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Quatorzième Année. Le numéro: 1 fr. 50 MENSUEL N° 158 JUIN 1938 ADON~El\ lE~"l' S Li brairie FRANSSEN, 1, place Paul-Painlevé, Paris s1:1111q,te chèques pustnu x : Pari« ,\.6~-58 ======= REDACTION ====== M. PIERROT, 2, rue des Haudriettes, 2, Par.s Je SOMMAIRE La question du riz . Le Droit dasilo. · La Question tchècoslovaq uc . A propos de Victor Serge . Dirigisme ca pi lai iste ou socialisme . Dans l'Amérique civilisée . Nous avons reçu. - Divers. ·, M. PIERROT. M. P. G. DURUPT i\l. )!ATTEI. I-l. P . . I. - LA QUESTION DU RIZ Les ouvri ers hindous, chinois, japonais, ' etc., sont payés à des prix infi mes, ils sont exploit és au maxi mum, ils sont venus êîes vill ages cù ils n'avaient rien à manger. i\' ous retrouvons ici Je phénomène de l' émigrati on dont il a été parié dans le .n ° 150, page 2. A ce sujet on peut aussi lire ou relir e le livre d'André Phili pp sur l'I nde Moderne. Cc qui aide encore à l'avil issement excessif des sala ires, c'est que le coût de la nourriture est lui-même extmement bas. Le riz constitue preste toute la nourriture des tra- vaill eurs, et il est vendu à très bon marché. Pourtant sa culture est excessivement pénible. Car, à presque tcutes les opérations qui sont cell es de la culture du 'bl é s'ajoute la nécessité de travaill er sur des terres inondées, ce qui augmente la fatigue et ce qui implique aussi ·1e travail d'une -irrigation soigneusement entretenue. En outre s'y ajoute le repiquage. « Dure besogne . que cell e des repiquages - car ce travail est entièrement exécuté par les femmes, - qui passent dix heures par jour à peu près immobil es, avec cle l' eau jusqu'aux genoux ». (Les paysans du déUa tonki- nois, par Pierre Gouron, Paris, 1936, aux éditi ons d'art et d'histoire). R1en n'est fait à la machine. Tout est fait à la main, et la plupart des travaux se font « les pieds clans une eau abondante en sangsues ». Avec cett e prodigieuse dépense de main-duvre « un kilog de riz blanc, si l' on tient compte du travail dépensé pour prod uire le 'paddy et pour le décortiquer, représente près cle trois heures d'effort humain. Au prix du riz en 1934 (4 piastres le quintal pour les plus belles quali tés, ;l pour les qualités ordinaires) l' heure de travail ·n'est payée que dix centi mes papier (monnaie Poincaré) (1). L'aliment principal est clone à très bas prix : un ki lo- gra mme de riz ne coûte que trente centimes et a une valeur nutritive presque égale à celle de cieux ki logs de pain, qui coûtent en France trois francs envir on »· (tou- jours en francs Poincaré et en 1934). De son côté, René Dumont, dans La Flèche du 23 jan- vier 1937, s'exprime ainsi : « Alors que clans nos fermes de France nous estimons de 10 à 2;:"i journées le travail nécessaire à la cul- ture d'un hectare de blé, rendant cle 10 à 30 quintaux, il faut environ de 100 à 250 journées, soit 10 fois plus cle trao'tiumairc pour culti ver un hectare de riz, dont le r011t lc:::r;1t moyen do paddy est inférieur à celui du blé français (moyenne générale : quatorze quintaux de paddy centre seize de 'blé). Un quintal de riz décortiqué (70 % du riz brut ou paddy) demande 10 à 25 jams de travail humain; un quintal de blé français de 5 heures· il trois [ours ; un qui ntal de blé canadien ou argentin de trois à sept heures, Voilà la cause essenti ell e de la diffé- rence des niveaux cle vie ; on ne peut la mettre aisément en valeur a vec la noti on capitaliste du prix de revient, tandis qu'elle vous frappe si l' on reconnaît, dans l' ordre des facteurs de la production, la primauté du travail humain ». Il faut apporter une rectification à cette appréciati on. On ne peut pas comparer le travail abouti ssant au riz décortiqué, c'est-à-dire prêt à être bouill i, puis consommé, à celui du travail du blé, qu'il faut encore moudre et boulanger avant d'avoi r clu pain, ce qui représente un e assez ·grande augmentation de travail humain. Une autre remarque est à faire sur le rendement corn- paré de la culture du blé et du riz, rendement très va- riable suivant les régions et les procédés culturaux . ::.\1. Gcuron cite des rendements en paddy supérieurs à la moyenne offi cielle cle 14 quintaux à l'hectare : des terr es 'bien fumées pourraient clonner 25 à 35 quintaux par récolte. Ces mêmes différences et ces mêmes rende- rnents se rcnccntrent clans la cult ure du blé, suivant que l'on considère les moissons de certains coins des Causses et de la Lozère, ou celles de plaines bien engraissées, L' ornme celles du Soissonn ais et du Danemark. D'après (1) La piastr e iudocbinoise vaut 10 fr aucs français et jusqu'ici a suivi le frauc dans ses déval uations successives, Le paddy est le grain de riz non décortiqué.

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Quatorzième Année. Le numéro: 1 fr. 50

MENSUEL N° 158 JUIN 1938

ADON~El\lE~"l'S Librairie FRANSSEN, 1, place Paul-Painlevé, Paris s•

1:1111q,te chèques pustnu x : Pari« ,\.6~-58 ======= REDACTION ====== M. PIERROT, 2, rue des Haudriettes, 2, Par.s Je

SOMMAIRE

La question du riz . Le Droit dasilo. · La Question tchècoslovaq uc . A propos de Victor Serge . Dirigisme ca pi lai iste ou socialisme . Dans l'Amérique civilisée . Nous avons reçu. - Divers.

·,

M. PIERROT.

M. P. G. DURUPT i\l. )!ATTEI. I-l. P .

. I. - LA QUESTION DU RIZ

Les ouvriers hindous, chinois, japonais, 'etc., sont payés à des prix infimes, ils sont exploités au maximum, ils sont venus êîes villages cù ils n'avaient rien à manger. i\' ous retrouvons ici Je phénomène de l'émigration dont il a été parié dans le .n ° 150, page 2. A ce sujet on peut aussi lire ou relire le livre d'André Philipp sur l'Inde Moderne. Cc qui aide encore à l'avilissement excessif des sala ires, c'est que le coût de la nourriture est lui-même extrêmement bas.

Le riz constitue preste toute la nourriture des tra­ vailleurs, et il est vendu à très bon marché. Pourtant sa culture est excessivement pénible. Car, à presque tcutes les opérations qui sont celles de la culture du 'bl é s'ajoute la nécessité de travailler sur des terres inondées, ce qui augmente la fatigue et ce qui implique aussi ·1e travail d'une -irrigation soigneusement entretenue. En outre s'y ajoute le repiquage.

« Dure besogne . que celle des repiquages - car ce travail est entièrement exécuté par les femmes, - qui passent dix heures par jour à peu près immobiles, avec cle l'eau jusqu'aux genoux ». (Les paysans du déUa tonki­ nois, par Pierre Gouron, Paris, 1936, aux éditions d'art et d'histoire).

R1en n'est fait à la machine. Tout est fait à la main, et la plupart des travaux se font « les pieds clans une eau abondante en sangsues ». Avec cette prodigieuse dépense de main-d'œuvre « un

kilog de riz blanc, si l'on tient compte du travail dépensé pour produire le 'paddy et pour le décortiquer, représente

près cle trois heures d'effort humain. Au prix du riz en 1934 (4 piastres le quintal pour les plus belles qualités, ;l pour les qualités ordinaires) l'heure de travail ·n'est payée que dix centimes papier (monnaie Poincaré) (1). L'aliment principal est clone à très bas prix : un kilo­ gramme de riz ne coûte que trente centimes et a une valeur nutritive presque égale à celle de cieux kilogs de pain, qui coûtent en France trois francs environ »· (tou­ jours en francs Poincaré et en 1934).

De son côté, René Dumont, dans La Flèche du 23 jan­ vier 1937, s'exprime ainsi :

« Alors que clans nos fermes de France nous estimons de 10 à 2;:"i journées le travail nécessaire à la cul­ ture d'un hectare de blé, rendant cle 10 à 30 quintaux, il faut environ de 100 à 250 journées, soit 10 fois plus cle traoaü 'tiumairc pour cultiver un hectare de riz, dont le r011tlc:::r;1t moyen do paddy est inférieur à celui du blé français (moyenne générale : quatorze quintaux de paddy centre seize de 'blé). Un quintal de riz décortiqué (70 % du riz brut ou paddy) demande 10 à 25 jams de travail humain; un quintal de blé français de 5 heures· il trois [ours ; un quintal de blé canadien ou argentin de trois à sept heures, Voilà la cause essentielle de la diffé­ rence des niveaux cle vie ; on ne peut la mettre aisément en valeur a vec la notion capitaliste du prix de revient, tandis qu'elle vous frappe si l'on reconnaît, dans l'ordre des facteurs de la production, la primauté du travail humain ». Il faut apporter une rectification à cette appréciation.

On ne peut pas comparer le travail aboutissant au riz décortiqué, c'est-à-dire prêt à être bouilli, puis consommé, à celui du travail du blé, qu'il faut encore moudre et boulanger avant d'avoi r clu pain, ce qui représente une assez ·grande augmentation de travail humain.

