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Revue de Géographie Tropicale et d’Environnement, n°2, 2012 © (EDUCI), 2012 63 LE TRANSPORT URBAIN À ABIDJAN FACE AUX DÉFIS DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ECHUI AKA DÉSIRÉ Institut National Polytechnique Houphouët-Boigny (Côte d’Ivoire) ; 04 BP 2464 Abidjan 04 ; Email: [email protected] RÉSUMÉ Le secteur des transports se développe rapide- ment en Côte d’Ivoire. Il connaît un développement remarquable tant dans sa diversité que dans sa ca- pacité. Nous en apprécions les avantages : rapidité et accessibilité géographique en tous points mais cette situation pose dans le même temps la problé- matique de l’environnement urbain, de la sécurité et de la santé publique. Cette problématique se pose avec plus d’acuité au niveau de la ville d’Abidjan dans toutes les manifestations de la vie quotidienne. La spécificité de cette métropole fait d’elle une ville où de nombreux modes de transports cohabitent, avec une dépendance automobile irrépressible. Si cette situation n’est pas en soi condamnable, elle est à l’origine de nuisances diverses dont les accidents de la circulation routière, les émissions polluantes de gaz à effet de serre, responsables du réchauffement climatique et de nombreuses maladies. Le secteur des transports représente donc un enjeu stratégique de premier plan sur le long terme en matière de dé- veloppement durable. Cette étude fait une analyse du secteur du transport terrestre urbain pour en dégager les caractéristiques structurelles et approcher les principaux problèmes. Si l’étude s’efforce de sou- ligner le caractère non durable de certains aspects du transport urbain, elle examine aussi dans quelle mesure le transport urbain peut réaliser la satisfaction des besoins de mobilité des citoyens tout en prenant en compte la question des externalités négatives dans une perspective de développement durable. Le succès des stratégies proposées pour favoriser l’émergence d’un système de transport urbain durable nécessite la prise de conscience collective et l’impli- cation des populations pour soutenir les actions des pouvoirs publics. Mots clés : Abidjan, Transport, Urbanisme, Déve- loppement durable, Pollution atmosphérique. 1. INTRODUCTION Le transport joue un rôle important dans le dé- veloppement socio-économique d’un pays. Les mo- dèles de croissance montrent que l’investissement dans les infrastructures et moyens de transports est source de croissance endogène (Barro, 1990). Le développement des transports accroît la productivité du capital privé et la croissance à long terme. En effet, des transports rapides, sûrs, accessibles et peu coûteux accroissent la rentabilité des activités économiques et favorise le fonctionnement des marchés concurrentiels. Ces avantages primaires sont également favorables aux populations car ils facilitent la mobilité des personnes et raccourcis- sent les temps de déplacement. Les différences d’infrastructures de transport pourraient donc être à l’origine de disparités de niveaux de dévelop- pement économique entre pays ou régions d’un même pays. Dans de nombreux pays à travers le monde, le développement du transport devient comme une intention politique récurrente. Les moyens de transport connaissent des évolutions au plan technologique, au plan de leur exploitation et gestion pour répondre aux besoins des citoyens et des entreprises. En Côte d’Ivoire, la demande de transport connaît une progression rapide tirée par la croissance démographique et l’urbanisation 1 . La disponibilité des moyens de transport motorisés, la relative prospérité financière des ménages dans les années 1960-1980 et l’accroissement des activités agricoles, commerciales et industrielles ont contribué à accroître la demande de transport. 1- La population urbaine en Côte d’Ivoire s’est accrue de 629 635 habitants en 1960 à 8 169 240 en 2005, soit un taux d’urbanisation estimé à 45% en 2005. Elle est entrain de croître à un taux de 3,6% par an depuis les deux dernières décennies (Banque Mondiale, 2007).

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Revue de Géographie Tropicale et d’Environnement, n°2, 2012

© (EDUCI), 201263

Le TransporT Urbain à abidjan face aUx défis dU déveLoppemenT dUrabLe

ECHUI AkA DésIré

Institut National Polytechnique Houphouët-Boigny (Côte d’Ivoire) ; 04 BP 2464 Abidjan 04 ; Email: [email protected]

résUmé

Le secteur des transports se développe rapide-ment en Côte d’Ivoire. Il connaît un développement remarquable tant dans sa diversité que dans sa ca-pacité. Nous en apprécions les avantages : rapidité et accessibilité géographique en tous points mais cette situation pose dans le même temps la problé-matique de l’environnement urbain, de la sécurité et de la santé publique. Cette problématique se pose avec plus d’acuité au niveau de la ville d’Abidjan dans toutes les manifestations de la vie quotidienne. La spécificité de cette métropole fait d’elle une ville où de nombreux modes de transports cohabitent, avec une dépendance automobile irrépressible. si cette situation n’est pas en soi condamnable, elle est à l’origine de nuisances diverses dont les accidents de la circulation routière, les émissions polluantes de gaz à effet de serre, responsables du réchauffement climatique et de nombreuses maladies. Le secteur des transports représente donc un enjeu stratégique de premier plan sur le long terme en matière de dé-veloppement durable. Cette étude fait une analyse du secteur du transport terrestre urbain pour en dégager les caractéristiques structurelles et approcher les principaux problèmes. si l’étude s’efforce de sou-ligner le caractère non durable de certains aspects du transport urbain, elle examine aussi dans quelle mesure le transport urbain peut réaliser la satisfaction des besoins de mobilité des citoyens tout en prenant en compte la question des externalités négatives dans une perspective de développement durable. Le succès des stratégies proposées pour favoriser l’émergence d’un système de transport urbain durable nécessite la prise de conscience collective et l’impli-cation des populations pour soutenir les actions des pouvoirs publics.

mots clés : Abidjan, Transport, Urbanisme, Déve-loppement durable, Pollution atmosphérique.

1. inTrodUcTion

Le transport joue un rôle important dans le dé-veloppement socio-économique d’un pays. Les mo-dèles de croissance montrent que l’investissement dans les infrastructures et moyens de transports est source de croissance endogène (Barro, 1990). Le développement des transports accroît la productivité du capital privé et la croissance à long terme. En effet, des transports rapides, sûrs, accessibles et peu coûteux accroissent la rentabilité des activités économiques et favorise le fonctionnement des marchés concurrentiels. Ces avantages primaires sont également favorables aux populations car ils facilitent la mobilité des personnes et raccourcis-sent les temps de déplacement. Les différences d’infrastructures de transport pourraient donc être à l’origine de disparités de niveaux de dévelop-pement économique entre pays ou régions d’un même pays. Dans de nombreux pays à travers le monde, le développement du transport devient comme une intention politique récurrente. Les moyens de transport connaissent des évolutions au plan technologique, au plan de leur exploitation et gestion pour répondre aux besoins des citoyens et des entreprises. En Côte d’Ivoire, la demande de transport connaît une progression rapide tirée par la croissance démographique et l’urbanisation1. La disponibilité des moyens de transport motorisés, la relative prospérité financière des ménages dans les années 1960-1980 et l’accroissement des activités agricoles, commerciales et industrielles ont contribué à accroître la demande de transport.

1- La population urbaine en Côte d’Ivoire s’est accrue de 629 635 habitants en 1960 à 8 169 240 en 2005, soit un taux d’urbanisation estimé à 45% en 2005. Elle est entrain de croître à un taux de 3,6% par an depuis les deux dernières décennies (Banque Mondiale, 2007).

