Le vivant en excès - Revues et...

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186 HERMÈS 68, 2014 François Ansermet Université de Genève Pierre Magistretti École polytechnique fédérale de Lausanne Marie-Hélène Brousse Psychanalyste Le vivant en excès Marie-Hélène Brousse : Les Énigmes du plaisir fait suite à un premier ouvrage écrit à deux, À chacun son cerveau. Est-ce la rencontre de deux hommes, deux disciplines, deux désirs 1 ? François Ansermet : C’est une rencontre autour de ce qu’on pourrait appeler les points de butée. La psychanalyse et les neurosciences se rencontrent autour de l’incontour- nable question de la singularité, qui est devenue un point de butée pour les neurosciences – d’où un appel inédit à la psychanalyse. La critique d’un déterminisme linéaire représente un autre point de butée, où les neurosciences contemporaines peuvent apporter à la psychanalyse. Nous avons donc travaillé sur des questions à l’intersection entre la neurobiologie et la biologie, comme la trace. Nous avons rejeté toute idée d’analogie, de mappage, de recouvrement ou d’inférence entre les phénomènes neuronaux et les phé- nomènes psychiques. Nous avons rejeté aussi tout projet qui passerait par une logique de la preuve, pour rester dans une logique de l’interrogation, de l’énigme. M.-H. B : Comment vous êtes-vous rencontrés ? Par vos livres, dans un entretien ? Pierre Magistretti : Nous partagions une même approche, aimant nous aventurer dans des choses que nous ne connaissions pas. On s’est rencontrés il y a une dizaine d’années, lorsque nous étions tous deux vice-doyens de la faculté de médecine. J’ai beaucoup travaillé sur la plasticité du système ner- veux, les aspects neurobiologiques, les mécanismes par les- quels l’expérience laisse une trace dans le système nerveux. François m’a demandé ce qu’était une « expérience » et c’est autour de ça qu’on est partis. Il y a donc du hasard, une approche commune et une certaine affinité intellectuelle. EP4-Hermes68_001-288.indb 186 EP4-Hermes68_001-288.indb 186 28/03/14 13:47 28/03/14 13:47

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  • 186 HERMÈS 68, 2014

    François AnsermetUniversité de Genève

    Pierre MagistrettiÉcole polytechnique fédérale de Lausanne

    Marie-Hélène BroussePsychanalyste

    Le vivant en excès

    Marie-Hélène Brousse : Les Énigmes du plaisir fait suite à un premier ouvrage écrit à deux, À chacun son cerveau. Est-ce la rencontre de deux hommes, deux disciplines, deux désirs1 ?

    François Ansermet : C’est une rencontre autour de ce qu’on pourrait appeler les points de butée. La psychanalyse et les neurosciences se rencontrent autour de l’incontour-nable question de la singularité, qui est devenue un point de butée pour les neurosciences – d’où un appel inédit à la psychanalyse. La critique d’un déterminisme linéaire représente un autre point de butée, où les neurosciences contemporaines peuvent apporter à la psychanalyse. Nous avons donc travaillé sur des questions à l’intersection entre la neurobiologie et la biologie, comme la trace. Nous avons rejeté toute idée d’analogie, de mappage, de recouvrement ou d’inférence entre les phénomènes neuronaux et les phé-nomènes psychiques. Nous avons rejeté aussi tout projet

    qui passerait par une logique de la preuve, pour rester dans une logique de l’interrogation, de l’énigme.

    M.-H. B : Comment vous êtes-vous rencontrés ? Par vos livres, dans un entretien ?

    Pierre Magistretti : Nous partagions une même approche, aimant nous aventurer dans des choses que nous ne connaissions pas. On s’est rencontrés il y a une dizaine d’années, lorsque nous étions tous deux vice-doyens de la faculté de médecine.

    J’ai beaucoup travaillé sur la plasticité du système ner-veux, les aspects neurobiologiques, les mécanismes par les-quels l’expérience laisse une trace dans le système nerveux. François m’a demandé ce qu’était une « expérience » et c’est autour de ça qu’on est partis. Il y a donc du hasard, une approche commune et une certaine affinité intellectuelle.

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    F. A. : Cette question, « Qu’est-ce qu’une expérience ? » a été centrale. Quand Pierre dit que « l’expérience laisse une trace dans le réseau neuronal », c’est un raisonnement qui peut être pris comme très expérimental, justement. Il y a un stimulus, d’où résulte une trace, d’où résulterait le sujet. Alors que comme psychanalyste, on s’intéresse à un sujet qui inscrit ou qui efface ses traces – et non un sujet qui en résulte. De plus, la trace en elle-même devient une expérience. Et les traces s’associent les unes les autres pour former de nouvelles traces, introduisant une disconti-nuité. Le fait que la plasticité – phénomène de l’ordre de la continuité – puisse déboucher sur une discontinuité nous a beaucoup intrigués.