Une autre remarque est à faire sur le rendement corn­ paré de la culture du blé et du riz, rendement très va­ riable suivant les régions et les procédés culturaux. ::.\1. Gcuron cite des rendements en paddy supérieurs à la moyenne officielle cle 14 quintaux à l'hectare : des terres 'bien fumées pourraient clonner 25 à 35 quintaux par récolte. Ces mêmes différences et ces mêmes rende­ rnents se rcnccntrent clans la culture du blé, suivant que l'on considère les moissons de certains coins des Causses et de la Lozère, ou celles de plaines bien engraissées, L'ornme celles du Soissonnais et du Danemark. D'après

(1) La piastre iudocbinoise vaut 10 fraucs français et jusqu'ici a suivi le frauc dans ses dévaluations successives, Le paddy est le grain de riz non décortiqué.

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les statistiques mondiales, 1 apportées par A. Pl.il ipp, 1a

moyenne générale du rendement d'un hectare planté en blé serait de 9 quintaux,4, et celle du riz de 16,Z. Qu'im­ porte même que les cuttures du delta tonkinois puissent donner deux: récoltes par an, et que certains champs, avec la répétition de toutes les opéra tic ns cultu ra lcs, puissent rapporter dans l'année 30 à 70 quintaux Je riz à l'hectare. Ce qui nous i.itéresse, c'est le rapp ,1 i: dl: rendement au travail humain. Le rendement de la cul­ ture extensive clu blé aux Etats-Unis n'est guère que de 8 quintaux à l'hectare, mais cela représente peut-être un travail humain de quai ante heures seulement, grâce au machinisme. Pour comparer le travail du cultivateur de blé aux:

Etats-Unis avec celui du cultivateur de riz au Tonkin, donnons ci-dessous le tableau des opérations clans la culture d'une rizière. D'après M. Gourou « la culture d'un mau (3.600 mètres

carrés) de rizière du dixième mois exige d'abord trois labours, trr is hersages, l'apport · du fumier, soit environ douze journées de travail; le piochage des coins non labourés demande au moins une journée par mau. La préparation de la pépinière est extrêmement minutieuse, mais, comme el le ne s'applique qu'à une petite partie de la superficie, le dixième au maximum de l'étendue repiquée, el le ne représente pas plus de trois journées de travail par mau de rizière. Le repiquage exige un nombre de journées très variable selon l'écartement des plants; on sera dans la moyenne en comptant dix jour­ nées pc u r un mau, ce total comprenant le travail des hommes qui arrachent les plants, des femmes qui les transportent et les repiquent. La rizière une fois repiquée, il faut veiller à la solidité des diguettes (une journée de travail par mau), il faut irriguer au moins une fois, ce qui demande environ quatre jours par mau. Le désher­ bage, qui s'accompagne d'un épandage de fumier et d'une agitation de l'eau, auprès des plants, dans le out de troubler. le liquide, exige au moins vingt journées de travail. La moisson (coupe des épis et transport à la ma 'son) demande près de dix: jours d'effort, le battage, Je séchage, le vannage des grains en veulent six, mais il est des procédés qui entraînent une plus grosse perte de temps. Au total, pour une culture sans aléas, on compte environ soixante-dix journées de travail. Mais de nombreux accidents peuvent provoquer une plus forte dépense de main-cl'œuvre nécessité de recom­ mencer le repiquage à la suite d'une tnondation, irri­ gations ou désherbages supplémentaires ». Et on recom­ mence pour la culture du cinquième mois.

La culture du riz dans le delta du Tonkin apparaît presque comme une culture maraîchère. Notamment le repiquage donne une grosse économie de semences, per­ met de réduire la période d'occupation des rizières par le riz et assure aux jeunes plants beaucoup plus de robustesse, On pourrait, en outre, avec une meilleure

-sélectlon des espèces, avec une lutte ordonnée et scien­ tifique contre les parasites, avec une plus large utili­ .sation des engrais, obteni r encore des rendements plus

élevés. Mais cet avantage ne saurait compenser le gas­ pillage de la peine humaine, en comparaison de ce qui se passe pour la culture du blé.

Void encore l'exemple du décort icaaa. Cette opération « se fait clans un me ulin à main constitué par une meule rotative qui frotte sur une meule fixe; les deux meules étant en arg i le séchée, les grains sont décortiqué par Je rrotterneut de lamelles de bois fichées dans cette argile. Puis vient le vannage exécuté à l'aide c1'11n grand van à mailles serrées. Le riz cargo est recueilli dans un panier. Le triage est une opération assez longue; il Iaut beaucoup de soin pour séparer le riz cargo, le paddy non décortiqué, la balle. On procède ensuite au blan­ chirnent en déposant le riz ca r, . .w tians un mortier de pierre sur lequel s'abat un lc u rd pilon tle bois soulevé par le poids du corps. Enfin on tamise ». Avec tout ce travail le décortiquwr (ou Ilang· sao) gagne envi ron 0 n. 35 par jour (franc Poincaré).

M. Gourou note que le riz décortiqué à la. main est un aliment complet, tandis que le riz décortiqué à la machine, ou riz poli, provoque le béribéri, grave maladie de carence, fort répandue dans les populations qui ne se nourrissent que de riz, et de ce riz poli. C'est cc riz poli que nous consommons habituellement en Europe, sans inccnvénient d'ailleurs parce qu'il n'entre qu'en très faible partie clans notre nourriture journalière. Donc privé de vitamines, privé ~e gluten, ce riz n'a guère d'autre valeur nutritive qu'un plat de pommes de terre et peut être comparé au pain moderne, ce pain hlanc ou pain ·d'amidon, dont .i'ai longuement parlé dans les numércs 151 et 152. Donc lorsque M. Gouron dit (loc. cit.) qu'un kilog de riz a une valeur nutritive presque égale à celle de cieux kilogs de pain, c'est en comparant le riz complot, simplement débarrassé cle sa halle, à notre pain blanc, privé de vitamines et de la majeure par-tie des albuminoïdes.

Cependant les procédés de cléco1tit1uage à la main pourraient être remplacés par des machines mieux: ap­ propriées, et M. Gouron cite l'exemple des indigènes du Haut Tonkin, employant des appareils hydrauliqua., qui ne polissent pas le riz. On pourrait aussi faire à la machine le battage, ile vannage, le séchage du paddy ; l'irr-iaation au moyen de pompes. L'amélicration des votes d'accès devrait faciliter les fransports. Enfin on devrait arriver à une riziculture mécanique

compléfe. Qu'on n'objecte ~as que l'adaptation en serait assez difficile, étant donne que la plupart des travaux: se font en terrain inondé ou détrempé. En Italie, mais principalement aux Etats-U_n!s on. cultive le riz sans faire de repiquage et en uti lisant le machinisme. Le premier dbstacle à l'introduction du machinisme

moderne au Tonkin, aussi bien que presque partout en Extrême-Orient, c'est la pauvreté des paysans. Elle ne pourrait se -faire qu'à la faveur d'une organisation collective. Mais l'obstacle principal est l'abondance de la main-d'œuvrc une main-d'œuvi·e à si bon marché que l'emploi des ~iachines serait plus onéreux. Au contraire, c'est le manque de main-d'œuvre qui a favorisé le déve-

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l o ppcrnen t du machinisme agricole aux Etats-Unis. On nous a dit qu'au Tonkin, tout se faisait à la main, il n'y a même pas vérîfablement de surpeuplement. Aux mo­ ments de presse (moissr ns, etc.) il n'y a pas trop de toute la population ag r.cole pour assurer le travail.

:\;ui::; c'est une populat ic n sous-alimentée (comme tel est le cas en Allemagne, en Italie, en Russie, en Espa­ gne, ctc., pour des raisons différentes). D'après M. Gou­ ron, le pouvoir de consommation d'une famille de paysans tonk ino.s serait dix à quinze fois moindre que celui d'une famille rurale moyenne en France ou d'une famille douvrIcrs agricoles. Sans cloute faut-il tenir compte du bas prix des denrées au Tonkin, puisqu'un paysan peut manger à sa faim peur O fr. 30 à O fr. 40 par jour (e11 monnaie Poincaré). Mais ce n'est pas une n ou rti tu re complète et un Fran;ais ne s'en contenterait pas ; elle est pauvre en matières grasses (le lait et le beurre sont inconnus) et. en albuminoïdes (la viande fait défaut).

Ces remarques s'appliquent à la population moyenne, c'est-à-dire à la foule des petits propriétaires. Dans le Del ta 869.000 familles possèdent moins de 5 mau, soit moins de 1 hectare, 8. Si nous acceptons qu'une fam il le tonki­ noise p:roupe aisément six personnes, cela donne 5.204.000 hurna ins sur une population rurale de G.5000.000 hafii­ tants. Au-dessus d'eux, déjà un prçprîétaire de trois hectares travaille rarement de ses bras et se contente de surveiller ses ouvriers. Mais une plus grande pro­ priété existe aussi et elle tend et a toujours tendu à s'agrandir grüce à l'usure et à la complicité des man- . dar ins. Les lo is françaises ne font que faciliter son développement. Les gros ,propriétaires possèdent direc­ tement quelques centaines de mau, mais ils en « con­ trôlent » beaucoup plus, ce qui veut dire qu'ils font tra­ vail Ier comme métayers les soi-disant propriétaires. « Au total, dit Gouron, les fermiers et les métayers sont plus malheureux que les proprïétaires et vivent à la limite de la misère ».

C'est ce que dit aussi A.-E. Bahut clans la Revue franco-annarnite à propos de la baisse de la piastre, qui a encore aggravé le contraste. Les prix intérieurs s'élè­ vent, le riz clans certaines régions de !'Annam a été coté presque le double de son prix de jadis. Mais les patrons ne payent pas mieux leurs ouvriers, et ceux-ci n'ont pas assez d'argent pour acheter la quantité de riz nécessaire aux 'besoins quotidiens de leur famille.

