L’efficacité et l’équité co-construites dans les pratiques ... · développement éducatif...

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1 L’efficacité et l’équité co-construites dans les pratiques d’évaluation-conseil et d’accompagnement en éducation Cinq mots-clefs - Efficacité stratégique. - Équité formative. - Évaluation-conseil. - Accompagnement réflexif. - Dynamique participative. Coordinateur du symposium - Nom : Bedin. - Prénom : Véronique. - Établissement : Université de Toulouse (France), Département des Sciences de l’Education et de la Formation. - Équipe de recherche : Centre de Recherches en Education, Formation, Insertion de Toulouse (CREFI-T) dirigé par la Professeure Anne Jorro.

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L’efficacité et l’équité co-construites dans les pratiques d’évaluation-conseil et d’accompagnement en éducation

Cinq mots-clefs - Efficacité stratégique. - Équité formative. - Évaluation-conseil. - Accompagnement réflexif. - Dynamique participative.

Coordinateur du symposium - Nom : Bedin. - Prénom : Véronique. - Établissement : Université de Toulouse (France), Département des Sciences de l’Education et de la Formation. - Équipe de recherche : Centre de Recherches en Education, Formation, Insertion de Toulouse (CREFI-T) dirigé par la Professeure Anne Jorro.

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Organisation générale du symposium

- Coordinateur : Véronique Bedin, Maître de Conférences en Sciences de l’Éducation, Université de Toulouse (France), Centre de Recherches en Education, Formation, Insertion de Toulouse (CREFI-T/EVACAP1). - Participants : - Evelyne Charlier (Professeure) & Karine Dejean (chercheur), Jean Castin et Paul Timmermans, FUNDP2, Université de Namur (Belgique), Département Education et technologie. - Monica Gather Thurler, Professeur, Université de Genève (Suisse), Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Education, Laboratoire Innovation-Formation-Education (LIFE). - Véronique Bedin, Maître de Conférences en Sciences de l’Éducation, Université de Toulouse (France), Centre de Recherches en Education, Formation, Insertion de Toulouse (CREFI-T/EVACAP1). - Claude Leclerc, Maître de Conférences en Sciences de l’Education, Université de Paris XII (France), laboratoire ESCOL-ESSI3 Paris VIII. - Discutant : Anne Jorro, Professeure en Sciences de l’Education, Université de Toulouse (France), Centre de Recherches en Education, Formation, Insertion de Toulouse (CREFI-T/EVACAP1).

Résumé décrivant la problématique générale du symposium L’efficacité et l’équité sont parties prenantes des discours tenus sur « la qualité en éducation »4, dont l’évaluation constitue un opérateur majeur. Les évaluations internationales comparatives menées pour améliorer le pilotage des systèmes scolaires en témoignent. Efficacité et équité participent d’une rhétorique qui charrie des idéologies et des stéréotypes, des résistances ou des attentes, selon la visée qu’on assigne aux évaluations que ces expressions qualifient ou au sens qu’un acteur spécifique leur attribue à un moment donné. L’efficacité est plutôt drainée par une rhétorique managériale et suscite, à ce titre, des résistances dans le champ scolaire. L’épineux problème de « l’obligation des résultats »5 et les débats qui en découlent l’illustrent. L’équité et les valeurs positives qu’elle sous-tend sont, a contrario, plutôt irriguées par la rhétorique humaniste, dans laquelle se reconnaît originellement l’intérêt éducatif, même si la réalité de l’équité demeure quelquefois gageure en regard des bonnes intentions affichées et des discours principiels tenus. Au total, un brouillage sémantique certain, la déperdition de la force de conviction de chaque conception, un renforcement du scepticisme évaluatif, et, à plus long terme, des spéculations hasardeuses sur les conditions du développement éducatif et de ses modes d’évaluation...

1 EVACAP : ÉVAluation et Professionnalisation des Acteurs et des Contextes. 2 FUNDP : Facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix. 3 ESCOL-ESSI : Éducation SCOLarité - Éducation, Socialisation, Subjectivation et Institution. 4 Behrens, M. (dir.) (2007). La qualité en éducation. Pour réfléchir à la formation de demain. Québec : Presses Universitaires du Québec. 5 Lessard, C. & Meirieu, Ph. (dir.) (2005). L’obligation de résultats en éducation. Evolutions, perspectives et enjeux internationaux. Bruxelles : De Boeck.

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Le travail de réflexion proposé dans ce symposium tend à rompre avec une vision préalablement constituée et surplombante de l’efficacité et de l’équité pour éviter les « obstacles » préalablement évoqués. Ces notions seront définies à partir de recherches valorisant l’observation effective des activités d’évaluation en contexte, dans des situations spécifiques, singulières et locales. On parlera alors d’efficacité stratégique, d’équité formative, d’équité d’accomplissement, etc. suivant le contexte, le public et le moment considérés. Une posture épistémologique et méthodologique à expliciter par conséquent, garante de la complexité du sujet traité et de son évolution. Une approche socio-constructiviste sur l’efficacité et l’équité qui implique également une échelle d’analyse plus proche des praticiens, centrée sur leurs procédures narratives de mise en intrigue de leur propre réalité évaluative. Une perspective intégrative enfin, qui n’oppose pas a priori l’efficacité à l’équité, la performance à l’égalité, la norme obligée à la valeur de justice recherchée, mais qui s’attache à montrer qu’une forme perçue de l’efficacité peut devenir le gage d’une forme perçue de l’équité et inversement, dans des conditions situées d’évaluation. Les pratiques auxquelles nous faisons plus particulièrement référence sont celles d’évaluation-conseil. Le thème du symposium poursuit une réflexion6 déjà entreprise qui trouve des prolongements dans la problématique posée autour de « l’efficacité-équité ». La préoccupation de conseil qu’assume cette forme d’évaluation met l’accent sur l’accompagnement apporté aux acteurs de l’éducation, qui permet à ces derniers de tirer parti du processus et des résultats de l’évaluation. Ces modes d’accompagnement désignent des activités de délibération, de régulation, de traduction, d’aide à la décision, de diffusion ou de valorisation pour l’essentiel. L’exigence du conseil, qui ne peut s’adresser qu’à un sujet humain, individuel ou collectif, inscrit cette forme d’évaluation dans une nécessaire dialogique animée par une « véhémence ontologique » pour reprendre l’expression de Ricoeur. La question de l’efficacité y est frontalement posée, dans la mesure où les activités du « tenir » ou du « donner conseil »7 menées à partir de la démarche évaluative visent à en optimiser explicitement les retombées. Peut-on dire alors que la reconnaissance8 des effets de l’évaluation par des « bénéficiaires » supposés constitue une des garanties de son efficacité ? La question de l’équité occupe également une place de choix dans l’évaluation-conseil, en regard des présupposés éthiques que sous-tend cette approche : le principe de la pluralité, du respect de toutes les personnes, de la conscience de la responsabilité de chacun... Afin d’alimenter les considérations qui précèdent, les contributions au symposium viseront à : - caractériser et spécifier l’efficacité et l’équité dans le cadre de pratiques contextualisées d’évaluation-conseil et d’accompagnement en éducation. Que désigne-t-on par « efficacité » et « équité » : le processus d’accompagnement de l’évaluation-conseil ou ses effets ? Sur quels objets le regard doit-il porter et pour quelles raisons : le dispositif évaluatif lui-même (efficacité stratégique, équité de moyens...), le contenu de ce qui est évalué (efficacité pédagogique, équité éducative...) ou les deux simultanément ? - montrer en quoi et comment l’efficacité et l’équité peuvent revêtir des sens différents pour les acteurs de l’éducation concernés par une démarche d’évaluation-conseil et pour un même acteur parfois, suivant le contexte et le moment pris en compte. Quelles en sont alors les conséquences et les enjeux en termes d’accompagnement et de conseil à l’adresse des

6 Bedin, V. & Jorro, A. (dir.) (2007). L’évaluation-conseil en éducation et formation. Les Dossiers des Sciences de l’Education, 18, Toulouse : PUM. 7 Lhotellier, A. (2001). Tenir conseil : délibérer pour agir. Paris : Editions Seli Arslan. 8 Jorro, A. (dir.) (2008). La reconnaissance professionnelle : évaluer, valoriser, légitimer. Ottawa : Presses Universitaires d’Ottawa. (à paraître).

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responsables institutionnels, pédagogues, parents d’élèves ou des élèves eux-mêmes ? Cette diversité est-elle porteuse d’une plus-value pour l’évaluation des actions éducatives ? - analyser les conditions de compatibilité entre la finalité d’efficacité ou d’équité et les modalités de leur interrelation dans le cas d’activités d’évaluation-conseil. Peut-on établir des priorités entre une perspective ou l’autre au nom de l’intérêt des élèves ? L’efficacité méthodologique de l’évaluation-conseil constitue-t-elle un gage d’équité éducative, par exemple ? - interroger l’impact différencié d’une démarche d’évaluation-conseil aux enjeux d’efficacité et d’équité sur le développement professionnel des praticiens de l’éducation. En quoi et comment l’évaluation-conseil constitue-t-elle une démarche efficace ou équitable pour améliorer les compétences et l’autoformation de ses participants ?

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Contributions au symposium

Résumé de la contribution n°1

- Nom 1 : Charlier. - Prénom 1 : Evelyne. - Nom 2 : Dejean. - Prénom 2 : Karine. - Nom 3 : Castin. - Prénom 3 : Jean. - Nom 4 : Timmermans. - Prénom 4 : Paul. - Établissement pour les quatre co-auteurs : FUNDP, Université de Namur (Belgique), Département Education et technologie.

Un dispositif d’accompagnement de l’auto-évaluation de l’efficacité des établissements scolaires

En Communauté française de Belgique, comme dans beaucoup d’autres régions européennes, l’heure est aux évaluations externes et aux audits d’inspection. Nous avons opté pour une démarche diamétralement opposée reposant sur une participation des équipes de direction d’établissements de l’enseignement secondaire à la construction d’outils d’auto-analyse de l’efficacité de ceux-ci. La communication vise à présenter et à analyser un dispositif d’accompagnement d’équipes de direction dans une démarche d’auto-évaluation de l’efficacité de leur établissement. Ce processus repose sur la mobilisation du personnel dans le cadre de l’auto-analyse organisationnelle. L’équipe de direction pilote ce projet, articulé autour de la construction d’outils d’évaluation de l’efficacité spécifique à chaque établissement. En effet, il nous paraît important, pour aider les établissements à être plus efficaces, de les amener à définir des indicateurs qui leur sont propres et qui tiennent compte de leurs spécificités pour rendre compte de l’évolution des résultats des élèves de l’école. Un des buts de cette démarche de régulation interne de l’établissement est de le rendre à moyen terme davantage capable de résoudre ses propres problèmes de façon autonome. Ainsi, tout autant que les résultats de cette auto-évaluation, c’est le processus d’amélioration continue engagé dans l’établissement qui est soutenu à travers nos démarches d’accompagnement et de conseil. Nous décrirons donc, dans cette communication, la démarche de formation-accompagnement développée dans ce projet ainsi que les écueils rencontrés au cours de celle-ci. Nous analyserons le vécu des formateurs et des participants en termes de tensions, de freins et de leviers au changement.

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Version finale de la contribution n°1

Un dispositif de formation-accompagnement

de l’auto-évaluation de l’efficacité des établissements scolaires

Evelyne CHARLIER, Karine DEJEAN, Jean CASTIN et Paul TIMMERMANS FUNDP9, Université de Namur (Belgique)

Département Éducation et Technologie Introduction Actuellement déjà, et davantage encore dans un avenir proche, les acteurs du système scolaire en Communauté française de Belgique seront régulièrement amenés à « rendre des comptes » et à imaginer les ajustements stratégiques permettant de faire face, à travers le pilotage de leur école, aux constats de l’évaluation externe ou des audits de l’inspection. Une question se pose donc aux directions des établissements scolaires : « Dans la réalité de notre école, comment pouvons-nous nous saisir de différents indicateurs, notamment ceux renvoyés par l’évaluation externe et les audits de l’inspection, pour piloter notre établissement afin de le rendre plus efficace ? » Les directions de l’enseignement secondaire10 sont aujourd’hui confrontées à la nécessité de développer une gestion qui anticipe ces nouveaux modes d’évaluation et qui prépare l’ensemble des acteurs de l’école à se placer dans une dynamique de changement interne visant à améliorer l’ « efficacité » de l’école. Pour relever ce nouveau défi, ces équipes de direction devront développer de nouvelles compétences. Le dispositif de formation et d’accompagnement sur le terrain décrit ci-dessous a pour objectif d’aider les établissements à faire face à ces nouvelles exigences de la profession. Celles-ci sont liées à une volonté de rendre notre système éducatif plus performant.

La communication visera à analyser les stratégies d’accompagnement et de formation mises en place pour aider des établissements scolaires dans une dynamique d’auto-évaluation de leur efficacité à l’occasion d’une formation-accompagnement développée par l’université de Namur en Belgique. 1. Référents théoriques 1.1. Efficacité-efficience : vers une clarification des concepts La qualité de l’éducation, son amélioration et son contrôle sont des problématiques tout à fait centrales étant donnée la place que prend l’éducation dans les dynamiques sociales et économiques d’un pays (Van Zanten, 2005). Dans la littérature associée à cette problématique, un foisonnement de concepts est apparu créant une certaine confusion au centre des discussions entre les auteurs selon leur

9 FUNDP : Facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix. 10 Les établissements secondaires accueillent des élèves de 12 à 18 ans.

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culture d’origine, française ou anglo-saxonne. Demeuse et al. (2006) ont tenté d’apporter une clarification conceptuelle à ce niveau. S’inspirant de la définition de De Landsheere, Demeuse distingue l’efficacité de l’efficience : (1982 : 106, cité par Demeuse, Matoul, Schillings et Denooz, 2005) (…) « est efficace la personne ou le traitement qui atteint l’objectif visé ». L’efficacité dans ce sens correspond au terme « effectiveness » dans la littérature anglo-saxonne. L’efficience, toujours selon De Landsheere correspondrait à « la relation entre les facteurs input et les mesures d’output », c'est-à-dire la mise en relation des résultats obtenus avec les moyens investis. Ainsi, l’efficacité se mesure par l’atteinte des objectifs alors que l’efficience suppose la prise en compte des coûts ». L’efficience correspond « à l’habilité à atteindre un résultat escompté en tenant compte du temps et des efforts à fournir pour produire ce travail » (Demeuse et coll., 2005 : 18). En d’autres termes, il s’agit du rapport entre les inputs et les outputs. La distinction opérée par De Landsheere nous paraît intéressante même si elle n’est que rarement suivie par les auteurs anglo-saxons. Nous utiliserons donc le terme efficacité dans ce sens particulier plutôt que le mot efficience. 1.2. Vers une démarche d’amélioration de l’efficacité au sein des établissements scolaires Les interrogations au cœur de la problématique de l’efficacité sont nombreuses, nous organisons notre revue de la littérature autour de deux questions : la question du quoi : quels facteurs expliquent l’efficacité de certaines écoles ? La question du comment : comment initier une dynamique d’amélioration de l’efficacité au sein des établissements scolaires ? 1) Certaines écoles sont-elles plus efficaces que d’autres ? Quels facteurs expliquent leur efficacité ? Les études dans la perspective de la « school efficacity » proposent des comparaisons des résultats à différents niveaux : le niveau de l’élève, celui de la classe, celui des stratégies pédagogiques des professeurs, le niveau de l’école… On peut trouver des indicateurs d’efficacité au niveau des élèves. Pour n’en citer que quelques-uns : les résultats des élèves en termes de performances, en termes de compétences cognitives, de sentiment de bien-être, les compétences méta-cognitives... Au niveau de la classe, la littérature (notamment Creemers, 2006) pointe le comportement de l’enseignant comme un facteur central pour améliorer l’efficacité. La qualité de l’enseignement s’inscrit dans le curriculum par des critères d’explicitation des objectifs et des contenus, une structuration et une clarté des contenus, une organisation des progrès des élèves, l’évaluation, le feedback, la mise en place de la pédagogie de la maîtrise, de groupe de niveaux, l’apprentissage coopératif. Une gestion de classe disciplinée, des devoirs à domicile, des attentes élevées sont autant de facteurs qui améliorent l’efficacité. Mais d’autres recherches discutent la nécessité d’une approche différenciée de la question de l’efficacité enseignante (Vause, Dupriez & Dumay, 2008). Elles mettent en évidence cinq dimensions de différenciation relatives à l’efficacité des enseignants : les différences concernant le type d’activité organisée, les différences concernant les sujets, les différences concernant les caractéristiques personnelles des élèves (personnalité, style cognitif, estime de soi, motivation), des différences concernant le contexte culturel de l’école et celles concernant le background des élèves (origine socio-économique, sexe, âge, etc.). Ces études ont montré que tous les

