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Le mythe de la réforme fiscale observatoire français des conjonctures économiques centre de recherche en économie de Sciences Po www.ofce.sciences-po..fr Henri Sterdyniak OFCE Soutenabilité des systèmes fiscaux européens face à la crise Grenoble, jeudi 31 mai 2012

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Le mythe de la réforme fiscale

observatoire français des conjonctures économiquescentre de recherche en économie de Sciences Powww.ofce.sciences-po..fr

Henri Sterdyniak

OFCE

Soutenabilité des systèmes fiscaux européens face à la crise

Grenoble, jeudi 31 mai 2012

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Le mythe de la réforme fiscale

Le mythe de la réforme fiscale

La nécessité d’une grande réforme fiscale est souvent évoquée dans le débat public.

Certains préconisent une forte réduction des prélèvements obligatoires (ce qui suppose de diminuer d’autant les dépenses publiques).

D’autres veulent augmenter fortement les impôts pour réduire rapidement le déficit public. Mais est-ce possible sans peser sur le niveau d’activité ?

D’autres proposent de répartir plus équitablement la charge fiscale entre revenus du travail et du capital, d’augmenter le caractère redistributif du système, de taxer plus fortement les revenus et les patrimoines les plus élevés. Mais la France est déjà l’un des pays les plus redistributifs, qui taxe le plus les riches et les revenus du capital.

Certains proposent de simplifier le système français, de faire la chasse aux niches fiscales et sociales, d’élargir les assiettes et de diminuer les taux. Mais, n’est-ce pas oublier le rôle incitatif de la fiscalité ?

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Le mythe de la réforme fiscale

Rendre notre fiscalité plus écologique est une voie prometteuse, mais a-t-on vraiment un double dividende en emplois et en écologie ou le gain écologique n’a-t-il pas un coût en termes de croissance, et donc en emplois ? Comment concilier les préoccupations écologiques et celles de recettes fiscales ? Peut-on faire une telle réforme sans une forte harmonisation européenne et mondiale, aujourd’hui peu probable ?

De façon plus générale, l’harmonisation fiscale européenne reste un futur sans doute inévitable. Mais celle-ci peux obliger la France à s’aligner sur le moins-disant fiscal (en matière d’ISF ou de cotisations sociales, par exemple).

Il y a une contradiction entre trois projets : aligner la France ses voisins ; se lancer dans la concurrence fiscale ; prendre le tournant écologique et économique requis par la crise.

On peut craindre que les évocations récurrentes de réforme fiscale ne soient un leurre, masquant le refus de s’attaquer aux problèmes effectifs de l’économie française : la croissance des inégalités de revenus provenant de la financiarisation de l’économie et de la constitution d’une couche étroite de dirigeants d’entreprise ; l’insertion dans la nouvelle division internationale du travail ; l’incapacité de l’Europe à repartir après la crise financière.

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Le mythe de la réforme fiscale

Le mythe de la réforme fiscale

Le système fiscal français prélève 43 % du PIB ; la France est au 2ème rang des pays de l’OCDE pour le niveau des dépenses publiques. En même temps, c’est l’un des rares pays de l’OCDE où les inégalités de revenus ne se sont pas fortement accrues dans la période récente. Ce fort niveau de dépenses publiques et sociales constitue un choix de société qu’il faut maintenir ; le système fiscalo-social français est déjà fortement redistributif.

Certaines réformes sont nécessaires pour améliorer encore sa redistributivité, pour le rendre plus transparent et plus acceptable socialement. Cependant, il n’y aura pas de réforme miracle : le système actuel est le produit d’un long processus de compromis économique et social de sorte que l’améliorer est difficile.

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Un niveau important de dépenses publiques

En 2011, la France arrivait au deuxième rang des pays de l’OCDE pour le montant des dépenses publiques relativement au PIB (56,2 %), derrière le Danemark (59,3 %). Ce chiffre est temporairement gonflé par la dépression Le montant des dépenses publiques primaires (hors charges d’intérêt) représente environ la moitié du PIB potentiel.

Depuis 1983, il n’y a pas eu de fortes hausses des dépenses publiques ; celles-ci ont été gérées avec rigueur. Ainsi, depuis 15 ans, le poids des dépenses publiques primaires rapportés au PIB potentiel n’a-t-il que très légèrement augmenté en France (+1,1 point de PIB) ; les dépenses publiques primaires en volume ont augmenté de 2 % par an, en moyenne, mais le PIB n’a crû lui que de 1,7 % l’an.

Dans la zone euro, malgré les pressions de la Commission, la part des dépenses publiques a connu une certaine hausse durant les 15 dernières années (0,5 point de PIB). La hausse a été plus nette dans les pays anglo-saxons.

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Poids des dépenses publiques dans le PIB

Dépenses publiques,

en % de PIB

Dépenses primaires,en % PIB potentiel

Dépenses publiques,

en % de PIB

Dépenses primaires,

en % de PIB potentiel

Variation 2011/1996

2011 2011 1996 1996

Danemark 59,3 56,8 58,9 55,8 +1,0

France 56,2 51,5 54,5 50,4 +1,1

Finlande 53,2 50,9 60,2 56,8 -5,9

Belgique 52,2 48,2 52,5 44,4 +3,8

Suède 51,8 50,6 62,9 58,7 -8,1

Autriche 51,7 48,7 55,9 52,0 -3,3

Pays-Bas 50,5 48,9 49,4 44,7 +5,2

Italie 50,1 44,8 52,2 41,0 +3,8

Grèce 49,9 35,7 44,5 34,0 +2,7

Royaume-Uni 49,8 45,3 42,2 38,9 +6,4

Portugal 49,4 44,0 42,1 36,9 +7,1

Zone euro 49,3 45,5 50,5 45,0 +0,5

Irlande 45,9 39,3 39,0 34,6 +4,7

Allemagne 45,5 43,2 49,0 45,6 -3,4

Espagne 42,7 39,2 43,2 37,7 +1,5

Japon 42,5 39,3 36,7 35,7 +3,6

Etats-Unis 41,9 38,4 37,1 33,4 +4,0

Tableau 1. Poids des dépenses publiques dans le PIB

Source : OCDE, Perspectives économiques, novembre 2011.

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Un niveau important de dépenses publiques

L’écart de dépenses de la France avec les autres pays européens est particulièrement net dans le domaine de la protection sociale auquel la France consacre 4 points de PIB de plus que la moyenne de la zone euro.

Aussi, toute baisse importante du taux de prélèvement obligatoire, qui suppose une baisse équivalente des dépenses publiques, passe-t-elle par une privatisation, sous une forme ou une autre, de dépenses profitant directement aux ménages.

Beaucoup propose une stratégie de recherche de compétitivité, passant par une forte baisse des prestations sociales permettant une baisse des cotisations sociales employeurs. Cette stratégie pèserait sur les ménages, qui devraient, par exemple, s’assurer auprès de mutuelles ou d’assurances privées, pour leurs dépenses de santé. Elle aboutirait à un système plus coûteux et plus inégalitaire.

Il faut séparer les deux objectifs, d’un côté, il faut gérer la protection sociale selon ses objectifs propres, de l’autre, la compétitivité doit être recherchée soit par la R&D, par l’innovation, soit, en dernier recours, par une baisse des salaires (et des dividendes) versés par les entreprises. Rien ne justifie a priori que la compétitivité soit recherchée en priorité par la baisse des dépenses sociales.

