L’engagement des jeunes en politique. Constats et réflexions

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1. Constats

1.1. En Europe

Selon l’Eurobaromètre sur les jeunes (2007)1, les jeunes Européens se disent en majorité très intéressés ou intéressés par la politique et l’actualité : 82% s’intéressent à la politique de leur pays, 73% à la politique à l’échelon de la ville ou de la région et 66% à la politique et à l’actualité au niveau communautaire. Les jeunes Grecs montrent l’intérêt le plus élevé pour la politique et l’actualité à tous les niveaux, l’intérêt le plus bas pour la politique en général étant observé chez les jeunes Roumains, Belges et Tchèques.

Les jeunes plus âgés et ayant un niveau d’instruction élevé, ainsi que les jeunes vivant en région urbaine, sont les plus intéressés par la politique à tous les niveaux.

Les jeunes Européens accordent une grande importance au fait d’être consultés avant toute décision publique les concernant. Néanmoins, les organisations, associations et clubs sont peu attirants pour les jeunes de l’UE, puisqu’un peu moins d’un cinquième (22%) indique être engagé actuellement au sein d’une organisation. Sur ce nombre, ils ne sont plus que 5% à militer dans un parti politique.

Dans tous les Etats membres, un nombre élevé de jeunes Européens (29%) estime que la participation à des débats avec des responsables politiques constitue l’action politique la plus importante pour se faire entendre, bien plus que la participation à une manifestation ou la signature d’une pétition. Plus d’un tiers envisage néanmoins une forme d’engagement plus permanent dans la démocratie participative — adhésion à un parti politique (16%), à un syndicat (11%) ou à une ONG (11%).

2.2. En Belgique francophone

Si l’enquête européenne semble prouver combien les jeunes s’intéressent à la politique, il reste que les jeunes Belges marquent l’exception. D’après un sondage réalisé par l’ULG et Dedicated Resarch relayé dans Le Soir2, deux jeunes sur trois de 18 à 21 ans s’intéressent peu ou pas du tout à la politique, même si près de 9 jeunes sur 10 (86%) pensent que voter est utile ou très utile. Plus encore : voter est un droit (38,9%), une chance (30,2%), un devoir (24,5%) ou encore une corvée (6,5%). Or, ce désintérêt des jeunes pour la politique n'est pas neuf, d'autres études antérieures ayant déjà dessiné la tendance. « C'est la politique partisane qui est clairement sanctionnée », analyse Bernard Fournier (ULg). Et malgré leur désintérêt, les jeunes se déclarent majoritairement (58%) concernés par les décisions prises par ceux qui les dirigent. Dans cette enquête, une courte majorité de jeunes ont une image positive des hommes politiques : 51% refusent de soutenir l’idée selon laquelle « la plupart d’entre eux sont corrompus » et 55% sont convaincus qu’ils « cherchent à améliorer la société ». Par ailleurs, le web — blogs, e-mails, réseaux sociaux — est peu utilisé par les jeunes pour s’informer sur les programmes et hommes politiques. Parmi les 18-21 ans, c’est ECOLO qui recueille la préférence. Ils sont 33% à se sentir proches des Verts, contre 27,4% pour le PS, 23,5% pour le MR et seulement 1,4% pour le CDH.

Dans un article posté sur le site de vulgarisation scientifique de l’ULg3, deux enquêtes de Bernard Fournier – menées en 1990 et 2007 dans des établissements d’enseignement secondaire de Liège

1  Principaux résultats de l’enquête Eurobaromètre sur les jeunes en 2007, Luxembourg, Office des publications officielles des Communautés européennes, 2007.2  Le Soir du 19 mai 2009. Le sondage a été réalisé auprès de 600 francophones de 18 à 21 ans avec une marge d'erreur de 4%.3  Réflexions, source de savoir → http://reflexions.ulg.ac.be/cms.

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– révèlent que l’engagement politique chez les jeunes a toujours été le fait d’une minorité. C’était vrai dans les années 1960, ce l’est encore aujourd’hui. Néanmoins, cette frilosité du plus grand nombre ne signifie nullement le désintérêt pour des causes humanitaires.

Entre 1990 et 2007, l’intérêt déclaré pour la politique est néanmoins une valeur en hausse contrairement à ce que l’on pourrait croire. En 1990, 18% des élèves entre 16 et 18 ans interrogés se disaient beaucoup ou assez intéressés à la politique ; ils sont 33% dans le même cas en 2007. La progression est sensible certes, mais on est loin d’observer une motivation massive dans la génération montante.

Intéressés ou non, les jeunes interrogés par Bernard Fournier n’hésitent cependant pas à faire part de leur préférence partisane. En 2007, le PS arrive largement en tête (33%) devant ECOLO (19%), le MR (17%) et le CDH (10%). Ces chiffres ne doivent pas masquer une autre réalité, à savoir que partis politiques et candidats élus sont loin d’avoir la cote chez les plus jeunes: 78% ne font plutôt pas confiance aux partis politiques et 75% plutôt pas confiance aux élus.

A près de 20 ans de distance, les deux enquêtes confirment une impression largement partagée, à savoir que l’intérêt pour la politique – politicienne surtout

– est limité chez les jeunes. Par contre, quand on leur demande s’ils aimeraient faire partie de mouvements écologistes, pacifistes ou altermondialistes, la tendance est à la hausse : pas moins de 60% aimeraient y adhérer ou en sont déjà membres. Le même potentiel d’action politique se dégage des réponses à la question «Je serais prêt à faire partie d’un groupe ou d’une association

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pour défendre les idées auxquelles je crois» : le tiers des interrogés se disent tout à fait d’accord avec cette perspective. Cependant, certaines structures sont franchement répulsives: les syndicats, les partis politiques et même les associations étudiantes.