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élèves ne profitent pas de la même manière des différentes méthodes pédagogiques. L’efficacité de l’enseignement se différencie en fonction des classes (Vause et al, 2008). Ainsi, les auteurs constatent que proposer un rythme de travail soutenu et une ambiance disciplinée a un effet particulièrement favorable sur les apprentissages des élèves dans des classes socio-culturellement défavorisées. Ces mêmes auteurs dressent un constat similaire par rapport à une pratique pédagogique du travail sur les représentations initiales des élèves. Cependant, l’influence positive d’un travail sur les représentations initiales des élèves n’apparaît que dans les classes défavorisées. Ces constats confirment que s’ils veulent adopter des stratégies pédagogiques efficaces, les enseignants doivent adopter des comportements différents selon qu’ils travaillent en milieu favorisé ou défavorisé (Vause et coll., 2008). Au niveau de l’école : le type de leadership, la culture de l’établissement scolaire, le climat de l’école et la politique d’évaluation sont autant de critères influençant l’efficacité (Hallinger & Heck, 1998). Une culture qui favorise la communication, la collaboration, la concertation, la négociation est favorable à l’efficacité. Parmi les facteurs favorisant l’amélioration de l’efficacité, Scheerens (2005) identifie également, le type de leadership exercé par le chef d’établissement. Van Zanten (2005) met cependant en évidence l’importance de tenir compte de l’influence des caractéristiques des contextes locaux dans lesquels se situent les établissements pour comprendre les logiques d’action des chefs d’établissement. Selon leur environnement local et leur position dans le « quasi marché éducatif », les stratégies d’action vont être différentes (Van Zanten, 2005). Ainsi, certaines écoles confrontées à une forte concurrence vont développer une logique qu’elle qualifie de « rentier » à travers des stratégies d’action visant une forte sélectivité, une pression pour les résultats et une focalisation sur la discipline. Alors que d’autres établissements, dans un autre contexte, comme par exemple l’arrivée d’une nouvelle population que l’établissement veut capter, ou l’arrivée d’un nouveau chef d’établissement soucieux de l’image de l’école, vont développer des stratégies visant à accroître leur attractivité (création de classes spéciales ...). Van Zanten parlera dans ce cas de logique d’ « entrepreneur ». Selon la logique dans laquelle ils se situent, les établissements vont concevoir différemment leur efficacité. Ainsi, dans la logique « rentier », l’efficacité sera traduite par des exigences élevées en matière de résultats des élèves, l’entraînement régulier et soutenu à la préparation des examens dans le cadre de l’établissement et dans le cadre familial. Alors que dans les établissements « entrepreneurs », l’efficacité sera orientée vers l’amélioration de l’image externe de l’établissement. Il apparaît donc important, pour aider les établissements à développer des stratégies favorisant leur efficacité, de tenir compte de la façon dont leur fonctionnement est affecté par leur contexte local et leur logique interne spécifique. 2) Comment initier une dynamique d’amélioration de l’efficacité au sein des établissements ? A côté du courant de recherche centré sur l’efficacité scolaire (school efficacity) s’est développé un courant focalisé sur l’amélioration des pratiques à visée éducative (school improvement) : « un effort systématique et continu visant à changer les conditions d’éducation ainsi que les autres conditions qui y sont liées sur le plan international, dans le but final de réaliser plus efficacement les objectifs éducatifs » (Van Velzen, 1985, cité par Creemers, 2005 : 52).

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Selon Van Velzen et al (1985) : l’évaluation de l’efficacité de l’établissement scolaire a pour principal objectif son perfectionnement. On ne se situe donc pas uniquement dans le registre de la mesure mais surtout dans celui de l’action et de la régulation. L’évaluation n’est qu’un moyen, qui doit être adapté à la culture spécifique de chaque établissement et à son mode de fonctionnement. Ce qui conduit les écoles à se placer dans une dynamique d’auto-évaluation à la base de la recherche de l’efficacité. Dans cette perspective, l’établissement scolaire se définit une méthode efficace d’auto-évaluation, se donne des outils, des méthodologies. Il régule la mise en œuvre de son projet, négocie les ajustements nécessaires sur base des données produites par l’autoévaluation. L’auto-évaluation peut néanmoins prendre des significations et des formes très diverses, en étant plus ou moins construite et négociée avec les principaux intéressés. L’auto-évaluation se situe ainsi dans une démarche de professionnalisation des enseignants en les impliquant dans une réflexion commune. De cette manière, l’efficacité n’est plus définie de l’extérieur mais elle l’est à travers les négociations entre les membres de l’établissement qui, par étapes successives, définissent leurs objectifs, leurs critères d’efficacité pour construire leur propre contrôle continu des progrès accomplis et mettent en œuvre les régulations nécessaires (Gather Thurler, 1994). L’auto-évaluation se situe dans un rapport réflexif par rapport à son propre fonctionnement et à sa propre évolution (Rouiller & Pillonel : 2002). Le questionnement du sens des actions est une composante centrale de l’auto-évaluation, complémentaire à une évaluation critériée de ses pratiques. S’auto-évaluer, c’est rendre visible son action, s’exposer au regard de l’Autre, c’est se construire et se réaliser par la confrontation à l’Autre. Cette confrontation à autrui permet la décentration qui fonde l’acte d’auto-évaluation. L’auto-évaluation se centre sur un processus de développement, une dynamique d’innovation. Elle permet aux écoles de prendre la mesure des progressions réalisées et d’interroger le sens donné aux évolutions et changements en cours. Pour ce faire, les enseignants n’ont pas seulement à vérifier le degré d’adéquation de leur action aux critères de réussite qu’ils se sont fixés, dans une logique d’auto-contrôle : ils questionnent également le sens de leurs pratiques. L’auto-évaluation (Vial, 2001) n’est pas qu’un auto-contrôle des procédures, des résultats et des produits, elle est aussi un auto-questionnement sur le sens des pratiques. L’auto-évaluation est ainsi conçue comme un moteur d’amélioration des pratiques professionnelles au sein des établissements scolaires. Principaux enjeux de l’auto-évaluation interne en tant que démarche :

o Une vision davantage partagée des objectifs et des difficultés rencontrées. o Une mobilisation plus grande des acteurs dans l’action d’amélioration de la qualité des

apprentissages des élèves. o Une gestion davantage proactive de la communication avec l’environnement (autorités

subsidiantes, inspection, parents) (Bonami, 2005 : 14). Dans cette perspective, l’école qui s’inscrit dans une dynamique d’auto-évaluation se place de facto dans une démarche de changement. Pour qu’un changement des pratiques

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éducatives constitue une véritable amélioration, il faut s’appuyer sur un certain nombre d’hypothèses (Hopkins, 1987).

* L’école est au cœur du changement et aucun changement ne se produit si l’on ne tient pas compte des caractéristiques de l’école et du milieu qui l’entoure.

* L’amélioration est un processus organisé, planifié qui s’étale dans le temps. * Les conditions internes de l’école sont essentielles au changement. Celles-ci ne

concernent pas seulement les activités d’enseignement et d’apprentissage, mais également le fonctionnement organisationnel de l’école qui favorise ces activités (désignation de fonctions, attribution de ressources, etc.)

* Un élargissement des résultats au-delà des scores des élèves à des tests à travers la prise en compte des besoins plus généraux des élèves, des besoins de développement professionnel des enseignants et de la communauté éducative.

* Une perspective systémique : l’école fait partie d’un système composé d’acteurs individuels et collectifs qui interagissent en collaboration (enseignants, chef d’établissement, conseillers, experts, autorités locales, …), avec des rôles et des responsabilités spécifiques dans le processus d’amélioration.

* Le changement n’est réussi que lorsqu’il s’institutionnalise, s’il est approprié par les acteurs de terrain et pérennisé dans leurs pratiques.

2. Description du dispositif 11 2.1. Le public formé et accompagné Durant l’année scolaire 2008-2009, neuf équipes projet12 issues d’établissements secondaires du réseau d’enseignement libre catholique en Communauté française de Belgique ont participé au dispositif formation-accompagnement proposé par le Département Éducation et Technologie (DET). L’offre d’enseignement proposée par ces établissements et les publics qu’ils accueillaient était très variée et donc assez représentative du paysage de l’enseignement secondaire actuel. Les équipes projet étaient volontaires pour participer au dispositif. Nous les avons sélectionnées de manière à éviter de rassembler en formation des établissements proches qui peuvent être en concurrence. Pour ce dispositif de formation-accompagnement, nous avons fait le choix de former des directions accompagnées de plusieurs acteurs de leur établissement. Dans la dynamique de changement que nous visons, nous voulons, d’une part, soutenir les directions dans le développement de leur leadership. La dimension de leadership est, dans la littérature, souvent associée à l’efficacité des établissements. D’autre part, nous avons pu observer que former les directions avec d’autres acteurs de leur établissement favorise, à travers la mise en réseau, la mobilisation des autres acteurs de l’établissement.

11 Le dispositif de formation-accompagnement est subventionné par le CECAFOC (Centre Catholique pour la Formation en cours de carrière des membres du personnel de l'enseignement secondaire). 12 Nous appelons « équipe projet » le directeur d’un établissement scolaire et les autres acteurs associés dans une gestion participative (sous-direction, coordinateurs de branches, chefs d’ateliers, enseignants...).

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Les personnes choisies pour faire partie de l’équipe projet sont en général d’origine diverse au sein de l’établissement : un sous-directeur, un professeur-coordinateur (d’une équipe de professeurs d’une discipline ou d’une filière d’enseignement ou d’un niveau d’étude). A travers cette équipe projet, nous misons sur le développement d’un réseau avec les autres acteurs de l’établissement afin de favoriser l’implication de l’ensemble de l’équipe de l’établissement. 2.2. Objectifs Le dispositif a plusieurs objectifs : développer les compétences de l’équipe projet à l’auto- analyse de l’efficacité de leur établissement au travers d’indicateurs négociés. D’autres objectifs : sur base de l’analyse réalisée, de construire et mettre en œuvre des stratégies visant à améliorer l’« efficacité » de leur établissement scolaire. De façon plus spécifique, nous avons aidé les équipes projet à mobiliser les acteurs de leur établissement pour réaliser une auto-évaluation du fonctionnement de leur établissement en se choisissant des indicateurs d’analyse, en construisant une procédure pour recueillir l’information et en analysant les résultats obtenus. Les équipes projet ont ensuite été soutenues pour construire et mettre en place leurs scénarios de mise en action dans leur établissement. A partir de l’analyse des résultats et des modèles de l’école « efficace » rencontrés dans la littérature, elles ont identifié les champs d’action possibles, leurs implications, les ressources nécessaires et elles ont piloté l’opérationnalisation des différentes actions à travers une gestion qui tient compte du caractère systémique de l’école et qui lie les aspects de gestion aux aspects pédagogiques.

Le dispositif de formation/accompagnement vise à rendre les équipes « acteurs » de leurs démarches d’auto-évaluation de leur établissement et de la mise en place d’un pilotage intégrant les résultats de ces évaluations. De plus, dans la perspective d’une efficacité négociée et autorégulée, il s’agit de soutenir les équipes dans le développement d’un pilotage participatif mobilisant un maximum d’acteurs dans un processus d’auto-évaluation du fonctionnement de leur établissement.

2.3. Présupposés du dispositif formation-accompagnement Le dispositif de formation est construit à partir de présupposés qui peuvent être regroupés en trois points :

• Une efficacité négociée et autorégulée : o L’efficacité ne peut-être définie uniquement de l’extérieur, elle doit être

négociée avec les acteurs de l’établissement en fonction des spécificités de celui-ci.

o Une autoévaluation de l’établissement permet à ses membres de s’interroger sur le sens du changement en cours et de le réguler pour plus d’efficacité.

• Une perspective systémique du changement :

o L’établissement scolaire est appréhendé comme un système en changement. o Pour qu’il y ait changement dans l’établissement, il faut que son personnel (y

compris la direction) soit acteur de celui-ci.

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o La recherche d’une plus grande efficacité des établissements scolaires, par les équipes éducatives, peut être analysée comme un processus collectif de co-construction d’une innovation par les acteurs du système scolaire.

• Un dispositif de formation construit dans une perspective de développement

professionnel des participants et organisationnel de l’établissement : o Le dispositif de formation alterne des moments d’apports d’information,

d’appropriation et de distanciation. o Le dispositif de formation fait partie intégrante du système en changement et est

conçu comme un soutien à celui-ci. Les stratégies utilisées dans celui-ci s’inscrivent dans la stratégie globale d’appropriation de l’innovation.

2.4. Caractéristiques du dispositif de formation/accompagnement Le dispositif s’articule sur deux années scolaires. Pour aider les équipes projet impliquées dans le dispositif à mobiliser le reste des acteurs de leur établissement, nous avons choisi de combiner des séminaires de formation avec des accompagnements sur le terrain. Les équipes projet ont participé à dix journées de formation et ont été accompagnées au cours de dix visites sur le terrain. Les journées de formation ont permis d’alterner de façon systématique des moments d’apport d’informations, d’outils et de référents théoriques avec des moments d’analyse des fonctionnements de terrain, en vue de favoriser une appropriation par chaque équipe des modèles proposés en fonction de son contexte propre13. Nous avons construit ces journées de formation comme des laboratoires d’idées favorisant les échanges, la mise en débat, le développement de la controverse, d’une part, entre les membres de chaque équipe projet et, d’autre part, entre les différentes équipes en formation. Nous avons considéré les expériences de terrain de chacune des équipes comme une source de savoirs pratiques au service d’un apprentissage mutuel. Il s’agissait de favoriser les interactions entre les équipes en formation de façon à miser sur les échanges entre pairs, sur la distanciation par rapport à sa propre situation et sur les appropriations possibles d’un établissement à l’autre. Pour les équipes projet, les journées de formation étaient une occasion de construire un langage commun. Les activités leur permettaient de traduire en mots leurs perceptions du fonctionnement de leur établissement et de questionner les analyses des autres équipes. Cette confrontation des visions multiples des participants était facilitée par une formalisation écrite des auto-analyses réalisées, des projets construits et des cheminements des équipes. Ces temps passés hors des établissements scolaires permettent aux équipes d’échapper aux contingences quotidiennes et sont pour celles-ci des moments de prise de recul et de régulation par rapport aux projets développés dans les établissements et par rapport à la mobilisation du reste des acteurs. Une plateforme web est proposée aux acteurs en formation, elle leur permet de prolonger les échanges au-delà des journées de formation via un forum et de partager des outils construits dans chaque établissement. Cette plateforme web permet également aux

13 Aucun changement ne se produit si l’on ne tient pas compte de la spécificité de l’école (Gather Thurler).

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formateurs/accompagnateurs de suivre à distance et de soutenir le développement des projets des équipes. De façon complémentaire par rapport aux séminaires de formation, les équipes de direction ont été accompagnées sur le terrain par un des formateurs, dans la construction et la mise en place de leur processus d’auto-évaluation, dans la mobilisation et la mise en action de l’établissement, en lien avec les travaux réalisés lors des journées de formation. Nous avons rencontré sur le terrain les membres de l’équipe projet qui participaient aux formations ainsi que les autres acteurs de l’établissement impliqués dans le travail de mobilisation. Nous avons soutenu ces équipes élargies dans la diffusion de leur projet, dans l’enrôlement des autres acteurs de l’établissement et dans la construction d’un chaînage permettant aux autres acteurs de s’engager et de prendre une place dans la mobilisation. Les rencontres d’accompagnement visaient aussi à aider les équipes élargies à poser les problèmes rencontrés et à construire des solutions. Nous les avons conçues comme des lieux permettant aux acteurs impliqués dans le dispositif de formation de prolonger leur démarche réflexive en menant des allers et retours entre l’action et la réflexion. Les accompagnateurs ont en outre pu apporter, lors de ces rencontres, un regard extérieur sur le fonctionnement des équipes et sur le développement des projets. Ces rencontres sont aussi des occasions de formaliser des savoirs construits de façon à en favoriser l’appropriation entre les différentes équipes en formation et à soutenir le développement d’autres acteurs de l’éducation (directeurs d’autres établissements scolaires, gestionnaires de formation, conseillers pédagogiques…). 3. Analyse Nous avons structuré l’analyse autour de cinq points : I. Mobiliser l’ensemble de l’établissement dans une visée de développement professionnel et organisationnel. II. Co-construire un projet de changement. III. Se mettre dans une perspective d’auto-analyse. IV. Construire la notion d’efficacité. V. Développer une vision systémique.

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Ces points ont été déclinés sous trois facettes : les stratégies mises en place dans le dispositif par les formateurs, les difficultés et constats réalisés lors de la formation et leur analyse.

Ce qui est mis en place dans le dispositif formation-accompagnement pour

Difficultés - constats Analyse et questions

I. Mobiliser l’ensemble de l’établissement dans une visée de développement professionnel et de développement organisationnel : - Dans chacun des établissements, constitution de trois équipes qui sont impliquées dans le projet « efficacité » :

1) L’équipe projet qui participe au séminaire de formation au Département Education et Technologie (DET).

Le directeur a choisi d’inscrire son établissement dans la formation et a désigné les personnes qui l’accompagnent. Cette équipe est constante tout au long du projet. 2) L’équipe élargie : selon les établissements

plusieurs cas de figures possibles : • l’équipe des coordinateurs existe au sein de

l’école et est impliquée dans le projet ; • elle est constituée pour le projet selon

différentes modalités de constitution (choix stratégiques, volontariat…). Selon les établissements, les équipes sont permanentes ou se modifient en fonction de l’évolution du projet.

