"Le Soir", édition du vendredi 20 mai

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t un attentat * 3 Le Soir Vendredi 20 mai 2016 L’ ACTU 3 ÉGYPTE Le Caire Mer Méditerranée LE SOIR - 20.05.16 Source : AFP Dernier contact à 2 h 05 Crète Rhodes Karpathos GRÈCE TURQUIE Mer Egée Mer Méditerran tante, la République française a en outre rarement failli dans ses sou- tiens dans le monde arabe pour des dictatures militaires ou policières (Algérie, Egypte, Tunisie…) qui pourchassaient avec férocité la mouvance islamiste même la moins extrémiste. Les plus ré- centes interventions de l’armée française dans les conflits au Mali, en Irak et en Syrie confirment ce choix. Et il ne manque pas de can- didats djihadistes au pays de Ma- rianne, des jeunes qui, excipant de motivations exacerbées, qu’elles fussent de nature identitaire, poli- tique et/ou religieuse, les poussent à commettre l’irréparable ou à se rendre complices de ceux qui fran- chissent le pas du terrorisme. BAUDOUIN LOOS bles PARIS DE NOTRE ENVOYÉE PERMANENTE A ucune hypothèse n’est écartée. Aucune piste n’est privilégiée. Lorsque nous au- rons la vérité, nous devrons en tirer toutes les conclusions, que ce soit un accident ou une autre hypothèse que chacun a à l’esprit, peut-être une hypothèse terroristeQuelques heures après la disparition de l’Airbus A320 d’Egypt Air, François Hol- lande s’est voulu prudent. Rien n’indique encore que l’avion ait été abattu. Mais de- puis janvier 2015, date de la première vague d’attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Casher de la porte de Vincennes, puis les at- tentats du 13 novembre dernier à Paris et Saint-Denis, le scénario du pire vient immé- diatement à l’esprit. En réunissant une cellule de crise à l’Ely- sée moins de trois heures après avoir été averti de la disparition du vol MS-804, le président n’a d’ailleurs pas seulement fait appel aux ministres en charge des Trans- ports et des Affaires étrangères. C’est aussi avec celui de l’Intérieur et celui de la Dé- fense qu’il a voulu faire le point. Comme après les précédentes attaques terroristes. Un signe ? Si l’hypothèse de l’attentat se confirme, une question viendrait immédiatement à l’esprit : où l’engin explosif aurait-il été placé dans l’avion ? Les escales de l’appareil dans les heures qui ont précédé son décollage de Paris Charles De Gaulle mercredi soir à 23h20 vont être soigneusement étudiées. Il s’est posé à Tunis, à Asmara (en Erythrée) ainsi qu’à Bruxelles. Mais le spectre d’une faille dans la sécurité à Roissy reviendrait immédiatement aussi hanter les esprits. Des salariés radicalisés privés de badge L’an dernier, plusieurs dizaines de salariés de l’aéroport ont été privés de badge d’accès à la zone sécurisée pour cause de radicalisa- tion. Dont cinq après les attentats du 13 no- vembre. Du prosélytisme suspect ? Pas seulement. Les comportements privés sont aussi en cause. L’un, imam à ses heures, li- vrait des prêches violents. Un autre s’était rendu au Yémen durant ses vacances, où il avait fréquenté une école coranique. Un troisième possédait des armes. Un qua- trième tenait des propos antisémites sur le web. L’aéroport de Paris est le premier em- ployeur en Seine-Saint-Denis. Après les at- tentats de novembre, le préfet délégué pour la sécurité et la sûreté des aéroports avait annoncé un renforcement des contrôles vis- à-vis du personnel. Les 86.000 autorisations de travail seraient revues. Et les cartes d’ac- cès des 5.000 personnes affectées à la sécu- rité, au premier chef. « Il faut vérifier ce que ces personnes ont pu faire depuis leur habili- tation », avait prévenu le préfet. Ces contrôles se feraient en lien direct avec la DGSI, les services de renseignement. Tous les comportements suspects seraient relevés. Notamment le refus de certains hommes de travailler avec des femmes ou de leur serrer la main. « Ces personnes n’ont rien à faire dans la zone sécurisée », avait indiqué le pré- fet en novembre dernier. Les casiers des per- sonnels seraient également fouillés pour y détecter d’éventuels objets suspects. Les signalements remontent directement au préfet, lui-même en lien direct avec le procureur. Pour disposer du sésame, les pos- tulants à un emploi à Roissy doivent aujour- d’hui satisfaire au total à trois enquêtes : l’une lors de leur formation, une autre lors de leur recrutement et la troisième lors de la délivrance du badge, valable trois ans. Mais la sécurité a-t-elle été suffisamment renforcée ? Selon les experts français, l’aéro- port de Roissy, qui scanne aussi tous les ba- gages, est tout simplement l’un des plus sûrs du monde. Sans compter que les patrouilles y ont encore été renforcées depuis les atten- tats de Bruxelles, certaines avec des chiens. « Si une bombe a été placée là, ce serait tout simplement hallucinant », selon le