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É D I T O R I A L

L'ÉCRIT D'ANGKORUne publication de AAJ (Asie Aide à la Jeunesse)8, rue Teste - 93420 VILLEPINTEEmail : [email protected] Tél. : 06 03 62 06 21 (Prasnar)édition trimestrielleAbonnement annuel : 15 eurosVeuillez libeller votre chèque à l'ordre de AAJN° ISSN en cours

RemerciementsLe comité de rédaction composé de Borane Huy, Socrate Lao, Monica Lim, Hisham

Mousar, Joty Mousar, Sovattha Nhem, Sophoat Ngau, Thaséda Ou, Sovichea Vanny,Borin Vorng, Prasnar Yi souhaite sincèrement remercier :

Fodel Berrichi pour la relecture et la correction des articles, Thearron Sieng You pour ledesign et le graphisme, et Thierry By pour la coordination artistique.

Nous tenons également à remercier les personnes suivantes pour leur participation à larédaction des articles dans ce quatrième numéro :

Chetra Chea, Mlle R. Ly, Nicolas Meas, Marion Rigaux et Brigitte TaveauUn profond remerciement à Josiane Legrand pour nous avoir permis d�utiliser une de

ses magnifiques aquarelles pour la couverture de ce numéro.

S o m m a i r eÉdito 2Culture4Apsaras, danseuses célestes 3Li t térature4Entretien avec Khing Hoc Dy,spécialiste de la littérature khmère 4

Conférence4Seconde conférence

intergouvernementale sur la sauvegardeet le développement d�Angkor 6

Conte Khmer4La légende des collines 8Poême Khmer4La fortune au détriment de la liberté 9Communauté4Fen�X, les arts martiaux artistiques 10Témoignage4Un an au pays du sourire 11Zoom4Rathana, un jeune artiste peintre 124Construire les futures générations

du Cambodge 13DOSSIER4La restauration artistique toujours

et encore... 144La communauté artistique khmère

en France, entre idéal d�hier etd�aujourd�hui 15

4La culture mais pourquoi ? 164A la croisée des écoles de danse

artistique 17Repères4Faune et flore du Cambodge

en danger 1850 ans d � indépendance4De l�oasis de paix aux tourmentes

de la guerre (1955-1970, les annéesdu Sangkum) 20

En bref 24Lecture4Apocalypse khmer 25Educat i f4Introduction à l�alphabet khmer 26Cuis ine4La recette du �Creung� 27Annonces 28

Compléments d � infor mationL�association Fondation pour le Transfert des Technologies (FETT) nous a demandé d�ap-porter le complément d�information suivant suite à notre article paru dans le numéro 3 -Novembre 2003 :Site web de l�association : http://groups.msn.com/laFETTAdresse e-mail : [email protected] : Olivier TAING, Président de la FETT, Responsable de projets informatiquesd�ADMAHC (http://admahc.free.fr), Maître d��uvre et d�ouvrage de la Faculté de MédecineVirtuelle de Phnom PenhAdresse : 1 montée de la boucle, 69300 Caluire et Cuire, FranceTéléphone : 06 16 94 36 23

Entre expérience et espoirTout d'abord, je tiens à souhaiter au nom de toute l'équipe rédac-tionnelle de L'Ecrit d'Angkor, une merveilleuse année à tous nos lecteurset lectrices, ainsi qu'à tou(te)s nos ami(e)s. Que cette année soit aussibelle voire meilleure que 2003. "Qu'importent les trésors ! Plutôt qu'ar-gent entasser, mieux vaut amis posséder" telles étaient les paroles deNicolaï Gogol, et tel est l'état d'esprit avec lequel a été enfanté votrecher magazine. Et ce sont ces paroles qui nous poussent à améliorersans cesse l�EDA afin que notre plaisir d'écrire soit aussi votre plaisir delire. Pour commencer cette année 2004 du bon pied, il me parait impor-tant au préalable de mettre en avant les initiatives créatrices qui affir-ment l�espoir de renouveau d�une culture cambodgienne, qui avanceindéniablement, et qui ne cesse de prendre des couleurs; elles sont lessignes évidents d�une culture vivante et vigoureuse. L�enthousiasme etle mordant du groupe "Les FenX", de même que l'inspiration et la créa-tivité du jeune peintre Rathana en sont une belle illustration.La culture est donc le maître mot de ce numéro de l�EDA... Vousconstaterez de vous même que la moisson a été excellente! Vous par-tirez, par exemple, à la découverte de la littérature khmère, accompa-gnés de l�avis éclairé du professeur Khing Hoc Dy, spécialiste dans cedomaine. Ensuite, vous plongerez en profondeur dans le monde desassociations culturelles et artistiques: "pourquoi, pour qui, avec qui etvers où"; même les plus sceptiques d�entre vous ne résisteront à l�ap-pel, tant il est vrai qu'il est difficile de rester insensible à la danse denos gracieuses et splendides Apsaras. L'actualité, quant à elle, n�est pas en reste. Toujour orientée versde notre cher pays, nous vous proposons de suivre la seconde confé-rence intergouvernementale portant sur le temple d'Angkor, et de conti-nuer, dans un second volet, notre survol de "50 ans d'indépendancepour le Cambodge".Pour finir, j'aimerais revenir sur le titre de l�édito, révélateur de monoptimisme quant à l'avenir de notre culture, et dont les racines sontissues de l'expérience de nos aînés. Elle sont riches de plusieurs millé-naires d�une tradition khmère qui s'étendra vers les cieux grâce à lavolonté et l'espoir de la jeunesse de prendre le relais. Le XXIème sièclesera sans conteste une période décisive dans la détermination de notreexistence en tant que Khmer.

Joty MOUSAR

L�ÉCRIT D�ANGKOR N°4 - FEVRIER 2004

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C U LT U R E

IImmortalisées dans les bas-reliefs destemples d'Angkor, ces danseuses céles-tes - mi-humaines et mi-divines, inter-médiaires entre les dieux, le roi et le peuple- que sont les Apsaras, reflètent l'apanagede la culture khmère. Il y a déjà de cela plusd'un millénaire que naquit cette tradition dedanses classiques royales dans les fabuleuxtemples d'Angkor qui, à l'époque, était unrituel destiné à communiquer avec lesdieux, à les divertir. La reine des Apsarasaccompagnée de ses suivantes est descen-due du paradis d'Indra et a exécuté unedanse pure pour le seul plaisir des yeux deshumains.Selon une légende, le mariage d'unermite indien, Kampu, avec une danseuseApsara, Mera, a été nommé Kampumera,qui est devenu le Cambodge. Les enfants decette union étaient les Khmers.Historique

Le plus ancien texte khmer mention-nant des danseuses est, semble-t-il, uneinscription du VIe ou VIIe siècle. A l'apo-gée d'Angkor, au XIIe siècle, elles serontdes milliers attachées aux grands temples etau palais du roi. De 500 danseuses à l'époque d'AngDuong (1796-1859), souverain poète etprotecteur des arts, la troupe royale passa àun nombre amenuisé d'une cinquantaine deballerines au début du XXe siècle. Celan'empêcha pourtant pas ces déesses d'inspi-rer bien des gens, notamment AugusteRodin qui fut subjugué lors de l'été 1906par leur beauté et laissa une série de dessinsaffirmant la grandeur et la splendeur du bal-let royal khmer.Fort heureusement cet art divin estdéfendu et sauvé par la reine Kossamak,mère du roi Sihanouk qui, après 35 annéesd'efforts, lui a rendu tout son éclat. Dans lesannées 50, la princesse Bopha Devi, fille duroi Sihanouk, donna vie aux danseusescélestes, figées dans les pierres, en créant ladanse des Apsaras.Malgré les années rouges de Pol Pot,grâce à quelques danseuses survivantes decette période de terreur, l'université desBeaux Arts fut ouverte en 1981. Elles ontpu ainsi perpétuer l'essentiel de la grandetradition chorégraphique khmère.

Un apprentissage draconienTraditionnellement, les danseuses sontformées dès leur plus jeune âge (huit ans),et c'est avec une concentration extraordinai-re que ces petites fleurs étudient les mouve-ments lents et minutieusement codifiés dela danse classique khmère : les doigtsrecourbés, la taille cambrée, l'orteil redres-sé, positions des mains, pas et postures ducorps, tout doit être répété des centaines defois pour atteindre la perfection.Dix longues et laborieuses années d'ap-prentissage vont éprouver la morphologiedes danseuses qui doivent littéralement se

plier aux contraintes de la danse, et cela touten sachant que rien ne laisse supposer qu'el-les deviendront à leur tour, le maillon de latradition.Je me rappelle de ma visite à l'école desBeaux Arts, où l'on peut admirer ces petitesdanseuses qui s'entraînent et enchaînent lespostures sous l'�il attentif des "neak krou"(maîtresses). Un entraînement en groupe,puis chacune des danseuses peaufinent sonpropre personnage, donc son propre Kbach.Les déplacements des rôles féminins res-tent délicats et gracieux tandis que les rôlesmasculins, des géants et des singes devien-nent plus amples�Costumes célestes

Chaque rôle, se différencie par uncostume, une coiffure, des bijoux et parfois

Les Apsaras, danseuses célestesDe la magnificence de la civilisation angkorienne, les Apsaras sont le reflet vivant que nos ancê-tres nous ont laissé, et bien plus qu'un bas-relief, c'est celui de la danse classique khmère. Figéesdans les pierres, elles ont dansé pour les dieux, renaissant dans les beautés khmères, les danseu-ses célestes éblouissent nos yeux par leurs mouvements gracieux et lents à faire arrêter le temps.

un masque. Les costumes, "des étoffes"pliés, drapés et cousus à même le corps setransforment en parure somptueuse. Lescostumes des personnages masculins sontportés de la manière d'un sampot, drapé enculotte bouffante, alors que les personnagesféminins le revêtent à la façon d'un sarong.A tout cela viennent s'ajouter un ou deuxkilogrammes d'ornements, de bijoux etpierres précieuses. Tous ces préparatifs sonttrès longs et durent en moyenne 3 heures.Le gestuel, un véritable langage

Une longue initiation est nécessairepour suivre parfaitement le déroulementd'une légende interprétée par les danseuseskhmères. Chaque geste a sa propre signifi-cation, elle-même modifiée par les gestesqui suivent ou qui précèdent, ainsi que parles circonstances dans lesquelles il est exé-cuté. Telle pose de la tête, des bras, des jam-bes a sa désignation que vient compléter,atténuer ou nuancer telle autre pose, telregard, voire une imperceptible contractiondes sourcils.Malgré une codification rigoureuse, cesdanses constituent un véritable langage ges-tuel d'environ 4500 mots et expressionsavec son vocabulaire, sa grammaire et sasyntaxe."La danseuse khmère est une actrice,une mime. Elle représente un personnagede légende. Elle exprime les sentiments etreprésente les actions que chante le ch�ur.Chaque phrase des chanteuses sollicite ungeste ou détermine une attitude de la dan-seuse, toujours muette. Ces attitudes, cesgestes sont rituels, uniques et se sont trans-mis de génération en génération sans qu'ilen existe une didactique, un modèle écrit etprécis.""Ces gestes aboutissent généralement àune attitude précise, marquée l'espace d'untemps, que le rythme soit lent ou précipité,et abandonnée après être restée juste letemps qu'on la perçoive, qu'on l'admire etqu'on la regrette." (George Groslier)La danse classique khmère est une invi-tation au voyage, à la paix, à l'harmonie etoffre pour vos yeux une inoubliable note depoésie et de féerie.Brigitte TAVEAU

Grâce, harmonie et beauté

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L I T T E R AT U R EEntretien avec Khing Hoc Dy, spécialiste de lalittérature khmèreA l'occasion des parutions, au Cambodge, de ses deux derniers ouvrages, en cambodgien, sur lalittérature khmère du XIXème et du XXème siècle, nous avons rencontré KHING Hoc Dy, ancienprofesseur, actuellement chercheur au CNRS, qui a consacré sa carrière à la littérature khmère.Le Cambodge est souvent représen-té par les temples d'Angkor, quisymbolisent l'art khmer par excel-lence ; mais la connaissance que l'onpeut avoir de la culture et de la sociétékhmères passe également par l'étude desa littérature. Si l'on accepte l'idée que lalittérature est le miroir d'une société,alors l'étude de la littérature khmère, encomplément d'autres matières telle quel'Histoire, apparaît nécessaire pour unemeilleure compréhension de la sociétécambodgienne.KHING Hoc Dy, passionné de lit-térature khmère

Né à Kompong Thom, au Cambodge,en 1945, KHING Hoc Dy, obtient lediplôme de l'Ecole Normale Supérieurede Phnom-Penh puis une Licence deLettres. Il enseigne la littérature khmèreà l'université de Phnom-Penh de 1967 à1971, date à laquelle il obtient une bour-se et se rend à Paris, emportant avec luiles documents qu'il a pu collecter auxarchives de l'Institut Bouddhique dePhnom-Penh, pour préparer sa thèse dedoctorat de 3ème cycle qu'il soutient en1974. L'arrivée au pouvoir des khmersrouges l'empêche de retourner auCambodge et il reste en France où, de1975 à 1985, il travaille à la sectiond'ethnomusicologie du Musée del'Homme. Parallèlement il continue sesrecherches grâce aux textes cambod-giens détenus par les Français, et dirigela revue "Seksa khmer", éditée par leCEDOREK, le centre de documentationet de recherche sur la civilisation khmè-re. Il intègre ensuite le CNRS, CentreNational de la Recherche Scientifique,ce qui lui permet de se consacrer entière-ment à sa passion et à son doctorat d'étatqu'il obtient en 1993. Soucieux de sauve-garder et de faire connaître la littératurekhmère, il publie de nombreux articles etouvrages, tantôt en français, tantôt enkhmer. Il enseigne également la littératu-re khmère à l'INALCO, Institut Nationaldes Langues et Civilisations Orientalesmais reconnaît que l'étude de cettematière n'est pas aisée. Selon lui, les jeu-

Le professeur Khing Hoc Dynes Cambodgiens de France qui souhai-tent avoir accès à la littérature khmèredoivent d'abord faire le pas de venirapprendre leur langue maternelle et nedoivent pas se décourager. Savoir lire etcomprendre une bonne partie des textesleur permettra ensuite d'étudier la littéra-ture khmère, en commençant par la lec-ture de la littérature moderne, plusaccessible, pour ensuite remonter dans letemps.De la littérature ancienne à la lit-térature moderne

L'histoire de la littérature khmèrepeut se diviser en trois grandes périodes :les ères pré-angkorienne et angkorienne(du VIIème jusqu'à la fin du XIVèmesiècle de l'ère chrétienne), l'époquemoyenne (du XVème au XIXème siècle)et la période contemporaine (de la fin duXIXème siècle à nos jours).La littérature ancienne est essentiel-lement constituée de textes gravés dansla pierre, appelés textes épigraphiques.Ces inscriptions, souvent en sanskrit,sont précieuses puisqu'elles ont permisde reconstituer l'histoire du pays auxépoques pré-angkorienne et angkorien-

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ne. De nombreuses études ont été consa-crées à l'épigraphie, notamment de lapart de George Coèdes.En revanche, peu d'intérêt a été portéau reste de la littérature ; KHING HocDy oriente alors ses recherches sur la lit-térature de l'époque moyenne, dite "clas-sique", qui constitue la partie la plusimportante de la littérature khmère. Lessupports majoritairement utilisés à cettepériode sont les feuilles de latanier (oupalmes) et le papier traditionnel, fabri-qué à partir de l'écorce des mûriers. Lalittérature classique comporte des textestrès variés que l'on peut classer en deuxgrands ensembles : la littérature sacrée etla littérature de divertissement. La pre-mière catégorie comprend les textes reli-gieux, et notamment les jataka, récits desvies antérieures du Bouddha. Elle englo-be également les chroniques royales duCambodge, écrits historiques qui décri-vent le pays ; ou encore les textes dits"techniques", comme les textes juri-diques, les recueils de coutumes. Enfin,on peut classer parmi la littérature sacréeles textes éthiques qui énoncent desenseignements moraux, tels que les pro-verbes, dictons et maximes. La littératu-re de divertissement comprend elle aussides textes très divers. On classe dans cetensemble la littérature transmise orale-ment qui a ensuite été écrite. Il s'agit descontes et légendes, des devinettes, deschansons. Les contes et légendes cam-bodgiens sont très nombreux, et l'un desplus populaires est le conte du Juge lièv-re. Cette matière a fait l'objet de diversesétudes permettant de les classer, et l'unedes spécialistes de ce sujet est SolangeThierry. A côté de cette littérature popu-laire, on trouve également une littératureplus savante qui comprend les épopées,dont la plus célèbre est le Ramakerti,Ramayana cambodgien ; et les romansclassiques en vers. Les �uvres roma-nesques classiques ont fait l'objet de peud'études, en partie parce qu'il s'agit detextes longs et relativement difficiles àlire du fait de l'emploi de termes issus dusanskrit ou du pali. Il n'en demeure pasmoins que ces romans en vers, dont les

