L’écriture de l’intime Dans Fritna de Gisèle HALIMI · 3 BAUDELAIRE Charles, Les Fleurs du...

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1 République Algérienne Démocratique et Populaire Ministère de L’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique UNIVERSITE MENTOURI Ŕ CONSTANTINE ECOLE DOCTORALE DE FRANÇAIS POLE EST Ŕ ANTENNE CONSTANTINE N° d’ordre : Série : MEMOIRE Présenté en vue de l’obtention du diplôme de MAGISTER Filière : Sciences des textes littéraires Sous la direction de : Mr Jean Pierre Castellani Présenté par : Melle Hassani Nabila Devant le jury composé de : Président : Pr. Ali Khodja Djamel, Professeur. Université Mentouri Constanine Rapporteur : Pr. Jean-Pierre Castellani, Professeur. Université Tours France. Examinateur : Pr. Nedjma Benachour, Professeur.Université Mentouri Constantine. Année Universitaire : 2008 / 2009 L’écriture de l’intime Dans Fritna de Gisèle HALIMI

Transcript of L’écriture de l’intime Dans Fritna de Gisèle HALIMI · 3 BAUDELAIRE Charles, Les Fleurs du...

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    Rpublique Algrienne Dmocratique et Populaire

    Ministre de LEnseignement Suprieur et de la Recherche Scientifique

    UNIVERSITE MENTOURI CONSTANTINE

    ECOLE DOCTORALE DE FRANAIS

    POLE EST ANTENNE CONSTANTINE

    N dordre :

    Srie :

    MEMOIRE

    Prsent en vue de lobtention du diplme de MAGISTER

    Filire : Sciences des textes littraires

    Sous la direction de : Mr Jean Pierre Castellani

    Prsent par : Melle Hassani Nabila

    Devant le jury compos de :

    Prsident : Pr. Ali Khodja Djamel, Professeur. Universit Mentouri Constanine Rapporteur : Pr. Jean-Pierre Castellani, Professeur. Universit Tours France. Examinateur : Pr. Nedjma Benachour, Professeur.Universit Mentouri

    Constantine.

    Anne Universitaire : 2008 / 2009

    Lcriture de lintime

    Dans Fritna de Gisle HALIMI

  • 2

    A mes chers parents A mon frre MINO A mes surs MAHA et NAWEL

    A mon alter ego ADEL, ma joie de vivre A ZOUBIR, FATEH, ASSIA et AMEL

    A tous ceux qui mont aide et encourage

  • 3

    Remerciements

    Mes sincres remerciements vont mon directeur de recherche, le Pr. JEAN-PIERRE CASTELLANI qui a cru en moi et surtout qui ma toujours fait confiance.

    A tous mes enseignants sans exception, plus particulirement :

    Madame BENACHOUR NEDJMA, qui ma tant encourage poursuivre mes tudes.

    Monsieur TARRACHE DJAMEL pour sa prcieuse aide, ses

    conseils et ses encouragements. Monsieur DADCI SALAH qui a toujours t lcoute.

  • 4

    - Alors, tu vas vraiment faire

    a ? Evoquer tes souvenirs

    denfance Comme ces mots te

    gnent, tu ne les aimes pas. Mais

    reconnais que ce sont les seuls

    mots qui conviennent. Tu veux

    voquer tes souvenirs il ny

    a pas tortiller, cest bien a.

    SARRAUTE Nathalie, Enfance,

    Gallimard, coll. Fo lio , 1983, p.7.

  • 5

    La mre est cette autre, modle

    sublim, la fois mis sur un

    pidestal et ml votre chair,

    votre quotidien. Elle est la femme

    que sera la fille. Cest par

    lamour maternel que se construit

    le rapport au corps. Toute ma vie

    jaurai ressenti ce manque

    HALIMI Gisle, Fritna, Plon, 1999,

    p.202.

  • 6

    SOMMAIRE

    Introduction................

    Chapitre I Prsentation I-1- Biographie de Gisle Halimi.......

    I-2- Luvre : Fritna.. I-3- La problmatique

    Chapitre II Lautobiographie II-1- Lautobiographie : dfinitions et travaux critiques

    II-2- Le pacte autobiographique. II-2-1- Introduction.......

    II-2-2- Lcriture autobiographique..

    Chapitre III Analyse du corpus. III-1- Les pactes dans luvre...... III-2- Voix de Gisle Halimi

    III-3- Le temps : Du trac de vie au trac de vcu

    Chapitre IV Lcriture de lintime dans Fritna.. IV-1- Lintime et lextime dans Fritna IV-2- Ecrire et devenir.

    IV-3- Urgence de parler et de tmoigner : rapports familiaux. IV-3-1- Rapport mre fille(s) IV-3-2- Rapport pre fille(s).

    IV-3-3- Rapport mre fils.....

    Conclusion.....................

    Annexes..

    p.07

    p.12

    p.13 p.17 p.19

    p.25

    p.26 p.36 p.37

    p.40

    p.49 p.50 p.73

    p.82 p.89

    p.91 p.97

    p.115 p.118 p.142

    p.148

    p.153

    p.157

  • 7

    Introduction

    l existe aujourdhui dans les sciences humaines un grand intrt

    pour ltude de lcriture autobiographique. Il ny a pas une

    personne connue qui ne se sente pas attirer par lexhibition de sa

    vie prive. Nous ne manquons pas de mots pour dfinir les nombreux

    genres autobiographiques qui abondent dans la littrature depuis de

    nombreuses dcennies : histoire de vie, documents vcus, rcits de soi,

    littrature du moi , littrature personnelle ou intime, tmoignages

    autobiographiques. Nombreux sont les concepts qui, dans lhistoire de la

    littrature, dsignent ce que nous appelons gnralement lcriture de soi,

    ce champ dcriture devenu tellement la mode : journal intime,

    autobiographie, mmoires, souvenirs, confessions, rcit pistolaire.

    Quel que soit la faon par laquelle on aboutit ce genre dcrit,

    cette production littraire rpond une fascination pour le vcu, une

    carence chez ltre, une rclamation du sujet, apparat comme un espace

    privilgi pour arriver une comprhension intime du sujet crivant et du

    contexte socio-historique et culturel dans lequel il svolue.

    . Le Je qui scrit semble avoir le choix entre plusieurs

    formes pour sexprimer sur le papier, bien distingues puisque veillant

    des dnominations spcifiques qui rendent compte du dynamisme de ce

    I

  • 8

    domaine dcriture. Ainsi, travers les sicles, nous passons de lcriture

    du Je , la littrature du Je . De lun lautre, de la pratique

    dcriture (dusage priv) la littrature (dusage public), le passage peut

    se faire en un temps trs court ou bien trs long.

    La qute du Moi est ce qui pousse lcrivain vers sa

    proclamation. Lcriture devient un miroir, autant une conception

    immdiate de soi que de la ralit, ne du pass et/ou prcurseur de

    lavenir. Ecrire permet ainsi une perptuelle rinvention du langage et de

    limage dune ralit dont laffirmation la plus objective ne saurait rsilier

    sa source, la subjectivit du Moi originel .

    De nos jours, lautobiographie fait figure dun genre dominant

    et omniprsent et lhabitude de parler de soi sest dveloppe dune

    manire extraordinaire. Selon Alain Girard, seules deux caractristiques,

    seraient communes la plupart des autobiographes : la premire est

    que leur autobiographie est luvre de leur ge mr, sinon de leur

    vieillesse ; la seconde est quils taient eux-mmes connus du public ds

    avant la publication de lhistoire de leur vie 1. En effet, elle occupe une

    place absolument centrale dans la mesure o il nest aujourdhui aucune

    personnalit mdiatiquement connue qui ne se sente pas tenue de nous

    faire part de sa vie, de nous parler de son enfance ainsi que des

    vnements qui ont marqu sa carrire, en publiant un rcit de sa vie.

    1 MAY Georges, LAutobiographie, Paris, PUF, 1979, p.74.

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    Ainsi, lide dcrire une autobiographie nat souvent avec le

    dsir de se raconter. Lautobiographe a peut-tre des moments donns

    des ides quil veut analyser tout en crivant. Trs souvent, il y a un

    vnement dans la vie de lauteur qui a t important, et en abordant ce

    fait, lautobiographe a une chance de se comprendre soi-mme.

    De ce fait, lautobiographie favorise la connaissance de soi.

    Dune part, le dialogue avec soi mme ; une sorte dexamen de

    conscience, permet de sanalyser ; de dresser son propre portrait; de

    dpeindre ce sanctuaire intrieur 2 . Cest un miroir de lme. Dans

    une autobiographie, nous trouvons les ides personnelles, les penses les

    plus prives, tout ce qui sest pass dans la vie de lcrivain. Dautre part,

    lautobiographe se montre tre un crivain fidle ; il ne se dsignera

    pas, il exprimera toute la vrit. Ainsi, les intrts de lautobiographie

    sont nombreux et divers :

    En premier lieu, ce genre littraire est loutil de la

    reproduction de soi-mme. Ensuite, les autobiographes plongent dans

    leurs souvenirs pour y retrouver une personnalit perdue. Puis vient

    l apologie de sa personne, qui explique, dfend ou justifie les choix

    ou les traits de caractre de lauteur, pour soi-mme ou pour le grand

    2 HUBIER Sbastien, Littratures intimes. Les expressions du moi, de lautobiographie

    lautofiction, Paris, Armand Colin, 2005, p. 32.

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    public. Mais les intrts de lautobiographie touchent aussi au message

    donn par luvre.

