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Leçon 1 : IntroductionRecherches sur la perception précoce

de la parole http://www.ulb.ac.be/cours/leybaert

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Plan du cours : de la naissance à 7-8 ans

Introduction : Les questions théoriques Les habiletés de perception précoce de la parole Le développement des habiletés de production de la parole

Le babillage; théories motorique (évolutionniste) et linguistique Les bases biologiques d’acquisition du langage Le lexique précoce

Les 50 premiers mots, l’explosion lexicale; l’influence de la langue d’apprentissage Acquérir le sens des mots : sous=extensions, sur=extension Les contraintes cognitives : fast mapping, … Les chiens comprennent-ils lorsqu’on leur parle ??

Approche pragmatique : précurseurs du langage et interactions précoces attention conjointe, tours de parole, routines d’interaction, le langage adressé aux

enfants (motherese, mamanais) Les robots

L’acquisition des structures syntaxiques Les holophrases, la théorie pivot La grammaire universelle (Chomsky); l’hypothèse « meaning=based »(Tomasello) les chimpanzés construisent-ils des phrases ? Approche computationnelle : l’acquisition du passé

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Et encore … La compréhension du discours, la

cohésion (références), les métaphores Les pathologies d’acquisition du

langage oral Troubles spécifiques du langage : bases

génétiques ou ??? L’acquisition de la langue des signes Le bilinguisme précoce

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Organisation

Exposés Lectures (en français généralement) relatives à chaque

thème 2005-2006 : Examen Ecrit en janvier sur le cours :

questions ouvertes Connaissances

Âges de développement Définitions

Compréhension des polémiques Vrai ou faux

Mémorisation et exposé d’un problème Question de restitution

Question de discussion

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Quelques ouvrages de référence en français

Kyra Karmiloff & Annette Karmiloff-Smith (2001). Comment les enfants entrent dans le langage. Paris, Ed. Retz.

(de la vie in utero à l’adolescence) Michèle Kail & Michel Fayol (Eds.) (2000). L’acquisition du

langage. Vol. 1. Le langage en émergence : De la naissance à 3 ans. Paris,

Presses Universitaires de France. Vol. 2. Le langage en développement. Au-delà de 3 ans.

Bénédicte de Boysson-Bardies (1996). Comment la parole vient aux enfants. Paris, Ed. Odile Jacob

(De la naissance à deux ans) Steven Pinker (1994). L’instinct du langage. Paris, Ed. Odile

Jacob Jean Rondal & X. Seron (Eds.) (1999). Troubles du langage :

Bases théoriques, diagnostic et rééducation. Sprimont (Belgique): Pierre Mardaga

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2006-2007 Sept: 19, 26 Oct : 3, 10, 17, 24 Nov: 7, 21, 28 Déc: 5, 12, 19 Exposés JL

Exposés étudiants Évaluation : présentation orale + travail écrit

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Un peu de théorie(s) 1. Années ’50 : domination du

behaviorisme (Skinner, Watson) sur les sciences sociales : le langage, comme tout autre comportement animal se développe chez les enfants en fonction du renforcement externe (conditionnement opérant)

L’enfant apprend le langage comme un rat apprend à pousser un bouton, par sensibilité aux récompenses (voir J.P. Bronckaert, Théories du langage, Mardaga, 1977)

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2. Années ’60 : Chomsky : LAD (language acquisition device, ou « language faculty »), contient des contraintes spécifiées de façon innée sur les formes possibles qu’un langage humain peut prendre : grammaire universelle et phonétique universelle

Le langage = un des premiers exemples de module (Fodor) : spécifique à un domaine, inné, et « informationally encapsulated » (voir M. Kail; Perspectives sur l’acquisition du langage)

« pauvreté de l’input » : Les inputs ne peuvent suffire à rendre compte de l’acquisition d’une grammaire complexe, ne fournissent pas assez d’exemples pour que le cerveau construise les structures grammaticales en partant de zéro

Générativité : L’enfant doit être équipé de façon innée d’un plan commun aux grammaires de toutes les langues, une « grammaire universelle », ensemble de principes qui sous-tend chacune des langues présentes dans le monde

Développement : croissance du module langagier Rôle de l’input : déclencher les « paramètres »

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Chaque phrase entendue ou prononcée est une combinaison nouvelle de mots qui apparaît pour la première fois dans l’histoire. Donc : un langage ne peut pas être un répertoire de réponses à des stimuli. Le cerveau doit contenir un programme (« grammaire mentale ») capable de construire un ensemble de phrases illimité à partir d’une liste de mots limitée.