spécia- liste aéronautique Xavier Tytelmann. Mais tous conviennent dans le même temps que la sécurité absolue n’existe pas… La question pourrait très vite ressurgir si l’affaire s’oriente vers la piste terroriste. Avec une mise en cause de l’état d’urgence, à quelques semaines de l’Euro de football… Parallèlement à l’enquête technique que livrera le Bureau d’enquête et analyse (BEA) en collaboration avec les Égyptiens, le par- quet de Paris a ouvert sa propre enquête ju- diciaire. JOËLLE MESKENS en France Des failles de sécurité à Roissy ? Jean-Marc Ayrault, ministre français des Affaires étrangères, a rencontré des proches des passagers de l’avion à l’hôtel Mercure qui jouxte l’aéroport. © EPA. LE CAIRE CORRESPONDANCE C ertains s’accrochent encore. À un espoir ténu, à l’idée d’un miracle. Mervat Mounir, foulard rose, yeux humides, sort des bureaux des services à bord d’Egypt Air. Bâtiment terne, peinture écaillée et aux fenêtres, des barreaux. Elle est venue trouver des réponses. Une nuée de curieux et de journalistes l’en- toure, elle se protège, protège sa parente éplorée, puis fait face : « Yasmin était dans l’avion. La dernière fois que je l’ai vue, c’était lors de son mariage, il y a sept mois. Elle avait 27 ans. Elle faisait partie du personnel navi- gant, comme son mari, avec le- quel elle voyageaitMervat Mounir, la quaran- taine, n’a pas trouvé les réponses qu’elle cherchait. « Ils ne nous disent rien. C’est parce qu’ils ne savent rien. Ils offrent un peu de réconfort. C’est tout. On va aller s’installer à l’hôtel Le Passage. Peut-être que nous aurons plus de nouvelles. » L’hôtel voisine l’aéroport. Il est réservé aux fa- milles qui souhaitent un peu de repos. Elle s’échappe. À côté, sous un tamaris en fleurs, Khaled el-Gamil regarde Mervat s’éloigner. « Je ne sais pas si c’est un accident, ou du ter- rorisme, mais un avion ne tombe pas comme une pierre à cause d’un simple incident technique. Ils viennent tout juste de trouver les premiers débris au large de la Crète. Je suis pessimiste », dit l’homme, chef de cabine chez EgyptAir, qui connaissait quelques membres d’équipage. Il est venu pour aider comme il pouvait. Plutôt ici, dans l’air un peu allégé après la fournaise des derniers jours, que chez lui, de- vant l’écran. En simple polo, il accueille les employés et les fa- milles, dit quelques mots, et les oriente vers la cellule d’accueil. Le président Abdel Fattah al- Sissi a reçu un appel de François Hollande. Il a réuni le Conseil de sécurité nationale. Lancé une collaboration avec les Grecs et les Français à la recherche des débris. Son ministre de l’Avia- tion civile, Chérif Fathi, exécute lors d’une conférence de presse un exercice qui tient du funam- bulisme. Il ne veut pas parler de crash – « tant que les débris n’ont pas été retrouvés, je maintien- drai que l’avion a disparu »– mais lâche une révélation comme on laisse tomber une confidence : « Compte tenu des éléments que nous avons, il s’agit vraisemblablement plus d’une attaque terroriste que d’un inci- dent technique. » Attitude excep- tionnelle, inhabituelle, de la part d’un représentant des autorités égyptiennes, lesquelles ont nié pendant quatre mois, contre le monde entier, l’évidence de l’at- tentat qui a abouti, le 31 octobre dernier, au crash de l’avion russe dans le Sinaï, avec 224 per- sonnes à bord. Un clan arrive. Des hommes, une dizaine. Ils portent de longues tuniques, de lourdes écharpes de laine et, pour les plus âgés, des turbans. Ils viennent de Haute-Égypte, d’un petit village à côté d’Assiout. L’un d’entre eux tonne comme un feu roulant, à mesure qu’il s’approche du bâtiment terne à la peinture écaillée : « Mon fils ! Où est passé mon fils ! J’attends de ce gouvernement qu’il donne des réponses ! » Il répète cette phrase, encouragé par son clan. Devant lui, tout le monde s’ef- face. Le bâtiment terne, à la peinture écaillée, semble plus terne encore. Il avale les hommes de Haute-Égypte. La voix tonne encore, puis disparaît. Un autre en sort. Il vient aussi de Haute-Égypte, mais il est copte. C’est le père Assanios. Il est venu à la recherche d’Amgad Adib, 47 ans, « pour moi comme un fils, comme un frère. Il était à Paris pour les affaires. C’est un jour sombre, c’est un jour triste », se lamente le prêtre en noir, à la barbe de sel. Il a lui aussi la voix tonnante du chef de clan de Haute-Égypte – il l’avait. Mais, à l’intérieur du bâtiment terne, il n’a pas trouvé les réponses qu’il espérait. Le père Assanios ne parle plus qu’avec la voix des hommes brisés. SAMUEL FOREY (Le Figaro) au Caire « Mon fils ! Où est passé mon fils ! » Les parents et amis des victimes n’ont pas trouvé de réponses à leurs questions à l’aéroport du Caire. © REUTERS. « Ils ne nous disent rien parce qu’ils ne savent rien. Ils offrent du réconfort, c’est tout » MERVAT MOUNIR

