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INSTITUT DE FORMATION EN MASSO-KINESITHERAPIE DE RENNES LE TETRAPLEGIQUE, LE MASSEUR-KINESITHERAPEUTE ET LA RELATION D’AIDE. Ou comment le masseur-kinésithérapeute peut aider le tétraplégique à accepter son handicap à l’aide du toucher. Elodie MOREAU Année scolaire 2009-2010

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INSTITUT DE FORMATION EN MASSO-KINESITHERAPIE DE RENNES

LE TETRAPLEGIQUE,

LE MASSEUR-KINESITHERAPEUTE ET LA RELATION D’AIDE.

Ou comment le masseur-kinésithérapeute peut aider le tétraplégique à accepter son handicap à

l’aide du toucher.

Elodie MOREAU Année scolaire 2009-2010

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Ministère de la Santé et des Sports Région Bretagne

Institut de Formation en Masso-Kinésithérapie de Rennes.

LE TETRAPLEGIQUE, LE MASSEUR-KINESITHERAPEUTE

ET LA RELATION D’AIDE.

Ou comment le masseur-kinésithérapeute peut aider le tétraplégique à accepter son handicap à l’aide du toucher.

Travail Personnel présenté par : Elodie MOREAU

En vue de l’obtention du Diplôme d’Etat De masseur-Kinésithérapeute

Année scolaire 2009-2010

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Sommaire

Résumé et mots clés

Introduction ………………………………………………………………………………... p. 5

I. Présentation du sujet …………………………………………………………………….. p. 6

1. Définition de la tétraplégie ……………………………………………………… p. 6

a. Classification des lésions médullaires …………………………………... p. 6

b. Conséquences de la tétraplégie ………………………………………….. p. 7

c. Evolution et récupération ………………………………………………. p. 10

2. Le patient ………………………………………………………………………. p. 11

a. Diagnostic kinésithérapique ……………………………………………. p. 11

b. Son comportement ……………………………………………………... p. 12

II. La psychologie du deuil ……………………………………………………………….. p. 13

1. Les différentes étapes du deuil ……………………………………………….... p. 13

2. La pyramide des besoins d’Abraham MASLOW ……………………………... p. 14

3. Chez les blessés médullaires …………………………………………………... p. 15

III. Problématique ………………………………………………………………………... p. 18

IV. La place du masseur-kinésithérapeute ……………………………………………….. p. 19

1. La relation d’aide ……………………………………………………………… p. 19

2. La communication ……………………………………………………………... p. 20

V. Le toucher ……………………………………………………………………………... p. 21

1. Les effets ………………………………………………………………………. p. 21

2. Les différentes techniques ……………………………………………………... p. 23

3. Chez les tétraplégiques ? ………………………………………………………. p. 25

a. La sensibilité chez le tétraplégique …………………………………….. p. 25

b. Les effets du toucher chez le tétraplégique ……………………………. p. 27

VI. Discussion ……………………………………………………………………………. p. 29

Conclusion ……………………………………………………………………………….. p. 30

Bibliographie

Annexes

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Résumé

Ce travail a pour sujet l’acceptation du handicap chez les blessés médullaires suite à la prise en

charge difficile d’un patient tétraplégique. L’objectif est de déterminer si le masseur-

kinésithérapeute peut les aider à traverser les différentes étapes du deuil de leur vie antérieure. Dans

ce but, une revue de la littérature sur la psychologie du deuil et celle des tétraplégiques après

l’annonce du diagnostic est réalisée. Les relations d’aide ainsi que les différentes communications

sont ensuite définies. Il est alors mis en évidence que les masseurs-kinésithérapeutes peuvent

influencer l’acceptation du handicap chez ces personnes. Ces professionnels étant les spécialistes du

contact physique, les techniques de relation par le toucher sont donc décrites. Leurs effets sont mis

en évidence chez les blessés médullaires, bien que ces derniers présentent des déficiences de

sensibilité. En parallèle de cette recherche théorique, les résultats d’une étude réalisée à l’aide d’un

questionnaire, auprès des masseurs-kinésithérapeutes travaillant en service de paraplégiques et

tétraplégiques, sont ensuite présentés afin de comparer la théorie et la réalité dans les services. Il en

ressort que la relation par le toucher est peu utilisée pour aider le tétraplégique à accepter son

handicap. En revanche la relation d’aide est utilisée et se manifeste principalement par l’écoute et

les réponses aux questions des soignés par les soignants. En conclusion on voit donc l’importance

de la relation d’aide et de la prise en charge du patient dans sa globalité, c’est-à-dire en se

préoccupant de son corps et de son esprit.

Mots clés

Tétraplégie Tetraplegia

Lésion médullaire Spinal cord injury

Douleur Pain

Acceptation du handicap Acceptance of the handicap

Relation d’aide Helping relationship

Communication Communication

Le toucher Touch

Le massage Massage

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Introduction :

Lors d’un de mes stages de deuxième année j’ai passé sept semaines en service de blessés

médullaires au sein du centre de l’Arche, à Saint Saturnin, en Sarthe. J’y ai rencontré des personnes,

en majorité jeunes, qui souvent avaient été victimes d’un accident ayant entraîné une lésion de leur

moelle spinale. Selon chacun, la date de l’accident était plus ou moins récente, l’atteinte

neurologique plus ou moins étendue, l’évolution plus ou moins engagée… mais chacun espérait

récupérer. Seulement au fur et mesure du temps qui passe le pronostic de guérison est de moins en

moins bon et les patients doivent se faire à l’idée qu’un handicap va subsister. Mais comment

accepter à vingt cinq ans qu’on ne remarchera plus jamais ? Que nos mains ne seront plus jamais

agiles ? Qu’on ne ressentira plus jamais ses membres inférieurs ? Ce sont des choses difficiles à

accepter et elles peuvent entraîner chez les patients des réactions diverses, pouvant parfois être

violentes, comme cela a été le cas chez un des patients tétraplégique que je prenais en charge. Ceci

m’avait posé problème car je ne savais pas qu’elle attitude adopter face à lui. C’est pour cette raison

que j’ai choisi pour thème de ce travail écrit, la communication au cours des soins entre le masseur-

kinésithérapeute et le patient tétraplégique.

J’ai donc débuté mon travail par une vision d’ensemble de cette pathologie qu’est la

tétraplégie afin d’avoir les clés pour ensuite parler du patient et plus particulièrement de son

comportement. Puis j’ai étudié le long cheminement du patient pour accéder à l’acceptation du son

handicap. Mais suite à cela je me suis posé la question suivante : Si l'on considère le masseur

kinésithérapeute comme le spécialiste du contact physique, le toucher peut-il aider le tétraplégique à

accepter son handicap, malgré les déficiences de sensibilités présentes chez ces patients ?

Pour tenter de répondre à cette question j’ai effectué deux travaux en parallèle. Le premier

consiste en une recherche dans la littérature portant sur les différentes relations pouvant exister

entre un masseur-kinésithérapeute et ses patients. Je me suis attardée sur cette communication

particulière qu’est le toucher et j’ai recherché les effets qu’elle pouvait avoir sur les tétraplégiques

étant donné qu’ils ont une déficience de sensibilité.

La seconde partie est une étude réalisée auprès des professionnels, par l’intermédiaire d’un

questionnaire. Son but étant de prendre connaissance de leur avis sur ma question. Mais aussi de

voir sur le terrain si cette communication gestuelle est utilisée et par quels moyens.

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I. Présentation du sujet :

Le patient qui est à l’origine de mon questionnement est un tétraplégique, c’est pourquoi

nous allons faire un rappel de cette pathologie, grâce aux références [1] et [2] qui sont tirées de

l’encyclopédie médico-chirurgicale, avant de décrire le patient ainsi que son comportement

1. Définition de la tétraplégie

D’après le Larousse médical [3], « la tétraplégie est une paralysie qui touche simultanément

les quatre membres. Elle fait suite à une compression ou à une section de la moelle épinière

cervicale par arthrose vertébrale ou un traumatisme (accident de la circulation avec « coup du

lapin »). L’examen clinique révèle un syndrome pyramidal (associant la paralysie à une raideur des

muscles, qualifiée de spastique) ». L’encyclopédie médico-chirurgicale, [2], définit la tétraplégie

comme des « lésions de la moelle cervicale entraînant un déficit, même partiel, des membres

supérieurs ».

En ce qui concerne la fréquence des tétraplégiques, elle est difficilement quantifiable.

Cependant une enquête nationale, réalisée en France en 2000, chiffre l’incidence, c’est-à-dire le

nombre de nouveaux cas par an, des paraplégiques et tétraplégiques post-traumatiques à 19,4 pour

un million d’habitants. La prévalence quant à elle est d’environ 100 à 400 par million d’habitants

[1].

L’étiologie principale de cette lésion médullaire est la cause traumatique. Il s’agit alors

souvent d’accidents de la voie publique (accident de voiture) ou du sport (plongeon…), de chutes...

Ceci explique qu’en général les personnes concernées sont jeunes et plus particulièrement de sexe

masculin. La lésion médullaire peut aussi être due à des atteintes non traumatiques telles que des

tumeurs, des malformations, des infections ou inflammations de la moelle.

a. Classification des lésions médullaires

Les lésions médullaires sont classées à l’aide du score ASIA (American Spinal Injury

Association) utilisé au niveau international (annexe 1). Ainsi elles sont définies par leur caractère

complet ou incomplet, c’est-à-dire en fonction de la motricité et de la sensibilité au niveau sacré.

On obtient alors une classification de A à E, allant de déficit complet sensitif et moteur (ce qui

signifie qu’il n’y a aucune sensibilité ni aucune motricité au niveau sacré) à fonctions motrice et

sensitive normales au niveau sacré.

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De plus il peut subsister des zones de préservation partielle (ZPP), où, chez les blessés

médullaires complets, il subsiste de la motricité volontaire. On précise alors les niveaux

métamériques concernés pour la qualifier.

En plus du caractère complet ou incomplet, l’atteinte médullaire est définie par son niveau

neurologique. Il correspond au dernier niveau métamérique sain sur les plans moteur et sensitif.

Cependant l’atteinte est souvent asymétrique, on décrit donc souvent quatre niveaux :

- le niveau moteur droit,

- le niveau sensitif droit,

- le niveau moteur gauche,

- le niveau sensitif gauche.

Le niveau métamérique moteur est le niveau le plus bas où les muscles sont côtés à 5 sur l’échelle

d’évaluation motrice du score ASIA (ou celui où les muscles sont côtés à 3 si ceux immédiatement

sus-jacents sont à 5). Pour définir ce niveau dix muscles clés sont à évaluer : cinq pour les membres

supérieurs et cinq pour les membres inférieurs.

