratiquement limiteacute aux tests drsquoorientation Lrsquoabsence de psychologue dans le secondaire semble faire partie de cette mau-vaise image de la psychiatrie qui persiste dans le grand public Le regard drsquoun psychologue exteacuterieur agrave lrsquoeacuteta-blissement dans des reacuteunions reacuteguliegraveres de synthegravese et de concertation peut ecirctre preacutecieux

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 25

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

Ces contacts auraient de plus lrsquoavantage de relier les prises en charge de situations diffi-ciles entre lrsquointeacuterieur et lrsquoexteacuterieur des eacutetablisse-ments et de faire se connaicirctre les profession-nels des diffeacuterentes structures Ainsi 20 des adolescents pensent avoir be-soin de consulter un psychologue mais 137 disent avoir renonceacute du fait de difficulteacutes finan-ciegraveres Toujours en 2000 au colloque sur lrsquoEnfance maltraiteacutee la Ministre deacuteleacutegueacutee agrave lrsquoEnfance et agrave la famille reacuteclame Un psy pour chaque enfant Dans son second rapport Claire Brisset la deacute-fenseure des enfants sinteacuteresse eacutegalement au rocircle des psychologues et agrave leur formation Pour elle les psychologues souffrent depuis longtemps dun problegraveme didentiteacute du fait dune reconnaissance tardive de leur profes-sion et de lexistence de plusieurs types de psychologues recruteacutes agrave des niveaux deacutetudes diffeacuterents en reacutefeacuterence aux psychologues sco-laires et conseillers dorientation- psycho-logues La Deacutefenseure des Enfants propose d -Institutionnaliser les psychotheacuterapies den-fants et dadolescents par des psychologues cliniciens sur prescription du psychiatre et rembourseacutees par la Seacutecuriteacute sociale De la mecircme faccedilon quun meacutedecin speacutecialiste prescrit des seacuteances de kineacutesitheacuterapie qui sont alors rembourseacutees par la seacutecuriteacute sociale un psychiatre aussi bien dans le public que dans le priveacute doit pouvoir prescrire des theacuterapies effectueacutees par un psychologue clinicien Cette mesure qui se pratique deacutejagrave dans cer-tains pays europeacuteens comme lAllemagne ne peut ecirctre mise en place quaux conditions sui-vantes - quune formation homogegravene de psychologie clinique sanctionneacutee par un diplocircme unique soit organiseacutee - que cette formation permette dacceacuteder agrave un nouveau statut de psychologue clinicien recon-nu par lensemble des administrations concer-neacutees - que cette formation soit agrave la fois theacuteorique et pratique Cette reacuteforme permettrait de - mieux utiliser les compeacutetences des nombreux psychologues qualifieacutes actuellement deacutepour-vus dun emploi agrave temps plein ou contraints faute de poste dexercer dautres meacutetiers

Dans cette hypothegravese le psychiatre aurait le rocircle danimateur de leacutequipe soignante et de supervision des psychotheacuterapies meneacutees par les psychologues cliniciens En outre un tel scheacutema devrait pouvoir sappli-quer non seulement dans les structures pu-bliques mais aussi dans le secteur libeacuteral Les psychologues cliniciens peu nombreux en libeacute-ral pourraient alors sinstaller en cabinet (au mecircme titre que les infirmiegraveres ou les masseurs kineacutesitheacuterapeutes) En ce deacutebut des anneacutees 2000 les politiques sinteacuteressent beaucoup aux questions relatives agrave la santeacute en juillet 2000 Martine Aubry alors ministre de lemploi et de la solidariteacute confie aux Drs Piel et Roelandt une mission de reacute-flexion et de prospective dans le domaine de la santeacute mentale qui donnera lieu un an plus tard agrave un rapport intituleacute De la psychiatrie vers la santeacute mentale Un rapport dans lequel on parle peu des psychologues si ce nest pour dire que leur formation est insuffisante et quun internat en psychologie est neacutecessaire ce dont on reparlera beaucoup dans les anneacutees sui-vantes En aoucirct 2001 Psyclihos travaille sur le 1

er rap-

port deacutetape du groupe de travail de la DGS sur leacutevolution des meacutetiers en santeacute mentale Des psychologues de toute la France choqueacutes et inquiets se reacuteunissent au sein du Collectif Na-tional des Psychologues de la FPH Les me-sures preacuteconiseacutees par le 2

egraveme rapport deacutetape

paru en janvier 2002 mettent le feu aux poudres Pour rappel le rapport insiste sur le deacuteveloppement des reacuteseaux de santeacute la mise en place de proceacutedures de protocoleshellip Et surtout il preacutevoit des niveaux dintervention hieacuterarchiseacutes avec des intervenants de 1

egravere

ligne des professionnels de soins primaires et des intervenants speacutecialiseacutes et deacutejagrave des glisse-ments de compeacutetences vers les infirmiers et les meacutedecins geacuteneacuteralistes Il est agrave nouveau question de transfert de com-peacutetences en 2003 avec le rapport Berland sur la deacutemographie des professions de santeacute au titre eacuteloquent Coopeacuteration des professions de santeacute le transfert de tacircches et de compeacute-tences Le chapitre qui nous concerne sinti-tule Un transfert de compeacutetences en psychia-trie difficile agrave organiser Le Pr Berland eacutecrit Les auditions que jai pu mener lors de la mis-

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Quels changements pour le meacutetier de psychologue

sion deacutemographie des professions de santeacute et les eacutechanges que jai pu avoir avec les psy-chiatres ont reacuteveacuteleacute de reacuteelles difficulteacutes agrave envi-sager le transfert de compeacutetences dans le champ de cette speacutecialiteacute En effet si certains professionnels considegraverent souhaitable la mise en perspective de collaborations organiseacutees avec les psychologues cliniciens dautres la trouvent inutile ou non souhaitablehellip Il est neacute-cessaire denvisager la part de lactiviteacute aujour-dhui assureacutee par les psychiatres qui doit ecirctre confieacutee en toute collaboration agrave des psychologues praticiens formeacutes agrave la fois par les faculteacutes de psychologie et les faculteacutes de meacutedecine pour construire ce nouveau meacutetier qui reacutepond agrave un besoin clairement identifieacute Au mecircme moment est diffuseacute le rapport Cleacutery Melun intituleacute Plan dactions pour le deacutevelop-pement de la psychiatrie et la promotion de la santeacute mentale qui reprend les principales pro-positions des rapports preacuteceacutedents par ex con-cernant la reacuteorganisation des soins en psychia-trie Concernant la formation des psycho-logues Ces formations sont tregraves diverses sui-vant les universiteacutes certaines eacutetant speacuteciali-seacutees dans la psychanalyse ce qui aboutit agrave des formations mono reacutefeacuterenceacutees Il en va de mecircme des stages qui sont souvent difficiles agrave trouver et ne permettent pas toujours dassister aux entretiens avec les patients Enfin dans un contexte de plus en plus seacutelectif les examens theacuteoriques et formels prennent le pas sur lac-complissement dun stage et lobtention dune formation clinique Il poursuit Les psychologues souhaitent eux-mecircmes faire progresser cette situation Ils se sont doteacutes dun code de deacuteontologie qui pose des prin-cipes clairs notamment au regard de leur for-mationhellipAvec un stage qui doit correspondre agrave leacutequivalent dun internat en psychologie dont la dureacutee ne devrait pas ecirctre infeacuterieure agrave 2 se-mestres et dont le contenu devrait faire lobjet dune validation finale Toujours en 2003 il faut un rapport eacutecrit par une psychologue pour que le terme soit citeacute 97 fois soit presque dans une page sur deux Cest le rapport de Marie de Hennezel sur Fin de vie le devoir daccompagnement Elle preacuteconise une preacutesence renforceacutee de psy-chologues dans tous les services sensibles

Pour favoriser le maintien agrave domicile des per-sonnes elle demande que lrsquoon eacutetudie la possi-biliteacute drsquoun financement drsquoun forfait de 3 agrave 5 seacuteances avec un psychologue pour un accom-pagnement de fin de vie sur le modegravele de ce qui est proposeacute dans le plan cancerElle de-mande la creacuteation dau moins un mi-temps de psychologue pour chaque service confronteacute agrave la fin de vie des patients Pour elle la Formation universitaire du psycho-logue ne le preacutepare pas neacutecessairement agrave la confrontation avec la mort drsquoautrui et son cor-tegravege drsquoangoisses et de fantasmes Elle ajoute Crsquoest la raison pour laquelle nous estimons qursquoune formation compleacutementaire personnelle (psychanalyse) ou une formation dans le cadre drsquoun DU de soins palliatifs ou drsquoun stage drsquoune semaine au moins dans une uniteacute de soins palliatifs (USP) doit lui permettre d lsquoeacutevaluer srsquoil est precirct ou non agrave travailler dans un service confronteacute agrave la mort des patients srsquoil peut accueillir sans trop drsquoangoisse celles des autres patients familles soignants Pour les psychologues de ville elle pose la question drsquoun conventionnement de la profes-sion puisque seuls les psychologues libeacuteraux inteacutegreacutes dans un reacuteseau (dans le cadre drsquoun groupement de coopeacuteration sanitaire) et reacutemu-neacutereacutes agrave la vacation sont pris en charge par lrsquoassurance maladie Elle ajoute Cela limite consideacuterablement lrsquooffre drsquoaide psychologique agrave domicile En mars 2005 la Commission Peacuterinataliteacute en-fants et adolescents recommande le renforcement des eacutequipes de materniteacute en psychologues dans le but de Mieux prendre en charge la santeacute mentale et les troubles psy-chiatriques de la megravere etou du couple En 2005 le rapport Santeacute justice et dange-rositeacutes pour une meilleure preacutevention de la reacutecidive eacutevoque les formations initiale et conti-nue des psychologues dans le domaine meacutedico-leacutegal qui devraient ecirctre renforceacutees afin de mieux prendre en consideacuteration les probleacutema-tiques relatives agrave la dangerositeacute psychiatrique dans la pratique clinique et la mise en oeuvre de lrsquoexpertise peacutenale Le rapporteur revendique la possibiliteacute pour les psychologues drsquoassurer le suivi du condam-neacute et demande laugmentation des effectifs des services peacutenitentiaires drsquoinsertion et de proba-

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Quels changements pour le meacutetier de psychologue

tion notamment par lrsquointeacutegration de psycho-logues au sein des eacutequipes Dans son rapport sur Le fonctionnement des services dinformation et dorientation lIns-pection geacuteneacuterale de lEducation nationale re-met largement en question le statut des con-seillers dorientation-psychologues Des divergences de vues interviennent sou-vent entre ceux qui sont issus de la psycholo-gie essentiellement clinique et les autres qursquoils aient eacutetudieacute la psychologie du travail ou la so-ciologie lrsquoeacuteconomie le droit lrsquohistoire ou la phi-losophie Lrsquoouverture drsquoesprit des seconds aux questions du marcheacute de lrsquoemploi ou mecircme aux perspec-tives de deacutecentralisation est freacutequente Les psychologues cliniciens semblent plus autocen-treacutes individualistes voulant se concentrer sur leur pratique au jour le jour de conseil et drsquoac-compagnement des individus deacutesireux drsquoap-porter des solutions au cas par cas(sic ) Lrsquoeacutevolution de la profession qui a gagneacute le titre de psychologue en 1991 va dans le sens drsquoune eacutemancipation tout agrave fait eacutetonnante Les COPsy constituent un cas singulier drsquoexercice libeacuteral au sein mecircme de la fonction publique Ils nrsquoont en fait de comptes agrave rendre agrave personne lrsquoautori-teacute des directeurs est purement formelle (hellip) Et comble les conseillers ne sont pas inspecteacutes() Le rapport propose de scinder le corps des COPsy avec dun cocircteacute des psychologues de lenseignement secondaire et de lautre des conseillers dinformation et dorientation Les missions des psychologues de leacuteducation seraient centreacutees sur le deacutepistage et lexamen des eacutelegraveves pour lesquels on craint une inadap-tation la preacutevention des deacutecrochages la preacute-vention des conduites addictives en lien avec le personnel meacutedico-social leacutecoute un premier accompagnement dans les cas de profondes souffrances psychologiques le lien avec les services exteacuterieurs hellip Dans les eacutetablissements les psychologues complegraveteraient et renforceraient leacutequipe eacutedu-cative et meacutedico-sociale Pour lIGEN il est manifeste que les conseil-lers drsquoorientation-psychologues nrsquoont ni le temps ni les compeacutetences ni les moyens de faire face seuls agrave lrsquoensemble des missions que les usagers (au sens large du terme) pour-raient attendre drsquoeux Si beaucoup de responsables ministeacuteriels re-

grettent fortement lappellation de psycho-logues du statut de 1991 il faut reconnaicirctre que peu de personnels souhaitent labrogation totale de cette appellation y compris parmi ceux qui ont eacuteteacute recruteacutes avant 1990 sans avoir fait deacutetudes initiales de psychologie Il convient aussi de signaler quil y a unanimiteacute pour consideacuterer quon ne peut pas faire de psy-chologie clinique ou theacuterapeutique dans les eacutetablissements Tous pensent mecircme que cest impossible En fait en 1991 il aurait fallu creacuteer par la loi un statut de conseiller qui existe dans dautres pays Pour autant les auteurs concluent que la ques-tion de labrogation du statut de psychologue a eacuteteacute poseacutee mais ils ont consideacutereacute que ce neacutetait pas opportun dans le contexte actuel Mais le recrutement doit ecirctre diversifieacute Il srsquoagit de mettre un terme au monopole des li-cencieacutes en psychologie qui de lrsquoavis de la grande majoriteacute de nos interlocuteurs et notam-ment de lrsquoencadrement des services drsquoorienta-tion et des formateurs nrsquoest nullement imposeacute par lrsquoexercice des missions et a reacuteduit la diver-siteacute intellectuelle qui caracteacuterisait le corps avant 1991 En outre le poids excessif des li-cencieacutes en psychologie a favoriseacute des attitudes drsquoindividualisme et de repli au deacutetriment des autres facettes de la profession Dans le rapport fait au nom de la mission dinformation sur la famille et les droits de lenfant en 2006 Valeacuterie Peacutecresse et Patrick Bloche recommandent de faire prendre en charge par lassurance-maladie les consulta-tions des mineurs et de leur famille aupregraves de psychologues sur prescription meacutedicale afin dameacuteliorer la prise en charge des enfants et de leur famille On reparle encore de formation des psycho-logues en 2006 avec le rapport de la mission parlementaire de Jean-Paul GARRAUD sur la dangerositeacute Il comprend un chapitre impor-tant relatif agrave lexpertise psychologique et au psychologue expert on eacutetait agrave leacutepoque en pleine affaire dOutreau Il souligne encore une fois lrsquoheacuteteacuterogeacuteneacuteiteacute des diplocircmes tous les psy-chologues ne suivent pas une formation en psychopathologie clinique et peuvent avoir des formations theacuteoriques tregraves diverses Il conviendrait de redeacutefinir le champ drsquointerven-tion des psychologues fondeacute sur leur qualifica-

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Quels changements pour le meacutetier de psychologue

tion professionnelle et drsquoenvisager les possibili-teacutes de lrsquoarticulation de leurs expertises avec celles effectueacutees par les psychiatres Organiser une confeacuterence de consensus sur lrsquoexpertise psychologique afin de reacutefleacutechir sur les objectifs et les limites des expertises psy-chologiques lrsquoidentiteacute lrsquoeacutethique et la deacuteontolo-gie des experts leur solitude ainsi que sur les modaliteacutes pertinentes de reacutealisation des exper-tises et de leur eacutevaluation Ceci est resteacute un vœu pieux agrave ce jour hellip Il revendique Une plus grande qualification des formations des psychologues Outre une maturiteacute professionnelle une forma-tion particuliegravere est neacutecessaire (connaissance des diffeacuterents types et champs drsquoexpertise des proceacutedures judiciaires aspects criminolo-giques deacuteontologiqueshellip) Cette speacutecialisation pourrait deacutecouler drsquoun cur-sus post-universitaire en psychologie clinique et pathologique agrave lrsquoexemple des DU sur la pratique de lrsquoexpertise psychologique ou la psy-chologie leacutegale (Universiteacute Lille Aix-Marseille Rouen Poitiershellip) En 2007 les psychologues sont les stars du rapport de lIGAS consacreacute agrave Gestion et utili-sation des ressources humaines dans 6 eacuteta-blissements de santeacute speacutecialiseacutes en psy-chiatrie le terme psychologue apparaicirct 224 fois Les reacuteveacutelations sont lagrave encore fracassantes Il faut adapter le statut et le cursus de forma-tion et de carriegravere des psychologues pour mieux utiliser leurs compeacutetences et les inteacutegrer dans les eacutequipes Les problegravemes de peacutenurie de psychiatres doivent ecirctre anticipeacutes par une seacuterie de mesures - augmenter les attributions des psychologues en leur permettant dans certains cas deffec-tuer des actes jusque lagrave reacuteserveacutes aux meacutede-cins - ouvrir une formation de manager de structure psychiatrique agrave des cadres intermeacutediaires type cadre supeacuterieur de santeacute psychologue cadre socio-eacuteducatif Il serait possible douvrir le concours de cadre supeacuterieur de santeacute agrave dautres professions soi-gnantes psychologues eacuteducateurs speacuteciali-seacutes assistants de service social Les psychologues peuvent-ils remplacer les psychiatres et agrave quel prix Ce nest pas seulement parce quon manque

de psychiatres cest aussi parce que les psy-chologues repreacutesentent une certaine tradition de la psychiatrie europeacuteenne pas uniquement arc-bouteacutee sur les traitements chimiotheacuterapeu-tiques Cest aussi parce quils possegravedent en principe des compeacutetences permettant de deacuteve-lopper des aspects tregraves importants en psychia-trie - eacutevaluation des capaciteacutes cognitives et mise au point de programmes de reacutehabilitation - psychotheacuterapies de diverses natures eacutegale-ment de soutien dans les cas de traitement meacute-dicamenteux lourd - supervision de groupes de soignants pour eacuteviter les pheacutenomegravenes de chroniciteacute de mal-traitance - encadrement deacutequipes notamment de pro-fessionnels dhorizons divers Il est clair quil serait eacutegalement inteacuteressant de pouvoir leur confier des accueils de 1

egravere ligne

degraves lors que nombre de demandes de consul-tation signifient plutocirct une souffrance psychique quune pathologie psychiatrique La question de savoir sils devraient avoir le droit de prescrire ou de renouveler des pres-criptions au long cours meacuterite decirctre poseacutee Une telle eacutevolution neacutecessiterait une speacutecialisa-tion apregraves le diplocircme geacuteneacuteral de psychologue peut-ecirctre linstauration de ce que daucuns ap-pellent un internat et cette fois commun avec linternat en psychiatrie En attendant davoir notre ordonnancier si tant est que nous le souhaitions les tacircches speacuteci-fiques en psychiatrie pour les psychologues tout ce qui sapparente au bilan agrave leacutevaluation aux psychotheacuterapies de diverses obeacutediences Voilagrave ce que pensent les politiques et les admi-nistratifs de notre meacutetier mais ccedila nest pas la reacutealiteacute de notre meacutetier Tout dabord quelques chiffres sur la deacutemogra-phie des psychologues Nous sommes de plus en plus nombreux de 5500 eacutequivalents temps plein en 1997 agrave 11500 en 2009 preuve que notre rocircle est de plus en plus reconnu par les eacutetablissements Il reste encore beaucoup agrave faire en clinique priveacutee ougrave ils ne sont que 350 ETP La preacutecariteacute est tou-jours le lot de notre profession Il y a deux fois plus de psychologues agrave temps partiel que dans les autres emplois non meacutedicaux 40 de psy-chologues sont agrave temps partiel dans le public plus des trois quarts dans le priveacute soit le

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Quels changements pour le meacutetier de psychologue

double La profession est tregraves feacuteminiseacutee avec 8 femmes sur 10 psychologues elles ont en moyenne cinq ans de moins que leurs con-fregraveres masculins la moyenne dacircge eacutetant de 42 ans Les femmes de moins de 40 ans repreacute-sentent 38 des effectifs nationaux La densiteacute nationale des psychologues est de 37 psychologues pour 100000 habitants soit un psychologue pour 2700 Par comparaison celle des psychiatres est de 22 pour 100000 habitants La densiteacute en psychologues libeacuteraux est de 7 Concernant les secteurs dactiviteacute 87 des psychologues sont salarieacutes Un tiers exerce dans un eacutetablissement de santeacute principalement du secteur public ougrave 7 sur 10 sont employeacutes agrave plein temps Lexercice en libeacuteral ne concerne que 8 des effectifs Comment les psychologues perccediloivent-ils leur meacutetier Dana Castro et Marie Santiago ont publieacute dans Le Journal des psychologues ndeg 233 deacutec 2005- janv 2006 les Reacutesultats dune enquecircte na-tionale sur Evolution des repreacutesentations et construction identitaire du meacutetier de psy-chologue Les donneacutees ont eacuteteacute recueillies agrave partir de 93 questionnaires suite agrave une enquecircte nationale lanceacutee par le Journal des Psychologues aupregraves de ses lecteurs fin 2004 Les reacutesultats montrent que les psychologues ont une image assez steacutereacuteotypeacutee de leur meacute-tier qui ne se modifie pas significativement ni au cours des eacutetudes ni agrave lentreacutee dans la vie professionnelle Au deacutebut de leurs eacutetudes 50 des reacutepondants perccediloivent le psychologue comme un speacutecialiste de laide et de leacutecoute Pour 27 cest un meacutetier qui sexerce en solitaire 30 disent ne pas en avoir une repreacutesentation preacute-cise La repreacutesentation de la profession eacutevolue pro-gressivement Apregraves quelques anneacutees dexer-cice le psychologue perccediloit davantage sa fonc-tion certes encore comme un meacutetier daide et deacutecoute pour la moitieacute dentre eux mais qui sexerce en eacutequipe pour 21 selon des moda-liteacutes et avec des outils speacutecifiques au premier rang desquels lentretien et lexamen psycholo-giques pour 18 des reacutepondants La repreacutesentation du meacutetier se modifie-t-elle au

cours du cursus universitaire - Non pour 22 des reacutepondants pour lesquels elle reste identique tout au long du parcours - Oui pour 36 pour lesquels elle se modifie gracircce aux enseignements theacuteoriques en lien avec la clinique et la psychopathologie - Encore oui pour 34 pour lesquels elle se transforme gracircce aux stages et au contact des professionnels Dune maniegravere geacuteneacuterale les psychologues comptent sur eux-mecircmes et leurs compeacutetences en matiegravere dexpeacuterience dapprentissage sur le tas de solidariteacute et de travail en eacutequipe plutocirct que sur la qualification qui elle valorise les titres les connaissances formelles la revendi-cation de lautonomie et les distinctions statu-taires Seul 1 des reacutepondants eacutevoque les no-tions dorganisation du travail en terme de sta-tut professionnel de cadre A de reacutemuneacuteration de formation ou de titre proteacutegeacute de psycho-logue Autant dire quil reste beaucoup de tra-vail pour avoir une repreacutesentation profession-nelle qui puisse ecirctre partageacutee tant par les psy-chologues que par leurs partenaires profes-sionnels ougrave compeacutetence personnelle et qualifi-cation professionnelle sont indispensables Pourtant 78 des reacutepondants deacutecrivent des difficulteacutes au sein de leur institution Un sur 5 estime que ses collegravegues ne connaissent pas son meacutetier et quils en ont une image neacutegative qui est veacutecue comme deacutevalorisante 17 se sentent isoleacutes dans les eacutequipes avec lesquelles ils travaillent Une eacutetude plus reacutecente puisquelle date de 2010 vient compleacuteter la preacuteceacutedente il sagit de celle de Elise Marchetti Claude Lafrogne et Sandrine Schoenenberger eacutegalement publieacutee dans le Journal des psychologues ndeg 283 deacutec 2010- janv 2011 et qui sintitule Que pensent-ils de nous Etude des repreacutesentations so-ciales du psychologue Que pensent les psychologues deux-mecircmes Ils eacutevoquent lobjet de leur travail la psycheacute le cadre de leur activiteacute (cadre theacuteorique pra-tique eacutethique) et le contenu mecircme de leur tra-vail agrave savoir leacutevaluation et laccompagnement Chez les professionnels du meacutedico-social nos collegravegues deux repreacutesentations saffrontent Les eacuteducateurs techniques et les reacuteeacuteducateurs (peacutedicure podologue masseur kineacutesitheacutera-peute ergotheacuterapeute psychomotricien ortho-

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phoniste orthoptiste ou dieacuteteacuteticien) ont une vi-sion neacutegative le psychologue se confond avec le psychanalyste le charlatan en lien eacutetroit avec la psychiatrie la folie Les personnels administratifs et les eacuteducateurs ont une vision plus positive et concregraveteet sont plus attacheacutes au cadre cadre de travail du psychologue lui-mecircme mais aussi la contribu-tion quil peut apporter dans le cadre dun tra-vail pluridisciplinaire Quant aux sujets de la population geacuteneacuterale on doit distinguer ceux qui ont deacutejagrave eu recours au psychologue et ceux qui nont jamais consulteacute Ceux qui nont jamais consulteacute ont un discours plutocirct positif mais abstrait centreacute sur la dualiteacute problegraveme-reacutesolution (motifs-beacuteneacutefices) Les autres qui sont plus jeunes et plutocirct des femmes cherchent agrave deacutefinir ce quest un psy-chologue avec une vision plus concregravete de notre activiteacute de nos meacutethodes et une eacutevoca-tion de la sphegravere affective et du veacutecu person-nel Toutefois les sujets ayant deacutejagrave consulteacute un psychologue ont tendance agrave le confondre avec le speacutecialiste meacutedical cest-agrave-dire le psy-chiatre Dans Transformation de la psychiatrie et pratiques des psychologues LASAR Labora-toire danalyse socio-anthropologique du risque Universiteacute de Caen 2002 sous la direction dAnne Golse Le discours dAnne Golse sociologue est plus optimiste Elle eacutecrit La profession de psycho-logue se visibilise de plus en plus que ce soit dans la prise en charge des malades mentaux ou de la souffrance psychique On le voit dans la croissance deacutemographique certes encore modeste de cette profession mais cela sappreacute-hende eacutegalement dans la maniegravere dont les textes administratifs mentionnent (psychiatres psychologues) ou bien (psychiatres ou psycho-logues) Mais cette eacutemergence nouvelle dune certaine pariteacute dans les textes vient eacutegalement reconnaicirctre que de plus en plus de demandes sont directement adresseacutees au psychologue et marque lindividualisation de cette profession agrave coteacute de celles de psychiatres ou dinfirmiers Dans un rapport au Conseil national de lOrdre des meacutedecins en 2001 sur le suivi du malade mental il est dit que les psychologues pren-nent de plus en plus de place dans le monde de la psychiatrie relayant ou mecircme remplaccedilant les psychiatres dont le nombre va en diminuant

tregraves seacuterieusement Toutefois les psychologues ne sont pas satis-faits de leur place au sein de la psychiatrie pu-blique ni personnel meacutedical ni personnel pa-rameacutedical ils elles ont du mal agrave trouver leur place dans lunivers hospitalier marqueacute par lexistence de ce partage clair Le psychologue agrave la fois dedans et dehors eacuteprouve une ab-sence de lien avec linstitution et pour certains un sentiment dinexistence institutionnelle chro-nique Le psychologue nest pas dans le soin mecircme sil contribue aux soins ce qui renvoie agrave sa neacutecessaire place dexteacuterioriteacute et agrave la trans-versaliteacute de sa fonction Comme leacutecrivait Co-lette Chiland en 1983 le statut du psychologue clinicien est une position intermeacutediaire et sin-guliegravere qui le maintien dans un espace pro-fessionnel eacutetriqueacute Certains ressentent de lamertume agrave ecirctre reacuteduits au rocircle de psychotheacute-rapeutes etou estiment ne pas ecirctre reconnus comme des professionnels agrave part entiegravere ils se qualifient de sous-psychiatres quand deacutepen-dants du psychiatre ils ne peuvent directement recevoir les patients qui font appel agrave eux Cette revendication des psychologues est devenue pour certains un carcan qui limite le champ de leur intervention Les psychologues sont lobjet dambivalence Ils peuvent ecirctre consideacutereacutes comme la profession montante en raison de la chute de la deacutemographie des psychiatres et de la de-mande sociale qui leur est adresseacutee les psy-chologues pourraient ecirctre en 1

egravere ligne pour

supplanter ces absences mais la mise en cause de leur statut et de leur formation par le reacutecent statut de psychotheacuterapeute les fragilise Pour conclure je citerai Marc Turpyn au col-loque Le psychologue clinicien le singulier et le collectif La profession de psychologue est-elle un symptocircme de lrsquoinstitution hospita-liegravere Un certain nombre de signes permet depuis longtemps de le penser son identiteacute indeacutefinis-sable sa situation drsquoexception dans un en-semble institutionnel globalement meacutedical son inexistence dans les instances de lrsquohocircpital les oublis reacuteguliers dont elle fait lrsquoobjet dans les textes sa position institutionnelle hors hieacuterar-chie les interrogations reacutecurrentes sur ses sta-tuts lrsquoincompreacutehension de ses outils de travail par les administrations etc Ce qui est nouveau ce sont les nombreuses

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tentatives pour mettre un terme agrave cette position symptomatique volonteacute de faire entrer la pro-fession dans le champ meacutedical fiches meacutetier deacutefinition de compeacutetences introduction de speacute-cialiteacutes preacute-identifieacutees en articulation avec les neurosciences et les approches comportemen-tales circulaire drsquoapplication visant au controcircle ou agrave la disparition des activiteacutes de FIR etc Nrsquooublions pas que la preacutecariteacute entretenue des psychologues le deacutesir de reconnaissance la peur ndash comme lrsquoa montreacute reacutecemment la mise en application du deacutecret sur le titre de psycho-theacuterapeute ndash poussent aussi agrave la normalisation Normaliser la profession serait sans doute la reacuteduire agrave lrsquoombre drsquoelle-mecircme

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feacuterences ainsi que le journal

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Titre de psychotheacuterapeute si vous avez manqueacute le deacutebut

Virginie Rocard Hocircpital Sainte Peacuterine

M AI 1999 PROPOSITION DrsquoAMENDEMENT

PAR B ACCOYER

Devant lrsquoabsence de reacuteglementation autour de lrsquoexercice de la psychotheacuterapie et dans un contexte de lutte contre les deacuterives sectaires sous couvert de psychotheacuterapie un premier amendement est proposeacute par Bernard Accoyer meacutedecin et deacuteputeacute Ce premier amendement porte sur lrsquousage du titre de psychotheacuterapeute il est proposeacute le 4 mai 1999 agrave lrsquooccasion de lrsquoexamen du projet de loi relatif agrave la Couverture maladie universelle (CMU) OCTOBRE 1999 PROPOSITION DE LOI PAR