3) L’équipe éducative (ensemble de

l’établissement).

- Les critères de constitution de l’équipe projet et de l’équipe élargie conditionnent leur représentativité au sein de l’établissement.

- Difficulté à coordonner les rythmes de travail entre les différentes équipes au sein d’un même établissement et entre les différentes écoles.

- Dans quelle mesure les différentes équipes au sein d’un établissement sont-elles porte-paroles des unes et des autres ? A quelles conditions et comment ? - Comment l’accompagnement peut-il soutenir le processus de communication, de traduction des porte-paroles sans se substituer aux acteurs ? - Le statut des membres de l’équipe questionne la crédibilité et la légitimité des équipes (type de matières enseignées, fonction au sein de l’école…). - La constitution des équipes induit des changements au niveau des relations et des rapports entre les personnes et les groupes au sein de l’établissement scolaire. - La dynamique créée dans le réseau qui soutient le projet peut être non compatible avec la dynamique de fonctionnement habituelle de l’établissement. - Dans certains établissements, la composition de l’équipe élargie n’évolue pas avec le projet et ne permet pas de tirer parti des ressources professionnelles de l’établissement

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Ce qui est mis en place pour Difficultés Analyse et questions

II. Co-construire un projet de changement - Dans le cadre des journées de formation : Moments d’échanges inter-écoles et intra-école Stratégies réflexives et métacognitives sur le fonctionnement de l’école, sur son propre fonctionnement, sur son identité professionnelle et l’identité organisationnelle de l’école. - Dans le cadre de l’accompagnement spécifique de l’équipe élargie au sein de chacune des écoles : Un accompagnement qui :

- apporte un regard externe ; - vise la confrontation des points de vue, la

mise à distance et la prise de recul en vue de la définition de stratégies d’action pour mobiliser les acteurs.

- La formation permet à l’équipe projet de se découvrir sous des angles qu’ils n’anticipent pas. Ils découvrent les points de vue des autres, qui peuvent parfois être en désaccord avec les leurs. A partir de là, un accord est parfois difficile à construire. Difficulté pour certains membres de l’équipe d’admettre que chacun exprime son point de vue et participe à part égale au choix de la dimension à analyser pour analyser l’efficacité de l’établissement. - Difficulté pour les membres de l’équipe de se livrer au regard de l’autre sur un sujet aussi sensible que celui de l’efficacité. - Certaines équipes refusent d’entrer dans une démarche socio-constructiviste, ils viennent rechercher l’expertise de l’université en termes de solution à une difficulté non problématisée et n’intègrent pas les apports des autres équipes. - En inter-écoles : certains n’accordent pas de crédit à ce qui est mis en place dans les autres écoles qui ont une vision différente de l’efficacité et donc n’en tirent pas parti. - Les équipes se retrouvent face à l’expression d’une grande diversité de points de vue différents qu’elles ne savent pas gérer.

- Comment créer la controverse sans la limiter à une accumulation de points de vue pour aboutir à la construction d’un bien commun ? - Il y a lieu, pour les équipes de projet, d’aller au-delà de l’expression des avis, de trouver des stratégies pour permettre à ces avis de se confronter, de faire débat et de construire ensemble un compromis. - La co-construction collective est-elle conciliable avec toutes les cultures d’établissement et les conceptions de l’efficacité ? - Parfois les équipes projet espèrent, en suscitant l’expression des points de vue, rallier un maximum d’adhérents à leurs projets et récupèrent la démarche participative dans un mode de fonctionnement adhocratique. - Récupération d’une démarche participative en stratégie de soutien au projet initial. - Tendance à diluer le pilotage dans la participation en amenant les membres de l’équipe à assumer collectivement les décisions difficiles qui relèvent de la responsabilité de la direction.

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Ce qui est mis en place dans le dispositif pour Difficultés Analyse et questions III. Se mettre dans une perspective d’auto-analyse

- Il est demandé aux équipes d’initier un processus d’auto-analyse du fonctionnement de leur établissement et de réfléchir à des stratégies de mobilisation de l’ensemble de l’établissement et de récolte systématique de l’information au sein de l’école. - L’auto-analyse est construite selon une méthodologie qui se base sur un recueil systématique d’indicateurs référenciés à des critères. Elle met en œuvre une démarche systématique impliquant tous les acteurs de l’école. Cette démarche amène les équipes à mettre en mots et à rendre visible les atouts et dysfonctionnements de l’école.

- Au départ, les équipes projet ont le sentiment de bien connaître leur établissement et l’auto-analyse se limite à l’échange de constats et elles ne cherchent pas à vérifier sur le terrain leurs hypothèses. - Les acteurs ciblent leur analyse sur des éléments extérieurs, ont des difficultés à dévoiler ce qui fait le cœur de leur professionnalité. - Des équipes freinent, hésitent à poursuivre la mobilisation, puis se remettent en marge (marge ou marche ?), certains se laissent parasiter par des éléments extérieurs (contingences organisationnelles) ou des contraintes temporelles postposant ainsi l’autoévaluation de leur fonctionnement.

- En questionnant le fonctionnement de l’établissement, les acteurs sont amenés à interroger leurs propres modes de fonctionnement et cette remise en cause peut engendrer des processus de défense à gérer collectivement à différents moments de la démarche. - Entrer dans un processus d’autoévaluation collectif implique que les portes d’entrée peuvent être différentes et donc nécessite d’autoriser l’autre à avoir un regard différent du sien et de créer des conditions pour intégrer ces différences.

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Ce qui a été mis en place dans le dispositif pour Difficultés Analyse et questions

IV. Construire la notion d’ « efficacité » - Le concept d’efficacité a été présenté en formation sur base d’une revue de la littérature en mettant en évidence les différentes dimensions sur lesquelles agir pour améliorer l’efficacité. - Les équipes ont été amenées à proposer des indicateurs de celles-ci. - Chaque établissement a choisi sa porte d’entrée pour auto-évaluer l’efficacité. - L’objet efficacité est travaillé en formation avec l’équipe projet et devra être renégocié avec l’équipe élargie au sein de l’établissement qui, elle-même, sera amenée à le négocier avec l’ensemble de l’équipe éducative.

- Chacun des acteurs (formateurs, équipes projet, membres de l’équipe élargie, ensemble du corps professoral…) a des représentations différentes de l’objet « efficacité ». - Difficulté de trouver un consensus par rapport aux choix des indicateurs.

- Une injonction à la définition collective d’un objet de travail négocié dans l’établissement (processus collectif de construction de projet) est donnée dans le cadre de la formation alors que le projet est légitimé dans le cadre de la formation. - La construction collective du projet aux différents niveaux collectifs suppose des traductions successives de l’efficacité dans les différentes équipes qui peuvent être difficilement conciliables. - Comment concilier ces différentes traductions ?

- Le choix des indicateurs pour rendre compte de l’efficacité reflète l’identité professionnelle des enseignants et l’identité organisationnelle de l’établissement. - Une explicitation des indicateurs révèle des identités non homogènes dans l’école.

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Ce qui est mis en place dans le dispositif pour Difficultés Analyse et questions

V. Développer une vision systémique - L’accompagnement renvoie à la complexité et amène les équipes à développer un regard systémique sur le fonctionnement de l’école. - Il amène les équipes à prendre en compte la complexité en confrontant le point de vue de différents acteurs. - Il fait entrer les équipes dans la problématique par des portes d’entrées différentes. - Il amène les équipes à passer par la problématisation et l’analyse des situations. - Il amène les équipes à contextualiser, décontexualiser et recontextualiser. - Il amène les équipes à déplier un critère en indicateurs, et à le lier avec d’autres, afin de mettre en évidence qu’en travaillant sur une dimension de l’efficacité, on travaille sur les autres.

- Les équipes fonctionnent dans une logique « difficulté-solution ». - Les membres des équipes proposent des indicateurs différents d’une même dimension de l’efficacité de leur établissement et inversement, un même indicateur témoigne de différentes dimensions de l’efficacité. - Malaise des équipes quand des indicateurs similaires sont identifiés pour témoigner de dimensions différentes de l’efficacité. - Une fois sensibilisées à la dimension systémique, le choix des critères à analyser pose problème aux équipes projet, elles souhaiteraient tous les investiguer car ils leur paraissent tous importants et en lien avec l’efficacité de leur établissement. Difficulté de prioriser les critères.

. - Comment amener les équipes à élargir la boucle « difficulté-solution » vers une boucle « difficulté - description - problématisation -pistes d’action » ? - Les équipes projet ont le sentiment que les effets de leurs actions sur une dimension ont des répercussions qui leur échappent et elles ont également le sentiment de perdre le contrôle du processus. - Cela implique d’analyser leur action non seulement en termes de résultats attendus mais également en termes d’effet, ce qui rend particulièrement difficile l’évaluation des actions posées pour améliorer l’efficacité. - Dans un contexte où les établissements doivent rendre des comptes, l’aspect systémique de l’efficacité renforce l’inquiétude des acteurs vis-à-vis des dispositifs d’évaluation externes car ils se rendent compte que c’est difficile d’anticiper, de maîtriser et d’isoler les effets des actions posées.

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5. Conclusions Le dispositif de formation-accompagnement des équipes à l’auto-évaluation de l’efficacité se base sur un certain nombre de présupposés (les participants sont acteurs du changement, la combinaison de séminaire en présentiel et l’accompagnement sur le terrain, un travail en cascade avec les équipes) qui placent les participants (formateurs et formés) au centre de tensions qui les amènent à s’interroger sur le dispositif de formation. En conclusion de cette communication, nous avons épinglé ces tensions et les questions qu’elles soulèvent dans le cadre de la conception d’un dispositif de formation- accompagnement de l’autoanalyse de l’efficacité par les établissements scolaires. 1. Tensions entre le projet construit en formation par l’équipe projet et le projet qui émerge au niveau de l’établissement dans une démarche participative. Comment légitimer dans l’établissement une démarche construite extra muros ? 2. Tensions entre la représentation initiale de son établissement et les représentations qui se construisent dans le cadre d’une démarche instrumentée. Comment faire accepter aux équipes projet de problématiser et de rechercher systématiquement des informations au risque d’être déstabilisées et de rendre plus complexe la situation de départ ? Comment dépasser la logique du court terme pour s’inscrire dans le moyen terme ? Comment dépasser la demande de solutions immédiates pour passer à un travail préalable d’analyse ? 3. Tensions entre les traductions réalisées par les équipes impliquées dans un processus collectif de formation et la confrontation de ses traductions sur le terrain lors des accompagnements. Comment gérer les différentes traductions et reconnaître chacun comme acteur de changement ? 4. Tensions entre la dynamique de communication introduite par le projet et la dynamique de communication habituelle dans l’établissement. Quel soutien apporter au processus de communication dans l’école et à la mise en place de structures participatives liées au projet ? Quelle transparence ? Quelle lisibilité du processus ? Comment mettre la communication au service du projet ? 5. Tensions entre une dynamique de gestion participative prévue par le dispositif comme présupposé du projet et la culture existante dans l’école. La co-construction est-elle conciliable avec toutes les cultures d’établissement et à quelles conditions d’accompagnement et de gestion temporelle ? A quels rythmes ? Comment soutenir les établissements dans une dynamique d’organisation apprenante qui reconnaît la professionnalité de tous ses membres dans les aspects organisationnels ? 6. Tensions entre la volonté d’instaurer une dynamique collective participative d’auto-évaluation et la crainte d’être professionnellement mis en cause. Comment l’accompagnement peut-il soutenir une posture de remise en question

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professionnelle des équipes sans qu’elle soit perçue comme une atteinte à l’identité professionnelle ? 7. Tensions entre la nécessité méthodologique d’isoler des dimensions à travailler et de considérer en même temps l’aspect systémique du processus. Comment aider les équipes à identifier une dimension prioritaire, à définir des objectifs opérationnels en lien avec des changements d’attitudes ? 8. Tensions entre les mesures d’efficacité basées sur l’évaluation externe et une mesure d’efficacité qui rencontre le projets éducatifs d’établissements. Comment éviter la centration sur les seuls résultats et élargir le travail à des objectifs de processus ? Comment supporter une démarche réflexive d’analyse organisationnelle et l’incertitude qu’elle engendre ? Quels indicateurs prendre en compte pour rendre visibles les résultats du projet tout en conservant son caractère systémique ? Comment maintenir l’investissement des acteurs dans un processus dont ils ne perçoivent pas immédiatement les résultats alors qu’ils sont sous la pression d’une évaluation externe ? Comment aider les équipes à évaluer les effets de la mobilisation ? Bibliographie Bonami, M. (2005). Evaluation interne et évaluation externe : concurrence ou complémentarité ? Les Cahiers de la Recherche en Education et Formation, 38. Creemers, B.P.M. (2005). Comment améliorer des pratiques éducatives peut conduire à une plus grande efficacité des établissements scolaires ou comment faire le lien entre deux courants de recherche en éducation ? In Demeuse, M., Baye, A., Straeten M.H., Nicaise J. & Matoul, A. (Eds), Vers une école juste et efficace. 26 contributions sur les systèmes d’enseignement et de formation. Economie, Société, Région. Bruxelles : De Boeck, pp. 44-71. Demeuse, M., Matoul, A., Schilling, P. & Denooz, R. (2005). De quelle efficacité parle-t-on ? In Demeuse, M., Baye, A., Straeten, M.H., Nicaise, J. & Matoul, A. (Eds), Vers une école juste et efficace. 26 contributions sur les systèmes d’enseignement et de formation. Economie, Société, Région. Bruxelles : De Boeck, pp. 15-27. Gather Thurler, M. (1994). Efficacité des établissements ne se mesure pas : elle se construit, se négocie, se pratique et se vit. In Crahay, M. (Ed.), Problématique et méthodologie de l’évaluation des établissements de formation. Bruxelles : De Boeck, pp. 203-224. Hallinger, P. & Heck, R. (1998). Exploring the Principal’s contribution to school Effectiveness : 1980-1995. School effectiveness and school improvement, 9, 2, pp. 157-191. Hopkins, D. (1987). Improving hequality of schooling. Lewes : Falmer Press. Rouiller, J. & Pillonel, M. (2002). Auto-évaluation de l’établissement scolaire : un apport essentiel dans une démarche qualité. Actes du colloque international de l’ADMEE-EUROPE et congrès annuel de la SSRE (5, 6, 7 septembre 2002). Lausanne : Université de Lausanne.

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Scheerens, J. & Bosker, R. (2005). The foundations of educational effectiveness. New York : Pergamon Press. Van Zanten, A. (2005). Qualité et égalité : les chefs d’établissement et l’adaptation à l’environnement local. La Revue des Echanges, 4. Vause, A., Dupriez, V. & Dumay, X. (2008). L’efficacité des pratiques pédagogiques : la nécessité de prendre en compte l’environnement social. Les cahiers de la recherche en éducation et formation, 68, pp. 2-25 Vial, M. (2001). Se former pour évaluer. Se donner une problématique et élaborer des concepts. Bruxelles : De Boeck.

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Résumé de la contribution n°2

- Nom : Gather Thurler. - Prénom : Monica. - Établissement : Université de Genève (Suisse), Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Education, Laboratoire Innovation-Formation-Education (LIFE).

L’évaluation institutionnelle au service des établissements scolaires

Au vu des nouveaux principes de gouvernance, l’évaluation institutionnelle (externe, standardisée) est devenue en quelque sorte le « prix » de l’autonomie : le pouvoir central a mis en place une obligation de résultats mesurée a posteriori, qu’il impose aux établissements scolaires. En revanche, ces derniers sont invités à procéder régulièrement à des évaluations internes, censées documenter la lecture qu’ils font des décalages (« dissonances », Willke, 1997) existant entre les résultats obtenus et les actions entreprises, et de déterminer, à partir de ces constats, des actions censées permettre de « corriger le tir ». Il est probable que l’apport d’information réel dépendra dans une grande mesure de la capacité -et j’ajouterais aujourd’hui : de la volonté- que développeront les praticiens (enseignants et directions d’établissements scolaires confondus) à se les approprier et à les internaliser. Autrement dit, cet apport dépendra de la capacité des acteurs à nouer le dialogue entre deux orientations contradictoires : d’une part, la vocation des agences chargées de ce type de mesures à développer des modèles d’évaluation produisant des données toujours plus globalisantes ; et d’autre part, le besoin des acteurs du terrain d’accéder à des informations qui leur permettront d’identifier les routines qui les empêchent de renforcer autant l’efficacité que l’équité. Je partirai de données récoltées lors d’interventions dans différents établissements scolaires suisses romands pour répondre aux questions suivantes : - Quelles surprises les résultats des évaluations externes représentent-elles pour les équipes d’enseignants concernés ? - A quel niveau se situent, pour ces équipes, les décalages les plus importants entre les données produites par les évaluations externes et leurs propres appréciations du travail accompli auprès des élèves ? - Comment parviennent-elles à co-construire une compréhension partagée des raisons de ces décalages et à définir des stratégies d’action ? - Quelles sont les modalités d’accompagnement et de conseil les plus utiles pour les aider à situer et à dépasser les dissonances perçues, sans que les enseignants ne se sentent coupables ni infériorisés et donc contraints à les réfuter ?

