LE UVEMENT ÉTUDIAN QUÉBÉCOIS DESexcerpts.numilog.com › books › 9782894489017.pdfPour...

24
Jean Lamarre LE MOUVEMENT ÉTUDIANT QUÉBÉCOIS DES ANNÉES 1960 ET SES RELATIONS AVEC LE MOUVEMENT INTERNATIONAL septentrion Cahiers des Amériques

Transcript of LE UVEMENT ÉTUDIAN QUÉBÉCOIS DESexcerpts.numilog.com › books › 9782894489017.pdfPour...

Page 1: LE UVEMENT ÉTUDIAN QUÉBÉCOIS DESexcerpts.numilog.com › books › 9782894489017.pdfPour effectuer une recherche libre par mot-clé à l’intérieur de cet ouvrage, rendez-vous

Jean Lamarre

LE MOUVEMENT ÉTUDIANT

QUÉBÉCOIS DES ANNÉES 1960

ET SES RELATIONS AVEC LE MOUVEMENT

INTERNATIONAL

s e p t e n t r i o nCahiers des Amériques

Page 2: LE UVEMENT ÉTUDIAN QUÉBÉCOIS DESexcerpts.numilog.com › books › 9782894489017.pdfPour effectuer une recherche libre par mot-clé à l’intérieur de cet ouvrage, rendez-vous
Page 3: LE UVEMENT ÉTUDIAN QUÉBÉCOIS DESexcerpts.numilog.com › books › 9782894489017.pdfPour effectuer une recherche libre par mot-clé à l’intérieur de cet ouvrage, rendez-vous

le mouvement étudiant québécois des années 1960

et ses relations avec le mouvement international

c o l l e c t i o n p o l i t i q u e

Cahiers des Amériques 18

Page 4: LE UVEMENT ÉTUDIAN QUÉBÉCOIS DESexcerpts.numilog.com › books › 9782894489017.pdfPour effectuer une recherche libre par mot-clé à l’intérieur de cet ouvrage, rendez-vous
Page 5: LE UVEMENT ÉTUDIAN QUÉBÉCOIS DESexcerpts.numilog.com › books › 9782894489017.pdfPour effectuer une recherche libre par mot-clé à l’intérieur de cet ouvrage, rendez-vous

Jean Lamarre

LE MOUVEMENT ÉTUDIANT QUÉBÉCOIS

DES ANNÉES 1960 ET SES RELATIONS AVEC

LE MOUVEMENT INTERNATIONAL

La dynamique

Québec – Canada – États-Unis – France

s e p t e n t r i o nCahiers des Amériques

Page 6: LE UVEMENT ÉTUDIAN QUÉBÉCOIS DESexcerpts.numilog.com › books › 9782894489017.pdfPour effectuer une recherche libre par mot-clé à l’intérieur de cet ouvrage, rendez-vous

Pour effectuer une recherche libre par mot-clé à l’intérieur de cet ouvrage, rendez-vous sur notre site Internet au www.septentrion.qc.ca

Les éditions du Septentrion remercient le Conseil des Arts du Canada et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC) pour le soutien accordé à leur programme d’édition, ainsi que le gouvernement du Québec pour son Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres.

Directeur de collection : Charles-Philippe Courtois

Édition : Marie-Michèle RheaultRévision : Solange DeschênesMise en pages et maquette de la couverture : Pierre-Louis Cauchon

Si vous désirez être tenu au courant des publicationsdes ÉDITIONS DU SEPTENTRION,vous pouvez nous écrire par courrier,par courriel à [email protected],ou consulter notre catalogue sur Internet :www.septentrion.qc.ca

© Les éditions du Septentrion Diffusion au Canada :835, av. Turnbull Diffusion DimediaQuébec (Québec) 539, boul. LebeauG1R 2X4 Saint-Laurent (Québec) H4N 1S2Dépôt légal :Bibliothèque et Archivesnationales du Québec, 2017 Ventes en Europe :ISBN papier : 978-2-89448-901-7 Distribution du Nouveau MondeISBN PDF : 978-2-89448-281-0 30, rue Gay-LussacISBN EPUB : 978-2-89448-282-7 75005 Paris

