Leçons cliniques sur les maladies mentales et nerveuses ......Séglas, Jules (1856-1939). Leçons...

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Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque H. Ey. C.H. de Sainte-Anne Leçons cliniques sur les maladies mentales et nerveuses : (Salpêtrière, 1887-1894) / Dr J. Séglas ; recueillies et [...]

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Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque H. Ey. C.H. de Sainte-Anne

Leçons cliniques sur lesmaladies mentales et

nerveuses : (Salpêtrière,1887-1894) / Dr J. Séglas ;

recueillies et [...]

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Séglas, Jules (1856-1939). Leçons cliniques sur les maladiesmentales et nerveuses : (Salpêtrière, 1887-1894) / Dr J. Séglas ;recueillies et publiées par le Dr Henry Meige. 1895.

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Depuis 1887, j'ai fait tous les ans & la Salpêtrière,pendant mes périodes de suppléance, une série deleçons cliniques sur la sérnéiologie et le diagnostic desaffections mentales ou nerveuses enseignement tout

à fait libre, sans le moindre caractère officiel.

Chaque année, plusieurs de ces leçons ont été résu-mées dans différents journaux périodiques par desélèves des services, MM. A. Marie, Béchet, H. Meige.

Une série a fourni la matière de mon livre sur les

yfOMMMdM7oM~O!~ec~ez~aKettes.

Sur les instances d'auditeurs Mêles, j'ai réunidans ce volume vingt des dernières leçons, faites en-)89M894, en reproduisant à leur suite quelques-unes de celles qui avaient été publiées antérieu-rement.

Elles ont été pour la plupart recueillies parM. H. Meige, qui a bien voulu se charger de lesrédiger et de revoir les autres. Il s'est imposé là,

par un dévouement tout amical, une tâche ingrate.Je crois qu'il l'a menée à bonne fin.

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Maig're tous nos eftbrta, je ne me dissimule pas les

imperfections de ce travail.

.Nous avons cherche avant tout a conserver à ces

leçons leur physionomie clinique.

Aussi la bibliographie pourra-t-ct)e sembler res-treinte. C'est avec intention que je l'ai Hmitée a

quelques indications une !cGqn_j:jt~que n'est~ejje

pas surtout une dempnstrat.i.on.st non une revue cri-

tique ?iEn revanche, j'ai accumulé et d~'taiiïé un certain

nombre de faits choisis parmi ceux qu'une pratique

spéciale de quinze années m'a permis de recueillir.

A défaut d'autre avantage, ce volume sera tout aumoin~ un recueil de documenta.

J'ai toujours cherche à rester aussi simple quepossible, a me maintenir strictement au point de vue

de l'observation clinique.

C'est, je crois, le principat dans l'étude des aliénés,

aussi bien pour la pratique que pour les recherches

scientifiques de tout ordre, dont il constitue la base

nécessaire et indispensable.

On pourra sans doute me reprocher de m'y être

limité d'une façon trop étroite. Les auditeurs qui

m'ont fait l'honneur de suivre ces conférencesauront

certainement constaté par eux-mêmes que s'il était

possible de faire mieux, je ne pouvais guère, malgré

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toute ma bonne votent faire autre chose dans lesconditions où je me trouvais ptace, avec les maté-riaux restreints cf. !'instal)ation precairt'dontje dis-posais.

-t'ai tentt"! d'en tirer le mcU)cur parti possible

') j'espère qu'on me tiendra compte de mes efforts.

.). S.

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LEÇONS CLINIQUES

11 SUR

LES MALADIES MENTALES

ET NERVEUSES

PREMIÈRE LEÇON

Des Hallucinations1.

SOMMMRE. Définition de l'hallucination. Théories proposées pourl'expliquer. Divisions hallucinationsconscientes et inconscientes;hallucinationsélémentaires, communes, verbales.

Genèse des hattuoinations. HaUucinations auditives,élémentaires,com-

munes. Hallucinations verbales visuelies, auditives. Mécanisme

de la fonction du langage. Exemple clinique d'hallucinations ver-bales auditives.

Hattuoinations motrices communes. Hallucinations oef&a!M psycho-mo-

<WCM. Le centre moteurd'articulationest le siège des halluoinationsverbales psycho-motrices. Argumentsen faveur de cette théorie.Caractères cliniques des ha))ucines moteurs verbaux.

Degrés de l'hallucinationverbale motrice conversation mentale, halluci-nation verbale motrice, impulsion verbale. Exemple clinique.

Diagnostic sémeiotogique des hallucinations. Illusion, Interprétationd~tt)'ot)te. Diagnostic actuel et rétrospectif. Diagnostic par lessignes objectifs attitudes, mimique, costume, etc.

MESSIEURS,

Nous allons nous occuper, cette année encore, du dia-gnostic de la folie.

Un sujet aussi vaste ne saurait être traité au complet

(1) Leçon du janvier 1894, publiée par M. H. Meige, tn Journaldes connaissancesMt~t':et<M, n"' 6 et 7,1894.

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dans le petit nombre de leçons que je compte vous faire.Forcément, je dois le limiter.Je m'attacherai surtout aux questions qui sont à l'ordredu jour en psychiatrie. Ne croyez pas que toutes soient.nonnes mais parmi les plus anciennes et les plus dis-cutées beaucoup ont trouvé aujourd'hui comme un regaind'actualité, qui m'engage à vous en entretenir.Il n'est pas toujours aise de les bien concevoir, encoremoins de les bien exposer. Aussi procéderons-nous dusimple au composé avant d'aborder la nosographie pure,je ferai donc quelques incursions dans le domaine de laséméiologie.Je vous parlerai aujourd'hui des hallucinations, et, plusspécialement, des ~M~~ verbales dans leurs mani-festations les plus simples.

Il semble qu'une hallucination soit un symptôme tou-jours facile à reconnaître. DéËe~ous, Messieurs, de cetteapparente simplicité. Vous trouverez à ce propos bien deserreurs de diagnostic, et les observations ne sont pas raresoù l'on voit, décrits sous le nom d'hallucinations,des phé-nomènes qui n'ont avec celles-ci aucun rapport.On a multiplié les définitionsde l'hallucination. La meil-leure, a mon avis, et en même temps la plus simple, estcelle qui la présente comme une p~~ Unmaladeaentendudes voix, il affirme énergiquement qu'ellesont frappé son oreille, il répète même ce qu'elles ont ditet cependant ce malade était bien seul, sans interlocuteur~-memesouventenfaitia

remarque. C'estunphénomenpurement subjectif; et bien souvent le seul critérium quenous puissions en avoir, c'est l'affirmation du sujet qui ditavoir entendu.

