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DEMOCRATIE : NAISSANCE, EVOLUTION ET CONCEPTIONS AOUT 2013
Leçon d’introduction : NOTION DE DEMOCRATIE
- Définir : liberté, démocratie, régime politique, démocratie libérale, démocratie
parlementaire, démocratie populaire, loi, citoyen, citoyenneté, Etat, gouvernement,
souveraineté, suffrage universel, pluralité des opinions ;
- Montrer les différentes conceptions de la démocratie ;
- Présenter les grands principes de la démocratie ;
- Relever les menaces contre la démocratie et les dangers de l’absence de la
démocratie ;
- Présenter les conditions d’existence de la démocratie
- Souligner les insuffisances de la démocratie.
La démocratie ne peut être comprise qu’à travers l’étude son historique.
Sous-chap. 1
DEMOCRATIE : NAISSANCE, EVOLUTION ET CONCEPTIONS
- Retracer les origines de la démocratie ;
- Recenser les différentes définitions de la démocratie ;
- Présenter les opinions sur la démocratie.
INTRODUCTION
Avant la démocratie, les villes grecques antiques sont sous des régimes "aristocratiques", i.e.
qu'elles sont dirigées par des aristoi (les "meilleurs"), qui sont en général les membres de
familles nobles, revendiquant un héros pour ancêtre ; par la suite il s'agit des citoyens riches
(enrichis grâce au développement économique à partir du VIIe s. avant J.C.).
Les principes démocratiques ou pré-démocratiques émergent à partir de 750 avant J.C., date
qui correspond :
a) à la date probable de fixation des poèmes homériques, qui contiennent les germes de ces
principes.
b) au début de la deuxième vague de colonisation grecque : des communautés grecques vont
s'installer en Italie et en Sicile. Ces Grecs quittent leurs cités alors en train de se constituer
pour aller fonder ailleurs d'autres cités. Ces mouvements ne semblent pas guidés par la
nécessité économique (il semble même au contraire que la colonisation soit plutôt l'effet de la
prospérité de la métropole que la pauvreté ; ils ne semblent pas guidés non plus par des
raisons militaires) ; Ils s'auto-instituent : ils décident eux-mêmes de leur organisation et de
leur législation ; il n'y a ni subordination politique de la colonie à la métropole, ni plaquage
des institutions métropolitaines dans les colonies. Dès l'arrivée sur les nouveaux territoires, les
colons définissent par une décision initiale qui est citoyen et qui participe à la vie de la
colonie. Même si les colons exportent bien de leur métropole d'origine leurs dieux, leur
langue, leurs coutumes, leurs conceptions sur le juste et l'injuste, elles établissent leurs
propres lois, en s'inspirant naturellement des lois de leur pays d'origine. On pense que la terre
de la colonie était partagée en lots égaux entre les nouveaux habitants (à l'exception peut-être
du fondateur, l'apoikistès ou oikistès). Un processus "naturel" de différenciation socio-
économique et de concentration de la richesse a cependant peu à peu crée des inégalités (en
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quelques générations), qui provoquera des crises (staseis). Peu après, les premiers tyrans
apparaissent : ils seront comme des chefs que se donneront les citoyens pauvres pour limiter
le pouvoir des oligoi, les riches.
I- LA GENESE DE LA DEMOCRATIE : l’antiquité
A- Sparte : instauration d’une apparence d’egalité
Entre 700 et 650 : c'est probablement là qu'il y a eu pour la première fois instauration de
quelque chose qui ressemble à un régime d'égalité ; les Spartiates instaurent une communauté
d'égaux / semblables (homoioi). La société s'organise autour de 2 rois (qui ont des fonctions
essentiellement militaires et religieuses) ; un conseil des anciens (la gerousia ; qui joue rôle
très important assez semblable à celui du Sénat chez les romains) ; une assemblée d'hommes
libres (l'appella) ; un collège de 5 magistrats (les éphores). Mais la société spartiate ne va
évoluer que dans le sens d'une oligarchie croissante (il s'agit pour CC1 d'une situation "figée" :
il n'y a pas vraiment de création historique à Sparte, pas de dynamique du dèmos). Si les
questions importantes lui sont soumises, l'assemblée est plutôt une assemblée de ratification
des décisions de l'oligarchie constituée par les éphores et les 2 rois. L'assemblée ne s'exprime
pas par un vote à main levée, mais par acclamation : les spartiates crient, et les éphores
décident si les cris "pour" sont plus forts que les cris "contre"… (et il leur arrive de tricher…)
alors que le citoyen athénien lève la main, se fit connaître et donne son avis.
B- Athènes : source de la démocratie
La démocratie prend ses racines principales dans les réformes2 engagées autour de la cité
d'Athènes3 dans la Grèce antique autour du VIe siècle avant J.-C. La naissance de la
1 DEMOCRATIE GRECQUE / DEMOCRATIE MODERNE – perspectives D'après Cornélius CASTORIADIS :
LA CITÉ ET LES LOIS (Ce qui fait la Grèce, 2 ; Séminaires 1983 – 1984 ; Seuil 2008) 2Le véritable début de la démocratie athénienne se situe au VIIe siècle, dit "siècle des réformes", période
d'effervescence politique et institutionnelle.
3 Athènes est fondée formellement vers 750 av. J.-C. par synœcisme de plusieurs agglomérations partiellement
préservées de l'invasion des Doriens.
Le site est choisi pour la forteresse naturelle que représente l'Acropole ; les habitants peuvent résister aux hordes
de pillards qui menacent la région, augmentant avec les années sa fortification. À partir de 510 av. J.-C., cette
fonction défensive est abandonnée, le lieu étant consacré aux cultes et notamment celui d'Athéna, déesse
protectrice d'Athènes. Des remparts encerclent à partir de 478 av. J.-C. la ville et son port, le Pirée. Rares sont les
bâtiments au-delà des quinze majestueuses portes, exception faite du populaire quartier du Céramique dont la
production inonde le monde grec entier, ainsi seuls quelques gymnases et écoles de philosophie s'excentrent pour
que leurs élèves profitent de la tranquillité et soient totalement isolés pendant les deux années de leur éphébie.
L'agora devient le centre social et politique de la cité avec l'installation des institutions démocratiques sur cette
place. En été de nombreux débats houleux ou amicaux se tiennent à l'ombre du portique Sud et de la Stoa
Poikilè, on discute et philosophe en regardant les centaines d'étals emplis de victuailles et leurs marchands qui
s'égosillent pour appâter le client. Des joutes oratoires d'un autre genre se déroulent sur la Pnyx, colline sur
laquelle sont votées toutes les lois athéniennes. La cité est donc le cœur de la démocratie.
Loin de ces ambiances festives plus ou moins décisives dans la direction de l'État, le monde rural vit aussi. Les
riches propriétaires n'ayant pas déserté la campagne pour la ville profitent, avec les régisseurs de ceux partis, de
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démocratie peut être considérée par rapport à un horizon politique au sens large du terme qui
va rendre cette réforme possible et nécessaire, une crise politique et sociale totale, la stasis.
Les citoyens qui régissent leurs affaires sont amenés à réfléchir au meilleur système politique,
à la meilleure politeia, c'est-à-dire la meilleure façon de s’organiser pour surmonter cette crise
multiple.
1. Les origines de la démocratie athénienne : la crise de la cité
grecque
La démocratie trouve son origine dans la grave crise de la cité grecque et les mutations
propres à Athènes. Au VIe siècle av. J.-C., les cités du monde grec sont confrontées à une
grave crise politique, résultant de deux phénomènes concomitants : d'une part l'esclavage pour
dettes, liant situation politique et situation financière, touche un nombre grandissant de
paysans non propriétaires terriens : l'inégalité politique et le mécontentement sont forts dans
le milieu rural ; d'autre part le développement de la monnaie et des échanges commerciaux
fait émerger une nouvelle classe sociale urbaine aisée, composée des artisans et armateurs, qui
revendique la fin du monopole des nobles sur la sphère politique. Pour répondre à cette
double crise, de nombreuses cités modifient radicalement leur organisation politique. À
Athènes un ensemble de réformes amorce un processus débouchant au Ve siècle sur
l'apparition d'un régime politique inédit : une sorte de démocratie pour les hommes libres mais
avec la continuation de l'esclavage. À titre d'exemple le philosophe marxiste Jacques Rancière
estime que « la démocratie est née historiquement comme une limite mise au pouvoir de la
propriété. C’est le sens des grandes réformes qui ont institué la démocratie dans la Grèce
antique : la réforme de Clisthène qui, au VIe siècle av. J.-C., a institué la communauté
politique sur la base d’une redistribution territoriale abstraite qui cassait le pouvoir local des
riches propriétaires ; la réforme de Solon interdisant l’esclavage pour dettes. » 1. On ne saurait
méconnaître cependant le lien essentiel entre démocratisation économique et sociale (décrite
ci-après) et démocratisation politique, non plus que l'essor naval athénien à partir de 483 av.