Le niveau métamérique sensitif correspond au métamère le plus bas où la fonction sensitive est

normale. On teste ainsi 28 points clés en bilatéral, au toucher et à la piqûre pour la sensibilité

superficielle. La sensibilité profonde peut être évaluée à partir des vibrations d’un diapason sur des

points osseux, la kinesthésie (qui correspond à la perception consciente des mouvements) et la

statesthésie (qui est la perception de la position de notre corps).

L’évaluation du niveau lésionnel ne pourra pas toujours être réalisée de façon précise directement

en post traumatique. En effet il y a une période de choc spinal qui correspond à la suspension de

toute activité médullaire décelable, alors qu’il existe une partie de la moelle sous-lésionnelle qui est

intacte. La durée du choc spinal varie d’un patient à l’autre de trois semaines à douze mois sans que

l’on puisse l’expliquer.

b. Conséquences de la tétraplégie

Mises à part la paralysie et l’anesthésie sous-lésionnelles, la tétraplégie entraîne des

conséquences qui peuvent être directement liées à la lésion (comme la spasticité) ou indirectement

(c’est le cas des escarres par exemple).

Lors d’une tétraplégie, l’information entre le cerveau et la moelle spinale située sous la

lésion n’est plus transmise. Le segment sous-lésionnel agit donc de façon autonome, c’est-à-dire

sans contrôle des voies supérieures. Il y a donc une augmentation du réflexe myotatique d’étirement

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(annexe 2) par déficit d’inhibition des centres supérieurs : c’est la spasticité. Elle se traduit

cliniquement par une augmentation vitesse dépendante de la résistance du muscle à l’étirement. Elle

peut être absente durant la phase de choc spinal. La spasticité se côte à l’aide de l’échelle

d’Ashworth modifiée de 0 à 4 (annexe 3), ou à l’aide de l’échelle de Tardieu (annexe 4) laquelle

prend également en compte la vitesse d’étirement et l’angle articulaire où apparaît la spasticité.

Des spasmes qui correspondent à des contractions involontaires, non rythmées, d’un muscle isolé

ou d’un groupe de muscles peuvent apparaître. Ils surviennent de façon isolée ou par séries et sont

côtés par l’échelle de Penn (annexe 5).

Toute apparition ou augmentation de la spasticité ou des spasmes nécessite la recherche d’une épine

irritative . Les principales étiologies de cette dernière sont : la rétention ou l’infection urinaire, les

escarres, le fécalome, l’ongle incarné, les vêtements trop serrés… Des variations de température, de

pression atmosphérique ou d’humidité de l’air peuvent également majorer ces symptômes.

Les tétraplégiques sont sujets à des algies de différentes origines. Ainsi il existe des

douleurs rachidiennes (localisées au foyer de fracture, on les retrouve principalement lors de la

phase initiale), lésionnelles (situées au niveau supérieur du déficit neurologique, elles sont présentes

durant les premiers mois et augmentées par le contact) et sous lésionnelles. Ces dernières sont des

douleurs neurologiques de désafférentation. Elles se manifestent à type de brûlure, sensation de

décharge électrique, broiement…et disparaissent rarement même sous traitement. Il ne faut pas les

négliger car d’après [4], 65% des blessés médullaires en souffriraient et ces douleurs seraient

invalidantes chez un tiers d’entre eux.

La fonction respiratoire est, elle aussi, altérée lors de lésions médullaires. En effet si la

lésion est supérieure à C3, le diaphragme, principal inspirateur, n’est plus innervé. La ventilation

assistée sera alors nécessaire. Cependant même si ce muscle fonctionne normalement, l’inspiration

forcée et donc la capacité vitale seront diminuées chez le tétraplégique du fait de la déficience des

inspirateurs accessoires.

L’expiration étant un phénomène passif, seule l’expiration forcée sera diminuée par déficit des

expirateurs accessoires. L’absence d’abdominaux, d’innervation T8-T12, est à l’origine d’une toux

et d’une expectoration inefficaces. Ceci étant aggravé par la lésion du système sympathique

entraînant une hypersécrétion bronchique et donc une bronchoconstriction.

Chez ces patients il y a également des lésions du système neuro-végétatif, c’est-à-dire des

systèmes sympathique et parasympathique. Celles-ci entraînent les manifestations cliniques

suivantes : une hypotension orthostatique, un dermographisme réflexe, une perturbation de la

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sudation (qui est généralement absente en territoire lésionnel et exagérée en sous-lésionnel) et du

réflexe pilomoteur. Chez les tétraplégiques on retrouve régulièrement une hypothermie avec une

température corporelle comprise entre 35 et 36°C.

Les troubles du système neuro-végétatif se manifestent également par une hyperréflexie autonome

HRA . Il s’agit d’une sensation de malaise accompagnée de céphalées, de sueurs sus lésionnelles,

d’une horripilation, d’érythèmes…dont l’origine est souvent une douleur dans le territoire sous-

lésionnel, et principalement dans la sphère vésico-sphinctérienne.

Parmi les nombreuses conséquences de cette pathologie, il y a les troubles vésico-

sphinctériens. Ceux-ci altèrent fortement la qualité de vie des patients. Afin d’avoir un bon

déroulement des phases de remplissage et de vidange de la vessie, une synergie vésico-

sphinctérienne est nécessaire. Lorsque la moelle est lésée cette synergie ne se fait plus, du fait de

manque de contrôle des voies supérieures, et la vessie ne peut fonctionner normalement. Cela peut

entraîner des complications telles que des infections, des incontinences urinaires et des problèmes

rénaux.

Des troubles de l’appareil génito-sexuel sont également présents. Chez l’homme, 54 à

95% conserveraient une érection. Cependant, en fonction du niveau lésionnel, elle est mécanique et

non psychogène (c’est-à-dire non induite par le désir), de mauvaise qualité, ou de courte durée. En

ce qui concerne l’éjaculation, elle est normale seulement si les centres régissant l’expulsion du

sperme et ceux assurant l’éjaculation avec force et saccade sont intacts. De ce fait, une aide à la

procréation est souvent nécessaire chez les tétraplégiques de sexe masculin.

Chez la femme, des études ont démontré que l’orgasme était possible quelque soit le niveau de la

lésion ainsi que son caractère complet ou incomplet. La procréation n’est pas altérée, cependant la

grossesse demandera un suivi adéquat.

La fonction intestinale est également perturbée. En effet de façon directement liée à la

lésion, avec les troubles du système neuro-végétatif, mais aussi de façon indirecte avec les troubles

liés au manque de station debout prolongée. Il faut donc surveiller l’apparition de fécalome.

En plus des déficiences résultant directement de la lésion de la moelle, des complications

secondaires viennent s’ajouter au tableau de la tétraplégie. Il s’agit entre autre de complications

liées au décubitus. C’est le cas des escarres qui se forment en quelques heures seulement au niveau

d’une zone d’hyper appui. Leur guérison est longue et ne se fait que si tout appui est supprimé,

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parfois le traitement chirurgical est nécessaire. Le traitement préventif des escarres est donc

essentiel dans la prise en charge des blessés médullaires.

De l’ostéoporose peut apparaitre, suite à une diminution des contraintes axiales sur les os.

Des troubles thrombo-emboliques sont également fréquents au niveau des membres inférieurs. Ils

sont dus à la stase veineuse qui se crée car il n’y a plus de contraction du triceps sural pour favoriser

le retour veineux. Ils se manifestent cliniquement par de l’œdème ou une phlébite.

De plus les infections urinaires sont fréquentes et dues aux sondes urinaires à demeure chez les

tétraplégiques (ceci étant ajouté au risque de rétention urinaire chez certains de ces patients). Elles

peuvent entraîner des lésions du haut de l’appareil urinaire et des reins, il ne faut donc pas les

négliger.

Des ostéomes (ou para-ostéo-arthropathies neurogènes) peuvent se développer notamment aux

environs des grosses articulations et les bloquer dans des positions non fonctionnelles, un traitement

chirurgical peut alors être nécessaire.

Des rétractions musculaires peuvent découler de l’immobilisation et de la spasticité, et ainsi

entrainer des limitations de mobilité articulaire.

c. Evolution et récupération

D’après l’EMC [1], l’évolution et la récupération dépendent de l’étiologie et de la gravité

de la lésion. Ainsi on sait qu’une lésion médullaire complète a de faibles chances de récupération,

contrairement aux lésions incomplètes qui ont un bien meilleur pronostic. Il semblerait que les

lésions médullaires hautes, c’est-à-dire cervicales et thoraciques, qui resteraient complètes plus de

trois semaines seraient sans récupération ou avec une récupération trop faible pour permettre une

amélioration sur le plan fonctionnel. Lorsqu’il y a une récupération au niveau des membres

supérieurs elle se fait au cours des six premiers mois. Cependant il existe des critères de meilleur

pronostic : c’est le cas lorsque au niveau du métamère où se situe la lésion il y a une sensibilité de

préservée. Pour un muscle, plus la cotation était proche de zéro plus, si elle a lieu, la récupération

sera importante. Pour les lésions incomplètes, plus la récupération se fait vite, meilleur est le

pronostic.

Il est fréquent de noter dans les premières semaines un abaissement du niveau lésionnel. Il est

important de ne pas confondre cela avec une éventuelle récupération car il s’agit seulement d’une

résorption de l’œdème médullaire. Cependant elle peut s’avérer très utile sur le plan fonctionnel et

ce d’autant plus lorsqu’il s’agit d’une tétraplégie.

En ce qui concerne l’espérance de vie des blessés médullaires, elle est identique à la moyenne de la

population française.

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On peut en fonction du niveau lésionnel pronostiquer les capacités du sujet tétraplégique : par

exemple, si le dernier niveau métamérique fonctionnel est C4, la personne sera entièrement

dépendante étant donné qu’elle n’aura aucun contrôle de ses membres et de son tronc. En revanche,

si le dernier niveau métamérique sain correspond à C6, la flexion de coude sera possible activement

ainsi que la préhension : en effet les extenseurs longs du poignet vont permettre, par effet ténodèse,

une flexion passive des doigts, le sujet gagne alors en autonomie. Si le niveau C8 est sain, le sujet

est théoriquement indépendant car les transferts sont possibles sans aide technique, le déplacement

se fait en fauteuil roulant manuel.