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5L I T T E R AT U R E

Nous citons ici quelques éléments biblio-graphiques de KHING Hoc Dy ; vouspourrez trouver l'ensemble de ses ouvra-ges et articles sur http://aefek.free.fr/tra-vaux/index.htmlOuvrages- Contes et légendes du pays khmer,Conseil International de la langue françai-se, Paris, 1989- Contribution à l'histoire de la littéra-ture khmère, volume 1 : L'époque"classique" (XVe-XIXe siècles), Khing Hoc Dy, L'Harmattan, Paris, 1991- Contribution à l'histoire de la littéra-ture khmère, volume 2 : Ecrivains etexpressions littéraires du Cambodge auXXe siècle, Khing Hoc Dy, L'Harmattan, Paris, 1993- Un épisode du Ramayana khmer,Rama endormi par les maléfices de VaiyRabn, Khing Hoc Dy, L'Harmattan, Paris, 1995- Aperçu général sur la littératurekhmère (en cambodgien), Khing Hoc Dy, L'Harmattan, Paris 1997- Anthologie de la littérature khmère du19ème siècle (en cambodgien), Khing Hoc Dy, Pannakear Angkor, Phnom Penh, 2003- Anthologie de la littérature khmère du20e siècle (en cambodgien), Khing Hoc Dy, Pannakear Angkor, Phnom Penh, 2004Articles- "Quelques témoignages et expériencesde recherches sur la littérature d'ex-pression orale et écrite au Cambodge",Objets et Mondes (Paris), t. 23, fasc. 3-4,1983 : 111-116.- "La poésie cambodgienne de languekhmère et de langue française", Lettreset Cultures de langue française (Paris),VIII, n° 4, 1985 : 3-12.- "Le développement économique et latransformation littéraire dans leCambodge moderne", Journal del'Association des Médecins du Vietnam(Paris), n° 42, 1998 : 16-17.

thèmes s'inspirent largement du boud-dhisme, représentent une part importantede la littérature khmère.Avec l'arrivée des Français, devenusprotecteurs en 1863, et le développementde l'imprimerie, la littérature se transfor-me peu à peu. On voit apparaître de nou-veaux genres littéraires, et notamment leroman moderne, exclusivement écrit enprose, et non plus en vers comme à l'é-poque précédente. Rim Kin est l'auteurdu premier roman moderne, intitulé"Suphat", publié en 1942, qui eut ungrand succès. Parmi les écrivainscontemporains connus, nous pouvonségalement citer Biv Chhay Leang, auteurde nombreux romans, dont "LesBracelets jumelés", adapté au cinéma. Sile thème prédominant des romans de lalittérature contemporaine est l'amour, onrecense également des romans d'aventu-re et de mystère, des romans historiques,policiers ou encore politiques. A partirdes années 1960, d'autres genres littérai-res apparaissent, tels les romans photo,bandes dessinées, les essais et études oules poèmes modernes.

Perspectives pour la littératurekhmère

La période khmère rouge, avec ladestruction du patrimoine littéraire et l�é-limination de nombreux écrivains, a étédésastreuse pour lalittérature khmère.De 1975 à 1979,aucune �uvre n'estpubliée, mis à part lespoèmes et articles depropagande. S'il exis-te à l'heure actuelledes auteurs cambod-giens, ils sontconfrontés, commetoute la population,aux difficultés aux-quelles doit faire face le pays et ne peu-vent vivre de leur seule écriture. Parailleurs, du fait de la concurrence de l'au-diovisuel, le nombre de lecteurs est rela-tivement faible ; il est en effet plus diffi-cile de lire que de regarder et écouter.KHING Hoc Dy soutient qu'il faut toute-fois éduquer la population et relancer lalecture. C'est la raison pour laquelle,après avoir publié de nombreux articleset ouvrages sur la littérature khmère,souvent en langue française, parfois enanglais et en cambodgien, il souhaiteaujourd'hui se consacrer plus particuliè-rement au public cambodgien. Ses

B I B L I O G R A P H I E

ouvrages, "Anthologie de la littératurekhmère du XIXème siècle" (311 pages) et"Anthologie de la littérature khmère duXXème siècle" (667 pages), publiés enkhmer, ont pour objet de faire découvriraux Cambodgiens leur littérature. Il yprésente des extraits choisis de textes,sans apporter de jugement de valeur, eten mentionnant la biographie de l'auteurlorsque celle-ci a puêtre reconstituée. Après les XIXèmeet XXème siècles,KHING Hoc Dy projet-te de publier des textesdu XVIIIème siècle.Nous espérons queson travail trouveraécho auprès du publicet que les autorités etles responsables cam-bodgiens auront cette même volonté defaire perdurer la littérature khmère afinque notre culture ne soit pas, à terme,évincée par celle de nos voisins.

Monica LIM

Anthologie de la littérature khmère duXIXème siècle

S' i l ex iste à l 'heureactuel le des auteurscambodgiens, i ls sontconfrontés, commetoute la populat ion,aux d i f f icu l tés aux-quel les doi t fa i re facele pays et ne peuventvivre de leur seuleécr i ture.

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6 C O N F E R E N C E

Les 14 et 15 novembre 2003 ont eulieu, à Paris, la seconde ConférenceIntergouvernementale sur la sauve-garde et le développement d'Angkor auCentre de Conférences internationales deParis. Organisé par la France et le Japon,avec le concours de l'UNESCO, cet événe-ment a été inauguré par le ministre desAffaires étrangères, M. Dominique deVillepin, et par M. Ichiro Aisawa, sonhomologue japonais, vice ministre, en pré-sence d'une très importante délégation cam-bodgienne, conduite par Son AltesseRoyale la Princesse Norodom BupphaDevi, ministre de la culture du Cambodge,le ministre d'état S.E. Vann Molyvann - l'in-venteur et le principal moteur de ce pro-gramme international -, et les représentantsde l'Autorité pour la Protection du Site etl'Aménagement de la Région d'Angkor(APSARA), qui est en charge, depuis 1995,de la gestion du site.Tout au long des deux journées, desréunions de travail des commissions tech-niques ad-hoc et des séances plénières sesont déroulées sous la présidence de M.Jean-Jacques Aillagon, ministre de la cultu-re et de la communication, avec la partici-pation de nombreux officiels, d'éminentsexperts sur le développement, de spécialis-tes et de chercheurs, de représentants d'ins-tances financières mondiales (Banquemondiale, FMI, BAD, �) et d'organisa-tions non-gouvernementales, tous, associésà ce dispositif de coopération internationalepour la sauvegarde et la mise en valeur dusite d'Angkor. Co-présidée par la France etle Japon depuis octobre 1993, en coopéra-tion étroite avec l'UNESCO, cette instancecompte aujourd'hui plus de vingt étatsmembres, dont l'Inde impliquée dans la res-tauration du site dans les années 80, durantle régime de l'Etat du Cambodge, qui fait unretour remarqué et salué par tous.Déclaration de Paris du 15 novem-bre 2003

Cette conférence a pour vocation,conformément aux objectifs fixés par lapremière, celle tenue à Tokyo en 1993, dedresser le bilan de dix ans d'activités enmatière de formation, de recherche, de pro-tection du patrimoine et de mise en valeurdu site d'Angkor. Elle permet par ailleurs

d'élaborer un plan d'action pour la décennie2003-2013 et portera une attention particu-lière aux perspectives de développementdurable de la région. Al'issue de celle-ci, lespays et les instances internationales, mem-bres de ce dispositif ont confirmé leursengagements à travers le texte de laDéclaration de Paris du 15 novembre 2003qui stipule en substance les grandes lignessuivantes :4 la volonté de poursuivre la coopérationinternationale dans le cadre du ComitéInternational de coordination pour la sauve-garde et le développement du site d'Angkoren renforçant le rôle de l'Autorité APSARAau sein de ce mécanisme et en préservantl'approche intégrée et pluridisciplinaire ;4 le souhait de voir élaborer un documentprécisant l'éthique et la pratique de laconservation (conservation, mise en valeuret développement), dont les principes doi-vent se conformer à encourager un touris-me solidaire et durable dans la zone deSiem Reap/Angkor, qui puisse devenir unoutil véritable de lutte contre la pauvreté ;4 l'importance d'associer les populationslocales à la promotion de cette politique,afin de mettre en valeur la diversité de leursressources culturelles, et leur faciliter l'ac-cès d'une part à l'éducation et à la forma-tion, d'autre part à l'emploi et à la vie cultu-relle ;4 la nécessité de transférer le savoir-faireentre les experts internationaux et leurshomologues cambodgiens et de contribuer

à la promotion de la formation universitaireet de la recherche ;4 la mise en commun des connaissances etinformations relatives à Angkor par un sou-tien actif et permanent au Centre internatio-nal de documentation pour Angkor (APSA-RA/UNESCO) où tous les intervenantssont encouragés à y déposer régulièrementles documents relatifs à leurs travaux pas-sés et en cours ;4 la mise en sécurité du site d'Angkor tantau niveau du déminage que de la lutte cont-re le pillage archéologique.Enfin, tous les membres ont convenu dela tenue d'une troisième conférence, entemps opportun, afin d'examiner les progrèsréalisés et de débattre de la nécessité denouvelles actions. Cette Conférence pour-rait alors se tenir au Cambodge.Un hommage particulier à l'EFEO

Cette réunion a été l'occasion pour tousles participants de rendre hommage à l'im-mense travail accompli depuis plus d'unsiècle au travers de l'Ecole Françaised'Extrême-Orient (EFEO), précurseur dansle domaine de l'étude et de la préservationdu site d'Angkor.La conférence a pris fin le samedi 15novembre 2003, à 16h30, sous les auspicesde M. Pierre-André Wiltzer, ministre délé-gué à la coopération et à la francophonie.Nicolas MEAS

Seconde Conférence Intergouvernementalesur la sauvegarde et le développement

durable d'Angkor et de sa régionParis, 14 - 15 novembre 2003

Son Altesse Royale Buppha Devi, Ministre de la culture du Cambodge, M. de Villepin etM. Ichiro Aisawa, vice ministre japonais des Affaires étrangères © F. de la Mure

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L�ÉCRIT D�ANGKOR N°4 - FEVRIER 2004

C O N F E R E N C E

Bilan de la décennie de sauvegarde(1993 - 2003)Moins d'un an après l'inscription du site sur la Liste du patri-moine mondial, la première Conférence intergouvernementale surAngkor, organisée à Tokyo, les 12 et 13 octobre 1993, a véritable-ment lancé le programme international en faveur du site éco-histo-rique d'Angkor. Le Gouvernement Royal du Cambodge et la com-munauté internationale s'étaient alors fixés trois objectifs majeurs :

Mobiliser la communauté internationaleA l�instar des grandes campagnes internationales de sauvegar-de des monuments de Nubie (1960), de Venise(1966), de Borobudur (1972) et de Carthage(1972), la mobilisation de la communautéinternationale pour Angkor a réuni plus d'unevingtaine de pays, organisations internationa-les et partenaires privés qui contribuent finan-cièrement à la sauvegarde et au développe-ment du site, pour un montant total de 5millions de dollar US par an en moyenne, avecmaintenant dix ans d�activités.Remplir cinq conditions posées par le Comité duPatrimoine MondialLa première condition porte sur la création du Comité interna-tional de Coordination pour la sauvegarde et le développement dusite historique d'Angkor (CIC), véritable instance politique où siè-gent les représentants des pays et organisations membres. Sonsecrétariat était assuré par l'UNESCO. Deux autres conditions ont été remplies grâce à l'adoption, le28 mai 1994, du Décret Royal sur le zonage de la région de SiemReap / Angkor qui instaure son découpage en cinq niveaux de pro-tection.Le 19 février 1995, le Gouvernement Royal du Cambodgeremplit la quatrième condition, en créant par décret, un établisse-ment public national chargé de la gestion du site : l'Autorité pour laProtection du Site et l'Aménagement de la Région d'Angkor, mieuxconnu sous le nom d'Autorité APSARA.La dernière des cinq conditions a été remplie le 25 janvier1996, avec la promulgation de la loi sur la protection du patrimoi-ne culturel national, élaborée avec le soutien de l'UNESCO, et dontle décret d'application est entré en vigueur le 18 septembre 2002.Mettre en oeuvre un plan de sauvegardeUn plan quinquennal est présenté par les autorités cambodgien-nes lors de la première réunion du CIC, les 22 et 23 décembre1993. Ce plan adopte une approche résolument transdisciplinaire,au service d'un développement durable de la Région de Siem Reap/ Angkor, dans le respect du site et de son environnement local. Ildonne une vision originale du site d�Angkor devant à la fois êtreperçu comme :- Un site culturel majeur, comptant une quarantaine de monumentsprincipaux et des centaines de sites archéologiques ;- Un espace naturel exceptionnel, de 40.000 hectares, fait de riviè-res, de forêts et de rizières ;- Un lieu de vie, avec la présence de plusieurs dizaines de milliersd'habitants, installés dans les différents villages répartis sur l'en-semble du site.Huit secteurs d'intervention sont proposés par les autoritéscambodgiennes qui constituent, depuis 10 ans, la trame de l'ensem-ble du programme international d'Angkor.

Bilan et perspectives sur la conservationd�Angkor et de sa région

Perspectives de développement durable(2003 - 2013)Angkor constitue pour le Cambodge un atout culturel et patri-monial exceptionnel à mettre au service du développement écono-mique et social du pays. La richesse du site archéologique susciteà elle seule l'intérêt des visiteurs nationaux comme internationaux.Sa fréquentation est ainsi passée de 90.000 visiteurs internationauxen 1996 à 320.000 en 2002, le nombre de visiteurs cambodgiensétant évalué en 2004 à près de 300.000 personnes.

La maîtrise du tourisme culturelLe développement d'un tourisme culturelmaîtrisé dans la région de Siem Reap / Angkorest devenu un enjeu national qui suppose l'im-plication et la formation des populations loca-les dans les activités génératrices de revenusmais aussi la mise en place de procédures équi-tables de répartitions des retombées financièresdu tourisme afin d'améliorer leurs conditionsde vie. L'objectif de cette politique touristiqueréclame de la région qu�elle devienne une des-tination de �séjour haut de gamme�, choisiepar les visiteurs pour la qualité et la diversité de son offre touris-tique et culturelle, mais aussi pour la facilité de son accès aérien. Ils'agit de favoriser l'allongement de la durée moyenne de séjour endonnant aux visiteurs le goût et l'envie de découvrir les multiplesattraits de la région, et de générer une activité économique accruepour créer, à terme, 50.000 emplois. Il s'agit aussi d'utiliser la noto-riété d'Angkor, pour ouvrir, dans le cadre d'une politique d'aména-gement du territoire, l'ensemble des richesses du pays au dévelop-pement touristique.Aménagement des �Portes d�Angkor�Dans cette perspective, l'aménagement des "Portes d'Angkor",espace de transition vers le site archéologique, sera un facteur fortde développement du tourisme en apportant les services d'accueilet d'information qui aujourd'hui font défaut. Il pourra aussi, par deséquipements adaptés, attirer progressivement de nouveaux seg-ments de marché touristique, générateurs de ressources nouvelles,notamment pendant la basse saison du tourisme traditionnel. Lerôle de l'Autorité APSARA sera, à cet égard, décisif.Aménagement de l�environnement urbain et régio-nal de Siem ReapLe développement d'un tourisme de qualité à Angkor doit êtreindissociable d'une amélioration durable de l'environnement urbainà Siem Reap, de plus en plus menacé par l'augmentation des fluxde visiteurs et des populations. Son patrimoine propre, architectu-ral et naturel, nécessite, en priorité, une mise en valeur à la hauteurdes attentes des visiteurs et des besoins des habitants, notammentles plus défavorisés.Les autorités municipales et provinciales de Siem Reap aurontlà un rôle privilégié à jouer. Car cette politique de valorisation tou-ristique, culturelle et environnementale doit être mise en �uvre àl'échelle de la région tout entière et, à terme, du pays dans sonensemble.