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L'hallucination a été beaucoupétudiée,et l'on.a émis pourl'expliquer bien des théories. On peut les réduire à quatre

principalesLa première (~eon'e ~'<e~Me ~M M?MM'!e//e) place

dans l'organedes sens lui-même le siège de l'hallucination.

Une autre, absolument inverse (théorie ~ycA~Me), consi-

dère l'hallucination comme un phénomène purementintel-

lectuel, un phénomène d'idéation.

Puis vient la théorie nm;<e ou /M</<.7<o~e?MW:c//c celle

qu'a défendue Baillarger et qui est encore admise parcertains aliénistes.

Depuis quelques années enfin, une nouvelle conception

de l'hallucination a été émise, soutenue surtout par Tam-

burini c'est la théorie qui rapporte l'hallucination à untrouble fonctionnel des centres corticaux.

Cette dernière, à mon avis, mériterait d'être univer-

sellement. adoptée. Elle cadre mieux que toute autre avec

les données de l'anatomie et de la pathologie cérébrales.

Elle permet d'aborder des questions et d'analyser méthodi-

quement des formes que les autres théories seraient im-

puissantes à expliquer.Vous aurez, je l'espère, dans fe coursde ces leçons, l'occasion d'en apprécier la valeur.

Je n'insiste pas et je passe tout de suite aux divisions

qu'on a proposé d'établir entre les hallucinations. Une pre-mière distinction permet de les séparer cn coM~'p?; et:nco~Mc:'cM<e~. Les mots s'expliquent d'eux-mêmes. Dans

le premier cas, le malade reconnaît qu'il a affaire à unphénomène pathologique dans le second, il en ignore le

caractère morbide.On distingue aussi les hallucinations suivant les sens

spéciaux qu'elles auectent et vous savez qu'elles peuvent

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ten: ouïe, odorat, got1t, toucher, et aussile sens génital.Une teUe division n'est pas inacceptable mais nous nedevons pas.en rester là, il faut pousser plus loin l'analyse.Prenons comme exemple les hallucinations de l'ouïe.Ce sont les plus communes, et elles nous serviront de guidedans cette étude; vous pourrez appliquer aux autres, en to-taht6 (vue, par exemple), ou en partie, les raisonnements

que nous ferons à leur sujet. ""ementsIl y a plusieurs sortes d'hallucinations de l'ouïe, car lesopérations intellectuelles qui succèdent à une impression

auditive sont multiples.Il y a d'abord la perception auditive brute, qui permetde percevoir un son avec tous ses caractères ~ner~~re,~ut~Lesonestpe~

en tant queson, rien de plus,Un '? parfait ~e'ta

auditivedifférenciée; le .on perçu est alors mis en rapport avecHdee de l'objet qui le produit. J'entends un son, et je disce on est celui d'une cloche. Le son qui a frappé monoreille a r~eiHe dans mon esprit !~e de l'objet particulier(cloche) auquel je l'attribue: f~cuner

Nous avons enfin !a perception auditive verbale, celle quinous permet d'entendre le mot prononcé a notre oreille,non seulement comme son, ou assemblage de sons, maiscomme sons différenciés en rapport avec l'idée de,l'objetauquel il s'applique.

Ces divisions, qui sont couramment admises, peuventnous permettre d'établir une classification correspondantedes hallucinations de l'ouïe. ~"u~neLa pathologie nous a déjà appris que chacun des troismodes de perception des sons pouvait être altéré. On a

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distingué ainsi: la~c~ caractérisée par la perte

de son brut; la ~< psychique qui fait perdre la faculté

rapporter un son à l'objet qui le produit; enfin la sur-

dité verbale ou perte de l'audition des mots en tant qu'ils

expriment l'idée d'un objet.

En appliquant cette division aux hallucinations de l'ouïe,

on peut admettre parallèlement, ainsi que je l'ai déjà

exposé dans des travaux antérieurs

Des hallucinations auditives élémentaires amenant la

perception de soM~ <~M~

Des~c~<~Mauditives communesqui font entendre

des sons rapportés à des objets déterminés

Enfin, des hallucinations auditives ~er&a/e~ où les ma-

lades entendent des mots ~-e'~<~ idées.

Ces trois variétés d'hallucinations n'ont pas la même

~leur diagnostique ou pronostique. De plus, si les deux

premières sont relativement fort simples, la troisième est

au contraire complexe, la fonction du langage, si compli-

quée elle-même, intervenantdans le phénomène pathoio-

gique.Eh bien, Messieurs, en clinique, il est facile de retrou.

ver les mêmes divisions, et les malades eux-mêmes s'ex-

primentde façons diverses au sujet de leurs hallucinations.

Il en est qui entendent des sons bruts qu'ils traduisent

dans leur langage par des onomatopées, ou jugent par

comparaison. D'autres perçoivent des sons bien diSerenciés

qu'ils rapportent aux objets qu'ils croient les produire.

D'autres, enfin, entendent des voix articulant des mots qui

représententdes idées.

Ces distinctions établies, voyons comment se produisent

les hallucinations.

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Je considère d'abord une hallucination élémentaire del'ouïe. Pour bien en comprendre la genèse, il importe derappeler comment se forment dans notre esprit les idéesdes objets.

Comment avons-nous, par exemple, l'idée de c/oe/M?Lorsqu'une cloche vibre pour la première fois notre oreille,le son vient impressionner le nerf sensoriel de l'ouïe quitransmet cette impression au centre cortical auditif com-mun. Là, quelques cellules ébranlées par cette impressionsont, à partir de ce moment, fonctionneUement différen-ciées. EUes répondent au son déjà entendu. Et toutes les foisque, pour une raison quelconque (le même son frappantl'oreille, ou rappelé par un souvenir), ces cellules serontébranlées de nouveau, l'image auditive se réveillera avecses caractères particuliers, nous reconnaîtrons ce son decloche, mais en tant que son seulement.

Or, supposez qu'au lieu d'une impression extérieure, untrouble pathologique vienne ébranler ces mêmes cellulesauditives fonctionnellementemployées à reconnaître ce sonparticulier, le malade aura la perception de ce son, sansque cependant la cloche l'ait produit; il aura une halluci-nation auditive élémentaire.