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t un attentat

* 3

Le Soir Vendredi 20 mai 2016

L’ACTU 3

ÉGYPTE

Le Caire

Mer Méditerranée

LE SOIR - 20.05.16Source : AFP

Dernier contact à 2 h 05

Crète

RhodesKarpathos

GRÈCE TURQUIE

Mer Egée

Mer Méditerran

tante, la République française a enoutre rarement failli dans ses sou-tiens dans le monde arabe pour desdictatures militaires ou policières(Algérie, Egypte, Tunisie…) quipourchassaient avec férocité lamouvance islamiste même lamoins extrémiste. Les plus ré-centes interventions de l’arméefrançaise dans les conflits au Mali,en Irak et en Syrie confirment cechoix. Et il ne manque pas de can-didats djihadistes au pays de Ma-rianne, des jeunes qui, excipant demotivations exacerbées, qu’ellesfussent de nature identitaire, poli-tique et/ou religieuse, les poussentà commettre l’irréparable ou à serendre complices de ceux qui fran-chissent le pas du terrorisme. ■

BAUDOUIN LOOS

bles

PARISDE NOTRE ENVOYÉE PERMANENTE

A ucune hypothèse n’est écartée. Aucunepiste n’est privilégiée. Lorsque nous au-

rons la vérité, nous devrons en tirer toutesles conclusions, que ce soit un accident ouune autre hypothèse que chacun a à l’esprit,peut-être une hypothèse terroriste. »Quelques heures après la disparition del’Airbus A320 d’Egypt Air, François Hol-lande s’est voulu prudent. Rien n’indiqueencore que l’avion ait été abattu. Mais de-puis janvier 2015, date de la première vagued’attentats contre Charlie Hebdo et l’HyperCasher de la porte de Vincennes, puis les at-tentats du 13 novembre dernier à Paris etSaint-Denis, le scénario du pire vient immé-diatement à l’esprit.

En réunissant une cellule de crise à l’Ely-sée moins de trois heures après avoir étéaverti de la disparition du vol MS-804, leprésident n’a d’ailleurs pas seulement faitappel aux ministres en charge des Trans-ports et des Affaires étrangères. C’est aussiavec celui de l’Intérieur et celui de la Dé-fense qu’il a voulu faire le point. Commeaprès les précédentes attaques terroristes.