Ce article a été élaboré à partir des documents présentés lors de laSeconde conférence intergouvernementale sur la conservation d�Angkor

et de sa région, à Paris, le 14 et 15 novembre 2004.

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8 C O N T E K H M E R

Comme dans toutes les civilisa-tions, la civilisation cambodgien-ne possède elle aussi sa littératurepopulaire. Celle-ci se présente sousforme de contes, de légendes, de prover-bes... qui sont transmis de génération engénération dans les villages khmers. "Lacolline des hommes et la colline des fem-mes" est une des petites histoires que1'on peut retrouver dans le recueil des"Contes et légendes du pays khmer",regroupant divers contes recueillis et tra-duits par Khing Hoc Dy.Ce conte est singulier en soi parcequ'il relate comment les relations entrehommes et femmes ont pu évoluer au grédes époques. Mettant ainsi en scène, unjeu empreint d'humour et de malice, oùle prix serait le droit d'être courtisé parles vaincus. Au delà de cet aspect cultu-rel, et comme tout conte qui se respecte,la morale reprend le dessus et rétablitl'ordre des choses, rendant ainsi, à cellesqui font tant pour inspirer les c�urs desRoméo, celles qui n'ont de cesse, de toutfaire pour rappeler aux valentins qu'êtreaimé est intemporel.R. Ly

Si nous faisons le voyage de PhnomPenh à Kompong Cham, en prenant laroute nationale 7 pour arriver à la bornekilométrique 116, et que l�on regarde aunord-est, à notre gauche, à une distanced'un kilomètre de la route nationale, nousvoyons deux collines qui se dressentcôte-à-côte. On remarque alors que cellede l�est est plus haute que celle del'ouest. La plus haute s'appelle PhnomSrei, "colline des femmes", et la moinshaute est dénommée Phnom Pros, "colli-ne des hommes".

La "colline des hommes et la colline des femmes"

d�après le recueil des "Contes et légendes du pays khmer", regroupant divers contes recueillis et traduits par Khing Hoc Dy

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TaMgGs´KñaxusehIy p,ayRBwkEmnETneTIbEtnwgrHesaH³ ehIynaMKñaRkeLkemIleTAPñMRsImanTMhMZMx¬s´CagPñMrbs´xøÜn k¾manesckIþeG[nGn´~gcitþedaycaj´klRsI> .taMgBIkalenaHmk Rbus>k¾dNþwgRsI> eZVICaPriyadrabdl´mksBVézá .

Les collines du Cambodge

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9P O Ê M E K H M E RVoici la légende concernant ces colli-nes :Il y a fort longtemps, une reine nom-mée Srei Ayuthyea régnait dans le Paysdes Khmers. Comme elle était souverai-ne régnante, personne n'osait la deman-der en mariage pour en faire son épouse.C'est donc elle qui demanda en mariageun bel homme qui lui plaisait. SuivantI'exemple de la reine Srei Ayuthyea quiavait choisi son époux, les femmes quiétaient sous son auguste autorité firent demême.Durant ce règne, il était pitoyable devoir certaines femmes qui, ayant un phy-sique désavantageux, demandaient leshommes en mariage ; ceux-ci les refu-saient. Ils acceptaient seulement de bel-les femmes à prendre comme épouses.Cela dura tout le règne de cette souverai-ne.Au cours du règne qui suivit, les fem-mes tinrent réunion et dirent :- A présent, c'est indigne pour nous,les femmes, d'aller demander les hom-mes en mariage. Pour cela, nous allonsprendre de la terre pour en élever descollines et nous proposerons un pari auxhommes : eux, avec de la terre, devrontélever une colline et nous, les filles,ferons de même. Parions ensemble.Si les hommes perdent, ceux-ci, àleur tour, devront nous demander, nous,les femmes, en mariage.Après avoir réfléchi à cela, elles allè-rent proposer aux hommes le projet depari comme il a été dit. On choisit deschefs de recrutement qui furent chargésd'aller quérir en grand nombre des parti-cipants et des participantes. De tous leshommes, il y eut un chef de recrutementqui alla rassembler les hommes, demême pour toutes les femmes. Des hom-mes et des femmes étant rassemblés ennombre suffisant, ils parlèrent entre eux:�Nous tous, nous devrons transporterde la terre jusqu'à 1'apparition de 1'étoiledu matin. Tant qu'elle ne se lèvera pas,nous ne devrons pas nous arrêter�.Ceci étant accepté, ils transportèrentde la terre en la mettant sur les épaulesou sur la tête selon la force de chacun.A un certain moment pendant la nuit,après trois ou quatre heures de travail,les femmes, plus intelligentes, hissèrentune petite lanterne, le plus haut possible,du côté nord-est de la colline. Les hom-mes, voyant cette lanterne que les fem-mes avaient hissée à l'aide d'un bambou,la prirent pour 1'étoile du matin. Ils ces-sèrent de travailler et s'endormirent toussans exception pendant que les femmes

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transportaient de la terre jusqu'au levéede la véritable étoile du matin.Au premier chant du coq, les hom-mes se réveillèrent, virent la véritableétoile du matin et s'exclamèrent :�Nous tous, nous avons commis uneerreur, la vraie étoile du matin vient deparaître!�.Puis ils jetèrent leur regard sur la col-line faite par les femmes, plus grande etplus haute que la leur. Ils se sentirenthumiliés car les femmes s�étaient jouéesd�eux.Depuis ce temps, et jusqu'à nos jours,ce sont les hommes qui demandent lesfemmes en mariage.

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C O M M U N AU T E

La Team Fen'X a été créée le 1er janvier 2003 par Jean-Paul, Jean-Michel et Shin Myong. Cette jeune équipedont l'âge des membres varie entre 16 et 22 ans est prin-cipalement axée sur un sport encore peu développé en France:le Martial Arts Tricks. Ce dernier est un mélange d'arts mar-tiaux, de gymnastique, et de toutes sortes de mouvements acro-batiques, provenant de sports extrêmes variés (tel quele snowboarding par exemple).L'équipe compte actuellement 11 memb-res provenant tous de divers sports et artsmartiaux tels que la capoeira, le taek-wondo, l'aïkido, le karaté, le breakdan-ce et la gymnastique.Les membres font, pour la plu-part, partie de la même famille, ousont des amis d'enfance très pro-ches. La team Fen�X forme avanttout, une bande d'amis, ce qui l'as-simile à une grande famille.Son projet serait de s'orientervers le cinéma, et pourquoi pas deve-nir des cascadeurs. La team s'est présentée lors d'unerencontre intercontinentale d'arts mar-tiaux artistiques : le NASC (National AllStars Cup), organisé par la teamC.A.S.C.A.D.E., le 07 Décembre 2003. Jean-Paul alui-même participé à cette compétition, dans la catégorieespoir français. Il est arrivé 4ème sur 17 compétiteurs. D'autresmembres de l'équipe se sont également illustrés lors de cettecompétition, Daren Nop a remporté une 3ème place contre desAméricains (pays fondateur du "Martial Arts Tricks"), dans lacatégorie moins de 17ans, et aussi Kao Tauboug, qui a effectuéune excellente prestation.La team Fen�X a aussi à ce jour tourné dans des clipsvidéos, assisté à des courts métrages notamment avec l'assis-tant de Luc Besson. Concernant Jean-Paul, il a pu s'illustrer au festival de Bercy2003, et au festival de la nuit des arts martiaux �Nice 2003�, àla Garden Party. Je me suis entretenu avec Jean-Paul, l'un des membres fon-dateurs de Fen�X.L�Ecrit d�Angkor. - Bonjour Jean-PaulJean-Paul. - Bonjour à EdA et aux lecteurs.EDA. - Actuellement peu connu par la communauté cam-bodgienne de France; lors de la soirée anniversaire LJK,t'attendais-tu à un tel enthousiasme de la part du public ?Jean-Paul - Nous ne nous attendions pas du tout à un telenthousiasme, cela nous a particulièrement touché. Et celanous a fait réellement plaisir.EDA. - Combien d'heures vous entraînez-vous par semaine ?Jean-Paul. - 4 heures par semaine.

EDA. - Depuis quand pratiques-tu cette forme d'arts mar-tiaux ?Jean-Paul. - Depuis 2 ans.EDA. - Quelles sont les idoles qui t'ont poussé à faire cela?Jean-Paul. - Chris Devera et Steve Terada !!

EDA. - Penses-tu que n'importe qui seraitcapable de pratiquer le MARTIAL ARTSTRICKS?Jean-Paul. - Oui bien sûr, la grandecondition c'est "LA PASSION" !! Maisil faut avoir néanmoins de bonnesbases en arts martiaux pour les pos-tures, les poings, les pieds.EDA. -Aimerais-tu un jour faireune représentation devant desenfants khmers au Cambodge ?Jean-Paul. - Nous le savons tous, lesport unit les nations et les peuples.Faire une représentation pour desenfants khmers serait bien sûr un hon-neur, et également une joie. Cela nous per-mettrait de montrer à notre communauténotre sport et les valeurs des arts martiaux

EDA. - J'ai pu assister à plusieurs de vos prestations, onpourrait penser que vous sortez d'un jeu vidéo, pensez vousavoir dépassé cela ?Jean-Paul. - Certains représentants de notre sport, arts mar-tiaux artistiques, ont largement dépassé ce qui se fait dans lesjeux vidéo de combat, et qu'il ne manque plus que les effetsspéciaux (ndlr). Nous avons participé à un concours deCOSPLAY (imiter nos personnages de dessins animés favoris),notre groupe a choisi d'imiter SOUL BLADE et nous sommesarrivés 1er.EDA. - Où pouvons-nous voir vos vidéos ou prestations ?Jean-Paul. - Il suffit d'aller sur Internet, sur notre sitehttp://www.fenx.tk dans la partie Galerie. EDA. - Je te remercie de ta sympathie et je te souhaite bonnechance pour la suite.Jean-Paul. - De rien, à la prochaine ^_^Ce qui m'a beaucoup plu chez eux, ce fut leur disponibilité etleur sympathie. On retrouve avant tout une solidarité et unecertaine harmonie dans le groupe... L'esprit des arts martiauxest vraiment présent, cela fait plaisir. La majorité des memb-res du groupe sont d'origine cambodgienne, et c'est la raisonpour laquelle nous les présentons dans ce numéro.

A suivre dans le numéro 5, un article sur la Boxe Khmèreavec Hey Poutan...Thearron SIENG-YOU

Certains lecteurs ignorent encore l'existence de ces jeunes motivés ayant créé eux-mêmes leurpropre équipe .Ceux qui ont eu la chance de les voir, notamment à la soirée LJK le 31 octobre

dernier, sont restés agréablement surpris.

La team , des arts martiaux artistiques

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11T E M O I G N A G E

Le Cambodge est le pays du sourire, cesourire si mystérieux que l'on ne sau-rait qualifier d'heureux ou de superfi-ciel, mais qui pourtant réchauffe le c�ur etaméliore la vie au quotidien. Ce pays m'atouchée, par sa simplicité, par son peuplemais aussi par ses difficultés.

Mon travail et Krousar ThmeyDe juillet 2002 à septembre 2003, j'aitravaillé en tant que volontaire au sein del'association Krousar Thmey. Krousar Thmey est une organisationcambodgienne d'aide à l'enfance défavori-sée. Elle intervient auprès des enfants desrues, orphelins, abandonnés, victimes detrafic, de violence� Elle propose égale-ment une éducation aux enfants sourds etaveugles. Des bureaux européens s'occu-pent de la recherche de fonds. KrousarThmey veille à impliquer dans ses activitésle gouvernement mais aussi les cambod-giens car elle emploie 220 personnes pourseulement 3 volontaires.J'étais chargée de la communication.Mon travail consistait à rédiger en françaiset en anglais des rapports d'activités sur lesprogrammes de l'association à destinationde nos donateurs. Afin de glaner des infor-mations sur nos centres d'accueil, je devaisme rendre sur place, réaliser des interviewset prendre des photos. C'était pour moi desmoments très intenses d'échanges avec lesenfants qui me dévoilaient leur vie. Jedécouvrais au fur et à mesure de leur récittoutes les difficultés auxquelles ils avaientdéjà dû faire face : certains vendus par leursparents étaient forcés de mendier dans lesrues de Bangkok par leur trafiquant, d'aut-res avaient été négligés par des parents sub-mergés de problèmes, d'autres encoreavaient été poussés à la prostitution, maistous avaient ce sourire et cette gaieté devivre qu'aucun occidental ne saurait com-prendre. Ces petits adultes de 8 ou 12 ans me

racontaient l'horreur avec des yeux d'en-fants malicieux, et toujours avec ce souriresi franc� Je pouvais sentir en eux cetteforce de caractère, cette volonté de vivremalgré tout, de s'en sortir� C'était desmoments bouleversants�Les Cambodgiens

J'ai ainsi découvert un peuple certesmeurtri et décimé, mais toujours debout,malgré la corruption, le manque de justice,et l'absence de modèles.Forte de ces constats, j'ai observé cettesociété vivre et se démener pendant un an.J'ai rencontré une multitude de gens coura-geux. J'ai regardé, impuissante, un peupleentier se débattre pour gagner leur riz quo-tidien. J'ai fait la connaissance de personnesqui m'ont beaucoup touchée. Elles change-ront tôt ou tard ce pays. Déjà beaucoupcommencent à oser exprimer leur opinion,malgré certaines intimidations. D'autresn'hésitent pas à sacrifier leur vie en faveurd�autrui, tels les employés de KrousarThmey qui passent leur temps en compa-gnie d'enfants traumatisés. La nature fon-cièrement positive des cambodgiens lesmènera nécessairement vers une vie plusclémente. Le plus dur dans tout cela seraprobablement de garder le sourire !Ma vie au Cambodge

C'est déjà avec émotion et nostalgie queje repense à la douceur de la vie cambod-gienne. Malgré un salaire local, le faiblecoût de la vie là-bas me permettait de fairece que bon me semblait : balade le long duTonlé Sap, sortie dans les discothèquespour voir les stars chanter en public, cinémaà l'Alliance Française, restaurants locaux,ou tout simplement regarder les cambod-giens vivre� Tout me garantissait des loi-sirs agréables.Mais mon occupation favorite, facilitéepar mon apprentissage de la langue khmè-re, a de loin été ces rencontres informellesdans la rue, dans les marchés, dans lestransports en commun� Toutes ces discus-sions dans des villages reculés ou en pleinmarché O'Russey, ou encore cette conver-sation politique avec un moto-dup à laveille des élections, toutes ces questions:"Es-tu mariée ? Non ? Veux-tu alors épou-ser mon fils ?! Pourquoi es-tu auCambodge ? Où vas-tu ?", me manquentaujourd'hui. Les Cambodgiens font preuved'une curiosité sans limite qui tisse des liensentre les gens, dans une famille, dans une

entreprise ou dans un voisinage. Je ne mesuis jamais autant sentie exister qu'auCambodge, tout comme je n'ai jamaisautant senti être acceptée pour ce que j'étaiset exactement comme j'étais.Enfin, j'ai été fière de travailler pour lesenfants du Cambodge, en faveur d'un paysqui a certes encore du chemin à faire maisqui a déjà évolué rapidement.Le Cambodge en un an

Le Cambodge a en effet bien changé. Ily a un an j'arrivais dans un pays où la capi-tale était en piteux état et où les principalesroutes nationales étaient impraticables,avec des ponts cassés et des trous partout.En décembre j'en partais avec la longueliste des changements survenus, bien pré-sents à mon esprit : réhabilitation des trot-toirs de Phnom Penh, installation de feux decirculation avec décompte, construction deterres pleins centraux, et en province, rem-placement des ponts par ceux en béton,rénovation des routes autour du Tonlé Sapet de la route d'accès à Preah Vihear� Jen'avais encore jamais vu un pays évolueraussi rapidement. Pourtant ces améliorations ne sont passigne de développement économique, vuque la totalité des travaux sont financés parla communauté internationale. Le pays aencore du chemin à faire tant au niveauéconomique que politique. De plus la vio-lence est encore sous-jacente ; en témoi-gnent les émeutes anti-thaïs de janvier 2003qui ont eu d'importantes conséquencesfinancières, ou encore le scandale des violscollectifs de prostituées.A tout cela je ne peux répondre que pardes questions : Que pouvons-nous fairepour aider le pays à s'en sortir ? Y a-t-il tel-lement d'ONG que le gouvernement necraint pas pour la survie de son pays ? Lasolution est-elle simplement de changer degouvernement et d'attirer les capitaux étran-gers ? Le développement d'un pays passe-t-il par l'éducation et la formation d'élites quiensuite n'auront pas les opportunités profes-sionnelles promises ?Je suis arrivée au Cambodge pleine decuriosité, j'en repars pleine de questions,mais forte d'une expérience et d'un désir devivre jamais ressenti auparavant� Marion RIGAUX

[email protected] : [email protected]

U n a n a u P a y s d u S o u r i r eL e s o u r i r e d ' u n e p e r s o n n e q u e l ' o n c r o i s e d a n s l a r u e , c e l u i d e s o n v o i -s i n d e v a n t l e q u e l o n p a s s e t o u s l e s j o u r s e t m ê m e c e l u i d ' u n e n f a n t q u iv i t d a n s l e s r u e s d e P h n o m P e n h .