    P. M. : En disant que la plasticité, c’est l’ensemble des mécanismes qui permettent à l’expérience de laisser une trace dans le système neuronal, quand je le voyais du côté neurobiologique, c’était assez direct : il y a une expérience et des traces, ça permet l’apprentissage de la mémoire. Dans ce travail qu’on a fait ensemble, j’ai réalisé que c’était terrible-ment déterministe de voir les choses uniquement comme ça.

    On peut aussi affirmer que la plasticité, c’est ce qui nous permet de changer, ce qui permet au cerveau de se modifier par l’expérience, mais aussi de changer en per-manence, de dire qu’on n’utilise jamais deux fois le même cerveau. On est donc tombés sur une série de paradoxes à propos de la notion de plasticité. En partant de l’expé-rience et de la plasticité, nous sommes arrivés à une mise en question du déterminisme, au-delà de l’opposition de l’inné et de l’acquis : la plasticité, c’est en effet un processus déterminé mais non déterminant qui, au contraire, permet potentiellement d’échapper au déterminisme génétique.

    M.-H. B. : Vous différenciez la trace du sujet. Je ne suis pas sûre que l’orientation lacanienne aille en ce sens, mais plutôt dans celui d’une isomorphie entre signifiant et trace. D’une certaine façon, la définition lacanienne du sujet, « le sujet est représenté par un signifiant pour un

    autre signifiant », n’est pas tellement éloignée de la notion de traces. Elle met moins l’accent sur la mémorisation que sur la chaîne, posant toutefois de même la question du déterminisme.

    F. A. : Vous soulignez un point problématique. Dans les deux livres, on a cité Lacan qui a plusieurs fois parlé de ce que Freud appelle « le signe de la perception », Wahrnehmungszeichen, qui est pour lui la première trace. Lorsque Freud écrivait ça le 6  décembre 1896, que dési-gnait le terme « signe » ? La notion de signe a été boule-versée autour de cette période et au début du xxe siècle par Ferdinand de Saussure, puis a été reprise différemment par Lacan.

    Lacan énonce à plusieurs reprises : « Le signe de la perception, je lui donne son véritable nom de signifiant ». Dans nos travaux, on discute une superposition possible entre trace, signe de la perception et signifiant dans la conception lacanienne – avec la notion de chaîne signi-fiante ou d’articulation signifiante qu’on peut reporter sur l’idée d’une chaîne de traces ou d’une articulation de traces comme façon de penser les réseaux de neurones. La trace étant toujours à la fois continuité et discontinuité, c’est là d’ailleurs toute la difficulté de cette notion. À partir de là, on pourrait dire en effet que la trace représente le sujet pour une autre trace, comme on dit que le signifiant représente le sujet pour un autre signifiant, c’est-à-dire que le sujet émerge de l’intervalle ou de l’écart plutôt que d’une matérialité isolable

    M.-H. B. : On ne peut dire que ce soit la même chose. Ce que je souligne est une ressemblance de méthode. Métho-do logiquement, l’utilisation du terme « signifiant » est la même que celle qui est faite du terme « trace ». C’est ce qui fait réfléchir dans votre ouvrage : l’importance de la simi-litude, de la similarité de forme, alors même qu’il ne s’agit pas du même domaine, de la même matérialité

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    P. M. : Nous essayons d’éviter tout risque de glissement analogique. Nous partons du principe que neurosciences et psychanalyse sont deux branches, deux disciplines, deux domaines différents, et on dit même parfois, incom-mensurables, avec des références différentes, mais qu’il y a des points autour desquels il peut y avoir une superposi-tion. Cette question du signifiant et de la trace en est une.

    M.-H. B : Si vous deviez choisir trois signifiants maîtres pour cet ouvrage, c’est-à-dire des points qui capitonnent votre réflexion et votre travail, ce seraient lesquels ?

    F. A. : Comme premier, je mettrais « discontinuité ». Dans ce travail, on est tombé sur une série de paradoxes. Le premier, c’est que les mécanismes universaux de la biologie aboutissent sur de l’unique, du différent, c’est-à-dire sur l’extrême de la singularité. Le deuxième, c’est que l’expé-rience laisse une trace mais que la réassociation des traces entre elles sépare de l’expérience, c’est-à-dire introduit une discontinuité. Le fait que l’expérience s’inscrive sépare de l’expérience : c’est déjà quelque chose de très paradoxal sur la mémoire, si on parle de « trace mnésique » comme Freud. Le fait qu’il y ait une trace mnésique et que cette trace ait un destin, une réassociation, on entre dans une chaîne des traces et on perd l’ombilic. La trace d’origine, devient inac-cessible, et reste inabordable. Ce deuxième paradoxe, c’est donc la discontinuité. Le troisième paradoxe, c’est le chan-gement permanent ; mais on y reviendra peut-être plus tard. C’est d’ailleurs aussi un facteur de discontinuité.