Un signe ?Si l’hypothèse de l’attentat se confirme,

une question viendrait immédiatement àl’esprit : où l’engin explosif aurait-il été placédans l’avion ? Les escales de l’appareil dansles heures qui ont précédé son décollage deParis Charles De Gaulle mercredi soir à23h20 vont être soigneusement étudiées. Ils’est posé à Tunis, à Asmara (en Erythrée)ainsi qu’à Bruxelles. Mais le spectre d’unefaille dans la sécurité à Roissy reviendraitimmédiatement aussi hanter les esprits.

Des salariés radicalisés privés de badgeL’an dernier, plusieurs dizaines de salariés

de l’aéroport ont été privés de badge d’accèsà la zone sécurisée pour cause de radicalisa-tion. Dont cinq après les attentats du 13 no-vembre. Du prosélytisme suspect ? Passeulement. Les comportements privés sontaussi en cause. L’un, imam à ses heures, li-vrait des prêches violents. Un autre s’étaitrendu au Yémen durant ses vacances, où ilavait fréquenté une école coranique. Untroisième possédait des armes. Un qua-trième tenait des propos antisémites sur leweb.

L’aéroport de Paris est le premier em-ployeur en Seine-Saint-Denis. Après les at-tentats de novembre, le préfet délégué pourla sécurité et la sûreté des aéroports avaitannoncé un renforcement des contrôles vis-à-vis du personnel. Les 86.000 autorisationsde travail seraient revues. Et les cartes d’ac-cès des 5.000 personnes affectées à la sécu-rité, au premier chef. « Il faut vérifier ce queces personnes ont pu faire depuis leur habili-tation », avait prévenu le préfet. Cescontrôles se feraient en lien direct avec laDGSI, les services de renseignement. Tousles comportements suspects seraient relevés.Notamment le refus de certains hommes detravailler avec des femmes ou de leur serrerla main. « Ces personnes n’ont rien à fairedans la zone sécurisée », avait indiqué le pré-fet en novembre dernier. Les casiers des per-sonnels seraient également fouillés pour ydétecter d’éventuels objets suspects.

Les signalements remontent directementau préfet, lui-même en lien direct avec leprocureur. Pour disposer du sésame, les pos-tulants à un emploi à Roissy doivent aujour-d’hui satisfaire au total à trois enquêtes :l’une lors de leur formation, une autre lorsde leur recrutement et la troisième lors de ladélivrance du badge, valable trois ans.

Mais la sécurité a-t-elle été suffisammentrenforcée ? Selon les experts français, l’aéro-port de Roissy, qui scanne aussi tous les ba-gages, est tout simplement l’un des plus sûrsdu monde. Sans compter que les patrouillesy ont encore été renforcées depuis les atten-tats de Bruxelles, certaines avec des chiens.« Si une bombe a été placée là, ce serait toutsimplement hallucinant », selon le spécia-liste aéronautique Xavier Tytelmann. Maistous conviennent dans le même temps quela sécurité absolue n’existe pas…

La question pourrait très vite ressurgir sil’affaire s’oriente vers la piste terroriste. Avecune mise en cause de l’état d’urgence, àquelques semaines de l’Euro de football…

Parallèlement à l’enquête technique quelivrera le Bureau d’enquête et analyse (BEA)en collaboration avec les Égyptiens, le par-quet de Paris a ouvert sa propre enquête ju-diciaire. ■

JOËLLE MESKENS

en France Des failles de sécurité à Roissy ?

Jean-Marc Ayrault, ministre français des Affaires étrangères, a rencontré des prochesdes passagers de l’avion à l’hôtel Mercure qui jouxte l’aéroport. © EPA.

