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Répondre aux exigences sociales de la mondialisation Nº 22 | MAI 2016 L’emploi des jeunes, enjeu planétaire P 2 TENDANCES LE DÉFI DES TRANSFORMATIONS DU SALARIAT P 5 CHAÎNES GLOBALES D’APPROVISIONNEMENT MONDIALES ET AUDITS SOCIAUX P 6 L’OSI AU FORUM DE L’ÉCONOMIE POSITIVE P 8 ACTIVITÉS DES DÉLÉGATIONS L’EMPLOI DES JEUNES DANS LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE OSI MAROC P 9 L’ALLIANCE FOR YOUTH OSI-AMÉRIQUE LATINE P 10 RÉFLEXIONS DES PARTENAIRES DE L’OSI VERS LE RENFORCEMENT DU LIEN SOCIAL PROFESSIONNEL P 16 ACTIVITÉS DES RÉGIONS INNOVATION ET PRATIQUES MANAGÉRIALES OSI LYON P 12 LES RENCONTRES DE L’OSI LES MANAGERS FACE AUX DISRUPTIONS NUMÉRIQUES Conférence du 26 janvier 2016 Muriel MORIN, Présidente de l'OSI L’emploi des jeunes constitue une cause internationale, un enjeu essentiel pour l’en- semble des sociétés humaines et des pays. Le rapport indiquant les « tendances mon- diales 2015 » publié récemment sur ce sujet par l’Organisation Internationale du Travail indique que, presque partout, le taux de chômage des jeunes se stabilise mais reste trois fois plus élevé que celui des adultes et que leur insertion professionnelle reste difficile. Ils peinent à intégrer les emplois les plus stables et les plus qualifiés. Cette situation est d’autant plus explo- sive que, grandissant dans un univers mon- dialisé marqué par les nouvelles technolo- gies, les jeunes refusent d’être des assistés et rêvent d’inventer leur propre avenir. Dans les pays émergents, leur difficulté à intégrer un emploi provoque frustration et volonté d’émigrer vers les pays les plus dynamiques. L’Afrique est emblématique de cette situation. En 2050, sa population sera de 2,8 milliards d’habitants (celles de la Chine et de l’Inde actuelles réunies) dont 400 à 500 millions de jeunes, marqués par de grandes disparités éducatives, socio-éco- nomiques, linguistiques et géographiques. L’accès à l’emploi constitue le principal défi avec l’accès à l’énergie dans ce continent qui accueillera en novembre prochain la COP 22. Vous pourrez lire comment l’OSI prépare ce rendez-vous et aborde cet enjeu. Proposer des solutions dans les différentes régions du monde Dans de nombreux pays, la généra- lisation de l’éducation de base a élevé le niveau global de connaissance mais elle ne débouche pas toujours sur l’insertion professionnelle car les emplois que peuvent offrir les entreprises supposent aussi une formation professionnelle adaptée. Les pays concernés sont alors privés d’un potentiel de croissance pourtant indispensable. Si le défi de l’insertion professionnelle est mondial, les réponses pertinentes dif- fèrent d’une région à l’autre selon les sys- tèmes en place. Formation professionnelle, entrepreneuriat et intégration du travail informel à l’économie, représentent des réponses efficaces. Il s’agit de reconnaître la jeunesse et les femmes comme les premiers agents du développement. L’initiative Alliance for Youth initiée par NESTLÉ est le premier mouvement privé international à souligner que l’employabilité des jeunes est une priorité sociale et écono- mique et à s’engager à améliorer les chances de ces générations à accéder au monde du travail via leur professionnalisation à travers des démarches dans lesquelles le travail constitue le premier facteur d’insertion. L’OSI soutient le développement de l’Alliance for Youth en Europe et en Amérique latine.

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Répondre aux exigences sociales de la mondialisationNº 22 | MAI 2016

L’emploi des jeunes, enjeu planétaire

P 2 TENDANCESLE DÉFI DES TRANSFORMATIONS DU SALARIAT

P 5 CHAÎNES GLOBALES D’APPROVISIONNEMENT MONDIALES ET AUDITS SOCIAUX

P 6 L’OSI AU FORUM DE L’ÉCONOMIE POSITIVE

P 8 ACTIVITÉS DES DÉLÉGATIONS

L’EMPLOI DES JEUNES DANS LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUEOSI MAROC

P 9 L’ALLIANCE FOR YOUTHOSI-AMÉRIQUE LATINE

P 10 RÉFLEXIONS DES PARTENAIRES DE L’OSI

VERS LE RENFORCEMENT DU LIEN SOCIAL PROFESSIONNEL

P 16 ACTIVITÉS DES RÉGIONS

INNOVATION ET PRATIQUES MANAGÉRIALESOSI LYON

P 12 LES RENCONTRES DE L’OSI

LES MANAGERS FACE AUX DISRUPTIONS NUMÉRIQUESConférence du 26 janvier 2016

Muriel MORIN,Présidente de l'OSI

L’emploi des jeunes constitue une cause internationale, un enjeu essentiel pour l’en-semble des sociétés humaines et des pays. Le rapport indiquant les « tendances mon-diales 2015 » publié récemment sur ce sujet par l’Organisation Internationale du Travail indique que, presque partout, le taux de chômage des jeunes se stabilise mais reste trois fois plus élevé que celui des adultes et que leur insertion professionnelle reste difficile. Ils peinent à intégrer les emplois les plus stables et les plus qualifiés.

Cette situation est d’autant plus explo-sive que, grandissant dans un univers mon-dialisé marqué par les nouvelles technolo-gies, les jeunes refusent d’être des assistés et rêvent d’inventer leur propre avenir. Dans les pays émergents, leur difficulté à intégrer un emploi provoque frustration et volonté d’émigrer vers les pays les plus dynamiques.

L’Afrique est emblématique de cette situation. En 2050, sa population sera de 2,8 milliards d’habitants (celles de la Chine et de l’Inde actuelles réunies) dont 400 à 500 millions de jeunes, marqués par de grandes disparités éducatives, socio-éco-nomiques, linguistiques et géographiques.

L’accès à l’emploi constitue le principal défi avec l’accès à l’énergie dans ce continent qui accueillera en novembre prochain la COP 22. Vous pourrez lire comment l’OSI prépare ce rendez-vous et aborde cet enjeu.

Proposer des solutions dans les différentes régions du mondeDans de nombreux pays, la généra-

lisation de l’éducation de base a élevé le niveau global de connaissance mais elle ne débouche pas toujours sur l’insertion professionnelle car les emplois que peuvent offrir les entreprises supposent aussi une formation professionnelle adaptée. Les pays concernés sont alors privés d’un potentiel de croissance pourtant indispensable.

Si le défi de l’insertion professionnelle est mondial, les réponses pertinentes dif-fèrent d’une région à l’autre selon les sys-tèmes en place. Formation professionnelle, entrepreneuriat et intégration du travail informel à l’économie, représentent des réponses efficaces. Il s’agit de reconnaître la jeunesse et les femmes comme les premiers agents du développement.

L’initiative Alliance for Youth initiée par NESTLÉ est le premier mouvement privé international à souligner que l’employabilité des jeunes est une priorité sociale et écono-mique et à s’engager à améliorer les chances de ces générations à accéder au monde du travail via leur professionnalisation à travers des démarches dans lesquelles le travail constitue le premier facteur d’insertion. L’OSI soutient le développement de l’Alliance for Youth en Europe et en Amérique latine.