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Dépenses publiques par fonction

France Allemagne

Zone euro Royaume-Uni

Etats-Unis

Administration générale

6,9 6,1 6,8 5,3 5,0

Dépense 2,1 1,1 1,4 2,7 5,1

Ordre publique 1,7 1,6 1,8 2,6 2,3

Affaires économiques 3,4 4,8 4,9 3,1 4,1

Environnement 1,0 0,7 0,9 1,0 0,0

Logement 1,9 0,6 1,0 0,8 1,0

Culture 1,5 0,8 1,2 1,1 0,3

Santé 8,0 7,2 7,5 8,2 8,9

Education 6,0 4,3 5,1 7,0 6,5

Protection sociale 24,2 20,6 20,6 17,9 9,2

Total 56,6 47,8 51,0 50,3 42,5

Tableau 2. Dépenses publiques par fonction (2010)

Source : OCDE, Base de données.

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La résistance au creusement des inégalités.

Globalement, la France a maintenu un niveau élevé de protection sociale, qui fait que les inégalités de revenu et les taux de pauvreté sont plus bas que dans les pays méditerranéens ou anglo-saxons, qu’elles ne se dégradent pas comme dans les pays scandinaves ou l’Allemagne.

En même temps, la France n’a pas échappé à la hausse des très hauts salaires et revenus. Ainsi, la part dans la masse salariale brute totale des 1 % les mieux rémunérés est-elle passée de 5,5 % en 1996-1998 à 6,9 % en 2008. Ainsi, de 2004 à 2008, le nombre de foyers redevables de l’ISF a augmenté de 69 % (malgré l’indexation du barème) tandis que la part des revenus déclarés des 0,1 % des plus riches est passée de 1,72 % à 2,03 % ; celle des 1 % les plus riches de 6,48 % à 7,07 %

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Taux de pauvreté en Europe

1997 2007 2010 Evolution

Allemagne 12 15,2 15,6 +3,6

Autriche 13 12 12,1 –0,9

Belgique 14 15,2 14,6 +0,6

France 15 13,1 13,5 –1,5

Pays-Bas 10 10,2 10,3 +0,3

Espagne 20 19,7 20,7 +0,7

Grèce 21 20,3 20,1 –0,9

Italie 19 19,9 18,2 –0,8

Portugal 22 18,1 17,9 –4,1

Danemark 10 11,7 13,3 +3,3

Finlande 8 13 13,1 +5,1

Suède 8 10,5 12,9 +4,9

Irlande 19 17,2 16,1 –2,9

Royaume-Uni 18 18,6 17,1 –0,9

Tableau 3. Taux de pauvreté en Europe

Source : Eurostat.

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Une fiscalité importante et spécifique

La France est au cinquième rang des pays de l’OCDE en ce qui concerne le taux de prélèvements obligatoires.

Comparée à celle de ses partenaires européens, et en particulier à l’Allemagne, la France a quatre caractéristiques :

La France a deux impôts sur le revenu (IR et CSG) dont le total est relativement faible. En sens inverse, la taxe d’habitation est relativement lourde.

Les cotisations employeurs sont importantes (surtout si on y ajoute la taxe sur les salaires). Les cotisations salariés sont faibles.

La taxe professionnelle est lourde.

Les impôts sur le capital sont élevés alors que les impôts sur la consommation sont plutôt faibles.

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Le mythe de la réforme fiscale

Taux de prélèvement obligatoire

Pays 1990 2007 2010

Danemark 46,5 48,7 48,2

Suède 52,2 48,3 45,8

Belgique 42,0 43,9 43,8

Italie 37,8 43,5 43,0

France 42,0 43,5 42,9

Finlande 43,5 43,0 42,1

Autriche 39,7 42,3 42,0

Pays-Bas 42,9 37,5 38,4

Allemagne 34,8 36,2 36,3

Royaume-Uni 35,5 36,1 35,0

Espagne 32,5 37,2 31,7

Portugal 27,7 36,4 31,3

Grèce 26,2 32,0 30,9

Irlande 33,1 30,8 28,0

Japon 29,1 28,3 26,2

Etats-Unis 27,3 28,3 24,8

Tableau 6. Les prélèvements obligatoires en pourcentage du produit intérieur brut

Source : OCDE (2011), Statistiques des Recettes publiques.

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Recettes fiscales en % du PIB

ALL FRA ITA EU15

SUE RU EU15

JAP EU

Impôt sur le revenu des ménagesImpôt sur les sociétésCotisations sociales employeurs et TSCotisations sociales salariés-autres

9,0 7,5 11,1 9,7 14,6 10,8 9,7 5,5 10,6

2,2 3,0 3,8 3,2 3,8 3,4 3,2 4,8 3,1

6,3 12,2 8,9 7,3 12,3 3,7 7,3 4,7 3,3

6,9 5,1 4,1 4,9 3,0 2,9 4,9 5,6 3,3

Impôt sur le patrimoine 0,9 3,5 2,1 2,4 1,2 4,5 2,4 2,5 3,1

Impôts sur les Biens et services

10,6 10,7 11,0 10,9 12,9 10,5 10,9 5,1 4,7

Autres 0,0 1,5* 2,6** 0,6 0,2 0,1 0,6 0,0 0,0

Total 36,0 43,7 43,4 39,4 47,4 36,0 39,4 28,3 27,9

* Essentiellement la taxe professionnelle ; ** Essentiellement l’IRAP. ; Source : OCDE (2011), Statistiques des recettes publiques.

Tableau 7. Structure des recettes fiscales selon l’assiette des taxes en 2007*, en % du PIB

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Taux d’imposition implicite

Travail Consommation Capital

ZE17 34,0 20,7 23,7

Allemagne 37,4 19,8 20,7

Belgique 42,5 21,4 29,5

Espagne 33,0 14,6 28,4

France 41,0 19,3 37,2

Irlande 26,1 21,6 14,0

Italie 42,6 15,8 34,9

Pays-Bas 36,9 27,0 12,5

Suède 39,0 28,1 34,9

Royaume-Uni 25,7 18,4 36,9

Source : Eurostat, Taxation trends in the European Union, 2012.

Tableau 7 ter. Taux d’imposition implicite en 2010

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Une fiscalité importante et spécifique

Il n’y a pas de raison de penser que l’alignement sur nos partenaires européens (en particulier l’Allemagne) devrait être la norme.

Il est normal que les cotisations sociales soient fortes dans un pays où les prestations d’assurances sociales sont élevées.

Le niveau élevé des cotisations employeurs est, en partie, compensé par le niveau des salaires nets.

Ces chiffres pourraient suggérer que la France devrait augmenter le poids de l’impôt sur le revenu et diminuer celui des cotisations employeurs, en faisant financer par l’impôt, les prestations familiales et santé, ce qui serait s’engager à plein dans la stratégie de concurrence salariale et sociale.

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Une fiscalité importante et spécifique

Le bilan fiscal du quinquennat du Président Sarkozy illustre l’impossibilité d’une réforme libérale de la fiscalité française.

L’objectif de forte réduction du taux de prélèvement obligatoire n’a pas été atteint : celui-ci était de 43,7 % en 2007 ; en 2012, il devrait être de 44,8 % en 2012.

Nicolas Sarkozy a certes réduit la fiscalité portant sur les heures supplémentaires (de 5 milliards). Il a réduit l’ISF (d’environ 2 milliards) et les droits de successions (de 1,4 milliard). Par contre, il a alourdi de 2 milliards la fiscalité sur les plus-values immobilières ; de 6 milliards la fiscalité sur les revenus du capital des ménages ; de 2,7 milliards l’IR. Au total, la fiscalité sur les ménages a augmenté de 11,5 milliards.

il a augmenté de 4,5 milliards les impôts indirects.

Les réductions d’impôt sur les entreprises n’ont été en net que de 2 milliards.