Pour conclusion, on est bien obligé de constater que la participation effective à la chose publique reste un phénomène minoritaire, tant chez les adultes que chez les jeunes, et ce quelles que soient les époques. On n’en veut pour preuve que ces recherches menées dans les années 1960 et qui, toutes, ont fait prendre conscience que seulement 5 à 10 % des jeunes faisaient montre d’un engagement réel dans la cité.

2. Quelquesréflexionssurl’engagementdesjeunes

2.1. Approche sociétale

Dans le contexte actuel, on se pose toujours la question : les jeunes et la politique, y a-t-il un intérêt ? François Mitterrand définissait la place des jeunes dans une société politique comme suit : « Si la jeunesse n’a pas toujours raison, la société qui la méconnaît et qui la frappe a toujours tort ». Pour Giorgi Dimitrov, « la jeunesse surtout exprime l’élément social de la lutte politique et de tout heurt par son cœur, par ses émotions, par la flamme de son idéalisme juvénile ». Cela dit, les jeunes ont un rôle clef à jouer dans la politique. Si l'implication des jeunes en politique pose problème, il convient avant toute chose de prendre en compte certains facteurs comme l'influence toujours dominante de la famille dont notamment la filiation politique, la dissociation du monde politique avec le monde associatif qui attire davantage les jeunes et les effets du temps lui-même sur la constitution de l'expérience politique : les choix évoluent avec le temps, l'orientation des études, le choix des carrières professionnelles.

Lors d’un café-débat organisé en 20094 , les Jeunes Démocrates français avaient ciblé quatre raisons pouvant expliquer le désintérêt des jeunes pour la politique :

• le faible niveau de connaissance politique : les jeunes sont de moins en moins éveillés à la politique. Et il ne semble pas falloir compter sur l’école pour susciter l’intérêt des jeunes pour la politique. Par ailleurs, le fossé qui existe entre la classe politique et les jeunes explique en partie ce faible niveau. Les partis politiques ne communiquent pas ou peu à destination des jeunes : on n'explique pas aux jeunes ce qu'est la politique et à quoi elle sert.• le discours politique : Il pose deux problèmes, sur le fond et sur la forme. Sur le fond, les jeunes ont le sentiment que les sujets traités par les politiques sont loin de leurs préoccupations et ne se sentent pas vraiment concernés par le discours véhiculé par les différents partis. Sur la forme, le langage ne semble pas adapté aux jeunes. Les réponses formulées par les hommes politiques aux questions qui leur sont posées se traduisent par de longues phrases, parfois peu compréhensibles. L'absence de réponse claire rend le discours trop compliqué et démotive les jeunes qui auraient pu commencer à s'intéresser à la politique.• un rapport lointain entre les jeunes et la politique : les femmes ou hommes politiques sont souvent âgé(e)s et n'ont que peu de réels contacts avec l’univers des jeunes. Les politiques ne seraient donc pas en mesure de comprendre les préoccupations de ceux-ci si bien qu’ils ne peuvent s'identifier aux hommes politiques qui sont censés les représenter. Ce rapport lointain s'explique aussi par une vision néfaste qu'ont les jeunes des hommes politiques.• unmanquedeprojetsréels: les mesures prises en faveur des jeunes ne vont pas suffisamment loin. Ce manque de projets concrets peut être compris comme le reflet d'une jeunesse qui a perdu espoir dans l'avenir. À l'heure actuelle, les jeunes pensent et imaginent leur avenir sur du court

4  → http://www.jeunesdemocrates92.fr

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terme et non sur du long terme. Ce phénomène provient certainement d'un manque de projet de société plus global.

Comme le signale Jean-Claude Richez5, il y a dans le discours que tient notre société autour de l’engagement des jeunes un véritable paradoxe. D’un côté, le discours sur les jeunes qui ne veulent plus militer, qui ne s’engagent plus, qui refusent de prendre des responsabilités dans les associations, de l’autre, incontestablement une forte mobilisation des jeunes autour des sujets les plus variés, des JMJ au mouvement alter mondialiste pour ne retenir que les deux formes les plus spectaculaires ces dernières années. Aujourd’hui, les jeunes s’engagent, mais autrement. Cette donnée nouvelle reste difficile à saisir, notamment parce que nous restons très largement prisonniers d’une conception de l’engagement qui privilégie, voire réduit, l’engagement à l’engagement politique et, de façon déjà plus accessoire, à l’engagement syndical et associatif au détriment d’autres formes d’engagement. Rappelons pour mémoire que s’engager, c’est se lier par une promesse ou une convention, et, qu’avant de s’engager en politique, on s’engageait dans l’armée... ou dans les ordres.

Sondages, enquêtes d’opinions donnent tous des résultats convergents, mettant en évidence la désaffection des jeunes par rapport aux formes classiques de l’engagement et en particulier à l’engagement politique. Or, le désintérêt prononcé par rapport à l’engagement politique dans ses formes classiques n’est pas nécessairement désintérêt pour le politique. Ces éléments sont à rapprocher d’autres phénomènes. Très spectaculaire, le mouvement alter mondialiste, qui est essentiellement un mouvement de jeunes. Plus discrète, la multiplication des instances de participation des jeunes sous des dénominations variées et dans des logiques institutionnelles différentes qui depuis plusieurs années connaissent un succès jamais démenti : conseils de jeunes, conseils municipaux d’enfants et de jeunes, conseils de la jeunesse, conseils, forums jeunes... Peu élevé est le nombre des jeunes qui se disent prêts à adhérer à une association, mais nombre d’entre elles constatent chaque jour la capacité qu’ont les jeunes à s’engager ponctuellement aussi bien dans des associations de fait à caractère très local qu’autour d’initiatives de structures plus lourdes.