« Ainsi dans un village essentiellement agrf culteur de ma régton, rlit Babut, et qui possède 2.065 mau de rrzreres pour une population de 2.000 habitants, on compte seulement 15 % cle grands proprl étai res, 20 % de petits propriétaires et 25 à 2·0 % de cultivateurs qui travaillent à l'état de fermiers pour le compte des autres, alors que le reste, soit les 00 % de la population, se compose d'ouvriers agricoles ne disposant pas d'un pouce de terrain et ayant même leurs paillotes cons­ truites sur les terres de leurs maîtres.

« Cette année, m'a dit un homme de ce village, les

grands propriétaires s'enrichissent, les petits propriétaires sont clans l'aisance, mais une partie des fermiers vit tant bien q.;e mal et une autre partie s'endette à tour de bras pour faire face à des difficultés matérielles sans cesse grandissantes. Quant aux prolétaires de la cam­ pagne, ils sont en train de crever littéralement de faim. Et cette situation est celle de tout !'Annam dont les trois quarts des habitants - tout le monde le sait - vivent cle l'agriculture ».

A. Philipp a fait des constatations plus graves encore dans l'Inde, puisque la plupart des cultivateurs y sont réduits à l'état de fermiers, fortement pressurés par les propriétaires.

Ces paysans, tonkinois, chinois, hindous, japonais, qui vivent tout juste, et pas toujours, de leur production, sont clone en dehors cle l'économie mondiale. Ils sont dans le dénuement et ne peuvent rien acheter. Pour devenir acheteurs de produits alimentaires cle complé­ ment et cle produits manufacturés, il faudrait d'abord qu'ils fussent tous propriétaires, il faudrait ensuite que la culture du blé fût aidée par des moyens mécaniques, de tacon que la production soit augmentée par rapport au travail fourni, il faudrait enfin que le riz eût une plus grande valeur marchande. pour que le travail hu­ main puisse rejoindre l'équivalence de la rémunération obtenue clans la culture du blé. Sur le premier plan, il n'y a qu'à se reporter à ce

qui a été dit plus haut. Si un propriétaire de ces pays arrive à joindre les cieux bouts, il n'y arrive plus quand il a à payer des redevances à un propriétaire, presque toujours doublé d'un usurier. Propriétaire, cela veut dire clans notre esprit possesseur du sol, mais sans pos­ sibilité d'acquérir de nouvelles terres au détriment de la communauté. Toutefois, pour que les paysans dans tous les pays du globe puissent espérer accéder à l'équivalence d'un standard de vie mondial, il ne suffit qu'ils soient des propriétaires indépendants, il faut qu'ils deviennent des producteurs, associés en coopération, et pour l'em­ ploi des machines agricoles et pour la vente de l'excé­ dent des récoltes.

Sur le deuxième point, 'I est probable que le machi­ nisme n'arriverait pas à augmenter considérablement la masse rie la production. Certes la culture est arrié1·ée en beaucoup de régions et pourrait donner davantage. par exemple clans l'Inde (voir l'Inde Moderne, par A Phi­ lipp, p. 66 et suivantes) le rendement agricole est inférieur de 12 p. 100 en movenne au rendement moyen des autres grands pays du monde, « et cela a lors que ce pays est naturellement un des plus fertiles de l'univers ». Pour le riz le rendement est de 15,7 quintaux aux Indes, cle 20 aux Etats-Unis. Mais au Tonkin, l'emploi intensif et minutieux d'une main-cl'œuvre surabondante fait donner au sol à 'peu près tout ce qu'il peut. L'avantage de la machine est de illminuer l'effort humain.

Aux Etats-Unis on emploie le machinisme, mais pas aussi complètement que pour la culture du blé, san doute parce que dans le sud, où se fait Ia riziculture, et

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principalement en Louisiane (2), la main-d'œuvre nègre est à bon marché. La culture y est faite communément sous le régime du métayage, qui permet aux propriétaires d'exploiter au maximum leurs locataires, noirs ou blancs, et ils leur louent, en outre, à des prix usuraires les mules et les outils agricoles. Les métayers sont d'o rdinai re trop pauvres pour utiliser la. motorisation. Dans le cas du faire-valol r direct il Pst également avantageux d'employer les attelages cle mules, puisque la main-d'œuvre n'est pas chère. The rice directori; and manual, édité par The rice, sugar and coffee journal à New Orleans, Louisiane, donne 1 dollar, 50 co111111e salaire journalier. A première vue, cette rémunération paraît beaucoup plus considérable que celle du travailleur indochinois. Mais il faut tenir compte clu coût cle la vie qui est plus élevé en Amérique qu'en Asie, et que le salaire est payé par jour ouvrable. CoJ11111e les nègres ne sont appelés à travailler qu'au moment du labourage, des sarclages et de la moisson, leur vie est relativement misérable, sauf celle de l'équipe réduite et permanente qui assure aussi l'irrigation et les travaux ,cf'entretien. Il est vrai que leur vie comporte plus de loisirs ; s'ils étaient propriétaires, ils seraient plus heureux que les propriétaires indochinois. Je remarque que lorsqu'on emploie la motorisation, l'ouvrier est payé 3 dollars. En tous cas, le machinisme profite surtout au proprié­

taire, en tant qu'il diminue la quantité de main-d'œuvre à payer. Utilisé par <les travailleurs associés, en posses­ sion du sol qu'ils cultivent, il leur permet de n'avoir pas à prendre de salariés, ou bien il permet à une partie de la famille de se libérer du travail de la terre et cl'aller s'adonner ail I eurs à d'autres occupations. La ré­ colte, ·peut-être pas plus abondante qu'avec le travail sans machine, sera divisée entre un moins grand nombre de b.énéficiaires. Autrement dit, augrnentention du pouvoir d'achat, puisque la vente d'un plus grand excédent de récolte permettrait la possibilité d'acheter davantage. Toutefois la réduction du nombre des travailleurs à

cause de· l'emploi du machinisme doit faire apparaître la surabondance de la population. Au Tonkin par exem­ ple, où la population atteint la densité moyenne de 430 habitants au kilomètre carré (d'après Gouron), il fau­ drait que les hommes, remplacés par la machine, trou­ vassent du travail ailleurs. Les charbonnages de la region et I'aménagement des forces hydrauliques du Haut Tonkin devraient servir à équiper, sur le plan mo­ derne, des industries diverses, soit en usine, soit à -domicile avec le moteur électrique, et à relever les con­ ditions de la vie. Il est permis de supposer que le paysan, n'aya111t plus besoin âautant de main-d'œuvre, aurait moins d'enfants, et, enfin, que la condition de la femme s'étant amélicrée, celle-ci saurait se défendre contre l'asser­ vissement sexuel.

(2) On cultive aussi Je riz au '.rexas, eu Arkansas, en Cali­ fornie. La Caroline du Sud, qui avait autrefois le monopole de cette culture aux Etats-Unis et qui a donné son nom à une variété de riz, l'a presque complètement abandonnée, probable­ meut pour celle du coton.

Sur le troisfèmc point, notons le prix très peu (•ln(' des denrées alimentaires en comparaison avec 1·(!f·o11n111ic générale. Le mouvement industriel qui se propage peu à peu en Asie, en relevant de gré ou de force les salaires des ouvriers, leu!' permettra d'améliorer leur subsistance en leur facilitant l'achat de produits agricolos plus abon­ da nts et plus variés, dont le prix tendra à augmenter. Ainsi l'humanité n'étant plus divisée en compartiments géographiques étanches, l'équivalence du travail, cqu lva­ Jonce cle rémunération, doit s'établir à la longue, après boa ucoup de luttes et beaucoup de souffrances, et sans doute au prix d'une l'évolution LJUi semble devoir éclater d'abord au Japon (voir note à la fin de l'article). Et l'on arrivera au stade d'une ci vil isuti ou où l'éco­

nomie, c'est-à-dire l'ensemble du travail humain, dépendra non plus de la dépense des r ichards, mais du pouvoir d'achat cle ceux qui produisent les choses utiles et d'abord du pouvoir d'achat des cultivateurs. Les Phy­ siocrates avaient fondé leur économie sur la production agraire, mais leur théorie aboutissait à faire porter les dépenses royales et les impôts sur l'exploitation de la terre, tandis que clans une société libérée du parasitisme, c'est la satisfaction des besoins utiles et nécessaires qui devra passer ayant les autres, et ce n'est que l'excédent de la production qui p·'.'nnettrn l'cpanouisscmeut possible des autres besc i ns et tic tous les plaisirs.

M. PIERROT.

Nute. - L'équirnlence du travail en rémunération est en train de s'établir au Mexique. Dans cc pays la récente révo­ Iur iou ag rni rc a vermis clé rècupé rcr sur l'Eglise et les autres grands propriétaires fonciers d'immenses latifundia, qui out été pal'tagés entre les paysans. D'autre part, sous l'influence du même mouvement, les salaires des ouvriers industriels ont aug­ menté. A partir de janvier 1939, le salaire sera de 2 pesos, 50 var jour. Le peso valait 10 fruucs avant la dernière dévaluation. Déjù le salaire est clc 1,50, ce qui est énorme en comparaison d'une évoque encore récente. Jusqu'ici le Mexique était con­ sidéré par les capitalistes comme une mine de profits, à cause cle l'extrême bon marché de la main-d'œuvre.

