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Page 1 sur 23 DEMOCRATIE : NAISSANCE, EVOLUTION ET CONCEPTIONS AOUT 2013 Leçon d’introduction : NOTION DE DEMOCRATIE - Définir : liberté, démocratie, régime politique, démocratie libérale, démocratie parlementaire, démocratie populaire, loi, citoyen, citoyenneté, Etat, gouvernement, souveraineté, suffrage universel, pluralité des opinions ; - Montrer les différentes conceptions de la démocratie ; - Présenter les grands principes de la démocratie ; - Relever les menaces contre la démocratie et les dangers de l’absence de la démocratie ; - Présenter les conditions d’existence de la démocratie - Souligner les insuffisances de la démocratie. La démocratie ne peut être comprise qu’à travers l’étude son historique. Sous-chap. 1 DEMOCRATIE : NAISSANCE, EVOLUTION ET CONCEPTIONS - Retracer les origines de la démocratie ; - Recenser les différentes définitions de la démocratie ; - Présenter les opinions sur la démocratie. INTRODUCTION Avant la démocratie, les villes grecques antiques sont sous des régimes "aristocratiques", i.e. qu'elles sont dirigées par des aristoi (les "meilleurs"), qui sont en général les membres de familles nobles, revendiquant un héros pour ancêtre ; par la suite il s'agit des citoyens riches (enrichis grâce au développement économique à partir du VIIe s. avant J.C.). Les principes démocratiques ou pré-démocratiques émergent à partir de 750 avant J.C., date qui correspond : a) à la date probable de fixation des poèmes homériques, qui contiennent les germes de ces principes. b) au début de la deuxième vague de colonisation grecque : des communautés grecques vont s'installer en Italie et en Sicile. Ces Grecs quittent leurs cités alors en train de se constituer pour aller fonder ailleurs d'autres cités. Ces mouvements ne semblent pas guidés par la nécessité économique (il semble même au contraire que la colonisation soit plutôt l'effet de la prospérité de la métropole que la pauvreté ; ils ne semblent pas guidés non plus par des raisons militaires) ; Ils s'auto-instituent : ils décident eux-mêmes de leur organisation et de leur législation ; il n'y a ni subordination politique de la colonie à la métropole, ni plaquage des institutions métropolitaines dans les colonies. Dès l'arrivée sur les nouveaux territoires, les colons définissent par une décision initiale qui est citoyen et qui participe à la vie de la colonie. Même si les colons exportent bien de leur métropole d'origine leurs dieux, leur langue, leurs coutumes, leurs conceptions sur le juste et l'injuste, elles établissent leurs propres lois, en s'inspirant naturellement des lois de leur pays d'origine. On pense que la terre de la colonie était partagée en lots égaux entre les nouveaux habitants (à l'exception peut-être du fondateur, l'apoikistès ou oikistès). Un processus "naturel" de différenciation socio- économique et de concentration de la richesse a cependant peu à peu crée des inégalités (en

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DEMOCRATIE : NAISSANCE, EVOLUTION ET CONCEPTIONS AOUT 2013

Leçon d’introduction : NOTION DE DEMOCRATIE

- Définir : liberté, démocratie, régime politique, démocratie libérale, démocratie

parlementaire, démocratie populaire, loi, citoyen, citoyenneté, Etat, gouvernement,

souveraineté, suffrage universel, pluralité des opinions ;

- Montrer les différentes conceptions de la démocratie ;

- Présenter les grands principes de la démocratie ;

- Relever les menaces contre la démocratie et les dangers de l’absence de la

démocratie ;

- Présenter les conditions d’existence de la démocratie

- Souligner les insuffisances de la démocratie.

La démocratie ne peut être comprise qu’à travers l’étude son historique.

Sous-chap. 1

DEMOCRATIE : NAISSANCE, EVOLUTION ET CONCEPTIONS

- Retracer les origines de la démocratie ;

- Recenser les différentes définitions de la démocratie ;

- Présenter les opinions sur la démocratie.

INTRODUCTION

Avant la démocratie, les villes grecques antiques sont sous des régimes "aristocratiques", i.e.

qu'elles sont dirigées par des aristoi (les "meilleurs"), qui sont en général les membres de

familles nobles, revendiquant un héros pour ancêtre ; par la suite il s'agit des citoyens riches

(enrichis grâce au développement économique à partir du VIIe s. avant J.C.).

Les principes démocratiques ou pré-démocratiques émergent à partir de 750 avant J.C., date

qui correspond :

a) à la date probable de fixation des poèmes homériques, qui contiennent les germes de ces

principes.

b) au début de la deuxième vague de colonisation grecque : des communautés grecques vont

s'installer en Italie et en Sicile. Ces Grecs quittent leurs cités alors en train de se constituer

pour aller fonder ailleurs d'autres cités. Ces mouvements ne semblent pas guidés par la

nécessité économique (il semble même au contraire que la colonisation soit plutôt l'effet de la

prospérité de la métropole que la pauvreté ; ils ne semblent pas guidés non plus par des

raisons militaires) ; Ils s'auto-instituent : ils décident eux-mêmes de leur organisation et de

leur législation ; il n'y a ni subordination politique de la colonie à la métropole, ni plaquage

des institutions métropolitaines dans les colonies. Dès l'arrivée sur les nouveaux territoires, les

colons définissent par une décision initiale qui est citoyen et qui participe à la vie de la

colonie. Même si les colons exportent bien de leur métropole d'origine leurs dieux, leur

langue, leurs coutumes, leurs conceptions sur le juste et l'injuste, elles établissent leurs

propres lois, en s'inspirant naturellement des lois de leur pays d'origine. On pense que la terre

de la colonie était partagée en lots égaux entre les nouveaux habitants (à l'exception peut-être

du fondateur, l'apoikistès ou oikistès). Un processus "naturel" de différenciation socio-

économique et de concentration de la richesse a cependant peu à peu crée des inégalités (en

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quelques générations), qui provoquera des crises (staseis). Peu après, les premiers tyrans

apparaissent : ils seront comme des chefs que se donneront les citoyens pauvres pour limiter

le pouvoir des oligoi, les riches.

I- LA GENESE DE LA DEMOCRATIE : l’antiquité

A- Sparte : instauration d’une apparence d’egalité

Entre 700 et 650 : c'est probablement là qu'il y a eu pour la première fois instauration de

quelque chose qui ressemble à un régime d'égalité ; les Spartiates instaurent une communauté

d'égaux / semblables (homoioi). La société s'organise autour de 2 rois (qui ont des fonctions

essentiellement militaires et religieuses) ; un conseil des anciens (la gerousia ; qui joue rôle

très important assez semblable à celui du Sénat chez les romains) ; une assemblée d'hommes

libres (l'appella) ; un collège de 5 magistrats (les éphores). Mais la société spartiate ne va

évoluer que dans le sens d'une oligarchie croissante (il s'agit pour CC1 d'une situation "figée" :

il n'y a pas vraiment de création historique à Sparte, pas de dynamique du dèmos). Si les

questions importantes lui sont soumises, l'assemblée est plutôt une assemblée de ratification

des décisions de l'oligarchie constituée par les éphores et les 2 rois. L'assemblée ne s'exprime

pas par un vote à main levée, mais par acclamation : les spartiates crient, et les éphores

décident si les cris "pour" sont plus forts que les cris "contre"… (et il leur arrive de tricher…)

alors que le citoyen athénien lève la main, se fit connaître et donne son avis.

B- Athènes : source de la démocratie

La démocratie prend ses racines principales dans les réformes2 engagées autour de la cité

d'Athènes3 dans la Grèce antique autour du VIe siècle avant J.-C. La naissance de la

1 DEMOCRATIE GRECQUE / DEMOCRATIE MODERNE – perspectives D'après Cornélius CASTORIADIS :

LA CITÉ ET LES LOIS (Ce qui fait la Grèce, 2 ; Séminaires 1983 – 1984 ; Seuil 2008) 2Le véritable début de la démocratie athénienne se situe au VIIe siècle, dit "siècle des réformes", période

d'effervescence politique et institutionnelle.

3 Athènes est fondée formellement vers 750 av. J.-C. par synœcisme de plusieurs agglomérations partiellement

préservées de l'invasion des Doriens.

Le site est choisi pour la forteresse naturelle que représente l'Acropole ; les habitants peuvent résister aux hordes

de pillards qui menacent la région, augmentant avec les années sa fortification. À partir de 510 av. J.-C., cette

fonction défensive est abandonnée, le lieu étant consacré aux cultes et notamment celui d'Athéna, déesse

protectrice d'Athènes. Des remparts encerclent à partir de 478 av. J.-C. la ville et son port, le Pirée. Rares sont les

bâtiments au-delà des quinze majestueuses portes, exception faite du populaire quartier du Céramique dont la

production inonde le monde grec entier, ainsi seuls quelques gymnases et écoles de philosophie s'excentrent pour

que leurs élèves profitent de la tranquillité et soient totalement isolés pendant les deux années de leur éphébie.