J.-C. qui conditionna la démocratie2.
1.1. Paupérisation rurale
À partir du VIIe siècle av. J.-C., la plupart des cités grecques sont confrontées à une crise
politique. Le commerce se développe, notamment avec l'apparition de la monnaie au
VIe siècle av. J.-C., en provenance de la Lydie de Crésus, en contact avec les cités grecques
avant la défaite de -546 face au Perse Cyrus. Ce développement extraordinaire du commerce
méditerranéen a deux conséquences :
D'une part les agriculteurs grecs sont peu compétitifs face à la concurrence de plus en plus
vive des terres fertiles de la Grande Grèce récemment colonisée. De plus en plus de paysans,
incapables d'écouler suffisamment leur production, sont condamnés à se vendre comme
esclaves pour faire face à leurs dettes. Cette main-d'œuvre servile est utilisée par les urbains et
la dolce vita faite de soleil, d'huile d'olive, et de belles esclaves pendant que se plient leurs autres esclaves au dur
labeur imposé par le climat aride de l'Attique.
Mieux lotis, les pêcheurs bordant le pourtour de l’Attique mangent à leur faim sans pour autant avoir accès à
l’état de grands propriétaires terriens nécessaire pour entrer dans les arcanes du pouvoir. Les femmes, comme les
esclaves, n'ont pas de pouvoir politique.
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vient donc elle-même concurrencer les petits artisans indépendants. Ces sujets peu fortunés,
sur lesquels repose une part croissante de l'économie, viennent grossir le rang des chômeurs et
manifestent leur mécontentement.
1.2. Révolution hoplitique : émergence d'une petite bourgeoisie
D'autre part, corrélativement à l'appauvrissement des masses paysannes, émerge une nouvelle
classe de sujets aisés, faite de commerçants et d'artisans (notamment potiers à Athènes).
Ceux-ci sont dorénavant suffisamment riches pour s’acheter des équipements d'hoplites : la
guerre n’est plus l’apanage de l'aristocratie. Le système aristocratique basé sur la propriété
agraire est battu en brèche face aux revendications égalitaires de ces nouveaux citoyens-
soldats. On parle de révolution hoplitique.
1.3. Instabilité politique
Au sein de chaque cité les grandes familles s'appuient sur le mécontentement populaire (tant
des paysans appauvris que des nouveaux riches urbains) pour mieux se disputer le pouvoir.
Elles n'hésitent pas non plus à faire appel à des puissances extérieures pour renverser les
tyrans. Ainsi, les cités se combattent fréquemment entre elles, ce qui nourrit souvent les
révoltes, par ailleurs durement réprimées. Mais les guerres sont aussi parfois un facteur de
cohésion interne des cités.
En outre, chaque cité grecque frappe désormais sa propre monnaie, forgeant ainsi une
nouvelle composante majeure de son identité. Au Ve siècle av. J.-C., les cités grecques ne
frappent plus la monnaie irrégulièrement et chacune appose un signe particulier sur la
monnaie qu'elle frappe, l'épicène, qui permet de la reconnaître. Pour la monnaie athénienne,
c'est une chouette. Qu'elles retardent ou précipitent l'éclosion d'un nouveau régime, les
différentes mesures politiques (guerres, chutes de régime, répressions, levées ou baisses
d'impôts, introductions de monnaies) n'y pourront peu : la donne sociale a définitivement
changé.
Partout la nouvelle configuration des rapports de forces sociales fait émerger une nouvelle
donne politique. Deux nouveaux modèles, appelés à s'opposer dans le siècle à venir, se
distinguent par leur originalité : l'oligarchie militaire spartiate et la démocratie athénienne.
2. Les réformes politiques
La démocratie athénienne ne naît pas d’insurrections populaires mais de l'engagement de
politiciens pour assurer l'unité de la cité. Voici les quatre principales réformes que l'on
distingue, ainsi que leurs instigateurs :
2.1. Réformes de Dracon : désignation d'un premier législateur, Dracon.
Dracon est mandaté, en 621-620 avant J.-C., pour mettre par écrit des lois ; on ne connaît bien
que sa législation sur les meurtres : désormais, tout meurtrier est soustrait à la vengeance des
clans et un véritable procès se déroule devant l'Aréopage ou devant les tribunaux des
Éphètes3. La sévérité des peines prévues devait rester légendaire, et l'adjectif draconien est
devenu synonyme d'implacable. Mesure limitée qui, cependant, affirme pour la première fois
l'autorité de l'État au-dessus des parentés dans le domaine de la justice, instaure un droit
commun pour tous et, par là même, porte atteinte à l'arbitraire des aristocrates. Six
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thesmothètes (gardiens de la loi écrite) viennent alors renforcer le collège des archontes.
Malgré l'amplification de la crise, le monopole économique et politique des grandes familles
athéniennes, les Eupatrides, n'est cependant en rien attaqué, les archontes (dirigeant
collégialement la cité) étant toujours tous issus de ces milieux. Deux modèles résolvant ce
problème émergèrent en Grèce au VIe siècle av. J.-C. :
soit l'arbitrage d'un législateur, chargé, dans une sorte de consensus, de mettre fin à
des troubles qui risquent de dégénérer en guerre civile ;
soit la tyrannie, qui, dans l'évolution de la Grèce archaïque, apparaît bien souvent
comme une solution transitoire aux problèmes de la cité.
Avec Solon, le législateur, puis avec les Pisistratides, Athènes fera successivement
l'expérience de l'une et de l'autre. :
2.2. Réformes de Solon : archontat de SOLON, qui introduit des éléments démocratiques,
notamment l'Héliée, un tribunal du peuple.
Athènes est en pleine crise politique et sociale lorsque les adversaires se mettent d'accord pour
choisir Solon comme arbitre. Archonte de -594 à -593, législateur, auteur d’un code de lois, il
aurait effacé les dettes, interdit l’esclavage pour dettes et défait les lois draconiennes.
Il a surtout effectué des réformes constitutionnelles qui lui valurent la réputation d'être le père
de la démocratie. Le système qu'il a proposé est un peu différent de la ploutocratie. Il
existerait alors quatre groupes socio-économiques à Athènes :
les aristocrates, ou Eupatrides, composés des propriétaires fonciers les plus riches ;
les gémoroi, cultivateurs, constitués des autres propriétaires fonciers ;
la classe populaire, qui compose le reste de la population et vit de son salaire ou du
commerce ;
les esclaves, considérés comme des biens et non comme des hommes libres.
Des hommes libres, Solon tire quatre classes censitaires. D'après le nombre de mesures de blé,
de vin et d'huile que le citoyen possède, il appartient à l'une des quatre « tribus » suivantes :
les pentacosiomédimnes, qui possèdent plus de 500 médimnes de céréales ;
les hippeis, cavaliers, (plus de 300 médimnes) ;
les zeugites, laboureurs, (plus de 200 médimnes) ;
les thètes (moins de 200 médimnes).
Les plus hautes magistratures ne sont accessibles qu'aux plus hautes classes ; les thètes n'ont
accès qu'à l'Ecclésia et aux tribunaux. L'accès aux charges passait toutefois par une élection à
l'Ecclésia. Aristote affirme qu'il aurait créé un deuxième Conseil de quatre cents membres4 (à
raison de 100 par tribu) au fonctionnement probouleumatique5 mais aucune preuve de son
existence n'a été découverte à ce jour.
La véritable originalité de Solon réside toutefois dans ses réformes judiciaires : il créa
l'Héliée, un tribunal populaire ouvert à tous où, chose nouvelle, chacun avait le droit
d'intervenir en justice contre quiconque aurait enfreint les lois, affirmant ainsi la
responsabilité collective des citoyens.
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2.3. Réformes de Clisthène et poussée politique des thètes : 508 : la "réforme de Clisthène"
constitue un tournant, en amenant l'instauration d'un régime que nous pouvons légitimement
appeler démocratique.