Page 7: LE UVEMENT ÉTUDIAN QUÉBÉCOIS DESexcerpts.numilog.com › books › 9782894489017.pdfPour effectuer une recherche libre par mot-clé à l’intérieur de cet ouvrage, rendez-vous
Page 8: LE UVEMENT ÉTUDIAN QUÉBÉCOIS DESexcerpts.numilog.com › books › 9782894489017.pdfPour effectuer une recherche libre par mot-clé à l’intérieur de cet ouvrage, rendez-vous
Page 9: LE UVEMENT ÉTUDIAN QUÉBÉCOIS DESexcerpts.numilog.com › books › 9782894489017.pdfPour effectuer une recherche libre par mot-clé à l’intérieur de cet ouvrage, rendez-vous

REMERCIEMENTS

J e tiens à remercier le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada pour son généreux soutien financier lors des nombreuses années de recherche consacrées à cet objet

d’étude. Je tiens à souligner l’apport considérable de Philippe Petitpas, de Gilles McMillan et d’Ivan Carel, qui m’ont épaulé à titre d’assistant de recherche tout au long de ce processus et qui ont réalisé un travail exceptionnel. Je tiens aussi à souligner le professionnalisme de toute l’équipe du Septentrion et particuliè-rement le travail de Charles-Philippe Courtois et de Marie-Michèle Rheault. Enfin, j’aimerais remercier ma conjointe de toujours, Ginette Haché, pour son soutien indéfectible et ses commentaires pertinents. Notons qu’une partie du contenu de cet ouvrage reprend en tout ou en partie la teneur d’articles déjà publiés dans des revues scientifiques.

Page 10: LE UVEMENT ÉTUDIAN QUÉBÉCOIS DESexcerpts.numilog.com › books › 9782894489017.pdfPour effectuer une recherche libre par mot-clé à l’intérieur de cet ouvrage, rendez-vous
Page 11: LE UVEMENT ÉTUDIAN QUÉBÉCOIS DESexcerpts.numilog.com › books › 9782894489017.pdfPour effectuer une recherche libre par mot-clé à l’intérieur de cet ouvrage, rendez-vous

INTRODUCTION

Dans nos pays occidentaux avachis, la seule force de contestation de gauche est constituée par les étudiants et

bientôt, je l’espère, par la jeunesse entière1.

Jean-Paul Sartre, 1968

A u cours des années 1960, de nombreux mouvements de contestation prennent forme un peu partout sur la planète et plusieurs observateurs, dont le philosophe

français Jean-Paul Sartre, y voient une nouvelle force de contestation essentielle au réveil des sociétés occidentales. De Paris à Berlin, de Berkeley à Toronto, de New York à Montréal, la jeunesse étudiante est au cœur de ce mouvement de remise en question sociale2.

La simultanéité de ces diverses contestations dans le temps, la similitude des discours revendicateurs et le recours à des moyens de pression semblables en appui aux revendications nous amènent tout naturellement à nous questionner sur les liens qui ont pu exister entre ces mouvements étudiants nationaux3. Même si certains

1. Michel Contat et Michel Rybalka, Les Écrits de Sartre, Paris, Gallimard, 1980, p. 463-464.

2. Notons que des mouvements de contestation prennent forme aussi dans certains pays d’Europe de l’Est et de l’Amérique latine et dans certains pays africains.

3. Elle soulignait que « les similitudes dans les représentations, les références idéo-logiques et les modes d’intervention dans l’espace public conduisent tout naturellement à s’interroger sur les liens entre les différents foyers de contestation, sur les itinérances possibles des militants, de théories ou de mythes, sur l’exemplarité éventuelle des modes d’action ou d’organisation et sur l’existence de cultures politiques communes ». G. Dreyfus-Armand, « L’espace et le temps des mouvements de contestation », G. Dreyfus-Armand et autres, Les années 68. Le temps de la contestation, Paris, Édition Complexe, 2000, p. 25.

Page 12: LE UVEMENT ÉTUDIAN QUÉBÉCOIS DESexcerpts.numilog.com › books › 9782894489017.pdfPour effectuer une recherche libre par mot-clé à l’intérieur de cet ouvrage, rendez-vous

le mouvement étudiant québécois des années 1960…12

observateurs à l’époque avaient avancé l’idée d’un « complot inter-national de gauche » pour expliquer ces manifestations concomi-tantes, personne aujourd’hui ne considère sérieusement cette analyse comme valable. Cette constatation n’exclut toutefois pas la possibilité que des unions étudiantes nationales aient entretenu des contacts bilatéraux avec d’autres organisations et que de ces contacts soient nés des liens, des relations, des échanges de points de vue, voire une certaine caution, qui auraient eu des répercussions sur la façon dont les organisations étudiantes nationales ont défini leur discours et leur pratique et ont mené la contestation dans leur pays.