L'agora devient le centre social et politique de la cité avec l'installation des institutions démocratiques sur cette

place. En été de nombreux débats houleux ou amicaux se tiennent à l'ombre du portique Sud et de la Stoa

Poikilè, on discute et philosophe en regardant les centaines d'étals emplis de victuailles et leurs marchands qui

s'égosillent pour appâter le client. Des joutes oratoires d'un autre genre se déroulent sur la Pnyx, colline sur

laquelle sont votées toutes les lois athéniennes. La cité est donc le cœur de la démocratie.

Loin de ces ambiances festives plus ou moins décisives dans la direction de l'État, le monde rural vit aussi. Les

riches propriétaires n'ayant pas déserté la campagne pour la ville profitent, avec les régisseurs de ceux partis, de

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démocratie peut être considérée par rapport à un horizon politique au sens large du terme qui

va rendre cette réforme possible et nécessaire, une crise politique et sociale totale, la stasis.

Les citoyens qui régissent leurs affaires sont amenés à réfléchir au meilleur système politique,

à la meilleure politeia, c'est-à-dire la meilleure façon de s’organiser pour surmonter cette crise

multiple.

1. Les origines de la démocratie athénienne : la crise de la cité

grecque

La démocratie trouve son origine dans la grave crise de la cité grecque et les mutations

propres à Athènes. Au VIe siècle av. J.-C., les cités du monde grec sont confrontées à une

grave crise politique, résultant de deux phénomènes concomitants : d'une part l'esclavage pour

dettes, liant situation politique et situation financière, touche un nombre grandissant de

paysans non propriétaires terriens : l'inégalité politique et le mécontentement sont forts dans

le milieu rural ; d'autre part le développement de la monnaie et des échanges commerciaux

fait émerger une nouvelle classe sociale urbaine aisée, composée des artisans et armateurs, qui

revendique la fin du monopole des nobles sur la sphère politique. Pour répondre à cette

double crise, de nombreuses cités modifient radicalement leur organisation politique. À

Athènes un ensemble de réformes amorce un processus débouchant au Ve siècle sur

l'apparition d'un régime politique inédit : une sorte de démocratie pour les hommes libres mais

avec la continuation de l'esclavage. À titre d'exemple le philosophe marxiste Jacques Rancière

estime que « la démocratie est née historiquement comme une limite mise au pouvoir de la

propriété. C’est le sens des grandes réformes qui ont institué la démocratie dans la Grèce

antique : la réforme de Clisthène qui, au VIe siècle av. J.-C., a institué la communauté

politique sur la base d’une redistribution territoriale abstraite qui cassait le pouvoir local des

riches propriétaires ; la réforme de Solon interdisant l’esclavage pour dettes. » 1. On ne saurait

méconnaître cependant le lien essentiel entre démocratisation économique et sociale (décrite

ci-après) et démocratisation politique, non plus que l'essor naval athénien à partir de 483 av.

J.-C. qui conditionna la démocratie2.

1.1. Paupérisation rurale

À partir du VIIe siècle av. J.-C., la plupart des cités grecques sont confrontées à une crise

politique. Le commerce se développe, notamment avec l'apparition de la monnaie au

VIe siècle av. J.-C., en provenance de la Lydie de Crésus, en contact avec les cités grecques

avant la défaite de -546 face au Perse Cyrus. Ce développement extraordinaire du commerce

méditerranéen a deux conséquences :

D'une part les agriculteurs grecs sont peu compétitifs face à la concurrence de plus en plus

vive des terres fertiles de la Grande Grèce récemment colonisée. De plus en plus de paysans,

incapables d'écouler suffisamment leur production, sont condamnés à se vendre comme

esclaves pour faire face à leurs dettes. Cette main-d'œuvre servile est utilisée par les urbains et

la dolce vita faite de soleil, d'huile d'olive, et de belles esclaves pendant que se plient leurs autres esclaves au dur

labeur imposé par le climat aride de l'Attique.

Mieux lotis, les pêcheurs bordant le pourtour de l’Attique mangent à leur faim sans pour autant avoir accès à

l’état de grands propriétaires terriens nécessaire pour entrer dans les arcanes du pouvoir. Les femmes, comme les

esclaves, n'ont pas de pouvoir politique.

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vient donc elle-même concurrencer les petits artisans indépendants. Ces sujets peu fortunés,

sur lesquels repose une part croissante de l'économie, viennent grossir le rang des chômeurs et

manifestent leur mécontentement.

1.2. Révolution hoplitique : émergence d'une petite bourgeoisie

D'autre part, corrélativement à l'appauvrissement des masses paysannes, émerge une nouvelle

classe de sujets aisés, faite de commerçants et d'artisans (notamment potiers à Athènes).

Ceux-ci sont dorénavant suffisamment riches pour s’acheter des équipements d'hoplites : la

guerre n’est plus l’apanage de l'aristocratie. Le système aristocratique basé sur la propriété

agraire est battu en brèche face aux revendications égalitaires de ces nouveaux citoyens-

soldats. On parle de révolution hoplitique.

1.3. Instabilité politique

Au sein de chaque cité les grandes familles s'appuient sur le mécontentement populaire (tant

des paysans appauvris que des nouveaux riches urbains) pour mieux se disputer le pouvoir.

Elles n'hésitent pas non plus à faire appel à des puissances extérieures pour renverser les

tyrans. Ainsi, les cités se combattent fréquemment entre elles, ce qui nourrit souvent les

révoltes, par ailleurs durement réprimées. Mais les guerres sont aussi parfois un facteur de

cohésion interne des cités.

En outre, chaque cité grecque frappe désormais sa propre monnaie, forgeant ainsi une

nouvelle composante majeure de son identité. Au Ve siècle av. J.-C., les cités grecques ne

frappent plus la monnaie irrégulièrement et chacune appose un signe particulier sur la

monnaie qu'elle frappe, l'épicène, qui permet de la reconnaître. Pour la monnaie athénienne,

c'est une chouette. Qu'elles retardent ou précipitent l'éclosion d'un nouveau régime, les

différentes mesures politiques (guerres, chutes de régime, répressions, levées ou baisses

d'impôts, introductions de monnaies) n'y pourront peu : la donne sociale a définitivement

changé.

Partout la nouvelle configuration des rapports de forces sociales fait émerger une nouvelle

donne politique. Deux nouveaux modèles, appelés à s'opposer dans le siècle à venir, se

distinguent par leur originalité : l'oligarchie militaire spartiate et la démocratie athénienne.

2. Les réformes politiques

La démocratie athénienne ne naît pas d’insurrections populaires mais de l'engagement de

politiciens pour assurer l'unité de la cité. Voici les quatre principales réformes que l'on

distingue, ainsi que leurs instigateurs :

2.1. Réformes de Dracon : désignation d'un premier législateur, Dracon.

Dracon est mandaté, en 621-620 avant J.-C., pour mettre par écrit des lois ; on ne connaît bien

que sa législation sur les meurtres : désormais, tout meurtrier est soustrait à la vengeance des

clans et un véritable procès se déroule devant l'Aréopage ou devant les tribunaux des

Éphètes3. La sévérité des peines prévues devait rester légendaire, et l'adjectif draconien est

devenu synonyme d'implacable. Mesure limitée qui, cependant, affirme pour la première fois

l'autorité de l'État au-dessus des parentés dans le domaine de la justice, instaure un droit

commun pour tous et, par là même, porte atteinte à l'arbitraire des aristocrates. Six

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thesmothètes (gardiens de la loi écrite) viennent alors renforcer le collège des archontes.

Malgré l'amplification de la crise, le monopole économique et politique des grandes familles

athéniennes, les Eupatrides, n'est cependant en rien attaqué, les archontes (dirigeant

collégialement la cité) étant toujours tous issus de ces milieux. Deux modèles résolvant ce

problème émergèrent en Grèce au VIe siècle av. J.-C. :

soit l'arbitrage d'un législateur, chargé, dans une sorte de consensus, de mettre fin à

des troubles qui risquent de dégénérer en guerre civile ;

soit la tyrannie, qui, dans l'évolution de la Grèce archaïque, apparaît bien souvent

comme une solution transitoire aux problèmes de la cité.

Avec Solon, le législateur, puis avec les Pisistratides, Athènes fera successivement

l'expérience de l'une et de l'autre. :

2.2. Réformes de Solon : archontat de SOLON, qui introduit des éléments démocratiques,

notamment l'Héliée, un tribunal du peuple.

Athènes est en pleine crise politique et sociale lorsque les adversaires se mettent d'accord pour

choisir Solon comme arbitre. Archonte de -594 à -593, législateur, auteur d’un code de lois, il

aurait effacé les dettes, interdit l’esclavage pour dettes et défait les lois draconiennes.

