LEDUC Cinthia Rapport Stage 2010
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LEDUC Cinthia
Année 2009-2010
Rapport de stage Master EA
Spécialité GESMARE – 1ère
année
Inventaire préliminaire des zones humides de l’île de Tahiti
(Polynésie française) : localisation, classification et caractérisation
réalisé du 19 avril au 4 juin
à la Délégation à la Recherche de Polynésie française
sous la direction de :
Dr. Jean -Yves Meyer, chargé de recherche et tuteur de stage
et de :
Pr. Alain Izart, Université Paul Verlaine de Metz
Structure d’accueil :
Délégation à la Recherche de Polynésie française
Avenue Pouvanaa a Oopa, Bâtiment du gouvernement
BP 20981, 98713 Papeete, Tahiti
Tél. : (689) 47 25 60 Fax : (689) 43 34 00
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REMERCIEMENTS
J’exprime toute ma gratitude au Dr. Jean-Yves Meyer, chargé de recherche à la
Délégation à la Recherche, pour avoir accepté d’être mon maître de stage et pour avoir bien
voulu partager ses connaissances en matière de phyto-écologie et de botanique.
Je tiens à remercier Dr Priscille Frogier, déléguée à la recherche, pour m’avoir permis de faire
mon stage au sein de la Délégation à la recherche de la Polynésie française.
Je remercie aussi Mr. Didier Lequeux du Service de l’Urbanisme et toute son équipe de la
section topographique, pour la fourniture de nombreuses cartes de l’île de Tahiti et des
anciens clichés aériens sur les zones humides.
Je n’oublie pas de remercier mes professeurs de l’Université Paul Verlaine de Metz et plus
particulièrement Mr. Alain Izart, mon tuteur pédagogique, pour être présent malgré la distance
qui nous séparait.
J’associe aussi à mes remerciements Kevin Heimanu, du Corps des Volontaires au
Développement à la Délégation à la Recherche, Tiffany Laitame, étudiante en stage de Master
1 à Bordeaux, pour leur aide et leur soutien, et Ruth Leng Tang, secrétaire administrative à la
Délégation à la Recherche, pour sa bonne humeur et sa sympathie quotidienne.
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SOMMAIRE
Introduction _____________________________________________________________________ 5
•••• Présentation générale du site de l’étude ________________________________________ 5
•••• Présentation générale de la Délégation à la Recherche ____________________________ 6
1 Les zones humides __________________________________________________________ 7
1.1 Définitions _____________________________________________________________ 7
1.2 Zonation à Tahiti ________________________________________________________ 8
1.3 Fonctions écologique et importance ________________________________________ 10
1.3.1 Fonctions majeures _________________________________________________ 10
1.3.2 Importance des zones humides en Polynésie française ______________________ 11
1.3.2.1 Habitat pour de nombreuses espèces __________________________________ 11
1.3.2.2 Zone de reproduction et de développement pour certains poissons. __________ 12
1.3.2.3 Zone de reproduction de certaines espèces d’oiseaux. ____________________ 12
1.3.2.4 Autres rôles _____________________________________________________ 13
2 Protocole_________________________________________________________________ 13
2.1 Contexte naturel________________________________________________________ 14
2.1.1 Critère de délimitation_______________________________________________ 14
2.1.1.1 Altitude et relief__________________________________________________ 14
2.1.1.2 Type de végétation________________________________________________ 14
2.1.2 Critères hydrologiques_______________________________________________ 15
2.1.2.1 Permanence de l’eau ______________________________________________ 15
2.1.2.2 Milieu lotique et milieu lentique _____________________________________ 15
2.1.2.3 Salinité_________________________________________________________ 16
2.2 Contexte non naturel ____________________________________________________ 16
3 Résultats _________________________________________________________________ 16
3.1 Flore (Annexe C)_______________________________________________________ 17
3.2 Faune ________________________________________________________________ 17
4 Discussion sur l’état des zones humides________________________________________ 18
4.1 Flore_________________________________________________________________ 18
4.2 Faune ________________________________________________________________ 18
4.3 Constat des menaces causées par l’homme ___________________________________ 18
4.3.1 Espèces introduites _________________________________________________ 18
4.3.2 Enrochement des berges _____________________________________________ 19
4.3.3 Aménagements hydroélectriques et captages _____________________________ 20
4.3.4 Remblais des marécages _____________________________________________ 21
Conclusion ____________________________________________________________________ 22
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ANNEXES
Annexe A : Carte de pluviométrie sur l’île de Tahiti
Annexe B : Bassins-versant de Papenoo et de Papehue
Annexe C : Inventaire de la végétation en fonction des divers sites
FIGURES
Figure 1 : Dispersion géographique de la Polynésie française comparée à l’Europe
Figure 2 : Organigramme de la Délégation à la Recherche
Figure 3 : Diagramme de la végétation de Tahiti du nord-ouest au sud-est de Tahiti
Figure 4 : Zonation altitudinale des milieux humides de Tahiti
Figure 5 : « purau » dans la vallée de Papehue (à gauche) et ripisylve au Vaima (au centre) et
dans la vallée de Papenoo (à gauche)
Figure 6 : Zonation transversale de la végétation en fonction de la profondeur et de la vitesse
du courant
Figure 7 : Classification des zones humides et exemples de sites étudiés à Tahiti
Figure 8 : Localisation de quelques zones humides caractéristiques de Tahiti
Figure 9 : Différents types de zones humides rencontrées dans la vallée de Papenoo
Figure 10 : Exemple d’aménagement dans la vallée de Papehue à Paea
PHOTOGRAPHIES
Photo 1 : Le marais de Paea
Photo 2 : Berge enrochée du jardin botanique de Papearii
Photo 3 : Bassin de Papehue
Photo 4 A : Ancienne photo aérienne du marécage de Faratea (1967)
Photo 4 B : Image satellite récente de la zone marécageuse de Faratea
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Introduction
• Présentation générale du site de l’étude
Située au cœur du Pacifique Sud, la Polynésie française couvre une surface aussi grande
que l’Europe (Figure 1). Ses 120 îles se répartissent du Nord au Sud entre l’archipel des
Marquises par 7°50’ de latitude Sud et l’archipel des Australes par 27°36’ de latitude Sud, et
d’Ouest en Est sur 2400 km entre l’archipel de la Société par 134°28’ de longitude Ouest et
l’archipel des Gambier par 154°40’ de longitude Ouest.