À travers sa réforme de -508, Clisthène, membre d’une des plus grandes familles d’Athènes,
les Alcméonides, concéda au peuple la participation non seulement aux décisions politiques
mais aussi aux fonctions politiques en échange de son soutien. Cette réforme repose sur la
réorganisation de l’espace civique. Les anciennes structures politiques fondées sur la richesse
et les groupes familiaux furent remplacées par un système de répartition territoriale. Un
citoyen athénien ne se définit désormais plus que par son appartenance à un dème,
circonscription administrative de base de la vie civique ; chaque citoyen athénien doit être
admis dans son dème lors de ses dix-huit ans.
L'Attique est divisé en trois ensembles : la ville (asty), la côte (paralie), et l’intérieur
(mésogée). Dans chaque ensemble se trouvent dix groupes de dèmes, nommés trittyes. La
réunion de trois trittyes, une de chaque ensemble, forme une tribu, phylè : il y a donc dix
tribus. Chaque tribu regroupe plusieurs membres ; ils sont mélangés et non pas classés par
culture, région et classes sociales afin que les goûts (politiques et culturels) et les envies
soient tous entendus6. Ce système, sur lequel se base la nouvelle organisation des institutions,
casse la pratique du clientélisme traditionnel. On parle d'isonomie, ce qui ne signifie pas
« égalité devant la loi », comme on l'affirme souvent, mais « égale répartition » (du verbe grec
νέμω, répartir, distribuer)7.
2.4. Réformes de Périclès
Vers le milieu du Ve siècle av. J.-C., en 451 av. J.-C. Périclès mit en place une indemnité
journalière de présence au sein de l'Héliée et de la Boulê, ainsi qu'aux spectacles des
Panathénées : c’est le misthos (« salaire ») destiné à faire participer les citoyens les plus
pauvres et résidant le plus loin de la ville9. Elle leur permettait de chômer un jour pour assurer
leurs fonctions civiques et politiques. Le montant de cette indemnité ou misthos passa de deux
à trois oboles par jour sous Cléon, soit l'équivalent du faible salaire d'un ouvrier. Cette mesure
renforça le caractère démocratique du régime athénien.
Cependant, Périclès se distingua plus par ses actions militaires et diplomatiques et par les
grands chantiers qu'il entreprit que par sa rénovation des institutions politiques.
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En -451, Périclès fit adopter un décret qui imposa, pour devenir citoyen, d'être né de l'union
légitime d'un père citoyen et d'une mère, fille de citoyen10
.
À la structure sociale et administrative hiérarchisée :
Dème ⊂ Trittye ⊂ Tribu ⊂ Cité,
Clisthène fait correspondre une structure hiérarchisée du pouvoir :
Prytanes ⊂ Boulè ⊂ Ecclésia.
Juges ⊂ Héliée ⊂ Ecclésia.
La Boulè passe ainsi de 400 à 500 membres, 50 pour chaque nouvelle tribu, et sert non plus à
éclairer l'Aréopage mais à définir l'ordre du jour de l'Ecclésia. Malgré la création des
tribunaux de l'Héliée, la mainmise sur le pouvoir judiciaire de l'Aréopage reste prédominante.
La réforme ne retint pas le vote comme mode principal de désignation des responsables
politiques, lui préférant des tirages au sort (pour la désignation des bouleutes et des héliastes)
et un système d'alternance régulière pour les prytanes, ce qui fait, pour partie, de la
démocratie athénienne une stochocratie.
D'autre part, lorsque Thémistocle convainquit les Athéniens de construire une flotte de
combat pour leur défense contre les Perses, en 483 av. J.-C., il fallut embarquer des milliers
de citoyens de la quatrième classe, les thètes : à raison de 174 rameurs par bâtiment, pour une
flotte de deux cents trières, ces citoyens pauvres acquéraient un poids politique bien plus
important que celui des hoplites8. Cet essor naval d'Athènes conditionna aussi la démocratie
proprement dite.
3. Fonctionnement de la démocratie athénienne
3.1. La citoyenneté4 athénienne
4 Qualité , statut de citoyen
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Jusqu'en -451, pour être citoyen5 athénien, il faut être un homme né de père athénien, et avoir
suivi l'éphébie de 18 à 20 ans, c’est-à-dire être capable de défendre la cité. L'éphébie est en
effet une formation militaire et civique qui permet à la cité d'assurer sa défense sans avoir
d'armée permanente ; elle prémunit aussi la ville des risques de tyrannie. En -451, Périclès
modifie la loi qui désormais confère la citoyenneté au jeune adulte à la seule condition de la
double filiation d'un père de statut citoyen et d'une mère, fille de citoyen, ce second critère
introduisant une restriction notable.
Les esclaves et les femmes considérés respectivement comme des biens et d'éternelles
mineures, ainsi que les métèques (étrangers) furent exclus de la communauté politique,
comme dans la plupart des cités grecques. Cependant, si un métèque non barbare (c’est-à-dire
grec) accomplissait de hauts faits pour la cité, il pouvait recevoir, à titre exceptionnel et en
remerciement de ses actions, la citoyenneté athénienne, moyennant finances. Une telle
décision ne pouvait être prise qu'à la suite d'un vote de l'Ecclésia réunissant 6000 citoyens.
Ces naturalisations sont donc très rares et solennelles. Par exemple, un métèque riche a fait
don à la cité d'Athènes de plus de 1000 boucliers, et il n'a jamais obtenu cette citoyenneté. La
rareté de ce droit de cité accordé à des étrangers s'explique par le désir de maintenir un
équilibre optimum entre le territoire et ceux qui se le partagent, et de ne point accroître
inconsidérément le nombre des citoyens, c'est-à-dire des ayants droit11
.
La citoyenneté conférait un pouvoir politique, mais aussi une protection judiciaire, les
citoyens ne pouvant ni être soumis à la question (torture), ni être condamnés au supplice ou à
une peine corporelle. Les seules peines qui pouvaient leur être infligées étaient donc l'amende,
l'atimie, l'exil, et la mort par suicide forcé.
La citoyenneté confère aussi un privilège économique : seuls les citoyens peuvent avoir une
propriété foncière. Ce privilège s'explique par l'histoire de la démocratie athénienne ; héritier
d'un passé aristocratique, le régime considérait l'agriculture comme le seul travail digne d'un
citoyen, et valorisa la vie de rentier.
Le citoyen athénien avait le droit de voter et d'être élu mais il avait le devoir de faire la guerre
et de payer les impôts. Par ailleurs, les riches devaient financer les liturgies et les pauvres
devaient être aidés financièrement pour pouvoir participer à la vie de la cité.
3.2. Les institutions politiques
55
Individu jouissant, sur le territoire de l’Etat dont il relève, des droits civils et politiques
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Répartition des pouvoirs politiques dans l'Athènes démocratique au IVe siècle.
Les institutions constitutives de la démocratie athénienne nous sont connues essentiellement
grâce à la découverte inopinée, à la fin du XIXe siècle d'une Constitution des Athéniens
attribuée à Aristote, et à ses disciples du Lycée, et rédigée aux environs de -33012
. Bien que la
démocratie athénienne n'eût jamais de constitution écrite officielle, les rôles de ses institutions
n'en demeurent pas moins clairement connus et distincts les uns des autres. Leurs évolutions
font donc l'objet de subtiles luttes politiques.
L'Ecclésia
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C'est l'assemblée des citoyens qui se réunit sur la colline de la Pnyx. Elle vote les lois en
général avec un quorum de 6000 citoyens, en certaines circonstances ; la participation est
normalement inférieure à ce chiffre si l'on en croit Thucydide13,14
. Ces votes se font à main
levée et à la majorité simple. N'importe quel citoyen peut prendre la parole (liberté qu'en grec
ancien on appelle ἰσηγορία, isegoria), exercer son pouvoir d'amendement et proposer une
motion. C’est le propre de la démocratie directe. Une fois votée, la loi est exposée au public
sur l'Agora.
Selon un processus similaire, l'Ecclésia peut, une fois par an, prononcer l'exil d'un citoyen. Ce
vote est appelé l'ostracisme dont le nom vient du morceau de céramique (l'ostracon) sur lequel
est inscrit le nom de la personne dont on demande le bannissement. Cette sanction est dure,
car le banni n'est plus protégé par sa cité. Il est soumis à tous les aléas, et dans les pires cas, il
peut connaître l'esclavage. La réunion annuelle d'ostracophorie s'effectue après celle pendant
laquelle les magistrats, bouleutes et héliastes sont tirés au sort pour des mandats d'un an. Elle
nécessite la présence de 6000 membres, c'est le fameux quorum de 6000. Cette pratique
disparaîtra en -417, après avoir frappé une dizaine de grands hommes politiques athéniens.
