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Revue de Géographie de l’Université de Ouagadougou, N°002 – Septembre 2013 77
LE PLATEAU DE THIÈS : COMPRENDRE LA FONCTION ET
LA DYNAMIQUE ACTUELLE POUR UN AMÉNAGEMENT
DURABLE
SY Boubou Aldiouma (email: [email protected])
KABO Raymond (email : [email protected])
Université Gaston Berger de Saint-Louis,
Laboratoire Leïdi « Dynamiques des territoires et développement »
UFR de Lettres et Sciences Humaines,
RESUME
L’organisation du relief sur le Plateau de Thiès explique la présence d’un
réseau hydrographique dense constitué de cours d’eau temporaires à écoulements
torrentiels.
Les unités d’écoulement, qui s’organisent à partir de la ligne culminante de
la zone orientée nord-sud, coulent dans différentes directions et définissent par le
réseau hydrographique différents sous-écosystèmes : Fandène, Mont-Roland,
Kissane-Somone, qui se caractérisent par leurs richesses en ressources
hydrogéologiques et édaphiques. Ils influencent des zones éco-géographiques
stratégiques du Sénégal (les Niayes, le bassin arachidier et la Petite Côte) par la
recharge des nappes et par l’épandage de particules fines provenant de la dégradation
d’une roche mère du type latéritoïdes phosphaté.
Cependant ces fonctions très reconnues au plateau de Thiès sont
bouleversées par les cycles de sécheresses persistantes dans tout le Sahel. Elles se
manifestent par une mutation de la dynamique environnementale du plateau,
justifiant la réduction de l’infiltration des eaux de ruissellement ; cela se répercute
sur la recharge des nappes. La prédominance de l’érosion hydrique et éolienne sur
les sols latéritiques et durs, dépourvus de végétation, accélère le ravinement et
favorise la dégradation de la structure des sols arables.
Cette tendance doit justifier l’élaboration d’actions maitrisées pour un
aménagement durable du plateau, afin de lutter plus efficacement contre la nouvelle
dynamique marquée par l’érosion, la recharge insuffisante des nappes et
l’accumulation de débits solides dans les bas- fonds.
Mots clés : nappe phréatique, aménagement antiérosif, environnement,
hydrographie, Plateau de Thiès, Sénégal.
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ABSTRACT
THE PLATEAU OF THIÈS: UNDERSTANDING THE FUNCTION AND THE CURRENT
DYNAMICS FOR SUSTAINABLE DEVELOPMENT
The organization of the relief on the Plateau of Thiès enlightens the presence of a
dense hydrographic network of temporary torrential-flowed watercourses.
The flowing units, which are organized on the culminating line of the north-south
area, flow in different directions and define, through the hydrographic network,
different sub- ecosystems: Fandène, Mont Roland, Kissane-Somone which are
distinguished by the high quality of hydrogeological and soil resources. They
influence strategic eco-geographical zones in Senegal (the Niayes, the Groundnut
Basin and the Petite Côte) by means of a groundwater recharge and spreading fine
particles from the degradation of a latéritoЇde-phosphated rock.
However, these highly recognized functions of the plateau of Thiès are disrupted by
cycles of persistent droughts in the Sahel. They manifest themselves through a
mutation of the environmental dynamics of the plateau, which justifies the reduction
of infiltration of runoffs and this phenomenon affects the groundwater recharge. The
dominance of water and wind erosion on lateritic and hard soils, devoid of
vegetation, accelerates the ravine and strengthens the degradation of the structure of
the arable land.
This trend has to justify the development of well-understood actions for a
sustainable management of the plateau to fight more effectively against the new
dynamics that are marked by erosion, insufficient recharge and the accumulation of
sediment discharge in the shallow places.
Key words: groundwater, erosion control, environment, hydrography, Plateau of
Thiès, Senegal.
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INTRODUCTION
Le plateau de Thiès se situe à l’ouest du Sénégal, dans le bassin
sédimentaire sénégalo-mauritanien sur un substratum constitué de dépôts du
Crétacé et du Tertiaire. Il est à cheval sur les régions administratives de Thiès
et de Dakar, couvrant une superficie de 2 161,64 km². Il abrite dix
communautés rurales et trois communes : Pour, Thiès et Nguékhokh (SÈNE,
2009) (figure 1).
Figure 1 : Localisation du plateau de Thiès dans l’Ouest du Sénégal
Source : KABO, 2012
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L’importance stratégique du plateau de Thiès relève de facteurs
naturels. C’est le seul ensemble surélevé de la région, qui influence de par son
réseau hydrographique des zones hautement stratégiques du Sénégal : la zone
des Niayes (principale région agro-économique en voie d’urbanisation
accélérée et qui voit se développer des activités de maraîchage et
d’arboriculture fruitière), la Petite Côte et le bassin arachidier.
La zone du plateau a subi plusieurs crises tectoniques datées de
l’Éocène. Les premières secousses, qui remontent à l’Yprésien, il y a 56
millions d’années, ont généré une faille de direction nord-sud, soulevant le
Horst de Ndiass. La seconde, survenue au Lutétien, il y a 47,8 millions
d’années, a joué en faveur de l’effondrement actuel constitué par la
combinaison Somone-Tamna et le soulèvement progressif du plateau de Thiès
(figure 2).