Toujours dans le même ordre d’idée, un certain nombre d’enquêtes mettent en évidence une forte demande de la part des jeunes, en termes de compréhension du monde dans lequel ils vivent, pour mieux comprendre les événements dont parle l’actualité, ainsi que pour débattre des problèmes de société qui les préoccupent. Bernard Roudet, chercheur à l’INJEP, souligne de son côté l’importance de l’engagement des jeunes dans la sphère culturelle et sportive, évolution d’ailleurs comparable à celle que l’on observe chez les adultes. « Jeunes et adultes, écrit-il, adhèrent aujourd’hui essentiellement à des associations de défense sportives et culturelles, tandis que l’appartenance à des associations de défense d’intérêts collectifs diminue. Le militantisme cède la place à d’autres formes de participation active, dont témoigne le développement de l’action bénévole. Marquée par le renforcement des valeurs d’individualisation, l’appartenance associative, qui d’ailleurs ne s’accroît plus en France depuis une dizaine d’années, apparaît davantage centrée sur l’accomplissement personnel, voire les relations interpersonnelles et la sociabilité amicale ». Dans cette logique, nous comprenons mieux pourquoi les sphères sportives et culturelles apparaissent comme autant de lieux privilégiés de socialisation des jeunes.

Enfin, un article publié par La Libre en 2003 propose des constats et réflexions additionnelles. Ce dernier est en annexe.

5  Jean-Claude Richez, « Les Cahiers de l’Action »,  n°1 dans Des ressources pour l’engagement et la participation et des jeunes », Paris, Injep, mars 2005.

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2.2. Approche sociologique

L’engagement politique des jeunes, à l’instar de leurs aînés, revêt des formes diverses. Et pas forcement là où on l’attend... L’engagement des jeunes n’existe pas, n’est-ce pas ? C’est bien ce qui est en permanence distillé au sujet de cette tranche de la population. Grossièrement, on pense que les jeunes sont des délinquants, ont des accidents de voiture, squattent le bas des immeubles, ne votent pas aux élections, et investissent de temps à autres les rues de nos villes si tranquilles pour gesticuler et crier quelques slogans bien sentis. Autant de qualifications de la jeunesse qui renvoient à des réalités mais en occultent bien d’autres, en particulier leurs modes de participation à la vie politique et sociale. Ainsi, il semble difficile dans notre société d’appréhender cette question sans susciter des réactions. La plupart du temps, les aînés doutent et, plutôt que de s’inquiéter de l’état général de la démocratie, du comportement de leurs pairs, voire de leur propre engagement, ils se focalisent sur les attitudes des jeunes et transfèrent sur eux bien des problèmes.

Les jeunes s’engagent ?...Pourtantàl’instardurestedelapopulation, lesjeuness’engagent. Mais que recouvre une telle affirmation ? De toute évidence des pratiques très variées et très dispersées, ce qui rend délicate leur appréhension dans des ensembles précis. De plus, les enquêtes restent limitées et ne permettent pas encore d’avoir une vision globale de leurs modalités de participation. Essayons pourtant d’y mettre un peu d’ordre.

Premièrement, il y a tout ce qui relève de l’expérience politique. En fait ce qui semble caractériser le rapport des jeunes au champ politique, c’est leur difficulté à y trouver leurs marques sur l’échiquier politique. Le brouillage des repères politiques a un effet réel sur leur participation aux échéances électorales. Par contre, ils ont un usage généreux des formes protestataires d’action collective, en particulier la manifestation.

Deuxièmement, il y a toutcequi relèvede l’engagementdans lescorps intermédiaires, à savoir les associations, les syndicats et les partis politiques. Globalement, les syndicats et les partis politiques remportent peu de succès auprès des jeunes, seul 1% des 18-29 ans étant adhérent des seconds. Par contre les associations attirent une proportion non négligeable de jeunes. 23% d’entre eux sont membres d’une association sportive ou de loisirs, 7% d’une association culturelle et 3% d’une association charitable. Parmi eux, se rencontrent des jeunes qui consacrent du temps à la vie de l’organisation, voire prennent des responsabilité en leur sein. Ainsi, 22% des 18-29 ans sont bénévoles dans une association. Les associations précitées accueillent la majorité d’entre eux : 8% dans les associations sportives et de loisirs, 5% dans les associations culturelles et 2% dans les associations charitables.

Troisièmement, une proportion non négligeable mais difficilement évaluable de jeuness’investissent dans des dispositifs proposés par les pouvoirs publics à différents niveaux du territoire (les conseils de jeunes) et dans des projets ponctuels.

Trois constats rapides pourmettre en évidence que les jeunes sont bien présents dansl’espace public. D’ailleurs, ils le sont selon des modalités assez proches de leurs aînés, les écarts entre les jeunes et les autres n’étant, selon les pratiques, pas aussi importants que nos représentations nous le laissent croire.