    Par ailleurs, lcrivain, travers le rcit de sa vie, dcrit les

    poques, les expriences, les pripties de son existence. A travers cela,

    il juge, plaidoyer ou rquisitoire, le monde qui lentoure. Dabord, le

    but premier et lgitime de lautobiographie est le rcit de sa propre

    vie. Pour lcrivain, exposer son existence est un plongeon dans le

    monde des souvenirs, agrables ou douloureux, enrichissants ou ayant

    marqus un tournant dans sa vie, revivre les instants de sa vie tout en

    ayant un regard extrieur, adulte et rflchi.

    En second lieu, lautobiographie tient compte dun plaidoyer

    de soi mme, ou encore dune justification ou simplement dune

    explication de sa personnalit, de ses choix ou encore de sa vie. Cette

    dfense, cette rdaction peut sadresser au public mais aussi et surtout

    soi-mme. Le projet mme de lautobiographe est de se connatre, de se

    dcouvrir. Cependant, ce projet, sil est suivi jusquau bout, conduit alors

    une description personnelle qui stend de nombreuses personnes

    qui y trouve un miroir pour leur propre vie, dire que cest une sorte de

    rvlation que lauteur adresserait directement son lecteur, (s)on

    semblable, (s)on frre 3. Elle reprsente un moyen convaincant de faire

    3 BAUDELAIRE Charles, Les Fleurs du Mal, Paris, ENAG Edit ions, 1990, p.4.

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    passer ses ides, ses messages, ses dsirs, ses espoirs. Elle est le fruit dun

    long et parfois douloureux ouvrage.

    Sachant que lcriture a un immense pouvoir cathartique,

    lauteur expurge ses ressentis, il les formalise pour ainsi mieux les

    apprivoiser, les comprendre, ou sen librer. La plupart du temps, il

    commence crire pour ces raisons. Lcriture est donc tourne vers soi.

    De mme, lautobiographie, elle, saffirme comme le genre du

    pass, souple, imperceptible. Elle ne copie pas, elle recre tout au profil

    dune fidlit secrte. Ainsi la vie apparat-elle comme un film ngatif

    qui trouve ses couleurs que par le jeu du souvenir 4.

    En somme, lcriture de lintime est un genre fascinant. Il y a

    plusieurs faons dcrire une autobiographie : chaque auteur choisit

    comment il va se raconter et ce quil va crire. La dcision de procder

    ce type dcrit nest pas toujours vidente. Tout le monde ne veut pas

    parler de soi. Parmi ceux qui nont pas manqu de dvoiler leur vie

    intime, nous mettons laccent sur une femme qui a marqu son temps :

    Gisle Halimi.

    4 DUFIEF Pierre, Les critures de lintime de 1800 1914 , Paris, Bral, 2001, p.69.

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    Chapitre I

    Prsentation

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    I-1- Biographie de Gisle Halimi

    isle Halimi, ne Zeza Gisle lise Taeb, en Tunisie en

    1927, est une avocate et une militante fministe et politique

    franaise, d'origine tunisienne. Elle entre au barreau de

    Tunis en 1949 et poursuit sa carrire d'avocate Paris en 1956. Elle a t

    marie, en premires noces, Paul Halimi puis, en secondes noces,

    Claude Faux, ancien secrtaire de Jean-Paul Sartre dont elle a t l'amie et

    l'avocate.

    Fortement engage dans plusieurs causes, elle milite pour

    l'indpendance de l'Algrie, dnonce les tortures pratiques par l'arme

    franaise et dfend les militants du MNA (Mouvement National Algrien)

    poursuivis par la justice franaise. Dans le mme esprit, elle prside une

    commission d'enqute sur les crimes de guerre amricains au Vit-Nam.

    Fministe, Halimi est signataire en 1971 du Manifeste des 343 femmes

    qui dclarent avoir avort et rclament le libre accs aux moyens

    anticonceptionnels et l'avortement libre.

    Aux cts de Simone de Beauvoir, elle fonde, en 1971, le

    mouvement fministe Choisir la cause des femmes et milite en faveur de

    la dpnalisation de l'avortement.

    Au procs de Bobigny en 1972, qui eut un retentissement

    considrable, elle dfend une mineure qui s'tait fait avorter aprs un viol,

    G

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    en publiant une tribune contre la loi de 1920. Ce procs a contribu

    l'volution vers la loi Veil de 1975 sur l'interruption volontaire de

    grossesse.

    lue dpute l'Assemble nationale de 1981 1984, elle

    constate avec amertume que ses projets n'avancent pas autant qu'elle le

    souhaiterait et elle dnonce un bastion de la misogynie. Son amendement

    instaurant un quota pour les femmes aux lections a pourtant t vot la

    quasi-unanimit par les dputs, en 1982. La mise en chec de cet

    amendement revient au Conseil constitutionnel qui le considra comme

    une entrave la libert du suffrage et la libre expression de la

    souverainet nationale. Bien que nomme par lui ambassadrice de la

    France auprs de l'UNESCO, d'avril 1985 septembre 1986, elle se

    dclare due par un Mitterrand qu'elle juge machiavlique. Elle rejoint

    Jean-Pierre Chevnement l'occasion des lections europennes de 1994

    (elle figure en seconde position sur la liste du MDC). Gisle Halimi est

    galement une des fondatrices de l'association alter mondialiste ATTAC.

    L'activiste palestinien Marouane Barghouti lui a demand d'tre l'un de

    ses avocats.

    Elle est la mre de Serge Halimi, journaliste au Monde

    diplomatique.

    En mars et avril 2006, les chanes RTL-TVI, TSR1 et France 2

    ont diffus Le Procs de Bobigny, un tlfilm de Franois Luciani dans

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    lequel Anouk Grinberg interprte le rle de Gisle Halimi et Sandrine

    Bonnaire celui de la mre qui aida sa fille mineure avorter. Pour la

    promotion de Pques 2006, Gisle Halimi est promue au grade d'officier

    de la Lgion d'honneur.

    Outre de nombreux articles dans la presse franaise et

    internationale, elle a crit les ouvrages suivants (traduits en plusieurs

    langues) :

    *Djamila Boupacha. Prface de Simone de Beauvoir (Ed. Gallimard,

    1962. Rditions 1978, 1981, 1991). Gisle Halimi a dfendu cette jeune

    algrienne, militante du F.L.N., torture et viole par les militaires

    franais.

    *Le Procs de Burgos. Prface de Jean-Paul Sartre (Ed. Gallimard, coll.

    "Tmoins", 1971). Gisle Halimi a t mandate par la Fdration

    internationale des Droits de lHomme pour assister ce procs, en

    dcembre 1970.

    *La Cause des Femmes (Ed. Grasset, 1973 ; rditions 1975 - avec une

    prface : "La Femme enferme" -, 1976 - Livre de Poche -, 1978. Puis d.

    Gallimard, 1992, coll. "Folio" : nouvelle d. revue, annote et augmente

    dune prface, "Le Temps des malentendus").

    *Le lait de loranger (Ed. Gallimard, coll. "Blanche", 1988; coll. "Folio",

    1990).

  • 16

    *Une embellie perdue (Ed. Gallimard, coll. "Blanche", 1995).

    *La nouvelle Cause des Femmes (Ed. Le Seuil, 1997)

    *Fritna (Ed. Plon 1999)

    *Ltrange Mr. K. (Ed. Plon 2004)

    * Avocate irrespectueuse (Ed. Plon 2002)

    * La Kahina (Ed. Barzarkh 2007)

    * Ne vous rsignez jamais (Ed. Plon janvier 2009)

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    I-2- Luvre : Fritna

    otre tude intitule : Lcriture de lintime portera sur

    une uvre de la littrature franaise: Fritna5 de Gisle

    Halimi.

    En 1999, Gisle Halimi publiait, Fritna, aprs Le lait de loranger et Une

    embellie perdue, livre auquel elle donne un caractre autobiographique,

    avec ses dclarations. Cest une uvre dans laquelle elle se livre, raconte

    dune manire impudique toute sa trajectoire au sein de sa famille.

    Dans ce texte, lauteure fait voler en clats le mythe de

    lamour maternel. La mal-aime cherche comprendre jusquau dcs de

    Fritna le non-amour. Elle nous livre tour tour une rflexion intime,

    motionnelle et violente, qui a dbouch sur la construction dune

    personnalit en rvolte contre linjustice. Elle relate les relations quelle

    entretenait avec sa mre Fritna. Elle y parle de labsence de lamour

    maternel, et du manque dont elle a souffert le reste de sa vie. Tout au long

    du rcit, la narratrice nous fait vivre des moments de sa vie entre le pass

    lointain (son enfance), et un prsent (adulte).

    5 HALIMI Gisle, Fritna, Paris, Pocket, Plon, 1999.

    N

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    Fritna6 mre est labsence, labsence de tout, au contraire

    dEdouard (le pre) plein de sentiments affectueux pour ses filles. Ctait

    un homme dont le devoir paternel a t accompli.

    Cette qute infinie damour et de reconnaissance sachve avec

    lenterrement de Fritna : tandis que Gisle, jusqu la fin, cherche auprs

    delle laffection qui lui a toujours manqu, sans renoncer linterroger

    sur les raisons de ce manque, avec la mort survient la rsignation. Son

    sentiment dinjustice fondamentale ne sera jamais apais, et la question

    restera sans rponse.

    En ralit, lautobiographie Fritna se veut principalement une

    criture mmorielle puisque sans cette mmoire, sans cette histoire, il ne

    peut y avoir ni prsent ni avenir.