Figure 2 : Coupe géomorphologique de la région du Cap Vert
Source : MUDRY et TRAVI, 1992
La spécificité des unités géomorphologiques marque son empreinte
dans l’organisation du réseau hydrographique, déterminant le sens et
l’intensité des écoulements. L’espace du plateau est délimité en fonction des
ramifications de son réseau hydrographique, qui se caractérise par un
ensemble de cours d’eau intermittents, avec des écoulements observés durant
les événements pluvieux importants.
En sus d’un réseau hydrographique dense, la configuration géologique
et la tectonique (linéaments de champs de failles) du plateau joue un rôle
déterminant dans la recharge de la nappe phréatique du plateau lui-même et
dans d’autres régions, formant « le château d’eau du Centre-Ouest
sénégalais ». Une grande partie de l’eau consommée à Dakar et dans ses
environs provient du plateau de Thiès, qui régule la remontée des eaux salées
et les écosystèmes côtiers. Cependant, les cycles de sécheresses persistantes
depuis les années 1970, expliquent les problèmes environnementaux dont les
conséquences se traduisent in situ par la diminution des ressources hydriques,
perturbant l’accès des populations à l’eau potable.
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La baisse de la pluviométrie entraîne un déficit des eaux de surface, un
faible taux d’infiltration. Cela se répercute fortement sur les activités
productives villageoises et le taux du couvert végétal (MICHEL et SALL,
1983). Or, la végétation joue le rôle d’une véritable éponge. Sa disparition
diminue considérablement le taux d’infiltration. Les sols latéritiques se
durcissent. L’eau ruisselle abondamment et plus vite sur la cuirasse
squelettique, aggravant l’érosion différentielle.
L’ampleur de la dégradation des ressources hydriques, du couvert
végétal et des sols, explique les nombreuses interventions des ONG, des
projets de développement, des structures étatiques et des instituts de
recherche. L’essentiel des projets portent sur la restauration et la protection
des milieux naturels dégradés et sur l’amélioration de la productivité des
terres. Face au niveau de dégradation de l’environnement, cet article étudie la
fonction du plateau de Thiès, la compréhension de la dynamique actuelle pour
mieux appréhender les choix d’aménagement afin de lutter plus efficacement
contre les contraintes. Pour atteindre cet objectif, la méthodologie suivante a
été adoptée.
2. METHODOLOGIE
La méthodologie comprend l’exploitation documentaire, les activités
de terrain, l’analyse et le traitement des données.
La recherche documentaire a permis de présenter une vue d’ensemble
des caractéristiques du plateau de Thiès, des bassins de Mont-Rolland et de
Kissane. Elle s’est faite dans divers centres de documentation et bibliothèques
universitaires et sur internet.
La phase de terrain a permis l’exploitation des guides d’entretien à
questions ouvertes portant sur les thèmes relatifs à la limite de la zone
d’étude, à la perception par rapport aux potentialités et aux fonctions
multiples du plateau, aux caractéristiques historiques et actuels de l’évolution
de la zone, aux changements observés, aux usages des ressources naturelles,
aux aménagements et stratégies de gestion des ressources naturelles, aux
actions réalisées ou en cours de réalisation. Ces questions ont été administrées
aux responsables de structures intervenant dans la zone : Environnement
Développement du Tiers-monde / Groupe – Recherche – Appui – Initiatives -
Mutualistes (ENDA/GRAIM), Association pour le Développement des
Technologies et la Gestion de l’Espace et des Ressources des Terroirs (ADT-
GERT), Conseil régional, Direction du Génie Rural/des Bassins de Rétention
et des Lacs Artificiels (DGR/BRLA), Inspection Régionale des Eaux et Forêts
(IREF), Plan international, Direction de l’Hydraulique Rurale (DHR),
Direction de la Gestion et de la Planification des Ressources en Eau
(DGPRE) et personnes ressources des villages cibles.
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Le traitement des données hydrométriques et l’élaboration des
graphiques associés à une approche cartographique pour la spatialisation de
l’information recueillie sur le terrain ont été nécessaires dans la production
des résultats.
3. LES RESULTATS
3.1. Le plateau de Thiès, un milieu éco-géographique stratégique
La fonction du plateau de Thiès dans la recharge des nappes du
Sénégal est essentielle. Le premier repère est le réseau hydrographique dont
la densité importante favorise la mise en place de nombreux cours d’eau et de
mares. Le deuxième repère est la configuration des bassins versants, qui
renseigne sur les directions de l’écoulement. Le réseau hydrographique
apparait particulièrement ramifié en raison des fortes pentes : IG m/km de
Somone 3,82 ; Fandène 2,61 ; Notto Diobass 2,46 (SARR, 2007). Les eaux de
ruissellement qui partent de la crête, la ligne culminante de la zone, coulent
dans différentes directions et définissent par le réseau hydrographique
constitué de cours d’eau temporaires, les différents grands ensembles et les
types d’influence.
Figure 3. Présentation bassin versant de la Somone
Source : KABO, 2004
Les aménagements humains (routes, barrages) freinent les eaux de
ruissellement, contraignant une partie à l’infiltration. L’importance du réseau
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hydrographique, avec la présence de nombreux marigots et mares temporaires
(Diobass, Somone, Thiédane, Wékhé, Némenka), combinée à la situation
géologique de la région, sont à l’origine de l’existence de différents systèmes
d’aquifères : le Quaternaire à 50 m, le Paléocène entre 30 et 120 m, l’Éocène
entre 100 et 140 m, le Maestrichtien à 350 m (figure 4).