BACCOYER

Lrsquoamendement preacuteceacutedent ayant eacuteteacute refuseacute BAccoyer deacutepose le 13 octobre 1999 la pre-miegravere proposition de loi (ndeg 1844) visant agrave reacute-glementer le titre de psychotheacuterapeute Lrsquounique article preacutecise Lrsquousage du titre de psychotheacuterapeute est strictement reacuteserveacute drsquoune part aux titulaires du diplocircme de docteur en meacutedecine qualifieacute en psychiatrie et drsquoautre part aux titulaires drsquoun diplocircme de troisiegraveme cycle en psychologie Dans lrsquoexposeacute des motifs on retrouve deux professions de la santeacute mentale sont formeacutees par les universiteacutes franccedilaises les psycho-logues et les meacutedecins psychiatres Les condi-tions daccegraves et dutilisation de ces titres sont eacutetroitement encadreacutees par la loi Pourtant il existe un grave vide juridique concernant lexercice de la psychotheacuterapie La profession de psychotheacuterapeute nest en effet agrave ce jour toujours pas deacutefinie par le code de la santeacute publique Ainsi de trop nombreuses per-sonnes insuffisamment qualifieacutees voire non qualifieacutees se deacuteclarent et sinstituent psycho-theacuterapeutes en toute impuniteacute faisant courir les plus grands dangers agrave des personnes qui

par deacutefinition sont vulneacuterables et risquent de voir leur deacutetresse et leur pathologie aggra-veacutees MARS 2000 est enregistreacutee agrave la Preacutesidence de lAssembleacutee nationale sous le ndeg 2288 une pro-position de loi relative agrave lexercice de la profes-sion de psychotheacuterapeute par les deacuteputeacutes MM Jean-Michel Marchand Andreacute Aschieri Mme Marie-Heacutelegravene Aubert MM Yves Cochet et Noeumll Mamegraverehellip AVRIL 2000 PROPOSITION DE LOI DE

BACCOYER

26 avril 2000 nouvelle proposition de loi de BAccoyer Loi ndeg2342 relative agrave la prescription et agrave la conduite des psychotheacuterapies Dans lrsquoexposeacute des motifs on retrouve En labsence de disposition du code de la santeacute publique concernant lusage des psychotheacutera-pies quiconque le souhaite peut actuellement visser sa plaque de psychotheacuterapeute et preacutetendre soigner (hellip) Ainsi le rapport de la mission interministeacuterielle de lutte contre les sectes remis en feacutevrier 2000 au Premier mi-nistre signale que certaines techniques psy-chotheacuterapiques sont devenues un outil au ser-vice de linfiltration sectaire et il suggegravere au se-creacutetariat dEtat agrave la Santeacute de cadrer ces pra-tiques Cest la raison pour laquelle javais dores et deacutejagrave deacuteposeacute le 13 octobre 1999 avec quatre-vingt-un collegravegues une proposition de loi ndeg1844 visant agrave reacuteserver lusage du titre de psychotheacuterapeute agrave des personnes titulaires de diplocircmes universitaires() Dans ce con-texte il convient deacutesormais de consideacuterer les psychotheacuterapies comme un veacuteritable traite-ment A ce titre cest leur prescription et leurs applications qui apparaissent comme devant ecirctre reacuteserveacutees agrave des professionnels deacuteten-teurs de diplocircmes universitaires attestant dune formation institutionnelle garantie dune compeacutetence theacuteorique pouvant ecirctre doubleacutee

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dune expeacuterience pratique et dun travail sur soi (hellip) Cependant certains professionnels bien que non-psychiatres ou non-psychologues cliniciens preacutesentent de solides connaissances et une expeacuterience de la patho-logie mentale et du fonctionnement psychique Il convient donc quun jury composeacute duniversi-taires et de professionnels soit habiliteacute agrave vali-der leurs compeacutetences et agrave autoriser lexercice des psychotheacuterapies agrave ceux qui pratiquent deacute-jagrave depuis plus de cinq anneacutees agrave compter de promulgation de la preacutesente loi

PROPOSITION DE LOI Article unique Il est inseacutereacute apregraves larticle L 360 du code de la santeacute publique un article L 360-1 ainsi reacutedigeacute Les psychotheacuterapies sont des traitements meacutedico-psychologiques des souffrances mentales Comme toute theacuterapeutique leur prescription et leur mise en oeuvre ne peuvent relever que de professionnels qualifieacutes meacutedecins quali-fieacutes en psychiatrie et psychologues clini-ciens Les professionnels qui dispensent des psychotheacuterapies depuis plus de cinq ans agrave la date de promulgation de la preacute-sente loi pourront poursuivre cette activiteacute theacuterapeutique apregraves eacutevaluation de leurs connaissances et pratiques par un jury composeacute duniversitaires et de profession-nels dont la composition est fixeacutee par deacute-cret en Conseil dEtat

OCTOBRE 2003 AMENDEMENT AU PROJET DE LOI SUR LE CODE DE LA SANTEacute PUBLIC B AC-

COYER

8 Octobre 2003 agrave lrsquoAssembleacutee nationale B Ac-coyer deacutepose un amendement ndeg71 Les psychotheacuterapies sont des traitements meacute-dico-psychologiques des souffrances mentales Comme toute theacuterapeutique leur prescription et leur mise en oeuvre ne peuvent relever que de professionnels qualifieacutes en psychiatrie de psychologues cliniciens et meacutedecins ayant sui-vis les formations requises Crsquoest la 3eme version (ndeg336) qui est adopteacutee agrave lrsquounanimiteacute le 8 octobre 2003 par lrsquoAssembleacutee Nationale Les psychotheacuterapies constituent des outils theacuterapeutiques utiliseacutes dans le traite-ment des troubles mentaux Les diffeacuterentes ca-teacutegories de psychotheacuterapie sont fixeacutees par deacute-cret du ministre chargeacute de la Santeacute Leur mise en œuvre ne peut relever que de meacutedecins

psychiatres ou de meacutedecins et psychologues ayant les qualifications professionnelles re-quises fixeacute par ce mecircme deacutecret Lrsquoagence Na-tionale drsquoAccreacuteditation et drsquoEvaluation en Santeacute apporte son concours agrave lrsquoeacutelaboration de ces conditions (hellip) On ne parle plus ici de lrsquousage drsquoun titre de psy-chotheacuterapeute mais drsquoune deacutefinition de la psy-chotheacuterapie JANVIER 2004 AMENDEMENT ACCOYER ANNU-

LANT LE PREacuteCEacuteDENT

Le 19 janvier 2004 lrsquoamendement Accoyer de-venu entre temps amendement 363 About-Matteacutei annulant le preacuteceacutedent est voteacute par le Seacutenat en ces termes Lrsquousage du titre de psychotheacuterapeute est reacute-serveacute aux professionnels inscrits au registre national de psychotheacuterapeutes (hellip) Sont dis-penseacutes de lrsquoinscription les titulaires drsquoun di-plocircme de docteur en meacutedecine les psycho-logues titulaires drsquoun diplocircme drsquoeacutetat et les psy-chanalystes reacuteguliegraverement enregistreacutes dans les annuaires de leurs associations Les modaliteacutes drsquoapplication du preacutesent article sont fixeacutees par deacutecret Ici les psychanalystes reacuteguliegraverement enregis-treacutes dans les annuaires de leurs associations font leur apparition dans la liste des personnes habiliteacutees agrave user du titre de psychotheacuterapeute

AVRIL 2004 AMENDEMENT DUBERNARD

8 avril 2004 est voteacute agrave lrsquoAssembleacutee nationale lrsquoamendement devenu depuis amendement 344 preacutesenteacute par Jean-Marie Dubernard rap-porteur de la commission des affaires cultu-relles familiales et sociales

POLITIQUE DE SANTE PUBLIQUE (Nordm 1364)

(DEUXIEME LECTURE)

Amendement Nordm 344 preacutesenteacute par M Jean-Michel Dubernard rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles familiales et sociales Article 18 quater La conduite des psychotheacuterapies neacuteces-site soit une formation theacuteorique et pra-tique en psychopathologie clinique soit une formation reconnue par les associa-tions de psychanalystes (hellip) Lrsquousage du

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titre de psychotheacuterapeute est reacuteserveacute aux professionnels inscrits au registre national des psychotheacuterapeutes (hellip) Sont dispen-seacutes de lrsquoinscription sur la liste viseacutee agrave lrsquoali-neacutea preacuteceacutedent les titulaires drsquoun diplocircme de docteur en meacutedecine les personnes autoriseacutees agrave faire usage du titre de psy-chologue dans des conditions deacutefinies par lrsquoarticle 44 portant diverses dispositions drsquoordre social nordm85-772 du 25 juillet 1985 et les psychanalystes reacuteguliegraverement enre-gistreacutes dans les annuaires de leurs asso-ciations

Dans lrsquoexposeacute sommaire on retrouve pour conduire des psychotheacuterapies il est neacutecessaire drsquoavoir suivi une formation theacuteorique et pratique en psychopathologie La condition de lrsquoinscrip-tion sur le registre national est maintenue (hellip)Lrsquoamendement continue agrave preacutevoir que les titu-laires drsquoun diplocircme de meacutedecine les psycho-logues et les psychanalystes sont dispenseacutes de lrsquoenregistrement Ces professionnels devront satisfaire agrave lrsquoobligation de formation mention-neacutee au premier alineacutea de lrsquoarticle

9 AOUT 2004 LOI SUR LE TITRE DE PSYCHOTHEacute-

RAPEUTE ARTICLE 52

Le 28 juillet 2004 a eu lieu la reacuteunion de la commission mixte paritaire qui reacutevise lrsquoamende-ment qui est examineacute en seacuteances publiques par lrsquoAssembleacutee Nationale et le Seacutenat le 30 juil-let 2004 et devient le 09 aoucirct 2004 la loi ndeg2004-806 lrsquoarticle 52 relative agrave la politique de santeacute publique Sa parution est dans le JO ndeg185 du 11 aoucirct 2004 page 14277 texte ndeg 4 Dans cette loi larticle 18 quater revu par la commission mixte a eacuteteacute inteacutegralement repris et devient larticle 52 de la dite Loi

Article 52 Lusage du titre de psychotheacuterapeute est reacuteserveacute aux professionnels inscrits au re-gistre national des psychotheacuterapeutes Linscription est enregistreacutee sur une liste dresseacutee par le repreacutesentant de lEtat dans le deacutepartement de leur reacutesidence profes-sionnelle Elle est tenue agrave jour mise agrave la disposition du public et publieacutee reacuteguliegravere-ment Cette liste mentionne les formations suivies par le professionnel En cas de transfert de la reacutesidence professionnelle dans un autre deacutepartement une nouvelle

inscription est obligatoire La mecircme obli-gation simpose aux personnes qui apregraves deux ans dinterruption veulent agrave nou-veau faire usage du titre de psychotheacutera-peute Linscription sur la liste viseacutee agrave lalineacutea preacuteceacutedent est de droit pour les titulaires dun diplocircme de docteur en meacutedecine les personnes autoriseacutees agrave faire usage du titre de psychologue dans les conditions deacutefinies par larticle 44 de la loi ndeg 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses disposi-tions dordre social et les psychanalystes reacuteguliegraverement enregistreacutes dans les an-nuaires de leurs associations Un deacutecret en Conseil dEtat preacutecise les modaliteacutes dapplication du preacutesent article et les conditions de formation theacuteoriques et pratiques en psychopathologie clinique que doivent remplir les personnes viseacutees aux deuxiegraveme et troisiegraveme alineacuteas

Cet article introduit comme condition de lrsquousage du titre une formation theacuteorique et pratique en psychopathologie clinique alors qursquoil stipule dans le mecircme temps que lrsquoinscription est de droit pour certains professionnels ce qui pose-ra beaucoup de problegravemes pour lrsquoeacutecriture des projets de deacutecret 2005-2009 AVANT-PROJET DrsquoAPPLICATION DE

LA LOI

Les concertations avec les professionnels con-cerneacutes par lrsquoeacutecriture drsquoun avant-projet de deacutecret relatif agrave lrsquousage du titre de psychotheacuterapeute deacutebutent en 2005 Beaucoup de versions vont voir le jour et susciter de vives reacuteactions des professionnels Le ministegravere reacuteunit les organi-sations professionnelles agrave plusieurs reprises pour leur soumettre ces projets Quelques exemples des diffeacuterentes versions de lrsquoavant-projet de deacutecret de loi Version de lrsquoavant projet de deacutecret relatif agrave lrsquousage du titre de psychotheacuterapeute 10 janvier 2006

Art1 Lrsquousage du titre de psychotheacutera-peute neacutecessite une deacutemarche volontaire de la part des professionnels pratiquant les psychotheacuterapies Inscription sur une liste deacutepartementale (hellip) Art2 Lrsquoinscription sur la liste deacutepartemen-

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tale est subordonneacutee pour les professionnels viseacutes au 3

egraveme ali-

neacutea lrsquoattestation de la certification de la for-mation en psychopathologie clinique lrsquoattestation de lrsquoobtention du diplocircme de docteur en meacutedecine ou de lrsquoun des di-plocircme viseacutes au deacutecret ndeg 90-255 du 22 mars 1990 modifieacute (liste des diplocircmes permettant de faire usage professionnel du titre de psychologue) ou de lrsquoinscrip-tion agrave un annuaire drsquoassociations de psy-chanalystes pour les autres professionnels

Lrsquoattestation de la certification de la for-mation en psychopathologie clinique Le cas eacutecheacuteant lrsquoattestation de lrsquoobtention drsquoun diplocircme relatif agrave une profession reacute-glementeacutee dans le champ sanitaire et so-cial Une deacuteclaration sur lrsquohonneur faisant eacutetat des autres formations suivies dans le do-maine de la pratique de la psychotheacutera-pie parmi les quatre approches sui-vantes analytique systeacutemique cognitivo-comportementaliste inteacutegrative La deacuteclaration sur lrsquohonneur mentionne notamment lrsquointituleacute et la date drsquoobtention du diplocircme la dureacutee de la formation le nom et les coordonneacutees de lrsquoorganisme de formation public ou priveacute qui a deacutelivreacute le diplocircme (hellip) Art8 Le cahier des charges susviseacute deacutefi-nit les modaliteacutes de la formation en psy-chopathologie clinique laquelle est drsquoun niveau master Il vise agrave permettre au pro-fessionnel souhaitant user du titre de psy-chotheacuterapeute drsquoacqueacuterir Une connaissance du fonctionnement psychique Une capaciteacute de discrimination de base des situations pathologiques en santeacute mentale Une connaissance de la diversiteacute des theacuteories se rapportant agrave la psychopatholo-gie Une connaissance des 4 principales ap-proches de psychotheacuterapie vali-deacutees scientifiquement (analytique systeacute-mique cognitivo-comportementaliste in-teacutegrative) (hellip)

Il est eacutevoqueacute un niveau master pas de men-

tion drsquoune formation universitaire la loi ne parle que drsquoune formation agrave la psychopathologie cli-nique et stipule ce que seraient les approches psychotheacuterapiques valables scientifiquement ce qui nrsquoest pas sans questionner Titre ouvert aux deacutetenteurs drsquoun diplocircme relatif agrave une pro-fession reacuteglementeacutee dans les champs sani-taires et sociaux ne correspond pas aux preacute requis de la formation en psychopathologie cli-nique Par la suite le descriptif des diffeacuterentes ap-proches de psychotheacuterapie disparaicirct au profit drsquoune connaissance des principales ap-proches utiliseacutees en psychotheacuterapie sans preacute-cision Est indiqueacute le nombre drsquoheures de for-mation theacuteorique (150 heures dans une ver-sion 500 dans une autrehellip) et de stage pra-tique Est stipuleacute que la formation en psychopa-thologie clinique peut ecirctre confieacutee agrave lrsquoUniversiteacute ou agrave des organismes passant convention avec lrsquoUniversiteacute Pour les professionnels inscrits de droit on retrouve les docteurs en meacutedecine quelles que soient leurs speacutecialiteacutes les psycho-logues quelle que soit leur formation et les psy-chanalystes reacuteguliegraverement inscrits dans un an-nuaire drsquoassociation de psychanalystes ce qui nrsquoest pas un titre proteacutegeacute On exige par ailleurs de ces mecircmes professionnels une formation compleacutementaire en psychopathologie viseacutee agrave lrsquoalineacutea 4 de lrsquoarticle 52 ce qui posera pro-blegraveme certaines professions pouvant faire usage du titre de psychotheacuterapeute de droit doivent dans le mecircme texte de loi attester drsquoune formation compleacutementaire Pour tous les professionnels le cas eacutecheacuteant une deacuteclaration sur lrsquohonneur faisant eacutetat des autres formations suivies dans le domaine de la pratique de psychotheacuterapie une attestation drsquoobtention drsquoun diplocircme relatif agrave une profes-sion reacuteglementeacutee par le code de la santeacute pu-blique ou le code de la famille et de lrsquoaction so-ciale Le cahier des charges deacutefinit les modaliteacutes de la formation en psychopathologie clinique pour acqueacuterir ou valider une connaissance des fonctionnements et des processus psychiques une connaissance des critegraveres de discerne-ment des grandes pathologies psychiatriques une connaissance des diffeacuterentes theacuteories se rapportant agrave la psychopathologie une connais-sance des principales approches utiliseacutees en psychotheacuterapie

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Le Ministegravere de la Santeacute ne parvient pas agrave faire aboutir lrsquoeacutecriture de deacutecrets drsquoapplication de-vant faire face aux contestations des diffeacuterents professionnels Au printemps 2008 le Ministegravere de la Santeacute deacutecide drsquoarrecircter un des projets de deacutecret drsquoap-plication de lrsquoarticle 52 soumis au CNESER (Conseil National de lrsquoEnseignement Supeacuterieur et de la Recherche) le 16 juin 2008 Dans la note de preacutesentation on retrouve il ne srsquoagit pas de creacuteer une nouvelle profession ni drsquoen-cadrer la formation et la pratique de la psycho-theacuterapie mais de preacuteciser les conditions dans lesquelles il peut ecirctre fait usage de ce titre Il y est exigeacute pour tous professionnels drsquoavoir valideacute une formation theacuteorique de 400 heures (cest-agrave-dire infeacuterieure au total de la formation en psychopathologie clinique drsquoun Master de Psychologie clinique) et un stage pratique de 5 mois Possibiliteacutes de dispenses partielles de forma-tion selon les cateacutegories professionnelles con-cerneacutees (meacutedecins meacutedecins psychiatres psy-chologues psychanalystes) 18 MARS 2009 PROJET DE LOI PORTANT REacute-

FORME DE LrsquoHOcircPITAL ET RELATIF AUX PATIENTS

Agrave LA SANTEacute ET AUX TERRITOIRES

23 JUILLET 2009 ARTICLE 91 DE LA LOI HPST

Lrsquoarticle 91 de la loi HPST du 21 juillet 2009 opegravere une modification de lrsquoarticle 52 de la loi du 9 aoucirct 2004 pour reacutesoudre les difficulteacutes rencontreacutees agrave eacutecrire un deacutecret drsquoapplication Il modifie lrsquoarticle 52 portant sur lrsquousage du titre de psychotheacuterapeute

Article 52 de la loi ndeg 2004-806 du 9 aoucirct 2004 modifieacute par lrsquoarticle 91 de la loi ndeg 2009

-879 du 21 juillet 2009 Lrsquousage du titre de psychotheacuterapeute est reacuteserveacute aux professionnels inscrits au re-gistre national des psychotheacuterapeutes [hellip] Un deacutecret en Conseil drsquoEacutetat preacutecise les modaliteacutes drsquoapplication du preacutesent ar-ticle et les conditions de formation theacuteo-rique et pratique en psychopathologie cli-nique que doivent remplir lrsquoensemble des professionnels souhaitant srsquoinscrire au registre national des psychotheacuterapeutes Il deacutefinit les conditions dans lesquelles les ministres chargeacutes de la santeacute et de lrsquoen-

seignement supeacuterieur agreacuteent les eacutetablis-sements autoriseacutes agrave deacutelivrer cette forma-tion Lrsquoaccegraves agrave cette formation est reacuteserveacute aux titulaires drsquoun diplocircme de niveau doctorat donnant le droit drsquoexercer la meacutedecine en France ou drsquoun diplocircme de niveau master dont la speacutecialiteacute ou la mention est la psy-chologie ou la psychanalyse Le deacutecret en Conseil drsquoEacutetat deacutefinit les conditions dans lesquelles les titulaires drsquoun diplocircme de docteur en meacutedecine les personnes autoriseacutees agrave faire usage du titre de psychologue dans les conditions deacutefinies par lrsquoarticle 44 de la loi ndeg 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses disposi-tions drsquoordre social et les psychanalystes reacuteguliegraverement enregistreacutes dans les an-nuaires de leurs associations peuvent beacute-neacuteficier drsquoune dispense totale ou partielle pour la formation en psychopathologie clinique [hellip] Le deacutecret en Conseil drsquoEtat preacutecise eacutegale-ment les dispositions transitoires dont pourront beacuteneacuteficier les professionnels jus-tifiant dau moins cinq ans de pratique de la psychotheacuterapie agrave la date de publication du deacutecret

Il nrsquoy a plus de notion de professionnels inscrits de droit la formation en psychopatho-logie clinique est exigible de tous et lrsquoaccegraves agrave cette formation requiert un niveau de diplocircme eacuteleveacute titre de docteur en meacutedecine master de psychologie ou de psychanalyse Y sont tou-jours mentionneacutes les psychanalystes reacuteguliegrave-rement enregistreacutes dans les annuaires de leurs associations 20 MAI 2010 DEacuteCRET DrsquoAPPLICATION RELATIF Agrave LrsquoUSAGE DU TITRE DE PSYCHOTHEacuteRAPEUTE (CF

ANNEXE)

Le 20 mai 2010 paraicirct le deacutecret relatif agrave lrsquousage du titre de psychotheacuterapeute publieacute au JO ndeg0117 du 22 mai 2010 (deacutecret ndeg 2010-534) Ce deacutecret deacutefinit les critegraveres de formation en psychopathologie clinique exigeacutee fixe les con-ditions drsquoagreacutement des eacutetablissements de for-mation preacutecise les dispenses partielles ou to-tales de formation dont peuvent beacuteneacuteficier les meacutedecins psychologues et psychanalystes et enfin arrecircte les dispositions transitoires appli-cables aux psychotheacuterapeutes en exercice agrave

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 37

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

la date de publication du deacutecret Il nrsquoy est tou-jours pas fait mention de formation agrave la pra-tique psychotheacuterapique Il preacutecise une condition de diplocircme minimal pour avoir accegraves agrave cette formation Elle est reacute-serveacutee aux personnes titulaires drsquoun doctorat de meacutedecine ou drsquoun master ayant pour men-tion ou pour speacutecialiteacute la psychologie ou la psy-chanalyse Les psychiatres sont exempteacutes de formation compleacutementaire Les meacutedecins non psy-chiatres seront contraints agrave une formation com-pleacutementaire On retrouve la notion de psychologue clinicien qui ne correspond pas agrave un titre proteacutegeacute comme tel ni un parcours de formation identifieacutee Les psychologues clini-ciens nrsquoont pas de dispense totale et devront se soumettre agrave une formation theacuteorique et pra-tique compleacutementaire La formation theacuteorique comprend 400 heures drsquoenseignement pour acqueacuterir ou valider des connaissances relatives au deacuteveloppement fonctionnement et processus psychiques aux critegraveres de discernement des grandes patholo-gies psychiatriques aux diffeacuterentes theacuteories se rapportant agrave la psychopathologie aux princi-pales approches utiliseacutees en psychotheacuterapie Le stage est drsquoune dureacutee minimale de cinq mois Les professionnels justifiant drsquoau moins 5 ans de pratique de la psychotheacuterapie peuvent ecirctre inscrits sur la liste deacutepartementale apregraves avis de la commission reacutegionale drsquoinscription Le deacutecret ne preacutecise pas la cateacutegorie professionnelle nrsquoappartenant agrave aucune des cateacutegories preacuteceacutedentes que lrsquoon voit en effet apparaicirctre dans lrsquoannexe du deacutecret Le deacutecret a renforceacute le niveau exigeacute pour agreacuteer les eacutetablissements de formation Les psychologues notamment par le biais de leurs organisations professionnelles et syndi-cales ont deacuteposeacute un recours juridique contre le deacutecret relatif agrave lrsquousage du titre de psychotheacutera-peute le 12 juillet 2010 Ils contestaient notam-ment que lrsquoon exige drsquoeux des formations com-pleacutementaires qui sont deacutejagrave incluses dans leur formation initiale Le recours a eacuteteacute examineacute le mercredi 21 sep-tembre 2011 Le rapporteur public a conclu au rejet de lrsquoensemble des requecirctes porteacute contre le deacutecret ndeg2010-534 du 20 mai 2010 arrecirct du Conseil drsquoEtat du 27 octobre 2011 Ce deacutecret

est jugeacute conforme agrave lrsquoarticle 52 de la loi ndeg2004-806 du 9 aoucirct 2004 relative agrave la politique de santeacute publique modifieacutee par la loi ndeg2011-940 du 10 aoucirct 2011-art 47 (V) Les organisations professionnelles de psychologues sont en pourparler et eacutevoquent une modification de lrsquoannexe du deacutecret qui pourrait ecirctre en reacuteeacutecri-ture pour mettre agrave pariteacute psychologues et psy-chiatres pour la dispense totale de lrsquoenseigne-ment theacuteorique et du stage srsquoil a eacuteteacute effectueacute pendant les eacutetudes Fin 2011 les bureaux concerneacutes au Ministegravere de la Santeacute et au Ministegravere de lrsquoenseignement Supeacuterieur et de la Recherche examinent un projet de modification de lrsquoannexe du deacutecret du 20 mai 2010 afin de preacutevoir une dispense de formation theacuteorique compleacutementaire et de stage pour les titulaires du titre de psychologue ayant accompli le stage professionnel lieacute agrave lrsquoob-tention de ce titre dans les conditions preacutevues agrave lrsquoart4 du deacutecret du 20 mai 2010 Une dis-pense de toute formation theacuteorique mais reacuteali-sation drsquoun stage de 2 mois dans les conditions de lrsquoart4 du deacutecret pour les titulaires du titre de psychologue dont le stage professionnel lieacute agrave lrsquoobtention de ce titre nrsquoa pas eacuteteacute reacutealiseacute dans les conditions de cet article (voir sites des orga-nisations professionnelles et syndicales)

CONCLUSION

Au deacutecours de ce long cheminement pour lrsquoeacutela-borer une loi portant sur lrsquousage du titre de psy-chotheacuterapeute on remarquera lrsquoimpasse faite sur la formation agrave la pratique de la psychotheacute-rapie elle-mecircme Ce titre pourra ecirctre en effet deacutelivreacute agrave des personnes dont on nrsquoaura pas exi-geacute de formation agrave la psychotheacuterapie mais une formation agrave la psychopathologie clinique Une confusion suppleacutementaire dans la visibiliteacute des professions et leurs missions est introduite par le biais drsquoun nouveau titre de psychotheacuterapeute Il est agrave souligner que concernant les profes-sions reacuteglementeacutees dont font partie les psy-chologues la pratique de la psychotheacuterapie peut sous reacuteserve drsquoune formation compleacute-mentaire personnelle faire partie de leur activi-teacute Le titre de psychotheacuterapeute ne leur est donc pas neacutecessaire (Cf argumentaires sur le site des organisations professionnelles et syn-dicales)

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 38

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

Decret ndeg2010-534 du 20 mai 2010 relatif agrave lrsquousage du titre de psychotheacuterapeute

Article 1 Linscription sur le registre national des psy-chotheacuterapeutes mentionneacute agrave larticle 52 de la loi du 9 aoucirct 2004 susviseacutee est subordon-neacutee agrave la validation dune formation en psy-chopathologie clinique de 400 heures mini-mum et dun stage pratique dune dureacutee mi-nimale correspondant agrave cinq mois effectueacute

dans les conditions preacutevues agrave larticle 4Laccegraves agrave cette formation est reacuteserveacute aux titulaires dun diplocircme de niveau doctorat donnant le droit dexercer la meacutedecine en France ou dun diplocircme de niveau master dont la speacutecialiteacute ou la mention est la psy-

chologie ou la psychanalyse Article 2 Par deacuterogation aux dispositions de larticle preacuteceacutedent les professionnels mentionneacutes au cinquiegraveme alineacutea de larticle 52 de la loi preacuteciteacutee sont dispenseacutes en tout ou partie de la formation et du stage dans les conditions

preacutevues par lannexe 1 du preacutesent deacutecret Article 3 La formation mentionneacutee agrave larticle 1er vise agrave permettre aux professionnels souhaitant user du titre de psychotheacuterapeute dacqueacuterir

et de valider des connaissances relatives 1deg Aux deacuteveloppement fonctionnement et

processus psychiques 2deg Aux critegraveres de

discernement des grandes pathologies psy-

chiatriques 3deg Aux diffeacuterentes theacuteories se

rapportant agrave la psychopathologie 4deg Aux

principales approches utiliseacutees en psycho-

theacuterapie Article 4 Le stage pratique mentionneacute agrave larticle 1er seffectue agrave temps plein ou agrave temps partiel de faccedilon continue ou par peacuteriodes fraction-

neacuteesIl est accompli dans un eacutetablissement

public ou priveacute deacutetenant lautorisation men-tionneacutee agrave larticle L 6122-1 du code de la santeacute publique ou agrave larticle L 313-1-1 du code de laction sociale et des familles Toutefois le site du stage ne peut ecirctre le

lieu de travail de la personne en formationLe stage est placeacute sous la responsabiliteacute conjointe dun membre de leacutequipe de for-mation dun eacutetablissement agreacuteeacute en appli-

cation des articles 10 et 15 et dun profes-sionnel de leacutetablissement mentionneacute au

deuxiegraveme alineacutea maicirctre de stageIl donne

lieu agrave un rapport sur lexpeacuterience profes-sionnelle acquise soutenu devant les res-ponsables du stage et un responsable de la

formation de leacutetablissement agreacuteeacuteLe

stage est valideacute par le responsable de la

formation Article 5 Le contenu de la formation theacuteorique et pra-tique mentionneacutee agrave larticle 1er les critegraveres et modaliteacutes de son eacutevaluation ainsi que les objectifs du stage sont deacutefinis par un cahier des charges pris par arrecircteacute conjoint des mi-nistres chargeacutes de la santeacute et de lenseigne-ment supeacuterieur et publieacute au Journal officiel

de la Reacutepublique franccedilaise Article 6 Leacutetablissement de formation sassure au moment de linscription que le candidat jus-tifie de lun des diplocircmes ou titres de forma-tion mentionneacutes au quatriegraveme alineacutea de lar-ticle 52 de la loi du 9 aoucirct 2004 ou dun di-plocircme ou titre de formation reconnu eacutequiva-lent dans un autre Etat membre de lUnion europeacuteenne ou un autre Etat partie agrave lac-

cord sur lEspace eacuteconomique europeacuteen CHAPITRE II LE REGISTRE NATIONAL DES