Ce n'est pas tout.Si en môme temps que nous entendons le son de la

cloche nous voyons celle-ci sous nos yeux, un autre centrecortical sera impressionné en même temps que le centreauditif: c'est le centre visuel où se formera l'image visuellede la cloche.

Cette nouvelle image va s'associer a la précédente. Etvous pourrez faire le même raisonnement pour les imagesque nous fournissent les autres sens. C'est de leur groupe.ment et de leur association que résulte l'idée complète que

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nous avons d'un objet, de la cloche, dans notre cas parti-

culier.Et, lorsque le trouble pathologiquequi constitue l'hallu-

cination de l'ouïe viendra impressionner de nouveau les

cellules corticales, différenciées déjà pour l'impression au-ditive, mais associées maintenant à d'autres impressions

sensorielles en rapport avec un même objet, il réveillera

en même temps les autres images, dont l'association con-court à donner l'idée de cet objet qui se présentera ainsi à

l'esprit de l'halluciné.Dans le premier cas, une image auditive isolée étant.

réveillée, l'hallucination ne pouvaitdonner qu'une impres-sion de son brut.

Dans le second, l'image auditive étant déjà associée aux

autres images de l'objet de la cloche, l'hallucination les

réveillera toutes ensemble, et donnera une idée complète

~e., cet objet. C'est r/M//Mc~a<!OMaMcMNe comMM):e.

Pdssons à des ~as plus complexes, aux /ia//MC!M<i!<MMS

verbales, et pour faciliterl'exposition, supposons que l'hal-lucination soit un mot. Vous pourrez appliquer le même

.raisonnementà une phrase, à un discours.

Le mot, vous le savez, est composé de quatre images

associées entre elles. Chacune de ces images est localisée

dans un centre spécial de l'ccorco cérébrale les imagesverbales auditives dans le centre auditif, au niveau de la

première circonvolution temporale, les visuelles dans le

centre t)M:<e/ au voisinage du pli courbe, les motrices d'ar-ticulation dans le centre moteur ~'(a'<!CM/<OM (circonvo-

lution de Broca). Je n'insiste pas sur ces localisations bien

connues. Nous laisserons également de côté, pour le

moment, les images et le centre graphiques.

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Vous n'ignorez pas que, suivant la prédominancerelativede telle ou telle de ces images,on peut diviser les individusM ~M&, auditifs et moteurs. La distinction n'est pastoujours facile à établir; eUe est cependant très n~certains cas.

Ces images verbales associées entre elles constituent cequ'on appelle la fonction langage et servent pendant laréflexion à donner un corps à notre pensée c'est le lan-~aye intérieur.

Entre ce langage et celui qui nous sert à communiquera~c nos semblables, langage extérieur, il n'y a au fondqu'une différence c'est que le premier est une opérationintime, et que le second suppose une sensation réelle dueà une excitation extérieure (audition,lecture)ou un acteeffectif ,(parote, écriture).

Gén~atement eH-acées et peu précises dans le langage~e~ur, les images verbales prennent parfois sou.t m~ience par exemple d'un état d'excitation des centrescorticaux une intensité plus grande, et deviennenta.~ ~ves que celles du langage extérieur. Elles arrivent.~nsi à s'extérioriser. Alors, le son d'un mot peut êtreperçu comme s'il venait de l'extérieur, et, puisqu'il n'existeaucune impression extérieure réelle qui le réveille, ce sonrentre dans le domaine des hallucinations.Le malade croitqu un individu,placé en dehors de lui, a prononcé ce motU a eu une hallucination verbale a~e.

Celle-ci peut se présenter avec des caractères bien diffé.rents. La voix peut être lointaine ou proche; elle peutrevêtir des timbres variables; elle peut être aqueuse oumenaçante; une seule oreille la perçoit (hallucinationsuni-~rae~ ou bien les deux. Tantôt c'est un monologue,tantôt un dialogue; c'est un discours qui s'adresse direc-

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tement au malade, ou c'est une conversation entre deux

personnages différents.Mais, dans tous les cas, le sujet affirme qu'il entend ces

voix absolument comme il entend la vôtre, quand vous lui

parlez point capital dont vous apprécierez l'importance enclinique. N'oubliez pas non plus que le malade, abandonné

à lui-même, et sous l'empire de l'hallucination, prend l'at-titude d'une personne qui écoute, et se tourne vers soninterlocuteur imaginaire.

Ces hallucinations verbales auditives sont les plus fré-

quentes chez les aliénés. Cela tient à ce que nous sommespour la plupart, et naturellement, surtout des auditifs.

D'ailleurs, si l'on n'est pas auditif, on peut le devenir

par l'exercice, et l'aliéné lui-même nous en fournit unepreuve. Dans certaines formes chroniques où prédominel'hallucination de l'ouïe, le malade arrive à ne plus pouvoir

penser sans e~M~e sa pensée se répercuter en dehors,rv"~v, rv"~vv .y["vn.v. VU _v.avant même qu'il l'ait formulée vous connaissez tous cephénon~ne qu'on désigne en psychiatrie sous le nom d'échode la pensée.

La clinique offre des exemples de toutes ces variétésd'hallucinations auditives les plus beaux se rencontrentdans les délires de persécution systématisés à marche pro-gressive.

Messieurs, ce que je viens de vous dire des hallucina-tions de l'ouïe, je pourrais vous le répéter pour les halluci-nations d~ la vue. Il y a des hallucinations visuelles élé-mentaire visions de feu, de flammes, d'éclairs, etc. Ilen est qui se rapportent à des objets bien définis visionsde fantômes, d'assassins, de têtes de mort, etc. Enfin,il y a des hallucinations visuelles verbales, quand le pro-

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cessus hallucinatoire intéresse le centre visuel des mots.J'ai fait connaître moi-même un certain nombre d'exem-

ples de ces dernières. Rappelez-vous l'hallucination his-torique du festin de Batthazar où les convivesvirent lesmots ~a~e, thecel, pltarès écrits sur la muraille. Cer-tains malades voient des lettres, d'autres des mots, commece mélancoliquemystique qui croyait voir écrits devant luiles mots maudit, condamné, etc.

H est des cas plus complexes encore. Un malade, que j'aiétudié à Bicêtre, atteint d'un délire de persécution avecidées mégalomaniaques,vit un jour, écrits sur une lampede porcelaine, les mots Je t'aime. Peu à peu, ses hallu"cinations s'étant accentuées, il en arriva à t~MMa~e?* sapensée, ce qu'il exprimait en disant qu'il s'était habitué à« écrire par les yeux ».