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Ces nouvelles formes ne sont plus marginales et la question se pose de savoir s’il s’agit d’une situation tran-sitoire ou si nous sommes devant un changement de système dans lequel

le salariat devient un modèle relatif. Dans cette dernière hypothèse, au-delà de l’employabilité, ces évolutions remettent en cause le modèle de régulation sociale et conduisent à réinventer l’entreprise.

La réflexion engagée par l’OSI concerne trois domaines : les formes d’emploi et de salariat émergentes, la gestion des compétences et le développement de l’employabilité dans ce nou-veau contexte, les nouvelles formes de régulation sociale qui sont nécessaires.

LES NOUVELLES FORMES D’EMPLOI ET DE SALARIAT

Parallèlement à la transformation des métiers et des organisations de travail, de nouvelles formes d’emploi apparaissent, qu’il est de plus en plus dif-ficile de présenter simplement comme des formes dévaluées de l’emploi classique à temps plein.

La multi-activité, l’auto entreprenariat, les emplois à temps partagés, le mécénat de com-pétences, le cumul emploi-études ou, à l’autre bout de la vie, emploi-retraite, représentent un nombre d’emplois de plus en plus élevé, qui restent perçus comme marginaux. Outre les évolutions technologiques, cette évolution s’appuie sur des changements de comportements et de rapport au travail des différentes catégories de salariés.

Pour un nombre croissant de jeunes, les contrats courts et à durée déterminée sont à la fois une façon de rester libres et de pouvoir tester plusieurs employeurs avant de choisir. Plus du tiers des CDI sont rompus avant un an, et dans la tranche des 15-24 ans, la proportion monte à plus de 45 %(1). À l’autre bout de la carrière, de plus en plus de seniors cumulent leur retraite avec une activité de conseil ou bénévolement, sous forme d’auto entrepreneurs, à travers le mécénat de compétences. Entre les deux, il semble que le cumul d’activités, l’entreprenariat et le mécénat de compétences se développe tout au long de la vie professionnelle.

D’autres ressorts semblent aussi en cause qui suggèrent un épuisement du modèle classique d’entreprise. En Amérique du Nord, comme dans plusieurs pays européens, les taux d’engagement des salariés ont reculé fortement. Ils témoignent d’un rejet croissant du lien de subordination, tel qu’il est aujourd’hui vécu par un nombre croissant de salariés. La volonté d’entreprendre et la prise de responsabilité ne trouvent pas toujours à s’ex-primer, de plus en plus de salariés s’ennuient au travail et développent de nouvelles activités, soit en démissionnant, soit en parallèle de leur emploi.

Bien évidemment, tous les salariés ne sont pas logés à la même enseigne, tous n’ont pas la capacité à sortir du contrat de travail classique,

LE DÉFI DES TRANSFORMATIONS DU SALARIAT : INNOVATION, TALENT, CRÉATION DE VALEUR PAR MARC DELUZET, DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL DE L’OSI

TENDANCES

Le développement des outils numériques transforme les métiers et conduit à l’émergence de nouvelles formes de travail et d’emploi. Non seulement, la digitalisation pose la question de la gestion des compétences, de l’employabilité des salariés et de leurs évolutions professionnelles, mais plus fondamentalement, les changements organisationnels qu’elle provoque, peuvent potentiellement transformer et multiplier les formes de salariat.

(1) DARES Analyses n°5 - Janvier 2015

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TENDANCES

tous n’en ont pas la volonté et les évolutions se font beaucoup sous la contrainte. Une certaine schizophrénie se développe quand les entreprises appellent à la mobilité et que les gagnants sont ceux qui ne bougent pas. Ceux qui font le choix de changer sont au démarrage souvent affrontés à des pertes de revenus.

Ces évolutions ne sont donc pas sans effet sur le développement des inégalités et sur la cohé-sion sociale, tant il est vrai que, selon le secteur professionnel, l’âge et le type de compétences, les mobilités professionnelles et les cumuls de reve-nus peuvent être ou non plus facilement choisis, mis à profit et valorisés par les personnes. Les nouvelles formes d’emploi et d’activité ont des conséquences sociétales, que ce soit en matière de prêts bancaires, de protection sociale,…

GESTION DES COMPÉTENCES, EMPLOYABILITÉ ET ORGANISATION DU TRAVAIL

En matière de capital immatériel, la gestion des compétences et les politiques de formation professionnelle restent le registre le plus immédiat et le plus évalué en cas de fusion-acquisition ou de cession.

La notion d’employabilité est connexe à celle des compétences, tout en renvoyant aux politiques d’emploi et d’évolution professionnelle, d’égalité des chances, d’insertion et d’allongement de la vie professionnelle. La loi du 5 mars 2014 sur la formation professionnelle met la question de l’em-ployabilité au centre des dispositifs en remplaçant l’obligation pour une entreprise de dépenser une

part de sa masse salariale dans la formation de ses salariés, par celle d’assurer leur employabilité. Autant dire que le concept d’employabilité devient un enjeu fort pour l’entreprise, enjeu d’image, de cohésion sociale et de performance économique.

Cet enjeu est d’autant plus fort aujourd’hui dans une période où le développement technolo-gique transforme les métiers, rend plus rapidement obsolètes les compétences et rapproche le client des espaces et des processus de travail. Une partie de l’employabilité des salariés réside donc dans l’interaction entre l’organisation du travail, la ges-tion des compétences, la politique de formation et l’évolution professionnelle des salariés.

La façon dont l’entreprise anime la réflexion, la discussion et l’intervention sur l’organisation du travail s’avère cruciale, puisqu’elle permet une intel-ligence individuelle et collective des salariés sur les évolutions prévisibles du travail, une vision globale sur les évolutions de l’entreprise et de ses métiers. Les organisations du travail dites apprenantes constituent un domaine à explorer, tout comme le développement de la polyvalence. Il s’agit en fait de rompre avec l’idée que la formation professionnelle s’acquiert en dehors de l’espace de travail.

Dans ce domaine, les marges de progression sont considérables. L’entreprise ne sait pas toujours utiliser les compétences des salariés ou même les détecter. Les personnes ne savent pas verbaliser leurs compétences. En matière de reconnaissance, le système se régule souvent seul. L’entreprise peine à transformer les tâches et les responsabilités des salariés qui se forment et reviennent avec de nouvelles compétences. Une jachère existe dans les entreprises, où les salariés sont sous-utilisés.

Par ailleurs, une partie de l’attrait et de l’effica-cité des nouvelles formes d’activité réside proba-blement dans les compétences qu’elles permettent de développer aux marges du salariat classique. Les observations les plus récentes montrent que désormais le client intervient de manière croissante dans les processus de travail et que l’innovation se joue dans l’interface de l’entreprise avec ses clients.

« La réflexion engagée par l’OSI concerne trois domaines : les formes émergentes d’emploi et de salariat, la gestion des compétences et le développement de l’employabilité dans ce nouveau contexte, ainsi que les nouvelles formes de régulation sociale qui sont nécessaires. »

« La façon dont l’entreprise anime la réflexion, la discussion et l’intervention sur l’organisation du travail s’avère cruciale. »

Marc DELUZET, Délégué Général de l'OSI, a animé un groupe de travail qui a co-produit cette note.

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La façon dont celle-ci diffusera en son sein l’utilité sociale qui en résulte et qui bouleverse les objectifs mêmes du travail, conditionnera l’évolution des compétences des salariés et déterminera in fine leur employabilité.