Un équilibre en sens inverse s'établit aux Etats-Unis. Bc[Lu­ coup d'industries ont émigré et émigrent encore du Nord vers les Etats du Sud, où la mniu-d'œuvre est beaucoup moins chère. Mais les tr"availlcurs du Sud coromenccut à s'organiser, afin t1·arnir une vie moins misérable. Peu à peu l'ascension des sa­ la ires atteindra sans doute le niveau des autres régions aux J,]tnts-Unis,

LE DROIT D'ASILE

Dans le précédent numéro ncus avons donné quelques renseignements sur les persécutions infligées aux réfu­ giés politiques, toujours sous le coup des mesures arbi­ traires de la police. Voici qu'un décret, paru au début de mai, vient aggraver

le sort de ces malheureux.

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Certes, le préambule du décret annonce pompeusement qu' « il ne porte aucune atteinte aux règles tradition­ nelles de l'hospitalité française, à l'esprit de libéralisme et d'humanité qui est un des plus nobles aspects de notre génie national.

« La France reste toujcurs aussi largement ouverte ... à la pensée, ù lïdéal persécutés, qui lui demandent asile ... )).

1)011(· des u vocuts, des pol it ic iens, des bourgeois pour­ ront toujours user de cette hospitalité. Mais les temps ont changé. La. bataille politique . est devenue bataille .socinlc, et, dans la lutte pour la liberté, ce sont les mem­ bres des organisations syndicales ouvrières qui sont main­ tenant au premier rang.

Ces eu vriers, l'uyant la mort ou la prison, ne peuvent pas, comme les réfugiés des générations. précédentes, vivre à l'étranger de leurs rentes ou de travaux de litté­ rature. La loi accepte le séjour en France des gens qui y viennent soit en rentiers, soit comme industriels, com­ merçants ou journalistes. Elle refoule ceux qui n'ont pour vivre que le travail de leurs bras. Pourtant un passage du décret ajoute qu'un étranger,

frappé par un. arrêté d'expulsion peut « se trouver hors d'état â'oblenir le visa étranger qui lui permettrait de quitter notre pays et d'aller ailleurs ... C'est pourquoi un article spécial dispose que clans un tel cas le ministre de l'intérieur pourra assigner .à l'intéressé une résidence déterminée qui rendra sa surveillance possible >). Nous demandons : Et si le réfugié n'a pas de quoi

vivre? Lui donnera-t-on une carte de travail, qu'on lui refuse actuellement? Et la possibilité de trouver un emploi clans son métier, un travail quelconque dans la résidence à lui assignée? Faudra-t-il clone envisager la création de camps de ccncentration? Il y a encore d'autres choses dans le décret, comme

la défense d'héberger clandestinement un réfugié, même à titre gracieux. En tout état de cause, c'est le ren­ forcement du pouvoir policier." sans aucun essai d'or­ ganisation pour assurer du travail aux exilés.

LA QUESTION TCHECOSLOVAQUE

Vigüance a consacré son bulletin d'Infonnations du 25 avril à la question tchécoslovaque.

Il y apparaît nettement que l'Europe supporte aujour­ d'hui, sur ce point là aussi, les erreurs du traité de Versarlles. Il suffit de lire dans les Intormaiions quelques extraits

des souvenirs de Benès, actuellement président de la république fchécoslovaqua (souvenirs âe Guerre et de Révolution, 1914-1919, à Paris, chez Leroux). Nous en reproduisons quelques passages pour ceux: de nos "ecteurs qui n'en ont pas eu connaissance. Le 13 décembre 1918, le ministre autrichien des affaires

étrangères protestait « contre l'attribution des Allemands Sudètes à la Tchécoslovaquie ; il réclamait l'organisation

immédiate d'un plébiscite. Puis, le 16 décembre ... il de­ manda que la frontière austro-tchécoslovaque., fut fixée par une commission d'arbitrage. -

« Informé de cette double démarche, j'intervins aussitôt oralement et par écrit auprès des Français, des Anglais et des Américains. Je remis ... un mémorandum où j'in­ voquais notre situation juridique d'Etat allié reconnu et pounm de frontières historiques (1) ... Je faisais observer d'autre part que tout autour de nous... le bolchevisme menaçait .... 1I était indispensable de confirmer au moins temporairement nos frontières historiques ... La démarche du gouvemement autrichien fournissait l'occasion de pren­ dre immédiatement les mesures qui s'imposaient (sic).

« M. S. Pichon reconnut la justesse de mon argumen­ tation et me promit de répondre dans ce sens au gou­ vernement autrichien. Le 21 décembre, M. Berthelot me· fit tenir officiellement la note que M. Pichon avait, sur notre intervention, remise à la légation de Suisse de Paris pour le gouvernement de Vienne. Cette note a une telle importance politique et juridique que je la repro­ duis in~extenso :

« La légation rie Suisse a. bien voulu remettre au ministère des Affaires étrangères, à la date du 13 et du 16 décembre 1918, deux communications du gouver­ nement de l'Autriche allemande. La première proteste contre l'intention que les puissances de · !'Entente au­ raient d'assujettir à l'Etat tchécoslovaque les Allemands de Bohême et de Moravie. Elle affirme que les Alle­ mands ont le désir de se· séparer de l'Etat tchécoslova­ que et elle propose un plébiscite immédiat en vue d'éclair­ cir la situation.

« La seconde cc mmunication tend à soumettre à une décision arbitrale les concessions relatives aux frontières entre l'Autriche allemande et les Etats tchécoslovaque et yougoslave.

« Ces demandes ne peuvent être accueillies. « Les questions de frontières dont il s'agit ne peu­

vent, en effet, être tranchées que par le Congrès de la paix: et elles doivent être prochainement examinées à cet effet par les gouvernements alliés.

« En attendant, pour ce qui concerne l'Etat tchécoslo­ vaque le gouvernement français estime qu'il doit, con­ formément à la reconnaissance qui lui a été accordée par les gouvernements, avoir pour frontières, jusqu'à la décision du Congrès de la paix, les limites des provinces historiques de la Bohême, de la Moravie et de la Silésie autrichienne ...

« Avec les Anglais, les choses n'allèrent pas aussi faci­ lement Néanmoins je réussis à obtenir également leur assentiment. Ils promirent de s'entendre avec les Fran­ çais et de 'faire la même chose qu'eux ...

« C'est avec les Américains que j'eus le plus de diffi­ culté ... ».

(1) C'est nous qui soulignons. L'argument des frontières hil· toriques a été le prétexte d'innombrables guerre. Quant à l'ar­ gument juridique, arrivera-t-on à· s'en débarrasser pour l'ol'­ ganisation d'une société future ?

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.M. Benès passe pour un très grand homme politique, à condition sans doute que la justice et l'équité soient nulles et non avenues clans le domaine politique et diplo­ matique. On dirait assister à un maquignonnage sur le champ de foire. La peur du •bolchevisme ·a servi beau­ coup. Elle a été utilisée pour l'Espagne, d'autant qu'au début de la rébellion militaire les cieux petites sectes bol­ chevistes rivales ont fait le plus cle bruit possible dans le dessein de -paraître diriger le peuple espagnol.

Et dire que presque tous les journaux paraissent accep­ ter une guerre dont le point de départ est Je heurt de cieux nationalismes, alors qu'on laisse agoniser l'Espagne!

M. P.

A PROPOS DE VICTOR SERGE

Bolchevisme. Trotskysme. Crises de l'anarchisme

rai éprouvé un certain malaise et comme le sentiment d'une injustice en lisant dans le numéro d'avril de Plus Loin la dure c1 itique que Wintsch et Pierrot ont faite cle Victor Serge et de ses écrits : Destin d'une révo­ lution, Je numéro du « Crapouillot » sur l'omarctue. Il m'a paru impossible cle laisser passer cela sans restituer tout d'abord à Victor Serge que je connais bien sa véritable figure d'homme, puis de discuter de ses écrits - question qui le dépasse de beaucoup. L'e pin ion se Win tsch sur Victor Serge comme homme

est fausse mais tolérable ; celle de Pierrot m'a surpris par sa... vivacité. Je les crois mal informés l'un et .I'autre. S'ils cqnnaissent mieux celui qu'ils attaquent ainsi, je suis sûr qu'ils reviendraient sur leur opinion et ne vou­ draient à aucun prix ajouter involontairement quoi que ce soit au « témoignage » de l'ex-capitaine Sadoul et cles communistes acharnés à salir un ennemi. Le premier cibjet de cette mise au point sera de séparer

Vitor Serge de Kibaltchiche. On ne peut reprocher à un homme qui aura bientôt cinquante ans ce qu'il disait et écrivait quand il était encore un gosse affamé de vingt ans, sujet à tous les pièges de l'esprit et à toutes les tentations, mais pas plus mauvais qu'un autre. C'est la distinction à faire tout d'abord. Quant à Victor

Serge écrivain et militant politique, il appartient à tout le monde, et on peut dire même avec passion ce qu'on pense de son action si on a le sentiment de défendre avant tout des idées terriblement galvaudées et com­ promises par certains outranciers. Il faut s'attendre à ·

· payer des fautes de jeunesse même clans l'âge mûr. On · comprend parfaitement la rancœur. des vieux militants

qui voient tomber en ruines sous les coups dos autres le travail péniblement {,chafaudé. Xlais ne faut-il pas toujours aller plus loin que les hommes et clrc rchcr à voir à travers eux et au delà d'eux les causes dl':-i erreurs ccmmises ? .Je pense aujourd'hui que t outcs les respon­ sabilités sont co llcctivcs comme toutes les erreurs sont .-:c ii da i rcs, et quunc doctrine qui a insuffisamrnenl subi l'épreuve des faits est ù revoir du haut en lias. C'est l'lrivtoi ro de la « doctrine ,> una rchisu-. Elle est trop vaste et trop complexe pour avoir pu éviter des obscuri t és, dos indécisions, des contradictions. Quand on y réfléchit rn voit que là seulement est le mal. La recherche rie la vè­ rité, ou, si on préfère, de l'équilibre, est 1m constant sup­ plice.