1. Le patient.

a. Diagnostic kinésithérapique (annexe 6)

Le patient à l’origine de ce mémoire, est un jeune homme dont la prise en charge m’a posé

problème. Je l’ai rencontré lors d’un stage effectué en mars-avril 2009, au centre de rééducation de

Saint Saturnin dans la Sarthe, en service de para et tétraplégiques. Il s’agissait d’un homme de 25

ans, que nous nommerons JH, qui avait été victime d’un accident environ cinq mois avant que je ne

le rencontre. Il était commercial et vivait en concubinage.

La lésion de ce patient était due à un plongeon dans une piscine au cours duquel le choc de sa tête

contre la surface de l’eau a entraîné une déficience de la structure moelle spinale. Il est alors devenu

tétraplégique complet de niveau moteurs C5 à droite et C6 à gauche.

Au niveau de la fonction motrice, ce patient n’avait donc plus de commande volontaire au

niveau de ses membres inférieurs, des sphincters et de son tronc. Au niveau de ses membres

supérieurs, seules la flexion active de coude en bilatérale ainsi que l’extension du poignet à gauche

sont possibles. Cette dernière permet la préhension par effet ténodèse.

Au niveau sensitif, les métamères situés sous C6 étaient anesthésiées que ce soit pour la sensibilité

superficielle, profonde, ou thermo-algique.

Il était également sujet à des douleurs d’origine neurologique et de spasticité au niveau de ses

membres inférieurs. De plus les fonctions respiratoire, urinaire, digestive, sexuelle et de procréation

étaient également déficientes.

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Ces déficiences de structure et de fonction avaient pour conséquences des limitations

d’activités comme l’utilisation des mains et des bras, la préhension, la marche, les transferts, la

toilette, l’alimentation, la continence…

Des limitations de participation étaient également présentes. En effet, suite à cette lésion de la

moelle spinale, JH ne pouvait plus exercer sa profession, ses loisirs, les activités de la vie

quotidienne et ses relations avec sa conjointe étaient altérées.

A tout cela venaient s’ajouter des facteurs environnementaux comme l’utilisation du fauteuil

manuel, le soutien de la famille et des amis, ainsi que l’attitude des étrangers envers JH.

b. Son comportement

Une des premières choses qui frappait chez ce patient était son agressivité, que ce soit au

travers de ses paroles ou de ses gestes. En effet il parlait fort, de façon autoritaire, injuriait les

personnes de l’équipe soignante mais aussi les autres patients et se moquait ouvertement des gens.

Sa gestuelle était brusque, violente, de grande amplitude.

On pouvait également remarquer que JH posait souvent les mêmes questions à différentes

personnes et les formulait de façon à diriger la réponse vers l’existence d’une récupération possible.

De plus il croyait énormément à ce qu’il lisait sur internet et qui lui laissait une lueur

d’espoir de pouvoir remarcher un jour. En effet, il parlait souvent d’une expérience qui avait été

faite sur des souris auxquelles une lésion de la moelle avait été créée afin de les rendre

paraplégiques. D’après JH, elles recommençaient à marcher au bout de plusieurs mois passés sur un

tapis roulant.

Toujours en rapport avec son refus d’acceptation, il ne supportait pas que l’on utilise le mot

handicap pour parler de ce qui le concernait. Il ne souhaitait pas non plus que l’on effectue des

petites adaptations afin de lui simplifier sa vie quotidienne. Ainsi l’ergothérapeute avait du essuyer

un refus catégorique quand il avait proposé au jeune homme de remplacer la fermeture de son

pantalon par des velcros pour qu’il gagne en autonomie. La raison avancée par le patient était qu’il

ne pourrait plus réutiliser ces vêtements après sa récupération. De la même façon, il ne souhaitait

pas qu’on lui parle des transferts tendineux qui pourraient être réalisés au niveau de ses membres

supérieurs afin qu’il récupère une extension active des coudes.

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Il y avait également chez ce patient un sentiment d’injustice. En effet, il ne comprenait pas

pourquoi le simple contact de sa tête sur la surface de l’eau l’avait rendu tétraplégique. Pour lui, les

gérants de la piscine étaient responsables. Il trouvait aussi injuste que certains des autres patients

récupéraient et non lui.

II. La psychologie du deuil

Chez ce patient on retrouve des caractéristiques dans son comportement qui trahissent le fait

qu’il n’a pas encore totalement accepté son handicap. Afin de mieux comprendre les raisons de

cette conduite, nous allons à présent voir les différentes conséquences de l’annonce du diagnostic de

tétraplégie sur la psychologie du patient.

1. Les différentes étapes du deuil

Elisabeth KUBLER-ROSS a définit les différentes étapes du deuil chez les personnes

mourantes [5]. On les retrouve également dans tous les deuils que ce soit celui d’un être cher qui

vient de mourir, d’un enfant qui ne naîtra jamais lors d’un diagnostic d’infertilité, de la vie future

que l’on avait imaginée et que l’on n’aura pas lors de l’annonce d’un handicap par exemple. Ces

différentes étapes peuvent durer plus ou moins longtemps, être dans un ordre différent, plusieurs

étapes peuvent même se dérouler en même temps. Tous les patients ne passent pas forcément par

toutes ces étapes mais ils sont confrontés à au moins deux de ces étapes.

• Le Déni : il s’agit, d’après le dictionnaire de psychologie [6], d’un refus du patient de

reconnaitre la réalité d’une perception traumatisante. Elle permet alors de maintenir hors du

champ de conscience des perceptions, des pensées et des sentiments contradictoires et

incompatibles les uns avec les autres. Cette étape est présente chez tous les patients qui sont

alors incapables d’accepter une vérité trop tragique.

• La Colère est une phase au cours de laquelle le patient se pose la question suivante : « Pourquoi

moi ? ». Il a donc un sentiment d’injustice qui est à l’origine de cette irritabilité.

• Le Marchandage correspond à une tentative du patient de retarder les évènements ou de

diminuer la gravité du diagnostic en échange d’une bonne conduite.

• La Dépression : conduit vers un tableau typique de mélancolie. [6] Elle associe une humeur

dépressive, un ralentissement psychomoteur et majore le risque de suicide.

• L’ Acceptation est la dernière étape. Pour y accéder le patient doit avoir bénéficié de

suffisamment de temps et d’aide pour traverser les précédentes étapes. D’après Elisabeth

KUBLER-ROSS cette étape n’est jamais totalement complétée.

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Le deuil ne peut pas toujours se faire seul et « une aide généreuse […] est indispensable pour

parvenir à la phase d’acceptation » [5]. La réalisation du deuil par les patients est indispensable afin

de pouvoir être bien dans leur vie future.

On considère qu’un deuil est accompli lorsque le patient se remet à désirer, à regarder vers l’avenir,

à parler du passé sans nostalgie [5]. Pour les blessés médullaires le deuil dure environ trois ans mais

on a vu que cette durée est très variable en fonction des personnes.

Chez JH, on pouvait retrouver les étapes de déni et de colère synonymes d’un deuil non

achevé mais tout en étant tout de même sur la voie de l’acceptation. Son comportement n’était donc

pas une réaction aux personnes qui se trouvaient face à lui, mais faisait partie intégrante d’un long

cheminement vers une acceptation du handicap.

2. La pyramide des besoins d’Abraham MASLOW

D’après Abraham MASLOW [5], pour être heureuse, une personne doit satisfaire un certain

nombre de besoins. Ils sont hiérarchisés et vont des besoins de base aux besoins supérieurs. Pour

pouvoir réaliser un besoin il faut que tous les besoins qui lui sont inférieurs soient auparavant

satisfaits. On obtient ainsi une pyramide qui les hiérarchise, il s’agit de la pyramide de Maslow

(annexe 7) qui est constituée du bas vers le haut de cette façon :

• Les besoins physiologiques comme manger, boire, dormir, avoir une vie sexuelle… il s’agit

des besoins les plus fondamentaux.

• Les besoins de sécurité correspondent à une nécessité de vivre dans un univers ordonné,

sécurisant et prévisible. Chez l’adulte il s’agit donc d’avoir une maison confortable, un emploi

sûr…

• Les besoins d’appartenance et d’amour c'est-à-dire avoir une famille, appartenir à un groupe.

• Les besoins d’estime de soi et des autres correspondent aux désirs de grandeur, de

compétence, d’indépendance et de liberté mais également de reconnaissance vis-à-vis des

autres.

• Les besoins d’accomplissement de soi, c’est-à-dire de devenir soi-même.

Cette théorie permet donc d’expliquer pourquoi il y a une réaction si importante sur le plan

psychologique lors de l’annonce d’un handicap. En effet lorsque l’on est victime d’une lésion

médullaire, plusieurs besoins ne sont plus satisfaits et notamment certains besoins primaires situés à

la base de la pyramide. Ainsi les besoins physiologiques ne sont pas accomplis suite aux troubles de

la fonction urinaire par exemple. C’est également le cas des besoins de sécurité qui ne sont plus

comblés suite à la perte de l’emploi mais surtout suite à l’atteinte de l’intégrité du corps. En effet

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ceci entraine un sentiment de faiblesse. De plus le corps actuel est différent de celui qu’on a

toujours connu, il perd ainsi de sa familiarité et de son aspect sécurisant. Tous les autres besoins

peuvent également ne pas être comblés. Il est indispensable de les satisfaire à nouveau afin de

permettre au patient de retrouver son bien-être, d’être heureux.

3. Chez les blessés médullaires

En plus de ces deux concepts de base applicables à toutes les pathologies entrainant des

séquelles, on retrouve une psychologie propre aux tétraplégiques.

Il semblerait que plus le handicap est sévère plus il est difficile à accepter. Ainsi

l’acceptation serait plus difficile pour un tétraplégique que pour un paraplégique ; pour un blessé

médullaire complet que pour un incomplet [5]. Cependant cela n’est pas toujours vrai.

L’acceptation du handicap dépend des personnes. Elle est en effet fonction de l’âge, du sexe, du

développement personnel antérieur de la personne, de la façon dont à été annoncé le diagnostic…

Les différences individuelles comme la présence d’une forte combativité et le soutien des proches

sont des facteurs favorisants d’une bonne intégration de ce handicap. Par exemple il est parfois plus

facile pour le patient d’entendre le diagnostic par une personne qui ne lui est pas étrangère.