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selon les statistiques de la sICTA pour l’année 2010, la ville d’Abidjan concentre 80% du parc auto national qui était de 590 516 véhicules. Cet important parc auto abidjanais entraîne une intense activité de la circulation routière qui, de visu, laisse penser à des dépassements des capacités routières des principales voies structurantes.

Plusieurs publications scientifiques démontrent que la capacité d’une voie routière est atteinte pour un débit horaire de 2 000 véhicules et une vitesse de 50 km/h. La courbe vitesse / débit présente alors la forme ci-après :

Source : Francine Loiseau-Van Baerle, La rue, un es-pace à mieux partager, Amarcande, 1990

figure 1 : Courbe théorique vitesse / débit sur une voie routière

Les derniers comptages de trafics routiers réalisés en 2008 par le Bureau National d’études Techniques et de Développement (BNETD) sur les principaux axes structurants d’Abidjan relèvent des pics de débits horaires ci-après :

- de 3 147 véhicules sur le Boulevard lagunaire qui offre 3 voies par sens ;

- de 4 683véhicules sur le Pont Charles de Gaulle (3 voies par sens) ;

- de 2 764 véhicules sur la Voie Est Ouest, avant échangeur 2 plateaux (3 voies par sens) ;

- de 2 873 véhicules sur le Pont Houphouët Boigny (2 voies par sens) ;

- de 3 921véhicules sur la liaison échangeur Ag-ban - échangeur Williamsville (3 voies par sens) ;

- de 2 450 véhicules sur le Boulevard François Mitterrand (3 voies par sens).

L’analyse de ces chiffres montre que les capacités des principales voies d’Abidjan ne sont pas atteintes. L’impression visuelle de saturation des voies structu-rantes est due essentiellement à la mauvaise condui-te et aux mauvais comportements des conducteurs notamment ceux du transport public qui circulent sur les trottoirs et les terre-pleins. Ils exacerbent les problèmes de congestion et de ralentissement dans la circulation aux heures de pointe.

Il convient de noter également que les transports causent, à des degrés divers, des préjudices plus ou moins graves à l’environnement, à la qualité de la vie et à la santé, à travers notamment la pollution atmosphérique, les nuisances sonores et les acci-dents. Les statistiques indiquent que les accidents de la circulation sont la cause du décès de 600 per-sonnes en moyenne par an en Côte d’Ivoire sur la période de 1997 à 2009 (OsEr, 2010). De même, les activités de production peuvent être aussi géné-ratrices de déchets parfois dangereux pour l’homme. Ces déchets sont, soit éliminés sur le lieu même de la production, soit évacués avec des risques réels vers d’autres endroits pour leur traitement. Ces considérations amènent à nuancer notre perception positive de l’impact global des moyens transports, et situent surtout l’intérêt de l’articulation transport/développement durable. Cette articulation est une préoccupation qui montre le rôle que joue le transport non seulement sur le plan du développement des activités économiques mais aussi sur le plan de la préservation de l’environnement et de la réduction de la pauvreté.

Le présent article aborde le sujet en examinant les transports terrestres en milieu urbain. Notre problématique est axée essentiellement sur la re-cherche du bon équilibre entre les impératifs socio-économiques et écologiques. Comment la dimension environnementale est-elle prise en compte dans la politique des transports et plus spécifiquement dans le transport urbain en Côte d’Ivoire ? Dans quelle mesure le transport urbain peut-il réaliser la satis-faction des besoins de mobilité des citoyens sans négliger la question des externalités négatives ? La réflexion est structurée de la façon suivante. Après cette introduction (section 1), la section 2 souligne la place du développement durable dans la politique ivoirienne des transports. La section 3fait une analyse des caractéristiques du secteur du transport urbain en Côte d’Ivoire en rapport avec les défis du déve-

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loppement durable. Cette analyse trace des pistes de stratégies de transport urbain dans une perspective de développement durable. La section 4 conclut et propose des recommandations de politiques de transport favorable à l’environnement.

2. Le déveLoppemenT dUrabLe dans La poLiTiqUe ivoirienne des TransporTs

2.1 DéFINITION ET IMPLICATIONs DU DéVELOPPEMENT DUrABLE POUr LE TrANsPOrT

Durant ces trois dernières décennies, le concept de développement durable est apparu comme un nouveau paradigme de développement. Propagé par le rapport « Notre avenir à Tous » de la Commission des Nations Unies sur l’environnement et le développement (rap-port Brundtland), publié en 1987, le développement durable se définit comme un type de développement qui « répond aux besoins de la génération présente sans hypothéquer la capacité des générations futu-res à satisfaire les leurs ». Cette formule qui vise à réconcilier le développement économique et social, la protection de l’environnement et la conservation des ressources naturelles a émergé graduellement entre 1970 et 1987 pour devenir aujourd’hui un impératif de salut pour l’humanité eu égard aux conséquences actuelles de la dégradation de l’environnement. Le développement ne peut donc être durable que s’il concilie à la fois les impératifs économiques avec les impératifs sociaux et écologiques.

La conférence des Nations Unies sur l’environne-ment et le développement, qui s’est tenue à rio de Janeiro au Brésil en juin 1992, est devenue le symbole d’un nouveau sens de responsabilité envers notre planète. À rio, la communauté internationale s’est donné comme objectif le développement durable à travers un ensemble cohérent d’actions contenues dans l’Agenda 21 visant à améliorer la qualité de l’environnement et promouvoir un développement durable. L’article 12 de la convention précise en effet comme objectif, à long terme, l’engagement des pays signataires à « stabiliser les concentrations des gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique dans un délai qui permette aux différents écosystèmes de s’adapter convenablement

aux changements climatiques, afin que la production alimentaire mondiale ne soit pas menacée et que le développement économique puisse se poursuivre de façon durable ». Aujourd’hui, avec les conséquen-ces visibles du réchauffement climatique à tous les niveaux, le développement durable est devenu un impératif de survie pour l’humanité. Nombreux sont ceux qui reconnaissent que si la dégradation actuelle de l’environnement ne menace pas encore notre exis-tence propre, elle peut quand même porter atteinte à la qualité de notre cadre de vie actuel et futur. Nous devons prendre nos responsabilités envers les géné-rations futures et faire face à la nécessité de préserver la diversité biologique et la qualité de l’environnement. Une telle démarche impose des changements en pro-fondeur des comportements et des modes d’action de toutes les composantes de la société. Ainsi, nombre de pays signataires des différentes conventions et déclarations sur le développement durable, se sont engagés à s’approprier et mettre en œuvre les actions contenues dans l’Agenda 21 dans leurs stratégies de développement national.

En Côte d’Ivoire, des initiatives concrètes ont été prises dans ce cadre parmi lesquelles on peut citer le Plan National d’Action Environnementale (PNAE-CI) en 1995, la gestion des ressources en eau en 1996, le code de l’environnement de 1996et la nouvelle politique forestière en 1999. La création au sein du Ministère de l’environnement de la Direction du Cadre de Vie (DCV), de l’Agence Nationale De l’Environnement (ANDE), d’un Fonds National De l’Environnement (FNDE), du Centre Ivoirien Anti-Pollution (CIAPOL) et d’une Commission Nationale du Développement Durable (CNDD) traduit l’enga-gement de la Côte d’Ivoire à mettre en œuvre les actions prévues par l’Agenda 21 adopté au sommet de la terre de rio.