Figure 4: Les unités géomorphologiques du plateau de Thiès
Source : KABO, 2012
La nappe superficielle est essentiellement alimentée par ruissellement,
à partir du plateau. Elle est conservée dans les épaisseurs de sable quaternaire
et présente une profondeur variable selon les saisons. Se situant à moins de
5m de la surface pendant la saison des pluies (juillet, août, septembre), elle
baisse considérablement durant la saison sèche (octobre à juillet).
Au plan hydrogéologique, les sources sont rattachées aux couches
profondes du Paléocène et du Maestrichtien, d’une part, et aux couches peu
profondes du Quaternaire et de la nappe détritique à texture poreuse du
Continental terminal, d’autre part. La nappe du Paléocène est formée
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essentiellement de calcaires, d’argiles et de sables calcaires. Elle se localise
au sud de Thiès et dans la presqu'île du Cap-Vert. Elle fournit de l’eau à une
vaste proportion de la région de Thiès. En sus des eaux d’infiltration
verticale, elle alimente latéralement, à partir de la falaise de Thiès, les nappes
de Fadiouth, les arrondissements de Fimela, de Tattaguine, de Niakhar et le
département de Fatick. Les prélèvements sont estimés à 20 millions de m3
avec des pertes constatées dans la Petite Côte, se déversant dans l’océan
Atlantique. L’épaisseur varie de 30 à 120 m (NGOM, 2003).
La nappe du Maestrichtien est la plus profonde des aquifères
répertoriés dans la zone. Sa lithologie est essentiellement constituée de
matériaux argileux et calcaires. Sa perméabilité est en général bonne. Les
réserves de cette nappe sont estimées à 40 milliards de m³, permettant dans
certains endroits, des exploitations à grand débit à de grandes profondeurs
(350 m). Elle se localise sous le « Horst de Ndiass » et fournit de l’eau
potable aux populations de Kirène, Saly, Nguékhokh et Somone, à une partie
de la zone des Niayes et à la vallée du Saloum où sa puissance varie de 150 à
450 m. C’est une nappe de toute première importance à laquelle on associe
des couches peu profondes du Quaternaire et du Continental terminal.
La nappe du Quaternaire est une couche d’un réservoir important ; elle
est à 50 m et son niveau statique se situe entre 1,6 m dans la communauté
rurale de Diender Guedj et 30,66 m dans le secteur de Pout. Elle fournit de
l’eau de consommation à la région de Dakar. La nappe détritique du
Continental terminal est composée de sable et de grès. Ses sédiments, datés
du Miopliocène, ont une épaisseur d’environ 40 m, et un niveau statique à 2,2
m (DIALLO, 2012). Elle fournit de l’eau à tout l’espace du plateau et sa zone
d’influence : le plateau de Thiès constitue un enjeu économique et écologique
pour le Sénégal.
3.2. L’épandage des particules fines et des engrais chimiques dans les
secteurs déprimés
La zone des massifs de Thiès rompt avec la monotonie d’un relief
généralement plat sur la presque totalité de la partie allant du Centre à l’Ouest
du territoire sénégalais. L’histoire géologique et géomorphologique explique
la multiplicité des formations pédologiques sensibles à l’érosion. L’existence
de ce type de relief est favorable au décapage de particules fines sur les
collines affilées du plateau, de la falaise et des buttes témoins du Horst de
Ndiass.
En effet l’évolution des formations géologiques de la zone a été
marquée par la latérisation, qui est une transformation du sol en latérite par un
lessivage de la silice, un processus plus complexe remontant aux phases
humides du Quaternaire, suivi du ravinement des massifs ainsi que le
comblement par les éboulis et l’inondation des bas-fonds. Cela a entraîné une
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diversité de formations pédologiques favorables au développement de
l’agriculture.
Le caractère torrentiel des pluies de début d’hivernage est à l’origine
de l’exportation de particules fines de chaux, de phosphates, de calcaires, de
grès, de latérites et d’argiles transportées par ruissellement au pied de la
falaise de Thiès. Ces particules fines hébergent du phosphate de chaux hérité
des transgressions marines, un engrais chimique naturel, qui est exploité par
les industries minières de la zone. Cette roche améliore l’aptitude culturale
des sols et assure leur diversification.
- Les sols ferrugineux tropicaux peu ou pas lessivés (sols Diors)
proviennent des secteurs du plateau dont les horizons superficiels se
caractérisent par l’affleurement ou le sub-affleurement de la cuirasse et
des blocs de cuirasse. Ces horizons sont soumis à l’érosion hydrique ; ce
qui provoque le transport des particules vers les points bas, l’est et le nord
du plateau, dans le bassin arachidier (BONFILS, 1985 et 1987). Ces sols
ont une teneur en argiles de l’ordre de 2 %. Par contre, le sous-sol est
riche en phosphate et autres minerais, favorisant plus l’infiltration que le
ruissellement. Le pH varie entre 5,11 (pH eau) et 4,08 (pH kcl) pour
l’horizon A à 4,80 (pH eau) et 4,08 (pH kcl) pour l’horizon C. Ce type de
sol est favorable à la culture de l’arachide et du mil Souna1.