Figure 1 – Dispersion géographique de la Polynésie française comparée à l’Europe (www.senat.fr).
Tahiti est la plus grande île de Polynésie française, faisant partie de l’archipel de la
Société. Elle se compose de deux anciens volcans dont le plus grand est presque circulaire
(Tahiti Nui ou Tahiti la Grande) et l’autre, plus petit de forme elliptique, constitue la
presqu’île de Taiarapu (Tahiti Iti ou Tahiti la Petite). Ces deux édifices sont reliés par l’isthme
de Taravao.
Les îles de la Polynésie française appartiennent au domaine des climats tropicaux océaniques
chauds et humides. A Tahiti, on y distingue deux saisons : une saison chaude généralement
pluvieuse allant de novembre à avril (été austral) et une saison fraîche bien souvent sèche qui
s’étend de mai à octobre (hiver austral). Les températures annuelles sont très peu variables et
sont comprises entre 20 et 32°C. Les sommets les plus hauts de Polynésie sont situés à
TAHITI
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Tahiti Nui avec le Mont Orohena, qui culmine à 2241 mètres d’altitude, puis le Mont Aorai
(2066 m), le Mont Marau (1493 m) et le Diadème (1321 m). Le plus haut sommet de Tahiti Iti
est le Mont Roonui, qui atteint 1332 m.
La population comprend 259 596 habitants (recensement 2007, Institut de la Statistique de
Polynésie française). Un rapport datant de 2003 (Baldassarie et Danloue, 2003) indiquait que
la consommation moyenne en eau sur l’île de Tahiti en 2002 était estimée à 1500 litres par
habitant et par jour, soit 547,5 m³/hab/an et estimait que 20% de la ressource en eau est
actuellement consommée par la population. Compte tenu de l’accroissement annuel de celle-
ci, les auteurs de ce rapport indiquaient que les ressources en eau douce seraient surexploitées
dans 100 ans. Toutefois, cette estimation n’intègre pas l’effet potentiel des changements
climatiques sur la pluviométrie. On peut ainsi se rendre compte que bien que la ressource en
eau semble abondante et pratiquement illimitée, il faut réfléchir dès aujourd’hui à une gestion
rigoureuse de cette ressource.
L’objectif de ce stage est de contribuer à une première classification et caractérisation des
zones humides de Tahiti, en fonction notamment du type de végétation, et à la localisation des
principaux écosystèmes aquatiques de basse et moyenne altitude. Il n’existe à ce jour aucune
classification publiée sur le sujet en Polynésie française. Notre étude effectuée se limitera aux
écosystèmes aquatiques intérieurs de surface, c'est-à-dire les milieux d’eau douce ou
saumâtres, et ne concernera pas les lagons.
• Présentation générale de la Délégation à la Recherche
Créée en 1989, la Délégation à la Recherche de la Polynésie française dépend depuis le 28
novembre 2009 du Ministère de l’éducation, de l’enseignement supérieur et de la recherche
du gouvernement de la Polynésie française. La Polynésie française est en effet une collectivité
française d’Outre Mer (ancien TOM) doté d’un statut d’autonomie depuis 1984. Le domaine
de la recherche est sous la compétence partagée de l’Etat, représenté par le Haut-
commissariat, et du Pays, représenté par le Ministère de la recherche de la Polynésie
française. Ce service est actuellement composée de 4 personnes, une déléguée à la recherche,
un chargé de recherche, une secrétaire comptable et d’un contractuel CVD (Corps des
Volontaires au Développement) (Figure 2).
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Figure 2 - Organigramme de la Délégation à la Recherche
La mission principale de la Délégation à la Recherche est de préparer, coordonner, animer et
suivre la mise en œuvre de la politique de la recherche scientifique en Polynésie française.
(Délibération n° 89-5 AT du 09/02/89). Les actions qu’elle entreprend sont les suivantes :
� La collecte d’éléments de données nécessaires à l’élaboration de la politique de la
recherche et à la programmation des actions qui en découlent ;
� L’instruction des demandes de crédits de recherche scientifique et technologique
soumises au haut comité de la recherche et le suivi de leur utilisation ;
� L’étude des structures et du potentiel de la recherche, de l’emploi scientifique, des
statuts des personnels ;
� La préparation et la coordination des conventions de coopération scientifique et
technologique ;
� L’organisation des études de prospectives et d’évaluation des activités de recherche et
de développement ;
1 Les zones humides
1.1 Définitions
Il existe plusieurs définitions des zones humides. Pour cette étude, nous avons retenus les
suivantes :
� Les zones humides sont des zones de transition entre le milieu terrestre et le milieu
aquatique, caractérisées par la présence d’eau, en surface ou dans le sol. Ces zones
sont en générales difficiles à délimiter du fait de leur diversité écologique et spatiale
(www.ifen.fr).
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� Elles désignent tous les biotopes aquatiques aux eaux stagnantes (lentiques) peu
profonds : marées, marais, marécages ou encore lagunes continentales ou littorales
auxquels il faut adjoindre la zone riparienne (écosystème limnique occupé par une
végétation hydrophytique) des cours d’eau (milieu lotique), en particulier les
ripisylves. Les zones humides constituent donc souvent des mosaïques d’écosystèmes
complexes présentant de multiples connexions au niveau desquelles existent de
nombreux types d’écotones (Ramade, 2002). La ripisylve, composé de deux termes,
ripa signifiant rive et sylva signifiant la forêt, est une formation végétale naturelle et
riveraine d’un milieu aquatique. Sa composition floristique et sa morphologie sont
liées aux inondations plus ou moins fréquentes et/ou à la présence d’une nappe peu
profonde (Fernandez, comm. pers., 2010).