La référence [5], décrit les différents types de réactions qu’engendre l’annonce du diagnostic

de blessé médullaire. On retrouve l’évitement de l’annonce qui est une période durant laquelle le

patient est passif ou pose des questions. Il les formule alors de façon à éviter les réponses redoutées,

et ainsi maintenir sa conscience dans un état de moindre inquiétude possible. Le patient peut

également fuir dans la rééducation ce qui est une stratégie complémentaire à l’évitement car

pendant qu’il travaille, il ne pense pas à autre chose. La rééducation est alors surinvestie et c’est

d’autant plus le cas qu’elle est synonyme de récupération pour le patient. Le déni est également

décrit par la référence [7], il correspond au moment où le patient accepte d’écouter le diagnostic

mais renonce à croire à l’autorité médicale, c’est le désaveu qui constitue une première forme de

déni. La deuxième forme correspond à un patient qui ne remet pas en cause le médecin mais qui

atténue le diagnostic car il ne se considère pas dans la norme. Il pense alors qu’il va bénéficier

d’une récupération supérieure à celle des autres patients ayant une atteinte similaire. Durant ces

différentes phases, le patient ne souhaite pas qu’on lui cache la vérité mais seulement qu’on lui

laisse le temps d’accepter les conséquences mentales de cette annonce. Il s’agit d’une tentative de

contrôle du caractère trop douloureux de cette prise de conscience. Le soutien que l’on peut alors lui

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fournir ne consiste pas à le convaincre d’une réalité qu’il essaie de fuir mais à l’aider à assumer les

images de cette réalité.

Le tétraplégique, comme tout blessé médullaire, pense en général qu’il va récupérer

entièrement, du moins au début de sa prise en charge. Ceci s’explique donc par le fait qu’il se

trouve encore dans une phase de déni. Cependant, d’après Eve GARDIEN [8], d’autres hypothèses

peuvent être avancées pour expliquer la persistance de ce sentiment d’une récupération totale :

• La lucidité du patient peut être altérée, du moins sur une courte période, suite aux effets

secondaires du choc de l’accident, du coma, de l’anesthésie générale (une intervention est

généralement faite afin de stabiliser le rachis), de la morphine, des sédatifs… la capacité du

patient à intégrer sa nouvelle expérience corporelle est donc diminuée.

• Le fait que ses mouvements soient limités par son corset, lequel est maintenu le temps de la

consolidation du matériel, ne permet pas au patient de se rendre compte de ses déficiences. Il

peut même penser que l’intervention chirurgicale va lui permettre de retrouver ses capacités

antérieures.

• De plus il vit dans un environnement médicalisé qui n’est pas son milieu de vie habituel, il ne

peut donc pas comparer sa nouvelle vie avec sa vie ordinaire antérieure.

• Lors des premiers retours dans son environnement habituel, c’est-à-dire des premiers weekends

à domicile, le patient se rend bien compte qu’il éprouve des difficultés à réaliser ses gestes

d’avant, cependant il ne donne pas de signification précise à ce vécu.

• A cela s’ajoute le fait que le pronostic de récupération initial fait par les soignants n’est pas

précis et reste une approximation. De plus on ne peut pas prédire la future autonomie du patient

qui dépend de son engagement dans la rééducation, de sa volonté d’indépendance, de son mode

de vie… et également de l’apparition de complications secondaires telles que les infections

urinaires, les escarres, ou encore la diminution des amplitudes articulaires.

• Les échanges avec les autres patients préservent en général le nouvel arrivant dans le service et

s’axent sur les récupérations plutôt que sur les déficiences qui persistent.

• La vision d’autres personnes en fauteuil ne traduit pas forcément le caractère définitif de leur

atteinte, ni ne donne des informations sur la façon de vivre avec un tel handicap.

Toujours d’après la référence [8], afin de diminuer ce sentiment d’une récupération totale, il est

nécessaire d’informer le patient, de lui expliquer le caractère définitif de sa lésion, de répondre à ses

questions. Cependant il est néanmoins nécessaire de dire qu’une récupération n’est pas impossible

car le but n’est pas d’anéantir le patient mais de le mettre face à la réalité tout en le laissant

conserver une lueur d’espoir qui est indispensable au bon investissement du patient dans sa

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rééducation. Il faut pour cela veiller à ce que l’information soit adaptée au patient : qu’il puisse la

comprendre mais aussi qu’il soit capable de supporter son contenu.

Des nouvelles sensations vont, à la fin du choc spinal, pouvoir faire penser au patient qu’il

est en train de récupérer. C’est le cas lors de l’apparition de la spasticité que le patient peut

interpréter comme un retour de la contraction musculaire volontaire. L’apparition des premières

douleurs neurogènes peuvent aussi faire croire au tétraplégique que sa sensibilité est en cours de

récupération. En effet Eve GARDIEN déclare [8], « la moindre sensation localisée dans la zone

sous-lésionnelle apparaissant à la conscience, fût-elle douleur, est accueillie avec joie, est vécue

avec un certain soulagement. Eprouver à nouveau une sensation usuelle est éminemment rassurant,

et l’espoir d’un retour à la normale est ravivé ». Durant ces périodes il est important d’expliquer au

patient que ces différents signes ne sont pas synonymes de récupération.

Alors qu’en temps normal on prête peu d’importance à notre corps (sa position, son

fonctionnement… sont oubliés par la conscience), le blessé médullaire a un corps qui est à tout

moment au centre de l’attention. Il devient omniprésent. En effet à partir du moment où il

dysfonctionne on prend alors immédiatement conscience de notre corps alors qu’auparavant ses

actions étaient automatisées. Le tétraplégique hérite alors de la charge d’un corps handicapé qui

ne peut donc être oublié, auquel il faut sans cesse penser pour le protéger. C’est pourquoi il peut

susciter des réactions diamétralement opposées : alors que certains vont le chérir, d’autres vont le

négliger, voire le maltraiter.

La personne handicapée doit aussi faire face aux regards des « normaux ». En effet

plusieurs attitudes sociales sont possibles. Ainsi on retrouve des attitudes de compassion, de gêne

ou même d’évitement. Ces comportements affecteront le patient, d’autant plus que le handicap est

visible. Ils peuvent être perçus comme des réactions de défense des « normaux » face à la personne

handicapée qui adoptera différentes attitudes en réponse. On retrouve la victimisation ce qui peut

entraîner des refus d’offre d’aide ; la stratégie de dénégation-sublimation qui permet à certaines

personnes handicapées de devenir des champions dans un sport ; ou encore la recherche de

bénéfices secondaires qui est due à l’intériorisation du statut d’handicapé en portant les

responsabilités du handicap sur le monde des normaux. Afin de ne pas être tout le temps soumis à

ces regards, on comprend le besoin des personnes ayant un handicap similaire de se regrouper. Ceci

leur permet de retrouver le sentiment d’acceptation et d’intégration sur le plan social et par le même

temps le sentiment d’être une personne à part entière.

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Toujours en rapport avec le regard des autres, le patient ressent son corps comme

repoussant, notamment à cause des odeurs dues aux fuites de selles ou d’urine, ou aux escarres.

Les seules personnes qui touchent alors ce corps sont les soignants lors de la toilette : il s’agit là de

personnes inconnues qui touchent les parties les plus intimes de la personne.

Au fil de la rééducation, à force de communication, d’observation des autres patients et

d’expériences de la vie quotidienne, le patient va petit à petit réaliser l’étendue de son handicap. Il

va l’intégrer, c’est la sémantisation. Il reconnecte des signifiés, des signifiants et des significations

[8]. « Cette sémantisation progressive s’attache à produire une compréhension du corps mettant en

lien à la fois des phénomènes corporels s’imposant à l’homme blessé médullaire, à la fois

l’expérience somatique subjective, à la fois la perception et la représentation dudit corps par autrui,

à la fois ce même corps objectivé à la lumière des sciences et des techniques, à la fois l’exemple des

pairs ». Cette sémantisation dépend bien sûr de la psychologie du patient.

Si le tétraplégique ne réalise pas entièrement son deuil et n’achève pas son acceptation du

handicap cela peut avoir des conséquences dramatiques. Ainsi on constate que les suicides sont plus

importants chez les blessés médullaires que sur la population générale [5] : il représente la troisième

cause de décès chez les blessées médullaires alors qu’elle n’est que la huitième chez la population

générale. Le suicide ne doit donc pas être négligé chez ces personnes, il semblerait même qu’elles

aient toutes un jour ou l’autre pensé à se suicider. On voit donc toute l’importance d’une bonne

acceptation du handicap chez les tétraplégiques.

III. Problématique

Nous avons donc vu que l’annonce du diagnostic de tétraplégie était à l’origine d’un

bouleversement psychologique chez les patients. Afin de surmonter ce dernier, le blessé médullaire

doit accepter son handicap. Mais le masseur-kinésithérapeute ne peut-il pas intervenir au cours de

ce long cheminement ? N’aurait-il pas un rôle qui lui est propre à jouer ?

Si l'on considère le masseur kinésithérapeute comme le spécialiste du contact physique, le toucher

peut-il aider le tétraplégique à accepter son handicap, malgré les déficiences de sensibilités

présentes chez ces patients ?

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Afin de tenter de répondre à cette question, nous allons à présent définir les différentes

relations entre le soignant et le soigné en approfondissant le toucher. Puis nous verrons la spécificité

de la relation par le contact chez les tétraplégiques.

IV. La place du masseur-kinésithérapeute

1. La relation d’aide

La relation d’aide correspond avant tout à un savoir-être face à une personne qui rencontre

une difficulté. Cette dernière peut être de nature très différente : l’angoisse de la mort, le deuil d’un

être cher, la douleur, la dépression… et le deuil de sa vie antérieure dans le cas d’un tétraplégique.

Cette relation consiste à accompagner le long cheminement de la personne afin de l’aider à trouver

les solutions à son problème. Pour cela la principale compétence requise est l’écoute ; mais elle ne

suffit pas et doit être accompagnée de la gestion des outils de communication, d’une attitude

empathique, d’une authenticité, de la personnalisation de la communication…

On retrouve différents types de relations d’aide [9]:

• la relation d’aide et de civilité : il s’agit d’un rituel social et convivial. Il est réalisé par

l’entourage d’une personne lorsqu’elle est en difficulté.

• la relation d’aide et de soutien psychologique professionnalisée : elle s’applique à toutes les

relations de soins dès lors que le patient souffre des répercussions psychologiques de sa

maladie. Les soignants établissent alors des liens personnels avec les patients afin de les aider à

prendre conscience de leurs difficultés et à les résoudre. Cette relation n’est pas innée, elle

s’apprend. C’est au fur et à mesure, avec l’expérience, et avec un travail du soignant sur lui-

même, que ce dernier peut acquérir « la technique de relation d’aide ».