L’EMPLOYABILITÉ, UNE RESPONSABILITÉ PARTAGÉE ENTRE L’ENTREPRISE, SES SALARIÉS ET LES POUVOIRS PUBLICS

Depuis quarante ans, la gestion des com-pétences et leur accroissement constituent un domaine de responsabilité partagé entre les sala-riés et leur entreprise dans un cadre institutionnel fixé par l’État.

Du côté des salariés, elle suppose motivation et engagement pour envisager les évolutions du travail, des tâches, du métier et pour prendre les dispositions afin de s’y adapter. La mise en place du compte personnel de formation s’inscrit dans cette perspective. Cet engagement professionnel requiert un climat de confiance auquel contribue l’entreprise, en indiquant la direction du change-ment, en donnant les moyens de le comprendre et d’évoluer professionnellement.

Deux leviers permettent à l’entreprise d’assu-mer sa part de responsabilité dans la montée en compétences et l’employabilité de ses salariés : les pratiques managériales d’un côté, l’organisation et la conception de la fonction ressources humaines de l’autre.

Les modes managériaux sont fondamentaux dans le développement de la confiance et de l’enga-gement des salariés. Les entreprises développent sur ce terrain de nombreuses règles ou chartes qui sont pertinentes à décliner dans la gestion des emplois et des compétences. Quant à la fonction RH, de nombreux processus peuvent jouer un rôle clé dans le développement de l’employabilité : le développe-ment d’observatoires des métiers qui renforcent l’efficacité des politiques de GPEC et favorisent l’anticipation des évolutions professionnelles par les salariés, l’entretien professionnel et de carrière, l’amélioration et la croissance des recrutements internes qui favorisent l’adaptabilité et la polyvalence des salariés, la maîtrise calculée du turnover… Une partie des gains de performance est à rechercher dans la mise en synergie de ces différents aspects dans une politique globale.

Ces problématiques s’insèrent dans un cadre institutionnel qui relève de la responsabilité d’une tierce partie, l’État.

Cependant, que se passe-t-il quand la multi-ac-tivité ou l’entreprenariat prend la place du contrat salarié classique ? Comment s’organise la gestion des compétences, tant du côté des salariés, que des entreprises qui peuvent craindre une perte de savoir stratégique et la fragilisation de certains de leurs collectifs de travail ? Comment s’exerce la responsabilité de l’entreprise qui achète seulement un service ?

Ces questions amènent à repenser autrement la question des parcours professionnels et de leur sécurisation. Les réponses qui seront apportées modèleront inévitablement la forme qui sera donnée au compte personnel d’activité.

TENDANCES

DE NOUVELLES FORMES DE RÉGULATION SOCIALE SONT NÉCESSAIRES

Le développement des nouvelles formes d’activité professionnelle interroge une grande partie des modes de régulation sociale aujourd’hui centrés sur le contrat de travail. C’est bien évidemment le cas des relations professionnelles entre employeurs et salariés avec la transformation du lien de subordination qui impacte les formes de représentation du personnel. Mais cela concerne aussi les modes de management et le lien que les syndicats de salariés entretiennent avec ceux qu’ils représentent.

Régulations territoriales

La gestion de l’emploi et le développement des compétences ont une dimension locale importante. C’est particulièrement vrai dans le tissu des PME mais aussi pour les grandes entreprises qui, en s’impliquant dans le développement local, sont amenées à concevoir de nouveaux produits et services. Cela passe par la connaissance des besoins des clients et la connaissance des offres concurrentes.

Par ailleurs, la dimension territoriale joue dans la montée en compétences au sein d’une chaîne de valeur, entre entreprises et prestataires. Certaines formations d’entreprise peuvent être utiles aux sous-traitants tandis que la mise en commun de savoir faire et de connaissances peut se partager au sein d’un même secteur professionnel, en neutralisant les enjeux de concurrence.

Régulations sectorielles et nationales en termes de solidarité et de cohésion sociale

En matière d’insertion professionnelle des jeunes, de maintien dans l’emploi des seniors et de lutte contre le chômage de longue durée, il y a matière à réfléchir à des politiques d’employabilité performantes fondées sur la capacité intégrative et formatrice de certaines organisations de travail et d’entreprise. Il s’agit là d’un enjeu fort en matière de solidarité et de cohésion sociale.

« Repenser la question des parcours professionnels et de leur sécurisation. »

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TENDANCES

Les chaînes d’approvisionnement mondiales posent la question des outils à mettre en place pour évaluer, contrôler et améliorer

les conditions de travail. C’est l’objet des audits sociaux qui sont souvent critiqués. La première des critiques concerne le fonc-tionnement même des audits, c’est-à-dire la façon dont les auditeurs travaillent et la façon dont les donneurs d’ordre utilisent les audits. La seconde s’adresse à la logique des audits qui est une logique de sélection des fournisseurs. Par rapport à l’objectif d’améliorer les conditions de travail dans les chaînes d’approvisionnement, l’audit pour être pleinement efficace doit s’inscrire dans la durée et permettre l’implication des acteurs dans les actions et les conditions de travail, sur le terrain.

DANS QUEL CONTEXTE L’AUDIT S’IMPOSE-T-IL ?La production mondiale et plus singuliè-

rement la filière du textile et de l’habillement est intégrée dans une logique commerciale, la logique industrielle faisant place à la logique commerciale de marques. Cette production crée des emplois là où s’exécute le travail, c’est quantitativement positif, mais, qualitativement, ne l’est pas toujours en ce qui concerne les conditions de travail et sou-vent les rémunérations . Si les fournisseurs

de premier rang sont généralement bien identifiés et évalués, il n’en va pas de même dès que la chaîne intègre des fournisseurs de deuxième voire de troisième rang, les rapports de pouvoir sont puissants et les gains sont généralement accaparés par le donneur d’ordre.

La mission d’origine de l’OIT était de créer des normes avec un contrôle calé sur un système de droit public. Aujourd’hui, face aux défaillances des régulations publiques, nous le constatons, c’est l’entreprise privée qui crée ses propres normes et les chaînes de valeur évoluent entre normes privées et normes publiques. Pour l’OIT, les premières ne doivent pas se développer au détriment et en substitution des secondes.

En 2013, survient l’accident du RANA PLAZA. C’était à Dacca, un immeuble de huit étages s’est effondré faisant alors plus d’un millier de morts. Les conditions de travail totalement négligées des ateliers où les travaux sont sous traités, sont à la une.

Depuis ce terrible accident, au Ben-gladesh, des améliorations apparaissent, les prérogatives de l’Inspection du Travail se sont vues renforcées et le secteur privé exerce un réel accompagnement. Les ache-teurs et les donneurs d’ordre notamment

CHAÎNES GLOBALES D’APPROVISIONNEMENT MONDIALES ET AUDITS SOCIAUX

PAR CYRIL COSME, DIRECTEUR DE L’OIT POUR LA FRANCE

Cyril COSME, Directeur de l’OIT pour la France

Directeur du Bureau de l’OIT pour la France, Cyril Cosme a initié une réflexion concernant « Les chaînes globales de valeur et les audits sociaux ». Réflexion qui a fait l’objet de débats et de rencontres, les chaînes mondiales d’approvisionnement sont à l’ordre du jour de la Conférence Internationale du Travail de l’OIT en juin prochain.

européens se sont engagés dans l’Accord pour la sécurité incendie des bâtiments à respecter les standards internationaux et à contribuer à la mise en conformité de leurs fournisseurs. L’Accord pousse à un renforcement des acteurs locaux ainsi que des représentants des salariés.