    Le deuxième signifiant maître que je proposerais, c’est « inachevé ». Je parle surtout de l’inachèvement au commencement. Au commencement est l’inachèvement. Le petit d’homme est le plus inachevé des vivants. Il a besoin de l’action de l’autre pour survivre. Ce qui nous caractérise, c’est d’être tombés dans le monde sans mode d’emploi. Et tout le destin de l’homme est d’advenir comme sujet depuis l’autre, depuis l’action de l’autre pour le sortir de la pression du vivant en excès qui le constitue.

    Le troisième mot, ce serait « imprédictibilité ». Pierre disait que la plasticité, c’est le mécanisme par lequel l’expérience s’inscrit : c’est dire qu’à travers la plasticité, tout se conserve. Mais en même temps, comme les traces inscrites peuvent se réassocier, tout se modifie. On n’uti-lise jamais deux fois le même cerveau, comme cela a été rappelé. Il est pris dans le mouvement d’un changement permanent : c’est le troisième paradoxe de la plasticité, déjà mentionné. Vous êtes donc dans un paradoxe, où tout se conserve et tout peut toujours se modifier. Cette idée du changement permanent propre à la neurobiologie m’a beaucoup intéressé parce que, comme analyste, on a plutôt l’habitude de ce qui a de la peine à changer, de ce qui ne cesse pas de se répéter, de la compulsion de répétition.

    La question du neurobiologiste est de savoir comment il se fait qu’après une soirée, des rencontres, et avoir fait je ne sais quoi pendant la nuit, avec tout ce qui s’est passé, on reste toutefois le même le lendemain matin. La ques-tion du neurobiologiste, c’est ce qui fait l’identité diachro-nique ; celle du psychanalyste, c’est ce qui peut permettre un changement. On est là dans un contrepoint surprenant

    P. M. : Pour moi, un des signifiants maîtres de ce livre, c’est l’échec de l’homéostasie. La physiologie nous enseigne qu’il y a des grands mécanismes qui permettent de main-tenir l’intégrité de l’organisme. Au niveau somatique, sauf en cas de situations pathologiques, il y a une régulation homéostatique, un maintien de l’équilibre. Force est de constater que cette homéostasie ne marche pas vraiment très bien au niveau psychique ou social.

    On peut dire que le principe de plaisir que Freud avait formulé est un principe quand même très physiologique. Sur le plan psychique, on doit faire face à un échec du prin-cipe de plaisir, qui est un échec de l’homéostasie, un échec de ce qui est physiologique. La vie psychique nous enseigne l’échec du principe de plaisir. Pourquoi ? C’est une énigme que l’on a élaborée dans ce livre.

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    Le deuxième signifiant maître, c’est le corps, l’impor-tance du corps, des états somatiques dans la vie psychique. Le cerveau n’existe pas tout seul, pas sans un corps. Il ne faut pas oublier quelque chose qui est plus de la physiologie que de la neurobiologie : on met l’accent sur la perception extéroceptive, le monde extérieur qui laisse des traces, qui permet éventuellement de s’adapter. Mais en fait, notre cerveau reçoit autant, si ce n’est plus, d’information de nos viscères, de notre corps, par ce qu’on appelle les voies intéroceptives. Si on le dit à la mode psychanalytique, c’est l’excès du vivant, ces processus vitaux qui animent notre corps, qui sont perçus et qui nécessitent d’être tamponnés. Il s’agit de donner sens au non-sens du vivant, aux excès du vivant. L’intéroception des états somatiques est pour moi très importante dans la vie psychique, notamment inconsciente.

    Le dernier signifiant, c’est la discontinuité. François a évoqué un mécanisme fondamental, la réassociation de traces, qu’on peut aussi appeler reconsolidation. Par les mécanismes de plasticité, une trace s’inscrit. Qu’est-ce qu’une trace ? C’est un ensemble de neurones, des assem-blées de neurones, de synapses facilitées, c’est-à-dire de contacts entre les neurones qui fonctionnent selon un cer-tain patron. La trace une fois inscrite peut être réactivée. Et c’est ce qu’on fait quand on se remémore quelque chose : c’est une manière de consolider le souvenir en le réacti-vant. Mais les études récentes montrent que la réactivation d’une trace la rend fragile, labile transitoirement. Dès lors, elle peut avoir divers destins. Soit elle peut se reconsolider, soit elle peut aussi, dans cet état de labilité, s’associer à d’autres traces. Cette réassociation de traces peut créer de nouvelles traces qui ne sont plus en continuité directe, immédiate, avec l’expérience initiale. En fait, par ce pro-cessus de reconsolidation, se crée cette discontinuité dont nous pensons qu’elle est probablement centrale dans la constitution d’une vie inconsciente. Basée sur l’expérience mais en même temps séparée de l’expérience.