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Version finale de la contribution n°2

La version finale de la contribution de Monica Gather Thurler sera communiquée à la fin du mois d’octobre 2008.

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Résumé de la contribution n°3

- Nom : Bedin. - Prénom : Véronique. - Établissement : Université de Toulouse (France), Centre de Recherches en Education, Formation, Insertion de Toulouse (CREFI-T/EVACAP).

L’efficacité au service de l’équité dans des démarches d’évaluation-conseil intégrées dans un projet éducatif local

Si les valeurs d’efficacité et d’équité en éducation sont interrogées dans le cadre scolaire, elles sont également l’objet de débats dans le périmètre plus large du territoire éducatif local. L’organisation du temps péri et extra-scolaire constitue un enjeu éducatif et social. Évaluer les activités socio-éducatives pour améliorer la manière d’accompagner les élèves hors de l’école est devenu une priorité. Cet objectif peut prendre corps dans la mise en oeuvre de démarches d’évaluation-conseil. Celles-ci participent de la réalisation de projets éducatifs locaux qui regroupent différents partenaires sur un même territoire. Il est attendu que l’évaluation-conseil soit utile et efficace en trouvant des solutions aux problèmes posés et que l’action valorise équitablement toutes les parties en présence. Il est également attendu que de nouvelles propositions péri et extra-scolaires témoignent de leur pertinence éducative et soient accessibles au plus grand nombre. Cette contribution met en perspective des résultats d’expérimentations relevant de la conduite d’activités d’évaluation-conseil menées sur « l’éducatif local ». Ces opérations ont été effectuées ces dernières années en périphérie toulousaine (France). Deux axes de recherche sont étudiés, à partir de la consultation de plusieurs types de représentants éducatifs (établissements scolaires, fédérations de parents d’élèves, services communaux de l’enfance et de la jeunesse, associations péri et extra-scolaires) et des jeunes eux-mêmes. La perception d’efficacité se construit en rapport avec celle d’équité chez les acteurs consultés et de manière différente suivant leur culture professionnelle. L’évaluation-conseil est d’autant mieux reconnue « efficace » que ses « effets d’équité » sont perceptibles, par les responsables éducatifs eux-mêmes (équité partenariale, équité de moyens...) que par les enfants qui participent aux activités (équité d’accès, équité socio-éducative, équité d’accomplissement...). Des objectifs d’efficacité et d’équité définis dans un projet éducatif local permettent-ils le développement professionnel des acteurs qui s’y engagent ? En faisant référence aux enquêtes réalisées, nous répondons que la participation à une intervention d’évaluation-conseil à visée formative le permet, à la condition que la démarche se fonde sur un accompagnement réflexif des participants.

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Version finale de la contribution n°3

L’efficacité au service de l’équité dans des démarches d’évaluation-conseil

intégrées à un projet éducatif local

Véronique BEDIN Maître de Conférences en Sciences de l’Education

Université de Toulouse (France) CREFI-T/EVACAP 14

Introduction La question de l’équité et surtout de l’efficacité a été largement débattue dans le champ scolaire, en relation avec l’évaluation de la qualité du système éducatif et du contrat de prestations qu’on lui demande de remplir. Nous proposons d’ouvrir la réflexion à l’espace élargi du développement éducatif local et de définir ces notions d’« équité » et d’« efficacité » dans la complexité des représentations et de l’agir des différents partenaires et acteurs qui participent à l’élaboration des projets et contrats éducatifs locaux. La démarche choisie pour accompagner la réalisation d’un projet éducatif local est une évaluation-conseil. Elle permet l’établissement concerté d’un diagnostic sur l’offre d’éducation péri et extra-scolaire à partir duquel des repères pour l’action pourront être proposés pour en améliorer la qualité : le renforcement de l’équité d’accès des enfants et des adolescents aux activités socio-éducatives, le développement de l’efficacité partenariale pour mieux harmoniser l’organisation de l’offre, etc. La démarche d’évaluation-conseil se définit comme réflexive, formative et « professionnalisante », sous réserve que les principes qu’elle érige puissent être traduits dans sa réalisation. Elle est d’autant plus perçue comme efficace par ses participants que des effets d’équité pourront lui être imputables à court terme. L’analyse critique d’une étude de cas effectuée ces dernières années permettra de préciser le questionnement posé : une démarche d’évaluation-conseil commanditée par une municipalité de la périphérie toulousaine (Haute-Garonne, France) pour accompagner l’élaboration de son projet éducatif local.

1. L’équité : une finalité prioritaire affichée du projet éducatif local 1.1. Vers une définition « locale » de l’équité et de l’efficacité L’équité et l’efficacité sont parties prenantes des discours tenus sur « la qualité en éducation » (Behrens, 2007), l’efficacité tout particulièrement que Bouchard et Plante (2002 : 230) définissent, selon cette perspective, comme « le lien de conformité entre les objectifs visés [...] et les résultats effectivement obtenus ». Selon une approche positiviste, équité et efficacité peuvent s’évaluer toutes les deux par des rapports comme la définition précédente de l’efficacité l’indique. L’équité désigne ainsi à son tour globalement « le rapport entre les bénéfices récoltés par un sous-groupe particulier de personnes et les mêmes bénéfices récoltés par un autre sous-groupe de personnes » (De Ketele & Gérard : 2007 : 33). Mais en tant que valeurs agies dans des contextes spécifiques, ces deux concepts échappent à toute forme de clôture et à une définition générale. Équité et efficacité participent d’une rhétorique

14 Centre de Recherches en Education, Formation et Insertion de Toulouse / EVAluation et Professionnalisation des Acteurs et des Contextes.

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qui charrie des idéologies et des stéréotypes, des résistances ou des attentes, selon la visée qu’on assigne aux évaluations que ces expressions qualifient ou au sens qu’un acteur spécifique leur attribue à un moment donné. L’impression d’équité et d’efficacité se construit et relève alors plus d’un ressenti que d’une vision préalablement constituée et rationnelle des situations. L’équité et les valeurs positives qu’elle sous-tend sont plutôt irriguées par la rhétorique humaniste, dans laquelle se reconnaît originellement l’intérêt éducatif, même si la réalité de l’équité demeure quelquefois gageure en regard des bonnes intentions affichées et des discours principiels tenus. L’efficacité, a contrario, est plutôt drainée par une rhétorique managériale et suscite, à ce titre, des résistances dans le champ scolaire. L’épineux problème de « l’obligation de résultats en éducation » (Lessard & Meirieu, 2005) et les débats qui en découlent l’illustrent, de même que « le conflit de valeurs » qui traverse « le maître efficace [qui est] soumis au pilotage des séances de classe par les indicateurs internationaux » (Jorro, 2008). Au total, un brouillage sémantique certain, la déperdition de la force de conviction de chaque conception, un renforcement du scepticisme évaluatif, et, à plus long terme, des spéculations hasardeuses sur les conditions du développement éducatif et de ses modes d’évaluation... Pour échapper aux « obstacles » d’une vision exclusivement surplombante et techniciste, les notions d’équité et d’efficacité seront étudiées à partir de recherches valorisant l’observation effective des activités d’évaluation en contexte, dans des situations singulières et locales. Si les valeurs d’équité et d’efficacité en éducation sont interrogées dans le cadre scolaire, elles sont également l’objet de débats dans le périmètre plus large du territoire éducatif local. Elles y revêtent nécessairement un caractère sociétal, voire polémique dans certains cas de figure, au vu de la diversité des institutions et catégories d’acteurs qu’elles mobilisent, l’ouverture de l’espace de jeu à une dynamique éducative transversale complexifiant la définition même de ces valeurs et leur traduction opératoire dans des actions adaptées. « Le local apparaît comme [...] une réponse possible aux questions posées dans un monde aux prises avec de profondes mutations, qui tend à renvoyer la solution des dysfonctionnements économiques, sociaux et éducatifs au niveau de développement de terrain ». (Chambon, 2001 : 11). L’organisation du temps péri et extra-scolaire constitue dès lors un véritable enjeu éducatif et social. Évaluer les activités socio-éducatives pour améliorer la manière d’accompagner les élèves hors de l’école est devenu une priorité, au regard des inégalités sexuelles ou sociales constatées dans leur accès à la culture ou à la pratique d’un sport, ce qui interroge l’efficacité des moyens humains et matériels jusqu’alors mis en oeuvre pour le faciliter. La professionnalisation des structures, activités et acteurs émerge comme un défi à relever selon cette perspective.

Deux dispositifs contractuels majeurs ont ainsi été proposés par les pouvoirs publics pour permettre une autre gestion de « l’éducatif local », garante a priori de nouvelles conditions politiques, organisationnelles et techniques de faisabilité en regroupant différents partenaires sur un même territoire : le Projet Éducatif Local (PEL) et le Contrat Éducatif Local (CEL). « Le projet éducatif local est le fruit d’une volonté collective clarifiée et formulée, organisée par un partenariat actif entre tous les membres d’une communauté éducative élargie particulière. [Il est] autant un objet social symbolique que l’instrument partagé de la rationalisation du développement éducatif local » (Daydé, 2007 : 131). Leur réalisation passe par l’organisation d’une démarche d’évaluation que nous nommons « l’évaluation-conseil » et que nous définirons plus précisément dans le paragraphe qui suit. Démarche d’évaluation devant permettre d’établir un bilan sur la politique éducative locale et des éléments de conseil pour la faire évoluer, de faciliter la régulation entre acteurs institutionnels, professionnels et bénéficiaires afin de proposer, de manière concertée, un

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nouveau projet d’actions et d’en apprécier ultérieurement la qualité, c’est-à-dire les effets positifs sur les publics cibles notamment.

1.2. L’équité et l’efficacité dans le langage réglementaire de « l’éducatif local »

L’examen de la circulaire15 interministérielle n°98-144 du 9 juillet 1998 est instructif du point de vue de la place accordée à l’équité et à l’efficacité dans les dispositifs retenus. Cadrage global indispensable à étudier préalablement avant d’observer des pratiques locales plus singulières.

Le souci de l’équité apparaît central dans le langage réglementaire. Cette valeur est présentée comme constituant la finalité d’une politique d’aménagement des temps et des activités de l’enfant à laquelle elle donne du sens. Elle participe, à ce titre, d’une rhétorique attendue concernant les solutions institutionnelles et socio-éducatives à apporter à des situations-problèmes touchant l’enfance et la jeunesse. Différentes dimensions de l’équité peuvent être identifiées dans le discours législatif :

- une équité socio-économique d’accès : « l’égalité d’accès de tous au savoir, à la culture et au sport » constituant un préalable à toute forme d’équité, « l’objectif étant de tendre vers la gratuité » ;

- une équité de confort qui met l’accent sur des moyens équivalents à mettre à disposition des plus jeunes : nombre et qualité des locaux, nombre et qualité des activités d’aide aux devoirs, culturelles ou sportives, qualification des intervenants, etc.

- une équité de production qui concerne les résultats attendus tels que l’égalité d’accès aux activités péri ou extra-scolaires par exemple ;

- une équité socio-pédagogique qui vise à diminuer les disparités et à « améliorer les résultats scolaires grâce à des actions respectant les principes de la Charte de l’accompagnement scolaire » ;

- une équité externe ou d’accomplissement personnel : « l’épanouissement de la personnalité » de l’enfant ou de l’adolescent est explicitement mise en exergue.

La typologie proposée est extraite des travaux de De Ketele et al. (1997, 2007) et a été

adaptée au domaine d’étude. D’autres types d’équité nécessitent d’être cités dans le contexte spécifique de « l’éducatif local ». Ils sont cette fois centrés sur les caractéristiques plus organisationnelles de la démarche de projet et de contrat que l’évaluation-conseil a la charge d’impulser. Le texte réglementaire insiste ainsi sur les aspects suivants :

- l’équité partenariale : la référence à « toutes les parties prenantes » du projet éducatif local, à la « concertation » du plus grand nombre, au « travail en commun », etc. est prépondérante. Elle est élargie aux parents qu’il faut « associer étroitement à la mise en place des projets et de leur réalisation » ;

- l’équité contractuelle qui, dans un souci de « cohérence de l’action publique », vise une mise en synergie de l’ensemble des contrats déjà engagés sur la politique de l’enfance et de la jeunesse ;

- l’équité professionnelle afin d’impliquer tous « ceux et celles qui ont en charge, à un titre ou à un autre, la formation des enfants et des adolescents » ;

- l’équité territoriale entre les différentes zones de manière à ce que les projets éducatifs locaux concernent « des secteurs géographiques aussi larges et cohérents que possible » ;

- l’équité temporelle pour que « temps scolaire » et « temps libre » soient « mieux articulés et équilibrés ».

15 Circulaire du 00/07/98 sur « l’aménagement des temps et des activités de l’enfant : mise en place du contrat éducatif local et des rythmes périscolaires ».

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Les deux « grands types » d’équité sont présentés comme interdépendants dans le texte étudié. On peut tout de même considérer que la visée d’équité relative au fonctionnement du projet (équité partenariale, équité contractuelle, etc.) constitue un préalable à la visée d’équité concernant les bénéficiaires (équité d’accès, équité de confort, etc.) et conditionne l’aboutissement de cette dernière. Ce qui ne peut que renforcer le statut accordé à l’évaluation-conseil et aux modes d’accompagnement qui sont les siens. L’équité d’accès, par exemple, peut rester un objectif vertueux en soi mais exonéré d’exigences d’évidence s’il n’est pas opérationnalisé et « raisonné » dans une démarche d’action volontariste et inscrite dans un principe de réalité. Comme l’écrivent De Ketele et Gérard (2007 : 33) : « l’équité est une qualité qui relève de l’éthique institutionnelle ». Un autre point nécessite d’être abordé. Quelle est la place de l’efficacité dans la circulaire ? Elle y revêt un caractère moins central que celle réservée à l’équité mais n’est-ce pas « l’équité [qui] détermine l’efficacité et l’efficience » (Sall & DeKetele : 1997) ? Le terme d’« efficacité » est explicitement employé dans le cadre d’une évaluation a posteriori de l’action éducative locale qui se ferait à trois niveaux différents : local, départemental et national. « Il s’agit de mesurer objectivement et précisément les effets produits par la mise en œuvre du dispositif ainsi que les coûts financiers engagés par les différents partenaires (…). [L’évaluation] doit permettre d’apprécier la validité et l’efficacité du contrat et de le faire évoluer. Elle doit être interactive et associer l’ensemble des partenaires du groupe local de pilotage » (instruction interministérielle n°00-156JS du 25 octobre 2000). L’exigence de résultats et de « redevabilité » des acteurs est ici mise en exergue, de même que l’efficience avec la référence relative aux coûts des opérations engagées par les partenaires. Se rapprocher d’une équité d’accès sans pour autant atteindre des dépenses prohibitives pourrait être considéré, par exemple, comme un critère d’efficacité externe et à long terme. La pression, que la culture de l’efficacité génère, place les pilotes de l’évaluation-conseil face à leurs responsabilités et fonctions. 2. L’ingénierie de l’évaluation-conseil : « socle de l’efficacité » pour la mise en oeuvre d’un projet éducatif local garant d’équité ? 2.1. Les grands principes de l’évaluation-conseil, sous l’égide de l’équité Comme les textes ministériels le stipulent, la validation d’un contrat éducatif local nécessite de concevoir préalablement un projet éducatif local, soit l’élaboration d’une méthode d’intervention à partir d’un diagnostic commun entre partenaires, la production d’un rapport et de recommandations pour agir ainsi que la diffusion d’informations adaptées aux objectifs visés. La démarche d’évaluation-conseil répond à l’ensemble de ces prérogatives. Il est attendu que l’évaluation-conseil soit utile et efficace en trouvant des solutions aux problèmes posés et que les actions proposées valorisent équitablement toutes les parties en présence. Il est également attendu que de nouveaux projets péri et extra-scolaires témoignent de leur pertinence éducative et soient accessibles au plus grand nombre. À ce niveau de développement, il convient maintenant que les caractéristiques de l’évaluation-conseil soient précisées. Le thème de cette contribution poursuit une réflexion déjà entreprise (Bedin & Jorro, 2007a ; Jorro, 2007 ; Bedin, 2007b) qui trouve des prolongements dans la problématique posée autour de « l’efficacité-équité ». La préoccupation de conseil qu’assume cette forme d’évaluation met l’accent sur l’accompagnement formatif apporté aux acteurs de l’éducation, intervention qui permet à ces

