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Revue de Géographie de l’Université de Ouagadougou, N°002 - Septembre 2013 123 PORT ET AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE EN CÔTE D’IVOIRE : BILAN ET PERSPECTIVES, À PARTIR DE SAN-PEDRO N’GUESSAN Atsé Alexis Bernard Institut de Géographie Tropicale Université Félix Houphouët Boigny Abidjan-Cocody Email : [email protected] RÉSUMÉ Le port est un puissant outil d’aménagement du territoire. Cette vérité bien perçue et appliquée par le colonisateur a été reprise par les autorités de la Côte d’Ivoire indépendante. Ainsi, après le port d’Abidjan ouvert en février 1951, le port de San-Pedro a vu le jour en 1972. Il était le point focal du projet ARSO, qui fut un ambitieux programme de développement de la région Sud-ouest de la Côte d’Ivoire, restée longtemps en marge du développement national. A partir de l’exemple du port de San-Pedro, cet article montre de façon pratique comment l’outil portuaire entraîne à sa suite l’aménagement de tout un espace, aussi vaste soit-il. A travers ce germe de changement « injecté » dans le Sud- ouest ivoirien, c’est toute une région, jadis fermée, qui a été profondément transformée aussi bien au plan naturel, humain qu’économique. Mots clés : aménagement, projet ARSO, Port, San-Pedro, Côte d’Ivoire ABSTRACT Port and planning in Côte d’Ivoire: results and prospects from port of San Pedro The port is a powerful territory development tool. That truth well perceived by the colonizer has been also used by the Ivorian authorities at the country independence. So, after the port of Abidjan built in February 1951, the port of San-Pedro was created in 1972. It was the focus point of ARSO project which was an ambitious program of development of the south-western region of Côte d’Ivoire, part of the country which remained for a long time out of the national development. From the example of San-Pedro port, that document shows in the practical way how the harbour tool can drag after him the setting of a complete space as bigger as it is. Through that germ of change "injected" in the south-west of Côte d’Ivoire, it’s a entire area closed in the past which has been now deeply changed, both in the natural, human and economic level. Key words: Development, ARSO project, Port, San-Pedro, Côte d’Ivoire

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Revue de Géographie de l’Université de Ouagadougou, N°002 - Septembre 2013 123

PORT ET AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE EN CÔTE

D’IVOIRE : BILAN ET PERSPECTIVES, À PARTIR DE

SAN-PEDRO

N’GUESSAN Atsé Alexis Bernard

Institut de Géographie Tropicale

Université Félix Houphouët Boigny

Abidjan-Cocody

Email : [email protected]

RÉSUMÉ

Le port est un puissant outil d’aménagement du territoire. Cette vérité bien

perçue et appliquée par le colonisateur a été reprise par les autorités de la Côte

d’Ivoire indépendante. Ainsi, après le port d’Abidjan ouvert en février 1951, le port

de San-Pedro a vu le jour en 1972. Il était le point focal du projet ARSO, qui fut un

ambitieux programme de développement de la région Sud-ouest de la Côte d’Ivoire,

restée longtemps en marge du développement national.

A partir de l’exemple du port de San-Pedro, cet article montre de façon

pratique comment l’outil portuaire entraîne à sa suite l’aménagement de tout un

espace, aussi vaste soit-il. A travers ce germe de changement « injecté » dans le Sud-

ouest ivoirien, c’est toute une région, jadis fermée, qui a été profondément

transformée aussi bien au plan naturel, humain qu’économique.

Mots clés : aménagement, projet ARSO, Port, San-Pedro, Côte d’Ivoire

ABSTRACT

Port and planning in Côte d’Ivoire: results and prospects from port of San Pedro

The port is a powerful territory development tool. That truth well perceived by the

colonizer has been also used by the Ivorian authorities at the country independence.

So, after the port of Abidjan built in February 1951, the port of San-Pedro was

created in 1972. It was the focus point of ARSO project which was an ambitious

program of development of the south-western region of Côte d’Ivoire, part of the

country which remained for a long time out of the national development.

From the example of San-Pedro port, that document shows in the practical way how

the harbour tool can drag after him the setting of a complete space as bigger as it is.

Through that germ of change "injected" in the south-west of Côte d’Ivoire, it’s a

entire area closed in the past which has been now deeply changed, both in the

natural, human and economic level.

Key words: Development, ARSO project, Port, San-Pedro, Côte d’Ivoire

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INTRODUCTION

L’aménagement du territoire désigne les actions menées en vue de

favoriser le développement des régions. Il porte sur la disposition spatiale des

hommes et des activités, et allie donc le développement économique,

l’habitat, les transports et autres infrastructures de communication.