...oui ! mais comment ?Si leurs contributions à l’espace public diffèrent tant en intensité qu’en nature, elles reflètent une certaine conception de l’engagement dont les contours peuvent être brièvement décrits. Ils ont tendance à opter pour des modalités d’action privilégiant la lisibilité des valeurs défendues et des actions engagées, fuyant volontiers les logiques d’alliance qui animent à leurs yeux la vie des

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partis politiques, l’efficacité du travail entrepris, doutant de l’intérêt des discussions sans fin sans pour autant rejeter l’idée de débattre, et la visibilité des projets réalisés, permettant un ancrage de la participation dans la réalité quotidienne. Ils développent une exigence vis-à-vis des personnes auprès desquelles ils s’engagent et des organisations qu’ils investissent. Cette exigence n’est pas celle de consommateurs capricieux mais témoigne d’un sentiment de s’exposer, de prendre des risques, de faire des choix en adhérant, en devenant bénévole, militant ou volontaire.

Touteladifficultépoureuxrésidedanslapossibilitédetrouverdesespacesquiaccueilleleurélansanslesenfermerdansdesformesquimettentdecôtétoutlefouillisqu’ilsportenten eux.

2.3. Les défis de l’engagement

Selon Olivier Servais6, l’engagement fait référence à la participation à un monde fait de valeurs et à la transmission de celles-ci. Cela est d’autant plus important que l’on doit faire le constat d’une transformation accélérée de notre société au cours de ces dernières années : l’émergence de l’individualisme, la fin de l’application de principes d’autorités supérieures, le raccourcissement de la temporalité, la redéfinition de la notion de collectivité à partir du concept de réseau. Ces réseaux, en particulier, réaffirment l’importance de la qualité des relations, laquelle prime désormais sur la position prescrite par une organisation structurelle. Avec pour conséquence une crise de la hiérarchie et de l’institution. C’est ainsi que, paradoxalement, de nombreuses enquêtes mettent en avant aujourd’hui l’importance des proches (la famille et les amis, en particulier), alors que par ailleurs on assiste à une désaffiliation tant par rapport aux institutions que par rapport au politique. Empreints d’un certain anti-dogmatisme, d’un rejet de la logique d’autorité et d’un sens pragmatique certain, les gens ne croient plus aux grandes idéologies mais entretiennent ce souci de pouvoir concrètement travailler avec d’autres, ensemble. On a parlé à cet égard de la mutation des modes de militance.

Parallèlement à ces résultats, d’autres enquêtes voient également émerger la question du sens de l’engagement. Dans le cadre d’une mutation sociale telle que celle qui a été évoquée ci-dessus, il va de soi que les raisons qui président à l’engagement ont beaucoup changé elles aussi. Ainsi, les modes de régulation de l’engagement tel qu’il est vécu ne trouvent plus d’écho dans le modèle traditionnel du rapport à l’autorité. Par voie de conséquence, les conflits interpersonnels sont plus problématiques qu’auparavant : on a tendance à plus rapidement quitter un groupe dans lequel on éprouve des difficultés sur le plan relationnel, quitte à se réengager ailleurs, libre.

Les défis liés à cette transformation des modalités de l’engagement volontaire sont multiples pour le monde associatif, et ils sont importants. Le premier de tous s’ancre véritablement dans la notion de citoyenneté. De l’avis des partenaires des mouvements tels que l’école, les parents, les autres associations, veiller à une véritable citoyenneté face aux mutations de la société nous semble être un des enjeux fondamentaux auxquels les mouvements de jeunesse vont avoir à répondre.

Le second défi porte sur le multiculturalisme. Nous sommes certes dans des sociétés qui sont multiculturelles depuis longtemps, mais dans lesquelles la rencontre entre les cultures va probablement encore s’accroître. On se rend bien compte qu’il y a une difficulté au niveau des mouvements de jeunes à se situer dans cet environnement complexe et qui change rapidement. L’enjeu réside bien dans le développement d’un contact, d’une action, de projets qui peuvent faire le lien entre nos différentes cultures. A cet égard, un partenariat avec l’école et une complémentarité avec les autres associations qui travaillent déjà dans ce secteur s’imposent.

6  Olivier Servais, « L’engagement des jeunes, la participation et la transmission des valeurs. Documents d’analyse et de réflexion », Bruxelles, Centreavec, janvier 2008.

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Le troisième défi s’inscrit dans la foulée des transformations fortes de nos sociétés : il s’agit de pouvoir véritablement définir la fonction sociétale des mouvements de jeunesse. En effet, aujourd’hui, la famille n’a plus le rôle qu’elle avait hier et l’école — de même que d’autres institutions — est en crise. En tant que lieux tiers, les mouvements de jeunesse doivent clarifier la fonction qui leur incombe dans ce nouveau contexte social. S’il est important que la réponse émane des mouvements eux-mêmes, il sera utile de pouvoir la renégocier avec leurs partenaires : l’école, les familles et le politique.

Un quatrième défi, qui n’est pas sans lien avec celui qui précède, réside dans le changement d’image des mouvements de jeunesse. Ici, il s’agira d’opter pour un travail en partenariat avec les médias, desquels les mouvements de jeunesse ont parfois l’impression d’être pris pour cibles privilégiées. Plusieurs pistes concrètes peuvent également être évoquées dans la foulée des défis qui précèdent. La première découle de la nécessité, pour les associations, de jouer un rôle dans la relance d’une citoyenneté participative. La seconde, plus générale, porte sur la valorisation de l’engagement bénévole. Dans une société où la marchandisation devient une valeur de référence, où « Combien tu gagnes ? » et « Qu’est-ce que j’y gagne ? » deviennent des questions critérielles, la reconnaissance sociétale de la gratuité semble plus que jamais nécessaire. Il ne s’agit donc pas seulement de favoriser cet engagement par une reconnaissance verbalisée, mais bien par l’allocation de moyens, le soutien à la formation.