Historiographie

Jusqu’ici, nos connaissances sur la nature des relations bilatérales entre les unions étudiantes nationales étaient très limitées. Les études en Amérique du Nord et en Europe ont privilégié surtout une approche globale et non comparative. Dans certains cas, les chercheurs ont mis l’accent sur les similitudes des mouvements et ont cherché à en connaître les causes, alors que d’autres ont cherché à distinguer la dynamique qui animait les mouvements occidentaux de celle qui soutenait les mouvements d’Europe de l’Est, d’Afrique et de l’Amérique latine. David Caute publiait en 1988 The Year of the Barricades. A Journey through 1968, une première étude qui examinait la contestation étudiante d’un point de vue global. Caute cherchait à mettre en perspective l’évolution idéologique des mouve-ments étudiants nationaux européens et américains et à en révéler des origines communes. Il concluait que les mouvements étudiants des années 1960 avaient été le produit d’une « rébellion des enfants des catégories sociales les plus favorisées, lors d’une période de prospérité matérielle et de tolérance culturelle sans précédent », en précisant, sans se prêter à une analyse comparative, que la guerre du Vietnam constituait la principale cause de la mobilisation internationale4.

4. David Caute, The Year of the Barricades. A Journey through 1968, New York, Harper and Row, 1988.

Page 13: LE UVEMENT ÉTUDIAN QUÉBÉCOIS DESexcerpts.numilog.com › books › 9782894489017.pdfPour effectuer une recherche libre par mot-clé à l’intérieur de cet ouvrage, rendez-vous

13Introduction

En 2003, Jeremi Suri publiait Power and Protest. Global Revolution and the Rise of Detente, une étude remettant pour la première fois les évènements des années 1960 dans le contexte international de la guerre froide et analysant les liens entre la diplomatie internationale et la protestation sociale5, mais là encore sans s’attarder aux liens entre les mouvements.

Geneviève Dreyfus-Armand fut une des premières à ouvrir la porte à une analyse plus fine des mouvements de contestation en cherchant à différencier les contestations occidentales des remises en question en Europe de l’Est et en Amérique latine. Dans une étude publiée en 2000, elle s’interrogeait sur « l’espace et le temps des mouvements de contestation » et mettait au centre de son analyse les mouvements occidentaux des années 1960 et 1970. Elle exposait les défis que pose l’étude des relations bilatérales6, sans pour autant s’y prêter, et affirmait que, si « les processus déclenchés dans les pays de l’Est européen ou dans un régime dictatorial européen […] se déroulent dans des formes et des conditions très différentes, ils participent pourtant d’une même remise en cause du statu quo politique et social ». Dreyfus-Armand ajoutait un élément fort pertinent en indiquant qu’« une influence non reconnue, encore moins revendiquée par les protagonistes, ne signifie pas qu’elle ne se soit pas exercée. Parfois, les acteurs eux-mêmes, désireux de forger leur propre identité, refusent de reconnaître de quelconques devan-ciers ». Elle indiquait comme exemple que « l’empreinte du mouve-ment américain est difficile à admettre dans les milieux européens, particulièrement français, fortement animés par un anti- impérialisme, largement teinté d’un anti-américanisme7 ».

Une des premières chercheuses à s’intéresser réellement au phénomène des relations bilatérales est Marie-Christine Granjon qui, dans un des chapitres de sa monumentale thèse publiée en

5. Jeremi Suri, Power and Protest. Global Revolution and the Rise of Detente, Cambridge, Harvard University Press, 2003.

6. Geneviève Dreyfus-Armand et autres, Les années 68. Le temps de la contestation, Paris, Complexe, 2008 (2000), p. 26.

7. G. Dreyfus-Armand, « L’espace et le temps des mouvements de contestation », G. Dreyfus-Armand et autres, Les années 68. Le temps de la contestation, Paris, Édition Complexe, 2008 (2000), p. 27.

Page 14: LE UVEMENT ÉTUDIAN QUÉBÉCOIS DESexcerpts.numilog.com › books › 9782894489017.pdfPour effectuer une recherche libre par mot-clé à l’intérieur de cet ouvrage, rendez-vous

le mouvement étudiant québécois des années 1960…14

1985, a abordé ouvertement les relations entre le mouvement étudiant américain et français8. Elle concluait « qu’il n’y avait pas eu de rapports entre le mouvement étudiant américain et le mouve-ment français avant mai 1968 », en expliquant que les valeurs sociales et les référents idéologiques des deux sociétés étaient profon-dément différents et n’avaient donc pas suscité le besoin de créer des liens. L’historienne Marianne Debouzy confirmait cette conclu-sion en 19969 dans une communication intitulée « Les rapports entre mouvements américains et mouvements français » lors d’un séminaire sur 1968 de l’Institut d’histoire du temps présent10.