« H lançait les lettres dans l'espace, et les assemblaitpour former des mots » ces lettres, d'abordjaun&tres, blan-chissaient en s'é'oignant, et & une certaine distance, il nepouvait plus les apercevoir. II croyait, de cette façon, cor-respondre avec les habitants de régions lointaines, quipouvaient lire les mots « ainsi écrits par ses yeux)). Cemalade donnait lui-même à ses hallucinations verbales vi-suelles le nom pittoresque de photographie de sa pensée.

Il était, d'ailleurs, visuel à l'extrême car il lui suffisaitde regarder un objet et de fermer les yeux pour en avoirune représentation visuelle très nette et pouvoir ensuite lea photographier dans l'espace. Pour lui, ce « pouvoirphotographique » était une faveur toute spéciale excitant lajalousie de ses ennemis; il voulait même prendre un brevetd'écriture par les yeux.

Vous voyez par ces exemples que les hallucinations ver-bales visuelles peuvent exister, mais elles sont plus rares

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que les auditives; d'abord, parce que, à l'état normal les

images verbales visuelles sont moins fréquemment usitées

que les auditives dans le langage intérieur; de plus, bien

des individus ne savent pas lire, et ceux-là, évidemment,

ne peuvent avoir d'hallucinations verbates visuelles.

Avant de pousser plus avant l'étude des hallucinations,

permettez-moi, Messieurs, de vous présenter une malade

atteinte d'hallucinations verbales auditives.

C'est une femme au verbiage exubérant, persécutée, dit-

elle, par les esprits, le spiritisme; en outre, elle a des

idées mégalomaniaques. Elle prétend qu'elle est reine de

Hollande, qu'elle possédait des milliards, etc. Son délire

est déjà ancien, et cette femme, d'une faible intelligence,

un peu sénile d'autre part, présente une certaine dissocia-

tion intellectuelle. Il est cependant facile de reconnaître

chez elle des hallucinations verbales auditives manifestes.

A nos questions, elle répond en général assez correcte-

ment mais parfois vous la voyez s'interrompre dans sondiscours, tourner la tête comme vers un interlocuteurinvi-

sible, tendre très manifestement l'oreille comme si elle

prêtait attention à une voix qui lui parle, puis répondre à

ce personnage imaginaire. Ce dialogue intercalaire ter-mine, elle revient à la conversation. Elle s'excuse alors et

t explique qu'elle a été interrompue par un esprit qui lui

parlait du côté gauche, mais elle l'entend par les deux

oreilles, et d'une façon si nette que nous avons dû, assure-t-elle, l'entendre aussi très distinctement.

Vous voyez même qu'elle peut, presque à volonté, pro-voquer ses hallucinations de l'ouïe. Elle pose une question

à haute voix en se tournant vers un point de l'espace

« Eh bien, parlez, répondez, ajoute-t-elle. » Puis vous la

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voyez écouter, en tendant l'oreille, la réponse de son inter-locuteur imaginaire. Elle lui ordonne môme de nous parler,et refuse de croire que nous n'ayons pas saisi la réponsequ'elle a, ette, si nettement entendue.

Yoiia, Messieurs, un bel exemple d'hallucinations audi-tives. Mais cette malade a encore d'autres troubles hallu-cinatoires.

Elle en fait elte-meme la différence.Outre cet esprit qui parle à son oreille, d'autres voix

lui viennent d'ailleurs.Ses persécuteurs, vous dit-elle, ont mis « un téléphone

dans son gosier ». « Cela lui fait remuer la langue, o« Elle n'entend alors aucune voix par t'oreiDe, et cepen-dant elle comprend très bien ce qu'ils veulent dire.

wRemarquez à ce propos un fait intéressant, sur lequel

j'aurai à revenir tout à l'heure.La malade vous parle; tout à coup la voi)~ qui s'inter.

rompt pour dh-e avec colère « Veux-tu te taire) attends aumoins que je m'explique. » S'agit-il, comme tout l'heure,d'une réponse à une hallucination de l'ouïe? Demandonsàla malade dte-mëme « Non, dit-elle, ça n'est pas la mêmechose; il veut parler à ma place, avec ma langue. Cela luiarrive toujours; souvent même je parie, et ce n'est pasmoi; le son de ma voix devient alors criard mais c'esttout différent des voix par l'oreille. »

Devons-nous ajouter foi à cette distinction? Assurément,Messieurs. Et nous allons essayer d'analyser le mécanismede ce nouveau trouble psychique.

Revenons pour un instant aux élémentsconstitutifs de lafonction du tangage.

Nous avons vu que les centres visuel et auditifpouvaient

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être le point de départ de phénomènes hallucinatoires.

Mais il y a encore deux autres centres, tous deux mo-

teurs. Peuvent-ilsêtre, eux aussi, l'origine d'hallucinations?

Je crois l'avoir démontré suffisammentdepuis les premiers

travaux que j'ai publiés en i 888 sur ce sujet (i); et la chose

est aujourd'hui généralement admise. Je n'y insisterai donc

pas longuement.Je laisse de côte, pour te moment, le centre graphique,

pour n'envisager que ce qui a trait au centre moteur d'ar-ticulation. Voyons donc comment se présentent, en clini-

que, les hallucinations verbales motrices d'articulation.

Il y a déjà longtemps, un aliéniste distingué, Baillarger,

avait remarqué que certains malades disaient ne pas perce-

voir le son d'une voix; ils prétendaientla comprendre parintuition, par leur pensée, sans son. Baillarger désigna ce

phénomène par le terme d'hallucination~yc/~Me, et le

distingua des hallucinations sensorielles; ces dernières

étant pour lui des voix extérieures, et les autres des voix

!'?t~neM?'es.

Après Baillarger, certains auteurs ont cru reconnaître là

des hallucinations auditives; d'autres ont prétendu qu'il

ne s'agissait même pas alors d'hallucinations. Dans des tra-

vaux plus récents, Ed. Fournie, Max Simon, font inter-

venir en pareil cas la fonction du langage, ce qu'avait déjà

soupçonné Lélut. C'était là justement qu'il fallait chercher

l'interprétation des hallucinations de ce genre. Il est lo-

gique, en effet, que, dans un trouble hallucinatoire ame-

nant la perception de mots et de phrases, la fonction du

langage soit intéressée.Mais dans quelle partie des éléments du langage faut-il

(!) J. Segtas, r?'o~ M~Me~ 1888, et Tt-oKMM ~M ~Mt~e c/tM

les aliénés (Bibliothèquem~K-a~ C/M~'co<-D<'&oM,1892).