L’enfant développe cette grammaire complexe rapidement et sans enseignement formel. En grandissant il arrive à interpréter des constructions de phrases nouvelles qu’il n’a jamais rencontrées auparavant.

Quand l’enfant tu « Tu me gigotes » ou « J’ai prendu les bébés lapins », cela ne peut pas être de l’imitation (<> Skinner, behaviorisme)

Les mécanismes cérébraux supportant le le langage sont innés et propres à ce domaine

Pinker (1994) : « L’instinct de langage »

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Pinker: « les exemples montrent que la grammaire complexe existe dans tout l’éventail des habitats humains. Point n’est besoin d’avoir quitté l’âge de la pierre, ni d’appartenir à la classe moyenne, ni de bien réussir à l’école,..Vos parents n’ont pas besoin de vous immerger dans le langage, ni même de bien maîtriser une langue. Vous n’avez pas besoin du bagage intellectuel … Vous pouvez posséder tous ces avantages, sans pourtant être un utilisateur compétent du langage, s’il vous manque seulement les bons gènes ou les bons fragments du cerveau »

Qu’en pensez-vous ??

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3. Point de vue cognitiviste : Piaget Lien entre le développement du langage et le

développement conceptuel Ex: permanence de l’objet sous-tend les débuts de

l’utilisation du mot Capacités d’emboîtement (poupées russes l’une dans

l’autre) : fondement de la compréhension de l’enchâssement des phrases (H. Sinclair)

Ce sont des mécanismes généraux d’apprentissage (développement cognitif) qui s’appliquent au traitement de l’input linguistique

Émergence tardive de la fonction symbolique (capacités précoces ??)

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3. Point de vue interactionniste (Vygotsky, Bruner, Tomasello) L’interaction sociale est critique pour l’acquisition du

langage (sens des mots, structures syntaxiques) Précurseurs : Rôle de l’attention conjointe, du tour

de rôle Le but de l’adulte et de l’enfant est d’arriver à se

comprendre pour pouvoir réaliser ensemble des activités et partager des états mentaux (intentionnalité)

Notion de « format d’interaction » (Bruner) : structure de base d’un échange prototypique, comme dire « au revoir », « coucou »; les énoncés produits par les interlocuteurs sont des éléments du format; répétition

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« Le langage humain est unique, conduit par qq chose d’inné. C’est la capacité à l’acquérir qui est innée : la très longue période d’apprentissage postnatal peut jouer un rôle adaptatif considérable. Le langage n’est vraiment « nouveau »du point de vue de l’évolution que dans la mesure où il permet de nouvelles utilisations de capacités plus anciennes. Les circuits spécialisés pour le traitement du langage n’ont donc rien d’inné : ils émergent au cours du développement de l’interaction du cerveau avec l’environnement linguistique. Le langage devient une fonction spécialisée du cerveau humain ». (K & KS, pp. 245-246)

Discussion INNE/ACQUIS …. Y compris pour la circuiterie cérébrale

Chaque option théorique influence à la fois les hypothèses que l’on construit et la manière dont on interprète les données de la recherche

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Plan de la leçon 1 QQs phénomènes intéressants à propos de la perception des phonèmes

L’absence d’invariants acoustiques La perception catégorielle

La perception catégorielle fait-elle partie de l’équipement linguistique inné du bb humain ?

Les catégories naturelles, universelles Expérience de Eimas (1971) sur la perception du voisement PC pour les autres contrastes : lieu, manière,nasalité PC pour les contrastes non-natifs Les mécanismes sous-jacents : auditifs ou linguistiques ?

Changements de la sensibilité à certains contrastes phonétiques Changements dans la perception des contrastes non-natifs : Werker & Tees,

1984 Quelle explication pour ce déclin ? Changements développementaux dans la perception des voyelles

Sensibilité des bbs aux voyelles prototypiques de leur langue (Kuhl et al., 1993) Etude inter-langue sur les bébés de 6 mois

Le Perceptual Assimilation Model (Best, 1993) Conclusion sur les capacités précoces de perception de la parole des

bébés

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leçon 1 (suite)