En 2008, Bernard Pudal, de l’Université Paris-Ouest-Nanterre-La Défense et d’autres collègues français publiaient Mai-Juin 68, un recueil de textes qui proposait notamment un schème comparatif pour tenter de mettre en lumière les similitudes entre les mouve-ments étudiants des années 1960, sans toutefois proposer une analyse des relations entre ceux-ci11. En revanche, Pudal se livrait dans une communication en 2008 à une fine analyse des différents mouvements, de leurs caractéristiques et des comparaisons que l’on pouvait faire. Il soulignait toutefois, du même souffle, les difficultés inhérentes à toute volonté de schématiser ou d’enfermer ces mouve-ments dans un modèle explicatif unique commode et appelait de tous ses vœux une meilleure concertation internationale des cher-cheurs sur la question. Selon Pudal, si l’on souhaite comprendre à la fois ce qu’il y a de commun entre ces multiples mouvements de contestation et ce qui les différencie, il faudrait idéalement rendre compte de la concomitance historique de crises différentes néan-moins « unifiées » plus ou moins fictivement par la similitude de l’acteur collectif estudiantin et des « liens » qui « homogénéisent »

8. Marie-Christine Granjon, L’Amérique de la contestation. Les années 1960 aux États-Unis, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1985, chapitre 29.

9. Marianne Debouzy, « Les rapports entre mouvements américains et mouvements français », Lettre d’information (Institut d’histoire du temps présent), no 11, avril 1996.

10. Notons que nos propres recherches ont mené à des conclusions contraires. Voir Jean Lamarre, « Les relations entre le mouvement étudiant américain et français dans les années 1960 : une méfiance cordiale », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, Paris, Sciences Po, no 129, janvier-mars 2016, p. 123-139.

11. Dominique Damamme, Bernard Pudal et autres, Mai-Juin 68, Paris, Les Éditions de l’Atelier, 2008.

Page 15: LE UVEMENT ÉTUDIAN QUÉBÉCOIS DESexcerpts.numilog.com › books › 9782894489017.pdfPour effectuer une recherche libre par mot-clé à l’intérieur de cet ouvrage, rendez-vous

15Introduction

à la fois réellement et fictivement leur projet politique, leur langage, leur culture, leurs héros12.

Au Québec, l’internationalisation du mouvement étudiant québécois des années 1960 a été très tôt mise en examen par les contemporains mêmes des évènements, même si, la plupart du temps, c’était soit pour y voir une parenté, soit pour nier toute influence extérieure13. Ainsi, à l’époque, certains politiques et journalistes québécois, en réaction à l’annonce de la visite annoncée en août 1968 au Québec d’un des principaux dirigeants du Mai français, Jacques Sauvageot, avaient conclu que « ce révolutionnaire français s’en venait “monter” nos étudiants » et que la « France voulait exporter sa révolution14 ». À l’opposé, Louis Falardeau, secrétaire général de l’Union générale des étudiants du Québec (UGEQ) en 196815, soutenait que le mouvement de contestation étudiant avait débuté plus tôt au Québec qu’en France et qu’il n’avait pas eu à se tourner vers la France pour trouver son dyna-misme16. Il ajoutait toutefois que la similitude des problèmes posés aux étudiants français et québécois faisait (fait) que ces derniers voudraient certes se servir de l’expérience des premiers sans pour autant imiter servilement leur action17. Pierre Bédard et Claude

12. Bernard Pudal, « Crises et contestations des années 1960-1970 : Peut-on comparer ?, dans Patrick Dramé et Jean Lamarre (dir.) 1968, des sociétés en crise : une perspective globale, Québec, PUL, septembre 2009.

13. L’intérêt étudiant pour l’internationalisation se développe lentement au Québec après la Deuxième Guerre mondiale. Voir les études suivantes : Nicole Neatby, Carabins ou activistes ? L’idéalisme et la radicalisation de la pensée étudiante à l’Université de Montréal au temps du duplessisme, Montréal et Kingston, McGill-Queen’s University Press, 1999 ; Louise Bienvenue, Quand la jeunesse entre en scène, Montréal, Éditions du Boréal, 2003, et Karine Hébert, Impatient d’être soi-même. Les étudiants montréalais, 1895-1960, Montréal, Presses de l’Université du Québec, 2008.