� La convention internationale relative aux zones humides d’importance de
Ramsar à été signé en France métropolitaine depuis près de 40 ans, afin de préserver
les zones humides présente sur son territoire. Elle a adoptée une optique plus large
pour déterminer quelles zones humides peuvent être placées sous son égide et définit
les zones humides comme « des étendues de marais, de tourbières ou d’eaux naturelles
ou artificielles, permanentes ou temporaires, où l’eau stagnante ou courante, douce,
saumâtre ou salée, y compris des étendues d’eau marine dont la profondeur à marée
basse n’excède pas six mètres ». Un label de reconnaissance de l’importance
internationale est donné à chaque zone humide concernée (www.ramsar.org ; Leglise,
2010).
1.2 Zonation à Tahiti
L’île de Tahiti est caractérisée par deux zones remarquables : un côté exposé au vent, qui est
la partie de l’île qui présente de fortes précipitations, et la côte sous le vent, qui est donc par
opposition plus sèche. Cet écart de précipitation s’explique par un effet orographique
important dans la côte exposé au vent. S’instaure alors un microclimat, conséquence de la
création d’un « abri » créé par le relief imposant des sommets de l’île, et cela se traduit par un
étagement de la végétation qui a été établi par R. H. Papy (Figure 3).
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Légende :
Figure 3 - Diagramme de la végétation de Tahiti du nord ouest au sud est de Tahiti (adapté
d’après R.H. Papy, 1951-1954).
Pour Keith et al. (2002) les cours d’eau peuvent être divisés en quatre zones mais ils
proposent pour des raisons fonctionnelles de les regrouper en trois zones plus grandes,
définies en fonction de la pente, de la vitesse moyenne du courant et de la granulométrie du
substrat : le cours supérieur (> 800 m d’altitude), le cours moyen (entre 400 m et 800 m) et le
cours inférieur (< 400 m). Ces auteurs distinguent dans la zone inférieure deux zones bien
distinctes : l’estuaire et la partie amont où les eaux sont faiblement conductrices. Nous avons
préféré placer l’estuaire et la zone de source en zone distincte (Couteyen, 2003). Ainsi, pour
ce qui concerne notre étude sur les milieux humides, nous tiendrons compte de ces trois
grandes divisions et des deux autres zones indiquées ci-dessus (Figure 4) :
� 1 : La zone des sources qui correspond à une zone supérieure à 800 m d’altitude ;
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� 2 : Le cours supérieur (300 à 800 m d’altitude) qui est une zone d’érosion. Il est
caractérisé par une pente forte et a donc une vitesse du courant qui est très élevée. On
retrouve à la même latitude les ruisseaux, les cascades et les lacs ;
� 3 : Le cours moyen (50 à 300 m d’altitude), est caractérisé par une pente moins
importante que le cours supérieur et d’une granulométrie élevée, on retrouve dans
cette zone des gros rochers et des blocs ;
� 4 : Le cours inférieur (<50 m d’altitude), correspond aux plaines. C’est une zone de
sédimentation où l’on retrouvera des sables, des graviers, des petits cailloux
(matériaux de faible granulométrie) et où la vitesse du courant est faible. A cette
même altitude, on retrouve les grottes, les marécages ;
� 5 : L’embouchure, où l’estuaire est soumis aux influences marines, et est caractérisé
par une pente et une vitesse de courant qui sont nulles ou très faibles ;
Figure 4 - Zonation altitudinale des milieux humides de Tahiti (adapté selon le site
www.clg-dolto.ac-aix-marseille.fr)
1.3 Fonctions écologique et importance
1.3.1 Fonctions majeures
Les zones humides remplissent 3 fonctions majeures : hydrologiques, biologiques et
climatiques (Barnaud et al., 2007 ; www.developpement-durable.gouv.fr,)
� Fonction hydrologique :
Elles contribuent au maintien et à l’amélioration de la qualité de l’eau. Elles permettent donc
l’épuration des eaux, puisqu’elles jouent à la fois un rôle de filtre physique et de filtre
biologique. Elles régulent les régimes hydrologiques, fonctionnent comme des éponges qui
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absorbent l’excédent d’eau de pluie pour le restituer lors des périodes de sécheresse. Elles
diminuent l’intensité des crues et soutiennent les débits des cours d’eau en étiage.
� Fonction biologique :
Les zones humides constituent un fabuleux réservoir de biodiversité, offrant aux espèces
animales et végétales l’alimentation (concentration d’éléments nutritifs), la reproduction, la
fonction d’abri, de refuge, de repos notamment pour les poissons et les oiseaux.
� Fonction climatique :
Les zones humides participent à la régulation des microclimats. Les précipitations et la
température atmosphérique peuvent être influencées par l’évaporation intense d’eau au travers
des terrains et de la végétation (évapotranspiration) qui caractérisent les zones humides.
1.3.2 Importance des zones humides en Polynésie française
1.3.2.1 Habitat pour de nombreuses espèces
De nombreuses espèces végétales et animales sont inféodées à la présence des zones humides
pour tout ou partie de leur cycle biologique. L’île de Tahiti a une faune pauvre en espèces en
raison de l’éloignement insulaire (plus de 5000 km des continents pour les plus proches), de la
jeunesse géologique des îles (entre 1 et 30 millions d’années) et de la faible superficie des îles
(Tahiti, la plus grande, a une surface de 1050 km²). Néanmoins, ces espèces ne manquent pas
d’intérêt puisqu’elles présentent un fort taux d’endémisme. En effet, on compte 20%
d’endémisme chez le groupe des gastéropodes (Fossati et Marquet, 1998), 11% chez les
crustacés, et 40,5% chez les poissons (Keith, Vigneux et Marquet, 2002).