La Boulè
La Boulè (orthographiée parfois Boulê) est le nom générique des conseils dans différents
régimes grecs. À Athènes, la Boulê est souvent appelée « Conseil des Cinq-Cents », car, à
partir des réformes de Clisthène, elle est composée de 500 membres (bouleutes) à raison de
cinquante par tribu. Les bouleutes sont tirés au sort parmi des listes dressées par chaque dème
de citoyens volontaires âgés de plus de trente ans et renouvelés chaque année : l'absence de
toute qualification autre que d'âge empêche que la fonction soit l'objet d'une compétition ; un
citoyen ne peut être bouleute au maximum que 2 fois non successives, ce qui exclut la
possibilité d'y faire carrière. Cette assemblée siège de façon permanente. La présidence et la
coordination du travail sont assurées par les prytanes. Chaque tribu assure pendant un dixième
de l'année (35-36 jours) la prytanie, c'est-à-dire la permanence. Le principal travail de la
Boulè est de recueillir les propositions de loi présentées par les citoyens, puis de préparer les
projets de loi pour pouvoir ensuite convoquer l'Ecclésia. La Boulè siège au Bouleuterion,
bâtiment contigu à la Tholos sur l'Agora. On a pu dire de la boulé athénienne que c'était « une
machine à éliminer les influences et à faire triompher le sens commun du démos, et le
meilleur garant de la démocratie15
. »
Les magistrats
La magistrature est une institution de la démocratie athénienne. Elle comprend environ 700
magistrats, choisis par élection, désignation, ou par tirage au sort. Leur mandat dure le plus
souvent 1 an mais il existe plusieurs exceptions16
.
Les magistrats gèrent les affaires courantes et veillent à l'application des lois. Ils doivent
exercer leur pouvoir de manière collégiale, aucune magistrature n'étant légalement en état de
développer un pouvoir personnel, ce qui est censé éviter le retour à la tyrannie. Les magistrats
et les ambassadeurs sont contrôlés à la fin de leur mandat. C'est la reddition de comptes que
l'on nomme euthynai. Cela permet aux Athéniens de contrôler efficacement les magistrats et
de limiter ainsi les dérives.
La dokimasia est l'examen préliminaire que subissent les futurs magistrats pour limiter les
effets malheureux du tirage au sort. Il s'agit d'un examen de capacité légale : il permet de
vérifier que le candidat est bien citoyen, qu'il a bien l'âge minimum et le cens requis, qu'il n'a
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jamais occupé le poste et qu'il n'est pas frappé d'incapacité juridique. Il se déroule soit devant
la Boulé, soit devant l'Héliée17
.
Magistratures athéniennes (liste non exhaustive)
Archonte
s
Édiles
Magistrat
ures
judiciaires
Magistrat
ures
financières
Magistrat
ures
commercia
les
Magistrat
ures
culturelles
et
religieuses
Magistrat
ures
militaires
Magistrat
ures de
contrôle
L'archont
e
éponyme
Les
astyno
mes
Les Onze Les
trésoriers
Les
agoranome
s
Les
hiéropoioi
Les
stratèges
Les
euthynes et
leurs
parèdres
L'archont
e-roi
Les
hodopoi
oi
Les juges
des dèmes
Les
colacrètes
ou
apodectes
Les
métronome
s
Les
éxégètes
Les
taxiarques
Les logistes
et leurs
substituts
L'archont
e
polémarq
ue
Les polètes
Les
sitophylake
s
Les
athlothètes
Les
phylarques
Les
thesmothè
tes
Les logistes
Les
épimélètes
d'emporion
Les
hipparques
Les
hellénotam
es
Les
intendants
de galère
Les
practores
Les
sophroniste
s
Parmi eux, on trouve donc les 10 stratèges, élus pour un an et rééligibles : à leurs fonctions
militaires, puisqu'ils sont chargés du commandement de l'armée, étaient liées de multiples
affaires qui leur ont valu une compétence et une autorité grandissantes. Ce sont les magistrats
les plus importants de la démocratie.
L'Aréopage
L'Aréopage est une institution politique, précédant l'avènement de la démocratie et aux
origines mythiques, qui eut pour but premier de « conserver les lois », c’est-à-dire de veiller
au respect de la constitution, et ayant à cette fin des pouvoirs judiciaires très étendus. Il est
formé d'anciens archontes, c’est-à-dire d'anciens nobles riches et puissants avant qu'ils ne
fussent tirés au sort. C'est traditionnellement l'institution athénienne la moins démocratique et
la plus aristocratique. Elle tient son nom de la colline d’Arès où siègent les aréopagites. Son
emplacement, hors de l’Agora qui est le cœur de la cité, a une forte symbolique : le crime n'a,
littéralement, pas le droit de cité.
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Les réformes de Dracon permirent aux citoyens de former des recours auprès de l'Aréopage à
l'encontre de magistrats les ayant lésés dans l'exercice de leurs fonctions. Celles de Solon
renforcèrent encore le pouvoir de l'Aréopage, qui fit alors figure de conseil des Sages,
protégeant la cité non seulement contre les menaces internes (et prévenant ainsi -
paradoxalement - les complots ourdis contre la démocratie) mais aussi les menaces externes.
À ce titre, l’Aréopage ne rendait compte de ses activités auprès d'aucune autre institution.
Après les réformes de Clisthène et les guerres médiques, le pouvoir détenu par l'Aréopage
devient donc prépondérant. Éphialtès et Thémistocle travaillèrent de concert pour réduire
cette influence au profit de l'Ecclésia, de la Boulê, et des nouveaux tribunaux de l'Héliée.
Ainsi, après -462, l'Aréopage ne dispose plus de pouvoir politique mais fait figure de
vénérable institution.
L'Héliée
Ce tribunal populaire est composé de 6000 citoyens, toujours âgés de plus de 30 ans et
répartis en dix classes de 500 citoyens (1000 restant en réserve) tirés au sort chaque année
pour devenir héliastes18
. Ils étaient désignés grâce à la plaque que l'on voit ci-contre à gauche.
Pour ce faire, on mettait les noms de tous les volontaires dans les cases et on ajoutait des fèves
(blanches et noires) dans un autre compartiment (qui a été arraché), puis on tirait au sort un
nom et une fève : si la fève était blanche, le citoyen était héliaste et si la fève était noire, il ne
l'était pas, et on recommençait pour en avoir jusqu'à 500.
L'accusation est toujours, en l'absence d'équivalent à nos « ministères publics », une initiative
personnelle d'un citoyen. Celui-ci percevant, en cas de condamnation, une partie de l'amende,
pour indemnisation et récompense de ses efforts pour la justice, certains citoyens font de la
délation leur métier, ce sont les sycophantes. Malgré des mécanismes limitant les dérives de
ce système, celui-ci contribue à diviser la cité et servit d'argument fort au parti aristocratique
contre le nouveau régime.
Par un système compliqué et selon l'affaire, on désigne par tirage au sort (sous contrôle d'un
magistrat instructeur) un plus ou moins grand nombre d'héliastes pour chaque procès. Ainsi, à
titre d'exemple, pour un procès privé, 201 juges siègent normalement, 401
exceptionnellement. Pour les procès publics, ils sont 501, 1001, voire 1501 juges. La tâche de
juger est d'autant plus difficile qu'il n'y a ni code de procédure, ni code pénal, offrant ainsi une
grande liberté d'interprétation des lois (par ailleurs en nombre réduit).
De plus, les verdicts sont sans appel et immédiatement exécutoires, on comprend dès lors
l'important rôle politique que prennent les tribunaux de l'Héliée. 200 réunions ont lieu par an,
chacune sous la présidence d'un magistrat qui ne prenait pas part au vote. Le tribunal des
Éphètes, juges des causes criminelles, compte 51 membres, c'est celui qui a le plus accaparé
les prérogatives de l’Aréopage ; il peut siéger en quatre endroits différents selon les types
d'affaires :
au Prytaneion, « tribunal du sang », ils jugent tout ce qui a pu amener mort d'hommes
(objets, animaux) ;
au Palladion, ils jugent les homicides involontaires, les instigations au meurtre, les
métèques et les esclaves ;
au Delphinion, ils jugent les homicides considérés par l'archonte-roi comme
excusables ou découlant de la légitime défense ;
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à Phréattys (sur une plage), ils jugent les bannis pour homicide involontaire qui ont
commis un meurtre avec préméditation dans leur exil. L'accusé, encore en état de
souillure et interdit de séjour, est alors placé sur une embarcation au large d'où il
présente sa défense aux juges19
.