Il a surtout effectué des réformes constitutionnelles qui lui valurent la réputation d'être le père

de la démocratie. Le système qu'il a proposé est un peu différent de la ploutocratie. Il

existerait alors quatre groupes socio-économiques à Athènes :

les aristocrates, ou Eupatrides, composés des propriétaires fonciers les plus riches ;

les gémoroi, cultivateurs, constitués des autres propriétaires fonciers ;

la classe populaire, qui compose le reste de la population et vit de son salaire ou du

commerce ;

les esclaves, considérés comme des biens et non comme des hommes libres.

Des hommes libres, Solon tire quatre classes censitaires. D'après le nombre de mesures de blé,

de vin et d'huile que le citoyen possède, il appartient à l'une des quatre « tribus » suivantes :

les pentacosiomédimnes, qui possèdent plus de 500 médimnes de céréales ;

les hippeis, cavaliers, (plus de 300 médimnes) ;

les zeugites, laboureurs, (plus de 200 médimnes) ;

les thètes (moins de 200 médimnes).

Les plus hautes magistratures ne sont accessibles qu'aux plus hautes classes ; les thètes n'ont

accès qu'à l'Ecclésia et aux tribunaux. L'accès aux charges passait toutefois par une élection à

l'Ecclésia. Aristote affirme qu'il aurait créé un deuxième Conseil de quatre cents membres4 (à

raison de 100 par tribu) au fonctionnement probouleumatique5 mais aucune preuve de son

existence n'a été découverte à ce jour.

La véritable originalité de Solon réside toutefois dans ses réformes judiciaires : il créa

l'Héliée, un tribunal populaire ouvert à tous où, chose nouvelle, chacun avait le droit

d'intervenir en justice contre quiconque aurait enfreint les lois, affirmant ainsi la

responsabilité collective des citoyens.

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2.3. Réformes de Clisthène et poussée politique des thètes : 508 : la "réforme de Clisthène"

constitue un tournant, en amenant l'instauration d'un régime que nous pouvons légitimement

appeler démocratique.

À travers sa réforme de -508, Clisthène, membre d’une des plus grandes familles d’Athènes,

les Alcméonides, concéda au peuple la participation non seulement aux décisions politiques

mais aussi aux fonctions politiques en échange de son soutien. Cette réforme repose sur la

réorganisation de l’espace civique. Les anciennes structures politiques fondées sur la richesse

et les groupes familiaux furent remplacées par un système de répartition territoriale. Un

citoyen athénien ne se définit désormais plus que par son appartenance à un dème,

circonscription administrative de base de la vie civique ; chaque citoyen athénien doit être

admis dans son dème lors de ses dix-huit ans.

L'Attique est divisé en trois ensembles : la ville (asty), la côte (paralie), et l’intérieur

(mésogée). Dans chaque ensemble se trouvent dix groupes de dèmes, nommés trittyes. La

réunion de trois trittyes, une de chaque ensemble, forme une tribu, phylè : il y a donc dix

tribus. Chaque tribu regroupe plusieurs membres ; ils sont mélangés et non pas classés par

culture, région et classes sociales afin que les goûts (politiques et culturels) et les envies

soient tous entendus6. Ce système, sur lequel se base la nouvelle organisation des institutions,

casse la pratique du clientélisme traditionnel. On parle d'isonomie, ce qui ne signifie pas

« égalité devant la loi », comme on l'affirme souvent, mais « égale répartition » (du verbe grec

νέμω, répartir, distribuer)7.

2.4. Réformes de Périclès

Vers le milieu du Ve siècle av. J.-C., en 451 av. J.-C. Périclès mit en place une indemnité

journalière de présence au sein de l'Héliée et de la Boulê, ainsi qu'aux spectacles des

Panathénées : c’est le misthos (« salaire ») destiné à faire participer les citoyens les plus

pauvres et résidant le plus loin de la ville9. Elle leur permettait de chômer un jour pour assurer

leurs fonctions civiques et politiques. Le montant de cette indemnité ou misthos passa de deux

à trois oboles par jour sous Cléon, soit l'équivalent du faible salaire d'un ouvrier. Cette mesure

renforça le caractère démocratique du régime athénien.

Cependant, Périclès se distingua plus par ses actions militaires et diplomatiques et par les

grands chantiers qu'il entreprit que par sa rénovation des institutions politiques.

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En -451, Périclès fit adopter un décret qui imposa, pour devenir citoyen, d'être né de l'union

légitime d'un père citoyen et d'une mère, fille de citoyen10

.

À la structure sociale et administrative hiérarchisée :

Dème ⊂ Trittye ⊂ Tribu ⊂ Cité,

Clisthène fait correspondre une structure hiérarchisée du pouvoir :

Prytanes ⊂ Boulè ⊂ Ecclésia.

Juges ⊂ Héliée ⊂ Ecclésia.

La Boulè passe ainsi de 400 à 500 membres, 50 pour chaque nouvelle tribu, et sert non plus à

éclairer l'Aréopage mais à définir l'ordre du jour de l'Ecclésia. Malgré la création des

tribunaux de l'Héliée, la mainmise sur le pouvoir judiciaire de l'Aréopage reste prédominante.

La réforme ne retint pas le vote comme mode principal de désignation des responsables

politiques, lui préférant des tirages au sort (pour la désignation des bouleutes et des héliastes)

et un système d'alternance régulière pour les prytanes, ce qui fait, pour partie, de la

démocratie athénienne une stochocratie.

D'autre part, lorsque Thémistocle convainquit les Athéniens de construire une flotte de

combat pour leur défense contre les Perses, en 483 av. J.-C., il fallut embarquer des milliers

de citoyens de la quatrième classe, les thètes : à raison de 174 rameurs par bâtiment, pour une

flotte de deux cents trières, ces citoyens pauvres acquéraient un poids politique bien plus

important que celui des hoplites8. Cet essor naval d'Athènes conditionna aussi la démocratie

proprement dite.

3. Fonctionnement de la démocratie athénienne

3.1. La citoyenneté4 athénienne

4 Qualité , statut de citoyen

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Jusqu'en -451, pour être citoyen5 athénien, il faut être un homme né de père athénien, et avoir

suivi l'éphébie de 18 à 20 ans, c’est-à-dire être capable de défendre la cité. L'éphébie est en

effet une formation militaire et civique qui permet à la cité d'assurer sa défense sans avoir

d'armée permanente ; elle prémunit aussi la ville des risques de tyrannie. En -451, Périclès

modifie la loi qui désormais confère la citoyenneté au jeune adulte à la seule condition de la

double filiation d'un père de statut citoyen et d'une mère, fille de citoyen, ce second critère

introduisant une restriction notable.

Les esclaves et les femmes considérés respectivement comme des biens et d'éternelles

mineures, ainsi que les métèques (étrangers) furent exclus de la communauté politique,

comme dans la plupart des cités grecques. Cependant, si un métèque non barbare (c’est-à-dire

grec) accomplissait de hauts faits pour la cité, il pouvait recevoir, à titre exceptionnel et en

remerciement de ses actions, la citoyenneté athénienne, moyennant finances. Une telle

décision ne pouvait être prise qu'à la suite d'un vote de l'Ecclésia réunissant 6000 citoyens.

Ces naturalisations sont donc très rares et solennelles. Par exemple, un métèque riche a fait

don à la cité d'Athènes de plus de 1000 boucliers, et il n'a jamais obtenu cette citoyenneté. La

rareté de ce droit de cité accordé à des étrangers s'explique par le désir de maintenir un

équilibre optimum entre le territoire et ceux qui se le partagent, et de ne point accroître

inconsidérément le nombre des citoyens, c'est-à-dire des ayants droit11

.

La citoyenneté conférait un pouvoir politique, mais aussi une protection judiciaire, les

citoyens ne pouvant ni être soumis à la question (torture), ni être condamnés au supplice ou à

une peine corporelle. Les seules peines qui pouvaient leur être infligées étaient donc l'amende,

l'atimie, l'exil, et la mort par suicide forcé.

La citoyenneté confère aussi un privilège économique : seuls les citoyens peuvent avoir une

propriété foncière. Ce privilège s'explique par l'histoire de la démocratie athénienne ; héritier

d'un passé aristocratique, le régime considérait l'agriculture comme le seul travail digne d'un

citoyen, et valorisa la vie de rentier.

Le citoyen athénien avait le droit de voter et d'être élu mais il avait le devoir de faire la guerre

et de payer les impôts. Par ailleurs, les riches devaient financer les liturgies et les pauvres

devaient être aidés financièrement pour pouvoir participer à la vie de la cité.

3.2. Les institutions politiques

55

Individu jouissant, sur le territoire de l’Etat dont il relève, des droits civils et politiques

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Répartition des pouvoirs politiques dans l'Athènes démocratique au IVe siècle.