    F. A. : On va revenir sur cette question de la trace. La métaphore freudienne de la trace est celle de l’inscription. Quand il dit « signe de la perception », « inconscient », « pré-conscient », « conscient », quand il parle de « retranscrip-tion », de réécriture (Umschrift), il emplit une métaphore graphique de l’inscription de la trace. Avec la reconsolida-tion, avec cette discontinuité, cette labilité généralisée, où les traces se réassocient sans cesse, on est plutôt dans une métaphore plastique, au sens propre du terme, qui met en jeu la forme, mais aussi le temps, une forme qui se modifie avec le temps, qui prend la marque du temps. On est dans quelque chose qui est le contraire de l’idée qu’on peut avoir de la biologie dans le champ psychique, avec l’idée d’une base biologique qui serait comme un socle, solide. On est plutôt dans une science de l’écart, où tout bouge, prend forme et se modifie. À côté de la métaphore de l’inscription, la plasticité introduit une métaphore effectivement plas-tique qui met en jeu la forme, mais aussi le temps, le temps qui donne la forme, où la forme se modifie dans le temps…

    Tout se conserve et tout change : pour sortir de cette contradiction, il faut introduire la dimension du temps. En fait, la plasticité est un concept temporel – un temps qui s’incarne. Dans ce cadre, la distinction entre synchronie et diachronie est très importante. Il y aurait l’inscription diachronique des traces, dans le temps, dans l’histoire, et leur réassociation synchronique, dans l’instant, qui abou-tissent à de nouvelles associations de traces très différentes de ce qui s’était inscrit diachroniquement. Une recréation, sur la base d’une réassociation synchronique. Dans la syn-chronie, tout ce qui s’est mis en jeu diachroniquement peut être remanié.

    C’est ainsi qu’on pourrait parler d’un non-détermi-nisme diachronique dû aux caractéristiques de « l’objet synchronique » qu’est la trace, ou le signifiant, ou l’ins-tant. La trace, le signifiant, l’instant impliquent en effet un non-déterminisme diachronique : ce qui est l’élément de la continuité est en même temps un élément de discon-tinuité.

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    François Ansermet, Pierre Magistretti et Marie-Hélène Brousse

    Quoi qu’il en soit, on est dans un moment où les para-digmes changent, un de ces moments que Kuhn a discuté dans la Structure des révolutions scientifiques. Dans les neurosciences avec la plasticité au-delà du déterminisme génétique, on est dans une époque de paradoxes : la sin-gularité, la discontinuité, le changement permanent. C’est ainsi qu’on pourrait dire qu’on serait biologiquement déterminés pour ne pas être complètement biologique-ment déterminés. Génétiquement déterminés pour être libres. Bref, déterminés pour ne pas l’être : tel serait le statut du sujet. C’est ici un point de rencontre inédit entre les neurosciences et la psychanalyse.

    Pour moi, confronter biologie et psychanalyse, ce n’est pas pour prouver la psychanalyse par la biologie, c’est au contraire aller vers une autre idée du détermi-nisme. Et parfois j’ai l’impression que dans nos raison-nements cliniques, nous utilisons parfois trop souvent la causalité naturelle propre au xixe siècle, qui suppose un enchaînement linéaire entre des causes et des effets, selon une continuité. C’est le risque d’une certaine psychologie psychanalytique, d’une certaine psychanalyse aussi, pas la lacanienne pour moi, une psychanalyse qui est passée maître dans la prédiction du passé. Il n’y a de détermi-nisme qu’après coup. On reste dans l’illusion rétrospective ou la prospection rétrospective. Au contraire, la biologie contemporaine nous oblige à penser un trou dans le déterminisme, une discontinuité, une détermination d’un défaut de détermination. Et ça, c’est passionnant parce que ça pose la question du changement. Qu’est-ce qui change et qu’est-ce qui ne change pas ? Pour moi, il y a un nouage entre discontinuité et imprédictibilité

    M.-H. B : Définir la représentation représente une vraie difficulté, que vous n’évitez pas.

    P. M. : En effet. Il y a souvent beaucoup plus de confu-sions amenées par les mots semblables que par les mots dif-férents. Mais pour terminer le raisonnement amorcé, l’excès

    du vivant, c’est, dans son expression la plus forte, l’état de détresse du nourrisson ; mais on le retrouve tout au long de la vie, avec cette nécessité de donner une représentation, de tamponner ces états du corps par des représentations.