- Les sols bruns à engorgement temporaire ou sol Deck (argileux) sont
aussi appelés sols ferrugineux hydromorphes de texture sablo-argileuse.
Ces sols de bas-fonds proviennent du décapement des argiles, des marnes
et des sables du plateau ; ils sont transportés vers les zones de dépressions
où ils subissent un engorgement temporaire et partiel. Cela explique leur
concentration en argile (10 %). Les horizons de surface présentent des
fentes de retrait importantes et nombreuses. La couche de calcaire se situe
à 1,50 m de profondeur. Le pH mesuré varie de 6,09 (pH eau) à 5,35 (pH
kcl) en surface, de 7,65 (pH eau) à 6,13 (pH kcl) en profondeur. Le sol
Deck supporte la culture du maïs, du mil, le maraichage et l’arboriculture.
- Les sols hydromorphes du type Deck-Diors (argilo-sableux) sont
appelés ainsi car initialement ce sont des sols Deck (argileux) dont la
composition granulométrique a été modifiée par des apports sablo-
limoneux (échanges sédimentaires). Ces formations se retrouvent aussi
dans les bas-fonds, particulièrement le long des bordures du plateau de
Thiès, les Talwegs de Bandia, de Kissane, de Palam rock. Le pH mesuré
varie en moyenne de 6,20 (pH eau) à 5,12 (pH kcl) dans les horizons de
surface, de 6,30 (pH eau) à 5,08 (pH kcl) dans l’horizon C, qui se
1 ISRA = Institut de Recherche Agricole et CNRA = Centre National de Recherche
Agronomique (1990)
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caractérise par du sable de couleur rose pâle. Ils sont aussi utilisés pour le
maraîchage.
- Les sols sur cuirasse latéritique gréseuse ou calcaire démantelé se
caractérisent par la présence d’une cuirasse latéritique à faible
profondeur. Ils sont très sensibles à l’érosion en nappe et au ravinement
notamment dans les zones dénudées et à pentes fortes. Ils sont surtout
représentés sur le massif de Ndiass et la « falaise » de Thiès. Ce sont des
sols pauvres à stériles lorsque la cuirasse affleure.
3.3. Dynamique marquée par la diminution des ressources hydriques et
végétales
La diminution des ressources hydrologiques et hydrogéologiques dans
la zone est consécutive aux épisodes de sécheresse persistante depuis les
années 1970-1980 sur le plateau de Thiès. Les cycles de sécheresse entrainent
une baisse sensible des écoulements et du stockage des eaux de surface, une
diminution du couvert végétal (ruissellement important et infiltration faible)
et la dégradation de l’ensemble du réseau hydrographique exposé à
l’ensablement progressif par l’érosion hydrique (figure 5).
Figure 5: Évolution des moyennes pluviométriques de 1980 à 2010
Source : ANAMS2 (2012)
L’évolution pluviométrique observée de 1980 à 2010 laisse apparaître
une courbe en dents de scie. Elle traduit la fréquence des séquences sèches
depuis le début des années 1970, perdurant jusque dans les années 1990, pour
laisser la place à une série d’années pluvieuses à partir de 2000 où il apparaît
des déficits prononcés. Cette dégradation des conditions climatiques explique
en partie l’insuffisance des ressources en eau du plateau de Thiès, accentuée
par les multiples usages et par la dynamique de l’occupation du sol.
2Agence Nationale de la Météorologie du Sénégal (ANAMS)
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La baisse des totaux annuels a atteint un niveau qui ne permet plus
une recharge satisfaisante de la nappe : nappe des sables du littoral nord,
nappe du continental terminal, nappe de l’Éocène y compris celle du
Paléocène de Pout et du Maestrichtien qui affleure dans la zone de Ndiass. Il
s’y ajoute la surexploitation des nappes pour l’approvisionnement en eau
potable et industrielle (usine de concassage des roches calcaires des
cimenteries, usine d’extraction). La situation se traduit par un abaissement
rapide du plan d’eau et l’inaccessibilité des eaux souterraines. L’essentiel des
mares temporaires, points bas de la zone et lieu de convergence des eaux de
ruissellement, ont vu leur période de concentration des eaux diminuer,
passant de 6 mois à moins de 3 mois. La diminution de la période de
concentration des eaux étant due à une évaporation très forte des eaux de
surface libres, causée par une augmentation des températures notables sur tout
le Sahel (33,4°C de moyenne maximale de mars à novembre).
Les enquêtes révèlent que la plupart des mares temporaires du bassin
de Kissane, qui jouent le rôle de véritable réceptacle et favorisent l’infiltration
des eaux de ruissellement, se sont asséchées. Dans le bassin versant de Mont-
Rolland, le lac Tamna en tant qu’exutoire naturel de plusieurs bas-fonds s’est
asséché. Le lac Wangal, qui participe à la recharge des nappes des Niayes, ne
reçoit plus suffisamment d’eau pour la recharge de la nappe phréatique.
Le pouvoir évaporant de l’air est très marqué dans le secteur, du fait
de l’exposition des eaux de surface, soit 4,9 en m/m évaporation Piche de
moyenne annuelle (ANAMS, 2012). Cette perturbation affecte fortement les
nappes du Paléocène, de l’Éocène et du Maestrichtien, donc le potentiel
exploitable. La supplantation des puits par les forages est aussi un facteur
explicatif. Les études sur l’évolution piézométrique du Horst de Ndiass
révèlent nettement les effets de l’exploitation incontrôlée des nappes et de
l’évapotranspiration sur la baisse du niveau piézométrique. Ces études
permettent de faire une simulation sur le niveau piézométrique du Horst
(compartiment soulevé) sur 20 ans et sur 80 ans depuis 1971 (Tableau I).