Dans un tel contexte, l’articulation transport / dé-veloppement durable renvoie à plusieurs implications pour le transport. Il s’agit, d’une part de satisfaire les besoins de mobilité des citoyens actuels et futurs et de permettre l’accès du plus grand nombre aux services de transport adéquats et, d’autre part, le transport devra assurer le déplacement des marchan-dises considérées comme dangereuses dans des conditions de sécurité acceptables ; minimiser ses impacts environnementaux et contribuer à réduire les inégalités sociales et les risques technologiques.

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sur la base de ces implications, il convient de si-tuer la place de la politique du secteur des transports terrestres en Côte d’Ivoire dans le développement durable.

2.2 POLITIqUE NATIONALE DE TrANsPOrT ET DéVELOPPEMENT DUrABLE

La stratégie nationale de développement arrêtée par le gouvernement ivoirien au niveau de la décla-ration de politique dans le secteur des transports (septembre 1995), intègre bien la dimension du développement durable. En effet, la lutte contre la dégradation de l’environnement, l’amélioration du cadre de vie des populations et la lutte contre la pau-vreté tiennent une place de choix dans l’élaboration de cette stratégie qui a conduit à la définition d’une politique de transport fondée sur la volonté d’amé-liorer le fonctionnement de la chaîne logistique des transports de manière à renforcer la compétitivité de l’économie ivoirienne.

Au niveau des principes et des grandes orienta-tions de la politique, il a été affiché clairement des dispositions relatives à l’approche participative et à la gouvernance qui sont considérées aussi comme des aspects du développement durable. Ainsi, il est possible de relever, notamment, les orientations suivantes concernant les transports terrestres :

- l’association de tous les acteurs concernés, pri-vés ou publics, à la définition et à la mise en œuvre des réformes et des actions ;

- la mise en confiance des opérateurs et autres acteurs privés concernés par le secteur ;

- la création simultanée d’un environnement susceptible de favoriser la recherche de gains de productivité et la mise en place d’un meilleur contrôle des opérations de bout en bout en vue d’assurer une meilleure fluidité des trafics de marchandises et de voyageurs ;

- l’identification des facteurs qui, dans le système des transports, sont à l’origine de blocages et/ou de pertes de productivité ;

- la définition et la mise en œuvre des mesures correctrices susceptibles de faciliter l’interconnexion entre les différents maillons de la chaîne des trans-ports.

La mise en œuvre de ces orientations dans le sous-secteur des transports routiers a déjà donné d’importants résultats. On peut retenir notamment (i) la réforme institutionnelle de l’Administration des transports terrestres fondée sur le principe de la sé-paration des activités opérationnelles et des missions fonctionnelles ; (ii) l’amélioration de la fluidité du trafic et la baisse sensible des coûts de transport ; (iii) la réalisation de progrès sur le plan de la sécurité rou-tière avec notamment l’amélioration de la couverture du contrôle technique des véhicules.

3. Le TransporT TerresTre Urbain face aUx défis dU déveLoppemenT dUrabLe

3.1 CArACTérIsTIqUEs DU sECTEUr DEs TrANsPOrTs TErrEsTrEs ET PrOBLèMEs

3.1.1-Un parc auto en progression mais fortement concentré et vétuste

La croissance économique des années 60-70 s’est traduite par un développement rapide des diffé-rents modes de transport (transports routier, aérien, maritime et fluvio-lagunaire). L’effort d’équipement entrepris par l’état ivoirien a permis d’étendre le réseau routier. Cet effort en matière d’infrastructures routières s’est répercuté sur l’accroissement du parc automobile qui a connu une croissance forte depuis 1960. Cette accélération du parc auto a été fulgurante depuis la libéralisation des importations de véhicules d’occasion, et ce, malgré la crise économique qui a cours depuis 1980. Le parc est passé de 292 429 véhicules en 1999 à 311 460 véhicules en 2000 pour atteindre les 447 458 véhicules en 2006 (Figure 1). sur la base d’un accroissement moyen annuel de 6,27% sur la période 1999-2006, il est possible d’es-timer que le parc dépasserait le million de véhicules à l’horizon 2020.

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447 458

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Années

Source : SICTA, 2008figure 2 : La flotte motorisée en Côte d’Ivoire de

1999 à 2007

Ce parc apparaît cependant concentré dans la ville d’Abidjan où l’on observe 81,20% des véhicules en circulation en 2006. Le parc auto à Abidjan est passé de 220 623 véhicules en 1999 à 359 176 vé-hicules en 2006 avec un accroissement moyen de 7,2% par an. Avec ce rythme de croissance, Abidjan pourrait compter environ un million de véhicules à l’horizon 2020. Cette projection est préoccupante eu égard aux problèmes environnementaux que posera le transport à long terme.

Tableau 1 : évolution du parc auto en Côte d’Ivoire, 1999-2007

années 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007national 292 429 311 460 331 711 350 842 376 307 407 998 428 133 447 458 474 873

abidjan 220 623 236 864 254 362 270 656 292 491 321 344 340 417 359 176 385799

% abidjan / national 75,44 76,05 76,68 77,14 77,73 78,76 79,51 80,27 81,20

Source : SICTA, 2008

Le parc auto de Côte d’Ivoire se compose de sept types de véhicules ou engins à savoir : voitures particulières, camions, camions articulés ou ensem-bles articulés, autocars, camionnettes, 2 roues ou 3 roues et engins spéciaux. Le tableau 2 indique pour l’année 2007 qu’environ deux tiers de la flotte (66,2%) sont constitués de voitures particulières

et 9% de camionnettes, soit 75,2% de véhicules légers. Les poids lourds constituent 16,8% de ce parc. A l’image du parc auto national, le parc auto à Abidjan est largement dominé par les véhicules légers (voitures et camionnettes) qui constituent 80,34% de ce parc tandis que les poids lourds ne représentent que 14,21% de la flotte motorisée de la capitale économique.

Tableau 2 : structure du parc auto national en 2007

Type voiture particulière camion camion

articulé autocar camionnette 2 et 3 roues

engins spéciaux Total

national 314 165 27 382 30 699 17 512 42 723 38 105 4 287 474 873

% 66,2% 5,8% 6,5% 3,7% 9,0% 8,0% 0,9% 100,0%

abidjan 277 229 18 979 18 705 14 002 32 737 21 023 3 124 385 799

% 71,9% 4,9% 4,8% 3,6% 8,5% 5,4% 0,8% 100,0%

source : sICTA, 2008

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Lorsqu’on analyse la répartition géographique du parc auto national par type de véhicules, il ressort que l’essentiel des véhicules se trouve dans la ville d’Abidjan. Ainsi 88,2% du parc national de voitures particulières sont concentrés à Abidjan. quant au parc camionnette d’Abidjan, il représente 76,6% du

parc camionnette national (Figure 2). L’exploitation du tableau 2 indique que le parc de véhicules légers (voitures particulières et camionnettes) de la capitale économique constitue plus de 86% du parc national de véhicules légers. Pour ce qui concerne les poids lourds, Abidjan réunit 68,6% du parc national.