Équilibre entre l’Ecclésia et l’Héliée
Article connexe : Dikastèrion.
Au cours du temps, l’Héliée a limité le pouvoir de l'Ecclésia. Au Ve siècle avant notre
ère, à l'époque de Périclès, la démocratie est radicale et l'Ecclésia vote tout, toute
seule.
Mais au IVe siècle av. J.-C., à l'époque de Démosthène, l'Ecclésia ne vote plus que les
décrets, les lois doivent être votées par les nomothètes sur proposition de l'Ecclésia.
Les nomothètes sont tirés au sort de la même façon que les membres du tribunal de
l'Héliée, qui est chargé de veiller à la légalité des décrets.
En effet, en -416 la procédure de graphè paranomôn (ἡ γραφή παρανόμων) est une
action en illégalité pour la mise en accusation d'un décret ; elle est introduite pour se
substituer à la pratique de l'ostracisme utilisée pour la dernière fois l'année précédente.
Elle permet à n’importe quel citoyen de faire examiner par un tribunal de l’Héliée, dit
dikastèrion, tout décret ayant été voté par l’Ecclésia ou en cours de proposition par
l’Ecclésia. Si le tribunal juge le décret ou la proposition de décret contraire aux lois,
non seulement elle est annulée mais son auteur, et l’épistate dirigeant les débats au
moment de son adoption (ou proposition), sont passibles de lourdes sanctions, allant
jusqu’à l’atimie. Si le tribunal est appelé pour juger un décret en cours de proposition
et qu’il l’a déclaré compatible avec la loi, cela entraînait son adoption sans réexamen
par l’Ecclésia.
Le graphè paranomôn offre donc à l’Héliée au fil du temps un rôle de co-législateur,
partageant le pouvoir législatif avec la Boulê et l’Ecclésia. Résultat : à partir de -355
les luttes politiques ne se tiennent plus seulement sur la Pnyx, mais aussi devant les
Héliastes qui, à l'inverse des Ecclésiastes, avaient prêté serment, votaient à bulletin
secret, devaient avoir au moins trente ans, et consacraient une journée entière par
affaire, alors que l'Ecclésia votait plusieurs décrets en une demi-journée.
Les Athéniens considéraient donc que les décisions des nomothètes étaient
supérieures, an raison du Serment religieux d'écouter également les deux parties et de
se déterminer en son âme et conscience, de la sagesse qui vient avec l'âge et du temps
consacré à chaque affaire. Cependant les nomothètes sont quand même tirés au sort
dans l'ensemble des citoyens volontaires, ils ne constituent donc pas une limitation
élitiste de la souveraineté du démos.
4. Les grandes crises : guerre du Péloponnèse et coups d'État
Le régime perdure jusqu'à la guerre du Péloponèse (431-404), remportée par Philippe de
Macédoine. Dès lors toutes les cités de la Grèce principale vont être dominées par les rois
macédoniens, Philippe puis Alexandre. Athènes conservera cependant au IVe siècle des traits
démocratiques, certains étant même renforcés par rapport à l'époque classique.
L'année -430 marque le début du déclin d'Athènes, la désastreuse lutte contre Sparte
conjuguée à une épidémie de fièvre typhoïde, fatale pour Périclès en -429, conduit
inexorablement la cité désormais démoralisée à sa perte. L'occupation par les troupes
spartiates aboutit au retour de la tyrannie en -411, avec le coup d'État des Quatre-Cents,
renversée dans un premier temps puis revenant sous une nouvelle forme en -404 avec les
« Trente tyrans ». Ceux-ci suppriment l'Héliée, restaurent les prérogatives passées de
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l'Aréopage, et relèguent l'Ecclésia à un simple rôle consultatif, s'assurant eux-mêmes les rênes
du pouvoir. Ce régime, profondément réactionnaire et méprisant au plus haut point la
démocratie, ne survivra pas au départ de l'occupant spartiate au début de l’an -403.
4.1. IVe siècle av. J.-C. : une cité faible et un régime mis en doute
Au IVe siècle av. J.-C., la cité, puissance déchue, est considérablement appauvrie. L'empire
athénien a disparu, la démocratie athénienne n'est plus un modèle s'exportant. Toutefois, un
renouveau de l'élan démocratique souffle sur la cité, l'extension du misthos (jusqu'alors
réservé aux héliastes et bouleutes) aux citoyens se rendant à l'Ecclésia, provoque un afflux
d'urbains de tous milieux (nobles, petits et grands commerçants, potiers, et dockers) dans
l'assemblée, dont la souveraineté ne sera plus remise en cause. Ce succès populaire de la
démocratie (qui est, rappelons-le, à l'origine une invention de politiciens aristocrates pour
faire face aux revendications d'une petite bourgeoisie naissante) est critiqué. Pour
Aristophane, qui critiqua notamment le passage à trois oboles du misthos sous Cléon dans sa
pièce les Guêpes, mais aussi Aristote, les pauvres, de plus en plus impliqués dans l'exercice
du pouvoir, sont plus sensibles aux arguments des démagogues. Ainsi la foule des citoyens,
sous l'influence de la vindicte populaire, prend des décisions irréfléchies comme la
condamnation à mort de l'exemplaire Socrate, le populisme est né. Il n'est donc pas étonnant
que la critique intellectuelle de la démocratie apparaisse d'abord, sous une forme
particulièrement sévère, chez le principal disciple de Socrate : Platon. Celui-ci hiérarchise
dans la République les régimes politiques en plaçant la démocratie juste devant la tyrannie et
derrière l'aristocratie, la timocratie, et l'oligarchie.
4.2. Périodes hellénistique et romaine
Alexandre le Grand avait mené une coalition des états grecs à la guerre avec l'Empire perse en
-336, mais ses soldats grecs étaient des otages pour le comportement de leurs états autant que
des alliés. Ses relations avec Athènes étaient déjà tendues quand il est retourné à Babylone en
-324. Après sa mort (-323), Athènes, qui a reconstitué ses finances et ses forces navales, et
Sparte ont mené plusieurs États grecs à la guerre avec la Macédoine et ont perdu cette guerre.
Athènes dut adopter un régime oligarchique protégé par une garnison macédonienne.
Hypéride fut exécuté et Démosthène se suicida20
.
Ceci a abouti à un certain nombre de périodes au cours desquelles une force extérieure a
commandé Athènes21
. Souvent, le pouvoir extérieur mit en place un agent local en tant que
gouverneur politique à Athènes. Mais quand Athènes était indépendante, elle fonctionnait
sous sa forme de gouvernement traditionnel. Elle a rarement contrôlé toute l'Attique, puisque
le Pirée est une excellente base navale, et un des rois hellénistiques habituellement la
contrôlait. Même les gouverneurs, comme Démétrios de Phalère qui gouverna Athènes pour
le compte de Cassandre entre -317 et -307, maintenaient les institutions traditionnelles
formellement.
L'Athènes indépendante était une puissance mineure à l'époque hellénistique. Elle a rarement
eu beaucoup à faire de la politique étrangère. Elle restait généralement en paix, alliée soit avec
la dynastie des Ptolémées, ou plus tard, avec Rome. Quand elle va à la guerre, le résultat
(comme dans la guerre lamiaque, chrémonidéenne ou de Mithridate) était généralement
désastreux.
C- La démocratie antique dans les autres parties du monde
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DEMOCRATIE : NAISSANCE, EVOLUTION ET CONCEPTIONS AOUT 2013
La République romaine organisait des élections mais, là encore, les femmes, les esclaves et
une large partie de la population étrangère en étaient exclus. Le vote des riches avait plus de
poids et la plupart des plus hautes fonctions étaient attribuées à quelques familles nobles. Les
offices n'étaient pas rémunérés et il était important d'être riche pour se prémunir de la
corruption.
Les villes phéniciennes, comme Tyr, Sidon, Byblos…, avaient des traces de démocratie, des
conseillers élus par les citoyens, proposaient des nouvelles lois au roi.
Certaines sociétés tribales réduites (entre 20 et 50 personnes), comme les Aborigènes
d'Australie, n'avaient pas de chef et prenaient des décisions par consensus au sein de la
majorité.