• la relation d’aide thérapeutique : elle s’adresse aux personnes souffrant de graves troubles

psychiques et nécessite des médiations telles que l’équithérapie.

• la relation d’aide psychothérapeutique : elle nécessite une formation spécialisée afin de

proposer au patient une prise en charge spécialisée telles qu’une psychanalyse, une thérapie

comportementale…

La relation d’aide pouvant s’instaurer entre un masseur-kinésithérapeute et un tétraplégique n’ayant

pas encore accepté son handicap, est de l’ordre de la relation d’aide et de soutien psychologique

professionnalisé. Le but est alors d’aider le patient à comprendre son handicap grâce à une nouvelle

perception et acceptation de soi.

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2. La communication

Afin de rentrer en contact avec le patient et pouvoir instaurer cette relation d’aide, il faut

établir une communication. Elle est définie par l’échange et la circulation d’informations dans un

réseau reliant des émetteurs et des récepteurs [10].

L’ information est transmise par l’intermédiaire d’un message, elle est « le contenu d’un message

capable de déclencher une action ».

Un message est composé de signaux, de signes ou de symboles assemblés suivant un code. Un

ensemble de messages et de codes constitue un langage.

Lors de la communication, le message émis par la source est codé puis transmis par

l’intermédiaire d’un transporteur, appelé ligne ou voie de transmission. Ensuite le message est

décodé et est retranscrit en informations ayant une signification pour le destinataire. Afin que le

message puisse être reconnu et utilisé il faut qu’il soit mémorisé pour qu’il soit comparé aux

différentes autres informations.

La communication entre les hommes se fait principalement grâce au langage. Cependant il

ne faut pas négliger les autres formes de communication non verbales (visuelles, olfactives,

tactiles). En effet, en plus du contenu du message, la façon dont il est transmis, c’est-à-dire le ton

utilisé, les gestes qui l’accompagnent, la posture de l’émetteur, ses vêtements, le lieu où l’on se

situe, la distance entre les interlocuteurs…, influe sur l’impact qu’il aura sur le récepteur. Le corps

intervient donc dans la communication de façon inconsciente : il est alors présent dans l’action mais

absent de notre pensée. Ainsi le geste peut contredire le verbe. De plus le type de relation

préexistante entre les interlocuteurs joue un rôle dans la qualité de réception du message. Enfin pour

toute communication il est nécessaire qu’il y ait un feed back : un acte volontaire d’écoute par le

récepteur est essentiel.

Afin d’illustrer cette communication non verbale, HALL, [11], décrit, par le concept de

proxémie, l’importance du choix de la distance dans la communication. Ainsi lorsqu’elle est

inférieure à 50 centimètres la communication est intime, c’est la distance où l’on touche, du

réconfort, mais également celle du combat. Il s’agit de la distance entre le soignant et le soigné

durant un soin, c’est pourquoi, d’après Florence VINIT [12] il peut être ressenti comme une forme

de violence par le patient.

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Entre 50 et 120 centimètres les communications sont personnelles comme lors d’un entretien dans

un bureau. De 1,2 à 2,4 mètres il s’agit de la distance sociale idéale pour négocier par exemple. Et

enfin lorsque la distance est supérieure, il s’agit d’une communication publique, comme lors d’un

discours, qui permet une vue d’ensemble sur le groupe.

V. Le toucher

La communication non verbale est donc est communication à part entière. Elle peut passer

par le contact physique. Or le masseur-kinésithérapeute est, parmi les soignants, le spécialiste du

toucher. Il devrait donc être le premier utilisateur de cette communication gestuelle. Quelles sont les

effets du toucher, les différents moyens de le pratiquer ainsi que leurs applications chez les

tétraplégiques ?

D’après [12] Florence VINIT, le corps malade génère crainte et dégout ce qui explique

l’importance des contacts affectifs. Lors des soins faits par des professionnels tels qu’une palpation

d’un abdomen ou une mobilisation passive, la finalité du contact établi n’est pas de créer une

relation. Cela coupe ce dernier de sa dimension affective. De plus il est de moins en moins utilisé au

cours des soins, à cause notamment de l’usage de gants, ou encore des avancées de l’imagerie

médicale qui peuvent à présent permettre de réaliser des soins sans contact avec le patient. L’auteur

explique son intérêt face aux techniques de toucher par la phrase suivante : « A la froideur de

l’organisation hospitalière des soins s’opposerait une tentative de réinjecter du sens et de l’affectif

dans les soins quotidiens ».

Toujours d’après Florence VINIT, le toucher peut être considéré comme une technique

thérapeutique spécifique à part entière ou au moins par sa répercussion sur la qualité de la relation

soignant-soigné.

1. Les effets

Les massages apportent des effets mécaniques au patient. Ainsi, lors de nos cours de

massage, nous avons appris qu’ils permettaient de diminuer, sur le plan circulatoire, les problèmes

de retour veineux et les œdèmes. Au niveau des muscles ils lèvent les contractures. La peau, suite à

un massage se trouve plus souple et plus élastique. Ils peuvent stimuler le transit intestinal.

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Le massage présente quelques contre-indications : en effet lorsqu’il y a une inflammation

importante de la zone, des problèmes dermatologiques, ou un hématome on ne doit pas masser le

patient. C’est également le cas quand ce dernier refuse le massage.

Les massages ont également un effet antalgique grâce à la libération d’endorphines qu’ils

entraînent, et la stimulation cutanée détournant ainsi l’attention de la douleur.

Mais bien au-delà de cela, le toucher, et les massages plus généralement, permettent une

détente rapide, une sensation de bien être, une relaxation du patient. Ils diminuent l’anxiété et le

stress. Le corps malade peut être à l’origine de sentiments de dégout et de crainte. Le fait de toucher

permettrait de mieux se sentir dans son corps ; de diminuer cette impression de dégout. Le fait

d’appliquer un contact physique sur un patient lui procure une expérience corporelle positive

laquelle activerait une forme de protection au moins de quelques instants face à l’angoisse. Elle

permettrait également de mieux sentir la présence de son propre corps et ainsi de sentir plus

vivant.

De la même façon la douleur et la maladie renverraient un sentiment d’anonymat au patient.

Le toucher, en référence aux données de la psychanalyse de FREUD, réactive la sensation du corps

antérieur sécurisé par la présence maternelle. On retrouve cet effet sur le sentiment de sécurité

redonné au patient dans plusieurs techniques qui seront développées par la suite, c’est le cas du

toucher-massage et de l’haptonomie par exemple. Le toucher est ainsi, d’après la référence [13],

valorisant et aide à mieux communiquer.

Florence VINIT [12], nous explique que la peau permet d’individualiser le corps et que la

maladie comme la douleur correspondent à des effractions de cette barrière. Le contact permettrait

donc de retrouver les limites, le contour de notre corps et ainsi d’apporter une sensation de

globalité.

D’après Joël SAVATOFSKI [13], « son effet majeur [le massage] se trouve dans la relation

qui s’établie entre celui qui masse et celui qui est massé ». Il met en effet le massé en confiance.

Une certaine intimité, propice à une écoute par le soignant, peut se créer, ce qui n’est pas possible

dans les situations de la vie quotidienne. Il est donc favorable à l’établissement d’une relation

d’aide.

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Cependant il y a des risques dans cette communication par le toucher entre le patient et le

soignant. Florence VINIT [12] parle d’une réciprocité, car le corps touché est également un corps

touchant. Lorsque l’on touche on est à la fois actif car l’on est en train de ressentir l’autre, mais

également passif car l’on est ressenti par l’autre. Quand on touche on laisse donc passer nos propres

émotions. A ce sujet RONSARD disait « le corps n’est pas de marbre ».

Il est également important de poser certaines limites. Il ne faut pas laisser s’érotiser ce

rapport privilégié avec le patient. Car pour la majorité des personnes la notion de massage est

synonyme de nudité, de contact corporel. La naissance du désir au cours de ces pratiques est donc

possible. C’est pourquoi il est nécessaire de trouver la juste distance lors de l’application de ces

différentes techniques. Florence VINIT [12], dit : qu’il faut « installer le toucher entre soin

maternant, épuré de toute ambigüité, et la sexualisation explicite des relations amoureuses ».

2. Les différentes techniques

Nous avons donc vu que le contact physique entre le soignant et le soigné a de nombreux

effets sur les patients. La référence [12], nous expose donc trois catégories de techniques afin de

pratiquer « le toucher qui guérit ».

• le toucher par l’intermédiaire d’un massage « qui s’apparente à un contact physique à même le

corps du patient dans le but de procurer une sensation générale de bien-être à travers la

mobilisation musculaire des différentes parties du corps. ». Il s’agit là de pratiquer un massage à

visée de détente et de relaxation tel que nous l’avons appris au cours de notre formation de

masseur-kinésithérapeute, c’est-à-dire en utilisant les effleurages, pétrissages, pressions statiques

et glissées, frictions, percussions, drainage... Il s’agit d’un complément du geste de caresse

spontané.

• le toucher relationnel correspond à des gestes ayant pour but la communication, l’expression,

la relation, la manifestation d’une certaine qualité de présence à l’autre ou encore le réconfort.

Dans cette catégorie on retrouve l’haptosynésie mais aussi le toucher massage.

� L’haptosynésie est une technique tirée du concept d’haptonomie, ou science de l’affectivité,

crée par Frans VELDMAN [14]. « Elle vise à restaurer le sentiment de complétude chez une

personne atteinte dans son intégrité corporelle, consécutivement à un traumatisme physique

ou à une maladie ». Elle intervient aussi afin que le patient ne soit pas dépersonnalisé par

son handicap. Le but étant un meilleur ressenti du patient de son propre corps afin de mieux

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l’habiter et de s’y sentir plus en sécurité. Elle s’appuie sur une relation soignant-soigné plus

forte et plus humaine afin que le patient puise dans toutes ses ressources pour mieux vivre sa

maladie ou son handicap. Cette pratique met en œuvre un contact « psychotactile » qui ne

permet de ne pas seulement toucher un corps mais aussi de rencontrer une personne et ainsi

d’instaurer une « confiance et une sécurité interne affective ». Le patient se rend alors

compte que malgré son handicap il peut continuer à vivre en étant lui-même, en conservant

ses sentiments, ses émotions et ses relations avec les autres humains.