Apprentissage par sélection Qu’est-ce qui attire l’attention des bbs

vers la parole ? Expérience pré-natale Le visage humain : un stimulus attractif Sensibilité des bbés à la cohérence audio-

visuelle : à 4 mois, à 2 mois Expérience de Kuhl & Meltzoff

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Organisation

Lectures J. Bertoncini & De Boysson-Bardies (2000) : La perception

et la production de la parole avant deux ans . In : M. Kail & M. Fayol : « L’acquisition du langage », Paris, PUF

De Boysson-Bardies, B. (1996). « Le nourrisson ne parle pas, mais … » In : Comment la parole vient aux enfants (chap. 1). Ed. Odile Jacob

P. Jusczyk (1997). « Early research on speech perception » et « How speech perception develops during the first year ». In : The discovery of spoken language, M.I.T., chapitres 3 & 4.

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Des phénomènes intéressants à propos de la perception des phonèmes

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1. L’absence d’invariants acoustiques

Laboratoires Haskins (1950); Alvin Liberman & F. Cooper: développement d’une machine à lire pour les aveugles

Détecter les propriétés acoustiques invariantes qui correspondent à chaque phonème dans une langue donnée et mettre en ordre les séquences correctes de phonèmes pour chaque mot

Les conséquences de la co-articulation dans les syllabes CV Pas de « portion » du signal correspondant à la consonne seule Pas de propriétés communes à une consonne à travers tous les

contextes vocaliques (voir Fig. 3.1) le cas du phonème /d/ : le second formant (au-dessus) a une

transition ascendante dans certains contextes vocaliques, et descendante dans d’autres

Le premier formant n’est pas un invariant acoustique de l’identité de la consonne : il est identique pour /b/, /d/, /g/ dans un contexte vocalique donné

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2. La perception catégorielle (PC)

Contrairement à ce qui se passe pour beaucoup de signaux acoustiques pour lesquels la capacité de discrimination inter-stimuli excède l’habileté à assigner des noms différents, les habiletés des récepteurs à distinguer des contrastes de consonnes plosives ne sont pas meilleures que les habileté à assigner les stimuli à des classes phonémiques différentes

L’habileté à discriminer deux stimuli appartenant à la même catégorie phonémique est faible (cf Fig. 3.3)

Phones, allophones, phonèmes Les invariants se trouvent dans les capacités perceptives, pas

dans le signal

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PC est-elle « speech specific »? La PC est d’abord considérée comme « speech-specific » : les

locuteurs perçoivent les mêmes différences acoustiques de façon catégorielle dans un contexte « parole » et de façon continue (donc meilleure discrimination des différences intra-) dans un contexte de « non-parole »

PC = appauvrissement de la perception ? Utilité : les sons de la parole sont produits par tractus vocaux de

différentes longueurs, formes; la PC permet de ne pas tenir compte des variations du son de la parole qui sont non-pertinentes pour distinguer des mots avec signification différentes

La découverte de la PC a orienté les recherches vers « comment les adultes, les bébés … identifient-ils les phones (plutôt que les mots); l’hypothèse sous-jacente = la reconnaissance des mots dépend d’un stade antérieur d’identification phonémique

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la PC fait-elle partie de l’équipement linguistique inné de l’être humain ?

Contexte théorique : arguments de Chomsky (1965), Fodor (1966), Lenneberg (1967) : certaines habiletés linguistiques ont une base innée plutôt qu’issue de l’expérience

Expérience de Eimas et al. (1971) : habiletés de discrimination du contraste de voisement /pa/-/ba/ chez des bébés de 1 et 4 mois (avant l’apparition du babillage); technique de succion non nutritive (HAS)

voisement : intervalle de temps entre le relâchement de la fermeture du conduit vocal et la vibration des cordes : VOT (voice onset time)

En anglais : Pour les intervalles où les cordes commencent à vibrer moins

de 25 msec. après le relâchement : /b/, voisée la vibration vient plus de 25 msec. après le relâchement de la

fermeture : /p/, non voisée

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-70 (/deu/)

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+10 (/teu/)

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Pour le VOT, on distingue trois catégories universelles, ou naturelles, ou prélinguistiques (Lisker & Abramson, 1964)

En français, /b/ est pré-voisé, càd que la vibration des cordes vocales précède le relâchement de la fermeture du tractus vocal

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Eimas et al. (1971) Contrastes qui franchissent la frontière /ba/-/pa/ Autres contrastes, avec la différence de voisement de

même amplitude, qui donnent lieu à la perception du même phonème chez l’adulte (deux /ba/ ou deux /pa)

Comparaison de la perception des contrastes « intra- » et « inter-catégories ». Prédictions ??