L’Accord associe syndicats, ONG et entreprises. L’OIT poursuit aussi d’impor-tants projets de coopération technique pour renforcer l’inspection du travail, les services de sécurité incendie, le renforcement des acteurs sociaux à travers le rôle des comités paritaires pour la santé et la sécurité dans les entreprises.

L’effort de l’OIT à l’égard de l’effectivité des normes se poursuit en considérant que les normes fondamentales doivent être respectées par tous les acteurs et en premier lieu par tous les États membres de l’Organisation. Cet effort est à replacer dans un contexte marqué par des affaiblisse-ments significatifs, celui des représentants syndicaux, comme celui de la part des salaires dans la production. Il y a aussi des initiatives positives, comme la signature d’accords-cadres transnationaux avec les fédérations syndicales internationales, ou l’intégration des normes aux accords de commerce, et à l’ensemble des référentiels.

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L’OSI s’inscrit totalement dans la dynamique de l’Économie Positive parce que l’économie n’est pas une fin en soi. Elle est un

moyen permettant de créer des biens ou des services pouvant contribuer au pro-grès de toute l’humanité, à la préservation de notre environnement, et au bien être matériel, humain, culturel et spirituel des hommes et des femmes qui constituent la richesse la plus précieuse de ce monde que les générations précédentes nous ont laissé en héritage.

Une telle vision implique une véri-table révolution culturelle de nos modes de pensées, de nos pratiques sociales, économiques et politiques. Cette révo-lution culturelle nous oblige à sortir des démarches où le court terme l’emporte sur le long terme, où l’efficacité est jugée à la seule aune de la rentabilité financière, où le bonheur d’une existence se limiterait à la possession des seuls biens matériels. Elle implique aussi de refuser l’idée que seule une avant-garde éclairée (intellectuelle, politique, économique ou sociale) aurait la capacité et le droit de dessiner notre avenir.

Nous sommes convaincus que l’éco-nomie positive porte en elle une part de pari pascalien. Le pari d’une vision positive de l’Humain où si nous le voulons et si nous savons nous en donner les moyens le positif peut l’emporter sur le négatif, l’altruisme sur l’égoïsme, l’intérêt général sur l’intérêt particulier.

CONCRÈTEMENT QUELS SONT LES TERRAINS SUR LESQUELS NOUS TRAVAILLONS ?Sans couvrir la totalité de notre champ

de réflexion et d’actions, je me permets de vous faire part de 4 pistes sur les-quelles notre association travaille et qui contribuent à nos yeux à l’émergence de l’économie positive :

1/ Favoriser une nouvelle conception de l’entreprise

L’entreprise ne peut plus être vue comme un simple lieu de production d’un bien ou d’un service, un lieu de production de richesse. Elle est fondamentalement un système d’organisation où coexistent de multiples acteurs : les actionnaires, les dirigeants, les managers, les employés, les ouvriers, les techniciens. L’ensemble de ces acteurs contribue au développement de l’entreprise.

L’entreprise est donc d’abord une communauté d’hommes et de femmes qui, exerçant des responsabilités différentes, mettent en commun leur intelligence, leurs compétences, leurs expertises pour pro-duire un bien et un service, pour produire de la richesse. La gestion d’une entreprise consiste donc à trouver un point d’équi-libre entre des logiques multiples : écono-miques, financières, sociales, techniques, culturelles. Pour que ce point d’équilibre soit le plus pertinent possible deux condi-tions sont à remplir. Aucune logique ne

L’OSI AU FORUM DE L’ÉCONOMIE POSITIVE PAR JEAN KASPAR, VICE-PRÉSIDENT DE L’OSI

Jean KASPAR, Vice-Président de l’OSI a participé au forum de l’économie positive qui s’est déroulé les 7 et 8 avril à San PATRIGNANO (Italie) pour intervenir lors d’une table ronde au nom de l’Observatoire Social International. Nous reproduisons ci-dessous des extraits de son intervention.

RÉFLEXION DES PARTENAIRES DE L’OSI

Jean KASPARVice-Président de l’OSI

« La question du travail doit être repensée, au regard des mutations et des transformations qui s’opèrent du fait des nouvelles perspectives qu’ouvrent par exemple la robotique et le numérique. »

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RÉFLEXION DES PARTENAIRES DE L’OSI

3/ Une nouvelle approche du travail

La question du travail doit être repen-sée, au regard des mutations et des trans-formations qui s’opèrent du fait des nou-velles perspectives qu’ouvrent par exemple la robotique et le numérique. En effet dans l’industrie, des machines s’avèrent capables d’accomplir de plus en plus des tâches confiées à des hommes ou des femmes dans les entrepôts, les magasins, les voi-tures ou les gares. Les distributeurs et la caisse automatique remplacent guichetiers ou caissières, les chariots autonomes et les drones intelligents s’invitent dans la logis-tique. Des camions sans chauffeur sont à l’essai aux États-Unis, certains imaginent que les taxis rouleront sans chauffeur comme des métros automatiques. Les centres de tri du courrier sont de plus en plus automatisés. Le garagiste est équipé d’un ordinateur pour déceler la panne. L’on pourrait allonger la liste des exemples. Les robots ne se contentent plus de reproduire les gestes humains, ils deviennent des compléments à l’intelligence humaine, des auxiliaires de notre cerveau.

doit s’imposer comme un absolu. Aucune de ces logiques, ne doit être ignorée dans l’élaboration de la stratégie de l’entreprise.

2/ Développer des stratégies de coopération entre toutes les parties prenantes

Dans le passé, englués dans nos croyances, nos convictions ou nos certi-tudes nous avons construit trop de murs, alors que nous devons construire des ponts. La coopération s’impose parce qu’elle est indispensable pour faire face à la complexité et la diversité des situations. Elle s’impose parce qu’aucun des acteurs n’est capable à lui seul de résoudre les questions de l’emploi, du changement du travail, du nécessaire recul de la pauvreté et des nouvelles formes d’exclusion. Elle s’impose parce qu’elle est seule capable de redonner confiance à des salariés et aux citoyens qui prennent de plus en plus de distance face à une certaine « impuissance » des institutions qui ont, à leurs yeux, trop tendance à s’enfermer dans leurs certitudes et leur absolutisme organisationnel.

4/ Contribuer à construire des pensées politiques, économiques, sociales et culturelles en évolution

Enfin, autres pistes et non des moindres l’OSI souhaite contribuer à faire évoluer nos modes de pensée pour les inscrire dans le mouvement, dans l’évolution multiforme du monde. Cette évolution est nécessaire pour comprendre le monde dans lequel nous vivons et les transformations et mutations qui s’y opèrent. Nos pensées sont trop souvent prisonnières de nos cultures, de nos croyances, de nos convictions poli-tiques, sociales ou de nos raisonnements purement économiques ou financiers. Cette question pose bien évidemment celle de l’école, de nos modes de formation, de la nature des rapports à autrui, de la conception que l’on a de l’autorité et plus largement du pouvoir.

EN GUISE DE CONCLUSIONL’observatoire Social International en

agissant concrètement autour de ces axes et bien d’autres comme celui de la santé au travail, des formes de management, de la responsabilité sociale des entreprises, veut apporter sa pierre à la construction d’une économie positive. Elle peut faire émerger ce qu’il y a de plus beau dans l’humain : l’altruisme, la générosité, la bienveillance et la fraternité. Nous sommes convaincus que l’économie positive constitue la révolution mobilisatrice dont le monde a besoin pour ce troisième millénaire.