0%

100%

Motocyclette Voitureparticulière

Autocar Camionnette Camion Engins Spéciaux Tracteur Semi remorque Tricycles

54%

88%80% 77%

69% 73% 72%57%

87%

46%

12%20% 23%

31% 27% 28%43%

13%

Pour

cent

age

Type de véhicules

Intérieur pays Abidjan

source : sICTA, 2007figure 3 : Part du parc auto à Abidjan dans le parc nationalde l’année 2007

La prolifération des petits véhicules à Abidjan appa-raît comme une réponse originale des artisans trans-porteurs aux problèmes des transports urbains dans les capitales africaines. Il s’agit de permettre aux citadins d’accéder facilement aux services de transport. Parmi les moyens de transport offerts, on note, par exemple, les « wôrô-wôrô »2 et les « gbaka ». Ces moyens de transport jouent un rôle important dans la mobilité des citadins comme l’indique leur part de marché qui se situe à environ 65 %3.La faiblesse du pouvoir d’achat des ménages du fait de la crise économique et ses conséquences sur l’emploi et la pauvreté ont conduit la population à se tourner vers l’achat des véhicules d’occasion importés dits « France au revoir ». selon

2- Il s’agit de taxis à 5 places assises utilisés dans le secteur artisanal ou informel.

3- AGETU, Analyse du phénomène des wôrô-wôrô intercommunaux, 1998

les statistiques du service autonome du guichet uni-que automobile (sAGUA), ces véhicules représentent actuellement 33% du parc automobile national. Cette situation a été favorisée par la libéralisation du marché des véhicules d’occasion importés depuis janvier 1996. s’il est vrai que les populations trouvent, en première analyse, leur compte par rapport à la satisfaction des besoins de mobilité qui peut être considérée comme un des droits fondamentaux de l’homme, il convient cependant de relever que la «prolifération» des taxis collectifs et minibus dits gbakas à Abidjan pose un certain nombre de problèmes dont la congestion, la pol-lution atmosphérique et les accidents routiers. Il s’agit notamment des dysfonctionnements apparus en 1990 (AGETU, 2000) dans le système des transports urbains à Abidjan, qui constituent des externalités négatives. Ils se caractérisent par les retards dans les services offerts par la société de transports abidjanais (sOTrA),

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les barrages routiers abusifs, la pollution atmosphéri-que, les nuisances sonores dues à l’usage abusif des avertisseurs sonores et les accidents de la circulation routière. On peut relever en outre la désorganisation de l’offre de transport urbain. Cette situation est exacerbée par la multiplication des syndicats d’acteurs du transport routier (plus de 300 en 2012) n’observant pas les règles d’exercice de la profession.

3.12-Une source d’insécurité routière et de pollution atmosphérique

L’urbanisation croissante des villes d’un côté conjuguée au développement de l’automobile de l’autre engendre le problème de mobilité et d’acces-sibilité et pose dans un même élan la problématique de l’environnement urbain et de la santé publique. Cette problématique est mise en évidence avec plus d’acuité au niveau de la ville d’Abidjan dans toutes les manifestations de la vie quotidienne. Abidjan se trouve aujourd’hui dans une configuration où elle passe de la ville piétonne dans les années 1970 à forte densité de population, à une ville où de nom-breux modes de transports cohabitent, avec une dépendance automobile irrépressible. Pour effectuer nombre de déplacements, le transport individuel ou collectif par la route est devenu le seul recours pos-sible. Cette situation n’est pas en soi condamnable, mais les nuisances provoquées par le trafic auto-mobile sont telles qu’il est impératif de prendre des mesures. Premièrement, la dépendance automobile met Abidjan au bord de l’asphyxie. La libéralisation des importations de véhicules d’occasion en 1990 a amélioré les transports au sens quantitatif du terme, mais la déréglementation a donné naissance à une anarchie en matière de transport urbain avec un foisonnement d’opérateurs dans tous les quartiers. Les espaces urbains et les carrefours sont envahis pour créer des gares et des aires irrégulières de stationnement. En dépit des efforts des structures en charge du transport urbain, le secteur reste encore désorganisé et difficile à gérer tant le marché est fragmenté et atomisé. Les dysfonctionnements du système des transports urbains à Abidjan, qui se sont accentués au cours des dernières années, ont même encouragé le développement des transports infor-mels par des taxis clandestins dénommés « wôrô-wôrô intercommunaux ». L’Agence des transports urbains (AGETU), autorité régulatrice du secteur, s’est attaquée en 2009 à 4 000 taxis intercommu-

naux qui opèrent en toute illégalité dans un climat d’insécurité préoccupant sur le territoire de la ville d’Abidjan. Ainsi, une opération d’assainissement du marché par le retrait de ces véhicules de la circulation a été initiée en 2009 sous l’autorité du ministère des transports. Une commission instituée par le ministre a été chargée de la sensibilisation des propriétaires de wôrôs-wôrôs intercommunaux pour la reconversion de leurs véhicules en taxis-compteurs ou taxis com-munaux. Elle a produit un communiqué pour appeler les propriétaires à effectuer les démarches en vue du retrait définitif du marché de leurs véhicules ou de leur mise aux normes. Au terme de la campagne de sensibilisation, l’opération de contrôle a effective-ment démarré avec l’appui des agents de la police nationale et de la gendarmerie nationale.

Malheureusement, dès la mise en fourrière des premiers véhicules, des syndicalistes ont mené des actions pour faire arrêter l’opération et menacer l’intégrité physique des agents de l’AGETU. Ils ont effectué des descentes à son siège pour exiger la libération des véhicules saisis. La commission a donc été amenée à suspendre l’opération.

La désorganisation du marché des transports urbains s’accentue et aucune traçabilité économique fiable ne peut être établie sur les flux financiers en-gendrés par cette activité illégale exercée en toute impunité en raison des manœuvres qui ont fragilisé l’autorité de régulation (l’AGETU) dépourvue finale-ment de réaction vigoureuse face à cette situation. Il s’ensuit une absence de contrôle efficient du marché du transport urbain, exacerbé par une fragmentation institutionnelle. L’éclatement des responsabilités en-tre plusieurs organismes ne permet pas la régulation du marché de l’offre. Les conditions et les modalités d’entrée sur le marché ne sont pas les mêmes entre les mairies, la direction générale des transports ter-restres et de la circulation (DGTTC), l’AGETU et la société nationale des transports terrestres (sONATT) qui ont des intérêts divergents : les mairies cherchent à maximiser les recettes avec le produit de la para-fiscalité prélevée sur les taxis (pas de sélection dans l’attribution des autorisations de transport alors que l’AGETU par exemple se caractérise par une logique de régulation du marché avec l’attribution sélective des autorisations de transport).