Marion, entourée d�enfants

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L�ÉCRIT D�ANGKOR N°4 - FEVRIER 2004

Malgré une jeune expérience dansla peinture, Rathana Lean, d'ori-gine cambodgienne, né il y avingt sept ans dans la région parisienne,nous parle avec enthousiasme de sa pas-sion, à la fois en tant que professionnel vou-lant vivre de ses �uvres, qu�en tant qu'artis-te désirant faire passer des messages par sesoeuvres.L�Ecrit d�Angkor. - Depuis quand as-tucommencé la peinture ?Rathana Lean. - Il me semble que je des-sine depuis toujours. Durant ma périodescolaire, j'illustrais déjà le journal du collè-ge et du lycée ainsi que des affiches pourdes associations sportives.Mais tout a commencé il y a trois anslorsque j'ai commencé à travailler dans unegalerie d'art à Paris. Et c'est là que j'ai étéemporté par l'émulation culturelle de cetteville, merveilleuse et surprenante, qui m'aamené à sauter le pas et de tout entreprend-re pour vivre de mon art. Depuis, j'ai décou-vert la couleur et, grâce à elle, la lumièreque l'on pouvait reproduire en peinture. Jepeins donc sérieusement depuis un an etdemi, et je compte bien continuer ainsitoute ma vie !EDA. - Qu'est ce qui t'attire dans la pein-ture ?RL. - C'est très difficile à dire�car il y atellement de choses à dire ! De tout temps,l'être humain a utilisé la peinture pourreproduire son entourage, raconter des his-toires, honorer ses dieux et ses rois, et cesimages nous servent aujourd'hui à mieuxconnaître ces époques, à mieux comprend-re nos prédécesseurs. Alors je dirais quec'est l'immortalité de la peinture qui m'aamené à peindre, car le moment que l'onsaisit, et la manière dont on l'a saisi estunique, et elle provoquera des émotions àtravers le temps�c'est le pouvoir de lapeinture !EDA. - Quels sont tes peintres de réfé-rence ?RL. - J'admire les �uvres de génies tels queLéonard De Vinci, Raphaël, Picasso ouDali, qui sont incontournables, mais je suiségalement très touché par les �uvres desgrands artistes japonais qu'étaient Hokusaïou Hiroshigé, car les compositions de leursgravures ou peintures sont tellement dyna-miques� Enfin, je pourrais te donner beau-coup d'exemples encore, mais je me rendscompte que je me réfère en fait à toutes les

peintures que je peux voir, car elles sont detoute façon différentes de la mienne�Pour l'instant, je n'ai malheureusement paseu le bonheur de rencontrer des peintrescambodgiens, mais j'ai eu l'honneur de ren-contrer brièvement Séra, un dessinateur-auteur cambodgien de bandes dessinées,qui a grandi là-bas, puis qui a dû venir vivreen France. Il a produit de très bons albums.EDA. - Quels sentiments as-tu sur leCambodge ?RL. - C'est le pays de ma famille, j'ai besoinde le connaître et je me sens lié à lui. C'estd'ailleurs pour cela que mon thème d'inspi-ration principal est le Cambodge. Je parscet été, enfin ! Et je préfère ne pas me posertrop de questions, je veux me laisser sur-prendre� Et je sais que ce sera une mer-veilleuse rencontre, en tous les cas ! Je t'endirais plus à mon retour�EDA. - Comment trouves-tu ton inspira-tion dans tes peintures sur le Cambodge ?RL. - Au niveau émotionnel, il y a unegrande part de souvenirs qui me viennentde ma grand-mère ; elle m'a raconté leCambodge de son enfance, les contes orauxtraditionnels et bouddhistes. Je combineceux-ci à des recherches de documentsphotographiques, les expositions, etc.Ensuite, je m'enferme et je peins !EDA. - As-tu un objectif dans tes peintu-res ?RL. - Je peins ce que j'ai besoin de peindre,sans objectif particulier, sinon de le mont-rer.J'espère juste faire du bien aux personnesqui voient ma peinture, et c'est à elle defaire le reste, car ensuite, la relation qui secrée avec chaque personne qui la regardeest unique�

Z O O MRathana, un jeune artiste-peintre

C'est dans un appartement de la rue de Charonne à Paris, en ce vendredi 5 décembre 2003,que le jeune Rathana, non sans émotions, a exposé pour la première fois au grand public sesmagnifiques tableaux, dont la plupart sont d'inspirations cambodgiennes.

EDA. - Qu'as-tu ressenti lors de ta pre-mière exposition ?RL. - Je n'ai pas eu le temps de réfléchir surle moment, j'étais juste un peu nerveux, carje m'étais �enfermé� chez moi pendantdeux mois et demi pour peindre les toilespour l'exposition. J'appréhendais le regarddu public, bien sûr, mais je t'avouerais quetout s'est passé très rapidement.Mais le bilan est très positif, mon travail aété bien accueilli et c'est plutôt encoura-

geant !EDA. - Quand et où aura lieu ta prochai-ne exposition ?RL. - J'ai quelques contacts en cours, maisje ne veux pas avancer de dates, car rienn'est encore certain� Vous serez conviés,de toutes manières !EDA. - Quels sont tes perspectives d'ave-nir ?RL. - J'aimerais beaucoup travailler avecdes artistes différents afin d'échanger lemaximum et ainsi enrichir mes recherchesen termes de peintures. Je veux égalementvoyager afin de ressentir et voir la diversitédes atmosphères et des couleurs qui exis-tent� Prasnar YI

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Z O O M

L'association non-gouvernementaleConstruire les générations futures duCambodge (C.G.F Cambodge) apour objectif de venir en aide aux enfants.Elle souhaite les aider à se construire soli-dement pour aborder dignement leur ave-nir, dans le respect de la tradition khmère.Créée par Cécile Veasna Malterre,Présidente fondatrice, l'association C.G.FCambodge engage des actions résolumenten faveur des écoliers du primaire. Elleencourage leur apprentissage des valeurskhmères à travers la connaissance de larichesse de leur culture. Elle désire égale-ment leur inculquer le sens des responsabi-lités par l�éducation civique ainsi que lesavoir-vivre pour leur permettre d'évoluerharmonieusement dans la société cambod-gienne.L'initiative a d'ores et déjà reçu les plushauts et les plus éminents soutiens.L'équipe a dès cet hiver noué de solidesliens avec les principaux acteurs de l'éduca-tion nationale, des instances spirituelles ethumanitaires, des représentants de déléga-tions auprès d'institutions mondiales et desresponsables d'organisations internationa-les qui lui apportent un soutien logistique,financier et moral.CGF Cambodge a récemment signé unprotocole d'accord avec le MinistèreCambodgien de l'Education, de la Jeunesseet des Sports qui lance de façon officielle ledébut des activités de l'association auCambodge.L'Ecrit d'Angkor. - Pourquoi créer cetteassociation ?Cécile Veasna Malterre. - Vous n'êtes passans savoir la dramatique Histoire duCambodge. Cette période noire a laissé destraces profondes dans toute la sociétékhmère. C'est en particulier le cas du systè-me scolaire qui éprouve, faute de moyens,les plus grandes difficultés à accomplir samission de formation et d'éducation. Denombreuses ONG font un travail mer-veilleux sur le terrain mais hélas, ce n'estpas encore suffisant. Nous devons tousréagir et agir davantage et encore. En tantque Cambodgienne, je me sens investie decette mission d'apporter une petite pierre àl'édifice de la reconstruction de mon peu-ple. Parce que j'ai eu un jour la chance d'êt-re sauvée en étant adoptée par une famillefrançaise et reçue toute l'instruction néces-saire en France, il est indispensable pourmoi de transmettre le savoir à la générationfuture, surtout en faveur des jeunes écoliersqui ont besoin d'être éduqués et protégés. Il

est crucial de bâtir les fondations de leuravenir qui doivent permettre aux enfants deconnaître leur identité cambodgienne et dese construire en futur citoyen. Eduquer etinstruire nos enfants est une urgence, on sedoit d'y répondre.EDA. - Quels sont vos projets ?CVM. - Notre domaine de compétence estl'éducation des enfants dans le primaire.Notre site pilote est l'école d'Angkanh dansla province de Takeo mais nous comptonsaussi �uvrer, à terme, dans toutes les pro-vinces du Cambodge. Equiper l'école, four-nir du matériel d'apprentissage de base estnotre priorité. Nous aimerions aider à éla-borer des moyens pédagogiques tels que leslivres, les cassettes audios et vidéos en ymettant du contenu qui visent à éduquer età apprendre les valeurs traditionnelleskhmères qui prônent le respect et la morale.Nous voulons aussi mettre en place unemédiathèque, un atelier de dessin et unebibliothèque pour ouvrir la perspective etl'horizon culturel des enfants. En secondlieu, nous envisageons la création d'uneludothèque mettant à disposition des jeuxpédagogiques qui apprennent les règles devie en société, la discipline et la rigueur. Ilnous est apparu nécessaire d'ouvrir uneinfirmerie qui aura une mission importanted'information auprès des chefs de villageset des parents sur l'hygiène des enfants. Etenfin, nous aimerions créer un atelier infor-matique qui doit relier les petits enfants aumonde et à leurs petits camarades de l'é-tranger.EDA. - Qui vous soutient, et commentcomptez-vous parvenir à atteindre vosobjectifs ?CVM. - Je reviens du Cambodge où notreassociation a signé un partenariat avec leMinistère de l'Education, de la Jeunesse etdes Sports qui nous ouvre en grand les por-tes des écoles primaires. Le ministre cam-bodgien invite CGF Cambodge à participeraux réunions et à donner son avis afin d'a-méliorer le contenu du programme officiel

du primaire dans les matières qui nous tien-nent à c�ur comme l'instruction civique, lesavoir-vivre, la culture. A ce sujet, je tiens àle remercier vivement de la confiance qu'ilporte en nous. Par ailleurs, nous avons reçule soutien de M. Etienne Clément, représen-tant du bureau de l'UNESCO à Phnom-Penh, le chef de cabinet de M. JacquesChirac nous a fait parvenir une lettre amica-le, SAR le Prince Norodom Sihamoni,Ambassadeur du Cambodge auprès del'UNESCO, M. Jean-Pierre Boyer de laCommission nationale française pourl'UNESCO, le Vénérable Yos Hut, du PèreCeyrac, de Mgr Emile Destombes évêquecatholique de Phnom-Penh, de MadeleineGiteau et de beaucoup d'autres membres.Nous allons d'ici peu signer aussi un par-tenariat avec le ministère de l'éducation, dela jeunesse et des sports français. Dans unavenir proche, nous allons créer une com-mission d'experts de l'éducation compre-nant des cambodgiens et des français afinde travailler ensemble de façon constructi-ve à améliorer le programme officiel du pri-maire au Cambodge et de faire des proposi-tions concrètes au Ministère cambodgiende l'éducation sur la production des maté-riels pédagogiques.EDA. - Comment peut-on vous aider ?CVM. - Nous recherchons à cette occasiontoutes les personnes intéressées par ce pro-jet et nous lançons solennellement un appelaux chefs d'entreprise, aux donateurs etmécènes pour leurs aides matérielles etfinancières en faveur des écoliers cambod-giens. Nous sollicitons l'aide de tous lesprofessionnels de l'éducation pour leurapport en matériels pédagogiques de toutenature. Nous avons besoin d'adhérents pourporter notre projet vers la réussite au profitdes enfants cambodgiens.Mobilisons-nous pour les enfants duCambodge !

Propos recueillis par Sophoat NGAUConstruire les générations futuresdu Cambodge (C.G.F Cambodge)Association non gouvernementale1, rue Edgar Faure 75015 ParisTél. : 01 42 19 07 04 / 06 12 73 10 30Email : [email protected] Web : www.cgfcambodge.org

Cotisation annuelle ou donsMembres sympathisants : 20 EurosMembres actifs : 30 EurosMembres bienfaiteurs : 75 eurosDonateurs : selon votre générositéSi vous souhaitez nous aider,envoyez vos dons à l'ordre de

C.G.F CambodgeL�ÉCRIT D�ANGKOR N°4 -FÉVRIER 2004

13Construire les générations futures du Cambodge

dans le respect de la tradition khmère

Cécile Veasna Malterre, Présidente fonda-trice de CGFCambodge

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14 D O S S I E R

«Rares sontles pays quipar leur seul

nom évoquent l'i-mage d'une dées-se. C'est le privilè-ge du Cambodge,d'où surgit l'imaged'une ballerine"(Solange Thierry). La danse sacréedu palais royal est, en effet, jusqu�àreconnue par l�UNESCO(Organisation des Nations Uniespour l�Education, la Science et laCulture) comme patrimoine immaté-riel de l�humanité. Cette distinctionreconnaît alors à l�histoire duCambodge d�être intimement liée àcet art de spectacle, transmis de géné-ration en génération, et ce, malgré lesévénements historiques qui auraientpu le faire sombrer dans les mémoi-res d�un peuple.

Ainsi l�on comprend mieux lesnombreux efforts des défenseurs dela danse artistique khmère, car la res-tauration de cet art est une manièrepour eux d�affirmer le Cambodge surla scène internationale.

En France, les responsablesartistiques khmers sont unanimespour lancer un appel à la jeunesse,leur demandant de ne jamais oublierd�où ils viennent, "même si, pourceux qui y sont nés le Cambodge estloin, et pour d�autres il demeureencore inconnu". Sans doute à traverscet appel, l�on peut lire la volontéambitieuse d'�uvrer d�ici à la confir-mation du Cambodge dans le monde,mais c�est surtout la volonté de trans-mettre cette belle façon de faire à lanouvelle génération en France. Cecombat par les arts est particulière-ment touchant tant il est sincère ettant son engouement est grand.

Sovattha NHEM

L�idéal d�une genèseAquelques dix mille kilomètresde Phnom Penh, au pays desCeltes et des grands crus, des

gens se battent pour faire connaîtrel�art millénaire des Khmers. Commentcela est-ce possible ? L�histoire dra-matique des années khmers rouges

explique, pour une large part, cet étatdes choses.

C�est, en effet, à partir de la findes années 1970, que l�on voit appa-raître en France des associations dontle but est de préserver et de faireconnaître la culture khmère. C�estainsi que, par exemple, Makara KOL,aujourd�hui président de l�école dedanse Selepak Khmer, nous décrit lesdébuts de son engagement.

Après avoir rencontré son épou-se, Neary, ancienne élève àl�Université Royale des Beaux-Arts(URBA) et aujourd�hui maîtresse deballet à Selepak Khmer, il s�engageavec elle dès 1975, au vu des terriblesévènements frappant leur pays, ausein de l�Association pour le Maintiende la Culture Khmère (AMCK). Decette ferme volonté de préserver laculture, menacée par un régime fou àlier, leur engagement ne se tarit pour-tant pas après la chute de Pol Pot.Partant du souci urgent de préserver la

culture khmère,ils continuaientainsi à se battre,non plus uni-quement pourpréserver leurculture d�origi-ne, mais pour ladiffuser enFrance.

Cet idéal etsa genèse, beau-coup d�autres

Cambodgiens en France à la mêmeépoque les partageaient. Il y eut ainsid�autres associations, comme le pres-tigieux Ballet Classique Khmer(BCK) et le célèbre Centre deDocumentation et de Recherche sur laCivilisation Khmère (CEDORECK),qui composaient, ensemble, le paysa-ge de cette communauté artistiquekhmère en France. Le véritable sens du combat

aujourd�huiPlus d�une vingtaine d�années

après le début de leur engagement enFrance, la plupart de ces courageusespersonnes de la communauté artis-tique, continuent encore de se battreau sein d�associations actuelles,comme Borann, le Groupe Artistiquedes Jeunes Khmers (GAJK),H a n u m a n n ,Selepak khmer etd�autres encore.Mais depuis ledébut de leur com-mun combat, jus-qu�à aujourd�hui,beaucoup de chosesont changé. La pre-mière, et sans doute la plus heureuse,c�est que les gens de leur époque ontenfanté une nouvelle génération. Cette

La communauté entre idéal La restauration

artistique toujourset encore...