Les bbs de 4 mois (voir Fig. 2) peuvent déjà discriminer des contrastes de parole de manière catégorielle Indépendamment des capacités de production Aussi à 1mois, qqs jours …

Eimas : La PC (speech-specific) fait partie de l’équipement biologique du bb humain pour le langage

Rôle de l’expérience ou sensibilité innée aux contrastes de l’anglais ??

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« Eimas hypothesized that infants’abilities reflected innate « phonetic feature detectors » that evolved for speech and theorized that infants are biologically endowed with neural mechanisms that respond to the phonetic contrasts used by the world’s languages » (Kuhl, 2000)

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PC pour les consonnes : autres contrastes

Le phénomène de PC chez les bébés a été démontré pour :

Lieu d’articulation (absence d’invariant acoustique pour les distinctions de lieu à travers les différents contextes vocaliques)

les syllabes /ba/ et /ga/ sont discriminées à 5 mois (Moffit, 1971) et à 2 mois (Morse, 1972); l’exposition à la parole durant les premiers mois de la vie n’est pas nécessaire (Bertoncini et al., 1987)

Distinction Plosive/semi-voyelle :/ba/-/wa/ : à 6-8 mois, ensuite à 2 mois

Distinction orale/nasale : /ba/-/ma/ : à 2 mois et 4 mois Distinction /ra/-/la/ (acquise tard dans la production) : à 2-3

mois chez les bébés américains (et les japonais??)

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PC pour les contrastes non-natifs chez les bébés

Intérêt : Pour savoir si les capacités de discrimination sont déterminées de façon innée ou basées sur l’expérience d’une langue particulière

Les bbs Kikuyu (dont le langage comporte le contraste pré-voisement – voisement) de 1 à 4 mois sont capables de distinguer les paires voisées/non-voisées de l’anglais, malgré leur manque de familiarité avec ce contraste (Streeter, 1976)

Les bbs guatémaltèques (4 mois ½ à 6 mois) exposés à l’espagnol à la maison, discriminent les contrastes -60/-20, +20/+60 et pas le contraste -20/+20; Leurs performances ressemblent à celles des anglais, mais pas à celles des adultes espagnols (sensibles à -20/+ 20, car 0 msec = contraste de voisement en espagnol) Interprétation ?? (Lasky, Syrdal-Lasky, & Klein (1975)

Autres études confirmant que les bbs perçoivent contrastes non-natifs (Jusczyk., p. 55)

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PC : dispositions précoces

les possibilités de catégorisation des contrastes de la parole par les bébés reflètent une sensibilité à des frontières générales de voisement : les contrastes Kikuyu et anglais sont mieux discriminés parce qu’ils sont plus proches des frontières perceptives innées des bébés que le contraste espagnol

La discrimination du contraste de voisement espagnol (et français !) nécessite un ré-alignement (Aslin & Pisoni, 1980) des catégories perceptives du bébé, sur base de l’expérience de la langue (idem en français)

Cf mémoire Ingrid Hoonhorst, 2004 (rythme cardiaque chez les bébés francophones, sensible aux frontières de voisement 0 et +30 msec.)

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PC : conclusions Les bébés naissent avec la capacité de discriminer

les contrastes qui peuvent apparaître dans toutes les langues du monde

L’expérience linguistique contribue au placement de nouvelles frontières perceptives pour des locuteurs d’une langue donnée

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Les mécanismes sous-jacents : capacités auditives générales ou spécifiques au traitement de la parole ?

L’hypothèse d’un traitement spécialisé des sons de la parole a été mise en cause par deux types de données Les chinchillas, les macaques, perçoivent les

différences de voisement de façon catégorielle (Kuhl & Miller, 1978; Kuhl & Padden, 1982); des cailles japonaises ont été entraînées à catégoriser les contrastes de lieux d’articulation (Kluender, Diehl & Killeen, 1987)

Perception catégorielle pour certains bruits « non-parole » (corde pincée, guitare vs frottée, violon)

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Conclusions sur la PC (Kuhl, 2000)

la PC est une propriété inhérente du système auditif des mammifères pour le traitement de sons complexes (Studdert-Kennedy, 1993) et non caractéristique de perception « phonétique » propre au domaine de la parole

La différenciation des unités de parole n’implique pas a priori la connaissance des unités phonétiques, mais la capacité de détecter les différences entre elles