PSYCHOTHERAPEUTES Article 7 ― Linscription sur la liste deacutepartementale

mentionneacutee au deuxiegraveme alineacutea de larticle 52 de la loi du 9 aoucirct 2004 est effectueacutee par le preacutefet du deacutepar-tement de la reacutesidence profession-

nelle principale du demandeurElle

est gratuite Elle doit avoir eacuteteacute effec-tueacutee avant toute utilisation du titre de

psychotheacuterapeuteDans le cas ougrave le

professionnel exerce dans plusieurs sites en tant que psychotheacuterapeute il est tenu de le deacuteclarer et de mention-ner les diffeacuterentes adresses de ses

lieux dexerciceEn cas de change-

ment de situation professionnelle le professionnel en informe les services

du preacutefet - La demande est adresseacutee au directeur geacute-

neacuteral de lagence reacutegionale de santeacute

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 39

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

dans le ressort duquel se situe la reacute-sidence professionnelle du deman-deur Celui-ci deacutelivre un accuseacute de reacuteception dans les conditions fixeacutees par le deacutecret du 6 juin 2001 susviseacute apregraves reacuteception de lensemble des piegraveces justificatives mentionneacutees agrave larticle 8 et assure linstruction pour le compte du preacutefet Il fait connaicirctre agrave ce dernier son avis sur la demande dinscription dans le deacutelai de 45

joursLe silence gardeacute par lautoriteacute

preacutefectorale agrave lexpiration dun deacutelai de deux mois agrave compter de la reacutecep-tion du dossier complet vaut deacutecision

de rejet de la demande - Lensemble des listes deacutepartementales

constitue le registre national des psy-

chotheacuterapeutes Article 8 I ― En vue de leur inscription sur la liste deacutepartementale les professionnels fournis-

sent 1deg La copie dune piegravece didentiteacute 2deg Lattestation de lobtention du titre de for-mation mentionneacute agrave larticle L 4131-1 du code de la santeacute publique ou du diplocircme de

niveau master mentionneacute agrave larticle 6 3deg

Lattestation de la formation en psychopa-thologie clinique mentionneacutee agrave larticle 1er agrave lexception des professionnels beacuteneacuteficiant

dune dispense totale 4deg Le cas eacutecheacuteant

lattestation denregistrement pour les pro-fessions et titres reacuteglementeacutes par le code de la santeacute publique et le code de laction

sociale et des familles II - Les professionnels appartenant agrave lune des trois cateacutegories mentionneacutees au cin-quiegraveme alineacutea de larticle 52 de la loi du 9 aoucirct 2004 susviseacutee fournissent en outre se-

lon les cas 1deg Soit lattestation de lobten-

tion du titre de formation de speacutecialiste en

psychiatrie 2deg Soit lattestation de lobten-

tion de lun des diplocircmes mentionneacutes au deacutecret du 22 mars 1990 susviseacute permettant de faire usage professionnel du titre de psy-chologue ou lautorisation obtenue en appli-cation des alineacuteas II et III de larticle 44 de

la loi du 25 juillet 1985 susviseacutee 3deg Soit

lattestation de lenregistrement reacutegulier dans un annuaire dassociation de psycha-

nalystesCette attestation est eacutetablie par le

preacutesident de lassociation Elle est accom-pagneacutee dune copie de linsertion la plus reacute-cente au Journal officiel de la Reacutepublique franccedilaise concernant lassociation et men-

tionnant son objetIII - Les modaliteacutes de

preacutesentation de la demande dinscription et notamment la composition du dossier ac-compagnant la demande sont fixeacutees par arrecircteacute du ministre chargeacute de la santeacute publieacute au Journal officiel de la Reacutepublique fran-

ccedilaise Article 9 La liste deacutepartementale mentionne pour

chaque professionnel 1deg Son identiteacute 2deg

Son lieu dexercice principal et sil y a lieu

ses lieux dexercice secondaires 3deg Le cas

eacutecheacuteant la mention et la date dobtention des diplocircmes relatifs aux professions de santeacute mentionneacutees dans la quatriegraveme partie du code de la santeacute publique ou agrave la profes-sion de psychologue la date de lautorisa-tion obtenue en application des alineacuteas II et III de larticle 44 de la loi du 25 juillet 1985 susviseacutee ou le nom de lassociation de psy-chanalystes dans lannuaire de laquelle le professionnel est reacuteguliegraverement enregistreacute

4deg Le nom de leacutetablissement de formation

ayant deacutelivreacute lattestation de formation en psychopathologie clinique ainsi que la date

de deacutelivrance de cette attestationCe docu-

ment preacutesente la liste des inscrits selon leur

profession dorigineCette liste est tenue

gratuitement agrave la disposition du public Elle est publieacutee chaque anneacutee au recueil des

actes administratifs de la preacutefecture

CHAPITRE III AGREMENT DES ETABLISSE-

MENTS DE FORMATION Article 10 ― Les eacutetablissements autoriseacutes agrave deacutelivrer

la formation preacutevue agrave larticle 1er sont agreacuteeacutes pour quatre ans par les ministres chargeacutes de la santeacute et de lenseignement supeacuterieur apregraves avis dune commission reacutegionale dagreacute-

ment - La commission reacutegionale dagreacutement est

composeacutee de six personnaliteacutes quali-fieacutees titulaires et de six personnaliteacutes

qualifieacutees suppleacuteantesCes person-

naliteacutes sont nommeacutees pour trois ans

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Quels changements pour le meacutetier de psychologue

par le directeur geacuteneacuteral de lagence reacutegionale de santeacute qui les choisit en raison de leurs compeacutetences dans les domaines de la formation et de leur expeacuterience professionnelle dans le champ de la psychiatrie de la psy-chanalyse ou de la psychopathologie clinique sans quaucune des trois cateacutegories de professionnels men-tionneacutees au cinquiegraveme alineacutea de lar-ticle 52 de la loi du 9 aoucirct 2004 sus-viseacutee ne soit majoritaire au sein de la

commissionParmi ces personnali-

teacutes siegravegent deux professeurs des universiteacutes speacutecialiseacutes en psychia-

trie psychologie ou psychanalyseLe directeur geacuteneacuteral de lagence reacute-gionale de santeacute deacutesigne le preacutesident

de la commissionLe mandat des

membres de la commission est re-

nouvelable une fois Article 11 Lavis motiveacute de la commission est rendu

au regard des eacuteleacutements suivants 1deg La

conformiteacute du contenu de la formation pro-poseacutee aux conditions poseacutees aux articles

1er 2 3 4 et 5 du preacutesent deacutecret 2deg La

conformiteacute des conditions et modaliteacutes de validation de la formation theacuteorique et pra-tique preacutevues par leacutetablissement au regard des dispositions preacutevues par larrecircteacute men-

tionneacute agrave larticle 5 du preacutesent deacutecret 3deg

Lengagement de leacutetablissement dans une deacutemarche deacutevaluation de la qualiteacute de la formation dispenseacutee Il fait lobjet dun dos-sier indiquant la structure publique ou pri-veacutee de son choix agrave laquelle sera confieacutee leacutevaluation en cause ainsi que le processus deacutevaluation retenu Ce dossier preacutecise en outre le statut de leacutevaluation la meacutethode utiliseacutee les indicateurs retenus et les diffeacute-rentes phases de leacutevaluation lidentiteacute et la qualification des eacutevaluateurs ainsi que le

calendrier preacutevisionnel de leacutevaluation 4deg

La qualiteacute de leacutequipe peacutedagogique respon-sable qui est composeacutee notamment densei-gnants permanents de professionnels de santeacute ainsi que de personnes autoriseacutees agrave porter le titre de psychotheacuterapeute Cette eacutequipe est placeacutee sous lautoriteacute dun con-seil scientifique comprenant notamment un

titulaire dun titre de formation mentionneacute agrave larticle L 4131-1 du code de la santeacute pu-

blique 5deg Ladeacutequation des moyens peacuteda-

gogiques par rapport au projet peacutedagogique et agrave leffectif des eacutelegraveves dans les diffeacuterentes

anneacutees de formation 6deg La conformiteacute des

locaux en matiegravere de seacutecuriteacute et daccessi-biliteacute ainsi que leur adeacutequation par rapport au projet peacutedagogique et agrave leffectif des eacutelegraveves dans les diffeacuterentes anneacutees de for-

mationLes eacutetablissements denseigne-

ment priveacutes doivent en outre satisfaire aux prescriptions des articles L 731-1 agrave L 731-

17 du code de leacuteducation Article 12 La personne physique ou morale juridique-ment responsable dun eacutetablissement de formation deacutesirant assurer la formation mentionneacutee agrave larticle 1er eacutetablit un dossier

de demande dagreacutementCe dossier est

adresseacute au plus tard six mois avant la date de louverture de la formation au directeur geacuteneacuteral de lagence reacutegionale de santeacute dans le ressort duquel leacutetablissement a son

siegravege socialCelui-ci en accuse reacuteception

dans les conditions fixeacutees par le deacutecret du 6

juin 2001 susviseacuteLa composition de ce

dossier est fixeacutee par arrecircteacute conjoint des mi-nistres chargeacutes de la santeacute et de lenseigne-ment supeacuterieur Il comporte notamment les statuts de leacutetablissement de formation et sa capaciteacute daccueil la description des forma-tions deacutelivreacutees la description des locaux et des moyens peacutedagogiques Il preacutecise sagissant de la formation en psychopatho-logie clinique le contenu de la formation theacuteorique et pratique deacutelivreacutee le descriptif du corps enseignant (effectifs qualiteacute quali-fication) la nature des activiteacutes et de la par-ticipation agrave la recherche de leacutequipe respon-

sable de la formation Article 13 Tout dossier deacuteposeacute est transmis par le di-recteur geacuteneacuteral de lagence reacutegionale de santeacute au secreacutetariat de la commission dans un deacutelai dun mois agrave compter de laccuseacute de

reacuteception de la demande initialeLa com-

mission se reacuteunit sur convocation de son preacutesident et dans les conditions fixeacutees par le deacutecret du 8 juin 2006 susviseacute Elle rend son avis dans le deacutelai de deux mois agrave

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Quels changements pour le meacutetier de psychologue

compter de sa saisineLe repreacutesentant de

leacutetablissement de formation est entendu par la commission reacutegionale sil en formule le souhait au moment du deacutepocirct de la candi-

dature ou agrave la demande de la commissionLavis est notifieacute agrave leacutetablissement qui a in-

troduit la demande Article 14 En cas davis neacutegatif et dans un deacutelai dun mois suivant sa notification le repreacutesentant de leacutetablissement de formation peut de-mander au directeur geacuteneacuteral de lagence reacutegionale de santeacute de convoquer une nou-

velle reacuteunion de la commissionCelle-ci

siegravege dans une formation eacutelargie agrave len-semble de ses membres titulaires et sup-

pleacuteantsSon avis se substitue au premier

avis rendu Article 15 La deacutecision dagreacutement intervient au plus tard six mois apregraves le deacutepocirct de la demande initiale En cas de recours dans les condi-tions preacutevues agrave larticle 14 ce deacutelai est pro-

longeacute de deux moisLe silence de ladmi-

nistration agrave lexpiration de ce deacutelai vaut deacute-

cision de rejetLa suspension ou le retrait

de lagreacutement sont prononceacutes par deacutecision motiveacutee des ministres chargeacutes de la santeacute et de lenseignement supeacuterieur apregraves que leacutetablissement a eacuteteacute mis agrave mecircme de preacute-senter ses observations lorsque le contenu ou les modaliteacutes dorganisation de la forma-tion cessent decirctre conformes aux condi-tions preacutevues agrave larticle 11 du preacutesent deacute-

cret CHAPITRE IV DISPOSITIONS TRANSI-

TOIRES Article 16

I ― Les professionnels justifiant dau moins cinq ans de pratique de la psychotheacutera-pie agrave la date de publication du preacutesent deacutecret peuvent ecirctre inscrits sur la liste deacutepartementale mentionneacutee agrave larticle 7 alors mecircme quils ne remplissent pas les conditions de formation et de diplocircme preacutevues aux articles 1er et 6 du preacutesent deacutecret Cette deacuterogation est accordeacutee par le preacutefet du deacutepartement de la reacutesi-dence professionnelle du demandeur apregraves avis de la commission reacutegionale dinscription Le professionnel preacutesente

cette autorisation lors de sa demande dinscription sur la liste deacutepartementale

des psychotheacuterapeutes II - La commission mentionneacutee au I est preacutesi-

deacutee par le directeur geacuteneacuteral de lagence reacutegionale de santeacute ou par la personne quil a reacuteguliegraverement deacutesigneacutee pour le repreacutesenter Elle comprend six person-naliteacutes qualifieacutees titulaires et six person-naliteacutes suppleacuteantes appartenant agrave lune des trois cateacutegories mentionneacutees au cin-quiegraveme alineacutea de larticle 52 de la loi du 9 aoucirct 2004 susviseacutee et nommeacutees par le directeur geacuteneacuteral de lagence reacutegio-nale de santeacute qui les choisit en raison de leurs compeacutetences dans les domaines de la formation et de leur expeacuterience professionnelle dans le champ de la psychiatrie de la psychanalyse ou de la psychopathologie clinique sans quau-cune de ces trois cateacutegories de profes-sionnels ne soit majoritaire au sein de la commission Ses membres sont nom-meacutes pour une dureacutee de trois ans renou-

velable une foisLa commission se reacuteu-

nit dans les conditions fixeacutees par le deacute-

cret du 8 juin 2006 susviseacuteLes frais de

deacuteplacement et de seacutejour de ses membres sont pris en charge dans les conditions preacutevues par la reacuteglementation

applicable aux fonctionnaires de lEtatLa commission sassure que les forma-tions preacuteceacutedemment valideacutees par le pro-fessionnel et son expeacuterience profession-nelle peuvent ecirctre admises en eacutequiva-lence de la formation minimale preacutevue agrave larticle 1er et le cas eacutecheacuteant du di-plocircme preacutevu agrave larticle 6 Elle deacutefinit si neacutecessaire la nature et la dureacutee de la formation compleacutementaire neacutecessaire agrave linscription sur le registre des psycho-

theacuterapeutesLe professionnel est en-

tendu par la commission sil en formule le souhait au moment du deacutepocirct de son dossier ou agrave la demande de la commis-

sion Article 17 Les professionnels qui souhaitent obtenir une autorisation dinscription sur le registre des psychotheacuterapeutes en application de larticle 16 preacutesentent dans le deacutelai dun an

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Quels changements pour le meacutetier de psychologue

agrave compter de la publication du preacutesent deacute-cret un dossier en ce sens dans les condi-

tions preacutevues agrave larticle 7Cette demande

est accompagneacutee des piegraveces justificatives notamment administratives attestant de

lexercice de la psychotheacuterapieA la reacutecep-

tion du dossier complet il est deacutelivreacute agrave linteacuteresseacute un accuseacute de reacuteception deacutelivreacute dans les conditions fixeacutees par le deacutecret du 6 juin 2001 susviseacute Celui-ci permet au pro-fessionnel qui utilisait preacuteceacutedemment le titre de psychotheacuterapeute de continuer agrave lutiliser

jusquagrave lintervention de la deacutecisionLe si-

lence gardeacute pendant plus de six mois sur une demande preacutesenteacutee au titre du I de lar-ticle 16 vaut deacutecision de rejet Dans les cas ougrave en application de ces dispositions il est demandeacute au candidat de justifier dune for-mation compleacutementaire celle-ci doit ecirctre effectueacutee avant le 1er janvier 2014 Si cette exigence nest pas remplie le preacutefet retire le professionnel des inscrits sur la liste deacute-

partementale des psychotheacuterapeutes Article 18 Les dispositions du preacutesent deacutecret entrent

en vigueur agrave compter du 1er juillet 2010Pour lapplication du preacutesent deacutecret agrave Saint-Pierre-et-Miquelon les compeacutetences deacutevo-lues au directeur geacuteneacuteral de lagence reacutegio-nale de santeacute par le preacutesent deacutecret sont exerceacutees par les services chargeacutes de lad-

ministration territoriale de la santeacute Article 19 Le ministre de linteacuterieur de loutre-mer et des collectiviteacutes territoriales la ministre de lenseignement supeacuterieur et de la re-cherche la ministre de la santeacute et des sports et la ministre aupregraves du ministre de linteacuterieur de loutre-mer et des collectiviteacutes territoriales chargeacutee de loutre-mer sont chargeacutes chacun en ce qui le concerne de lexeacutecution du preacutesent deacutecret qui sera pu-blieacute au Journal officiel de la Reacutepublique franccedilaise

ANNEXE NOMBRES DHEURES DE FORMATION

EN PSYCHOPATHOLOGIE CLINIQUEEXIGEacuteES DES CANDIDATS AU TITRE DE

PSYCHOTHEacuteRAPEUTE

THEgraveME de formation

PSYCHIATRES Dispense totale

MEacuteDECINS non psychiatres

PSYCHOLOGUES cliniciens

PSYCHOLOGUES non cliniciens

PSYCHANALYSTES Reacuteguliegraverement enre-gistreacutes dans leur annuaires

PROFESSIONNELS nappartenant agrave aucune des cateacutego-ries preacuteceacutedentes

Deacuteveloppement fonctionnement et processus psychiques

0 h

0 h

0 h

0 h

0 h

100 h

Critegraveres de discernement des grandes pathologies psychiatriques

0 h

0 h

50 h

100 h

100 h

100 h

Theacuteories se rapportant agrave la psychopatholo-gie

0 h

100 h

50 h

100 h

50 h

100 h

Principale ap-proches utili-seacutees en psycho-theacuterapie

0 h

100 h

50 h

100 h

50 h

100 h

Stage

0 mois

2 mois

2 mois

5 mois

2 mois

5 mois

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 43

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

Psychotheacuterapeute agrave quel titre

Patrice Nomineacute CSAPA Espace Murger - Service de Psychiatrie

Adulte du Pr Jean Pierre Leacutepine Hocircpital Fernand Widal

L a preacuteoccupation des pouvoirs publics de

reacuteglementer la pratique officielle de la

psychotheacuterapie provoque des turbu-

lences dans le petit monde des psychologues

qui se targuent drsquoen effectuer sous les formes

les plus diverses et qui se voient sommeacutes de

faire la preuve de leur formation dans ce do-

maine agrave deacutefaut de faire de mecircme en ce qui

concerne leur compeacutetence ce qui par ailleurs

nrsquoest guegravere deacutemontrable

Chacun drsquoentre eux peut bien entendu invoquer

son expeacuterience ineffable ou le prestige accordeacute

agrave sa theacuteorie de reacutefeacuterence pour estimer leacutegitime

de srsquoaffranchir drsquoune telle justification tout en

ne perdant pas de vue qursquoun statut estampilleacute

par lrsquoautoriteacute administrative peut garantir la

poursuite sereine de telles activiteacutes Pour les

plus eacuteclectiques le choix drsquoune eacutecole certifiante

ressemblera agrave un mariage de raison

Crsquoest donc au prix drsquoune soumission agrave lrsquoautoriteacute

que lrsquoexercice drsquoune telle liberteacute peut espeacuterer

se perpeacutetuer Crsquoest lagrave lrsquoune des formes de la

reacutesignation peu glorieuse certes agrave laquelle on

pourrait preacutefeacuterer le discernement formulation

bien plus acceptable au regard de lrsquoestime de

soi Crsquoest ce dont semblent avoir manqueacute celui

ou celle ou ceux qui ont cru bon drsquoaller couiner

dans une oreille des plus compatissantes que

la pratique de la psychotheacuterapie devait ecirctre reacute-

serveacutee agrave des professionnels persuadeacutes de sa-

voir y faire et capables de preacutesenter des ga-

ranties plutocirct qursquoagrave des gougnafiers mecircme pas

fichus drsquoexhiber la moindre preuve convain-

cante de la leacutegitimiteacute de leurs preacutetentions Ce

qui est drsquoailleurs la reacutealiteacute Mais comment

srsquoeacutetonner drsquoune telle beacutevue si lrsquoon srsquoen rap-

porte agrave la ceacutelegravebre Loi de Murphy qui eacutenonce

que sil y a plusieurs faccedilons de faire quelque

chose et que lune delles peut aboutir agrave une

catastrophe alors quelquun la choisira

Les mecircmes qui reacuteclamaient la mise en place

drsquoune reacuteglementation officielle reacuteservant le titre

de psychotheacuterapeute agrave des professionnels de

qualiteacute ducircment formeacutes agrave cet effet sont parmi

les premiers agrave protester contre les formes don-

neacutees agrave cette derniegravere par une souveraineteacute deacute-

ficitaire dont lrsquoexercice autoritaire nous rappelle

que nous sommes destineacutes agrave nous faire ap-

prendre ce que lrsquoon sait deacutejagrave par des gens qui

nrsquoy connaissent rien Agrave lrsquoheure de la prolifeacutera-

tion des reacutefeacuterentiels et des protocoles reacuteclamer

encore un peu plus de controcircles et de veacuterifica-

tions suspicieuses ne peut que servir de via-

tique aux frileux de la subjectiviteacute qui sont

friands de contraintes rassurantes Et on ne

srsquoeacutetonnera pas de les voir se formaliser drsquoen

avoir appeleacute agrave Raminagrobis comme dans la

ceacutelegravebre fable de Jean de La Fontaine Le

chat la belette et le petit lapin

Crsquoeacutetait un chat vivant comme un deacutevot ermite

Un chat faisant la chattemite

Un saint homme de chat bien fourreacute gros et

gras

Arbitre expert sur tous les cas

Et de voir se faire croquer tout uniment secta-

teurs et protestataires tout marris drsquoavoir con-

senti agrave lrsquoincompeacutetence et la condescendance

de deacutecideurs comme on dit le sort de leurs

activiteacutes Drsquoougrave la singularisation des heacutesitants

ameacutenagements survenus qui vident du proceacute-

deacute la geacuteneacuteralisation qursquoil visait au profit de re-

connaissances professionnelles plus contrai-

gnantes encore par la judiciarisation des liber-

teacutes du mecircme tonneau Et ce qui ne peut agrave lrsquoeacutevi-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 44

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

dence valoir pour tous nrsquoa que peu de chances

de valoir davantage pour chacun Ce seraient

donc des organisations professionnelles qui se

verraient deacutecerner des preacuterogatives pour les

beacuteneacuteficiaires qui auront eu la bonne ideacutee de srsquoy

glisser Cela veacuterifie tout agrave la fois la meacuteta-loi de

Cooper qui eacutenonce qursquoune prolifeacuteration de

nouvelles lois creacutee une prolifeacuteration de nou-

veaux vides juridiques et ce bon vieux pro-

verbe qui dit que le clou qui deacutepasse attire le

marteau

On savait deacutenombrer quelques centaines de

types de psychotheacuterapies pleacutethore drsquoautant

plus deacuterisoire que cette recension ne concerne

le plus souvent que des techniques psychotheacute-

rapiques certes impliqueacutees dans des disposi-

tifs agrave viseacutee theacuterapeutique mais certainement

incapables de deacutefinir la psychotheacuterapie car

comment eacutetablir un modegravele de lrsquoindeacutefinissable

Pour autant il sera difficile de deacutemontrer que la

formation certifieacutee agrave une technique psychotheacute-

rapique est assimilable agrave la performance de sa

mise en oeuvre Car qursquoen est-il vraiment dans

la reacutealiteacute de ces audacieuses pratiques Srsquoagit

-il drsquoune illusion entretenue par les theacuterapeutes

sur lrsquointeacuterecirct de leurs manœuvres Les patients

qui srsquoy exposent ne font-ils que changer de re-

gistre de repreacutesentations ou accegravedent-ils reacuteelle-

ment agrave une autre dimension de leur ecirctre Et

comment srsquoaccommodent-ils des aventures

parfois interminables dans lesquelles de telles

situations les plongent

Ces derniers qui se sont aperccedilus que le destin

commenccedilait agrave leur masser les eacutepaules srsquoils

nrsquoacceptent la perspective du changement que

par neacutecessiteacute et la neacutecessiteacute que parce que

leur sentiment drsquoexistence se trouve en deacutelica-

tesse se trouvent le plus souvent agrave la re-

cherche drsquoun sentiment perdu celui de la com-

pleacutetude Et ce sont eux qui deacutecident finalement

si leur rencontre avec un ou une psychologue

doit prendre cette tournure apregraves avoir eacutepuiseacute

tout ce qui leur avait jusque-lagrave permis drsquoy

eacutechapper Ils nrsquoont plus confiance dans la reacuteali-

teacute qui nrsquoest elle-mecircme apregraves tout qursquoun pres-

sentiment collectif Crsquoest que le patient qui se

reacutesout agrave consulter fait la preuve qursquoil a reacuteussi agrave

surmonter sa honte de devoir neacutecessiter une

telle deacutemarche ce qui deacutemontre lrsquoexistence de

la premiegravere ressource personnelle qui lui ap-

partient Si le patient neacuteglige ce qui le pousse agrave

changer alors le changement lui-mecircme est neacute-

gligeacute Il doit rencontrer une attitude telle qursquoil en

ressentira de la consideacuteration premiegravere res-

source theacuterapeutique en retour agrave la disposition

du psychotheacuterapeute

Et puis on voit tous les jours des patients aller

mieux en deacutepit de nos subtiles interventions

peut-ecirctre gracircce aux perfectibiliteacutes de celles-ci

Le patient met son talent agrave notre service mais

pour le bon deacuteroulement des choses il doit ecirctre

eacuteclaireacute sur ses responsabiliteacutes Prisonnier des

circonstances ce qui le rend malheureux le

patient soucieux de participer agrave son eacutemancipa-

tion doit inciter son ou sa psychotheacuterapeute

par des questions simples et bienveillantes agrave

reformuler ce qursquoil comprend de la situation et agrave

exprimer son ressenti Il est essentiel que le

theacuterapeute se sente eacutecouteacute informeacute et respec-

teacute Il ne doit pas craindre de lrsquoimportuner

puisque de toute faccedilon ce sera le cas En preacute-

servant la liberteacute de penseacutee de ce dernier et en

veillant agrave le faire participer aux orientations de

la theacuterapie le patient doit mettre une grande

conviction agrave le convaincre qursquoil est la personne

concerneacutee en premier lieu par le choix de celle-

ci avec la capaciteacute de reacutefleacutechir et de prendre

les deacutecisions qui le concernent agrave partir des in-

formations qursquoil partage avec lui Le patient de-

vra eacutegalement precircter attention aux signes de

conduites addictives ou aux troubles obses-

sionnels compulsifs du psychotheacuterapeute Un

signe drsquoappel agrave connaicirctre est la position con-

descendante ou le silence obstineacute ou encore

la somnolence difficilement dissimuleacutee qui sont

sans rapport avec les attentes drsquoeacutecoute et de

compreacutehension que le patient tente drsquoexprimer

Le patient doit savoir que la preacutevalence du sui-

cide de la deacutepression du syndrome deacutecision-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 45