La « grande réforme » n’a pas été esquissée.

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La réforme du financement de la Sécurité sociale

Rien ne justifie les CSE maladie et famille.

Le système français de CS est progressif : exonération pour les bas-salaires +PPE (ou RSA) ; pas de plafond de cotisations pour les hauts salaires. La réforme est difficile.

Les exonérations représentent 32 milliards d’euros. On ne peut les supprimer en période de chômage des non-qualifiés. La réduction actuelle des cotisations sociales au niveau du SMIC (26 points) est supérieure aux cotisations employeurs, maladie et famille (17,45 points). Faut-il conditionner ces exonérations ?

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Part des CSE dans la VA des SNF

Graphique 1. Part des cotisations sociales employeursdans la valeur ajoutée des sociétés

Source : Comptabilité nationale, INSEE.

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Remplacer les CSE par la CSG

Cette réforme pourrait se faire selon quatre modalités :

A salaire inchangé, elle provoquerait un important transfert des ménages vers les entreprises. Les entreprises gagneraient 17,45 % de la masse salariale brute que perdraient les ménages, soit de l’ordre de 5,5 % du PIB. C’est la stratégie de concurrence salariale.

Les salariés pourraient bénéficier d’une hausse de salaire compensatrice de 17,45 % La CSG pourrait passer à 26 % sur les salaires : dans ce cas, la mesure serait totalement neutre.

Les salariés pourraient bénéficier d’une hausse de salaire compensatrice de 36,42 % ; la CSG pourrait passer de 8 à 20,5 % sur tous les revenus. En pouvoir d’achat, les salariés gagneraient ainsi 7 % ; les retraités et les rentiers perdraient 13,5 %.

On pourrait introduire des mesures compensatoires pour les rentiers ou les retraités, les victimes de la réforme, et parvenir ainsi à la neutralité.

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La TVA sociale

la TVA sociale n’est pas une réforme miracle qui permettrait de faire payer la protection sociale par les machines ou par les producteurs étrangers. Elle ne pourrait avoir d’effet favorable sur l’emploi que si elle aboutissait à une réduction de pouvoir d’achat des salariés et des retraités français.

La TVA ne frappe pas les biens capitaux. Elle ne frappe que le travail. Le ripage CSE/TVA est neutre pour le coût relatif capital/travail.

En économie ouverte, le gain de compétitivité ne persiste que si les salaires et prestations subissent des pertes de pouvoir d’achat. C’est une stratégie de dévaluation fiscale.

La seule réforme fiscale qui fournirait des gains de compétitivité sans diminution du pouvoir d'achat des travailleurs serait d'achat serait de créer un droit de douane spécifique sur les produits importés et d’en utiliser le produit pour réduire la TVA, mais ceci nous est interdit par les règles de l’UE et de l’OMC.

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La CVA

La suppression de l’ensemble des cotisations employeurs, famille et maladie (17,45 points soit 98 milliards) nécessiterait la création d’une Contribution sur la Valeur Ajoutée de 8,3 % : 29 milliards d’euros pèseraient sur le capital au lieu de peser sur le travail.

La réforme aurait quatre conséquences :

Le coût relatif travail/capital serait réduit ce qui inciterait les entreprises à utiliser moins de machines et plus de main-d'œuvre.

Le coût absolu du travail serait abaissé ce qui favoriserait les activités de services.

Les ménages seraient incités à se tourner vers des produits à fort contenu en emplois dont le prix relatif diminuerait au détriment des produits à fort contenu en capital.

La mesure réalisait un transfert des entreprises fortement capitalistiques vers les entreprises utilisant beaucoup de travail.

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La CVA

Sur le plan théorique, les débats de 1987-1988 comme ceux de 2006-2007 ont montré que la mesure n’avait de sens que si on considère que la France est durablement dans un régime de chômage keynésien.

En situation classique, l’emploi est une fonction croissante du salaire réel. Mais la mesure ne permet pas d’augmenter le salaire réel. L’emploi ne varie pas. Ex post, le capital et la production baissent.

En situation keynésienne, le salaire réel est fixe, la production est déterminée par la demande, Il y a substitution travail/capital à production fixe. La réforme diminue de 11,2 % le coût relatif travail/capital. Si l’élasticité de substitution capital/travail est unitaire, la réforme devrait se traduire par une hausse de 3,15 % de l’emploi, soit de 600 000 pour l’ensemble de l’économie marchande.

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La CVA

Selon certains, ce transfert nuirait aux capacités des entreprises d'innover et de se moderniser. Toutefois, une modernisation consistant à substituer du capital au travail est nuisible en situation de chômage de masse.

La mesure serait nuisible aux entreprises à fort profit et favorisera les entreprises de profit faible ou nul. Ce peut être considéré comme dangereux pour le dynamisme économique. En sens inverse, certaines entreprises peuvent être en difficulté parce qu’elles utilisent beaucoup de travailleurs et sont concurrencées par la production des pays à bas salaires.

Se pose une question de transition; La mesure nuit à des techniques et à des entreprises existantes pour favoriser de nouvelles entreprises ou de nouvelles techniques.

La mesure fournirait un avantage de compétitivité à la France pour les secteurs employant beaucoup de main-d’œuvre et une perte pour les secteurs capitalistiques. Le risque est que le premier effet jouerait peu (en raison des écarts de coût de main-d’œuvre entre la France et les pays émergents) et le second joue beaucoup (en raison de la concurrence des autres pays européens

En 2007, cette réforme nécessitait la création d’un nouveau prélèvement, avec une nouvelle assiette, la valeur ajoutée, Mais, depuis, la création de la CVAE, pour remplacer en partie la taxe professionnelle, crédibilise fortement la proposition : il suffit de la faire monter en puissance.

Le débat de 2007 avait écarté cette mesure en la jugeant trop risquée, en jugeant aussi que ralentir la substitution capital/travail n’allait pas dans le bon sens.

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Les proposition du MEDEF

Le Medef propose une baisse de 4,5 points des cotisations salariés (en oubliant que ces cotisations financent des prestations contributives). Elle seraient compensée par une hausse de la CSG de 3 points. La hausse de 2 % des salaires nets serait alors payée par une baisse de 5 % des revenus du capital et de 3,3 % des retraites (qui supporteraient les 2/3 du coût de la mesure).

Il y ajoute une baisse de 7,5 points des cotisations employeurs compensée par une hausse de 5 points de la TVA, en précisant que les entreprises seront libres d’utiliser cette baisse pour réduire leurs prix, améliorer leurs marges ou augmenter les salaires.

Il oublie que cette mesure serait fortement inflationniste, en tout état de cause du fait de la hausse du prix des importations et ce d’autant plus que les entreprises françaises augmenteraient leurs marges ou les salaires. Cette inflation diminuerait le pouvoir d’achat des ménages, ce qu’il faudrait compenser par des hausses de salaires et de retraites qui supprimeront les gains de compétitivité.

Il n'existe malheureusement pas de réforme miracle du financement qui améliorerait la compétitivité des entreprises françaises sans dégrader le pouvoir d'achat des ménages.

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La taxation écologique

Les exigences d’économie d’énergie et de réduction des émissions de gaz à effet de serre rendent nécessaire d’instaurer des taxes écologiques.

En situation de chômage de masse, on peut penser que, toute hausse de la fiscalité écologique doit être compensée par une baisse des cotisations employeurs.

L’avantage est que globalement la charge supportée par les entreprises n’augmente pas, donc a priori leurs prix ; la compétitivité globale des entreprises n’est pas affectée ; mais celles-ci sont incitées à utiliser plus de travail et à polluer moins.