Cette rec hc rchc, 011 peut dire que Victor Serge sy est tf'o rcé et qu'il s'y efforce encore. On peut en trouver la preuve clans ses écrits eux-mêmes. No trc ami Wi n tsch oubliera pour l'instant Je procès du stalinisme que re­ présente, mal peut-être, Destin d'une -rénotul.ion, qui n'est qu'un aspect de la pensée de Victor Serge, et voudra lire la partie du Crapouillot dont V. S. est seul responsable, le reste étant une collaboration où .il n'eut rien à voir, qui contient cles choses critiquables et à rejeter comme trop superficielles et « succès de Iihrai rie » (?), mais aussi des choses justes (c'est l'opinion de plus d'un). Et Pierrot fera comme Wi ntsch, car je mettrais 111a main au feu qu'il n'a jeté qu'un coup cl'œil sur ce Crapouillot de malheur et qu'il ignore encore tout le bien qu'a dit Victor Serge des anarchistes et qu'il espère de leur future action. Je ne ferai pas de citations, - c'est toujours mé­ diocre et décousu, ça peut sembler arbitraire et on risque de paraître vouloir enlever à tout prix un acquittement. Je demande qu'on l ise sinon Je tout, du moins ce qui a trait aux anarchistes, par exemple les courts chapitres sur « Kroprotkine, Reclus, Malatesta », « La révolution russe », qui contient l'opinion cle Lénine sui· les anar­ rhistes, le chapitre « Nestor Mak hno » et celui qui ter­ mine l'étude de V. S. : « L'altruisme libertaire ». On y verra que V. S. est un homme compréhensif et sensible, pas tellement infidèle à son passé le meilleur, qu'il eùt pu « tourner » beaucoup plus mal, et que j'ai raison de le défendre en cherchant à l'expliquer. Je ne l'épargnerai d'ailleurs pas quand il faudra le remettre en place et je le lui ait dit à lui-même. II encaissera la monnaie de sa pièce quand il. faudra. Ça lui rappellera nos années de jeunesse passionnées et les heures où nous nous affrontions comme deux béliers, alors que son extraordinaire sang­ froicl, que je prenais souvent pour de la placidité ou du cynisme, m'exaspérait au point de vouloir lui tomber des­ sus... au risque de recevoir une raclée. C'était vraiment le bon temps.

/'-:, On a pu être surpris de l'attitude de Wintsch. Le voici

qui semble défendre l'U. R. S. S. malgré tout, malgré lui, et malgré ce qu'il en a dit autrefois. Mais on connait Wintsch, sa conscience intellectuelle. Pas d'immobilisme stérile de la pensée. On peut et on doit modifier son jugement selon les circonstances. Une seule mesure, un

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seul a rhi t re : la bonne foi, la sincérité. On raconte qu'à quelqu'un qui se flattait rlev .. mt Ernest Henan de n'avoir ja mu is l'iian1,:·{, d'opinion Je phi lc sophc répondit : « Mais Xlo ns ie u r, vous n'uvez rlonr jamais pensé ? »

.Tc pcusc 'que L"l' que \Vintscli entencl défendre aujour­ d'hu i c'est l'ensemble de la révolution russe bien plus que lu l+ussic dite des soviets. A lui de dire s'il identifie rèc l icn rc n t l'une ù. lu.utrc ou s'il les différencie. Sans dou n- ponso-l-i l qu'on polit sauver quelque chose de l'une a.· ;i1u1:t ,,,. 1 uuu c, \Vi11t,wl1 est ùvidcmmcnt comme nous tLUS « retourné »

par 'tos èvènemcnts considérables de l'heure. Chez lui, en 'uisse, la. réaction s'est montrée violente contre les com­ mu nistcs et les a narchistcs, El le ugiru pareillement de­ main con t rc les socialistes si c'est nécessaire puisqu'ils ont perdu la. partie comme chez nous.

Chez « nous », le socialisme parlementaire est vaincu pour un bon moment et le socialisme des producteurs aura du mal ù. se ressaisir. L'Espagne semble agoniser. Sur toute la. 1 igne, triomphe Lies fascismes. L'Angleterre est dominée par le gouvernement des 'banquiers. Sur le clos des démocraties à bout de souffle toutes les réactions se donnent la main - pour l'instant. L'essentiel pour elles est d'avoir battu les idées de liberté et de progrès et sauvé leurs privilèges. Elles vont voir s'il est possible cle se partager les richesses naturelles sans se faire la guerre, ou s'TI faut ne considérer cc répit que comme une « pause » nu delà la quel le ce sera la guei-re.

Au milieu de ce quasi-désastre universel des idées cle dèmoc ruties, un seul îlot : la Russie. Telle qu'elle est, avec ses alternances de succès, d'échecs, de fautes, clc crimes. Voilà le tableau qui se présente à peu près à tous. Ce doit être l'idée qu'en a Wintsch, et c'est sous cette influence qu'il réagit avec tant de vigueur contre les adversaires d'un régime difficilement défendable.

Mais je laisserai Win tsch faire le procès du trotzkysme, des « oppositionnels » de droite et de gauche, de tous ceux qui selon lui auraient dû travailler à parfaire la révolution au lieu d'intriguer et de cc nspi rer « par manie d'intellectualisme », au lieu de « remplir la révolution de controverses et de commentaires ». On peut approuver certaines critiques de Wintsch et faire des réserves sur d'autres, en particulier sur la possibilité de travailler à une œuvre commune dans un pareil milieu. Wintsch lui­ même l'aurait-il pu, lui qui a tant dénoncé autrefois les trimes commis contre ses coreligionnaires scientifiques? II voudra s'en expliquer mieux et nous verrons si nous pcuvons nous refaire une opinion plus fro.ide sur un régime qui nous a profondément révoltés.

(à suivre) G. DURUPT.

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PLUS LOIN est en dépôt à la Librairie Franssen, 11, rue de Cluny, Paris (5°), à la Librairie du Travail, 17, rue de Sambre­ et-Meuse, Paris (10°). - A Toulouse, kiosques Arcades du Capitole, angle rue Romiguières et allées Jean-Jaurès, en face la Comédie.

DIRIGISME CAPIT AUSTE OU SOCIALISME (Banquet du 18 tévri or)

Jlatte-i, dans sa r-auserle du 1S ièvrrcr (Dr.Igisme capi­ taliste ou Socialisme), s'est particulièrement attaché à examiner les répercussions possibles d'un dirigisme capi­ taliste sur l'existence même clu prolètariat. Et il a formulé à ce sujet une hypothèse qui, choquante au premier abord, lui apparaît à la réflexion logiquement réal.sable aussi rrue l le qu'elle soit.

[I exprime la crainte que, quels que soient nos désirs, tant ne nous entraîne au dirigisme : Les partis do gauche, qui appellent cela le socialisme; La C. G. T., qui a perdu le sens de la lutte de classes,

ne pense pl us à la conquête des moyens de production, et s'épuise en d'illusoires alignements de salaires; L'ignorance de la classe ouvrière, prête à toute solution

qui lui épargnera la peine cle penser et d'agir; Les efforts de nombreux industriels qui, submergés par

la concurrence des trusts, pensent trouver clans le diri­ gisme un moyen de conserver, à défaut d'indépendance patronale, leurs fonctions de direction.

Ces industriels ont-ils entrevu jusqu'où devrait aller leur renoncement à l'indépendance? Cela ne ressort pas des préoccupations· qu'ils manifestent dans la presse in­ clustrielie. Leur activité réformatrice s'est jusqu'ici appe­ santie sur la normalisation, et particulièrement sur l'un des buts actuels de la normalisation, qui est la diminu­ tion du prix de revient par la réduction des dépenses de main-cl'œuvre. Tous, plus ou moins, ont négligé le pro­ blème de la consommation. Mattei, dans le n° 153 de Pius Loin, a montré que si la normalisation était capa­ ble de réduire le prix de revient et d'augmenter la pro­ duction, elle ne pouvait assurer l'écoulement de cette pro­ duction augmentée qu'en conservant la même masse de salaires, ce qui entraîne comme conséquence l'application d'un principe ïormulé par Edouard Chaux dans « Le Plan français » (f° 127) : « La logique exige que le prix du « travail augmente sans cesse dans la mesure même où « sa quantité tend à diminuer ». Or, ce principe est con­ traire aù souci exprimé plus haut de la réduction des dépenses de main-cl'œuvre. Mais le dirigisme ne peut se limiter aux règles posées

par les Con veu tir ris collectives de production et de distri­ bution établie~ en vue de la norma lisation des entrepri­ ses. « Fini, le charbonnier maître chez lui ! :> ont déjà reconnu les auteurs de ces conventions. Se sont-ils rendu compte à quel point c'était fini? Le dirigisme, c'est l'iné­ vitable fixa.tion des profits, des salaires et des prix (pa nécessairement de tous les prix : cf. Plan français, f0 141). C'est aussi, comme conséquence de la montée des prix conforme au principe de Chaux, et pour conserver la pos-

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sibilité de nos échanges extérieurs, la nécessité d'une mon­ naie intérieure décrochée de l'or ; de « l'éclusage » des importations et des exportations; d'un contrôle de la cir­ culation des capitaux, Arithmétiquement, et sous réserve de l'application de

toutes ces mesures - car on ne peut s'arrêter en chemin dans la voie du dirigisme - le système tient. Mais socia­ lement, dit Mattei, c'est fou, car l'aboutissement du prc­ grès technique dont la normalisation n'est que le côté ad­ ministratif, c'est la manivelle de Sismondi, qui fait des hommes des surveillants de machines, et non des travail­ leurs au sens vulgaire du mot. Au stade de la « mani­ velle ~ de Sismondi, l'entreprise paie les ex-travailleurs, mais ne les utilise plus, ou très peu. Elle se donne la peine de leur faire des distributions de pouvoir d'achat; d'échanger ensuite ce pouvoir d'achat contre des produits. Elle se donne un mal de chien pour assurer une cc nsorn­ mation intense, (donc une production intense) à des mil­ lions d'hommes dont elle n'a nul besoin. Comme elle est sort.ie de l'économie marchande, elle entretient des con­ sommateurs qui ne sont pas des clients. Notre féodalité moderne est devenue philanthrope. Et cela alors qu'elle dis­ pose de l'armée, de la police ; qu'elle détient seule les moyens de production, qu'elle peut parfaitement utiliser à son seul profit. Quelle tentation !