� Le toucher massage, quant à lui a été inventé par Joël SAVATOFSKY [13]. Son but

premier est le bien être et la détente du patient ainsi qu’une relation soignant-soigné de

meilleure qualité. Il permet également de diminuer la douleur des patients. Cette technique

correspond à une manière d’être, d’affiner sa présence, de poser ses gestes. Joël

SAVATOFSKY déclare « quand vous souffrez de solitude, d’insécurité, d’anxiété, de

douleurs tenaces, bénéficier du toucher-massage, c’est-à-dire de la présence bienveillante

d’un soignant, d’une personne qui vous écoute, pose la main sur vous, qui caresse, qui prend

un peu de temps…à ce moment là précis, pour vous c’est cela l’essentiel. ». Il se pratique

par l’intermédiaire de douceur et de gestes amples, enveloppants, de forme arrondie,

généralement des manœuvres glissées, réalisés avec la totalité de la paume de la main. Il

permet de redonner un sentiment de sécurité au patient. Ils peuvent s’appliquer sur tout le

corps, mais on décrit plus particulièrement l’effleurage du visage et l’étirement des mains.

Cependant il n’y a pas de règles bien définies, l’important étant de se fier à ce que l’on

ressent du corps que l’on touche et ainsi retrouver une sorte de simplicité et d’évidence du

toucher. En effet, l’auteur dit : « le toucher-massage n’a rien à voir avec la masso-

kinésithérapie. Les objectifs et la démarche globale sont tellement différents ! ». Il peut donc

être réalisé par tous sur tout le monde et peut ainsi permettre de recréer un contact entre un

proche et un malade.

• Enfin Florence VINIT [12], décrit en troisième catégorie, les touchers dits énergétiques. Ils

« englobent les pratiques agissant sur une dimension corporelle située au-delà de la perception

physique habituelle ».

� On y retrouve le reiki qui est une pratique d’origine japonaise qui « se dispense par un

toucher spécifique qui produit une libération d’énergies bloquées par nos tensions et conflits

intérieurs et nos différents stress accumulés » [15] elle permet donc de restaurer et

d’équilibrer la force vitale dans le corps.

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� La polarité entre aussi dans cette catégorie. Il s’agit d’un « système thérapeutique complet

qui vise à harmoniser l’énergie vitale dans l’organisme afin de préserver et améliorer la

santé » [16].

� Le therapeutic touch est une technique d’origine américaine qui consiste à pratiquer une

imposition des mains sur le patient sans forcément le toucher. Elle permettrait d’apporter du

bien-être, de diminuer l’anxiété et les douleurs.

3. Chez les tétraplégiques ?

Nous avons vu les différents effets et techniques de toucher thérapeutique. Cependant il

s’agissait là de généralités non spécifiques aux blessés médullaires qui ont des troubles de la

sensibilité. On peut alors se demander s’il y a un intérêt à les pratiquer chez les tétraplégiques en

sous-lésionnel. Afin de tenter de répondre à cette interrogation nous allons voir les spécificités de la

sensibilité sous-lésionnelle chez les tétraplégiques puis nous verrons les intérêts des techniques de

communication par le toucher au niveau de cette zone.

a. La sensibilité chez le tétraplégique

La sensibilité tactile saine correspond au codage des déformations mécaniques de la peau

par l’intermédiaire de mécanorécepteurs cutanés situés dans les différentes couches de cette

dernière [17]. On peut décrire au moins quatre types de récepteurs en fonction de leur vitesse

d’adaptation et des caractéristiques de leur champ de récepteur. Ainsi les corpuscules de Meissner

et les récepteurs de Merkel ont des champs récepteurs réduits et délimités mais les premiers sont

d’adaptation rapide et les seconds d’adaptation lente. Les corpuscules de Pacini et de Ruffini ont

quant à eux des champs récepteurs larges et flous, mais les premiers sont à adaptation rapide alors

que les seconds à adaptation lente. Au cours de la perception tactile les corpuscules de Meissner,

Merkel et de Pacini interviendraient.

La perception kinesthésique se fait grâce aux récepteurs proprioceptifs situés dans les muscles

(par l’intermédiaire de fuseaux neuromusculaires), les tendons (grâce organes tendineux de Golgi)

et au sein des articulations (avec les corpuscules de Ruffini, Pacini et de Golgi).

La perception haptique correspond et la sommation des informations tactiles et proprioceptives.

Ensuite les informations codées par les mécanorécepteurs cutanés et proprioceptifs sont transmises

au système nerveux central par l’intermédiaire des deux grandes voies ascendantes. La première

étant le système lemniscal qui permet la transmission rapide et précise aux niveaux temporel et

topographique des informations portant sur la sensibilité tactile fine et la sensibilité proprioceptive.

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La seconde voie est le système extralemniscal qui assure, par une transmission lente, le

cheminement des informations relatives aux sensibilités thermique, douloureuse et tactile grossière.

Après son accident le patient dont la moelle est lésée découvre deux nouvelles sensations

qui, jusque là, leur étaient inconnues : d’après [18], ils éprouvent de « nouvelles sensations insolites

et de nombreuses sensations habituelles semblent s’être assez largement évanouies ». En effet,

même si du point de vue médical, suite à une section franche de la moelle spinale il n’y a aucune

sensibilité au niveau de la zone sous lésionnelle, Eve GARDIEN retrouve chez tous les blessés

médullaires qu’elle interroge, des perceptions sensitives. On parle de sensibilité subjective qui

correspond à des fourmillements, des brûlures, des changements de température, des décharges

électriques… et qui peuvent encore prendre bien d’autres formes. Souvent elles sont difficilement

qualifiables par le patient qui peut parler d’un toucher lointain ou engourdi. Ainsi un patient

déclare : « C’était diffus, […] pour le toucher il fallait rester appuyer longtemps pour que je sente,

ou alors tu m’appuyais et je sentais cinq minutes après ! C’est bizarre».

Le corps du tétraplégique est donc divisé en trois zones où l’intensité de la sensibilité est

décroissante du haut vers le bas:

• La première est celle située au dessus de la lésion spinale : le sensibilité y est « normale ».

• La seconde correspond à une zone intermédiaire dont l’épaisseur varie de un à quelques

centimètres. La sensibilité y est trouble ou inconnue.

• La troisième est une zone de non-sensibilité.

Le patient retrouve cependant des sensations dans les deux dernières zones à titre de douleurs

neurologiques, contractures, perceptions inqualifiables… en fin de choc spinal.

Afin d’avoir des réponses sur cette nouvelle sensibilité le patient se tourne vers ses pairs

puis vers les soignants mais il n’obtiendra que peu de solutions. En effet, le côté inqualifiable de ce

qui est ressenti ne permet pas les échanges entre patients et leurs explications par les soignants. Ces

derniers réagiront donc en multipliant les bilans de sensibilité (kinesthésie, statesthésie, diapason,

pique-touche, chaud-froid, variation de poids, différentes matières, compas…) qui ont pour but de

comparer la sensibilité subjective du patient avec une sensibilité dite valide. Ces mesures ne

peuvent de toute façon pas être objectives étant donné qu’elles dépendent de la participation du

patient et de l’habitude de l’examinateur. Aucune mesure réellement qualitative, ni même sur

l’intensité de ces sensations ne peut donc être faite.

Cependant il semblerait qu’un patient ayant une certaine expérience de cette nouvelle

sensibilité puisse utiliser, sans s’en rendre compte, d’autres capteurs sensitifs et analyser d’autres

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informations sensitives que celles dites valides. Il compenserait ainsi son manque de sensibilité

valide, [17]. Il peut ainsi répondre de façon juste aux tests de sensibilités effectués alors que sa

sensibilité valide n’existe pas. Grâce à des essais-erreurs-corrections le patient peut donc obtenir

une intégration de sa nouvelle perception. Toutefois il n’est pas rare que des situations pourtant

identiques ne produisent pas les mêmes sensations chez les patients. Ceci explique que bien souvent

ils ne prêtent pas attention à cette sensibilité sous-lésionnelle qu’ils jugent trop aléatoire, trop

changeante.

Les hypothèses sur l’origine de cette nouvelle sensibilité sont multiples : le patient

pourrait sentir une zone grâce à la stimulation des zones adjacentes, les sensations pourraient être du

même type que celles apparaissant chez un amputé, appelées sensations de membre fantôme. Elles

peuvent également être liées au système neurovégétatif, ou encore le ressenti peut être

psychologique (un patient habillé chaudement se dit qu’il fait froid donc à froid). Mais le patient

pourrait également se construire une sensibilité à partir de ce qu’il voit. En effet dans la référence

[17], on nous apprend que lors de la vie quotidienne, ces deux modalités que sont la vue et la

perception sensitive travaillent en même temps et ce dès les premières semaines de la vie. Elles

perçoivent en effet les mêmes objets et doivent ainsi coordonner leurs perceptions afin d’obtenir

une connaissance unique et cohérente de l’objet.

Il est nécessaire de trouver l’étiologie de la sensation : qu’elle soit un stimulus cutané, une

vessie pleine, un ongle incarné, un fécalome, un spasme musculaire… afin que le patient puisse

l’interpréter et ainsi mieux comprendre son corps. De plus cela lui permettra d’intervenir s’il s’agit

d’une vessie pleine par exemple en effectuant un sondage.

b. Les effets du toucher chez le tétraplégique

Bien souvent les patients s’identifient mal à leur partie du corps sous-lésionnelle, il n’est pas

rare qu’ils la personnifient, parle d’elle à la troisième personne et lui donne un nom comme si il

s’agissait de quelqu’un d’autre. Il est donc important de redonner une unité à ce corps : les

massages globaux peuvent permettre de redonner cette globalité. Il permet alors de stimuler les

quelques sensations issues de la sensibilité subjective du patient afin que le patient en prenne

conscience et intègre cette zone sous-lésionnelle comme faisant partie intégrante de sa propre

identité.

On peut même durant ces massages, demander au patient de se focaliser sur le ressenti qu’il

a tout en regardant les techniques que l’on lui applique. En se renseignant ainsi sur la zone et la

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surface du contact, son type (paume à plat ou avec un seul doigt)… il met en relation sa perception

tactile et sa perception visuelle. Ceci permet une sémantisation de la sensibilité subjective [17]. A

l’inverse, d’après Eve GARDIEN [18], certains patients vont construire une sensation à partir de la

vision : ils vont ressentir la caresse qu’ils voient qu’on leur fait. Ils reproduisent ainsi les habitudes

de la perception valide. Cependant ce travail peut être mal interpréter par le patient qui peut

croire au retour d’une sensibilité normale, à une récupération. Il est important de lui expliquer qu’il

ne s’agit pas d’une sensibilité normale, saine. Si on juge que le patient a un risque trop important de

mauvaise interprétation, il faut se poser la question de la pratique ou non d’un tel massage.