On citera l’exemple « du plateau marécageux de Anaori’i, qui de par sa composition
floristique et sa physionomie particulière, représente un habitat unique en Polynésie française,
trouvé uniquement à Tahiti sur les plateaux de moyenne altitude. Ce plateau héberge une
faune aquatique originale, avec notamment la présence d’Odonates dont une espèce
d’Ischnura (Coenagrionidae) endémique de Tahiti, vraisemblablement nouvelle pour la
science » (Meyer, 2009).
La faune aquatique est donc représentée par des mollusques gastéropodes, des annélides
(oligochètes avec les sangsues et les polychètes), des crustacés décapodes (crabes, chevrettes
Macrobrachium spp., et des insectes aquatiques (diptères, hétéroptères et odonates). Les
anguilles sont également représentées, ainsi que les petits gobies et les poissons apparentés
(Gleizal, 1990).
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1.3.2.2 Zone de reproduction et de développement pour certains poissons.
Les zones humides sont des nurseries pour de nombreuses espèces, notamment les « aina’a »
alevins de gobiidés (espèces amphidromes), mais aussi les anguilles, avec Anguilla mamorata
et A. obscura qui sont caractéristiques des eaux stagnantes et A. megastoma qui se retrouve
que dans les parties basses des eaux courantes (Keith et al., 2002). Ce sont des espèces
catadromes, c’est à dire qu’ils effectuent leur reproduction en milieu marin et se développent
en rivière (Ramade, 2002). D’autres poissons comme les « nato » et les gobbidés « ‘o’opu »
sont des espèces anadromes, c’est-à-dire qu’ils se reproduisent en eaux douce et se
développent en mer.
1.3.2.3 Zone de reproduction de certaines espèces d’oiseaux.
Une étude de la société Polynésienne de l’eau, de l’électricité et des déchets (S.P.E.E.D,
2001) intitulée « Etude préalable à la réhabilitation de 4 rivières de l’île de Tahiti : Tipaerui,
la Nahoata, la Hamuta et la Tuauru », indique au chapitre 2 « Fonction et usage des cours
d’eau », paragraphe « La faune des rivières » (page 9) : « La présence d’eau et d’une
végétation de berge attire de nombreux animaux et notamment les oiseaux, tant pour des
habitats temporaires que pour des habitats permanents. Dans les milieux annexes des cours
d’eau (zones humides, marais), on trouve de nombreuses espèces, citons par exemple:
� les Marouettes fulgineuse (Porzana tabuensis ou « meho »)
� le Canard à sourcils (Anas superciliosa ou « mo’ora »)
� l’Aigrette des récifs (Egretta sacra)
� le Héron vert (Butorides striatus) ».
Notons que le héron vert est endémique à Tahiti. Il est inféodé à la végétation du littoral et des
bords de rivières. Malheureusement, il est devenu très rare suite à la destruction de ses
habitats (aménagements, exploitation des sables et galets de rivières, etc.) entrainant la
disparition des ripisylves (forêt de « purau », Figure 5).
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Figure 5 – Hibiscus tiliaceus dans la vallée de Papehue (à gauche) en ripisylve de la rivière
Vaima (au centre) et dans la vallée de Papenoo (à droite).
� la Rousserolle au long bec (« otatare »), ou encore appelée fauvette au long bec, est
quand à elle inféodée aux bois de bambous qui poussent au bord des rivières ou sur les
pentes jusqu’à 500 mètres d’altitude au niveau des moyennes vallées. Son chant a pu
être entendu au niveau de la moyenne vallée de la Papenoo lors de notre sortie sur le
terrain.
� Le Monarque de Tahiti (Pomarea nigra ou « omama’o ») est une espèce endémique de
l’île. Il est inféodé au « mara » (Neonauclea forsteri, Rubiacées) mais s’est adapté à
l’invasion du tulipier du Gabon (Spathodea campanulata, Bignoniacées) et n’est
actuellement présent que dans quelques vallées du sud-ouest de Tahiti.
1.3.2.4 Autres rôles
Les zones humides présentent une forte productivité biologique qui est à l’origine d’une
importante production agricole (pâturage, plantation de taro) et piscicole (aquaculture,
pisciculture). Elles sont aussi le support d’activités touristiques ou récréatives (randonnée
dans la nature, visite des cascades, baignade, jardins botaniques, grottes).
2 Protocole
Cette étude s’est déroulée sur une période relativement courte entre le 19 avril et le 4 juin
2010 soit moins de deux mois. Cette contrainte de temps ne nous a pas permis d’effectuer un
inventaire complet des zones humides de l’île de Tahiti.
La première phase a consisté à effectuer des sorties sur le terrain afin de localiser les zones
humides littorales les plus remarquables : nous avons fait un tour de l’île en voiture 4X4 et
parcouru à pied certaines vallées telles que la vallée de Papenoo qui est la plus grande de
Tahiti et de la Polynésie française, et la vallée étroite de Papehue afin de voir un exemple
caractéristique des modifications entreprises pour l’aménagement d’un captage d’eau
(Annexe B).
Afin de classifier et de caractériser les zones humides, nous avons utilisé deux critères
indicateurs, à savoir le critère « eau » et le critère « végétation ». Il va de soi que le critère
« eau » est le plus évocateur de la présence d’une zone humide. Néanmoins, ces zones
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(qu’elles soient d’eau douce ou d’eau saumâtre) peuvent passer inaperçues en période de
sècheresse prononcée, mais aussi, dans les cas plus fréquemment rencontrés, en raison des
remblais et des aménagements récents réalisés par l’homme. Pour ces espaces où l’eau est
présente de manière saisonnière, il est nécessaire de s’appuyer sur d’autres signes indicateurs,
telles que des traces de terre humide ou la présence de végétaux spécifiques ou indicateurs des
zones humides.
Pour localiser les sites, nous avons utilisé un GPS, car certains n’ont pas d’indications
précises de localité. Nous nous sommes appuyés sur deux supports : une fiche terrain
d’observation personnelles et sur la classification de Samuel Couteyen (2003) pour l’île de la
Réunion.
Afin de réaliser la liste d’espèces vivantes dans les zones humides de l’île de Tahiti, nous
avons pu nous aider de plusieurs publications et de sites internet notamment « l’Herbier de la
Polynésie française » rajouté à nos propres observations sur le terrain grâce à l’aide précieuse
du tuteur de stage (Annexe C).