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jeunesse aux origines bien khmères apourtant une chose qui la distingue :elle ne connaît pas son pays d�origine.Cela n�a manqué dès lors de perturberles objectifs. Et la question qui hanteest désormais : qui après continuera lecombat ? Ou, quel avenir pour la com-munauté artistique en France ?La question de la relève

Cette question n�est pas mince. Etelle touche, à dire vrai, d�autres sujets,comme celui de l�enseignement ducambodgien en France (cf. Dossier deL�Ecrit d�Angkor, numéro 2 - août2003). IsabelleVILLAREAL,présidente del�école de danseBorann, nousfait partager sonsouci de voirdes jeunesengagés lui prê-ter main forte,dans le cadred�efforts ponctuels et nécessaires à lapérennité de son association ; tel quela collaboration dans la prise en char-ge d�évènements annuels, ou demanière plus quotidienne dans lagestion de l�école. Bien que son tra-

vail soit incontestablement exemplai-re, et que son courage ainsi que sapugnacité ne soient, même un tant soitpeu, entamés, lajeune présidentede Borann nedéconsidère pascette préoccupa-tion. A SelepakKhmer, où leprésident est unancien engagédes années1975, et où lebureau d�administration a beaucoupde difficultés à se renouveler avec dejeunes éléments, la question est cru-ciale.

A GAJK, les responsables del�association ont eu l�opportunité d�a-mener leurs élèves au Cambodge enété 2002. La démarche du groupeartistique est simple et efficace : il s�a-git simplement de permettre aux jeu-nes élèves d�aller à la rencontre dupays où tout a commencé. Cette belleaventure, qui laisse entrevoir un élé-ment important vers une réponse auproblème de la relève, Dina CHHEA,président de GAJK est fier de l�avoirrendu possible pour ses jeunes élè-ves. Isabelle VILLAREAL s�inscrit

également dans cette volonté d�ame-ner ses élèves au Cambodge, maisnous confie aussi sa déception suite àune demande de subvention publiqueà cet effet, restée infructueuse. Perception de l�avenir ?

Cette préoccupation ne semblepas, cependant, vraiment troubler laperception optimiste qu�elle persiste àavoir. Isabelle a, notamment, cettephrase magnifique de bon sens : "jepense que l'appartenance à une cultureest dans le c�ur de chacun de nous".

Petite filled�une grandedanseuse duBallet royal,et enfantd�un couplee u r a s i e n ,n � e s t - e l l e

pas, en effet, pour la nouvelle généra-tion en France, la preuve d�une relèveartistique réussie et exemplaire ? Et sisa belle phrase disait vrai ? Je contem-plais l�autre jour une légende chinoisequi enseignait, à qui voulait bien l�é-couter, "qu�aux c�urs sincères, rienn�est impossible"...

Hisham MOUSAR

artistique khmère en France,d�hier et d�aujourd�hui

Groupe Artistique des Jeunes KhmersTroupe et école

de danses folkloriques(créée en 1985)

ESPACE Charles de Gaulle18, rue Buissonnière

77600 Bussy-Saint-GeorgesEffectifs : une trentaine d�élèves

Heure d'ouverture : samedide 14h30 à 17h

... / ...

... / .Tarif d�adhésion :

nouveau membre : 15 eurosRéinscription gratuite

Pour accéder au forum internet du GAJK :http://www.lesjeuneskhmers.com/forum/viewforum.php?f=10Pour un récit exhaustif du voyage du

GAJK au Cambodgedu 3 au 22 juillet 2002 :

http://www.lesjeuneskhmers.com/menu.php?page=gajk

Répertoire des écoles de danseSelepak khmer

Troupe de ballet classique et folkloriqueEcole d'art chorégraphique

(créée en 1994)Rue du Parc 77185 LOGNEShttp://www.selepak-khmer.org

Effectifs : une cinquantaine d'élèveset 3 maîtresses de balletHeure d'ouverture : dimanche matinde 10H00 à 13H00 en période scolaire

BorannEcole de danses classiques

(créée en 1992)Centre Léo LagrangeBd Ferdinand Buisson93330 Neuilly-sur-Marnehttp://www.borann.org

Effectifs : une vingtaine d�élèves et 2 maîtresses de balletHeure d'ouverture : samedide 14h30 à 17h

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L�hommedu nou-v e a u

monde, arbo-rant, pavillonhaut, un millé-naire ambi-tieux, celui del�échange, de laredéfinition des

frontières d�un temps révolu, de latransformation d�une vision hermé-tique de l�univers en un horizon que,d�un battement d�aile chevauchant lezéphir, jamais il n�est donné d�attein-dre vraiment, cet homme du nouveausiècle, interrogatif, regarde ce qui futet se demande pourquoi. Forgerond�une époque nouvelle, il médite sonpassé.

C�est bien dans cet esprit, que lagénération nouvelle pense la question"la culture mais pourquoi ?". Et ilsemble que la plupart des jeunescambodgiens en France qu�il nous aété possible d�interroger mènent cetteréflexion avec talent et pragmatisme.

A la question fondamentale"qu�est-ce que la culture khmère ?",ils apportent tous sans exception et àl�unisson, une réponse admirable desimplicité. Sophan, 24 ans, résume endisant qu�elle est "le savoir-fairekhmer", en donnant des exemplesaussi anodins que la nourriture et lalangue. La culture n�est donc pasconfinée à l�art. Cette simple véritéleur est acquise. Satha, 23 ans, préci-se toutefois, "qu�en France, du faitde l�éloignement, la jeunesse abesoin de repères culturels forts". Etlui d�ajouter : "la danse en estl�exemple par excellence". Une jeune

danseuse de 16 ans confirme : "Jefais de la danse aussi parce que celame permet de connaître un peu plusla culture khmère ; et le fait d�en pra-tiquer à la pagode de Champs-sur-Marne m�y fait entrer davantageencore". Thearron, 18 ans, va plusloin encore, en attribuant à la pra-tique de la danse artistique par lesjeunes d�ici une vocation sociale.Elle permet, dit-il à juste titre, auxjeunes khmers de se rencontrer.

Cette jeunesse, à des milliers dekilomètres de la terre où tout a com-

mencé, saitcependant per-tinemment quele Cambodged�hier n�estpas celui d�au-jourd�hui. Leschoses ontchangé. LeCambodge deleurs parents,celui du XXe

siècle, ne peut avoir été épargné parle temps qui passe. Sireyrith ENG,co-fondateur du GAJK, a alors cetteparole formidable lorsqu�il nous ditavec le pragmatisme qui le caractéri-se : "Beaucoup de choses changent -le langage en particulier - et tendentà séparer jeunes khmers de �l'inté-rieur� et de �l'extérieur�. La dansereste peut-être encore, entre eux, lepoint commun qui ne changera pas ;elle montre, dit-il, plus que tout autresigne de différence, que nous appar-tenons à la même famille".

Hisham MOUSAR

La première chose qui surprendlorsque l�on visite les diffé-rentes écoles de danse en

France, c�est que l�on a cette étrangeimpression d�entrer en pays khmer.Sans doute est-ce le rythme lancinant

et prenant deschants fredon-nés par lesmaîtresses deballet quip o n c t u e n tl � e x e r c i c erigoureux etsilencieux desélèves ; des

élèves qui, soudainement, ne nousapparaissent plus comme enfantsd�ici, mais de bien loin. Ou est-ce ledéploiement des exercices en rangsordonnés et harmonieux, qui donnentce sen-t i m e n tpresquei n c r é -d u l eq u el�on estu ninstant projeté au Cambodge, dansl�ambiance suave du pays ?

Pour autant, il est également unechose qui ne manque de caractériserchacune de ces écoles. En effet, àchacune d�entre elles, correspond uneparticularité qui les distingue toutesles unes des autres. Si au GAJK,l�ambiance est au folklore, à SelepakKhmer, les danses classiques sontmises à l�honneur, avec cela de parti-culier aussi que l�école de Lognesenseigne également la danse folklo-rique (cette présence du folklorique à

La culture maispourquoi ?A lade

Toutes enseignent la danseles écoles de danses s�expli-

se déploie l�architecture de

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l�école de Logness�explique du faitqu�avec le groupeartistique deB u s s y - S a i n t -Georges, elle a suc-cédé au CEDO-RECK qui s�étaitspécialisé dans ladanse folklo-rique). Borann,quant à elle, nousparaît s�attacher et se passionner pourla pratique des danses sacrées. Ainsi,l�on devine que chacune des écolesparticipent à une certaine complétudedans la communauté artistique, cha-cune se spécialisant dans une des plu-sieurs facettes de la danse artistiquekhmère, exprimant ainsi un mouve-ment naturel et presque systémique.

A chaque orientation, cor-respond bien entendu aussi unevocation propre à chacune des écoles.Le GAJK a choisi "d'orienter sesactivités autour du folklore khmer",parce que c'est ce qui lui semble être"le plus proche des coutumes et tradi-tions populaires". A Borann, l�accentest mis sur le nécessaire respect ducaractère sacré de certaines danses.Le très beau site internet de l�Ecolede Neuilly-Sur-Marne retraced�ailleurs excellemment, à traversnotamment les magnifiques aquarel-les d�Isabelle VILLAREAL (dontcertaines tapissent les colonnes de cedossier), l�histoire de la danse sacréeet classique.

Nous avons eu la chance de ren-contrer dans l�enceinte de l�école deBorann, Patrice OUM, personnagepassionnant et profond, qui nous a

touché par sa foi en la danse sacrée.Président de Hanumann - associationhéritière de l�ancien et très célèbreBallet Classique Khmer -, dont le butest "de promouvoir le patrimoineimmatériel qu'est la danse khmère",il est aussi très proche de l�école deNeuilly. Elève de - notamment - deuxgrands maîtres, Lok Khun Yeap(mère de SAR le Prince NorodomSirivudh) et Mme TEP Tak, lui et safemme - qui fut pendant longtempsmaîtresse de ballet à Borann -, seconsacrent à la transmission et aurespect de cet art sacré et millénaire.Cette passion qui possède PatriceOUM se lit, bien sûr, aussi sur levisage de toutes les maîtresses deballet de toutes les écoles associati-ves de la communauté artistiquebénévole. En effet, à voir le visage deNeary KOL etla pugnacitéavec laquelleelle enseigne ladanse aux élè-ves de SelepakKhmer, on nefinit pas d�ena p p r e n d r eaussi sur l�a-mour qu�il estpossible de porter à cet art. Cette pas-sion est partout, et elle va jusqu�à s�ex-primer au sein même des pagodes où

Le comité de rédaction souhaite sincèrement remercier Isabelle VILLAREAL pour nous avoirautorisé à publier, dans ce dossier, quelques-unes de ces belles aquarelles ainsi que sa photodans le rôle d�une magnifique Apsara ; et Patrice OUM pour la bienveillance qu�il a eue ànotre égard, en nous laissant y publier quelques superbes images et photos exposées dansle site internet de Hanumann (http://www.hanumann.org). Nous invitons, par ailleurs, noslecteurs à retrouver toutes les magnifiques aquarelles d�Isabelle sur le site internet deBorann (http://www.borann.org).

croisée des écolesdanse artistiqueartistique khmère, mais aucune d�elles ne se ressemblent vraiment. Les différences entrequent par l�histoire de chacune et se justifient dans un ordre étonnement cohérent dans lequella communauté artistique, chacune des écoles ayant conscience de jouer un rôle déterminant.

l�on y enseigne parfois aussi l�art dela danse khmère.

Se pose néanmoins une difficul-té due à la nature et au fonctionne-ment de toutes les écoles artistiquesde la communauté. Les personnesqui les font vivre s�inscrivent, eneffet, toutes dans une oeuvre de purbénévolat. Il leur est ainsi difficile desortir du cadre de leur propre écoleafin d�aller à la rencontre de ceuxqui, comme eux, partagent cette pas-

sion ausein d�au-tres éco-les que laleur. SiIsabel leVILLA-R E A Ln o u s

confie faire des efforts en ce sens,par exemple avec le GAJK et lestroupes de Chelles ou de Limoges, ilsemble néanmoins, à écouter lestémoignages des responsables asso-ciatifs, que cette difficulté d�échan-ges reste actuelle. Ceci n�empêchecependant pas l�existence et la cohé-rence d�une communauté artistiqueaujourd�hui incontournable et pluspassionnée que jamais.

Hisham MOUSAR et Sovattha NHEM

Remerciements

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R E P E R E S

Pays tropical, le Cambodge dispo-sait avant la guerre civile d'unefaune riche en mammifères, insec-tes et reptiles. Ainsi, ours, éléphants, léo-pards, tigres, rhinocéros, singes, lému-riens, crocodiles, buffles sauvages (dit enkmher kô prey) peuplent le pays. Desoiseaux pullulaient aussi tels que aigret-tes, hérons, cormorans, faisans etc�. Lafaune aquatique y est également abon-dante.Cette richesse est permise par l'exis-tence de grandes surfaces forestières etd'eaux douces avec le lac Tonlé Sap ainsique le fleuve du Mekong, offrant ainsid'innombrables variétés de poissons :autre richesse importante du pays. Mais,la guerre, la déforestation, les activitéshumaines menacent des espèces anima-les rares : le Kô prey notamment, animalnational du Cambodge, interdit de chas-se suite à un décret royal - car il n'enexiste que quelques dizaines dans leNord-Est du pays -, et l'éléphant, dont ilne reste qu�approximativement 2000individus seulement.Une flore riche à préserver

De nos jours, le Cambodge disposede nombreuses ressources naturelles àhaut rendement si elles sont exploitéesde manière sensée. Elles sont variées,inégalement abondantes et réparties dansle pays. En effet, pour les ressourcesminérales, elles sont limitées. Les princi-pales sont le phosphate, le basalte dans laprovince de Kompang Cham, le granite à

Kompong Chnang , la pierre à chaux aunord et au nord-ouest du pays, le quartzà Takeo, le marbre à Stung Treng et sur-tout une abondance de gisements depierres précieuses ( rubis de premièrequalité très convoités) dans la région dePaïlin, frontalière à la Thaïlande. Il exis-terait aux frontières un trafic de pierresprécieuses consistant à échanger despierres authentiques contre des pierrescontrefaites qui seraient écoulés, notam-ment dans les marchés de Phnom Penh.Cela mis à part, le secteur minier estinexistant. Du pétrole et du gaz sem-blent exister au large des côtes cambod-giennes pouvant assurer une autosuffi-sance énergétique du pays. Idem pourl'hydroélectricité encore inexploitée parmanque de stabilité politique au yeuxdes investisseurs étrangers. Or, leMekong, par saison de pluies, passe de1700m3 à 3900m3, ce qui est énorme ;des barrages seraient donc les bienve-nus. En plus de cela, la végétation natu-relle la plus dominante du Cambodge estsa forêt tropicale, car près des troisquarts du pays sont boisés (75% du terri-toire). Elle est marquée par un fort peu-plement de tecks, un arbre de valeur.D'autres bois y sont présents tels quechâtaigniers, bouleaux, chênes, pins. Surles versants humides, on trouve aussi

une forêt dense, toujours verte, essentiel-lement dans les montagnes et le long dela côte sud-ouest. L'agriculture sur brûlisa entraîné la dégradation de la forêt ensavane et en veal, des étendues d'herbeoù les arbres ont presque complètementdisparu. Une forêt de marécages existedans la cuvette à fond argileux, où sesituent les nombreuses rizières. Les côtessont marquées par la présence de man-groves (des forêts de palétuviers servant

Faune et flore du Cambodge en dangerSi la constitution du sol et du climat a doté le Cambodge d'une faune et d'une flore riches, ce poten-tiel est actuellement menacé par les besoins de l'homme ; le poids de l'histoire cambodgienneconduisant alors peu à peu le pays vers un désastre écologique.