1

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chercher cette explication? C'est encore la clinique quinous répondra sur ce point.

Interrogez certains aliénés poursni.is par des voix exté-rieures et intérieures, et insistez pour leur faire analyserles sensations qu'ils éprouvent. Ils feront eux-mêmes ladifférence.

Une de mes malades formulait très exactement ses im-pressions' J'entends mes voix, disait-elle, d'une façonauditive et sensitive auditive, comme un être qui vousparlerait à l'oreille; sensitive, c'est-à-direqu'on perçoit lasensat,on d'un être habitant la pensée et parlant avec vous.Et c'est ainsi que j'entends tour à tour. »Tel aliéné vous dira « J'entends des voix auditives; »et tel autre Je comprends des voix, je les meparier..0o

Il faut faire grande attention à ces locutionsdes maladeseUes vous mettront souvent sur la voie du diagnostic.

En effet, Messieurs, n'etes-vous pas ainsi conduits àpenser que ces hallucinations verbales, n'ayant leur siègeni dans le centre auditif, ni dans le centre visuel du !an.gage, procèdent peut-être d'un trouble du centre moteur?

Sans doute, il peutsembler surprenant, au premier abordqu'un centre moteur cortical donne naissance à une hallu-cination verbaie; mais rappelez-vousd'abord certains faitsqui démontrent l'existence d'hallucinations motrices com-munes.

Les phénomènes observés par Weir MitcheU chez lesamputés sont caractéristiques à cet égard. Tel se figure,longtemps après l'opération, avoir encore le fantôme deson membre fixé à son moignon.

De plus, il y éprouve des douleurs, il le sent se mouvoir

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comme malgré lui. Il a même la perceptionde mouvementsvolontaires qu'il dirige à son gré. H dira, par exemple

j'allonge l'index, j'écarte le pouce, je prends une plume etj'écris.

Ce sont là de véritables hallucinations motrices ayantleur origine dans les centres qui président aux mouve-ments des membres amputés, car elles peuvent se pro-duire, alors même que le membre entier a été désarticule.

Ces hallucinationsmotrices communes se retrouvent chez

les aliénés. J'ai vu une malade qui croyait être atteinte de

mouvements spasmodiques du bras droit. Ce n'était qu'un[ trouMe hallucinatoire survenu après qu'elle eut fait la ren-

contre d'une choréique dans une salle d'électrothérapie.

Elle en était revenue avec la sensation que son bras était

agité de secousses canvulsives; et, cependant, aucun signeobjectif ne venait révéler cet état spasmodique.

Les persécutés ont aussi des hallucinations du même

genre, quand ils racontent que la nuit on les secoue dansleur lit ou qu'on leur tire les membres. C'est aussi le casdes sorcières du moyen âge lorsqu'elles se disaient trans-portées au sabbat à travers les airs.

Vous le voyez, Messieurs, l'existence des hallucinationsmotrices communes est de toute évidence. Eh bien, celle

des hallucinations motrices verbales n'est pas moins cer-taine, et ces hallucinations ne diQ'èrent des précédentes

que par leur spécialisationà la fonction du langage.

Souventeffacées, à l'état normal, aux dépens des imagesauditives ou visuelles, les images motrices d'articulationdeviennent prépondérantes chez certains individus qui,pendant la réflexion, parlent mentalementleur pensée, aulieu de la voir ou de l'entendre. Cela est tout intérieur

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mais que la représentation mentale devienne plus vive,alors la pensée sera articulée à voix basse, ou même à voixhaute. Souvenez-vous des personnes qui parlent <ot~Mseules.

Qui de vous n'a croisé dans la rue des moteurs verbauxde ce genre? Cependant, tous ces individus se distinguentpar un signe capital c'est qu'ils ont conscience que lesparoles qu'ils prononcent sont bien l'expression de leurpensée.

Or, chez les hallucinés moteurs, nous retrouvons exacte-ment les mêmes phénomènes avec tes mêmes degrés, maisavec cette diB'érence fondamentale que les mots qu'ils pro-,noncent ne sont pas en rapport avec leurs idées conscientes;c'est là ce qui constitue la véritable hallucination verbalemotrice.

Les exemples n'en sont pas rares.Je pourrais vous en citer plusieurs parmi ceux que j'ai

recueillis et interprétés les auteurs qui ont repris ensuitecette étude en ont rapporté un certain nombre.

Dès maintenant, vous pouvez conjecturer qu'il faut fairerentrer dans le groupe des hallucinations verbales mo-,trices, celles que notre malade distingue eUe-même de seshallucinations auditives.

Avant d'aller plus loin, Messieurs, permettez-moi dem'arrêter quelques instants sur la théorie des hallucina-tions verbales motrices. Sa légitimité ne me semble pascontestable. Mais, comme nous aurons l'occasion d'y re-venir à maintes reprises, il est bon que vous connaissiez aumoins quelques-uns des arguments à l'aide desquels j'aicru devoir l'étayer et la défendre.

Je vous ai dit que les malades atteints d'hallucinations

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verbales de Foule et de la vue étaientdéjà des auditifs ou

des visuels; j'ajoute que les hallucinés moteurs verbaux

sont au préalable des moteurs.Bien souvent j'ai eu l'occasion d'en faire la remarque.

Une jeu"e u!!e atteinte d'hallucinations verbales motrices

me disait par exemple « Du reste, tout ce que je pense,cela m'arrive sur la langue et je suis toujours prête à le

dire. » Un autre aliéné disait de même « Je ne puis pas

penser bas, cela m'étouffe, et il me faut parier soit bas,

plus souvent tout haut quand je pense. » M. Ballet a égale-

ment vériné ce fait chez plusieurs de ses malades.

Lorsque des individus sont devenus hallucinés en ce

sens, les images motrices d'articulation correspondant

même à leur pensée co?MCMH<e acquièrent une vivacité

extrême et tendent à s'extérioriser. Aussi beaucoup se plai-

gnent-ils que cette pensée se formule et leur échappe de la

bouche, avant même qu'ils aient eu le temps de la pro-

noncer volontairement. C'est ce que Pieraccini appelle, non

sans justesse, « la fuite de la pensée Et ce phénomène

est souvent l'origine d'interprétations délirantes variées.