Les simulations faites à partir du modèle MODFLOW3 ont permis à
NDIAYE (2006) d’estimer la diminution progressive de la nappe
Maestrichtienne à la verticale du dôme piézométrique du Horst de Ndiass. Le
profil piézométrique fait à la latitude 1 630 000 m UTM révèle qu’en 20 ans,
les sorties dues à l’évapotranspiration et aux pompages ont causé des
dommages très significatifs à la nappe et continueront jusqu’en 2051. La
baisse de la nappe a atteint 40 m ; les prévisions sont de l’ordre de 80 m d’ici
2051. Cette évolution est due à la recharge insuffisante et aux prélèvements
intensifs sur la ressource (figure 6).
3MODFLOW est un programme de simulation d’écoulement souterrain développé en Fortran
par Mc Donald et Harbaugh de l’US Geological Survey Service (USGS) en 1988
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Tableau 1 : Bilan de la nappe en transitoire après 20 ans et 82 ans
Termes du bilan 20 ans 82 ans
Entrées Sorties Entrées Sorties
Stockage (m3/j) + 636 707 + 144 797
Flux au niveau des limites
du système (m3/j) +2 605 341 + 2 877 774
Pompages (m3/j) - 156 220 - 156 220
Recharge (m3/j) + 26 073 + 26 073
Évapotranspiration (m3/j) -3 113 376 - 2 895 804
Total (m3/j) + 3 268 121 -3 269 596 + 3 048 644 - 3 052 024
Bilan (m3/j) - 1 475 -3 380
Source : NDIAYE, 2006
Figure 6 : L'origine de la baisse du niveau statique de la nappe phréatique
L’essentiel des personnes interrogées affirment que la baisse des eaux
de puits s’explique par la dégradation des conditions climatiques. La
sécheresse des années 1980 a causé des déficits hydriques très remarqués. Au
total, les déficits pluviométriques persistants et la surexploitation des
ressources à des fins industrielles ont entrainé des dommages considérables
aux nappes du Paléocène et du Maestrichtien.
3.3.1. La diminution du couvert végétal
La diminution du couvert végétal est consécutive à la sécheresse
climatique qui entraîne une dégradation des bilans hydriques et une
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évapotranspiration très prononcée ; les effets de stress hydrique sont
prononcés (PIÉRI, 1989, rapporté par GUÈYE, 2002) : les pressions
physiques et anthropiques renforcent les déséquilibres environnementaux sur
le plateau.
L’intense occupation des sols, suite à la croissance démographique et
à la recherche de terres arables conduit à l’adoption de pratiques aggravantes
(labour dans le sens de la pente, défrichements, feux de brousse,
surexploitation des produits forestiers ligneux, surpâturage, émondage abusif,
exploitation incontrôlée des mines et carrières) qui continuent de prévaloir
dans les terroirs villageois. La pratique continue d’une agriculture extensive
dans la zone qui correspond au bassin arachidier contribue considérablement
à la destruction des formations végétales forestières. Le processus de mise en
culture des sols remet en cause le processus d’utilisation rationnelle des terres
par la disparition de la jachère et du grenier de sécurité. Les effets combinés
du défrichement irrationnel des formations naturelles, des feux de brousse et
du surpâturage contribuent à la dégradation profonde d’un écosystème déjà
fragilisé par les cycles de sécheresse. Cette situation a des conséquences sur
la dynamique des ressources forestières et sur les ressources en sols
(DIATTA et MATTY, 1998), (photo 1).
Photo 1 : Exploitation des ressources du plateau
Source : KABO R., 2012
Les images indiquent une vue partielle de l’exploitation des ressources
ligneuses et/ou une agriculture peu maîtrisée le long des secteurs de pente,
accentuant la double pression physique et anthropique. Cette tendance
dégrade le couvert végétal, participe fortement à la réduction de l’infiltration
des eaux pluviales rechargeant la nappe phréatique du plateau. Les plantes
jouent le rôle d’éponge dans le processus de captage et d’infiltration des eaux
de pluie, faut-il le rappeler. Cette situation cause d’énormes conséquences
dont la plus remarquée est la baisse du niveau statique des puits. Ce qui
bouleverse complètement l’approvisionnement en eau des populations. Des
sources qui se trouvaient à la base de la falaise, depuis 1970, ont tari. La
Revue de Géographie de l’Université de Ouagadougou, N°002 – Septembre 2013 90
diminution du couvert végétal a accentué la vitesse de ruissellement des eaux
venant de la crête, aggravant le phénomène de l’érosion (ENDA, 2002;
ENDA GRAF, 1992 et 2005).
3.3.2. L’érosion hydrique et éolienne
L’érosion mécanique est le principal mécanisme de dégradation des
paysages du plateau. La destruction du couvert végétal est synonyme
d’élimination progressive des forces de frottement, exposant les sols à la
dégradation : érosion en nappe, effet splash et ruissellement accentué sur les
versants abrupts. Cela se traduit par un effet érosif maximal sur le sommet
des versants et une accumulation aux bas des versants.