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

nel de lrsquoalcoolisme et de la toxicomanie est

bien supeacuterieure chez les psychotheacuterapeutes agrave

celle de la population geacuteneacuterale Il srsquoefforcera

donc de lui faciliter la vie par de petites atten-

tions ou remarques gratifiantes afin de ne pas

alimenter les fameux dysfonctionnements dont

les protocoles theacuterapeutiques se sont enticheacutes

Enfin les interlocuteurs ne devront jamais

perdre de vue que lrsquoon nrsquoest jamais autant deacuteccedilu

que par les illusions que lrsquoon perd Bref pour le

privilegravege drsquoune synergie additive de bon aloi le

patient et son psy doivent parvenir agrave se persua-

der que leur liberteacute de manoeuvre consiste agrave

faire tout ce que permet la longueur de la

chaicircne qui les assujettit Et la principale recom-

mandation exigeacutee pour les deux acteurs de ces

proceacutedeacutes interactifs tant pour le patient que

pour son psy semble devoir se fonder sur une

robuste et saine suspicion mutuelle La reacutecipro-

citeacute est la clef de tous les rapports humains

Si lrsquoon veut bien eacutecarter un instant les passion-

nantes preacutesentations de cas superbement rap-

porteacutes par leurs auteurs et dont les colloques

sont friands ougrave tout est eacutelucideacute et dans les-

quelles tout semble srsquoexpliquer facilement ougrave

la posture adopteacutee par le ou la psychotheacutera-

peute srsquoest trouveacutee bien venue ougrave ses inter-

preacutetations se sont reacuteveacuteleacutees pertinentes et ses

interventions judicieuses qui auront abouti agrave

un reacutesultat suffisamment satisfaisant pour ecirctre

exposeacute on srsquoautorisera agrave penser que ces preacute-

sentations sont sans doute davantage drsquoineacutevi-

tables reconstructions que la traduction fidegravele

du deacuteroulement des eacuteveacutenements de lrsquoordre de

lrsquoimplacable authenticiteacute dont se montre ca-

pable une cameacutera de surveillance de distribu-

teur de billets de banque Apregraves tout si le men-

songe est le secret de la vie amoureuse crsquoest

aussi le ciment de la vie sociale La subjectiviteacute

srsquoinsinue partout peut-ecirctre plus encore dans

les souvenirs que dans les activiteacutes de percep-

tion Un souvenir est un mensonge qui dit tou-

jours la veacuteriteacute a eacutecrit Jean Cocteau recons-

truction conjecturale mais sincegravere expression

dans lrsquoinstant de sa remeacutemoration puisque tout

peut ecirctre exact sans que rien ne soit vrai En

theacuteorie tout srsquoexplique en pratique tout se

complique Ce nrsquoest pourtant pas une raison

pour faire les gros yeux aux garnements de la

psychotheacuterapie Qui srsquointeacuteresserait agrave la pein-

ture dans le seul but de devenir trafiquant

drsquoœuvres drsquoart

Or ce que redoute la theacuterapeutique crsquoest lrsquoer-

reur la faute restant beaucoup plus inconce-

vable qursquoelle est exceptionnelle et lrsquoeacutechec trop

reacutecurrent tandis que ce queacutevite la circonspec-

tion mdash en ne versant daucuns cocircteacutes mdash crsquoest la

partialiteacute Crsquoest donc vrai quelle apparaicirct ordi-

naire commune qursquoelle ne se dissipe pas

comme le fait le theacuteorique dans ses cabrioles

et si elle ne fait pas toujours la preuve drsquoune

grande inventiviteacute elle nrsquoest pas hanteacutee par

lrsquoexigence de la coheacuterence ce spectre des pe-

tits esprits Elle ne cherche pas non plus agrave sus-

citer la contradiction ni ne vise agrave se singulari-

ser en prenant une position mais elle aspire agrave

conserver lrsquoesprit ouvert agrave tous les possibles

quitte agrave cultiver le paradoxe Crsquoest sans doute

pour cette raison que quand lrsquoadresse agrave un pa-

tient se reacutevegravele theacuterapeutique ce nrsquoest pas une

surprise totale crsquoest le plus souvent lrsquoaboutis-

sement drsquoune deacutemarche heuristique Ceux qui

srsquoembarrassent dans un diagnostic ce qursquoils

srsquoimaginent indispensable avant toute entre-

prise et auquel ils finissent par croire et ce fai-

sant faire croire implicitement au patient qursquoil

srsquoapplique agrave lui mecircme quand ils ne cegravedent pas

agrave la tentation de lui en faire la reacuteveacutelation peu-

vent finir par srsquoenfermer dans une illusion com-

mune Une telle disposition est assimilable

dans son essence au preacutesupposeacute On voit la

difficulteacute apparaicirctre dans les efforts drsquoy faire

piegravece et que cela ne preacutesage rien de bon

Pourtant on a bien souvent vu la situation theacute-

rapeutique eacutevoluer favorablement en deacutepit de

ces preacutemisses douteuses Qursquoen penser Si

lrsquoon considegravere que la tacircche fondamentale du

psychotheacuterapeute est bien de reacutesoudre des

problegravemes de maniegravere efficace et dynamique

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 46

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

si lrsquoon peut srsquoeacutecarter un tant soit peu des con-

ceptions traditionnelles des problegravemes psycho-

pathologiques mettre en doute lrsquoexistence de

deacuteficits agrave reacuteparer ou agrave compenser chez le pa-

tient srsquoautoriser agrave penser que la reacutesistance au

changement de ce dernier nrsquoa rien agrave voir avec

la rentabiliteacute speacutecifique de symptocircmes en

terme de pouvoir interpersonnel on peut envi-

sager drsquointroduire des solutions qui ne srsquoentre-

tiennent pas elles-mecircmes et deviennent des

obstacles au changement Alors le theacuterapeute

peut se contenter drsquoamorcer un changement et

deacutecliner la neacutecessiteacute de srsquoengager agrave lrsquoaccompa-

gner jusqursquoagrave son terme Et quand les venues

du patient deviennent plus rares se souvenir

que Freud deacuteclarait que la cure est termineacutee

quand le patient ne vient plus

On connaicirct les dispositions favorables du pa-

tient agrave srsquoidentifier au profil qursquoon lui propose Et

si les patients se montrent rarement agrave la hau-

teur de ce que lrsquoon attend drsquoeux crsquoest parce

que lrsquoon attend quelque chose de leur part qui

soit agrave la hauteur de nos preacutetendues compeacute-

tences dont rappelons-nous il srsquoagit de reacutegle-

menter la mise en oeuvre Or lrsquoobjectif du theacute-

rapeute peut-il ecirctre leacutegitimement de confirmer

ses convictions Srsquoil interpregravete les causes du

mal-ecirctre de ses patients en fonction dun scheacute-

ma geacuteneacuteral et preacuteeacutetabli ne les trahit-il pas Et

serait-il bien congru de proposer des theacuterapies

en precirct-agrave-porter mecircme en demi-taille plutocirct

que faire dans le sur mesure en fonction des

ressources que le patient a lrsquoair de preacutesenter

Les deux acteurs de lrsquoaffaire risquent de rater

ce qursquoils recherchent implicitement en croyant y

gagner quelque chose le theacuterapeute la confir-

mation de ses convictions et le patient un

eacuteclaircissement de ses difficulteacutes en mecircme

temps que son adoption par une autoriteacute qui

lrsquoenteacuterine Toute clarteacute se paie drsquoun mystegravere et

comme une conscience claire est le signe

drsquoune mauvaise meacutemoire on nrsquoen saura pas

beaucoup plus les ideacutees nettes et distinctes

chegraveres agrave Reneacute Descartes nrsquoont guegravere fait la

preuve de leur eacutevidence La responsabiliteacute du

theacuterapeute srsquoeacutemaille de tant de deacuteterminants

que ce dernier est tout agrave fait capable de se ran-

ger agrave ce qursquoil croit justifieacute Mais la croyance

nrsquoest pas seulement une ideacutee que lrsquoesprit pos-

segravede crsquoest eacutegalement une ideacutee qui possegravede

lrsquoesprit Le plus grand deacuteregraveglement de lrsquoesprit

est de croire que les choses sont parce que

lrsquoon veut qursquoelles soient Les psychologues sa-

vent si bien identifier les situations qui se precircte-

ront au beacuteneacutefice de leur clairvoyance qursquoils

sont eacutegalement fortement sujets agrave lrsquoisseacutegoureacutee

facirccheuse pathologie qui deacutesigne un don parti-

culier pour toujours chercher drsquoabord dans la

mauvaise poche

Toutefois une relation de confiance une fois

installeacutee ccedila commence agrave rouler mais au fil du

temps la roue finit par prendre du jeu et les

orientations agrave srsquoinstaller dans le confort agrave srsquoen-

liser dans lrsquoanamnegravese agrave travailler obstineacutement

la reacutepeacutetition agrave se contenter de pointer des meacute-

canismes quant ccedila ne se reacuteduit pas agrave la pro-

duction de regrettables rationalisations Il srsquoagit

plutocirct de reacuteapprendre des conduites au patient

apregraves qursquoil en ait renouveleacute le choix agrave srsquoenga-

ger dans des activiteacutes qui permettent de modi-

fier substantiellement les modes de penseacutee Le

but ultime de la psychotheacuterapie nest pas seu-

lement deacuteliminer des comportements deacuteplo-

rables cest dapprendre agrave mieux geacuterer ses

propres processus mentaux agrave affronter avec

plus de reacuteussite des situations oppressantes et

agrave deacutevelopper des opeacuterations psychiques plus

performantes et une maniegravere drsquoecirctre au monde

plus eacutepanouissante une expression de la

sphegravere psychique privileacutegiant la valorisation

des aspirations individuelles qui deacutebouche sur

la preacutedilection pour lrsquoespace inteacuterieur caracteacuteri-

seacute sur lequel on pense souvent ecirctre suscep-

tible de pouvoir agir Mais comment juger ac-

ceptable que le patient se retrouve dans la po-

sition de celui qui la cleacute de son appartement agrave

la main se voit contraint drsquoactionner la son-

nette pour rentrer chez lui

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 47

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

Tout ceci pour suggeacuterer une approche zeacuteteacute-

tique des psychotheacuterapies pour autant qursquoelle

puisse ecirctre soupccedilonneacutee de participer agrave lrsquoactua-

lisation de la confusion des genres qui permet-

trait drsquoeffectuer la distinction entre drsquoune part la

psychotechnique de la theacuterapie que la revendi-

cation du titre de psychotheacuterapeute tendrait agrave

certifier au prix drsquoun reacuteductionnisme preacutejudi-

ciable agrave la pratique clinique et au meacutepris drsquoune

certaine creacuteativiteacute et la conduite drsquoun projet

psychotheacuterapique circonspect avec des tech-

niques approprieacutees et individualiseacutees jouant le

rocircle drsquoun outil directionnel

Les psychologues sont censeacutes distinguer le

subjectif de lrsquoirrationnel Il ne sagit pas dex-

clure la subjectiviteacute ni mecircme de la reacuteduire

mais de la conserver au cœur de la pratique de

la psychologie clinique Cest lagrave au cœur de la

subjectiviteacute de lindividuel que celle-ci peut

justifier sa speacutecificiteacute En revanche on ne se

preacuteoccupera pas des ayatollahs de la psycha-

nalyse au masque douloureux et au regard fil-

trant arborant un air drsquoen savoir long ni des

forceneacutes du dressage cognitif qui se deacutesolent

de ne pas voir le patient marcher mieux que

cela dans la combine Pas plus drsquoailleurs que

de tous les gardes-frontiegraveres des succegraves qui

leur eacutechappent qui sont des envieux comme

tous les censeurs Agrave Theacuterapik Park les psy-

chotheacuteraptors chassent tout autant en meute

qursquoen snipers

Il est important de tendre vers une pratique

permissive en accordant au patient la possibili-

teacute de reacutealiser que lorigine des changements se

trouve en lui comme il pense de celle des pro-

blegravemes qui sont les siens qui pourra de cette

faccedilon acqueacuterir une autonomie dans son pro-

cessus de traitement Mais lrsquoon a appris que ce

reacutesultat ne peut ecirctre obtenu que si lrsquoon accorde

au patient la possibiliteacute de tricher Cette faculteacute

le poussera rarement agrave en user mais sa virtua-

liteacute qursquoil est en mesure de srsquoapproprier facilite-

ra bien souvent la survenue des identifications

rechercheacutees par le theacuterapeute parce que le

patient en fera ainsi plus facilement son affaire

Crsquoest en quelque sorte entrer par la porte de

derriegravere dans le champ complexe de la forma-

tion du reacuteel

Cette approche zeacuteteacutetique estomperait eacutegale-

ment la suspicion de thaumaturgie qui revien-

drait au professionnel qui srsquoappuyant sur la

conviction qursquoil y a quelque chose agrave soigner

chez le patient au titre de lrsquoadheacutesion de ce der-

nier agrave la proposition drsquoune telle assertion

srsquoexempterait du titre en vertu de lrsquoautorisation

qursquoil srsquooctroierait agrave lui-mecircme de pratiquer Pen-

ser par soi-mecircme crsquoest souvent penser tout

seul ou pire penser comme tout le monde

Mieux vaut peut-ecirctre penser contre soi-mecircme

et se faire agrave soi-mecircme les objections des

autres Toutes les psychotheacuterapies ont leurs

chimegraveres apregraves lesquelles elles courent sans

jamais les attraper Mais avantageusement en

chemin elles srsquooctroient des opportuniteacutes qui

ne sont pas toutes neacutegligeables Et sans ou-

blier que quand la sinceacuteriteacute confine agrave lrsquoarbi-

traire on en vient agrave regretter lrsquohypocrisie

comme lrsquoa magistralement exprimeacute Descartes

on peut deacutecider que lrsquoon nrsquoest sucircr de rien et

que lrsquoon nrsquoest mecircme pas sucircr que lrsquoon nrsquoest sucircr

de rien cesser de consideacuterer que les pro-

blegravemes compliqueacutes neacutecessitent forceacutement des

solutions compliqueacutees Il y a aussi des psycho-

theacuterapies qui durent des anneacutees et un mauvais

esprit pourrait eacutetablir une comparaison avec les

banques qui quoiqursquoun virement par ordinateur

ne prenne qursquoune seconde aiment en faire tout

un plat afin que les fonds demeurent un mo-

ment dans leur systegraveme et leur rapportent

Comme nous vivons irreacutesistiblement dans un

monde de repreacutesentations la seacuteduction du titre

peut exciter la convoitise mdash celle-ci constituant

la plus formidable des motivations humaines mdash

de psychotheacuterapeutes en quecircte de reconnais-

sance Mais ce sont les ideacutees les plus seacutedui-

santes qui ont le plus souvent besoin de se re-

maquiller Le terme de trompe-couillon deacutesi-

gnant le maquillage en langue verte est trop

illustratif dans le domaine des psychotheacuterapies

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 48

Quels changements pour le meacutetier de psychologue

pour deacutecourager complegravetement la tentation de

srsquoinsurger contre lrsquoeacuteventualiteacute de sa pertinence

Le titre de psychotheacuterapeute ressemble agrave la

queue du Mickey de notre enfance qursquoil fallait

attraper pour avoir un tour gratuit de manegravege

On peut bien courir encore longtemps apregraves

son obtention mais si lrsquoon veut finir de rouler le

peacutetard il faudra bien se reacutesoudre au bout drsquoun

moment agrave cesser de rechercher le petit bout de

shit tombeacute sur la moquette marron

Alors psychotheacuterapeute agrave quel titre quand la

proposition theacuterapeutique tiendrait tout entiegravere

en quatriegraveme de couverture Et lrsquoon peut ajou-

ter agrave notre accablement la conjoncture imagi-

naire que nous ne nous en remettrons jamais

et deacutecider que la psychotheacuterapie est devenue

un business Bien sucircr ces consideacuterations ne

srsquoappliquent pas aux psychotheacuterapeutes pour

lesquels rien nrsquoest impossible eacutequipeacutes du tout

agrave lrsquoego agrave soi qui sont si lrsquoon peut dire la protu-

beacuterance de la profession Elles ne srsquoappliquent

pas davantage agrave ces professionnels dont

lrsquoinaptitude est semblable agrave celle des jeunes

paresseux ces mammifegraveres arboricoles de la

forecirct breacutesilienne auxquels il arrive freacutequem-

ment drsquoempoigner leurs propres pattes agrave la

place des branches si bien qursquoils tombent des

arbres

Enfin lrsquoexigence de ce titre fait voir se multiplier

des instituts de formation agrave la psychotheacuterapie

neacutes de la derniegravere pluie qui ne feraient que

precirccher pour leur paroisse agrave des ouailles fasci-

neacutees par la quecircte de la qualification Il suffirait

alors de deacutetenir le titre de psychotheacuterapeute

pour le devenir tandis que ceux ou celles qui

en possegravedent la compeacutetence et qui se risquent

agrave en pratiquer verraient fragiliseacutee leur deacutetermi-

nation agrave y recourir sans lrsquoestampille de sa sa-

cralisation Crsquoest ainsi qursquoun meacutecanicien de la

relation identifieacute comme speacutecialiste du soin et

de la gestion des relations interpersonnelles

viendra disqualifier la prodigieuse diversiteacute des

fonctionnaliteacutes de la psychologie clinique agrave la-

quelle nous sommes tous attacheacutes Et lrsquoon ver-

ra des psychotheacuterapeutes nantis de bons certi-

ficats srsquoeacutevertuer dans la profession et y forger

leur reacuteussite juste pour prouver que crsquoest pos-

sible Les exigences des employeurs se mon-

treront de plus en plus impeacuteratives sur ce point

les assureurs jouant le rocircle drsquoagences de nota-

tion et lrsquoon nrsquoengagera deacutesormais que des

eacutebeacutenistes qualifieacutes comme caissiers chez Ikea

Quand le doute est leveacute il deacutebouche sur une

incertitude et le psychotheacuterapeute ballotteacute au

greacute des vagues de lrsquooceacutean du deacutesir de nou-

velles contraintes reacuteglementaires dans sa lutte

contre la deacutereacuteliction par tous les temps se

trouve embarrasseacute par le choix impossible

entre deux deacutesillusions voir que lrsquoeacutetendue du

champ de la pratique de la psychotheacuterapie se

precircte deacutesormais deacutecideacutement mal agrave son entre-

prise ou constater combien ccedila va ecirctre difficile

de lrsquoentreprendre agrave ses propres conditions

Crsquoest comme eacuteprouver le deacutesappointement de

la dame constatant que la lunette des toilettes

nrsquoest pas abaisseacutee ou la consternation du

monsieur qui deacutecouvre que la mecircme lunette ne

tient pas releveacutee Mais quitte agrave voyager sur le

Titanic pourquoi pas en premiegravere classe

La vie professionnelle nous rappelle combien le

monde peut paraicirctre singulier lorsqursquoon le re-

garde apregraves avoir fait un simple pas sur le cocircteacute

Lrsquoexercice de la psychotheacuterapie srsquoassaisonne

de pas mal drsquohumiliteacute et drsquoun peu de creacuteativiteacute

Peut-on ecirctre agrave la fois malin et intelligent Les

psychologues cliniciens pratiquent volontiers

lrsquousage des deux adverbes fondamentaux qui

eacuteveillent lrsquointelligence des enfants pourquoi

et comment Lrsquointelligence incite agrave la reacute-

flexion et la reacuteflexion conduit au scepticisme

Le scepticisme lui megravene agrave lrsquoironie Lrsquoironie

cette meacutelancolie de la luciditeacute agrave son tour se

preacutesente agrave lrsquoesprit mdash qui se trouve en apport

direct avec lrsquohumour mdash qui fait si bon meacutenage

avec la fantaisie Et la vie devient une chose

deacutelicieuse aussitocirct qursquoon deacutecide de ne plus la

prendre tout agrave fait au seacuterieux

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 49

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

Modeacuterateur Patrice Nomineacute Hocircpital Fernand Widal

gt La dimension culturelle dans leacutecoute des pa-

tients migrants africains

Jacqueline Faure Hocircpital Tenon Page 50

gt Psychologue en reacuteanimation peacutediatrique teacute-

moignage drsquoune pratique en eacutevolution

Muriel Derome Hocircpital Raymond Poincareacute Page 60

gt Seacutejour de vacances quelle place pour le psy-

chologue

Ceacuteline Le Bivic Hocircpital Eacutemile Roux Page 63

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques

transversaliteacute de nos cliniques

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 50

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

La dimension culturelle dans leacutecoute des patients migrants

africains une approche originale avec lrsquoassociation URACA

Jacqueline Faure Service des maladies infectieuses et

tropicales Centre de la dreacutepanocytose Hocircpital Tenon

Lrsquohomme universel nrsquoexiste pas il est inscrit

dans une culture dans un cadre Or ce cadre

est universel il nrsquoexiste pas drsquohomme sans cul-

ture

L rsquohocircpital Tenon est situeacute agrave lrsquoEst de Paris

bon nombre de patients migrants infec-

teacutes par le VIH y sont soigneacutes Du fait de

lrsquoexistence drsquoune materniteacute au sein de lrsquohocircpital

beaucoup de femmes migrantes apprennent

leur seacuteropositiviteacute agrave lrsquoinfection par le VIH-sida

au cours du suivi de leur grossesse La grande

majoriteacute de ces patients est originaire drsquoAfrique

de lrsquoOuest

Degraves 1993 nous avons mis en place un parte-

nariat avec lrsquoassociation URACA pour aider

les patients en difficulteacute face au diagnostic de

lrsquoinfection par le VIH-sida et aussi les soignants

rencontrant des problegravemes dans la prise en

charge de certains patients

Au deacutebut les soignants et moi-mecircme pensions

que la plupart des patients africains ne com-

prenaient rien Peu agrave peu avec lrsquoaide drsquoURA-

CA nous avons pris conscience que nous-

mecircmes ne les comprenions pas toujours ou

bien encore que nous ne savions pas nous

faire comprendre drsquoeux

Cette association daide aux Africains intervient

dans diffeacuterents domaines accueil aide juri-

dique sociale solidariteacute preacutevention informa-

tion recherche dans le domaine de la santeacute

(toxicomanie SIDA dreacutepanocytose troubles

psychiatriques) et propose aussi des consulta-

tions drsquoethnomeacutedecine

Ainsi bien souvent les difficulteacutes avec les pa-

tients drsquoorigine eacutetrangegravere sont lieacutees agrave des pro-

blegravemes de communication et de compreacutehen-

sion mutuelles dans la relation soignant-soigneacute

En comprenant lrsquoeacuteveacutenement migratoire et son

impact dans la deacutecouverte drsquoune maladie

grave en eacutetant sensibiliseacutes agrave lrsquoimportance de la

dimension culturelle dans le soin nous avons

ainsi ameacutelioreacute lrsquoaccueil et la prise en charge de

ces patients

Un systegraveme culturel est constitueacute drsquoune

langue drsquoun systegraveme de parenteacute drsquoun corpus

de techniques et de maniegraveres de faire (la pa-

rure la cuisine les arts les techniques de

soins les techniques de maternagehellip) Tous

ces eacuteleacutements eacutepars sont structureacutes de maniegravere

coheacuterente par des maniegraveres de penser les re-

preacutesentations [] Les repreacutesentations permet-

tent aux individus dun mecircme groupe dappreacute-

hender le monde selon les modaliteacutes com-

munes repreacutesentations de la mort de la con-

ception

Jemploie ce mot culture agrave contrecœur avec

la crainte decirctre mal compris Par ce terme je

ne deacutesigne pas leacutecume luxueuse dune civilisa-

tion mais lesprit tregraves particulier dun peuple

insaisissable

Cette prise en charge globale avec lrsquoassocia-

tion URACA srsquoeffectue sous 4 formes

1 le soutien communautaire

2 la meacutediation culturelle

3 la consultation dethnomeacutedecine une prise

en charge transculturelle

4 la formation mutuelle partage de savoir

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 51

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

1 LE SOUTIEN COMMUNAUTAIRE

Je me sens coupeacute en deux diviseacute une partie

de moi-mecircme nrsquoest pas ici nous dit tel patient

La deacutecision la plus terrible que jrsquoaie eu agrave pren-

dre dans ma vie crsquoest de rester ici pour me soi-

gner et ecirctre ainsi seacutepareacutee des miens raconte

cette femme dans un sanglot difficilement con-

tenu

Crsquoest tregraves dur drsquoecirctre seulehellipJe ne suis pas ha-

bitueacuteehellipici quand tu sors de ta maison per-

sonne ne se parlehellip

Le soutien communautaire drsquoURACA srsquoorga-

nise de plusieurs faccedilons

Visite hebdomadaire au chevet du patient avec

le port dun repas africain par la nourriture

par le dialogue dans la langue quand cest pos-

sible par la preacutesence de ses pairs quelque

chose du pays est ainsi recreacuteeacutee et apaise le

malade

Accueil quotidien au sein de lrsquoassociation re-

pas atelier couture atelier informatique aides

dans les deacutemarches administratives assem-

bleacutee des femmes Tout ceci dans une am-

biance comme au pays

Ces visites sont proposeacutees aux malades isoleacutes

du fait du diagnostic ou qui nrsquoont pas de famille

ici

La migration est une eacutepreuve qui provoque

chez le sujet une deacutestabilisation une fragiliteacute

lieacutees agrave diffeacuterentes pertes

perte de lrsquoenveloppe culturelle la culture struc-

ture le psychisme humain dans la migration il

nrsquoy a plus ce cadre culturel Changer drsquounivers

implique la perte brutale drsquoune langue drsquoun

systegraveme de reacutefeacuterence drsquoun systegraveme de co-

dage des perceptions des sensations et des

repreacutesentations en un mot une acculturation

[] La perte de lrsquoenveloppe culturelle va donc

provoquer des modifications de lrsquoenveloppe

psychique [hellip]

la perte de repegraveres difficulteacutes au niveau du

changement de climat de la nourriture dans

les deacuteplacements dans la ville dans les deacute-

marches administratives Difficulteacutes et mecircme

souffrance dans la perte de la langue drsquoorigine

Julia Kristeva drsquoorigine bulgare psychanalyste

et eacutecrivain dit ceci hellip il y a mort dans la perte

drsquoune langue natalehellip

la perte drsquoune certaine identiteacute ecirctre Camara

ou Toure ecirctre peul ou bambara nrsquoest pas so-

cialement reconnu le migrant devient un eacutetran-

ger un noir puis agrave lrsquohocircpital eacuteventuellement un

seacuteropositif

la perte du groupe lrsquoisolement est douloureu-

sement ressenti pour tout eacutetranger La solitude

pour un Africain crsquoest mortelhellip nous explique

Monsieur Diarra meacutediateur ethnoclinicien agrave

URACA

Autant drsquoeacuteleacutements qui favorisent un eacutetat de vul-

neacuterabiliteacute propice agrave une deacutecompensation soma-

tique ou psychologique (deacutepression) Le dia-

gnostic drsquoune maladie grave vient renforcer

cette fragiliteacute La solitude dans les chambres

individuelles de nos hocircpitaux modernes - que

nous occidentaux appreacutecions beaucoup - peut

ecirctre mal supporteacutee par le patient africain elle

est mecircme parfois anxiogegravene Un Africain nest

jamais seul Au pays sil est hospitaliseacute sa fa-

mille lentoure dort dans sa chambre

Par ces visites hebdomadaires un tissu rela-

tionnel est ainsi creacuteeacute qui peut se poursuivre agrave

la sortie Le soutien communautaire permet au

patient isoleacute dans la preacutecariteacute de retrouver ce

lien structurant du groupe qui lui faisait deacutefaut

depuis son deacutepart dAfrique Soutien qui va lrsquoai-

der agrave mieux supporter sa maladie et agrave mieux se

soigner Pour un Africain appartenir au groupe

est vital cest pourquoi la grande crainte du

malade est que son entourage soit au courant

du diagnostic et le rejette Le malade ne peut

pas ou ne veut pas partager sa souffrance

avec ses proches La honte la crainte de lex-

clusion peuvent le conduire agrave un retrait difficile

agrave supporter Pour lAfricain lisolement est in-

concevable Sa force vitale est en relation

constante avec celle des ancecirctres proches et

lointains et des membres du groupe La plus

grande calamiteacute consiste agrave en ecirctre retrancheacute et

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 52

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

reacuteduit ainsi agrave une existence deacuteficiente sans

protection voueacutee au neacuteant

Cette association communautaire nrsquoest pas

speacutecifiquement cibleacutee SIDA bien que ses

membres soient formeacutes agrave cette pathologie A

lrsquohocircpital elle apporte son aide agrave tout patient

quelle que soit sa maladie Le patient pourra

srsquoil le souhaite aborder son diagnostic et il nrsquoest

pas rare qursquoil le fasse Apaisement et soulage-

ment pour lui de constater que ce dont il

souffre ne fait pas peur Il peut retrouver con-

fiance en lui

2 LA MEacuteDIATION CULTURELLE

Le meacutediateur ethnoclinicien connaicirct bien la cul-

ture du patient originaire drsquoAfrique de lrsquoOuest et

il parle plusieurs langues (peul bambara sara-

koleacute wolof hellip) Il intervient dans diffeacuterentes

situations

Pour faciliter la communication entre le meacutede-

cin et le patient quand des explications concer-

nant la maladie le traitement nrsquoont pas eacuteteacute

comprises Il ne srsquoagit pas drsquoune simple inter-

preacutetation mais drsquoune formulation adapteacutee agrave la

personne agrave sa culture Les messages de preacute-

vention concernant la sexualiteacute par exemple

seront mieux accepteacutes et entendus si la sensi-

biliteacute du patient voire sa pudeur sont respec-

teacutees

Pour aider agrave la reacutesolution de conflits entre pa-

tient-soignant ou patient-famille ou soignant-

famille

Reacutecemment nous avons organiseacute une meacutedia-

tion culturelle pour une patiente ne parlant pas

du tout le franccedilais accompagneacutee de son fils

maicirctrisant parfaitement notre langue Le meacutede-

cin lrsquoassistante sociale le meacutediateur et moi-

mecircme eacutetions reacuteunis pour essayer de com-

prendre le conflit familial Tout eacutetranger utilise

la langue eacutetrangegravere comme un pansement

comme une sorte drsquoonguent de cregraveme sur les

anciennes blessureshellip La langue seconde ne

permet pas drsquo acceacuteder agrave son for inteacuterieur ex-

plique Julia Kristeva Ainsi le fils pouvant tout

agrave fait communiquer avec nous en franccedilais

srsquoest spontaneacutement adresseacute au meacutediateur en

bambara De toute eacutevidence sa langue natale

lui permettait drsquoecirctre au plus pregraves de la situation

douloureuse qursquoil vivait avec sa megravere

Le meacutediateur apporte des eacuteclaircissements sur

le contexte culturel sur le sens de tel conflit

familial sur la place des uns et des autres dans

telle famille (la place de lrsquooncle maternel par

exemple le systegraveme de filiation) Il aide les soi-

gnants souvent deacutestabiliseacutes par le manque de

repegraveres ou qui interpregravetent mal telle attitude

Par exemple lrsquoextension de la deacutenomination

fregravere sœur cousin megravere dans lrsquoentourage du

patient Les soignants ne savent plus qui est

qui Des doutes surgissent voire de la suspi-

cion Les soignants ont lrsquoimpression drsquoecirctre ma-

nipuleacutes ou trompeacutes

Le meacutediateur ethnoclinicien tient selon la for-

mule de T Nathan une sorte de position du

diplomate entre deux univers antagonistes

3 LA CONSULTATION DETHNOMEacuteDECINE UNE

PRISE EN CHARGE TRANSCULTURELLE

La culture permet un codage de lrsquoensemble de

lrsquoexpeacuterience veacutecue par un individu elle permet

drsquoanticiper le sens de ce qui peut survenir et

donc de maicirctriser la violence de lrsquoimpreacutevu et

par conseacutequent du non-sens

Angoisse de mort deacutecompensation psychia-

trique (ideacutees suicidaires syndrome anxio-

deacutepressif eacutetat deacutelirant) incompreacutehension ou

deacuteni du diagnostic deacutetresse psychologique

autant de reacuteactions face agrave la maladie grave qui

peuvent concerner tout patient (occidental ou

non) mais qui neacutecessitent pour certains pa-

tients migrants une approche tenant compte du

contexte de la migration et des speacutecificiteacutes cul-

turelles

Cette maladie je sais drsquoougrave ccedila vient mon pegravere

mrsquoa donneacutee en sorcellerie nous dit cette pa-

tiente qui ne prend pas ses meacutedicaments et

dont lrsquoeacutetat srsquoaggrave

Je suis travailleacute je le sens crsquoest les parents

de ma femme qui nrsquoont jamais accepteacute notre

mariage crsquoest eux qui font des choses sur

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 53

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

moihellip

Ou bien encore ce patient en phase asympto-

matique de lrsquoinfection par le VIH-sida qui ex-

plique Je ne suis pas malade la preuve le

meacutedecin ne me donne pas de traitement

Ainsi dans certains cas le patient en difficulteacute

en souffrance peut refuser de se soigner au

prix drsquoune aggravation de son eacutetat se santeacute De

plus les messages de preacutevention ne sont pas

entendus et les risques de propagation du virus

sont accrus

Cette consultation qui srsquoinspire de lrsquoethnopsy-

chiatrie reacuteunit autour du patient (accompagneacute

ou non de membres de sa famille ou de

proches)

- leacutequipe de lassociation URACA le Dr Mous-

sa Maman meacutedecin et theacuterapeute traditionnel

qui dirige les entretiens le meacutediateur ethnocli-

nicien la psychologue Pendant 10 ans cette

eacutequipe a eacuteteacute compleacuteteacutee par la preacutesence des

tradipraticiens africains gueacuterisseurs tradition-

nels du Nord Beacutenin qui sont venus une fois par

an pour une dureacutee de deux mois (cette action

originale a pu se mettre en place gracircce agrave des

creacutedits le Sidaction par exemple qui nrsquoexistent

plus aujourdrsquohui)

- leacutequipe soignante le meacutedecin reacutefeacuterent les

infirmiegraveres la psychologue linterne les ex-

ternes lassistante sociale sage-femme kineacute-

sitheacuterapeutehellip Les soignants ont ainsi accegraves

en situation clinique agrave lunivers culturel du pa-

tient

Le recours aux pratiques traditionnelles est tregraves

freacutequent en Afrique Les systegravemes traditionnels

de soin relegravevent drsquo une logique complexe

drsquoune rationaliteacute profonde (T Nathan) avec

une capaciteacute agrave srsquoadapter aux nouvelles situa-

tions aux nouvelles maladies Cette deacute-

marche ne remet pas en cause la confiance

envers notre meacutedecine moderne La theacuterapie

traditionnelle apporte des protections fonda-

mentales (T Nathan)

Tregraves souvent en Afrique les theacuterapies tradition-

nelles se deacuteroulent en groupe avec la famille

et ceux qui ont une affiniteacute avec le malade Ici agrave

lhocircpital les participants sont reacuteunis en cercle

autour du patient Le groupe constitue une en-

veloppe psychique qui est en soi theacuterapeu-

tique Les soignants par leur preacutesence accor-

dent une place agrave lrsquoidentiteacute culturelle du patient

agrave ses maniegraveres de vivre de se soignerhellip

Dans les cultures de tradition orale les eacuteveacutene-

ments importants de la vie tels que la nais-

sance le mariage la maladie la mort (avec

lrsquoimportance des ancecirctres) sont penseacutes diffeacute-

remment Il existe une reacutealiteacute invisible on ac-

corde vie force et pouvoir au mineacuteral au veacutegeacute-

tal agrave lrsquoanimal Le sang le lait maternel ont des

pouvoirs beacuteneacutefiques ou maleacutefiques

Les speacutecialistes de lrsquoanthropologie pensent

que le modegravele de lrsquoorganisation sociale com-

munautaire plus freacutequent dans les socieacuteteacutes

non industrialiseacutees ougrave le groupe maintient une

preacutegnance importante sur lrsquoindividu favorise

une expeacuterience du corps veacutecu comme global

il nrsquoy a pas de rupture entre lrsquohomme et le cos-

mos le corps est permeacuteable On lui reconnaicirct

une dimension transcendante et la maladie

qui plus est chronique comme la dreacutepanocy-

tose peut ecirctre inteacutegreacutee dans une reacutealiteacute plus

large exteacuterieure au corps de la meacutedecine des

hocircpitaux

Lors de ces consultations drsquoethnomeacutedecine les

deux systegravemes culturels occidental et tradition-

nel sont reconnus lrsquoun nrsquoexcluant pas lrsquoautre

Le patient peut aborder en toute confiance des

preacuteoccupations qui lui sont speacutecifiques sans

craindre le ridicule Les deux systegravemes de re-

preacutesentations occidentales et traditionnelles

dans lesquels navigue le migrant peuvent

coexister sans sopposer Paradoxalement

lrsquoapproche traditionnelle donne dans certains

cas sens et coheacuterence au discours meacutedical

scientifique Il est difficile de rendre compte

drsquoune consultation drsquoethnomeacutedecine (de mecircme

qursquoil est difficile de parler drsquoune seacuteance de psy-

chotheacuterapie ou drsquoanalyse bien que ce ne soit

pas du mecircme ordre) Il ne srsquoagit pas drsquoune con-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 54