Un paysage typique de la campagne cambodgienne

La mangroveUne fleur de lotus dans les mares cam-bodgiennes

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R E P E R E S

à fabriquer du charbon). Ainsi, cocotiers,kapotiers, bananiers, manguiers, tamari-niers, jacquiers, palmiers (arbre nationaldu pays, le "thnôt") etc� sont des essen-ces courantes. Ainsi, le Cambodge détient un milieunaturel riche mais actuellement en dan-ger compte tenue surtout d'une déforesta-tion accentuée aux conséquences écolo-giques dramatiques pour l'avenir.Un pays menacé par une défores-tation galopante

Même si aucun chiffre précis ne peutêtre fourni, les rapports des différentsobservateurs (FAO, Banque Mondiale etorganisation Global Witness entre autres)sont concordants : environ 3M (millions)d'hectares (ha) de forêts ont été rasés

depuis 1970 soit un quart de leur super-ficie originale, dont 2,4M depuis 1990.La mangrove disparaît aussi à grands pasdans la province de Koh Kong pourfaire face à la culture industrielle de lacrevette. Les conséquences, en l'absence detout programme de reforestation, sontdéjà visibles comme à Kompong Speuavec une rapide érosion des sols, séche-resse suivie d'inondations catastro-phiques comme en 1996 et en 2000, dés-équilibre écologique, déclin de la biodi-versité�. Des effets accentués aussi parl'exploitation du bois de feu et son déri-vé le charbon de bois, principale sourced'énergie gratuite en zone rurale et cons-tituant 84% des besoins énergétiques enmilieu urbain. Mais, ce sont surtout les KhmersRouges qui, ayant financé leur effort deguerre au prix de centaines de milliersd'hectares de forêt leur rapportant jus-qu'à 150M de francs /mois, sont les plusgrands responsables du désastre écolo-gique qui se prépare. Malgré la présencede militaires, les exploitations illégales

se poursuivent. Le passage d'une écono-mie planifiée à une économie de marchéy contribue aussi, car cela a poussé legouvernement à vendre ses ressourcesnaturelles pour surmonter ses difficultésfinancières ; la demande internationaleen bois étant aussi importante. De plus,une réglementation moins sévère enmatière de déforestation au Cambodgepousse ainsi les compagnies étrangèresd'exploitation du bois à affluer vers leCambodge. Fin 1995, ce sont ainsi prèsde 6.5 M d'ha de forêt tropicale qui ontété cédés à une trentaine de concession-naires soit presque la totalité de cetteforêt hormis les parcs nationaux et lesrégions du nord-ouest riches en bois pré-cieux représentant une superficie de 3.4M d'ha. Ce sont les seules zones préser-vées par un décret royal en novembre1993. De plus, fin 1998, Global Witness,groupe britannique de protection de l'en-vironnement, a mis la main, au Laos, surdes documents autorisant des exporta-tions illégales de bois portant les signatu-res de l'ancien Premier Ministre UngHuot, et du second Premier Ministre HunSen. Quand la corruption gangrène lesommet de l'Etat, quel espoir peut-onavoir pour la forêt en danger et sa faunemenacée ? Bref, de grands risques environne-mentaux sont à craindre pour l'ensembledu pays. Si le gouvernement ne se souciepas davantage de la préservation de laforêt, on assistera à une mort lente et cer-taine d'une ressource majeure du paysqui constitue aussi sa spécificité paysa-gère. En 2003, nous soulignons la géné-rosité de l'actrice américaine, AngélinaJolie qui, en plus d'un don de 5 M de dol-lars étalé sur 15 ans en faveur de la cons-truction d'une réserve naturelle auCambodge, offre, en 2004, 1.5 M dedollars à l'organisation CambodianVision in Development pour fournir dubétail à des paysans cambodgiens pauv-res ; le but étant de protéger la nature auCambodge, mais surtout de lutter contrela déforestation et la chasse dans lesrégions reculées du nord-ouest du pays.Cela est une bonne initiative qui ne pour-ra pas stopper net les déforestations illé-gales, mais pourrait peut-être contribuerà sensibiliser la population locale et lesautorités sur les menaces qui pèsent surles richesses naturelles du pays. Borane HUY

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S o u r c e sLe Cambodge, Soizick Crochet, édi-tions Karthala, Paris 1997Le Cambodge, Nick Ray, LonelyPlanet, Paris 2000Le Cambodge, Jean Delvert, PUF,Paris 1998Le Cambodge, E.Brisbois, éditionsPeuples du Monde, Cahors, 1993Cambodge Laos, Analiese Wulf,Nelles Guide, Munich 1999Géo, n°291, mai 2003www.lesjeuneskhmers.comwww.fao.orgwww.kh.refer.orghttp://asiep.free/cambodgewww.census.govwww.wrm.org/bulletinfr/65/asie

Le fruit Jacquier

Le �Krabey� ou buffle d�eau, un animal qui rend de multiples services au paysan khmer

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CAMBODGE, 50 ANS D�INDEPENDANCE20

Quand le roi Norodom Sihanoukabdique en faveur du PrinceSuramarit, son père, pour entrerdans l'arène politique lors des élections de1955, le Cambodge vient de recouvrerdepuis peu sa totale indépendance (cf. l'ar-ticle "De la difficile indépendance duCambodge", L'Ecrit d'Angkor numéro 3,novembre 2003). Le pays rentre alors dansune période de relative stabilité politiquequi lui permet de s'engager dans un pro-cessus d'édification nationale et de moder-nisation du pays.Durant les années qui suivent, sous ladirection du Prince Sihanouk qui a réussi,en interne, à mettre en �uvre une idéolo-gie fondée sur le "socialisme boud-dhique", et sur le plan extérieur à affirmerune politique de neutralité, le Cambodgeest perçu dans l'imagination consensuellepopulaire comme un "oasis de paix", unepériode "faste" qui fait encore référencemême de nos jours.Mais ces années ont aussi été décisivespour le pays khmer qui a vu germer en sonsein les semences funestes d'un prochainchaos, et le glissement inexorable vers lestourmentes de la guerre du Vietnam.La conférence de Genève : la tota-le souveraineté

Tenue en juillet 1954, au momentmême où les troupes françaises ont étédéfaites à Dien Bien Phu par l'armée nord-vietnamienne, la conférence de Genève aporté sur le désengagement de la Francedu bourbier indochinois et le règlementdes problèmes inhérents à ce départ. La délégation cambodgienne menéepar S.E. Penn Nouth obtient tout d'abordque le cas du Cambodge ne soit pas lié auproblème vietnamien. Elle réussit ensuiteà écarter les partisans khmers communis-tes (Khmers Vietminh) que les Nord-Vietnamiens ont voulu imposer à la tabledes négociations, empêchant ainsi unepossible partition du territoire à l'instar duVietnam, séparé en deux par le 17èmeparallèle. Enfin elle parvient à faire recon-naître sur le plan international la pleinesouveraineté du Cambodge à définir sa

propre politique de sécurité.En août 1954, conformément auxaccords, les dernières troupes vietminhquittent le territoire khmer. L'armisticegénéral est déclaré sur tous les fronts indo-chinois.Le Sangkum Reastr Niyum

Après le départ des troupes françaiseset vietminh, le roi Norodom Sihanouk avoulu transformer ses victoires diploma-tiques en triomphe personnel en organi-sant en février 1955 un référendum sur "lacroisade royale pour l'indépendance". Lesrésultats plébiscitaires (plus de 99,8% desvoix) de cette consultation populaire leplace au devant de la scène politique,éclipsant tous les partis en présence. Cettevictoire lui permet de se proclamer "Pèrede l'indépendance nationale" et lui ouvrela voie, après son abdication en faveur deson père, à la création en mars 1955 duSangkum Reastr Niyum (littéralement laCommunauté Pro-Peuple, cf. NorodomSihanouk dans "Souvenirs doux etamers"), un rassemblement pour l'unitédes khmers, et l'instauration d'une vérita-ble "démocratie socialiste". S'il a renoncéau trône, le prince Sihanouk entend garderson titre de Samdech Upayuvareach (litté-ralement le Prince qui fut Roi) et aussi deSamdech Euv (Monseigneur Père), sous-entendu de ses sujets du Cambodge.Président fondateur du Sangkum, dontchaque membre est appelé Sahachivin

De l'oasis de paix aux tourmentes de la guerre1955 - 1970, les années du Sangkum

Le second volet de notre dossier "Cambodge, 50 ans d'indépendance" est consacré à la périodecharnière qui s'étend de 1955 à 1970 pendant laquelle Norodom Sihanouk, après son abdication,prend la destinée du pays entre ses mains, fonde son mouvement populaire, le Sangkum ReastrNiyum sur les bases du "socialisme bouddhique" et affirme sa volonté de pratiquer une politique deneutralité, avant d'être déposé le 18 mars 1970, marquant l'entrée du Cambodge dans le conflitaméricano-vietnamien.

(Compagnon), Samdech Sahachivin(Prince Compagnon) s'emploie dès lors àle développer aux dépens des autres mou-vements politiques. Ne pouvant contenirla vague du Sangkum, plusieurs partis pro-noncent leur dissolution pour s'intégrer aumouvement de Samdech Euv tels que"Démocratie Nationale" de M. OumChheang Sun, "Rénovation khmère" ducolonel Lon Nol et le parti du "Peuple" deSam Sary. Des personnalités démocrates,comme LL.EE Penn Nouth et Son Sann,se rallient individuellement au Sangkumentraînant un peu plus tard la dissolutioncomplète du Parti Démocrate. Seul, lePrachéachon (Parti CommunisteCambodgien) fondé par les anciensKhmers Vietminh dont les accords deGenève ont permis l'établissement, refusede suivre le mouvement.Quelques mois plus tard, aux électionslégislatives du 11 septembre 1955, leSangkum obtient 83% des voix, les démo-crates 12% et les communistes 4%. A lasuite de ce scrutin, le Prince Sihanoukprend la tête du gouvernement. Il entendétablir un contact direct avec le peuple, etpromouvoir le développement rapide dupays tout en contrôlant l'administration parla base grâce aux congrès nationaux duSangkum qui supplantent le Parlementélu.Le Sangkum, selon les affirmations duPrince, devait en principe mettre fin àl'instabilité et au tumulte politique. Mais

Samdech Euv, Norodom Sihanouk, durant l�un de ses �discours fleuves�.

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en trois années, de 1955 à 1958, neuf gou-vernements se sont succédés et le prince,lui-même, s'est volontairement démis qua-tre fois de son poste de Premier ministre.A la mort du roi Suramarit survenu le3 avril 1960, le prince Sihanouk se faitélire Chef de l'Etat par référendum etdemeure dans cette haute fonction jusqu'àsa destitution en mars 1970."Le socialisme bouddhique"

Ayant le plein contrôle des rouages del'état, le Prince Sihanouk a toute latituded'orienter le développement du pays et dedéfinir l'idéologie fondatrice du SangkumReastr Niyum, "le socialisme bouddhique"qu'il définit de la façon suivante : "Lesocialisme, ce sera mon parti qui l'inven-tera, si je puis dire, en se référant simple-ment à la doctrine bouddhique, la plusavancée de toute sur le plan social," écrit-il sur ce sujet. En résumé, le socialismebouddhique commande que le dirigeanttraite ses sujets de façon équitable, avecbonté et compassion. Cette idéologie meten valeur l'idée "d'une intense et constan-te croisade pour le développement natio-nal, contre l'injustice sociale et le sous-développement."La création du Sangkum et la défini-tion du socialisme bouddhique ont doncservi de socle pour les efforts d'édificationnationale durant une période de l'histoirecontemporaine où l'Etat et l'intervention-nisme d'Etat ont été considérés commeprépondérants dans le succès du dévelop-pement d'un pays.Les efforts d'édification nationale

"Il n'y a pas d'indépendance réelle, eneffet, pour un état qui possède tous lesattributs de la souveraineté, mais qui estéconomiquement sous-développé�", écritle prince Sihanouk. Le développement duCambodge fait ainsi partie de ses grandespriorités.De grands progrès sont très vite réali-sés conformément aux axes définis pardeux premiers plans biennaux (1956-1958et 1958-1960), et ensuite par deux autresplans quinquennaux (1960-1964 et 1965-1969), soutenus par des aides étrangères(France, Etats-Unis, Chine, UnionSoviétique, Tchécoslovaquie). Les résul-tats sont rapidement visibles.L'infrastructure se développe à grandevitesse avec la construction du port mariti-me à eaux profondes de Kompong Som(l'actuel Sihanoukville), et de deux aéro-ports de classe internationale (Pochentonget Siem Reap), l'extension du réseau rou-tier, et l'aménagement des villes, surtoutde la capitale Phnom-Penh.Les plans ont pour but de diversifierL�ÉCRIT D�ANGKOR N°4 - FEVRIER 2004

21CAMBODGE, 50 ANS D�INDEPENDANCEles moyens de production jusque là centréssur la riziculture et la production de caout-chouc en créant une industrie de transfor-mation qui doit limiter les importations deproduits, et fournir des emplois à unepopulation en rapide accroissement. Dans le domaine de l'énergie, la priori-té est donnée au développement de l'hy-dro-électricité par l'exploitation desréseaux d'irrigation des régions rizicoles.Dans le domaine industriel, les inves-tissements privés sont encouragés maisune large part est réservée au secteurpublic ou aux entreprises d'économiemixte, notamment dans la filature, le tissa-ge, les verreries, les distilleries, les cimen-teries, les usines de pneu, de cigarettes, deconserves, de papier... Une raffinerie depétrole est même construite à KompongSom.Sur le plan social, le maître mot est ledéveloppement communautaire à la cam-pagne, avec des regroupements de villagesmunis d'écoles et de dispensaires. Le droitde vote est accordé aux femmes et la seuleutilisation de la langue cambodgienne estinstaurée dans les institutions publiquesmettant un terme à la tentative de romani-sation de l'écriture khmère. L'enseignementà tous les niveaux est encouragé. Des éco-les, des lycées et des universités sont cons-truits pour accueillir davantage d'élèves etd'étudiants mais les débouchés restentrelativement insuffisants dans les secteursde l'administration, du commerce et del'industrie. Les jeunes, mieux instruits etformés, se détournent de l'agriculture tra-ditionnelle entraînant un début de chôma-ge. Une classe aisée fait son apparition etdraine à son profit une grande partie del'aide étrangère. En 1963, le prince Sihanouk annonceque l'Etat se doit de mieux contrôler l'éco-nomie nationale, et d'assumer la responsa-bilité du commerce extérieur. Il fait natio-naliser toutes les banques aussi bienkhmères qu'étrangères. Dans le mêmemouvement, il renonce à l'aide américainepour se tourner vers celle des pays socia-listes, et de la France.La politique de neutralité

En 1955, au sommet afro-asiatique deBandung, le prince Sihanouk fait laconnaissance de deux hommes qui vontavoir une influence prépondérante sur sesorientations politiques extérieures. Ce sontles Premiers ministres chinois et indien,Chou En Lai et Nehru. Avec le premier, ilnoue une grande amitié malgré les soubre-sauts ultérieurs des relations khméro-chi-noises. Chou En Lai, de son côté, va s'avé-rer être aussi son plus puissant soutiendans les années qui suivent. Quant à

Nehru qu'il a déjà rencontré en 1954, leprince le considère comme son guru, sonmaître spirituel.Après cette conférence, le princeSihanouk comprend que l'unité interne etla sécurité extérieure du Cambodgedépendent de l'orientation de sa politiqueétrangère. S'il penche vers l'Occident, ilsera attaqué par la gauche qui bénéficiedes appuis de Hanoi et de Pékin. A l'inver-se, s'il se tourne vers Moscou ou Pékin, lesconservateurs et les démocrates soutenuspar Bangkok, Saigon et Washington luimèneront la vie dure. Aussi, seule unepolitique de stricte neutralité peut sauve-garder l'indépendance et l'union nationale.Le 14 décembre 1955, le Cambodge estadmis à l'ONU. Le Prince Sihanouk yaffirme alors sa volonté de pratiquer unepolitique totalement indépendante desdeux blocs et de relations amicales avectous les pays.En 1956, voulant équilibrer l'influencedes Etats-Unis qui désirent voir Phnom-Penh s'aligner sur ses alliés de Bangkok etde Saigon dans un glacis anti-chinois, leprince se rend à Pékin et obtient de laChine la promesse d'une aide substantiellepour la consolidation de la neutralité cam-bodgienne. Dans la même année, il reçoitde l'URSS l'assurance d'une assistanceconséquente qui lui vaut en retour l'éti-quette de "pro-communiste" ou de "Princerouge", attribuée par les américains.Le non-alignement ou la neutralitéactive

Confronté à des irritations internes et àl'hostilité grandissante de ses voisins, leCambodge se devait de sortir d'un risqued'isolement. L'occasion lui est donnée à laconférence de Belgrade des Non-alignésen 1960 où le prince Sihanouk fait un dis-cours remarqué. Fort de ce coup d'éclat, leprince se lance, les années suivantes, dansdes opérations de médiation d'abord enfaveur du Laos déchiré par un affronte-ment tripartite, et plus tard pour essayer deramener, sans succès, à la table de discus-sion, Chinois et Indiens, sur leur différendfrontalier du Ladakh.