Stricker, de son côté, a fait une constatation importante

et qui peut fournir un nouvel argument à notre théorie.

I! avait remarqué que s'il est possible de penser à deux

mots différents en même temps, à l'aide de deux images

verbaies différentes ou même de deux images sensorielles

de même nature, on ne peut y parvenir au moyen de deux

images motrices simultanées.Or, vous rencontrerez des malades, atteints d'hallucina-

tions verbales motrices, qui en sont débarrassés lorsqu'ils

se mettent à parler. Il en est qui emploient d'eux-mêmes

ce subterfuge pour faire taire les voix qui les tourmentent;d'autres lisent à haute voix la journée entière. H semble

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que leurs images motrices occupées à ces discours ou à ceslectures ne puissent plus fournir l'appoint nécessaire pourproduirel'hallucination.

Inversement, certains sujets sont tellement absorbés parleurs hallucinations, qu'ils sont dans l'impossibilité de ré-pondre quand on les interroge.

Témoin la malade que je vous ai présentée. Vous avez vuqu'au cours de sa conversation elle s'est interrompue sou-dain pour dire à son hallucination motrice d'attendre pourparler qu'elle-mêmese soit expliquée.

Ainsi, l'hallucination absorbe l'image motrice nécessaireà l'élaboration de la réponse, et les malades sont obligésd'attendre que le phénomène ait cessé, pour pouvoir uti-liser librement leur centre moteur d'articulation. Dans des

cas extrêmes, la persistance de l'hallucination, devient unobstacle permanent à l'expression de la pensée même dumalade, qui se renferme alors dans un silence absolu.

Les hallucinations motrices, soit dit en passant, peuventdonc s'ajouter aux causes déjà nombreuses du mutismevésanique.

Voilà déjà, Messieurs, plusieurs arguments qui nousfont entrevoir le rôle capital du centre moteur d'articula-tion dans ces hallucinations verbales motrices. Ce rôle peutaussi être mis en évidence d'une manière indirecte. Je cite

un exemple. Une malade, qui avait de ces hallucinationsverbales, éprouvait en môme temps des mouvements trèsnets de la langue qu'elle sentait a vaciller ». Elle ressentaitégalement, par instants, des mouvements analogues dansles narines ou les paupières, mais ceux-là ne lui disaientrien. Il faliait pour qu'elle les comprît qu'ils fussent ac-compagnésde mouvements de la langue, les seuls, en effet,qui se trouvaient en rapport avec la fonction du langage.

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Certaines habitudesdes aliénés viennent aussi confirmerl'existenceet la nature des hallucinations verbales motrices.Vous savez que certains hallucinés de l'ouïe se bouchentles oreilles, espérant étouffer ainsi les bruits qui les obsè-dent. Les uns emploient du coton, d'autres des coiffuresbizarres, de véritables casques en étoffe et en carton,commeune malade que vous avez pu voir dans le service.

Les hallucinés moteurs ne font rien de semblable; mais

en revanche, ils prennent des habitudes qui nous indiquentbien la nature et le siège de leurs hallucinations. Ils tien-nent leur langue serrée entre leurs dents; ils suspendentleur respiration ils se bourrent la bouche de cailloux.

Ainsi faisait un malade s'imaginant que les mouvementsde sa langue étaient transmis à ses ennemis par l'air desfosses nasales au moyen d'un appareil <e/M'M/M~OH!e.Les cailloux dont il s'emplissait la bouche avaient pour butde faire cesser les mouvements imaginaires de sa langue.

H ne faut pas aUacher moins d'importanceau faciès deshallucinés. Les auditifs ont l'air de gens qui écoutent. Lesmoteurs au contraire remuent les lèvres ou semblent mar-motter des paroles inintelligibles. Quelquefois ils se com-priment l'épigastre avec la main, s'imaginant que là est lepoint de départ de leurs voix. n ne faut pas négliger nonplus, toutes les fois que la chose est possible, de faire écrireles malades sous l'empire de leurs hallucinations on verrales auditifs écrire comme sous une dictée, tandis que lesmoteurs, en écrivant, feront des mouvements d'articulationdes lèvres.

Ces preuves suffiront, Messieurs, je l'espère, pour vousconvaincre de l'existence et de la nature des hallucinationsverbales motrices. Vous voyez aussi comment on peut ar-

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river à les reconnaître. I! faut l'avouer, leur interprétationn'est pas toujours aisée. Il est des cas complexes qu'on nedébrouille qu'à grand'peine, surtout quand les maladesont l'esprit faible ou troublé par une affection mentale déjàde longue date. D'ailleurs, ils ne sont pas toujours bonspsychologues, et ils analysent confusément leurs sensa-tions mais, par une observation prolongée et attentive, onarrive généralement à définir la part qui revient dans leurshallucinations à l'élément moteur.

Souvent l'hallucination motrice, qui n'existait pas nette-ment au début de là maladie, apparaît manifesteà la longue.Une de mes malades me disait fort exactement ceci « Au-trefois, je causais de cœM?', mais maintenant je cause debouche et ma langue est démanchée, c

Au point de vue de leur intensité, les hallucinations ver-bales motrices sont'trèsvariables.

Certains aliénés n'ont que la voix intérieure, et l'obser-vateur ne peut en reconnaître le caractère que d'après lesdescriptions des patients. D'autres parlent à voix basse oufont seulement de simples mouvements d'articulation avecles lèvres. Enfin l'hallucination peut se manifester à voixhaute.

Dans le premier degré, il s'agit d'une simple eoMM~a-tion ?MeM<a/e, c'est l'hallucination verbale ~MM<oMesimple; dans le second, l'hallucination verbale motrice estcomplète. Dans le dernier, on a affaire à une véritable im-pulsion verbale,

Toutes ces variétés, Messieurs,se retrouventen clinique,et elles méritent d'être bien définies, car elles n'ont passeulement un intérêt théorique. Une hallucination motricen'a pas la même signification psychologique, clinique etpronostique, qu'une hallucination de l'ouïe; et la détermi-

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nation des divers degrés d'hallucinationsmotrices a égale-ment son importance.