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photo 1 : Congestion des voies à Abidjan, Axe routier Port-Bouët - Grand-Bassam (tronçon entre la station shell et le collège de Port-Bouët), 2011, OsEr

photo 2 : Accident de la circulation routière à Abidjan, Carrefour de Biétry (intersection entre le Bd Valéry Giscard d’Estaing et le Bd de Marseille à « ancien koumassi »), 2010, OsEr

Les embouteillages et le mauvais état des voies contribuent à l’augmentation du temps de parcours qui fatiguent les usagers. Cette situation est exacer-bée à Abidjan par des barrages routiers, surtout aux heures de pointe du soir. A cela s’ajoutent également les accidents de la circulation causant des pertes en vies humaines, en raison du mauvais état technique des véhicules, certes, mais aussi à cause du non respect des règles élémentaires de la circulation

par nombre de conducteurs. selon les statistiques de l’Office de sécurité routière (OSER) s’appuyant sur les données de la préfecture de police d’Abidjan, on dénombre sur la période 1999-2008 en moyenne par an à Abidjan 3 789 accidents de la circulation faisant 5720 victimes dont 5 573 blessés et 148 tués. Parmi les victimes, on compte 2 706 piétons dont 104 tués.

Les facteurs liés aux comportements humains au volant (défaut de maîtrise, vitesse excessive, im-prudence du conducteur, stationnement dangereux, non-respect du code de la route, etc.) sont responsa-bles de 94 % de ces accidents (OsEr, 2008). Ces statistiques montrent que l’organisation actuelle du transport terrestre à Abidjan met en péril la sécurité des piétons, la qualité de vie des populations mais également la convivialité dans la ville. L’analyse chronologique des statistiques de sécurité routière montre une augmentation du nombre d’accidents concomitamment à une baisse du nombre de victi-mes depuis 2003 (Figure 4).

s’il est vrai que la situation est toujours préoccu-pante, il y a en réalité une indéniable amélioration de la sécurité routière dans le pays. Il est important de relativiser un peu les choses car la situation aurait pu être bien plus catastrophique. En réalité, la situation peut être vue plutôt comme positive surtout les der-nières années. En effet, si l’on raisonne globalement, il y a moins d’accidents et moins de victimes de la route si l’on tient compte de l’évolution d’un certain nombre d’indicateurs. Tout d’abord, si l’on considère la taille du parc qui est en nette augmentation, on devrait avoir plus d’accidents en 2010 qu’auparavant, en supposant que la mobilité est restée constante durant la période. Or, du fait de la croissance démo-graphique, la mobilité s’est accrue, les gens roulent de plus en plus et sur des distances de plus en plus longues. En prenant en compte ce facteur, on aurait pu avoir un nombre d’accidents beaucoup plus im-portant que celui constaté aujourd’hui et de loin. En réalité, les efforts entrepris par les pouvoirs publics en matière de sécurité ont donné des résultats po-sitifs mais qui restent peu visibles si on raisonne sur l’absolu4. A la mise en service des radars en 1997,

4- Un projet de recherche consisterait à faire une étude de l’accidentologie durant la même période en retenant les mêmes caractéristiques des années 2003 et faire une projection en 2010/2011 et comparer les résultats. Il est quasi certain que l’on trouvera une situation d’une amélioration de la sécurité routière aujourd’hui.

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Revue de Géographie Tropicale et d’Environnement, n°2, 2012

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le taux de gravité des accidents (lié à la vitesse qui est à la fois un facteur de risque et de gravité) était de 20%. Dans la capitale économique, selon les statistiques de l’OsEr, ce taux de gravité des acci-dents est passé de 5,22% en 2000 à 2,48% en 2010.

Ces résultats ont été atteints grâce aux dispositifs de sécurité routière notamment les ponts piétons aux points noirs de la circulation, les séparateurs bétons, etc. et à l’intensification de la sensibilisation des usagers de la route.

6 5405 440

5 972 5 9655 560 5 718 6 084 5 852

8 1968 398

11 438 14 70314 410

12 09910 943

6 525

10 402

9 839

16 841

24 484

0

5 000

10 000

15 000

20 000

25 000

30 000

35 000

2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009

Nom

bre

Années

VICTIMES ACCIDENTS

source : OsEr, 2010figure 4 : évolution des accidents de la route, 2000-2009

Deuxièmement, les transports représentent en Côte d’Ivoire un secteur de grande consommation d’hydrocarbures et contribuent donc à une grande échelle à l’émission de gaz à effet de serre (CO2, CO, NOx, N2O, CH4, COVNM)5mais aussi à la pollution des sols et de l’eau par les carburants et les huiles usées. Il s’agit des transports aérien, routier, ferroviaire et maritime, qui absorbent 70% de la consommation nationale de produits pétroliers, soit 44 036,27 téra-joules (TJ)(MENEF, 2000). La seule ville d’Abidjan consomme 45% de ces produits pétroliers (liquides et gazeux). Le gasoil représente la source d’énergie pour plus de 52% des véhicules et en particulier pour 98 % des véhicules de transport6. Si cela se justifie en partie par des raisons de prix à la pompe (le gasoil coûte moins cher que l’essence), la diésélisation du

5- CO2 : dioxyde de carbone ; CO : monoxyde de carbone ; NOx : oxyde d’azote ; N2O : protoxyde d’azote ; CH4 : méthane ; COVNM : composés organiques volatiles non méthaniques.

6- Données provenant de la Communication Nationale Initiale de la Côte d’Ivoire, préparée en application de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques, Ministère de l’Environnement de l’Eau et de la Forêt, République de Côte d’Ivoire, 97 p.

parc automobile contribue davantage à la pollution de l’air local en raison du taux supérieur d’émission de CO2. En effet, la teneur moyenne en dioxyde de carbone (ou coefficient d’émission) du gasoil est es-timée à 3,17 g contre 3,13 g pour l’essence et 2,75 g pour le gaz naturel comprimé (Bang et al., 1999 cité dans OCDE, 2002).Une illustration des émissions de gaz à effet de serre à partir du gasoil est fournie dans le graphique 4. Ce graphique montre que le dioxyde de carbone (CO2) est de loin le composant gazeux le plus important des émissions de gaz à effet de serre rejetées par les moteurs à gasoil. En effet, le gasoil est responsable d’une émission de 74,07 TJ de CO2, ce qui représente 99% de la masse de tous les gaz d’échappement dues à ce produit pétrolier. En fait, les pots catalytiques et autres dispositifs d’échap-pement assurent l’oxydation en CO2 et H2O d’une grande partie du monoxyde de carbone (CO) et des hydrocarbures. C’est pourquoi le CO2est considéré comme la principale forme de pollution des moteurs à combustion interne. Malgré leur faible proportion, les autres gaz ont néanmoins des effets de serre anthropiques non négligeables.