LE CAIRECORRESPONDANCE

C ertains s’accrochent encore.À un espoir ténu, à l’idée

d’un miracle. Mervat Mounir,foulard rose, yeux humides, sortdes bureaux des services à bordd’Egypt Air. Bâtiment terne,peinture écaillée et aux fenêtres,des barreaux. Elle est venuetrouver des réponses. Une nuéede curieux et de journalistes l’en-toure, elle se protège, protège saparente éplorée, puis fait face :« Yasmin était dans l’avion. Ladernière fois que je l’ai vue,c’était lors de son mariage, il y asept mois. Elle avait 27 ans. Ellefaisait partie du personnel navi-gant, comme son mari, avec le-quel elle voyageait. »

Mervat Mounir, la quaran-

taine, n’a pas trouvé les réponsesqu’elle cherchait. « Ils ne nousdisent rien. C’est parce qu’ils nesavent rien. Ils offrent un peu deréconfort. C’est tout. On va allers’installer à l’hôtel Le Passage.Peut-être que nous aurons plusde nouvelles. » L’hôtel voisinel’aéroport. Il est réservé aux fa-milles qui souhaitent un peu derepos. Elle s’échappe.

À côté, sous un tamaris enfleurs, Khaled el-Gamil regardeMervat s’éloigner. « Je ne saispas si c’est un accident, ou du ter-rorisme, mais un avion ne tombepas comme une pierre à caused’un simple incident technique.Ils viennent tout juste de trouverles premiers débris au large de laCrète. Je suis pessimiste », ditl’homme, chef de cabine chez

EgyptAir, qui connaissaitquelques membres d’équipage. Ilest venu pour aider comme ilpouvait. Plutôt ici, dans l’air unpeu allégé après la fournaise desderniers jours, que chez lui, de-vant l’écran. En simple polo, ilaccueille les employés et les fa-milles, dit quelques mots, et lesoriente vers la cellule d’accueil.

Le président Abdel Fattah al-Sissi a reçu un appel de FrançoisHollande. Il a réuni le Conseil desécurité nationale. Lancé unecollaboration avec les Grecs etles Français à la recherche desdébris. Son ministre de l’Avia-tion civile, Chérif Fathi, exécutelors d’une conférence de presseun exercice qui tient du funam-bulisme. Il ne veut pas parler decrash – « tant que les débris n’ontpas été retrouvés, je maintien-drai que l’avion a disparu » –mais lâche une révélationcomme on laisse tomber uneconfidence : « Compte tenu deséléments que nous avons, il s’agitvraisemblablement plus d’uneattaque terroriste que d’un inci-dent technique. » Attitude excep-tionnelle, inhabituelle, de la partd’un représentant des autoritéségyptiennes, lesquelles ont niépendant quatre mois, contre lemonde entier, l’évidence de l’at-tentat qui a abouti, le 31 octobredernier, au crash de l’avion russedans le Sinaï, avec 224 per-sonnes à bord.

Un clan arrive. Des hommes,une dizaine. Ils portent delongues tuniques, de lourdes

écharpes de laine et, pour lesplus âgés, des turbans. Ilsviennent de Haute-Égypte, d’unpetit village à côté d’Assiout.L’un d’entre eux tonne commeun feu roulant, à mesure qu’ils’approche du bâtiment terne àla peinture écaillée : « Mon fils !Où est passé mon fils ! J’attendsde ce gouvernement qu’il donnedes réponses ! » Il répète cettephrase, encouragé par son clan.Devant lui, tout le monde s’ef-face. Le bâtiment terne, à lapeinture écaillée, semble plusterne encore. Il avale leshommes de Haute-Égypte. Lavoix tonne encore, puis disparaît.

Un autre en sort. Il vient ausside Haute-Égypte, mais il estcopte. C’est le père Assanios. Ilest venu à la recherche d’AmgadAdib, 47 ans, « pour moi commeun fils, comme un frère. Il était àParis pour les affaires. C’est unjour sombre, c’est un jour triste »,se lamente le prêtre en noir, à labarbe de sel. Il a lui aussi la voixtonnante du chef de clan deHaute-Égypte – il l’avait. Mais, àl’intérieur du bâtiment terne, iln’a pas trouvé les réponses qu’ilespérait. Le père Assanios neparle plus qu’avec la voix deshommes brisés. ■

SAMUEL FOREY (Le Figaro)

au Caire « Mon fils ! Où est passé mon fils ! »

Les parents et amis des victimes n’ont pas trouvé de réponses à leurs questions à l’aéroport du Caire.© REUTERS.

« Ils ne nous disent rienparce qu’ils ne savent rien.Ils offrent du réconfort,c’est tout » MERVAT MOUNIR