On pourrait objecter que, si cette féodalité n'a plus besoin de la masse ni comme main-d'œuvre ni comme cl ien tèle, elle en a du moins besoin pour la défendre con­ tre les attaques de ses voisins; mais ce serait méccnnaitre la rapidité avec laquelle l'internationale des ploutocrates s'efforce de devancer l'internationale des travailleurs, celle-ci d'ailJeurs aveulie par ses dirigean.ts. Et l'enjeu de la lutte n'est pas le même pour les deux classes : la victoire ou­ vrière ne détruirait pas la classe adverse, car elle réali­ serait la fusion des classes; au contraire, le coup de main contre la classe ouvrière ne peut avoir d'autre but, l og i­ que, férocement logique, que de la détruire, pour ne vas la prendre en charqe.

i Marx ni Engels n'ont admis, l'éventualité d'une féo­ dalité écc;nomique triomphante. Ils disaient que ce qui condamnait à mort le capitalisme, c'est qu'il ne pourrait bientôt plus « assurer l'existence de ses esclaves », et qu'il allait se trouver « dans l'obligation de les nourrir au lieu « de se faire nourrir par eux ». Mais ni Marx ni Engels ne pouvaient prévoir que près d'un siècle plus- tard le prolétariat, plongé par ses chefs dans l'ignorance absolue des conditions de sou salut. économique, serait incapable de socialiser les moyens de production, ·et pourrait être tenu en respect par des mercenaires appuyés sur un ar­ mement formidable, armement servi par ses propres fils.

Cependant, à la base, la trahison des chefs éveille à la fois des in.quiétudes et un désir de comprendre. Cet éveil est lent; mais il est possible de l'activer en démontrant aux organisat'ions de base qu'il n'y a plus rien à atten­ dre du parlementarisme., et que les producteurs, que la science transforme chaque jour davantage en non-produc­ teurs, doivent selon la formule de Pottier « se sauver eux-mêmes ».

C'est en ce sens qu'une idée fait présentement sc111 che­ min : celle d'une nouvelle Constituante, recrutée hors du

Parlement, et se prononçant sur de nouveaux « Cahiers ». Le 1789 'économique, dont il a été si souvent parlé comme d'un complément nécessaire au 1789 politique, est-il dans l'air? Et le socialisme nous sauvera-t-il du dit-igisme capitaliste, terrible menace pour le proléta ria t ? C'est ia question posée par Mattei.

Bertrand s'élève contre le pessimisme de i.\Iattci, r-a r l'ex pesé du conférencier avait paru laisser entrevoir ras­ servissement presque inéluctable du peuple au capitalisme bien armé. Ce pessimisme conduit à fabriquer une utopie, qui, nous en sommes persuadés, restera une utopie. Le peuple est encore capable de se défendre. De sa bonn volonté dépend le fonctionnement des rouages économi­ ques, et, poussé à bout, il peut tout désorga n iser en se croisant les bras, malgré avions, mitrailleuses et tanks. Les capitalistes redcutent le mécontentement populai re. Ce qui le prouve, c'est qu'on a institué le secours de chô­ mage. On ne pouvait pas faire autrement. Malgré sa force, le capitalisme était dans l'impossibilité de laisser les gens crever de faim. Il n'a pas encore cette puissance, et il ne l'aura jamais malgré toutes les formules sur le papier.

De tout temps les employeurs ont cherché à réaf ise r des bénéfices aux dépens des travailleurs. Cela ne date pas d'aujourd'hui, et l'on peut dire que l'exploitation, était plus féroce autrefois. De tout temps il y a eu des chô­ rneu rs, et il n'y a pas· de processus fatal des événem.ents. Mattei a parlé tout à l'heure du chômage catastrophique qui résulterait de la suppression du budget de la guerre, si toutes les usines d'armement. en tout genre venaient à fermer. Or, on peut très bien, non pas établir un pro­ gramme illusoire de grands travaux, mais purement et simplement, pendant une période assez longue, consacrer le budget de la guerre à l'industrie du bâtiment et il la construction de logements modernes, sains et aérés, aussl' bleu clans les villes que dans les campagnes. Notre civi­ lisation en France est très en retard sur ce point parti­ culier, et, même en admettant, comme Mattei l'a fait dans son exposé, la ccmtlnuation du régime capitaliste, on peut imaginer que l'ex-budget militaire pourrait servir à réali­ sar un programme de bien-être véritablement nécessaire. Les capitalistes sont incapables d'établir un plan ration­

nel d'économie. S'ils sont unis contre les travailleurs, ils sont très divisés entre eux. Ils sont incapables de corn­ prendre un progrès social en dehors du profit, d'un profit personnel et immédiat. Le progrès technique ne s'impose que très difficilement au capitalisme, sauf en cas de bé­ néfice visible immédiatement. On a vu et on voit de sociétés financières s'emparer de brevets intéressants, afin de les laisser inutilisés, c'est-à-dire afin de les annihiler, pour n'avoir pas à bouleverser leur outillage à grands frais. Tant pis pour l'humanité. LP capitalisme montre actuellement une insuffisance fla­

grante à organiser la production. D'autre part il n'a pas su organiser la répartition. Il est certainement incapable d'organiser la société. Pierrot reproche à Mattei d'avoir présenté une économie

abstraite et rigide et d'avoir envisagé chaque usine comme un monde fermé. Si, dit Mattei, on diminue le prix de revient, même sans diminuer les salaires, c'est parce que

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le perfectionnement du machinisme augmente le rende­ l,1.•111, et rcdui l les dépenses de ma in-dœuvre, C'est donc 11(,cssairC'111ent l'augmentation du chômage. :\Y<'C' cc raisonnement tout prog rès technique aurait dû

e11t1 n i n o r ln.uumou ta.tion de la misère humaine. Au con­ traire, la diminution dl'S prix augmente la consommation cle ln partie solvable des consommateurs (par exemple, dans 1"I iab: li ernen t). L'accroissement de la demande par la cl icn tè lc tcncl à ramener une nouvelle augmentation de la muin-rtœuvrc. 011 dira qu'à l'époque actuelle le pro­ gr(,., ter-huique va beaucoup plus vite que le pouvoir dabso rpt icn ou cle consommation. Mais d'autres besoin nu isse n t <'l naîtront toujours, car les besoins des hommes sont i n dcfl n is et illimités, et, en dehors de l'industrie, j'allais d i rc classique, seule envisagée par Mattei, se créent de nrvuvcl l cs acti v i tés qui absorbent tout 011 pa.rtio de la ruai n-d'œuvrc d.isponible. Le raisonnement de i\Iattei vaut pour une inclustl'Ïe délimitée et abstraite, mais il y a toute une art i vi te qui se développe à côté. On objectera l'imposs\bilité pour le chômeur de trouver

du t ruva i l e11 dehors de sa partie. Oui, pour les artisans spécial isés, de moins en moins nombreux; de même que les si mules mau œu vrcs tendent à disparaître. Dans l'état actuel des choses, chaque trava illeur est apte à conduire une machine quelle qu'elle soit. Une cause du déséquilibre économique est aussi le chan·

gcment des eondttions qui avaient ravcmsé jusqu'à la guerre l'industrie européenne. Celle-ci en général, et l'in­ dustrie anglaise en particulier, produisait pour le monde entier. Mais les pays exotiques se sont équipés; et le grandes entreprises européenpes, semblables aux grands sauriens de l'époque secondaire., doivent disparaître. Ainsi s'établit une autarcie nationale, qui, au point de vue d'une économie rationnelle, devrait être plutôt une organisation régionale. A cela s'ajoute que les capitalistes européens, qui, les

premie rs, ont créé des usines modernes dans les pays exotiques, ne l'ont fait que pour avoir de la main-cl'œuvre à bon marché et concurrencer victorieusement les pro­ ducteurs des vieux pays. Cette concurrence tend d'une part à diminuer le standard de vie des ouvriers du monde entier et aussi à augmenter dans les vieux pays le nom­ bre des chômeurs, d'autant que les travailleurs exotiques sont incapables d'acheter à leur tour à cause de leur pauvreté. Ils produisent, mais n'achètent pas. Pour l'équilibre de l'éconciinie du monde entier il fau­

drait clone que les ouvriers exotiques reçoivent un salaire équivalent à celui des ouvriers européens. Sans doute y arriveront-ils un jour, par exemple en Extrême-Orient, à la suite des événements qui bouleversent actuellement la Chine et le Japon. Une révolution sociale au Japon est dans les événements prévisibles à plus ou moins longue échéance, et changerait .bien des choses. Les ouvriers exotiques mieux payés pourraient mieux

se nourrir, et les paysans eux-mêmes entreraient clans le circuit des richesses. Cela m'amène à dire que l'économie devrait être fondée non sur les dépenses d'armement, non sur les dépenses faites par les parasites pour leur confort et leurs caprices, mais sur les besoiHS des producteurs

nourri ciers. Ce sont en premier I ieu les producteurs agri­ coles, qui, mieux rémunérés de leur effort, pourraient mieux acheter et ainsi déclencher le reste de l'activité humaine. Les dépenses alimentaires devraient sans doute être plus élevées. Dclamotte. - Mais comment pourrai-je me procurer ma

nourriture ? Pierrot. - L'économie est un échange de services. Dans

une société où l'accaparement des terres serait interdit, W1 accord aurait à intervenir entre les associations paysan­ nes de vente, les coopératives de consommation et les as- ociations ouvrières de production, pour l'équilibre de échanges. C'est ainsi que je vois l'équilibre économique futur, sans dirigisme et sans étatisme. Quant à la _monnaie, dont Mattei nous parlait tout à

l'heure, j'estime qu'elle devrait être un étalon fixe, une commune mesure internationale, comme le mètre. Les va rfations de la monnaie ne favorisent que l'escroquerie.