    F. A. : J’aimerais reprendre cette question du vivant en excès et de la représentation. Je fais une parenthèse pour m’expliquer à mon tour sur cet excès du vivant. Il y en a deux versants. D’une part, il y a le fait que pas tout du vivant peut être pris sous le signifiant. Il y a un reste : c’est cela l’excès du vivant comme cette part du vivant qui ne peut pas être prise, traitée, par une représentation. Mais il y a aussi un deuxième versant qui tient au fait qu’en elle-même l’opération du langage sur le vivant produit un reste, produit toujours plus loin un réel insaisissable. C’est juste-ment ce qui est caractéristique de l’au-delà du principe de plaisir qui est aussi, dans notre conception, un au-delà du biologique. Il y a un réel au-delà du biologique qui est aussi produit par le fait du traitement symbolique

    M.-H. B : Comme le disait Pierre Magistretti, même au niveau du biologique, le flux d’informations peut être tel qu’il fait éclater la machine.

    F. A. : Exactement ! Pierre Magistretti a occupé une chaire internationale au Collège de France pendant une année sur la question de la neuroénergétique. Au fond, si on prend les images didactiques de Raichle, il indique que ce qu’on repère dans l’imagerie cérébrale en rapport à une activité n’est que la pointe d’un iceberg ; dessous, il y a toutes sortes de phénomènes non explorés, un bruit de fond, un état basal. Par exemple, l’imagerie cérébrale s’intéresse beaucoup plus à ce qui s’allume qu’à ce bruit de fond, à cet état basal permanent, énorme, qui témoigne de quelque chose qui est concrètement, matériellement en excès.

    P. M. : Par peur de glissements analogiques, je résiste en permanence à faire un lien entre d’une part ce que je

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    fais au laboratoire, c’est-à-dire la neuroénergétique – soit l’étude du métabolisme énergétique cérébral, ses liens avec le traitement de l’information, l’imagerie cérébrale, la plas-ticité cérébrale – et d’autre part l’énergétique freudienne. Le mot « énergétique » leur est commun et j’ai toujours peur de tomber dans l’analogie. Le point que François soulève permet d’illustrer cette idée d’excès du vivant d’une autre manière. Il y a en tout cas une activité de base du vivant. Quand on voit ces belles images de cerveau, on montre une image pour voir certaines régions du cerveau qui s’allu-ment en fonction d’une activité spécifique, avec des codes couleur. On voit que la région activée par exemple est jaune ou rouge et on a l’impression que le cerveau explose à cet endroit, qu’il est hyperactif. En fait ce que l’on voit dans ces techniques d’imagerie, c’est la consommation d’énergie qui est reliée à l’activité des neurones. Il faut discuter ce lien. Quand vous voyez ces codages couleur, vous avez l’impression que l’augmentation de la consom-mation d’énergie est énorme dans cette région. Or, il faut savoir que cette augmentation est seulement de l’ordre de 10 à 15 %. Quand on active une région du cerveau, cet en-plus n’est que de 10 à 15 % du niveau basal. Ça veut dire que le cerveau, en conditions basales, quand il ne fait rien, consomme 85 à 90 % du maximum. C’est comme si c’était un moteur qui tourne en permanence à 6 000 tours et de temps en temps, à certains endroits, il passe à 7 000 tours. La question qui reste ouverte et qui est fondamentale en neuroénergétique, c’est de comprendre ce que c’est que ce basal. Tenir compte de ce basal, c’est une manière de consi-dérer ce corps actif en basal en permanence et dont on ne sait que faire

    F. A. : Pour reprendre l’excès de vivant, il est vrai que la question de l’état de détresse, de l’inachèvement, est au centre de notre modèle. C’est aussi ce qui est au centre de la clinique périnatale : le désemparement, Hilflosigkeit, par rapport au vivant… Freud a eu cette intuition extraordi-naire, dans l’Esquisse de « L’expérience de satisfaction »

    (« Esquisse d’une psychologie scientifique » (1895), in Freud, S., Naissance de la psychanalyse, Paris, Presses uni-versitaires de France, 1956, p. 336-349), de dire que l’orga-nisme ne peut pas décharger seul l’excitation en excès qui l’habite. Il lui faut l’action spécifique (spezifische Aktion) de l’autre, de l’autre humain (Nebenmensch) à un moment spécifique, dans la simultanéité (Gleichzeitigkeit), ni trop tôt ni trop tard. Il s’agit ainsi de penser l’émergence du sujet tant par rapport à l’Autre préalable que par rapport au vivant en excès. Il y a donc l’Autre préalable mais il y a aussi une jouissance préalable qu’on a désignée comme l’excès du vivant, Comment faut-il nommer ce vivant ? Faut-il le rapporter à la jouissance primordiale mythique introduite par Lacan dans le Séminaire X ? Quel terme utiliser pour qualifier cette jouissance primordiale, en excès ? Freud a parlé d’Hilflosigkeit. Il y a la notion de « néoténie », un terme propre à la théorie de l’évolution…