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

sultation traditionnelle ce nrsquoest ni le lieu ni le

cadre Nous sommes dans lrsquoentre-deux

Le nom la parenteacute lrsquoappartenance ethnique la

langue natale sont des eacuteleacutements systeacutematique-

ment abordeacutes Ces reacutefeacuterences agrave la filiation agrave

lrsquoethnie rappellent implicitement au malade le

lien agrave sa famille et son appartenance agrave un

groupe Les tradipraticiens se preacutesentent aussi

se nomment racontent dougrave ils viennent Le

dialogue qui srsquoinstaure est bien souvent eacutenig-

matique pour lrsquooccidental Le langage allusif

meacutetaphorique suggestif qui est utiliseacute est tout

agrave fait entendu par le patient agrave la diffeacuterence des

soignants qui sont deacuteconcerteacutes du moins lors

des premiegraveres consultations Peu agrave peu les

soignants vont se familiariser Par la suite ils

peuvent communiquer diffeacuteremment avec tel

patient et mieux deacutecoder sa maniegravere drsquoecirctre ou

de srsquoexprimer

Les repreacutesentations ancestrales de la maladie

et les eacutetiologies traditionnelles (possession es-

prits ou ancecirctres meacutecontents sorcellerie trans-

gression de tabous ou non respect de rituels

familiaux) ne sont pas systeacutematiquement eacutevo-

queacutees et lorsqursquoelles le sont crsquoest toujours de

maniegravere implicite La maladie comme lrsquoacci-

dent la perte drsquoun emploi ou toute autre mani-

festation de malchance de malheur est le

signe drsquoun deacutesordre -dont il faut comprendre le

sens- et qui concerne non seulement le patient

mais aussi sa famille

Monsieur C originaire du Mali connaicirct bien les

diffeacuterents modes de transmission et nous en

discutons ensemble et dans ce mecircme entre-

tien perplexe il se questionne Je ne sais

pas drsquoougrave ccedila vienthellip

Chez nous la maladie quelle soit physique ou

mentale ne concerne pas uniquement lindividu

toucheacute mais aussi sa famille tout le

groupe (M Maman Journeacutee transculturelle

Des gueacuterisseurs agrave lhocircpital des soignants au

village 29 septembre 2001 hocircpital Tenon

Paris) Derriegravere lhistoire de lindividu se profile

toujours le devenir de la communauteacute toute en-

tiegravere [ ] La cause du mal qui rompt leacutequilibre

dun organisme fait peser une lourde menace

sur le corps social

Bien souvent agrave lissu de ces consultations le

patient va contacter la famille au pays qui elle

aussi va intervenir selon ses coutumes par des

priegraveres rituels ou sacrifices

La proposition dune prise en charge transcul-

turelle nest pertinente que si elle fait sens pour

le patient sil se reconnaicirct des liens avec sa

culture dorigine Le patient peut ecirctre occiden-

taliseacute (eacutetudes supeacuterieures vivant en France

depuis de nombreuses anneacutees hellip) ou dorigine

rurale analphabegravete ayant gardeacute des liens avec

son village il peut ecirctre musulman ou chreacutetien

Les indications sont variables

- incompreacutehension du diagnostic Lrsquoexemple

de Monsieur K malgreacute une seacuterologie positive

il reste persuadeacute de nrsquoecirctre pas malade Cepen-

dant il accompagne aux consultations sa

femme et leur fille toutes les deux seacuteropositives

et sous traitement

- refus du traitement les causes sont mul-

tiples Mme T vient reacuteguliegraverement agrave ses con-

sultations le meacutedecin veut deacutesormais lui pres-

crire un traitement qursquoelle refuse Si je dis que

je suis seacuteropositive personne ne voudra se

marier avec moi Une autre patiente

srsquoinquiegravete Je ne veux pas du traitement si je

deviens indeacutetectable alors ougrave sera le virus

- problegraveme drsquoobservance les causes sont va-

rieacutees preacutecariteacute incompreacutehension ou refus du

diagnostic probleacutematique personnelle plus pro-

fonde

- souffrance psychique le patient peut ecirctre

tregraves observant ses reacutesultats biologiques sont

satisfaisants le patient va tregraves bien selon le

meacutedecin mais persiste en lui une douleur mo-

rale difficile parfois agrave repeacuterer Il faut savoir deacute-

coder le sens du sourire (qui ne signifie pas

toujours la joie) lrsquoabsence de plainte Julia

Kristeva explique que les eacutetrangers sont expo-

seacutes aux maladies psychosomatiques ils sont

dans cet espegravece de vernis de la langue se-

conde mais le fond reste douloureux et le fond

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 55

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

eacuteclate sous la forme de la migraine quand ce

nrsquoest pas le cancerhellip

- pathologie psychiatrique troubles du com-

portement (deacutelire agitation violencehellip) syn-

drome deacutepressif risque suicidaire angoisse de

mort plaintes somatiques sans cause orga-

nique (douleurs diffuses sensation de malaise

le corps parle ccedila chauffe ccedila se deacuteplace)

- fin de vie angoisse isolement

- conflits conjugaux ou familiaux aggraveacutes ou

reacuteactionnels agrave la pathologie (risque de divorce

tel mari qui nrsquoassume plus ses responsabiliteacutes

sexualiteacute devenue difficile impossible (refus du

preacuteservatif par exemple)

- Lrsquoannonce du diagnostic Lrsquoannonce drsquoune

maladie grave est toujours une eacutepreuve pour

tout malade Crsquoest un moment-cleacute dans la prise

en charge du patient Dans le cas de lrsquoinfection

par le VIH la formulation peut ecirctre une donneacutee

brutale Tel ce meacutedecin qui annonce agrave

une femme enceinte vih2 asymptomatique

vous avez le SIDA Veacuteritable violence ver-

bale qui provoque un choc psychique avec

risque suicidaire si ce nrsquoest la fuite et le refus

de soin

Actuellement chez certains soignants on as-

siste agrave une banalisation du diagnostic lieacute aux

possibiliteacutes de traitement Mais crsquoest oublier le

deacutecalage avec le niveau de connaissance du

malade et crsquoest aussi meacuteconnaicirctre les effets

sur le patient de la reacutealiteacute dramatique de la ma-

ladie au pays Certains ont vu des proches

mourir du SIDA drsquoune mort lente sans soin et

dans la solitude Tous les patients eacutevoquent

une forte angoisse Deux mois apregraves il y a en-

core en moi cette grande peur quand le meacutede-

cin mrsquoa parleacute En entendant les propos de

lrsquoinfirmier Je vous apporte vos meacutedicaments

du SIDA Mme B nous raconte comment elle

a protesteacute et reacuteagi vivement Vous ne devez

pas dire cela Ainsi dans certains cas le meacute-

decin peut utiliser drsquoautres formulations le

virus de la maladie la maladie qui passe de

lrsquohomme agrave la femme la grande maladie

Dans les cultures de tradition orale les mots

ont une force un pouvoir Prononcer le mot SI-

DA activerait en quelque sorte le potentiel mor-

tel de cette maladie Ainsi dans certains cas le

meacutedecin peut utiliser drsquoautres formules le vi-

rus de la maladie la maladie qui passe de

lrsquohomme agrave la femme la grande maladie

Deux ou trois consultations ont lieu ainsi agrave lhocirc-

pital pour chaque malade Les tradipraticiens

vont dire ce quils ont vu et vont donner leurs

indications theacuterapeutiques le suivi peut se

poursuivre apregraves leur retour au village ougrave ils

continuent si crsquoest neacutecessaire agrave travailler

pour le patient Les situations sont tregraves varieacutees

et les reacuteponses le sont tout autant

QUELQUES EXTRAITS DE CONSULTATION

Ce patient ne se sent pas malade il nrsquoa aucun

signe de la maladie il ne comprend pas pour-

quoi le meacutedecin insiste pour qursquoil prenne un

traitement qui plus est agrave vie On lui rappelle

qursquoau pays le gueacuterisseur a lui aussi son labo-

ratoire qursquoil voit et qursquoil peut demander de

faire des choses agrave celui qui vient le consulter

pour sa protection ce parfois toute la vie

Cette analogie explicite permet de confirmer la

validiteacute de lrsquoapproche meacutedicale Ce mode drsquoex-

pression imageacutee qui est familiegravere au patient

voir dans le sable faire des rituels pour la

protection reacutesonne en lui et lrsquoaide agrave adheacuterer

aux prescriptions meacutedicales Moi-mecircme jrsquoem-

ploie souvent le terme protection pour parler

du beacuteneacutefice de la tritheacuterapie jrsquoutilise des

images qui font sens pour le patient et je com-

prends mieux celles qursquoil utilise lui-mecircme De

mecircme il mrsquoarrive de lui signaler nos expres-

sions speacutecifiquement franccedilaises ou nos pro-

verbes afin de lui faire connaicirctre aussi notre

propre maniegravere drsquoexprimer certaines choses

Tel autre patient srsquoaggrave il prend mal ses

traitements et il vit dans une grande preacutecariteacute

Drsquoembleacutee lors du premier entretien psycholo-

gique il mrsquoexplique que sa sœur au pays a par-

leacute de sorcellerie Au cours de la consultation

drsquoethnomeacutedecine on lui demande de solliciter

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 56

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

sa famille au pays pour savoir ce qui doit ecirctre

fait aupregraves de la riviegravere sacreacutee qursquoil a eacutevoqueacutee

En Afrique les deacutefunts les ancecirctres doivent

ecirctre veacuteneacutereacutes par des rituels propres agrave chaque

famille si ce rituel a eacuteteacute abandonneacute des con-

seacutequences neacutegatives peuvent rejaillir sur un de

ses membres mecircme tregraves eacuteloigneacute On peut re-

marquer qursquoici lrsquohypothegravese de la sorcellerie est

eacutecarteacutee crsquoest une autre eacutetiologie traditionnelle

qui est avanceacutee agrave laquelle le patient adhegravere il

va contacter en effet son oncle au sujet de la

riviegravere sacreacutee Le patient devient actif non seu-

lement pour srsquooccuper des choses du pays

mais aussi pour faire des deacutemarches ici sa si-

tuation meacutedicale et sociale va consideacuterable-

ment srsquoameacuteliorer il trouve par la suite un heacute-

bergement puis un travail

Pour cette autre patiente un long temps de la

seacuteance va ecirctre consacreacute au reacutecit de la deacutecou-

verte de sa maladie de son bouleversement

de son angoisse concernant lrsquoavenir Des pa-

roles apaisantes lui sont dites puis on va lui de-

mander drsquoeacutecrire ses recircves de telle et telle nuit

au cours desquelles les gueacuterisseurs

travailleront pour elle Suite au rapport de ses

recircves ils lui prescrivent un traitement elle de-

vra se laver avec une preacuteparation agrave base de

plantes Conjointement le suivi psychologique

classique se poursuit elle reprend confiance

dans la vie

Aacute tel autre il est demandeacute drsquoapporter une petite

boicircte en bois ou encore un tissu blanc et un

parfum Aacute un autre il est dit drsquoaller chercher un

certain nombre de cailloux le long drsquoun cours

drsquoeau ici en France Certaines prescrip-

tions sont plus compliqueacutees sacrifices rituels

agrave effectuer au pays objets agrave rapporter Cela

peut prendre plusieurs semaines Si la pres-

cription est impossible agrave reacutealiser par le patient

lui-mecircme sur place ou par sa famille en

Afrique les gueacuterisseurs le feront en son nom agrave

leur retour au pays Dans la meacutedecine tradition-

nelle lrsquouniteacute cosmique crsquoest-agrave-dire la parenteacute

homme-nature est constamment preacutesente

Lrsquohomme est relieacute au monde mineacuteral veacutegeacutetal

ou animal mais aussi agrave celui des deacutefunts des

esprits et bien-sucircr agrave sa famille agrave son groupe

LE SUIVI DE GROSSESSE DE MME T

Depuis des anneacutees la patiente souffre en plus

de lrsquoinfection par le VIH de troubles du compor-

tement difficiles agrave diagnostiquer elle a un suivi

psychiatrique qui ne suffit pas agrave la soulager

Elle traverse des peacuteriodes drsquoagitation drsquoagres-

siviteacute et mecircme de violence Dans ses crises

elle peut aller jusqursquoagrave lrsquoautomutilation ou la ten-

tative de suicide Agrave drsquoautres moments elle est

totalement abattue leacutethargique Bien qursquoelle

connaisse sa maladie lieacutee au VIH lrsquoobservance

de sa tritheacuterapie est fonction de son eacutetat psy-

chique Elle a beacuteneacuteficieacute agrave plusieurs reprises de

consultations drsquoethnomeacutedecine en particulier

lors de cette derniegravere grossesse Du fait des

mauvais reacutesultats biologiques car elle ne prend

plus ses antireacutetroviraux le risque de contami-

nation megravere-enfant est particuliegraverement eacuteleveacute

Tregraves deacuteprimeacutee elle est transfeacutereacutee dans le ser-

vice de psychiatrie de notre hocircpital et le psy-

chiatre accepte qursquoagrave cocircteacute des traitements clas-

siques (antideacutepresseurs anxiolytiques) elle

fasse les soins traditionnels prescrits Elle a

donc une permission pour aller au marcheacute agrave

cocircteacute de lrsquohocircpital acheter un œuf blanc Elle doit

ensuite mettre cet œuf dans une grosse boicircte

drsquoallumettes exercice un peu difficile car lrsquoœuf

risque de se casser Le tout est mis dans une

calebasse recouverte drsquoun tissu blanc qursquoelle

entrepose sous son lit plus preacuteciseacutement agrave la

tecircte du lit En effet il est important qursquoelle

dorme avec cette calebasse pregraves de sa tecircte

pendant un certain nombre de nuits Puis la ca-

lebasse avec son contenu (lrsquoœuf dans la boicircte)

est remise aux gueacuterisseurs de retour au pays

ils vont effectuer leur travail agrave la termitiegravere sa-

creacutee A son retour en France le Dr Maman

remet un onguent agrave la patiente preacuteparation

faite agrave partir de lrsquoœuf et drsquoautres eacuteleacutements Elle

doit mettre reacuteguliegraverement cette pommade au-

tour de son nombril jusqursquoagrave lrsquoaccouchement

Lrsquoeacutetat psychique de la patiente srsquoameacuteliore elle

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 57

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

reprend correctement son traitement lrsquoenfant

naicirct et ne sera pas contamineacute par le VIH Dans

les anneacutees qui suivront son eacutetat psychologique

se deacutegradera agrave nouveau nous nrsquoavons jamais

reacuteussi agrave la stabiliser compleacutetement Nrsquoayant ja-

mais bien suivi sa tritheacuterapie elle deacutecegravede agrave la

suite des complications du sida

A partir de cet exemple nous pouvons voir le

principe de non-seacuteparativiteacute principe essentiel

agrave lrsquoœuvre dans la meacutedecine traditionnelle afri-

caine Nous sommes ici dans un systegraveme de

penseacutee primordiale magique qui fonctionne

par analogie nous sommes dans le non-

seacutepareacute agrave la diffeacuterence de la penseacutee scientifique

qui individualise Dans ce cas clinique on voit

comment tout est relieacute il y a identiteacute entre la

grossesse et lrsquoœuf passage de lrsquohumain agrave

lrsquoanimal et aussi passage drsquoun continent agrave

lrsquoautre les gueacuterisseurs travaillant agrave distance

pour la patiente Citons agrave ce propos Pierre

Lembeye psychiatre et psychanalyste hellip

nous pouvons parler de rsquorsquonon-seacuteparativiteacutersquorsquo de

la meacutedecine traditionnelle par rapport agrave la meacute-

decine occidentale qui privileacutegie le mode seacutepa-

ratif et dont le maicirctre mot est diffeacuterence tandis

que celui des socieacuteteacutes anhistoriques est identi-

teacute La science en particulier la meacutedecine a

fait des progregraves en isolant en seacuteparant Citons

aussi Jean Benoist Lrsquoopposition carteacutesienne

entre le corps et lrsquoacircme a libeacutereacute la biologie et

donc la meacutedecine des interdits qui sacralisent

le corps hellip Lrsquoesprit lrsquoacircme tout ce qui eacutetait cou-

ramment deacutesigneacute par ces termes srsquoest prodi-

gieusement eacuteloigneacute de lrsquohorizon meacutedical

(Benoist 1993) A lrsquohocircpital crsquoest bien lrsquoorgane

malade que lrsquoon soigne mais rarement la per-

sonne dans sa globaliteacute et encore moins son

groupe familial Nous pensons analysons sur

le mode seacuteparatif celui de la coupure et selon

Pierre Lembeye La psychanalyse avec lrsquohy-

pothegravese de lrsquoinconscient opegravere aussi une cou-

pure avec le conscient Les lapsus les recircves

sont des manifestations de lrsquoinconscient alors

que dans la tradition africaine il nrsquoy a pas cette

seacuteparation par exemple chez les Ashantis au

Ghana si un homme recircve qursquoil couche avec sa

voisine il est puni et sa voisine aussi De

mecircme la psychiatrie pense aussi les probleacutema-

tiques sur le mode de la coupure le terme

schizophreacutenie provient de schizo du grec

schizein signifiant fractionnement fissure divi-

sion (P Lembeye) Dans les traitements tradi-

tionnels crsquoest la question du lien qui est au pre-

mier plan Nous avons lrsquoexemple de ce beacutebeacute

acircgeacute de huit mois enfant-cordon preacutesentant

des troubles du comportement et dont le traite-

ment est deacutecrit par Eacuteric de Rosny hellip le cor-

don ombilical le retenant aux entrailles de

lrsquoautre monde nrsquoaurait pas eacuteteacute coupeacute hellip Il srsquoagit

de lui crever les yeux crsquoest-agrave-dire de lui

rendre invisible le monde des Ancecirctreshellip (De

Rosny 1996 123-133)

La penseacutee magique qui est agrave lrsquoœuvre dans les

theacuterapies traditionnelles a-t-elle deacuteserteacute notre

systegraveme de penseacutee occidentale Dominique

Folscheid professeur de philosophie nous rap-

pelle ceci Notre meacutedecine moderniste est

due agrave lrsquoessor de la rationaliteacute mais on a oublieacute

que dans la Gregravece Antique la rationaliteacute deacutebu-

tante (avec les philosophes) srsquoaccompagnait

drsquoune vie mystique florissante Rappelons le

serment drsquoHippocrate premier code de deacuteonto-

logie meacutedical Je jure par Apollon meacutedecin

par Esculape par Hygeacutee et Panaceacutee par tous

les dieux et toutes les deacuteesseshellip Dans son

livre La nuit les Yeux ouverts Eacuteric de Rosny

cite Pierre Fegravevre Ce monde de la gueacuterison et

de la sorcellerie a quelque chose drsquounheimlich

(agrave la fois lsquolsquomysteacuterieuxrsquorsquo et lsquolsquoinquieacutetantrsquorsquo) et pour-

tant il eacuteveille des reacutesonances au plus profond

de nous-mecircmes et lrsquoon ne sait pas les-

quelles (de Rosny 1996 17) Nous-mecircmes

sans en avoir veacuteritablement conscience fonc-

tionnons sur le mode du lien du non-seacutepareacute

par exemple Reneacute Spitz psychiatre et psycha-

nalyste a deacutecrit en 1946 lrsquohospitalisme alteacutera-

tion physique grave srsquoinstallant chez le tregraves

jeune enfant placeacute en institution et seacutepareacute de

sa megravere crsquoest pourquoi aujourdrsquohui en peacutediatrie

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 58

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

on facilite la preacutesence de la megravere qui peut dor-

mir au chevet de son enfant un autre

exemple celui du syndrome de glissement des

personnes acircgeacutees hospitaliseacutees qui coupeacutees de

leur environnement habituel se laissent mourir

et dans un autre registre que dire de lrsquoabsence

de chambre ndeg13 dans nos hocircpitaux nos hocirc-

tels

4 FORMATION MUTUELLE PARTAGE DE SAVOIR

Un eacutechange des savoirs srsquoest instaureacute entre les

soignants de lrsquohocircpital et lrsquoassociation

1 au niveau de lrsquoassociation les membres

drsquoURACA sont formeacutes agrave la pathologie du sida

les meacutedecins apportent leur connaissance meacute-

dicale avec des mises agrave jour sur lrsquoeacutevolution de

la pathologie et des traitements Des reacuteunions

agrave thegraveme sont organiseacutees avec un eacutelargisse-

ment agrave drsquoautres pathologies (heacutepatites dreacutepa-

nocytose)

2 au niveau des soignants formation en situa-

tion clinique participation au cycle annuel de

confeacuterences drsquoUraca voyages drsquoeacutetude dans le

village du Dr Maman au Nord-Beacutenin effectueacutes

par des meacutedecins psychiatres psychologues

assistante sociale infirmiegraveres de lrsquoAP-HP

(participation agrave des theacuterapies traditionnelles

dont le culte de danses de possession expeacute-

rience drsquoune certaine situation migratoire vil-

lage dans la brousse repegraveres diffeacuterents cadre

culturel autre adaptation au climat agrave la nourri-

turehellip)

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LrsquoAfrique des gueacuterisons eacuted Karthala 1994

La nuit les yeux ouverts eacuted Seuil 1996

Justice et sorcellerie Collectif sous la direc-

tion drsquoE de Rosny eacuted Karthala 2006

LrsquoAfrique de lrsquooraliteacute et lrsquoaccueil de lrsquoEacutecriture

Paris Revue Christus ndeg225 2010

Collectif

La notion de personne en Afrique Noire Ed

LHarmattan 1973

Soins et cultures 2egravemes

Rencontres Transcul-

turelles de Tenon-Uraca Les Cahiers de

lrsquoURACA ndeg12 juin 2005 (teacuteleacutechargeable sur le

site wwwuracaorg)

Pratiques theacuterapeutiques et cultures regards

croiseacutes 3egravemes

Rencontres Transculturelles de

Tenon-Uraca 2010 videacuteos de la journeacutee en

ligne sur wwwuracaorg)

Retrouvez

toute lrsquoactualiteacute de Psyclihos

les enregistrements des con-

feacuterences ainsi que le journal

des 20 ans

sur notre site internet

wwwpsyclihosorg

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 60

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

Psychologue en reacuteanimation peacutediatrique teacutemoignage drsquoune

pratique en eacutevolution

Muriel Derome Hocircpital Raymond Poincareacute

L e propos de cette preacutesentation sera de

teacutemoigner de leacutevolution drsquoune pratique

de psychologue au sein dun pocircle de peacute-

diatrie bien speacutecifique celui de lrsquoHocircpital Ray-

mond Poincareacute de Garches Laccueil denfants

en deacutecompensation neuro respiratoire souf-

frant de polyhandicap de maladies chroniques

ou arrivant suite agrave un eacuteveacutenement traumatique

brutal (accident intoxication insuffisance respi-

ratoire) rend la preacutesence du psychologue neacute-

cessaire

Avec Jean en phase terminale nous reacutefleacutechi-

rons au rocircle du psychologue dans lrsquoaccom-

pagnement des enfants en fin de vie

Dautres cas cliniques preacutesenteacutes agrave loral illus-

treront ensuite les modaliteacutes de la prise en

charge post-traumatique denfants et de

leurs familles

Enfin nous terminerons par exposer la speacutecifi-

citeacute de notre travail aupregraves des soignants

ACCOMPAGNER DES ENFANTS GRAVEMENT MA-

LADES OU EN FIN DE VIE

Lors de notre premiegravere rencontre Jean nous

dit Je sais que je vais mourir mais les meacutede-

cins sont trop lacircches pour me le dire et mes

parents sont trop tristes pour mrsquoen parler

Nous lui reacutepondons Je ne te connais pas

mais en tout cas je trouve que cest super que

tu puisses en parler et que tu ne gardes pas

tout ccedila pour toi

Tregraves eacutetonneacute il reprend Alors lagrave crsquoest bizarre

drsquohabitude degraves que je dis que je vais mourir

tout le monde me dit rdquoMais arrecircte Nrsquoimporte

quoi Ne raconte pas des becirctisesrdquo Mais moi je

ne suis pas fou je sais ce que je dis et pour-

quoi je le dis et je veux pouvoir en parler

La question redoutable est tregraves vite apparue

Est-ce que crsquoest vrai que je vais mourir Il

faut alors pouvoir reacutepondre Je pense que si

tu dis ccedila crsquoest que tu as de bonnes raisons de

le penserhellip Tu es le seul agrave savoir exactement

ce que tu vis Raconte-moi qursquoest-ce qui te fait

dire ccedila

Jour apregraves jour gracircce agrave un travail psycholo-

gique Jean exprime de plus en plus sa souf-

france Se sentant eacutecouteacute il entre progressive-

ment dans une autre phase celle de lrsquoaccepta-

tion

Accompagner un enfant en fin de vie crsquoest

avant tout rester agrave son eacutecoute affronter les

questions qui mettent si mal agrave lrsquoaise (mecircme si

et surtout si on ne sait pas comment y reacute-

pondre ) Et crsquoest aussi accueillir ses interroga-

tions sur sa propre mort pour lutter contre la

solitude la peur lrsquoangoisse la colegravere

ACCOMPAGNER LES FAMILLES

Avec la megravere de Jean nous deacutecouvrons ce qui

se joue autour de la porte Degraves que nous nous

preacutesentons elle nous reacutepond Merci on nrsquoa

besoin de rien (Puis sortant de la

chambre) mais surtout vous ne lui dites pas

qursquoil va mourir vous ne lui parlerez de rien -

Oh moi non mais lui il en parle beaucoup

Tregraves surprise la megravere accepte alors de venir

en parler dans notre bureauhellip Lrsquoaccompagne-

ment commence

En phase terminale Jean perd toute autonomie

motrice et tous ses sens agrave lrsquoexception de la

vue Il ne peut plus parler Sa megravere terroriseacutee

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 61

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

par la situation demande aux eacutequipes de lui

donner quelque chose pour dormir deacutefiniti-

vement Nous lui montrons alors qursquoune com-

munication subsiste gracircce agrave lrsquoinstauration drsquoun

code (lettres sur un tableau) avec des signes

de tecircte et des clignements drsquoœil Elle srsquoaperccediloit

alors que Jean cherche avant tout agrave savourer

les petits bonheurs de chaque jour Elle reste

ainsi jusquau bout en lien avec son fils

Accompagner les parents cest accueillir

leur eacutepuisement leurs doutes leur ambiva-

lence parfois mecircme leur demande deuthana-

sie et leur redonner une image positive deux-

mecircmes pour leur permettre drsquoinvestir lrsquoinstant

preacutesent et ainsi favoriser un accompagnement

de qualiteacute

ACCOMPAGNER AUSSI LES AUTRES ENFANTS HOS-

PITALISEacuteS ET LEURS FAMILLES

Il nous semble important de susciter des

occasions drsquoaborder le sujet de la mort en lais-

sant les familles libres de saisir ou non ces op-

portuniteacutes

ACCOMPAGNER LES SOIGNANTS

DANS LIMMEacuteDIATETEacute DE LA REacuteALITEacute CLINIQUE

En deacutecalage les eacutequipes srsquointerrogent

Doit-on vraiment lui infliger ccedila jusqursquoau bout

Sa megravere a peut-ecirctre raison on devrait peut-

ecirctre lrsquoendormir pour qursquoil ne se sente pas humi-

lieacute drsquoecirctre si diminueacute Moi je ne supporterais

pashellip Les soignants sont alors tellement preacute-

occupeacutes par la deacutecision qursquoils pensent devoir

prendre qursquoils ne se rendent pas compte que

cette megravere est en train de vivre lrsquoun des plus

grands moments drsquoamour avec son fils Le psy-

chologue devient alors le lien entre les diffeacute-

rents protagonistes en rapportant certains des

propos de Jean Je suis bienhellip Comme ce

rayon de soleil est beau aujourdrsquohuihellip La

communication se remet agrave fonctionner Leurs

regards se posent alors diffeacuteremment sur lui

La peacuteriode de fin de vie drsquoun patient con-

fronte chaque soignant agrave ses limites Chacun

perd ses illusions de toute-puissance et se re-

trouve confronteacute agrave sa propre angoisse de mort

Certains deacutestabiliseacutes ne peuvent pas suppor-

ter lideacutee decirctre confronteacute agrave la proximiteacute de la

mort Pour surmonter sans trop de seacutequelles

la confrontation reacutepeacuteteacutee agrave la maladie grave et agrave

la mort il est neacutecessaire que chacun puisse

ecirctre attentif agrave soi-mecircme agrave ses propres be-

soins pour ecirctre dans un juste rapport agrave lrsquoautre

Il sagit decirctre toucheacute sans ecirctre impliqueacute affecti-

vement cest agrave dire sans tomber dans leacutemotivi-

teacute

Apregraves chaque deacutecegraves le psychologue est

lagrave pour inviter ceux qui le deacutesirent agrave mettre en

mots ce qui a eacuteteacute veacutecu La parole partageacutee per-

met de ne pas fixer des souvenirs culpabili-

sants ou anxiogegravenes

AU LONG COURS LE TRAVAIL INSTITUTIONNEL

Le soutien des eacutequipes pluridisciplinaires

est une part tregraves importante du travail du psy-

chologue en milieu hospitalier Lrsquoeacutecoute et les

eacutechanges contribuent agrave ce que tregraves lentement

les habitudes et les mentaliteacutes eacutevoluent Ces

rencontres pourront selon les situations avoir

lieu de faccedilon formelle ou informelle (le plus

souvent dans les couloirs)