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Annexe 1 – Jeunes et politique, amour et répulsion7

« Les jeunes ne s'intéressent plus à la politique. » A chaque scrutin, ce leitmotiv désabusé revient dans les conversations de bistrot. Ce qui relève désormais du lieu commun repose cependant sur un évident fond de vérité, même si celle-ci mérite quelques (légères) nuances. « De manière générale, le taux d'affiliation à un parti politique est en déclin. Cette décrue se marque d'ailleurs plus dans des formations comme le CDH ou le PS, aussi parce qu'il s'agit de partis qui disposaient d'un réservoir important de militants. A l'inverse, un parti beaucoup plus récent comme Ecolo est en ascension, même si l'on observe de fortes variations annuelles », précise d'emblée Emilie Van Haute, jeune chercheuse au Centre d'étude de la vie politique (ULB). « Cette évolution à la baisse traverse tous les partis de masse, qui rencontrent les pires difficultés à capter les moins de 25 ans », confirme Benoît Rihoux, politologue à l'UCL. « La désaffection des plus jeunes pour les structures politiques trouve surtout son origine dans la prééminence d'autres organisations, comme l'engagement dans des mouvements associatifs. D'une part, les partis ne sont plus les seuls vecteurs d'idéologie. Et, d'autre part, les très jeunes sont plus intéressés par l'action, les jeux d'appareil ne les concernent pas », note Benoît Rihoux.

Parmi ces mouvements, celui des altermondialistes en aura séduit plus d'un. « Mais  les partis politiques et les mouvements altermondialistes ne sont pas vraiment concurrents. Il ne s'agit pas de démarches qui s'excluent.  Il  est  même  intéressant  d'observer  que  des  activistes  veulent  parfois  professionnaliser  leur démarche en adhérant à un parti politique », estime Emilie Van Haute.

Une analyse que partage Benoît Rihoux, qui relativise toutefois l’ampleur de ces “transferts”. « La proportion de ceux qui feront le pas vers un parti politique reste très minime par rapport à la masse des activistes. »

Reste que l’évolution des partis vers une plus grande “professionnalisation” n’est pas non plus étrangère au désintérêt croissant des jeunes. « Cette  professionnalisation  des  formations  politiques  a  entraîné  un recrutement  plus  ciblé  de  personnes  relativement  établies.  Les  “experts”,  d’une  certaine  manière,  ont supplanté les militants. Les partis s’écartent de cette manière des mouvements de masse de naguère, ceux des années 40 et 50. L’entretien d’une population de militants n’est plus l’objectif principal, nous assistons à l’accomplissement d’un nouveau modèle politique. Il ne faut cependant pas non plus idéaliser le système précédent, qui nourrissait déjà un certain clientélisme. Ceci dit, certains partis –¬comme le PS, par exemple¬– conservent une assise militante très forte, surtout localement », remarque Benoît Rihoux.

Et de poursuivre: «  Les  politologues  ont  étudié  cette  évolution,  qui  observent  qu’au  plus  les  partis  se professionnalisent en vue d’objectifs électoraux, au plus le rôle des “experts” prend l’ascendant sur celui des militants. C’est la fracture entre les “carriéristes” et les “croyants”. En réalité, les partis sont devenus des lieux où l’on peut trouver des possibilités de carrière, voire de métier. »

Cette évolution a toutefois ses limites. A un moment donné, l’élargissement de la base devient indispensable à la survie du parti. L’âge moyen des militants est en effet plutôt élevé en Belgique, qui oscille autour des 50-60 ans au sein du PS et du CDH, entre 40 et 45 ans pour le MR et 35 et 40 ans chez Ecolo. Ce qui explique en grande partie les opérations de séduction à l’égard notamment des femmes mais aussi des plus jeunes. « C’est surtout pour capter les jeunes que les partis ont créé les organisations de jeunesse, même si celles-ci se sont à leur tour professionnalisées pour devenir un lieu de transit obligé avant d’intégrer la structure », précise Benoît Rihoux.

Tous les partis disposent d’une organisation de jeunesse. «  Ces  organisations  servent  de  structure  de développement et de formation. Elles agissent bien sûr comme agent de relève puisqu’elles représentent un vivier potentiel des futurs cadres de demain. Mais les organisations politiques de jeunes sont aussi des relais très utiles, qui permettent d’“infiltrer” certains milieux” », note pour sa part Emilie Van Haute. Judith Bondeli-Botanda, 24 ans, fait partie des Jeunes MR : « Les responsables du parti m’encouragent pour que j’interpelle les autres  jeunes. J’ai moi-même une réelle envie d’attirer  les  jeunes en politique », explique-t-elle entre autres pour motiver son engagement. Aujourd’hui, en l’absence de chiffres précis, onestimecependantàplusoumoins10%lesjeunesdemoinsde30ansprésentslorsdecongrès,touspartisconfondus. A défaut d’une ventilation précise par âge d’adhésion, il apparaît que l’arrivée des “jeunes” en politique est

7  Article complet tiré de La Libre Belgique, 13 mai 2003.

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deplusenplusconcomitanteavecledébutdelavieactive,avecl’entréesurlemarchédutravail. « D’autres motivations se mêlent à des raisons d’ordre idéologique. Cela va de motifs inhérents à des relations interpersonnelles –¬les relations amicales ou encore le besoin d’appartenance à un groupe, par exemple– à des questions d’opportunité –voire d’opportunisme– de type professionnel », rapporte Emilie Van Haute. « C’est sûr que l’effet de cooptation joue en plein, les plus anciens offrent une carrière politique au “fils de” », renchérit Benoît Rihoux.