Le sommet des Non-alignés à Belgrade en1960

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L�ÉCRIT D�ANGKOR N°4 - FEVRIER 2004

CAMBODGE, 50 ANS D�INDEPENDANCE22Alors que le prince Sihanouk s'activesur le plan diplomatique et international,des troubles internes surgissent. Il doitalors ménager, tour à tour, ses deux flancs,les communistes et les conservateurs qui,influencés par leurs appuis étrangersrespectifs, réagissent de plus en plus face àla montée des tensions qui opposent lesdeux Vietnam en 1962, et conséquem-ment, les Etats-Unis au Nord-Vietnam en1965.Ayant déjà renoncé à l'aide américaineen 1963, le prince Sihanouk coupe lesrelations diplomatiques avec les Etats-Unis suite à leur intervention armée dansle conflit vietnamien en 1965. Il passe desaccords secrets avec le Vietcong, pressen-tant peut-être déjà leur victoire. Selon lestermes de cette entente, les troupes com-munistes vietnamiennes sont autorisées àstationner à l'intérieur du territoire khmeret à être ravitaillées par la Chine, en armeset en nourriture, par le port deSihanoukville. En échange, les NordVietnamiens doivent reconnaître les fron-tières cambodgiennes et éviter le contactavec les Forces Armées Royales Khmères(FARK) ainsi qu'avec la population khmè-re. Anticipant probablement la mauvaiseréaction des Américains, le princeSihanouk a sans doute cherché le soutiendu Général de Gaulle, un grand défenseurde la politique de neutralité, qui s'estdémarqué des Etats-Unis en quittantl'OTAN et auquel il voue une très grandeadmiration. Le président de la Républiquefrançaise accepte de faire une visite d'Etat

et de l'autre côté les Khmers Vietminh quivont faire place aux Khmers communistesdu Prachéachon ou PCK (PartiCommuniste Khmer).Le prince Sihanouk réussit sans mal àneutraliser le premier mouvement d'oppo-sition symbolisé par le trio Dap Chhuon -Sam Sary - Son Ngoc Thanh. Cette miseaux pas se traduit dans les faits par une éli-mination physique ou politique de leurschefs de file. Le général Dap Chhuon,ancien Khmer Issarak, ex-ministre de laSécurité et gouverneur de Siem Reap, estle premier à tomber à la suite d'un complotdit du "Plan de Bangkok" où des troupesde Khmers Sérei devaient converger à lafois de la Thaïlande et du Sud Vietnampour entrer au Cambodge. Le général DapChhuon est tué et des accusations sontportées par le prince contre la Thaïlande etle Sud Vietnam d'être les instigateurs de cecomplot. Quelques années plus tard, sansdoute à la suite d'un colis piégé envoyé aupalais royal qui a attenté à la vie du roiSuramarit et de la reine Kossomak, maissans qu'une corrélation évidente ne soitétablie, c'est au tour de Sam Sary de dispa-raître mystérieusement. Quant à Son NgocThanh, il est neutralisé politiquement, enexil à l'étranger.Après les Khmers Sérei, c'est au tourdu Prachéachon qui subit des attaques dela part du régime sangkumien et au princede déclarer dans une allocution en 1962 :"Je ne saurai approuver le clanPrachéachon et surtout je ne saurai luipermettre de faire du Cambodge, notrepatrie, un second Laos ou un secondVietnam, tant que notre peuple ne me dira

de trois jours au Cambodge et y prononceen 1966 son fameux discours de Phnom-Penh où il demande la neutralisation de lazone du Sud-Est asiatique et désapprouveà mi-mot l'intervention armée américaine.Après cette visite, le prince Sihanoukse retrouve bientôt en face d'une situationinterne inédite pour lui. Lors des électionslégislatives suivantes, une majorité écra-sante de conservateurs est élue àl'Assemblée nationale. Mais trois repré-sentants du Prachéachon, Hou Youn, HuNim et Khieu Samphan réussissent à en-trer au parlement. Ces résultats sont alorsqualifiés par le Prince lui-même de victoi-re "des forces réactionnaires ". Le GénéralLon Nol est désigné Premier ministre parles deux chambres. Fort agacé de ce choix,le prince organise une opposition sihanou-kiste à Lon Nol en créant un contre-gou-vernement.Ainsi, les acteurs de la future chute duPrince Sihanouk sont en position et laradicalisation des confrontations entre lesconservateurs et les communistes khmerspeut alors faire sournoisement ses basses�uvres.L'émergence des oppositions

Dans les années 60, un correspondantde presse américain écrit que "leCambodge, c'est Sihanouk" et aussitôt unécrivain français de surenchérir en disant"qu'il est le Cambodge" faisant allusion àla maxime, "Je suis l'Etat", du roi SoleilLouis XIV. Bien qu'il ne soit plus roidepuis son abdication en 1955, le princeSihanouk garde les prérogatives d'unmonarque en tant que Chef de l'Etat duCambodge. Il prend soin de faire inscriredans les textes de la Constitution que lapersonne du Chef d'Etat est sacrée etinviolable, les attributs même d'un authen-tique souverain. Son insistance à se faireappeler Samdech Euv et à désigner lesCambodgiens ses "Kaun Chau" (enfants)reflète aux yeux de ses opposants etdétracteurs son penchant paternaliste etautoritaire. Il est vite aussi accusé dedespotisme.De 1955 à la fin des années 60, iln'existe véritablement aucune oppositionsérieuse, ni efficace voire même crédible.A part quelques personnalités démocratesqui ont par la suite adhéré au Sangkum, lePrince Sihanouk jouit d'une immense fer-veur populaire, héritage de son ancien sta-tut royal. Toutefois, un bourgeon decontestataires existe, une réminiscence desmouvements d'opposition qui ont prisnaissance pendant la Seconde guerre mon-diale : d'un côté les Khmers Issarak quivont devenir par la suite les Khmers SéreiNorodom Sihanouk et Charles de Gaullesur le perron du Palais de l�Elysée.

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23CAMBODGE, 50 ANS D�INDEPENDANCEtation Vietcong dans les régions frontaliè-res "qui entre dans le plan Vietnamien etThaïlandais de réduire le Cambodge danssa plus simple expression". Mais sonoffensive de reprise en main des affairesdu pays arrive trop tard. En août 1969, leGénéral Lon Nol devient à nouveauPremier ministre.Avec les campagnes occupées par laguerilla Khmère rouge, les frontièresempiétées par les troupes Vietcong, lesvilles en ébullition à cause des mouve-ments de protestation des étudiants et desenseignants gauchisants, des forcesarmées khmères frustrées de ne pas pou-voir répliquer contre les troupes nord-viet-namiennes et une Assemblée nationale quine lui est pas favorable, le prince Sihanoukfinit par se couper de tout support à l'inté-rieur du pays. Sur le plan international, ilne reçoit plus aucun soutien franc du bloccommuniste déchiré entre les courants sta-liniens et maoïstes. Avec les Américains,la méfiance réciproque reste encore gran-de. Déjà, les Etats-Unis pensent à leur dés-engagement de la région et préparentsecrètement l'après Sihanouk.Le 18 mars 1970, alors que le princeSihanouk est en France pour recevoir dessoins, l'Assemblée nationale vote sa desti-tution de sa fonction de Chef d'Etat duCambodge.

Chetra CHEA

contre le gouvernement. Durant l'été 1967,des attaques et des attentats se multiplient,suivis de représailles sanglantes.Assailli de toutes parts (campagne depresse aux Etats-Unis révélant que le portde Sihanoukville servait de lieu de traficd'armes à destination des soldats Nord-Vietnamiens, reprise des attaques desKhmers Sérei sur la frontière thaïlandaise,escarmouches entre les FARK et l'arméeVietcong), le prince Sihanouk se doit deréagir vigoureusement sur le plan intérieuret extérieur du Cambodge.Comme le commande l'urgence de lasituation, il s'en prend d'abord, en interne,aux communistes en dénonçant l'entrepri-se de subversion de la jeunesse faite parles Khmers rouges maoïstes soutenus parla Chine. "Le communisme d'importationn'a rien à nous apporter, si ce n'est la dis-solution de notre identité nationale",déclare-t-il. Il interdit les associations d'a-mitiés khméro-chinoises mais en mêmetemps il critique sèchement les "Khmersbleus" de "pro-américains" qui ne "repré-sentent qu'un moindre danger car il s'agitd'un petit cercle de commerçants cupi-des.". En 1968, le PCK entame une vérita-ble guérilla dans onze provinces sur dix-neuf, concordant avec l'offensive du Têtdéclenchée par l'armée Vietcong au SudVietnam. Contre les activités bellicistesdes Khmers rouges, une reprise de l'assis-tance économique et militaire américaineest négociée. Les relations diplomatiquessont rétablies en 1969 avec les Etats-Unisavec pour conséquence le ralliement desKhmers Sérei au gouvernement cambod-gien que le prince qualifie plus tard deman�uvre de la C.I.A qui prépare son ren-versement ultérieur.Pour faire face aux problèmes exter-nes, le prince Sihanouk dénonce l'implan-L�ÉCRIT D�ANGKOR N°4 - FEVRIER 2004

3pas de le laisser faire." Le Prachéachon nereprésente pas à l'époque une menacesérieuse immédiate, d'autant plus que leprince Sihanouk convole une lune de mielavec les dirigeants des pays qui soutien-nent les communistes khmers. Mais ensecret, après l'assassinat du Secrétairegénéral Tou Samouth en 1962, le PCK estrepris en main en 1963 par un certainSaloth Sar, connu plus tard sous le sinistrenom de Pol Pot. Des hauts cadres du parti,tels que Son Sén ou Ieng Thirith, com-mencent alors à prendre le maquis en pré-paration d'une lutte plus radicale.Les Khmers Sérei évacués manu mili-tari et le Prachéachon réduit à sa plus sim-ple expression, le prince Sihanouk peutpenser à juste titre être débarrassé de toutopposant à sa politique mais la premièreestocade fatale qui va lui être portée enmars 1970, provient du clan des conserva-teurs, ceux-là même qui se sont ralliés àson mouvement.La destitution du prince Sihanouk

En 1966, le Général Lon Nol estPremier ministre avec une Assembléenationale majoritairement gagnée à sacause. Trois personnalités du Prachéachonsont élues et l'un d'entre-eux, KhieuSamphan fait partie du contre-gouverne-ment mis en place par le prince Sihanouk.Dès le début des années 60, les conser-vateurs voient d'un très mauvais �il le rap-prochement du prince Sihanouk avec lespays communistes, tels que la Chine,l'URSS ou la Tchécoslovaquie. L'aideaméricaine qui afflue à cette époque auCambodge a bénéficié à une classe aiséeformée par des élites et des intellectuelsbourgeois. Il n'est pas surprenant qu'ilssoient alors mécontents de voir la fin del'assistance américaine en 1963 et la ruptu-re diplomatique avec les Etats-Unis en1965. Un profond ressentiment commenceà prendre forme contre le prince Sihanouk,d'autant plus que ce dernier ne se prive pasde leur manifester sa méfiance et sonmépris.C'est la révolte des paysans de Samlauten mars 1967 qui précipite les événe-ments. Contre l'expropriation de leurs ter-res par l'armée pour les donner à desKhmers Sérei repentis, des paysans de larégion de Païlin se rebellent entraînant unerépression sanglante. Ces soulèvements sepropagent alors dans d'autres provinces età Phnom-Penh où le gouvernement de LonNol est acculé à la démission. KhieuSamphan, Hou Youn et Hu Nim disparais-sent à cette époque là de la scène politiqueet prennent le maquis. Le PCK que le prin-ce a baptisé de "Khmers rouges" décidealors de lancer une insurrection armée

Souvenirs doux et amers- Norodom Sihanouk, Hachette/Stock, 1981Norodom Sihanouk, l�indochine vue dePékin- Entretiens avec Jean Lacouture, éditionsdu Seuil, 1972.Sihanouk et le drame cambodgien- Bernard Hamel, L�Harmattan, 1993Sihanouk, le fin des illusions- André Tong, La Table Ronde, 1972Norodom Sihanouk, la CIA contre leCambodge- François Maspéro, Cahiers Libres, 1973Cambodge Actuel, Chronologie 1953-1987- Publication ADECAA history of Cambodia- David Chandler, Westview Press, 2000Sihanouk, Prince of light, prince ofdarkness- Milton Osborne, University of HawaiPress, 1994

B I B L I O G R A P H I E

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L�ÉCRIT D�ANGKOR N°4 - FEVRIER 2004

E N B R E F 24Le calendr ier 2004 d 'Angkor

A la suite d'un voyage d'une semaine au Cambodge, à Siem Reap,après la découverte d'Angkor, j'ai eu le désir de faire revivre en aqua-relles ces merveilleux temples. Le passage au nouveau millénaire aupied d'Angkor Vat, admirant la grâce des danseuses du Ballet Royal,réincarnations des petites apsaras de pierre�L'émotion ressentie devant ces énigmatiques visages des tours duBayon et ces ficus amoureux de leurs temples� Autant de souvenirsqui firent naître en moi le plaisir de les reproduire en tableaux, puisd'en sélectionner sept pour accompagner les mois de l'année 2004avec les citations des premiers découvreurs d'Angkor. C'est une joiede faire connaître par cet ouvrage les temples de l'art khmer et dedonner l'envie de partir là-bas, dans ce merveilleux pays.

Khmer RougeKhieu Samphan reconnaît les«massacres» commis par lesKhmers rouges, mais pas le géno-cide, alors que Nuon Chea, l�ex�frère numéro deux� parle �d�er-reur�

Interrogé le 23 janvier sur France-Inter, Khieu Samphan, ancien présidentdu Kampuchéa démocratique, a reconnuque des �crimes� et des �massacres�avaient été �commis sous le régimekhmer rouge�, qui a fait environ 1,7million de morts dans les années 1970,mais il a rejeté l'idée de �génocide�. En revanche, �je n'arrive pas à com-prendre si facilement qu'il pourrait yavoir (eu) génocide�, a ajouté l'ex-prési-dent, qui pourrait comparaître prochaine-ment pour génocide devant un tribunalcambodgien créé en coopération avec lesNations unies. Nuon Chea, plus haut dignitairekhmer rouge encore en vie, l'ex �frèrenuméro deux�, reconnait des �erreurs� etse dit prêt à comparaître devant un tribu-nal chargé de juger les responsables dugénocide cambodgien, mais refuse de seconsidérer comme un �criminel de guer-re�.�Je n'ai pas fait usage de suffisamentde sagesse pour découvrir la vérité sur cequi se passait, pour vérifier qui agissaitmal et qui agissait bien. J'accepte cetteerreur�, déclare Nuon Chea.Aucun ancien dirigeant khmer rougen'a été jugé à ce jour pour les atrocitésperpétrées entre 1975 et 1979.

d�après AP (23 janvier 2003)

La �grippe du poulet�au Cambodge

Un premier cas de grippe aviaire a étédécelé au Cambodge dans un élevage depoulets près de Phnom Penh, a annoncé,le 23 janvier, l'organisation des Nationsunies pour l'alimentation et l'agriculture(FAO). Cette annonce survient après laconfirmation de deux premiers cas, chezl'homme, en Thaïlande où sept millionsde poulets sont morts depuis novembredernier. Le virus a été trouvé "sur despoulets dans un élevage près de la capita-le Phnom Penh. Certains tests ont étéenvoyés à Paris par le gouvernement etont confirmé la présence du virus H5N1",a ajouté la FAO.d�après AFP (23 janvier 2004)

Fin de tournage de�Dogora�, un film de

Patrice LeconteLe réalisateur français PatriceLeconte vient d'achever le tournage auCambodge d'un film d'un genre inédit et"inclassable" intitulé "Dogora", quidevrait sortir dans les salles ce printemps."Il s'agit d'un film musical d'une heurevingt sans acteur ni dialogue, dont le scé-nario est constitué par une suite sympho-nique du compositeur français EtiennePerruchon intitulée Dogora", a-t-il préci-sé Patrice Leconte. "C'est une musique porteuse de sen-sations très fortes que je songeais à mett-re en images depuis trois ans, mais àlaquelle je n'ai trouvé un écho qu'il y a unan, dans le cadre d'un voyage familial auCambodge", a confié le réalisateur. "J'y ai été assailli d'émotions diverseset invraisemblables telles que je n'enavais jamais ressenti dans les autres paysoù j'ai été. Ce qui m'a le plus marqué auCambodge est ce sentiment que la vie estla plus forte malgré des conditions extrê-mes", a souligné Leconte.