Le Port est un endroit situé sur le littoral maritime et destiné à accueillir

des bateaux et des navires. Comment peut-t-il alors participer à

l’aménagement du territoire ? Cette interrogation principale peut être déclinée

ainsi : Quelles ont été les actions menées dans le cadre de l’aménagement de

la région Sud-Ouest avec l’ouverture du port? Quel bilan peut-on faire de ces

actions? Quelles perspectives de développement pour le port et la région Sud-

ouest aujourd’hui ?

Pour comprendre cette question, il existe, par rapport aux études de

géographie portuaire, trois espaces d’étude (Vigarié, 1974) : le port lui-même,

l’arrière-pays ou hinterland et l’avant-pays ou foreland.

L’aventure du port de San-Pedro commence par l’intérêt que le

président feu Félix Houphouët-Boigny porte à toute cette partie Sud-ouest de

la Côte d’Ivoire encore vierge, presque inhabitée avec quelques petits villages

et villes isolées. L’Etat va alors mener concomitamment deux opérations

complémentaires : l’AVB1 (avec la construction du barrage de Kossou) et

l’ARSO2 (avec la construction d’un port).

L’ARSO est une société de développement à compétence régionale

rattachée directement à la présidence de la république, créée par le décret n°

69-546 du 22 décembre 1969. Pour parvenir à ses fins, elle a mis en place un

programme de développement pour toute la région, en collaboration avec les

ministères et organismes d’Etat concernés. La somme de 200 milliards de

FCFA est octroyée pour l’aménagement de la ville.

La mise en œuvre de cet article a fait appel à plusieurs sources de

données :

- les thèses et autres mémoires réalisés sur la zone Sud-ouest, de la

bibliothèque de l’Institut de Géographie Tropicale (IGT) ont apporté

de nombreuses informations ;

- les archives et autres documents trouvés au port de San-Pedro au

cours de séjours effectués dans la localité en 2007, 2008 et 2010 ont

contribué significativement à réunir les données nécessaires ;

- l’outil Internet a été largement mis à contribution dans la recherche

d’informations ;

1 Aménagement de la vallée du Bandama 2 Autorité pour l’aménagement de la Région du Sud-ouest

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- les ressources virtuelles mises en ligne par divers sites ont été

exploitées ;

- les données primaires sont issues des échanges avec des interlocuteurs

divers (autorités administratives, portuaires, opérateurs économiques,

transporteurs, etc.)

Les données primaires et secondaires collectées ont fait l’objet de

traitement à l’aide de l’outil informatique à partir de logiciels spécifiques

(Word, Excel, ArcView). Ce traitement a abouti à des résultats sous forme de

synthèses, de tableaux, de graphiques et de cartes.

1. LES ACTIONS POSEES DANS L’AMENAGEMENT DU SUD-

OUEST

La stratégie adoptée par l’Etat ivoirien dans la politique d’aménagement

du territoire de la période 1971-1975 repose sur le développement régional à

travers la création des pôles nationaux de développement.

Le pôle de développement du Sud-Ouest s’est organisé autour du port

de San-Pedro dont la construction a été programmée dès la fin des années

1960 par l’étude des perspectives décennales. La création de cette zone de

développement visait d’une part à réaliser un équilibre entre l’Est et l’Ouest

forestier et, d’autre part, à assurer une meilleure mise en valeur des

potentialités de cette région. Pour ce faire, on a assisté au peuplement de la

région avec l’arrivée de migrants, à l’aménagement de périmètres agricoles et

d’infrastructures routières et à la construction de la ville nouvelle de San-

Pedro et son port.

1.1. Le peuplement de la région du Sud-ouest

Le Sud-ouest se présente dans les années soixante comme une sorte de

vide démographique. Ce vaste territoire, que limite à l’ouest, par le fleuve

Cavally, une frontière de 200 km avec le Libéria, s’ouvre au sud sur 300 km

de façade maritime sur l’océan Atlantique. Il couvre une superficie de 37 000

km², soit 11% du territoire national, pour une population qui ne compte

cependant guère plus de 120 000 individus, soit 2,5% de la population

ivoirienne en 1968 (Schwartz, 1993).

Le Sud-ouest est peu peuplé. Les sites habités sont dispersés et de très

petite taille. A cela s’ajoute l’extrême pauvreté des populations Kroumen dont

l’horizon économique est beaucoup plus maritime qu’agricole. Le revenu

annuel moyen par habitant est inférieur à 15 000 francs CFA (Tahoux, 1993).