Je terminerai là cette courte revision séméiologique. Jetenais seulement à vous faire passer en revue, sous leursaspects les plus simples, les digérantes variétés d'halluci-nations surtout verbales pour que vous puissiez lesreconnaître rapidement à l'occasion et ces notions pour-ront aussi nous servir de guide dans l'étude des formescomplexes que nous aborderons dans notre prochainereunion.

Pour revenir à la clinique, je vous présenterai mainte-nant une malade atteinte d'hallucinations verbales motricestrès nettes vous retrouverez chez elle la plupart des ca-ractères sur lesquels je viens d'attirer votre attention.

C'est une jeune fille de vingt ans, née de parents trèsbornés. Son père était presque imbécile; sa mère est bienpeu intelligente; elle a un frère qui est presque idiot.

Elle-même est une faible d'esprit. Elle a marché trèstard, elle a appris à lire à grand'peine, et, à la suite d'unefièvre typhoïdegrave, ses facultés se sont arrêtées dans leurdéveloppement. Depuis deux ans, sur cet état de faiblessementale se sont greffés des symptômes délirants. Elle ditavoir vu « des images sur le plafond ». S'agit-il là d'illusionsou d'hallucinations de la vue? La chose est difûcile à pré-ciser.

Elle a aussi de vagues idées de persécution et elle rap-porte à des êtres mal définis qui la tourmentent les halluci-nations dont elle souffre.

Mais ce qui a surtout attiré l'attention et ce qui au-jourd'hui domine tout le tableau morbide, ce sont des hal-lucinations verbales motrices. Celles-ci sont visibles pour

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tout le monde,etdans le service on connaît cette jeune fllle

sous le nom de la malade qui parle toute seule.Elle s'exprime à cet égard d'une façon fort explicite« Cela lui part du gosier de la bouche. M « Les auti~s

malades disent c'est des voix; mais cela ne les fait pas

causer comme moi. » « On me fait quelque chose dansla gorge, sur la langue, pour parler; on croirait que malangue marche toujours; elle ne reste jamais tranquille. »

Vous reconnaissez là, sincèrement décrite, t'haUucina'tion verbale motrice.

Remarquez aussi ce qu'elle dit quand elle veut fairecesser ses voix « Je serre les dents pour qu'ils ne me fassent

pas causer; mais je ne me bouche jamais les oreilles. »Enfin, quand elle essaye de lire mentalement, l'hallucina-

tion l'interrompt « Ils me font quitter la lecture, pour medire des paroles. Je lis haut pour pouvoir lire, sans celac'est impossible. »

Jusqu'ici, tout se borne au premier degré des hallucina-tions verbales motrices. Mais regardez attentivement lamalade, et vous verrez par instantsses lèvres remuer commesi elle causait à voix basse. Devant un public qui ne lui estpas familier,elle se contient cependant. Mais quand, tout a.

l'heure, elle sera rentrée dans sa division, elle va prononcerà haute voix des mots violents, des injures, des « chosesqu'ils lui font dire et qu'elle ne voudrait pas dire », et dontelle s'excuse. C'est là, Messieurs, un bel exemple d'impul-sion verbale.

Pour en unir avec cette malade, je vous dirai qu'elle aaussi des hallucinations motrices communes ses vaguestourmenteurs (on ou les hommes de voix) lui remuent,dit-elle, les bras ou les jambes, lui font tourner latête, etc.

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Ainsi, l'élément moteur domine dans tous ses troubleshallucinatoires.

Pour terminer, permettez-moi,Messieurs,de vousdonner

encore quelques indications à proposdu diagnostic séméio-logique'del'haHucination.

Il ne faut jamais trop se hâter de conclure à l'existence

d'une hallucination. Si simple qu'il paraisse, ce diagnostic

n'est pas toujours facile et sa précision présente une réelle

importance, aussi bien en clinique qu'en nosographie.

Plusieurs cas peuvent se présenter.

Prenons d'abord le plus simple et supposons-nous enface d'un malade halluciné aM moment même de l'examen

et y~MH6~M< d'autre part aux questions qu'on lui adresse.Lorsqu'il s'agit d'une hallucination e/e'MeM~'re, le dia-

gnostic est facile vous pouvez aisément contrôler par vous-même la réalité de la perception accusée par le malade.

Dans le cas d'une hallucination commune, il est deux

phénomènes avec lesquels il importe de la distinguer, c'estI':7/MM'o?t et l'M<e~~e<a<!0?t ~e/(~M<e.

Tandis que l'hallucination est, comme nous l'avons vu,une perceptionsans objet, l'illusion est la perception fausse,inexacte, d'un objet existant réellement. C'est ainsi, parexemple, qu'un malade atteint d'illusions, verra dans lesplis d'un rideau la silhouette d'un fantôme, d'un assas-sin, etc.

Dans l'interprétation délirante, la perception est exacte,mais le malade lui attribue un sens particulier en rapportavec ses préoccupations. Une mélancolique, par exemple,entend dans le voisinage le bruit du marteau d'un menui-sier réparant une cloison. Elle se rend bien compte de la

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nature de ce bruit, mais l'interprète faussement disant« C'est l'échafaudqu'on apprête pour mon supplice. »

Les mêmes distinctions s'appliquent aux hallucinationsverbales. Prenons comme exemple l'hallucination verbaleauditive que nous venons d'étudier longuement, et danslaquelle le malade entend des paroles, alors que tout estsilencieux autour de lui. Dans l'illusion, il entend encoredes mots; mais ces mots prononcés réellement sont malperçus par lui, comme cela se produisait chez un de nosmalades devant qui on parlait de « pièges à loups », etqui entendait « il est jaloux M.

Une autre ~forme d'illusion est celle dans laquelle unbruit extérieur est perçu par le malade sous forme de mots.C'est ainsi que le bruit du vent, le son d'une cloche, serontperçus sous forme de paroles. Un malade entend son nomdans le bruit du tonnerre. Ces sons qui devraient, ens'adressant aux centres auditifs communs, réveiller seule-ment l'idée d'un objet, réveitient au contraire chez lui uneimage verbale emmagasinée dans le- centre auditif desmots. Le malade la perçoit comme si elle venait de l'exté-rieur et la rapporte à un objet déterminé.