Ces dispositifs s’inscrivent dans la logique du « double dividende » : les écotaxes auraient la double vertu d’inciter à réduire les usages de produits polluants et de permettre, grâce aux recettes ainsi perçues, d’alléger les prélèvements pesant sur le coût du travail.

Là aussi, ce double dividende n’est obtenu que si la chômage est keynésien. Si le chômage est classique, la production baisse.

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La taxation écologique

Il existe une contradiction entre la préoccupation écologique (une taxation forte et ciblée peut être si dissuasive que son rendement ex post est faible) et la préoccupation fiscale : la taxe doit être rentable pour dégager des marges de manœuvre afin de diminuer fortement les CSE.

Une telle réforme devrait être coordonnée à l’échelle mondiale, pour éviter que certains pays pauvres ou émergents deviennent une terre d’accueil pour les entreprises polluantes. Mais les pays pauvres et émergents ne sont disposés à accepter un accord que si celui-ci est dissymétrique : une partie des gains de la taxe prélevée dans les pays développés doit être utilisée pour aider les pays pauvres à faire les efforts nécessaires (adoption de techniques de production moins polluantes).

La piste la plus prometteuse pour notre compétitivité serait une écotaxe qui dont le produit servirait à réduire les cotisations sociales employeurs et qui nous permettrait de taxer les produits importés provenant de pays qui n’appliquent pas d’écotaxe. On aurait ainsi un triple dividende. Mais, l’OMC sera-t-elle dupe ?

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Supprimer les niches sociales

Il faut réaffirmer le principe : tout revenu des ménages doit payer la CSG-CRDS ; tout revenu d’activité doit payer des cotisations sociales, en particulier les cotisations maladie et famille ; tout autre revenu doit payer les prélèvements sociaux.

La suppression des niches sociales permettrait de gagner entre 9 et 23,5 milliards. Il faudra ensuite choisir : faut-il utiliser ces ressources nouvelles pour réduire le déficit de la Sécurité sociale ou pour améliorer la compétitivité des entreprises ?

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Les niches sociales

DispositifAssiette en

2011Taux

actuel/possibleCoût en

2011Gain

possibleParticipation, intéressement, PEE, Perco

15,2 8/18 1,5 1,5

Stock-option 2 14+8/ ?Tickets-restaurant/prime transport 3,1 0/18 0,4 0Chèques vacances/CE 4,0 0/18 0,7 0,7Prévoyance 16 8/18 1,6 1,6Prime de départ 4,4 0/18 0,8 0,8Prime des fonctionnaires 26,4 10/28 4,8 -Taux réduits des indépendants 69 6,5-5,9-9,8/12 3,8 3,8( ?)Heures supplémentaires 3,2 3,2Exonération CSG revenus de replacement

9,4 0/8 4,8 0

Taux réduits 3,8+0,5 9,9 4,3/8 0,4 0Taux réduits 6,2+0,5 8,0 6,7/8 0,1 0Taux réduits 6,6+0,5 128,4 7,1/8 1,2 1,2Livrets réglementés 11,8 0,9 0Loyers implicites 150 0/8 12,0 8,0 ( ?)Plus-values immobilières résidences principales

34 0/8 2,7 2,7 ( ?)

Total 38,9 23,5/9

Tableau 18. Les niches sociales en 2011

Source : calcul de l’auteur à partir de PLFSS (2012) : Annexe 5.

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Le mythe de la réforme fiscale

La taxation des ménages

La taxation directe des ménages représente en 2011, 15,3 % du PIB. Elle comporte la CSG-CRDS (5% du PIB), les cotisations sociales n’ouvrant pas de droit (5% du PIB), l’impôt sur le revenu (2,3 % du PIB), la taxe d’habitation (1,1 %), les taxes foncières (0,7 %), les droits de succession et donation (0,4% du PIB), l’ISF (0,2 %), les droits de mutation à titre onéreux (0,2 %).

L’impôt sur le revenu et l’ISF sont les seuls impôts progressifs, les seuls qui tiennent compte de l’ensemble des revenus et des caractéristiques du ménage. Leur poids dans le PIB est faible. Il est donc normal qu’ils soient, en eux-mêmes, fortement progressif. L’augmentation de leur poids serait donc nécessaire.

En même temps, il faut tenir compte de l’ensemble du système : la particularité française est la coexistence d’un impôt sur le revenu, concentré et de faible rendement, d’une CSG proportionnelle et de cotisations employeurs non plafonnées et progressives (en raison de l’exonération sur les bas salaires). S’y ajoute la PPE, le RSA et les allocations logements. La progressivité du système français doit être évaluée en tenant compte de l’ensemble de ses composantes. Le point délicat est que d’un coté, pris globalement, le système est fortement redistributif, de sorte qu’il sera difficile de l’améliorer, de l’autre, que cette redistributivité est obtenu de manière compliquée.

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Le mythe de la réforme fiscale

La taxation des ménages

Le système français d’imposition et de prestation est familial.

La société reconnait le droit des personnes à se marier (ou à se pacser), à fonder une famille, à mettre en commun leurs ressources. Elle évalue le niveau de vie des familles en divisant les ressources globales du foyer par un nombre de part fiscal.

Ce système assure théoriquement l’équité horizontale familiale : deux familles de composition différente, mais de même niveau de vie supportent le même taux d’imposition ; de même, le RSA assure approximativement aux plus familles les plus pauvres le même niveau de vie, quelque soit leur composition.

Contrairement à LPS, je ne pense pas qu’il fasse remettre en cause le QC ou le QF.

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Le mythe de la réforme fiscale

La taxation est fortement redistributif

Il faut comparer des taux d’imposition économique (en ne tenant pas compte des vraies cotisations, qui ouvrent des droits ; en tenant compte de l’IS, de l’inflation, etc..).

La France taxe fortement les hauts salaires (57 %). Au niveau du SMIC-célibataire, le taux d’imposition est de -7% (compte tenu des exo CSE, de la PPE et de l’AL).

La comparaison avec nos partenaires amènerait plutôt à préconiser la stabilité du taux maximum d’imposition.

En sens inverse, l’étirement de la hiérarchie salariale, les salaires exorbitants de certains chefs d’entreprise et des traders militent pour une tranche confiscatoire au-delà d’un certain niveau de revenu. On pourrait sanctionner, par une taxe spécifique, les entreprises qui distribuent des revenus supérieurs à un certain niveau (20 fois le SMIC).

La réforme la plus progressive que l’on puisse imaginer dans le cadre actuel consisterait à établir un taux marginal de 50% (au-delà d’un revenu de l’ordre de l’ordre de 120 000 euros) et de 75 % (au delà d’un revenu de 240 000 euros) ; ceci correspondrait à des taux économiques marginaux de 64 %, puis 75,5%, mais ne rapporterait que 2,5 milliards d’euros.

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Le mythe de la réforme fiscale

Taux d’imposition maximal des revenus du travail

IRCotisations famille-

maladie Totalemployeurs salariés

Allemagne 47,5 0 0 47,5

Autriche 50 0 0 50

Belgique 50 +3,4 18,4 3,55 66,1

Espagne 27,13+15,87 0 0 43

France 41+8 20,8 0 57

Italie 43+1,9 0 0 44,9

Pays-Bas 52 52

Royaume-Uni 50 0 0 50

Suède 25+31,56 14,2 0 62

Etats-Unis 35+6,85 41,85

Japon 40 +10 0,13 50,2

Tableau 22. Taux d’imposition maximal des revenus du travail

Source : Calcul de l’auteur à partir de : OCDE : Taxing

wages (2011).

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Le mythe de la réforme fiscale

Le capital, est en principe déjà taxé comme le travail

Les taux économiques sont nettement supérieurs aux taux affichés quand on tient compte de l’inflation ou de l’IS déjà versés.