« La coopération s’impose parce qu’elle est indispensable pour faire face à la complexité et la diversité des situations. »

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Sous l’égide d’ENGIE au Maroc, un groupe de travail s’est mis en place pour aborder le thème de l’insertion professionnelle des jeunes, enjeu crucial pour la

transition énergétique. En effet, celle-ci n’est pas seulement une question de technologie : en Afrique, le défi énergé-tique se double des exigences sociales en matière de sensibilisation et d’éducation des populations, de création d’emplois pour les jeunes.

En 2050, le continent comptera 2,8 milliards d’habitants (la Chine et l’Inde d’aujourd’hui réunis) dont 400 à 500 mil-lions de jeunes, marqués par de grandes disparités éducatives, socio-économiques, linguistiques et géographiques. Dans ce contexte, l’accès à l’emploi constitue l’un des défis principaux. L’insertion profes-sionnelle avec le développement de filières

Dans la perspective de la prochaine COP 22 qui se déroulera en novembre prochain à Marrakech, la délégation marocaine de l’OSI a réuni au début du mois de mars ses différents partenaires. Une réunion que Muriel Morin a présidée.

L’OSI-MAROC : L’EMPLOI DES JEUNES DANS LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE

de formation intégrées aux entreprises ainsi que l’entrepreneuriat représentent des réponses efficaces pour favoriser l’intégration du travail informel à l’éco-nomie et reconnaître la jeunesse et les femmes comme les premiers agents du développement.

Tels sont les thèmes de travail retenus par les partenaires de l’OSI, parmi lesquels ENGIE au Maroc, LYDEC de SUEZ, Méditel du groupe Orange, Lafarge sont les plus actifs, aux côtés de personnalités univer-sitaires comme Najat M’Jid, membre du comité marocain des droits de l’homme et de la société civile, comme Bouchra Ghiati, Présidente de l’INSAF, une association qui lutte pour la promotion des droits des enfants et des femmes, notamment des mères célibataires au Maroc. Un plan d’action a été arrêté pour une initiative en marge de la COP 22.

ACTIVITÉS DES DÉLÉGATIONS OSI-MAROC

L’OSI a participé aux 2e Rencontres Internationales des Sciences de Management, qui se sont tenues à Marrakech, les 14 et 15 avril 2016. Muriel Morin, Présidente et Marc Deluzet, Délégué Général, sont intervenus dans les deux tables rondes consacrées aux défis du management des ressources humaines dans les économies émergentes.

2e RENCONTRES INTERNATIONALES DES SCIENCES DE MANAGEMENT

De gauche à droite : Muriel MORIN (OSI), Jean-Marie PERETTI (IAS), Marc DELUZET (OSI) Charles-Henri BESSEYRE DES HORTS (HEC)

Management et Économies Émergentes : universalisme, contextualisation et transformations

LA LETTRE Nº 22 / MAI 2016 8

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ACTIVITÉS DES DÉLÉGATIONS OSI-AMÉRIQUE LATINE

L’ALLIANCE FOR YOUTH : AMÉLIORER LES CHANCES DES JEUNES GÉNÉRATIONS VERS L’EMPLOIL’ Alliance for Youth est une initiative prise en 2013 par le groupe NESTLÉ pour promouvoir l’employabilité des jeunes.

Il s’agit du premier mouvement privé paneuropéen qui se donne pour objectif d’améliorer les chances des jeunes générations à accéder au monde du travail.

Cette initiative vise à favoriser leur pro-fessionnalisation, leur accompagnement vers davantage de mobilité en Europe et l’alternance. Autour de NESTLÉ, l’ Alliance for Youth fédère environ deux cents grandes entreprises dont ENGIE, SOLVAY, AXA, METRO... signataires d’un partenariat européen.

Aujourd’hui, cette démarche s’étend au continent sud américain. Une réunion internationale, à l’initiative de l’Alliance Pacifique (qui regroupe le Chili, le Pérou, l’Équateur, la Colombie) se tiendra le 19 mai

à Lima. Cette rencontre qui doit rassem-bler 800 personnes et dont NESTLÉ est le sponsor, sera l’occasion de promouvoir les actions conduites en faveur de l’emploi des jeunes et adaptées aux réalités éco-nomiques, sociales et culturelles de cette région du monde. L’OSI sera présent à cette manifestation.

Actif au Brésil avec plusieurs partenaires, l’OSI sera aussi une des chevilles ouvrières avec NESTLÉ et ENGIE Brésil d’un événe-ment de l’ Alliance for Youth qui se tiendra à Rio, en juillet prochain.

L’insertion professionnelle des jeunes est un enjeu capital pour le Brésil qui est aujourd’hui touché par une grave crise économique et sociale.

Les équipes de NESTLÉ et ENGIE lors de la signature de l’Alliance For Youth le 3 décembre 2015.

COLLOQUE OSI À SANTIAGO DU CHILILe 17 mai, ce colloque réunira des entreprises internationales actives dans le cône sud et prêtes à s’engager dans des modalités de dialogue sociétal permettant de mieux valoriser l’apport des grands investissements d’infrastructures au développement territorial.

Dans la foulée de l’étude réalisée en lien avec l’Organisation Internationale du Travail (OIT) sur la contribution des grands investissements au développement local, l’OSI organise à Santiago un nouveau colloque en collaboration avec le Bureau OIT du Chili et Valor Minero, un consortium réunissant des acteurs importants du secteur de l’énergie et des mines, ainsi que des responsables politiques de premier plan.

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Le réveil a eu lieu avec une impres-sion de « gueule de bois », selon l’expression utilisée par certains responsables, constatant qu’une fois l’entreprise «  mise sous

contrôle », ils ne voyaient plus dans les yeux des agents de fabrication ni des agents de maîtrise, le plaisir de travailler qu’ils montraient auparavant.

Dès lors, Michelin a jugé nécessaire d’étudier la possibilité de donner une tout autre ambition à la responsabilisa-tion, selon un principe humaniste, tourné vers l’épanouissement d’individus au sein de collectifs organisés, permettant par rebond une performance durable. Ce changement de perspective n’est pas mince pour un grand groupe industriel.

Michelin ne croit pas possible de renoncer à une organisation scientifique du travail. Il faut néanmoins la tempérer, ce qui implique de rendre aux collectifs de travail la possibilité d’organiser l’activité professionnelle, de piloter la performance et d’animer le progrès.

La démarche, encore embryonnaire, a donné des résultats exceptionnels là où elle a été expérimentée. Michelin ne se prétend pas une « entreprise libérée » : c’est une entreprise qui travaille dans la durée pour faire en sorte que la décision se prenne le plus possible au niveau où l’action sera conduite et que les problèmes soient réglés par ceux qui y sont confron-tés. C’est un élément de dé-taylorisation, si l’on peut dire.

Je dis bien  : «  dans la durée  »  : les responsables sont incités à ne pas forcer le destin en fixant des échéances courtes à une telle transformation, dont nous souhaitons qu’elle intervienne sur la base du volontariat.

Comment « dé-tayloriser » ? Que cher-chons-nous à mettre en place ?

Dans notre système de production, au sein d’un îlot de fabrication, un agent de maîtrise encadre 35 à 45 personnes. Il n’est présent qu’un tiers du temps, les deux tiers du temps, les équipes de fabrication en rotation sont seules.

VERS LE RENFORCEMENT DU LIEN SOCIAL PROFESSIONNEL PAR BERTRAND BALLARIN DIRECTEUR DES RELATIONS SOCIALES – MICHELIN

Comme toutes les entreprises industrielles, Michelin a une expérience des « organisations responsabilisantes ». Ce type de démarche a vu le jour dans les années 90 avant de recevoir un coup de frein entre 2004 et 2010, lorsque l’entreprise a mis en place un dispositif de Lean Management. L’énorme effort que cela a demandé dans les usines a conduit à une relative mise en sommeil du mouvement général de responsabilisation sans, bien sûr, qu’il ne s’éteigne.