,. ···~··

Sur le même sujet nous avons reçu d'un camarade de province, A. M., la lettre .suivante : Mineur dit que les travaux de la terre sont restés pres­

que aussi pénibles et aussi peu productifs qu'autrefois. Erreur certaine : 1 ° Il y a, pour beaucoup de travaux

agricoles, un outillage de plus en plus important, cons­ truit spécialement pour l'exécution des travaux durs; 2" L'ouvrier agricole travaille durant un moins grand nombre d'heures ; 3° Pour la. production, je renvoie Mi­ neur aux statistiques ou au livre de Dumont : Misère ou Prospérité Paysanne. Mineur dit également que la mévente actuelle doit être

combattue par l'abaissement des prix de revient sans ré­ du,ct·Qon âes salaires ni des bénéfices de·s patrons. Bien facile à dire. Mais nous savons tous que l'abaisse­

ment des prix de revient ne peut se faire que par l'adop­ tion d'un outillage de plus en plus automatique et l'exem­ ple de l'Amérique, cité par Mineur, confirme exactement ce fait. Et les chômeurs alors, qu'en faisons-nous? (ne pas ou-

blier que les travaux publics importants ou les industries nouvelles n'emploient qu'un nombre infime de travail­ leurs). Soyons follement optimistes et admettons que nous puis-

sions diminuer les prix de 50 % . Négligeons même la réaction des commerçants ayant acheté au prix fort.

Comme d'une part, même diminués de 50 %, les objets ne pourront pas être achetés par les chômeurs et que, d'autre part, le nombre des chômeurs sera plus impor­ tant, il n'en résultera aucun accroissement du volume des Yen tes. Un exemple en passant. Il existe ici, une fabrique de

tricots travaillant spécialement en grande série. Une ou­ vrière à 25 francs par jour fait 120 tricots dans sa jour­ née (il y a un peu de finissage en plus). Le tricot brut revient clone à un prix infime ; mais les charges sont tel­ les que les tricots restent chers (et la concurrence limite les bénéfices patronaux à un taux raisonnable). Un abaissement des prix de vente par la diffusion des

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JH'iX de revient? Peu de prix sont majorés de façon ex­ cessive actuellement (sauf l'électricité, etc.). Et beaucoup de mes clients vendent au prix de réemploi, donc avec perte p~isqu'il y a les frais généraux. En tout cas, clans un petit pays comme la France, on enregistre 1.200 fail­ lites par mois depuis plusieurs années.

Une seule réforme vraie possible immédiatement. La re­ traite des vieux (indiquée par Mineur).

Mais pas une aumône; une véritable retraite atteignant au moins 12.000 francs.

A quoi Pierrot ajoute les réflexions suivantes : Si la production agricole a augmenté, cette augmentation,

est Join d'avoir été aussi rapide que celle de la production industrielle, et ses perspectives d'avenir sont beaucoup zjlus limitées. Toutes choses égales d'ailleurs, il semble que Je travail agricole est moins rémunéré que Je travail industriel et surtout que Je travail commercial. J'ai dit plus haut que Jes besoins des hommes sont indé­

finis et illimités. Mais clans I'état actuel des choses, si extravagantes que soient les dépenses des parasites, elles sent incapables de vivifier l'économie dans son ensemble. La fabrication des articles de luxe n'a aucun retentisse­ ment sur la culture du riz, par exemple; et les dépenses des capitalistes japonais qui s'enrichissent dans l'expor­ tation ne modifient en rien les conditions cle travail de Jeurs ouvriers. La création d'industries nouvelles pourrait employer tous les chômeurs, si nous étions clans un ré­ gime d'égalité économique, fondé sur les besoins, auquel cas d'ailleurs, il n'y aurait plus de chômeurs. Pourtant, dans un pays où l'inégalité économique est

beaucoup moins accentuée, l'accession aux besoins nou­ veaux est possible pour une bonne partie de la population; et le déve!oppement des industries nouvelles est alors capable cl'aicler, dans une certaine mesure, à la résorption du chômage. Du moins en est-il ainsi en période de pros­ périté.

Ce qui a empêché le renouveau économique, en dépit de la thèse de ceux qui croient à la surabondance, c'est en grande partie parce que les bénéfices industriels et commerciaux ont été écrémés par l'Etat pour ses dépen­ ses d'armement. A. ::VI. dit lui-même que les charges ac­ tueJles sont telles que le commerce végète. Les industries de guerre font vivre un certain nombre de travailleurs, mais ils vivent sur le travail commun en parasites inu­ tiles, c'est-à-dire sans que l'effort dépensé pour les arme­ ments vienne rien apporter au bien-être et au confort de la population. Les ùépenses réelles de guerre (réelles et non avouées)

seront sans doute cle ,1.,i mi l l ia rds cette année. Avec les rentes et les pensions, cela fait plus d'un milliard et un quart par semaine. Le nombre cles faillites augmente. Après s'être abaissé à

84,4 en décembre 1936 et être resté à un taux relativement bas, il est remonté à 1.011 puis à 1.039, 1.124, 1.022, depuis octobre 1937 (Voir les Informations de Vigilance, bulletin du 25 février, p. 5). Le parasitisme de l'Etat est aujourd'hui une terr-ible

charge, et ne disparaîtra qu'avec le mil.tarisme mondial. Tant que le militarisme sévira, il sera même impossible de considérer une retraite convenable pour les vieux.

RÉPONSE DE MATTEI

.Je dois consacrer quelques lignes aux cri t iqucs qu'a pu soulever ma causerie du 18 février.

.Je n'ai pas construit une utopie, comme l'a dit Bertrand, mais j'ai fc rrnulé une hypothèse logique, et parfaitement réalisable parmi plusieurs autres dont chacune peut l'f-tre aussi selon la direction imposée aux événements, à un moment donné de l'évolution sociale, par les faits et par la volonté humaine. C'est le sens même du déterminisme.

« Le peuple est encore capable de se défendre »? Peut­ être, mais il faut constater qu'il ne se défend plus, parce que ses mauvais bergers ont éteint sa flamme. Et. ne serait-ce pas déjà trop, pour le « peuple souverain ». d'en être réduit à cette défensive incertaine? Quand 011

en est là, la partie est déjà compromise. « Les capitalistes redoutent le mécontentement pGJJd·

!aire? Soit. Mais ils s'apprêtent à le mater. Et c'est pour quoi ils ne laissent vivre que les gouvernements qui aug­ mentent sans répit les forces de police, dans cette intcu­ tion bien arrêtée. Quand tous les chômeurs seront gardes mobiles, quand tous les leaders socialistes ou syn di ca l istcs auront trouvé un fauteuil confortable, le lion pupiilaire sera tuberculeux. On peut espérer qu'alors les loups capi­ talistes préféreront se dévorer entre eux que de le dévorer. S'il reste des petits du lion populai re, ils seront donc sau­ vés, en admettant avec une 'bonne partie des génétistes que la tuberculose, le plus souvent, n'est pas héréditaire. (La lâcheté non plus). Quant à la suppression du budget de la guerre, et à son

report sur l'industrie du b'âtiment, si quelqu'un s'est ré­ fugié en « Utopie » peur envisager cette hvpothèse, c'est bien certainement Bertrand. Pierrot dit qu'avec mon raisonnement « tout pl'Ogrès

technique aurait clû entraîner l'augmentation de la misère humaine » . .Je réponds à Pierrot qu'il en aurait été iné­ luctablement ainsi dès le milieu du Xl X" siècle s'il n'y avait pas eu des débouchés externes, c'est-à-dire des pays à approvisionner et à équiper, et cles débouchés internes autres que producteurs-consommateurs, constitués par la fortune acquise. Les débouchés externes ayant di spa.ru ; les débouchés internes agonisant scus les coups de la fiscalité et des dévaluations, et la totalité de la production ne pou­ vant ainsi être .racbetée (on ne peut pourtant pas refuser au marxisme l'exactitude de cette constatation) le phéno-

"' ·t mène que nie Pierrot, et qui n'était que différé, se produt maintenant. Désormais oui : en régime capitaliste, tout progrès technique va, de plus en plus, augmenter /.a misère tiumaine. C'est même pourquoi il est urgent d'en sortir. Si les consommateurs solvables (producteurs en exercice)

voient clans une certaine mesure augmenter leur possibilité de consommation, par contre leur nombre décroît chaque jour, et décroitrait bien davantage si clans le monde entier des millions et des millions d'hommes n'étaient pas occu­ pés à l'armement. Et il n'est nullement téméraire d'affir­ mer qu'ils sont appelés. les uns après les autres, à dm·enir insclvables, parce qu'inutiles du fait du progrès technique. Ils pourront, clans une société non mercantile, rendre des

10-

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.servii:es (suvants , médecins, artistes, inventeurs, statisticiens et comptahles) mais non produire au sens courant du mot : produire sera le rait de la machine, dirigée et servie par un nombre restreint de techniciens. En régime capi­ taliste, cette mutation dac ti vi té n'est. pas possible, et la misère préscn to de tant dïntellectucls en est une démons­ tration tri•s su Ifisa n t e. li 11·~· a donc pas lieu d'euvisager, aussi long-temps q ue nous serons clans ce règirne, une aug­ mentai ion de la demande : elle diminue et ne peut que {li mi nuer.