Le soutien au long cours des eacutequipes fait par-

tie inteacutegrante du travail institutionnel Diffeacuterents

outils permettent de lrsquoaccompagner au mieux

LA REacuteUNION DE SYNTHEgraveSE

Dans notre service la reacuteunion de syn-

thegravese hebdomadaire permet de se poser pour

reacutefleacutechir en eacutequipe pluridisciplinaire agrave ce que

nous vivons Il est primordial drsquoaider chaque

intervenant agrave mettre des mots sur les situations

rencontreacutees surtout quand les points de vue

sont divergents Mais il srsquoagit drsquoun travail de

longue haleine car si nous nrsquoy sommes pas

vigilants les discussions restent tregraves meacutedicales

et eacutevitent drsquoaborder lrsquoenfant et sa famille dans

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 62

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

leur globaliteacute Le psychologue par sa faccedilon de

relever les paradoxes de poser les questions

eacutethiques ou simplement de faire entendre une

autre approche que celle purement somatique

aide les eacutequipes agrave reacutefleacutechir agrave leur maniegravere

drsquoaborder les familles

LA SYNTHEgraveSE DES SYNTHEgraveSES

Une fois par an nous prenons le temps

de relire les moments forts de lrsquoanneacutee en met-

tant des mots sur ce qui a reacuteussi ou eacutechoueacute ce

qui nous a manqueacute ce qui nous a marqueacute

choqueacute ou qui est resteacute incompris Mettre des

mots agrave distance sur des malentendus (en lien

avec une famille ou un fonctionnement interne)

permet davancer en eacutequipe Nous veillons

aussi agrave reprendre point par point les eacuteleacutements

positifs rappeler les enfants sauveacutes les fa-

milles qui remercient et valoriser les eacutequipes

est essentiel pour maintenir la motivation et

lrsquoinvestissement de chacun

ET LE PSYCHOLOGUE DANS TOUT CcedilA

Face agrave ces enfants gravement malades ou en

fin de vie nous devons apprendre agrave nous

adapter Il nous faut par exemple pour pouvoir

accueillir un enfant sans aucune autonomie

respiratoire dans notre bureau apprendre au

minimum les gestes de reacuteanimation agrave effectuer

en attendant qursquoun soignant prenne la relegraveve

Alors que nous avons appris agrave ne pas toucher

il nous faut comprendre ce que le patient nous

dit non plus agrave travers des mots mais agrave travers

des maux agrave travers son corps une poigneacutee

de main un regard une mimiquehellip nous de-

vons sentir lrsquoexpression non verbale de lrsquoan-

goisse Deacuteceler si le patient a besoin de silence

ou au contraire srsquoil attend nos questions En-

fin il faut quelquefois avec une extrecircme deacuteli-

catesse et une grande attention chercher agrave re-

formuler ce que le patient nous dit avec des

lettres montreacutees sur un tableau un hochement

de tecircte ou simplement un regard

Ecirctre psychologue va souvent de pair avec une

invitation permanente agrave se remettre en ques-

tion Il srsquoagit drsquoaccepter de douter plutocirct que de

chercher des certitudes Pour srsquoadapter agrave la

speacutecificiteacute de chaque situation il nous faudra

surtout ecirctre creacuteatif et oser inventer Dans le

cas contraire notre travail restera sans doute

superficiel car il apparaicirctra comme en deacuteca-

lage par rapport aux situations veacutecues par les

patients et les eacutequipes qui les prennent en

charge

Au niveau institutionnel le travail du psycho-

logue ne porte de fruits qursquoagrave tregraves long terme

Alors ne nous deacutecourageons pas (Le deacutecou-

ragement nrsquoest-il pas notre pire ennemi ) Veil-

lons agrave prendre soin de nous soyons attentifs agrave

nos propres besoins Ne nous barricadons pas

devant la deacutetresse mais au contraire appre-

nons agrave ralentir et agrave ressentir ce qui est toucheacute

en nous Comme leacutequilibriste sur la corde

nous devons essayer davancer en souplesse

pour ne tomber ni dans lindiffeacuterence ni dans la

fusion avec les situations dramatiques rencon-

treacutees

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 63

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

Seacutejour de vacances quelle place pour le psychologue

Ceacuteline Le Bivic Geacuteriatrie Hocircpital Eacutemile Roux

M esure 1 du plan Alzheimer 2008-

2012 deacuteveloppement et diversifica-

tion des structures de reacutepits

Parce qursquoils sont contraints de veiller constam-

ment sur les malades les aidants sont soumis

agrave une pression permanente Il existe des struc-

tures qui leur permettent de souffler en offrant

par ailleurs une prestation theacuterapeutique aux

malades pendant une ou plusieurs demi-

journeacutees

Afin drsquoeacutelargir les missions des accueils de jour

qui ne srsquoadressent qursquoaux personnes malades

ont eacuteteacute deacuteveloppeacutees les plates-formes drsquoac-

compagnement et de reacutepit Il srsquoagit drsquooffrir aux

aidants et aux couples des activiteacutes de soutien

de reacutepit agrave domicile ou en couple et de deacutevelop-

pement de la vie sociale

Il existe des actions de reacutepit agrave domicile de

garde agrave domicile de nuit drsquoactiviteacutes sociales

culturelles pour le couple maladeaidant et de

seacutejours vacances

Jacqueline agrave la fin drsquoun seacutejour vacances mrsquoa

confieacute deux feuilles de cahier manuscrites Jrsquoai

eacutecrit ccedila Vous le lirez si vous voulez

Je me legraveve agrave 7h Prise des meacutedicaments de

Guy Je deacutejeune moment tranquille je fais ma

toilette Je vais ouvrir les volets chez maman Il

est 8h30 Je preacutepare les meacutedicaments et le pe-

tit deacutejeuner de Guy Quelques fois je le fais

manger si je peux Je fais les lits je com-

mence agrave preacuteparer le deacutejeuner Passage du

SSIAD Pendant ce temps je preacutepare une les-

sive pratiquement une tous les jours Apregraves le

passage du SSIAD souvent il a besoin drsquoaller

aux toilettes le deacuteculotter nettoyer les WC le

reculotter ranger la salle de bain et finir ce qui

a eacuteteacute commenceacute (je ne peux rien faire en sui-

vant) Souvent fais de lrsquoadministratif preacuteparer

le courrier aller agrave la poste et au pain Il vient

avec moi il faut lrsquoaider agrave monter dans la voiture

et souvent lrsquoaider agrave descendre Il est 11h il faut

eacutetendre le linge lrsquoaider agrave faire sa gym preacuteparer

et porter le plateau agrave maman Midi Lrsquoheure de

preacuteparer et donner les meacutedicaments Mettre le

couvert couper les aliments lrsquoaider Pour lui il

faut bien 90 min de pose pour deacutejeuner

Apregraves desservir le preacuteparer pour la sieste le

deacuteculotter et reculotter lrsquoaider agrave se coucher

finir de ranger la cuisine lever et plier le linge

Il est environ 14h Petite pause 15h-15h30 la

sieste est finie Sortie dans le jardin toujours

accompagneacute Lrsquoaider agrave srsquohabiller agrave se deacutesha-

biller 16h prise des meacutedicaments et goucircter

Quelquefois passages agrave la sortie de lrsquoeacutecole

des petits enfants et leur papa Aux beaux

jours travail agrave lrsquoexteacuterieur (plus de 2000m2) La

tonte du gazon est faite par mon garccedilon et jrsquoai

agrave peu pregraves 40h par an par la caisse de retraite

compleacutementaire Jrsquoai une aide-meacutenagegravere 3 h

le mardi matin et 1 h le mercredi matin Jrsquoen

profite pour aller faire les courses ou aller chez

le docteur le dentiste ou le coiffeur ou autre

chose Et 3h le jeudi apregraves-midi Lagrave crsquoest mon

repos hebdomadaire et pas toujours Je vais agrave

lrsquoaquagym avec 2 amies mais juste en peacuteriode

scolaire On est loin des 2 jours de congeacutes par

semaine mais jrsquoen demande pas tant Vers 17h

-17h30 petite promenade dans le jardin apregraves

preacuteparation du dicircner 19h prise des meacutedica-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 64

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

ments Le dicircner pour lui il faut compter 90 min

Ensuite desservir Vers 20h30 je vais deacuteshabil-

ler maman Pour lrsquoinstant elle se couche sans

aide mais au deacutebut du printemps jrsquoallais la cou-

cher vers 22h Entre-temps je deacuteshabille Guy

passage aux toilettes prise des meacutedicaments

et apregraves le coucher

Il est 22h Je respire un peu Je fais un brin de

toilette Je prends mon somnifegravere et je me

couche Je mrsquoendors ou je ne mrsquoendors pas Lagrave

on peut pleurer Personne ne le voit Dans la

nuit je me legraveve une ou deux fois quand il a be-

soin de faire son pipi

Et cela 365 jours par an Et je ne me plains

pas Il y a pire Il y a aussi mieux

Jacqueline est comme 35 millions de fran-

ccedilais Elle fait partie des personnes que lrsquoon

nomme aidant familial drsquoun proche Il srsquoagit de

son mari Cela fait 12 ans qursquoil est malade Le

quotidien de Jacqueline est rythmeacute autour de

son eacutepoux et de sa pathologie eacutevolutive

En geacuterontologie le mot aidant est utiliseacute voire

parfois revendiqueacute Un aidant mais qursquoest-ce

que crsquoest Selon lrsquoassurance maladie crsquoest

celui qui apporte seul ou en compleacutement de

lrsquointervention des professionnels lrsquoaide humaine

rendue neacutecessaire par la perte drsquoautonomie de

la personne acircgeacutee ou destineacutee agrave preacutevenir une

perte drsquoautonomie et qui nrsquoest pas salarieacute pour

cette aide

Depuis une quinzaine drsquoanneacutees le veacutecu des

aidants familiaux fait lrsquoobjet de recherches On

sait aujourdrsquohui que 800 000 personnes sont

recenseacutees comme eacutetant en eacutetat de deacutepen-

dance en France crsquoest-agrave-dire qursquoelles ne peu-

vent pas effectuer de maniegravere autonome les

actes de la vie courante Et que cela est forte-

ment correacuteleacute agrave lrsquoavanceacutee en acircge la personne

aideacutee a 76 ans en moyenne

Si le lien familial preacutedomine lrsquoaidant peut aussi

ecirctre un ami ou un voisin Il srsquoagit le plus sou-

vent drsquoune femme acircgeacutee de plus de 50 ans

Bien que deux tiers des aidants srsquooccupent

quotidiennement de la personne aideacutee 60

drsquoentre eux continuent agrave avoir une activiteacute sala-

rieacutee

Lrsquoaide agrave un proche dure en moyenne 7 ans

Dans la relation drsquoaide plusieurs probleacutema-

tiques sont en jeu le deuil du parent conjoint

tel qursquoil eacutetait auparavant le renversement des

rocircles de lrsquoordre des geacuteneacuterations la crainte face

agrave son propre vieillissement les difficulteacutes de

communication avec le proche malade la

crainte de la perte du lien

La relation drsquoaide a ses apports la majoriteacute

des aidants disent se sentir utile et trouver du

plaisir dans cette relation Mais elle a aussi ses

limites et ses risques On sait aujourdrsquohui que

la mortaliteacute des aidants augmenterait de 63

que le risque de deacutepression est multiplieacute par 3

Dans cette aide au quotidien le rythme la reacute-

peacutetition lrsquoeacutevolution de la maladie peuvent ame-

ner agrave des sentiments drsquoisolement de surme-

nage et drsquoeacutepuisement

Si plus de 60 des personnes atteintes de la

maladie drsquoAlzheimer ou apparenteacutees vivent agrave

leur domicile crsquoest gracircce agrave un aidant familial

qui toute la journeacutee est dans le faire Lrsquoaidant

familial contrairement agrave lrsquoaidant professionnel

nrsquoest pas formeacute agrave cet accompagnement il base

sa relation agrave partir drsquoun lien affectif avec la per-

sonne qursquoil aide Il peut ecirctre reacutemuneacutereacute sil a

lrsquoacircge de travailler et qursquoil nrsquoest pas son conjoint

Il nrsquoa pas drsquoheures fixes

On peut donc comprendre le besoin parfois de

se poser un peu

Plutocirct que le mot vacances est apparu reacute-

cemment le mot reacutepit

Des seacutejours de reacutepit pour les aidants

Une expression forte qui vient nommer la souf-

france du proche dans la relation drsquoaide

Agrave croire que la personne dite aideacutee nrsquoa elle

pas besoin de temps de pause et que son quo-

tidien lui suffit parfaitement La femme de

Pierre me dira mon meacutedecin et son neuro-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 65

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

logue mrsquoavaient deacuteconseilleacute de lrsquoemmener ici

En France les vacances sont un droit pour les

salarieacuteshellip

Mais au fait agrave quoi ccedila sert des vacances Eh

bien avant tout agrave couper avec le quotidien An-

dreacute Comte-Sponville eacutevoque les vacances

comme un moment de liberteacute

Srsquoaccorder une pause crsquoest ainsi que nous

avons nommeacute le seacutejour de vacances que je

vais vous preacutesenter

Le seacutejour est proposeacute par une caisse de re-

traite compleacutementaire qui contacte ses adheacute-

rents Le point commun est qursquoil existe entre un

adheacuterent et un de ses proches une relation

drsquoaide au quotidien Le projet a eacuteteacute construit et

penseacute avec une association qui intervient dans

lrsquoaccompagnement de lrsquoavanceacutee en Acircge

Le groupe est composeacute en moyenne de 7

couples la moyenne drsquoacircge des aidants est de

74 ans et celle des aideacutes de 80 ans

Les participants viennent de la France entiegravere

Ils ne se connaissent pas Nous ne les con-

naissons pas

La majoriteacute des aideacutes preacutesentent des pro-

blegravemes cognitifs ou des difficulteacutes motrices

Le lieu est une structure de vacances (type reacute-

sidence hocircteliegravere) adapteacutee aux personnes han-

dicapeacutees

Le seacutejour a eacuteteacute penseacute avec la preacutesence de

deux personnes dite en fil rouge de la se-

maine la coordonnatrice de lrsquoassociation creacutea-

trice du projet et la psychologue Partager le

quotidien du petit deacutejeuner au dicircner de lrsquoac-

cueil jusqursquoau deacutepart

Drsquoautres intervenants (intervenant en Taiuml-Chi

Chuan une socio-estheacuteticienne intervenant en

chant et expression corporelle activiteacute autour

de la terre) rejoignent le groupe en deacutecaleacute afin

de conserver une alternance des pratiques

mais aussi une preacutesence renforceacutee en milieu

de semaine moment ougrave nous pouvons com-

mencer agrave seacuteparer les duos

Lrsquoaspect meacutedicaliseacute parfois neacutecessaire est re-

layeacute par des infirmiegraveres libeacuterales qui intervien-

nent sur le lieu de vacances

Le planning de la semaine est proposeacute avec

des activiteacutes ensemble seacutepareacutees en groupe

individuelles toujours dans la proposition et

non dans la contrainte Le rythme des journeacutees

srsquoadapte tous les jours

Les objectifs de la semaine

Permettre agrave chacun aidant comme aideacute de

srsquoaccorder veacuteritablement une pause en profi-

tant pleinement du site et drsquoun accompagne-

ment qui facilite leur quotidien pendant la se-

maine (absence de tacircches meacutenagegraveres repas

servis au restaurant possibiliteacute drsquoaccompagne-

ment de la personne aideacutee pour quelques

heures proposition drsquoanimations proposition

de temps dlsquoeacutechanges et de paroles)

Favoriser lrsquoacquisition et le partage drsquooutils mecirc-

lant expeacuteriences et connaissances que les per-

sonnes pourront reacuteutiliser une fois de retour au

domicile

Nous ne nommons pas les personnes par leur

fonction aidant ou aideacute mais par leur preacutenom

Chaque duo est composeacute drsquoune personne

ayant un badge vert et lrsquoautre saumon Ainsi

certaines activiteacutes sont proposeacutees agrave tous et

drsquoautres agrave chaque groupe de couleur diffeacuterente

Lrsquoanalyse des questionnaires de satisfaction ou

du bilan oral nous confortent encore dans lrsquoideacutee

que ces objectifs reacutepondent bien agrave ceux des

personnes et sont atteignables dans le cadre

de ces seacutejours

Crsquoest lrsquooccasion de partager une semaine de

vacances tout agrave fait diffeacuterente du quotidien et

des repegraveres de chacun Le groupe se creacutee degraves

les premiegraveres heures de rencontre agrave lrsquoarriveacutee

Tout au long de la semaine chacun eacutevolue

dans sa propre probleacutematique

Les aidants deacutecouvrant drsquoautres pairs eacutechan-

geant avec drsquoautres prenant distance vis agrave vis

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 66

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

de leur veacutecu et deacutecouvrant le comportement de

leur proche avec drsquoautres personnes profes-

sionnels ou non

Les aideacutes qui se sont saisis des possibiliteacutes

offertes de faire autrement deacutecouvrir drsquoautres

vivre des moments de plaisir malgreacute le handi-

cap ou la maladie Eacutechanger avec drsquoautres qui

vivent des situations similaires

Lrsquoeacutevolution du groupe dans lequel une con-

fiance mutuelle srsquoinstalle et permet des interac-

tions et des eacutechanges tregraves riches humaine-

ment Chacun a pu recevoir et apporter agrave

lrsquoautre qursquoil soit aideacute ou aidant

Durant tout le seacutejour tout le monde peut se po-

ser deacutecouvrir lrsquoautre se deacutecouvrir dans des

moments partageacutes individuels ou collectifs

Proposer plein drsquounivers diffeacuterents des compeacute-

tences diffeacuterentes (prof de tai-chi le corps

penseacute le chant le savoir de lrsquoeacutemotion la socio-

estheacuteticienne le mieux avec soi-mecircme)hellip

Et le psychologue dans tout ccedila

Dans ce type de vacances jrsquointerviens en bi-

nocircme avec la responsable du seacutejour du deacutebut

du seacutejour jusqursquoau deacutepart des participants

Je me preacutesente en tant que psychologue Pour

la plupart crsquoest la premiegravere fois qursquoils rencon-

trent quelqursquoun de cette profession Vous allez

mrsquoanalyser me demande Jacques au deacutebut

du seacutejour Finalement vous ecirctes sympas les

psys Vous croyez qursquoil en y en pregraves de chez

moi me demandera-t-il en fin de seacutejour

Je suis tout le temps avec eux du soir au ma-

tin Pas tregraves acadeacutemique comme cadre de tra-

vail et pourtant comme souvent la clinique

vient nous proposer de penser autrement

Le rocircle essentiel du psychologue est que du

deacutebut agrave la fin du seacutejour il propose ce que je

nomme des bras psychiques Les 4 bras les

bras du cadre formel et les bras psychiques Fil

rouge tout le long du seacutejour Crsquoest par ce cadre

-lagrave que chacun va pouvoir se deacutetendre libeacuterer

la parole Lacirccher le faire du quotidien pour

tendre vers le vivre le ressentir et le partager

durant le seacutejour

Pour le psychologue partager le quotidien (du

petit deacutejeuner au dicircner) crsquoest ne pas ecirctre tout

le temps dans la distance mais ecirctre dans la

juste distance Alterner des moments formels

proposition de groupes de parole durant le seacute-

jour pour les personnes en situations drsquoaider et

celles qui reccediloivent de lrsquoaide) et de temps infor-

mels Crsquoest ecirctre disponible Crsquoest garantir lrsquoexis-

tence du maintien de la vie psychique et recon-

naicirctre la personne en tant que sujet pensant

ressentant deacutesirant

Tisser des liens Lacirccher le bras de son malade

changer de bras Faire confiance agrave lrsquoautre et

deacutecouvrir ainsi que lrsquoon peut soutenir lrsquoautre

dans ce qursquoil est capable de donner Faire con-

fiance est possible si le cadre est suffisamment

contenant pour se lrsquoautoriser

Deacutecloisonner les rocircles et les fonctions de cha-

cun Les cloisons tombent Le fil qui nous tient

et nous unit dans le lien agrave lrsquoautre reste Prendre

soin de soi

Exemple du massage des mains avec la socio-

estheacuteticienne En groupe de parole eacutemerge

alors que les mains ne servent pas qursquoagrave se te-

nir ou tenir lrsquoautre les mains se croisent dans

le relationnel et la communication Ne plus ecirctre

dans le soigner la maladie mais dans le pren-

dre soin de ce qui nous lie agrave lrsquoautre

Accompagner lrsquoaidant agrave cheminer vers le si

moi je vais mieux alors lui ira peut ecirctre mieux

au lieu de si il va bien je vais bien

Durant le seacutejour je prends des notes tous les

soirs sur chaque participant Notes drsquoimpres-

sion de ressenti et de questions qui me per-

mettent de comprendre lrsquoeacutevolution psycho-

dynamique de chacun et de chaque duo

Deux fois en moyenne durant le seacutejour jrsquoap-

pelle une collegravegue afin de pouvoir parler pen-

ser et eacutelaborer le veacutecu partageacute

Je propose un moment de reacuteflexion sur la rela-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 67

Uniteacute dans la diversiteacute des pratiques transversaliteacute de nos cliniques

tion drsquoaide avec les aidants Je propose un

temps de parole et drsquoeacutechange sur le veacutecu de

lrsquoaideacute

Lors du bilan le rocircle de la psychologue est tou-

jours valoriseacute Non confondu avec les temps

drsquoanimation crsquoest un espace drsquoeacutechange de soi

et de lrsquointime qui est possible parce qursquoun lien

de confiance dans le quotidien srsquoest creacuteeacute Nous

partageons nos savoirs ceux de ma connais-

sance avec ceux de leur expeacuterience Jrsquoai deacute-

couvert ce que crsquoest une psy Ce nest pas si

grave ccedila srsquoavegravere mecircme plutocirct utile

Ces seacutejours sont lrsquooccasion aussi pour les pro-

fessionnels intervenants drsquoenrichir leurs con-

naissances et leurs pratiques vis-agrave-vis de ce

qursquoest la relation aidant-aideacute en partageant leur

quotidien pendant quelques jours

Comprendre le lien aidantaideacute dans ce qui se

joue au quotidien au plus intime au plus pro-

fond

Le seacutejour ne dure qursquoune semaine Cette se-

maine est en dehors du quotidien de chacun

Elle montre que de vivre eacutechanger rire parta-

ger du plaisir avec drsquoautres est possible et es-

sentiel Elle permet ainsi aux couples ou duos

de se ressourcer et de repeacuterer les plaisirs qui

fondent et nourrissent leur relation partageacutee

Merci de votre attention

Retrouvez

toute lrsquoactualiteacute de Psyclihos

les enregistrements des con-

feacuterences ainsi que le journal

des 20 ans

sur notre site internet

wwwpsyclihosorg

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 68

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

Modeacuterateur Martine Shindo Hocircpital Saint Louis

gt Laccompagnement psychologique par teacuteleacute-

phone dans les maladies de Creutzfeldt-Jakob

Marie-Lise Babonneau Hocircpital Pitieacute Salpecirctriegravere Page 69

gt Parents face agrave linterruption meacutedicale de

grossesse des mots en images

Natascia Serbandini Hocircpital Jean Verdier Page 78

gt Psychologue clinicien aupregraves du personnel

missions enjeux limites

Isabelle Fretigny Hocircpital Saint Louis Elodie Travers Hocircpital Henri Mondor

Page 82

Cliniques particuliegraveres

Pratiques innovantes

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 69

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

Laccompagnement psychologique par teacuteleacutephone dans les

maladies de Creutzfeldt-Jakob

Marie-Lise Babonneau Hocircpital Pitieacute Salpecirctriegravere

L a Cellule Nationale de Reacutefeacuterence des

Maladies de Creutzfeldt-Jakob (MCJ) a

eacuteteacute creacuteeacutee en 2001 par le Ministegravere des

Solidariteacutes de la Santeacute et de la Famille A la

disposition du grand public et des profession-

nels de terrain elle a pour mission lrsquoaide au

diagnostic et agrave la prise en charge meacutedicale so-

ciale et psychologique des patients et de leur

famille

La Cellule est nicheacutee au cœur de lrsquohocircpital de la

Pitieacute-Salpecirctriegravere dans lrsquoune des trois loges au-

trefois destineacutees aux alieacuteneacutes Elle a la particu-

lariteacute de ne pas accueillir physiquement le pu-

blic auquel elle srsquoadresse lrsquoaide qursquoelle pro-

pose srsquoeffectue essentiellement par teacuteleacutephone

En juin 2003 jrsquointegravegre pour un tiers-temps de

psychologue lrsquoeacutequipe deacutejagrave composeacutee drsquoun meacute-

decin coordinateur drsquoun meacutedecin attacheacute

drsquoune assistante sociale drsquoune assistante de

recherche clinique et drsquoune secreacutetaire

A cette eacutepoque je treacutebuche agrave lrsquoenvi sur lrsquoimpro-

nonccedilable Creutzfeldt-Jakob et examine drsquoun

œil dubitatif ma fiche de poste comment assu-

rer un soutien psychologique exclusivement

teacuteleacutephonique Eacutetait-ce reacutealisable efficace ad-

missible

PREacuteAMBULE

Les Maladies de Creutzfeldt-Jakob sont con-

nues de longue date les premiers cas ont eacuteteacute

deacutecrits par Creutzfeldt et Jakob dans les an-

neacutees 1920 Ce sont des maladies neurodeacutegeacute-

neacuteratives rares (qui se traduisent par une deacute-

mence et une grabatisation) 15 cas par mil-

lion drsquohabitants et par an dans tous les pays ougrave

existe une surveillance eacutepideacutemiologique En

France elles concernent une centaine de cas

par an

Principalement connues du grand public sous

le nom de maladie de la vache folle il existe

pourtant trois formes diffeacuterentes de MCJ avec

pour chacune drsquoelles ses speacutecificiteacutes On les

classe en fonction de leur mode de transmis-

sion la forme sporadique (aleacuteatoire) les

formes heacutereacuteditaires (MCJ geacuteneacutetiques syn-

drome de Gertsmann-Straussler-Scheinker

Insomnie Fatale Familiale) et les formes ac-

quises (formes iatrogegravenes des hormones de

croissance variante de la MCJ)

Le poste de psychologue avait eacuteteacute creacuteeacute pour se

consacrer principalement au travail drsquoeacutecoute

des personnes agrave risque de deacutevelopper une

MCJ suite agrave un traitement par hormones de

croissance contamineacutees Puis il srsquoest eacutetendu agrave

lrsquoeacutecoute de toute personne concerneacutee directe-

ment ou non par une MCJ quelle qursquoen soit la

forme

DE LrsquoENTRETIEN PONCTUEL AU SUIVI

La nature teacuteleacutephonique des entretiens psycho-

logiques est le fait drsquoune indeacutepassable reacutealiteacute

la dimension nationale du champ drsquointervention

de la Cellule exclut lrsquoeacuteventualiteacute drsquoentretiens en

face agrave face Mais si en 2011 les suivis psycho-

logiques par teacuteleacutephone se deacuteveloppent agrave

grands pas en 2003 rien nrsquoeacutetait moins eacutevident

que cette forme drsquoaccompagnement lagrave

Agrave cette eacutepoque drsquoailleurs la prise en charge

psychologique au sein de la Cellule se limitait agrave

la proposition drsquoun entretien teacuteleacutephonique pour

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 70

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

faire le point agrave des personnes qui avaient ap-

peleacute pour une toute autre demande principale-

ment drsquoordre meacutedical ou social Agrave lrsquooccasion de

ces demandes certains appelants manifes-

taient des signes de souffrance lieacutee agrave leur si-

tuation peur de la maladie du risque de la deacute-

velopper anxieacuteteacute suite agrave lrsquoannonce de la mala-

die drsquoun proche imminence de son deacutecegraves etc

Les membres de lrsquoeacutequipe les informaient alors

de la possibiliteacute drsquoecirctre contacteacute par la psycho-

logue de la Cellule pour parler des difficulteacutes

qursquoils traversaient en ces moments critiques

Ces entretiens teacuteleacutephoniques ponctuels (de 45

minutes) eacutetaient destineacutes agrave contenir les an-

goisses et la deacutetresse des appelants Puis au

besoin jrsquoorganisais un suivi psychologique de

proximiteacute (psychologues ou psychiatres libeacute-

raux Centres Meacutedico-Psychologiques

(CMP)