L’arrivée massive de population dans le Sud-ouest a relancé la logique

de peuplement de la région. L’ARSO chargée de conduire l’action régionale,

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définit alors trois plateformes ou périmètres de peuplement pour réaliser cette

opération de recasement. On assiste dès lors à une nouvelle dynamique

1.2. De nouveaux paysages agraires et de nouvelles infrastructures

Les exploitants forestiers vont attaquer en premier le couvert végétal

dense, compte tenu de la présence de nombreuses essences de bois dans la

région. A l’aide de tronçonneuses, bulldozers et camions remorques, ils

abattent les arbres et transportent les billes à San-Pedro, soit directement pour

l’exportation en grumes, soit pour l’exportation en débités ou en ouvrages,

après une semi-transformation.

Les populations paysannes suivent les traces des premiers, mettant en

valeur les terres conquises sur le couvert forestier dense. Dans le même

temps, des structures agro-industrielles s’installent. Ainsi naissent

d’importants périmètres agricoles s’étendant sur des dizaines, voire des

centaines d’hectares. Les principales spéculations vouées à l’exportation par

le port de San-Pedro sont le café, le cacao, l’hévéa et le palmier à huile.

En ce qui concerne les infrastructures routières, on assiste à l’ouverture

de nouvelles voies, mettant en communication la région avec le reste du pays.

Cette zone jadis enclavée et difficilement accessible est alors arrimée au

réseau routier national. Cette politique a contribué aussi à désenclaver les

localités et à faciliter l’acheminement des productions vers les principaux

centres de collecte et vers le port.

1.3. La création d’une ville nouvelle et d’un port

Jadis, hameau d’une quarantaine d’habitants, San-Pedro va subir une

profonde transformation avec le projet ARSO. Le choix de développement de

la région Sud-Ouest opérée par l’Etat ivoirien s’appuie sur cette localité

comme pôle de développement.

Le site de la ville correspond à un triangle délimité par le fleuve San-

Pedro, la lagune Digboué et l’océan. Il s’agit d’une vaste zone lagunaire

entourée de collines. Il apparaît comme divisé en "compartiments"

urbanisables séparés par un système "lagunaire" plus ou moins remblayé.

2. BILAN DES ACTIONS D’AMENAGEMENT DE LA REGION SUD-

OUEST

Il concerne le peuplement où dominent les déplacements des

allochtones et des étrangers. De nouveaux périmètres agricoles (familiaux ou

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industriels) dominent le paysage. L’économie agricole de la région s’organise

autour du port, le pôle régional d’attraction.

2.1 Une nouvelle dynamique de peuplement

2.1.1. Le relogement des sinistrés du barrage de Kossou

Le transfert des sinistrés de Kossou, suite à l’ennoiement d’une vaste

zone rurale dans le centre du pays, a été fait dans des conditions spéciales

d’accueil avec l’aménagement des terroirs sur de vastes plateformes et la

création de nouveaux villages modernes dotés d’importantes réserves

forestières (Boignykro, Grobonou Dan, Do Sakasssou, Nonoua). C’est au

total plus de 4 000 personnes qui ont été accueillies dans les villages et le

périmètre P1bis, apprêtés par l’ARSO.

2.1.2 Le relogement des sinistrés du barrage de Buyo

Dans le cadre de la mise en eau du barrage, un programme de

relogement est conduit par l’ARSO. Les nouveaux villages ont été créés sur

le périmètre P3. On leur a donné le nom de V. On en dénombre 19, dont 14

au nord de Taï et 5 du côté d’Issia. Le programme des V a donné lieu à de

nombreuses polémiques, en raison des particularités de la conception et du

niveau d’équipement des logements. Les griefs faits à l’ARSO découlent de

la supériorité qualitative des équipements réalisés sur P1 bis. On trouve

injustes les faveurs accordées aux déplacés baoulé.

2.1.3 Le peuplement du périmètre P1

Ce périmètre qui fait l’objet d’un programme particulier concerne les

populations autochtones. Ici, l’ARSO ne construit pas de logements en faveur

des populations. Elle procède à des regroupements de villages pour en

faciliter la modernisation. Quatre villages sont concernés : Gabiadji,

Tokoranidi, Biahou et Dimoulé. Cette opération de regroupement et de

modernisation n’a pas véritablement modifié le paysage de l’habitat, du fait

de la faible participation des paysans au programme de construction de

maisons en dur. Ce sera l’une des causes des contestations dont l’action de

l’ARSO sera la cible, surtout de la part des intellectuels de la région qui

soutiennent que les moyens financiers importants dégagés par l’Etat ne

bénéficient pas, comme annoncé, à leurs parents.