Photos 2 : Glacis colluvial au pied du plateau de Thiès
Source : SY B. A., 2011
Au fur et à mesure qu’on descend du plateau (photos 3), la
granulométrie s’affine (image de droite, photo 2). L’image de gauche traduit
nettement une alternance de couches tantôt argileuses, tantôt lardées de galets
aux coins arrondis à sub-ovoïdes. Cela traduit des indicateurs de l’intensité
saisonnière des écoulements de surface ; les couches d’argiles sont
indicatrices de déficits hydriques avec de faibles intensités dans le transport
des débits solides, permettant des dépôts fins. Par contre, la présence
significative des galets dans les niveaux traduit des écoulements torrentiels,
n’autorisant pas le dépôt des fractions fines : l’observation fine de la coupe
révèle quatre épisodes secs. L’estimation de la quantité de sol érodé par
année, s’appuie sur les études de ROOSE (1967) reprises par NDOUR
(2001), (tableau 2).
Tableau 2 : Indicateurs d'érosion dans le bassin arachidier Pente Érosion moyenne (t/ha/an) Ruissellement moyen annuel
1,25 % 5 16 %
1,5 % 8,6 22 %
2 % 12 30 %
Source : ROOSE, 1967
Revue de Géographie de l’Université de Ouagadougou, N°002 – Septembre 2013 91
L’érosion mesurée sous simulateur de pluie dans le bassin arachidier a
permis de calibrer un modèle à titre indicatif (tableau 2). L’érosion s’accentue
en fonction de la valeur des pentes : Fandène (pente évaluée à 8,07 %),
Somone (pente évaluée à 4,36 %), Diobass (pente évaluée à 6,24 %), (SARR,
2007). Ces valeurs ont permis d’estimer la quantité de terres érodées dans le
plateau, soit de 50 à 200 tonnes/ha/an (FAYE, 2012).
Les particules érodées sont en transit en direction des Niayes et de la
Petite Côte, contribuant considérablement à l’entretien du potentiel de fertilité
des espaces maraîchers et horticoles de la communauté rurale de Sangalkam,
qui dispose de quelques 13 650 hectares de terres cultivables, soit 70 % de la
superficie totale de la collectivité locale. Ces terres sont riches, variées,
faciles à travailler ; elles supportent plusieurs spéculations : cultures
céréalières à horticoles notamment (figure 7).
Le secteur de Sangalkam se situe à l’ouest, en position déprimée par
rapport au plateau de Thiès, espace assimilable à la dépression de la cuesta
que forme le même plateau; il reçoit les débits solides mobilisés sur le front
du relief d’érosion à corniche ; la dynamique est accumulative. Les
caractéristiques physico-chimiques des sols sont héritées de la roche mère : la
cuirasse latéritoЇde phosphatée du revers et du front de la cuesta. Les
quelques reliques de biomasse sont souvent emportées par la force des
torrents qui déracinent les arbres. Les faibles taux de couverture végétale et
l’effet cinétique de la pente accentuent l’efficacité de l’érosion.
Revue de Géographie de l’Université de Ouagadougou, N°002 – Septembre 2013 92
Figure 7 : Occupation des sols du secteur de Sangalkam
Source : KABO, 2012
En plus de l’effet splash, l’érosion linéaire et le ravinement sont
observés : érosion régressive. Pendant la saison des pluies, le ruissellement se
manifeste par son caractère spectaculaire vu l’ampleur des déplacements qu’il
occasionne à travers le glissement, la solifluxion, le ravinement. Il se forme
d’abord des « griffes » sur le sol, puis des rigoles qui peuvent évoluer
rapidement en ravines suivant la résistance des horizons superficiels face à
l’action de l’eau (sols argileux) ou selon la sensibilité topologique
(prolongement d’une piste, dépression dans le sens de la pente), (photo 3).
Revue de Géographie de l’Université de Ouagadougou, N°002 – Septembre 2013 93
Photo 3 : Vue partielle du réseau de ravins sur le front de la cuesta de Thiès
Source : SY B. A., 2011
Ce réseau témoigne de la puissance cinétique des eaux de
ruissellement qui ne rencontrent aucun obstacle naturel en particulier la
végétation. Les rigoles se transforment très rapidement en ravines
susceptibles de mettre au jour des niveaux stratigraphiques ; les images
montrent une couche sommitale dure de cuirasses ferrugineuses reposant sur
une argile feuilletée à attapulgite. Le réseau de ravins est observé au sein des
formations pédologiques plus élaborées, constituant ainsi des obstacles
physiques à l’exploitation des champs. En l’absence d’obstacles, l’eau y
gagne en énergie ; elle arrache plus facilement le sol en augmentant la taille
de la ravine, transportant de grandes quantités de terres avec une vitesse
importante. Le réseau hydrographique se transforme rapidement en réseau de
ravines ; certaines atteignent 10 m de large et 3 m de profondeur.
La force de progression de l’eau peut ainsi causer de graves dégâts
aux habitations (souvent construits en banco dans le milieu rural) et aux
routes en terre qui deviennent impraticables. Ce mécanisme est à l’origine du
décapage et du transport de matières solides provenant des collines de
Kissane et de Mont-Rolland vers les zones basses : le lit de la Somone, du lac
Tamna et du Diobass. Cela pose le problème du comblement progressif du lit
des cours d’eau principaux, véritables zones agricoles du plateau. D’ailleurs
en 1990, des mesures ont montré un relèvement du sol de 30 cm dans les bas-
fonds. Cela peut constituer un handicap majeur aux techniques culturales. Il
apparait alors que cette dynamique a une fonction contradictoire : transport et
accumulation de particules fines, décapage et création de réseaux de ravins
souvent contraignant.