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derniers de tirer parti du processus et des résultats de l’évaluation. Ces modes d’accompagnement désignent des activités de délibération, de régulation, de traduction, d’aide à la décision, de formation, de diffusion ou de valorisation pour l’essentiel. Le conseil s’intègre à l’évaluation qu’il finalise, en dégageant des perspectives pour l’action à venir. L’évaluation-conseil recouvre ainsi un processus temporel de grande amplitude qui assimile des projections du présent constaté dans un avenir probable. L’exigence du conseil, qui ne peut s’adresser qu’à un sujet humain doté de conscience, individuel ou collectif, inscrit cette forme d’évaluation dans une nécessaire dialogique animée par une « véhémence ontologique » pour reprendre l’expression de Ricoeur (1986). Le conseil propose une vision autoréflexive et non téléologique de l’intentionnalité où l’acteur garde la possibilité d’agir et d’identifier des potentialités de changement, qu’un tiers peut d’ailleurs accompagner. La question de l’efficacité y est frontalement posée, dans la mesure où les activités du « tenir » ou du « donner conseil » (Lhotellier, 2001) menées à partir de la démarche évaluative visent à en optimiser explicitement les retombées. Les activités du « tenir conseil » renvoient plus précisément à des actes de délibération inscrits dans une dynamique de « référentialisation » (Figari, 2001) par exemple, celles du « donner conseil » plutôt à la formulation d’avis éclairés inscrits dans une dynamique apprenante d’aide à la décision. Concomitants ou consécutifs, ces actes de conseil de type délibératif constituent le bien-fondé des actes de conseil de type plus incitatif et inversement. L’impact de ces activités renforce la reconnaissance des effets de l’évaluation-conseil par ses « bénéficiaires », ce qui constitue une des garanties de son efficacité. La question de l’équité occupe également une place de choix en regard des présupposés éthiques que sous-tend cette approche : le principe de la pluralité, du respect de toutes les personnes, de la conscience de la responsabilité de chacun... Dans une perspective évaluative dans laquelle la posture du « vouloir conseiller » est clairement assumée et correspond à une fonction énoncée, le respect des principes déontologiques garantissant la qualité intersubjective de l’évaluation-conseil en éducation constitue une priorité. 2.2 L’ingénierie de l’évaluation-conseil, sous l’égide de l’efficacité Les grands principes de la démarche trouvent à s’actualiser dans une ingénierie qui impulse le respect de l’équité au niveau du fonctionnement (équité partenariale, contractuelle, etc.) et garantit par-là même d’autres types d’équité relatifs aux effets produits sur les enfants et les adolescents (équité d’accès, de confort, etc.). Le titre de la contribution « l’efficacité au service de l’équité » prend tout son sens dans ce cas de figure. De ce point de vue, les critères relevant « d’une équité de fonctionnement » sont finalement assimilables à une forme de l’efficacité. Effectivement, plus l’ingénierie de l’évaluation-conseil est optimale, plus les effets escomptés en termes « d’équité externe » s’en trouvent renforcés, ce qui contribue in fine à apporter une plus-value d’efficacité à l’ensemble du processus. Encore faut-il qu’un ensemble de dispositifs « socio-techniques » (Callon, 1989) soit proposé et piloté par l’évaluateur-conseil pour créer les conditions propices au développement de l’équité et de l’efficacité. Nous pouvons citer parmi les plus significatifs : - le comité de pilotage de l’évaluation-conseil et son cortège de réunions et de documents qui permettent de contractualiser les finalités et moyens de la démarche entre des partenaires d’origine différente, sous réserve que les membres de ce comité en soient les « meilleurs représentants » possible et que des « acteurs relais » attentifs aux capacités de synergie locales et dotés de compétences autonomes appuient l’évaluateur-conseil dans son rôle de coordonnateur et deviennent sa figure de substitution. - la consultation des acteurs éducatifs locaux et des bénéficiaires des activités péri ou extra-scolaires par des enquêtes de terrain qui faciliteront l’établissement d’une évaluation à

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la fois rétrospective (bilan de l’existant), concomitante à l’action (résultats intégrés au fur et à mesure du déroulement de l’évaluation-conseil) et prospective (projection dans l’avenir). - le rapport final d’évaluation-conseil et son registre de recommandations qui ouvre des pistes pour l’action (cf. le « donner conseil ») conçus dans le cadre d’une démarche délibérative, réflexive et formative (cf. le « tenir conseil »), garante du développement professionnel des acteurs qui y auront participé. - les manifestations publiques, pour informer, diffuser et valoriser le plus largement possible les processus, produits et résultats des expérimentations menées, ce qui n’est pas sans rappeler « l’espace dialogique des forums hybrides » (Callon et al., 2001 : 58) et la fonction d’apprentissage organisationnel que ces dispositifs de dialogue favorisent. 3. L’analyse critique d’une étude de cas -évaluation-conseil « PEL »- du point de vue de d’équité ou d’efficacité 3.1. La présentation de la démarche d’évaluation-conseil « PEL » retenue Cette contribution met en perspective des résultats d’expérimentations relevant de la conduite d’activités d’évaluation-conseil menées sur « l’éducatif local » (Bedin et al., 2002 ; Bedin, 2004 ; Daydé & Bedin, 2007). Ces opérations ont été effectuées ces dernières années en périphérie toulousaine (Haute-Garonne, France). Nous mettrons l’accent plus particulièrement sur l’une d’entre elles qui sera considérée ici comme une étude de cas, en adéquation avec la posture épistémologique et méthodologique choisie pour appréhender les notions d’équité et l’efficacité en éducation. Une approche socio-constructiviste qui implique une échelle d’analyse proche des acteurs locaux, centrée sur leurs procédures narratives de mise en intrigue de leur propre réalité évaluative. Une perspective intégrative enfin, qui n’oppose pas a priori l’efficacité à l’équité, la performance à l’égalité, la norme obligée à la valeur de justice recherchée, mais qui s’attache à montrer qu’une forme perçue de l’équité peut devenir le gage d’une forme perçue de l’efficacité et inversement, dans des conditions situées d’évaluation. L’évaluation-conseil à laquelle nous ferons référence a été commanditée par une commune de la Haute-Garonne. Le comité de pilotage était composé d’acteurs dominants chargés de représenter leur organisation respective : la mairie commanditaire de l’étude, les associations, les établissements scolaires, les administrations, les fédérations de parents d’élèves pour l’essentiel. Deux types différents d’enquête évaluatives ont été organisés sur le lieu de l’intervention par nos soins. Une enquête par documents a permis d’établir le recensement et l’organisation des activités péri et extra-scolaires proposées aux enfants et aux jeunes de 3 à 18 ans de la commune concernée. Ce sont 26 fiches « structures » qui ont été recueillies pour 32 organisations répertoriées et 126 fiches « activité » qui ont ainsi été complétées par contact direct. Selon une perspective plus qualitative et prospective, la consultation de 35 acteurs éducatifs locaux dans le cadre d’entretiens semi-directifs a également permis d’identifier les besoins, les manques exprimés, les solutions et les projets de développement envisagés. La composition de l’échantillon d’enquêtés était la suivante : 12 répondants représentaient les associations extra-scolaires, 9 les services communaux, 5 les associations péri-scolaires, 5 les établissements scolaires et 4 les fédérations de parents d’élèves. Contrairement à d’autres évaluations-conseils, la consultation des jeunes n’a pas été systématiquement réalisée dans l’exemple choisi.

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Un rapport final16 de 183 pages assorti d’un registre de recommandations a enfin été restitué au commanditaire et aux membres du comité de pilotage qui avaient tous participé à son élaboration. Une synthèse du document a été mise à disposition de la population pour consultation sur place dans les locaux de la mairie. Les acteurs éducatifs locaux ayant participé aux différentes enquêtes menées ont été associés à la présentation des résultats et certains d’entre eux ont constitué des personnes ressources en vue de la réalisation de nouvelles actions dans le cadre du CEL. Des manifestations publiques ont également permis de renforcer l’insertion et l’impact de la démarche d’évaluation-conseil mise en oeuvre, au niveau des familles notamment. L’intervention d’évaluation-conseil présentée sera interrogée de manière critique relativement à des questions intéressant l’équité ou l’efficacité. Que désignent les acteurs consultés par « efficacité » et « équité » : le processus d’accompagnement de l’évaluation-conseil ou ses effets ? Sur quels objets leur regard porte-il : le dispositif évaluatif lui-même ou le contenu de ce qui est évalué ? L’équité et l’efficacité revêtent-elles des sens différents pour les acteurs éducatifs locaux impliqués dans une démarche d’évaluation-conseil ? Quelles en sont alors les conséquences en termes d’accompagnement à l’adresse des décideurs institutionnels, responsables associatifs, pédagogues, parents d’élèves ou des jeunes eux-mêmes ? Cette diversité est-elle porteuse d’une plus-value pour l’évaluation des actions socio-éducatives ? Pour les acteurs éducatifs locaux, quelles sont les conditions de compatibilité entre la finalité d’équité ou d’efficacité et les modalités de leur interrelation dans le cas d’activités d’évaluation-conseil ? À leurs yeux, l’efficacité méthodologique de l’évaluation-conseil constitue-t-elle un gage d’équité éducative? Quel est l’impact différencié d’une démarche d’évaluation-conseil aux enjeux d’efficacité et d’équité sur le développement professionnel de ses participants ? En quoi et comment l’évaluation-conseil constitue-t-elle une démarche efficace ou équitable pour améliorer leurs compétences et leur autoformation ? 3.2. Les principaux résultats de l’analyse de cas étudiée 3.2.1. La perception de l’équité et de l’efficacité par les acteurs éducatifs locaux impliqués dans la démarche d’évaluation-conseil retenue 3.2.1.1. L’évaluation des besoins par les manques exprimés Dans le cadre de la démarche d’évaluation-conseil réalisée et dans sa phase d’élaboration d’un diagnostic de l’existant, les 35 acteurs éducatifs locaux consultés se sont plus aisément exprimé sur les manques constatés en termes d’équité et d’efficacité que sur leurs effets positifs, notamment à moyen et à long terme. Effets dont les bénéfices ne sont pas toujours identifiables en tant que tels et qu’il est de surcroît difficile d’imputer à une cause bien déterminée. Pour les répondants, l’équité et l’efficacité restent des notions plutôt abstraites, dont les objectifs apparaissent le plus souvent surdimensionnés à l’échelle des opérateurs locaux. « L’équité, c’est un voeu pieux ! Comment faire ? » résume un des représentants des établissements scolaires enquêtés. Ce constat soulève le problème de l’interprétation des résultats des actions éducatives locales menées et de leur reconnaissance, hors de toute démarche quantitative ou techniciste. À un autre niveau d’analyse, c’est la

16 Bedin et al. Diagnostic pour la mise en place d’un contrat éducatif local. Rapport final d’évaluation-conseil réalisé à la demande d’une municipalité de la périphérie toulousaine. Toulouse : Centre de Recherches en Éducation, Formation et Insertion (CREFI), Université de Toulouse-Le Mirail.

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méthodologie de la démarche évaluative qui est questionnée lorsqu’elle vise notamment à établir la qualité perçue de l’offre péri et extra-scolaire du point de vue de ceux qui la conçoivent et la mettent en oeuvre. C’est donc en creux, par ce qu’elles ne sont pas, que l’équité et l’efficacité vont paradoxalement se dessiner, au début de l’évaluation-conseil du moins. Les difficultés rencontrées constituent des indicateurs d’un manque d’équité ou d’efficacité ressenti qu’il est important que l’évaluateur-conseil diagnostique pour organiser ensuite les moyens de son dépassement et des solutions possibles. Par exemple, une analyse thématique des réponses librement obtenues à des questions ouvertes sur l’évaluation des actions socio-éducatives menées sur le territoire communal a permis d’obtenir les résultats qui suivent.

Tableau n°1 : l’évaluation des actions socio-éducatives locales du point de vue de leur manque d’équité ou d’efficacité

Thème Développement du thème

en termes d’équité ou d’efficacité Fréquence

globale Partenaire

le plus concerné Infrastructures Équipements

Peu d’efficacité (+++) des moyens matériels et techniques (infrastructures, équipements) mis à disposition et d’équité de confort (+) : insuffisance, mauvaise distribution...

77 Fédération de parents d’élèves

Partenariat entre

structures et acteurs

Peu d’équité (+++) et d’efficacité (+) partenariales entre organisations et acteurs éducatifs locaux : difficultés de concertation, de coopération...

61 Service communal

Personnels socio-

éducatifs

Peu d’équité (+++) et d’efficacité (+++) professionnelles pour les personnels socio-éducatifs : manque de personnels, disparité des qualifications, formations, compétences...

48 Fédération de parents d’élèves et établissement

scolaire Enfants

Adolescents Peu d’équité d’accomplissement personnel pour les enfants et les adolescents : désaffection des activités, démotivation pour certains...

35 Association péri-scolaire

Parents Peu d’équité socioéducative au niveau des parents : déresponsabilisation, vision consumériste du loisir pour certains...

34 Fédération de parents d’élèves

Moyens financiers

Peu d’efficacité des moyens financiers mis à disposition : insuffisance, inadaptabilité...

28 Associations péri ou extra-

scolaires Aménagement temps scolaire et non scolaire

Peu d’équité (+++) et d’efficacité (+++) dans l’aménagement des temps de l’enfant : dispersion, surcharge des emplois du temps, chevauchement d’activités...

28 Établissement scolaire

Bénévolat Peu d’équité (+++) et d’efficacité (+++) au niveau du bénévolat : disparité des bénévoles, manque d’investissement...

22 Association péri-scolaire

Accès économique aux activités

Peu d’équité économique d’accès : inégalité du coût des activités extra-scolaires, augmentation des prix non contrôlée...

11 Fédération de parents d’élèves

3.2.1.2. La priorité donnée aux besoins des structures et des acteurs socio-éducatifs Le tableau qui suit hiérarchise les priorités des répondants concernant la thématique de l’équité - efficacité. Si l’équité d’accès constituait la valeur phare du discours réglementaire, elle est finalement peu représentée dans les préoccupations des acteurs éducatifs locaux (11 fois citée seulement et jamais par les personnels des établissements scolaires et du service communal). L’équité d’accomplissement des jeunes (35 fois citée et le plus souvent par les responsables des associations péri-scolaires), de la même manière, occupe une place moins centrale dans les réponses que les besoins propres des structures et de leurs représentants,

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soucieux de l’équité et de l’efficacité des moyens mis à leur disposition, des modes de collaboration entre partenaires et de la gestion de leurs personnels (recrutement, formation, etc.). Si ces besoins « sont légitimes et même importants », ils doivent rester « toujours seconds par rapport aux besoins prioritaires des élèves [enfants] » considérés comme « la matière première » et « les bénéficiaires premiers » des actions à proposer (De Ketele, Gérard, 2007 : 24). On peut tout de même considérer que l’équité d’accomplissement des jeunes se développera d’autant plus qu’ils bénéficieront d’équipements de qualité et d’intervenants qualifiés par exemple, ce qui constitue une lecture possible des priorités exprimées notamment par les fédérations de parents d’élèves. La démarche d’évaluation-conseil permettra d’analyser finement ces résultats, de les mettre surtout en relation les uns avec les autres et d’amener les partenaires, certains d’entre eux du moins, à donner du sens à l’enjeu d’équité éducatif que devraient idéalement représenter les activités péri et extra-scolaires. Au nom de la recherche exclusive de l’efficacité, une politique inflationniste de demande de moyens court le risque de provoquer des réactions consuméristes et peu éducatives auprès des enfants et des adolescents. 3.2.1.3. La dynamique complexe entre équité et efficacité L’analyse plus fine des réponses montre également qu’équité et efficacité s’interpénètrent dans une dynamique complexe, ce qui explique qu’elles soient mentionnées pour le même thème quelquefois (cf. le tableau n°1). De ce point de vue, l’étude de cas apporte des éléments précieux car elle permet d’approfondir le sens donné par un acteur ou un groupe d’acteurs singuliers à une perception de faible équité ou efficacité dans le cas présent. Recueillir ce type de données est essentiel pour fonder la légitimité de l’évaluation-conseil et pouvoir ensuite impulser une démarche concertée prenant en compte les besoins réels et demandes formulées de ses participants. C’est le ressenti de l’équité et de l’efficacité vécues qui est ici mis en exergue ; le contexte d’énonciation devient par conséquent partie prenante de l’interprétation, loin de la mise en rapport de paramètres quantifiables. On se rapproche des principes dialogiques relatifs au conseil qui ont été exposés dans le deuxième paragraphe. Citons le propos suivant d’un responsable associatif qui montre que pour un même sujet, le manque de personnel socio-éducatif en l’occurrence, la double lecture croisée de l’équité et de l’efficacité est nécessaire : « Tous les ans, c’est la bagarre pour trouver un intervenant. Je sais que ce n’est pas partout pareil, en plus [interprétation du point de vue de l’équité]. Tous ces problèmes de personnels, ça nuit à ce que l’on peut proposer aux jeunes. C’est nécessairement moins bien puisque l’on est moins nombreux [interprétation du point de vue de l’efficacité à partir d’un manque ressenti de non équité]. Les deux logiques s’avèrent compatibles lorsqu’elles vont dans le même sens : plus d’efficacité socio-éducative devrait faciliter l’équité d’accès des jeunes à l’offre péri et extra-scolaire, plus d’équité partenariale comme la promeut l’évaluation-conseil devrait renforcer l’efficacité de la contractualisation et des effets positifs sur les bénéficiaires à plus long terme (efficacité externe) par exemple. Si l’équité d’accès des enfants aux activités est d’abord pensée comme un objectif, elle peut aussi devenir un moyen de l’action et se transformer alors en critère d’efficacité. Dans la réalité des pratiques et de leur différenciation, force est de constater qu’il est difficile de pouvoir isoler l’équité de l’efficacité, au risque de raboter la complexité de leurs interrelations et de leur évolution respective, ce qui serait contraire à la philosophie d’ensemble du projet éducatif local. 3.2.2. La perception par les participants des « effets » d’efficacité et d’équité de la démarche d’évaluation-conseil retenue