A la suite du développement des programmes ARSO, Burkinabé et

Maliens venus nombreux d’abord comme ouvriers ou ravitailleurs en produits

de consommation de première nécessité, sont entrés dans un jeu autonome qui

a fini par faire d’eux, des acteurs de taille dans le processus de changement.

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Ces populations étaient attirées par cet eldorado, tant les activités

étaient prospères, surtout avec l’ouverture du port qui va davantage attirer des

personnes intéressées par les emplois saisonniers. Dans les faits, la création

du port s’est accompagnée de l’exploitation des forêts dans l’hinterland avec

la coupe de bois, la création de plantations de café et cacao, de palmier et

d’hévéa. La production, le conditionnement et l’exportation de ces produits

utilisent une main d’œuvre abondante.

Ce cosmopolitisme de la population se vérifie dans la figure n° 1 qui

donne la part des différents groupes ethniques dans la région administrative

du Bas-Sassandra, à la suite du recensement général de la population de 1998.

Figure n° 1 : Les différents groupes ethniques dans la région du Bas-

Sassandra en 1998

Source : RGPH, 1998

Dans cette région administrative, les étrangers dominent largement

(44%) suivis des Akan (31%) et des Krou dont les composantes autochtones

Kroumen et Bakwé sont en principe peu nombreuses sur le plan national.

L’importance numérique du groupe Akan hors de leur berceau traditionnel

provient de leur transfert au Sud-ouest par l’Autorité pour l’Aménagement de

la Vallée du Bandama (AVB.), lors de la mise en eau du barrage de Kossou.

La répartition plus équilibrée des autres groupes, confirme le statut de région

d’immigration qu’a été au milieu des années 1970, l’actuelle région du Bas-

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Sassandra. Les populations étrangères sont surtout constituées de pêcheurs

Fanti venus du Ghana, dans les "ports de pêche" de Sassandra et de San-

Pedro. Les autres originaires des pays de la CEDEAO (Burkinabè et Maliens)

travaillent dans les plantations du Sud-ouest en tant que propriétaires ou

manœuvres agricoles ou dans la ville de San-Pedro en tant qu’ouvriers au port

et dans les nombreuses scieries de la ville.

2.2 Aménagements de périmètres agricoles et d’infrastructures routières

2.2.1. La création de plantations villageoises

A la suite des exploitants forestiers, les populations déplacées et

réinstallées dans la région vont mettre en valeur les terres. Ce sont d’abord

des plantations de caféiers et de cacaoyers de toutes tailles, puis des

palmeraies et des plantations d’hévéas qui remplacent la forêt. On assiste dès

lors à la mise en place d’une économie de plantation qui va profondément

transformer l’économie de la région. A la fin de la première décennie de

l’indépendance, le revenu annuel moyen des paysans bété, bakwé et kroumen

était à peine supérieur à 15 000 FCFA. Grâce aux nombreux programmes

animés par l’ARSO et les grandes sociétés agricoles et forestières, à l’activité

de milliers de paysans infiltrés, les données ont changé. On estime

aujourd’hui ce revenu moyen à 60 000 FCFA, avec des variations

intercommunautaires importantes (Tahoux, 1993) :

- 40 000 FCFA chez les paysans autochtones et ;

- 100 000 FCFA chez les immigrés.

L’apparition de gros planteurs dans cette région est un autre signe du

changement. En 1980, l’économie de plantation bat son plein et enregistre des

résultats spectaculaires, surtout chez les immigrés car certains d’entre eux ont

jusqu’à 50 millions de FCFA sur leurs comptes d’épargne à la BNDA3.

La révolution cacaoyère et caféière dans le Sud-ouest s’est

accompagnée d’une exploitation des cultures vivrières. Ici, la participation

des migrants étrangers (burkinabé et maliens surtout) est déterminante.

L’activité féminine s’impose dans ce secteur, tant au niveau des cultures que

de la commercialisation des produits.