    M.-H. B : Si je me réfère à certaines périodes de l’ensei-gnement de Lacan, ce serait différent, parce que l’ensei-gnement de Lacan est en constante évolution. Dans une période d’enseignement devenue assez classique, celle qui va du séminaire 1 au séminaire 10, il appelle « la Chose », la « chose freudienne », cette part de jouissance qui n’est pas encore passée par les défilés du signifiant, qui est hypo-thétique : on ne peut rien en dire, sinon rétroactivement ; après que la demande ait fait passer un certain nombre de besoins par les défilés du signifiant, on peut supposer, après coup donc, une période de jouissance, mythique. Et dès qu’on introduit le terme de « jouissance », on pense que c’est le pied. Pas du tout !

    Je voulais poser une question à François. Dans l’ou-vrage, il écrit en parlant de l’oubli de nom : « C’est ainsi qu’on rejoint ce qu’énonce Lacan, lorsqu’il suggère que “le matériel signifiant participe toujours quelque peu du caractère évanescent de la trace. Le sujet vient à la place des traces, il efface les traces, il joue des traces” ». Il me venait une question, sans doute parce que je n’aurais pas,

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    moi-même, écrit cela. J’aurais plutôt écrit que c’est l’objet qui vient à la place des traces dans la théorie analytique. Et s’il fallait que je m’en explique, je penserais à une phrase formidable que Lacan utilise dans une conférence qu’il avait donnée à Yale : « L’inconscient est structuré comme un langage. Avec une réserve : ce qui crée la structure est la manière dont le langage émerge au départ chez un être humain. C’est, en dernière analyse, ce qui nous permet de parler de structure. Les langages ont quelque chose en commun  – peut-être pas tous puisque nous ne pouvons les connaître tous, il y a peut-être des exceptions – mais c’est vrai des langages que nous rencontrons en traitant les sujets qui viennent chez nous. Parfois ils ont gardé la mémoire d’un premier langage, différent de celui qu’ils ont fini par parler » (Lacan, Yale University, Kanzer Seminar, Scilicet, n°  6-7, 1975, p.  7-31). Il souligne que la chaîne signifiante vient marquer un point du corps lors d’un évé-nement, articulant donc structure signifiante et tempora-lité par le biais de l’objet pulsionnel produisant la marque.

    Ce qui vient faire la trace en psychanalyse, c’est plutôt l’objet que le sujet. Le sujet est représenté par un signifiant pour un autre. Mais la trace, terme que nous utilisons, est liée à la rencontre entre l’événement de corps et l’ordre signifiant. Qu’en pensez-vous ?

    F. A. : Cette question est tout à fait au centre. J’avais d’ailleurs écrit un texte dans La Cause freudienne qui s’ap-pelait « Trace et objet » (juin 2009, n° 71, p. 170-174) sur le rapport entre la trace, le signifiant et le noyau de jouis-sance qui lui est associé. Dans le Séminaire XVI, Lacan parle du sujet comme effaçant les traces (« D’un Autre à l’autre » (1968-1969), Le Séminaire, Livre XVI, Paris, Seuil, 2006, p. 313-314). Il en jouerait ainsi, produisant des traces plutôt que d’en résulter.

    Quoi qu’il en soit, il s’agit de penser le sujet comme une fonction disjointe, terme excellent que je reprends d’Éric Laurent dans son livre Lost in cognition. Le sujet, divisé, qui surgit comme une fonction disjointe, c’est tout

    autre chose que de le considérer comme fonction émer-gente ? Le sujet ne résulte pas des traces, mais il est quelque chose qui en est disjoint. S’il émerge, c’est de l’écart. Notre idée, c’est donc de considérer que l’inconscient et le sujet sont des fonctions disjointes, issues de l’écart, plutôt qu’une production directe des traces selon les conceptions d’un matérialisme émergentiste en vogue tout en restant non questionné. Le rapport structure-fonction reste une question ouverte. On ne peut les superposer comme s’il y avait entre les deux une inférence directe. Lorsqu’on tra-vaille entre neurosciences et psychanalyse, il y a toujours le risque réductionniste d’une superposition, directe entre une base matérielle et l’émergence du sujet.