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source : MENEF, 2000figure 5 : émissions de gaz à effet de serre dues au Gasoil

Le dioxyde de carbone (CO2) est connu pour être le principal gaz à effet de serre responsable (environ 55%) du réchauffement climatique. Le protoxyde d’azote ou oxyde nitreux(N2O) est responsable à hauteur de 5% de l’effet de serre anthropique. son pouvoir de réchauffement global est 298 fois plus élevé que celui du dioxyde de carbone. Le méthane (CH4) engendre environ 15% de l’effet de serre anth-ropique avec un pouvoir de réchauffement global 25 fois supérieur à celui du CO2. Au niveau mondial, le secteur des transports représente le deuxième sec-

teur émetteur de CO2 après le secteur de l’énergie. Dans les pays de l’OCDE, ce secteur est à l’origine de 27 % des émissions totales de CO2 et environ 80 % des émissions de ce secteur sont imputables aux transports routiers (OCDE, 2002). L’importance du transport routier dans l’ensemble du secteur des transports se retrouve de manière similaire au niveau mondial, ce qui explique pourquoi ce secteur fait l’ob-jet d’importantes recherches et de réglementations en matière de réduction de ses émissions de CO2.

photo 3 :rejets de polluants par un taxi communal dus au mauvais entretien du véhicule, 2011, 0sEr

photo 4 : rejets de polluants par un taxi-compteur dus au mauvais entretien du véhicule, , 2011, 0sEr

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La pollution par CO2 en Côte d’Ivoire est amplifiée par l’âge des véhicules en circulation. En effet, les véhicules de transport urbain sont en général des véhicules d’occasion importés de l’Europe. Conju-guée à la libéralisation des véhicules d’occasion, cette situation conduit à un parc auto vieillissant7. selon les statistiques de la sICTA pour l’année 2011, l’âge moyen du parc de véhicules légers est estimé à 16 ans et celui des poids lourds est de 20 ans. Il s’ensuit évidemment un grand risque de pollution atmosphérique avec ces véhicules qui ont tendance à faire des pays du sud une sorte de dépotoir des pays industrialisés. La forte concentration du parc à Abidjan, conjuguée à la dégradation de l’état des rou-tes, entraîne une augmentation des émissions de gaz d’échappement renforçant la pollution atmosphérique en raison des embouteillages, de la réduction de la vitesse de circulation et des fréquentes manœuvres. De simples observations dans la ville permettent de constater de visu l’importance de la pollution causée par les moyens de transport : fumée noire, imbrûlés, particules en suspension, etc., dégagés par de vieux autocars, camions et véhicules mal entretenus. Pour lutter contre la pollution due aux transports routiers et veiller à l’entretien des véhicules, l’état a institué la visite technique obligatoire. Les principaux points de contrôle lors de la visite technique concernent l’identification du véhicule, la direction, la carrosserie et la cabine, le freinage, l’éclairage et les avertisseurs lumineux, les essieux et la suspension, les pneu-matiques, le châssis, les compteurs horokilométri-ques pour les taxis-compteurs et l’émission de gaz d’échappement. Cette disposition réglementaire est mise en œuvre par la sICTA qui contrôle les rejets de polluants sur la base de normes internationales, l’État n’ayant pas encore défini de seuils de référence propres à la Côte d’Ivoire. La visite technique vise également à faire effectuer l’entretien des véhicules par leurs propriétaires pour assurer un bon état mécanique du parc automobile. Malgré le caractère obligatoire de la visite technique, chaque année 10 à 15 % du parc d’Abidjan ne se présentent pas au contrôle, selon les statistiques de la sICTA. Dans le but d’inciter à la visite technique, l’OsEr effectue des contrôles inopinés sur les routes à travers les commissions spéciales itinérantes (CsI) instituées

7- En Côte d’Ivoire, l’âge des véhicules légers et des poids lourds d’occasion importés est limité respectivement à 10 ans et à 15 ans ; au-delà, l’importateur doit payer une redevance ; ce qui, de ce fait, enlève tout verrou

par décret en 1965. Cette mission, assurée en col-laboration avec la sICTA, la gendarmerie nationale et la police nationale, a permis de réduire le taux de véhicules en infraction par rapport à la visite techni-que comme l’indique le tableau ci-après. Le défaut de visite technique est passé de 14 % en 1998 à 4,25 % en 2000 puis à 1,35% en 2010. De même, l’état mécanique du parc a enregistré une amélioration avec la réduction du taux de véhicules en mauvais état. Ce taux est passé de 61 % en 1998 à 38% en 2000 puis à 20% en 2010.Tableau 3 : résultats des commissions spéciales

itinérantes

nombre de véhicules contrôlés

véhicules en mauvais état

défaut de visite technique

Nombre % Nombre %1998 1 218 740 61 173 14,002000 1035 392 38 44 4,252010 887 178 20 12 1,35

Source : OSER, 2012

L’analyse des rejets de polluants dus au sys-tème des transports urbains montre que, sur le plan énergétique et environnemental, les transports collectifs sont nettement plus efficaces que les transports individuels, avec des niveaux de rejet de CO2 inférieurs à 600 contre des niveaux se situant entre 1 169 et 2 773 pour les transports individuels (Tableau 4). Pour la plupart des polluants, les bus urbains constituent le mode de transport le plus efficace. Cette situation est confirmée dans le cas d’Abidjan où la SOTRA, une entreprise structurée, ayant un taux de remplissage important de ses bus, résiste à la « prise de pouvoir » par la progression du transport artisanal.

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Tableau 4 : rejets de polluants et consommation d’énergie par déplacement, en jour plein (en g/déplacement)

PolluantsModes individuels Modes collectifs

VP + VUL Taxis-Compteurs Bus sOTrA gbaka Wôrô-Wôrô

CO 84,1 40,3 3,5 8,6 26,7

Plomb 0,4 0,2 0,0 0,0 0,1

CO2 2 773 1 169 420 368 540

Carburant 877 371 133 117 171

Source : CERTU, Rapport d’étude sur les coûts des dysfonctionnements du système des transports urbains d’Abidjan, janvier 2002

rement dans les grandes villes, les émissions des véhicules à moteurs constituent un risque pour la santé humaine en raison de la forte concentration de polluants nocifs dans l’air. Une étude réalisée par Bruvoll et al. (1999) montre que les dommages envi-ronnementaux sont responsables d’une détérioration du bien-être d’environ 10% au bout d’une centaine d’années. Le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) avec la collaboration de l’Organisation Mondiale de la santé (OMs) a fait l’in-ventaire des maladies dites « environnementales ». Ainsi, la pollution atmosphérique serait à l’origine de l’augmentation des maladies respiratoires, des aller-gies, des maladies de la peau, des désordres neu-rologiques et psychologiques, des céphalées et des vertiges, des cancers de poumons et de la vessie. Par exemple, le dioxyde d’azote irrite les poumons et affaiblit la résistance aux infections respiratoires telles que la grippe. Le dioxyde d’azote et le nitrate atmosphérique concourent également à la forma-tion de brumes polluantes qui réduisent la visibilité. Les véhicules utilitaires lourds et les autobus sont responsables de la moitié des émissions mondiales de NOx produites par les véhicules à moteur malgré leur faible proportion (5 %) dans le parc automobile mondial (OCDE, 2002). Le monoxyde de carbone exacerbe les maladies cardio-vasculaires et contri-bue aux conditions respiratoires en combinaison avec d’autres polluants (Barde et Button, 1990).

Les maladies liées à l’environnement et aux modes de vie sont responsables de 75% de tous les décès dans le monde. Ces problèmes de santé jouent sur la baisse de la productivité globale du facteur travail qui, elle-même, induit une diminution de l’offre de travail. Ils représentent donc un coût social et économique important. selon des résultats

Compte tenu de l’augmentation continue du parc automobile, la consommation énergétique et les re-jets gazeux risquent de connaître une forte progres-sion dans les dix prochaines années pour répondre à la demande croissante de mobilité dans les villes. L’Agence Internationale de l’énergie (AIE) prévoit une augmentation de près de 75% des émissions du secteur des transports sur la période 1997-2020 (AIE, 2000).Des données sur cette évolution ne sont pas disponibles en ce qui concerne la Côte d’Ivoire. Toutefois la perspective de pollution sur le plan mondial préoccupe les responsables du secteur des transports en Côte d’Ivoire. La sICTA, qui a entrepris en 2011 un vaste programme de réhabilitation et de modernisation de ses installations sur l’ensemble du territoire national, a décidé d’acquérir en 2013 des appareils de mesure, déjà commandés en suisse, pour apprécier les émissions de gaz d’échappement des véhicules automobiles. Ces appareils permettront d’effectuer des tests sur les émissions en attendant la définition par le gouvernement ivoirien de seuils de tolérance pour les rejets de gaz.