Ainsi la proceacutedure entretien ponctuel - reacuteorien-

tation nous semblait reacutepondre au besoin ponc-

tuel drsquoeacutetayage des appelants et correspondre

aux exigences de fonctionnement en plate-

forme nationale de la Cellule Circonscrite pla-

nifieacutee et probablement eacuteconomique sur le plan

psychique cette proceacutedure nous rassurait-elle

aussi Quand bien mecircme elle a plieacute sous le

poids de la reacutealiteacute et a consideacuterablement eacutevo-

lueacute depuis 2003

En effet alors que le nombre annuel de ma-

lades concerneacutes par les MCJ demeure stable

le volume annuel drsquoentretiens psychologiques

lui est passeacute de 40 agrave 260 en huit ans Ainsi

110 personnes ont eacuteteacute suivies ou ont beacuteneacuteficieacute

de seacutequences de soutien de plus de 3 entre-

tiens teacuteleacutephoniques Cela repreacutesente 84 des

personnes ayant eu un premier contact avec le

psychologue Et tandis que la proceacutedure preacute-

voyait un ou deux entretiens la dureacutee des sui-

vis est en moyenne de neuf mois (de trois se-

maines agrave trois ans) drsquoune rythmiciteacute allant drsquoun

entretien hebdomadaire agrave un entretien men-

suel en fonction des besoins Comment expli-

quer cette eacutevolution

Faut-il incriminer les traditionnels obstacles re-

latifs agrave la prise en charge psychologique de

proximiteacute rareteacute des psychologues dans cer-

taines reacutegions surcoucirct financier drsquoune theacuterapie

CMP engorgeacuteshellip Peut-ecirctre mais ils ne suf-

fisent pas agrave expliquer lrsquoaugmentation remar-

quable du nombre drsquoentretiens psychologiques

ni lrsquoallongement de la dureacutee des suivis

Aujourdrsquohui nous pouvons avancer drsquoautres

arguments pour expliquer cette eacutevolution ce

sont les particulariteacutes de la maladie tout autant

que celles lieacutees agrave la teacuteleacutephonie qui ont engen-

dreacute ce dispositif innovant de prise en charge

psychologique

LE CADRE

Un constat les orientations pourtant

travailleacutees (contact teacuteleacutephonique avec le psy-

chologue de proximiteacute informations deacutetailleacutees

sur les speacutecificiteacutes de la maladie et leur impact

sur lrsquoentourage) nrsquoont qursquoexceptionnellement

abouti les patients demandaient agrave reprendre

contact avec la psychologue de la Cellule Par-

tant de ce constat le dispositif drsquoaide psycholo-

gique proposeacute par le psychologue aux per-

sonnes qui appelaient a rapidement eacutevolueacute

Les quelques hypothegraveses concernant la difficul-

teacute du recours agrave la proximiteacute seront abordeacutees

tout au long de cet article

Agrave lrsquoheure actuelle quelle que soit la forme de

MCJ lrsquoappelant contacte la Cellule pour une

demande drsquoaide principalement drsquoordre meacutedi-

cal Les deux meacutedecins nrsquoeacutetant pas preacutesents agrave

la Cellule en permanence crsquoest la secreacutetaire

qui recueille les attentes Elle preacutesente le fonc-

tionnement global de la Cellule et eacutevoque sys-

teacutematiquement la possibiliteacute drsquoecirctre contacteacute par

la psychologue Lorsqursquoelle ressent particuliegrave-

rement intenseacutement la deacutetresse de lrsquoappelant

elle insiste sur lrsquoimportance drsquoun entretien avec

la psychologue qui connaicirct tregraves bien la mala-

die un argument de poids pour les personnes

deacutesempareacutees qui heacutesitent pourtant agrave demander

de lrsquoaide

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 71

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

Rares sont ceux qui demandent spontaneacutement

un entretien psychologique Mais rares sont

ceux qui le refusent lorsqursquoil leur est proposeacute

Cette invitation agrave ecirctre entendu loin de court-

circuiter la deacutelicate question de la demande

theacuterapeutique nous semble plutocirct lui permettre

drsquoadvenir Agrave ce titre nul doute que le deacutevelop-

pement du nombre de suivis psychologiques

reacutealiseacutes agrave la Cellule est en rapport direct avec

les qualiteacutes drsquoaccueil et lrsquoacuiteacute intuitive de sa

secreacutetaire

Ainsi cette derniegravere prend note des disponibili-

teacutes horaires de lrsquoappelant et apregraves avoir re-

cueilli lrsquoaccord preacutealable de ce dernier me les

transmet au plus vite Mon premier appel au

cours duquel nous eacutevoquons la situation de

crise a souvent lieu dans les 48 heures Cette

reacuteactiviteacute de prise de contact est un eacuteleacutement

deacuteterminant dans lrsquoeacutetablissement drsquoun lien de

confiance la premiegravere pierre drsquoun espace con-

tenant

Nous ne reacutealisons pas ou peu drsquoentretiens en

urgence la Cellule ne srsquoapparente pas agrave une

permanence drsquoeacutecoute 24h24 Drsquoailleurs la

simple date de rendez-vous sur mon agenda a

suffit agrave me calmer (hellip) Jrsquoeacutetais compleacutetement

bloqueacutee paniqueacutee et je me suis remise agrave pen-

ser et agrave geacuterer le quotidien que je ne geacuterais

plus

Ce premier entretien a une tonaliteacute toute parti-

culiegravere Agrave lrsquoinverse peut-ecirctre drsquoun premier ren-

dez-vous en face agrave face lrsquoentretien teacuteleacutepho-

nique semble provoquer un relacircchement des

meacutecanismes de deacutefenses et lrsquoeacutemergence des

processus primaires affolement pleurs pen-

seacutees parfois deacutesorganiseacutees coq agrave lrsquoacircne Lrsquoap-

pelant se deacuteverse deacuteballe tout en vrac Un

relacircchement induit drsquoabord par lrsquoabsence

drsquoinformations visuelles cette sorte de veacutecu

drsquoanonymat qui autorise la leveacutee de la cen-

sure Vous ne me voyez pas alors je peux

tout dire sans conseacutequences Pourtant nom

preacutenom situation familiale et localisation geacuteo-

graphique pourraient objectivement freiner le

veacutecu drsquoanonymat Il nrsquoen est rien Ce premier

entretien ndash et les quelques suivants - souli-

gnent ainsi la primauteacute du voir sur le savoir de

lrsquoautre

Un relacircchement doublement favoriseacute par le fait

que lrsquoappelant demeure dans un espace qui lui

est propre familier choisi Je suis dans ma

chambre jrsquoai fermeacute la porte Je me suis ins-

talleacutee dans ma voiture pour notre rendez-vous

ici je suis tranquille et en seacutecuriteacute

Notons que le psychologue nrsquoeacutechappe pas agrave

cet effet de relacircchement calfeutreacute qursquoil est

dans son espace soustrait au poids du regard

de lrsquoautre Un relacircchement du corps qui favo-

rise le flottement neacutecessaire agrave son travail

drsquoeacutecoute des processus inconscients agrave lrsquoœuvre

chez lrsquoappelant

Dans la tregraves grande majoriteacute des cas le pre-

mier appel donne lieu agrave un second rendez-vous

teacuteleacutephonique dont nous convenons ensemble

des termes (date et heure) Le choix de la du-

reacutee des entretiens (toujours de 45 minutes) deacute-

coule certainement de notre pratique de lrsquoentre-

tien en face-agrave-face mais il srsquoest aveacutereacute tout agrave fait

pertinent dans la pratique de lrsquoentretien teacuteleacute-

phonique puisque trois quarts drsquoheure laissent

le temps agrave la personne drsquoeacutelaborer ses ressen-

tis Cette dureacutee nrsquoest pas drsquoembleacutee annonceacutee

mais plutocirct suggeacutereacutee Nous allons en rester lagrave

pour aujourdrsquohui parce qursquoil est lrsquoheurehellip nous

nous retrouvons donc lehellip agravehellip conclut systeacute-

matiquement nos entretiens

Crsquoest freacutequemment au deacutecours du troisiegraveme

entretien que les questions se posent sur la

poursuite et les modaliteacutes de la prise en

charge Vous consultez ougrave Je vous dois

combien Jrsquoai droit agrave combien drsquoentre-

tiens Agrave ces questions la prise en charge

exclusivement teacuteleacutephonique (aucun deacuteplace-

ment) la gratuiteacute (la Cellule prend en charge

tous les entretiens) et la possibiliteacute drsquoecirctre suivi

tant que le besoin srsquoen fait sentir srsquoapparente agrave

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 72

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

un apaisant holding winicottien Dans ma si-

tuation crsquoest incroyable drsquoavoir le droit de se

laisser porterhellip

Les particulariteacutes du dispositif de suivi teacuteleacutepho-

nique semblent ainsi reacutepondre aux exigences

de la reacutealiteacute des appelants La premiegravere drsquoentre

-elles lrsquoabsence de deacuteplacement et la grande

souplesse drsquoorganisation qui en deacutecoule allegravege

consideacuterablement leur quotidien phagocyteacute par

la maladie Une theacuterapie en cabinet aurait eacuteteacute

inconciliable avec notre reacutealiteacutehellip tout autant

qursquoinfiltreacute de sentiments de culpabiliteacute

Comment prendre le temps de me plaindre

alors qursquoelle est en train de mourirhellip Je sais

que crsquoest important de parler mais je nrsquoaurais

pas pris le temps de consulter pour moi tandis

que ce temps est si preacutecieuxhellip je veux le pas-

ser aupregraves drsquoellehellip ccedila me soigne de ne pas

perdre une minute Ainsi pourtant installeacutes

chez eux ils peuvent srsquoabsenter sans culpabili-

teacute excessive Je ne suis pas loin de lui mais je

suis en consultation juste pour moihellip Je suis

seule avec lui

La seconde particulariteacute du suivi psychologique

par teacuteleacutephone compareacute agrave un dispositif theacutera-

peutique classique reacuteside dans le fait que crsquoest

le psychologue qui appelle systeacutematiquement

le patient Au moment ougrave lrsquoeacutetayage social fami-

lial et parfois professionnel se fissure et ougrave la

difficulteacute drsquoappeler agrave lrsquoaide se fait sentir cette

deacutemarche inverseacutee nrsquoest pas deacutenueacutee drsquoeffet

theacuterapeutique Crsquoest toujours nous qui de-

mandons partout de lrsquoaidehellip et lagrave quel repos

que ce soit vous qui veniez jusqursquoagrave moihellip Je

nrsquoaurais pas eu la force de faire une deacutemarche

de plushellip ccedila mrsquoaide agrave continuerhellip

Enfin ajoutons que dans ce temps extra-

ordinaire ougrave tout leur coucircte ougrave crsquoest nous qui

donnons tout de nous tout notre temps toute

notre eacutenergiehellip la gratuiteacute de la prise en

charge est un eacuteleacutement important pour les per-

sonnes qui appellent Cette gratuiteacute de soins

repreacutesentative des modaliteacutes de prises en

charge psychologiques agrave lrsquohocircpital contribue agrave

restaurer leur sentiment drsquoecirctre consideacutereacutees et

reconnues dans leur souffrance On srsquooccupe

aussi de moi

Neacuteanmoins certains appelants qui avaient en-

visageacute de consulter en libeacuteral ainsi precircts agrave de-

mander de lrsquoaide se deacuteplacer et payer leur

seacuteance srsquoeacutetaient vus confronteacutes agrave un autre

obstacle somme-toute infranchissable le ca-

ractegravere indicible du veacutecu des MCJ Comment

parler agrave quelqursquoun qui nrsquoa jamais vu cette mala-

die monstrueuse (hellip) Il faut la voir pour sa-

voirhellip Ici (agrave la Cellule) je suis en seacutecuriteacute vous

savez de quoi je parle sans que jrsquoen parle vrai-

ment (hellip) vous avez les mecircmes images que

moi dans la tecircte Pour ces appelants qui cher-

chent une communauteacute drsquoexpeacuterience le psy-

chologue se doit drsquoecirctre un sujet dont le savoir

nrsquoest pas que supposeacute

SUIVI POUR QUI SUIVI POUR QUOI

Nous distinguons trois cateacutegories drsquoappelants

les personnes malades crsquoest agrave dire symptoma-

tiques leur entourage (conjoints enfants pa-

rents fregraveres et sœurs) et les personnes agrave

risque de deacutevelopper la maladie (drsquoorigine geacute-

neacutetique ou iatrogegravene) Les appels des profes-

sionnels (assez rares) ne seront pas traiteacutes

dans cet article

En huit ans seulement trois personnes ma-

lades ont eacuteteacute en contact avec le psychologue

par teacuteleacutephone et nrsquoont beacuteneacuteficieacute que de deux

entretiens en moyenne En effet dans la majo-

riteacute des cas la maladie est suspecteacutee tardive-

ment apregraves une longue peacuteriode drsquoerrance meacute-

dicale Si bien que le patient deacutejagrave tregraves sympto-

matique est rarement en capaciteacute de parler

suffisamment distinctement (dysarthrie) pour

beacuteneacuteficier drsquoun entretien teacuteleacutephonique Drsquoautant

que les troubles neuropsychologiques et psy-

chiatriques associeacutes agrave une freacutequente anoso-

gnosie et une eacutevolution preacutecipiteacutee de la mala-

die rendent complexes la mise en place drsquoun

suivi

Monsieur K prend contact avec la Cellule ef-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 73

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

frayeacute par la deacutegradation de son eacutetat il tremble

tombe et perd la meacutemoire Il craint drsquoecirctre atteint

de la maladie de Creutzfeldt-Jakob dont il se

sait agrave risque suite agrave un traitement par hor-

mones de croissance contamineacutees Je nrsquoose

pas en parler on va me regarder bizarrement

et srsquoinquieacuteter peut-ecirctre pour rien Mais lrsquoentre-

tien est difficile agrave mener au regard des troubles

cognitifs et dysarthriques de Monsieur K Nous

convenons neacuteanmoins drsquoun rendez-vous teacuteleacute-

phonique la semaine suivante Le jour-dit je

lrsquoappelle agrave son domicile Il ne se souvient ni de

moi ni de la raison de mon appel Il comprend

agrave peine les mots que je prononce Il raccroche

Crsquoest donc principalement agrave lrsquoentourage du ma-

lade que srsquoadresse le soutien psychologique

par teacuteleacutephone un entourage deacutemuni devant

cette maladie que personne ne connaicirct qui

effraie tout le monde et qui laisse chacun en

proie agrave un profond sentiment drsquoisolement Freacute-

quemment rencontreacute au deacutecours drsquoautres pa-

thologies neurodeacutegeacuteneacuteratives le sentiment

drsquoisolement semble pourtant exacerbeacute par les

speacutecificiteacutes de cette maladie meacuteconnue que

les meacutedias ont tocirct fait drsquoassimiler agrave une forme

de peste contagieuse foudroyante

monstrueuse Des qualificatifs qui srsquoillustrent

parfois crucircment dans la reacutealiteacute par un compor-

tement exageacutereacutement eacutevitant du corps meacutedical

Ils portent des masques des gants et entrent

prudemment dans la chambre Que dire en-

core de lrsquoamalgame de toutes les formes de

MCJ avec la plus meacutediatiseacutee drsquoentre-elles -la

vache folle - si ce nrsquoest qursquoil en ajoute au senti-

ment drsquoeacutetrangeteacute qursquoelles provoquent deacutejagrave

Ce nrsquoest pas un animal crsquoest un ecirctre hu-

main Mais ce nrsquoest pas tant la maladie qui

est contagieuse que lrsquoidentification menaccedilante

qursquoelle propose lrsquoidentification agrave lrsquoEcirctre animal

archaiumlque et agrave lrsquoEcirctre deacutement qui nrsquoest plus lui-

mecircme agrave la fois posseacutedeacute et deacuteposseacutedeacute de

son humaniteacute Les MCJ quelle qursquoen soit la

forme figureraient-elles la barbarie au sens

eacutetranger et sauvage du terme

Les familles sont comme prises au piegravege de

ces repreacutesentations collectives dont la vio-

lence inouiumle (jamais entendue) semblent les

expulser aux confins de la communauteacute hu-

maine Quand on a dit ce qursquoil avait tout le

monde a disparuhellip On a eu beau expliquer

qursquoil nrsquoy avait pas de risque de transmission

les gens sont terrifieacutes et prennent leur distance

Il nrsquoy a plus personne agrave qui parler Mais cette

expulsion nrsquoest pas toujours le fait du monde

exteacuterieur Lrsquoentourage peut se retirer spontaneacute-

ment du monde pour se soustraire au regard

que ce dernier pourrait porter sur lui Je ne

voulais pas qursquoon nous regarde comme des

becircteshellip alors jrsquoai disparu de la circulation

Dans ce contexte de mise en quarantaine dic-

teacutee ou spontaneacutee la seule ideacutee de lrsquoexistence

de la Cellule fait fonction de terre drsquoasile de

support identificatoire Un support identifica-

toire renarcissisant Ici je peux reprendre

forme humainehellip il y a quelqursquoun au bout du fil

Quelqursquounhellip et je me sens quelqursquoun en mi-

roir Parce qursquoavec tout ce qui nous arrive je

me sens tantocirct comme un chien galeux tantocirct

trimbaleacute comme un objethellip et de par son nu-

meacutero drsquoappel unique doubleacute drsquoune prise en

charge globale un support identificatoire struc-

turant Jrsquoai lrsquoimpression qursquoelle part en mor-

ceauxhellip petit bout par petit bouthellip lrsquoeacutequilibre la

tecircte la marche la vision la parolehellip sa vie

part en lambeauxhellip et moi je nrsquoarrive plus agrave

me rassemblerhellip Mais il y a tout le monde

(meacutedecins assistante sociale psychologue)

ici agrave la Cellulehellip ccedila me rassure de savoir que

vous parlez tous la mecircme langue que vous

faites corps

Outre lrsquoentourage des malades des personnes

dites agrave risque font appel agrave la Cellule des per-

sonnes agrave risque de MCJ suite agrave un traitement

par hormones de croissance contamineacutees et

des personnes agrave risque de MCJ drsquoorigine geacute-

neacutetique Dans les deux cas le veacutecu subjectif de

risque prend en otage les perspectives drsquoave-

nir Parce qursquoil annonce en mecircme temps le pire

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 74

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

et la possibiliteacute drsquoy eacutechapper parce qursquoil

nrsquoindique ni la victime ni lrsquoheure de la catas-

trophe le risque peut donner agrave cette derniegravere

un caractegravere omnipreacutesent Quand je vais

bien je me prends agrave espeacuterer que je ne serai

jamais malade que tout ccedila nrsquoeacutetait qursquoun cau-

chemar Mais quand je me sens mal le risque

drsquoecirctre malade se transforme en fataliteacute Je me

sens condamneacutee (hellip) Finalement que ce soit

par lrsquoespoir ou la fataliteacute crsquoest un peu lagrave tout le

temps un peu partout en moi

Et si des moments drsquoaccalmie subsistent crsquoest

souvent un eacuteleacutement de la reacutealiteacute preacutesent ou agrave

venir qui vient attiser les angoisses drsquoecirctre ma-

lade

Concernant le drame des hormones de crois-

sance contamineacutees ce sont principalement les

diffeacuterentes eacutetapes du procegraves (ouverture en

2008 4 mois drsquoaudience rendu de justice en

2009 et mise en appel en 2010) qui ont deacuteclen-

cheacute une recrudescence des appels des per-

sonnes agrave risque Crsquoest cette histoire de pro-

cegraves (hellip) je lis tous les articles dans la presse

(hellip) Depuis je vais reacuteguliegraverement sur le site de

lrsquoInvs pour veacuterifier le nombre de deacutecegraves leurs

acircgeshellip Je me dis que moi crsquoest bon je suis

plus vieille ou jrsquoai reccedilu les hormones plus tard

(hellip) Je comprends ce procegraves mais je le mau-

dis Je me sentais bien ces derniers temps

Jrsquoavais construit mon petit igloo avec mon mari

dedans Et lagrave je souhaite hurler qursquoon mrsquoa cas-

seacute mon igloo Durant tout le deacuteroulement du

procegraves certains de ces jeunes agrave risque ont

eacuteteacute deacutebordeacutes par un puissant sentiment

drsquoambivalence entre le deacutesir et la peur qursquoon

leur reconnaisse le preacutejudice subi crsquoest agrave dire

le coucirct psychique de se savoir contamineacute Re-

connaissance qui aurait signeacute la reacutealiteacute du

risque qursquoils encouraient Si le procegraves vient agrave

statuer que je suis victime je ne pourrai plus

me dire que crsquoest juste un cauchemar et que je

vais me reacuteveiller (hellip) et puis jrsquoai peur que ccedila se

traduise par le deacuteclenchement de la maladie

Paradoxe de cette victimation crsquoest la meacutede-

cine qui a rendu malade Dire que crsquoeacutetait

pour me soignerhellip quelle ironiehellip Je nrsquoai pas

de symptocircme je sais mais je suis deacutejagrave morte

De peur Et en ces temps juridiques agiteacutes la

Cellule et ses meacutedecins tout particuliegraverement

se sont vus parfois pris dans les mecircmes filets

ambivalents On a fait confiance aveugleacutement

agrave la meacutedecine Comment pouvions-nous imagi-

ner que le mal viendrait de lagrave ougrave on lrsquoattendait

le moins A qui faire confiance maintenant

Notamment encourageacutes par les associations

avec lesquelles la Cellule entretient des liens

eacutetroits certains parents de jeunes agrave risque

ont fait appel agrave nous Notre vie est faite de

hauts et de bas Lorsqursquoon apprend qursquoun

jeune est mort toute lrsquohistoire remonte et puis

le temps passe et on fait comme si ccedila nrsquoexistait

plus Mais ces oscillations crsquoest de la tor-

ture Comment ne pas eacutevoquer aussi le veacutecu

dramatique de ces autres parents qui ont perdu

leur enfant parfois il y a longtemps Des pa-

rents encore submergeacutes par la peine et rongeacutes

par un fort sentiment de culpabiliteacute drsquoavoir

donneacute le feu vert aux meacutedecins pour gagner

quelques centimegravetreshellip drsquoavoir moi-mecircme

fait les injections drsquohormones Un sentiment de

culpabiliteacute exacerbeacute par la relaxe geacuteneacuterale des

preacutevenus apregraves 20 ans de proceacutedure Il y a

des victimes il faut des coupables (hellip) Crsquoest

comme si la Justice nous avait deacutesigneacutes cou-

pables agrave leur place

Dans ce contexte ougrave preacutedominent les senti-

ments de culpabiliteacute et parfois de honte le teacuteleacute-

phone est un outil de grand secours puisqursquoil

permet aux personnes de se soustraire au re-

gard de lrsquoAutre Cet Autre objet drsquoimplacables

projections accusatrices Je nrsquoaurais pas pu

consulter un psychologue en face-agrave face Jrsquoau-

rais eu trop peur de lire sur son visage le deacute-

goucirct le rejet le jugementhellip lagrave je peux dire ce

que je veux je ne vois pas votre reacuteactionhellip

crsquoest moins dur Mais pourquoi le psychologue

de la Cellule se precircte-il si rarement aux projec-

tions de nature perseacutecutrice Reacutepond-il agrave la

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 75

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

neacutecessiteacute de sauvegarder un bon objet Un

bon objet inteacuteriorisable susceptible de restaurer

a minima le narcissisme parental

Concernant les formes heacutereacuteditaires de MCJ

dans la majoriteacute des cas lorsque le diagnostic

tombe le malade est deacutejagrave au stade terminal de

la maladie Les membres agrave risque de la fa-

mille se retrouvent donc confronteacutes agrave deux

drames simultaneacutes la perte imminente de leur

proche et lrsquohorreur de leur possible devenir

Voilagrave en une fraction de seconde le monde

bascule Je regardais ma megravere mourir jrsquoima-

ginais que jrsquoallais finir comme elle et je pensais

agrave mes enfants qui auraient peut-ecirctre le mecircme

destin Puis viennent les angoisses pour les

fregraveres et sœurs leurs enfants crsquoest lrsquoheacuteca-

tombehellip

Comment en parler aux enfants Peut-on

continuer agrave vivre normalement en sachant que

tout peut basculer en quelques mois Je

nrsquoarrecircte pas de pleurer est-ce le deacutebut de la

maladie Faut-il faire le test geacuteneacutetique

Autant de questions difficiles agrave adresser agrave lrsquoen-

tourage Jrsquoai appeleacute la Cellule parce que je ne

veux pas affoler mon mari mes enfantshellip (hellip)

et je ne suis pas encore precircte agrave me retrouver

en consultation de geacuteneacutetique (hellip) ce serait trop

reacuteel (hellip) pour lrsquoinstant quand je raccroche je

peux faire comme si ccedila nrsquoexistait pas

NATURE DE LrsquoESPACE TEacuteLEacutePHONIQUE

Mais de quelle nature est cet espace teacuteleacutepho-

nique pour autoriser le patient agrave maintenir en

dehors de sa reacutealiteacute le contenu qursquoil y deacutepose

Lrsquoabsence de corps en preacutesence et lrsquoimmateacuteria-

liteacute de la voix comme unique canal de commu-

nication seraient-elles la clef du choix des pa-

tients drsquoun suivi teacuteleacutephonique plutocirct qursquoen cabi-

net Le teacuteleacutephone permettrait-il au patient de

srsquoaffranchir ponctuellement drsquoun trop de reacuteel et

de se proteacuteger de lrsquoeffraction qursquoopegravere la crudi-

teacute de ses preacuteoccupations mateacuterielles orga-

niques mais aussi existentielles Serait-elle la

figuration de ce temps intra-uteacuterin ougrave tout de la

reacutealiteacute sauf la megravere eacutetait en dehors ce temps

ougrave le lien intime avec elle nrsquoeacutetait que sons Je

vous parle et vous me parlez aussi dans le

creux de lrsquooreillehellip Vous ecirctes un peu mon es-

pace proteacutegeacute mon espace secret Ce temps

reacutevolu ougrave le lieu de rencontre (le ventre mater-

nel) entre la megravere et lrsquoenfant eacutetait lrsquoobjet de tous

les fantasmes Que dire drsquoautre en effet du lieu

de rencontre entre le psychologue et le pa-

tient qursquoil nrsquoest que scegravene psychique pur es-

pace temporel un ensemble chacun chez soi

Un espace qui srsquooffrirait donc plus encore et

plus subitement agrave la reacutegression du patient que

le divan de lrsquoanalyste ou lrsquoentretien agrave domicile

Parce qursquoelle les prive drsquoinformations agrave carac-

tegravere visuel (regards mimiques postures ges-

tuelles) et puisque rien ne fait obstacle ni chez

le patient ni chez le psychologue aux diffeacute-

rentes repreacutesentations fantasmatiques que

chacun a de lrsquoautre la teacuteleacutephonie se precircte agrave

une activiteacute imaginaire deacutebrideacutee Seules des

informations agrave caractegravere sonore telles que le

timbre de la voix les rythmes tons silences

intonations et bruits ambiants (il allume une ci-

garette elle ferme une porte la voix reacutesonne

comme dans un espace vide) donnent force et

forme agrave lrsquoespace theacuterapeutique Elles seules et

dans une immeacutediateteacute remarquable suffisent agrave

faire surgir le visage le corps et le lieu de

lrsquoautre Des lapsus agrave caractegravere visuels srsquoim-

miscent drsquoailleurs dans le discours des pa-

tients et du psychologue Je vois drsquoici la tecircte

que vous faites Nos rencontres teacuteleacutepho-

niques On se voit la semaine prochaine Des

deacutetails comme la silhouette la couleur des

yeux des cheveux des vecirctements un canapeacute

des photos au mur des sourcils fronceacutes ou une

moue deacutefaite sont-ils lrsquoexpression paroxystique

de lrsquoactiviteacute fantasmatique agrave lrsquoœuvre dans la

relation transfeacutero-contre-transfeacuterentielle entre

le patient et son theacuterapeute

Pourquoi lrsquoimage de cette patiente-lagrave tarde agrave se

construire en moi apparaicirct puis disparaicirct sans

que je puisse la saisir Parce qursquoelle joue agrave

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 76

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

cache-cache avec son pegravere malade qui ne

doit pas la voir dans cet eacutetat de terreur Pour-

quoi ai-je oublieacute drsquoappeler ce patient aujour-

drsquohui alors que son nom est surligneacute dans mon

agenda Parce qursquoil me reacutepegravete chaque fois

que tout le monde lrsquooublie Pourquoi cet

autre patient a-t-il exceptionnellement deman-

deacute agrave deacuteplacer son rendez-vous Parce qursquoil

eacutetait justement question lors de notre dernier

entretien de deacuteplacer son agressiviteacute pour

eacutepargner sa femme malade

Pourquoi cette megravere au beau milieu de son

suivi donne-t-elle mon numeacutero au fils qui ne

lrsquoeacutecoute plus Pourquoi ce fils accepte-t-il

drsquoappeler le psychologue de sa megravere Pour-

quoi le psychologue accepte-t-il de suivre seacute-

pareacutement deux membres de la mecircme famille

tandis qursquoil heacutesiterait agrave le faire en cabinet

Parce que les espaces ndash uniquement fantas-

meacutes- sont bien distincts en lui et que leur rela-

tion reacuteclame drsquoecirctre tierciseacutee

Pourquoi cette demande impeacuterieuse de me voir

en consultation Parce que cette patiente non

reconnue par la justice dans son statut de

victime des hormones de croissance contami-

neacutees a besoin drsquoecirctre reconnue au sens pre-

mier du terme par le psychologue

Pourquoi cette crainte en moi agrave lrsquoideacutee de voir

ces patients-lagrave comme on pourrait avoir agrave

craindre de transgresser la regravegle fondamentale

drsquoabstinence Dans ce contexte de suivi teacuteleacute-

phonique -qui induit lrsquoeacuterotisation du lien agrave la

voix et un sentiment paradoxal de grande

proximiteacute voir serait-il devenu un eacutequivalent de

toucher et lrsquoacting out agrave eacuteviter

Ces quelques exemples de questionnements

du psychologue autour des manifestations

transfeacutero-contre-transfeacuterentielles agrave lrsquoœuvre

dans le suivi teacuteleacutephonique nous semblent rele-

ver drsquoun processus de type theacuterapie drsquoinspira-

tion analytique Un processus qui se partage

souvent en deux temps un temps de plainte et

un temps drsquoeacutelaboration psychique complexe au

cours duquel le patient rapporte spontaneacutement

ses recircves Des recircves dont le mateacuteriel fait lrsquoobjet

drsquointerpreacutetations par le psychologue

SUIVI TEacuteLEacutePHONIQUE AVEC OU SANS FIN

Il arrive qursquoapregraves le deacutecegraves de son proche le

patient srsquointerroge sur la leacutegitimiteacute de la pour-

suite du suivi comme si la survie du malade

avait jusqursquoici conditionneacute son droit agrave en beacuteneacutefi-

cier Il nrsquoen est rien alors tout ne srsquoarrecircte pas

pour moi non plus Cet espace temporel

sans corps en preacutesence qui a proteacutegeacute le pa-

tient des angoisses inheacuterentes agrave la reacutealiteacute

drsquoune seacuteparation annonceacutee permet et catalyse

mecircme parfois le travail de deuil Vous ecirctes un

peu comme mon fregravere [mort depuis 3 mois] je

ne le vois pas mais il est lagravehellip je ne le vois pas

mais je lrsquoentends parfoishellip comme avec vous

jrsquoapprends agrave dialoguer agrave lrsquointeacuterieur de moi avec

lui

La sortie du dispositif de soutien teacuteleacutephonique

est longuement travailleacute eacutevocation de lrsquoapregraves

eacutelaboration de la seacuteparation espacement pro-

gressif des entretiens Un cheminement au

cours duquel surgissent plus explicitement les

traces du caractegravere transitionnel de lrsquoespace

teacuteleacutephonique Un espace qui sans ecirctre une

permanence drsquoeacutecoute a eacutetayeacute le sentiment de

permanence drsquoobjet Je ne vous ai jamais

vuehellip alors je nrsquoai pas peur de ne plus vous

voir Vous ecirctes un peu comme toujours lagrave

CONCLUSION

La Cellule Nationale de Reacutefeacuterence des Mala-

dies de Creutzfeldt-Jakob a pour mission lrsquoaide

au diagnostic et agrave la prise en charge meacutedicale

sociale et psychologique des patients et de leur

famille Lrsquoaide proposeacutee srsquoeffectue essentielle-

ment par teacuteleacutephone

La faisabiliteacute et la leacutegitimiteacute drsquoun soutien psy-

chologique exclusivement teacuteleacutephonique a eacuteteacute

lrsquoobjet de nombreuses interrogations pour le

psychologue quelle est la nature de cet es-

pace particulier drsquoaccompagnement Quels en

sont les beacuteneacutefices Peut-on soutenir un veacuteri-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 77

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

table travail psychique dans le cadre de ce dis-

positif Est-il leacutegitime de parler de travail psy-

chotheacuterapeutique

Les 110 suivis psychologiques effectueacutes agrave la

Cellule depuis 2003 nous permettent aujour-

drsquohui drsquoaffirmer que notre travail de psycho-

logue ne se limite pas agrave une pure fonction de

soutien En effet bien que tregraves eacuteloigneacute de la

situation analytique le processus agrave lrsquoœuvre

dans le dispositif teacuteleacutephonique semble srsquoappa-

renter agrave celui drsquoun dispositif de type psychotheacute-

rapeutique drsquoinspiration analytique le cadre

est poseacute et penseacute par le psychologue

(entretiens de 45 minutes notion de rendez-

vous teacuteleacutephoniques rythmiciteacute souvent hebdo-

madaire suivi au long cours) lrsquoassociation

libre est encourageacutee lrsquointerpreacutetation des dires

lrsquoanalyse des recircves lrsquoanalyse du transfert et du

contre-transfert par le psychologue est freacute-

quente et le patient effectue un veacuteritable travail

drsquoeacutelaboration psychique au deacutecours du suivi

Lrsquoexpeacuterience nous deacutemontre que les particulari-

teacutes de lrsquoaccompagnement teacuteleacutephonique

(notamment privation drsquoinformations visuelles)

ne freinent pas le processus theacuterapeutique

Elles pourraient mecircme le favoriser

(relacircchement du systegraveme deacutefensif)