II- LE DEVELOPPEMENT DE LA DEMOCRATIE
• Forme de gouvernement propre aux cités grecques, la démocratie réapparaît dans la Rome
antique, puis dans la Venise du Moyen Âge et dans l'Angleterre et les Pays-Bas de l'époque
moderne. Il s'agit dans chacun de ces cas d'une démocratie oligarchique, c'est-à-dire d'un
régime politique où un petit nombre de citoyens privilégiés détient l'essentiel des pouvoirs et
des richesses.
• Ce n'est qu'à la fin du XVIIIe siècle qu'une véritable démocratie se développe, tant aux États-
Unis que dans la France révolutionnaire. Depuis cette date, la démocratie n'a cessé de gagner
du terrain, au point de devenir aujourd'hui la forme dominante de gouvernement.
a- LA DEMOCRATIE AU MOYEN ÂGE : une démocratie oligarchique
Au Moyen Âge, il y eut de nombreux systèmes fondés sur les élections et/ou une Assemblée,
comme l'élection du Gopola au Bengale, la Communauté Lituano-polonaise, l'Althing
islandaise, le Veche dans les pays slaves, les Things scandinaves, et la cité marchande
autonome de Sakai au Japon (XVIe siècle). Pour autant, la participation étant souvent limitée à
une minorité dans ces systèmes, ils pourraient tout aussi bien être qualifiés d'oligarchies. La
grande majorité des régions dans le monde du Moyen Âge étaient gouvernées par une
seigneurie, suivant un système féodal, qui commence au XIIe siècle à inclure des poches de
système communal.
Le Parlement anglais est né des restrictions du pouvoir royal mises en place dans la Magna
Carta. Le premier parlement élu a été le Parlement de Montfort en Angleterre en 1265. Là
encore seule une petite minorité disposait d'une voix : le Parlement était élu par quelques pour
cent de la population (moins de 3 % en 1780[réf. souhaitée]
), et le système présentait des
dispositions problématiques, telles que les municipalités corrompues. La convocation du
Parlement était laissée au bon vouloir du roi ou de la reine (le plus souvent lorsque celui ou
celle-ci avait besoin d'argent).
De nombreuses régions aux frontières des grands États avaient conservé un fonctionnement
démocratique. Entre France et Espagne il y avait ainsi ce que l'on a dénommé les républiques
pyrénéennes.
B- LA DEMOCRATIE ENTRE LE XVIIE
LE XIXE
SIECLE : véritable
démocratie
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DEMOCRATIE : NAISSANCE, EVOLUTION ET CONCEPTIONS AOUT 2013
En Angleterre, après la Révolution Glorieuse de 1688, le Bill of Rights, établi en 1689, codifia
certains droits et augmenta l'influence du Parlement. L'électorat augmenta lentement et le
Parlement prit de plus en plus de pouvoir jusqu'à ce que la Monarchie devienne une simple
figure de proue.
Bien qu'ils n'aient pas été décrits comme une démocratie par les Pères Fondateurs[1]
, les États-
Unis d'Amérique sont considérés comme la première démocratie libérale, dans la mesure où
l'engagement constitutionnel (1788) fondait les principes naturels de liberté, d'égalité devant
la loi, s'opposait aux régimes aristocratiques.
En France, l'Assemblée nationale issue de la Révolution de 1789 a été établie sur la base des
principes libéraux, déclinés en la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et en
réaction aux excès de la monarchie absolue de l'Ancien Régime. Le suffrage universel y
apparait en 1848.
Dans les deux cas, le droit de vote était limité sur la base de la fortune (suffrage censitaire),
aux hommes (pas de droit de vote des femmes, sauf dans quelques États, avant 1920 aux
États-Unis, avant 1944 en France), à un corps politique exclusif des personnes des autres
races ou des colonisés (exclusion sur base de la couleur de peau aux États-Unis et exclusion
des colonisés en France). Par ailleurs, tant les États-Unis que la France connaissaient
l'esclavage, respectivement jusqu'en 1865 (abolition plus tôt dans certains États) et en 1848
(avec une abolition de 1794 à 1802), les discriminations en matière politique ayant en réalité
perduré beaucoup plus longtemps.
III- XXe siècle et XXIe siècle : LA DEMOCRATIE MODERNE : démocraties
libérales et populaires
La démocratie moderne désigne le régime politique mis en place dans les démocraties
occidentales postrévolutionnaires en opposition à la démocratie antique.
La démocratie moderne prend généralement la forme de démocratie libérale. Mais, à côté
existe aussi les démocraties populaires.
A- Les démocraties libérales
L'expression "démocratie libérale" a été utilisée pendant la Guerre froide par opposition à
celle de "démocratie populaire" pour désigner le système politique des démocraties
occidentales en associant les idées de démocratie et de libéralisme.
Le but était de mettre l'accent sur un système politique garant des libertés individuelles,
pluraliste et basé sur le suffrage universel. Une démocratie libérale est aussi caractérisée par
une économie capitaliste régie par la loi du marché.
La légitimité de la démocratie libérale repose sur le peuple souverain, selon l'idéal
démocratique, avec une séparation et une limitation des pouvoirs selon l'idéal libéral.
Une démocratie libérale est une démocratie représentative dans laquelle la capacité des élus à
exercer un pouvoir de décision est soumise à la règle de droit, et est généralement encadrée
par une constitution qui met l'accent sur la protection des droits et libertés des individus,
posant ainsi un cadre contraignant aux dirigeants.
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DEMOCRATIE : NAISSANCE, EVOLUTION ET CONCEPTIONS AOUT 2013
L'idée de démocratie libérale n'implique pas une forme de régime représentatif particulier,
celui-ci pouvant donc être parlementaire, présidentiel ou mixte comme en France. De même,
elle n'implique pas un régime représentatif au sens strict, mais peut aussi qualifier un régime
semi-direct (telle la Suisse) ou participatif.
Ainsi, sont généralement associés à la démocratie libérale un certain nombre de principes et
de valeurs, qui se rapportent soit aux principes de la représentation démocratique, soit aux
principes du libéralisme (y compris du libéralisme économique), parmi lesquels :
l'existence d'un état de Droit ;
l'élection des représentants, aujourd'hui le plus souvent par le suffrage universel direct,
avec le principe : un citoyen = une voix (égalité politique) ;
la recherche de l'intérêt général et le respect de la volonté générale (ceux-ci étant
néanmoins généralement définis par les dirigeants eux-mêmes; de plus, volonté et
intérêt général, en plus d'être des notions abstraites, peuvent apparaître comme
possiblement conflictuelles) ;
l'égalité des droits (ou égalité face à la loi) ;
la garantie des libertés fondamentales, soit, généralement, le respect des droits de
l'homme; notamment la liberté de conscience et de culte, la liberté d'expression et de
la presse, la liberté de réunion, d'association (celle-ci impliquant le multipartisme, et
de circulation, ou encore le droit de propriété et, pour ce qui est des démocratie
libérale contemporaine, la liberté de commerce (libre-échange) etc.
1. Les démocraties à régime parlementaire
Les démocraties à régime parlementaire sont caractérisées par le fait que le Gouvernement y
est politiquement responsable devant le Parlement, duquel il est généralement issu, et qui peut
donc le destituer en recourant à une motion de censure, dont les modalités varient en fonction
des pays. En contrepartie, le gouvernement, responsable de l'exécutif, peut dissoudre
l'Assemblée, responsable du législatif. S'il y a donc bien séparation des pouvoirs dans un
régime parlementaire, celle-ci est qualifiée de «souple» du fait de ce contrôle réciproque entre
exécutif et législatif.
On distingue les régimes parlementaires monistes et dualistes. Le premier désigne les régimes
dans lesquels le gouvernement n'est responsable que devant le parlement et non le Chef de
l'État, lequel joue un rôle politique minime. À l'inverse, dans le second (dualiste) le
gouvernement est responsable devant le parlement et le chef de l'État.
2. Démocratie à régie présidentiel
À l'inverse du régime parlementaire, le régime présidentiel se caractérise par une séparation
des pouvoirs plus stricte. Il s'agit d'un régime représentatif dans lequel le pouvoir exécutif n'a
pas de responsabilité politique devant le pouvoir législatif, ce qui signifie que ce dernier ne
peut pas le destituer. À l'inverse, le chef de l’État (qui y est aussi chef du Gouvernement), élu
au suffrage universel direct ou indirect, dispose de moins de pouvoir sur le Parlement que
dans un régime parlementaire, n'ayant pas la possibilité de le dissoudre. Aux États-Unis,
principal pays dont le régime est véritablement présidentiel, le Président dispose d'un droit de
véto sur les textes de lois.