Dans l’évolution du langage, les différences acoustiques détectées par le traitement perceptif ont pu influencer la sélection des unités phonétiques utilisées

À l’encontre de l’idée (i) que les unités phonétiques sont préspécifiées chez le bébé; (ii) que le langage a évolué chez les humains sans continuité avec les autres espèces

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Des mécanismes spécifiques à l’espèce peuvent être impliqués dans la perception de la parole par l’humain, car :

Cailles nécessitent des milliers d’essais, alors que les bbs manifestent le phénomène en quelques minutes

Macaques discriminent différences lieux d’articulation mais ont besoin de différences plus larges que les bbs humains

« apprentissage guidé par l’inné » : se caractérise par la vitesse à laquelle des comportements relativement complexes se développent en présence de l’input approprié durant une période sensible dans le développement (Jusczyk, 1997)

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Les changements dans la perception des contrastes non-natifs

Quand l’input langagier commence-t-il à affecter les capacités à percevoir les contrastes ?

Idée de période critique dans l’acquisition du langage qui se termine au début de l’adolescence (Lenneberg, 1967) : premières études focalisées sur la perte de sensibilité entre la première enfance et l’âge adulte

Werker et Tees (1983) : groupes de sujets anglophones de 4 ans et adultes sur deux contrastes natifs du Hindi : voisement /th/ /dh/ et lieu d’articulation / Ta/ /ta/; les enfants anglophones ont perdu la sensibilité aux contrastes non-natifs, alors que les adultes Hindi et les bébés de 7 mois témoignent de cette sensibilité

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Werker & Tees, 1984

Testing de bbs de différents âges sur des contrastes non-natifs

De 6 à 8 mois, les bbs distinguent tous les contrastes De 8 à 10 mois, seuls certains bbs discriminent tous les

contrastes Entre 10 et 12 mois, quasi aucun ne témoigne de la

discrimination de contrastes non-natifs; au même âge, les bbs n’ont aucune difficulté à discriminer les contrastes de leur langue

Même patron dans étude longitudinale : déclin systématique de sensibilité aux contrastes non-natifs entre 6 et 12 mois

C’est le contexte d’apprentissage de la langue qui semble déterminer si les bbs discriminent ces contrastes (et non un déclin général de la sensibilité de tous les enfants à ces contrastes particuliers)

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Quelle explication pour ce déclin ?

« English-learning infants were moving from a phonetic classification of speech sounds to a phonemic classification that reflected the organization of the native language they were acquiring » (Werker & Lalonde, 1988)

Mais : pas de perte permanente de la capacité de discrimination. Avec un entraînement approprié, les adultes récupèrent l’habileté à distinguer des contrastes non-natifs: processus davantage attentionnel que atrophie de la base neuronale

Ce déclin ne se produit pas pour certains contrastes non natifs, tel que le click latéral vs médial en Zoulou : les bbs de 6-8 mois, 8-10 mois, 10-12 mois et 12-14 mois (et même les adultes anglophones) sont tous capables de faire la distinction

Tsushima et al. (1994) à 6-8 mois les bbs japonais distinguent le contraste natif /wa/-/ya/ et le contraste /ra/-/la/; à 10-12 mois, ils sont incapable de distinguer la paire /ra/-/la/

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Changements dans la sensibilité aux contrastes phonétiques

Diminution de la sensibilité aux contrastes non natifs durant la 2ème moitié de la première année : les enfants s’adaptent rapidement aux caractéristiques de l’input auquel ils sont exposés

Cette diminution ne se produit pas de façon uniforme pour tous les contrastes; donc l’explication du passage de la perception phonétique à phonémique ne suffit pas

Best (1993, 1995): Perceptual Assimilation Model les contrastes non natifs qui soit ressemblent à des

contrastes natifs différents (1), soit ne ressemblent à aucune catégorie native (4) vont être bien discriminés

Les distinctions associées à une seule catégorie phonémique native sont difficiles à discriminer

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L’expérience d’une langue change la perception : le cas des voyelles

Kuhl (1991, 1993) suggère que les catégories de voyelles sont organisées autour d’exemplaires prototypiques du langage natif à l’âge de 6 mois

Les voyelles prototypiques sont des attracteurs perceptifs (« perceptual magnets ») qui diminuent la distance perceptive entre le centre et les frontières de la catégorie de voyelle (cf Fig. 2)