Dans ces conditions, la stratégie de dévelop-pement des transports dans une perspective de développement durable consistera à s’orienter vers un système de transport de masse qui offre une plus grande capacité. En attendant, il devient urgent de penser à des mécanismes de renouvellement du parc de véhicules. Il y a là un enjeu important pour le transport urbain.

3.1.3-des risques sanitaires potentiels

Les rejets des véhicules suscitent d’autres pro-blèmes que ceux liés à leur effet de réchauffement. Dans les zones densément peuplées, et particuliè-

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Revue de Géographie Tropicale et d’Environnement, n°2, 2012

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d’enquêtes réalisées à la fin des années 90 à Abidjan, la capitale économique de la Côte d’Ivoire, par des Experts du réseau sITrAss (solidarité Internatio-nale sur les Transports et la recherche en Afrique sub-saharienne), le coût global de la pollution atmosphérique atteint un niveau préoccupant car estimé à 61 milliards de Francs CFA et représentant 2 % du PIB.

Le coût des dommages sanitaires imputables à la pollution atmosphérique d’origine routière à Abidjan a été également estimée pour l’année 1998 par le Centre d’études et de recherche sur les Transports Urbains (CErTU) entre 34 et 61 milliards de francs CFA, soit un coût moyen unitaire de 11 300 à 20 300 FCFA/habitant.

Tableau 5 : résultats de l’estimation du coût de la pollution atmosphérique par le transport routier à abidjan en 1998

PolluantsMontants en milliards de FCFA

Hypothèse basse Hypothèse hautePlomb 9 26PM 10 (particule de diamètre inférieur à 10 µm) 25 35TOTAL 34 63

Source : CERTU, Rapport d’étude sur les coûts des dysfonctionnements du système des transports urbains d’Abidjan, janvier 2002

Partant de ces problèmes, et dans une perspec-tive de développement durable et viable, il convient de prendre maintenant des décisions pour minimiser l’impact négatif du transport sur l’environnement, améliorer la qualité de vie des populations tout en assurant une gestion responsable et efficace.

3.2 DEs sTrATéGIEs DE TrANsPOrT UrBAIN POUr UN DéVELOPPEMENT DUrABLE EN CôTE D’IVOIrE

Le secteur des transports contribue à la pollution de l’air dans les villes africaines. Il convient donc de prendre des mesures afin de limiter son impact sur l’environne-ment, le cadre de vie et la santé des populations. Les recommandations proposées par les experts du réseau sITrAss en 2000, dans le cadre d’une étude sur quatre villes africaines dont Abidjan, sont les suivantes :

- cibler les financements sur des véhicules de plus grandes capacités et sur des entreprises dotées de plusieurs véhicules ;

- favoriser les regroupements au niveau des pro-priétaires et des parcs de véhicules ;

- renforcer les normes de fonctionnement du secteur dans une vision de développement dura-ble, par l’adoption des normes antipollution pour le contrôle technique et l’introduction de carburants moins polluants.

Ces recommandations visent à contribuer à l’amé-lioration de l’environnement. Elles sont aujourd’hui prises en compte par le ministre des transports qui a initié une opération de renouvellement du parc de vé-hicules de transport en commun. Une ligne de crédit d’un montant de 150 milliards de francs CFA sur cinq ans a été ouverte dans les banques pour le finance-ment de cette opération sur la base d’un protocole d’accord signé en 2011 et 2012 avec trois banques pour un montant global de 50 milliards. Parallèlement le gouvernement a consenti des efforts importants en supprimant les droits de douane et en réduisant la TVA pour l’acquisition de véhicules neufs destinés au transport public. Le ministère des transports a engagé également une stratégie de massification des commandes auprès des concessionnaires en optant en accord avec les transporteurs pour un nombre limité à 3 types de véhicules. Cette stratégie couplée à la réduction des droits et taxes contribue in fine à la baisse drastique des coûts des véhicules neufs. Ainsi, les transports bénéficient d’incitations réelles pour adhérer à la politique de renouvellement du parc de véhicules de transport public. En outre, le plan d’action 2011-2015 du ministère des transports prévoit la professionnalisation et l’organisation des acteurs des transports routiers. Il est ainsi envisagé la création de véritables entreprises de transport (regroupement de plusieurs artisans-transporteurs

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en groupement d’intérêt économique – GIE ou en-treprises individuelles) et la création d’une fédération des transporteurs.

selon les experts du réseau sITrAss, des résul-tats significatifs ne peuvent être obtenus que dans le cadre d’une politique globale de la ville africaine. Il faut donc ouvrir la dimension transport sur les préoccupations d’urbanisme dans une approche d’interdisciplinarité visant à améliorer les conditions de mobilité, avec des actions concernant :

- les mesures techniques et institutionnelles pour réduire la pollution totale par réduction individuelle de l’émission ; réglementation plus stricte sur la qualité des véhicules mis sur le marché ;

- les mesures opérationnelles qui visent une meilleure efficacité en termes de pollution due aux transports urbains (réorganisation du secteur, amé-lioration de la circulation) ;

- les mesures d’amélioration de la mobilité urbaine (redéfinir la politique de planification urbaine, encou-rager la politique de densification de l’habitat).

Ces différents types de mesures montrent bien l’importance de l’articulation transport/urbanisme pour assurer de bonnes conditions de vie en termes notamment de santé, de déplacements et d’habitat aux citadins.

s’inscrivant dans cette optique, le Ministère des transports a décidé d’élaborer un Plan de Déplace-ments Urbains (PDU) de l’agglomération d’Abidjan, afin de mieux répondre aux besoins de déplacements de la population à un coût, une qualité de service et des conditions de sécurité et de pollution acceptables et ce, en vue d’assurer de façon durable la cohérence entre les options d’urbanisme et les transports urbains.

Ce PDU, qui pourrait être élaboré dans le cadre du 1er C2D (Contrat de Désendettement et de Déve-loppement) mis en place par la France à l’issue de l’atteinte du point d’achèvement de l’initiative PPTE (pays pauvres très endettés) par la Côte d’Ivoire, sera un instrument de planification et de programmation des actions et mesures à entreprendre pour organi-ser de façon cohérente et durable les déplacements urbains dans l’agglomération abidjanaise.

Dans cette optique, le PDU, qui vise à rechercher un équilibre durable entre les besoins de mobilité et de facilité d’accès d’une part, et la protection de

l’environnement d’autre part pour contribuer à une meilleure qualité de vie des populations, doit définir les principes d’organisation des déplacements de personnes et du transport des marchandises, de la circulation et du stationnement. A cet égard, le Plan vise notamment un développement des transports collectifs et des moyens de transport économes et les moins polluants.