14. Louis Falardeau, « Le pouvoir étudiant en France et au Québec », Socialisme 68, oct.-nov.-déc. 1968, p. 80-89.

15. L’Union générale des étudiants du Québec, fondée en 1964, a représenté la grande majorité des étudiants universitaires et collégiaux au Québec jusqu’à sa dissolution en 1969.

16. Selon Falardeau, la contestation au Québec a débuté en février 1968 lors de grèves qui éclatent à l’Université de Montréal et notamment par la parution du pamphlet rédigé par des étudiants et étudiantes de sociologie de l’Université de Montréal portant le titre évocateur L’Université ou fabrique de ronds de cuir, et non en mai 1968. Falardeau, op. cit., p. 84.

17. Louis Falardeau, « Le pouvoir étudiant en France et au Québec », Socialisme 68, oct.-nov.-déc. 1968, p. 84.

Page 16: LE UVEMENT ÉTUDIAN QUÉBÉCOIS DESexcerpts.numilog.com › books › 9782894489017.pdfPour effectuer une recherche libre par mot-clé à l’intérieur de cet ouvrage, rendez-vous

le mouvement étudiant québécois des années 1960…16

Charron, ce dernier ayant été vice-président aux affaires interna-tionales de l’UGEQ en octobre 1968, soulignaient en 1969 qu’

à des gens qui ne sont pas familiers des mouvements de contes-tation, ceci peut apparaître comme une application québécoise d’un mouvement international. Pour nous, cette affirmation n’est que partiellement vraie : le mouvement de contestation universi-taire au Québec se réfère à des motifs et à une situation sociale et historique qui n’ont aucun équivalent dans le monde18.

En 1989, le sociologue Marcel Fournier soutenait que « personne n’échappe au mimétisme. Même si la contestation n’a pas l’ampleur qu’elle a en France, la signification qu’on lui donne [au Québec] n’est pas très différente d’un bord ou de l’autre de l’Atlantique19 ». Enfin, plus récemment, Jean-Phillipe Warren reprenait le constat fait par Louis Falardeau en 1968 et ajoutait que les États-Unis avaient constitué un pôle d’influence stratégique dans le discours et la pratique étudiante québécoise des années 196020.

Au Canada, les travaux de Dimitrios Roussopoulos et de Roberta Lexier, ou ceux plus récents de Douglas Nesbitt, de Sean Mills, de Bryan Palmer ou de David Meren, bien qu’ils soient fort éclairants sur le mouvement de jeunesse canadien en général et ses ramifica-tions internationales, ont négligé de traiter spécifiquement des relations qu’a entretenues le mouvement étudiant canadien-anglais avec les autres organisations étudiantes nationales ou avec le mouve-ment québécois21. La revue The Sixties. A Journal of History, Politics

18. Pierre Bédard et Claude Charron, Les étudiants québécois. La contestation permanente, 1969, p. 17.

19. Marcel Fournier, « Mai 1968 et après », Possibles, vol. 13, nos 1-2, hiver 1989, p. 179-196.

20. Jean-Philippe Warren, Une douce anarchie. Les années 68 au Québec, Montréal, Boréal, 2008, p. 87.

21. Dimitri Roussopoulos, Canada and Radical Social Change, 1973 ; Roberta Lexier, « Transformer les universités ou la société ? Les mouvements étudiants dans les années 1960 au Canada anglais », Bulletin d’histoire politique, vol. 16, no 2, 2008, p. 117-132 ; Douglas J. Nesbitt, « The “Radical Trip” of the Canadian Union of Students, 1963-1969 », Mémoire de maîtrise (Canadian Studies and Indigenous Studies Program), 2009, 193 p. ; Sean W. Mills, The Empire Within : Montreal, the Sixties and the Forging of a Radical Imagination, Montréal et Kingston, McGill-Queen’s University Press, 2010 ;

Page 17: LE UVEMENT ÉTUDIAN QUÉBÉCOIS DESexcerpts.numilog.com › books › 9782894489017.pdfPour effectuer une recherche libre par mot-clé à l’intérieur de cet ouvrage, rendez-vous

17Introduction

and Culture traite de nombreux aspects de la contestation des années 1960 en Allemagne et en Amérique du Sud notamment, mais ne compare pas les mouvements entre eux. Seule l’étude produite par Cyrill Levitt en 1984 trace un parallèle entre l’évolution des mouve-ments étudiants au Canada, aux États-Unis et en Allemagne durant les années d’après-guerre, mais ne les compare par avec le mouve-ment étudiant québécois22. Et de toutes les études, seule celle de Douglas Nesbitt défend l’idée que le radicalisme qui marque l’évo-lution du mouvement étudiant québécois au début des années 1960 aurait influencé le mouvement étudiant canadien et aurait été à l’origine des changements idéologiques qui ont caractérisé ce mouvement au milieu des années 196023.