Joël SAVATOFSKY [13], ne se pose pas la question du toucher pratiqué sur les zones

anesthésiées. Il aborde la neurologie seulement par la phrase suivante : « en service de neurologie :

domaine privilégié des masseurs-kinésithérapeutes, où le toucher-massage dans sa dimension de

communication ne doit pas être oublié et trouvera sa place comme complément psychologique aux

soins habituels de rééducation et de réadaptation parfois difficiles à supporter. ».

On a vu auparavant que les massages avaient un effet antalgique, cependant leurs effets sur

les douleurs neurologiques, qui sont souvent résistantes à tous traitement, restent à prouver [4].

L’application de techniques de toucher au niveau de la zone sous-lésionnelle chez le

tétraplégique, lui permet donc de retrouver un sentiment de globalité. Elle peut également entraîner

une intégration de sa nouvelle sensibilité subjective. Toutefois il est important de s’assurer que cela

ne renforce pas la croyance du patient en sa récupération totale, car dans ce cas ces techniques vont

à l’encontre de son processus d’acceptation du handicap. Le toucher permettrait également de

diminuer les douleurs neurologiques.

Chez les blessés médullaires, le toucher massage peut être réalisé également au niveau de la

zone où la sensibilité est normale. On retrouve alors tous les effets du toucher décrits plus haut. Ils

permettent, en plus des effets mécaniques, un bien-être et la naissance d’un sentiment de sécurité.

Ils sont également à l’origine d’une relation plus personnelle et plus intime entre le soignant et le

soigné qui favorise l’écoute du thérapeute et donc l’établissement d’une relation d’aide. Ceci permet

au masseur kinésithérapeute de participer activement à l’acceptation du handicap par le

tétraplégique.

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29

VI. Discussion

Afin d’approfondir ce travail sur le rôle du masseur-kinésithérapeute dans l’acceptation du

handicap chez le tétraplégique grâce au toucher, j’ai décidé de réalisée une étude.

L’objectif de cette dernière est de comparer la théorie de la littérature énoncée auparavant et la

pratique dans les services de rééducation.

J’ai donc décidé de mener cette étude sur une population de masseurs-kinésithérapeutes travaillant

en centre de rééducation et ayant une prise en charge presque exclusivement de blessés médullaires.

Je souhaitais en effet intégré dans mon étude que des professionnels experts dans le domaine. Je

voulais également que les patients pris en charge par ces professionnels n’aient pas encore achevé le

deuil de leur ancienne vie, c’est pourquoi je me suis tournée vers les centres de rééducation et non

vers des professionnels travaillant en libéral.

Le choix du moyen utilisé s’est rapidement tourné vers un questionnaire (annexe 7). Ce moyen me

paraissait être le plus simple et ludique pour obtenir un maximum de réponses de la part des

professionnels. Toujours dans l’optique de simplifier mon étude pour les personnes interrogées, le

questionnaire ne comportait que quinze questions, parmi lesquelles plusieurs d’entre elles étaient

des questions ouvertes afin de permettre une libre expression des masseurs-kinésithérapeutes

consultés.

Ma méthode a consisté à prendre contact par téléphone avec quatre cadres de santé masseur-

kinésithérapeutes travaillant en centres de rééducation ayant des services spécialisés en para et

tétraplégiques. Puis, par échange de messages électroniques, je leur ai transmis mes questionnaires.

Si on considère qu’environ cinq kinésithérapeutes travaillent par service de rééducation, je pouvais

espérer avoir une vingtaines de réponses.

Cette étude présente de nombreuses limites. Contrairement à ce nombre espéré je n’ai reçu que

quatre réponses. Ce faible échantillon constitue la principale limite de cette étude qui n’est donc

pas représentative, d’autant plus que tous les interrogés travaillent dans le même centre et ont donc

des contraintes d’organisations et des habitudes communes. De plus le fait d’avoir posé des

questions ouvertes complique la comparaison des réponses.

Les résultats de cette étude sont les suivants :

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30

• Les professionnels interrogés travaillent depuis en moyenne 9 ans (de deux ans et demi à

vingt ans) avec les blessés médullaires. Ils sont tous employés à temps complet dans ce

service. Il s’agit donc bien de personnes ayant une certaine expertise dans la prise en charge de

cette pathologie. Ils prennent en charge sept à huit patients une heure deux fois par jour.

• Les patients sont des paraplégiques ou des tétraplégiques ; leurs lésions sont complètes ou

incomplètes selon les cas, la durée écoulée depuis l’accident va de quelques semaines à

plusieurs années (dans le cas de surveillance de complications).

• Dans leur rééducation on retrouve les exercices classiques en vue d’acquérir plus d’autonomie

et de diminuer les complications secondaires liées à cette lésion. Ainsi on retrouve le

renforcement musculaire, le travail des transferts, de l’équilibre debout, assis, en fauteuil selon

les cas, le travail des relevés du sol, de l’effet ténodèse, la mobilisation, les assouplissements, la

verticalisation, la kinésithérapie respiratoire et la prise en charge de la douleur.

• En ce qui concerne l’effet de ces exercices sur l’acceptation du handicap, toutes les

personnes interrogées ne sont pas du même avis. Une des personnes pense que ces exercices

n’ont aucun impact sur l’acceptation du handicap, alors qu’une autre au contraire pense que

« tous les exercices de suppléance et d’autonomie » aident à cette acceptation. Les deux autres

personnes quant à elles sont plus mitigées : bien qu’elles ne jugent pas réellement qu’ils aient un

impact direct, elles pensent qu’ils participent tout de même à une « prise de conscience » des

déficiences et de l’autonomie persistante.

• Lorsqu’on leur demande si elles réalisent des techniques dont le but premier est le bien-être

du patient, les personnes répondent toutes oui. Parmi les différentes techniques appliquées dans

ce but on retrouve les massages, l’apprentissage d’exercices ventilatoires à visée de détente, la

balnéothérapie. Cependant lorsque l’on pose la question du temps consacré à ces techniques on

remarque qu’il est faible. Elles ne sont pas réalisées en première intention. Deux des personnes

interrogées déclarent qu’il faut qu’il y ait une demande de la part des patients. Un des interrogé

précise que ce temps est court pour des raisons de problèmes d’organisation et de disponibilité

des professionnels.

• Enfin lorsque l’on demande si, d’après eux, le masseur-kinésithérapeute a un rôle à jouer

dans l’acceptation du handicap chez les blessés médullaires, trois personnes ont répondu oui.

Cependant les raisons apportées sont différentes. Une personne met en avant seulement le rôle

d’explication de la pathologie et de ses conséquences par le masseur-kinésithérapeute à son

patient. Une deuxième personne pense qu’elle joue son rôle dans l’acceptation du handicap chez

ses patients grâce à l’écoute et aux réponses qu’elle apporte au patient. La troisième personne

pense qu’elle aide son patient à accepter son handicap mais pas en temps que kinésithérapeute

mais plus en temps que personne. Elle privilégie donc « le rapport d’humain à humain et non

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d’humain à handicapé par exemple ». La dernière personne a répondu que le kinésithérapeute

n’avait pas de rôle à jouer dans l’acceptation du handicap chez ces patients cependant elle

rejoint ses collègues en ajoutant qu’elle doit faire preuve d’écoute face au patient.

Nous pouvons réaliser une interprétation de ces résultats de la manière suivante. Il ressort de cette

étude que les professionnels ne pensent pas tous que la rééducation qu’ils proposent à leurs patients

leurs permettent de mieux accepter leur handicap. Peu de techniques à visée de bien-être et donc de

meilleure acceptation de soi, et par extension, de son handicap, sont mises en place. En revanche, ils

pensent aider les blessés médullaires par leur relation qu’ils entretiennent avec ces derniers, et ce

principalement par l’écoute et les réponses aux interrogations.

Les soignants de ce service pratiquent donc la relation d’aide sans le savoir, cependant ils

accordent peu de place à la communication par le toucher et privilégient la communication verbale

et le savoir-être face à ces patients.

Cette enquête nous donne un petit aperçu de ce qui se fait en pratique mais elle n’est pas assez

étendue pour généraliser ces réponses à tous les masseurs-kinésithérapeutes exerçant en contact

avec des paraplégiques ou des tétraplégiques.

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Conclusion

Grâce à ce travail nous avons pu amener des réponses à la problématique qui était la

suivante : Si l'on considère le masseur kinésithérapeute comme le spécialiste du contact physique, le

toucher peut-il aider le tétraplégique à accepter son handicap, malgré les déficiences de sensibilités

présentes chez ces patients ?

En effet nous avons vu, après avoir pris connaissance des conséquences de l’annonce du

handicap au niveau psychologique chez les blessés médullaires, la nécessité du thérapeute d’entretenir

une relation d’aide avec son patient. Cette dernière permet d’accompagner le tétraplégique tout au long

de son travail d’acceptation du handicap et correspond à un savoir-être face à lui. Il s’agit d’établir un

lien particulier afin de favoriser l’écoute qui est très importante lors de cette aide.

Le masseur-kinésithérapeute étant habitué à utiliser le contact physique, peut donc naturellement

passer par le toucher pour créer un lien avec le patient. Nous avons donc vu différentes techniques que

la littérature décrit et qui ont pour but la communication entre le masseur-kinésithérapeute et son

patient.

Puis nous avons étudié la sensibilité subsistante chez ces personnes afin de répondre au

questionnement de l’utilité de ces pratiques chez les tétraplégiques étant donné le déficit de sensibilité.

Ces patients conservent une sensibilité subjective dans la zone sous-lésionnelle. La communication par

le toucher en sous-lésionnel mais également en sus-lésionnel peut donc être utilisée afin d’aider le

patient à accepter son handicap. Il faut cependant s’assurer qu’il n’y ait pas de mauvaise interprétation

de cette stimulation des perceptions.

Les masseurs-kinésithérapeutes ont donc un rôle à jouer dans l’acceptation du handicap chez les

blessés médullaires contrairement à ce que certains d’entre eux peuvent penser d’après les réponses

obtenues au questionnaire.

L’élaboration de ce travail m’a permis de réaliser à quel point nos paroles mais aussi nos

gestes peuvent avoir un impact sur les personnes. Il s’agit de moyens de communication bien plus

puissants que je ne le pensais et ayant un effet sur la psychologie des patients. Je vais à présent donner

une plus grande importance au toucher lors de mes prises en charge et cela pas seulement avec les

blessés médullaires mais avec tous les patients.