2.2.2. La création des plantations agro-industrielles

La richesse de la région attire également les industriels qui

interviennent dans le domaine agricole. On assiste alors à la création de vastes

plantations agro-industrielles prenant en compte les cultures de palmier à

3 Banque Nationale pour le Développement Agricole

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huile et d’hévéa. La création des plantations est accompagnée de celle

d’unités industrielles et de villages intégrés pour loger les employés. On peut

citer entre autres les opérations menées par la PALMINDUSTRIE4, la

SOGB5, la SAPH

6. Cette production des plantations agro-industrielles vient

renforcer les milliers de tonnes d’hévéa et de régimes de palme produites par

les paysans qui alimentent le trafic du port naissant, remplaçant ainsi peu à

peu les exportations de grumes.

L’exploitation des richesses du Sud-ouest a emporté une grande partie

du couvert forestier. Les aménagements agricoles effectués par les

populations se situent le long des axes routiers ouverts à cet effet.

2.2.3. L’ouverture des voies et le désenclavement de la région

C’est le préalable au développement de l’ensemble du programme

ARSO. La route en est l’instrument. Le bilan routier se présente de façon

modeste de 1969 à 1981 :

- les routes bitumées passent de 15 km en 1969 à 228 km en 1981,

- les routes en terre et les pistes, de 1579 km à 3107 km au cours de la

même période.

L’ARSO a directement participé à la construction de quelques

tronçons :

- San-Pedro- La Méné : 37,8 km ;

- La Méné- Pont Weygrand : 47,1 km ;

- San-Pedro- Néro : 34,5 km ;

- La Méné- Soubré : 93,8 km ;

- Soubré- Issia : 73,4 km.

Les deux derniers tronçons ont l’avantage particulier de mettre en

liaison la ville de San-Pedro avec les riches provinces bété de Soubré, d’Issia

et de Daloa. En créant environ 300 km de routes bitumées, l’ARSO apporte

une contribution notable à l’effort d’extension et d’amélioration des voies de

desserte de cette région pleine de potentialités.

2.3. La ville nouvelle de San-Pedro et le port

2.3.1 La ville de San-Pedro

La ville occupait en 2004 quelque 600 ha, dont 500 ha environ au cœur

de la zone alluviale entre le fleuve San-Pedro et la lagune Digboué (Bardo,

Séwéké, zones industrielles nord et sud, Sonouko) et une centaine d'hectares

4 Palmier et Cocotier et Industrialisation des Oléagineux et des corps gras. 5 Société des Caoutchoucs de Grand-Béréby 6 Société Africaine de Plantations d’Hévéa

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au sud, sur les collines de quartzite (Mohikakro, la Corniche, Balmer). Elle

est construite tout en longueur de part et d'autre de la route qui s'étire sur sept

km environ, du port à la colline du Musée. Les contraintes du site naturel de

San-Pedro ont ainsi conditionné la forme et l'organisation de la ville actuelle.

Démarrés en 1969, en même temps que ceux du port, les travaux

d’infrastructures urbaines dits de première tranche permettent de créer une

ville de 6000 habitants. Cependant, vu le nombre sans cesse croissant des

populations immigrantes, l’ARSO décide en 1970 de l’étendre et d’aménager

un espace pour 25000 habitants. En 1975, les aménagements vont se

poursuivre pour que la ville puisse accueillir plus de 100000 habitants. Aussi,

de grands travaux d’écrêtement des collines, de remblaiement des marécages

et de déblais, seront-ils entrepris.

En fonction de leur situation géographique et de leurs fonctions, les

quartiers seront regroupés en cinq grandes zones. En 1972 déjà, "San-Pedro

bis" occupait un espace plus vaste qu’en 1969. Les implantations par vagues

successives dévoraient la forêt. Le plan d’urbanisme arrêté dans ses grandes

lignes en 1969 est révisé. C’est ainsi que les quartiers A, B et C ont été

dénommés quartiers Poro, Sonouko et Nitoro. Des programmes de

lotissement ont été en partie réalisés. Au début de 1973, l’équivalent d’un

millier de lots de 300 m² chacun a été attribué aux sociétés immobilières

SICOGI7 et SOGEFIHA

8 (Loba, 2010). Plusieurs logements ont été ainsi

construits et mis à la disposition d’une population toujours croissante dans les

différents quartiers aux noms évocateurs.

2.3.2 Le port de San-Pedro

Le port situé à 350 km à l’ouest d’Abidjan, a été mis en service le 04

mai 1971 et inauguré officiellement le 04 décembre 1972 par le Président de

la République. Directement ouvert sur la mer (figure n° 2), le port de San-

Pedro est l’un des ports les plus profonds de la côte occidentale d’Afrique,

capable de recevoir tout type de navire en toute marée. Premier port mondial

d’exportation de cacao, il développe divers trafics compte tenu de la diversité

des richesses de son hinterland. Du point de vue géographique, c’est une

plateforme intermodale pouvant offrir une facilité d’utilisation du système

multimodal aux pays enclavés (Mali, Burkina Faso) et à certaines régions de

la Guinée et du Libéria.