    6 Fortune en arabe.

  • 19

    I-3- La problmatique

    n ce qui concerne le choix de ce corpus, il relve de notre

    choix pour luvre et de notre prfrence pour son aspect

    littraire, social, et culturel, ainsi que de lvolution de ce

    type dcriture.

    En effet, les crits gotistes7, narcissique, intimes seraient

    toujours en quelque manire fonds sur ce sens intime qui suppose

    que lcrivain ait une conscience exacte de sa permanence en dpit des

    modifications sensorielles et intellectuelles qui laffectent au cours de sa

    vie8. De mme, les diffrents angles abords dans ce travail sarticulent

    ainsi :

    Lintroduction prsentera lobjectif de recherche ; c'est--dire

    explorer les raisons (avoues ou non) qui mnent lcriture de soi, ainsi

    que cerner et dfinir les caractristiques formelles et structurelles dans

    luvre, le corpus tudi, la problmatique et lhypothse qui permettent

    de dterminer la nature de la question pose, de formuler le thme de ce

    travail et de justifier lintrt pratique de ltude de : lcriture de

    lintime/ lautobiographie.

    7 HUBIER Sbastien, Littratures intimes. Les expressions du moi, de lautobiographie

    lautofiction, op.cit., p. 47. 8 Ibid., p. 44.

    E

  • 20

    En second lieu, nous passerons ltude des particularits

    autobiographiques dans le rcit de Halimi. Lobjectif final nous

    permettra danalyser et de comprendre la varit et la richesse formelle

    ainsi que le fonctionnement structurel de ce concept.

    En outre, pour atteindre lobjectif fix, nous avons constitu

    un corpus duvres o il est question dautobiographie ; criture intime

    ou criture de soi, ainsi que des outils conceptuels et mthodologiques :

    les approches : narratologique, autobiographique, psychanalytique, qui

    nous permettront de rpondre aux questions poses : Pourquoi Gisle

    Halimi sest-elle mise raconter son enfance ? Luvre, est-elle une

    autobiographie ou une autofiction ? Est-elle ce je ? Quelles motions sen

    mlent ? O finit le souvenir ? Pourquoi a-t-elle ressenti le besoin de faire

    le rcit des souvenirs denfance douloureux ? Est-elle seulement la

    recherche delle-mme ?

    Nous essayerons, certes, de faire une analyse de la notion du

    pacte autobiographique comme critre absolu dans luvre elle-

    mme. Ce pacte est une sorte de contrat de lecture qui est souvent

    explicite. Nous dterminerons lexistence ou pas de ce pacte, ainsi que

    les autres pactes et de les dfinir, partir des travaux de critiques

    littraires.

    Dans un deuxime moment, nous tenterons danalyser les

    diffrents critres pour caractriser le genre autobiographique,

  • 21

    lautobiographie classique dite autodigtique : comme rcit

    rtrospectif, comme rcit en prose, comme histoire de la personnalit dun

    Moi, le statut de Gisle par rapport son uvre, et de l rpondre la

    question cruciale : est-elle vraiment ce Je ?

    Dans un troisime moment, nous analyserons le temps dans

    Fritna. Sachant que lautobiographe reprend le pass en voquant le

    prsent ; tout en reprenant des vnements antrieurs significatifs, le sujet

    de lautobiographie doit-il tre principalement la vie individuelle, la

    gense de la personne. Elle est donc destine faonner lexistence, lui

    donner une signification. cet effet, les crivains racontent

    chronologiquement les vnements de leur vie, mme si cet ordre

    chronologique na rien de naturel, et ne correspond pas celui de la

    mmoire.

    Vu le contexte socioculturel et historique de Gisle, celui

    dans lequel elle a volu, elle a dcid dadopter ce genre dcriture,

    celui de lintime pour quon laime: une voie (voix) durgence ncessaire,

    voire son rle purgatif et thrapeutique. Comme nous dit donc Pierre

    Dufief : lautobiographie a galement un rle cathartique. Lcriture y

    devient lquivalent de la parole dans une analyse psychanalytique ; elle

    permet de se librer du refoul, des secrets douloureux () 9

    9 DUFIEF Pierre, les critures de lintime de 1800 1914 , op. cit., p.79.

  • 22

    Dans un dernier moment, nous insisterons sur le thme du

    manque du sentiment maternel qui suit lauteure tout au long de son rcit

    qui nest en ralit que le vecteur de son criture. Une occasion pour

    dnoncer labsence de lamour maternel et du manque dont elle a souffert

    le reste de sa vie. Elle dclare : Ma mre ne maimait pas. Ne mavait

    jamais aime 10

    . La mal-aime y parle, cherche comprendre

    jusquau dcs de Fritna, le non- amour de celle-ci pour ses filles. Un

    retour en arrire douloureux avec beaucoup de points dinterrogation.

    Halimi ne cesse pas de sinterroger sur sa qute commence depuis

    longtemps: Jhsite. Vais-je recommencer ma qute, celle commenc

    ds lenfance, une fois encore, ou la laisser partir sans avoir ma

    rponse ? 11

    , et mme Pourquoi ma mre ne maime-t-elle pas 12

    . A

    cet effet Ce qui me parat certain dans tous les cas, cest le besoin des

    filles de recevoir de leur mre les clefs de ce langage, pour forger leur

    destin complexe, ambigu. Par lamour, par le lien charnel, par une

    sorte de complicit rotique, lenfant fille sapprhende et apprend

    saimer comme telle. Avec lautre soi-mme, partir de soi-mme, se

    forment dans sa propre source identitaire laffectivit, lintelligence,

    10

    HALIMI Gisle, Fritna, op. cit., p. 15. 11

    Ibid., p. 22. 12

    Ibid., p. 46.

  • 23

    le pouvoir relationnel. 13

    . Un grand vide, un grand manque, qui na

    jamais t combl.

    Toutefois, nous nous intresserons de plus prs aux relations

    familiales, surtout celles de Gisle et de sa mre, cette tude ncessite le

    recours une approche psychocritique puisque de ce manque est ne une

    personnalit, celle dune femme forte et rsistante. Nous verrons aussi la

    relation de Gisle avec son pre14

    , enfin de Fritna et de lattention quelle

    a pour ses autres enfants (les garons).

    Lauteure nous livre tour tour une rflexion intime,

    motionnelle et violente qui a dbouch sur la construction dune

    personnalit en rvolte contre linjustice, cela nous fait penser Georges

    Simenon15

    ou mme Boudjedra16

    . Le combat dune femme parmi tant

    dautres (Fministes) qui ont eu le mme parcours comme: Germaine

    Tillion17

    , Germaine Mlanie ; un combat qui sest transform en une

    russite, rage dans la vie, force de courage.

    Amour et haine sont omniprsents, nous ne pouvons rester

    insensibles la souffrance de lcrivaine et lingratitude de la mre,

    13

    Ibid., p. 204. 14

    Gisle a consacr un livre son pre Edouard, intitul, Le lait de loranger,(Paris, pocket, ed

    Gallimard, 1988) pour perptuer sa mmoire. 15

    SIMENON Georges, Lettres ma mre , presse de la Cit, Paris, 1974. 16

    BOUDJEDRA Rachid, La Rpudiation, Gallimard, co ll. "Folio", Paris, 1987. 17

    TILLION Germaine, Le Harem et les cousins, Seuil, Paris, 1982.

  • 24

    pour elle Fritna et labsence. Absence de tout clin, absence du corps,

    absence de la mre 18

    .

    18

    HALIMI Gisle, Fritna, op, cit., p .16.

  • 25

    Chapitre II

    L'autobiographie

  • 26

    II-1- Lautobiographie: Dfinitions et critiques

    a dfinition de ce quest lautobiographie est reste

    longtemps incertaine, suscitant bien des ambiguts dans le

    discours critique sur les uvres. Etymologiquement, le terme

    vient des trois mots grecs suivants : autos (soi-mme) ; bios (la vie) et

    graphie (crire)19

    . Une autobiographie est donc un rcit dans lequel une

    personne raconte sa propre vie : cest la biographie de soi-mme par soi-

    mme. Partons de ces dfinitions :

    La biographie dune personne faite par elle-mme 20

    Rcit () que quelquun fait de sa propre existence. 21

    Une biographie crite par celui ou celle qui en est le sujet 22

    Cependant, partir de nos lectures ainsi que de ces dfinitions,

    nous avons remarqu qucrire sur soi est le principe de toutes les

    critures du moi .

    A ce sujet, le problme nourrit les dbats depuis plus dun

    sicle, date laquelle la critique littraire a commenc sintresser ce

    genre dcriture. Lautobiographie est sujette des changements

    19

    (auto-bios-graphie) indique quil entend rendre compte dun certain nombre de mmoires

    dans lesquels lintrt historique est dlaiss en faveur de laccent mis sur la personne du

    mmorialiste Dorcia LUCACI dans, Quest ce que lautobiographie ? Article paru sur

    internet. 20

    STAROBINSKI, Le style de lautobiographie, in Lil v ivant, II : La Relation critique, Paris,

    Gallimard, 1970, p. 84. 21

    LEJEUNE Philippe, LAutobiographie en France, Paris, Librairie Armand Colin, 1979, p. 14. 22

    MAY Georges, LAutobiographie, Presses Universitaires de France, 1979, p. 12.

    L

  • 27

    constants, lis au degr de sensibilit du public quelle vise, et au

    dveloppement incessant des diffrentes techniques de communication23

    ,

    do la difficult darrter avec prcision les frontires de ce nouveau

    genre littraire. Qui dit genre littraire dit ralisation dun prototype

    formel adquat pour tel contenu, modle dont nous partons pour analyser

    les principes constitutifs et que nous pouvons voir modifier de manire

    cohrente travers le temps. Depuis les annes soixante-dix, la rflexion

    sur lautobiographie a t enrichie par les travaux de Philippe Lejeune24

    ,

    qui a donn le point de dpart dans la thorie du genre.