Ce tour d’horizon historiographique international démontre que, si de nombreuses études ont abordé la réalité étudiante inter-nationale des années 1960, elles ont cherché surtout à découvrir si les différents mouvements étudiants nationaux procédaient d’une même prise de conscience de leurs conditions, promouvaient les mêmes valeurs et soutenaient le même discours. Dans l’ensemble, ces chercheurs ont soutenu que de grands évènements internationaux comme la guerre du Vietnam, la lutte contre la discrimination aux États-Unis et le processus de décolonisation ont tous joué le rôle de catalyseur dans le processus de conscientisation de la jeunesse face aux problèmes qu’elle devait affronter et dans sa mobilisation natio-nale. S’ils concèdent qu’il existe des traits communs entre les mouve-ments étudiants nationaux, ils restent assez circonspects sur les modalités des influences qui pourraient en rendre compte. Et certains chercheurs mettent en garde contre des analyses a priori simplistes pour rendre compte d’une universalisation des mouvements. Mais aucun n’a cherché à analyser, au moyen des archives qui vont bien au-delà des impressions, les relations bilatérales qui ont pu se tisser entre les organisations nationales et par-delà les appuis, soutiens et

Bryan D. Palmer, Canada’s 1960s. The Ironies of Identity in a Rebellious Era, Toronto, University of Toronto Press, 2009 ; Lara Campbell, Dominique Clément et Greg Kealy (dir.), Debating Dissent : Canada and the 1960s, Toronto, 2012.

22. Cyrill Levitt, Children of Privilege, Student Revolt in the Sixties, Toronto, University of Toronto Press, 1984.

23. Voir Nesbitt, op. cit., p. 103-107.

Page 18: LE UVEMENT ÉTUDIAN QUÉBÉCOIS DESexcerpts.numilog.com › books › 9782894489017.pdfPour effectuer une recherche libre par mot-clé à l’intérieur de cet ouvrage, rendez-vous

le mouvement étudiant québécois des années 1960…18

collaborations ou les condamnations, rejets et tensions qui ont pu en découler. C’est là le but de cette étude et son originalité.

S’il s’avère ardu de comparer ou de schématiser les différents mouvements, nous proposons d’aborder ce thème en examinant d’abord les relations – vecteurs de la circulation des idées24 – qu’ils ont pu entretenir entre eux et de voir si des relations ont été créées et en quoi elles ont pu contribuer ou non à uniformiser le discours et les revendications étudiantes.

Le Québec comme pivot des relations internationales étudiantes

C’est durant les années 1960 que les mouvements étudiants atteignent leur paroxysme et s’imposent comme vecteurs détermi-nants de changements sociaux. Or, le Québec vit à cette époque sa « Révolution tranquille », une période historique qui a été l’objet depuis quelques années de nouvelles études remettant dans une plus juste perspective les changements profonds qui ont marqué cette époque cruciale de l’histoire du Québec. Des études histo-riques25, sociologiques26 et économiques27 ont permis d’établir les paramètres permettant de mieux évaluer, à moyen et à long terme, les effets de cette période de réformes. Même si plusieurs écoles de pensée se disputent sur l’héritage de la « Révolution tranquille », toutes s’entendent pour dire qu’il y a un Québec d’avant et un Québec d’après la Révolution tranquille28.

24. Selon l’expression de Geneviève Dreyfus-Armand, op. cit., p. 25.25. Paul-André Linteau, « Un débat historiographique : l’entrée du Québec dans

la modernité et la signification de la Révolution tranquille », dans Yves Bélanger, Robert Comeau et Céline Métivier (dir.), La Révolution tranquille 40 ans plus tard : un bilan, Montréal, VLB éditeur, 2000, p. 21-41.