Le port a également l’avantage d’avoir un tirant d’air illimité facilitant

ainsi son accès. Il dispose d’un important domaine de 2 000 ha dont

7 Société Ivoirienne de Construction et de Gestion Immobilière. 8 Société de Gestion et de Financement de l’Habitat.

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seulement le quart est occupé, offrant ainsi de grandes possibilités

d’extension et de développement industriel.

Il est doté d’infrastructures et d’équipements modernes lui permettant

d’assurer le bon fonctionnement des activités qui se déroulent sur ses deux

sites : le port de commerce (photo n° 1) et le port de pêche. Le Port

Autonome de San-Pedro a la charge de l’ensemble des fonctions portuaires

(opérations d’exploitation, de services aux navires, d’entretien, de

renouvellement et d’extension des infrastructures). Cependant, les activités à

caractère industriel et commercial (consignation, manutention, transit) sont

assurées par le secteur privé. L’autorité portuaire a en outre concédé au privé

les activités de remorquage, de pilotage et de lamanage des navires. Le port

de San-Pedro se présente comme une organisation de type « port propriétaire

foncier ».

Le trafic est en pleine diversification. A l’origine, ce trafic composé

essentiellement de bois, a vu s’ajouter au cacao et au café un relatif trafic de

caoutchouc et d’huile de palme.

Photo n° 1: Une vue du port de San-Pedro (port de commerce)

Source : Akpoué, 2008

Dans l’opération baptisée "ARSO", la construction du port et de la ville

de San-Pedro ont été les lignes maîtresses. Si la ville a presque conservé son

aspect, le port a connu divers aménagements qui l’ont transformé de manière

significative. Un accent particulier est mis sur l’espace portuaire qui joue le

rôle de catalyseur du développement de la région sud-ouest.

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Les principaux aménagements réalisés

Les principaux aménagements réalisés au port de San-Pedro relèvent de

la vision des autorités portuaires, de faire du port de San-Pedro, " un port

moderne, outil de développement de la Côte d’Ivoire et moteur de

l’intégration régionale". Ces aménagements prennent en compte quatre

secteurs :

- la réhabilitation des terre-pleins sous douane menée en zone sous

douane ;

- le bitumage des voies d’accès portuaires ;

- la réhabilitation et le renforcement des infrastructures et

équipements ;

- l’acquisition d’une grue mobile à quai servant à la manutention à quai.

Par rapport à l’actualisation du plan de développement adopté en 1978,

une première phase d’exécution de ce projet est en cours. Il s’agit de la

construction du terminal à conteneurs. Le Port Autonome de San-Pedro et le

Groupe suisse Mediterranean Shipping Compagny (MSC) ont signé, le 18

septembre 2008, à Genève, le contrat de concession pour l’aménagement,

l’équipement et l’exploitation du terminal à conteneurs pour une durée de

quinze ans.

Les trafics du port

On distingue le trafic général et le trafic à l’exportation et à

l’importation.

Le trafic général du port

Depuis sa mise en service en 1971, le port de San-Pedro a accueilli

plusieurs types de trafics. Le trafic du port, déséquilibré au plan structurel, est

largement dominé par les exportations au détriment des importations (figure

n°2).

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Figure n° 2 : Évolution du trafic au port de San-Pedro entre 1972 et 2012

Source : PASP (2012)

Les trafics à l’exportation et à l’importation

Dans l’ensemble, le bois et ses dérivés dominent largement les

exportations (figure n° 2). Cela se justifie par le fait que les ressources

ligneuses sont à portée de main, et ont été dans un premier temps

massivement exploitées. Les exportations de café, cacao, huile de palme et

dérivés témoignent de ce que les plantations encore jeunes sont en pleine

production. Ce trafic dans l’ensemble connaît une variation controversée,

surtout pour ce qui est du bois.