2.1 Contexte naturel
2.1.1 Critère de délimitation
2.1.1.1 Altitude et relief
Les espèces se répartissent géographiquement en fonction de leurs capacités d’adaptation
L’augmentation de l’altitude s’accompagne d’une diminution des températures de 0.6°C pour
100 m (ORSTOM, 1993). Les espèces d’altitudes sont généralement des espèces endémiques
de l’île et donc les plus fragiles. Les espèces situées sur le littoral sont influencées par la mer,
c’est à dire par la salinité.
Tahiti possède un relief très découpé en raison de l’érosion forte liée au climat tropical,
marqué par de fortes discontinuités qui peuvent parfois constituer des barrières pour certaines
espèces malgré la présence permanente de l’eau des estuaires jusqu’aux sources. On a moins
d’espèces aquatiques en altitude. Ajoutons que les extractions des rochers et galets dans le
fond des rivières pour la construction des routes, font que certains milieux sont ensuite
totalement asséchés du fait du creusement du lit de ces rivières.
2.1.1.2 Type de végétation
La végétation peut être un bon indicateur de détermination des zones humides. Cette
végétation spécifique permet également la détection de la présence passée de ces zones
humides. Trois formes biologiques de végétation peuvent être distinguées : les herbacés, les
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arbustes et les arbres. Les types de végétation et les espèces associées varient en fonction de la
profondeur et de la vitesse du courant (Figure 5 ).
Figure 5 : Zonation transversale de la végétation en fonction de la profondeur et de la vitesse
du courant (Couteyen).
1 : Domaine lentique ; 2 : Domaine lotique ; a et b : Végétation flottante ; c et d : Grands végétaux
enracinés ; e : Végétation submergée enracinée ; f : Algues plaquées aux galets.
2.1.2 Critères hydrologiques
2.1.2.1 Permanence de l’eau
Les espèces animales varient en fonction de la permanence de l’eau. En effet certaines
espèces ne peuvent pas se développer sans eau, et même si la période de sècheresse est très
courte, la disparition de l’eau entraine bien souvent leur mortalité. Pour les espèces tolérantes
à un milieu aquatique temporaire, celles-ci sont en général constituées d’invertébrés, de
diptères capable de voler et n’ayant besoin de l’eau que pour leurs stades larvaires
(moustiques et libellules).
2.1.2.2 Milieu lotique et milieu lentique
On peut classer les zones humides en 2 grandes catégories : les zones humides lotiques (l’eau
est courante) et les zones humides lentiques (où l’eau y est stagnante).
Un écosystème lotique (Ramade, 2002) désigne l’écosystème que constitue un cours d’eau
pris dans son ensemble depuis les sources jusqu’à son embouchure
On peut distinguer quatre zones successives dans un écosystème lotique ; la partie située en
amont correspond à la zone de sources et des torrents. La partie intermédiaire, celle des
rivières, est de pente faible. La partie située en aval correspond au fleuve au sens strict, de
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pentes faible, où se forment de nombreux méandres par suite de la lenteur du cours ; et enfin,
l’estuaire constitue la zone d’écotone faisant la transition entre les écosystèmes lotiques et
océaniques.
Un écosystème lentique (Ramade, 2002) désigne les biotopes et les être vivants propres aux
écosystèmes d’eaux calmes à renouvellement lent (lacs, marécages, étangs, etc.) par
opposition aux milieux d’eaux courantes correspondant aux écosystèmes lotiques.
Dans ces deux milieux, nous ne retrouverons pas les mêmes espèces en raison de leurs
adaptations propres au milieu environnant.
2.1.2.3 Salinité
Par manque de moyens matériels nous n’avons pas pu mesurer le teneur exact en sel dissous
dans les sites étudiés. Toutefois, nous avons pu déduire, grâce, à nos propres observations,
d’une part, et à la présence d’espèces animales et végétales que nous observés d’autre part,
s’il s’agissait d’eau douce, d’eau saumâtre ou d’eau salée.
2.2 Contexte non naturel
Nous avons observé de nombreuses activités dans la zone humide ou en périphérie tels que de
nombreux pâturages (élevage de bovins sur le plateau de Taravao, à Hitia’a et à Papara),
différents type de culture (maraichère, tarodières, plantations d’arbres fruitiers et bananiers
notamment), des barrages hydroélectriques (Papenoo) et des zones de captage (Papehue).
3 Résultats
Nous avons dénombrés environ 90 cours d’eau et 2 lacs (lac Vaihiria et le lac Vaiufaufa) sur
l’île de Tahiti d’après la carte de l’Atlas de Polynésie (ORSTOM, 1993). Malheureusement,
en raison de la courte durée du stage, seuls 18 sites dont les deux lacs ont été observés et
classifiés (Figure 7).
La majorité des cours d’eaux temporaires sont situés sur les versants de Tahiti orientées vers
l’ouest. Ces étiages commencent en général en avril et se poursuivent jusqu’en novembre
(Lafforgue, 1993), c’est pour cela que les zones humides observées étaient de faibles
profondeurs. Ensuite on peut rajouter que l’eau était claire pour toutes les zones humides
exceptées pour les estuaires (en raison des travaux d’aménagement, et des fortes pluies).
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La figure 8, nous indique la localisation de quelques zones humides caractéristiques de l’île de
Tahiti. Cette liste est non exhaustive et pourra être complétée. La figure 9 correspond à
différents types de zones humides rencontrées dans la vallée de la Papenoo. On a répertorié
cinq sites principaux : les marais asséchés à Pandanus- Cyclosorus et à Eriantus-Cyclosorus
ont été repéré grâce aux indications de Florence (1993), les trois autres sites ont été repérés
par la présence d’eau. Enfin, la figure 10, nous montre un exemple de captage dans la vallée
de Papehue, repéré le 4 mai 2010.