En résumé, j'ai St utenu une thèse plausible. Je J'ai lan-

cée comme un cri d'alarme, Si quelqu'un peut démontrer que, dans la course engagée entre la dictature ploutocra­ tique et le socia lisme libérateur, ce dernier a toutes chan­ ces cle gagner, je m'en réjouirai. Pour Je moment, je cons­ tate. avec amertume que, s'il y a encore et toujours un so­ cialisme, ses militants sont singulièrement dégénérés. Quel-

. ques milliers de libertaires clamant désespérément dans le désert parviendront-ils à regrouper le troupeau, si Je trr-u­ peau est devenu ·sou rel? Au train quê mènent 1::-s éYrn0- ments, c'est un très proche avenir qui nous le dira.

l\1. M.

RENSEIGNEMENTS STATISTIQUES DE LA S. D. N. (quelques chiffres arrondis} BALANCE COi\tIMERCIALE ET BALANCE DES COl\IPTES DE LA FRAi\CE

1929 (franc Poi ncaré)

65 mgr. ~>

1930

1!)32

HJ33

1935

193G

(il: fr. Poincaré) (i fr. Auriol) de 49 à 43 mgr.

1937

(franc Auriol)

] ~·(PORTA TI01'S EXPORTATI01'S

58 milliards 50 milliards

52,5 42,

42 30,2

30 20

28,5 18,5

23 18

21 15,5

25,398 lG,454

(soit environ en (soit environ en franc Poincaré franc Poincaré 23 milliards 15 milliards

(importation mat. premières pour armement)

24

DÉFICIT

8 milliard

9.7

11,8

10,1

10

RECTIFICATIONS PAR LA BALANCE DES COMPTE

5,G

g

8

18

Pour les années 1928-29-~0, dit Gide, f0 337, Imp. dépassent Exp. (globale­ ment) de 20 milliards. Pourtant, ren­ trées or 20 milliards. (Donc solde créd. des export. invisibles 40 mil­ liards).

Balance comptes rétablit équilibre. (Crise industrielle : importateurs ré­

( duisent achats),

1 1 i

1

Balance des comptes à 4 milliards.

1

réduit le déficit

Balance des comptes réduit le déficit à 7 milliards et demi. (Tou ris, Expo­ sitlcn), ainsi dans l'année vraiment déficitaire, un déficit de 7 à 8 mil­ liards pour 250 milliards de revenu

1 global du pays. 1

Ce tableau indique :

l" Que le rapport des exportations aux: importations, qui était de 5/6 en 1929, passe à 4/5 en 1930, à 3/4 en 1931, à 2/3 pendant les années 1932 à 1936 inclus, et tombe enfin à· 3/5 en 1937.

2° Que notre commerce extérieur, tant pour l'exportation que pour l'importation, diminue sans cesse, conséquence inévitable de la tension diplomatique, comme du malaise général, qui conduisent tcus deux à l'autarkie.

3° Que pour la période 1929-1935, on peut considérer que, la balance des comptes a largement compensé le d.é­ fici t de la balance commerciale, et par conséquent que toutes les lamentations de la presse n'avaient pour objet

que de nous mener à une dévaluation (celle-ci a été faite,· ,en 1936, s,ous le prétexte de boucher le ,déficit d;e notre balance c01nmerçiaie. C'est évidemment un succès '). 4° Que pour 1936 et 1937, la montée des tsruportatums

doit trouver son explication clans l'armement (import. de matières premières). Inversement, puisqu'une partie de l'activité du pays est utilisée à la fabrication d'arme­ ments, diminution des exportations (l'armement sera ... _ exporté dans quelque temps, par la voie des airs, mais gratuitement). Remarque. - Les 24 milliards d'exportation de 1937,

correspondent à peu près en francs Auriol aux: 16 milliards de 1936 en francs Poincaré ; mais les importations ont certainement augmenté.

- 11 -

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DANS L'AMERIQUE CIVILISE!:

(Loin des villes luxueuses)

La traversée de la Virginie (d'est en ouest) se fait entièrement clans une région boisée de pins avec cles espaces défrichés où sans doute tabac et maïs poussent en été. En ce moment (4 mars), rien.

Tri (en Alabama), pays du cotr n, on ne voit que labou­ rages, qui se tont en cercle ou en spirale, pouf l'irriga­ tion, j'imagine. Quatre ou cinq nègres, chacun condui­ ant un attelage de deux mules et traçant un sillon ; et, ur un mulet, tout seul, le contremaître surveillant de haut. · Pour revenir à la Virginie, on traverse d'abord un ter­

rain plat et marécageux, puis on rattrape la chaîne de montagnes schisteuses qui ressemble à la Pennsylvanie, très compliquée cle terrain. On coupe la rivière James. Le train fait voir de tristes cabanes, presque toujours nègres. On pense tcut Je temps au tiers des ha:bitants, . qui, au clire de Roosevelt, n'ont pas de quoi vivre pro­ prement. Nous n'avons guère vu que ce tiers. Des caba­ nes en Iiois, si misérables, posées au sol sur quelques pilotis, prêtes à être lavées par la première tempête, pen­ chées, croulantes . Depuis ce matin, la Géorgie; puis l'Alabama, pays

légèrement vallonné, arbres fruitiers fleuris, très jolis paysages, pins, chaleur. Au fond, toute cette région est très boisée. Les autc s sont éblouissantes. Les gens et les maisons cuvent minables.

• H. P.., (extrait de la lettre d'une voyageuse).

NOUS AVONS,REÇU

Fundamentos reales de la Sociologia, par Georg Nicolai (biblioteca ercilla à Santiago de Chile) segunda edicion : Chapitre I, 1a soclologia en el esquema de la ciencia ; chap. II, el hombre y el mundo ; chap. III, el hombre den-

12

tro y frente a la an.ma lidad ; chap. IV, lu -ociologjn hio­ Ïogica; chap: V, préparation cle la societacl humann.

Céline en chemise brune, par H.-E. Ka mi nsk i, aux ;\OU­ vell es Editions Exce lsio r, 7, rue ries Grands Auuust i ns, à Paris. Elie 11ECLUS : Ptnjsion.o mi es t"P!Jf"la.lPs. port.rai ts cl'a rbres,

tl'hel'bes el de fleurs, avec u11 portrait, un autographe et '1-!J hois µ.1 avès de Louis Xl oreuu, à Paris, chez .A_ Costes, éditeur, 8, rue Monsieur le Prince. In-8°, 1S4-. p. - Pierre GEYRAUD : La Cellule Sairü-Sérerin. (roman),

r:J1C'z Emile-Paul frères, H, rue cle l'Abbayc, Paris (!:i"). - Civilisation nouvelle, revue de synthèse, éditions

J. Flory, 140, boulevard Saint-Germain, Paris (6°), abon­ nement annuel (4 numércs) : 45 francs. Le n° 1 (avril­ juin 1938) de 128 pages contient un inédit d'Elie Faure, confession d'un autoclidacte; philosophie 1938, D. Parodi ; Je sens moderne rlu miracle grec, R. Charmet : le Moyen Age et nous, E. Bréhier ; la philosophie de l'Orient et ù l'Occident, P. Masson-Oursel; difficultés présentes et pro­ blèmes prolétariens, Pierre Angel; vers le statut du tra­ vail, Maxime Leroy ; du taylorisme à la psychotechnique, J.-M. Lally; les ententes industrielles, Pierre Duroc, etc.

« Civilisation se propose de montrer que la civilisation n'est pas tout ent ière enfermée clans une formule de progrès technique ou de progrès social, ni condensée dans quelques idées morales, mais qu'elle se réalise par toutes les activités humaines, et que l'esprit ne la peut concevoir que par une synthèse d'où rien ne doit être exclu de ce qui est humain ».

co;--n h-A lire Misère et Cie,. par L:rn~ DuGA, clans les Humbles, 299,

rue de Tolbiac, Pari· ·;·), n" de mars 1938.

AVIS 'J.t ,.

_JÎ~TAROATAIHES " -

Nous continuons 'bénévolement le service aux anciens abonnés. Mais au fur et à mesure que des _abonnés nou­ veaux arrivent, nous supprimons par ci par là, pour faire

· de la place, quelques-uni-c11es anciens qui ne donnent plus signe cle vie . Nous répétons que pour ncs comptes nous demandons

le payement de l'abonnement au début de l'année.

NOS BANQlJETS

• IJ n'y aura pas de banquet en Juin, Juillet, Août et Sep­ tembre. La date du banquet de rentrée sera donnée dans le

numéro d'octobre.

lmp. Toulousaine, (LION ET FILS) Le Gérant L. rlAUSSARD