Les institutions constitutives de la démocratie athénienne nous sont connues essentiellement

grâce à la découverte inopinée, à la fin du XIXe siècle d'une Constitution des Athéniens

attribuée à Aristote, et à ses disciples du Lycée, et rédigée aux environs de -33012

. Bien que la

démocratie athénienne n'eût jamais de constitution écrite officielle, les rôles de ses institutions

n'en demeurent pas moins clairement connus et distincts les uns des autres. Leurs évolutions

font donc l'objet de subtiles luttes politiques.

L'Ecclésia

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C'est l'assemblée des citoyens qui se réunit sur la colline de la Pnyx. Elle vote les lois en

général avec un quorum de 6000 citoyens, en certaines circonstances ; la participation est

normalement inférieure à ce chiffre si l'on en croit Thucydide13,14

. Ces votes se font à main

levée et à la majorité simple. N'importe quel citoyen peut prendre la parole (liberté qu'en grec

ancien on appelle ἰσηγορία, isegoria), exercer son pouvoir d'amendement et proposer une

motion. C’est le propre de la démocratie directe. Une fois votée, la loi est exposée au public

sur l'Agora.

Selon un processus similaire, l'Ecclésia peut, une fois par an, prononcer l'exil d'un citoyen. Ce

vote est appelé l'ostracisme dont le nom vient du morceau de céramique (l'ostracon) sur lequel

est inscrit le nom de la personne dont on demande le bannissement. Cette sanction est dure,

car le banni n'est plus protégé par sa cité. Il est soumis à tous les aléas, et dans les pires cas, il

peut connaître l'esclavage. La réunion annuelle d'ostracophorie s'effectue après celle pendant

laquelle les magistrats, bouleutes et héliastes sont tirés au sort pour des mandats d'un an. Elle

nécessite la présence de 6000 membres, c'est le fameux quorum de 6000. Cette pratique

disparaîtra en -417, après avoir frappé une dizaine de grands hommes politiques athéniens.

La Boulè

La Boulè (orthographiée parfois Boulê) est le nom générique des conseils dans différents

régimes grecs. À Athènes, la Boulê est souvent appelée « Conseil des Cinq-Cents », car, à

partir des réformes de Clisthène, elle est composée de 500 membres (bouleutes) à raison de

cinquante par tribu. Les bouleutes sont tirés au sort parmi des listes dressées par chaque dème

de citoyens volontaires âgés de plus de trente ans et renouvelés chaque année : l'absence de

toute qualification autre que d'âge empêche que la fonction soit l'objet d'une compétition ; un

citoyen ne peut être bouleute au maximum que 2 fois non successives, ce qui exclut la

possibilité d'y faire carrière. Cette assemblée siège de façon permanente. La présidence et la

coordination du travail sont assurées par les prytanes. Chaque tribu assure pendant un dixième

de l'année (35-36 jours) la prytanie, c'est-à-dire la permanence. Le principal travail de la

Boulè est de recueillir les propositions de loi présentées par les citoyens, puis de préparer les

projets de loi pour pouvoir ensuite convoquer l'Ecclésia. La Boulè siège au Bouleuterion,

bâtiment contigu à la Tholos sur l'Agora. On a pu dire de la boulé athénienne que c'était « une

machine à éliminer les influences et à faire triompher le sens commun du démos, et le

meilleur garant de la démocratie15

. »

Les magistrats

La magistrature est une institution de la démocratie athénienne. Elle comprend environ 700

magistrats, choisis par élection, désignation, ou par tirage au sort. Leur mandat dure le plus

souvent 1 an mais il existe plusieurs exceptions16

.

Les magistrats gèrent les affaires courantes et veillent à l'application des lois. Ils doivent

exercer leur pouvoir de manière collégiale, aucune magistrature n'étant légalement en état de

développer un pouvoir personnel, ce qui est censé éviter le retour à la tyrannie. Les magistrats

et les ambassadeurs sont contrôlés à la fin de leur mandat. C'est la reddition de comptes que

l'on nomme euthynai. Cela permet aux Athéniens de contrôler efficacement les magistrats et

de limiter ainsi les dérives.

La dokimasia est l'examen préliminaire que subissent les futurs magistrats pour limiter les

effets malheureux du tirage au sort. Il s'agit d'un examen de capacité légale : il permet de

vérifier que le candidat est bien citoyen, qu'il a bien l'âge minimum et le cens requis, qu'il n'a

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DEMOCRATIE : NAISSANCE, EVOLUTION ET CONCEPTIONS AOUT 2013

jamais occupé le poste et qu'il n'est pas frappé d'incapacité juridique. Il se déroule soit devant

la Boulé, soit devant l'Héliée17

.

Magistratures athéniennes (liste non exhaustive)

Archonte

s

Édiles

Magistrat

ures

judiciaires

Magistrat

ures

financières

Magistrat

ures

commercia

les

Magistrat

ures

culturelles

et

religieuses

Magistrat

ures

militaires

Magistrat

ures de

contrôle

L'archont

e

éponyme

Les

astyno

mes

Les Onze Les

trésoriers

Les

agoranome

s

Les

hiéropoioi

Les

stratèges

Les

euthynes et

leurs

parèdres

L'archont

e-roi

Les

hodopoi

oi

Les juges

des dèmes

Les

colacrètes

ou

apodectes

Les

métronome

s

Les

éxégètes

Les

taxiarques

Les logistes

et leurs

substituts

L'archont

e

polémarq

ue

Les polètes

Les

sitophylake

s

Les

athlothètes

Les

phylarques

Les

thesmothè

tes

Les logistes

Les

épimélètes

d'emporion

Les

hipparques

Les

hellénotam

es

Les

intendants

de galère

Les

practores

Les

sophroniste

s

Parmi eux, on trouve donc les 10 stratèges, élus pour un an et rééligibles : à leurs fonctions

militaires, puisqu'ils sont chargés du commandement de l'armée, étaient liées de multiples

affaires qui leur ont valu une compétence et une autorité grandissantes. Ce sont les magistrats

les plus importants de la démocratie.

L'Aréopage

L'Aréopage est une institution politique, précédant l'avènement de la démocratie et aux

origines mythiques, qui eut pour but premier de « conserver les lois », c’est-à-dire de veiller

au respect de la constitution, et ayant à cette fin des pouvoirs judiciaires très étendus. Il est

formé d'anciens archontes, c’est-à-dire d'anciens nobles riches et puissants avant qu'ils ne

fussent tirés au sort. C'est traditionnellement l'institution athénienne la moins démocratique et

la plus aristocratique. Elle tient son nom de la colline d’Arès où siègent les aréopagites. Son

emplacement, hors de l’Agora qui est le cœur de la cité, a une forte symbolique : le crime n'a,

littéralement, pas le droit de cité.

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DEMOCRATIE : NAISSANCE, EVOLUTION ET CONCEPTIONS AOUT 2013

Les réformes de Dracon permirent aux citoyens de former des recours auprès de l'Aréopage à

l'encontre de magistrats les ayant lésés dans l'exercice de leurs fonctions. Celles de Solon

renforcèrent encore le pouvoir de l'Aréopage, qui fit alors figure de conseil des Sages,

protégeant la cité non seulement contre les menaces internes (et prévenant ainsi -

paradoxalement - les complots ourdis contre la démocratie) mais aussi les menaces externes.

À ce titre, l’Aréopage ne rendait compte de ses activités auprès d'aucune autre institution.

Après les réformes de Clisthène et les guerres médiques, le pouvoir détenu par l'Aréopage

devient donc prépondérant. Éphialtès et Thémistocle travaillèrent de concert pour réduire

cette influence au profit de l'Ecclésia, de la Boulê, et des nouveaux tribunaux de l'Héliée.

Ainsi, après -462, l'Aréopage ne dispose plus de pouvoir politique mais fait figure de

vénérable institution.

L'Héliée

Ce tribunal populaire est composé de 6000 citoyens, toujours âgés de plus de 30 ans et

répartis en dix classes de 500 citoyens (1000 restant en réserve) tirés au sort chaque année

pour devenir héliastes18

. Ils étaient désignés grâce à la plaque que l'on voit ci-contre à gauche.

Pour ce faire, on mettait les noms de tous les volontaires dans les cases et on ajoutait des fèves

(blanches et noires) dans un autre compartiment (qui a été arraché), puis on tirait au sort un

nom et une fève : si la fève était blanche, le citoyen était héliaste et si la fève était noire, il ne

l'était pas, et on recommençait pour en avoir jusqu'à 500.

L'accusation est toujours, en l'absence d'équivalent à nos « ministères publics », une initiative

personnelle d'un citoyen. Celui-ci percevant, en cas de condamnation, une partie de l'amende,

pour indemnisation et récompense de ses efforts pour la justice, certains citoyens font de la

délation leur métier, ce sont les sycophantes. Malgré des mécanismes limitant les dérives de

ce système, celui-ci contribue à diviser la cité et servit d'argument fort au parti aristocratique

contre le nouveau régime.