3. Démocratie à régime mixte
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L'expression de régime semi-présidentiel est un régime représentatif qui rassemble des
caractéristiques du régime parlementaire et du régime présidentiel, raison pour laquelle il est
parfois désigné sous le terme de régime mixte [5]
.
C'est le cas de la Ve République française, dans laquelle le chef de l’État est élu au suffrage
universel direct, nomme les membres du gouvernement et les destitue. Il peut dissoudre
l'Assemblée mais celle-ci, tout comme le Sénat, ne peut remettre en cause que le
gouvernement, principalement par le biais d'une motion de censure. Si le Président ne dispose
pas de la majorité parlementaire, il est a priori contraint à une « cohabitation », et perd ainsi
l'effectivité de son pouvoir au profit du Gouvernement et du chef du gouvernement. En ce cas,
cette forme de régime se rapproche du régime parlementaire.
B- Les démocraties populaires
Pour se distinguer des démocraties libérales occidentales, les pays du bloc de l'est qui étaient
dotés de régime à parti unique et d'une doctrine communiste officielle se faisaient appeler
« démocratie populaire », expression entièrement discréditée après l'effondrement de l'URSS.
L'expression "démocratie populaire" est le nom qu'ont adopté les régimes communistes
d'Europe de l'Est après 1945 et jusqu'au début des années 1990, par opposition aux régimes
occidentaux qualifiés de "démocraties bourgeoises". Dans l'idéologie communiste, les
démocraties populaires devaient être une transition vers une société sans classe.
Fondée sur un pléonasme étymologique, puisque le terme "démocratie" est issu du grec
demos, peuple, l'expression "démocratie populaire" met l'accent sur le fait que la démocratie
capitaliste est une démocratie au service d'une minorité.
Pour les démocraties occidentales, les démocraties populaires ne remplissaient pas les critères
permettant de définir une démocratie et devaient être considérées comme des dictatures :
parti unique (Monopartisme) empêchant la constitution d'une opposition libre,
absence d'élections libres et régulières,
absence de contrôle des dirigeants de l'État et de l'économie,
restriction de certaines libertés (libertés d'opinion, d'expression, de déplacement).
Reposant sur une économie d'Etat, les démocraties populaires étaient, sauf l'Albanie et la
Yougoslavie, sous les dominations militaire, idéologique et économique de l'URSS.
De nos jours, des pays comme la Chine, la Corée du Nord, Cuba, le VietNam, se définissent
comme des "démocraties populaires".
IV- DIFFERENTES CONCEPTIONS DE LA DEMOCRATIE
A- Les philosophes grecs et la notion de démocratie
1. Thucydide et Périclès
Dans l'oraison funèbre de la Guerre du Péloponnèse, Thucydide rapporte les propos qu'aurait
tenus Périclès au sujet de la nature de la démocratie athénienne. La démocratie y est définie
par le fait que la majorité y gouverne. Cette description du régime athénien fait l'éloge d'un
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système politique où les honneurs (magistratures) sont distribués en fonction du mérite et non
de la naissance, et où la pauvreté n'exclut pas une participation politique. Elle met aussi en
exergue la pratique de la liberté à la fois politique et dans la vie quotidienne.
2. Platon : l'incapacité du peuple à bien gouverner, ignorance et inexpérience des masses
Platon fut le premier à développer une analyse et théorie importante visant à dénoncer la
démocratie, en l’occurrence la démocratie athénienne, au sein de laquelle il vécut. Sa critique
ne vise donc pas à proprement parler ce qu'aujourd'hui nous avons coutume de désigner
comme régime démocratique (régime représentatif et libéral). Son opposition au partage du
pouvoir politique entre tous les citoyens s’appuie sur l'idée que pour gouverner, il faut une
certaine sagesse et un certain savoir – plus précisément, avoir accédé à la connaissance des
Idées du Vrai, du Juste et du Bien. Selon lui, les simples citoyens, ignorant de la Vérité et
réfléchissant surtout en fonction de leurs intérêts particuliers, ne sauraient diriger à bien la
cité, et par conséquent le pouvoir du peuple ne peut que conduire celle-ci vers la corruption. Il
défend ainsi au contraire l'idée que seuls devraient gouverner des philosophes rois, ou des rois
philosophes.
3. Aristote
Aristote développe dans Les politiques une typologie des différents « régimes politiques »[16]
,
où il distingue les « constitutions droites » (gouvernés en vue de l'intérêt commun) et leur
déviations (gouvernés en vue d'intérêts particuliers). Les premières correspondent à la
monarchie, l'aristocratie et la politie (« politeia », parfois traduit par République ou par
régime (ou gouvernement) constitutionnel). Les secondes, qui correspondent donc
respectivement aux déviations des premières, sont la tyrannie, l'oligarchie et la démocratie.
Cette dernière est considérée par Aristote comme la déviation la plus souhaitable en tant
qu'elle est la plus mesurée [17]
. Elle est définie, par opposition à l'oligarchie, comme le régime
où ce sont les pauvres qui gouvernent, et donc les plus nombreux, en tant que dans la plupart
des pays les citoyens modestes forment une majorité[18]
. La démocratie est alors présentée
comme une constitution déviée en tant que le gouvernement sert les intérêts particuliers des
plus modestes (donc aussi de la majorité) et non l'intérêt commun.
Néanmoins, Aristote distingue différentes formes de démocraties, dont la meilleure est celle
qui cherche l'égalité, c'est-à-dire celle où « rien ne mette les gens modestes ou les gens aisés
les uns au-dessus des autres […], mais que les deux soient égaux »[19]
. Il associe dans le même
passage la démocratie au régime qui vise aussi bien l'égalité que la liberté[20]
, et où par
conséquent « tous partagent principalement de la même manière le pouvoir politique ». Il note
en ce sens que l'une des formes de la liberté consiste dans le fait d'être « tour à tour gouverné
et gouvernant », ce qui correspond à peu près à la définition qu'il donne du citoyen (à la fois
gouvernant et gouverné).
La pire forme de démocratie est pour Aristote celle où la masse gouverne et non la loi,
autrement dit, celle où les citoyens gouvernent par décrets. Il l'estime comme « l'analogue de
la tyrannie parmi les monarchie », et c'est dans cette forme de démocratie qu'il y aurait à
craindre les démagogues, qui représentent à ses yeux la principale cause de renversement au
sein des régimes démocratiques[21]
.
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Par ailleurs, il note que l'attribution des magistratures par le tirage au sort est généralement
considérée comme démocratique, l’élection caractérisant pour sa part les oligarchies[22]
, ce qui
souligne l'écart existant entre les conceptions contemporaines et antiques sur ces sujets. Il
expose aussi d'autres caractéristiques des régimes populaires ou démocratiques, parmi
lesquelles la non nécessité de verser un cens pour participer aux magistratures, la courte durée
de celles-ci, ou encore l'interdiction d'exercer deux fois la même magistrature (sauf quelques
exceptions)[23]
…
D'autre part, il reconnaît à la démocratie un certain nombre d'avantages, notamment celui
reposant sur l'idée que le rassemblement d'un grand nombre d'individus permet en quelque-
sorte d'additionner leur qualités (« leur part d’excellence et de prudence »[24]
, estimant que
quand bien même « chacun y sera plus mauvais juge que les spécialistes, tous réunis soit
seront meilleurs, soit ne seront pas plus mauvais »[24]
. Il ajoute à cela l'idée que le spécialiste
n'est pas toujours le mieux placé pour juger d'un autre spécialiste, en donnant notamment
l'exemple du festin, ou c'est le point de vue du convive et non du cuisinier qui conviendra
pour juger de sa qualité. En outre, il souligne l'importance à ce que la masse ne soit pas trop
pauvre dans une démocratie, défendant alors une certaine répartition des richesses par le biais
de l'impot[25]
Enfin, il est à noter que le régime qu'il considère comme le plus avantageux, la politie,
correspond à un mélange d'artistocratie et de démocratie, combinant ainsi l'élection au tirage
sort, et où la classe moyenne, qui doit y être la plus nombreuse, est donc celle qui à le plus de
pouvoir[26]
. Il s'agit là d'une conception en cohérence avec l'ensemble de sa pensée, qui
considère le juste milieu comme ce qui est préférable.
B- La notion de démocratie dans la philosophie moderne
1- Tocqueville : l'égalité des conditions et le risque de tyrannie de la majorité
Alexis de Tocqueville est l'auteur d'une étude et réflexion sociologique et philosophique de la
démocratie qui fit date. Dans son ouvrage en deux tomes De la démocratie en Amérique
(1835 et 1840), il entreprend une analyse du fonctionnement de la démocratie aux États-Unis
et des conséquences que cette forme de société induit dans les mœurs et relations sociales.