Les faits de ce genre sont à distinguer de ceux danslesquels le malade donne une signification des bruits reetsextérieurs qu'il traduit lui-même. C'est ainsi qu'une jeunefille, que nous aurons l'occasiond'examiner plus tard, donneun sens an cri des oiseaux qu'elle entend chanter dans lejardin elle pense, par exemple, que, lorsqu'elle sort, ils

disent: « Tiens, voilà la petite jeune nite. ? Mais,, ces mots,elle déclare ne pas les entendre, elle se figure simplementla signification de leurs cris.Cet exemple se rapproche donc plutôt de l'interprétation

délirante se manifestant à propos de phénomènes auditifs,

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et dans laquelle la perception auditive se fait trèscorrecte-

ment, mais le malade donne ce qu'il vient d'entendre

une portée spéciale, un sens particulieren rapport avec le

thème de son délire. Par exemple, un persécuté, que nous

eûmes a. examiner, entend un jour deux personnes, au

cours d'une conversation, prononcer cette phrase « Que

voulez-vous qui les attire ? »Immédiatement il voit là

comme une menace; c'est pour lui une preuve qu'il va être

en butte à de nouvelles misères.

Les considérationsprécédentes peuvent s'appliquer aussi

bien aux hallucinations verbales intéressant le sens de

l'ouïe qu'à celles qui intéressent celui de la vue.En ce qui regarde le diagnostic des hatlucinations ver-

bales auditives avec les psycho-motrices, nous avons déjà

suffisamment insisté sur ces dernières pour montrer enquoi les malades qui en sont atteints, bien qu'ils disent

entendre des voix, diffèrent de ceux qui ont des hallucina-

tions auditives.D'ailleurs, à côté des phénomènes subjectifs dévoilés par

l'interrogatoire, les hallucinations, lorsqu'elles se produi-

sent au moment actuel, s'accompagnent de symptômesobjectifs sur lesquels nous reviendrons tout à l'heure.

Dans bien des cas, on n'assiste pas à la production de

l'hallucination, et ce diagnostic doit en être fait rétrospec-tivement. Il reste évidemment le même, mais on ne peut

se fonder alors que sur le côté purement subjectif du phé-

nomène aussi importe-t-il de préciser exactement les

moindres circonstances dans lesquelles il s'est produit,toutes ses conditions, toutes ses particularités,avant de se

prononcer sur sa nature véritablement hallucinatoire. On

peut le contrôler au besoin par les renseignements de per-sonnes présentes au moment où il a eu lieu.

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Jusqu'ici nous avons supposé le cas où l'on aurait affaireà un malade confiant, communicatif,se prêtantà l'examen.

Mais on peut avoir également à déterminerL'existenced'hallucinations chez des aliénés qui ~'e/M~e~He~'spo~'e al'interrogatoire et se renferment dans un mutisme obstiné.

Je vous rappellerai même que, parmi les causes du mu-tisme vésanique que nous avons passées en revue dans deprécédentes conférences, figure la présence des hallucina.tions à diu'érents titres.

Ce peuvent être, par exemple,des hallucinations impéra-tives défendant au malade de parler, ou bien des halluci-nations motrices déterminant le mutisme parte mécanismeque je vous ai exposé.

Dans ces conditions, le diagnosticd'hallucinationsne peutrésulter que de la notion des symptômeso~ec< dont jevous parlais tout à l'heure et qui les accompagnent souventd'une façon plus ou moins nette.

De ces symptômes objectifs, il est quelques-uns, tels parexemple que les modifications du pouls, de la circulationvaso-motrice. sur lesquels je n'insiste pas; car ils nevalent guëre pour le diagnostic pratique, et d'ailleurssont communs, non seulement à toute espèce d'halluci-nations, mais encore à bien des faits psychiquesd'un autreordre.

De plus importants sont ceux qui ont trait aux réactionsmimiques provoquées par les hallucinations.

Dans les hallucinations auditives, par exemple, la têtese tourne de façon à porter le pavillon de l'oreille dans ladirection d'où semble venir l'hallucination. En mêmetemps on saisit une modification particulière dans l'ex-pression du regard qui devient attentif, de même un légermouvement de tout le corps, soit pour mieux écouter, soit

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pour fuir. En un mot, l'attitude du malade est celle de quel-qu'un qui écoute.

Certaines habitudes ou particularités du costume ten-dant, par un moyen ou par un autre, à intercepter les sonspar l'occlusion des oreilles, peuvent également mettre surla piste d'hallucinationsde l'ouïe.

Dans l'hallucination psycho-motrice, le malade res-semble, comme je vous le disais, à quelqu'un qui parleseul vous pouvez constater des mouvements des lèvres etretrouver ces attitudes particulières,ces habitudes que je

vous signalais, ayant pour but de comprimer le point dedépart des voix intérieures, de s'opposer aux mouvementsde la langue, etc.

Les signes objectifs de l'hallucination de la vue sont sou-vent des plus faciles à saisir. C'est d'abord la rotation de latête, la fixation du regard, les changements de dimensionsde la pupille en rapport avec la direction ou la distance del'hallucination, l'expression émotionnelle du regard, de l'at-titude générale du sujet.

On a signalé encore ce fait que les hallucinés de la vueont souvent des sensations désagréables do corps étran-

gers, de picotements, qui les portent à se frotter les yeux.Les hallucinations du goût s'accompagnent de mouve-

ments de dégustation ou de déglutition, de salivation ou decrachotement.

Les hallucinations de l'odorat s'accompagnent fréquem-ment de mouvements d'expiration nasale. Souvent aussiles malades s'ingénient à se garantir des mauvaises odeursen s'accputrant d'une façon bizarre, de manière a se fermerla bouche et les narines.

Les hallucinations du sens génital provoquent souventdes gestes, des attitudes lascives. Quant aux phénomènes

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de même ordre désignés sous le nom de troubles de la sen-sibilité générale, ils ne se traduisent guère à l'extérieur

que par des soubresauts, des mouvements de fuite, de dé-fense, du grattage, des particularités du costume ayant

pour but de protéger la partie du corps où Us se manifes-

tent.Chez les aliénés chroniques, queiques auteurs, notam-

ment M. Féré, ont signalé encore l'existence de rides per-pendiculaires à la direction des fibres des muscles, qui

interviennent dans les expressions mimiques en rapport

avec tel ou tel ordre d'hallucination.

Telles sont, Messieurs, les notions générales que je te-nais à vous remémorer. Je souhaite qu'elles ne vous aient

pas semblé trop arides, et surtout qu'elles puissent vousservir de guide dans l'interrogatoire,souvent si difficile,

des atiénés. Elles auront du moins l'avantage de nous faci-

liter l'examen de malades dont je vous parlerai au coursde nos prochaines réunions.