Les importations au port de San-Pedro connaissent des fluctuations

assez importantes sur la période indiquée. Elles sont en premier lieu le fait

des hydrocarbures et des marchandises diverses en 1972. Cependant, le trafic

des hydrocarbures cesse en 1987, compte tenu du fait que le trafic de

cabotage n’était plus compétitif par rapport au trafic routier. Les années

suivantes, le trafic se diversifie avec l’apparition des produits cimentiers et

des produits alimentaires. Cette situation s’explique par la présence de deux

unités de transformation desdits produits au port de San-Pedro (GMA9 pour le

blé et SOCIM10

pour les produits de ciment). Celles-ci ravitaillent

l’hinterland en produits finis que sont le ciment et la farine de blé.

9 Grands Moulins d’Abidjan. 10 Société des Ciments du Sud-ouest.

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3. LES PERSPECTIVES DE DEVELOPPEMENT DE LA REGION

SUD-OUEST

Dans le processus d’aménagement du territoire, l’Etat ivoirien a

développé le principe d’une meilleure répartition territoriale des

investissements publics. On note également le volet concernant la mise en

place des infrastructures et des équipements structurants devant servir de

support aux actions de développement économique, notamment les ports,

aéroports, les voies routières et ferroviaires, de manière à diversifier les

modes de transport et à améliorer les échanges commerciaux internes et

externes.

Avec l’opération ARSO, il y eut certes des avancées notables, mais des

efforts restent encore à faire tant au niveau du port que de la ville de San-

Pedro et de la région.

3.1 La vision de l’autorité portuaire

Les perspectives de développement du port de San-Pedro sont induites

par la nouvelle vision stratégique. Celle-ci s’articule autour de trois axes

principaux, à savoir : la création de valeur en tant que société publique de

service ; l’amélioration de la compétitivité du port de San-Pedro ; la mutation

de la place portuaire de San-Pedro vers un « pôle d’attraction » du

développement. D’autres éléments sont à considérer dans la logique de

développement du port.

La vision stratégique s’assigne pour priorités de consolider les acquis et

d’ouvrir de nouvelles perspectives de modernisation et de développement du

port. Ceci dans le but de permettre au port de San-Pedro de jouer pleinement

le rôle de pôle de développement qui a présidé à sa création, tout en offrant

aux pays frontaliers sans littoral les moyens de participer au commerce

international dans des conditions de compétitivité et d’efficacité accrues.

Le volet création de valeur en tant que société publique de service

répond au souci de sécurisation et de développement des ressources propres

du port, condition nécessaire à l’équilibre global du projet d’entreprise. Il

intègre par ailleurs l’optimisation de la gestion et le développement des

ressources humaines, l’élaboration et la mise en œuvre d’une politique

commerciale et marketing, le développement d’un système d’information

intégré et performant et l’émergence d’une culture d’amélioration continue.

La deuxième option stratégique vise à achever le programme de

réhabilitation des infrastructures et équipements, à rendre l’outil portuaire

plus performant afin de consolider sa compétitivité.

La troisième et dernière vision stratégique affiche la problématique de

la durabilité du développement au cœur de la démarche de l’autorité

portuaire.

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La réalisation de ce projet d’entreprise devrait conduire

irréversiblement à la croissance, à la modernisation et au développement du

port. Le port de San-Pedro dans un avenir proche prévoit avec les acquis ci-

dessous projetés par le schéma directeur de 1983, de nouvelles

performances qui favoriseront aussi l’implantation des industries pied dans

l’eau :

- un plan d’eau de 200 ha,

- un linéaire de quai de 10 km lui permettant d’augmenter sa capacité

d’accueil de navires en opération commerciale simultanée,

- 200 ha de terre-pleins commerciaux,

- 650 ha de zone industrielle portuaire,

- des terminaux et des quais spécialisés,

- des scanners et ponts bascules,

- des plates-formes logistiques intégrées.

Le site actuel du port ne semble souffrir d’aucune limitation de fond et

ne perturbe pas outre mesure les activités de la ville même de San-Pedro.

C’est peut-être bien ainsi. Mais les concepteurs du port auraient pu choisir le

site de la lagune Digboué et les marécages environnants (figure n° 3). Cela

donnerait un port en pleine ville, plus grand, avec d’énormes possibilités de

quais sur les deux rives. Le dragage des marécages et de la lagune que

nécessiterait le choix de ce site débarrasserait du coup la ville de l’un de ses

handicaps saisonniers, à savoir les inondations en saison des pluies.

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Figure n° 3 : Site potentiel d’un port à San-Pedro

Source : Image Google Earth (2009) Dessin : N’GUESSAN Alexis

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3.2 Les perspectives de développement

Les espoirs du port de San-Pedro reposent sur un certain nombre

d’opérations qui accélérerait son développement. On peut citer entre

autres l’agroforesterie et les entreprises agricoles, la poursuite et la réalisation

effective des opérations identifiées et l’amélioration des liaisons routières.