RÉFLEXION DES PARTENAIRES DE L’OSI

« Il s’agit de renforcer le lien social professionnel qui est différent de ce que j’appelle un lien social “de machine à café”. »

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RÉFLEXION DES PARTENAIRES DE L’OSI

alors lancer de micro-chantiers qui leur don-neront des occasions de discuter entre eux, par exemple des standards à faire évoluer.

Ce dispositif a été expérimenté tout au long de l’année 2013. Il a alors été demandé à 40 îlots de fabrication, dans différentes usines de plusieurs pays et continents, de trouver des solutions qui les rendent autonomes selon les deux axes (horizontal et vertical), de les tester et d’évaluer les résultats obtenus. Si des progrès sont obtenus dans deux dimensions (perfor-mance et satisfaction au travail), ils auront mis en évidence un niveau d’autonomie atteignable. La façon dont ils s’y prennent ne nous intéresse pas, si j’ose dire, « le comment est l’affaire de chacun ».

La mesure de l’impact de la démarche sur la satisfaction au travail a montré de très bons résultats obtenus sur les deux dimensions. Ces derniers temps, le taux de satisfaction des ouvriers du groupe a crû de 5 % et nous supposons que la démarche de responsabilisation y joue un rôle clé. Et surtout, ce taux tend à rejoindre celui des cols blancs, ce qui est rarissime dans une entreprise industrielle où on constate souvent un écart de 10 à 15 %.

Forte de ces résultats, la Direction de Michelin a demandé de développer la même démarche dans six usines com-plètes, mais laisse aussi des expériences se développer dans des services du Groupe ou des Directions d’entités opé-rationnelles.

L’idée est de fournir aux agents de fabrication les compétences et autorisa-tions nécessaires pour mettre en œuvre la totalité de notre système de production, que l’agent de maîtrise soit présent ou non. Cela représente un travail de montée en compétences pour rendre les équipes autonomes, c’est-à-dire à la fois libres (ou dotées d’un authentique pouvoir d’agir) et responsables. Elles sont capables de décider d’un maximum d’actions sans avoir à en référer à leur chef. Elles doivent aussi être en mesure de résoudre par elles-mêmes un grand nombre de problèmes et d’anomalies, sans devoir faire appel aux services - supports. Ce changement devrait être possible en répartissant les expertises entre les différents agents d’une équipe donnée, en fonction de leurs inclinations, de leurs talents. Tel sera un spécialiste de main-tenance, tel autre de qualité, tel autre encore d’organisation industrielle, etc. Ils vont, en double, acquérir une certaine polyvalence qui permettra à chaque ouvrier de travailler sur le poste de son voisin au cas où celui-ci devrait intervenir sur son propre poste.

C’est bien ce travail qui permettra le renforcement du lien social profession-nel. Je dis bien « professionnel » et non ce que j’appelle un lien social « de machine à café ». C’est l’activité qui doit générer du lien social, et non ses « à-côtés ».

Enfin, les réunions d’équipe constituent un moment d’échange à partir des revues de terrain effectuées toutes les huit heures par les opérateurs eux-mêmes. Ils peuvent

Bertrand Ballarin, Directeur des relations sociales – Michelin

« Ces derniers temps, le taux de satisfaction des ouvriers du groupe a crû de 5 % et nous supposons que la démarche de responsabilisation y joue un rôle clé. »

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BRUNO METTLING : « La fonction RH devra investir les questions de temps et d’espace. »

Nous faisons face à l’une des plus grandes transformations touchant le monde du travail nous dit Bruno Mettling. Au sein d’Orange, nous voyons l’ampleur de cette transformation face à laquelle la fonction RH aura un rôle central à jouer tant le numérique impacte la relation au travail, l’espace de travail et le temps de travail.

Après le monde de l’ordinateur, de la messagerie, les managers et les salariés voient le digital arriver comme un nouvel outil, prenant conscience petit à petit de la profondeur des changements. Déjà 2,5 millions de salariés ont signé un avenant à leur contrat de travail pour prévoir leur travail à distance, alors que les patrons de PME peinent grandement à se former et à s’approprier ces outils.

Le manager de proximité, quant à lui doit devenir un animateur de communautés et de relations transversales dont l’évolu-tion du rôle et de la charge de travail peut constituer des freins importants.

La relation au travail se structure autour d’un temps de travail déterminé, ce concept « temps » continuera de structurer la charge de travail de 90 % des salariés. Le numérique bouleverse également l’espace

Le 26 janvier dernier l’OSI et sa Présidente Muriel Morin, recevaient autour d’une conférence une centaine de personnes, avec la volonté de donner vie et expériences au thème du management face aux disruptions numériques. Les propos des intervenants font suite à une étude réalisée par l’OSI et EuroGroup Consulting qui a fait l’objet d’un Cahier de l’OSI auquel le lecteur pourra se référer.

de travail, et nous devons avoir à l’esprit que les nouveaux espaces sont à intégrer dans une nouvelle organisation du travail : nous expérimentons des open spaces.

SYLVIE FRANÇOIS : « Il s’agit d’une transformation managériale, culturelle, économique et sociétale. »

Si La Poste avec ses 230 000 agents, nous livre Sylvie François, n’est pas encore totalement numérique, elle le devient et partout s’opère une transformation numé-rique dans laquelle doivent s’engager les managers. « Nous nous efforçons d’anticiper, plutôt que d’attendre que chaque agent et chaque manager soit confronté à la nécessité de délivrer des produits ou services numé-riques. Pour cela, il faut former, équiper et préparer l’ensemble des collaborateurs à cette révolution et développer la culture numérique ».

Il s’agit d’une transformation mana-gériale, culturelle, économique et sociétale : à La Poste, aux services phy-siques s’ajoutent désormais des services numériques, des services hybrides, et les managers devront savoir personnaliser le service. C’est leur intelligence de la rela-tion avec le client qu’il convient de déve-lopper. Face à 6 % du volume d’activités chaque année, Le Groupe La Poste veut affirmer sa volonté de réussir à évoluer :

LES MANAGERS FACE AUX DISRUPTIONS NUMÉRIQUES

LES RENCONTRES DE L’OSI

Laure de La BRETÊCHE, Secrétaire générale, Modernisation de l’Action Publique

Sylvie FRANÇOIS, Directrice des Ressources Humaines, Groupe La Poste

Éric LESTANGUET, Directeur général, ENGIE Home Services

Bruno METTLING, Directeur des Ressources Humaines, Orange / auteur du rapport « Transformation numérique et vie au travail » remis à la Ministre du travail

Bénédicte RAVACHE, Secrétaire générale, ANDRH

Michel BARABEL, Professeur, Université Paris-Est Créteil

Maurice THÉVENET, Professeur, ESSEC

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LES RENCONTRES DE L’OSI

aux services physiques s’ajouteront les services numériques. Ces deux mondes vont se combiner en se développant.

Le Groupe compte 20 000 managers en France. Nombre d’entre eux travaille sur le terrain et encadre des équipes de différentes tailles. Les 76 000 facteurs qui n’ont eu, pendant des années comme outil de travail, que des sacoches et des casiers de tri, disposent désormais d’outils numériques auxquels ils ont été formés.