3.1 Flore (Annexe C)
Plusieurs espèces végétales ont été recensées au niveau des zones humides étudiées. La
répartition de ces espèces est variable ; elles peuvent être sur les berges, sur les talus, en
surface, en bord de mer, ou elles peuvent être très éloignées des zones humides. Ces espèces
peuvent être endémiques, indigènes, introduite par les Polynésiens (« période polynésienne »
depuis plus de 1000 ans) ou les Européens (« période européenne » depuis le 18ème
siècle) et
constituer des espèces naturalisées . Certaines de ces espèces peuvent, du fait de leur
développement et de leur propagation, engendrer une menace pour la biodiversité.
La végétation des zones humides est relativement homogène à Tahiti. Au niveau des berges
des rivières des cours inférieurs et des cours moyens se trouve principalement un groupement
herbacé à Commelina diffusa (Commelinaceae), appelé localement « maa pape », et de
Ludwigia octovalvis (Onagraceae). Lorsque l’eau est saumâtre comme dans les estuaires et
dans les marais littoraux, les herbacées Paspalum vaginatum (Poaceae), Kyllinga nemoralis et
Fimbristylis dichotoma sont dominantes.
Ces formations pourraient servir d’abri face aux prédateurs et de « nurseries » à la majorité de
la faune aquatique (SPEED, 2001).
On remarque que l’accès à travers les ripisylves de Purau (Hibiscus tiliaceus) est très difficile,
car ces arbres possèdent des branches poussant dans tous les sens, et ne permettant pas une
progression aisée. Les branches s’incurvent jusqu’à toucher le sol et l’eau, elles s’entremêlent
étroitement et constitue une zone d’abris pour certaines espèces aquatiques (Figure 5)
3.2 Faune
Lors de nos sorties sur le terrain, nous avons observé très peu de faune aquatique.
Nous avons surtout observé des oiseaux : les aigrettes des récifs au bord de la mer à Paea,
l’hirondelle de Tahiti et la sterne blanche près des falaises humides des grottes de Mara’a, le
canard à sourcils sur le site de Mitirapa, des « vini » (Estrilda astrild) sur le plateau de
- 18 -
Taravao et près du lac Vaiufaufa. Ensuite on a observé aussi des odonates (libellules et
demoiselles), et des poissons (Anguilla megastoma et des Sicyopterus lagocephalus et Kuhlia
marginata) dans les zones humides.
- 14 -
Figure 7 - Classification des zones humides et exemples de sites étudiés à Tahiti
Grottes de
Mara’a
Cours d’eau permanent
Cours d’eau temporaires
Estuaires
Culture de taro
Ruisseau forestiers
Rivière
Résurgence
Résurgence sur falaise humide
Résurgence sur plaine littorale
Cours supérieur (<800m)
Cours moyens (entre 400 et 800m)
Cours inférieur (<400m)
Cascades
Cours supérieur
Cours moyen
Cours inférieur
Canaux artificiels
Les 3 cascades
Vaima
Baie Phaeton
Près du bassin Vaima
Ecosystème lotique
Vallée de
Papehue
Vallée de
Papenoo
Exemples (sites) :
Lac Vaihiria
Lacustres Réservoirs et
autres bassins
Pâturage
Réservoir de distribution
Réservoirs d’effluents
Réservoir de stockage
Bassins de pisciculture
Bassins d’ornements
Hitia’a
Bassin de Mara’a
STEP Punaauia
Vairei isthme, ancien
service de la pêche
Barrage Papenoo
Ecosystème lentique
Paea PK 20
Papenoo marais à
Erianthus -
Cyclosorus
Naturel eau douce
Palustres
Marais d’altitude
(>100m)
Marais de basse altitude
(<100m)
Marécage Faratea
Exemples (sites) :
- 15 -
Paea PK 20 : Marais littoral
envahie par la jacinthe d’eau.
Grottes Mara’a : Résurgence sur
falaise humide (eau douce).
Vaima : cour d’eau permanent résurgence
sur plaine littorale (eau douce).
Vaima : Tarodière Culture « de songe ». Plateau de Taravao : Bassins artificiels d’eau douce.
Faratea : Ancien marais saisonnier
de basse altitude remblayée pour la
construction du nouveau port.
Hitia’a : Marais d’eau saumâtre
transformée en zone de paturâge.
Les « 3 cascades » : Grandes
cascades.
Figure 8 - Localisation de quelques zones humides caractéristique à Tahiti
- 16 -
Figure 9 - Différents types de zones humides rencontrées dans la vallée de Papenoo (Google map)
Rivière ouverte de basse altitude (60 m)
Assèchement du cours principal du
aux barrages hydroélectriques
Retenue artificielle (190 m)
Plateau de Anaorii : marais à
Pandanus- Cyclosorus (685 m)
Marais d’altitude à Eriantus-Cyclosorus
(600 m)
Lac naturel d’eau douce de Vaihiria (473 m)
- 17 -
Zone de captage Ancien captage Périmètre de protection rapprochée
Cours inférieur ouvert des
rivières
Figure 10 - Exemple d’aménagement dans la vallée de Papehue à Paea (Google map)
- 18 -
4 Discussion sur l’état des zones humides
4.1 Flore
On remarque que l’interprétation de la végétation est délicate à effectuer car tous les sites que
nous avons observés ne sont plus constitués d’une forêt primaire mais d’une forêt
secondarisée où l’on retrouvera une zone cultivée (tarodière, bananier, etc) et des espèces
envahissantes comme les arbres Miconia calvescens et Spathodea campanulata, et la ronce
Rubus rosifolius,Wedelia trilobata.
4.2 Faune
Le nombre restreint d’espèces aquatiques observées peut être lié non seulement à la période
de sècheresse mais aussi aux nombreux aménagements effectués aux niveaux des zones
humides entraînant ainsi une perte de leur habitat et une pollution des eaux.