3.2.1 L’agroforesterie et les entreprises agricoles

Le bois garde toujours le 1er

rang des exportations, malgré une baisse

régulière et inévitable. Si les grumes ne sont plus, les bois débités connaissent

une embellie. Il y a donc un gain pour l'économie nationale.

Les entreprises agricoles connaissent trois distinctions : les plantations

industrielles, les plantations de café cacao, et les industries de transformation

des produits agricoles. L’hévéa, le palmier à huile sont les deux cultures

faisant l’objet des plantations industrielles, après le déclin du cocotier et des

agrumes. Les industries intégrées aux plantations s’occupent de raffinage de

latex, et de production d’huile brute de palme. L’importance de l’activité

agricole dans le Sud-ouest se remarque bien dans l’aménagement de l’espace

rural et sur l’environnement socio-économique du port de San-Pedro.

3.2.2 La poursuite et la réalisation effective des opérations identifiées

La mise en route des projets majeurs identifiés n’est pas encore

effective. Il s’agit de l’extraction du minerai de fer du mont Klahoyo. Cet

important gisement était l’un des fondements même de la création du port de

San-Pedro. En effet, il était surtout question de transformer à la longue le port

en un port industriel et commercial, grâce à ce minerai de fer. Avec des

réserves estimées à un milliard de tonnes, concentrées à 69 %, il était prévu

une production moyenne annuelle de 12,5 millions de tonnes. Le démarrage

de cette industrie lourde devait permettre à l'ensemble du pays d'accéder à un

développement intégré.

3.2.3. L’amélioration des liaisons routières de San-Pedro avec l’hinterland

Une des voies de salut de la ville et du port de San-Pedro réside dans

l'infrastructure routière. Celle-ci pourrait raccorder la ville aux différentes

régions qui constituent son arrière-pays aussi bien national (autoroute San-

Pedro-Issia) qu'international (connexions avec les pays voisins tels que la

Guinée, le Mali et le Liberia). Etant donné que ces trois pays représentent un

potentiel commercial remarquable, seules de bonnes liaisons routières

peuvent permettre de le valoriser au profit du port. C'est pourquoi il serait

souhaitable que soit relancée la stratégie visant à bitumer les tronçons en

direction des frontières.

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Une fois ce réseau routier national et international réalisé et les

habitudes de certains opérateurs économiques tendant à préférer Abidjan à

San-Pedro disparues, le port de San-Pedro devrait bénéficier d'un important

trafic tant à la sortie qu'à l'entrée, d'autant plus que le problème de fret retour

ne se poserait plus. Les opérateurs économiques qui viendront décharger au

port pourront au retour charger des produits locaux (de la farine, du riz, du

ciment, des engrais, etc.)

CONCLUSION

Les actions menées par l’ARSO dans le processus de développement du

Sud-ouest ont déclenché un mouvement qui se poursuit pour le bienfait de

l’économie nationale. Les populations installées continuent de livrer des

tonnages importants de produits utiles au fonctionnement du port. La ville de

San-Pedro est aujourd’hui la deuxième ville côtière de Côte d’Ivoire, et

surtout grâce au port la région est devenue le pôle régional auquel avait rêvé

le concepteur politique de cette action.

Le port étant un activateur dans le processus d’aménagement du

territoire, le système conçu par le pouvoir politique et mis en place par

l’ARSO s’entretient. Quelques aménagements portant notamment sur des

infrastructures routières seront nécessaires pour redynamiser le système, et

rendre performant le port de San-Pedro.

L’absence d’audit de l’ARSO au terme de sa mission est regrettable. En

rappel, l’opération San-Pedro a mobilisé plus de 200 milliards de FCFA, de

l’Etat ivoirien appuyé par le Fonds Européen de Développement et des crédits

octroyés par la France, l’Italie et la République Fédérale d’Allemagne. Ce

montant est d’autant plus élevé que l’absence d’audit après le projet suscite

des interrogations. Au vu des résultats escomptés et vu la situation de San-

Pedro, la question demeure. Il n’y n’a nulle part la trace d’une telle tentative

en dehors des thèses des universitaires qui voudraient mieux comprendre le

choix des types de construction selon l’origine des bénéficiaires. Par ailleurs,

les villes locales qui n’ont pu bénéficier d’aucun appui et bien d’autres faits,

qui sont autant sources de frustration des autochtones, ne peuvent rester sans

élucidation.

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