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Au regard de la complexité de l’élaboration du projet éducatif local, la grille de lecture « équité - efficacité » peut s’appliquer à deux niveaux d’analyse différents et interdépendants : les actions socio-éducatives (cf. au paragraphe 3.2.1. les résultats de leur évaluation par les acteurs locaux) et la démarche d’évaluation-conseil elle-même. Par la méthodologie d’accompagnement qu’elle propose, l’évaluation-conseil est sensée apporter directement ou indirectement de la valeur ajoutée aux activités socio-éducatives déjà réalisées et sera considérée, à ce titre, comme plus ou moins efficace par les partenaires du projet ou les bénéficiaires. C’est sur ce point que nous insisterons. En tant qu’ingénierie d’intervention correspondant à un contrat de prestations à remplir, l’évaluation-conseil n’échappe pas effectivement à l’évaluation de son efficacité. Ce qui revient à poser la question suivante : Quels sont ses effets et à qui sont-ils utiles ? 3.2.2.1. L’efficacité externe En ce qui concerne l’étude de cas considérée, l’efficacité externe ne peut être qu’anticipée. C’est d’ailleurs le propre de l’activité de conseil que de proposer une vision prospective de l’évolution des activités socio-éducatives, en accord avec les partenaires concernés. C’est également ce qui fonde la nature même de tout projet et du projet éducatif local par excellence. Selon une définition « traditionnelle » et réglementaire de l’efficacité externe, elle pourrait désigner les effets réels à long terme sur les bénéficiaires (enfants et adolescents) comparés à des effets attendus de l’intervention menée. Hors, comparer strictement des résultats obtenus à des effets attendus s’avère peu adapté dans la situation présente car il s’agit d’une « évaluation de ce qui n’est pas encore, mais seulement projeté, futur, faisable, possible » (Ardoino & Berger, 1989 : 11). La qualité de l’évaluation-conseil repose plutôt sur la pertinence du conseil énoncé que sur l’établissement d’un degré de conformité entre deux mesures. Pertinence au niveau du contenu (proposer le registre de réponses le plus adéquat possible au problème diagnostiqué par l’évaluation) et au niveau de la forme également (proposer des réponses concertées et des choix multiples de propositions laissés au libre arbitrage des acteurs). Conçu selon une approche systémique, le registre de recommandations de l’opération étudiée comportait ainsi cinq priorités structurées en 60 propositions de conseil pour agir. L’exemple qui suit présente un extrait de ce registre sur un thème relevant d’une question d’efficacité externe ; il illustre la démarche d’objectivation proposée au collectif de partenaires. Même si les fédérations de parents d’élèves ont été des membres actifs du comité de pilotage et des représentants des élèves et collégiens régulièrement sollicités au cours du projet, l’organisation systématique d’enquêtes auprès de ces jeunes publics aurait sans nul doute permis de préciser certaines propositions relevant de ce type d’efficacité.

Tableau n°2 : un extrait du registre de recommandations de l’évaluation-conseil réalisée

Thème : la mixité des participants dans les activités socio-éducatives (un problème d’efficacité externe, une des dimensions possibles de l’équité d’accès de surcroît)

1. Évaluation rétroactive (constat partagé de l’existant, approche par les manques) Il existe une différence sensible entre filles et garçons dans certaines activités proposées (38% de filles licenciées dans un sport contre 62% de garçons par exemple : résultat d’enquête). Ce sujet constitue un point aveugle dans les discours des acteurs éducatifs consultés : il n’est jamais abordé. 2. Évaluation prospective (éléments de conseil fondés à partir du constat et validés par le comité de pilotage de l’évaluation-conseil, approche par les ressources)

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- Favoriser la mixité dans les activités par la coordination de complémentarités (association de la technologie et du culturel, du sport et de l’image par exemple). - Initier des campagnes thématiques sur des thèmes du type « Les sports n’ont pas de sexe » avec la DRDJS17, « Culture et genre » avec la DRAC18, la DRDF19. - Sensibiliser animateurs et parents à la discrimination sexuelle dans les pratiques culturelles et sportives (réunions débats, conférences...). - ...

3.2.2.2. L’efficacité interne L’efficacité interne de l’évaluation-conseil semble plus facilement identifiable par ses participants. Dans ce cas de figure, les effets de la démarche se révèlent à court terme et sont directement imputables aux modes de pilotage et d’accompagnement proposés. Parmi des effets relevant de l’efficacité interne, nous pouvons citer le développement professionnel des partenaires qui ont composé le comité de pilotage de l’évaluation-conseil et plus largement des différents acteurs qui ont été associés aux opérations de valorisation du projet. Ces opérateurs du PEL, à des degrés divers, ont reconnu la fonction formative et « professionnalisante » de l’évaluation-conseil, ce qui a augmenté la perception de son efficacité. Pour l’essentiel, l’évaluation-conseil leur a effectivement permis : - de faire évoluer leurs représentations professionnelles par la démarche continue d’objectivation proposée (de l’identification d’un manque constaté à sa traduction en ressource potentielle) ; - de développer leurs compétences évaluatives en participant à la méthodologie mise en oeuvre (évaluation rétroactive, évaluation intégrée au déroulement de l’action, évaluation prospective et conseil) ; - de faire appel à leur sens des responsabilités lors des réunions du comité de pilotage que certains participants s ont régulièrement co-animé avec l’évaluateur-conseil ; - d’expérimenter le raisonnement collaboratif, garant de la compétence partenariale du collectif d’institutions et d’acteurs constitué, de l’adhésion aux valeurs et aux comportements collectifs requis ainsi que de l’interdépendance des engagements pris. L’évaluation-conseil sera d’autant plus efficace qu’elle aura permis de faire émerger un partenariat éducatif local, lequel dépendra également de qualités d’équité à respecter dans la constitution du comité de pilotage et de son animation. Cette dimension est essentielle : pour preuve les difficultés de concertation exprimées par les répondants (cf. les résultats du tableau n°1). En ce qui concerne l’étude de cas étudiée, on peut tout de même regretter que le poids réel et symbolique de la technostructure de la municipalité et le statut privilégié accordé aux responsables de l’éducation nationale dans les délibérations ont quelquefois trop technicisé et institutionnalisé la teneur des échanges. 3.2.2.3. L’équité L’équité n’est pas exempte de la réflexion menée et intervient massivement sur « l’effet perçu d’efficacité ». Les valeurs positives, voire vertueuses, associées généralement à l’équité améliorent systématiquement la perception de l’efficacité lorsque les deux notions sont liées. Le respect de l’équité constitue notamment une des conditions de l’efficacité d’une démarche d’évaluation-conseil menée dans le champ de l’éducation : un partenariat éducatif local efficace est d’abord un partenariat équitable. L’équité peut également constituer un des effets attendus de l’évaluation-conseil : développer la mixité des participants par exemple.

17 DRDJS : Directions Régionales et Départementales de la Jeunesse et des Sports. 18 DRAC : Direction Régionale des Affaires Culturelles. 19 DRDF : Directions Régionales et Départementales aux droits des Femmes.

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Elle sera alors considérée comme efficace si les éléments de conseil proposés s’inscrivent dans une conception raisonnable et raisonnée de l’action à venir ou si les résultats obtenus de l’intervention confirment cet effet. Conclusion Cette conclusion partielle ne peut prétendre à quelque validité que dans le cadre de l’étude de cas ici analysée. À l’échelle du territoire éducatif local, la perception d’efficacité se construit le plus souvent en rapport avec celle d’équité et inversement pour les acteurs concernés, ce qui n’exclut pas des conflits de valeurs pour autant. Dans les représentations, cette co-construction relève de liens complexes difficiles à démêler parfois pour le chercheur qui n’a d’autre possibilité que d’interpréter un sentiment exprimé. Dans cette dynamique subtile de « rapprochement », l’impression d’équité peut devenir un élément régulateur de l’impression d’efficacité et vice-versa. Des facteurs objectifs ont favorisé le développement de cette approche intégrative qui met plus l’accent sur les interrelations entre efficacité et équité que sur leur dissociation : - la mise en oeuvre d’une démarche réflexive et formative telle que l’évaluation-conseil qui présente des garanties épistémologiques pour résister aux obstacles idéologiques relevant des valeurs d’équité et d’efficacité ; - le recours à l’analyse d’actions socio-éducatives effectivement réalisées pour fonder le jugement, plutôt qu’à l’expression d’un positionnement sociétal préalable sur l’éducation ; - l’organisation d’un dialogue entre partenaires issus de cultures professionnelles différentes et dont les conceptions de l’équité et l’efficacité sont fortement différenciées ; - la prise en compte d’un mode de pensée et d’action systémique qui croise les différents types d’équité et de validité. Ces derniers concernent soit le fonctionnement de l’évaluation-conseil (l’équité contractuelle par exemple), soit ses effets (l’équité d’accomplissement dans une activité culturelle pour ses participants par exemple) ; - un processus temporel de longue durée tel qu’un projet éducatif local qui facilite l’évolution, voire le changement de la perception de l’efficacité ou de l’équité... L’efficacité de l’évaluation-conseil tient principalement à sa capacité à accompagner les acteurs dans un contexte de changement et à répondre aux visées d’équité d’un projet éducatif local soucieux des besoins des enfants et des adolescents, du moins telle que la mise en forme du projet le suggère. C’est ce que nous avons appelé « l’efficacité au service de l’équité... » dans le titre de cette contribution. En fonction de cette perspective, autant dire qu’il est nécessaire de « tenir » la méthode, c’est-à-dire de créer les conditions intellectuelles et sociales de l’objectivation d’une subjectivité qui trouve à s’exprimer au travers du rapport de différents acteurs socio-éducatifs à l’analyse de leurs actions. Si « tenir » la méthode permet d’augmenter l’efficacité interne de l’évaluation-conseil comme nous l’avons montré, le risque pourrait être de se polariser sur ce type d’efficacité au détriment de la visée initiale du projet éducatif local : l’égalité d’accès de tous les enfants et adolescents au savoir, à la culture et au sport. Les résultats de l’investigation empirique réalisée appellent à la vigilance : la centration de certains groupes d’acteurs éducatifs sur leurs « propres » besoins, la difficulté à identifier les effets pratiques immédiats de l’intervention menée sur les bénéficiaires, etc. C’est in fine l’évaluateur-conseil qui fera la différence. On peut raisonnablement penser que la posture éthique de l’intervenant participe des choix méthodologiques et que, dans ce cas, « tenir » la méthode peut constituer également une garantie d’équité pour les bénéficiaires directs du projet éducatif local.

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Jorro, A. (2008). La professionnalité de l’enseignant dans la perspective du socle commun : valeurs, références, exigences. Colloque international du 12-14 mars 2008 « Français littérature, socle commun : quelle culture pour les élèves, quelle professionnalité pour les enseignants » ? Lyon : INRP. Lessard, C. & Meirieu, Ph. (dir.) (2005). L’obligation de résultats en éducation. Evolutions, perspectives et enjeux internationaux. Bruxelles : De Boeck. Lhotellier, A. (2001). Tenir conseil : délibérer pour agir. Paris : Editions Seli Arslan. Ricoeur, P. (1986). Du texte à l’action. Essais d’herméneutique II. Paris : Editions du Seuil. Sall H.-N. & De Ketele J.-M. (1997). L’évaluation du rendement des systèmes éducatifs : apports des concepts d’efficacité, d’efficience et d’équité. Mesure et évaluation en éducation, 19, 3, pp. 119-142.

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Résumé de la contribution n°4

- Nom : Leclerc. - Prénom : Claude. - Établissement : Université de Paris XII (France), laboratoire ESCOL-ESSI Paris VIII.

L’évaluation-conseil pour accompagner l’entrée dans le métier d’enseignant : enjeux et tensions entre efficacité et équité

L’Académie de Créteil reçoit chaque année 2500 néo-titulaires représentant environ 20% du contingent national. Depuis la rentrée 2001 a été mis en œuvre un dispositif particulier d’accompagnement du début de carrière des enseignants sortant des Instituts Universitaires de Formation des Maîtres (IUFM). Pour permettre une gestion déconcentrée du dispositif de formation des néo-titulaires, un nouvel acteur s’est progressivement imposé. Le coordonnateur de site EDM (Entrée Dans le Métier) est à la fois le référent pour les néo-titulaires dont il a la responsabilité, le conseiller en formation et l’interlocuteur privilégié des établissements de recrutement du site pour les questions de formation.

La contribution proposée s’appuie sur un ensemble d’entretiens, de questionnaires, d’enregistrements de groupes de coordonnateurs du dispositif. Nous avons, par ailleurs, assuré le suivi du dispositif durant deux ans en qualité d’enseignant chercheur.

La démarche initialisée a reposé sur l’accompagnement des acteurs-coordonnateurs du dispositif de formation, par ailleurs eux-mêmes inscrits dans une posture d’accompagnement-conseil reposant sur une équité multiréférentielle. L’efficacité de la démarche d’évaluation-conseil a été envisagée en termes de qualité de l’implication des acteurs. L’hypothèse sous-jacente a consisté à articuler degré de l’implication et possible transformation des pratiques en relation avec le dispositif de formation.

Au regard de l’expérience conduite, un certain nombre de lignes de sens feront l’objet d’investigations particulières : l’efficacité sociale de l’évaluation (implication, appropriation par les acteurs et transformation des pratiques) ; les lignes de tension entre conceptualisation, modèle d’intervention, contrôle et évaluation de l’efficacité du programme ; statut des résistances perçues différemment selon le modèle convoqué : résistances, adaptations, implications.

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Version finale de la contribution n°4

L'évaluation-conseil pour accompagner l'entrée dans le

métier d'enseignant : enjeux et tensions entre efficacité et équité

Claude LECLERC Maître de Conférences en Sciences de l’Éducation

Université de Paris XII (France) Laboratoire ESCOL-ESSI20, Paris XIII

Introduction L’Académie de Créteil reçoit chaque année 2500 néo-titulaires représentant environ 20% du contingent national. Depuis la rentrée 2001 a été mis en œuvre un dispositif particulier d’accompagnement du début de carrière des enseignants sortant d’un Institut Universitaire de Formation des Maîtres (IUFM). Pour permettre une gestion déconcentrée du dispositif de formation des néo-titulaires, un nouvel acteur s’est progressivement imposé. Le coordonnateur de site Entrée Dans le Métier (EDM) est à la fois le référent pour les néo-titulaires dont il a la responsabilité, le conseiller en formation et l’interlocuteur privilégié des établissements de recrutement du site pour les questions de formation. La contribution proposée s’appuie sur un ensemble d’entretiens, de questionnaires et d’enregistrements de groupes de coordonnateurs du dispositif. Nous avons, par ailleurs, assuré le suivi du dispositif durant deux ans en qualité d’enseignant chercheur. La démarche initialisée a reposé sur l’accompagnement des acteurs-coordonnateurs du dispositif de formation, par ailleurs eux-mêmes inscrits dans une posture d’accompagnement-conseil reposant sur une équité multiréférentielle. L’efficacité de la démarche d’évaluation-conseil a été envisagée en termes de qualité de l’implication des acteurs. L’hypothèse sous-jacente a consisté à articuler degré de l’implication et possible transformation des pratiques en relation avec le dispositif de formation. L’étude a conduit à repérer un certain nombre de lignes de tension susceptibles elles-mêmes d’interroger l’université, en qualité d’institution, à la fois dans ses formes d’intervention mais également dans sa conceptualisation des savoirs proposés. Le cadre revendiqué par les acteurs est en effet celui de la pratique professionnelle et non plus celui de la formation, marqué notamment par les enjeux de la certification. Ce déplacement référentiel interroge à la fois les acteurs de la formation, la nature des partenariats, les structures organisationnelles, la recherche et la nature même des savoirs de la formation. L’approche repose sur des entretiens approfondis avec les différents acteurs du dispositif, deux questionnaires en direction des acteurs de la formation et des néo-titulaires, l’enregistrement de séances de travail du groupe des coordonnateurs et le suivi du dispositif depuis deux ans en qualité d’enseignant chercheur. Il ne s’agit pas de proposer une présentation exhaustive d’un tel dispositif de formation ni non plus de traiter l’ensemble des questions engendrées, mais d’interroger un certain nombre de lignes de sens articulant dispositif de formation et adaptation de ce dernier aux exigences émanant des formés eux-mêmes (Blanchard-Laville et Nadot, 2001).