Les intérêts, les revenus fonciers, les dividendes et les plus-values taxés sont approximativement taxés comme les salaires les plus élevés.

Il est donc erroné de prétendre que les revenus du capital sont taxés à des taux réduits.

Quand ils sont effectivement taxés, ils le sont à des taux élevés.

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Le mythe de la réforme fiscale

Le capital, est en principe déjà taxé comme le travail

Taux d’imposition économique 2012

Salaires 57,1

Intérêts 79

Revenus fonciers 59,0

Loyers implicites 10,0

Dividendes 58,4

Plus-values taxées 67,5

Plus-values non taxées 34,43

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Le mythe de la réforme fiscale

Le capital, est en principe déjà taxé comme le travail La soumission des revenus du capital au barème de l’impôt sur le

revenu peut être justifié pour des raisons d’affichage mais pas sur le plan purement économique.

En ce qui concerne les revenus d’intérêt, ce serait oublier le taux d’inflation. La tranche de 41 % correspondrait à un prélèvement de 108 % sur le revenu réel d’un placement rémunéré à 4 % pour un taux d’inflation de 2 %. La réforme n’a de sens que si l’on ne taxe que les intérêts réels, en n’autorisant la déduction de la dépréciation induite par l’inflation ; dans ce cas, il faudrait maintenir les prélèvements sociaux à 15,5% (en contrepartie des cotisations maladie et famille des salariés. La taxation serait de 54%.

Pour les dividendes, ce serait oublier que les revenus concernés ont déjà payé l’IS ; la tranche de 41 % (en supprimant l’abattement de 40%) correspondrait ainsi à une imposition de 70 %.

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Le mythe de la réforme fiscale

Le capital, est en principe déjà taxé comme le travail

En ce qui concerne les plus-values, la question est complexe. Le fonctionnement des marchés financiers fait que les plus-values ne correspondent pas obligatoirement aux profits non-distribués. Il est délicat de taxer les plus-values latentes, qui peuvent être annulées par un krach boursier.

Le meilleur système serait celui où les entreprises distribueraient un « avoir fiscal » à leurs actionnaires, contrepartie de l’IS effectivement payé et où les actionnaires seraient imposés au prélèvement sociaux et au barème de l’IS sur le total : « dividendes + plus-values réalisées corrigées de l’inflation », quitte à prendre des mesures pour faire que toutes les plus-values soient un jour réalisées (voir plus loin). La taxation serait alors là aussi de 54%.

Il y a là un choix politique à effectuer entre deux principes : un même taux de taxation pour tous les revenus (qui amènerait paradoxalement à conserver une fiscalité spécifique pour les revenus du capital ou à intégrer spécifiquement l’IS et l’inflation) et une taxation plus forte des revenus du capital (puisque ceux-ci sont surtout reçus par les plus riches, ne sont pas les fruits de l’effort, qui amènerait paradoxalement à les traiter selon le même barème que les revenus du travail, en oubliant IS et inflation.

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Le mythe de la réforme fiscale

Le capital, est en principe déjà taxé comme le travail. Le problème réside donc surtout dans les dispositifs qui permettent d’échapper

à la taxation.

Heureusement, les gouvernements sont progressivement revenus sur la plupart de ces dispositifs.

Deux principes devraient être réaffirmés : tous les revenus du capital doivent être soumis à taxation, c’est aux émetteurs de convaincre les épargnants de l’intérêt du placement qu’ils proposent, l’Etat n’a pas à favoriser fiscalement telle ou telle forme de placement.

Il faudrait supprimer toutes les possibilités d’échapper à la taxation des plus-values.. Restent les PEA et certains contrats d’assurance-vie.

Reste aussi la possibilité qu’utilisent les familles riches d’échapper à la taxation des plus-values par la donation aux enfants (en vie ou au moment du décès). Ainsi, un riche actionnaire peut loger ses titres dans une société ad hoc qui reçoit ses dividendes, utiliser les titres de cette société comme caution pour obtenir des prêts de sa banque qui lui fournissent les sommes dont il a besoin pour vivre et ainsi ne pas déclarer de revenu ; puis léguer les titres de cette société à ses enfants.

Le trou noir de la fiscalité reste les loyers implicites, surtout que s’y ajoute la non-taxation des plus-values.

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Le mythe de la réforme fiscale

Le poids de l’ISF

L’impôt de solidarité sur les grandes fortunes se justifie par cinq arguments. Les titulaires d’un patrimoine important bénéficient tout particulièrement de l’organisation sociale ; il est juste qu’il en supporte plus spécifiquement le coût. La répartition du patrimoine est plus inégalitaire que celle du revenu : ainsi, le ratio entre le 1er et le 9e décile est de 4,6 pour le revenu, de 217 pour le patrimoine. Aussi, la taxation du patrimoine est plus redistributive que celle du revenu. L’ISF ne taxe pas les biens professionnels ; il incite donc les chefs d’entreprises et leur famille à investir dans leur entreprise et à y rester impliqué. L’ISF peut obliger certains propriétaires de biens immobiliers non occupés ou sous-occupés à les mettre sur le marché. Fiscalement, l’ISF oblige certains détenteurs de portefeuilles immobiliers à vendre des titres, donc à réaliser des plus-values.

Avant la réforme de 2011, le taux de l’ISF allait de 0,55 % à 1,8 %. L’ISF était lourde pour les titulaires de revenus d’intérêt et de dividendes (déjà taxés à 55 %), de revenus fonciers (déjà taxés à 56 %) ou de plus-values taxés (à 63 %), mais pas pour les propriétaires de leur résidence, ni pour les bénéficiaires de plus-values non-taxées. Le bouclier fiscal ne jouait pas de rôle correcteur, au contraire, puisqu’il bénéficiait essentiellement aux propriétaires de leur résidence et aux bénéficiaires de plus-values non déclarés.

La réforme de l’ISF n’a que peu modifié ce bilan. Les grandes victimes restent les titulaires de revenus d’intérêt ; les gagnants les propriétaires de leurs logement et les bénéficiaires de plus-values non-taxées.

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Le mythe de la réforme fiscale

Le poids de l’ISF

Sans ISF ISF à 0,55 % ISF à 1 % ISF à 1,8 %

Intérêts 62,6 90,1 112,6 172,6

Revenus fonciers* 56,1 65,2 72,7 81,4

Loyers implicites 10,0 19,2 26,6 40

Dividendes** 55,0 61,2 67,5 77,5

Plus-values taxées** 62,8 69,0 74,7 84,7

Plus-values non taxées** 34,4 40,6 46,9 56,9

Sans ISF ISF à 0,25 % ISF à 0,50 % ISF à 1 %

Intérêts 79 91,5 104 129

Revenus fonciers* 59,0 63,2 67,3 75,7

Loyers implicites 10,0 14,2 18,4 26,6

Dividendes** 58,4 61,5 64,6 70,8

Plus-values taxées** 62,8 65,9 69,0 75,2

Plus-values non taxées** 34,4 37,5 40,7 46,9

Taux d’imposition économique en 2011 avant la réforme de l’ISF

Taux d’imposition économique en 2012 après la réforme de l’ISF

* Rentabilité de 6 % ; ** Rentabilité de 8 %.

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Le mythe de la réforme fiscale

Le poids de l’ISF

Deux mesures apparaissent indispensables.