    Pour dfinir lautobiographie, nous avons choisi de partir

    de la dfinition que Lejeune donne, quoique cette dfinition soit

    conteste25

    , elle a permis son auteur de dmarquer les limites de

    lautobiographie, de mettre en principe les diffrents traits qui

    particularisent lautobiographie des autres formes de la littrature la

    premire personne. En voici la formule : DEFINITION : Rcit

    rtrospectif en prose quune personne relle fait de sa propre existence,

    23

    Problmatique souleve par Elisabeth. W. BRUSS, Lautobiographie considre comme acte

    littraire, in Potique, n17, 1974, Introduction de J. P. Richard, p.p.14-26. 24

    Il sagit en particu lier de LAutobiographie en France (1971), Le Pacte autobiographique

    (1975), suivis de Je est un autre (1980) et Moi aussi (1986). 25

    Par E. BRUSS ( Lautobiographie considre comme acte littraire in Potique, op.cit) et

    Georges GUSDORF ( De lautobiographie initiat ique lautobiographie genre littraire in

    Revue dHistoire Littraire de la France, 1975, n6) qui reprochent Lejeune de ne pas tenir

    compte de lvolution historique du genre. Bruss se rfre aux linguistes Austin et Searl, prtend

    que les caractristiques dun texte (comme les actes de paroles) ne peuvent tre spares de leur

    contexte historique. Ainsi, lensemble de ces caractristiques interprtes dans un contexte

    historique et culturel spcifique dterminerait la conception dun genre.

  • 28

    lorsquelle met laccent sur sa vie individuelle, en particulier sur

    lhistoire de sa personnalit 26

    .

    La dfinition de Lejeune a le prix dattirer lattention sur

    plusieurs aspects importants de lacte autobiographique ; ainsi seule une

    personne relle - laquelle soppose la personne fictif de la fiction

    peut lassumer. Il faut donc un tre humain form en tant que personne

    psychologique, morale et sociale pour relater une autobiographie27

    .

    Dans cette exhibition de soi, lauteur nest pas simplement

    oblig la remmoration de faits passs, car par linsertion de penses

    actuelles lcriture, il peut mettre en vidence une rsistance entre le

    pass et le prsent qui demeurerait autrement imperceptible.

    Face une telle condition, Michel Crouzet note que lcriture

    autobiographique vise lexpression dun moi 28

    : elle a pour fin de

    reconqurir, de rinventer, voire de refaire le moi qui fut. Par son

    dynamisme mmorielle, lacte autobiographique devient, selon celui-ci,

    26

    LEJEUNE Philippe, Le pacte autobiographique en France, collection Potique, Edit ions du

    Seuil, 1975, p. 14. 27

    Cette invocation du rel distingue trs clairement lautobiographie du roman

    autobiographique. Lanalyse interne de luvre ne nous donne aucun critre valable pour

    dlimiter les deux genres, nous dira donc Lejeune Ph ilippe dans, LAutobiographie en

    France : Tous les procds que lautobiographie emploie pour nous convaincre de

    lauthenticit de son rcit, le roman peut les imiter, et les a souvent imits . p.24. Ainsi, la

    notion de roman autobiographique trouve, donc, sa source dans la corrlation que le lecteur

    peroit entre lhistoire narre dans le livre et ce quil connat de la vie de lauteur. La distinction

    est aise : lhtronymie du romancier et du hros dans le roman autobiographique soppose

    lhomonymie apparente entre les trois instances de lautobiographie (celles de lauteur, du

    narrateur et du personnage). 28

    CROUZET Michel, Ecriture et autobiographie dans la Vie de Henry Brulard in Stendhal

    et les problmes de lautobiographie, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 1976, p.

    114.

  • 29

    une chasse aux souvenirs, un lieu o le pass est reconsidr et

    redcouvert. En se disant, en se racontant, le sujet autobiographique se

    cherche : il crit pour se dcouvrir, pour apprendre ce quil a t 29

    .

    Le but essentiel de ces retours en arrire qui forment lessentiel de toute

    uvre autobiographique, est daller vers lindit afin de dgager le sens

    dune vie, Sbastien Hubier affirme qu elle rpond laspiration de

    lcrivain se connatre en diachronie 30

    .

    Certes, afin dviter de nous garer dans les enchevtrements de

    la critique, nous nous tiendrons donc pour le moment cette dfinition et

    verrons les possibilits de son application luvre que nous nous

    proposons dtudier. Arrivons sur lindication en prose : Lejeune a

    rapidement donn raison, dans ses crits suivants, ceux qui lui

    critiquaient cette exigence et y a renonc.

    Cette dfinition met en vidence trois points essentiels :

    -Celui qui crit lautobiographie est une personne relle :

    ainsi lauteur se trouve identifi au narrateur.

    -Cette personne relle raconte sa vie individuelle ,

    lhistoire de sa personnalit : lauteur est lui-mme le personnage

    dont il parle. Le mot histoire suggre que le lecteur devra dceler dans

    29

    Ibid., p. 110. 30

    HUBIER Sbastien, Littratures intimes. Les expressions du moi, de lautobiographie

    lautofiction, op.cit., p. 74.

  • 30

    lcrit un ordre chronologique approximatif correspondant aux moments

    les plus saillants de la vie de lcrivain.

    -Ce rcit de vie se fera dans une perspective rtrospective,

    c'est--dire quil sagit dune narration ultrieure retraant la fois le

    pass lointain et rcent de lauteur. Dans ce cas la mmoire est un

    instrument prcieux et incontournable pour remonter et parcourir la

    machine du temps.

    Par ailleurs, le caractre rtrospectif de lautobiographie parat

    aller de soi : le narrateur voque son pass. En dpit de ce fait vident,

    une parfaite prospective de son destine se rvle tre chimrique : entre

    le temps de lcriture et celui de lhistoire, le rapport ne cesse de se

    changer, pendant la rdaction la vie continue31

    .

    De mme, la vision de lautobiographe est tourn vers le pass

    de sa vie et exige ainsi le pass comme temps dominant de son rcit. Il

    nhsite pas y participer immdiatement en alternant lhistoire et le

    discours, le pass et le prsent32

    . Ainsi, certains autobiographes - Sartre33

    ,

    Leiris34

    , Perec35

    cherchent-ils rorganiser leur pass la lumire de

    31

    Lautobiographie ne ressemble jamais au curriculum vitae moderne, qui part du pass rcent

    vers le pass loign. 32

    COSTE Didier, dans Autobiographie et autoanalyse, matrices du texte littraire

    (Individualisme et Autobiographie en Occident) , Centre Culturel International de Cerisy-la-

    Salle, Ed. de lUniversit de Bruxelles, 1983, p.215) observe quil y a dans lautobiographie

    deux mouvements qui coexistent : un mouvement jamais achev vers le silence, vers le

    moment o tout sera dit et lcriture puise ; et un autre mouvement snonien par lequel

    lcriture se rapproche toujours delle-mme sans jamais pouvoir se rattraper 33

    SARTRE Jean-Pau l, Les Mots, Gallimard, 1964. 34

    LEIRIS Michel, LAge dhomme , dit ion du Livre de Poche, 1967, Edit ions Gallimard.

  • 31

    leur moi actuel ; dautres, comme Rousseau36

    , veulent le restituer tel

    quils lont vcu et le racontent.

    Enfin : Est une autobiographie toute uvre qui remplit la fois

    les conditions indiques dans chacune des catgories. Les genres voisins

    de lautobiographie ne remplissent pas toutes les conditions 37

    Plus fondamentalement, la discussion a port ou porte encore

    sur trois critres. Ces derniers les plus contests, depuis la dfinition de

    Lejeune, sont les suivants :

    - Le premier critre retient la forme, sen prend lindication

    rcit rtrospectif et a veill la diffrenciation entre autobiographie et

    autoportrait38

    .

    - Le second critre douteux concerne le statut rfrentiel du

    texte et a provoqu la sparation entre autobiographie et autofiction ..

    La contestation sen prend, dans la dfinition de Lejeune, lide dune

    personne relle qui parle de sa propre existence

    La disjonction est venue de Serge Doubrovsky

    qui a forg le nologisme d autofiction 39

    pour dsigner la littrature

    35

    PEREC Georges, W ou le souvenir denfance, Gallimard, coll. Tel , 1983. 36

    ROUSSEAU Jean-Jacques, Les Confessions, Le Seu il, coll. LIntgrale . 37

    LEJEUNE Philippe, Le Pacte autobiographique, op.cit., p.14. 38

    Cest Michel BEAUJOUR qui a soulev cette question dans un ouvrage qui date de 1980,

    Miroirs dencre. Il y observe que certains textes parmi les plus fameux, quoique relevant dune

    criture narrative de soi, chappent la perspective chronologique. Il cite les exemples des

    Essais de MONTAIGNE et de LAge dhomme de Michel LEIRIS, en montrant que dans ces

    textes, plutt quun rcit rtrospectif organis selon un axe spatial : lauteur- narrateur-

    personnage y parcourt les lieux de sa personnalit. Celle-ci est dploye comme un espace de

    thmes, elle est montre comme portrait prsent et non pas comme le rsultat dune histoire. Ces

    textes selon BEAUJOUR, mritent un autre nom quautobiographie : autoportrait.