Dans les bureaux de Poste, des tablettes numériques sont mises à la disposition des clients qui utilisent ces outils avec l’aide de postiers sur des applications inattendues comme la consultation du cadastre. Les managers doivent accompagner cette évolution. Un programme de transformation numé-rique et d’accompagnement concerne les 20 000 managers en commençant par ceux du Comex. Il s’articule autour de trois axes : former, équiper et dialoguer.

Et ce dernier point est essentiel, la transformation, de l’entreprise, dépend de la participation des partenaires, des organisations syndicales. Un accord majoritaire, créant le concept de parcours qualifiants, a été négocié et signé avec les partenaires sociaux. Cet effort de for-mation fera l’objet d’une reconnaissance financière.

LAURE DE LA BRETÊCHE : « Le leadership évolue avec le numérique et le droit à l’erreur apparaît. »

Cette étude donne un contenu très concret à la perception des managers, reconnaît Laure de la Bretêche qui rappelle que du point de vue macroéconomique, la France se classe au premier rang en Europe, pour l’e-administration.

Aujourd’hui, les agents, dans la sphère publique, ont un très haut niveau de forma-tion quel que soit le statut, ce qui constitue une perturbation au regard de la qualité de « sachant » du manager. Force est égale-ment de constater une très grande agilité de la jeune génération face au numérique.

La question fondamentale à laquelle un leader doit savoir répondre est celle de son utilité. Dans le monde public, un manager valide, étape par étape et quand le travail est bien exécuté, il peut accéder à un échelon supérieur. Dans ce cadre, le droit à l’erreur apparaît. Le manager doit apporter au leader une capacité à décider qui soit ouverte mais sécurisée.

« Après le monde de l’ordinateur, de la messagerie, les managers et les salariés voient le digital arriver comme un nouvel outil. »

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comme le vecteur de pressions supplémen-taires. L’anticipation permet de réduire ces effets : lorsqu’un technicien rend visite à un client, il peut désormais « tout savoir » avant de s’y rendre, et être force de proposition. Le DRH, a bâti des programmes de formation autour de l’expérience client, il travaille de concert avec le responsable de l’expérience clients, et la mise en place d’un baromètre social constitue le pendant d’enquêtes de satisfaction réalisées auprès des clients. BÉNÉDICTE RAVACHE : « Renouveler les pratiques managériales. »

L’expérience de Bénédicte Ravache lui permet de confirmer les propos tenus et d’affirmer qu’ « on demande désormais aux managers de proximité non plus de déployer, de contrôler, de réguler mais de gérer au quotidien l’incertitude, d’inscrire l’activité dans un changement continu ». La notion de risque et d’incertitude n’est pas nécessairement attractive et de nombreux dispositifs visent par exemple à protéger les cadres dirigeants à titre individuel . « L’écart entre le traitement cadres dirigeants et cadres intermédiaires se joue à de multiples niveaux et ne tend pas à se réduire ».

La question du temps de travail ? L’analyse spécifique du « management intermédiaire » interroge une fois de plus la particularité française du statut de « Cadre » et la diversité de ce qu’il englobe. De plus en plus, parmi les jeunes

LES RENCONTRES DE L’OSI

générations, un rapport ambivalent se joue autour de ce statut et du rôle de manager avec en toile de fond l’inter-rogation sur le rapport au temps et à l’espace. Perdu au milieu de ses collabo-rateurs dans un open space, le manager intermédiaire a l’impression de perdre une reconnaissance. Il s’agit donc de renouveler les pratiques managériales, les politiques de Talent Management, les modalités de reconnaissance des mana-gers pour accompagner ce changement.

Les managers ne perçoivent pas néces-sairement l’enjeu de cette révolution, ils n’en ont pas conscience mais sentent une perte certaine de repères. La révolution numérique suscite davantage de questions qu’elle n’apporte de réponses. Si le dialogue peut exister à tous niveaux, il faut en définir les objectifs et si chacun peut donner son avis sur tout, quelles en sont les consé-quences ? Le digital implique d’inventer les règles de vie « qui vont avec ».

Il est de la responsabilité des DRH et des Directions générales de se saisir de ces questions pour ne pas faire peser sur le seul management intermédiaire la responsabilité d’inventer et de réguler les pratiques. Enfin se pose la question de la sur-sollicitation qui crée un problème de concentration que la révolution numérique accentue. Pour être innovant, il faut pouvoir aussi réfléchir ! La fonction RH doit veiller à cette sur-sollicitation, tout comme à l’équilibre vie professionnelle / vie privée

Bruno METTLING, Directeur Général

Adjoint Orange

Nous nous efforçons de développer, avec l’école de la modernisation de l’État, des programmes tournés vers les managers de la fonction publique afin de leur appor-ter des leçons pratiques sur la manière de faire. Il faut notamment apporter la démonstration que le numérique est accessible et fonctionne.

ÉRIC LESTANGUET : « Notre client pourra-t-il être ré-enchanté ? »

J’ai la conviction, rapporte Éric Les-tanguet, qu’il existe une grande symétrie des attentions entre l’excellence de la relation client et l’excellence des relations humaines associées, dans l’ancien monde comme dans le nouveau. Les clients sont devenus hyper-digitalisés et nos 3 000 techniciens se rendent tous les jours chez eux pour installer des chaudières ou des systèmes de régulation. Dans ce contexte, nos techniciens deviennent des vendeurs de confort, plutôt que des vendeurs de produits. Aussi, l’offre de biens se trans-forme-t-elle en offre de services.

Pratiquement, je recherche des mana-gers créatifs, porteurs d’un esprit critique, de capacité d’innovation ou d’intelligence émotionnelle et relationnelle, car le « nou-veau manager » ne peut plus seulement exister à partir de ses compétences dans les sciences dures. Nos clients, surinformés, deviennent « infidèles », ils comparent toutes les offres, le digital est alors perçu

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car la « connexion continue » produit des « conflits de rôles » pour les managers de proximité. Cette révolution, est aussi celle de la coordination, de la collaboration, et du partage des responsabilités entre toutes les fonctions de l’entreprise qui n’ont pas toujours l’habitude de se parler.

LA PAROLE DES UNIVERSITAIRES : MAURICE THÉVENET ET MICHEL BARABEL

Maurice Thévenet : «  J’ai été frappé, dans votre étude, par la diversité de la per-ception du digital selon les catégories de personnes interrogées, et de l’importance donnée à l’instrument. Comment va se faire l’appropriation de l’outil ?

Alors que nous avions imaginé qu’il suffisait d’investir dans de bons processus ou dans des systèmes d’information perfor-mants pour que tout fonctionne tout seul, chacun se rend compte que la collaboration peut devenir une source d’innovation. La conduite de l’action collective, est devenue une source possible d’innovation.

Je vois, pour ma part, trois objectifs pédagogiques pour une éventuelle for-mation de managers. En premier lieu, je pense que nous avons besoin d’apprendre aux managers des théories, c’est-à-dire des manières de voir. En deuxième lieu, l’enjeu est relationnel et cela s’apprend, la seule arme dont dispose le manager est son propre comportement. Encore doit-il faire l’effort d’y réfléchir et de vouloir le transformer, ce qui pourrait constituer un troisième objectif pédagogique ».

En ce qui concerne les « entreprises libé-rées », les études que je conduis montrent qu’elles ont un très fort niveau d’engage-ment et un projet clair, généralement bien partagé. Là se trouvent à mes yeux deux conditions primordiales qui ne sont pas comme on peut l’imaginer la remise en cause des hiérarchies et la transversalisation.