4.3 Constat des menaces causées par l’homme
L’importance des modifications anthropiques de ces zones montre bien l’influence négative
de l’homme sur ces milieux. Les zones humides sont en effet les zones privilégiées pour les
aménagements agricoles (tarodières, zone de pâturage,…) car elles sont bien souvent les
premiers terrains transformés et aménagés lorsque la place vient à manquer. Nous citerons
aussi la zone humide de Faratea qui a été remblayé pour l’aménagement d’une future zone
portuaire et industrielle.
4.3.1 Espèces introduites
La flore des eaux douces stagnantes est caractérisée par des plantes aquatiques introduites
comme la jacinthe d’eau, Eichhornia crassipes (Pontederiaceae), les nénuphars, Nymphea sp
(Nympheaceae) et l’élodée du Brésil, Egeria densa (Hydrocharitaceae) qui peuvent devenir
envahissantes et avoir un impact sur la faune aquatique
Nous avons observé par exemple les marais littoraux non loin des grottes de Mara’a sont en
partie recouverts de jacinthe d’eau, et de nénuphars (photo1). Ces espèces ont été introduites
par les habitants comme plantes ornementales. On peut supposer que ces végétaux ont
proliféré massivement en raison de l’apport des nitrates provenant des produits de lessives
utilisés par les nombreux foyers du voisinage, ainsi que les engrais et les pesticides utilisés
dans les plantations de bananiers, de cocotiers et des tarodières environnants. Ces plantes
- 19 -
empêchent la lumière de pénétrer, entraînant ainsi l’eutrophisation des milieux. Nous avons
pu remarquer également dans ce marais quelques tilapias, Oreochromis sp. (Cichlidae),
poissons carnivores introduits initialement pour lutter contre les moustiques..
Photo 1 - Le marais de Paea
4.3.2 Enrochement des berges
Nous avons constaté au cours de nos sorties sur le terrain, que la plupart des cours d’eau de
l’île ont été aménagées. Les berges sont enrochées essentiellement pour des raisons
« esthétiques », mais aussi pour gagner de la surface sur les rivières (Photo 2). Ces
enrochements canalisent les courants, les renforcent et accentuent la vitesse des eaux
courantes. Les problèmes d’érosion sont transférés en amont de la zone enrochée ou
favorisent le creusement du lit de la rivière. De plus, lors des périodes de crues, l’eau
s’infiltrant dans les interstices entre les blocs pourrait favoriser la fragilisation de ces édifices.
Ajoutons que pour établir ces enrochements, il a fallu détruire la ripisylve présente sur les
berges et le talus. Cette végétation est pourtant « utile » puisqu’elle préserve de l’érosion,
stabilise et protège les berges par leurs systèmes racinaires, dissipe les courants lors de fortes
crues et minimise les dommages. Cette végétation joue un rôle essentiel dans l’épuration des
eaux en retenant les polluants diffus (phosphate, nitrates,…). Son intérêt est majeur car elle
sert d’habitat aquatique et terrestre pour de nombreuses espèces animales (Léglise, 2010).
- 20 -
Photo 2 - Berge enrochée du jardin botanique de Papearii
4.3.3 Aménagements hydroélectriques et captages
La vallée de la Papenoo est une vallée riche en sites archéologiques qui n’ont pas tous encore
été découverts (« marae » qui sont des plates-formes de pierres où se déroulaient des
cérémonies). De plus, c’est la seule vallée de l’île qui possède un parc naturel territorial, « Te
Faaiti », établie depuis juin 1989 et couvrant une superficie de 750 ha (Fontaine, 1993). Les
parties basses et moyennes de la vallée sont fortement dégradées pour plusieurs raisons : les
nombreux travaux effectués pour la mise en place des barrages hydroélectriques dans les
années 1980, l’invasion de l’arbre Miconia calvescens favorisée par la déforestation lors de
ces travaux, les pesticides utilisées pour l’agriculture et aussi la présence de cochons
sauvages.
La vallée de Papehue est elle aussi dégradée en basse et moyenne altitude en raison de la
présence de l’arbre Spathodea campanulata qui a envahit la forêt primaire de la vallée et qui
empêche son développement. Le captage ne semble pas être surveillé de plus il est entouré par
de nombreuses habitations, ce qui laisse place à un périmètre de protection très exigus.
Rajoutons également que les bassins de récupération d’eau douce sont ouverts, et on a pu y
apercevoir une anguille (Photo 3).
Photo 3 - Bassin de Papehue
Anguille
- 21 -
4.3.4 Remblais des marécages
A Faratea au niveau de l’isthme de Taravao, se trouvait une zone marécageuse à Acrostichum-
Cladium, ainsi qu’à Hibiscus-Acrostichum décrite par le botaniste Jacques FLORENCE en
1993( ORSTOM, 1993). La photo aérienne de 1967 (Photo 4 A ), nous permet de voir la
limite de cette zone marécageuse par les plantations de cocotiers qui l’entourent.
Aujourd’hui, cette zone marécageuse (Photo 4 B ) a été en grande partie remblayée pour
permettre la mise en place d’une nouvelle zone industrielle et portuaire. En effet, on peut
distinguer parfaitement les contours des quais du port de Faratea creusés dans le platier ainsi
que sur le littoral. On constatera également l’augmentation sensible des habitations entre les
deux photos.
Photos 4 A - Ancienne photo aérienne du marécage de Faratea (Service de l’Urbanisme, 967).
Photo 4 B : Image satellite récente de la zone marécageuse de Faratea (« Google Earth », 2007).
Cocoteraie
Port de Faratea
- 22 -
Conclusion
Les zones humides de l’île de Tahiti comprennent des systèmes lotiques (rivières et ruisseaux)
et des systèmes lentiques (lac, marécages, marais) le plus souvent littoraux. Ces zones sont de
très petites tailles, excepté le lac Vaihiria et l’Anse de Mitirapa et sont relativement mal
connues (Fontaine, 1993).
Pour tenter d’inventorier et classifier ces différentes zones, nous avons utilisé divers critères
hydrologiques mais surtout biologiques (espèces végétales et animales).