  • 32

    quil pratiquait. Son procd est simple : il donne des ouvrages qui,

    formellement, paraissent respecter les critres lejeuniens de

    lautobiographie : mais il partage ces textes pour des romans,

    profondment travaill par la fiction. Alors que pour Lejeune, la fiction

    est radicalement htrogne lautobiographie.

    - Le troisime critre contestable concerne le contenu du texte

    et fixe linterrogation sur le dernier fragment de la dfinition de Lejeune :

    celui qui demande lautobiographie de mettre laccent sur sa vie

    individuelle. Cet lment amne la diffrenciation entre autobiographie

    et mmoires. A la distinction des deux antcdentes, nous navons pas l

    affaire une diversification nouvelle : le problme conceptuel nest pas

    n ces vingt dernires annes, loin de l. Il prexistait la dfinition de

    Lejeune sur lautobiographie : dfinition qui conformment aspirait

    garantir un territoire libre pour celle-ci, en les diffrenciant des trois

    carts auxquelles se confronte lautobiographie dans lespace des

    critures du je - autoportrait, autofiction, mmoires -

    En somme, la dfinition de ce genre compliqu, vari quest

    lautobiographie, demanderait de chercher lessentiel, et ce dans les

    grandes tapes de lvolution du genre dans lhistoire de la littrature. En

    revanche daprs laffirmation de J. J. Rousseau : Je forme une 39

    Terme invent par Serge DOUBROVSKY, dfin ie dans Autobiographiques. De Corneille

    Sartre, Paris, PUF, 1988, p.68 comme : fiction dvnements et de faits strictement rels ; si

    lon veut, autofiction .

  • 33

    entreprise qui neut jamais dexemple 40

    , Les critures personnelles et

    /ou intimes ncessitent la fois que leurs auteurs aient pleine

    connaissance de leur singularit et jugent avoir t un exemplaire assez

    complet 41

    de lhumanit pour enchanter autrui. Ce genre europen ne

    peut ainsi tre que le fruit dune lente volution.

    Tout dabord, pour dfinir lautobiographie, les mthodes sont

    certes multiples, ainsi Georges Gusdorf42

    tente de comprendre ce quest

    lcriture du moi, tout en la mettant en parallle avec la philosophie.

    Rpugnant ce quil considre comme des distinctions striles43

    , il dfinit

    la littrature intime comme tout ce qui repose sur un usage priv de

    lcriture, regroupant tous les cas o le sujet humain se prend lui-mme

    pour objet dun texte quil crit 44

    . Dautant que Gusdorf, pour qui

    lcriture du moi suppose la prsence du moi, ladhsion, ladhrence

    de ltre personnel 45

    . Son analyse nest pas sans poser problme puisqu

    il prcise les deux concepts d auto - le moi conscient de lui-

    40

    ROUSSEAU. J. J, Les Confessions, livre I. Pocket, Paris, 2006. 41

    BENDA Jean, La Jeunesse dun clerc (1936), Paris, Gallimard, 1968, p.7. Cit dans

    Littratures intimes. Les expressions du moi, de lautobiographie lautofiction , Paris, Armand

    Colin, 2005, p. 37. 42

    DUFIEF Pierre-Jean, les critures de lintime de 1800 1914 , op.cit., p. 51. GUSDORF

    George refuse denvisager lautobiographie comme genre ; pour lui, ce type dcriture, nobit

    pas des rgles formelles, mais se caractrise par sa dimension spirituelle ; lauteur parle de lui

    dans une perspective relig ieuse ; les critures du moi sont des textes o lauteur envisage la

    qute de soi comme la condition de son propre salut : les vraies autobiographies

    chapperaient la rhtorique pour sinstaller dans lontologie et toute approche formaliste

    masquerait leur dimension spirituelle (GUSDORF George, Lignes de vie, t.I : Les Ecritures

    du moi, Odile Jacob, 1990) 43

    HUBIER Sbastien, Littratures intimes. Les expressions du moi, de lautobiographie

    lautofiction, op.cit., p. 44. 44

    GUSDORF Georges, Lignes de vie, t.I : Les Ecritures du moi, Paris, Odile Jacob, 1990,

    p.122. 45

    Ibid.,

  • 34

    mme 46

    - et de bio - lexistence dans son droulement et en

    tudiant leurs rapports, il met jour les fondements philosophiques de

    lintimisme et observe comment seffectue, par lcriture, une mise au

    net du dedans . Il suggre, avec Jean Starobinski, que lcart entre le

    sujet dnonciation47

    et le sujet dnonc48

    , propre tout crit

    autobiographiques, institue un jeu de perspective et de dsassociassion

    que seule une narration rtrospective peut mettre en uvre. Afin de

    reconstituer son identit, lcriture autobiographique requiert que lauteur

    prenne ses distances par rapport son moi de jadis, quil se tienne

    lcart de cette image de soi qui nest quun reflet, quun double de son

    tre49

    Quelles soient ornes ou sobres, sublimes ou emphatique,

    sches ou fleuries, les autobiographies (et plus gnralement toutes les

    critures du moi) sont autant de formes thiques et esthtiques qui

    rvlent leur auteur affirme Sbastien Hubier50

    . Comme si, selon

    lintuition de Roland Barthes dans Degr zro de lcriture, il y avait une

    46

    Ibid., p.10. 47

    Lnonciation nest rien dautre que lacte de production dun nonc, oral ou crit. Dans le

    cadre des critures la p remire personne, la p lus grande vigilance simpose : le je de

    lnonciation (dsignant le narrateur au moment o il raconte son histoire) ne doit pas tre

    confondu avec le je de lnonc (renvoyant au personnage quil tait alors quil participait

    cette histoire). 48

    Tout nonc, avant dtre ce fragment de langue naturelle que le linguiste sefforce

    danalyser, est le produit dun vnement unique, son nonciation, qui suppose un nonciateur,

    un destinataire, un moment et un lieu particulier. Cet ensemble dlments dfinit la situation

    dnonciation (D. Maingueneau, Elments de linguistique pour le texte littraire, Paris, 1993,

    p.1). 49

    Ibid., p.9 50

    HUBIER Sbastien, Littratures intimes. Les expressions du moi, de lautobiographie

    lautofiction, op.cit., p. 45.

  • 35

    adquation entre la vie et linvention littraire ; comme si lexistence

    ntait quune consquence de lcriture, comme si, enfin, crire sur soi

    [tait] fatalement une invention de soi 51

    51

    LEJEUNE Philippe, Nouveau Roman et retour lautobiographie , LAuteur et le

    Manuscrit, sous la dir. De M. Contat, Paris, 1991, p.58.

  • 36

    II-2- Le pacte autobiographique

    Faire un livre qui soit un acte, tel est, en

    gros, le but qui mapparut comme celui que je devais poursuivre, quand jcrivis

    LAge dhomme . Acte par rapport moi-mme puisque jentendais bien, le rdigeant, lucider, grce cette

    formulation mme, certaines choses encore obscures sur lesquelles la psychanalyse,

    sans les rendre tout fait claires, avait veill mon attention quand je lavais exprimente comme patient. Acte par

    rapport autrui puisquil tait vident quen dpit de mes prcautions oratoires la faon

    dont je serais regard par les autres ne serait plus ce quelle ntait avant la publication de cette confession. Acte, enfin,

    sur le plan littraire, consistant montrer le dessous des cartes, faire voir dans toute

    leur nudit peu excitante les ralits qui formaient la trame plus au moins dguise, sous des dehors voulus brillants, de mes

    autres crits .

    Michel LEIRIS,

    (LAge dhomme, dition du Livre de Poche, 1967,

    Ed itions Gallimard, p.13)

  • 37

    II-2-1- Introduction

    aconter sa vie apparat aujourdhui comme lavertisseur

    dune assertion du sujet qui implique en priorit lauteur

    qui devient la matire de son ouvrage : crire sur soi

    implique la transgression dun certain nombre de tabous, surtout lorsque

    lautobiographie envisage le rcit de sa vie comme une confession

    complte, avec les aveux difficiles ; les phnomnes de mode ne suffisent

    pas expliquer lacte de lcriture sur soi, qui rpond dabord de

    profondes exigences existentielles 52

    Lautobiographie contemporaine

    dont Les Confessions de J/J/Rousseau, exprimeraient lessence, se

    fconde comme un moment daveu dgag de celui qui crit. Elle

    correspond la fois au dsir de comprendre le sens de lexistence, et de

    tracer des lignes directrices 53

    .

    Selon Philippe Lejeune, lautobiographie est un genre

    fiduciaire , qui repose sur la confiance tablie entre le lecteur et

    lauteur54

    , mais qui suppose aussi une dclaration explicite dintention de

    lauteur. Il appelle pacte autobiographique cet engagement pris par le

    52

    DUFIEF Pierre, les critures de lintime de 1800 1914 , op.cit., p.56. 53

    Ibid., 54

    Il est vident que le souci avou de sincrit comporte des limites : le souvenir est toujours

    slectif et subjectif ; il y a souvent interprtation et mlange entre souvenir et imaginaire.

    Consciemment ou non, lauteur omet certains dtails, enjolive, dautres, les invente mme

    parfois.

    R

  • 38

    narrateur de dire sa vrit sur sa propre vie. Ainsi dans une

    autobiographie, Je nest pas un autre, mais cest bien moi lauteur qui

    dis Je. Lauteur sengage tre sincre ; il ne promet pas de dire la

    vrit mais dexprimer sa propre vrit 55

    Il affirme galement cette authenticit, et donne les raisons et

    en trace les limites. Dans cette vision, tout devient important : le moindre

    souvenir, langle le plus cach disposent le secret dune vie qui recherche

    se saisir elle-mme.