Les effets de la morphodynamique éolienne sont moins perceptibles
sur les paysages. Pourtant la diminution des forces de frottement, notamment
le taux du couvert végétal se traduit par la recrudescence des vents sur la
structure des sols latéritiques déjà fragilisés par l’effet des pluies à caractère
torrentiel des épisodes pluvieux. Le seuil critique des vents compétents est de
5 à 7 m/s ; ces intensités sont susceptibles d’occasionner des mouvements
Revue de Géographie de l’Université de Ouagadougou, N°002 – Septembre 2013 94
sédimentaires colmatant les bas-fonds. Sur le terrain, cette dégradation
mécanique est responsable en partie de la très faible aptitude agricole des sols
du plateau, subissant un appauvrissement en matières organiques et en
fractions fines, éléments structurant le potentiel de fertilité des sols.
3.3.3. Quel aménagement pour une utilisation durable des ressources
Pour faire face à la recharge insuffisante des nappes et de la
dégradation des terres, de nombreuses techniques de gestion des ressources
naturelles ont été testées : techniques de collecte des eaux de ruissellement
utilisées pour la réhabilitation de terres encroûtées et fortement dégradées.
Ces procédés sont plus connus sous le vocable de techniques de conservation
des eaux et des sols et de défense restauration de sol (CES/DRS) ou de
CES/AGF quand l’agroforesterie y est associée.
L’ensemble des projets orientés sur la CES et la DRS visent
l’amélioration des productions agricoles et la recharge des nappes pour
rétablir l’autosuffisance alimentaire des populations rurales par la restauration
des conditions biophysiques de production. Ces techniques ont permis la
maîtrise du ruissellement des eaux de surface ; elles assurent l’infiltration
d’une grande partie des eaux de pluie et la collecte de sédiments en transit. En
sus de diminuer la force cinétique des eaux de ruissellement, ces systèmes de
retenue d’eau collinaire favorisent la revitalisation des nappes souterraines
par l’infiltration et la lutte contre le ravinement4.
La réalisation de ces ouvrages est facilitée par l’existence in situ de
matériaux de construction : cuirasses latéritiques notamment, argiles,
granulats. Les sites antiérosifs favorisent un environnement justifiant
l’installation de la végétation naturelle, ce qui contribue au blocage des
particules arrachées de la crête (colmatage), en amont des diguettes ; cela
inverse la tendance érosive des rigoles. Les aménagements antiérosifs sont
aussi associés à des aménagements agro-forestiers, les plus connus sont la
mise en défens, la régénération naturelle assistée et la mise en bocage (sur
une surface de 48 ha/village) qui permettent eux aussi de rétablir et de
conserver la végétation dégradée (photos 4).
4 Ces stations servent de points temporaires importants à l’élevage du petit bétail
Revue de Géographie de l’Université de Ouagadougou, N°002 – Septembre 2013 95
Photo 4 : Vue partielle des ouvrages antiérosifs et rétention des eaux de
ruissellement à Mbissao
Source : ADT/GERT à Mbissao, Communauté rurale de Mont Rolland, 2012
La technique de maîtrise de la dynamique érosive consiste à détourner
les eaux de ruissellement vers la nappe et à contrôler le mouvement des
fractions fines en tant qu’éléments structurant la fertilité des terres agricoles.
Le plateau fonctionne alors comme un point de recherche, de production et de
diffusion de particules fines. Cette fonction est capitale pour le Sénégal en
général (santé du potentiel hydrogéologique), pour l’espace rural polarisé par
le plateau dans le domaine agricole et d’élevage de petits ruminants
notamment. Le tableau 3 résume l’état des ouvrages réalisés sur divers sites
de l’espace cible.