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Sensibilité des bbs aux voyelles prototypiques de leurs langue (Kuhl et al., 1993)

But : démontrer que la perception des prototypes phonétiques des voyelles est spécifique au langage dès le 6ème mois

On demande à des adultes de juger des exemplaires individuels d’une voyelle /i/, et le meilleur exemplaire est qualifié de « prototype » (P): un lieu particulier dans l’espace correspondant à la voyelle /i/

On choisit aussi un non prototype (NP) aussi prononcé /i/ On créé 32 variants de chacune des 2 voyelles en

altérant F1 et F2, qui forment 4 anneaux autour de chaque voyelle, à une distance contrôlée par rapport au stimulus central

Test de discrimination entre chaque exemplaire et son référent (P ou NP) : le prototype est-il perçu comme plus similaire aux variants que le non-prototype ?

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Magnet effect Résultats : le prototype produit un effet «

magnet » chez les adultes et les bébés de 6 mois

mais pas chez les macaques : effet spécifiquement humain, lié à une catégorie phonétique (non acoustique; différent de la PC)

NB : chez l’adulte américain : « magnet effect » pour la distinction /ra/ -/la/; les japonais perçoivent une catégorie de sons, pas deux (Fig. 6)

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Etude inter-langue sur les bébés de 6 mois

Des bbs américains et suédois sont testés sur des exemplaires P de la voyelle /i/ américaine et /y/ suédoise. Prédictions ??

Résultats les bébés américains perçoivent le prototype /i/ américain

plus similaire à ses variants que le prototype /y/ suédois les bébés suédois perçoivent le prototype /y/ suédois plus

similaire à ses variants que le prototype /i/ américain Donc, dès 6 mois, les bbs semblent catégoriser les

voyelles selon leur langue maternelle Les bbs se créent des « cartes mentales » pour la

parole, dans lesquelles des ressources neurales sont impliquées; ils développent un « neural commitment » aux propriétés acoustiques de leur langue maternelle

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Inverser la vapeur ? L’apprentissage de contrastes non-natifs à 9 mois (Kuhl et al., 2003)

But : tester si (i) la sensibilité aux contrastes non-natifs peut être restaurée, à 9 mois, par l’expérience; (ii) l’apprentissage phonétique est amélioré par l’interaction sociale (cf songbirds)

Exp 1 : GR EXP : exposition d’environ 5 heures en chinois mandarin,

12 sessions, 25 minutes, 4 semaines (entre 25 000 et 42 000 syllabes)

15 minutes : jeu avec un locuteur chinois (4 locuteurs différents, hommes et femmes)

10 minutes : lecture par un adulte d’histoires en mandarin GR CONT : mêmes interactions, mais en anglais Les locuteurs utilisent le prénom de l’enfant, font des contact

visuels fréquents, « motherese » (fondamentale élevée, contours intonatoires exagérés, indices phonétiques exagérés) …

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Contraste : affriquée alvéo-palatale et fricative alvéo-palatale, diffèrent seulement dans le moment d’augmentation maximale de l’amplitude au cours des 130 premières msec

Procédure : Head Turn conditioning Résultats : (i) les enfants américains exposés

au chinois détectent le contraste; les enfants américains exposés à l’anglais de le détectent pas

(ii) Exp. 2 : La parole « live » est nécessaire; enregistrement audio ou audio-visuel ne suffisent pas

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Conclusions L’intervention en langue étrangère affecte la

perception phonétique; une intervention à court terme suffit à 9 mois , à condition d’utiliser

Infant-directed speech Locuteurs multiples Exagérations des contours intonatoires, des indices

phonétiques Les indices sociaux sont critiques : participation

active, attention, gaze following, attention conjointe, …

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Conclusions sur les capacités précoces des bébés (1)

Les bbés possèdent les habiletés perceptives sous-jacentes à la discrimination des contrastes phonétiques de tout langage naturel, comme le voisement, le lieu, et la manière dans le cas des consonnes, ainsi que des contrastes vocaliques

Les bbs démontrent une constance perceptive (cf développement cognitif) pour les sons de la parole. Ils tolèrent le type de variabilité acoustique qui accompagne les changements de vitesse d’élocution ou les différences de voix des locuteurs

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Conclusions sur les capacités précoces des bébés (2)

A ce stade, on ne peut pas affirmer qu’il s’agisse d’habiletés spécifiques au traitement du langage; l’alternative étant la mise en œuvre de capacités auditives générales dans un domaine particulier