Par un système compliqué et selon l'affaire, on désigne par tirage au sort (sous contrôle d'un

magistrat instructeur) un plus ou moins grand nombre d'héliastes pour chaque procès. Ainsi, à

titre d'exemple, pour un procès privé, 201 juges siègent normalement, 401

exceptionnellement. Pour les procès publics, ils sont 501, 1001, voire 1501 juges. La tâche de

juger est d'autant plus difficile qu'il n'y a ni code de procédure, ni code pénal, offrant ainsi une

grande liberté d'interprétation des lois (par ailleurs en nombre réduit).

De plus, les verdicts sont sans appel et immédiatement exécutoires, on comprend dès lors

l'important rôle politique que prennent les tribunaux de l'Héliée. 200 réunions ont lieu par an,

chacune sous la présidence d'un magistrat qui ne prenait pas part au vote. Le tribunal des

Éphètes, juges des causes criminelles, compte 51 membres, c'est celui qui a le plus accaparé

les prérogatives de l’Aréopage ; il peut siéger en quatre endroits différents selon les types

d'affaires :

au Prytaneion, « tribunal du sang », ils jugent tout ce qui a pu amener mort d'hommes

(objets, animaux) ;

au Palladion, ils jugent les homicides involontaires, les instigations au meurtre, les

métèques et les esclaves ;

au Delphinion, ils jugent les homicides considérés par l'archonte-roi comme

excusables ou découlant de la légitime défense ;

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DEMOCRATIE : NAISSANCE, EVOLUTION ET CONCEPTIONS AOUT 2013

à Phréattys (sur une plage), ils jugent les bannis pour homicide involontaire qui ont

commis un meurtre avec préméditation dans leur exil. L'accusé, encore en état de

souillure et interdit de séjour, est alors placé sur une embarcation au large d'où il

présente sa défense aux juges19

.

Équilibre entre l’Ecclésia et l’Héliée

Article connexe : Dikastèrion.

Au cours du temps, l’Héliée a limité le pouvoir de l'Ecclésia. Au Ve siècle avant notre

ère, à l'époque de Périclès, la démocratie est radicale et l'Ecclésia vote tout, toute

seule.

Mais au IVe siècle av. J.-C., à l'époque de Démosthène, l'Ecclésia ne vote plus que les

décrets, les lois doivent être votées par les nomothètes sur proposition de l'Ecclésia.

Les nomothètes sont tirés au sort de la même façon que les membres du tribunal de

l'Héliée, qui est chargé de veiller à la légalité des décrets.

En effet, en -416 la procédure de graphè paranomôn (ἡ γραφή παρανόμων) est une

action en illégalité pour la mise en accusation d'un décret ; elle est introduite pour se

substituer à la pratique de l'ostracisme utilisée pour la dernière fois l'année précédente.

Elle permet à n’importe quel citoyen de faire examiner par un tribunal de l’Héliée, dit

dikastèrion, tout décret ayant été voté par l’Ecclésia ou en cours de proposition par

l’Ecclésia. Si le tribunal juge le décret ou la proposition de décret contraire aux lois,

non seulement elle est annulée mais son auteur, et l’épistate dirigeant les débats au

moment de son adoption (ou proposition), sont passibles de lourdes sanctions, allant

jusqu’à l’atimie. Si le tribunal est appelé pour juger un décret en cours de proposition

et qu’il l’a déclaré compatible avec la loi, cela entraînait son adoption sans réexamen

par l’Ecclésia.

Le graphè paranomôn offre donc à l’Héliée au fil du temps un rôle de co-législateur,

partageant le pouvoir législatif avec la Boulê et l’Ecclésia. Résultat : à partir de -355

les luttes politiques ne se tiennent plus seulement sur la Pnyx, mais aussi devant les

Héliastes qui, à l'inverse des Ecclésiastes, avaient prêté serment, votaient à bulletin

secret, devaient avoir au moins trente ans, et consacraient une journée entière par

affaire, alors que l'Ecclésia votait plusieurs décrets en une demi-journée.

Les Athéniens considéraient donc que les décisions des nomothètes étaient

supérieures, an raison du Serment religieux d'écouter également les deux parties et de

se déterminer en son âme et conscience, de la sagesse qui vient avec l'âge et du temps

consacré à chaque affaire. Cependant les nomothètes sont quand même tirés au sort

dans l'ensemble des citoyens volontaires, ils ne constituent donc pas une limitation

élitiste de la souveraineté du démos.

4. Les grandes crises : guerre du Péloponnèse et coups d'État

Le régime perdure jusqu'à la guerre du Péloponèse (431-404), remportée par Philippe de

Macédoine. Dès lors toutes les cités de la Grèce principale vont être dominées par les rois

macédoniens, Philippe puis Alexandre. Athènes conservera cependant au IVe siècle des traits

démocratiques, certains étant même renforcés par rapport à l'époque classique.

L'année -430 marque le début du déclin d'Athènes, la désastreuse lutte contre Sparte

conjuguée à une épidémie de fièvre typhoïde, fatale pour Périclès en -429, conduit

inexorablement la cité désormais démoralisée à sa perte. L'occupation par les troupes

spartiates aboutit au retour de la tyrannie en -411, avec le coup d'État des Quatre-Cents,

renversée dans un premier temps puis revenant sous une nouvelle forme en -404 avec les

« Trente tyrans ». Ceux-ci suppriment l'Héliée, restaurent les prérogatives passées de

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DEMOCRATIE : NAISSANCE, EVOLUTION ET CONCEPTIONS AOUT 2013

l'Aréopage, et relèguent l'Ecclésia à un simple rôle consultatif, s'assurant eux-mêmes les rênes

du pouvoir. Ce régime, profondément réactionnaire et méprisant au plus haut point la

démocratie, ne survivra pas au départ de l'occupant spartiate au début de l’an -403.

4.1. IVe siècle av. J.-C. : une cité faible et un régime mis en doute

Au IVe siècle av. J.-C., la cité, puissance déchue, est considérablement appauvrie. L'empire

athénien a disparu, la démocratie athénienne n'est plus un modèle s'exportant. Toutefois, un

renouveau de l'élan démocratique souffle sur la cité, l'extension du misthos (jusqu'alors

réservé aux héliastes et bouleutes) aux citoyens se rendant à l'Ecclésia, provoque un afflux

d'urbains de tous milieux (nobles, petits et grands commerçants, potiers, et dockers) dans

l'assemblée, dont la souveraineté ne sera plus remise en cause. Ce succès populaire de la

démocratie (qui est, rappelons-le, à l'origine une invention de politiciens aristocrates pour

faire face aux revendications d'une petite bourgeoisie naissante) est critiqué. Pour

Aristophane, qui critiqua notamment le passage à trois oboles du misthos sous Cléon dans sa

pièce les Guêpes, mais aussi Aristote, les pauvres, de plus en plus impliqués dans l'exercice

du pouvoir, sont plus sensibles aux arguments des démagogues. Ainsi la foule des citoyens,

sous l'influence de la vindicte populaire, prend des décisions irréfléchies comme la

condamnation à mort de l'exemplaire Socrate, le populisme est né. Il n'est donc pas étonnant

que la critique intellectuelle de la démocratie apparaisse d'abord, sous une forme

particulièrement sévère, chez le principal disciple de Socrate : Platon. Celui-ci hiérarchise

dans la République les régimes politiques en plaçant la démocratie juste devant la tyrannie et

derrière l'aristocratie, la timocratie, et l'oligarchie.

4.2. Périodes hellénistique et romaine

Alexandre le Grand avait mené une coalition des états grecs à la guerre avec l'Empire perse en

-336, mais ses soldats grecs étaient des otages pour le comportement de leurs états autant que

des alliés. Ses relations avec Athènes étaient déjà tendues quand il est retourné à Babylone en

-324. Après sa mort (-323), Athènes, qui a reconstitué ses finances et ses forces navales, et

Sparte ont mené plusieurs États grecs à la guerre avec la Macédoine et ont perdu cette guerre.

Athènes dut adopter un régime oligarchique protégé par une garnison macédonienne.

Hypéride fut exécuté et Démosthène se suicida20

.

Ceci a abouti à un certain nombre de périodes au cours desquelles une force extérieure a

commandé Athènes21

. Souvent, le pouvoir extérieur mit en place un agent local en tant que

gouverneur politique à Athènes. Mais quand Athènes était indépendante, elle fonctionnait

sous sa forme de gouvernement traditionnel. Elle a rarement contrôlé toute l'Attique, puisque

le Pirée est une excellente base navale, et un des rois hellénistiques habituellement la

contrôlait. Même les gouverneurs, comme Démétrios de Phalère qui gouverna Athènes pour

le compte de Cassandre entre -317 et -307, maintenaient les institutions traditionnelles

formellement.

L'Athènes indépendante était une puissance mineure à l'époque hellénistique. Elle a rarement

eu beaucoup à faire de la politique étrangère. Elle restait généralement en paix, alliée soit avec

la dynastie des Ptolémées, ou plus tard, avec Rome. Quand elle va à la guerre, le résultat

(comme dans la guerre lamiaque, chrémonidéenne ou de Mithridate) était généralement

désastreux.