Reste que la désaffection des plus jeunes ne fait pas l’affaire des partis. Cela tient d’abord à des raisons douloureusement financières. Depuis la nouvelle loi sur le financement, les cotisations des membres valent de l’or; très logiquement, à nouveaux venus, nouveaux revenus. « Mais l’intérêt pour les jeunes se fait pressant aussi  pour des questions d’organisation. En période électorale,  le  porte-à-porte,  la  distribution de  tracts, l’affichage, etc., nécessite de la main d’œuvre. En général, ces tâches sont dévolues aux jeunes militants », explique Emilie Van Haute. Aujourd’hui, aucun parti ne peut vraiment se targuer d’un rajeunissement en profondeur de ses troupes, il n’en demeure pas moins qu’en règle générale le poids des militants s’est tassé. « Finalement, de nos  jours,  l’énergie militante compte moins qu’une bonne campagne médiatique, d’affichage, télévisuelle, un chef charismatique, etc. Un parti n’a plus besoin de millions d’adhérents pour remporter les élections. Bref, ce sont surtout les boîtes de communication qui peuvent faire la différence », estime Benoît Rihoux.

Autant de perspectives qui ne sont pas vraiment de nature à faire rêver de jeunes recrues. Les états-majors des partis l’ont bien compris qui consacrent désormais une attention toute particulière aux plus jeunes. Une évolution initiée en réalité par une démarche globale visant à remettre en valeur les adhérents, tous âges confondus. Ce qui concrètement s’est traduit par de grandes opérations de démocratisation interne, de participation plus étroite aux décisions, avec pour symbole parmi les plus spectaculaires l’élection directe du président de parti.

Où comment encore regonfler le moral des troupes en organisant des séminaires très pointus et autres universités d’été. Les signes “extérieurs” font aussi l’objet d’un ravalement: les logos changent et les sites Internet s’affirment comme vitrine désormais incontournable. Cette prise de conscience s’accompagne aussi d’un souci constant d’assurer la relève.

Les formations politiques sont prêtes aujourd’hui à adopter des mesures volontaristes pour favoriser les nouveaux talents. «  Certains  partis  encouragent  désormais  activement  les  jeunes,  en  les  plaçant systématiquement sur leurs listes électorales », souligne un membre éminent d’un parti francophone belge. « Même si cela n’est pas toujours évident pour les anciens, cette politique de promotion des jeunes constitue un outil efficace d’intégration. » Mais les jeunes sont-ils vraiment sensibles à ces changements cosmétiques ? Autrement dit, la politique ne reste-t-elle pas encore et toujours une affaire d’affinités personnelles, indépendamment de l’âge, du sexe, de l’origine ethnique ? « Je me suis intéressé à la politique au cours des élections de 1999, je voulais comprendre les institutions belge », annonce Vincent Defraiteur, 20 ans, secrétaire fédéral des jeunes socialistes du Brabant wallon. « Mon tempérament étant ce qu’il est, je savais que je risquais de faire mes premiers pas en politique pour pouvoir m’impliquer plus. Mais la politique, c’est le fruit d’une proposition. On ne se lève pas le matin en décidant qu’on va faire de la politique. La possibilité de devenir candidat doit venir du parti », explique-t-il.

Estelle, 20 ans, étudiante, se révèle nettement plus réservée. « Je ne suis pas dupe. Les élus promettent monts et merveilles, et n’en appliquent pas  le quart du  tiers. » Pour les sociologues, les jeunes ne sont pas vraiment dépolitisés. « Plus  informés,  ils sont en  réalité plus critiques et plus exigeants à  l’égard de la classe politique. Souvent pessimistes, ils expriment un désenchantement qui reflète avant tout celui de leurs parents. Réalistes,  ils n’ont pas rangé leurs  illusions et sont en demande de politique. Ils cherchent à restaurer les valeurs d’engagement au travers d’actions concrètes, non différées et donc efficaces. S’ils votent moins que leurs aînés, ils se mobilisent dans le cadre d’actions collectives et interviennent souvent de  façon  spectaculaire  sur  la  scène  publique.  Enfin  leur  rapport  à  la  politique,  loin  d’être  univoque,  est socialement  diversifié  et  révèle  fractures  et  dysfonctionnements  dans  la  société  », analyse Anne Muxel, sociologue au CNRS.

Tout le monde se souvient du formidable élan des jeunes lycéens au lendemain du premier tour des présidentielles françaises qui avait vu le candidat d’extrême droite, Jean-Marie Le Pen¬ en lice pour l’Elysée.

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Un an plus tard, que reste-t-il de cette mobilisation sans précédent? La ferveur des récentes manifestations –¬ que ce soit contre la guerre en Irak ou encore le Front national ¬– révèle pourtant que les jeunes possèdent bel et bien une conscience politique qui leur est propre.

L’implication des jeunes dans la vie de la cité –¬sachant que l’affirmation d’une conscience politique ne se limite plus à l’adhésion à un parti ou à une idéologie– se caractérise désormais par l’exercice de la citoyenneté, aussi bien dans les domaines culturel, socio-éducatif, humanitaire qu’artistique.