Tableau 3. Situation des ouvrages sur le plateau de Thiès5
Sites principaux BVKissane- Somone BV de Mont-Rolland
Kissane Birbirane Dakhar
Mbaye Ndeuye Fouloum
Système mécanique
Nombre de
cordons
286 - - - 120
Longueur en m 42 673 1000 m 1000 m 10 000 15 094
Nombre de ravins
traités
2 - - 10 -
Longueur en m 500 - - - -
Nombre de
croissants lunaires
23 60 50 40 5
Nombre de fosses 36 - - 50 17
5 Source ADT/GERT: Association pour le Développement des Technologies et la
Gestion de l’espace et des ressources des Terroirs. Document d’information de base
du projet de gestion des Écosystèmes Naturels et d’Aménagement des espaces
Dégradés (GENAED de Kissane)
Revue de Géographie de l’Université de Ouagadougou, N°002 – Septembre 2013 96
Sites principaux BVKissane- Somone BV de Mont-Rolland
Kissane Birbirane Dakhar
Mbaye Ndeuye Fouloum
Nombre de
tranchées à ciel
ouvert
6 - - - -
Longueur en m 160 - - 500 -
Nombre de seuils
ou micro barrages 33 - - - -
Nombre de Zaï 2 250 - - -
Système biologique
-Nombre de plants
plantés/
renforcement
-Longueur
renforcée en m
12 347 1200 1200 5 000 7 520
7 990 - - - 14 640
-Nombre plants
plantés sur bandes
boisées en
alignement
-Longueur en m
500 - - 1 000 -
1 000 - - - -
-Nombre de
fascines
-Longueur en m
7 - - - -
130 - - - -
Les innovations techniques et technologiques introduites dans le
plateau sont faciles à comprendre et à enseigner ; elles sont adaptées aux
réalités locales, applicables à grande échelle et à moyen terme : mise en place
de cordons pierreux, de pépinières forestières villageoises, de plantations, de
traitement des ravins, de confection de croissants lunaires, de fosses de
rétention ou d’infiltration des eaux, de mise en place de tranchées à ciel
ouvert, épousant le profil des courbes de niveau. L’essentiel des travaux de
DRS-CES sont logés sur le revers du plateau, le front, la dépression et sur le
massif de Ndiass où les altitudes dépassent parfois 100 m. Ces ensembles
géomorphologiques sont les plus touchés par l’érosion hydrique
CONCLUSION
Le plateau de Thiès est l’une des zones éco-géographiques les plus
riches en ressources naturelles au Sénégal. L’importance des écosystèmes et
des activités qui en dépendent explique l’intérêt que lui accordent les acteurs
de la société civile. L’influence hydrogéologique et agronomique qu’il exerce
sur les zones périphériques par la recharge de nappes et l’épandage des
particules fines de chaux, de phosphates et des calcaires (engrais naturel), lui
Revue de Géographie de l’Université de Ouagadougou, N°002 – Septembre 2013 97
vaut d’être considéré comme un enjeu économique stratégique pour le
Sénégal. Pour cette raison, l’espace du plateau doit être classé afin de lui faire
jouer pleinement son rôle de régulateur des ressources.
Cependant, les multiples cycles de sécheresse ont perturbé la stabilité
des ressources naturelles du plateau dont certaines sont vitales pour la
croissance économique et démographique : l’eau et la terre. Les conditions
climatiques défavorables des années 1970, 1980 et 1990 ont réduit les
ressources hydrogéologiques du plateau. Cette contrainte est perceptible par
les populations rurales. Les ressources édaphiques sont soumises aux effets de
l’érosion hydrique et éolienne mais aussi à la salinisation et au comblement
de l’essentiel des bas-fonds qui jouent le rôle de véritables support de
l’activité agricole. Cela traduit une perte significative de terres arables,
perturbant le développement agricole.
Beaucoup d’études soutiennent que la sécheresse et sa récurrence au
Sahel est le principal facteur de dégradation des paysages du plateau. Mais il
est aussi prouvé que le système d’exploitation de ses ressources n’est pas
optimal. Ces ressources sont sérieusement entamées par endroits et leur
exploitation a atteint le seuil critique. L’ampleur de la dégradation explique
les nombreuses interventions des ONG, des projets de développement, des
structures étatiques et des instituts de recherche, qui portent souvent leurs
actions sur la protection des milieux naturels et l’amélioration de la
productivité des terres.
Les phénomènes observés dans les différentes localités du plateau ont
leur source dans la crête. Les actions à mener dans les bassins versants ont
peu d’efficacité sans la prise en compte des phénomènes en amont et d’une
manière générale de l’ensemble de l’écosystème du plateau. Ceci pousse à
privilégier une intervention sur l’ensemble du plateau pour une multiplication
et une synergie des dynamiques de lutte contre la dégradation du plateau et de
sa zone d’influence.
Mais la plupart des actions entreprises se heurtent à un manque de
coordination et d’études poussées qui conduisent à des échecs répétitifs de
nombreux projets de gestion des ressources naturelles dans la zone. Avec la
décentralisation, la démultiplication du pouvoir devient effectif et la gestion
de l’environnement transférée aux communautés rurales. Le changement
d’échelle brusque dans la gestion des ressources perturbe leur gestion
collective. Il en a résulté une fragmentation de l’espace et un foisonnement
des initiatives de gestion des ressources naturelles (GRN), conduisant à une
concurrence entre ONG et partenaires sur le plateau. Chacun voulant montrer
son empreinte et son savoir-faire. Ce qui conduit aux manques de pertinence
dans les logiques d’intervention et traduit l’accélération de la détérioration de
l’environnement rural.
Revue de Géographie de l’Université de Ouagadougou, N°002 – Septembre 2013 98
D’où la nécessité de mobiliser les différents acteurs concernés afin de
mettre en place un cadre de concertation en vue de l’harmonisation et la
coordination des interventions sur le plateau de Thiès et sa zone d’influence.
Ce cadre de concertation doit jeter les bases d’une approche participative. Par
ailleurs, la prise de conscience collective d’une commune appartenance à un
même milieu et la ferme volonté de rester dans ce milieu et d’œuvrer à son
épanouissement sont des motifs d’implication de tous les acteurs et de
consolidation des acquis dans le secteur.
Au terme de cette analyse, on peut dire que le plateau de Thiès dispose
d’un potentiel énorme en ressources naturelles (hydrographique,
hydrogéologique et édaphique). L’importance de ce potentiel explique les
nombreuses interventions de GRN, pour lutter contre la dégradation : érosion
hydrique et éolienne, baisse du niveau piézométrique, réduction du couvert
végétal, etc.
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