C- La démocratie antique dans les autres parties du monde

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DEMOCRATIE : NAISSANCE, EVOLUTION ET CONCEPTIONS AOUT 2013

La République romaine organisait des élections mais, là encore, les femmes, les esclaves et

une large partie de la population étrangère en étaient exclus. Le vote des riches avait plus de

poids et la plupart des plus hautes fonctions étaient attribuées à quelques familles nobles. Les

offices n'étaient pas rémunérés et il était important d'être riche pour se prémunir de la

corruption.

Les villes phéniciennes, comme Tyr, Sidon, Byblos…, avaient des traces de démocratie, des

conseillers élus par les citoyens, proposaient des nouvelles lois au roi.

Certaines sociétés tribales réduites (entre 20 et 50 personnes), comme les Aborigènes

d'Australie, n'avaient pas de chef et prenaient des décisions par consensus au sein de la

majorité.

II- LE DEVELOPPEMENT DE LA DEMOCRATIE

• Forme de gouvernement propre aux cités grecques, la démocratie réapparaît dans la Rome

antique, puis dans la Venise du Moyen Âge et dans l'Angleterre et les Pays-Bas de l'époque

moderne. Il s'agit dans chacun de ces cas d'une démocratie oligarchique, c'est-à-dire d'un

régime politique où un petit nombre de citoyens privilégiés détient l'essentiel des pouvoirs et

des richesses.

• Ce n'est qu'à la fin du XVIIIe siècle qu'une véritable démocratie se développe, tant aux États-

Unis que dans la France révolutionnaire. Depuis cette date, la démocratie n'a cessé de gagner

du terrain, au point de devenir aujourd'hui la forme dominante de gouvernement.

a- LA DEMOCRATIE AU MOYEN ÂGE : une démocratie oligarchique

Au Moyen Âge, il y eut de nombreux systèmes fondés sur les élections et/ou une Assemblée,

comme l'élection du Gopola au Bengale, la Communauté Lituano-polonaise, l'Althing

islandaise, le Veche dans les pays slaves, les Things scandinaves, et la cité marchande

autonome de Sakai au Japon (XVIe siècle). Pour autant, la participation étant souvent limitée à

une minorité dans ces systèmes, ils pourraient tout aussi bien être qualifiés d'oligarchies. La

grande majorité des régions dans le monde du Moyen Âge étaient gouvernées par une

seigneurie, suivant un système féodal, qui commence au XIIe siècle à inclure des poches de

système communal.

Le Parlement anglais est né des restrictions du pouvoir royal mises en place dans la Magna

Carta. Le premier parlement élu a été le Parlement de Montfort en Angleterre en 1265. Là

encore seule une petite minorité disposait d'une voix : le Parlement était élu par quelques pour

cent de la population (moins de 3 % en 1780[réf. souhaitée]

), et le système présentait des

dispositions problématiques, telles que les municipalités corrompues. La convocation du

Parlement était laissée au bon vouloir du roi ou de la reine (le plus souvent lorsque celui ou

celle-ci avait besoin d'argent).

De nombreuses régions aux frontières des grands États avaient conservé un fonctionnement

démocratique. Entre France et Espagne il y avait ainsi ce que l'on a dénommé les républiques

pyrénéennes.

B- LA DEMOCRATIE ENTRE LE XVIIE

LE XIXE

SIECLE : véritable

démocratie

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DEMOCRATIE : NAISSANCE, EVOLUTION ET CONCEPTIONS AOUT 2013

En Angleterre, après la Révolution Glorieuse de 1688, le Bill of Rights, établi en 1689, codifia

certains droits et augmenta l'influence du Parlement. L'électorat augmenta lentement et le

Parlement prit de plus en plus de pouvoir jusqu'à ce que la Monarchie devienne une simple

figure de proue.

Bien qu'ils n'aient pas été décrits comme une démocratie par les Pères Fondateurs[1]

, les États-

Unis d'Amérique sont considérés comme la première démocratie libérale, dans la mesure où

l'engagement constitutionnel (1788) fondait les principes naturels de liberté, d'égalité devant

la loi, s'opposait aux régimes aristocratiques.

En France, l'Assemblée nationale issue de la Révolution de 1789 a été établie sur la base des

principes libéraux, déclinés en la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et en

réaction aux excès de la monarchie absolue de l'Ancien Régime. Le suffrage universel y

apparait en 1848.

Dans les deux cas, le droit de vote était limité sur la base de la fortune (suffrage censitaire),

aux hommes (pas de droit de vote des femmes, sauf dans quelques États, avant 1920 aux

États-Unis, avant 1944 en France), à un corps politique exclusif des personnes des autres

races ou des colonisés (exclusion sur base de la couleur de peau aux États-Unis et exclusion

des colonisés en France). Par ailleurs, tant les États-Unis que la France connaissaient

l'esclavage, respectivement jusqu'en 1865 (abolition plus tôt dans certains États) et en 1848

(avec une abolition de 1794 à 1802), les discriminations en matière politique ayant en réalité

perduré beaucoup plus longtemps.

III- XXe siècle et XXIe siècle : LA DEMOCRATIE MODERNE : démocraties

libérales et populaires

La démocratie moderne désigne le régime politique mis en place dans les démocraties

occidentales postrévolutionnaires en opposition à la démocratie antique.

La démocratie moderne prend généralement la forme de démocratie libérale. Mais, à côté

existe aussi les démocraties populaires.

A- Les démocraties libérales

L'expression "démocratie libérale" a été utilisée pendant la Guerre froide par opposition à

celle de "démocratie populaire" pour désigner le système politique des démocraties

occidentales en associant les idées de démocratie et de libéralisme.

Le but était de mettre l'accent sur un système politique garant des libertés individuelles,

pluraliste et basé sur le suffrage universel. Une démocratie libérale est aussi caractérisée par

une économie capitaliste régie par la loi du marché.

La légitimité de la démocratie libérale repose sur le peuple souverain, selon l'idéal

démocratique, avec une séparation et une limitation des pouvoirs selon l'idéal libéral.

Une démocratie libérale est une démocratie représentative dans laquelle la capacité des élus à

exercer un pouvoir de décision est soumise à la règle de droit, et est généralement encadrée

par une constitution qui met l'accent sur la protection des droits et libertés des individus,

posant ainsi un cadre contraignant aux dirigeants.

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DEMOCRATIE : NAISSANCE, EVOLUTION ET CONCEPTIONS AOUT 2013

L'idée de démocratie libérale n'implique pas une forme de régime représentatif particulier,

celui-ci pouvant donc être parlementaire, présidentiel ou mixte comme en France. De même,

elle n'implique pas un régime représentatif au sens strict, mais peut aussi qualifier un régime

semi-direct (telle la Suisse) ou participatif.

Ainsi, sont généralement associés à la démocratie libérale un certain nombre de principes et

de valeurs, qui se rapportent soit aux principes de la représentation démocratique, soit aux

principes du libéralisme (y compris du libéralisme économique), parmi lesquels :

l'existence d'un état de Droit ;

l'élection des représentants, aujourd'hui le plus souvent par le suffrage universel direct,

avec le principe : un citoyen = une voix (égalité politique) ;

la recherche de l'intérêt général et le respect de la volonté générale (ceux-ci étant

néanmoins généralement définis par les dirigeants eux-mêmes; de plus, volonté et

intérêt général, en plus d'être des notions abstraites, peuvent apparaître comme

possiblement conflictuelles) ;

l'égalité des droits (ou égalité face à la loi) ;

la garantie des libertés fondamentales, soit, généralement, le respect des droits de

l'homme; notamment la liberté de conscience et de culte, la liberté d'expression et de

la presse, la liberté de réunion, d'association (celle-ci impliquant le multipartisme, et

de circulation, ou encore le droit de propriété et, pour ce qui est des démocratie

libérale contemporaine, la liberté de commerce (libre-échange) etc.

1. Les démocraties à régime parlementaire

Les démocraties à régime parlementaire sont caractérisées par le fait que le Gouvernement y

est politiquement responsable devant le Parlement, duquel il est généralement issu, et qui peut

donc le destituer en recourant à une motion de censure, dont les modalités varient en fonction

des pays. En contrepartie, le gouvernement, responsable de l'exécutif, peut dissoudre

l'Assemblée, responsable du législatif. S'il y a donc bien séparation des pouvoirs dans un

régime parlementaire, celle-ci est qualifiée de «souple» du fait de ce contrôle réciproque entre

exécutif et législatif.

On distingue les régimes parlementaires monistes et dualistes. Le premier désigne les régimes

dans lesquels le gouvernement n'est responsable que devant le parlement et non le Chef de

l'État, lequel joue un rôle politique minime. À l'inverse, dans le second (dualiste) le

gouvernement est responsable devant le parlement et le chef de l'État.