Ainsi ce dispositif innovant de prise en charge

psychologique agrave lrsquohocircpital est au service drsquoune

difficulteacute des personnes qui y ont recours la

crainte et ou lrsquoimpossibiliteacute drsquoaller consulter un

psychologue en face-agrave face

Retrouvez

toute lrsquoactualiteacute de Psyclihos

les enregistrements des con-

feacuterences ainsi que le journal

des 20 ans

sur notre site internet

wwwpsyclihosorg

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 78

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

Parents face agrave linterruption meacutedicale de grossesse des mots

en images

Natascia Serbandini

Service de gyneacutecologie-obsteacutetrique Hocircpital Jean Verdier

A pregraves avoir eacutevoqueacute briegravevement les speacute-

cificiteacutes du deuil peacuterinatal je vais vous

preacutesenter une pratique nouvelle au sein

de lrsquoAPHP un groupe de parole hospitalier

destineacute aux femmes ayant fait une interruption

meacutedicale de grossesse Ce groupe est neacute en

2008 un an apregraves sa creacuteation nous avons choi-

si drsquointroduire une cameacutera lors des seacuteances

Enfin je deacutecrirai lrsquoimpact de la cameacutera sur le

groupe et le projet de film que nous sommes

en train de reacutealiser

LES SPEacuteCIFICITEacuteS DU DEUIL PEacuteRINATAL

La deacutecouverte dune pathologie fœtale incu-

rable pendant la grossesse est un eacuteveacutenement

hautement traumatique pour les parents du fu-

tur beacutebeacute Lhocircpital Jean Verdier unique Centre

Pluridisciplinaire de Diagnostic Preacutenatal du 93

accueille et accompagne les parents degraves lrsquoan-

nonce du diagnostic jusqursquoagrave lrsquointerruption meacutedi-

cale de grossesse quand les parents la deman-

dent

Le deuil peacuterinatal preacutesente des speacutecificiteacutes qui

le distinguent du deuil classique il est toujours

accompagneacute drsquoun fort sentiment de culpabili-

teacute amplifieacute dans le cadre des Interruptions Meacute-

dicales de Grossesse par la prise de deacutecision

(Tous les textes en italique sont issus de teacutemoi-

gnages de femmes lors du groupe de parole)

Pendant le travail je le sentais encore mon

beacutebeacute est neacute vivant jrsquoavais vraiment cette sen-

sation qursquoil voulait se battre Jrsquoai enleveacute tout cet

espoir de vie et je me demande de quel droit

Crsquoest cette impression drsquoavoir le choix sur sa

vie ou sa mort crsquoest tellement lourd agrave porter

Une autre speacutecificiteacute est lrsquoabsence drsquoun veacutecu

partageacute avec cet enfant en dehors de la gros-

sesse Geneviegraveve Delaisi de Parseval

(psychanalyste) Comment faire le deuil de ce

qui nrsquoa pas eu lieu drsquoon ne sait quoi et de

presque rien Lrsquoobjet perdu reste agrave perdre

comment accepter la seacuteparation drsquoavec un ecirctre

que lrsquoon nrsquoa pas connu

Le deuil est un processus intrapsychique con-

seacutecutif agrave la perte drsquoun objet drsquoattachement par

lequel le sujet reacuteussit progressivement agrave se deacute-

tacher de celui ci Jean Philippe Legros

(psychologue psychanalyste au centre de meacute-

decine foetale Cochin-St Vincent de Paul) dans

lrsquoarticle L lsquoarrecirct de vie in utero ou lrsquoerrance des

fœtus un possible deuil preacutecise que dans le

deuil peacuterinatal il srsquoagit drsquoun deacutetachement sans

renoncement

Ensuite il srsquoagit drsquoun deuil feacuteminin un deuil

veacutecu tregraves diffeacuteremment dans le couple

Mon mari lui a pris sa deacutecisionhellipje ne dis pas

que ccedila a eacuteteacute facile ccedila a ducirc ecirctre dur pour lui

aussi moi je la portais je la sentais bouger

Cette mort est intoleacuterable pour la megravere en lien

avec le sentiment drsquoomnipotence propre agrave la

grossesse intoleacuterable pour la megravere qui con-

naissait ce beacutebeacute et qui a ressenti ses mouve-

ments

Ce sentiment de toute puissance est amplifieacute

par le fait que la demande drsquoInterruption Meacutedi-

cale de Grossesse revient agrave la femme seule

signataire selon la loi

Je sais qursquoil souffre qursquoil est malheureux il a

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 79

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

la mecircme peine et la mecircme tristesse que moi

mais il ne llsquoexprime pas pareil il y a une culpa-

biliteacute plus importante chez la megravere

La perte du beacutebeacute est parfois difficilement re-

connue par les pegraveres qui nrsquoosent pas manifes-

ter leur souffrance et qui se projettent plus rapi-

dement dans lrsquoavenir

Leur deacutetresse reacutesulte en grande partie de la

mise agrave mal de la fonction contenante protec-

trice de la femme enceinte qursquoils assuraient

avant lrsquointerruption

Ce deuil est deacutepourvu drsquoune dimension so-

ciale Franccediloise Moleacutenat (peacutedopsychiatre) dit

Iil existe une cicatrice dans le corps de la

megravere mais pas de cicatrice sociale

Beaucoup de personnes mrsquoont dit crsquoest

dingue que lrsquoadministration franccedilaise se mecircle

de ccedila (en parlant de la reconnaissance agrave la

Mairie) alors qursquoil nrsquoy a mecircme pas de beacutebeacute il

eacutetait pas neacute

Les rituels autour du deuil ont une fonction psy-

chique ils offrent au mort un deacutedommagement

symbolique Ils assurent une reconnaissance

de la peine des proches par le groupe

Crsquoest seulement depuis quelques anneacutees que

les rites et rituels sociaux autour des beacutebeacutes

morts in utero ont pris leur place agrave travers la

reconnaissance agrave lrsquoEtat Civil et lrsquoeacutevolution des

pratiques drsquoaccompagnement dans les materni-

teacutes (preacutesentation du corps du beacutebeacute organisa-

tion drsquoobsegraveques)

Ce travail est reacutealiseacute dans le but de creacuteer et

drsquoancrer des souvenirs de cet enfant afin de

faire des parents des parents

Jrsquoavais toujours une photo de mon fils dans

mon portefeuille jrsquoen avais besoin Crsquoest peut

ecirctre parce que je ne voulais pas qursquoon me dise

que crsquoeacutetait rien

LE GROUPE DE PAROLE Agrave JEAN VERDIER

Lors des entretiens avec le gyneacutecologue ou

dans le cadre drsquoun suivi psychologique quelque

temps apregraves les Interruptions Meacutedicales les

femmes eacutevoquaient de maniegravere reacutecurrente leur

solitude lrsquoimpossibiliteacute de partager leur souf-

france et le temps passant de ne plus pouvoir

parler de leur beacutebeacute dans le cercle familial et

amical Cet oubli de lrsquoentourage et la reprise

drsquoune vie normale est source de culpabiliteacute

elles avaient le sentiment drsquoabandonner agrave nou-

veau leur beacutebeacute

Jrsquoai lrsquoimpression que personne ne me com-

prend jrsquoai lrsquoimpression drsquoecirctre seule au monde

de me noyer je survis Les gens ne peuvent

pas comprendre notre situation je nrsquoarrive pas

agrave leur dire ma souffrance immense

De cela est neacutee lrsquoideacutee de proposer un espace

drsquoeacutechanges entre femmes sous forme de

groupe de paroles Ce projet a eacuteteacute creacuteeacute agrave lini-

tiative commune du gyneacutecologue responsable

du Centre de Diagnostic Anteacutenatal et de moi-

mecircme

Il srsquoagit drsquoun groupe ouvert agrave toutes les femmes

ayant veacutecu une Interruption Meacutedicale de Gros-

sesse agrave Jean Verdier

Le groupe se reacuteunit une fois par mois pendant

une heure et demie et est co-animeacute par un bi-

nocircme psychologuepsychiatre et meacutedecinsage

femme

Le groupe constitue un cadre de confiance

une enveloppe psychique comme le dit An-

zieu propice agrave la mise en commun des charges

affectives et agrave lrsquoaccompagnement du deuil

De plus comme le rappelle Jean Philippe Le-

gros apregraves la perte drsquoun enfant par IMG la

crainte de la megravere contrairement aux parents

drsquoenfants porteurs drsquohandicap est lrsquoabsence du

regard des autres dans le reacuteel Cet ecirctre invi-

sible pour les yeux cet enfant que personne

drsquoautre nrsquoa connu risque de disparaicirctre Drsquoougrave

lrsquoimportance de creacuteer un espace physique (par

rapport aux espaces virtuels les forums sur

Internet tregraves freacutequenteacutees par les megraveres en-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 80

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

deuilleacutees) et psychique au sein de lrsquohocircpital afin

de reconnaicirctre lrsquoexistence de ces beacutebeacutes et per-

mettre agrave ces femmes drsquoecirctre megraveres

Les autres nous parlent comme si on avait

perdu quelque chose crsquoest quand mecircme un

ecirctre vivant crsquoeacutetait quand mecircme notre enfant

Lrsquoobjectif principal du groupe est de permettre

le partage drsquoexpeacuterience de ce deuil si particu-

lier drsquoecirctre rassureacutee par le parcours des autres

dans un cadre de reacutefeacuterence suffisamment

bon pour le dire avec les mots de Winnicott

Crsquoest vrai que discuter avec drsquoautres per-

sonnes qui lrsquoont veacutecu il y a longtemps et qui ont

su deacutepasser certaines eacutetapes ccedila aide ccedila

donne des cleacutes pour passer agrave lrsquoeacutetape suivante

LrsquoIDEacuteE DU FILM DES MOTS EN IMAGES

Le groupe a eacuteteacute tregraves freacutequenteacute degraves le deacutebut

Apregraves un an de fonctionnement le gyneacutecologue

a proposeacute drsquointroduire une camera afin de fil-

mer les seacuteances pour teacutemoigner de cette expeacute-

rience positive et faire connaicirctre cette pratique

Cette proposition a eacuteteacute discuteacutee par les

femmes au sein du groupe elles ont adopteacute

cette ideacutee et ont eacutelaboreacute avec nous les objectifs

du film

Teacutemoigner autour du deuil peacuterinatal en deacutecri-

vant les diffeacuterentes eacutetapes et souligner les beacute-

neacutefices drsquoun groupe de parole

A partir de leur veacutecu permettre une reacuteflexion

visant agrave ameacuteliorer les pratiques soignantes

dans les accompagnements du deuil peacuterinatal

agrave lrsquohocircpital

Nous avons filmeacute six seacuteances dune heure

trente avec deux techniques une cameacutera fixe

et une cameacutera mobile Ensuite nous avons eacuteta-

bli ensemble un plan pour le film reacutecit en ordre

chronologique du deacuteroulement de lrsquoIMG Les

diffeacuterents chapitres

Lrsquoannonce et la deacutecision lrsquohospitalisation le

retour agrave la maison lrsquoenterrement lrsquoentourage

lrsquoautopsie la grossesse drsquoapregraves le groupe

La preacutesence de la cameacutera a eu un impact sur

le deacuteroulement des seacuteances les theacutematiques

ont eacuteteacute eacutetablies agrave lrsquoavance ce qui a permis de

structurer davantage les seacuteances tout en gar-

dant la liberteacute drsquoaborder les questions eacutevo-

queacutees spontaneacutement par les femmes

Comme le dit Winnicott lrsquoenfant existe dans les

yeux de sa megravere le visage de lrsquoenfant que lrsquoon

nrsquoa pas vu ne permet pas agrave la megravere de se re-

connaicirctre comme megravere

Le film vient srsquoinscrire dans cette neacutecessiteacute de

reconnaissance de laisser une trace de cette

preacutesence de ce beacutebeacute qui nrsquoa plus de corps

physique mais qui existe dans lrsquohistoire fami-

liale

La preacutesence de la cameacutera a donc eu des effets

beacuteneacutefiques pour les femmes mais aussi pour

les soignants la richesse du mateacuteriel clinique

recueilli nous a permis drsquoobserver lrsquoeacutevolution

des femmes dans le processus de deuil et

drsquoanalyser leur posture au sein du groupe ainsi

que celle des animateurs

Si le groupe a fonction de portage pour cer-

taines pour drsquoautres crsquoest le lieu ougrave elles peu-

vent donner un sens agrave ce qursquoelles ont veacutecu en

partageant leur expeacuterience avec drsquoautres

Nous avons constateacute en visionnant les

seacuteances que plusieurs femmes qui semblent

ecirctre dans un deuil normal continuent agrave freacute-

quenter le groupe alors que leur interruption

remonte agrave il y a trois ou quatre ans

Le besoin de continuer agrave eacutevoquer leur beacutebeacute

nrsquoest pas un signe de deuil pathologique mais

une neacutecessiteacute de la ceacuteleacutebration de la meacutemoire

de ces beacutebeacutes disparus Ces femmes veulent

garder comme le dit Jean Philippe Legros une

dose homeacuteopathique du trauma qui gueacuterit de

lui en ne se seacuteparant jamais

Quand jrsquoai dit agrave ma responsable que je mrsquoab-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 81

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

sentais pour venir au groupe de parole elle

mrsquoa dit Ben tu en as deacutejagrave un (enfant) qui est lagrave

pourquoi tu continues agrave aller agrave ce groupe Je

lui ai dit Crsquoest pas parce que jrsquoai reacuteussi agrave

avoir un petit garccedilon que je vais compleacutetement

oublier ce qui concerne mon premier enfant

justement lui il nrsquoest pas lagrave crsquoest pour ccedila que

je continue agrave aller au groupe pour parler de lui

pour le faire exister

Aujourdrsquohui le projet du film est en cours nous

avons imagineacute deux versions

- une version courte de 20 minutes un teacutemoi-

gnage du groupe sur le deuil peacuterinatal agrave diffu-

ser agrave lrsquoexteacuterieur

- une version longue de 52 minutes destineacutee

aux femmes et en interne agrave lrsquohocircpital Jean Ver-

dier

Le premier montage a eacuteteacute visionneacute par les

femmes qui ont participeacute aux choix des extraits

Nous espeacuterons pouvoir le diffuser dans un ave-

nir proche agrave un large nombre de professionnels

de santeacute

Retrouvez

toute lrsquoactualiteacute de Psyclihos

les enregistrements des con-

feacuterences ainsi que le journal

des 20 ans

sur notre site internet

wwwpsyclihosorg

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 82

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

Psychologue clinicien aupregraves du personnel missions

enjeux limites

Isabelle Fretigny Hocircpital Saint Louis

Elodie Travers Hocircpital Henri Mondor

P our cette preacutesentation des missions du

psychologue clinicien aupregraves du per-

sonnel agrave

lrsquoAP-HP nous avons choisi de commencer par

reprendre quelques eacuteleacutements agrave lrsquoorigine de la

creacuteation de nos postes

Dans une seconde partie nous deacutefinirons et

preacutesenterons la diversiteacute des missions speacuteci-

fiques aux psychologues du personnel sur site

A la fois clinique et institutionnelle notre pra-

tique nous amegravene agrave ecirctre en contact reacutegulier

avec les diffeacuterents acteurs internes ou ex-

ternes agrave lrsquoinstitution concerneacutes par la protec-

tion de la santeacute au travail Ainsi cette collabo-

ration neacutecessite un important travail de deacuteve-

loppement et drsquoentretien du reacuteseau

Ensuite nous envisagerons les divers ques-

tionnements souleveacutes par ce poste position-

nement parfois drsquoeacutequilibriste cadre speacutecifique

de prise en charge ou encore limites de cette

pratique

HISTORIQUE

Par la loi de 1983 concernant les droits et obli-

gations des fonctionnaires les personnels hos-

pitaliers de par leur statut sont proteacutegeacutes par

leur administration

A la fin des anneacutees 90 le deacuteveloppement de la

preacutevention des violences apparaicirct comme pri-

mordial puis une circulaire intituleacutee Preacutevention

et accompagnement des situations de vio-

lence est reacutedigeacutee en deacutecembre 2000

Le constat de lrsquoaugmentation de la violence au

quotidien dans les hocircpitaux a fait naicirctre au sein

de lrsquoAP-HP des preacuteoccupations et des de-

mandes au niveau institutionnel Ceci a mobili-

seacute un ensemble drsquoacteurs concerneacutes par la

protection de la santeacute des personnels Ainsi la

mise en place drsquoune cellule drsquoaccueil et de

prise en charge des agents victimes de vio-

lence agrave lrsquoAP-HP eacutemane de ces travaux Deux

postes de psychologues cliniciennes ont eacuteteacute

creacuteeacutes au Siegravege en 2000 et 2001 puis drsquoautres

postes de psychologues cliniciens aupregraves du

personnel ont vu le jour sur diffeacuterents sites de

lrsquoAP-HP

Face agrave lrsquoamplification des violences en milieu

hospitalier lrsquoAP-HP a eacutegalement meneacute en 2004

une campagne drsquoinformation sur le thegraveme

Violences de patients drsquoaccompagnants de

visiteurs comment soutenir les personnels qui

en sont victimes Ces derniers ignorent sou-

vent leurs droits et les circuits internes pour ob-

tenir le meilleur accompagnement dans leurs

deacutemarches Lrsquoeacutelaboration drsquoun guide a permis

de deacutecrire les diffeacuterentes modaliteacutes de prise en

charge en cas drsquoagression prise en charge

meacutedico-psychologique sociale meacutedico-

administrative ou encore juridique

Au-delagrave de la preacutevention et de la prise en

charge de la violence agrave lrsquohocircpital les missions

du psychologue clinicien aupregraves du personnel

sont orienteacutees vers deux axes principaux la

clinique individuelle et collective et les activiteacutes

institutionnelles

DEacuteFINITION DU POSTE ET MISSIONS SPEacuteCIFIQUES

Le poste de psychologue du personnel a pour

fonction principale de creacuteer un espace drsquoeacutecoute

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 83

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

et de prise en charge individuelle ou collective

pour tout le personnel de lrsquohocircpital

Toute personne professionnelle de lrsquohocircpital

peut si elle en a la neacutecessiteacute (si elle le sou-

haite) prendre rendez vous pour une premiegravere

consultation et ce quel qursquoen soit le motif pro-

fessionnel ou personnel

Les bureaux permettent de garantir la confiden-

tialiteacute

Les consultations se font sur rendez-vous afin

drsquoeacuteviter lrsquoattente et pour preacuteserver la discreacutetion

Ils sont libres et totalement confidentiels

Des rendez-vous en soireacutee peuvent ecirctre ameacute-

nageacutes

Le deacutelai maximum drsquoobtention drsquoun rendez-

vous est environ de 15 jours

Le nombre de consultations deacutepend de la de-

mande initiale Il peut aller drsquoun seul entretien agrave

plusieurs Lorsque la personne deacutesire ou neacute-

cessite une prise en charge plus longue elle

est orienteacutee agrave lrsquoexteacuterieur Il est preacuteciseacute agrave tout

agent en deacutebut drsquoentretien que ce lieu de con-

sultation a pour vocation un accompagnement

agrave court ou moyen terme

Il est eacutevident que la fonction de psychologue du

personnel est agrave viseacutee clinique crsquoest agrave dire

- que le psychologue du personnel nrsquointervient

pas directement dans les eacutevaluations utiles agrave la

gestion du personnel et nrsquoeacutemettent aucun avis

concernant lrsquoaptitude au poste de travail des

agents reccedilus en consultation (ce qui est de

lrsquounique ressort du meacutedecin du travail) hellip

- que le psychologue du personnel nrsquoest pas

psychologue du travail donc nrsquointervient pas

dans le reclassement les mobiliteacutes profession-

nelles le recrutementhellipMais nos missions

srsquoaccordent bien sur avec celles du CRH si neacute-

cessaire

Le psychologue du personnel comme les

autres psychologues cliniciens de lrsquoeacutetablisse-

ment deacutepend directement du directeur de lrsquoeacuteta-

blissement et a des liaisons fonctionnelles

avec le drh par exemple ou le meacutedecin du tra-

vail

Il rend un bilan annuel quantitatif indiquant cer-

taines donneacutees de son activiteacute tout en preacuteser-

vant lrsquoanonymat et la confidentialiteacute Il peut arri-

ver que ce bilan soit preacutesenteacute aux instances

types CHSCT

Globalement le temps de travail du psycho-

logue du personnel se reacutepartit comme suit

pratique clinique drsquoune part activiteacutes institu-

tionnelles drsquoautre part

LA PRATIQUE CLINIQUE

bull Clinique individuelle soutien psychologique

du personnel en difficulteacute par entretien indivi-

duel

Notre pratique montre que les deux aspects

professionnels et personnels sont souvent in-

triqueacutes qursquoil peut srsquoagir de souffrance au tra-

vail mais aussi de souffrance personnelle qui

peut avoir des reacutepercussions dans le travail

Les motifs principaux agrave lrsquoorigine de la de-

mande

- sur le plan professionnel sont conflits inter

eacutequipe situations de violence au travail

manque de communication difficulteacutes face aux

pathologies perte du sens du travail voire eacutepui-

sement professionnel

- sur le plan personnel sont difficulteacutes fami-

liales sociales deuils seacuteparations probleacutema-

tiques psychopathologiques maladies chro-

niqueshellip

Ces personnes ne se sont jamais adresseacutees agrave

un professionnel du soin psychique par meacute-

connaissance des professions parfois mais par

meacutefiance eacutegalement et arrivent souvent en

portant des souffrances extrecircmement lourdes

et de longue date

Cateacutegories dominantes qui consultent soi-

gnants et administratifs encadrement

quelques personnels techniques et meacutedico-

techniques et tregraves peu de meacutedecins

Il est difficile drsquoeacutetablir une moyenne du nombre

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 84

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

drsquoagents reccedilus par an sur lrsquoensemble des

postes du personnel Toutefois les demandes

de consultations sont en constantes augmenta-

tions sur la plupart des sites de lrsquoAPHP mais

aussi du fait des regroupements amenant les

psychologues agrave ecirctre solliciteacutees sur plusieurs

eacutetablissements

bull Clinique collective

Les interventions collectives peuvent se

preacutesenter sous deux formes les groupes de

parole et les deacutebriefings psychologiques

Le Groupe de parole permet de creacuteer un lieu

drsquoexpression et drsquoeacutechanges sur un thegraveme don-

neacute ou une probleacutematique speacutecifique au service

(comme par exemple lrsquoagressiviteacute et la violence

des patients notamment aux urgences ou en-

core lrsquoimplication eacutemotionnelle des soignants

lieacutee agrave lrsquoaccompagnement en fin de vie hellip)

Le Deacutebriefing psychologique intervention

collective ponctuelle suite agrave un eacuteveacutenement diffi-

cile ou traumatique (suicide drsquoun patient deacutecegraves

drsquoun personnel agression du personnel par un

patient ou son entouragehellip)

Force est de constater eacutegalement que les de-

mandes de reacutesolution de conflit formuleacutees

comme telles sont aussi tregraves preacutesentes et il

semble utile de distinguer la neacutecessaire reacutesolu-

tion drsquoun conflit qui nrsquoest pas forcement le lieu

et le temps du groupe de parole de la volonteacute

drsquoy trouver un sens Il va de soi que le psycho-

logue nrsquointervient en aucun cas comme meacutedia-

teur car il nrsquoen a pas la formation speacutecifique

mecircme si certaines interventions peuvent par-

fois avoir des effets drsquoapaisement du conflit

Pour ces raisons et preacutealablement agrave toute in-

tervention collective il est important drsquoavoir pu

deacutefinir avec les participants leurs attentes et

pas seulement celles lieacutees au demandeur geacute-

neacuteralement lrsquoencadrement ou la direction

LES ACTIVITEacuteS INSTITUTIONNELLES

bull1- Deacuteveloppement et entretien du reacuteseau

En interne Assistant social du personnel meacute-

decine du travail DRH CRH chef du person-

nel direction des soins psychologues du per-

sonnel drsquoautres sites psychologues des ser-

vices psychiatres hellip

En externe orientation vers les CMP pour les

prises en charge agrave plus long terme etou pour

les suivis psychiatriques orientation vers des

lieux de consultations speacutecialiseacutes (addictologie

consultation douleur troubles du sommeil

troubles du comportement alimentaire associa-

tion drsquoaide aux victimes theacuterapie familiale hellip)

2- Participation aux groupes de travail et de

preacutevention preacutevention des addictions de

lrsquoeacutepuisement professionnel des risques psycho

-sociauxhellip

3- Faire connaicirctre ces postes et notre activiteacute

- A lrsquooccasion drsquoune arriveacutee sur site ou lors

drsquoune creacuteation de poste

- Preacutesentation dans les services directement

aupregraves des eacutequipes

- Preacutesentation lors de formations sur site

propre (accueil des nouveaux arrivants ou sur

des theacutematiques en lien avec nos missions) ou

au Centre de Formation Continue du Personnel

Hospitalier (intervention dans le cadre de la for-

mation Preacutevention du risque psychique et de

lrsquoeacutepuisement professionnel agrave lrsquohocircpital)

- Preacutesentation du rapport drsquoactiviteacutes au Comiteacute

drsquoHygiegravene Seacutecuriteacute et Conditions de Travail

QUESTIONNEMENTS ENJEUX LIMITES

Ce poste nous amegravene en permanence

- agrave repreacuteciser nos missions ce que nous pou-

vons faire et aussi ne pas faire depuis notre

place particuliegravere au sein de lrsquoinstitution

- agrave nous confronter agrave certaines limites

- agrave devoir nous adapter agrave une clinique aussi

riche que varieacutee

Plusieurs limites donc

La question du cadre

- absence de paiement pas de psychotheacutera-

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 85

Cliniques particuliegraveres pratiques innovantes

pie ce nrsquoest pas agrave lrsquoemployeur de payer on

connaicirct par ailleurs la neacutecessiteacute du paiement

- reacutegulariteacute des horaires il est difficile souvent

impossible pour des personnels ayant des ho-

raires variables qui travaillent en alternance de

pouvoir respecter un horaire fixe de rendez

vous Les annulations les reports sont freacute-

quents agrave cause des changements drsquohoraires

subis par les agents eux-mecircmes Parfois de

notre fait eacutegalement

La question de la confiance

- biais dans la relation

Nous avons le mecircme employeur donc il existe

un biais dans la relation de soutien psycholo-

gique (theacuterapeutique) Pourtant eacutetablir une re-

lation de confiance institutionnelle avec les

agents est essentiel Et faire partie de la mecircme

institution peut parfois paradoxalement rassu-

rer et favoriser une deacutemarche qui ne serait par

ailleurs pas faite

Ayant eacuteteacute recruteacute par la mecircme direction la

question de la confidentialiteacute du travail du

psychologue peut se poser (la confidentialiteacute

est rappeleacute agrave chaque premiegravere rencontre)

- Neacutecessaire et juste distance entre lrsquoinstitution

de son propre travail (visites meacutedicales effec-

tueacutees par un autre meacutedecin du travail attitude

discregravete au sein de lrsquoeacutetablissement hellip)

- Se pose la question du secret partageacute dans

lrsquointeacuterecirct de lrsquoagent et avec son accord cer-

taines informations peuvent parfois ecirctre com-

muniqueacutees (assistantes sociales du personnel

meacutedecin du travailhellip) et inversement

Comment et quand reacuteorienter

- au rythme de chacun (cette premiegravere deacute-

marche a deacutejagrave parfois eacuteteacute extrecircmement longue

et difficile)

- ne marche pas toujours du 1er

coup (combien reviennent parce que cela nrsquoa

pas accrocheacute trop cher tous ces arguments

connus qui peuvent cacher un pas precirct agrave)

Autres limites agrave cette pratique

- question de la neutraliteacute quant au fait de pou-

voir recevoir deux parties drsquoun conflit Nous

sommes lagrave pour tous les agents Et crsquoest bien

lagrave toute la diffeacuterence avec les GH qui ont agrave dis-

position plusieurs psychologues du personnel

- difficulteacute si une personne reccedilue en individuel

participe eacutegalement agrave un groupe de parole hellip

- tous les risques de glissement potentiels aux

places que lrsquoinstitution veut nous faire prendre

lorsque par exemple en lrsquoabsence de meacutedecin

du travail on propose agrave la place de rencon-

trer la psychologue du personnel lorsqursquoil faut

absolument trouver une solution risque drsquoecirctre

interpelleacute en vue de reacutesoudre un conflit avec

ce que cela suppose de rapiditeacute et drsquoefficience

allant agrave lrsquoencontre de la possibiliteacute de penser et

drsquoeacutelaborer

CONCLUSION

Pour le psychologue exercer aupregraves du per-

sonnel appelle parfois agrave des positions drsquoeacutequili-

bristes et neacutecessite de garder une certaine

souplesse

Lrsquointeacuterecirct de ce poste est de faciliter lrsquoaccegraves au

psychologue permettant agrave un public qui nrsquoau-

rait pas forcement fait cette deacutemarche de venir

consulter

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 86

Clocircture de la journeacutee

gt Elodie Sacircles preacutesidente de Psyclihos

Page 87

Clocircture de la journeacutee

PSYCLIHOS Le Journal Bulletin Ndeg18 Janvier 2012 Page 87

Clocircture de la journeacutee

C ette journeacutee nous a permis de partager

la diversiteacute de nos pratiques La ri-

chesse des interventions nous teacutemoi-

gnent de la vivaciteacute des psychologues hospita-

liers Cest bien la speacutecificiteacute de nos pratiques

qui assure la peacuterenniteacute de nos postes et leur

creacuteation

Jai commenceacute la journeacutee par des remercie-

ments cest ainsi que je vais la clore

Je remercie

le Comiteacute scientifique qui a construit ce pro-

gramme riche et ambitieux qui je lespegravere vous

aura apporteacute de nouvelles ressources

Le Comiteacute drsquoorganisation et les beacuteneacutevoles qui

nous ont reacuteserveacute un accueil souriant et dyna-

mique

Cleacutement ingeacutenieur du son agrave la technique

gracircce agrave qui vous pourrez entendre les interven-

tions de cette journeacutee sur notre site internet

Nous vous demandons donc un peu de pa-

tience avant de pouvoir retrouver les interven-

tions de cette journeacutee sur notre site internet

Nheacutesitez pas agrave nous rejoindre ce qui renforce

toujours notre dynamisme

En vous remerciant de votre preacutesence qui fait

le succegraves de cette journeacutee et nous poussera

qui sait agrave nous retrouver avec notre quart de

siegravecle -)

Dernier deacutetail administratif noubliez pas de

remplir le questionnaire deacutevaluation de la jour-

neacutee et surtout de rendre votre badge en par-

tant Cest important pour nous

Merci agrave tous

Elodie Sacircles preacutesidente de Psyclihos

Retrouvez

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Cotisation annuelle incluant lrsquoabonnement au journal et laccegraves agrave lespace adheacuterent sur notre site

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Contractuel ou retraiteacute 30 euro

Membres associeacutes Jeune diplocircmeacute lt3ans sans emploi 25 euro

Eacutetudiant (master 1 ou 2) 15 euro

Justificatif obligatoire agrave joindre copie du haut du bulletin de salaire du diplocircme ou du certificat de

scolariteacute

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A adresser avec votre chegraveque agrave lordre de Psyclihos agrave

Christine SCHWANSE psychologue

Heacutematologie Adulte - Myosotis 3 Hocircpital Saint Louis

par courrier 1 Avenue Claude Vellefaux ndash 75 010 Paris

Association des Psychologues Cliniciens Hospitaliers de lrsquoAssistance Publique

Hocircpitaux de Paris

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