    Certes, lcrivain rend compte de sa vie, mais il la reconstruit

    en mme temps. Nous pouvons donc toujours nous interroger sur la

    sincrit de lauteur puisque (elle) suppose une vision personnelle des

    choses, qui ne concide pas ncessairement avec la vrit objective des

    choses 56

    . De mme lautobiographie nest pas seulement un recueil

    neutre, objectif, des vnements de sa vie. Cest pourquoi, tablir un

    contrat serait vident pour lire une uvre, et la juger autobiographique.

    Comment le reconnatre ? De trs nombreuses

    autobiographies sont accompagnes dun paratexte : une prface, une

    dclaration de lauteur, des interviews ldition, etc., qui formulent le

    pacte autobiographique ; dans dautres cas de figure, ce sont les

    premiers chapitres qui contiennent le pacte autobiographique. Ce pacte

    55

    DUFIEF Pierre, les critures de lintime de 1800 1914 , op.cit., p.52 56

    Ibid., p.51.

  • 39

    constitue une sorte de rite douverture qui donne le ton de

    lautobiographie 57

    .

    57

    Ibid.,

  • 40

    II-2-2- Lcriture autobiographique

    Lautobiographie est le rcit vridique par soi-mme de sa

    propre existence. Ce qui prouve que lautobiographe dit vrai, cest ce

    quil le dit : je crois, assure Philippe Lejeune, quon peut sengager

    dire la vrit 58

    . En effet, lauthenticit nest pas un simple quivalent de

    la franchise. Elle est une forme particulire de cette dernire, selon

    laquelle nous pouvons donner une image vraie de soi par lerreur.

    Lcriture suppose linscription de la personnalit du

    narrateur : on y lit des pulsions, des conflits, des positions et en

    dfinitive lacte dnonciation 59

    .

    Or, lcriture personnelle remmore toute une vie, cest--dire,

    comme le rappelait Barthes, la fois (les) tudes, (les) maladies et (les)

    nominations mais aussi les rencontres, les amitis, les amours, les

    voyages, les lectures, les plaisirs, les peurs, les croyances, les

    jouissances, les bonheurs, les indignations, les dtresses 60

    . Autrement

    dit, son intimit.

    Lcriture est donc dabord un lieu o le Je a une place trs

    importante : nest-il pas llment moteur de lacte dnonciation ? Et si

    58

    Mais Valry rtorque : en littrature, le vrai nest pas concevable , ou encore ; Philippe

    SOLLERS dans Tel Quel : celui qui ne donne de la ralit que ce qui peut tre vcu ne

    produit rien . 59

    Ibid., pp. 52-53. 60

    BARTHES Roland, Roland Barthes par Roland Barthes, Paris, Seuil, 1975, p.185.

  • 41

    ce responsable de lnonciation devenait lui-mme objet de

    lnonciation ? Le jeu serait videmment plus attachant et plus

    intressant. Est-ce la logique pour laquelle les rcits de vie ont plus de

    russite dans le domaine de lcrit ? En effet : Lautobiographie

    propose un thtre dans le thtre, thtre dombres o lauteur joue la

    fois les rles de lauteur, du metteur en scne et des acteurs 61

    . Henri

    Boyer a donc raison de laffirmer : le principe dcriture rejoint, en

    plus de la littrature , le rcit de vie. Ecrire sa vie ncessite une

    authentique mise en scne o un seul acteur sexpose et joue son destin.

    Lejeune affirme si lautobiographie est un livre, son auteur

    est donc inconnu, mme sil se raconte lui-mme dans le livre : il lui

    manque, aux yeux du lecteur, ce signe de ralit quest la production

    antrieure dautres textes (non autobiographiques), indispensable ce

    que nous appellerons : lespace autobiographique 62

    . Ainsi :

    Lauteur, cest donc un nom de personne, identique, assumant une sui te

    de textes publis diffrents63

    .

    61

    Georges GUSDORF, Les Ecritures du moi : lignes de vie I, op.cit., p.311. 62

    LEJEUNE Philippe, Le pacte autobiographique, op.cit., p.23. 63

    Ibid.,

  • 42

    A ce sujet, Jean Rousset remarque avec raison64

    que lespace

    autobiographique sest tellement largi que toute criture rfrentielle

    conclut dsormais avec son lecteur une faon de pacte autobiographique.

    A lore de toute autobiographie selon la tradition, il y aura

    lassurance dun je mexprime qui tire sa force persuasive de lidentit

    variable de ce qui fait au dpart ce sujet, et ce quil en advient, ce moi

    issue par lcriture. Se mettre en situation dautobiographe serait admettre

    davance le principe dune simultanit entre celui qui tient la plume et

    celui qui vivant, ne la tenait pas, ce qui ne doit pas faire ngliger tout de

    mme lopposition : vivre/crire, moins que nous ne transfrions tout

    entier le vivre dans le moment de lcriture.

    Dans sa source, dans sa candeur, lautobiographie commune

    contesterait donc toute diffrence entre les trois termes, peut-tre

    inconciliables, quelle runit pourtant : auto, cest moi de toute manire ;

    bio, cest ma vie quoi quil advienne ; graphie, cest toujours moi, cest

    ma main.

    Ainsi, pour dterminer cette forme dautobiographie, les

    premires lignes ncessitent convoquer au lecteur troubl la place du

    rfrent qui lannonce (ma vie) pour mieux le prendre dans la rhtorique

    de cette annonce mme. Tmoin et voyeur, le lecteur subit leffet

    64

    ROUSSET Jean, Narcisse romancier. Essai sur la premire personne dans le roman , Paris,

    Corti, 1972. Cit dans, Littratures intimes. Les expressions du moi, de lautobiographie

    lautofiction, HUBIER Sbastien, Paris, Armand Colin, 2005, op.cit., p. 41.

  • 43

    dintimidation dun je dis la vrit qui dissimule (mal) un je dis que

    je dis la vrit . Nous voici donc, lecteurs, confronts la prsence dun

    sujet se livrant tout entier dans ce Je qui se donne comme garantie de

    la vrit quil dit, vrit qui na elle-mme dautres cautions que sa

    transcription. Pour Sbastien Hubier :

    Les critures la premire personne proposent toujours,

    peu ou prou, un contrat de vridiction grce auquel le lecteur peut croire

    vrai ce que lnonciation sefforce de lui prsenter comme tel. Cette

    vrit renvoie la double dialectique du secret et du mensonge, de ltre

    et du paratre et explique que les critures la premire personne

    hsitent entre deux conceptions du langage : soit ce dernier adhre

    ingnument aux choses de la vie et la littrature est le reflet exact des

    expriences du narrateur, soit il constitue une manire de paravent qui,

    toujours mensonger, aurait pour fin dernire de dissimuler la ralit.

    Dans les deux cas, les noncs la premire personne, persuasifs,

    correspondent la fois la volont du locuteur dexprimer ses

    convictions et au dsir dinfluencer le lecteur 65

    .

    65

    HUBIER Sbastien, Littratures intimes : Les expressions du moi, de lautobiographie

    lautofiction, op.cit., p.18.

  • 44

    Nous pouvons simplifier ceci de la manire suivante :

    LOCUTEUR VERITE

    Rapport

    Je du locuteur Je crit et raconte

    Lautobiographie ne se fonde pas ici sur un pacte qui lui serait

    antrieur : elle entend tre, comme nonciation, ce pacte lui-mme.

    Contraint sen remettre pour tout lcriture, le moi est en mme

    temps vou langoissante question de savoir quelle place accorder

    cette criture mdiate sans laquelle il ne pourrait pourtant se donner lire

    comme directe immediat

    Enfin, elle est la pratique dune criture qui fonde sa vrit

    sur lexhibition dun sujet66

    . Quelles soient continues ou morceles,

    prcisment ordonnances ou dlibrment disloques ou inconsquentes,

    les critures la premire personne chercheraient donc toujours rvler

    leur auteur, voire au lecteur, ses vrits essentielles. Ses vrits tant

    personnelles quintimes.

    Par ailleurs, rien ne discrimine au premier abord

    autobiographie et roman la premire personne. Le Je na de

    66

    Il semble que la valorisation de lauthenticit et de lintime se sont constitue lge

    classique europen (vers 1600) sur la sparation du domaine public du domaine priv.

  • 45

    rfrence actuelle qu lintrieur du discours : il renvoie lnonciateur,

    que celui-ci soit fictif ou rel (attest par ltat civil). Le Je nest

    dailleurs nullement la marque distincte de lautobiographie67

    .

    Il conviendrait donc, partir de la dfinition de Lejeune cite

    auparavant, de sen tenir la garantie formelle de lidentit de lauteur, du

    narrateur, et du personnage, attest par la signature, le nom ou le

    pseudonyme.

    Cest en fait en partant du principe de lidentit auteur-

    narrateur-personnage nonc par Lejeune quune rponse ces questions

    peut tre apporte. Pour ce dernier lidentit entre auteur et narrateur doit

    tre une identit de nom. La correspondance entre lidentit de lauteur,

    du narrateur et du personnage concourt laborer ce que Lejeune appelle

    le pacte autobiographique . Il est un deuxime pacte auquel il fait

    rfrence, le pacte rfrentiel que Jean Philippe Miraux rsume de

    la sorte :

    Le pacte rfrentiel est donc ce contrat que conclut le lecteur,

    admettant que le fondement mme de leur relation sera lauthenticit en

    tant quelle est vrit du texte, de limage du narrateur en train de se

    67

    Le tu aussi bien que le il sont des figures dnonciation que lautobiographie utilise

    pour insister, par des effets de distanciation, sur la fiction du sujet, ou pour mettre en situation le

    discours de lautre dans celui du sujet.