26. Jean-Philippe Warren, Une douce anarchie. L’année 68 au Québec, op. cit. ; idem, Ils voulaient changer le monde. Le militantisme marxiste-léniniste au Québec, Montréal, VLB éditeur, 2007 ; Jean-Philippe Warren, « La révolution inachevée », dans Yves Bélanger, Robert Comeau et Céline Métivier (dir.), La Révolution tranquille 40 ans plus tard : un bilan, Montréal, VLB éditeur, 2000, p. 43-48.

27. Pierre Fortin, « La Révolution tranquille et le virage économique du Québec », dans Yves Bélanger, Robert Comeau et Céline Métivier (dir.), op. cit., p. 165-178.

28. Pour une analyse plus pointue et précise de l’évolution de l’historiographie concernant la Révolution tranquille, voir Sébastien Parent, « L’historiographie de la

Page 19: LE UVEMENT ÉTUDIAN QUÉBÉCOIS DESexcerpts.numilog.com › books › 9782894489017.pdfPour effectuer une recherche libre par mot-clé à l’intérieur de cet ouvrage, rendez-vous

19Introduction

Or, dans tout ce processus de réévaluation historique des années 1960 au Québec, l’aspect international n’a pas été au cœur des préoccupations. Certes, le rapprochement France-Québec et les nombreuses ententes bilatérales conclues, notamment en matière d’éducation et de culture, ont été étudiés et des chercheurs ont démontré l’importance de cette relation privilégiée pour soutenir le Québec dans son processus de modernisation29. Mais il demeure que l’ouverture du Québec dans les années 1960 est allée bien au-delà de cette relation bilatérale et qu’elle s’est articulée de manière plus ample et multiple. Pour obtenir une vision plus précise des changements qui ont cours au Québec et, surtout, connaître la dynamique qui les a entraînés, il semble essentiel de mieux saisir les influences extérieures qui ont pénétré les esprits et qui ont donné lieu à des appropriations fort utiles dans un Québec en mutation.

Au cours des années 1960, le Québec, à travers la « Révolution tranquille », l’Exposition universelle de 1967 tenue à Montréal et une plus grande prise en main de son avenir, s’est ouvert à l’autre. Politiquement, le Québec s’ouvre à l’Europe, à l’Amérique latine, à l’Asie et à l’Afrique. Il démontre de l’intérêt pour les expériences politiques, économiques et culturelles conduites ailleurs et s’en inspire. Les élites politiques, les étudiants30, les missionnaires31, les universitaires en stage ici et à l’étranger32, les journalistes, les

Révolution tranquille et ses rapports avec la mémoire canadienne-française : 1960 à aujourd’hui », Thèse de doctorat (Histoire), UQAM, 2013, 357 p.

29. Voir Serge Joyal et Paul-André Linteau (dir.), France, Canada, Québec : 400 ans de relations d’exception, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2008 ; Stéphane Paquin et Louise Beaudoin (dir.), Histoire des relations internationales du Québec, Montréal, VLB éditeur, 2006.

30. Daniel Poitras, « L’URSS, Cuba, l’Algérie comme miroirs confrontant. L’appropriation de l’information internationale par les étudiants du Quartier latin en 1959 », Bulletin d’histoire politique, vol. 23, no 1, p. 82-108 ; Karine Hébert, op. cit. ; Louise Bienvenue, op. cit.

31. Voir Catherine Foisy, « La décennie 1960 des missionnaires québécois : vers de nouvelles dynamiques de circulation des personnes, des idées et des pratiques », Bulletin d’histoire politique, vol. 23, no 1, 2014, p. 24-41.

32. Voir Daphné Pons, « Intellectuels et religieux : vecteurs des relations France-Québec sous le gouvernement Duplessis, 1940-1959 », Mémoire de master (Histoire), Université de Strasbourg, 2014.

Page 20: LE UVEMENT ÉTUDIAN QUÉBÉCOIS DESexcerpts.numilog.com › books › 9782894489017.pdfPour effectuer une recherche libre par mot-clé à l’intérieur de cet ouvrage, rendez-vous

le mouvement étudiant québécois des années 1960…20

écrivains33 et les cinéastes jouent un rôle essentiel comme courroie de transmission, alimentant l’ouverture du Québec et stimulant ce désir de plus en plus présent de découvrir d’autres cultures, d’autres façons de voir et de faire, d’autres façons d’appréhender la réalité et d’en tirer des enseignements qui seront ensuite appliqués ou transformés afin de s’arrimer à la réalité québécoise. Le Québec dans les années 1960 s’inspire beaucoup de ce qui se passe ailleurs, notamment en ce qui concerne les institutions reliées à l’État-providence. Mais ce que l’on ignore ou sous-estime souvent, c’est qu’il a aussi grandement inspiré dans des domaines précis de nombreux pays d’Afrique et d’Europe, notamment la Belgique et la Suisse34.