La première consiste à supprimer tous les dispositifs qui permettent d’échapper à la taxation des plus-values. Pour les plus-values mobilières, il serait légitime de supprimer les PEA et de faire payer l’impôt sur les plus-values latentes en cas de transmission par donation et héritage. Pour les plus-values immobilières, il faudrait ne permettre que la déduction de l’inflation pour les biens autres que la résidence principale et introduire une taxation des plus-values sur la résidence principale (avec une déduction de l’inflation + 2 % et un sursis d’imposition en cas de réinvestissement dans la résidence principale).

La deuxième serait d’introduire progressivement une taxation des loyers implicites, par exemple en leur faisant payer les CRDS-CSG et les prélèvements sociaux. En contrepartie, les intérêts versés pourraient redevenir déductibles du revenu imposable, ce qui favoriserait les jeunes en phase de constitution d’un patrimoine au détriment des patrimoines détenus.

Ceci fait, il faudra faire un choix politique :

Soit supprimer l’ISF, puisque tous les revenus du capital seraient taxés à 60 % au moins.

Soit considérer qu’il est normal que les patrimoines élevés contribuent en tant que tels aux frais de fonctionnement de la société, indépendamment des revenus qu’ils procurent. Dans ce cas, il ne faut jamais comparer le produit de l’ISF au revenu du patrimoine puisque le but de l’ISF est de faire contribuer les patrimoines en eux-mêmes.

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Le mythe de la réforme fiscale

Le poids de l’ISF

En Europe, ne maintiennent un impôt sur le patrimoine que le Luxembourg, la France et la Suisse. Le poids des droits de succession est très faible sauf en Belgique, en France, aux Pays-Bas. L’Italie les a même supprimés

Faut-il s’aligner ? Non, sans doute. Mais, la tentation de l’exil fiscal est grande pour les personnes fortunées. Il faut cependant distinguer deux cas : s’il s’agit d’une fortune en titres, l’exil ne coûte à la France qu’un manque à gagner fiscal et n’a guère de conséquences économiques ; s’il s’agit d’une fortune en biens professionnels, elle peut signifier la fermeture de l’entreprise et la perte de capitaux productifs. Aussi, la France a choisi d’exonérer les biens professionnels de l’ISF et d’une partie des droits de successions si les héritiers continuent à gérer l’entreprise. Certes, cette mesure est contraire à l’équité, mais c’est un moindre mal et il n’est pas mauvais de favoriser parfois le capital productif.

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Le mythe de la réforme fiscale

Le poids de l’ISF

Impôt sur la fortune Droits de succession

Allemagne 0 0,19Autriche 0 0,04Belgique 0 0,60Danemark 0 0,22Espagne 0 0,25Finlande 0 0,25France 0,19 0,40Grèce 0,06 0,06Irlande 0 0,16Italie 0 0,03Luxembourg 0,57 0,14Pays-Bas 0,0 0,32Portugal 0 0,07Suède 0 0Royaume-Uni 0 0,17Suisse 1,02 0,28Japon 0 0,28Etats-Unis 0 0,18

Tableau 26 L’imposition de la fortune des ménages

Source : OCDE (2010), Statistiques des Recettes publiques.

En % du PIB en 2009

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Le mythe de la réforme fiscale

Le poids de l’ISF

En 2007, la loi TEPA a fortement allégée la taxation des successions (pour un coût évalué à 2,7 milliards). Alors que déjà 27% des successions étaient imposées, il n’en reste plus que 5%.

Il serait souhaitable de diminuer très fortement le montant de l’abattement dont bénéficient les enfants. De plus, devraient être supprimé les privilèges injustifiés : l’assurance-vie (exonération de 150 000 euros, taxation à 20% au-delà) et la purge de la taxe sur les plus-values.

Par contre, la France privilégie les successions aux enfants et taxe à 60 % la succession à un non apparenté, ce qui est injuste puisque dans ce cas le bénéficiaire a été explicitement désigné par un testament.

Les gains d’un alourdissement de l’impôt sur les successions pourraient être utilisés pour financer une allocation en faveur des jeunes issus de familles populaires.

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Le mythe de la réforme fiscale

Le poids de l’ISF Malgré la crise, les difficultés des finances publiques, malgré le creusement des

inégalités de revenus et de patrimoine, il n’y a pas eu de coordination en Europe pour augmenter la pression fiscale sur les plus riches. Le risque est donc grand que persiste la concurrence fiscale entre les pays pour attirer les personnes fortunées. Trois stratégies sont alors possibles :

1. Celle du moins-disant fiscal. Les pays se résignent à ne pas taxer les revenus élevés et les fortunes, ou du moins à réduire suffisamment les taux pour que l’exil fiscal ne soit pas rentable. Dans ce cas, ce sont les pays les moins exigeants fiscalement qui dictent la structure fiscale de l’ensemble des pays européens, ce n’est guère conforme au principe démocratique.

2. Chaque pays prend isolément des mesures de rétorsion contre ses nationaux qui partent à l’étranger pour des motifs fiscaux. Il risque cependant de se heurter à la censure de la CJUE.

3. Les pays qui veulent garder le droit de taxer leurs résidents refusent le principe de la liberté d’établissement vers des pays qui n’ont pas un niveau minimum de fiscalité des hauts revenus, des patrimoines, des successions. Cette stratégie vise à constituer un groupe de pays attachés au principe du MSE, donc à la possibilité de maintenir une taxation redistributive.

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Le mythe de la réforme fiscale

Retour sur l’ouvrage : Pour une révolution fiscale (LPS, 2011)

L’ouvrage propose une fusion de la CSG et de l’IR dans un prélèvement unique, individualisé, sans niches fiscales.

Cet ouvrage présente une description biaisée du système français. Il est heureusement faux que « les revenus modestes supportent des taux d’imposition effectifs de l’ordre de 45 à 50 % alors même que les plus riches supportent des taux moyens de l’ordre de 30 à 35 % ».

Malheureusement, ils évaluent la progressivité du système à partir d’un ratio individuel : impôt/revenu primaire, en intégrant la TVA dans les impôts et en ne tenant pas compte des prestations reçues, Comme les plus pauvres ont des revenus primaires très faibles (et que leurs consommations sont financées par des prestations sociales), LPS leur attribuent un taux de prélèvement élevé.

LPS surévaluent le taux d’imposition des salariés en ne distinguant pas les cotisations qui ouvrent des droits (chômage, retraite) de celles qui sont en fait des impôts (maladie, famille).

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Le mythe de la réforme fiscale

Retour sur l’ouvrage : Pour une révolution fiscale (LPS, 2011)

Le point le plus délicat est que LPS considèrent que 26 % seulement des dividendes mesurés par la Comptabilité nationale sont fiscalement déclaré : «Les raisons de cet écart substantiel sont indéterminées ». Malgré cette indétermination, les auteurs rajoutent l’écart au revenu des ménages « au prorata des revenus individuels déclarés ». Le problème est que cette procédure est totalement arbitraire.

Aussi, proposent-ils une surtaxation des revenus du capital justifiée par le fait qu’une partie importante de ceux-ci échappe à l’imposition. Selon eux, les plus riches bénéficient le plus en moyenne des possibilités d’évasion fiscale (non-imposition des loyers implicites, sous-déclaration des dividendes, non-taxation des plus-values) ; ceci justifie des taux d’imposition exorbitants sur les revenus déclarés les plus élevés. Selon moi, cet argument est irrecevable et cette pratique injustifiable. La bonne stratégie est de supprimer toutes les possibilités d’évasion, pas de les compenser par des taux aberrants sur les revenus effectivement déclarés, sous prétexte qu’ils cachent des revenus non-déclarés.

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Le mythe de la réforme fiscale

Supprimer toutes les niches fiscales ?