Il y considère la démocratie comme principalement caractérisée par la tendance à l'égalisation
des conditions, celle-ci devant être comprise non pas tant comme une égalité réelle et stricte
des conditions économiques et sociales, mais plutôt comme renvoyant à l'abolition des
privilèges aristocratiques liés à la naissance et à la diminution des écarts de fortune, à l'égalité
des droits, l'instabilité de la hiérarchie sociale, à la possibilité pour tous les citoyens de
participer au pouvoir politique, ou encore à un nivellement culturel par la généralisation de
l'accès à la culture et à l'éducation. La démocratie, et donc le mouvement historique vers cette
égalité des conditions, est considérée par Tocqueville comme « universelle » et inéluctable, et
à ce titre, comme « providentielle »[27]
Pour autant, il croit pouvoir y déceler une certaine tendance contre laquelle il cherche à mettre
en garde : le désir d'égalité qui imprègne les individus vivant en démocratie conduirait à
consentir à une restriction de la liberté, et de manière générale à perdre le goût et l'esprit de la
liberté. L'individu tendrait ainsi à se soumettre au groupe par l'effet de la centralisation des
pouvoirs, l'essor du bien-être matériel ou encore le nivellement des hiérarchies sociales – la
démocratie produisant ainsi un conformisme des opinions. Ainsi, Tocqueville craint une
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tyrannie de la majorité, l'individu tendant à abdiquer sa volonté personnelle au profit de
l’État[28]
, et la majorité pouvant opprimer la minorité[29]
. Néanmoins, il s'agit là de risques
qu'il serait possible de prévenir : l'égalité pourrait s'associer à la liberté grâce à une certaine
décentralisation des pouvoirs administratifs, en d'autres termes par l'existence d'institutions
intermédiaires (associations, town-meeting) par lesquelles les individus, pouvant directement
participer à certaines décisions, seraient responsabilisés et entretiendraient ainsi un esprit de
liberté. Tocqueville estime aussi que la liberté de la presse constitue un moyen puissant pour
préserver la liberté des menaces que ferait peser sur elle le désir d'égalité, affirmant que « la
presse est, par excellence, l'instrument démocratique de la liberté », et qu'« elle seule [la
liberté de la presse] guérit la plupart des maux que l'égalité peu produire »[30]
.
C- La notion de démocratie dans la pensée contemporaine
1- Karl Popper, la société ouverte
Karl Popper définit la démocratie par opposition à la dictature ou tyrannie, notamment dans
son ouvrage La société ouverte et ses ennemis[31]
. Ainsi, une démocratie est un système dans
lequel est instauré un « contrôle institutionnel des dirigeants ». Selon cette théorie, le peuple
exerce une influence sur les actes de ses dirigeants et il a le pouvoir de se débarrasser des
gouvernants sans effusion de sang. Il a le pouvoir de juger les actions politiques qui sont
mises en œuvre. Ainsi la question politique traditionnelle « qui doit gouverner ? » ne
permettrait pas de définir correctement la démocratie. En effet, une société ouverte donne au
peuple, non pas la possibilité de gouverner (Popper estimant impossible que tous les individus
d'un peuple donné gouvernent en même temps), mais la possibilité de contrôler et d'évincer
ceux à qui on a délégué une responsabilité collective. Cette théorie "« n'oblige nullement à
tenir pour bonnes les décisions de la majorité » car ce qui importe alors ce sont les institutions
et une tradition d'esprit critique. Ainsi le problème que tente de résoudre un régime
démocratique consiste à trouver et à tester les institutions qui permettent d'éviter les abus de
pouvoir. Donc l'important dans une démocratie ne serait pas de savoir qui va gouverner (les
capitalistes, les ouvriers, les meilleurs, les plus sages…), mais de savoir comment on peut
surveiller ou évincer les dirigeants sans avoir besoin de faire une révolution. Popper fait
remonter cette conception de la démocratie à Périclès qui dans un discours célèbre[32]
formula
l'idée suivante : bien que peu d'hommes sont capables d'imaginer des politiques plausibles,
tous les hommes sont à même de juger un programme politique et les conséquences de sa
mise en application. Donc la démocratie donne aux citoyens non pas le pouvoir de gouverner,
mais le pouvoir de juger. Cette définition permet en outre d'être appliquée à d'autres domaines
que la politique.
2. Castoriadis, le projet d’autonomie
L'idée de démocratie est centrale dans la philosophie et la pensée politique de Cornelius
Castoriadis. Critique sévère des régimes représentatifs, qu'il considère comme des oligarchies
au sein desquelles le peuple n'a aucun véritable pouvoir, il n'y a pour lui de démocratie que
directe. Celle-ci, qu'il conçoit plus ou moins tel un synonyme du projet d'autonomie qu'il
développe tout au long de son œuvre, doit selon lui être le régime de la liberté (individuelle et
collective) et de l'égalité (politique et économique).
Sous l'angle des institutions politiques au sens strict, elle réclame notamment la participation
de tous aux décisions qui les concernent, la révocabilité de tous ceux qui sont élus pour
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accomplir un mandat défini par les citoyens, ou encore une séparation et articulation des
sphères politiques (« publique-publique », ekklesia), publique-privé (agora), et privé (oikos).
Sous l'angle économique, la démocratie implique à ses yeux l'autogestion de la production par
les producteurs (travailleurs), ainsi qu'une égalité économique concrète (égalité des revenus),
considérant que toute inégalité économique se répercute comme inégalité politique.
Enfin, sous l'angle culturel, la démocratie se doit d'être un régime qui place l'éducation
(paedeia) au centre de ces préoccupations, en vue de former des citoyens à même de réfléchir
par eux-mêmes, et par suite de prendre des décisions librement. Une véritable démocratie
implique aussi à ses yeux un « imaginaire social » particulier, qui par opposition à ceux des
sociétés traditionnelles, religieuses ou capitalistes[33]
, se reconnaît comme l'unique source des
normes et lois sociales qui les régissent, et donc refuse aussi bien toute idée de transcendance
que celle de déterminisme, historique ou économique. Ces points de vue reposent sur une
conception des sociétés humaines comme processus d'autocréation, d'où découle notamment
l'idée qu'il ne saurait y avoir d'experts de la politique, autrement dit que nul ne peut prétendre
détenir la véritable notion de ce qu'est la justice, celle-ci étant une création humaine devant
s'appuyer sur le raisonnement et la délibération pour être établie, et pour être continuellement
interrogée.
3. Claude Lefort : démocratie, régime de l'indétermination et de la division assumée
Claude Lefort, qui définit la démocratie par opposition au totalitarisme, défend l'idée que le
régime démocratique est celui de l'incertitude et de l'indétermination[34]
, et à ce titre, le régime
qui se « caractérise essentiellement par la fécondité du conflit », en ce qu'elle « assume la
division » résultant justement de la perte des certitudes concernant les fondements du pouvoir
et de la loi[35]
. En ce sens, la démocratie correspond à une forme de société qui a rompu avec
la fascination de l'unité du corps social. De plus, la démocratie se distingue selon lui des
autres formes de société en ce que le pouvoir y est devenu un « lieu vide », du fait de la non
permanence des représentants du pouvoir politique.
D'autres auteurs, telle Chantal Mouffe, ont par la suite repris cette conception de la
démocratie comme indissociable d'une institutionnalisation du conflit entre les différents
intérêts divergents des membres de la société.
4. Définition de la démocratie par Paul Ricœur
« Est démocratique, une société qui se reconnaît divisée, c’est-à-dire traversée par des
contradictions d’intérêt et qui se fixe comme modalité, d’associer à parts égales, chaque
citoyen dans l’expression de ces contradictions, l’analyse de ces contradictions et la mise en
délibération de ces contradictions, en vue d’arriver à un arbitrage. »
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BIBLIOGRAPHIE
-La démocratie athénienne,
http://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9mocratie_ath%C3%A9nienne
-« Démocratie populaire »,
http://www.toupie.org/Dictionnaire/Democratie_populaire.htm
-« Démocratie libérale », http://www.toupie.org/Dictionnaire/Democratie_liberale.htm
-« Les principes de la démocratie », http://www.cap-
concours.fr/enseignement/preparer-les-concours/concours-de-crpe/les-
principes-de-la-democratie-mas_civ_03