Il existe plusieurs textes juridiques européens, applicables aux zones humides, susceptibles de
les protéger: citons la Directive Oiseaux (2 avril 1979), la Directive Habitats (21 mai 1992)
ainsi que la Directive Cadre sur l’eau (22 octobre 2002). On compte également plusieurs
organismes européens tels que le Conseil de l’Europe, la Direction générale de
l’environnement de la Commission européenne, l’Agence européenne de l’environnement
(AEE), l’Eurosite et l’Union européenne des associations de gestion de l’eau. D’autres
organismes internationaux comme Wetlands International, la Convention de Ramsar et
Birdlife International (Thibault, 2006), travaillent à un niveau global.
Néanmoins, en Polynésie française, il n’existe aucun texte dans le Code de l’Environnement
publié en 2003 qui est équivalent à ceux appliquée en France, en Europe et dans le monde
pour protéger les zones humides.
Le seul exemple de site protégé en Polynésie française en relation avec les zones humides est
le lagon de Moorea inscrit comme site Ramsar, le 15 septembre 2008, suite à l’initiative de la
commune de Moorea d’établir un PGEM (Plan de Gestion de l’espace maritime) sur son
territoire (www.ramsard.org). Or, ce lagon n’est pas une zone humide à proprement parlé car
il appartient plus aux écosystèmes lagonnaires et coralliens.
Pour améliorer l’état des zones humides de Tahiti, il serait intéressant de mettre en place une
stratégie de conservation des zones humides associée à un plan de gestion écologique. Dans
un premier temps, il faudrait arrêter de remblayer les derniers vestiges littoraux des zones
humides, lutter contre les espèces envahissantes notamment les plantes aquatiques comme la
jacinthe d’eau ou les arbres tels que Miconia calvescens et Spathodea campanulata qui
nuisent au développement des espèces indigènes. Ensuite, sélectionner les éléments de la
végétation caractéristique des zones humides (ripisylves) que l’on pourra par la suite
- 23 -
replanter, pour peut être reconstituer la forêt naturelle disparue. La réintroduction de la faune
aquatique pourra se faire grâce à la présence de cette ripisylve. L’utilisation des méthodes de
génie végétal couramment appliquée en métropole et en Europe est à envisager sur l’île de
Tahiti pour éviter l’enrochement des berges des rivières.
Dans de nombreuses religions (christianisme, bouddhisme, islamisme,…), les zones humides
étaient des lieux sacralisés. Ainsi dans les premiers siècles de l’ère chrétienne, les marais et
marécages étaient généralement préservés en raison de leurs caractères sacrés (Pitte, 2006).
En Polynésie française, et plus particulièrement dans l’archipel des Tuamotu, certaines zones
humides étaient aussi sacrées car elles servaient de passage entre le monde des humains et
celui des divinités des eaux, appelé localement « Mokorea » (Légendes orales des Tuamotu).
Il serait intéressant également de rappeler l’importance que les anciens Polynésiens
accordaient aux zones humides afin de les préserver du mieux que l’on peut, ou de mettre en
place un système de « rahui » (zone préservée de façon temporaire) que l’on adapterait aux
zones humides comme il se faisait encore au Tuamotu jusqu’au années 1960 pour conserver
les ressources naturelles des îles.
Cette étude sur les zones humides de l’île de Tahiti devrait être poursuivie car de nombreux
sites n’ont pas encore été inventoriés durant notre stage. Il faudrait par la suite la prolonger
sur toute la Polynésie française pour constater l’état de conservation des zones humides afin
de pouvoir enfin les protéger et les prendre en compte dans les stratégies pour la biodiversité,
à l’heure où l’on célèbre l’Année Internationale de la Biodiversité…
- 24 -
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- 26 -
RESUME
Cette étude propose une classification préliminaire (non exhaustive) des zones humides de l’île de
Tahiti (Polynésie française), basée essentiellement sur des critères hydrologiques et biologiques
(notamment la végétation). Dix huit sites ont été parcourus et étudiés, principalement des zones
humides littorales, ainsi que deux vallées de basse altitude. La végétation des zones humides est
relativement homogène sur toute l’île avec certaines espèces indicatrices de la présence actuelle ou
ancienne de milieux aquatiques. Comme la plupart des milieux insulaires, les zones humides de l’île
de Tahiti ont grandement souffert des activités anthropiques. Ceci s’est traduit par une disparition des
zones marécageuses de basse altitude, en raison de nombreuses transformations à des fins touristiques
et pour la construction d’habitations, ou d’infrastructures, voire des reconversions (plantations) de ces
milieux, et par l’introduction d’espèces envahissantes. Certaines zones humides d’altitude restent
malgré tout relativement épargnées en raison du relief accidenté de l’île. Ce travail pourra servir
d’outil de base pour les aménageurs et les gestionnaire soucieux d’une utilisation raisonnable et
raisonnée de l’environnement et pour les scientifiques s’intéressant à une étude plus approfondie des
zones humides menacées de l’île de Tahiti et de Polynésie française.
Mots clefs : île de Tahiti, zones humides, activités anthropiques, espèces endémiques, espèces
envahissantes.
ABSTRACT
This study is a preliminary (non exhaustive) classification of the wetlands in the island of Tahiti
(French Polynesia), mainly based on hydrological and biological criteria (especially vegetation). A
total of eighteen sites were studied, most of them were coastal wetlands, and two low elevation
valleys. Vegetation of wetlands is relatively homogenous on the island, with some species being
indicators of current or past aquatics habitats. As in many island systems, wetlands of Tahiti have
suffered from anthropogenic activities. The destruction of low elevation marshes is caused by habitat
transformation, for tourism activities, housing, and infrastructures development, or reconversion of
areas for agriculture, and by the introduction of invasive species. Some high elevation wetlands (lake
and swamps) are relatively intact due to the rugged topography of the island. This work might use as a
baseline tool for the managers and planners who are concerned by a sustainable use of the
environment as well as for research scientists who are interested to study threatened wetlands of Tahiti
and others islands of French Polynesia.
Key words: Tahiti island, wetlands, anthropogenic activities, endemic species, invasive species.