On ne peut pas conclure que les bébés aient une perception innée du « phonème »; leur sensibilité aux différences phonémiques peut reposer sur une perception globale des différences : « bug » diffère de « dug » globalement

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Apprentissage par sélection

À partir d’une capacité générale à distinguer tous les contrastes phonétiques, processus de sélection des contrastes pertinents pour une langue donnée

Cf modèle Changeux (L’Homme neuronal): le système nerveux contient d’abord une surabondance de connexions qui sont ensuite élaguées dans le développement

Cf densité synaptique : pic maximal autour de 1 an dans le cortex auditif (5 ans dans le cortex visuel et plus tard dans cortex pré-frontal)

Les changements ont lieu très rapidement (deuxième moitié de la première année), parce que les sons de la parole attirent plus l’intérêt de l’enfant que d’autres types de signaux acoustiques

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Origine du biais attentionnel des bbs vers la parole

Rôle de l’expérience pré-natale Le système auditif commence à fonctionner durant le dernier

tiers de la gestation

Le signal qui passe le mieux in utero est la voix de la mère, et principalement ses caractéristiques prosodiques : hauteur (fréquence fondamentale) et rythme (la barrière utérine tend à atténuer à à filtrer le signal acoustique)

Les nouveaux-nés sont capables de reconnaître la voix de leur mère qu’elle ait ou non été filtrée (DeCasper & Fifer, 1980). Ils la préfèrent à celle d’une autre femme à la naissance; ils préfèrent les histoires lues par leur mère pendant les 10 dernières semaines de la gestation

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le bb: un être en recherche de stimulation en interaction avec des « faces qui parlent » (John Locke, The child’s path to spoken language, 1993)

Le visage : un stimulus naturellement très attractif pour les bbs, compétents pour traiter des stimuli à signification biologique malgré immaturité développementale

Préfèrent les stimuli qui ressemblent à un visage Reconnaissent rapidement le visage de leur mère, l’odeur, la

voix « Conscients » des mouvements du visage, en particulier des

mouvements de la bouche (Meltzoff & Moore, 1978), qui fournit des informations sur le lieu d’articulation des phonèmes

Attirés par les yeux plus que par toute autre partie du visage (Haith et al., 1977; importance dans la communication sociale : émotions, intentions)

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Sensibilité des bbs de 3-4 mois à la synchronisation entre activité de la bouche et activité vocale

Dodd (1979) : 10/12 bbs (10 à 16 semaines) passent plus de temps à ne pas regarder le visage d’une femme qui raconte des comptines, lorsque le son et l’image sont désynchronisés de 400 msec que lorsqu’ils sont synchrones

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Kuhl & Meltzoff (1982)

Deux groupes de bbs de 18 à 20 semaines voient un film d’une locutrice qui prononce /i, i, i/ ou /a, a, a/

Un groupe entend la même voyelle que celle articulée ou une voyelle différente : ils regardent plus longtemps le visage cohérent avec la voyelle entendue

L’autre groupe entend des stimuli contrôle qui ne contiennent pas de formants, mais même durée et amplitude : pas de préférence

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Les bébés (24/32; pourcentage moyen : 73.6%) préfèrent regarder le visage dont le geste articulatoire est apparié au phonème entendu (pas de préférence si les sons ne sont pas linguistiques: 54.6%)

Imitation : 10 bbs qui ont entendu les voyelles ont émis des sons ressemblant aux voyelles, contre 1 bb qui a entendu les sons purs

Spécialisation hémisphérique : les bbs imitent davantage lorsque le visage est ds HVD (HG)

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apprentissage guidé de manière innée

Les bbs de 20 semaines témoignent d’une habileté à lier les mouvements de la bouche qu’ils voient aux signaux auditifs qu’ils entendent

Représentations multimodales de la parole, qui contiennent informations visuelles et auditives

Intérêt pour le « visage qui parle », qui apparaissent dans le contexte d’une interaction sociale; puissant mécanisme d’apprentissage du langage (sinon, les bbs imiteraient tous les bruits)

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La discrimination des langues : effets du rythme et de la familiarité

Les indices prosodiques

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La semaine prochaine Le développement des habiletés de production

le babillage : théorie motorique vs linguistique

le babillage en langue des signes les enfants sourds, les aveugles ..

La découverte des mots … Lecture : De Boysson-Bardies : L’émergence de la

parole. In : Comment la parole vient aux enfants.