    Le concept d’émergence est très compliqué, comme vous savez. Parce qu’on pourrait se dire que le sujet est une fonction disjointe, c’est justement dire que c’est une émergence, une émergence qui n’est pas une superposition directe. mais au contraire une émergence depuis une dis-continuité, depuis un non-rapport.

    P. M. : Je ne connais pas assez Lacan, mais ce qui est au centre de notre construction, c’est que le sujet émerge de la discontinuité. Et ça passe par les traces mais aussi par le fait de s’en libérer. On peut parler de traces-objet, mais le sujet procède de la discontinuité. Sinon, on serait des robots marqués par toute expérience, sans restes, sans imprévus. Au contraire, la réassociation de traces et la dis-continuité qui en dérive, créent quelque chose de nouveau qui libère le sujet de sa détermination par l’expérience.

    M.-H. B : Oui, je suis très intéressée par votre affirmation « Le sujet émerge de la discontinuité », car dans une autre conférence donnée cette fois dans le cadre d’un colloque en octobre 1966 (Baltimore, Johns Hopkins University), Lacan définit le sujet comme l’apparition/disparition d’une enseigne de néon dans la nuit, par l’intermittence donc.

    Ma dernière question sera la suivante : il me semble que nous n’avons pas le même réel de référence. Et je pense

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  • Le vivant en excès

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    que nous pouvons être d’accord avec l’idée d’une épisté-mologie différentielle, autrement dit chaque discipline est corrélée à un réel qu’elle construit d’une manière qui serait à préciser, mais qu’elle construit. Le réel dans la psy-chanalyse est corrélé par la fonction du récit à la chaîne signifiante, puisque c’est à partir d’un récit que le travail analytique se met en place dans l’expérience analytique.

    Au niveau du sens commun, il n’y a de réel que scien-tifique ; au point même que la science elle-même remet en cause cette question. Je voulais vous poser une question sur votre réel dans la mesure où c’est une des trois dimensions qui vous sert d’outil de référence pour travailler sur les pro-ductions de l’inconscient, à savoir le symbolique (la dimen-sion du signifiant), l’imaginaire (la dimension de l’image globale qui serait plutôt du côté de la trace) et le réel.

    P. M. : Pour nous, on le redit et le répète, neuros-ciences et psychanalyse ont leurs propres références, elles sont différentes, voire incommensurables ; mais il y a tout de même quelques aspects de l’humain sur lesquels elles peuvent porter un regard croisé. Je partirai de ce que la psychanalyse ou la théorie freudienne, peut apporter aux neurosciences. Il y a un aspect fondamental de l’humain que la théorie freudienne a mis en avant et qui est indé-niable, même pour les neurosciences les plus dures, c’est qu’il y a des processus inconscients. L’inconscient au sens freudien introduit une logique illogique, qui fait que le système nerveux n’est pas que action-réaction. Il y a des mécanismes qui aménagent ce qui est perçu de la réalité et qui impliquent une réponse complexe et non pas réflexe. Cette réponse qui passe par une élaboration complexe peut être de l’ordre du conscient et c’est ce qu’on fait souvent, ce qu’on pense faire, ou ce que l’on essaie de faire : on pense donner une réponse plus ou moins cohérente du point de vue des interactions sociales, on contextualise l’évé-nement, et on cherche à y répondre de la manière qu’on pense être adéquate. Bref, il y a dans la vie quelque chose qui est de l’ordre du conscient, mais la question majeure

    qu’introduit la psychanalyse, c’est celle de la prise de déci-sion inconsciente, qui a à voir avec la pulsion, qui se joue sur une tout autre scène que celle de la conscience, comme vous le savez très bien comme psychanalyste !

    Or l’inconscient, c’est autre chose que le non-conscient, autre chose que l’inconscient cognitif au sens des neurosciences. Il faudrait donc mettre l’inconscient freudien au programme des neurosciences. Et ce pro-cessing de la réalité que réalise l’inconscient est fonda-mental dans la vie du sujet. Son aspect adimensionnel est central, et les neurosciences actuelles n’en tiennent pas compte : d’où le risque d’un rendez-vous manqué avec ce qui caractérise l’humain. On y touche déjà un peu avec le rêve pour autant qu’on le reconnaisse comme étant une forme de fonctionnement cérébral très particulier pendant le sommeil paradoxal qui est justement marqué par l’a-dimensionnalité, l’absence de temporalité, le téléscopage spatio-temporel, des associations par condensation et par déplacement… Il y a donc quelque part un mode de fonc-tionnement du cerveau qui se manifeste dans le rêve et que la théorie freudienne a identifié comme une fenêtre ouverte sur l’inconscient. Il y a ce fonctionnement du cer-veau inconscient, qui est différent du fonctionnement non conscient et qui pose une question très intéressante aux neurosciences : essayer de comprendre les mécanismes de ce fonctionnement si spécifique de l’inconscient et de son processus primaire, qui est, je le pense, très déterminant dans ce que le sujet est et fait. Et la grande force de Freud a été de dénoncer l’illusion qu’on a de contrôler les choses par la conscience : il y a cette part qui échappe et qui pose un défi extraordinaire aux neurosciences.