  • 46

    peindre et de limage quil veut donner de ce quil tait telle ou telle

    poque de sa vie 68

    .

    A dfaut, pour se dire autobiographique, luvre doit tre

    gre par un pacte autobiographique 69

    et un pacte rfrentiel 70

    qui

    permettent au lecteur de la distinguer comme une autobiographie. Le

    pacte autobiographique installe un contrat entre le lecteur et lauteur

    qui convie lnonciateur parcourir son livre comme une autobiographie

    relle71

    . Quant au roman autobiographique , il se caractrise surtout

    par le pacte romanesque 72

    qui exige quil ny ait aucune identit entre

    lauteur et le personnage, et que luvre soit sous-titre roman .

    Il est important de dfinir et de clarifier la notion de pacte

    autobiographique . Le mot pacte renvoie un contrat tabli entre

    lauteur de lautobiographie et son lecteur. Cette notion a t exploite,

    pour la premire fois par Philippe Lejeune :

    Dans lautobiographie, on suppose quil y a identit entre

    lauteur dune part, et le narrateur et le protagoniste dautre part. Cest-

    -dire que le je renvoie lauteur. Rien dans le texte ne peut le

    prouver. Lautobiographie est un genre fond sur la confiance, un

    68

    MIRAUX Jean Philippe, LAutobiographie, criture de soi et sincrit, Paris, Nathan, 1996,

    collection 128, p.20. 69

    LEUJENE Philippe, Le pacte autobiographique, op.cit., p.24. 70

    Ibid., p.36. 71

    Lauteur, badinant avec lcriture de soi, peut tendre le pacte autobiographique en

    proposant au lecteur un pacte fantasmatique , ce dernier qui invite le lecteur lire luvre

    comme une fiction pour, paradoxalement, en assurer le sceau de la ralit et surtout de la

    vracit. 72

    LEJEUNE Philippe, LAutobiographie en France, op. cit., p.27.

  • 47

    genre Fiduciaire , si lon peut dire. Do dailleurs, de la part des

    autobiographes, le souci de bien tablir un dbut de leur texte une sorte

    de pacte autobiographique , avec excuses, explications, pralables,

    dclaration dintention, tout un rituel destin tablir une

    communication directe 73

    .

    Le mot fiduciaire ici sapplique avant tout lauteur lui-

    mme qui doit tre le premier croire sa tentative 74

    . Elisabeth Bruss

    va jusqu poser ce point comme lun des principes fondamentaux de

    lcriture autobiographique : que lobjet de la communication puisse ou

    non tre prouv faux, quil soit ou non ouvert une reformulation de

    quelque autre point de vu, on attend de lautobiographe quil croit en ses

    affirmations 75

    . Le pacte autobiographique se prsente donc comme la

    clef qui nous permet douvrir la caverne magique et de comprendre le

    trsor qui lhabite, le secret qui la rend clair : nest-ce pas de louverture,

    de lincipit, que dpend tout le discours dune uvre ?

    Lidentit entre auteur, narrateur et personnage garantie par le

    pacte autobiographique doit tre une identit de nom 76

    , elle peut tre

    implicite ou concrte : nous appellerons concrte le cas o le narrateur-

    personnage porte le mme nom que lauteur (nom port sur la couverture

    du livre) ; et nous nommons implicite dans le cas o le titre voque 73

    Ibid., p.24. 74

    Ibid., p.28. 75

    BRUSS Elisabeth, LAutobiographie considre comme acte littraire, op.cit., p. 14-25. 76

    LEJEUNE Philippe, Le Pacte autobiographique, op.cit., p.27.

  • 48

    clairement le genre autobiographique (Histoire de ma vie,

    Autobiographie) ou bien si le texte contient une section initiale ()

    o le narrateur prend des engagements vis--vis du lecteur en se

    comportant comme sil tait lauteur, de telle manire que le lecteur na

    aucun doute sur le fait que le je renvoie au nom port sur la

    couverture, alors mme que le nom nest pas rpt dans le texte 77

    .

    Tous ces pactes donns ainsi la hte antrieurement, devront

    tre dfinis, par ailleurs, nous tenterons de chercher les traces des uns et

    des autres dans notre corpus Fritna ?

    77

    Ibid.,

  • 49

    Chapitre III

    Analyse du corpus

  • 50

    III-1- Les pactes dans l'uvre

    est le rcit de vie du personnage principal qui nest autre

    que Gisle ; auteure de ce rcit, narratrice premire, et

    acteur/personnage principal. Fritna, est en fait btie sur un

    projet autobiographique. Cense tracer la vie de lauteure, cette dernire,

    reproduit des pisodes de son existence, des souvenirs comme

    vnements qui lont marqus jamais. Ainsi, la mort de son petit frre

    la culpabilise (elle se) souvient seulement des pleurs dAndr. (Elle) les

    avait entendus, (elle) les entend 78

    jusquau moment de son criture

    puisque ce jour l il juch sur le fauteuil, le (sien)... 79

    . En jouant tout

    en ignorant le danger il sest approch du rchaud [] le liquide lavait

    submerg [] ainsi le caf sest rpandu sur sa tte et son corps.

    Andr brl 80

    . Personne ne put le sauver et Andr avait disparu 81

    . Il

    tait interdit dvoquer sa disparition la maison, une censure. En

    revanche avec le dcs de la mre, elle peut le faire car avant (sa) mre

    tait encore en vie. Aujourdhui, (elle) peut tout dire 82

    . Gisle

    78

    HALIMI Gisle, Fritna, op.cit., p.41. 79

    Ibid., 80

    Ibid., 81

    Ibid., p.42. 82

    Ibid., p.37.

    C

  • 51

    responsable de la mort de son petit frre de deux ans 83

    envers qui elle

    prouvait de grands sentiments puisque le souvenir pour elle est faire

    vivre en soi, jusquau bout de soi, celui ou celle que la mort vous a pris.

    Elle naura pas tout pris ainsi, et le souvenir peut tre pour certain plus

    fort que la vie mme 84

    . Elle ne gurira gure de sa blessure, car sa mre

    lui avait inflig laccident sur son dos, elle tait coupable de la mort

    atroce de (son) petit frre, tel tait le verdict prononc par (sa) mre

    (son) endroit 85

    . Mais o tait sa mre ? Qui est le vrai coupable de ce

    drame? Qui devait surveiller son petit ? Ses parents ont-ils gard un

    souvenir de leur enfant ? La rponse est non, il fut enterr jamais, il fut

    effac, ils ne voulaient plus laisser une trace de lui puisque tout fut rafl

    sa mort par (eux) , il ntait quune erreur monstrueuse de la nature,

    qui devait dtre efface. 86

    . Ont-ils russi effacer sa mmoire ? Non,

    elle interroge sa mre qui est lhpital, attend une nouvelle version pour

    se librer de sa culpabilit, mais Fritna fuit toujours aux demandes de sa

    fille, sous des prtextes insignifiants.

    Femme tellement cultive, tentant souvent comprendre et

    surtout apprendre pour affronter la vie ; de ses lectures antrieures, de

    ses souffrances et des squelles du manque du sentiment damour

    maternel, daffection et surtout de la prsence dune maman ; elle 83

    Ibid., p.38. 84

    Ibid., p.43. 85

    Ibid., p.44. 86

    Ibid., p.43

  • 52

    sest forge une forte personnalit qui sest impose dans la socit pour

    lintresser, se faire entendre, et tre aime.

    Tout son projet sest construit autour de ce plaidoyer voire du

    manque, et de sa rclamation de cet amour. Elle raconte publiquement et

    sans pudeur, les rapports quelles entretenaient avec sa mre. Elle

    voudrait lexpliquer aux autres comme elle-mme son dsamour

    (l)avait dstabilise, (elle) dirait dracine. Dcroche brutalement dun

    repre que (son) affectivit et (son) intelligence continuaient dexiger 87

    ,

    elle voudrait que tout le monde sache ce quelle tait la mre de cette

    femme intelligente, si rpute et bien rmunre.

    En vrit, elle lavoue avec fiert et tristesse afin de juger

    Fritna de son rejet de ses deux filles. Elle la culpabilise : de son

    indiffrence envers la qute infinie de sa fille ; de son insouciance envers

    la souffrance de sa fille qui rclamait un petit geste damour de sa part ; et

    finalement de son caractre irresponsable envers ses filles parce quelle a

    manqu son devoir : elle navait gure accompli son rle et son devoir de

    mre . Coupable fut-elle, mais na jamais t poursuite ? Cest injuste

    car elle devait tre juge pour son acte .

    Cependant, en lisant ce rcit, Gisle Halimi, signe avec son

    lecteur un contrat, qui se dfinit clairement, dune part au dbut, au

    moment o elle cite les diffrents personnages de son uvre, qui ne sont

    87

    Ibid., p.59.

  • 53

    autres que les membres de sa famille si lon se base sur sa biographie :

    Edouard (son pre) ; Marcel dit Marcelo et Henri dit Nano (ses frres) ;

    Gaby dite jouira (sa sur) ; Jean Yves Edouard, Serge dit Kamoun et

    Emmanuel Faux dit Manuf/Manu (ses enfants) ; et enfin Claude

    Faux (son poux) ; elle se prsente aussi en dsignant son surnom : Zeza

    (son premier prnom)88

    .