Nous avons entre nos mains un moyen d’aider les gens à se sentir mieux dans leur corps, à

mieux accepter leur image. Il ne faut pas délaisser ces techniques qui sont bien souvent laissées à la

charge des infirmiers. Il est important de ne pas fixer la prise en charge des patients tétraplégiques, et

plus généralement de tous les patients chez qui il va subsister un handicap, sur un aspect uniquement

fonctionnel. L’acquisition de l’autonomie est bien sûr indispensable cependant il est nécessaire de

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considérer la psychologie du patient. Car après tout l’organisation mondiale de la santé ne définit-elle

pas la santé comme étant « un état de complet bien-être physique, mental et social » [19] ? Il est donc

important que le masseur-kinésithérapeute ne s’occupe pas seulement du physique de ses patients

mais également de leurs aspects mentaux et sociaux. Il faut voir le patient dans sa globalité et non

pas dissocier son esprit de son corps.

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34

Bibliographie :

• [1] A. YELNIK, C. RESCH, A. EVEN, O. DIZIEN. Paraplégies. Encyclopédie médico-

chirurgicale. Elsevier SAS. 2006.

• [2] Philippe THOUMIE, Edouard THEVENIN-LEMOINE, Laurence JOSSE. Rééducation des

paraplégiques et tétraplégiques adultes. EMC Kinésithérapie-Médecine-Réadaptation. Éditions

Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. 1995.

• [3] Dictionnaire Larousse médical. Larousse. 2000.

• [4] SIDDALL P. J., LOESER J. D. Pain following spinal cord injury . Dans Spinal cord. vol 39.

Nature Publishing. 2001.

• [5] Pierre DROLET. Le processus de l’acceptation chez les blessés médullaires. Mémoire

présenté au département de sociologie et d’anthropologie. Université Concordia, Montréal,

Québec, Canada. Avril 2000.

• [6] Roland DORON, Françoise PAROT. Dictionnaire de psychologie. PUF. Mars 2008.

• [7] C. MALANDAIN, F. BEURET-BLANQUART, S. CHAMBELLAN. Les défenses

psychologiques suscitées par l’annonce du handicap à un adulte blessé médullaire. Résumé

de recherche édité dans le fascicule « annonce du handicap au blessé médullaire adulte ».

Association des paralysés de France. 1995.

• [8] Eve GARDIEN. L’apprentissage du corps après l’accident. presses universitaires de

Grenoble. 2008.

• [9] Ali Aït ABDELMALEK, Jean-Louis GERARD. Sciences humaines et soins, manuel à

l’usage des professions de santé. InterEditions. 1995.

• [10] Joël De ROSNAY. Le macroscope : vers une vision globale. Editions du seuil. 1975.

• [11] Edward HALL. Trad. Amélie PETITA. La dimension cachée. Editions du seuil. 1971.

• [12] Florence VINIT. Le toucher qui guérit, du soin à la communication. Belin. 2007.

• [13] Joël SAVATOFSKI. Pratiquer…le toucher massage. Lamarre. 1999.

• [14] http://www.haptonomie.org site du centre international de recherche et de développement de

l’haptonomie. le 10 avril 2010.

• [15] http://www.institut-reiki.com site de l’institut de reiki, fondateur de fédération française de

reiki traditionnel. le 10 avril 2010.

• [16] http://www.aftp.fr/polarite.html site de l’association française de thérapie par la polarité. Le

10 avril 2010.

• [17] Yvette HATWELL, Arlette STRERI, Edouard GENTAZ. Toucher pour connaître,

psychologie cognitive de la perception tactile manuelle. PUF. 2000.

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35

• [18] Eve GARDIEN. L’apprentissage du corps après l’accident. Presses universitaires de

Grenoble. 2008.

• [19] Préambule à la Constitution de l'Organisation mondiale de la Santé, tel qu'adopté par la

Conférence internationale sur la Santé, New York, 19-22 juin 1946; signé le 22 juillet 1946 par

les représentants de 61 Etats. 1946; (Actes officiels de l'Organisation mondiale de la Santé, n°. 2,

p. 100) et entré en vigueur le 7 avril 1948.

Autres références non citées dans le texte :

• http://www.lemonde.fr/a-la-une/visuel/2010/04/09/le-corps-handicape-vivre-apres-l-

accident_1330980_3208.html Visuel interactif : Le corps handicapé, vivre après l'accident.

LEMONDE.FR | 09.04.10

• Site des paralysés de France sur les paraplégiques et les tétraplégiques : www.paratetra.apf.asso.fr

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Annexes

Annexe 1 : Score ASIA ……………………………………………………………………. p. 37

Annexe 2 : schéma du réflexe myotatique ………………...………………………………. p. 38

Annexe 3 : échelle d’Ashworth modifiée …………………………………………………. p. 38

Annexe 4 : échelle de Tardieu …………………………………………………………….. p. 39

Annexe 5 : échelle de Penn ……………………………………………………………….. p. 39

Annexe 6 : diagnostic kinésithérapique …………………………………………………… p. 40

Annexe 7 : la pyramide de MASLOW ……………………………………………………. p. 41

Annexe 8 : questionnaire diffusé ………………………………………………………….. p. 42

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Annexe 1 : score ASIA

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Annexe 2 : schéma résumant le trajet des messages nerveux lors du réflexe myotatique.

1 : naissance du message dans le fuseau neuromusculaire 2 : conduction du message vers la moelle épinière 3 : traitement des informations par la moelle épinière et élaboration d’un message moteur 4 : conduction du message moteur vers l’extenseur, repos du fléchisseur 5 : contraction de l’extenseur Annexe 3 : Échelle d’Ashworth modifiée 0 : pas d’augmentation du tonus musculaire 1 : légère augmentation du tonus musculaire avec simple « sensation d’accrochage ou minime résistance en fin de course. 1+ : légère augmentation du tonus musculaire avec simple « sensation d’accrochage » suivi d’une minime résistance au cours de la première moitié de la course musculaire. 2 : augmentation importante du tonus musculaire durant toute la course musculaire mais le segment du membre reste facilement mobilisable. 3 : augmentation considérable du tonus musculaire. Le mouvement passif est difficile. 4 : hypertonie majeure. Mouvement passif impossible.

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Annexe 4 : Echelle de Tardieu • V : la réaction à l’étirement est notée pour une vitesse donnée: – V1 : aussi lentement que possible – V2 : vitesse intermédiaire – V3 : aussi vite que possible • X : Qualité de la réaction musculaire – 0 : pas de résistance tout au long du mouvement passif – 1 : discrète augmentation de la résistance au cours du mouvement passif sans que l’on puisse distinguer clairement un ressaut à un angle précis – 2 : ressaut franc interrompant le mouvement passif à un angle précis, suivi d’un relâchement – 3 : clonus épuisable (moins de 10s lorsque l’on maintient l’étirement) survenant à un angle précis – 4 : clonus inépuisable (plus de 10s lorsque l’on maintient l’étirement) survenant à un angle précis • Y : angle de la réaction musculaire Tardieu et al. Cerebral Palsy Bull 1959 Annexe 5 : Echelle de Penn 0 : absence de spasme. 1 : absence de spasme spontané ; présence de spasmes induits par stimulation sensorielle ou mobilisation passive. 2 : spasmes spontanés occasionnels. 3 : nombre de spasmes spontanés compris entre 1 et 10 par heure. 4 : plus de 10 spasmes spontanés par heure.

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Annexe 6 : Diagnostic kinésithérapique du patient d’après la classification internationale fonctionnelle

Déficience de structure

Déficience de fonction

Limitation d’activité

Limitation de participation

- de la moelle épinière et des structures connexes, - du système neuro végétatif.

- fonction relative au contrôle du mouvement volontaire, - fonction relative au mouvement involontaire, - fonction relative à la puissance musculaire, - fonction relative au tonus musculaire, - fonction proprioceptive, - fonction du toucher, - fonctions sensorielles associées à la température et d’autres stimuli, - sensation douloureuse, - fonction des muscles respiratoires, - fonction digestive, - fonction urinaire, - fonction sexuelle, - fonction de procréation.

- l’utilisation des mains et des bras, - activité motrice fine, - marcher, - changer de position corporelle de base, - garder la position du corps, - se laver, - s’habiller, - manger, - boire, - aller aux toilettes, - conduire, - écrire.

- travailler, - relations intimes, - loisirs, - préparer repas, - faire le ménage. Facteurs environnementaux : - produits et systèmes techniques destinés à faciliter la mobilité et le transport à l’intérieur et à l’extérieur (FRM), - soutien de la famille proche, des amis, - attitude individuelle des étrangers.

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Annexe 7 : la pyramide de Maslow

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Annexe 8 : questionnaire diffusé.

Questionnaire à l’attention des masseurs-kinésithérapeutes qui prennent en charge des blessés médullaires. Bonjour. Je suis actuellement en K3 à Rennes et dans le cadre de l’élaboration de mon mémoire de fin d’étude j’ai besoin de votre aide. En effet ce travail à pour sujet le rôle du masseur-kinésithérapeute dans l’acceptation du handicap chez le tétraplégique. J’aimerais donc vous poser quelques questions.

• Prenez-vous en charge régulièrement des blessés médullaires ? oui – non • Combien de patients blessés médullaires différents prenez-vous en charge par semaine ?

• Depuis combien de temps travaillez-vous avec des blessés médullaires ?

• Précisez les différentes cliniques (para/tétra, complet/incomplet, niveau de l’atteinte, durée

depuis la date de l’accident…) des patients avec lesquels vous travaillez.

• La prise en charge est-elle quotidienne ? oui – non

• Si non, quelle est la fréquence de prise en charge kiné ? • Quelle est la durée moyenne de la séance ?

• Quels sont les exercices que vous leur proposez ?

• Parmi ces exercices, quels sont ceux qui, d’après vous, participent à l’acceptation du

handicap par le patient ?

• En quoi ces exercices participent-ils à cette acceptation ?

• Réalisez-vous des techniques ayant pour objectif premier le bien-être du patient ? oui-non • Si oui, lesquelles ? (sophrologie, massage, balnéo…)

• Combien de temps consacrez-vous à ces techniques ?

• Pensez-vous que le kiné à un rôle à jouer dans l’acceptation du handicap chez les blessés

médullaires ? oui – non • Si oui lequel ?

Merci d’avoir pris le temps de répondre à ces questions et de me renvoyer ce questionnaire le plus rapidement possible. Cordialement. Elodie MOREAU.