    F. A. : Je reprends la question du réel de la psycha-nalyse par rapport à celui de la science. C’est une opposi-tion classique et importante mais qui doit à mon avis être sans cesse réexplorée. La science procède du symbolique et du même coup bute comme la psychanalyse sur un réel qui résiste, qui ne peut être pris sous le symbolique. Sans

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    François Ansermet, Pierre Magistretti et Marie-Hélène Brousse

    compter aussi sur le défaut de structure du symbolique qui fait qu’il ne peut saisir tout le réel. Sans compter encore le réel produit par l’opération même du symbolique. Sur ces points, ces réels ne seraient pas aussi opposés qu’on veut bien le dire. Bien sûr, il faut admettre qu’il y aurait une pente de la science à vouloir mathématiser ou rendre lisible tout le réel, toujours plus loin, alors qu’on pourrait dire que la psychanalyse admet le réel comme un impos-sible. Peut-être faut-il distinguer dans les sciences celles qui admettent la butée du réel et celles qui ne l’admettent pas, ce qui nuancerait l’opposition entre sciences et psy-chanalyse. Les sciences physiques se sont confrontées à cette limite depuis longtemps ; peut-être la neurobiologie et la génétique, qui sont des sciences plus jeunes, n’ont pas encore fait ce chemin.

    La psychanalyse s’est toujours développée en rapport à des champs connexes, a toujours progressé en altérité et en affinité avec d’autres champs. Il y a d’une part l’impor-tance de la clinique et de l’autre celle de la littérature, l’art, les sciences des religions, la mythologie, et aussi la science, pour ce qui concerne Freud. Les mathématiques, la topo-logie, la linguistique, entre autres, pour ce qui concerne Lacan. Il y a donc les champs connexes de Freud et ceux de Lacan.

    La question à laquelle nous devons réfléchir, c’est de savoir s’il y a un rapport-non rapport à un champ connexe qui serait la biologie ? La science à l’époque de Lacan, c’était la physique. Et le point d’angoisse lié à la science au temps de Lacan se situait par rapport à la physique. C’est toujours le cas aujourd’hui, avec ce qui se passe par exemple avec le nucléaire. Mais on peut dire qu’aujourd’hui, le point de

    l’angoisse face à la science s’est déplacé aussi vers la bio-logie, et en particulier du côté de la génétique et des neu-rosciences. Une réflexion doit être ouverte, par rapport à une science qui a bougé depuis Lacan, vers les sciences d’aujourd’hui, qui nous posent des questions nouvelles, qui nous enseignent aussi des choses particulières.

    On ne peut fonctionner et penser sans entrer en dis-cussion avec l’actualité des champs connexes propres aux sciences, on doit essayer de s’en débrouiller, d’inventer, de faire face au nouveau comme on le fait en psychanalyse, sans passéisme, sans tentation conservatrice. La psycha-nalyse n’est pas un système fermé, c’est une œuvre ouverte, toujours en mouvement, qui se transforme à la mesure de la clinique, à la mesure de l’analyse de l’analyste, mais aussi à la mesure de ce qui bouge dans ses champs connexes, le champ des neurosciences pour ce qui nous intéresse ici.

    Si on reprend l’interrogation de Lacan sur ce que ce serait une science qui inclurait la psychanalyse, on pour-rait se dire qu’un point de convergence est en jeu entre science et psychanalyse dès lors qu’une science respecte ce point d’impossible. La mise en jeu de ce point d’impos-sible amènerait peut-être à penser différemment l’oppo-sition entre réel de la science et réel de la psychanalyse. Ceci d’autant plus qu’on doit faire face à beaucoup de ques-tions nouvelles qui se posent dans les sciences du vivant, comme par exemple en génétique autour du génome labile ou de l’ADN non codant. Des questions complexes nous amènent à poser différemment l’opposition entre science et psychanalyse, en tout cas nous conduisent à réexplorer complètement nos oppositions classiques.

    N O T E

    1. Table ronde réalisée  à l’initiative de Nouria Gründler  pour la sortie du livre de François Ansermet et Pierre Magistretti, Les Énigmes du plaisir (Odile Jacob, 2010), dans le cadre du

    séminaire « Les enfants de la science », sous les auspices de l’association psychanalytique l’Envers de Paris et du  centre Dominique Mahieu Caputo, Paris, mairie du 6e, 17 mars 2011.

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