On interroge rarement les managers de proximité, constate Michel BARABEL et « avec cette étude, ils ont la parole. Je les ai trouvés assez lucides sur le diagnostic. Ils savent relever des évolutions positives et aussi les négatives (infobésité, équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle…) ». Le monde digital crée une désintermédiation,

Maurice THÉVENET, Professeur, ESSEC

Michel BARABEL Professeur, Université Paris-Est Créteil

une économie de partage, dans laquelle nous passons d’une organisation pyramidale à un monde complexe, hyper-compétitif et hyper-agile, où une entreprise ne peut s’en sortir que si l’ensemble des collaborateurs contribue et innove.

Pratiquement, les managers sont encore dans une phase instrumentale, ils parviennent à manipuler les outils mais n’ont pas atteint les phases de transformation culturelle et comportementale.  « Je ne crois pas, continue Michel Barabel, à la disparition du monde d’avant. Ce serait une grossière erreur d’opposer ces deux mondes. Nous devons prendre conscience du fait qu’ils vont coexister pendant longtemps ». Le manager devra donc être ambidextre et savoir jouer dans le monde digital comme dans celui d’avant, sous peine de laisser l’emporter les « petits chefs » et les managers traditionnels.

L’existence d’injonctions paradoxales peut tuer la révolution digitale ! Nos diri-geants souhaitent rester dans le monde d’avant tout en demandant aux managers de se projeter dans le monde d’après ! Il s’agit d’être cohérents : un manager doit savoir combiner une « posture haute » (décider, contribuer à l’excellence opérationnelle, comprendre le client, donner du sens) et une « posture basse » (susciter l’initiative, faire confiance, réenchanter l’humain). C’est un chef d’orchestre qui doit savoir manier ces deux registres.

Le manager digital doit être « surhu-main » : les machines exécutent les opéra-tions basiques, le manager crée du sens et du lien. Est-ce trop demander ? Peut-être la solution consiste-t-elle, pour un manager, à savoir s’entourer des meilleurs, avec des profils atypiques et savoir associer des talents divers pour faire face aux imprévus qui ne cesseront de se faire jour.

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ACTIVITÉS DES RÉGIONS

Après une présentation des travaux de l’OSI et d’Eurogroup Consulting sur « les disruptions numériques », chaque par-

tenaire a fait état de son expérience concernent l’innovation et les pratiques managériales.

Orange présente un « accompagnement managérial sur le territoire Centre Est »  : des dispositifs transverses pour accompagner les managers vers une entreprise de service ont été mis en œuvre, rapportent Philippe Douillard(2), et Valérie Bielawski(3). Des écoles métiers internes et le Campus d’Orange permettent d’acquérir et de partager une culture managériale commune en mettant en avant l’agilité, la transversalité et les réseaux dans la posture managériale.

Ces dispositifs encouragent les managers à plus d’initiatives et d’audace car dans un contexte où les changements sont rapides, ils doivent rapi-dement modifier leur comportement.

Les compétences collectives sont développées pour résoudre une problématique. Les managers viennent d’environnements différents. Un chan-gement d’attitude s’impose pour s’adapter au client. L’accompagnement managérial en Centre Est se fait par le site d’actualités managériales ou par des dispositifs variés tels que des groupes de co-développement, café philo, after works, forma-tions/ateliers spécifiques ainsi que des réseaux et communautés « Plazza ». Le mentoring permet à des managers de managers d’accompagner un manager de proximité dont il ne connaît pas l’en-vironnement. Chez Orange, l’évolution n’est pas forcément pyramidale. Elle peut être fonctionnelle sans toujours aboutir à des fonctions managériales et peut engendrer une évolution salariale.

Dans les boutiques Orange, les managers sont appelés à être des managers ressources qui viennent en appui à leurs collaborateurs. Le client doit être satisfait et sa satisfaction booste les ventes. Cette initiative terrain est ensuite remontée au niveau de la Direction.

De son côté, GrDF innove pour se transformer. Emmanuel Sarraud(4), en région Rhône Alpes Bourgogne, présente les dispositifs qui ont été mis en place à l’intention des managers. À titre d’illustration, le dispositif de professionnalisation

Crescendo s’adresse au corps managérial de GrDF et lui permet de renforcer ses compétences, sa posture managériale et de partager les pratiques.

Les objectifs de ce dispositif de professionna-lisation sont les suivants :• porter les grandes orientations de l’entreprise,• créer une culture managériale commune et

développer un réseau des managers,• développer les compétences des managers

sur les quatre attendus suivants : porter la stratégie, développer les collaborateurs, piloter la performance et animer une équipe,

• rendre les managers acteurs de leur professionnalisation.

Dans l’entreprise, les managers doivent antici-per et impulser les transformations à venir, renfor-cer la coopération et la transversalité, développer les innovations et faire évoluer la relation client.

Il y a trois niveaux de déclinaison : un socle commun d’apprentissage qui est obligatoire, les form’actions thématiques, qui se font à la demande des directions et les web conférences d’appui au management qui sont en libre accès. GrDF a également mis en place des solutions digitales co-construites avec ses collaborateurs. Digit’all est une émission web en live et en replay qui explique le fonctionnement du numérique. Par ailleurs, un manuel d’utilisation des réseaux sociaux est à disposition et des communautés et diverses applications sont mises en place pour répondre aux besoins des collaborateurs.

On le voit, l’accompagnement et la formation des managers sont primordiaux : ce sont eux qui assurent l’animation sur le terrain en cohérence avec la stratégie de l’entreprise.

Le groupe de travail(1) de l’OSI à Lyon s’est réuni le 10 mars 2016 dans les locaux de la Caisse d’Épargne Rhône-Alpes autour du thème Innovation et Formation des Pratiques Managériales.

INNOVATION ET PRATIQUES MANAGÉRIALES

LYON

1- Parmi les entreprises et organismes présents : la Caisse d’Épargne, Orange, GrDF, Malakoff Médéric, ENGIE, Tunnel du Fréjus, Carsat, Direccte, Aravis-Aract.

2- Responsable du Pôle Organisation du Travail d’Orange.

3- Responsable Parcours Cadres et Stratégie Managériale à la DRH Centre-Est d’Orange.

4- Délégué RH Direction Clients Territoire chez GrDF.

• Innovation managériale « Benchmark sur les démarches de groupes managériaux d’échanges entre pairs (co-coaching, co-développement,…) » avec EUROGROUP Consulting, ENGIE, Orange, La Poste.

• Document d’échange sur les chaînes d’approvisionnement mondiales.

• Transformation des formes de salariat « Benchmark auprès d’une dizaine d’entreprises » avec EUROGROUP Consulting, le groupe IGS.

• Enquête OSI Malakoff-Médéric auprès d’un panel de salariés et de DRH sur la responsabilité sociale des entreprises en matière de santé.

LA LETTRE Nº 22 / Mai 2016

Directeur de la publication : Muriel MORINRédacteur en chef : Marc DELUZETConception et réalisation : Éditions StratégiquesCrédits photos : OSI

Observatoire Social International 1, place Samuel de Champlain Faubourg de l’Arche 92930 Paris la Défense cedex France Tél : 33 (0)1 44 22 66 00 www.observatoire- social-international.com

Santé au Travail et Big Data24 mai 2016 Petit-Déjeuner / Paris

Colloque Environnement3 juin 2016 / Abidjan

Rendez-vous annuel Santé au travail 16 juin 2016 / Paris

Séminaire OSI Chine avec FrCCC et la Chambre de Commerce 12 Juillet 2016 / Pékin

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