Plus de 350 000Cambodgiensutilisateurs du

téléphone mobile Le Cambodge compte maintenantplus de 350 000 utilisateurs de téléphonemobile, 10 fois plus que les utilisateursde téléphone fixe. Ils représentent plus de3,43% des 12 millions d'habitants duCambodge.La croissance la plus rapide a étéenregistrée dans les quartiers de PhnomPenh, qui comptent 60%. Il y a trois opérateurs de téléphonemobile au Cambodge. Et le plus grandest MobiTel, qui possède 70% des clientstotaux, alors que COMSHIN, la deuxiè-me grande société du service de télépho-ne mobile, a 20% de consommateurs.

d�après Xinhua (4 janvier 2004)

Le principal leadersyndical abattuLe plus populaire des leaders syndi-caux cambodgiens a été abattu jeudi 22janvier 2004 à Phnom Penh. CheaVichea, qui présidait le Syndicat desouvriers du royaume du Cambodge, mili-tait également dans les rangs de l�opposi-tion aux côtés du PSR, le Parti de SamRainsy, dont trois membres ont été assas-sinés ces dernières semaines. Sa mortintervient alors que le pays est engluédans une grave crise politique qui le privede gouvernement depuis six mois, datedes dernières législatives.d�après RFI Cambodge (22 janvier 2004)

Renseignements auprès de Josiane LEGRAND :01.39.71.19.77 ou 06.10.81.14.48e-mail : [email protected]

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L E C T U R E

Avril 1975 : Phnom Penh est vidéede ses habitants. " Pour troisjours ", avaient affirmé ces mys-térieux sauveurs. Mais l'Histoire nous aprouvé l'ampleur du mensonge� Somanos Sar, à travers son �uvre,nous fait part d'un témoignage touchantet percutant, à la fois beau et apocalyp-tique. La couverture du livre ? Le charnierde Choeung Ek, devant lequel un jeunegarçon, coiffé d'un krama, nous jette unregard assez hostile. Mais en réalité, ilexprime souffrance, incompréhension etdésarroi� Afin de mieux comprendre la tragé-die, l'auteur nous invite à une rétrospec-tive de la vie cambodgienne durant laguerre du Vietnam dont il retrace l'histoi-re vue par ses yeux d'en-fants� De l'Indépendance àla prise de Phnom Penhpar les Khmers Rouges :le Sangkum ReastrNiyum (socialisme bouddhiste) deNorodom Sihnaouk et le régime capita-liste corrompu du général pro-américainLon Nol. Nous saluons cette initiative qui éviteaux lecteurs de faire des recherches his-toriques, qui en même temps nous per-met de ressentir la plénitude des évène-ments qui suivront. �ApocalypseKhmère� n'est pas un conte de fée, ilaurait pu être un roman cauchemar-desque mais le talent de l'auteur nous aévité cela. Au fil des pages, nous pou-vons découvrir, ou redécouvrir leCambodge, son histoire et sa beauté.L'Apocalypse a bien eu lieu, il ne s'a-git pas d'un mauvais film ou encore d'unfilm d'épouvante. Ce n'est pas de la fic-tion. �Trois jours�, avaient-ils affirmé. Trois jours, trois mois, trois ans etmême plus� Le petit Somanos, dont la mère vit enFrance et le père a disparu pendant l'éva-cuation, se retrouve quelque peu seul. Ilne sait pas encore tout ce qu'il va devoirsubir, mais il n'est pas dupe malgré sonjeune âge, il comprend très vite qu'il vase retrouver dans un enfer sans nom. L'Angkar, ainsi fut nomméel'Organisation Khmers Rouges, était sans

pitié. Une révolution passait absolumentpar une " purification spirituelle ". Toutepersonne déjà éduquée pouvait être dan-gereuse pour l'Angkar. Selon elle, unepoignée de khmers suffisait pour exploi-ter les terres riches du Cambodge. Nuln'avait besoin de réfléchir, il fallait avanttout obéir, suivre ses directives au risquede ne pas avoir à manger et donc, mourirde faim. Rien à perdre en te perdant, rien àgagner en t'épargnant. Cette phrase, maintes fois répétée,résumait grosso modo comment lesKhmers Rouges traitaient leurs tra-vailleurs prisonniers. Prisonniers sansmême être capturés car il n'y avait pasd'autres choix que de travailler pourl'Angkar. Le pays était malicieusementquadrillé, nul ne pouvaitpasser entre les maillesdu filet. Chaque jour ressem-blait à la veille et au len-demain. La souffranceétait à son paroxysme. La mort ne faisaitplus peur et représentait dans cette foliemeurtrière une sorte d'échappatoire àl'Apocalypse. Travailler toute la journéepour manger de moins en moins chaquesoir. Travailler inutilement dans desconditions inhumaines, n'est-ce pas lamort lente que proposait les KhmersRouges ? Les résistants à l'Angkar disparais-saient massivement ou alors étaientpubliquement abattus pour servird'exemple à quiconque voulait contrarierce maudit système.Déplacés plusieurs fois, les jeunestravailleurs, dont faisait partie l'auteur,avaient perdu tout espoir. Il était impos-sible de concevoir autre chose que lamort. La faim était la première préoccu-pation mais en même temps, à quoibon... puisque le point de non-retouravait déjà été dépassé d'une manière silâche.Cet ouvrage constitue un témoignageassez exhaustif. Il permet au lecteur decomprendre la souffrance des personnesqui ont vécu cet enfer, cette apocalypse...Ce crime contre l'Humanité, jusqu'iciresté incompris, n'a toujours pas étépuni.

Pol Pot est mort mais un génocide,aussi cruel soit-il, ne peut être oublié. Ilest même un devoir de se remémorerl'Année Zéro, cette révolution dénuée desens.Plus de 2 millions de cambodgiensont trouvé la mort durant ses 3 ans, 8mois et 20 jours. Ce lourd bilan est restéet restera dans la mémoire collectiveaussi longtemps que l'âme Khmère exis-tera.Sophak UONG

L�ÉCRIT D�ANGKOR N°4 - FEVRIER 2004

25Apocalypse Khmère

de Somanos SAR - Paris, Edition Jean Picollec, 2003Le titre de l'ouvrage à lui seul nous fait froid dans le dos et nous rappelle que ce génocide a bel etbien eu lieu et qu'il restera à jamais gravé dans la mémoire de tous les khmers qui l'ont directementou indirectement subi.

Somanos SARNé en 1965 à Phnom Penh, SomanosSar n'avait pas 10 ans lorsque lesKhmers rouges s'emparèrent du pou-voir. Dès son arrivée en France en1982, il voulut relater ce drame parécrit, mais la tâche lui parut alorsinsurmontable tant la langue françai-se, dont il ne connaissait que quelquesmots, lui était étrangère. Aujourd'hui,après un DESS de microélectroniqueobtenu à la Faculté des Sciencesd'Orsay, il est ingénieur en informa-tique. Ce récit constitue sa premièreoeuvre.

"Rien à perdre en tetuant, rien à gagner en

t'épargnant."

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L�ÉCRIT D�ANGKOR N°4 - FEVRIER 2004

2 E D U C AT I F 26

Tirant ses origines de l'Asie du Sud,le khmer, langue officielle duroyaume du Cambodge, fait partieintégrante de la branche des langues"Môn-Khmer", dont sont également issusquelques deux cents autres langues et dia-lectes de la péninsule de l'Asie du Sud-Est,allant du birman au vietnamien, passantpar le thaïlandais et le lao. Quoique dis-tinct et indépendant du thaïlandais, du laoet du birman, en empruntant une représen-tation écrite dérivant de l'alphabet indien(réputée de genèse divine tout comme leshiéroglyphes), le khmer partage avec sesvoisins, en plus d'une même confessionbouddhique Theravada, des racines com-munes de sanskrit et de pâli, héritage deplusieurs siècles d'une synergie linguis-tique et culturelle. Le sanskrit, langue dugroupe indo-aryen est considéré par VictorDurant (in Histoire de beaucoup d'hom-mes, Payot 1937) comme "plus parfaiteque le grec, plus riche que le latin, plusraffinée que toute autre". Le pâli, langueindo-européenne, est utilisé encore de nosjours comme langue religieuse par lesbouddhistes.L'évolution du khmer

Depuis la découverte de la plusancienne inscription en khmer, les spécia-listes distinguent trois périodes du khmerécrit : le khmer ancien du VIIè au XIIè siè-cle, le khmer moyen jusqu'au XVIIè et lekhmer moderne, depuis lors.De nos jours où la mondialisationavance à grands pas, le Cambodge doit luiaussi faire face à la modernisation, il doits'adapter tant au niveau du modus videndi,qu�au niveau de la langue, et cela sans per-dre une once de richesse de sa culture etencore moins une note d'harmonie de salangue. Cette dernière était à l'époque bienadaptée aux besoins de la civilisation tra-ditionnelle. L'évolution très rapide de lasociété crée de nouveaux besoins linguis-tiques. Deux voies d'enrichissement sonten présence, l'une consistant à utiliser aumaximum les procédés de dérivation tra-ditionnels, l'autre à emprunter massive-ment au pâli.Dans son état actuel, le khmer ne cor-respond pas aux exigences du mondemoderne. Les textes traitant de sujetsadministratifs, scientifiques ou politiquessont aussi difficiles à lire qu'à écrire. Ilspeuvent mener immanquablement à des

Introduction à la langue khmèrePar ses origines anciennes et son lexique abondant, spécialistes et novices apprécient le khmercomme une langue riche et originale. Si sa grammaire paraît simple au premier abord, la languekhmère demeure néanmoins très complexe pour les non-initiés.

contresens. Pendant la période du protec-torat, les Français ont tenté la romanisa-tion de la langue qui, tout à fait bienaccueillie par les Vietnamiens, s'est rapi-dement conclue par un bel échec auCambodge. Ils ont néanmoins laisséquelques traces lexicales: "poste","conseil", "chemise", "machine", etc...Juste après, pour véhiculer la pensée révo-lutionnaire, le régime sanguinaire desKhmers rouges a aboli certains termes et,à la place, en a inventé d'autres reposantsur des néologismes sanskrit-pâli : "pade-voat" révolution, "tiakropoat" impérialis-te... Et à présent, avec le développementdes technologies de l�information, appa-raîssent de nouveaux mots - souventanglo-saxons -, un nouveau vocabulairepour s'adapter au monde moderne : "e-mail", "Internet", "computer", "game",etc..Une langue hiérarchisée

Autrefois, l'identité khmère était fon-dée sur les concepts de la monarchie, dubouddhisme et de la langue commune.L'affaiblissement des deux premiers,notamment chez les jeunes fait que la lan-

gue reste aujourd'hui le ciment le plussolide de l'identité khmère. De nos jours,elle appartient à tous ceux qui la parlent,paysans et lettrés, commerçants et profes-seurs, nationaux et émigrés.

Une langue originaleA la différence des pays limitrophes, lekhmer est atonal. En d'autres termes, lesmots ne portent aucune intonation particu-lière qui modifie leur sens. Selon GeorgesCambefort, dans les années 50, le khmerest "une langue d'analyse, plutôt que desynthèse, dans laquelle on doit toujoursattendre la fin de la phrase pour en com-prendre le sens". De ce fait, on constateraune certaine lenteur dans l'écriture, la lec-ture, l'échange des idées. Des "discoursfleuves" sont souvent indispensables pourexprimer complètement et clairement unepensée.

L'alphabet khmerLe khmer repose sur un alphabet origi-nal, provenant du sud de l'Inde, unique etcomplexe, qui a donné naissance auxalphabets thaï et lao. L'unité de base n'estpas le caractère alphabétique comme enlangues romaines, mais la syllabe. Les caractères de base comprennent 33consonnes et symboles-pivots (Pchun ChaNeak) qui se subdivisent en deux groupesde sons, et 39 voyelles (Sraks) qui se divi-sent elles aussi en deux familles.Avec une grammaire au premier abordsimple, balbutier des expressions comme"fille cette jolie très" ("srey nih saat nah")ou "moi aller marché acheter bananes"("kniom toeuv psar teign cheh") semblerapidement accessibles au premier venu, ilfaudra en fait des années pour maîtriser lecambodgien et lire couramment un articlede journal. Jusqu'ici, un seul dictionnaireofficiel de la langue a été publié en 1943par une commission de lettrés de l'Institutbouddhique, sous la supervision duVénérable Chuon Nath.

Prasnar YI

- Le Cambodge de Soizick Crochet- Parler le Cambodgien, Comprendre leCambodgien de Pierre-Régis Martin et DyDathsy, Régiss Editions- Conférence prononcée le 28/03/98 parAlain Daniel, directeur des études cambod-giennes à l'Inalco- La grammaire du khmer du modernede Khin Sok, Edition You Feng - 1999- Dictionnaire Français-Khmer de MichelAntelme et Suppya Bru-Nut, EditionLangues et Mondes - 2001- http://www.kh.refer.org/

B I B L I O G R A P H I E

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L�ÉCRIT D�ANGKOR N°4 - FEVRIER 2004

C U I S I N E

Conseil du chef : Pour relever vos plats, vous pouvez rajouterun peu du prahoc dans votre creung. N'oublions pas que la cui-sine khmère utilise souvent le prahoc * dans leurs mets* Vous trouverez un article consacré sur le prahoc dans l'Ecritd'Angkor n°2

Thaseda OU

Le "creung" est une sorte de condiment aux parfums etsaveurs exotiques multiples dues à une compositionriche en épices. Cette alchimie culinaire est typiquementkhmère. C'est une recette qui se transmet de génération engénération au Cambodge. Dans ma famille, ma mère tient cetterecette de sa mère et maintenant, je la tiens de ma mère même.On pourrait presque dire que c'est une tradition de la transmet-tre aux futures générations. Bien entendu, il existe certainementdes variantes. La recette que je vous propose n'est absolumentpas "l'authentique" recette mais c'est tout de même la recetteclassique du creung avec les cinq épices principaux (cf. ingré-dients).D'un point de vue pratique, le creung sert de base ou de fondde sauce comme on utiliserait plus communément le fond deveau par exemple. Son procédé de fabrication est très minu-tieux. En effet, on obtient le creung en le broyant grâce au pilonet au mortier. Ce sont des ustensiles qui sont utilisés depuis desmillénaires par nos ancêtres et dans beaucoup de civilisationsorientales. Aujourd'hui, le pilon et le mortier sont détrônés parle robot mixeur. Mais la plupart des familles préfèrent encore lepilon et le mortier pour sans doute le respect de la tradition etl'obtention d'une meilleure saveur. Il n'empêche que cela cons-titue un travail de longue haleine et de patience, mais qui envaut vraiment la peine quand on songe aux plats délicieux donton pourrait se délecter.Ingrédients1- Citronnelle - "Sleuk Krey" 350gr2- Galanga - "Madeigne" 100gr3- Curcuma - "Lomieth" 50gr4- Combava ou Makrut - "Krauch saeuch" ou "Sleuk krauch" (utilisez soit le zeste du fruit ou les feuilles) 30gr5- Ail 1 gousse entière

PréparationIl faut travailler tous les ingrédients de façon à obtenir une pâtehomogène et cela, soit à l'aide d'un pilon et mortier (pour lesplus courageux), soit d'un robot mixeur.Etape 1- Couper chaque pied de citronnelle en très fines rondelles- Couper de même pour le galanga, le curcuma et l'ail- Couper en fines lamelles la peau du citron ou les feuilles(selon votre choix)Etape 2- Piler ou mixer tous les produits jusqu'à obtenir un corpshomogène qui servira de base pour la recette choisieSuggestion de recettes : Grâce à cette base obtenue, vous pou-vez réaliser les plats traditionnels khmers tels que : le "samlor*matchou creung", le "samlor korkô", le "samlor khtys", le "pra-hoc creung", les "Sach kô aing" (brochette de b�uf), etc�

*Samlor : Soupe

La recette du "CREUNG"

Galanga

Curcuma

CombavaAil

Citronnelle

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