Le système français comporte de nombreuses dépenses fiscales, soit de l’ordre de 34 milliards pour l’impôt sur le revenu, 60 % de son montant. Ces niches nuisent à la progressivité de l’impôt ; beaucoup n’ont aucune justification économique et sociale ; elles n’ont été mise en place que pour satisfaire tel ou tel groupe de pression. Une suppression totale semble être une réforme évidente.

Cependant, certaines dispositions fiscales ne sont pas des niches ; elles correspondent à la légitime prise en compte de la capacité contributive des ménages.

D’autres sont justifiées pour des raisons sociales. Elles ne pourraient pas être supprimées sans mettre en place des dispositifs de remplacement : demi-parts supplémentaires pour les enfants des familles nombreuses ou pour les invalides.

D’autres correspondent à une logique fiscale. C’est le cas de l’abattement de 40% sur les dividendes, de l’abattement de 10% pour frais professionnels.

Certaines dépenses fiscales devront être transformées en subventions : monuments historiques, travaux pour les économies d’énergie, aides aux DOM-TOM…

Reste des niches à supprimer : non imposition des heures supplémentaires, des suppléments familiaux de retraite, de la participation, de l’intéressement, aide à l’investissement immobilier, PEA, assurances-vie ou à réduire : avantages fiscaux pour les emplois à domicile,

Mais, le gain maximum pourrait être de l’ordre de 10,5 milliards d’euros.

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Le mythe de la réforme fiscale

Les impôts sur les entreprises…

Selon une définition relativement arbitraire (IS +taxe sur les salaires+ impôts fonciers+ impôts sur le capital des entreprises+ impôts locaux), le poids des impôts sur les entreprises va de 3 à 5 points de PIB, la France (6,1%), la Suède (5,8%) et l’Italie (5,6%) étant au dessus, l’Allemagne (2,5%) nettement en dessous (tableau 27).

Dans la quasi-totalité des pays la part des salaires dans la valeur ajoutée était plus bas en 2007 qu’en 1990 ou en 1999. Certes, la crise a dégradée la situation des entreprises, mais la sortie de crise ne peut s’envisager par des politiques de compétition entre pays pour améliorer leur compétitivité ou leur attractivité. Il ne faut donc guère envisager, à l’heure actuelle, de réformes fiscales augmentant le profit des entreprises au détriment des salariés ou des ressources publiques.

La TVA et les cotisations sociales frappent le travail ; la taxation de l’EBE, le capital ; l’impôt sur les sociétés, le capital non emprunté. En situation de chômage de masse, il faut réduire la taxation du travail plutôt que celle du capital. Aussi, peut-on justifier que la France a choisi de faire porter l’effort sur la réduction des cotisations sociales plutôt que sur l’impôt sur les sociétés.

La France a choisit la bonne stratégie, mais elle est isolée.

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Le mythe de la réforme fiscale

Impôts sur les entreprises en % du PIB en 2007

IS TS Autres Total CSE

Allemagne 2,2 0 0,3 2,5 6,3Autriche 2,4 2,7 0,2 5,3 6,6Belgique 3,5 0 0,5 4,0 8,5Danemark 3,8 0,2 0,1 4,1 0,0Espagne 4,7 0 0,1 4,8 8,9Finlande 3,9 0 0,3 4,2 8,7France 3,0 1,2 1,9 6,1 11,0Grèce 2,5 0 0,1 2,6 5,1Irlande 3,4 0,2 0,3 3,9 3,1Italie 3,8 0 2,8 5,6 8,9Pays-Bas 3,2 0 0,6 3,8 4,5Portugal 3,6 0 0,2 3,8 4,8RU 3,4 0 1,5 4,9 3,7Suède 3,7 2,7 0,4 6,8 9,6Suisse 3,1 0 0,3 3,4 3,1Japon 4,8 0 0,7 5,5 4,7Etats-Unis 3,0 0 1,4 3,6 3,3

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Le mythe de la réforme fiscale

Taux nominaux de l’ISTableau 32. Evolution des taux nominaux de l’IS

BD : bénéfices distribués ; BND : bénéfices non distribués.Source : OCDE, Base de données fiscales.

1990 2010 2012

Autriche 30 25 25Allemagne 40,5 BD / 54,5BND 30,18 30,18Belgique 41 34 34Danemark 40 25 25Espagne 35 30 30Finlande 44,5 26 26France 42 BD / 37 BND 34.43 36,1Grèce 46/ 40 industrie 40 30Irlande 43/ 10 industrie 12,5 12,5Italie 46,4 31,4 31,4Portugal 40,2 35,2 31,5Pays-Bas 35 26,5 26,5Royaume-Uni 34 28 24Suède 53 26,3 26,3HongriePologneRépublique TchèqueJapon

50

19,61919

39,54

20,61919

39,54Etats-Unis 38,65 39,21 39,21

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Les niches de l’impôt sur les sociétés

Les dépenses fiscales explicites sont relativement limitées. Elles comportent surtout le CIR et les plus-values sur brevets, qui semblent nécessaire pour soutenir l’effort de R et D des entreprises. Le point le plus délicat réside dans certaines modalités de l’impôt, qui ne sont pas considérées comme des dépenses fiscales:

La France permet un amortissement relativement plus court que nos partenaires.

Elle permettait un report des déficits en arrière sur 3 ans et en avant de façon illimité. Cette facilité a été fortement réduite en 2011.

La France pratique, comme tous ses partenaires, des systèmes d’intégration fiscale des groupes et de régimes mères-filles.

La France ne taxe qu’à 5% les plus-values à long terme sur cession de titres de participation (niche Copé). Ceci permet à la France de conserver des holdings financières, dans la mesure où la plupart des pays voisins ont des dispositifs similaires. La mesure est justifiée si ces plus-values correspondent bien à du profit qui a déjà été taxé à l’IS. Le fait est que ce n’est pas toujours le cas.

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Le mythe de la réforme fiscale

Les niches de l’impôt sur les sociétés

les charges d’intérêt sont déductibles de l’IS, qui ne frappe pas les capitaux empruntés.

C’est conforme à l’idée de l’IS comme « impôt sur les actionnaires », mais ceci permet aux entreprises endettées de réduire le montant de leur IS ; ceci encourage la sous-capitalisation fictive et permet des montages financiers comme les LBO.

Supposons une société qui a un capital de 100 et investit dans un projet de rentabilité ex ante de 10 %. Avec un taux de l’IS de 30%, sa rentabilité ex post sera de 7%. Si elle s’endette pour 50 à un taux d’intérêt de 5%, la rentabilité ex post passe à 10,5%.

Aussi, peut-on penser que l’IS devrait frapper la totalité de l’EBE.

Faut-il un taux plus fort pour les dividendes, plus faibles les bénéfices non distribués. Oui pour favoriser l’investissement ; Non car les dividendes seront soumis à l’IR.

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Le mythe de la réforme fiscale

Les niches de l’impôt sur les sociétés

Coût estimé Gains possibles

Crédit impôt-recherche 2 300

Plus-value sur brevet 850

Mécénat 400

Apprentissage 470

Intéressement 140

Zones franches 300

DOM-TOM 300 Audio-visuel, cinéma 120

Bénéfice mondial consolidé 200 Supprimé en 2011

Total 5 080

Inventaire des dépenses fiscales sur l’IS en 2011

Source : Voies et Moyens (2012)

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Le mythe de la réforme fiscale

Le poids de la crise

La crise s’est traduite par une forte dégradation des finances publiques dans pratiquement tous les pays de l’UE. Ainsi, en 2011, le déficit public représentait-il 4,1 % du PIB de la zone euro (contre 0,7 % en 2007), la dette publique est passée de 66 à 88 % du PIB. Cependant, la situation des pays de la zone euro est meilleure que celle des Etats-Unis (déficit de 9,6%), du Royaume-Uni (déficit de 8,3%), du Japon (déficit de 8,2%). Le solde primaire structurel de la zone est pratiquement équilibré en 2011 (même en retenant le calcul de la Commission).