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Annexe 2 – L’intérêt politique des jeunes Belges francophones8

Les recherches sur l’intérêt politique des jeunes ont été nombreuses au cours des dernières années. Encore tout récemment, une vaste recherche indique que le tiers des jeunes de 16 à 21 ans en Belgique francophone (Wallonie et Bruxelles) se disent beaucoup ou assez intéressés à la politique. Parmi les questions posées dans les enquêtes depuis quelques années, l’idée d’abaisser l’âge du droit de vote à 16 ans est un peu particulière. Même si un débat important a eu lieu en Autriche il y a quelque temps – où le seuil de 16 ans a finalement été adopté, cette question n’est pas réellement à l’ordre du jour dans les démocraties occidentales. Il faut dire qu’aucune majorité ne se dégage également chez les jeunes sur cette question – dans une enquête effectuée auprès des jeunes de 16 à 18 ans à Liège en 2007, seulement 25 % des répondants se disaient d’accord avec l’idée.

Ce que l’on remarque d’abord, c’est un grand attachement au vote en général. Ainsi, 88 % des répondants jugent très ou assez utile de voter. Plus des trois quarts ne pensent pas que « lors des élections, il y a tant de personnes qui émettent leur vote que le mien ne compte pas ». Et lorsqu’on leur demande si le vote est un droit, un devoir, une chance ou une corvée, seulement 3 % choisissent la dernière option. Faut-il y voir une socialisation particulière, dans un pays où le vote est obligatoire ? Les deux tiers pensent que cette obligation doit être maintenue.

Quant aux questions permettant de mettre en contexte la question du vote à 16 ans, on perçoit bien, dans les réponses, la cohérence avec la position de refus de l’abaissement. Ainsi, comme le montre le tableau I, seulement le quart des répondants croit que les jeunes sont assez matures pour voter à 16 ans et 88 %, que les jeunes de 16 ans ne connaissent pas assez la politique pour voter. La moitié pense qu’ils ne feraient que voter comme leurs parents. Par contre, près des deux tiers croit que les jeunes s’intéresseraient davantage à la politique en votant à 16 ans et 60 %, que les partis politiques prendraient plus en compte les intérêts des jeunes.

Tableau IOpinionssurlescapacitésdudroitdevoteà16ans(tempsT1)

(Liège,2009)

Tout à fait / plutôt d’accord Les jeunes sont assez matures pour voter à 16 ans. 24 À 16 ans, les jeunes voteraient comme leurs parents. 52 La maturité d’une personne ne dépend pas de son âge. 76 Les jeunes s’intéresseraient davantage à la politique en votant à 16 ans. 61 À 16 ans, les jeunes ne connaissent pas assez la politique pour voter. 88 Beaucoup d’adultes n’ont pas un plus grand intérêt pour la politique qu'un jeune de 16 ans. 58 Voter à 16 ans permettrait de responsabiliser davantage les jeunes. 64 À 16 ans, on est moins responsable qu’à 18 ans. 22 Les partis politiques prendraient plus en compte les intérêts des jeunes s'ils votaient plus tôt. 60

  Source : Recherche sur le droit de vote à 16 ans (N = 97).

8  Digest tiré de Bernard Fournier et alii, « L’intérêt des jeunes Belges francophones mesuré à l’aune d’un processus de discussion », Colloque annuel de la Société québécoise de science politique, Université d’Ottawa, 28 mai 2009.

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De manière synthétique, le Tableau II reprend les différents arguments qui ont été présentés en faveur et contre l’idée d’abaisser le droit de vote à 16 ans. Globalement, il nous semble que trois arguments principaux – tous en défaveur de l’abaissement à 16 ans – ont été repris : premièrement, beaucoup de jeunes ont été marqués (si l’on en croit les réactions de l’auditoire) par l’idée qu’accorder le droit de vote à 16 ans pouvait signifier (ou même signifiait automatiquement) l’abaissement de la majorité pénale à 16 ans ; deuxièmement, il a été remarqué que le seul pays européen à avoir généralisé le vote à 16 ans est aussi un pays, l’Autriche, fortement marqué par les mouvements d’extrême-droite ; troisièmement, la grande majorité des intervenants – et des jeunes eux-mêmes – on insisté sur le fait qu’un jeune de 16 ans ne posséderait pas encore les connaissances politiques, la maturité politique aussi, pour pouvoir voter – ce dernier argument appelant tout de suite à une soif d’informations chez les jeunes (et non un désintérêt), certains allant même jusqu’à réclamer des cours de politique (ce qui n’est pas dans leur programme). Ces trois arguments, fortement énoncés dans le débat, allaient dans le sens du statu quo, alors que ceux en faveur de l’abaissement, proposés par le jeune représentant du parti écologiste, ne semblaient pas faire le poids.

Tableau IIArgumentsdéveloppésparlesintervenantslorsdelajournéededébatsetdediscussions

(Liège,2009)

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Annexe 3 – La politique expliquée par les jeunes9

Pour connaître de près le point de vue des jeunes et en même temps leur céder la parole, ITECO (Centre de formation pour le développement et la solidarité internationale), a ainsi publié en juin 2009 sur le site d’ITECO quelques questions ouvertes. Après avoir récolté les réponses ITECO est passé à l’analyse ces données. Voici donc une synthèse des réponses de cinquante jeunes Belges et Français à la question du rapport entre les jeunes et la politique.