2. Démocratie à régie présidentiel

À l'inverse du régime parlementaire, le régime présidentiel se caractérise par une séparation

des pouvoirs plus stricte. Il s'agit d'un régime représentatif dans lequel le pouvoir exécutif n'a

pas de responsabilité politique devant le pouvoir législatif, ce qui signifie que ce dernier ne

peut pas le destituer. À l'inverse, le chef de l’État (qui y est aussi chef du Gouvernement), élu

au suffrage universel direct ou indirect, dispose de moins de pouvoir sur le Parlement que

dans un régime parlementaire, n'ayant pas la possibilité de le dissoudre. Aux États-Unis,

principal pays dont le régime est véritablement présidentiel, le Président dispose d'un droit de

véto sur les textes de lois.

3. Démocratie à régime mixte

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DEMOCRATIE : NAISSANCE, EVOLUTION ET CONCEPTIONS AOUT 2013

L'expression de régime semi-présidentiel est un régime représentatif qui rassemble des

caractéristiques du régime parlementaire et du régime présidentiel, raison pour laquelle il est

parfois désigné sous le terme de régime mixte [5]

.

C'est le cas de la Ve République française, dans laquelle le chef de l’État est élu au suffrage

universel direct, nomme les membres du gouvernement et les destitue. Il peut dissoudre

l'Assemblée mais celle-ci, tout comme le Sénat, ne peut remettre en cause que le

gouvernement, principalement par le biais d'une motion de censure. Si le Président ne dispose

pas de la majorité parlementaire, il est a priori contraint à une « cohabitation », et perd ainsi

l'effectivité de son pouvoir au profit du Gouvernement et du chef du gouvernement. En ce cas,

cette forme de régime se rapproche du régime parlementaire.

B- Les démocraties populaires

Pour se distinguer des démocraties libérales occidentales, les pays du bloc de l'est qui étaient

dotés de régime à parti unique et d'une doctrine communiste officielle se faisaient appeler

« démocratie populaire », expression entièrement discréditée après l'effondrement de l'URSS.

L'expression "démocratie populaire" est le nom qu'ont adopté les régimes communistes

d'Europe de l'Est après 1945 et jusqu'au début des années 1990, par opposition aux régimes

occidentaux qualifiés de "démocraties bourgeoises". Dans l'idéologie communiste, les

démocraties populaires devaient être une transition vers une société sans classe.

Fondée sur un pléonasme étymologique, puisque le terme "démocratie" est issu du grec

demos, peuple, l'expression "démocratie populaire" met l'accent sur le fait que la démocratie

capitaliste est une démocratie au service d'une minorité.

Pour les démocraties occidentales, les démocraties populaires ne remplissaient pas les critères

permettant de définir une démocratie et devaient être considérées comme des dictatures :

parti unique (Monopartisme) empêchant la constitution d'une opposition libre,

absence d'élections libres et régulières,

absence de contrôle des dirigeants de l'État et de l'économie,

restriction de certaines libertés (libertés d'opinion, d'expression, de déplacement).

Reposant sur une économie d'Etat, les démocraties populaires étaient, sauf l'Albanie et la

Yougoslavie, sous les dominations militaire, idéologique et économique de l'URSS.

De nos jours, des pays comme la Chine, la Corée du Nord, Cuba, le VietNam, se définissent

comme des "démocraties populaires".

IV- DIFFERENTES CONCEPTIONS DE LA DEMOCRATIE

A- Les philosophes grecs et la notion de démocratie

1. Thucydide et Périclès

Dans l'oraison funèbre de la Guerre du Péloponnèse, Thucydide rapporte les propos qu'aurait

tenus Périclès au sujet de la nature de la démocratie athénienne. La démocratie y est définie

par le fait que la majorité y gouverne. Cette description du régime athénien fait l'éloge d'un

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système politique où les honneurs (magistratures) sont distribués en fonction du mérite et non

de la naissance, et où la pauvreté n'exclut pas une participation politique. Elle met aussi en

exergue la pratique de la liberté à la fois politique et dans la vie quotidienne.

2. Platon : l'incapacité du peuple à bien gouverner, ignorance et inexpérience des masses

Platon fut le premier à développer une analyse et théorie importante visant à dénoncer la

démocratie, en l’occurrence la démocratie athénienne, au sein de laquelle il vécut. Sa critique

ne vise donc pas à proprement parler ce qu'aujourd'hui nous avons coutume de désigner

comme régime démocratique (régime représentatif et libéral). Son opposition au partage du

pouvoir politique entre tous les citoyens s’appuie sur l'idée que pour gouverner, il faut une

certaine sagesse et un certain savoir – plus précisément, avoir accédé à la connaissance des

Idées du Vrai, du Juste et du Bien. Selon lui, les simples citoyens, ignorant de la Vérité et

réfléchissant surtout en fonction de leurs intérêts particuliers, ne sauraient diriger à bien la

cité, et par conséquent le pouvoir du peuple ne peut que conduire celle-ci vers la corruption. Il

défend ainsi au contraire l'idée que seuls devraient gouverner des philosophes rois, ou des rois

philosophes.

3. Aristote

Aristote développe dans Les politiques une typologie des différents « régimes politiques »[16]

,

où il distingue les « constitutions droites » (gouvernés en vue de l'intérêt commun) et leur

déviations (gouvernés en vue d'intérêts particuliers). Les premières correspondent à la

monarchie, l'aristocratie et la politie (« politeia », parfois traduit par République ou par

régime (ou gouvernement) constitutionnel). Les secondes, qui correspondent donc

respectivement aux déviations des premières, sont la tyrannie, l'oligarchie et la démocratie.

Cette dernière est considérée par Aristote comme la déviation la plus souhaitable en tant

qu'elle est la plus mesurée [17]

. Elle est définie, par opposition à l'oligarchie, comme le régime

où ce sont les pauvres qui gouvernent, et donc les plus nombreux, en tant que dans la plupart

des pays les citoyens modestes forment une majorité[18]

. La démocratie est alors présentée

comme une constitution déviée en tant que le gouvernement sert les intérêts particuliers des

plus modestes (donc aussi de la majorité) et non l'intérêt commun.

Néanmoins, Aristote distingue différentes formes de démocraties, dont la meilleure est celle

qui cherche l'égalité, c'est-à-dire celle où « rien ne mette les gens modestes ou les gens aisés

les uns au-dessus des autres […], mais que les deux soient égaux »[19]

. Il associe dans le même

passage la démocratie au régime qui vise aussi bien l'égalité que la liberté[20]

, et où par

conséquent « tous partagent principalement de la même manière le pouvoir politique ». Il note

en ce sens que l'une des formes de la liberté consiste dans le fait d'être « tour à tour gouverné

et gouvernant », ce qui correspond à peu près à la définition qu'il donne du citoyen (à la fois

gouvernant et gouverné).

La pire forme de démocratie est pour Aristote celle où la masse gouverne et non la loi,

autrement dit, celle où les citoyens gouvernent par décrets. Il l'estime comme « l'analogue de

la tyrannie parmi les monarchie », et c'est dans cette forme de démocratie qu'il y aurait à

craindre les démagogues, qui représentent à ses yeux la principale cause de renversement au

sein des régimes démocratiques[21]

.

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Par ailleurs, il note que l'attribution des magistratures par le tirage au sort est généralement

considérée comme démocratique, l’élection caractérisant pour sa part les oligarchies[22]

, ce qui

souligne l'écart existant entre les conceptions contemporaines et antiques sur ces sujets. Il

expose aussi d'autres caractéristiques des régimes populaires ou démocratiques, parmi

lesquelles la non nécessité de verser un cens pour participer aux magistratures, la courte durée

de celles-ci, ou encore l'interdiction d'exercer deux fois la même magistrature (sauf quelques

exceptions)[23]

D'autre part, il reconnaît à la démocratie un certain nombre d'avantages, notamment celui

reposant sur l'idée que le rassemblement d'un grand nombre d'individus permet en quelque-

sorte d'additionner leur qualités (« leur part d’excellence et de prudence »[24]

, estimant que

quand bien même « chacun y sera plus mauvais juge que les spécialistes, tous réunis soit

seront meilleurs, soit ne seront pas plus mauvais »[24]

. Il ajoute à cela l'idée que le spécialiste

n'est pas toujours le mieux placé pour juger d'un autre spécialiste, en donnant notamment

l'exemple du festin, ou c'est le point de vue du convive et non du cuisinier qui conviendra

pour juger de sa qualité. En outre, il souligne l'importance à ce que la masse ne soit pas trop

pauvre dans une démocratie, défendant alors une certaine répartition des richesses par le biais

de l'impot[25]

Enfin, il est à noter que le régime qu'il considère comme le plus avantageux, la politie,

correspond à un mélange d'artistocratie et de démocratie, combinant ainsi l'élection au tirage

sort, et où la classe moyenne, qui doit y être la plus nombreuse, est donc celle qui à le plus de

pouvoir[26]

. Il s'agit là d'une conception en cohérence avec l'ensemble de sa pensée, qui

considère le juste milieu comme ce qui est préférable.