20 ESCOL-ESSI : Éducation SCOLarité - Éducation, Socialisation, Subjectivation et Institution.

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1. Un dispositif de formation : entre complexité territoriale et complexité organisationnelle L’Académie de Créteil, constituée par les départements de la Seine et Marne, de la Seine Saint-Denis et du Val-de-Marne, possède certainement cette caractéristique de couvrir la quasi-totalité de l’éventail socio-spatial du territoire national. Elle concentre en effet tout à la fois, pour reprendre la terminologie des géographes, des périphéries urbaines délaissées (93) et des périphéries rurales qui ne le sont pas moins (77). Elle connaît par ailleurs les déclinaisons intermédiaires tels les centres villes, les périphéries intégrées, etc., le tout s’articulant à partir de polarités soumises elles-mêmes à l’attraction parisienne. Pour répondre à cette complexité liée en partie à la spécificité des trois départements de l’Académie, et ainsi éviter de cristalliser institutionnellement le dispositif avec le risque inhérent d’une rigidification globalisante des propositions de formation, il s’est avéré nécessaire de procéder progressivement à un découpage en sites puis en agrégats (concentration de plusieurs sites - 2006), susceptibles de favoriser les regroupements des néo-titulaires et l’organisation des formations. La cartographie du dispositif, une certaine autonomie octroyée aux acteurs (coordonnateurs), les conditions propres à l’entrée dans le métier (Rayou et Van Zanten, 2004) ont, pour une part significative, transformé le positionnement des acteurs, les modalités de l’intervention (co-observation, etc.) et les objets de formation. C’est ainsi l’ensemble du dispositif de formation tout autant que les acteurs de la formation qui se sont trouvés impliqués dans une adaptation aux situations rencontrées. 1.1. De la coordination plutôt que de l’institution ? Pour permettre une gestion déconcentrée du dispositif, un nouvel acteur s’est progressivement imposé : le coordonnateur de site. Il semble être à la fois le référent pour les néo-titulaires dont il a la responsabilité, le conseiller en formation et l’interlocuteur privilégié des établissements du site pour les questions de formation. L’une de ses missions, en plus de coordonner les partenaires de la formation, consiste, par l’attention portée aux demandes émanant des enseignants, à traduire ces dernières en objets de formation. C’est ainsi que tout au long de ces cinq années, les propositions de formation ont véritablement évolué vers une prise en compte de thématiques touchant par exemple à l’environnement urbain. Une approche plus sociocognitive s’est également imposée comme susceptible de favoriser les possibles transferts de savoirs. Cela peut prendre la forme de situations : d’échanges peu ou pas hiérarchisées privilégiant l’interaction particulièrement mobilisée dans le module 3 (voir tableau ci-après). 1.2. Une formation universitaire : entre formes de l’intervention et savoirs de la formation? L’analyse du dispositif fait émerger un certain nombre de points focaux qui interroge le cadre de référence de la formation universitaire. Le premier point porte sur les formes de l’intervention dans le champ de la formation. Les jeunes enseignants se positionnent dans un refus des pratiques rencontrées lors de leur passage en IUFM et cela quel que soit l’IUFM d’origine. Cela semblerait davantage renvoyer à la dominante par trop déclarative voire discursive de la démarche de formation. Ils ne s’inscrivent pas plus favorablement en direction de formes plus universitaires (conférences, cours magistraux, etc.) de formation. Ce positionnement constitue, pour le moins, une ligne de tension propre à toute formation continuée. Le second point porte sur les savoirs eux-mêmes qui ne peuvent se satisfaire de

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leur seule pertinence conceptuelle. Il s’agirait, au regard de l’exigence formulée par les néo-titulaires, d’explorer leur adaptation en savoirs d’action, voire en savoirs sur l’action. 1.2.1 La recherche : une fonction prépondérante ? Au regard de ces deux points non exhaustifs du questionnement, la recherche intervient comme un élément déterminant de la transition à opérer entre une formation en contexte de formation et une formation en contexte de pratique professionnelle. Elle constitue une aide décisive à la compréhension des tensions, des enjeux, des évolutions, des dispositifs, des formes d’intervention, etc. mais, plus encore, elle serait décisive dans la production de nouveaux savoirs (savoirs de la formation…). C’est l’un des aspects sur lequel l’intégration des instituts de formation à l’université serait susceptible de modifier la situation en permettant d’articuler ce que jusqu’à présent les logiques d’institution favorisaient peu ou pas. Par ailleurs un tel accompagnement ne pourrait s’envisager sans que la recherche elle-même se trouve interpellée puisqu’elle favoriserait ainsi une co-élaboration de nouveaux savoirs de la formation. 1.3. Un dispositif de formation continuée multiforme L’Académie de Créteil reçoit chaque année 2500 néo-titulaires représentant environ 20% du contingent national. Depuis la rentrée 2001 a été mis en œuvre (cf. circulaire N°2001-150 du 27-7-2001, BO N°32 du 6 septembre 2001) un dispositif particulier d’accompagnement du début de carrière des enseignants et conseillers principaux d’éducation sortant d’IUFM. Ce dispositif d’accueil par la formation a fait l’objet de transformations et d’adaptations multiples jusqu’à ce jour. Il s’organise actuellement autour de trois axes de formation : - un axe disciplinaire M1 avec contextualisation forte des propositions ; - un axe centré sur le métier M2 (transversalo-disciplinaire avec prédominance de la situation d’enseignement) ; - un dernier axe reposant, pour l’essentiel, sur des modalités organisées d’échanges professionnels M3. La dimension expérientielle s’y trouve mobilisée de manière dominante. Par ailleurs, l’accompagnement d’un professeur débutant peut prendre quatre formes différentes déterminées par le mode d’affectation, les établissements d’exercice et les quotités de service dans ces établissements. La complexité certaine d’un tel dispositif de formation résulte de sa progressive adaptation compte tenu à la fois des impulsions rectorales, mais également d’une prise en compte d’un « efficace local » associant une diversité de cadres d’intervention. Ces différents cadres mobilisent les acteurs sous de multiples formes : regroupements, aide négociée en établissement, conférence, co-observation entre pairs, ateliers d’analyse des pratiques, etc. Au regard des nouvelles dispositions de la formation des enseignants, la notion de continuum s’impose désormais avec un accompagnement au cours des deux premières années d’exercice du métier. L’universitarisation de la formation se trouve ainsi questionnée à partir de deux contextes différents : celui de la formation et celui de la pratique professionnelle. 1.3.1. Le M3, un pari ? Les actions de formation proposées dans ce module s’organisent autour de deux axes centraux : l’échange professionnel (analyse des pratiques, co-observation entre pairs) et l’exploration de thématiques en relation avec la profession d’enseignant considérée dans son

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champ d’intervention et son environnement ethno-social. L’éventail de ces thématiques s’est progressivement élargi et tend plus que tout autre action à s’inscrire dans le contexte local. C’est ainsi que sont abordées les thématiques liées à l’environnement urbain (articulant conférence, lecture du paysage urbain, échanges informels), à l’adolescence, à la justice, etc. Des professionnels de ces différents champs sont ainsi mobilisés (sociologue, pédopsychiatre, juge, avocat, etc.). Ces derniers se trouvent eux-mêmes interpellés par la problématique éducative dans laquelle ils sont invités à s’inscrire. 1.3.2. Un exemple : la co-observation entre pairs Le cadre est celui d’une action de formation en établissement pour le moins particulière puisqu’il mobilise à la fois un coordonnateur de site, des formateurs, des enseignants, pour lesquels il s’agit du premier poste. Le dispositif s’articule autour de trois temps forts : 1) la prise de contact avec le coordonnateur et la définition du cadre par les deux formateurs. 2) Le déroulement de la co-observation entre néo-titulaires prévoyant deux séances de co-observation suivies chacune d’elle d’un entretien de débriefing. Ce temps appartient effectivement aux enseignants dans la mesure où ils effectueront les observations en situation et en dehors de toute présence d‘un formateur ou de toute autre personne. Les pairs s’observeront ainsi successivement durant une leçon puis se retrouveront pour opérer le débriefing de l’observation. 3) L’analyse avec les formateurs des séances puis le bilan par site avec le coordonnateur. 1.3.2.1. Explorer l’horizontalité de la formation Les dispositifs de formation, les situations d’interlocution résultantes induisent un positionnement inféré des acteurs. La relation formateur/formé participe amplement du cadre ainsi défini. Les acteurs se trouvent placés dans une interaction (de la médiation sémiotique à l’activité de tutelle) verbale et kinesthésique amplement surdéterminée par le cadre énonciatif posé. Le formé est impliqué dans une interaction verbale (Leclerc, 2005) dans laquelle sa part sera, selon les cadres prescrits, plus ou moins prépondérante : inspection et conformité au rôle attendu, co-observation et « parité » dialogale (dévoilement du rôle réel). La relation entre les acteurs de l’interlocution et les enjeux de cette relation tendrait à manifester l’état des rapports de rôles. Le dispositif doit être néanmoins envisagé comme un système ouvert susceptible de se modifier sous l’effet des interactions instituées et des acteurs eux-mêmes (irruption, imprévisibilité, évitement, vulnérabilité, etc.). Les modules d’analyse des pratiques insérés à l’intérieur des dispositifs de formation semblent, de ce point de vue, avoir constitué un espace dialogique innovant susceptible de déplacer les rôles antérieurement dévolus. La co-observation entre pairs interviendrait comme celle susceptible de favoriser la plus forte déprise au regard des différents cadres proposés et une effective centration sur la pratique elle-même considérée à partir d’une segmentation/élémentarisation relativement poussée. Les postures des acteurs intervenants dans le dispositif (formés, formateurs, coordonnateurs) subissent des adaptations dans le sens d’une plus grande contiguïté susceptible de favoriser les éventuelles transformations et requestionnements de gestes établis, voire routinisés. 1.3.2.2. Les rôles reconsidérés

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Par ailleurs, les différents rôles institués dans la formation (formateur, tuteur, conseiller pédagogique, etc.) impliqueraient autant de positionnements spécifiques dans l’interlocution avec le formé. Une certaine part de la formation transiterait par des discours (texte de la formation) ainsi exposés explicitement ou implicitement. Le discours en cours de construction du formé subirait, en raison même du processus de formation, de multiples tensions. Il participerait d’une nécessaire mise en rationalité pour soi de la pratique, mais également d’une conformité aux attentes perçues. Nous nous proposons d’aborder, à partir du cadre de la co-observation entre pairs, les effets de la situation d’interlocution induite sur le positionnement des différents acteurs intervenants : néo-titulaire, formateur, coordonnateur (conseil, accompagnement, etc.). L’analyse des pratiques, quelles que soient ses formes, configure un positionnement des acteurs relevant de situations spécifiques d’interlocution (Leclerc, 2005). Ces dernières s’inscrivent peu ou prou dans un arc dialogique lui-même susceptible de « travailler » la transformation attendue. Une telle approche est susceptible de conduire à requestionner la notion d’objet de formation. En effet, dans le cadre de la co-observation les objets sont préférentiellement co-définis, donc négociés, voire co-construits et probablement plus sûrement appropriés. Une telle approche se différencie de celle caractéristique du conseil (à nuancer selon les acteurs et les « styles » des tuteurs et conseillers pédagogiques), de l’inspection plus caractéristique encore de l’interlocution monologique, les objets se trouvent alors présélectionnés et prescrits. 1.3.2.3. L’entretien de débriefing ou l’impossible discours L’entrée de la démarche s’opère à partir de la situation d’enseignement effectivement observée. Chaque enseignant, avant même tout propos tenu et sans autre témoin, observera la leçon de son pair. Cette position particulière conduit les deux acteurs à adopter une posture partagée au regard du dévoilement opéré. Elle tend à lever l’implicite protecteur du soi professionnel pour favoriser le déroulement d’un dialogisme effectivement exploratoire des situations, des gestes et des enjeux propres au processus enseigner. L’interaction verbale relève d’un système énonciatif effectivement paritaire dans lequel les tours de paroles alternent en considération du décryptage de la séance observée. L’ancrage est celui de la leçon dans son déroulé et le processus est incontestablement privilégié, plutôt que la focalisation sur tel ou tel aspect, voire sur telle difficulté rencontrée (caractéristique de l’inspection). Le primat de la situation d’enseignement tend à saturer le dialogue engagé suspendant toute modalisation dépréciative dans le propos ce qui ne semble pas exclure une manifeste franchise : « T’as demandé aux autres « est-ce que tout le monde est d’accord ? » et en fait personne n’a eu le temps de répondre, car tu as donné la réponse tout de suite… Euh, ce qui est marrant… C’est que tu as fait distribuer par Charlene des papiers tout de suite, pendant que tu as fait ton rappel, elle a dit deux fois « j’ai rien compris ! » (enregistrement N°2 - entretien de débriefing). Cette possibilité d’entrer dans la pratique observée par le dialogue s’opère toujours à partir d’un objet investigué appartenant à la situation : le questionnement, le temps, la durée, le savoir, la progression, la transmission, l’élève au singulier, etc. La co-analyse se déroule ainsi en contexte présentifiable à tout moment de l’interaction verbale. Elle porte sur l’action elle-même invitant en quelque sorte les deux acteurs à décliner les savoirs d’action sous-jacents et à co-construire une distanciation par des savoirs sur l’action générés par la situation d’interlocution. La verbalisation de tels savoirs à partir d’un dispositif reposant sur la parité des conditions et des situations constitue une entrée particulièrement efficiente, en cela qu’elle permet peu ou pas de recourir aux savoirs déclaratifs pour privilégier une exploration des savoirs implicites, des savoirs professionnels (Altet, 96), etc. Un tel contexte semble de nature à favoriser par ailleurs une demande de savoirs plus théorisés, au regard des outils et concepts de l’analyse

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elle-même, tout autant qu’en direction de la didactique de la discipline, voire de la diversification pédagogique. Cette approche particulière contribue à la reconnaissance et l’identification de son propre style de l’enseignant (Clot & Faîta, 2000) à partir d’une incarnation située et observée. 1.4. Un acteur décisif du dispositif : le coordonnateur-conseil Les entretiens réalisés font apparaître un positionnement spécifique du coordonnateur et cela quelle que soit sa pratique de référence (enseignant, enseignant et formateur, formateur). Il se définit moins par ce qu’il serait que par ce qu’il n’est pas : « il n’est pas formateur, pas conseiller, pas expert en conseil sur la formation et il n’est pas dans l’établissement » (coordonnateur D). Il se positionne, non en affichant et en revendiquant un statut qui ne lui a été que partiellement concédé, mais à partir d’une constante posture de la négociation. Une bonne connaissance expérientielle de l’institution « travaillée » par le positionnement incertain du coordonnateur tend à faire de ce dernier un révélateur des démarcations institutionnelles et des logiques d’acteurs induites : « la vision globale que nous avons acquise du fonctionnement de l’institution nous met sans cesse en porte à faux par rapport à l’ensemble des acteurs et des partenaires de l’école » (coordonnateur G). Il se dégage en fait plusieurs profils de coordonnateur. Les uns se situant davantage du côté du formateur, les autres du côté de l’enseignant. L’ensemble d’entre eux s’inscrit néanmoins dans un rôle marqué par une recherche de la proximité et de la compréhension, voire d’une certaine horizontalité. Le positionnement institutionnel n’est pas revendiqué comme un préalable à l’intervention : « il me paraît essentiel que le coordonnateur ne se pose pas comme un supérieur à qui l’on doit rendre des comptes, mais qu’il soit disponible et à l’écoute du groupe et de l’individu. N’étant pas un supérieur hiérarchique, ni un formateur en tant que tel, il se présente comme un collègue ayant plus d’expérience de manière à permettre aux débutants d’éviter quelques écueils, restant bien entendu bien humble devant les difficultés. J’ai la sensation qu’il faut partager les difficultés de tous, y compris du coordo si l’on veut que le groupe fonctionne en bonne intelligence. La critique fait partie de l’échange, y compris sur le fonctionnement du dispositif ou l’organisation des séances que le coordo anime » (coordonnateur F). L’entrée dans la formation des néo-titulaires s’opère à partir de la recherche d’une opérationnalité susceptible d’être négociée et explicitée. L’offre de formation n’est pas ainsi perçue par les formés comme essentiellement descendante (Lylle, 2001), à considérer de surcroît les multiples aménagements auxquels ont procédé les coordonnateurs dans le cadre de l’évolution du dispositif EDM. Les différents modules sont ainsi investis dans leur relation à l’ensemble du dispositif de formation dessinant les contours du métier d’enseignant : « il ne s’agit pas de former à proprement parler mais d’accompagner un jeune collègue dans son parcours de formation, et plus s’il le souhaite. Il s’agit de créer un groupe de travail pour cette première année dans lequel il sera facile d’échanger sur les réussites et les échecs pour avancer ensemble » (coordonnateur B). La dimension coopérative est requise comme une des modalités principales de l’intervention de formation. Les objets de formation se déplacent ainsi du côté de la pratique professionnelle (Clerc, 1998) et non plus vers une conformité au rôle projeté. 1.4.1. Une formation fortement contextualisante Jeunes enseignants et coordonnateurs se rejoignent quant à la nécessité de positionner la formation dans la pratique effective de l’enseignant. Cette contrainte semble constituer la condition de la réussite même de la formation : « le dispositif apporte une réponse originale chaque fois qu’il propose des actions de formation « extra IUFM », comme lors des