Les pays européens sont confrontés à un double dilemme. Il leur faut d’abord choisir une stratégie macroéconomique. Selon le point de vue keynésien, il faut maintenir des déficits publics importants tant que le taux de chômage ne baisse pas nettement. La zone euro a perdu 8,5 points de PIB du fait de la crise ; les rattraper suffirait à ramener les déficits publics à un niveau soutenable. De plus, l’objectif ne doit pas être l’équilibre budgétaire, mais la vraie « règle d’or des finances publiques », l’équilibre des finances hors dépenses d’investissement, ce qui autorise, pour la France, un déficit structurel de l’ordre de 2,4 % du PIB. Augmenter les impôts, réduire les dépenses n’a pas de sens du point de vue macroéconomique.

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Le mythe de la réforme fiscale

Le poids de la crise

Au contraire, la stratégie préconisée par le FMI, l’OCDE, la Commission européenne consiste à réduire rapidement le niveau des déficits publics. Le risque est alors de s’engager dans une longue période de stagnation ; ; les rentrées fiscales diminuent ; les déficits publics et les ratios de dettes ne sont guère améliorés. Compte tenu de la menace des marchés financiers et des agences de notation, les pays européens ont choisi la seconde stratégie, ce qui n’a pas permis une franche reprise, et semble conduire à une impasse.

Le second choix est entre baisses de dépenses publiques et hausses d’impôt. Les institutions internationales mettent en garde contre les hausses d’impôts (et surtout d’impôts directs) qui nuiraient à la compétitivité des entreprises, à la volonté des ménages de travailler, d’épargner et d’investir. Elles préconisent des baisses des dépenses publiques et sociales, dont elles nient l’utilité économique et sociale. Seule, la TVA qui pèse sur la consommation, pourrait être augmentée. Pour favoriser l’emploi, les pays devraient continuer à baisser les impôts touchant les entreprises (IS, cotisations sociales employeurs). Ainsi, cette stratégie suppose-t-elle la poursuite de la concurrence fiscale. Le risque est qu’elle ait un fort impact dépressif sur la demande, puisqu’elle réduit des dépenses qui ont un fort impact sur la demande.

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Le mythe de la réforme fiscale

Le poids de la crise

L’autre stratégie viserait à préserver le modèle social européen, et donc un niveau élevé de dépenses publiques et sociales, en comptant sur ses avantages comparatifs (éducation et santé de haut niveau gratuites pour tous, infrastructures publiques, prestations sociales) pour rester compétitifs.

Dans cette optique, il faudrait taxer les transactions financières, augmenter l’imposition des revenus financiers, des plus-values, des hauts revenus, des patrimoines les plus élevés, créer un taux d’imposition confiscatoire sur les revenus exorbitants.

A l’échelle européenne, ceci nécessite une stratégie d’harmonisation fiscale, interdisant la concurrence déloyale, fixant des taux d’imposition minimale pour les entreprises, les revenus élevés, les patrimoines, garantissant à chaque pays la possibilité de taxer ses entreprises et ses résidents, organisant la montée en puissance de la taxation écologique

L’ Europe en est elle capable ?

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Du rôle de la fiscalité dans le nécessaire tournant économique

Le développement du capitalisme financier a provoqué un fort étirement de l’éventail des revenus et des patrimoines. Les bulles financières et immobilières ont entrainé une hausse cumulative de la valeur du patrimoine des plus riches. Une couche étroite de dirigeants d’entreprises ont obtenu des revenus fabuleux, en termes de salaires fixes, de primes et de stock-options.

En sens inverse, les difficultés de rentabilité, la concurrence mondiale accrue, la hausse du chômage ont changé le mode de gestion des salariés et brise d’unité des travailleurs. Aussi, les salariés se différencient-ils selon leurs statuts entre travailleur à statut, précaire et exclus.

Les contraintes écologiques vont nous obliger dans les années à venir à modifier en profondeur nos façons de produire et de consommer. Nous devrons renoncer au modèle de consommation ostentatoire où des besoins nouveaux sont en permanence imposés par les grandes entreprises. Nous avons le choix entre deux stratégies : faire porter les efforts sur les plus pauvres si ces contraintes se traduisent par des hausses de prix sans compensation ; passer à une société plus sobre et moins inégalitaire.

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Du rôle de la fiscalité dans le nécessaire tournant économique

La tendance à la dislocation de notre société ne peut être combattue par la seule fiscalité. L’action essentielle doit se situer au niveau du secteur productif et de la formation des revenus primaires. Il faut un nouveau Colbertisme européen, à la fois pour défendre l’industrie européenne et pour réorienter la production et la consommation vers des techniques vertes et économes, par une stratégie offensive d’aide aux secteurs d’avenir.

La hiérarchie des revenus doit être fortement resserrée dans les entreprises, dont les capacités de développement et d’innovation dépendent de l’effort de tous les salariés. Il faut réduire l’externalisation des tâches et la sous-traitance pour restaurer l’unité des salariés à l’intérieur de chaque entreprise. En même temps, les activités financières doivent être encadrées et leur importance fortement réduites. Les banques doivent être recentrées vers leurs fonctions de base.

La fiscalité a un rôle à jouer pour inciter les entreprises et les banques à un comportement tourné vers la production. Elle doit favoriser l’investissement plutôt que la distribution de dividendes et les activités financières. Elle doit inciter aux économies d’énergie plutôt qu’aux réductions d’emplois. Elle doit taxer au niveau des entreprises les distributions de revenus au-delà d’un certain niveau.

Cette stratégie fiscale devrait donc être européenne, mais qui peut l’impulser en Europe ?

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Les quatre stratégies…

Une stratégie axée sur la réduction des impôts frappant les entreprises afin d’améliorer la compétitivité et l’attractivité de la France. Les entreprises, moins taxées, investiraient plus en France et créeraient des emplois, ce qui compenserait la baisse initiale d’impôt. Au départ, il faudrait augmenter les impôts payés par les salariés et les ménages, donc accepter une certaine baisse de niveau de vie pour être plus compétitif. Se pose la question du choc initial sur la demande et de l’acceptation sociale d’une telle stratégie. C’est, de plus, une stratégie de concurrence salariale peu coopérative à l’échelle européenne.

Une stratégie de rationalisation visant à supprimer les niches fiscales et sociales, ce qui imposerait de renoncer à l’interventionnisme fiscal, ce qui est satisfaisant dans certains cas (la fiscalité de l’épargne), moins dans d’autres. Ses gains sont sans doute surestimés.

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Quelle stratégie pour la réforme fiscale ?

Une stratégie axée sur la hausse des impôts des plus riches. Dans cette optique, il faudrait en priorité rétablir l’ISF, augmenter les droits de successions, taxer les revenus du capital au barème, augmenter la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu, créer un taux confiscatoire pour les revenus exorbitants. Il faudrait aussi lutter contre tous les dispositifs permettant l’évasion fiscale. Cette stratégie demande de prendre en parallèle des mesures fortes contre l’exil fiscal, puisque la France est déjà l’un des pays qui taxe le plus les plus riches. Elle doit s’inscrire dans un contexte européen.

Une stratégie écologique faisant monter en puissance la fiscalité écologique. Mais, son impact sur la compétitivité risque d’être lourd si cette stratégie ne se place pas dans un cadre européen.

La réforme fiscale n’est pas chose aisée.