B- La notion de démocratie dans la philosophie moderne

1- Tocqueville : l'égalité des conditions et le risque de tyrannie de la majorité

Alexis de Tocqueville est l'auteur d'une étude et réflexion sociologique et philosophique de la

démocratie qui fit date. Dans son ouvrage en deux tomes De la démocratie en Amérique

(1835 et 1840), il entreprend une analyse du fonctionnement de la démocratie aux États-Unis

et des conséquences que cette forme de société induit dans les mœurs et relations sociales.

Il y considère la démocratie comme principalement caractérisée par la tendance à l'égalisation

des conditions, celle-ci devant être comprise non pas tant comme une égalité réelle et stricte

des conditions économiques et sociales, mais plutôt comme renvoyant à l'abolition des

privilèges aristocratiques liés à la naissance et à la diminution des écarts de fortune, à l'égalité

des droits, l'instabilité de la hiérarchie sociale, à la possibilité pour tous les citoyens de

participer au pouvoir politique, ou encore à un nivellement culturel par la généralisation de

l'accès à la culture et à l'éducation. La démocratie, et donc le mouvement historique vers cette

égalité des conditions, est considérée par Tocqueville comme « universelle » et inéluctable, et

à ce titre, comme « providentielle »[27]

Pour autant, il croit pouvoir y déceler une certaine tendance contre laquelle il cherche à mettre

en garde : le désir d'égalité qui imprègne les individus vivant en démocratie conduirait à

consentir à une restriction de la liberté, et de manière générale à perdre le goût et l'esprit de la

liberté. L'individu tendrait ainsi à se soumettre au groupe par l'effet de la centralisation des

pouvoirs, l'essor du bien-être matériel ou encore le nivellement des hiérarchies sociales – la

démocratie produisant ainsi un conformisme des opinions. Ainsi, Tocqueville craint une

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tyrannie de la majorité, l'individu tendant à abdiquer sa volonté personnelle au profit de

l’État[28]

, et la majorité pouvant opprimer la minorité[29]

. Néanmoins, il s'agit là de risques

qu'il serait possible de prévenir : l'égalité pourrait s'associer à la liberté grâce à une certaine

décentralisation des pouvoirs administratifs, en d'autres termes par l'existence d'institutions

intermédiaires (associations, town-meeting) par lesquelles les individus, pouvant directement

participer à certaines décisions, seraient responsabilisés et entretiendraient ainsi un esprit de

liberté. Tocqueville estime aussi que la liberté de la presse constitue un moyen puissant pour

préserver la liberté des menaces que ferait peser sur elle le désir d'égalité, affirmant que « la

presse est, par excellence, l'instrument démocratique de la liberté », et qu'« elle seule [la

liberté de la presse] guérit la plupart des maux que l'égalité peu produire »[30]

.

C- La notion de démocratie dans la pensée contemporaine

1- Karl Popper, la société ouverte

Karl Popper définit la démocratie par opposition à la dictature ou tyrannie, notamment dans

son ouvrage La société ouverte et ses ennemis[31]

. Ainsi, une démocratie est un système dans

lequel est instauré un « contrôle institutionnel des dirigeants ». Selon cette théorie, le peuple

exerce une influence sur les actes de ses dirigeants et il a le pouvoir de se débarrasser des

gouvernants sans effusion de sang. Il a le pouvoir de juger les actions politiques qui sont

mises en œuvre. Ainsi la question politique traditionnelle « qui doit gouverner ? » ne

permettrait pas de définir correctement la démocratie. En effet, une société ouverte donne au

peuple, non pas la possibilité de gouverner (Popper estimant impossible que tous les individus

d'un peuple donné gouvernent en même temps), mais la possibilité de contrôler et d'évincer

ceux à qui on a délégué une responsabilité collective. Cette théorie "« n'oblige nullement à

tenir pour bonnes les décisions de la majorité » car ce qui importe alors ce sont les institutions

et une tradition d'esprit critique. Ainsi le problème que tente de résoudre un régime

démocratique consiste à trouver et à tester les institutions qui permettent d'éviter les abus de

pouvoir. Donc l'important dans une démocratie ne serait pas de savoir qui va gouverner (les

capitalistes, les ouvriers, les meilleurs, les plus sages…), mais de savoir comment on peut

surveiller ou évincer les dirigeants sans avoir besoin de faire une révolution. Popper fait

remonter cette conception de la démocratie à Périclès qui dans un discours célèbre[32]

formula

l'idée suivante : bien que peu d'hommes sont capables d'imaginer des politiques plausibles,

tous les hommes sont à même de juger un programme politique et les conséquences de sa

mise en application. Donc la démocratie donne aux citoyens non pas le pouvoir de gouverner,

mais le pouvoir de juger. Cette définition permet en outre d'être appliquée à d'autres domaines

que la politique.

2. Castoriadis, le projet d’autonomie

L'idée de démocratie est centrale dans la philosophie et la pensée politique de Cornelius

Castoriadis. Critique sévère des régimes représentatifs, qu'il considère comme des oligarchies

au sein desquelles le peuple n'a aucun véritable pouvoir, il n'y a pour lui de démocratie que

directe. Celle-ci, qu'il conçoit plus ou moins tel un synonyme du projet d'autonomie qu'il

développe tout au long de son œuvre, doit selon lui être le régime de la liberté (individuelle et

collective) et de l'égalité (politique et économique).

Sous l'angle des institutions politiques au sens strict, elle réclame notamment la participation

de tous aux décisions qui les concernent, la révocabilité de tous ceux qui sont élus pour

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accomplir un mandat défini par les citoyens, ou encore une séparation et articulation des

sphères politiques (« publique-publique », ekklesia), publique-privé (agora), et privé (oikos).

Sous l'angle économique, la démocratie implique à ses yeux l'autogestion de la production par

les producteurs (travailleurs), ainsi qu'une égalité économique concrète (égalité des revenus),

considérant que toute inégalité économique se répercute comme inégalité politique.

Enfin, sous l'angle culturel, la démocratie se doit d'être un régime qui place l'éducation

(paedeia) au centre de ces préoccupations, en vue de former des citoyens à même de réfléchir

par eux-mêmes, et par suite de prendre des décisions librement. Une véritable démocratie

implique aussi à ses yeux un « imaginaire social » particulier, qui par opposition à ceux des

sociétés traditionnelles, religieuses ou capitalistes[33]

, se reconnaît comme l'unique source des

normes et lois sociales qui les régissent, et donc refuse aussi bien toute idée de transcendance

que celle de déterminisme, historique ou économique. Ces points de vue reposent sur une

conception des sociétés humaines comme processus d'autocréation, d'où découle notamment

l'idée qu'il ne saurait y avoir d'experts de la politique, autrement dit que nul ne peut prétendre

détenir la véritable notion de ce qu'est la justice, celle-ci étant une création humaine devant

s'appuyer sur le raisonnement et la délibération pour être établie, et pour être continuellement

interrogée.

3. Claude Lefort : démocratie, régime de l'indétermination et de la division assumée

Claude Lefort, qui définit la démocratie par opposition au totalitarisme, défend l'idée que le

régime démocratique est celui de l'incertitude et de l'indétermination[34]

, et à ce titre, le régime

qui se « caractérise essentiellement par la fécondité du conflit », en ce qu'elle « assume la

division » résultant justement de la perte des certitudes concernant les fondements du pouvoir

et de la loi[35]

. En ce sens, la démocratie correspond à une forme de société qui a rompu avec

la fascination de l'unité du corps social. De plus, la démocratie se distingue selon lui des

autres formes de société en ce que le pouvoir y est devenu un « lieu vide », du fait de la non

permanence des représentants du pouvoir politique.

D'autres auteurs, telle Chantal Mouffe, ont par la suite repris cette conception de la

démocratie comme indissociable d'une institutionnalisation du conflit entre les différents

intérêts divergents des membres de la société.

4. Définition de la démocratie par Paul Ricœur

« Est démocratique, une société qui se reconnaît divisée, c’est-à-dire traversée par des

contradictions d’intérêt et qui se fixe comme modalité, d’associer à parts égales, chaque

citoyen dans l’expression de ces contradictions, l’analyse de ces contradictions et la mise en

délibération de ces contradictions, en vue d’arriver à un arbitrage. »

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BIBLIOGRAPHIE

-La démocratie athénienne,

http://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9mocratie_ath%C3%A9nienne

-« Démocratie populaire »,

http://www.toupie.org/Dictionnaire/Democratie_populaire.htm

-« Démocratie libérale », http://www.toupie.org/Dictionnaire/Democratie_liberale.htm

-« Les principes de la démocratie », http://www.cap-

concours.fr/enseignement/preparer-les-concours/concours-de-crpe/les-

principes-de-la-democratie-mas_civ_03