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regroupements avec le coordonnateur et du module M3, parce qu’il s’agit du terrain à proprement parler. Il y a plus de concret que lors des stages plus larges de formation continue » (coordonnateur F). Cette nécessité est confirmée par l’évaluation de la formation en direction des néo-titulaires et des entretiens réalisés. Cette exigence rejaillit d’ailleurs sur l’ensemble de la formation dans la mesure où les modules disciplinaires (dispositif M1) devront répondre à cette demande au risque d’être qualifiée de « formation IUFM » et engendrer un désengagement dès la séance suivante. Les formateurs disciplinaires regrettent pour ce qui les concerne cette demande, qu’ils traduisent comme relevant de « la boite à outil et des éventuelles recettes qu’elle devrait contenir » (formatrice D). Globalement, mais avec des variations d’un formateur à l’autre, la perception que ces derniers ont de cette exigence émanant des formés tend à les renvoyer à un applicationnisme particulièrement réducteur. En réalité, la formation en contexte de pratiques professionnelles ne peut pas ne pas subir une polarisation par le caractère opératoire des objets de formation proposés. Il semble décisif que les propositions de formation s’inscrivent dans la globalité d’une situation de classe plutôt qu’elles ne se trouvent segmentées. La formation est interpellée (Obin, 2002), en ce sens où elle se doit d’intégrer l’ensemble des facteurs susceptibles d’intervenir dans la mise en œuvre d’une séance, voire d’une séquence. La nature segmentée de la formation contribue à affaiblir, selon les formés21, son efficacité en raison notamment de la ligne de partage opérée entre dimensions disciplinaire et transversale. 2. Analyse de la démarche d’évaluation-conseil Lors de ces derniers mois, nous avons rencontré un grand nombre d’acteurs de la formation (formateurs, directeurs adjoints, néo-titulaires, personnels du rectorat). Par ailleurs, nous nous sommes engagés avec un certain nombre de groupes de formation dans un travail d’état des lieux de l’évaluation (évaluation des formés, évaluation de la formation) et de construction d’une approche susceptible d’induire une prise en compte, au regard notamment des contenus de formation. Cela nous a conduits à identifier un certain nombre de points focaux en matière d’évaluation de la formation. 2.1. Construire un plan médian L’articulation entre les facteurs externes à la formation (modifications sociétales, cadrage institutionnel, etc.) et les facteurs internes (les dispositifs de formation, les positionnements induits des acteurs, les cultures institutionnelles, etc.) constitue à la fois une réelle difficulté et un enjeu, particulièrement au regard de la prise en compte ou non des facteurs évolutifs dans la formation à partir notamment des travaux de la recherche. - L’articulation entre les données de l’évaluation et celles de leur prise en compte représente une réelle difficulté. L’évaluation-conseil, par son contrat éthique notamment, est effectivement susceptible de lever un certain nombre de présupposés de nature institutionnelle. - « L’effet de retour » ne s’opère pas à partir d’objets externes mais co-élaborés favorisant ainsi l’implication quant aux résultats. Le facteur effectivement implicatif se situerait de façon décisive dans la forme de l’intervention choisie et moins dans l’objet même de l’évaluation.

21 Neuf entretiens réalisés en 2006 auprès d’enseignants stagiaires du second degré.

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- Une réception « active » conditionne les possibles modifications et adaptations des acteurs, en un mot, l’efficacité de l’évaluation. Dans l’hypothèse d’une évaluation exclusivement externe, la réception des données de l’enquête risque fort d’être de peu d’incidence en raison de plusieurs facteurs. Les acteurs ont perçu des tentatives antérieures comme une technique de pilotage parmi d’autres. Ils adoptent dès lors une posture de fermeture et cela quelle que soit la validité informative des données. Ils en attribuent inéluctablement l’initiative à la direction de l’institution, l’hypothéquant d’intentions particulières. De ce dernier point de vue, une réelle culture de la résistance s’est développée en raison même de la verticalité des décisions en la matière. 2.2. Un inter-subjectivisme à déchiffrer À défaut de toute évaluation et de tentative d’objectiver la réalité se substitue invariablement une appréciation subjective de celle-ci à partir de modalités essentiellement implicites autorisant des stratégies pas toujours indemnes d’intentions spécieuses. Dans son ouvrage sur « L'évaluation en formation », J.-M. Barbier (1985) observe que dans les pratiques ordinaires des institutions interviennent trois formes d'évaluation : l'évaluation implicite, l'évaluation spontanée et l'évaluation instituée. Dans l’évaluation implicite, les effets sont d’une certaine manière « muets ». Tel enseignant stagiaire simule l’intérêt par sa seule présence. L’évaluation spontanée semble la moins étayée et la plus efficiente à la fois. Le jugement de valeur intervient à chaud. Les contenus sont moins décisifs que la relation entre le formateur et les formés. Les éléments de séduction participent d’une telle évaluation. Sur le plan institutionnel, elle conditionne un grand nombre de décisions en direction des formateurs. Dans l'évaluation instituée enfin, le jugement de valeur s’expliciterait à partir d’une formalisation de la démarche (bilan prévu, questionnaires, etc.). 2.3. Une culture de la résistance La plupart des formateurs craignent que l’évaluation de la formation ne glisse vers une évaluation des enseignements puis des enseignants. Une culture de l’évaluation toujours ancrée sur celle de l’enseignant (évaluation de l’élève et inspection de l’enseignant), et en quelque sorte alourdie par celle de la certification, rend problématique tout déplacement de ce point de vue. Le formateur, parce qu’il est un praticien de l’évaluation, n’en ignore aucun des travers dont celui d’une approximation dans laquelle la subjectivité a beaucoup à voir. L’évaluation porte en elle le dévoilement des pratiques sans que celui-ci fasse l’objet d’un cadre éthique reconnu. La perception des enjeux par la plupart des acteurs concernés demeure souvent incertaine tout autant que les effets produits, notamment dans le sens d’une amélioration de la formation. Un certain discours ingénieriste reposant sur des formalisations parfois excessives a contribué à un rejet de toute approche évaluative. L’ensemble des acteurs, cela quelle que soit leur place dans l’institution, développe de multiples stratégies de contrôle ou d’évitement au regard de l’approche évaluative. Nous avons identifié deux attitudes dominantes. La première intéresse plus particulièrement les acteurs de la hiérarchie institutionnelle. Elle tend à s’accorder avec le discours de l’évaluation des formations, mais vise à s’assurer d’une maîtrise indirecte de la démarche initialisée. Elle participe pour une grande part de « l’évaluation spontanée » (Barbier, 1985). Les formateurs quant à eux s’inscrivent dans une hésitation que l’évaluation-conseil a contribué à lever. 2.4. Evaluation et formateur réflexif

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Le formateur, en règle générale, et plus encore le formateur d'enseignant, sinon à reproduire une pratique qui a toute chance d'avoir été la sienne, se trouve placé devant la nécessité d'une maîtrise des perspectives. L'un des reproches adressé à leur formation avec le plus de récurrence, de la part des enseignants, consiste dans le regret exprimé d'une superposition de modules, d'intervenants, sans qu'il se dégage d'une telle multiplicité, une cohérence effectivement partagée par l'ensemble des acteurs. L'objectif annoncé « d'un enseignant acteur de sa formation », au moyen notamment d'une individualisation plus prononcée des parcours (choix entre plusieurs modules de formation), favoriserait une pratique de l'autonomie transitant par une reconnaissance du sujet. Le séminaire ou l'atelier de pratique réflexive lui assurerait une conscientisation des véritables enjeux. Néanmoins, l'institution dans son évolution historique a maintenu un système d'évaluation appliquée à l'ensemble de la fonction publique. Paradoxe des paradoxes, le dispositif de formation intègre des dimensions d'individualisation et d'autonomisation du parcours de formation, de retour sur action (réflexivité), alors même que sont maintenues inchangées les multiples étapes vers la titularisation. À ce jeu, l'institution ne peut manquer de subir de fortes turbulences à se maintenir dans une cristallisation de ses procédures et de ses « systèmes de contrôles allant du centre à la périphérie » (Schön, 1994 : 397). En effet, « une institution réflexive doit donner priorité aux procédures flexibles, aux réponses différenciées, à l'appréciation qualitative des processus complexes et à la responsabilité décentralisée en matière de jugement et d'action » (Ibid. : 397). 2.5. Une dialectique à construire 2.5.1. Culture de l’évaluation et acculturation Elle se décline de la culture de référence de l’enseignant (notations des élèves et inspection de l’enseignant) à laquelle se surajoute celle de la certification. Ces « cultures » hautement référentielles, en ce sens où elles font l’objet d’un processus d’intériorisation, constituent le substrat en matière de pratiques évaluatives. Dans les deux configurations, l’évaluation s’effectue extérieurement à l’évalué, le positionnant dans un rôle d’attente et de conformité. La dimension du conseil et du cadre dialogique instillé « travaille » indubitablement les positions respectives. L’efficacité relève dans ce cadre d’intervention d’une co-construction de l’objet et non d’une démarche d’évaluation externe à partir d’indicateurs externes. L’approche dialogique présuppose une implication partagée susceptible elle-même de favoriser la prise en compte des résultats. L’efficacité ne peut plus ainsi être pensée et évaluée de l’extérieur ce qui, de surcroît, conditionnera sa prise en compte (Demeuse, M. ; Matoul, A. ; Schilling, P. ; Denooz, R. : 2005). L’efficacité peut également être considérée au-delà des limites de la démarche évaluative en ce sens où les processus de transformation/adaptation attendus dépendent amplement du degré d’implication des acteurs à l’amont de l’approche. Le positionnement serait ainsi sollicité par le partenariat mis en œuvre. 2.5.2. Une démarche de coopération La nature du dispositif de formation faisant intervenir des acteurs se positionnant sur une démarche dialogique a favorisé le retour de l’évaluation vers les coordonnateurs et les formateurs. La nature des données de l’évaluation portant notamment sur les pratiques de

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formation et la pratique professionnelle ont contribué à désamorcer un certain nombre de résistances relatives à la démarche évaluative. La dimension conseil (Bedin & Jorro, 2007) opère un renversement en ce sens ou la co-construction des objets par les acteurs participe du processus évaluatif même. Nous avons par ailleurs observé les plus grandes difficultés de positionnement davantage chez les acteurs en charge de la responsabilité du dispositif de formation que chez l’ensemble des autres acteurs (formateurs et formés). Les postures institutionnelles subissent ainsi une mise en tension par la démarche du conseil. Les discours dominants sont également questionnés par le cadre dialogique mis en place. L’acteur se trouve ainsi impliqué dans des formes de l’intervention définies par un cadre référentiel constituant en lui-même une formalisation effective de l’agir (Joas, 1999). Les acteurs, d’une manière générale, sont susceptibles d’entrer en braconnage (Labov, 1978, De Certeau, 1990), de construire une distance en fonction du cadre d’intervention prescrit. Au regard des observations participantes pratiquées un certain nombre de « bougés » sont, de ce point de vue, intervenus : - Sortie d’une approche globale du dispositif et de ses effets. - Remise en cause du discours élaboré, au fur et à mesure des années d’existence du dispositif, sur plusieurs points : rapport à la formation des néo-titulaires, articulation des compétences disciplinaires et transversales, construction des compétences de l’enseignant faisant surgir des facteurs inattendus, etc. - Le statut des savoirs de l’évaluation du point de vue notamment de leur scientificité. - La vérification successive des étapes de la démarche au regard du contrat initialisé a constitué une constante tout autant que les conditions de l’implication des acteurs renvoyant aux enjeux autour de l’éthique de l’évaluation. Conclusion : construire une distance implicative La distance construite et nécessaire de l’observation de la formation a souvent pour effet de désimpliquer (Vial, 2000) les acteurs, en particulier au regard de l’adaptation attendue. Évaluation et décision sont souvent couplées, alors même que les processus susceptibles de conduire à cette dernière sont particulièrement complexes à déchiffrer (Bernoux,1995), plus encore lorsqu’il s’agit des effets produits ou attendus de la formation. Des délimitations demeurent incertaines entre, par exemple, l’évaluation des enseignements et celle des formations. - Des données aux « savoirs » de l’évaluation Les effets de la formation sont peu réductibles à des objets circonscrits, sinon à les trop simplifier. Cette dimension de la formalisation/simplification semble devoir être inhérente, sinon constitutive, de la démarche d’évaluation (indicateurs, standards, etc.). La préservation d’une certaine complexité des objets et des situations investiguées requerrait, outre le plan médian évoqué plus avant, l’élaboration de savoirs de l’évaluation définis non comme des données résultantes mais comme susceptibles de constituer une interface entre les formés et les formateurs, mais aussi les formateurs et le pilotage institutionnel de la formation. Élaborer ces savoirs participerait de la co-construction par laquelle les dimensions incarnées, les pratiques réelles et non uniquement parlées, les enjeux institutionnels et transformationnels, les savoirs de la formation, etc. feraient l’objet d’une prise en compte par

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un éventail d’acteurs allant du praticien au chercheur. Une complémentarité qui ne manque pas d’interroger les statuts et la position épistémologique adoptée. Par ailleurs, l’efficacité dans la démarche évaluative est considérée du côté des dispositifs de formation. L’approche dialogique ajoute alors un versant inattendu, celui de l’efficacité de l’évaluation elle-même. Les acteurs opèrent un renversement de l’efficacité conditionnant de cette manière leur propre implication. Ne serait-ce pas là l’une des conditions du passage de l’efficacité vers l’efficience ? Bibliographie Altet, M. (1996). Les compétences de l'enseignant-professionnel : entre savoirs, schèmes d'action et adaptation, le savoir-analyser. In Paquay, L., Altet, M., Charlier, E. & Perrenoud, Ph. (Eds), Former des enseignants professionnels. Quelles stratégies ? Quelles compétences ? Bruxelles : De Boeck, pp. 27-40. Barbier, J-M. (dir.) (1996). Savoirs théoriques et savoirs d'action. Paris : PUF. Bedin, V. & Jorro, A. (dir.) (2007a). L’évaluation-conseil en éducation et formation. Les Dossiers des Sciences de l’Education, 18, Toulouse : PUM. Blanchard-Laville, Cl. & Nadot, S. (2001). Malaise dans la formation des enseignants. Paris : L'Harmattan. Bernoux, Ph. (1995). Sociologie des organisations. Paris : Seuil. Clerc, F. (1998). Débuter dans l'enseignement. Paris : Hachette. Clot, Y. & Faîta, D. (2000). Genres et styles en analyse du travail. Concepts et méthodes. Travailler, n°4. Cornu, B. (2000). Le nouveau métier d'enseignant. Paris : Documentation française. Felouzis, G. (Dir.), Demeuse, M., Matoul, A., Schilling, P. & Denooz, R. (2005). De quelle efficacité parle-t-on ? In Demeuse, M., Baye, A., Straeten, M.-H., Nicaise, J. & Matoul, A. (Eds), Vers une école juste et efficace. 26 contributions sur les systèmes d’enseignement et de formation. Economie, Société, Région. Bruxelles : De Boeck, pp. 15-27. Joas, H. (1999). La créativité de l'agir. Paris : Éditions du Cerf. Leclerc, C. (2005). Le séminaire d’analyse des pratiques en formation initiale des enseignants du second degré : entre moyen et fin. In Millet D. & Seguier B. (Eds), De l’analyse des pratiques professionnelles en formation. Éducation - Santé - Travail social. Paris : Éditions Seli Arslan. Leclerc, C., Gélin, D., Rayou, P., Ria, L., Lecomte, C. & Giton, P. (2006). Dispositif de formation et entrée dans le métier. In actes du colloque Formation d’enseignants : quels scénarios ? quelles évaluations ? Versailles : IUFM de Versailles.

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Leclerc, C. (2006). Evaluation des formations : géographie conceptuelle. In actes du colloque international de l'ADMEE-Europe septembre 2006 : L’évaluation au 21e siècle Vers de nouvelles formes, modélisations et pratiques de l’évaluation ? Université du Luxembourg. Leclerc, C. (2007). L’entrée dans le métier : une formation universitaire en contexte de pratiques professionnelles ? In actes du 6éme colloque des IUFM : Qu’est-ce qu’une formation professionnelle universitaire des enseignants ? Enjeux et pratiques, mai 2007, Arras. Leclerc, C. (2007). Politique de la ville et éducation prioritaire : une configuration partenariale en devenir ? Congrès AREF Août 2007, Strasbourg. Lylle, G. de. (2001). Les nouveaux profs...sur la brèche : entre un passé qui meurt et un avenir encore indéterminé. Paris : Harmattan. Rayou, P. & Van Zanten, A. (2004). Enquête sur les nouveaux enseignants, changeront-ils l’école ? Paris : Bayard.