    Dautre part, les lments paratextuels, expliquent encore

    clairement lappartenance au genre autobiographique. Nous avons vu que

    la quatrime de couverture y participait grandement. La photo de

    reprsentation du livre dans la premire de couverture, redevable Fritna,

    reprsente la mre de Gisle (photo choisie par lauteure) dont elle

    sinspirait (elle) repris la photo, la somptueuse, celle qui ne (l)a jamais

    quitte, avant dcrire (ses) notes quotidiennes 89

    . La relation entre le

    titre Fritna et la photo est vidente, dautant plus que pour la quatrime

    de couverture, elle a choisi un extrait de son rcit, dans lequel elle

    lvoque, tout en faisant une description de ce portrait dont (elle)

    guettait le sourire rare- et toujours adress aux autres, la lumire noire

    de ses yeux de Juive espagnole, elle dont (elle) admirait le maintien

    altier, la beaut immortalise dans une photo accroche au mur o, dans

    des habits de bdouine, ses cheveux sombres glissant jusquaux reins,

    88

    Ibid., p.10. 89

    Ibid., p.72.

  • 54

    dimmenses anneaux aux oreilles, une jarre (on disait une goulette) de

    terre attache au dos, tenue par une cordelette sur la tte ()90

    .

    En outre, cette image, est lexpression de la mmoire de cette

    femme ; comme le dclare pierre Dufief : lautobiographie est toute

    entire place sous le signe de la mmoire ; elle existe que grce la

    mmoire, et devient son tour une forme de mmoire durable puisque

    crite 91

    Elle, est, galement reprsentative de toute la dmarche de

    Gisle. Ainsi le portrait de sa mre est li directement aux multiples

    rvlations : la naissance, les souvenirs denfance, ses engagements, ses

    amours, sa russite, ses blessures, et surtout son rapport avec sa mre .

    A cet effet, le portrait de sa mre est li directement de

    multiples rvlations ; la naissance -ses parents lui ont racont ds son

    jeune ge comme on raconte une histoire denfant quils ne voulaient pas

    delle, mais que pendant trois semaines aprs sa naissance, ils ont affirm

    quelle ntait pas venue au monde-, les souvenirs denfance, ses

    engagements, ses amours, sa russite, ses blessures, et surtout son rapport

    avec sa mre .

    90

    Ibid., p.15-16. 91

    DUFIEF Pierre, Les critures de lintime de 1800 1914, op.cit., p.57.

  • 55

    La figure de la mre, si elle marque immanquablement toute

    biographie ou autobiographie, apparat de manire plus ou moins

    prgnante.

    Les souvenirs voqus dans le corpus choisi associent

    constamment le vcu de lauteure celui de sa mre, manifestant ainsi la

    relation qui les a toujours unis. A cet effet, ds le premier chapitre, le

    lecteur comprendra cette relation, et ce dsir dcriture d un manque

    maternel, et explicite son refus des traditions, et surtout de servir les

    hommes de la maison en dclarant une grve de faim pour marquer sa

    rvolte alors qu (elle) avait dix ans, pour ne pas faire de vaisselle,

    servir ses frres, et surtout pour obliger (ses) parents (la) laisser

    continuer daller au lyce 92

    .

    Finalement, avec la disparition de la mre, au moment de

    lenterrement, moment de deuil, que lauteure trouve pour la premire

    fois trace de (son) projet- jcrirai un livre sur Fritna 93

    dont les

    enjeux sont entre confession et plainte 94

    , pour cela il faut qu (elle)

    sordonne au plus profond d (elle) 95

    car dans tous les cas, le besoin

    de ce livre (la) tourmentait 96

    . Son aveu aide le lecteur qui cherche aprs

    le degr de sincrit de lauteur mais la sincrit suppose une vision

    92

    HALIMI Gisle, Fritna, op.cit., p.17-18. 93

    Ibid., p.211. 94

    Ibid., 95

    Ibid., 96

    Ibid., p.219.

  • 56

    personnelle des choses, qui ne concide pas ncessairement avec la vrit

    objectif des faits 97

    .

    Par consquent, vers la fin du rcit, elle dclare et confirme en

    pilogue intitul : On ne doit aux morts que la vrit 98

    qu A Fritna

    morte, (elle) ne doit que la vrit 99

    Lejeune affirme dans Le Pacte autobiographique que :

    Cest () par rapport au nom propre que lon doit situer les problmes

    de lautobiographie. Dans les textes imprims, toute lnonciation est

    prise en charge par une personne qui a coutume de placer son nom sur la

    couverture du livre, et sur la page de garde, au dessous du titre du

    volume. Cest dans ce nom que se rsume toute lexistence de ce quon

    appelle lauteur : seule marque dans le texte dun indubitable hors-texte,

    renvoyant une personne relle, qui demande ainsi quon lui attribue, en

    dernier ressort, la responsabilit de lnonciation de tout le texte

    crit 100

    .

    Pour Roland Barthes : Un nom propre doit toujours tre

    interrog soigneusement, car le nom propre est, si lon peut dire, le

    principe des signifiants ; des connotations sont riches, sociales et

    97

    DUFIEF Pierre, Les critures de lintime de 1800 1914 , op.cit., p.51. 98

    HALIMI Gisle, Fritna, op.cit., p.217. 99

    Ibid., p.219. 100

    LEJEUNE Philippe, Le Pacte autobiographique, op.cit., p.22-23.

  • 57

    symboliques 101

    . Le nom propre de lauteur revt donc une importance

    capitale dans ltude dune uvre autobiographique.

    De ce fait, Gisle dans son uvre se contente demployer son

    prnom Gisle/Zeza comme son nom de famille Halimi

    plusieurs reprises, comme ses pseudonymes Aziza, Zizel, Sada, Gisou

    quelle aimait bien.

    Considrant toutes ces dfinitions, nous relevons les

    diffrentes traces de pactes selon les multiples perspectives qui se

    prsentent puisque lcriture autobiographique, est une criture rgie par

    un pacte rfrentiel , et dont lauthenticit et la vracit sont une

    condition incontournable. Il serait donc ncessaire dexplorer le rapport

    dans notre uvre.

    Lautobiographie saffirme un genre du prsent flexible,

    insaisissable. Elle ne copie pas, elle recre tout limage dune fidlit

    secrte. Notons que les critures la premires personnes, dans leur

    ensemble, sont fonction de la conception que leur poque se fait de

    notions aussi diffrentes et pourtant aussi proches que lindividu, la

    personnalit, le caractre, les rapports de lintimit la vie publique, la

    conscience, lintrospection ou encore lexprience.

    101

    Analyse textuelle dun conte dE. Poe , paru dans louvrage Collectif Smiotique narratif

    et textuel, Paris, Larousse, 1974, p. 34.

  • 58

    Lcriture chez la femme est certainement se mettre nue ,

    elle dvoile tout, sans tabous. Ainsi, dans, Fritna, le but de lcriture

    autobiographique est laffirmation de lexistence de moi 102

    pour

    reprendre lexpression de Georges Gusdorf ; lexistence mme dune

    autobiographie. Cest une criture qui na de raison que par cette

    affirmation dune identit entre auteur, narrateur et personnage 103

    .

    Gisle Halimi tablit-elle dans son uvre un quelconque pacte

    autobiographique ? Nous pouvons considrer que lautobiographie est

    rfrentielle dans la mesure o elle affirme lidentit entre lauteur, le

    narrateur et le personnage. Ainsi, le personnage principal Gisle porte un

    nom semblable celui de lauteure. La narratrice dans cette

    autobiographie est connue, cette identification nous permet en tant que

    lecteur de voir clairement les rapports dans cette uvre, de sapprocher de

    plus prs et surtout de faire confiance lauteure de ce rcit, do lutilit

    du pacte autobiographique introduit qui limine ainsi toute ambigut.

    Gisle narratrice raconte des scnes de son enfance et des

    souvenirs quelle garde de ce paradis perdu plein de manque. Dans cette

    perspective, scrire enfant serait donc, aussi, se raconter crivain, ou

    crivant . Dans cette enfance singulire dans laquelle elle serait

    mme galement de retrouver des fragments de sa propre mmoire,

    102

    GUSDORF Georges, Les critures du moi : lignes de vie, op.cit., p.26. 103

    DIDIER Batrice, Lcriture femme , op.cit., pp.58-59.

  • 59

    lauteure retrouve aussi les germes de ce quelle est devenue. Les

    reprsentations autobiographiques de lenfance sont donc doubles en tant

    quelles vhiculent la fois un portrait de lenfance telle quelle fut avec

    ses tapes, ses impressions et ses sensations et telle quelle donne dj

    voir les signes dune facult cratrice104

    .

    Lcriture autobiographique est contractuelle dans la mesure o

    elle atteste, dans le rcit cette identit par un pacte avec le lecteur, ainsi

    orient dans son mode de lecture, afin dviter le doute de la crdibilit du

    discours dautorit, do quil vienne. De ce fait, le je dans Fritna est

    rel, cest--dire attest par ltat civil, puisque il renvoie au nom de

    lauteur et de la narratrice Gisle , cette identit garantit le pacte.

    Le pacte autobiographique continu ainsi se manifester tout au

    long du rcit ; ce dernier consacr la vie de la narratrice, un pacte

    ncessaire car ce manque de lamour dune mre, a dfinitivement, altr

    lidentit de la narratrice. Lcrivaine est submerge par son criture, son

    acte consiste tenter de saisir linsaisissable ; elle sait que lcriture seule

    peut la mener sur cette voie. Ecrire cest aller au devant de limpossible

    en le rvlant,