4. concLUsion eT recommandaTions

Le transport ne se comprend que par référence à des activités liées à la production, à la distribution et à la vie quotidienne des femmes et des hommes. Ces activités contribuent à générer, certes, le développe-ment économique et de meilleures conditions de vie pour les populations, mais elles contribuent aussi à la pollution de l’air et de l’environnement dans les villes. Les dysfonctionnements relevés dans le système des transports urbains constituent un problème économi-que, mais aussi un problème écologique et de santé publique. Le développement durable questionne le développement des transports. L’urbanisation croissante et l’intensification des transports urbains dans les années à venir entraîneront une forte aug-mentation de la pollution qui aura des conséquences néfastes sur la qualité de l’air, le réchauffement climatique et finalement sur le bien-être de la po-pulation. Avec le rythme actuel d’accroissement du parc automobile et de la population, Abidjan risque de devenir une ville malade de son environnement. C’est donc aujourd’hui qu’il faut prendre des mesures concrètes pour réduire l’agression environnementale et préserver les besoins essentiels de la population dans les années à venir.

Le ministre des transports qui n’est pas seulement le ministre des transporteurs mais aussi celui des « transportés » a donc le souci de tenir en bonne place la dimension développement durable comme l’atteste nombre des mesures et actions déjà réali-sées ou envisagées. C’est une œuvre immense qui ne peut être traitée en vase clos. Elle nécessite la participation de tous pour la conception, le suivi et le respect de réglementations appropriées. Il s’agit in fine de mettre véritablement le transport au service des secteurs d’activités et de l’urbanisation du pays en préservant l’environnement. Les actions envisa-geables concernent d’abord, à court terme, la sen-sibilisation des acteurs du transport sur les risques

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environnementaux et sanitaires liés à la pollution de l’air par les véhicules de transport motorisés. Pour cela, il est important de rechercher des solutions de communication adaptées et novatrices. Il serait important de consolider l’usage de pratiques «dura-bles» déjà existantes et surtout d’en «décomplexer» l’usage. En effet, aux yeux des usagers, ces prati-ques ont une connotation de misère et de pauvreté. Il s’agira de promouvoir la pratique du transport en commun pour en faire une formule de covoiturage. Des progrès considérables peuvent être faits sur le comportement au volant des conducteurs. Il faut promouvoir l’écoconduite, c’est-à-dire conduire de manière responsable, car cela permet de minimiser la consommation de carburant et les émissions de CO2 associées. En effet, selon une étude réalisée par l’Observatoire de l’OCDE, rouler trop vite, accé-lérer plus que nécessaire, puis freiner brutalement, changer de rapport de vitesse sans cesse peuvent accroître la consommation de 20% sur route et de 40% en ville (Vinot et Coussy, 2008).

A moyen terme, le décongestionnement de la ville d’Abidjan ou la démétropolisation du transport urbain par le développement d’autres pôles urbains de développement, la promotion des modes de trans-ports collectifs et l’accès aux véhicules moins usagés par des aménagements fiscaux sont également des actions susceptibles de contribuer à réduire les dommages environnementaux du développement du transport urbain. A long terme, l’approche consistera à un transfert vers une amélioration de l’efficacité énergétique des véhicules et l’utilisation de carbu-rants alternatifs aux carburants pétroliers classiques plus respectueux de l’environnement, notamment la promotion et l’usage des biocarburants8. Le transport ferroviaire a également un rôle très important en tant qu’alternative à la route, notamment pour le trafic de marchandises, permettant à la fois de décongestion-ner les axes de circulation routière et d’améliorer le bilan environnemental. De ce point de vue, le déve-loppement d’un réseau ferroviaire interurbain et son électrification progressive sont des perspectives de

8- Bien que les méthodes d’évaluation des réductions d’émissions associées aux carburants alternatifs fassent encore l’objet de travaux d’amélioration, plusieurs études présentent des gains nets, notamment dans le cas des biocarburants. Ainsi, selon l’étude du puits à la roue réalisée par JRC/Eucar/Concawe (2007) et rapportée par Vinot et Coussy (2008), les biocarburants pourraient réduire les émissions de gaz à effet de serre de 30 à plus de 90% par rapport à l’essence et au diesel.

long terme tout aussi envisageables. Les perspecti-ves de croissance démographiques à l’horizon 2020 (3 % selon l’Institut national de la statistique – INs) imposent d’initier à Abidjan un service de transport en commun de masse. Le gouvernement ivoirien a élaboré en 2002 un projet pour financer, construire et exploiter un système de transport utilisant la partie ur-baine de ligne ferroviaire existante à Abidjan sous le régime de la concession à un opérateur économique privé. Malheureusement, ce projet, dénommé « train d’Abidjan », n’a pu être mené jusqu’à son terme, en raison de la crise socio-politique sur la décennie écoulée. Toutefois, il a été remis au goût du jour par le ministère des transports après la réalisation d’une étude de préfaisabilité qui évalue le montant total du projet à 481 millions € pour la réalisation des infrastructures et l’acquisition des équipements en matériels roulants (soit 316 milliards de FCFA).

En attendant la réalisation effective de ces ac-tions, il faut passer à l’application effective du droit environnemental. Certes, depuis une vingtaine d’an-nées, la Côte d’Ivoire a renforcé le cadre juridique et institutionnel en matière de développement durable et de protection de l’environnement, mais les disposi-tions réglementaires en vigueur sont rarement mises en œuvre et appliquées sur le terrain. C’est pourquoi, le Conseil des Ministres du mercredi 24 octobre 2012 a adopté un décret fixant les modalités d’application du principe pollueur–payeur, tel que défini par la loi n°96-766 du 03 Octobre 1996, portant Code de l’Environnement. Malgré l’existence de cette loi, dont la finalité est la remise en état effective de l’environ-nement selon la nature des dommages subis, les modalités d’application du principe pollueur-payeur n’avaient jamais été définies. Le décret adopté vise à identifier le pollueur, déterminer le niveau de dé-gradation de l’environnement, prendre les mesures de réparation des dommages à l’environnement, dé-terminer la nature du paiement dû par le pollueur en cas de dommages non réparables, promouvoir l’uti-lisation rationnelle des taxes, redevances et autres amendes, pour la remise en l’état de l’environnement dégradé, ainsi que l’institution en faveur du pollueur à jour de ses obligations, d’un recours légal, en cas de non réparation des dommages. Les organismes compétents en la matière ne sont pas en cause, ni les attributions qui sont bien clarifiées. Le problème fondamental est, semble-t-il, une absence de volonté politique pour une application effective des mesures

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du fait de leurs impacts économiques et sociaux redoutés (véhicules aux normes, suppression de services de transport assurés avec des taxis wôrô-wôrô de plus de 10 ans d’âge et présentant un état mécanique défectueux pour des raisons de bonne sécurité et de réduction de la pollution).Or, l’efficacité du droit réside dans son application effective. Il en est ainsi, par exemple, du principe «pollueur-payeur» dont les taxes et redevances devraient alimenter le Fonds National de l’Environnement créé en 1998. En Côte d’Ivoire, comme dans la plupart des pays en développement, pour des raisons socio-économi-ques et politiques, l’application du droit est souvent très difficile. Les programmes de sensibilisation, d’éducation et d’information de la société civile et des parlementaires aux questions environnementales, faciliteront l’application du droit de l’environnement et contribueront efficacement à la réduction de la pollution de l’air et de l’environnement.

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