Lemondedanslequelvivrontvosenfantssera-t-ilmeilleurqueceluidanslequelnousvivonsà présent ?

A peine 10 % des réponses sont affirmatives. La grande majorité (84 %) donne une réponse négative (42 %) ou mitigée (42 %). La tendance est donc ouvertement au pessimisme. Et les raisons de cette inquiétude se trouvent majoritairement du côté de la menace environnementale et surtout dans le manque ou l’insuffisance de réponse politique à celle-ci. « Je crois que la Terre ira moins bien qu’aujourd’hui car nous ne faisons pas grand-chose pour réduire notre empreinte écologique » est une réponse qui résume assez bien le point de vue pessimiste. La disparition de la biodiversité, les OGM, l’alimentation industrielle et le réchauffement climatique sont des réalités qui poussent au pessimisme. Sur un autre plan, la réduction des droits sociaux, « l’argent roi » et la détérioration de la qualité des rapports humains malgré les nouvelles technologies de l’information (ou à cause de celles-ci) sont aussi cités en tant que questions qui poussent à porter un regard sombre sur l’avenir. Parmi les réponses mitigées, cette formule-ci résume bien la teneur, le pessimisme malgré tout confiant des jeunes : « Meilleur, je n’y crois pas… Moins pire, je l’espère ».

Lesjeunespeuvent-ilschangerlasociété(ettrouveruneplace)?

Le pessimisme contenu dans la première réponse est contré par la réaction à la deuxième question : trois quarts (74 %) des répondants affirment que la possibilité de changement portée par les jeunes est bien réelle. Ceux qui n’y croient pas par contre sont à peine un petit 8 %. Entre les deux, 18 % croient que les jeunes peuvent changer la réalité si on leur laisse une place, si on leur donne des clés pour comprendre. « D’autres ont essayé avant et ne sont pas arrivés » est un autre argument avancé pour douter du changement porté par les jeunes. Certains font valoir aussi qu’à présent la démographie ne joue pas en faveur des jeunes. « Difficile de changer le message si ce sont toujours les mêmes qui tiennent le micro ». Et puis, la jeunesse elle aussi doit faire face à ses propres contraintes.

A travers quelles actions ?

A la question concernant les actions à mener pour changer la société, celles-ci seraient principalement : le développement associatif, la solidarité, l’action collective (33 %), le changement des modes de vie et de consommation (21 %), la sensibilisation et l’éducation (17 %), le militantisme politique (11%), la citoyenneté — et notamment l’exercice du droit de vote (6 %), le travail (6 %), les manifestations (5 %). A noter que seulement une personne a répondu que l’action syndicale est une voie pour changer la société.

Voussentez-vousformépourvousinvestirdansl’actionpolitique?

A cette question, les jeunes répondent non à une grande majorité (62 %). Les autres se divisent entre ceux qui se croient suffisamment formés pour s’investir en politique (19 %) et ceux qui avancent une réponse nuancée. Parmi les arguments de ces derniers il y a le fait qu’ils ne se sentent pas de taille à affronter les « grandes gueules » de la partitocratie, à mener des rudes négociations et avoir une vision large et stratégique pour mener des politiques publiques, à travailler 12 heures par jour, à parler en public. D’une manière générale le terrain politique est perçu comme une arène âpre, sans pitié même, où il n’y a pas ou peu de place pour des rapports amicaux et où il faut assumer des manières tranchantes.

9  Antonio de la Fuente, « David, Manu, Marie et les autres. La politique expliquée par les jeunes » → http://www.iteco.be.

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Votez-vouspourdescandidatsjeunes?

La dernière question du sondage porte sur le vote, les partis et les candidats. 45 % des répondants disent ne pas voter pour des candidats jeunes, car ils privilégient l’orientation politique, le programme, voire la personne du candidat mais pas son âge. Un tiers d’entre eux (33 %) votent pour des candidats jeunes sans en faire une exclusive. Et 22 % d’entre eux votent exclusivement pour des candidats jeunes car ils y voient le moyen de renforcer la place des jeunes dans la vie politique, d’introduire des formes nouvelles dans cet espace et de contrer la prise de pouvoir des autres classes d’âge. Les candidats jeunes sont vus aussi comme plus aptes à comprendre et porter les préoccupations des jeunes.

Vousidentifiez-vousàunpartipolitique?

A la sous-question concernant l’identification à un parti politique, une courte majorité (52 %) répond affirmativement, tandis que 37 % d’entre eux ne s’identifient à aucun parti politique et 11% le font uniquement de manière relative. En synthèse, le pessimisme concernant l’environnement et les acquis sociaux est de mise. Mais, corrélativement, l’optimisme concernant l’élargissement croissant de la notion de citoyenneté et la foi dans la force transformatrice que représente la jeunesse sont les traits dominants pour ce qui est du regard que les jeunes portent sur le futur. « Electrabel a le monopole mais nous avons l’énergie » dit une jeune interviewée. Et c’est dans l’éducation et la sensibilisation que sont les clés des changements en cours ainsi que dans la modification des modes de vie et de consommation. Le développement associatif est plébiscité comme voie pour l’action collective bien devant le militantisme partisan. Quant à la politique, les jeunes se disent en général intéressés voire très intéressés par celle-ci et, en même temps, rejettent ouvertement la politique partisane faite à la petite semaine ainsi que leur dureté. Aussi, ils ne se sentent pas suffisamment formés pour s’investir. Les jeunes sont les personnes les plus sensibles aux mutations culturelles en cours. A nous (à eux, à vous) d’en tenir compte.

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