Cette approche qui s’applique à révéler les influences extérieures sur le Québec et l’influence que ce dernier a pu avoir sur la scène internationale s’inscrit dans un courant historiographique ayant émergé depuis environ deux décennies. Il s’agit d’une approche qualifiée selon le cas d’histoire connectée, d’histoire transnationale, d’histoire croisée ou d’histoire « enchevêtrée », elle-même issue de l’histoire globale, et qui s’intéresse au flux d’idées, de personnes, d’institutions, d’usages, ainsi qu’aux circulations humaines, cultu-relles, idéologiques et techniques. Une approche, enfin, qui se préoccupe de la façon dont les idées circulent et de la rétention ou du rejet de celles-ci35. Il s’agit donc d’une approche qui veut porter un regard nouveau sur le monde, qui veut identifier les acteurs de cette histoire connectée, les « passeurs » d’idées36, qu’ils soient des individus ou des institutions, une approche qui désire briser le compartimentage des histoires nationales qui rend invisibles ces interrelations et imperméables les frontières nationales afin de

33. Voir Michel Nareau, « Fanon, Cuba et autres Journal de Bolivie. L’Amérique latine à Parti pris comme modalité de libération nationale », Bulletin d’histoire politique, vol. 23, no 1, 2014, p. 126-138.

34. Voir notamment les travaux de Patrick Dramé sur l’Afrique, ceux de Catherine Lanneau sur la Belgique, de Claude Hauser sur le Jura suisse, et ceux de François Audigier sur la Savoie.

35. Pierre-Yves Saunier, « Les régimes circulatoires de domaine social, 1800-1940 : projets et ingénierie de la convergence et de la différence », Genèse, no 71, 2008, p. 5.

36. Ibid.

Page 21: LE UVEMENT ÉTUDIAN QUÉBÉCOIS DESexcerpts.numilog.com › books › 9782894489017.pdfPour effectuer une recherche libre par mot-clé à l’intérieur de cet ouvrage, rendez-vous

TABLE DES MATIÈRES

Remerciements 9

Introduction 11Historiographie 12Le Québec comme pivot des relations internationales étudiantes 18

chapitre 1La création de l’Union générale des étudiants du Québec et son internationalisation dans les années 1960 23

chapitre 2Les relations entre le mouvement étudiant québécois et canadien : différences et convergence 57Les origines de la Fédération nationale des étudiants

des universités canadiennes 58Conclusion 84

chapitre 3Les relations entre le mouvement étudiant québécois et américain : méfiance réciproque 87Les origines du mouvement étudiant américain 91La lutte au communisme, la question raciale et

l’international : principaux enjeux pour la nouvelle association américaine 95

La CIE et la CIA 97La division du mouvement étudiant et la naissance de

la SDS 101

Page 22: LE UVEMENT ÉTUDIAN QUÉBÉCOIS DESexcerpts.numilog.com › books › 9782894489017.pdfPour effectuer une recherche libre par mot-clé à l’intérieur de cet ouvrage, rendez-vous

Au nord du 49e parallèle 104La question de la discrimination raciale 111La question du Vietnam 118Conclusion 124

chapitre 4Les relations entre le mouvement étudiant québécois et le mouvement français : le rendez-vous manqué 127Vers une internationale étudiante 130La guerre d’Algérie et l’ouverture à l’international 132L’Union générale des étudiants du Québec 145L’UGEQ et l’international 150Les relations avec l’UNEF 151L’UGEQ et le Mai 68 156Conclusion 162

Conclusion 167

Bibliographie 171

Page 23: LE UVEMENT ÉTUDIAN QUÉBÉCOIS DESexcerpts.numilog.com › books › 9782894489017.pdfPour effectuer une recherche libre par mot-clé à l’intérieur de cet ouvrage, rendez-vous
Page 24: LE UVEMENT ÉTUDIAN QUÉBÉCOIS DESexcerpts.numilog.com › books › 9782894489017.pdfPour effectuer une recherche libre par mot-clé à l’intérieur de cet ouvrage, rendez-vous

cet ouvrage est composé en adobe garamond pro corps 12selon une maquette de pierre-louis cauchon

et achevé d’imprimer en octobre 2017sur les presses de l’imprimerie marquis

au québecpour le compte de gilles herman

éditeur à l’enseigne du septentrion